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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 26 octobre 1995

.0903

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Nous étudions le projet de loi C-102. Nous accueillons Mme Patricia Close, directrice de la Division des tarifs au ministère des Finances, ainsi que M. Mike Jordan et Mme Candice Breakwell, de Revenu Canada.

Avez-vous des remarques liminaires à faire au sujet du projet de loi?

Mme Patricia Close (directrice, Division des tarifs, ministère des Finances): Merci, monsieur le président. En effet, nous aimerions faire quelques remarques liminaires.

David Walker devait vous les communiquer, mais il n'est pas encore arrivé. Si le président le désire, nous pouvons certainement commencer. Lorsque M. Walker arrivera, je lui dirai où nous en sommes et il pourra prendre le relais.

Le président: Préférez-vous attendre M. Walker?

La greffière du comité: M. Walker a fait dire qu'il venait.

Le président: Il vaudrait peut-être mieux que vous commenciez. M. Walker pourra enchaîner, s'il a quelque chose à ajouter.

Mme Close: Très bien.

Le projet de loi C-102 contient un certain nombre de propositions visant des changements tarifaires et des changements connexes, y compris trois modifications importantes qui doivent accroître la compétitivité des entreprises canadiennes et faciliter les formalités douanières pour les voyageurs.

.0905

Les changements proposés auront des effets notables, puisqu'ils touchent un domaine où les échanges commerciaux représentent des milliards de dollars. Ils auront aussi des répercussions économiques favorables sur les entreprises canadiennes et sur les régions et les consommateurs qui appuient les propositions.

Les producteurs canadiens voient d'un bon oeil l'amélioration des programmes de report des droits et les réductions tarifaires sur les importations d'intrants. Les changements feront baisser le coût des intrants, les frais de trésorerie et les coûts administratifs, ce qui accroîtra la compétitivité sur les marchés intérieurs et les marchés d'exportation.

Dans le monde entier, les programmes de report des droits réduisent les contraintes de trésorerie et le coût des intrants, ce qui permet aux entreprises de produire des biens destinés à l'exportation à des prix plus bas, plus concurrentiels. Ces programmes contribuent à promouvoir les exportations s'ils sont faciles d'utilisation et d'accès pour les entreprises de toutes tailles.

Les changements que, par ce projet de loi, l'on propose d'apporter au programme canadien de report des droits doivent assurer notre compétitivité dans les zones franches du monde, parce qu'ils entraîneront des économies de droits et de taxes et qu'ils simplifient sur le plan administratif le recours à ces programmes.

La section du projet de loi visant le report des droits contient des changements à la Loi sur l'accès à l'information. Ces changements garantissent que les renseignements confidentiels que les entreprises canadiennes communiqueront au gouvernement au sujet des contribuables ne seront pas transmis à des tiers.

La réduction des tarifs de douane applicables à plus de 1 500 lignes tarifaires dans lesquelles s'inscrivent un large éventail d'intrants du secteur manufacturier est une autre des mesures envisagées dans le projet de loi pour favoriser la compétitivité. Des réductions tarifaires s'appliqueront en outre à certains produits finis utilisés dans les opérations de fabrication au Canada.

Les réductions tarifaires aideront les entreprises à demeurer concurrentielles parce qu'elles abaissent leurs coûts de production et leur permettent de profiter des perspectives d'expansion ouvertes par la libéralisation des échanges en Amérique du Nord et dans le monde.

Le projet de loi C-102 relève en outre les exemptions de droits et les exonérations fiscales à l'intention des voyageurs canadiens qui rentrent au Canada, pour les harmoniser avec celles de nos principaux partenaires commerciaux. Ces changements profiteront aux voyageurs, et Douanes Canada pourra concentrer ses efforts dans des domaines prioritaires comme la contrebande et l'accroissement des échanges.

Vous le savez sans doute, les dispositions visant les voyageurs ont pris effet le 13 juin 1995, date à laquelle l'avis de motion des voies et moyens qui annonçait les changements a été diffusé. Le grand public a, en règle générale, bien accueilli ces changements.

Les formalités douanières auxquelles doivent se prêter les passagers seront aussi simplifiées par l'adoption de tarifs généraux qui rationalisent la perception des droits et facilitent le passage frontalier.

Ces dernières semaines, les mesures touchant l'évaluation en douane prévues dans le projet de loi C-102 ont attiré l'attention. Les dispositions proposées viennent préciser l'interprétation adoptée de longue date par Revenu Canada : la valeur servant de base au calcul des droits et taxes applicables aux produits importés est le prix que paie ou devrait payer l'acheteur canadien. Les modifications proposées maintiennent le statu quo et s'harmonisent avec les règles du GATT, le Code de la valeur en douanes de l'OMC et l'ALÉNA.

En outre, elles remédient à un problème défini et corrigé par certains de nos principaux partenaires commerciaux. La modification assure la protection tarifaire accordée aux producteurs canadiens et protège les recettes gouvernementales.

Le programme de la machinerie rembourse les droits applicables à certaines machines et à certains équipements qui ne sont pas produits au Canada. Le projet de loi élimine les droits administratifs exigés des participants au programme, puisque ces droits n'ont plus aucune utilité et produisent des recettes négligeables.

Les délais applicables aux demandes de remboursement présentées en vertu du Programme de la machinerie sont par ailleurs ramenés de cinq ans à deux ans. Ce changement laisse aux entreprises canadiennes le temps de soumettre les demandes de remboursement des droits versés sur la machinerie et l'équipement admissibles, mais il garantit que seuls les remboursements visant des biens véritablement admissibles sont autorisés.

Une augmentation tarifaire prévue dans le projet de loi C-102 entraîne l'élimination du traitement en franchise qui était accordé pour certaines chaussures en caoutchouc en vertu du Tarif préférentiel britannique. Ce changement s'impose pour protéger l'industrie canadienne de la chaussure et les emplois dans ce secteur. Par conséquent, les chaussures de caoutchouc importées de pays de la zone du Tarif préférentiel britannique, à l'exception de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, seront traitées comme celles provenant d'autres pays.

.0910

Enfin, le projet de loi C-102 apporte un certain nombre d'autres changements techniques et administratifs au tarif douanier. Malheureusement, quelques erreurs techniques se sont glissées au moment de la rédaction du projet de loi. M. Walker propose donc des motions pour amender plusieurs dispositions du projet de loi C-102 et il a déposé un document qui explique et justifie les amendements, aux fins d'examen par le comité.

Les représentants du ministère des Finances et M. Walker répondront avec plaisir aux questions des députés sur le projet de loi C-102. Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, madame Close.

Je crois que mes collègues n'ont pas beaucoup de questions à poser pour l'instant. Ils en auront peut-être lorsque nous aurons entendu d'autres témoins. Si vous n'avez pas de questions à poser à ces témoins, nous pouvons peut-être les excuser et entendre les suivants avant de revenir à eux.

M. Grubel (Capilano - Howe Sound): La question des zones franches est un de mes intérêts d'universitaire. J'ai rédigé une étude qui a été publiée par le Fraser Institute. J'y suggérais que nous suivions l'exemple des États-Unis et d'autres pays. À l'époque, j'avais communiqué avec les représentants du Canada, qui m'avaient dit craindre que des mesures d'encouragement locales n'entravent les activités de la zone franche dans des secteurs précis. J'accepte le coût de cette position.

Je me demande simplement si vous avez examiné avec soin les avantages ou les problèmes liés au concept de la zone franche appliqué aux États-Unis et ailleurs. Pourquoi le Canada a-t-il rejeté ce modèle?

Mme Close: La réponse à votre question est simple. Oui, nous étudions la question depuis plusieurs années. Vous vous souvenez sans doute qu'un comité mixte nous avait suggéré de l'étudier. C'est ce que le ministère des Finances et le ministère du Revenu ont fait il y a quelques années, et un rapport a été transmis au comité. Le ministre des Finances et le ministre du Revenu ne voyaient pas l'intérêt de ce modèle pour le Canada.

Attendu les avantages de la zone franche, toutefois, nous avons entrepris de réviser nos programmes de report des droits, pour les harmoniser avec ceux des zones franches. C'est exactement ce qui est proposé dans le projet de loi C-102. Nous avons pris les trois programmes de report des droits qui étaient sur pied, nous les avons amalgamés, nous avons rendu le nouveau programme plus facile d'accès aux petites et moyennes entreprises et nous en avons simplifié le fonctionnement. Autrement dit, nous avons examiné ces programmes et nous avons simplifié les formalités permettant de reporter immédiatement les droits. Auparavant, ces programmes étaient plus difficiles d'accès pour les petites et moyennes entreprises. Seules les grandes entreprises pouvaient vraiment se prévaloir des possibilités de report, qui constituent le principal attrait de la zone franche.

Nous avons donc tenté de créer des zones franches qui offrent, dans toute la mesure du possible, les mêmes avantages que celles des États-Unis et d'ailleurs. Nous avons en outre amélioré le concept parce que nous le mettons à la disposition des entreprises de tout le pays, pas seulement de celles de régions données.

Croyez bien que nous continuerons à examiner ces programmes, à les étudier. Nous continuerons à chercher des façons d'améliorer la compétivité des entreprises canadiennes relativement aux zones franches des États-Unis. C'est très important pour les entreprises canadiennes, parce que nous devons souvent concurrencer les entreprises des zones franches qui sont à nos frontières.

M. Grubel: J'ai discuté avec des Américains. La législation a entraîné la mise en valeur immobilière et le développement de certaines régions désignées pour des activités précises sur lesquelles il est inutile d'élaborer ici.

.0915

Je me demande si la législation contient des mesures qui empêcheront les promoteurs de se prévaloir de ces retraits de droit et de ce genre de choses.

Ma circonscription, par exemple, englobe la ville de Squamish. La base économique de cette ville disparaît parce qu'il n'y a plus d'arbres à couper dans la région, à cause de la protection de l'environnement et de divers autres facteurs. Squamish est merveilleusement bien située : il y a un port, un chemin de fer, des routes, la proximité de Vancouver... bref, elle présente de nombreux avantages. Ce serait l'endroit idéal pour ériger des entrepôts et des installations de transformation à faible valeur ajoutée en vue de réexporter les produits aux États-Unis ou ailleurs. Des entrepreneurs ont tenté de convaincre le gouvernement de les laisser agir ainsi.

Le projet de loi, sous sa forme actuelle, permettra-t-il à ces personnes d'aller de l'avant, de monter cette installation et de jouir de tous les avantages que les Américains et les habitants d'autres pays ont déjà?

Mme Close: Tout à fait. Le gouvernement fédéral annonce qu'il adoptera une loi fédérale pour permettre aux régions d'établir des zones franches. On pourra les appeler zones franches. Dans ces zones, on pourra ouvrir des entrepôts de stockage, faire des formalités douanières, ajouter des infrastructures municipales et provinciales. C'est exactement ce que nous voulons faire. En fait, diverses municipalités du pays se sont engagées dans cette voie; elles commencent à se désigner comme zones franches et à s'annoncer comme des facteurs de concurrence par rapport aux zones franches américaines.

M. David Walker (Secrétaire parlementaire du ministre des Finances): Permettez-moi, monsieur Grubel, de préciser que nous voulons éviter les problèmes courants du développement régional et que nous ne tenterons donc pas de définir qui devrait participer à ces initiatives et qui devrait en être exclu. Ce que nous voulons, c'est de définir et de promouvoir l'activité plutôt que l'espace. Si les administrations municipales, régionales ou provinciales veulent désigner un secteur où implanter leurs propres programmes, rien ne les en empêche. Nous voulons aider par notre activité et diverses mesures, et non pas nous en tenir à la géographie.

M. Grubel: J'en suis conscient. Cet aspect m'a toujours posé un dilemme lorsque j'y travaillais en tant qu'universitaire. Lorsque toutes les lois s'appliquent de façon uniforme et offrent une protection uniforme, il vaut mieux mener une activité économique donnée dans une certaine région du pays, à cause des routes et des autres réseaux de transport, mais si des avantages tarifaires entraînent le déplacement de cette activité au profit d'une autre région, alors tant que cette activité se déroule là où elle est moins efficace, il y a gaspillage de ressources, par définition. C'est un des sacrifices qu'il faut faire.

Par contre, il est possible de promouvoir une région précise parce que l'infrastructure et notamment les services de ceux qui administrent ces règles peuvent y être concentrés. Il y a des économies d'échelle qu'on peut faire miroiter. Du point de vue social, c'est délicat, mais aux fins du développement économique, les régions qui sont le plus à même de mettre sur pied des zones franches devraient certainement le faire, sans tenir compte, à mon avis, de l'efficacité de la répartition. C'est bien sûr un jugement empirique.

Maintenant que vous avez répondu à ma question, je crois que si la ville de Squamish veut aller de l'avant, s'annoncer comme zone franche, avec ou sans clôture, la législation que nous examinons lui permet de le faire. Vous fournirez les installations.

Diriez-vous qu'il faudra en faire une zone hors taxe, isolée et libre? Est-ce que cette zone sera facile à administrer? Est-ce que tout ce qui se trouve dans les installations elles-mêmes est considéré comme stocké? De quelle façon le système fonctionne-t-il?

.0920

Mme Close: Le système fonctionne comme si une entreprise donnée ou un groupe d'entreprises le mettait sur pied. Si c'est possible au centre-ville de Montréal, c'est possible à Squamish.

En gros, si une telle zone est créée tout sera fait pour les responsables : installations douanières, formalités administratives, etc. Ce n'est pas une zone hors taxe en tant que tel. Il faudra faire reporter les droits et remplir toutes les formalités nécessaires.

Pour que la chose soit possible, il faut sans doute installer un entrepôt de stockage sur place, pour profiter des dispositions concernant les entrepôts de stockage.

C'est le principe. La ville pourrait s'annoncer comme facilitateur du processus; elle l'offrirait aux intéressés et elle pourrait aussi offrir des infrastructures municipales. Elle pourrait lancer un projet de mise en valeur immobilière - ce genre d'avantages - pour attirer les entreprises à Squamish dans ce cas particulier.

M. Grubel: Par contre, la mise en application fait problème. Des produits arrivent, et s'ils doivent être placés dans un entrepôt de stockage ils sont difficiles d'accès aux fins d'examen, de traitement, etc.

Les coûts d'administration seront élevés, pour les intéressés et pour votre ministère.

J'aurais pensé qu'il serait beaucoup plus économique d'établir un secteur géographiquement défini dans lequel les produits pourraient circuler librement sans qu'il faille procéder à des contrôles et rester à l'intérieur d'un entrepôt de stockage.

De quelle façon avez-vous réglé ce conflit d'application dans la législation que vous préconisez?

Mme Close: Comme la responsabilité de l'application du tarif douanier incombe aux représentants de Revenu Canada, Candice Breakwell pourrait peut-être répondre à votre question.

M. Grubel: Permettez-moi de poser d'abord les hypothèses. Disons que vous avez dix entrepôts de stockage, chacun appartenant à une grande entreprise. Certains produits sortiront de ces entrepôts pour être traités, puis ils y seront ramenés.

À mon avis, il semblerait plus efficace de construire autour de ces dix entrepôts de stockage une seule clôture, d'aménager une seule porte et de permettre la libre circulation des biens dans de ce périmètre.

Quel modèle précis la législation encourage-t-elle?

Mme Candice Breakwell (directrice intérimaire, Programmes d'exonération de droits, Service d'administration des politiques commerciales, Revenu Canada): C'est selon le fabricant. S'il s'agit d'un exploitant d'entrepôts de stockage, plusieurs entreprises peuvent se retrouver dans le même secteur et les biens peuvent circuler librement à l'intérieur de ce secteur. C'est la même chose pour les fabricants : les produits peuvent circuler librement.

La législation permettra la libre circulation des biens entre deux éléments du programme de report des droits, c'est-à-dire l'entrepôt de stockage et les installations de transformation.

M. Grubel: D'accord. Nous verrons bien ce que cela donne.

Je suis heureux, monsieur le président, que cette possibilité existe. Je suis très heureux pour la ville de Squamish et pour d'autres régions qui, j'ose l'espérer, profiteront de cette possibilité.

M. Walker: Je sais, d'après la correspondance des ministères et les rencontres, que plusieurs initiatives sont en cours actuellement au pays. Le concept a suscité beaucoup d'intérêt.

M. Grubel: Évidemment, il est ironique que la nécessité et les avantages de telles zones diminuent en fonction du niveau des tarifs, et les zones franches n'ont guère à offrir lorsque des quotas sont en place. En plus, ces zones n'ont aucun effet sur les autres règlements qui freinent l'activité économique, dont les lois du travail, les lois sur l'environnement et la sécurité, des facteurs de ce genre.

Ce n'est pas de votre ressort, mais les zones franches ne doivent pas offrir simplement une déréglementation par rapport au coût des exportations et des importations. Il faut aussi y sentir une libéralisation de l'activité économique et, tant qu'il n'y aura pas de débordement sur le reste de l'économie, l'activité économique devrait y être plus libre et plus concurrentielle. Je crois que le concept a donné les résultats voulus et qu'il a notablement contribué au développement dans des pays comme la Jamaïque. Toutefois, la question ne me paraît pas très importante au Canada.

Le président: Nous voulons certainement tenter d'éliminer les externalités.

M. Grubel: Il se met à l'économie politique. Il est très doué.

.0925

Le président: Merci, monsieur Grubel, de votre très intéressante contribution à la discussion.

Monsieur Pillitteri, vous aviez une question à poser.

M. Pillitteri (Niagara Falls): En effet, monsieur le président. Merci.

Je m'excuse, monsieur Grubel, mais je suis arrivé avec un peu de retard et je n'ai pas eu la chance d'entendre tout votre exposé. Vous parliez de zones franches.

Permettez-moi de poser la question suivante. Le projet de loi va plus loin que la zone franche. Il ne porte pas sur des secteurs désignés où des gens d'affaires devraient se réinstaller, comme c'est le cas à l'heure actuelle aux États-Unis. Le concept proposé est un peu différent, parce que les entreprises peuvent l'appliquer là où elles se trouvent.

Si j'étais importateur, je verrais bien les avantages de la législation. J'importe, j'effectue une transformation à valeur ajoutée et j'exporte. Ce type de zone franche, si vous voulez appeler ainsi le concept proposé par la législation, est beaucoup plus simple.

Supposons que mon activité ne se limite pas à l'exportation. Je pourrais aussi en profiter. Devrais-je désigner une partie de ce que j'importe et une partie de ce que j'exporte? Est-ce qu'il y a un plafond? De quelle façon le projet de loi s'applique-t-il?

Mme Breakwell: Là encore, tout dépend du volet du programme que vous utilisez. Si vous exploitez un entrepôt de stockage, tous les biens peuvent être stockés en vue de l'exportation. Si vous êtes un fabricant - un particulier, par exemple - vous utilisez le volet fabrication, et tout dépend de vos intentions d'exportation. Autrement dit, c'est selon la quantité de biens que vous avez l'intention de fabriquer et d'exporter. On se fonderait sur vos projections pour calculer le pourcentage d'importation en franchise.

Mme Close: En gros, vous pouvez travailler en fonction d'un pourcentage. Vous faites une évaluation, puis vous la corriger à la fin de l'année selon l'activité réelle.

M. Pillitteri: Dans ce cas, j'aimerais savoir ce qui se passerait si j'avais prévu 25 p. 100. J'importerais l'équivalent de 25 p. 100 de mon chiffre d'affaires et j'exporterais 60 p. 100, par exemple. Entre-temps, j'utilise le pourcentage le plus faible. Est-ce que je serais pénalisé pour avoir profité des dispositions de la législation?

Mme Breakwell: Vous voulez dire, si vos exportations sont plus élevées que prévu?

M. Pillitteri: Oui, si elles sont plus élevées que les chiffres que j'ai fournis.

Mme Breakwell: Des rajustements pourraient être apportés.

M. Pillitteri: Seulement des rajustements? Merci. Vous avez répondu à ma question.

Le président: Merci, monsieur Pillitteri.

Je voudrais poser une question à Michael Jordan. Est-ce que vous jouez au basket-ball?

M. Mike Jordan (directeur, Division de l'établissement de la valeur, Revenu Canada): J'aimerais avoir autant de talent que certains autres.

Le président: Ah bon!

Merci beaucoup. Je vous demanderais de rester avec nous pour nous aider à bien comprendre les interventions de nos autres témoins.

M. Walker: Monsieur le président, les fonctionnaires pourront revenir à la fin de la journée pour résumer les interventions des témoins et pour vérifier si les membres du comité comprennent bien pourquoi nous rejetons certaines des objections très détaillées suscitées par quelques-unes des questions clés. Ils se feront un plaisir de fournir au comité des précisions au sujet des raisons sous-jacentes à notre activité.

Le président: C'est parfait, monsieur Walker. Nous aimerions que vous restiez avec nous.

M. Walker: Avec plaisir.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant faire une courte pause pour permettre à nos prochains témoins de s'installer. Ils représentent la Chambre de commerce.

.0931

Le président: Nous allons reprendre la séance. Les témoins qui discutent maintenant avec nous du projet de loi C-102 ce matin représentent la Chambre de commerce du Canada. Monsieur Page, voudriez-vous faire les présentations? Nous aimerions savoir qui vous accompagne.

M. Timothy I. Page (premier vice-président, Chambre de commerce du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis ravi d'être ici ce matin.

Aujourd'hui, je suis en compagnie de Jana Bogelic, employée d'Atlas Copco Compressors Canada, de Larry James, de la société Foster International, et d'Eric Miller, membre du personnel de la Chambre de commerce du Canada.

Nous nous proposons, monsieur le président, de faire un exposé divisé en trois parties : de très brèves remarques liminaires, que je ferai moi-même, un exposé sur les aspect techniques de la question qui nous réunit ce matin, et un exemple concret des effets de la mesure sur les entreprises canadiennes. Nous nous ferons ensuite un plaisir de répondre à vos questions et à celles de vos collègues.

Le président: Merci, monsieur Page.

M. Page: D'après la Chambre de commerce du Canada, les changements que les articles 45 et 46 du projet de loi C-102 apporteraient au Programme de la machinerie vont à l'encontre du but recherché. Le projet de loi ramènerait de cinq à deux ans le délai de remise de droits accordé aux importateurs. À notre avis, la compétitivité du Canada en souffrirait, et de nombreux importateurs ne pourraient plus toucher les remboursements auxquels ils ont droit à l'heure actuelle.

Le Programme de la machinerie a été mis sur pied en 1968 en vertu des engagements pris par le Canada dans le cadre du Kennedy Round du GATT. Son objectif principal est d'encourager le développement du secteur industriel en permettant aux utilisateurs de machinerie d'acquérir des biens d'équipement perfectionnés au plus bas coût possible et, parallèlement, en fournissant une protection tarifaire aux producteurs canadiens de machinerie sur le marché intérieur.

Si les fabricants canadiens doivent accroître leur productivité et maintenir et améliorer leur compétitivité sur les marchés internationaux, il est essentiel qu'ils puissent acquérir des machines modernes et efficaces. La remise de droits sur l'équipement de pointe qui n'est pas produit au Canada fait beaucoup à cet égard.

Attendu les résultats du programme et son maintien aujourd'hui encore, nous sommes un peu surpris de cette soudaine intention de modifier les délais de remboursement. Dans un Avis de motion des voies et moyens, le gouvernement a annoncé qu'il allait revoir le Programme de la machinerie, en vue de l'éliminer d'ici à 1998. La Chambre de commerce ne s'oppose pas à un examen visant à vérifier l'efficacité du programme. Toutefois, il est assez curieux qu'après avoir annoncé son intention d'éliminer le programme dans trois ans, le gouvernement cherche maintenant à modifier le délai prescrit pour les remboursements.

La Chambre de commerce croit qu'à tout le moins, le gouvernement devrait étudier la question dans le cadre de l'examen du programme. Il ménagerait ainsi un délai essentiel pour déterminer l'effet des changements proposés, qui n'a pas encore été pleinement évalué. Si tout le programme doit être éliminé, pourquoi faut-il modifier les dispositions relatives au remboursement?

.0935

Prêchant par l'exemple, la Chambre de commerce a étudié d'assez près les dispositions relatives au délai. Je demanderais à Larry James d'expliquer nos réserves techniques à ce sujet.

M. Larry N. James (premier consultant, Chambre de commerce du Canada): Monsieur le président, je suis ici pour tenter de vous expliquer les rouages du programme.

En gros, le programme compte deux étapes. Il y a une étape où, afin d'être admissibles, les biens doivent être classés suivant une liste d'environ 500 numéros tarifaires. Lorsque c'est fait, il faut déterminer s'il est possible de se procurer les biens visés au Canada. Jusqu'ici, tout paraît assez simple, et c'est effectivement le cas. Parfois, le système fonctionne sans anicroche. Malheureusement, les choses se compliquent un peu. Je ne vais pas vous ennuyer avec des détails à ce sujet, mais j'aimerais vous expliquer le processus en procédant par analogie.

Songez par exemple à une course de haies que vous auriez cinq ans pour terminer. C'est là le délai prévu dans la législation actuelle. Il y a deux haies à franchir au cours de cette course. La première, comme je l'ai dit, est l'étape du classement tarifaire.

Le ministre responsable des douanes et de l'accise a deux ans pour changer le classement initial. Ce classement peut être contesté et être porté en appel. Il faut assez souvent deux ou trois ans pour régler cette question.

Notre concurrent - l'importateur canadien dans notre exemple - prend le départ dès que les marchandises arrivent au Canada. Au signal, il part en flèche vers le premier obstacle. Il est ensuite retardé par un désaccord au sujet du classement tarifaire. Il se tourne vers le mécanisme d'appel - et supposons qu'il s'agit d'un cas relativement simple qui est réglé en un an et demi. Je le précise, monsieur le président, parce que ces appels peuvent se rendre jusqu'au Tribunal canadien du commerce extérieur et parfois même jusqu'à la Cour fédérale du Canada.

Quoi qu'il en soit, disons que l'appel est réglé en un an et demi. Il faut ensuite déterminer la disponibilité du produit, comme je l'ai déjà mentionné. L'importateur a le droit de présenter une demande à Douanes et Accise Canada en ce qui concerne la disponibilité. Il faut généralement compter de trois à six mois pour réussir à établir si les biens ne sont effectivement pas disponibles au Canada.

Je tiens à préciser que les délais dont il s'agit ne s'appliquent pas à la présentation de cette demande, mais bien à la présentation d'une demande de remboursement. Je ne peux présenter ma demande de remboursement tant que le ministre du Revenu national n'a pas approuvé ma demande de participation au programme. Dans l'exemple que je donne, vous voyez que nous avons déjà dépassé la limite de deux ans. Il est difficile de remplir toutes les formalités en cinq ans, vous pouvez donc vous imaginer quelles difficultés susciterait un changement abrupt des règles.

Le président: Quel délai proposeriez-vous?

M. James: À mon avis, le délai actuel est adéquat. Je crois que lorsqu'il a été fixé à cinq ans, au moment de la promulgation de la loi, les législateurs entrevoyaient les difficultés dont je parle. C'est pourquoi on a prévu une telle période.

.0940

Le président: Avez-vous autre chose à ajouter?

M. James: Non, c'est tout.

Le président: Je ne sais pas ce qu'en pensent mes collègues, mais je propose que nous demandions à Patricia Close de répliquer à cette intervention.

M. Grubel: Pourquoi a-t-on réduit le délai? Quel est le raisonnement sous-jacent?

Mme Close: Je crois que Candice devrait m'accompagner. C'est elle la spécialiste du domaine. Permettez-moi d'essayer de vous exposer les raisons stratégiques, puis Candice pourra vous fournir certains détails.

Au fond, toutes les autres dispositions de Revenu Canada prévoient une période de deux ans. Celle qui nous intéresse actuellement faisait exception, et Revenu Canada a parfois éprouvé des difficultés parce qu'il devait réagir parfois dans un délai de deux ans et parfois dans un délai de cinq ans. Je laisse à Candice le soin de vous fournir des détails à ce sujet.

Par ailleurs, à ma connaissance, lorsqu'il y a dans ce processus un appel qui met l'importateur dans l'impossibilité de respecter le délai de deux ans, une prolongation est accordée. Le règlement n'est pas appliqué à l'aveuglette.

Je demanderais maintenant à Candice d'expliquer les difficultés qu'éprouvait Revenu Canada lorsqu'en fait, le délai de cinq ans entrait en conflit avec les autres dispositions prévoyant des délais de deux ans.

Mme Breakwell: Premièrement, j'aimerais revenir sur la préoccupation de M. James au sujet des délais prescrits en cas de conflits relatifs au classement.

Il est juste que les désaccords en matière de classement peuvent traîner en longueur. Dans ces cas, nous proposons des modifications du règlement pour reporter le délai afin que les désaccords relatifs au classement, une fois réglés, puissent revenir au Programme de la machinerie, par exemple.

M. James a aussi raison en ce qui concerne les deux étapes du processus d'admission au programme. La première étape est l'examen de la classification. Les biens doivent s'inscrire dans certaines catégories pour être admissibles. En outre, il doit être impossible de se les procurer auprès de sources de production canadiennes.

Le classement nous causait des difficultés. Le ministère a le droit de modifier le classement dans les deux ans. Lorsque le délai de remboursement était de cinq ans, le ministère devait examiner des demandes portant sur des biens non admissibles. Le projet de loi garantit que le ministère n'accordera de remboursements que pour la machinerie et l'équipement admissibles.

Le président: Est-ce que cette réponse vous satisfait, monsieur James et monsieur Page?

M. Page: Je me demande, monsieur le président, si Mme Jana Bogelic ne pourrait pas vous donner un exemple concret de certaines des préoccupations des milieux d'affaires, pour situer un peu notre discussion technique.

Le président: Bien sûr.

Mme Jana M. Bogelic (membre, Chambre de commerce du Canada): Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie de me donner l'occasion d'exprimer mon point de vue, le point de vue d'une entreprise canadienne.

[Français]

Bonjour. Je m'appelle Jana Bogelic et je représente la compagnie Atlas Copco Compressors Canada. Je vous remercie de m'avoir invitée ce matin pour vous donner la perspective de l'entreprise qui doit travailler selon ce processus.

[Traduction]

Je peux vous fournir un exemple concret de ce qui se passe lorsqu'une entreprise canadienne doit participer au processus que M. James vient de vous expliquer.

Nous avons présenté une demande au gouvernement en 1989. Nous n'avons eu aucune difficulté à établir le classement tarifaire d'un produit que nous voulions importer en vertu du programme de remise sur les machines. Nos démarches ont abouti à la fin de 1993. Il a fallu quatre ans d'efforts pour faire inscrire un produit qui ne posait aucun problème sur le plan du classement tarifaire.

Nous croyons donc que le projet de loi propose une mesure nuisible et un peu injuste, compte tenu de notre expérience. Il nous a fallu un délai du même ordre - un peu plus de deux ans - dans un cas où le classement tarifaire ne suscitait aucune difficulté.

.0945

Si vous réduisez ce délai, nous ne sommes pas du tout certains que nos produits seront prêts. Nous ne sommes pas certains d'arriver à mettre nos produits sur le marché dans ces conditions. Il faut effectuer une étude de disponibilité, nous en convenons. Nous ignorons toutefois s'il convient vraiment de réduire le délai en ce qui concerne l'admissibilité des biens.

Nous voulons améliorer la situation des entreprises canadiennes. Je crois que nous sommes tous ici pour la même raison.

Je veux préciser que le produit dont j'ai parlé, qui a été à l'étude pendant quatre ans, a eu de nombreux effets bénéfiques. L'industrie des pâtes et papiers utilise maintenant du matériel de pointe, comme par le passé, mais cet équipement lui coûte moins cher aujourd'hui.

La technologie est disponible. Le prix réduit profite aux entreprises canadiennes, et nous en faisons aussi profiter nos clients.

Parmi les industries ou secteurs qui ont profité du programme de remise sur les machines, il y a les pâtes et papiers, l'industrie chimique et les mines.

Avec l'aide du ministère des Finances, nous avons réussi à abaisser les coûts et à accroître la compétitivité des entreprises canadiennes. Il n'est pas nécessaire de préciser à quel point l'industrie des pâtes et papiers est prospère aujourd'hui.

Le président: Merci.

Madame Close ou madame Breakwell, pourquoi est-il si important de ramener de cinq à deux ans cette période? Quel est l'intérêt de cette mesure pour le Canada?

Mme Close: Monsieur le président, je crois pouvoir vous l'expliquer. Revenu Canada n'a que deux ans pour relever les erreurs de classement, mais l'entreprise a cinq ans pour présenter une demande de remboursement. Disons qu'un produit importé a été mal classé; quelqu'un a importé non pas une machine mais une table en vertu du programme de remise sur les machines. Au bout de deux ans, Revenu Canada ne s'est pas aperçu que ce produit avait été mal classé, et l'entreprise a encore trois ans pour demander un remboursement de droits. Revenu Canada ne peut réviser le classement parce qu'il avait seulement deux ans pour le faire.

Le projet de loi vise simplement à uniformiser les délais applicables à la remise de droits et à la vérification du classement.

Le président: Est-ce que la Chambre de commerce serait disposée à accepter un délai de cinq ans dans les deux cas?

M. Page: Monsieur le président, nous comprenons ce que Mme Close vient d'expliquer, notamment en ce qui concerne les cas où la demande de remise est présentée après le délai de deux ans, quand le ministre n'a plus de recours. C'est une préoccupation qui nous semble tout à fait légitime.

Toutefois, nous ne croyons pas qu'il faille pénaliser la majorité des importateurs à cause de quelques cas malheureux. Si c'est là la raison d'être des changements proposés, comme le mentionne Mme Close, nous croyons qu'il vaudrait peut-être mieux trouver d'autres solutions à ce problème réel.

Nous suggérons, par exemple, d'habiliter le ministre à modifier le classement tarifaire au moment où la demande de remise est présentée, grâce à un ajout à l'article 63 de la Loi sur les douanes.

Je ne suis pas un spécialiste du domaine, mais d'après Jana et Larry ce serait là une façon de résoudre le problème exposé par le ministère des Finances puisque, comme vous pouvez le constater ce matin, la chose intéresse et inquiète l'entreprise.

Le président: Ce que vous dites me paraît tout à fait logique. Je ne sais pas si quelque chose peut être fait pour régler le problème dans le cadre de la loi.

M. Grubel: J'aurais une question à poser. Quelle est la valeur totale des remises effectuées par le ministère en vertu de ce programme au cours d'une année normale?

Mme Breakwell: Le programme comprend deux volets : l'exonération immédiate et la remise. L'exonération immédiate représente, je crois, 400 millions de dollars par année. J'ignore le montant total correspondant aux remises, qui sont des remboursements. Je peux me procurer ces chiffres.

M. Grubel: Je m'étonne que ce soit si élevé. Quel est le taux tarifaire applicable à ces produits? Quelle est la valeur totale de la machinerie importée donnant droit à ces remises?

Mme Breakwell: Je n'ai pas les chiffres sous la main, mais je peux vous les procurer.

M. Grubel: Diriez-vous qu'il est de 5 p. 100, de 10 p. 100 ou de 20 p. 100?

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Mme Bogelic: Dans notre cas, vous voulez savoir à quoi les taux correspondent? Ils peuvent aller jusqu'à 12 p. 100 et ils sont parfois de seulement 9 ou 8 p. 100.

M. Grubel: Quelle est l'importance de la mesure? Est-ce que l'industrie canadienne en concurrence avec ces importations jouit de la même protection?

Mme Bogelic: Permettez-moi d'ajouter une chose. Prenons l'exemple de mon entreprise et des machines que nous commercialisons. Souvent, notre marge bénéficiaire brute est de 10 p. 100. Si nous devons verser des droits qui peuvent être de seulement 6 p. 100 mais s'élèvent souvent à 8, 9 et même 10 p. 100, nous ne pouvons concurrencer les entreprises américaines qui produisent aux États-Unis et se procurent les biens en franchise. Nous accusons déjà un retard de 10 p. 100. Il y a place pour une marge de 10 p. 100 et nous sommes hors course.

Je parle aussi du fait que nous avons aujourd'hui accès à un produit dans les mêmes conditions qu'un concurrent américain. Nous offrons plus de produits sur le marché canadien. Nous avons un plus grand nombre d'employés qu'il y a deux ans. Je crois qu'il s'agit là d'un facteur important dont il faut tenir compte sur le marché canadien.

M. Grubel: Éclairez un peu ma lanterne. S'agit-il de biens que vous produisez grâce à la machinerie importée? Est-ce que vous produisez de la machinerie?

Mme Bogelic: Les deux, monsieur. Nous avons trois gammes de produits. Nous avons des produits prêts à commercialiser. Nous offrons des produits spécifiques, sur mesure, il est donc assez difficile de déterminer lesquels sont produits et lesquels ne le sont pas. Tout dépend du besoin du client. Les règles de l'Alberta sont différentes de celles de la Colombie-Britannique et de celles du Québec. Il m'est donc difficile de répondre à votre question. Disons simplement que nous fabriquons, nous montons et nous fournissons des produits sur le marché canadien.

M. Grubel: Lorsque l'ALÉNA et la nouvelle liste tarifaire adoptée lors des dernières négociations de l'Organisation mondiale du commerce seront en place, les recettes et la nécessité de cette procédure un peu ridicule ne disparaîtront-elles pas? Qu'en pensez-vous? La question est-elle vraiment importante? Je pensais que la tendance mondiale était à la libéralisation des échanges. Les niveaux tarifaires sont en chute libre, certainement dans le cadre de l'ALÉNA, et je croyais que la plupart des machines dont nous avons besoin au Canada peuvent être achetées sur le marché nord-américain et certainement en Europe de l'Ouest.

J'essaie de me faire une idée de l'importance de toute la question si, dans deux ou trois ans, les remises de droits qui s'élèvent aujourd'hui à 400 millions de dollars sont ramenées à 5 millions de dollars. Pourquoi n'éliminons-nous pas tout simplement le programme?

M. James: Je peux peut-être vous répondre. À l'heure actuelle, la machinerie américaine entre en franchise. Aucun droit ne frappe les marchandises achetées aux États-Unis. Toutefois, il y a des droits à payer sur les produits provenant d'autres pays que les États-Unis. Et ces autres pays, dont le Japon, l'Italie, l'Allemagne et divers pays d'Europe, offrent dans certains cas une machinerie plus perfectionnée que la machinerie américaine. Si c'est votre pays qui a besoin de cette machinerie, je ne crois pas que le fait d'avoir à payer ou non des droits, parce que la machine vient des États-Unis ou d'ailleurs, entre en ligne de compte.

Je veux faire une dernière remarque : comme le disait M. Page, le ministère des Finances procède actuellement à un examen du programme dans son entier.

M. Page: J'aurais une ou deux choses à ajouter. Dans l'ensemble, nous appuyons le projet de loi C-102. Nos inquiétudes, ce matin, portent explicitement et exclusivement sur les articles 45 et 46. Nous aimerions que vous recommandiez de suspendre l'application de ces articles si le gouvernement a l'intention d'adopter ce projet de loi en troisième lecture, et ce assez longtemps pour nous permettre d'examiner attentivement la question. Mais dans l'ensemble, nous voyons d'un bon oeil le projet de loi C-102. Nous nous inquiétons simplement des articles 45 et 46.

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Le président: Madame Close, il serait peut-être utile que vous vous réunissiez avec les représentants de la Chambre de commerce pour voir si nous pouvons nous entendre sur ce point. Il faut reconnaître ces préoccupations importantes sans pour autant pénaliser les importateurs de machinerie, un secteur vital pour l'avenir de notre économie.

Mme Close: Je suis toujours heureuse de rencontrer les représentants de la Chambre de commerce, et je le ferai certainement après la séance. Avant que le projet de loi ne soit à nouveau examiné par le comité, je discuterai avec eux.

Je crois que la question du taux tarifaire est importante. Même les droits imposés par le Japon, par exemple, sont à la baisse. Le taux moyen applicable aux produits passibles de droits de douanes est d'environ 8,6 p. 100 à l'heure actuelle. Il sera ramené à un peu plus de 4 p. 100, soit une réduction de moitié. La machinerie provenant de la Corée et de pays de ce genre entrera en franchise en vertu du TPG. Nous assisterons donc à une réduction très réelle des droits ces prochaines années. Je crois qu'il est important de le mentionner.

Il faut aussi garder à l'esprit que Revenu Canada peut prolonger la période applicable à un remboursement. C'est possible si un classement est contesté, au cas par cas.

Le président: Est-ce un droit, ou est-ce laissé à la discrétion du ministre?

Mme Close: C'est laissé à la discrétion du ministre du Revenu. Est-ce exact?

Mme Breakwell: Il s'agirait plutôt d'une modification réglementaire, et ce serait un droit dans chaque cas.

Le président: Est-ce que vous nous dites que vous proposez un amendement pour répondre à la préoccupation exprimée par les représentants de la Chambre de commerce?

Mme Breakwell: Non. La législation subordonnée doit prévoir une prolongation du délai en cas de désaccord sur le classement.

Le président: Est-ce que cela vous satisfait?

M. Page: Nous serons heureux de collaborer avec le ministère à la rédaction du règlement, pour faire en sorte que les intérêts des deux côtés soient protégés.

Le président: Et vous croyez pouvoir véritablement régler le problème de cette façon? J'en serais très heureux.

Merci beaucoup.

Nous pouvons donc adopter le projet de loi sans toucher aux articles 45 et 46, et vous réglerez le problème au niveau de la réglementation.

M. Page: À défaut de bien comprendre les répercussions des articles 45 et 46, nous préférerions que ces articles ne figurent pas dans le projet de loi C-102, jusqu'à ce que... Nous craignons que si le projet de loi C-102 est adopté nous n'aurons plus, au moment des discussions sur le règlement -

Le président: Vous pouvez peut-être y réfléchir ensemble et nous faire une proposition d'ici la fin de la journée?

M. Page: Merci, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie de votre collaboration.

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Nous parlons d'une période de cinq ans avant que nombre de vos produits puissent être commercialisés ou approuvés. La plupart des entreprises ne tiendraient pas le coup si elles devaient attendre cinq ans les autorisations dont elles ont besoin. Je me demande quel produit vous commercialisez pour qu'il vous faille cinq ans. J'ai l'expérience du secteur manufacturier. Si vous ne vendez pas votre produit très rapidement, il devient désuet et vous devez en trouver un autre. Une période de cinq ans me surprend donc.

Mme Bogelic: Permettez-moi de répondre à votre question. Dans de nombreux cas, nos produits ont une durée de stockage de 10, 15 ou 20 ans. Notre entreprise est solidement établie et nous pouvons parfois nous permettre d'attendre, quand le jeu en vaut la chandelle. Souvent, j'en conviens, on ne peut attendre cinq ans. Un concurrent vous aura pris de vitesse, ou vous ne serez plus de taille sur le marché. Bien des facteurs entrent en ligne de compte.

Lorsque nous avons proposé l'application en question au gouvernement, nous songions aux entreprises canadiennes et notamment au secteur des pâtes et papiers, qui est un de nos bons clients. Nous fournissons à ce secteur un produit qu'il peut utiliser et, cinq ans plus tard, nous lui offrons ce produit à meilleur coût. Nous l'approvisionnons aujourd'hui à meilleur coût qu'il y a cinq ans grâce à ce programme.

Mme Brushett: Je vous remercie de ces précisions.

Mme Bogelic: Je vous en prie.

M. Page: Nous avons consulté non seulement nos propres membres, mais aussi ceux de l'Association des exportateurs canadiens et de l'Association des importateurs canadiens. Ils ont eu l'amabilité de nous faire parvenir une lettre d'appui justement sur cette question. C'est un sujet qui les préoccupe aussi.

.1000

Je ferai remarquer, pour bien illustrer notre point de vue, qu'au cours du premier trimestre de 1995, l'investissement canadien en machinerie et en équipement est monté à 11,3 p. 100. La question touche donc non seulement le court terme, mais aussi notre compétitivité à long terme.

Le président: Monsieur Page, vous m'avez convaincu. J'aimerais que vous puissiez rencontrer les fonctionnaires et revenir d'ici à la fin de la journée pour nous dire si vous avez trouvé une solution à ce problème.

M. Page: Merci. Nous demanderons à la greffière de fixer l'heure à laquelle il vous conviendra de nous entendre.

Le président: Communiquez avec la greffière, ou revenez à la fin de la séance, à midi.

J'ai peut-être tort. Il est peut-être possible de s'entendre à ce sujet. Je ne sais pas.

M. Page: Nous ferons de notre mieux. Je vous remercie beaucoup.

Le président: C'est moi qui vous remercie.

Nous allons faire une courte pause. Nos prochains témoins doivent commencer à 10 h 15.

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Le président: Veuillez excuser ce retard. S'il vous plaît, reprenons la séance.

Nous entendons maintenant le représentant de l'Association des importateurs canadiens, Dennis Wyslobicky.

M. Dennis Wyslobicky (membre, Association des importateurs canadiens Inc.): Je devais présenter mon exposé au nom de l'Association des importateurs en compagnie du président de l'Association, M. Don McArthur. Il devait arriver de Toronto par le vol de 8 h, mais ce vol a été annulé. On me dit qu'il a pris le vol suivant et qu'il pourrait donc arriver pendant notre intervention.

Le président: J'en doute. Nous avons détourné tous les vols sur Montréal.

Des voix: Oh, oh!

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M. Wyslobicky: M. McArthur devait faire quelques remarques liminaires et il m'a demandé de vous lire environ une page du texte qu'il a préparé au sujet de notre association et de notre position. Je me propose donc de le faire et je vous demande votre indulgence, car ce sont les notes de M. McArthur que je lis.

L'Association des importateurs canadiens est une association nationale. Elle regroupe plus de 600 entreprises qui oeuvrent pratiquement dans tous les secteurs de l'économie - des manufacturiers, des détaillants, des importateurs qui revendent et transforment, des commerçants et des sociétés qui offrent des services à une clientèle s'occupant de commerce international.

L'association représente aussi les organisations sectorielles suivantes : l'Association des fabricants internationaux d'automobiles du Canada, la Canadian Association of Footwear Importers, le Comité des importateurs de viande, le Comité des importateurs de l'électronique et le Conseil canadien des fromages internationaux.

En ce qui concerne le projet de loi C-102, l'association croit qu'il aura de lourdes conséquences sur toutes les entreprises engagées dans les échanges internationaux. Par conséquent, au cours de deux dernières années, l'association a souvent discuté d'aspects clés du projet de loi avec les représentants gouvernementaux. Notre contribution à ce débat reposait sur une vaste consultation menée auprès des membres de l'association et dans le cadre de séminaires et de conférences publics parrainés par l'association.

Dans l'ensemble, l'association croit que les changements proposés dans le projet de loi C-102 sont bénéfiques et faciliteront la croissance des échanges internationaux, dans l'intérêt de tous les Canadiens.

Toutefois, deux aspects du projet de loi devraient certainement, à notre avis, être révisés. Il y a d'abord le délai de remboursement des droits dans le cadre du programme de remise sur les machines, qui est ramené de cinq à deux ans. Par souci d'efficacité, l'association n'abordera pas cette question ce matin, car nous savons que la Chambre de commerce du Canada doit la soulever. L'association appuie la position de la Chambre de commerce à ce sujet.

C'est donc du deuxième aspect que je veux traiter ici, parce qu'il présente un caractère technique. Don m'a confié ce dossier. Le problème a trait à la vente aux fins d'exportation au Canada.

L'association a fait parvenir au comité un exemplaire du mémoire qu'elle a adressé à la Division de l'établissement de la valeur de Revenu Canada. Ce mémoire a été rédigé en réponse aux précisions fournies par Revenu Canada au sujet du changement proposé et de la rédaction du règlement définissant l'«acheteur au Canada», qui figure dans l'article 18 du projet de loi C-102.

Pour bien expliquer la position de l'association, il serait sans doute utile que je traite rapidement d'une ou deux questions fondamentales. Vous avez sans doute reçu le jeu de documents que j'ai apporté ce matin. On y trouve trois diagrammes. Il serait bon que vous les ayez sous les yeux. Je crois qu'ils vous seront très utiles pour bien suivre mon raisonnement.

Je vais commencer par la figure 1. On y voit quelques entreprises sur la carte de l'Amérique du Nord. Je dois préciser que nous parlons de la modification visant la vente dans le but d'exporter et qu'il s'agit véritablement d'établir la valeur qui servira au calcul des droits applicables aux biens importés.

En vertu de la Loi sur les douanes, la valeur en douane se fonde sur la valeur transactionnelle des biens visés. Généralement, il s'agit du prix payé pour les biens - et ce sont des mots importants - si les biens sont vendus aux fins d'exportation au Canada.

La modification qui nous occupe dans le projet de loi C-102 s'applique à des cas de ventes multiples avant l'entrée des biens au Canada. C'est sur cette situation que porte la figure 1.

Le président: Quelle proportion de ces ventes se font d'habitude par l'entremise de sociétés réfugiées?

M. Wyslobicky: En principe, à cet égard, je ne crois pas que la question des paradis fiscaux entre en ligne de compte. Je crois que la préoccupation de Revenu Canada n'a rien à voir avec ce type d'activité. C'est vraiment plus une question technique liée à l'activité commerciale ordinaire.

.1025

Le président: D'accord.

M. Wyslobicky: La figure 1 expose un cas assez normal. Un intermédiaire américain, et cet intermédiaire pourrait être aux États-Unis ou ailleurs dans le monde, fait des affaires au Canada. Il a peut-être recours à un fabricant étranger, en Orient ou en Europe par exemple. Il achète des biens de ce fabricant étranger et, dans notre exemple, il a acheté pour 80 $ de marchandises. Cet intermédiaire américain se tourne ensuite vers le marché canadien et il vend ces marchandises à un client canadien pour la somme de 100 $.

L'intermédiaire américain, parce qu'il ne veut pas tenir de stock ou pour d'autres raisons de nature commerciale, demande au fabricant étranger d'expédier les biens directement à son client au Canada. C'est une pratique commerciale très courante.

Il y a donc deux ventes possibles dans ce cas. La première est celle du fabricant étranger à l'intermédiaire américain, pour la somme de 80 $, et la deuxième est celle de l'intermédiaire américain à l'entreprise canadienne, pour la somme de 100 $. Les marchandises sont expédiées directement d'Orient - ou d'ailleurs - au client canadien.

Il faut donc déterminer sur laquelle de ces deux ventes calculer les droits de douane, la vente de 80 $ ou celle de 100 $. De nombreux membres de l'association, depuis des années, soutiennent que c'est le prix de 80 $, le prix de vente du fabricant étranger à l'intermédiaire américain, qui devrait s'appliquer, car en vertu de la législation il s'agit d'une vente de biens aux fins d'exportation au Canada. Les marchandises sont vendues à l'intermédiaire américain pour être exportées vers le Canada.

Les responsables des douanes, par contre, voient les choses autrement. D'après leur interprétation, la valeur aux fins de la détermination des droits dans les transactions de ce type devrait être le prix de vente de l'intermédiaire américain à l'entreprise canadienne. La question a récemment fait surface dans l'affaire de Harbour Sales.

Je ne vous ennuierai pas avec les détails de cette affaire, parce que je suis certain que d'autres témoins les passeront en revue. Dans ce cas, toutefois, Revenu Canada était d'avis que la valeur aux fins de l'établissement des droits devait être basée sur le prix de vente à l'entreprise canadienne - situation analogue à celle de la figure 1 - parce que c'était une vente aux fins d'exportation à l'acheteur au Canada. Autrement dit, Revenu Canada considérait que la loi exigeait que les biens soient achetés par un acheteur au Canada et imposait, concrètement, un critère de résidence comme condition à l'établissement de la valeur des biens.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur et la Cour fédérale, qui ont entendu l'appel, ont tous deux débouté Revenu Canada pour plusieurs raisons. Premièrement, ils ont relevé que le code d'établissement de la valeur du GATT, que le Canada s'est engagé à respecter, ne prévoyait aucune exigence relative à la résidence et ils ont remarqué qu'il n'y avait aucune disposition en ce sens dans la Loi sur les douanes. Je crois que les commentaires de la Cour fédérale sont particulièrement pertinents. La Cour fédérale a en effet déclaré ce qui suit :

Prenons maintenant le projet de loi C-102. Dans la trousse de consultation de Revenu Canada qui accompagne la proposition, il est indiqué que la modification ajoute à la loi que la valeur transactionnelle, utilisée pour calculer les droits dans la plupart des cas, est fondée sur le prix payé pour les marchandises qui sont «vendues pour exportation au Canada», et qu'elle comporte l'ajout des mots «à un acheteur au Canada».

Concrètement, si nous revenons à la figure 1, Revenu Canada affirme maintenant vouloir légiférer pour que la valeur servant à déterminer les droits soit fondée dans ce cas sur la vente de l'intermédiaire américain à l'entreprise canadienne.

Le président: Puis-je vous interrompre un instant?

M. Wyslobicky: Je vous en prie.

Le président: Dans la figure 1, l'intermédiaire américain pourrait être une entreprise établie aux Bermudes, et le propriétaire pourrait en être le fabricant étranger ou l'entreprise canadienne. Disons que le prix de vente du fabricant étranger à l'intermédiaire américain est de 20 $ et que la vente à destination du Canada s'élève à 100 $. Prétendez-vous toujours que la valeur à utiliser pour établir le montant des droits doit être de 20 $?

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M. Wyslobicky: C'est selon. Dans ce cas, la Loi sur les douanes contient des dispositions visant à assurer que toute valeur transactionnelle, si la transaction fait intervenir des parties liées, doit correspondre au prix normal du marché. Un concept semblable s'appliquerait au calcul de l'impôt sur le revenu, par exemple.

Le président: D'accord.

Mme Brushett: Merci, monsieur le président.

À ce sujet, j'ai aussi une question. Quelle est la facture qui est généralement transmise à l'importateur? Est-ce que c'est la facture de l'intermédiaire ou celle du fabricant?

M. Wyslobicky: Je crois que tout dépend de la valeur qui servira à établir le montant des droits.

Mme Brushett: D'habitude, dans une transaction ordinaire.

M. Wyslobicky: S'il décide d'utiliser la moindre des deux valeurs aux fins de l'établissement du montant des droits, je crois qu'il serait obligé de fournir la facture correspondante, parce qu'il est tenu, en vertu de la Loi sur les douanes, de justifier et d'appuyer la valeur transactionnelle qu'il déclare. S'il ne le fait pas, Douanes Canada communique certainement très rapidement avec lui.

Mme Brushett: Je ne suis pas certaine que l'importateur reçoit d'habitude la facture de l'intermédiaire et ignore probablement le prix payé au fabricant.

M. Wyslobicky: Tout dépend de l'identité de l'importateur. En vertu des lois de Douanes Canada, l'intermédiaire américain dans notre exemple peut parfaitement être aussi l'importateur, et à mon avis ce serait alors la facture du fabricant étranger à l'intermédiaire américain qui serait présentée aux fins de la douane.

Bref, l'association s'oppose à la modification visant l'acheteur au Canada. C'est qu'en effet - pour un certain nombre de raisons que j'esquisserai - cette mesure nuirait beaucoup aux échanges internationaux. La question comporte quatre aspects que j'aimerais faire valoir ici.

Le premier touche nos principaux partenaires commerciaux et le code international de la valeur en douanes. Le Canada et ses principaux partenaires commerciaux, les États-Unis et l'Union européenne par exemple, ont signé l'accord de l'Organisation mondiale du commerce et adopté le code de la valeur en douanes. Il s'agit d'un accord international portant sur la façon d'établir la valeur des marchandises destinées à la consommation intérieure dans tout pays donné.

Les exigences du code sont relativement simples et, en fait, la législation douanière de nos principaux partenaires commerciaux et la législation actuelle du Canada s'en inspirent. Le code prescrit essentiellement que la valeur transactionnelle des marchandises doit être le prix payé pour ces marchandises si ces marchandises sont vendues aux fins d'exportation. Voilà qui s'apparente fort au concept qu'utilise actuellement le Canada dans la Loi sur les douanes.

Comme l'ont fait remarquer le Tribunal canadien du commerce extérieur et la Cour fédérale dans l'affaire de Harbour Sales, le code ne contient aucun critère de résidence. En fait, c'est une des principales raisons de la décision du TCCE.

C'est aussi la position qui a été adoptée par les États-Unis et l'Union européenne, qui, je le répète, ont tous deux modelé leur législation sur le code. Récemment, c'est-à-dire au cours des quatre ou cinq dernières années, la jurisprudence américaine a confirmé que la valeur transactionnelle aux fins des douanes américaines peut être fondée sur une vente à un acheteur étranger. L'Union européenne applique elle aussi ce principe depuis des années. Elle a même reconsidéré récemment la question et a à nouveau précisé dans sa législation que l'on peut effectivement, dans le cas de la valeur transactionnelle, calculer les droits de douane en fonction du prix de vente à l'acheteur étranger.

Revenons à la figure 1, au bas de la page. En résumé, les États-Unis et l'Union européenne fonderaient leurs calculs des droits de douane sur le prix de vente de 80 $ versé au fabricant étranger par l'intermédiaire américain, si c'est là le prix normal du marché. Au Canada, suite à l'affaire de Harbour Sales, je crois que la plupart des gens concluraient qu'il faut adopter la même méthode - le prix de vente de 80 $ servirait à calculer les droits de douane. Par contre, en vertu du projet de loi C-102, cette valeur serait de 100 $.

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Le président: Y a-t-il d'autres pays qui ont adopté des dispositions similaires à celles contenues dans le présent projet de loi?

M. Wyslobicky: Aucun n'en a adopté directement. En autant que nous le sachions, un seul pays, l'Australie, a adopté des dispositions législatives fort différentes de ce que prévoit le code de la valeur en douanes ou de ce qu'on trouve dans la législation canadienne, aux États-Unis ou dans l'Union européenne.

J'ai reçu de Revenu Canada copie de certains documents législatifs en rapport avec des consultations antérieures. Revenu Canada nous a transmis des documents qui étaient abrogés, et le libellé de la législation australienne est maintenant fort différent.

Le président: À votre connaissance, l'Australie est donc le seul pays du monde qui s'engage plus ou moins dans cette direction. Les règles du GATT et les règles de l'Union européenne vont toutes à l'encontre de ce que le projet de loi propose.

M. Wyslobicky: C'est exact. En autant que nous le sachions, c'est exact. Je crois que certains des autres témoins seront en mesure -

Le président: Dans ce cas, si une société canadienne fait appel à une entreprise intermédiaire ou à un moyen de ce genre pour effectuer des transactions et exporter à destination de ces régions, à l'exception de l'Australie, la valeur aux fins de détermination des droits de douane dans ces pays serait de 80 $.

M. Wyslobicky: Si vous changez le -

Le président: C'est ce que j'ai fait.

M. Wyslobicky: C'est exact.

Le président: Merci.

M. Wyslobicky: Bref, au sujet de l'uniformité à l'échelle internationale, étant donné le libellé du code de la valeur en douanes et la position des États-Unis et de l'Union européenne, qui sont nos principaux partenaires commerciaux dans ce domaine, l'association croit que nos engagements internationaux et la nécessité d'harmoniser les méthodes sont des raisons suffisantes pour rejeter la modification visant l'acheteur au Canada. En fait, le code de la valeur en douanes a été adopté, entre autres, pour donner une certitude aux personnes qui font le commerce international des marchandises.

J'aimerais aussi soulever quelques autres points et notamment le fait que cette modification ne constitue pas une mise au point. C'est véritablement un changement apporté à quelques aspects de la loi.

Comme je l'ai dit, en droit canadien, depuis l'affaire de Harbour Sales, cette modification irait à l'encontre de la décision ou l'invaliderait. Deuxièmement, elle représente un recul par rapport à la politique que suivait Revenu Canada avant l'affaire de Harbour Sales. En effet, Revenu Canada avait auparavant reconnu que dans certains cas un importateur non résident pouvait être considéré comme l'acheteur de marchandises destinées à l'exportation au Canada. La figure 2, que vous avez en main, en fournit un excellent exemple.

Prenons donc cette figure 2. On y trouve un exemple type de cette situation. Un fabricant étranger vend à une entreprise américaine des marchandises pour, disons, 80 $. Cette entreprise américaine exploite un entrepôt au Canada et demande au fabricant étranger - encore une fois, il pourrait être en Orient, ce pourrait être une filiale, quoi qu'il en soit - de livrer ces marchandises à l'entrepôt canadien.

Les positions des divers intéressés sont résumées au bas de la page. Dans la note de service D-13-4-2, Douanes Canada décrit sa politique, reconnaît que la vente du fabricant étranger à l'entreprise américaine, pour la somme de 80 $, pourrait servir au calcul de la valeur transactionnelle et du montant des droits.

Dans cet exemple précis, il faudrait utiliser une autre méthode de détermination de la valeur en vertu du projet de loi C-102. J'ai 12 ou 13 ans d'expérience dans le domaine des douanes et, d'après moi, on obtiendrait presque certainement des droits plus élevés. Dans certains cas, ce pourrait être deux ou trois fois le prix des marchandises en question. La mesure aurait donc un effet sensible dans ce cas particulier, où Douanes Canada a déjà admis malgré ses pratiques restrictives qu'un non-résident pouvait être considéré comme l'acheteur au Canada.

À nouveau, il faut conclure que la modification représente des changements importants, même par rapport à la politique antérieure de Revenu Canada, et pourrait en fait constituer un recul ou une rétractation de cette politique.

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Il faut aussi songer aux opérations des filiales et des succursales. Le critère de l'acheteur au Canada a déjà suscité certaines inquiétudes parmi les succursales et les filiales d'entreprises multinationales installées au Canada. En fait, les très importantes filiales canadiennes de sociétés dont on entend souvent parler dans les journaux nous ont exprimé leurs préoccupations. Le critère de l'acheteur au Canada que Revenu Canada projette d'intégrer aux règlements les inquiète.

Le concept de l'acheteur au Canada, comme il se présente dans le projet de loi, doit être défini par règlement. La version initiale du règlement - qui en toute justice à l'égard de Revenu Canada n'était certainement pas définitive - proposait de définir l'acheteur au Canada comme une entreprise ou une personne domiciliée au Canada.

La notion de domicile n'est pas beaucoup utilisée aux fins du régime fiscal canadien, mais elle l'est dans certains autres domaines. En règle générale, il est admis qu'une société peut être résidente de plusieurs endroits distincts si elle mène des activités notables à chacun de ces endroits. Mais en principe on ne peut avoir qu'un seul domicile. C'est un peu comme votre résidence permanente.

Le président: Y a-t-il de la jurisprudence sur la question du domicile d'une société? Je sais qu'il y en a au sujet du domicile d'un particulier.

M. Wyslobicky: Je crois que oui. L'Association du Barreau canadien serait peut-être en mesure de vous fournir plus d'information. Il y a aussi des ouvrages comme le Black's Law Dictionary, d'où Revenu Canada tirait la définition qu'il proposait de domicile...

En fait, j'ai cette définition ici.

Le président: Pour une société?

M. Wyslobicky: C'est exact, pour une société. C'est tiré du règlement que propose Revenu Canada. Vous constaterez que cette définition est fort restrictive :

Si certaines des succursales et des filiales de sociétés multinationales s'inquiètent, c'est que Revenu Canada propose de déterminer si une succursale ou une filiale est domiciliée au Canada en vérifiant des facteurs comme les suivants : où les stratégies d'exploitation, d'investissement et d'activité financière sont-elles élaborées; où la gestion et le contrôle financiers sont-ils exercés; où même sont accomplies ou centralisées l'administration et la comptabilité.

Nous ne savons donc pas exactement de quelle façon ce régime sera administré, mais l'inquiétude exprimée par un certain nombre de ces très importantes filiales - je parle d'organisations qui comptent plus de 1 000 employés - est qu'à première vue, à l'examen des lignes directrices publiées dans la politique, il y a de sérieuses raisons de s'inquiéter parce que, selon la façon dont la stratégie de l'entreprise et du groupe est mise en oeuvre et élaborée, elle pourraient ne pas être considérées comme des acheteurs au Canada.

D'après ce que j'ai appris de Revenu Canada, ce n'est peut-être pas intentionnel. Néanmoins, c'est ce qui ressort du projet de règlement qui circule actuellement dans les milieux des douanes.

Enfin, j'aimerais parler d'une question conceptuelle et d'une question de perception. L'association a fermement appuyé les efforts déployés par le Canada pour réduire les droits de douane, et ce de diverses façons. Évidemment, l'association s'intéresse à promouvoir les échanges internationaux, et les droits de douane ont l'effet contraire.

Tout récemment, des dossiers ont débloqué et le ministère des Finances a pris des initiatives, par exemple la réduction des taux du tarif de préférence général applicables aux marchandises des pays en voie de développement. Dans le cadre du programme de remise sur les machines, les droits de douane sont remboursés si les marchandises ne peuvent être achetées auprès d'un producteur canadien.

.1045

En outre, une bonne partie du projet de loi C-102 a trait à la réduction des droits sur les intrants.

Là encore, il s'agit de relever la compétitivité du Canada. C'est aussi une réflexion générale sur la tendance mondiale, qui est de considérer que le commerce et les échanges internationaux sont mieux servis par une réduction que par une augmentation des droits sur les importations.

Au contraire - et ceci est encore une parenthèse - , le critère de l'acheteur au Canada devrait, dans la plupart des cas, avoir le même effet qu'une augmentation des droits perçus sur les importations, ce qui évidemment nuirait aux entreprises et aux consommateurs du Canada.

Pour résumer, il n'y a vraiment que quatre raisons pour lesquelles l'association juge cette proposition, le critère de l'acheteur au Canada, inappropriée.

La première est que la proposition ne s'harmonise pas avec ce que font nos principaux partenaires commerciaux, et à cet égard créera de l'incertitude sur les marchés internationaux. L'association s'inquiète de ce que le Canada se démarque de la communauté internationale sans avoir une très bonne raison de le faire.

Deuxièmement, il ne s'agit pas d'une mise au point. C'est un changement par rapport à la loi canadienne telle qu'interprétée dans l'affaire de Harbour Sales, et en fait c'est un recul par rapport à la politique que suivait Revenu Canada avant l'affaire de Harbour Sales.

Troisièmement, la proposition suscite des inquiétudes au sein des succursales et des filiales des sociétés multinationales.

Enfin, elle exercera une pression à la hausse sur les droits de douane, alors même que le reste du Canada et nos autres concurrents semblent réduire ces droits.

Le président: Merci.

Madame Close, joignez-vous à nous, s'il vous plaît. Et où est mon joueur de basket-ball préféré...

Je suis heureux que vous soyez ici, Don. Ne vous inquiétez pas. Ce jeune homme a donné un très bon exposé en votre absence.

M. Donald McArthur (président, Association des importateurs canadiens Inc.): Je n'en doutais pas et je suis très heureux de vous l'entendre dire. Vous confirmez mon opinion.

Le président: Voulez-vous répondre à ce qui vient d'être dit?

Mme Close: Premièrement, j'aimerais remercier l'Association des importateurs canadiens du soutien global qu'elle accorde au projet de loi et de tous les efforts qu'elle a déployés lorsque nous avons essayé de relever la compétitivité de l'industrie canadienne.

Quant au problème particulier qu'elle vous a soumis, je crois qu'elle a très bien réussi à le présenter de façon graphique, mieux que nous ne l'avons fait pour vous. Nous pouvons donc continuer à utiliser sa documentation de préférence à la nôtre. Quatre arguments ont été présentés. J'aimerais les passer rapidement en revue, puis céder la parole à Mike Jordan, de Revenu Canada, qui pourrait apporter des précisions sur ces arguments ou sur des aspects qui vous intéressent.

Premièrement, M. Wyslobicky a souligné que la modification allait à l'encontre de ce que font nos principaux partenaires commerciaux. Nos travaux récents - et l'information que nous avions lorsque nous avons proposé ce changement - nous indiquent le contraire. L'Union européenne a apporté quelques modifications à sa législation, et ces changements ne s'opposent pas à ce que nous faisons. Mike peut vous en dire plus au sujet de ces changements. Par souci de simplicité, utilisons encore une fois l'exemple de l'achat de 100 $ et de l'achat de 80 $ pour bien savoir de quoi nous parlons. L'Union européenne permet d'utiliser la somme de 80 $, mais seulement dans certaines circonstances.

Aux États-Unis, on continue à utiliser le montant de 100 $. D'après ce que je crois comprendre, trois causes ont été portées devant les tribunaux pour contester cette interprétation. Elles ont toutes été perdues. Je crois que la situation aux États-Unis est sans doute semblable à celle au Canada; la législation manque de clarté. Le gouvernement revient devant les tribunaux chaque fois que la question se présente. Il interprète les dispositions de façon très étroite. Dans la majorité des cas, la vente de 100 $ est donc celle qu'on utilise aux États-Unis.

En deuxième lieu, il ne s'agit pas d'une mise au point mais bien d'un changement. J'aimerais vous faire remarquer que Revenu Canada utilise la vente de 100 $ depuis 1985. Les deux exemples qui basent le calcul sur la vente de 80 $ sont corrects, et ce sont des situations que Revenu Canada a l'intention, monsieur le président, de permettre en vertu du règlement afférent à la disposition.

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Troisièmement, je veux parler du critère de l'acheteur au Canada - je crois, et j'aimerais que Mike le confirme, que nous permettons à des importateurs non résidents d'importer au Canada. La question n'est donc pas liée au domicile.

Quatrièmement, on a parlé de perception : nous réduisons les droits, alors pourquoi vouloir adopter cette mesure qui a l'effet contraire? On vous a dit que le taux douanier baissait. C'est vrai. Le Canada s'efforce, sur la scène internationale, d'abaisser son taux douanier pour libéraliser le commerce. Toutefois, nous frappons de tarifs très élevés certains produits que le gouvernement juge devoir protéger pendant la période d'adaptation à ce cadre de commerce plus libre. Si des droits de 20 p. 100 s'appliquent à une vente, disons une vente de 100 $ qui deviendrait tout à coup une vente de 80 $, alors il faudrait prévoir - et mon calcul est sans doute erroné - des droits de 40 p. 100. Vos droits de 20 p. 100 ne vous ont pas du tout protégé.

Après ces quelques mots au sujet des quatre points soulevés, j'aimerais demander à M. Jordan de vous fournir plus de détails.

Le président: Voulez-vous prendre la parole maintenant, monsieur Jordan, ou préférez-vous attendre que des témoins reviennent sur ces points?

M. Jordan: J'aimerais élaborer au sujet de l'harmonisation avec le GATT, qui est je crois l'un des principaux points soulevés par M. Wyslobicky.

Nous sommes convaincus que la modification de notre politique, une politique qui est en vigueur depuis 1985, respecte l'orientation du GATT. Notre politique est publiée et largement diffusée au Canada et à l'étranger depuis 1985. Nos partenaires commerciaux connaissent bien nos règles en matière de vente aux fins d'exportation et le critère de l'acheteur au Canada.

Je vais être franc. Ces mots ne figurent pas dans l'accord au Canada ni dans le pays d'importation, mais comme pour de nombreux aspect visés par l'accord international, des précisions s'imposent. C'est là un des aspects sur lequel nous avons dû, nous et nombre de nos partenaires commerciaux, élaborer pour éliminer la confusion. Lorsque vous avez, comme le montre le tableau 1, deux ventes qui semblent avoir été faites en toute bonne foi au pays d'importation, il faut des certitudes pour les importateurs comme pour les administrateurs des douanes. Tout est là. Quand cet accord a été mis en oeuvre, en 1985, il avait notamment pour raison d'être de fournir une certitude aux importateurs et aux douanes. Quelle valeur faut-il utiliser?

Pour ce qui est de nos partenaires commerciaux, ils ont tous libellé différemment la législation. L'Australie et le Mexique ont été explicites dans leur législation - contrairement d'ailleurs à l'accord international. L'Union européenne a elle aussi mis en oeuvre un règlement, et ce règlement repose sur le concept de la dernière vente avant l'entrée dans la Communauté. Ces mots ne sont pas non plus dans l'accord.

Il est intéressant de constater qu'un comité international est chargé des questions d'interprétation relativement à l'accord international. Ce comité a lui aussi émis un avis sur la question des ventes destinées à l'exportation, parce qu'elle posait des difficultés. L'avis a été émis à titre d'information à l'intention de tous ceux qui appliquent l'accord, et il faut mentionner que le premier exemple utilisé dans ce document correspond essentiellement à notre politique. C'est le premier exemple que vous avez examiné.

Le président: Est-ce que vous nous dites que la Communauté européenne utilise la valeur de 80 $ ou la valeur de 100 $ pour calculer les droits douaniers?

M. Jordan: Ils utilisent la dernière vente avant l'importation.

Le président: Et ce serait -

M. Jordan: Ce serait la vente de 100 $. En vertu du règlement, dans l'Union européenne, on accepte une vente antérieure s'il y a des preuves suffisantes et si tous les critères sont satisfaits. Ainsi, il faut que ce soit une vente à la Communauté européenne. Il faut aussi que les biens respectent les spécifications européennes. Là encore, ces mots ne figurent pas dans l'accord.

Nous avons récemment relevé un fait intéressant de la Communauté européenne. La politique d'établissement de la valeur en vigueur dans cette zone ne comprend pas les mots «à un acheteur de la Communauté européenne», mais il existe un règlement portant sur les entités habilitées à déclarer la valeur aux fins du tarif douanier. En vertu de ce règlement, le déclarant dans la Communauté européenne doit être un résident de la Communauté et posséder toute l'information, les factures et les dossiers. Si le déclarant n'est pas dans la Communauté européenne ou ne possède pas toute l'information, les factures, les livres et les dossiers, il ne peut pas déclarer la valeur de 80 $.

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Autrement dit, les autorités peuvent examiner une transaction particulière et demander au déclarant, par exemple une société de la Communauté européenne, des attestations, des livres, des dossiers et de l'information se rapportant à la valeur de 80 $. D'après ce que m'a dit un représentant de la Communauté européenne, si elles n'obtiennent pas toutes les informations ou si elles mettent en doute la valeur déclarée ou tout élément de cette valeur, elles refusent de considérer la société comme déclarant.

Voyons un peu le libellé du règlement de la Communauté européenne se rapportant à l'établissement de la valeur. On n'y trouve pas les mots «à un acheteur de la Communauté européenne». On y trouve par contre «la dernière vente avant l'entrée dans la Communauté». Mais si l'on tient compte du règlement relatif aux entités habilitées à déclarer une valeur aux fins des douanes, je me demande si concrètement, au bout du compte, lorsque toute l'information a été fournie, les résultats sont bien différents.

Le président: Que voulez-vous dire par là? On nous a affirmé que la Communauté européenne établissait les droits seulement en fonction du montant de 80 $. Est-ce que vous nous dites qu'au contraire, en fait, pratiquement toutes les transactions sont considérées comme valant 100 $ aux fins du calcul des droits?

M. Jordan: Je ne sais pas quelle est la proportion, mais si je regarde le règlement, le premier paragraphe dit bien «la dernière vente avant l'entrée dans la Communauté». C'est ce qui s'applique d'abord en vertu du règlement. Ce serait la valeur de 100 $.

La valeur de 80 $ serait acceptée si l'acheteur pouvait prouver -

Le président: Je comprends.

Vous n'avez aucun chiffre quant au nombre de transactions considérées comme valant 80 $ et au nombre considérées comme valant 100 $.

M. Jordan: Non.

M. Wyslobicky: Premièrement, la question du traitement appliqué par les États-Unis et de celui appliqué par les Européens...

J'ai eu en main le mémoire de l'Association du Barreau canadien. Il expose assez en détail ces méthodes, et je crois pouvoir apporter des précisions sur un certain nombre des points soulevés par M. Jordan.

Je voulais qu'une chose soit parfaitement claire. Dans l'exemple de la figure 1, nous n'essayons pas de vous faire croire que le prix de vente du fabricant étranger à l'intermédiaire américain, 80 $, pourrait servir à l'établissement de la valeur aux fins du tarif douanier s'il n'y a pas suffisamment d'information et de documentation pour prouver que c'est là la valeur à utiliser. Nous supposons que l'importateur sera en mesure de le faire.

À cet égard, j'aimerais vous lire un passage d'une note de service de Revenu Canada sur la vente aux fins d'exportation au Canada. L'association est tout à fait en faveur du concept :

On décrit ensuite les circonstances qui s'appliquent, et on poursuit ainsi :

C'est la phrase clé en ce qui concerne la question soulevée par M. Jordan - celle en vertu de laquelle l'Union européenne peut n'accepter que la valeur de 80 $ :

D'après notre expérience auprès de Revenu Canada et notre compréhension de la façon dont les choses fonctionnent dans la Communauté européenne et aux États-Unis, il faut prouver que les marchandises visées par la commande d'achat devaient être livrées directement au Canada. Il peut s'agir d'un libellé bilingue sur l'étiquette, et dans certains cas on peut lire «Importé par XYZ Canada Inc.». Il est alors clair que les biens, au moment de leur fabrication et de la première vente, étaient destinés au marché canadien.

À mon avis, c'est de cette façon que l'Union européenne permet la valeur d'une vente antérieure. Je crois que l'Association du Barreau canadien traitera plus longuement de cet aspect un peu plus tard.

Nous ne demandons rien de plus, mais nous n'accepterons rien de moins.

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M. Jordan: J'aimerais revenir au deuxième de ces exemples, celui auquel pensait Dennis lorsqu'il parlait de l'acceptation de ventes antérieures. Les figures 2 et 3 portent sur une vente effectuée par un fabricant étranger à une entreprise américaine. Les marchandises sont expédiées au Canada sans avoir été vendues à un client canadien.

Nous essayons de définir le règlement en fonction de notre politique. En fait, nous avons demandé l'opinion des intéressés. Nombre des parties qui sont ici aujourd'hui ont promis de nous fournir des modèles de libellé que nous pourrions intégrer au règlement, afin d'éviter tout résultat non intentionnel. Autrement dit, nous n'essayons pas d'aller au-delà de notre politique établie; nous cherchons à respecter cette politique.

Quant aux paragraphes dont Dennis nous a donné lecture et relativement aux figures 2 et 3, les opérations d'une succursale, par exemple, je crois que si le libellé convient bien à la législation nous pourrions définir un règlement qui respecte notre politique.

Nous n'avons jamais eu l'intention d'éliminer les acheteurs canadiens de bonne foi, les filiales, qui que ce soit, relativement à l'application de la politique. Au cours de la consultation, nous avons reçu de nombreuses suggestions. En fait, lorsque nous avons publié le règlement, nous l'avons fait sous forme d'ébauche aux fins de consultation, parce que nous voulions avoir l'avis des intéressés. Nous voulions connaître leur réaction et nombre de particuliers et d'associations que nous avons consultés ont promis de nous proposer des formulations qui pourraient être intégrées à la nouvelle version du règlement.

Une formulation appropriée nous permettrait peut-être de couvrir la situation à laquelle Dennis faisait allusion, qui est mentionnée dans notre politique officielle. Nous voulons aussi l'englober dans le règlement.

Le président: Est-ce que cette réponse vous satisfait?

M. Wyslobicky: Elle règle une situation particulière, mais elle ne répond toujours pas à la question fondamentale, c'est-à-dire qu'on tente de mettre en oeuvre la politique, mais la politique, sans tenir compte de l'affaire de Harbour Sales, va à l'encontre de ce qui se fait dans la Communauté européenne.

Le président: Pourtant, ils disent le contraire. M. Jordan a déclaré que vous aviez tort, que la Communauté européenne a au contraire adopté un concept qui a les mêmes effets que le critère de l'acheteur au Canada.

M. Wyslobicky: Permettez-moi de soutenir qu'il a tort, qu'il comprend mal cet aspect. Je crois que la plupart des témoins qui me suivent aujourd'hui apporteront les éléments nécessaires pour préciser les positions de nos principaux partenaires commerciaux. D'après mes recherches et celles de l'association, je suis convaincu que notre interprétation est correcte.

Le président: Voulez-vous ajouter quelque chose?

Oui, madame Brushett?

Mme Brushett: Pouvons-nous revenir un instant à la figure 1? J'aimerais proposer certaines hypothèses. Nous avons peut-être oublié une étape assez courante dans les milieux de l'import-export. Si c'est vraiment un fabricant étranger de Taïwan, il y aura dans ce pays un autre intermédiaire. Cet intermédiaire fixerait le prix à 60 $. Il a une facture pour prouver qu'il a payé 60 $ pour les marchandises.

Il revend les marchandises à l'intermédiaire américain, mais il brasse de grosses affaires à Taïwan. Il s'agit donc d'un exportateur de Taïwan et d'un importateur américain. En appliquant la même logique que pour le prix de vente de 80 $ à l'intermédiaire américain, vous pourriez peut-être pousser plus loin et soutenir que la valeur réelle des marchandises est de 60 $. Est-ce que je pourrais alors soutenir que ce prix est le prix que je paie à l'importation au Canada?

M. Wyslobicky: Vous avez raison, des situations de ce genre ne se présentent pas très souvent, mais vous devez comprendre que, dans notre mémoire, c'est la valeur en douanes qu'on tente de déterminer. On ne veut pas nécessairement établir la vente au Canada.

En fait, c'est ce que M. Jordan semble suggérer. Le code de la valeur en douanes du GATT dit que la valeur aux fins du calcul des droits, en vertu des principes internationaux, devrait être celle de la vente là où les marchandises sont «vendues aux fins d'exportation dans le pays d'importation». C'est tout ce qu'il dit.

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Dans ce cas, si un importateur a en main une information vérifiable, et si la personne considérée comme l'acheteur peut prouver que la vente ou l'achat a donné lieu à une transaction sur des marchandises vendues aux fins d'exportation au Canada, on pourrait envisager de déterminer les droits en fonction de cette valeur.

Il ne s'agit pas de fraude douanière ou fiscale. C'est ce qui se produit dans la réalité, dans les échanges commerciaux. Suivant le concept sous-jacent au code, la transaction pertinente est celle visant l'exportation des marchandises au Canada. Si la transaction est décrite par cette phrase, si vous pouvez le prouver et montrer qu'il y a eu une transaction en vertu de laquelle les marchandises ont été exportées au Canada, c'est cette valeur qu'il faut utiliser, suivant le concept sous-jacent au code de la valeur du GATT.

Mme Brushett: Est-ce que la législation ne propose pas un code, une méthode cohérente pour chaque article avant son entrée au pays, son arrivée sur le marché.

M. Wyslobicky: Non, pas en vertu des principes applicables à l'établissement de la valeur. J'ai 13 ans d'expérience dans ce domaine, et d'après le projet de loi proposé... Si vous regardez la figure 2, les marchandises sont vendues par le fabricant étranger à une entreprise américaine pour la somme de 80 $, dans notre exemple, et les marchandises sont livrées à un entrepôt canadien... J'ai eu connaissance de cas où la valeur transactionnelle était rejetée et la valeur utilisée aux fins de l'établissement du montant des droits était quatre fois plus élevée à cause de la façon dont Revenu Canada applique ses formules de calcul de la valeur.

Si vous ne suivez pas cette méthode, vous devez en appliquer une autre, une des diverses méthodes d'établissement de la valeur qui n'ont pas nécessairement beaucoup à voir avec la valeur inhérente des marchandises.

Mme Brushett: Est-ce que ce principe ne s'applique pas, que les marchandises soient vendues sans transformation ou qu'un traitement quelconque leur ait donné une valeur ajoutée?

M. Wyslobicky: Non, pas du tout. Les marchandises peuvent être revendues sans transformation, et cela se fait. C'est arrivé à un de mes clients.

Mme Brushett: Quelqu'un peut-il nous fournir une réponse à ce sujet.

Le président: Monsieur Jordan, vous vouliez dire quelque chose.

M. Jordan: Il faudrait que je connaisse les détails de l'affaire. Si la réévaluation a été effectuée par un des bureaux régionaux, je ne connais pas les raisons de la décision et je ne sais pas si, en cas d'appel à mon niveau, ces raisons seraient retenues.

M. Wyslobicky: C'est en fait dans vos services que la décision a été prise, mais je ne voulais pas traiter d'un exemple précis. Je veux simplement dire que si vous utilisez les autres méthodes d'établissement de la valeur, vous pouvez obtenir aux fins du calcul des droits une valeur qui n'est plus de 80 $ ou 100 $, une valeur différente qui n'est pas nécessairement liée à la transaction concrète.

Mme Brushett: Est-ce que vous soutenez que le prix utilisé est assez souvent différent de celui qui figure sur la facture?

M. Wyslobicky: Il est certain, en vertu des modifications proposées, que lorsqu'il n'y aura pas d'acheteur au Canada il faudra utiliser une autre méthode d'établissement de la valeur. On peut utiliser la méthode d'appréciation par valeur reconstituée, qui fonctionne plus ou moins par addition des coûts et ne correspond pas à une transaction donnée. C'est simplement une formule de calcul.

On peut aussi recourir à la valeur de référence, fondée sur le prix ultérieur de vente au Canada, dont on soustrait diverses dépenses engagées pour la commercialisation des marchandises au Canada. On arrive parfois ainsi à un chiffre tout à fait factice.

M. Pillitteri: Monsieur Jordan, vous passez le ballon avec élégance. Vous ne jouez peut-être pas au basket-ball, mais je vous suis très bien.

Je réfléchissais à l'explication que vous venez de fournir et je me demandais quel exemple j'allais utiliser pour vous interroger. J'ai pensé aux vins et aux liqueurs ou aux pâtes. Je crois que je vais parler de pâtes ce matin. Je crois qu'on sait mieux quel en serait le prix aux fins d'exportation.

La situation dont je veux parler s'est présentée, je crois, l'été dernier. Les Européens sont de fins joueurs, et souvent nous devons nous adapter à leurs règles. Nous pouvons peut-être jouer des mots pour que ce soit à eux de s'adapter à nos règles.

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Les pâtes sont un bon exemple parce que les Européens achètent du blé dur au Canada et ils le transforment en pâtes en Europe. Ils utilisent deux prix. L'un sert au marché interne. Ils imposent un tarif, ce qui réduit leur prix plancher, et c'est ce prix qu'ils utilisent au sein du marché commun européen.

Ces importateurs et fabricants de pâtes se tournent ensuite vers le gouvernement et annoncent qu'une partie de leurs stocks n'est pas destinée au marché interne. Ils veulent la commercialiser uniquement à l'exportation et ils demandent donc une remise de droits, parce que cette activité n'a rien à voir avec leur propre marché; c'est une activité d'exportation. Le prix qu'ils utilisent est donc le prix de notre importation, puis ils font une opération à valeur ajoutée et ils exportent le produit. Notre marché n'est pas en cause.

Quel serait le juste prix des pâtes importées au Canada? Est-ce le prix subventionné, le prix du produit dans leur pays ou le prix que nous utilisons ici?

M. Wyslobicky: J'aimerais répondre à cette question... J'espère que M. Jordan et moi-même serons d'accord sur ce point.

Si une entreprise étrangère vendait ses pâtes à un acheteur au Canada, le prix de vente, quel qu'il soit, à condition de n'avoir fait l'objet d'aucune manipulation - j'espère que nous sommes d'accord là-dessus, Mike - serait la valeur en fonction de laquelle les droits seraient calculés. Je crois que la question n'a rien à voir avec la vente aux fins d'exportation ou le critère de l'acheteur au Canada.

Mike, êtes-vous d'accord là-dessus?

M. Jordan: Essentiellement, oui. Je dois convenir, Dennis, que c'est une question de vente aux fins d'exportation. Une des conditions de l'accord international est que nous ne pouvons utiliser cet accord pour lutter contre le dumping ou les subventions. Autrement dit, la valeur aux fins du calcul des droits doit être un élément neutre. Il existe d'autres instruments internationaux, le code antidumping par exemple.

S'il s'agit véritablement d'une vente aux fins d'exportation, et qu'il n'y a pas d'autres influences en jeu, nous accepterons ce prix. La question des intermédiaires peut encore se poser, si par exemple un fabricant de pâtes vend à un intermédiaire qui revend ensuite au Canada. Cette question pourrait se poser dans le cas des pâtes. Il faudrait donc déterminer la base d'établissement de la valeur de ce point de vue, mais non pas du point de vue des subventions.

M. Wyslobicky: Nous avons trouvé un point sur lequel nous sommes d'accord.

M. Pillitteri: Nous sommes d'accord sur ce point. Je voulais simplement mentionner les manoeuvres utilisées à l'étranger. De la sorte, nous connaissons les prémisses et les règles du jeu. Je ne peux absolument pas accepter ce que vous appelez le prix réel.

M. Wyslobicky: Je comprends ce à quoi vous faites allusion.

Le président: J'ai une idée. Les représentants de l'Association du Barreau canadien sont ici. Je crois savoir que leur mémoire porte entièrement sur cette question de l'acheteur au Canada. Ils sont tout à fait d'accord avec ce que vous en avez dit.

Vous pourriez peut-être vous joindre à nous dès maintenant et, si vous faites des distinctions, vous pourriez les leur expliquer.

Je crois qu'Ogilvy Renault, au nom de Harbour Sales, est en outre ad litem avec ces témoins. Je demande à messieurs Kenneth Sorensen et Richard Giggal de s'approcher.

Il n'est pas nécessaire que vous vous asseyez avec nous, si vous avez d'importantes divergences d'opinion. Mais d'après votre mémoire, je crois comprendre que vous êtes d'accord avec les importateurs. Est-ce vrai?

Mme Tamra L. Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien): Oui, monsieur le président, c'est exact.

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Le président: Auriez-vous quelque chose à ajouter au sujet de ce qui a été dit ou passé sous silence?

Mme Thomson: Monsieur le président, je crois que nous aimerions commencer par quelques remarques liminaires pour préciser certaines questions techniques relatives à la position de la section des taxes de vente et à la consommation de l'ABC. C'est cette section qui témoigne aujourd'hui.

Le président: Est-ce que cela équivaut à inscrire S.E.O. au bas d'une opinion juridique?

Mme Thomson: Je veux simplement préciser la compétence des personnes qui témoignent devant vous aujourd'hui.

Le président: Oh!

Mme Thomson: La section des taxes de vente et à la consommation est le volet de l'Association du Barreau canadien dans lequel tous les fiscalistes mettent en commun leur expérience. La déclaration qui vous est faite aujourd'hui est la déclaration officielle de la section, elle a été approuvée selon les procédures normales de l'Association du Barreau canadien. La section compte plus de 300 membres qui se spécialisent dans le domaine des taxes de vente et des taxes à la consommation.

M. Cranker et M. Somers vont élaborer certains des points soulevés dans le mémoire que nous avons remis à la greffière ce matin.

Le président: Combien de temps vous faut-il?

M. Glenn A. Cranker (secrétaire-trésorier, Section nationale des taxes de vente et à la consommation, Association du Barreau canadien): Combien de temps nous accordez-vous?

Le président: Vous avez trois-quarts d'heure. Du point de vue du comité, tout ce qui nous intéresse est de savoir si vous avez des divergences d'opinion par rapport à ce que nous avons entendu précédemment. Êtes-vous tout à fait d'accord avec ce qu'a dit Dennis?

M. Cranker: Merci, monsieur le président. Nous sommes d'accord. Nous avons eu l'occasion de prendre connaissance des mémoires de l'Association des importateurs canadiens avant l'audience. En fait, nous voulions compléter certains des arguments présentés.

Le président: Très bien. Combien de temps vous faut-il pour apporter ces précisions?

M. Cranker: Je crois que nous n'aurons probablement pas besoin de quarante-cinq minutes. Nous pouvons le faire en... Qu'est-ce que vous diriez de 10 ou de cinq minutes?

Le président: Non. Prenez le temps qu'il vous faut. Vous avez pris la peine de rédiger ce mémoire à notre intention et de venir ici. Nous vous accordons toute la période à laquelle vous avez droit. Je voulais simplement avoir une idée de -

M. Cranker: M. Somers va parler des législations américaine et européenne. Je vais me pencher sur le code international de la valeur en douanes.

Le président: D'accord.

M. Cranker: Je pense qu'il faudra 10 minutes. Nous ferons notre possible pour nous en tenir à 10 minutes.

Le président: D'accord, je vous remercie.

Cela étant dit, les autres veulent-ils rester? Nous n'avons aucune objection à ce que vous restiez monsieur McArthur et monsieur Wyslobicky.

M. Cranker: Merci.

Je pense que M. Wyslobicky a traité un grand nombre des points qui nous intéressent. Comme vous pouvez le voir dans le mémoire qui a été distribué, nous reprenons les trois mêmes grandes questions. Premièrement, nous sommes en présence d'un changement fondamental de nos modalités d'évaluation en douanes. Deuxièmement, les propositions sont contraires au code international de la valeur en douanes. Et troisièmement, elles sont contraires aux lois de nos principaux partenaires commerciaux, surtout les États-Unis et l'Europe.

Je voulais parler du cas de Harbour Sales en signalant seulement que le Tribunal canadien du commerce extérieur a traité précisément de la question de savoir s'il y avait dans notre loi des exigences relatives au lieu de résidence. Il a conclu qu'il n'y en avait pas. La conclusion du Tribunal au sujet de la question a été la suivante :

Le Tribunal s'est donc tourné vers le GATT comme l'un des éléments de base pour justifier sa décision. La Section de première instance de la Cour fédérale n'a pas donné l'autorisation d'interjeter appel. Elle n'a même pas voulu entendre la cause, et nous mentionnons ce fait à la page 3. La Cour fédérale a déclaré :

L'autorisation d'en appeler des décisions a donc été refusée. Le cas a été rejeté avant même qu'on ait pu en défendre les mérites.

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Nous affirmons simplement qu'il ne s'agit pas d'une clarification de la loi, mais d'un changement fondamental.

Je comprends jusqu'à un certain point la question des recettes. Évidemment si la valeur en douane est plus élevée, les droits de douane le seront également. Il n'y a pas de doute que nous avons besoin d'argent. Toutefois, notre loi est fondée sur un accord international, c'est-à-dire l'article VII du GATT.

J'ai apporté avec moi aujourd'hui les dispositions de l'accord de l'OMC par lequel nous avons reconfirmé l'accord d'évaluation en douane du GATT. Dans cet accord, les membres reconnaissent à l'unanimité la nécessité d'appliquer un système d'évaluation des marchandises juste, uniforme et neutre. Ils réaffirment leur appui à l'égard du code du GATT. Le paragraphe I dit :

Par ailleurs l'article I dit :

Il n'y a pas d'exigences à l'égard du pays de résidence de l'acheteur dans l'accord de l'OMC, et si on en ajoute, il y a de très grandes possibilités que nos partenaires commerciaux contestent l'ajout de ces mots.

Nous avons tenu des discussions avec Revenu Canada, et je dois dire que l'Association du Barreau canadien a été bien reçue. Il y a eu un échange d'information et nous avons donné notre avis sur le règlement. M. Jordan a tout à fait raison de dire que nous n'avons pas parlé de ce que constitue un «acheteur au Canada» et ce, parce que nous sommes fondamentalement opposés à l'ajout de ces mots au texte de loi. Si ces mots ne sont pas inclus, il n'y a plus de raison de parler du règlement.

Nous avons un comité sur l'évaluation en douane. L'article XXII du code d'évaluation en douanes contient les dispositions suivantes :

L'article dit également :

C'est tout ce que je voulais dire sur le code d'évaluation en douanes. J'aimerais maintenant laisser la parole à M. Greg Somers, qui traitera de la nature des lois touchant l'application du code international en Europe et aux États-Unis.

Merci.

M. Gregory O. Somers (membre, Section nationale des taxes de vente et à la consommation, Association du Barreau canadien): Avant de parler des pratiques de nos principaux partenaires commerciaux, j'aimerais ajouter quelques observations à celles deM. Cranker.

Les notes explicatives qui font partie de l'accord d'évaluation de l'OMC nous aident à l'interpréter. Dans une annexe à ces notes on dit : «les marchandises importées seront évaluées conformément aux dispositions de l'article I» - que M. Cranker a cité - «lorsque les conditions qui s'y trouvent sont pleinement respectées». Autrement dit, si le Canada ajoutait une autre condition telle que celle de la résidence, il enfreindrait l'article I interprété dans ces notes.

De l'avis de l'association - avis que je partage sans réserve - il est contraire aux pratiques des États-Unis et aux pratiques européennes d'exiger la résidence. Bien que l'un des principes du code de douane européen soit que la dernière vente avant l'entrée des marchandises dans la Communauté peut constituer le fondement de l'évaluation en douane, une vente antérieure faisant partie d'une suite de ventes peut aussi être admise comme fondement.

On trouve, aux pages 8 et 9 du mémoire de l'Association du Barreau canadien, le texte des modalités d'interprétation du code d'évaluation en douanes en vigueur dans la Communauté. Je ne le lirai pas entièrement ici, mais la partie soulignée de la page 9, qui est le deuxième paragraphe de la section 1 de l'article 147 du règlement d'application, autorise l'utilisation d'une vente antérieure - antérieure à celle par laquelle les marchandises sont introduites dans la Communauté - comme fondement de l'évaluation en douane, en d'autres termes, le 80 $ au lieu du 100 $ si l'on reprend les termes concrets utilisés ici ce matin.

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Disons par exemple que A, en Corée, vend à B, au Japon, et que B vend à C, à Bruxelles. Normalement, sans donnée supplémentaire, la Communauté prendra la vente de B au Japon à C à Bruxelles comme fondement de l'évaluation en douane, car il s'agit de la dernière vente.

Toutefois, si le déclarant peut prouver de façon convaincante que la vente de A à B, de la Corée au Japon, constitue en fait la vente d'exportation vers la Communauté européenne, elle deviendra alors le fondement de l'évaluation en douane. Il appartient réellement au déclarant d'établir qu'elle est la véritable vente à l'exportation. Sinon, bien entendu, les autorités douanières prendront la valeur la plus élevée, obtenant ainsi un maximum de recettes.

Par contre, le pays de résidence du déclarant n'a vraiment rien à voir avec la question. Lorsqu'elles tentent de décider quelle est la vente à utiliser aux fins de l'évaluation de la transaction d'exportation, les autorités douanières considèrent celle qui a causé l'entrée des marchandises dans la Communauté - soit la vente à l'exportation. La résidence du déclarant ne concerne que les problèmes administratifs d'obtention des preuves, ou le fait d'être en possession des factures.

En fait, la loi canadienne prévoit que les dossiers de l'importateur - ceux qui se rapportent à une importation donnée - doivent demeurer au Canada pendant un certain temps après l'importation, afin de faciliter les vérifications et les formalités d'ordre administratif.

Revenu Canada reconnaît ce fait dans un autre document de politique distinct, qu'on appelle communément le D-1-4-1 et qui s'intitule «Exigences des douanes canadiennes relatives à la facture». Dans ce document, Revenu Canada reconnaît qu'une vente antérieure à celle ayant causé l'entrée des marchandises au Canada ou la vente à l'acheteur qui réside au Canada, peuvent constituer la base aux fins de l'évaluation en douane, et il précise les documents de preuve qu'il examinera avant d'autoriser le choix de la vente de 80 $, si l'on peut dire, aux fins de l'évaluation en douane.

En ce qui concerne les États-Unis, j'ai entendu dire ce matin, et j'abonde dans ce sens, que les douanes américaines sont entêtées, sinon intransigeantes, lorsqu'il s'agit d'appliquer les décisions répétées des tribunaux américains sur ce que devrait être la valeur en douane - sur quelle vente elle devrait être fondée.

Comme l'a souligné l'avocat de l'Association des importateurs, la cause la plus récente présentée devant les tribunaux est celle de Nissho Iwai, qui a été entendue en 1992 et qui concernait l'envoi aux États-Unis de wagons de métro. Les douanes américaines voulaient que le prix payé par la New York Transit Authority - acheteur aux États-Unis - forme la base de l'évaluation en douane. La Transit Authority a fait valoir que c'était plutôt la vente entre le producteur japonais, Kawasaki, et la maison de commerce indépendante japonaise, Nissho Iwai, qui devrait constituer le fondement de l'évaluation en douane, parce que ces wagons avaient été fabriqués à l'intention des États-Unis. C'était ce qui constituait la vente à l'exportation - elle a été faite au Japon, mais il s'agissait quand même d'une vente à l'exportation vers les États-Unis. La cour de circuit fédérale américaine a confirmé ce point de vue et a signifié aux douanes américaines non pas que le déclarant avait le droit de se reporter à cette vente antérieure, mais que les douanes devaient utiliser la première vente à l'exportation lorsqu'il s'agissait d'une transaction véritable au prix normal.

Je pense que la position de l'Association du Barreau -

Le président: Monsieur Somers, concrètement, les autorités américaines ne tentent-elles pas d'obtenir la valeur la plus élevée aux fins des douanes, en dépit des décisions des tribunaux?

M. Somers: Les autorités américaines interprètent les divers documents d'une façon aussi étroite que possible, et il y en a trois principaux, que nous avons également mentionnés dans notre mémoire - je ne veux pas entrer dans les détails. Ils essaient de les interpréter aussi étroitement que possible afin de pouvoir calculer en fonction du prix de 100 $ le plus souvent possible.

Le président: Pourquoi nos autorités douanières ne feraient-elles pas exactement la même chose, étant donné que les États-Unis sont notre principal partenaire commercial? C'est le pays avec lequel nous avons les rapports les plus étroits.

M. Cranker: Nous parlons de la position des États-Unis, et elle est expliquée dans une note de service adressée à tous les directeurs régionaux des opérations commerciales. Nous pouvons en laisser une copie à la greffière si vous voulez. Cette note traite particulièrement du cas de Nissho Iwai et de ce qui devra être fait. Elle dit :

C'est la position des États-Unis et c'est aussi celle de l'Europe.

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Le président: Autrement dit, si nous apportons cette modification, nous serons en contradiction avec la loi et les pratiques de l'Europe et, fait encore plus important, avec les États-Unis. Est-ce exact?

M. Somers: Jusqu'à un certain point, oui.

Le président: Il est évident que nos représentants officiels ne sont pas du tout d'accord avec vous sur ce point, et je vais leur donner la chance de répondre.

Mme Close: Merci monsieur le président.

Non, nous ne sommes pas du tout d'accord. Nous ne croyons pas que nous sommes en contradiction avec nos principaux partenaires commerciaux. Si nous l'étions, nous aurions entendu parler d'eux très rapidement, et cela n'a pas été le cas.

Je crois comprendre que nous n'avons pas présenté notre projet de loi au comité d'évaluation en douane, mais les Américains en ont une copie. Ils prennent connaissance de tous les projets de loi que nous déposons, et ils ne sont pas entrés en contact avec nous à ce sujet.

Il est certain que si le comité d'évaluation en douane estime que notre projet déroge à la loi, nous en entendrons parler très rapidement. Nous ne nous démarquerons pas de nos principaux partenaires commerciaux.

Afin d'insister quelque peu sur ce fait, j'ajouterai que les Américains ont notre projet de loi en main. Ils prennent connaissance de tous nos projets de loi et ils les examinent très soigneusement, comme nous le faisons pour les leurs. Rien n'indique que cette question les préoccupe.

Par ailleurs, au sujet du comité d'évaluation en douane, il est vrai que nous n'avons pas eu recours à lui. Cela ne fait pas partie de nos pratiques ordinaires. Il s'agit d'un type de compétence externe. Nous faisons des études internes très approfondies afin de vérifier si nous respectons les obligations internationales que nous avons contractées. Toutefois, il n'y a pas de doute que si ce comité estimait que nous enfreignons nos obligations, nous le saurions très rapidement. Nous ne pensons pas que cela se produira.

Quant à l'article VII du GATT, je pense que M. Jordan a fait très attention dans ses remarques, et il a répété plusieurs fois qu'on n'y trouve pas d'exigence sur la résidence et qu'on y fait mention d'exportation au pays. Toutefois, comme vous l'avez vu dans la présentation schématique précédente, on peut interpréter l'exportation au Canada de deux manières. Une clarification s'impose. Nos principaux partenaires commerciaux et nous-mêmes tentons de préciser ce point en fonction de la politique établie.

Un dernier mot à ce sujet. Ici au Canada, notre politique en matière d'importation, c'est-à-dire toute notre politique tarifaire, est fondée sur les pratiques antérieures, soit sur la manière dont le gouvernement procède à l'évaluation douanière depuis deux ans. Si cela change soudainement... C'est pourquoi il faut apporter cette précision. La loi n'est pas claire, le TCCE a bien raison. Il y a ambiguïté. Si nous ne faisons rien, nous devrons réévaluer toute notre politique tarifaire.

Notre politique tarifaire repose en grande partie sur la détermination de la valeur douanière et sur la protection dont les fabricants canadiens ont besoin. En ce qui concerne la libéralisation, nous sommes d'avis que nous ne pouvons pas nous le permettre. Si l'évaluation en douane passe de 100 $ à 80 $, nous nous trouverons devant une politique tarifaire entièrement nouvelle. Nous avons des obligations internationales contractées dans le cadre du GATT, nous ne pouvons pas augmenter nos tarifs. Notre tarif est fixé.

Je crois que cela met l'industrie dans une situation difficile et que l'application de la politique tarifaire est également difficile.

Monsieur le président, nous croyons sincèrement que ce projet de loi est clarificateur -

Le président: Quel choix de mot!

Mme Close: - il consacre une pratique adoptée par Revenu Canada en 1985. Le règlement nous permettra de veiller à ce que tous les autres exemples soient uniformisés, afin que tout soit administré de la même manière qu'auparavant.

Le président: Pour revenir à la question, ces témoins, qui sont des spécialistes du secteur privé et qui ont été directement touchés dans un cas, nous disent que nous serons en contradiction non seulement avec nos partenaires européens, mais ce qui est encore plus important, avec nos partenaires américains. Même si les Américains ne s'y sont pas opposés, nous serons en contradiction avec eux. Dans la mesure où nous devons importer certains produits pour être concurrentiels, nous serons désavantagés.

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Nous sommes en présence de gens intelligents qui ont des vues diamétralement opposées. On ne peut s'attendre à ce que mes collègues du comité ou moi-même devenions des spécialistes instantanément pour régler cette affaire. J'aimerais vous enfermer dans une pièce jusqu'à ce que vous en arriviez à un consensus. Je ne crois pas que de nouvelles discussions entre vous pourraient apporter des éléments sur lesquels le comité pourrait se fonder pour savoir qu'il a pris la bonne décision.

M. Grubel: Le fait que les Américains n'ont pas encore réagi ne suffit pas à réfuter les arguments logiques et la documentation que j'ai présentés. Après tout, cette absence de réaction pourrait être attribuable à une multitude de raisons. Pourquoi n'attaquez-vous pas directement les arguments qui ont été exposés? Est-ce que les paragraphes cités sont incorrects ou ne s'appliquent pas? Les mots auraient-ils été mal interprétés?

Il me semble que votre défense est très faible.

Mme Close: Cet argument a été avancé simplement pour répondre à la question qui a été posée : «Nos partenaires commerciaux sont-ils au courant de ce projet de loi?». Les Américains ont tendance à réagir très rapidement à tout projet de loi qui leur semble contraire aux obligations que nous avons contractées dans le cadre de l'ALÉNA. C'est pour cette raison que j'ai soulevé ce point.

Peut-être que M. Jordan peut parler de la clause qui a été lue, parce que je ne suis pas certaine du contexte et des implications de cette clause.

M. Jordan: Je ne peux m'appuyer que sur ma connaissance de l'administration américaine. Les Américains administrent la même politique que nous au Canada. Il est vrai qu'ils se sont adressés aux tribunaux et qu'ils ont perdu trois fois. À mon avis c'est qu'ils croient fermement que leur politique est valable.

D'après nous, ils n'ont changé ni leur loi ni leur politique. D'après ce que j'ai entendu de source bien informée, les États-Unis ne renonceront à leur 100 $ que si les détails d'une transaction donnée sont identiques ou très semblables à ceux des trois causes qu'ils ont perdues devant les tribunaux.

Je ne crois pas qu'ils aient changé leur politique. Ce n'est pas ce que j'ai entendu. Si votre cas ne ressemble pas aux trois qui ont été soumis aux tribunaux, votre évaluation sera de 100 $.

Dans la Communauté européenne par exemple, il n'y a pas d'exigence de résidence dans le règlement sur l'évaluation, mais il y a une exigence de fait parce qu'un autre règlement dit que pour pouvoir déclarer la valeur, la personne qui se présente aux douanes avec la déclaration de la valeur doit être une résidente de la Communauté européenne, connaître tous les faits et n'avoir aucun doute sur ce qu'elle déclare.

Je ne suis pas tout à fait certain de la manière dont la chose est vérifiée. On peut tout aussi bien dire «Savez-vous si c'est vrai? Ce fournisseur étranger doit-il payer des redevances? Payez-vous des redevances à un tiers?». Je crois comprendre que si l'on répond «je ne sais pas» une seule fois, la transaction est rejetée.

Alors, dans quelle mesure est-ce que nous nous distinguons? Je crois que nous pourrions obtenir à peu près les mêmes résultats qu'en Australie. Le Mexique utilise le prix que l'importateur doit payer au Mexique. Cet importateur doit être inscrit auprès du gouvernement mexicain en tant que contribuable et il doit évidemment avoir une certaine activité au Mexique.

Dans l'ensemble, si je me penche sur des exemples concrets, dans de nombreux cas, les résultats sont identiques aux nôtres, du moins à mon point de vue.

M. Grubel: Pour comprendre ce genre de question, je trouve toujours qu'il est utile d'établir le motif. Il est clair que nous appliquons une certaine politique depuis des années. Nous avons maintenant pris l'initiative de changer cette politique.

D'après moi, cette motivation pourrait venir de trois sources. Il pourrait y en avoir d'autres. La première source, ce sont les pressions exercées par Revenu Canada. Le ministère veut augmenter ses recettes. La deuxième source se trouve chez ceux qui estiment que les producteurs canadiens ne sont pas assez protégés parce qu'à la suite de la modification, le taux implicite de protection tarifaire a été réduit.

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La troisième source se situerait chez les bureaucrates, qui croient qu'il faut leur faciliter la vie; ils ne veulent pas être obligés d'exercer leur jugement chaque fois qu'il faut établir qu'il s'agit d'une transaction véritable au prix normal du marché, et évaluer tous les autres facteurs dont nous avons discutés.

Maintenant, pourriez-vous nous éclairer si possible sur ce qui a pu motiver ce changement?

Le président suppléant (M. St. Denis): Peut-être que nous pouvons donner d'abord la parole à M. Cranker. Ensuite, si vous n'avez pas d'objection, nous reviendrons à Mme Close.

M. Cranker: Lorsque l'Avis de motion des voies et moyens a été déposé - et je suis sûr que ne j'apprends rien à Mme Close - ,on a fait une référence directe à l'affaire de Harbour Sales. Pour présenter la chose simplement, je dirais que d'après la politique du ministère la loi exigeait la présence d'un acheteur au Canada - donc des exigences de résidence. Cette interprétation a été contestée devant les tribunaux, et le ministère a perdu.

Le ministère n'a pas aimé cet échec - c'est normal - et il a ajouté «acheteur au Canada» dans la loi. Je ne crois pas que le fait qu'il veuille ajouter ces mots cause beaucoup de problème à l'Association du Barreau canadien. Mais par ailleurs, nous sommes signataires d'accords internationaux, et les lois des États-Unis et de l'Europe ne comportent pas d'exigence semblable. À notre connaissance, aucun pays du monde n'a une telle exigence. Nous devons considérer la question dans une perspective plus globale et nous demandons au comité des finances de faire de même.

À notre connaissance, aucun des pays qui appliquent le code de la valeur en douanes n'a inclu de critère de résidence dans ses lois d'évaluation. Nous pourrions nous tromper, mais nous n'en avons trouvé aucun.

Le président suppléant (M. St. Denis): Madame Close, s'il vous plaît.

Mme Close: Je voudrais d'abord dire que le changement proposé ne constitue pas une modification de notre politique.

Vous avez tout à fait raison. Dans l'Avis de motion des voies et moyens, on parle du cas de Harbour Sales. C'est très vrai. Nous avons au Canada, le Tribunal canadien du commerce extérieur, qui a été créé précisément pour examiner les diverses interprétations de la loi. Il a aussi d'autres fonctions, mais c'est là un de ses rôles.

Il a en effet examiné cette partie de la législation et a déclaré qu'elle n'était pas claire. Il a conclu que Revenu Canada administrait la loi de cette manière depuis dix ans, mais qu'il n'était pas évident que la loi l'habilitait à le faire.

Cela se produit souvent, c'est l'une des principales raisons pour lesquelles nous modifions nos lois. Lorsque l'esprit de la loi, l'esprit de la politique, n'est pas clairement défini, nous proposons une modification. C'est en fait la raison pour laquelle nous proposons la modification d'aujourd'hui. Ce n'est certainement pas dans le but d'obtenir une plus grande protection ou des revenus supplémentaires. C'est plutôt pour maintenir la pratique bureaucratique et non pas la changer.

Le président suppléant (M. St. Denis): Merci de votre explication.

M. Grubel: Ne croyez-vous pas que cela pourrait entraîner une augmentation des recettes?

Mme Close: Non, les recettes demeureront inchangées.

M. Grubel: Alors pourquoi les intéressés qui pensent devoir payer davantage y seraient-ils opposés? Avez-vous une idée à ce sujet? Pouvez-vous faire des hypothèses?

Je serais porté à croire que les arguments sur lesquels vous vous appuyez pour soutenir qu'il n'y aura pas de recettes supplémentaires ne sont pas convaincants. Pourquoi ces gens seraient-ils ici?

Mme Close: Je ne peux pas faire de supposition là-dessus. On pourrait peut-être dire qu'ils aimeraient payer moins de droit de douane.

M. Grubel: Un instant, s'il vous plaît. Ou bien il y a un changement effectif de politique ou bien il n'y en a pas.

Le président suppléant (M. St. Denis): Laissons Dennis -

M. Grubel: Désolé Dennis.

M. Wyslobicky: Je peux essayer d'expliquer la situation.

D'abord, lorsqu'on a voulu établir une politique d'exportation, en 1985 et 1986, il y a eu beaucoup de consultations entre Revenu Canada et le secteur de l'importation afin de voir comment cette phrase devrait être interprétée. Je pense qu'on peut dire qu'après deux ou trois ans d'échanges infructueux, les milieux de l'importation et Revenu Canada ont reconnu qu'ils n'étaient pas d'accord.

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Je sais qu'en ce qui concerne la politique de Revenu Canada, il fallait avoir un acheteur au Canada dans certaines situations, comme nous l'avons vu plus tôt, mais non dans toutes. Bien des gens des milieux de l'importation n'acceptaient pas cette exigence et ils continuaient à déclarer la valeur la plus faible parce que, honnêtement, comme dans le cas de Harbour Sales, ils croyaient que c'était la bonne.

On peut se demander qu'elle sera la différence sur le plan des recettes. Dans le cas de ceux qui différaient d'opinion et qui déclaraient leurs marchandises sur une autre base que celle prévue dans la politique de Revenu Canada - et beaucoup de gens le faisaient - si cette modification est adoptée il est évident qu'ils devront payer des droits de douane plus élevés, et que les recettes seront donc plus élevées.

M. Grubel: Est-ce que c'est un effet souhaitable de cette modification?

M. Wyslobicky: Ce n'est pas souhaitable du point de vue des importateurs, mais évidemment du point de vue financier.

Là encore, de l'avis de l'Association des importateurs, un certain nombre de raisons justifient le rejet de cette modification. Nous avons essayé de les exposer aujourd'hui. La question des recettes arrivait au quatrième rang si vous vous souvenez bien. C'était l'un des points soulevés, et il semble contraire à la tendance générale.

M. Grubel: Il faut dire que je représente également le consommateur, le Canadien moyen, et le Canadien moyen bénéficie grandement d'une réduction de la protection. Lorsque le système politique rend possible la réduction de la protection parce que les industries protégées ne crient pas assez fort, je suis en faveur d'une telle réduction. Je suis déçu de voir que le ministère représenté ici propose cette modification pour des raisons que je considère purement juridiques...

Je ne vois vraiment pas comment l'intérêt national est protégé en publiant la clarification d'une loi qui accroît la protection et qui porte donc préjudice au consommateur, surtout lorsqu'il n'y a pas de ferme intérêt - et j'ai posé la question - dictant que nous avons besoin de plus de protection à ce sujet. À mon avis, cela n'a aucun sens.

Le président suppléant (M. St. Denis): Madame Brushett, vous voulez intervenir? Nous allons essayer de terminer dans les cinq prochaines minutes.

Mme Brushett: Je voudrais préciser un point. Mon honorable collègue perçoit un nouveau changement. Je voudrais souligner, si je ne me trompe pas, qu'il ne s'agit pas d'un changement. Depuis dix ans, nous imposons des droits douaniers calculés sur le prix que l'importateur doit payer lorsque la marchandise arrive au Canada pour y être vendue. C'est comme ça que les choses se sont toujours passées, et la modification vient simplement le préciser.

M. Grubel: Mais il me semble que si les gens sont venus ici, c'est qu'ils s'attendent à devoir payer plus.

Mme Brushett: Ils sont toujours venus. Ils ne s'attendent pas à payer plus. Ils ont payé des droits selon le prix de la dernière transaction pendant toute cette période de temps, mais il y a eu quelques exceptions. Maintenant, grâce à cette précision, les exceptions pourraient être plus rares.

Le président suppléant (M. St. Denis): Avant d'entendre nos prochains intervenants, avez-vous d'autres questions à poser à ces témoins?

De la part du comité, je vous remercie d'avoir participé à cette réunion qui a tourné un peu en débat. Vous ne vous attendiez probablement pas à ce genre d'échange. Nous vous remercions de votre patience et de votre tolérance. La réunion nous a été très utile à tous. Il y aura sans doute d'autres discussions, entre nous ou avec des fonctionnaires. Merci beaucoup.

Avant d'appeler nos prochains témoins, nous allons faire une brève pause.

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Le président suppléant (M. St. Denis): Si tout le monde est prêt -

Mme Brenda Swick-Martin (Ogilvy Renault au nom de Harbour Sales (Windsor) Ltd.): Monsieur le président, je suis presque prête.

Le président suppléant (M. St. Denis): Merci d'être venue. Comme nous l'avons fait plus tôt ce matin, il se peut qu'à l'occasion nous invitions les fonctionnaires à la table afin de nous aider à comprendre tous les points de vue, mais pour le moment, nous vous donnons la parole. Voulez-vous prendre un dix ou quinze minutes pour exposer vos opinions? Je vous invite à commencer.

Mme Swick-Martin: Monsieur le président, je suis Brenda Swick-Martin, du Cabinet Ogilvy Renault. M. Ken Sorensen, de Livingston Trade Services, et M. Richard Giggal, également de Livingston Trade Services, m'accompagnent. Notre cabinet a représenté Harbour Sales (Windsor) devant le Tribunal canadien du commerce extérieur à la Cour fédérale. Nous agissons ici au nom de notre client, Harbour Sales.

Monsieur le président, j'ai remis au comité des notes documentaires qui, je crois, ont été distribués hier. J'aimerais les passer brièvement en revue.

Je donnerai d'abord une brève description de la question qui nous occupe, c'est-à-dire l'accord sur la mise en oeuvre de l'article VII du GATT concernant l'évaluation en douane.

Je voudrais signaler au comité deux des points de l'accord. D'après le préambule, l'accord avait pour but d'établir des règles pour assurer une application uniforme et prévisible de l'évaluation en douane et pour éviter le recours à des valeurs arbitraires ou fictives.

Je voudrais ensuite vous renvoyer à l'article I de l'accord, qui porte sur la valeur transactionnelle des biens qui sont vendus en vue de l'exportation au Canada. Cet article dit qu'aux fins des douanes, la valeur des biens importés au Canada sera la valeur transactionnelle - c'est-à-dire, le prix réel payé ou payable pour les marchandises au moment où elles sont vendues pour l'exportation vers le pays d'importation, ce qui correspond au libellé du paragraphe 48(1) de la Loi sur les douanes. J'ai souligné comment est présentement formulée la Loi sur les douanes et comment elle reflète cette interprétation.

Il est clair que conformément à l'article I du code de la valeur en douanes et d'après tous les rapports du comité sur le code de la valeur, il n'a jamais été exigé que l'acheteur, dans le cas d'une vente à l'exportation, soit un résident du pays d'importation. L'adresse ou la nationalité de l'acheteur n'est pas un facteur pertinent lorsqu'il s'agit de reconnaître une vente à l'exportation.

Je suis sûr que vous en avez beaucoup parlé avant que nous arrivions. La modification proposée au paragraphe 45(1) fait que soudainement, les marchandises à exporter au Canada doivent maintenant être vendues à un acheteur au Canada. Par conséquent, l'élément de résidence apparaît soudainement dans un contexte où il n'existait pas auparavant, dans le cadre de la loi ou de l'accord international.

Je crois que nous avons probablement entendu plus tôt ce matin des témoignages disant que, avant la décision de la Cour fédérale dans le cas de Harbour Sales, la politique administrative du ministère du Revenu voulait que ce soit la vente qui déclenche la suite des événements, la transaction à laquelle participe directement la personne au Canada, qui devait en quelque sorte constituer la vente de marchandises aux fins de l'exportation au Canada, d'où la nécessité sous-entendue de résider au Canada. Il est clair que cela n'a pas été perçu d'un bon oeil par mon client, Harbour Sales, et que la Cour fédérale et le Tribunal canadien du commerce extérieur ne l'ont pas accepté non plus lorsqu'ils ont annulé l'interprétation du ministère et qu'ils ont tous les deux déclaré que le concept de résidence est totalement étranger à la détermination de la valeur en douanes, conformément à la Loi sur les douanes. La Loi sur les douanes et l'accord du GATT sur l'évaluation en douane sont bien entendu assez semblables, et cette interprétation est conforme aux obligations contractées par le Canada dans le cadre de cette entente.

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Mon client s'inquiète évidemment du fait que, si la modification proposée est adoptée par le Parlement, il sera non seulement réévalué et devra payer des droits plus élevés, et ce après avoir défendu avec succès ses droits devant la Cour fédérale, mais aussi parce que la modification proposée permettra au Canada d'entériner dans la loi canadienne l'interprétation incohérente de ce qui constitue une vente de marchandises à l'exportation vers le Canada.

Je crois que nous devons signaler que cette interprétation n'est pas conforme à celle d'autres juridictions qui sont aussi signataires de l'OMC, et qu'elle est contraire à l'interprétation de la Communauté européenne. Elle va également à l'encontre de la décision de la Cour de circuit fédéral américaine dans le cas de Nissho Iwai, décision qui indique clairement que la résidence et la nationalité ne sont pas des exigences aux fins des ventes à l'exportation; en outre, elle risque d'avoir une incidence sur la crédibilité du Canada au sein de l'OMC.

Je dois ajouter qu'à ce stade, le sujet est bien entendu extrêmement important parce que le directeur de l'organisme d'appel de l'OMC est un représentant du Canada, et que si la modification proposée est acceptée, son application sera contraire au code de valeur en douanes.

D'après mon client et selon nous, la crédibilité du Canada se trouve gravement menacée sur le plan de l'interprétation et du code. En outre, nous estimons aussi que cela ne constitue pas un exemple très positif pour les nouveaux signataires de l'OMC.

En bref, monsieur le président, nous sommes fortement opposés à la modification proposée et nous souhaitons qu'elle ne soit pas adoptée.

Le président suppléant (M. St. Denis): Monsieur Grubel.

M. Grubel: J'aimerais obtenir une précision. Supposons que le projet de loi est adopté et que ce que vous venez de dire est vrai, prévoyez-vous qu'il y aura des répercussions au niveau de l'organisation internationale? Y aura-t-il des appels? Quelles seront les sanctions? Y aura-t-il des répercussions?

Mme Swick-Martin: Il y aura des répercussions en ce sens que soudainement le Canada appliquera une interprétation contraire au code ce qui enverra un message très clair aux autres signataires de l'OMC, qui n'imposent pas d'exigences sur le plan de la résidence.

M. Grubel: Mais pourrait-on mettre en doute la validité de cette interprétation dans le cadre des codes existants - s'adresser à des mécanismes d'appel ou quelque chose de semblable?

Mme Swick-Martin: Oui, je pense que la question serait assujettie aux mécanismes internes de règlement des différends de l'OMC.

M. Grubel: Savez-vous si le ministère a obtenu l'opinion de ses conseillers juridiques en ce qui concerne les lois commerciales internationales à ce sujet?

Mme Swick-Martin: Non. J'aimerais beaucoup pouvoir connaître une telle opinion, mais je ne crois pas que le ministère nous la donnerait. Je ne sais rien à ce sujet.

M. Grubel: Merci.

Le président suppléant (M. St. Denis): Avant votre arrivée, d'autres témoins ont soulevé la même question, et nous en avons beaucoup discuté. Si vous me le permettez, puis-je vous demander - et peut-être que cela constitue la question centrale - ces dispositions sont-elles simplement une mise en application de la pratique de Revenu Canada au cours des dernières années, ou s'agit-il de quelque chose de nouveau? C'est l'un des points qu'il faudra préciser tôt ou tard.

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Mme Swick-Martin: Monsieur le président -

Le président suppléant (M. St. Denis): J'y reviens dans un moment madame Swick-Martin.

L'autre question principale à considérer est celle de savoir si ces dispositions sont conformes aux pratiques de nos principaux partenaires commerciaux.

Mme Swick-Martin: Je dois dire qu'elles sont très peu conformes à nos pratiques commerciales. Nos voisins du Sud ont déjà effectué cette démarche. Dans le cas de Nissho Iwai, présenté au tribunal de circuit fédéral, les Américains ont fait face à la même situation sur le plan des faits que dans le cas de Harbour Sales. Le tribunal a clairement conclu que la résidence ne constituait pas une exigence.

Il est clair alors que l'interprétation du Canada ne serait pas conforme au code.

M. Grubel: Je me demande si on pourrait demander à Mme Close de venir encore une fois et de nous donner son opinion quant à la possibilité que notre interprétation soit contestée devant un tribunal international.

Le président suppléant (M. St. Denis): Madame Close, pourriez-vous vous joindre à nous?

Merci de cette suggestion, monsieur Grubel.

Mme Close: J'aimerais que mes collègues de Revenu Canada viennent aussi. Je ne connais pas bien tous les comités sur les douanes que nous avons, mais je sais qu'il en existe à la fois... dans le cadre de l'ALÉNA, il y a un comité douanier qui se réunit très fréquemment ou des comités qui tiennent des réunions internationales à Bruxelles et à Genève sur ces questions.

Si un autre gouvernement voulait déposer une plainte à ce sujet, je ne crois pas qu'il commencerait par s'adresser au comité; il communiquerait directement avec les représentants du gouvernement. Si la question ne pouvait être résolue et que l'autre gouvernement estimait que nous dérogeons au code et ne répondons pas à nos obligations, il pourrait s'adresser à ces comités ou tribunes s'il en ressentait la nécessité. Mais selon les conseils que nous avons reçus des représentants officiels de Revenu Canada qui ont des contacts très étroits avec leurs collègues de l'étranger, notre interprétation n'est pas tellement différente de celle des autres. En fait, si l'interprétation actuelle est celle qui prévaut depuis les dix dernières années et que personne ne s'en est encore plaint, j'estime que les probabilités sont minces.

M. Jordan a signalé plusieurs fois que même si le mot «résident» ne se trouve pas dans le code sur la valeur en douanes, un des règlements de l'Union européenne mentionne une exigence concernant la résidence. Il y a maintenant d'autres pays qui s'efforcent de préciser ce point, car ils se heurtent au même obstacle que les services douaniers canadiens et le ministère du Revenu : les opinions sont partagées.

Tout le monde essaie d'éclaircir la question. Les Européens tentent de le faire. Les Américains n'ont pas essayé, mais ils s'adressent aux tribunaux chaque fois qu'ils doivent défendre leur politique.

Vous vous demandez si la question sera soumise à ces «tribunaux internationaux», et j'utilise des guillemets. À mon avis, c'est peu probable.

Le président suppléant (M. St. Denis): Madame Swick-Martin.

Mme Swick-Martin: En réponse à Mme Close, je dois immédiatement dire que la position des Américains voulant que la résidence ne soit pas une exigence dans le cas d'une vente à l'exportation est maintenant consacrée.

Je voudrais renvoyer le comité au cas de Nissho Iwai American Corp. v. United States, Cour d'appel de circuit fédérale, 982, numéro 505 du supplément fédéral.

J'aimerais aussi, pour mémoire, lire la décision du Tribunal dans le cas suivi par les autorités douanières des États-Unis :

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Le Tribunal rejette ensuite nettement l'exigence voulant qu'au moins un résident américain participe à la vente. Plus tôt, le Tribunal a conclu que si la transaction entre un fabricant étranger et son client constitue, sur tout autre point, une vente - ce qui est la véritable question - aux fins de l'évaluation en douane, et si elle se rapporte à des marchandises nettement destinées à l'exportation vers les États-Unis - ce qui est la deuxième question importante peu importe le lieu de résidence - cette transaction doit être utilisée comme fondement de la valeur transactionnelle, sans égard au fait que l'acheteur en tant qu'intermédiaire se trouve à l'extérieur des États-Unis. C'est là que réside la question - y a-t-il une vente et le produit est-il directement destiné à la consommation au Canada? La question de la résidence n'est pas une exigence pertinente aux États-Unis.

Le président suppléant (M. St. Denis): Merci.

Monsieur Pillitteri.

M. Pillitteri: Ma question se rapporte au sujet, mais je vais l'aborder d'une manière un peu différente. Nous continuons à parler de ce que font les États-Unis ou les Européens; il semble que nous essayons de les imiter. Se pourrait-il que notre ministère assume une position de leadership à ce sujet? Les autres n'ont pas défini leur politique clairement afin de mettre de l'ordre dans leurs affaires; notre ministère prend peut-être les devants et tente de fournir une interprétation.

Je veux vous poser la question suivante. Si les Européens se fondent sur la dernière facture avant l'entrée des marchandises, croyez-vous qu'il s'agit d'une mesure protectionniste? Êtes-vous de mon avis? C'est surtout une hypothèse, mais ne pourrait-il pas s'agir de cela plutôt que d'une question de résidence?

Mme Swick-Martin: D'abord, je dois dire qu'à notre avis, la question n'est pas tellement de savoir qui sera le premier à donner une interprétation. Les pays ont signé l'accord de l'OMC, et l'OMC n'impose aucune exigence sur le plan de la résidence.

Que les Américains agissent... Je cite les Américains parce que l'interprétation des Américains et des tribunaux américains est conforme à celle du code.

M. Pillitteri: Ils n'ont cependant rien changé.

Mme Swick-Martin: Mais ils ont changé, parce que l'affaire de Nissho Iwai portait sur une pratique d'administration douanière antérieure.

M. Pillitteri: Mais ils n'ont pas changé; ils continuent à demander le plus élevé des deux prix.

Mme Swick-Martin: Non, excusez-moi. Dans le cas des États-Unis, la décision concernant Nissho Iwai dit que lorsque nous sommes en présence d'un fabricant étranger, d'un intermédiaire américain, et d'un acheteur ultime aux États-Unis, c'est la vente entre le fabricant américain et l'intermédiaire au prix ou coût le moins élevé qui constitue la vente à l'exportation aux États-Unis. Ce n'est pas le prix entre l'intermédiaire et l'acheteur américain, le prix majoré, qui constitue la vente à l'exportation.

Le président suppléant (M. St. Denis): Monsieur Jordan.

M. Jordan: J'ai abordé brièvement la question ce matin et comme je l'ai dit je sais qu'ils se sont rendus devant les tribunaux trois fois et qu'ils ont perdu leur cause. Mais je crois comprendre qu'ils appliqueront la politique, et c'est essentiellement notre politique, et que les trois décisions du Tribunal ne s'appliqueront que si les faits ressemblent étroitement à ceux de ces trois cas.

J'ai obtenu cette information pas plus tard que la semaine dernière, de gens bien informés qui ont des contacts au sud de la frontière. C'est ce qu'on me dit. Je reconnais qu'ils ont défendu leur position devant les tribunaux trois fois et qu'ils n'ont pas eu gain de cause dans les trois cas. Il est quand même intéressant de voir qu'ils défendent clairement leur position devant leurs tribunaux. Tout ce que je peux dire c'est ce que je comprends de l'administration actuelle : ils n'ont pas changé la loi. La loi demeure la même et la politique, telle que je l'ai expliquée.

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Encore une fois, en ce qui concerne la Communauté européenne, j'aimerais souligner que parce qu'il faut que le déclarant soit résident de la Communauté, il y a un autre règlement en dehors des modalités d'évaluation qui dit que, pour déclarer la valeur, il faut être résident de la Communauté européenne et connaître tous les faits.

Je peux distribuer des copies de ce règlement, si vous le voulez.

Nous n'avons pas d'exigence similaire au Canada. N'importe qui peut être importateur et déclarer la valeur. Je crois comprendre en lisant le règlement européen que pour déclarer la valeur, il faut être résident de la Communauté.

Le président suppléant (M. St. Denis): Madame Stewart.

Mme Stewart (Brant): Je voudrais tout simplement bien comprendre votre interprétation des trois cas cités. Il me semble que ces cas laissent entendre que la décision ne sera pas prise tant qu'il n'y aura pas de jurisprudence pour effectuer le changement. Trois cas ne semblent pas suffire. Est-ce possible?

M. Jordan: Dans l'administration américaine?

Mme Stewart: Oui.

M. Jordan: Il est difficile de deviner ce que cherche l'administration américaine... lorsqu'elle considère de tels cas.

Mme Stewart: Voyons si je comprends bien ce que vous dites.

Les États-Unis n'ont pas beaucoup changé leur législation. Cette législation ressemble fort à ce que nous proposons ici en dépit du fait que trois cas ont été jugés par les tribunaux, avec des dynamiques particulières, et des contextes particuliers qui appuient la position des trois témoins qui viennent de parler, les représentants de l'Association du Barreau et de l'Association des importateurs.

M. Jordan: Oui. C'est ce que je crois comprendre. Si les détails de votre transaction sont semblables à ceux des trois cas débattus devant les tribunaux, il se peut qu'on accepte une vente antérieure.

Mme Stewart: D'après ce que vous en savez, ces cas sont-ils si particuliers qu'ils pourraient ne pas faire partie de la jurisprudence générale?

M. Jordan: Un des cas concernait, je pense, des wagons de métro qui étaient importés. Ce contrat était très particulier. Les wagons étaient destinés à la New York Transit Authority. Je suppose qu'ils étaient construits selon les spécifications de la New York Transit Authority. Je ne connais pas beaucoup d'autres cas qui présenteraient des similarités. Je ne suis pas très certain.

Le président suppléant (M. St. Denis): J'aimerais demander à monsieur Jordan et madame Close ou à tout autre témoin si le projet de loi C-102, la clause 48 en particulier, ressemble à la loi actuelle des États-Unis ou est-ce que la loi actuelle des États-Unis correspond à celle que nous avions auparavant?

M. Jordan: Notre politique administrative, le concept de notre politique, et la vente à l'acheteur au Canada, sont des points conformes à la politique américaine. Est-ce que le libellé est identique? Non. Ce n'est pas tout à fait la même chose.

Le président suppléant (M. St. Denis): Y a-t-il un débat entre les représentants du département du Revenu américain et le secteur de l'importation, comme c'est le cas ici aujourd'hui?

M. Jordan: Je n'en suis pas tout à fait certain, mais le fait qu'il y a eu trois cas devant les tribunaux laisse croire que le débat se poursuit entre l'administration américaine et dans le secteur de l'importation. Je ne sais tout simplement pas s'il y a d'autres cas non encore réglés.

Le président suppléant (M. St. Denis): Quelqu'un a-t-il d'autres questions à poser?

Mme Swick-Martin: Monsieur le président, je serais heureuse de remettre au comité le libellé de la loi américaine, qui est très semblable à la nôtre. La loi des États-Unis dit que la valeur transactionnelle de la marchandise importée correspond au «prix réel payé ou payable pour la marchandise lorsqu'elle est vendue pour exportation aux États-Unis».

M. Grubel: Je n'étais pas ici au début des discussions, et je m'en excuse, mais puis-je demander des précisions? Je veux bien comprendre.

Si je devais refaire la loi, je ferais la distinction suivante. Je suis importateur et je viens d'acheter un produit, mais j'ai décidé qu'avant d'en accepter la livraison, j'aimerais qu'une société étrangère fasse quelque chose pour en changer la nature, peu importe de quoi il s'agit. Ce serait un genre de service que j'ai demandé de mon propre chef et essentiellement à mes propres frais. Je dirais alors que l'évaluation sera probablement le coût du produit avant que je demande les modifications.

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D'un autre côté, supposons qu'un étranger vend un produit à une valeur ajoutée à la demande d'un grossiste, quelqu'un qui emballe, effectue un tri, ou autre chose de ce genre. Un importateur canadien s'adresse à l'intermédiaire responsable de la valeur ajoutée de son propre chef. Alors à mon avis, dans une perspective d'économie et d'efficacité, l'évaluation devrait être fondée sur le prix que l'intermédiaire demande au Canadien. Est-ce que c'est le genre de raisonnement que la Division des tarifs de Revenu Canada applique pour faire cette distinction?

Le président suppléant (M. St. Denis): Monsieur Grubel, votre question s'adresse-t-elle à nos témoins ou à nos fonctionnaires?

M. Grubel: Elle s'adresse aux fonctionnaires. Je veux simplement comprendre et peut-être faire inscrire pour mémoire la base d'évaluation pertinente, du point de vue de la rationalité.

Mme Close: Sur le plan de la politique, nous essayons de savoir le prix payé par l'importateur. S'il y a valeur ajoutée, il l'achète de l'intermédiaire et il a déjà payé cette valeur ajoutée. Dans votre second cas, si l'on revient à l'idée du 80 $ et du 100 $, je conviens avec vous que le 100 $ serait le prix à utiliser.

Dans le cas de votre autre exemple, vous avez ajouté des coûts que l'étranger doit payer et vous avez ajouté d'autres choses aussi. Je ne suis pas certaine s'il s'agirait de 80, de 100 ou de 110 $. J'imagine que cela pourrait bien être 110 $.

M. Grubel: Non, je suppose qu'il s'agirait aussi de 20 $. Ça pourrait aussi être 20 $. Il pourrait s'agir d'un service tel que l'étiquetage ou de l'identification de la qualité, de la valeur, etc. Dans ces circonstances, je dirais qu'une politique rationnelle demanderait que l'importation de ce service de 20 $ demandé par l'importateur canadien soit soumise à un taux tarifaire applicable à ce service ou à la valeur ajoutée et non pas au taux qui s'applique au produit original qui coûte 80 $.

Je pose simplement une question factuelle. Avez-vous déjà pensé au processus que je viens de décrire? En avez-vous déjà tenu compte dans la détermination des décisions que vous avez prises?

M. Jordan: Je peux répondre à cela. Il n'y a pas de doute que c'est une considération, et c'en est une qui peut, je crois, fausser l'établissement de la valeur.

Prenons le premier exemple présenté ce matin, il s'agit d'une société canadienne qui achète d'un intermédiaire américain au prix de 100 $. Disons que la société canadienne demande à une autre société américaine de fournir du matériel d'emballage au fabricant. Je vais changer mon exemple juste un peu. Disons qu'une société canadienne fait affaire avec un fabricant pour la production de marchandises. Elle s'adresse ensuite à quelqu'un d'autre dans le pays d'exportation et lui demande de fournir du matériel d'emballage. Nous inclurons cela dans la valeur douanière.

Maintenant, changeons un peu le scénario. Une société canadienne fait affaire avec un intermédiaire américain. La société canadienne expédie le matériel d'emballage à la société de fabrication étrangère ou prend d'autres mesures pour que le fabricant l'obtienne.

Si nous acceptons la vente entre le fabricant étranger et l'intermédiaire américain, on fera valoir que nous ne devrions pas inclure la valeur du matériel d'emballage parce qu'elle ne faisait pas partie de l'établissement de la valeur de transaction entre l'intermédiaire américain et le fabricant étranger. C'est là une des conséquences. Si l'on tient compte de transactions antérieures il y aura des éléments assujettis aux droits de douane.

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On peut citer par exemple une redevance - et les redevances peuvent être très importantes - versée par une société canadienne à un intermédiaire, et qui devrait faire partie de la valeur assujettie aux droits de douane. Il pourrait y avoir distorsion.

M. Grubel: Je comprends, mais je crois personnellement que les importateurs peuvent au moins défendre leur cas en disant que le 20 $ dépensé de leur propre initiative pour acheter un produit d'un fournisseur ou d'un fabricant ou la valeur ajoutée achetée, devrait être assujetti(e) à un taux douanier correspondant au processus ajouté. Très souvent cela peut correspondre à zéro, s'il ne s'agit que d'un achat de gros ou de quelque chose du genre.

J'aimerais simplement que cela figure dans le compte rendu. Peut-être qu'il ne s'agit que d'une complication, mais si je devais défendre le cas devant un tribunal, c'est l'approche rationnelle que je choisirais... mais on ne me le demandera pas.

Le président suppléant (M. St. Denis): Merci, monsieur Grubel.

J'aurais une petite question à poser avant de mettre fin à cette séance.

Dans le cas du premier exemple, je suppose que si je suis une société canadienne et que je fais appel à un intermédiaire américain pour acheter quelque chose, j'ai mes raisons. Cet intermédiaire fait des recherches sur le marché et me rend un service. Si je dois payer cet intermédiaire 100 $ pour obtenir quelque chose, j'ai en réalité fait un bénéfice de 20 $, ce bénéfice consistant en l'achat d'aide ou d'autres choses de ce genre.

Est-ce qu'on a quelque chose à dire sur le fait qu'il y a une raison qui pousse à avoir recours à un intermédiaire et que cela peut en fait ajouter une valeur intangible au produit?

Mme Swick-Martin: Tous les droits des agences sont assujettis aux droits de douane, sauf l'achat de ces droits.

Il s'agit de savoir si vous auriez pu faire ça, par exemple dans le sens du cas de Harbour Sales. Il peut y avoir des raisons administratives justifiant le fait qu'un grand nombre des livres et de dossiers sont tenus par une société américaine. Il peut y avoir de très bonnes raisons, mais il demeure quand même que la question à déterminer dans le cadre du code et de la loi canadienne est de savoir s'il y a eu une vente ou si le produit est destiné à la consommation dans le pays d'importation.

L'autre chose que nous voulions ajouter en ce qui concerne le règlement de la Communauté européenne - et malheureusement nous ne l'avons pas devant nous, mais nous serions heureux de vous le faire parvenir à moins que vous ne l'ayez déjà - est que nous croyons comprendre que ce règlement peut exiger que le déclarant soit un résident, mais il ne demande tout simplement pas que l'acheteur des biens soit un résident. Il y a bien entendu une distinction importante à faire entre la personne qui déclare la valeur en douane et l'acheteur réel lorsqu'il s'agit d'une vente à l'exportation vers la CE.

Nous serions heureux de fournir ce règlement au comité, s'il en a besoin. Je ne sais pas quels sont les documents que vous avez déjà.

Le président suppléant (M. St. Denis): Je ne crois pas l'avoir. Peut-être que nous pourrons en discuter après l'ajournement.

Comme il n'y a pas d'autres questions, je remercie nos témoins et les fonctionnaires. Nous nous reverrons cet après-midi.

J'ajourne notre séance de ce matin. Nous nous réunirons à nouveau à 15 h 30. Merci.

La séance est levée jusqu'à cet après-midi.

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