Madame la Présidente, je suis heureux que nous fassions salle comble ce soir pour débattre de ce projet de loi d'initiative parlementaire captivant. Il s'agit effectivement d'un moment très important dans l'histoire du Canada.
En ce qui me concerne, il s'agit d'un moment qui me permet de boucler la boucle, car il me donne l'occasion de revenir sur la première fois que mes mots ont été consignés au hansard, c'est-à-dire le 27 septembre 2016. De plus, à l'époque où j'étais conseiller municipal, j'ai témoigné devant le comité des opérations gouvernementales, qui avait un comité spécial sur les services bancaires postaux. Si j'en parle, c'est parce que le député de Baie de Quinte, que j'aime bien, fait un travail phénoménal quand il parle de toutes les certitudes du capitalisme, de tous les symptômes, de tous les maux et de toutes les façons dont la réglementation des cartels et des monopoles façonne l'économie canadienne. Pourtant, les conservateurs semblent parfois vraiment rater la cible, si ce n'est la plupart du temps, voire tout le temps. Bien qu'il soit vrai que nous appuierons probablement le projet de loi, je ne pense pas qu'il se penche vraiment sur la manière dont le cartel bancaire s'est emparé de l'économie canadienne et je vais dire aux députés pourquoi.
C'est sur l'observation que reposent mes idées politiques. En 2014, lorsque je me présentais comme conseiller municipal d'Hamilton, mon bureau de campagne se trouvait juste en face d'une société de prêt sur salaire. À la fin de chaque mois, environ une semaine avant la fin du mois, je voyais les centres de prêt sur salaire se remplir de gens. C’est à ce moment-là que j’ai compris que la plupart des gens qui recouraient à ces entreprises prédatrices, économiquement violentes et, oserais-je dire, extorqueuses avaient déjà un revenu fixe. J'ai également compris que beaucoup d’entre eux recevaient déjà de l'aide sociale, et que bon nombre travaillaient dur, mais n’avaient tout simplement pas assez d’argent pour boucler leur fin de mois à cause de la pauvreté engendrée par les lois. C'est pourquoi ces gens recourent aux sociétés de prêt prédatrices.
En tentant de mieux comprendre ce phénomène de violence économique, j'ai appris que le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes avait proposé une stratégie bancaire que j'ai trouvée tout à fait juste et sensée: les services bancaires postaux. Si j'aborde ce sujet dans le cadre de ce débat sur un projet de loi émanant d'un député, c'est parce qu'il me semble évident que tous les consommateurs devraient avoir le droit de rester maîtres de leurs données personnelles et que celles-ci ne devraient pas être prises en otage ou être utilisées par une banque toute-puissante pour faire de l'extorsion et empêcher les consommateurs de changer de banque. C'est un principe de base d'une économie juste que tout le monde devrait appuyer, mais ce n'est pas le cœur du problème. Si on veut parler d'un système bancaire ouvert, on doit aborder la question de la démarchandisation du système bancaire pour les plus vulnérables d'entre nous. Par exemple, une personne qui reçoit un chèque de l'aide sociale ou du programme ontarien de soutien aux personnes handicapées et qui n'est pas en mesure d'avoir un compte bancaire devrait payer des frais pour pouvoir toucher ces 720 $ ou 1 200 $ en Ontario.
Quand il est question de violence prédatrice, je me réfère au travail d’ACORN, qui fait un travail incroyable sur ce sujet et sur les services bancaires équitables. L'association a pointé, à juste titre, les intérêts que perçoivent sur les prêts les sociétés easyfinancial, Money Mart et Cash Money. Par exemple, sur un prêt de moins de 1 500 $ censé être remboursé en deux semaines — et nous savons que si une personne dont le revenu est fixe n'a pas l'argent à la fin du mois, elle ne l'aura probablement pas dans les mois qui suivent —, les taux d'intérêt annuels composés sont de l'ordre de 400 % à 600 %. Par contraste, au fédéral, nous adoptons des mesures législatives qui caractérisent l'extorsion ou le prêt usuraire comme un taux de 60 %, plus les intérêts et autres frais. Ainsi, quand les prêts dans ce secteur prédateur ont bondi de 300 % entre 2016 et 2020, ACORN a fait ce qu’il fallait et a lancé une campagne à ce sujet.
Je suis fier de dire qu'une autre occasion m'est donnée de boucler la boucle dans cet échange en référence à l'époque où j'étais conseiller municipal et où j'ai présenté une motion à la suite de laquelle, pour la première fois en Ontario, une municipalité a réglementé les prêts sur salaire.
Je suis un fier Hamiltonien d'Hamilton-Centre, qui est le berceau de Tim Hortons. À une certaine époque, il y avait plus de prêteurs sur salaire à Hamilton-Centre que de Tim Hortons. Les députés savent‑ils qui était à l'époque le président de l’Association canadienne des prêteurs sur salaire? De nombreux membres du gouvernement connaissent bien cette personne. Il s'agissait de Stan Keyes, un ancien député libéral qui faisait la promotion des prédateurs et extorqueurs du secteur des prêts sur salaire. Que s'est‑il passé? Nous avons fini par nous débarrasser de lui, et il a laissé Hamilton tranquille. L'Association a dû changer de nom.
Pourquoi est‑ce que je reviens sur ce point? Parce que les Canadiens les plus vulnérables ne devraient pas avoir à s'inquiéter et à se demander s'ils peuvent transférer leurs renseignements d'une banque à l'autre. Ils ne peuvent même pas s'ouvrir un compte bancaire. Comment pouvons-nous entamer une conversation sur le système bancaire ouvert alors que tous les Canadiens n'ont pas accès à une banque?
Je voudrais revenir au cas du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes. Les conservateurs ont tenté de saigner Postes Canada et de privatiser ce service. Les libéraux, bien entendu, ont fait de même peu de temps après. Ils ont envisagé de mettre fin au service de livraison du courrier à domicile et à tous les autres services sur lesquels comptent les Canadiens. Nous le leur avons vivement reproché, et le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes a proposé un excellent programme intitulé « Vers des collectivités durables ». Ce programme prévoyait notamment des services bancaires postaux.
Les députés le savent peut-être, mais le Protocole du service postal canadien de Postes Canada prévoit la possibilité d'offrir des services bancaires postaux. À l'ère de l'économie numérique, nous devons permettre à tout le monde d'accéder à un système bancaire ouvert. À une époque où chacun a besoin de pouvoir transférer des fonds à partir d'une institution financière, il ne s'agit pas seulement d'un enjeu lié à la protection des renseignements, mais aussi de la liberté de disposer d'un secteur bancaire démarchandisé.
Lorsque je parle de démarchandisation, je fais référence aux cartels que nous avons laissé se créer au Canada. Je tiens d'ailleurs à dire qu'à entendre le député de Baie de Quinte, je vois qu'il a bien cerné le problème. En raison de l'émergence de ces cartels, les taux d'intérêt des cartes de crédit et les frais de service ont augmenté de manière fulgurante.
Quand j'étais un petit entrepreneur, je suis allé un jour effectuer un dépôt en espèces. J'ai remarqué qu'on m'avait facturé 5 $ pour ce qu'on qualifiait de « FDE ». J'ai demandé aux employés de la banque ce que cela pouvait bien être. On m'a répondu qu'il s'agissait de frais de dépôt en espèces. Une banque me faisait payer des frais mensuels de 5 $ simplement pour déposer de l'argent dans un compte bancaire. C'est grotesque. Nous devons mettre un frein à de telles pratiques. Cette mesure est donc un premier pas dans la bonne direction. Cependant, si nous ne libérons pas notre secteur bancaire de l'emprise réglementaire des cinq grands cartels bancaires du pays, elle sera loin d'être suffisante.
Or, le Protocole du service postal canadien de Postes Canada nous offre une occasion. Nous avons des infrastructures. J'ai parlé de Tim Hortons et de son omniprésence au Canada. Eh bien, partout au pays, il y a de petits bureaux de poste prêts à offrir des services bancaires postaux. On en trouve, par exemple, dans le Nord, près des collectivités autochtones, métisses et inuites et des réserves des Premières Nations. Ces bureaux sont déjà là. Il ne nous reste donc qu'à les autoriser à offrir des services bancaires de base à la population.
Ainsi, une personne ayant un revenu fixe et recevant de l'aide sociale tous les mois — dans le cadre du programme Ontario au travail ou du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées — pourrait, au lieu de se faire extorquer de l'argent par les sociétés de prêts sur salaire, se rendre au bureau de poste local, retirer cet argent et essayer de s'adapter à une économie où beaucoup trop de gens sont laissés pour compte.
Ce que fait mon collègue, le député de Baie de Quinte, est louable. J'estime que c'est un député bien informé qui est au fait des torts causés par le capitalisme. Je le mets au défi de faire davantage que bricoler un système bancaire ouvert et de nous laisser aller jusqu'au bout. Allons jusqu'au bout et ouvrons le système bancaire aux Canadiens d'un océan à l'autre, peu importe combien d'argent ils possèdent et l'endroit où ils vivent.