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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 16 mai 1995

.0905

Le président: Mesdames et messieurs, je sais que d'autres collègues vont se joindre à nous sous peu, mais peut-être devrions-nous commencer tout de suite la séance pour profiter à plein du temps dont nous disposons.

Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui M. Keith Spicer que nous reverrons au début juin dans le cadre de nos audiences sur la radiodiffusion directe par satellite, mais il est ici aujourd'hui pour nous entretenir du budget du CRTC qu'on retrouve dans ce Livre bleu.

Je soupçonne que comme à l'habitude, nos questions et nos observations porteront sur une vaste gamme de sujets, ce qui n'est que normal vu la nature du domaine, et si nous tenons ces réunions, c'est d'ailleurs dans le but de susciter un échange de vues franc et honnête.

Comme pour l'instant ni le représentant du Bloc ni M. Hanrahan ne sont ici, je me demande, monsieur McClelland, si vous voulez que leurs dix minutes vous soient allouées. Avez-vous quelques questions à poser à M. Spicer?

M. McClelland (Edmonton Sud-Ouest): Monsieur le président, passons-nous directement aux questions?

Le président: Excusez-moi. Vous avez peut-être quelque chose à nous dire, monsieur Spcier. Pourquoi pas, en effet. J'étais tellement impatient de commencer

M. Keith Spicer (président Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes): Contrairement à mon habitude, j'ai apporté un petit texte aujourd'hui. Si vous préfériez qu'on s'en passe, je n'y vois pas d'inconvénient. Ce n'est qu'un détail. En fait, j'espérais que mon exposé vous serait utile et j'ai supposé, cherchant en cela à être très constructif, qu'il vous aiderait peut-être à poser des questions encore plus pénétrantes.

Le président: Cela donnera aussi le temps aux gens d'arriver.

M. Spicer: Monsieur le président, honorables membres, je remercie le comité de me donner l'occasion de l'entretenir aujourd'hui des Priorités et dépenses du programme du CRTC pour 1995-1996 à 1997-1998. Je suis accompagné du Secrétaire général, M. Allan Darling, et du directeur exécutif des Télécommunications, M. Stuart MacPherson.

J'ai demandé qu'un document d'information sur les priorités et les dépenses du Conseil soit remis à tous les membres du comité. J'espère que vous en avez tous reçu copie.

Dans un univers où la concurrence et la convergence s'accélèrent, où la nécessité de réglementation évolue et est souvent incomprise, je crois qu'il convient de citer un passage de la Loi sur la radiodiffusion. C'est une façon de rappeler respectueusement que le mandat du Conseil lui vient de cette Loi, du Parlement. Je tiens à commencer par notre mandat parce qu'il est au coeur même de notre activité - et nous prenons cette responsabilité très au sérieux.

Permettez-moi de vous citer brièvement l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion qui est le fondement de notre mandat.

Garder le Canada sur ses propres ondes - l'essence de notre mandat - et offrir aux Canadiens qualité et choix à coût abordable - voilà la tâche du CRTC. Cela paraît plutôt simple, mais, de fait, notre mandat nous oblige à constamment prouver l'équilibre entre les intérêts des consommateurs, des créateurs et des distributeurs à cette fin.

.0910

[Traduction]

C'est donc dire qu'il faut un arbitre - et il n'y a pas souvent d'ovation pour l'arbitre. Les décisions dans un cas peuvent sembler favoriser un groupe et la suivante, un autre. Au bout du compte, notre «raison d'être» reste l'équilibre - et vous, le Parlement, avez créé cet organisme pour jouer ce rôle. Nous faisons cela en encourageant la concurrence à l'avantage des consommateurs, des entrepreneurs et des producteurs. Nous ne cherchons pas des moyens de ralentir la concurrence, mais bien de l'accélérer.

Si ceux qui voudraient nous voir disparaître demain - et il s'en trouve un ou deux, je crois - ont besoin de se faire rappeler pourquoi les organismes de réglementation existent (et continueront probablement hélas toujours d'exister!), laissez-moi vous exposer quelques-unes des façons dont nous servons les Canadiens. Ce faisant, il deviendra peut-être encore plus manifeste pourquoi la réglementation reste essentielle en cette période d'adaptation à notre nouveau milieu des communications.

Les organismes de réglementation canadiens garantissent deux choses aux Canadiens: un jugement indépendant et la transparence.

Premièrement, nous servons les Canadiens en enlevant les décisions concernant les communications modernes - toujours complexes, portant habituellement à controverse - , des mains de la partisanerie politique ou personnelle. C'est pour cette raison que le Parlement a établi le CRTC: comme tribunal quasi-judiciaire chargé de prendre des décisions souvent impopulaires mais nécessaires en fonction de l'intérêt public général tel que le définit le Parlement. Chaque année, nous prenons quelque 4 600 décisions - de plus ou moins grande importance, selon le cas - et chacune met en cause des intérêts financiers sur lesquels il faut se prononcer dans l'intérêt public, non pas privé. Dans un grand nombre de décisions, d'importantes préoccupations socio-culturelles liées aux valeurs distinctives chères aux Canadiens sont également en jeu. La décision portant sur la représentation de la violence à la télévision en est un exemple. Il y en a beaucoup d'autres.

Deuxièmement, nous prenons nos décisions au grand jour, au terme d'instances transparentes - , notamment, les audiences publiques qui sont notre caractéristique. Cette transparence et ce respect pour les opinions des citoyens font que, chaque année, nous accueillons des douzaines de délégations de ministères et d'organismes de réglementation de partout dans le monde, qui espèrent tirer des leçons du modèle canadien de réglementation. Dans bien des pays, malheureusement, de telles décisions sont prises dans le secret, ou assez souvent par des bureaucrates qui font tout ce que les politiciens leur demandent. Le Canada rend ces décisions au vu et au su de tout le monde, souvent en direct à la télévision.

Les parlementaires et la plupart des Canadiens ont rarement l'occasion de se rendre compte de toute la valeur que les autres pays accordent à notre ouverture. Ne vous méprenez pas, je ne suis surtout pas en train de me plaindre que nous sommes des «mal-aimés». C'est une simple observation que je vous fais, avec une carapace très épaisse: se mettre en colère contre nous - ce qui se comprend parfois - pour avoir pris une décision concernant les tarifs du câble ou du téléphone est tout simplement une réaction plus naturelle et plus agréable que de nous envoyer du courrier pour nous féliciter de tenir des audiences scrupuleusement justes, irréprochablement ouvertes.

De quelle manière contribuons-nous au bien public, plus précisément?

[Français]

Le Conseil s'occupe de renouvellements de licences à intervalles réguliers, prévisibles, mais notre charge de travail dépend en grande partie des demandes et requêtes que nous recevons. C'est donc dire qu'il est difficile pour le Conseil de prévoir une grande partie de sa charge de travail. En outre, au fur et à mesure que les consommateurs prennent conscience des nouvelles technologies de communications, non seulement veulent-ils un choix et un contrôle accrus sur les services qu'ils obtiennent, mais aussi sur la manière dont il les reçoivent. Ils veulent être mieux renseignés sur leurs options et mieux comprendre la manière dont ces services sont réglementés. Les consommateurs, aujourd'hui plus que jamais, sont exposés à toute une gamme de nouvelles idées sur les technologies de l'information. Chaque jour, ils entendent parler de l'autoroute de l'information et lisent des articles à ce sujet.

Avec les nouvelles technologies, les médias, dans toutes leurs formes, jouent un rôle croissant dans la vie quotidienne des Canadiens. Les attentes des citoyens augmentent au même rythme que leurs connaissances. Nous en sommes conscients et nous accueillons volontiers leur précieux apport, parce qu'il nous aide à exécuter notre travail avec une plus grande efficacité. Nous sommes également conscients de l'importance qu'il y a de répondre avec célérité et sérieux à leurs demandes de renseignements. Permettez-moi de vous exposer brièvement les initiatives actuellement en cours visant à accroître notre accessibilité aux Canadiens et à réagir à ces contacts de plus en plus nombreux avec des ressources de plus en plus rares.

Les ressources dont nous disposons pour assurer nos responsabilités sont à la baisse. Le Budget principal des dépenses 1992-1993 avait autorisé 37,8 millions de dollars et 454 postes d'équivalents temps plein. Pour l'exercice en cours, des ressources supplémentaires de 2,9 millions de dollars et de 25 ETP ont été approuvées pour étoffer le secteur Télécommunications de nos activités, parce que nous sommes désormais chargés de réglementer 49 compagnies de téléphone additionnelles qui étaient auparavant de compétence provinciale.

.0915

Des compressions budgétaires successives depuis 1992-1993, notamment l'Examen des programmes l'été dernier, font que ce niveau de référence global de 40,7 millions de dollars et de 479 ETP diminuera d'ici 1997-1998 à 31,4 millions de dollars et environ 413 ETP. Bref, depuis 1992-1993, le Conseil aura absorbé des compressions budgétaires de quelque 25 p. 100, tandis que nos activités en télécommunications et en radiodiffusion auront sensiblement augmenté. De fait, la réduction des ressources aux fins de la réglementation de la radiodiffusion est plus importante, car les crédits consacrés aux télécommunications ont effectivement augmenté en comparaison du niveau de 1992-1993.

[Traduction]

Si vous consultez le document d'information dont je vous parlais au début, vous pourrez constater que notre volume de demandes de renseignements en radiodiffusion et en télécommunications a sensiblement augmenté entre 1993-1994 et l'exercice en cours, les données réelles passant de 65 618 en 1993-1994 à 103 708 en 1994-1995 juste pour la radiodiffusion. En télécommunications, les plaintes et demandes de renseignements sont passées de 18 000 à 30 000 au cours de la même période. Nous prévoyons des chiffres comparables pour 1995-1996.

Pour faire en sorte que nous répondions avec célérité à ces demandes de plus en plus nombreuses, nous avons élaboré une démarche rationalisée pour donner aux consommateurs l'information dont ils ont besoin rapidement et dans un langage simple. Par exemple, nous avons reçu un grand nombre de demandes de renseignements concernant la facturation du câble, les règles relatives au contenu canadien, la violence à la télévision et la procédure de dépôt de plaintes. Nous avons conçu une trentaine de «fiches-info» - j'en ai des exemplaires pour tous les membres aujourd'hui - qui expliquent en langage simple nos politiques concernant ces questions et autres. Cette démarche a contribué pour beaucoup à simplifier le contenu de nos réponses écrites aux demandes de renseignements du public, mais notre charge de travail dans ce secteur n'en continue pas moins d'augmenter.

Nous sommes récemment devenus le premier organisme de la fonction publique fédérale à être raccordé en direct avec une Page initiale dans le World Wide Web. Cela nous permet non seulement de rendre disponible des documents d'archives, mais aussi de fournir des mises à jour quotidiennes de toutes les publications du CRTC - décisions, avis publics et autres. Cette information est disponible sur Internet habituellement la journée même où elle est rendue publique, ou le lendemain. Je le signale au comité, car c'est un outil qui est utile qui pourrait lui permettre d'économiser du temps. Si, comme je le crois, vous êtes abonné à Internet, le code de page initiale ou l'adresse est WWW, CRTC GCCA.

Nous sommes aussi en train d'examiner la possibilité de permettre au public de participer par voie électronique à nos instances. Les consommateurs pourront ainsi éventuellement déposer des interventions au moyen d'Internet et exprimer leurs opinions au cours d'audiences pulbiques grâce à des téléconférences, sans avoir à engager de frais de déplacement. Ces activités devraient être fonctionnelles d'ici la fin de l'exercice.

Pour ce qui est de l'interaction avec des entreprises de radiodiffusion et de télécommunications particulières, nous examinons chaque année un grand nombre de demandes de renouvellement de licences ou de requêtes tarifaires. Il est impossible d'en prévoir le nombre avec exactitude. Ce que nous savons, c'est qu'une fois ces demandes et requêtes reçues, nous devons nous en occuper rapidement.

En radiodiffusion, nous réglementons 5 633 titulaires. En télécommunications, 71 compagnies sont actuellement de notre ressort. Ainsi, nous tenons en moyenne de 12 à 15 audiences publiques chaque année, dont la durée varie de quelques jours à un mois. Nous publions aussi quelque 4 600 décisions par année. C'est pourquoi nous sommes à mettre en place des procédures de réception de demandes et requêtes par voie électronique de la part de l'industrie réglementée. À la même époque, l'an prochain, je m'attends à vous dire qu'un système de dépôt de documents complètement électronique est en place et fonctionnel. Ici encore, cela nous permettra d'en faire plus avec moins.

Le conseil a entrepris des examens fondamentaux de ses cadres de politiques. Nous sommes à la veille de créer des cadres de réglementatioan axés sur le choix, la diversité et la qualité tant en télécommunications qu'en radiodiffusion. Rien d'étonnant que la plupart des grands pays européens et de nombreux petits pays se soient penchés sur nos cadres de réglementation au moment de repenser leurs propres politiques. Nous sommes dotés de l'une des industries des communications les plus riches en contenu et les plus compétitives au monde. Voici quelques exemples de la manière dont nous favorisons la concurrence:

Un cadre de réglementation pour les systèmes de télévision à antenne collective dans les appartements et les condominiums est en place depuis 20 ans. Ces systèmes livrent concurrence au câble. Nous tâchons évidemment d'accélérer l'entrée sur le marché de d'autres concurrents pour le câble comme les satellites et éventuellement d'autres méthodes telles le téléphone, le cellulaire et la vision.

Depuis 1982, nous avons attribué des licences à plus de 30 nouveaux canaux canadiens de télévision payante et d'émissions spécialisées et autorisé la distribution par câble de toute une gamme de services américains par satellite. En 1992, nous avons ouvert à la concurrence le marché des services de télécommunications interurbains. En 1994, nous avons ouvert à la libre concurrence le marché des services de télécommunications locaux.

L'accès des compagnies de téléphone et des autres technologies de distribution au marché de la distribution d'émissions fait l'objet du rapport que nous rendrons public dans quelques jours. En fait, ce sera vendredi si ous voulez en prendre note.

[Français]

La promotion d'un milieu plus concurrentiel n'est pas synomyme d'abandon de la réglementation. Comme nos amis américains et britanniques l'ont constaté, aux premiers stades du changement, la concurrence nécessite une évaluation plus complexe pour assurer la viabilité à long terme et garantir que les règles du jeu restent justes, même si elles changent constamment.

.0920

À la suite d'une longue audience publique sur l'autoroute de l'information qui a duré un mois en mars, nous présenterons d'ici peu nos recommandations au gouvernement sur diverses questions, notamment la manière de garantir la présence du Canada sur ses propres ondes au moment où les frontières disparaissent dans un univers multicanaux plus compétitif.

Nous avons aussi entrepris un certain nombre d'examens visant à simplifier nos règlements, principalement en radio, où nous avons allégé le fardeau de la réglementation suite à plusieurs examens depuis 1988. La plus récente série de révisions devrait réduire sensiblement la charge de travail en 1996-1997. Cette réduction sera probablement compensée, toutefois, par le fait que l'avènement de la radio numérique entraînera de nouvelles activités pour le Conseil dans un avenir rapproché.

Le Conseil encourage aussi constamment de nombreuses composantes de l'industrie à établir de nouvelles structures pour mieux réagir aux exigences de leurs clients. Je pense, par exemple, au Conseil des normes de la télévision par câble et au Conseil canadien des normes de la radiotélévision, qui règlent les plaintes et appliquent divers codes de radiodiffusion et d'éthique que le CRTC a approuvés. Cela ne veut pas dire pour autant que nous nous soyons retirés de la réglementation. Nous nous réservons le droit d'intervenir, notamment lorsque les consommateurs sont insatisfaits du règlement de leurs plaintes.

[Traduction]

Monsieur le président, membres du comité, le document que vous avez entre les mains vous donne pour l'essentiel nos plans et priorités pour les trois prochaines années. Je sais que vous avez des questions à nous poser; je m'interromprai donc afin de nous donner le plus de temps possible pour échanger. Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Spicer. Nos collègues du Bloc québécois viennent d'arriver.

[Français]

du Bloc Québécois. Allez-y.

Mme Tremblay (Rimouski - Témiscouata): Bonjour, monsieur Spicer. Excusez-nous d'être en retard. Nous avions tôt ce matin une réunion qui s'est terminée un peu plus tard que prévu.

Vous êtes ici pour toutes sortes de raisons, nous a-t-on dit. Il paraît qu'on peut vous questionner sur autre chose que les prévisions budgétaires. C'est l'option que nous avons prise, étant donné qu'à notre avis, ça ne donnerait pas grand-chose de discuter de votre budget. Vous l'avez, vous allez le dépenser et vous allez peut-être manquer d'argent avec tous les mandats qu'on vous donne.

On va donc aborder des questions qui sont peut-être un peu bizarres. Je voudrais aborder avec vous la question des lignes ouvertes, tant à la télévision qu'à la radio. Est-ce que vous envisagez, au CRTC, de faire quelque chose contre ces malades des lignes, c'est-à-dire les animateurs en général qui passsent leur temps à provoquer les gens, à utiliser beaucoup de violence verbale, à dire n'importe quoi sur les ondes, à accuser n'importe qui de façon souvent démagogique, à ne pas donner toujours l'information aux gens ou à donner leur vision de l'information? Il est légitime de présenter sa vision de l'information, mais les animateurs sont biaisés au départ et on sent que l'objectif n'est pas d'informer, mais de provoquer.

On a reçu à notre bureau beaucoup de plaintes de gens qui sont un peu fatigués de ces personnes - il y en a dans toutes les villes, semble-t-il, autant francophones qu'anglophones - qui abusent des ondes publiques. Est-ce que vous envisagez de faire quelque chose à ce sujet?

M. Spicer: C'est une excellente question, madame Tremblay.

En effet, cette question nous préoccupe constamment. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a un équilibre à établir entre la liberté d'expression et l'abus des ondes. C'est en partie un problème de perception. Il y a deux facteurs qui nous incitent à une certaine prudence quant aux interventions spécifiques.

D'abord, il y a la Charte canadienne des droits et libertés avec ses prescriptions en faveur de la liberté d'expression et aussi la très grande popularité, hélas, de certaines de ces émissions. Vous et moi sommes probablement sur la même longueur d'onde quant au contenu de plusieurs de ces émissions. Nous pouvons tous citer des cas franchement abusifs.

Je pense à la crise d'Oka. Pendant un certain temps, un animateur de Montréal a incité les gens à des attitudes agressives vis-à-vis des Mohawks. Vous savez, parce que c'est de notoriété publique, que nous sommes intervenus contre M. André Arthur à Québec et que nous avons raccourci la période de licence de cinq ans à un an.

Nous avons obligé la station CHRC à garder ses bandes témoins durant un an plutôt que 30 jours et à comparaître un an plus tard. Cela coûte très cher et c'est gênant.

.0925

Nous avons aussi obligé M. Arthur à lire les lignes directrices tous les matins à la station, avant son émission. Il l'a fait, m'a-t-on dit, toujours avec une préface insultant nommément le CRTC, ce qui nous a réjouis... Nous n'allons certainement pas intervenir contre les gens qui nous insultent; nous n'en aurions pas le temps, car il y en a trop. Nous avons quand même jugé que là, on avait suffisamment tiré sur la corde pour nous inciter à intervenir en raccourcissant la période de licence, en imposant la lecture des lignes directrices pour rappeler au public chaque fois ce qu'il faisait et en l'obligeant à garder les bandes témoins.

Nous hésitons beaucoup à aller plus loin. Tout comme vous et comme tous les membres de ce Comité, nous tenons énormément à la liberté d'expression. C'est un problème terriblement délicat. Je ne prétends pas que notre comportement soit parfait aux yeux de tout le monde. Je pense que c'est une attitude responsable et équilibrée.

Si vous avez des conseils à nous donner, je suis tout oreille.

Mme Tremblay: Du côté de la télévision, on demande aux propriétaires de stations de mettre au point un code de déontologie en ce qui a trait à la violence. Je me demande si une démarche similaire pourrait être tentée par les propriétaires de stations de radio eux-mêmes. Ça ne ferait pas l'objet d'un règlement du CRTC, mais ce serait un code qu'ils se donneraient eux-mêmes. Malgré toute la popularité que peuvent connaître ces émissions, leurs animateurs ne dépasseraient pas la limite définie. On pourrait mettre sur pied un service d'ombudsman qui recevrait les plaintes.

Il faudrait revoir votre mécanisme de réception des plaintes, parce qu'il ne fonctionne pas du tout. Nous recevons de nombreuses plaintes concernant la façon dont fonctionne ce mécanisme, étant donné qu'il ne mène jamais à quoi que ce soit, Il faudrait, me semble-t-il, prévoir un ombudsman des ondes publiques.

Les ondes sont publiques. Détenir une licence de radiodiffusion est un privilège et non un droit. En invoquant constamment la Charte canadienne des droits et libertés, on oublie le pendant de ces droits. On ne rappelle jamais les obligations, les responsabilités et les devoirs qui en sont le pendant.

Je ne sais pas si vous pouvez réfléchir à cette question de votre côté.

M. Spicer: J'apprécie beaucoup, madame Tremblay, que vous citiez l'exemple de la violence à la télévision parce qu'en effet, nous avons adopté une démarche non réglementaire, mais relevant plutôt de la persuasion, de l'autorité morale. Il s'agit d'une démarche informelle.

Je dois dire que je trouve votre proposition assez et même très constructive. Je vous promets d'y réfléchir et on pourra en discuter plus tard.

Mme Tremblay: Merci.

Mme Gagnon (Québec): Vous tenez actuellement des audiences sur le service local demandées par le ministre Manley. Des gens se demandent si le coût de ces audiences ne serait pas exorbitant. Pensez-vous qu'il pourrait y avoir des moyens différents de ceux que vous employez pour réduire le coût de ces audiences?

M. Spicer: Madame, il m'est difficile d'aller plus loin. Sans chercher à jouer à Ponce-Pilate, un processus est en cours et il va durer deux mois environ. On se penche précisément sur cette question. Elle est très complexe et a de multiples facettes et je ne peux vraiment pas improviser une solution.

Je peux cependant vous dire que nous gardons constamment en tête les intérêts des consommateurs. Je vous rappelle que nous avons, à toutes fins utiles, gelé le niveau des tarifs de Bell Canada pendant 12 ans. C'est beaucoup. Quand on a finalement cherché, l'an dernier, à établir un régime plus transparent, où les coûts réels étaient payés par un système équilibré sur trois ans, vous savez que le gouvernement, suivant son droit le plus strict, a décidé de nous demander de revoir cette proposition. C'est ce que nous allons faire, avec tout le respect dû au gouvernement et au système.

Donc, je peux vous dire que nos intentions sont plus qu'honorables, très pro-consommateurs, mais nous devons suivre le processus transparent en cours à la demande du gouvernement.

Mme Gagnon: M. MacPherson, qui est assis à côté de vous, avait lui aussi jugé que ces sommes étaient astronomiques. Est-ce que je pourrais avoir son avis sur ce point?

.0930

M. Spicer: Il est astronome.

Des voix: Ah! Ah!

M. Spicer: Comme il est astronome, je vais lui laisser le soin d'expliquer cela dans l'une ou l'autre des langues officielles.

[Traduction]

M. Stuart MacPherson (Directeur exécutif, Télécommunications, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes): M. Spicer avait menacé de me faire répondre à cette question si elle était posée.

C'est vrai, on avait rapporté le fait que j'avais dit que les coûts étaient astronomicaux. En fait, ma discussion avec le journaliste portait sur les frais et débours divers du Conseil, et on les a comparés à ce qu'il en coûtait aux diverses organisations pour témoigner devant le CRTC. Nos propres coûts étaient estimés aux environs de 80 000$ et 100 0000$, tandis que les organisations dépensaient plusieurs millions de dollars pour participer au processus.

N'oubliez pas que nous visons à restructurer une industrie de 16 milliards de dollars. Les enjeux sont donc absolument énormes. Le fait que les parties à ce processus ouvert et public ont décidé de dépenser de l'argent à retenir les services de consultants et pour d'autres raisons, prouve bien qu'elles veulent à tout prix défendre leur point de vue et leurs intérêts. Donc, les divers compétiteurs sont prêts à litéralement dépenser des millions de dollars pour défendre leur position. Je ne vois donc pas en quoi nos coûts sont astronomicaux comparativement à ceux de l'industrie que nous tentons de réréglementer, si vous voulez.

[Français]

M. Spicer: Je ne sais pas, madame, si vous êtes convaincue. Pour ma part, les propos de mon collègue m'ont absolument convaincu.

Sérieusement, je pense que la question qui se pose, c'est que ces coûts dits astronomiques ne sont pas payés par les contribuables. Évidemment, tout est éventuellement payé par les abonnés. On ne peut le cacher. L'argent ne vient pas du Père Noël. Plus tard, lorsque nous parlerons d'un fonds de production ou d'autres questions, on va parler de l'origine des fonds. Il n'y a pas d'autre source que cela. Il faut donc voir tous les aspects de la question.

Quant à nous, et je reviens aux propos de Mme Tremblay, c'est pour cela qu'il n'est pas complètement sans intérêt d'examiner notre budget. Réellement, nous travaillons fort, M. Darling en particulier, à la compression de nos dépenses.

Nous pouvons protéger les dépenses publiques, protéger les consommateurs quand nous dépensons leurs deniers, mais nous ne pouvons pas ordonner aux intervenants comme Bell Canada de ne pas embaucher des experts-conseils ou des avocats. Ils choisissent de le faire pour défendre leurs intérêts. Selon moi, dix millions de dollars est une somme gigantesque, mais dans un contexte de 16 milliards de dollars, je ne sais pas quel pourcentage cela représente. C'est assez mineur pour garantir un système honnête et transparent.

Mme Tremblay: Au rythme où augmentent les dépenses, pour se présenter devant le CRTC, seulement pour cela, il en coûte presque un demi-million de dollars pour renouveler une licence de radio ou en faire la demande. Tout coûte excessivement cher. Comment le simple mortel, sans argent, sans avocat ni grosse compagnie, dont les dépenses ne sont pas déductibles d'impôt, peut-il se présenter devant vous? Ça devient inaccessible.

M. Spicer: Facilement, en nous écrivant une lettre manuscrite et en demandant de comparaître devant nous, ce qui ne coûte pas un sou si on est à Ottawa ou à Hull. Comme je vous l'ai dit, à l'avenir, nous allons utiliser des lignes téléphoniques pour permettre aux gens de comparaître par téléphone de n'importe où au pays.

Donc, pour le commun des mortels, ça ne coûte pas cher; ça ne coûte presque rien. Nous sommes très conscients de cela. Ce sont les grandes compagnies...

Mme Tremblay: Tout dépend du dossier quand même. Il n'y a pas beaucoup d'aide.

M. Spicer: Les compagnies qui demandent des licences doivent investir pour monter un dossier sérieux, parce que nous sommes tenus d'offrir des licences dans des conditions réalistes concernant le marché, le contenu canadien, le respect des obligations sociales, culturelles, etc. Donc, en effet, monter un dossier sérieux coûte cher.

Cependant, je pense aux gens qui ont monté des dossiers à l'appui de demandes de Radio Ville-Marie ou de la Fondation Humanité 2000 à Québec, à des postes religieux. Je suis sûr que cela ne leur a pas coûté 500 000$. Ils sont venus nous voir à Ottawa. Dans un cadre extrêmement informel, nous les avons pris par la main et nous leur avons montré comment préparer leur demande. Honnêtement, nous avons tout fait pour les aider. Nous ferions la même chose pour n'importe qui aurait envie d'un coup de main pour faire une demande.

Le président: Pardonnez-moi d'intervenir, mais je dois donner la parole à nos collègues du Parti réformiste.

[Traduction]

M. Hanrahan (Edmonton - Strathcona): Merci, messieurs, pour être venus.

J'aimerais vous poser une question philosophique d'ordre plus général au sujet du rôle que joue le CRTC. Votre mémoire dit que vous avez coupé votre budget et réduit aux effectifs, mais que vous avez plus de responsabilités. La technologie vous aide à composer avec cette situation.

.0935

Nous nous intéressons avant tout au rôle de Radio-Canada dans l'univers des 500 chaînes. J'aimerais que vous me parliez du rôle, d'après vous, du CRTC dans cinq ou dix ans. Comment voyez-vous l'évolution de vos responsabilités par rapport à aujourd'hui?

M. Spicer: Monsieur Hanrahan, il me faudrait vraiment une très grosse boule de cristal pour aller au-delà de cinq ans. Même cinq ans c'est beaucoup dans ce secteur.

Il y a aujourd'hui trois forces en présence dans le monde des communications et vous le savez fort bien. Il y a d'abord l'explosion technologique qui fait changer le paysage presque toutes les cinq minutes. En toute honnêteté, je ne pense pas que Ted Rogers ou Bill Gates pourraient vous dire ce qui se passera dans deux ans. Ils pensent plus ou moins maîtriser cette évolution de la technologie et de notre côté nous essayons de ne pas nous laisser dépasser mais ce n'est pas facile.

La deuxième force ce sont les forces du marché. Il y a des prises de contrôle, des fusions. Une compagnie de téléphone est en train d'acheter des compagnies de câblodistribution aux États. Il y a d'énormes transactions dont certaines ne durent pas plus de deux ou trois mois alors que d'autres dureront plus longtemps - qui sait? Des transactions portant sur des milliards de dollars sont lancées parce que certains sont mûs davantage par la crainte que par l'espoirt.

La troisième force ce sont les attentes croissantes et changeantes des consommateurs. Nous savons tous que les consommateurs lisent ces rapports technologiques, croient qu'ils ont déjà ces 500 chaînes à leur disposition et qu'ils peuvent choisir et acheter n'importe quoi dès aujourd'hui. Personne ne leur a dit, et nous commençons tout juste à le faire, un instant: tout cela est au stade expérimental pour le moment, il faudra attendre encore cinq ans peut-être sept, dans certains cas. Ils ont entendu parler de ces boîtes noires interactives. On commencera à en voir quelques-unes sur le marché à la fin de l'année prochaine mais pour l'ensemble du pays il faudra peut-être attendre cinq ou sept ans.

Vous me demandez comment nous voyons notre rôle. Disons qu'en toute logique, dans cinq ans, nous aurons trois responsabilités principales à remplir. Premièrement, bien entendu - et c'est notre rôle-clé - nous jouerons un rôle d'arbitre afin que les règles soient les mêmes pour tous les joueurs. En d'autres termes, nous serons les garants d'un système honnête et transparent. Deuxièmement, nous défendrons l'identité canadienne. À mon avis c'est le pivot de notre énoncé de mission. Troisièmement, nous aurons la responsabilité des questions sociales de la violence à la télévision, par exemple, les stéréotypes sexuels, la protection des enfants utilisés dans la publicité, des choses de ce genre. Il y en aura peut-être d'autres mais je ne pense pas pouvoir me tromper sur celles-là.

M. Hanrahan: Prenons l'identité culturelle, par exemple. Pensez-vous que vous pourrez toujours la protéger dans cet univers technologique de 500 chaînes?

M. Spicer: Le Parlement nous a gentiment dit de nous débrouiller. C'est la mission que nous impose la loi parlementaire. C'est la raison pour laquelle je vous ai lu l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion au risque de vous ennuyer. C'est ce que nous ont intimé vos prédécesseurs.

Nous essayons avec le plus grand sérieux et le plus grand soin de trouver les moyens pratiques de refléter les réalités du Canada et non pas simplement des slogans et des dogmes académiques. Le défi à relever - et là je parle du Canada et non pas du CRTC - c'est l'équilibre entre la culture et la concurrence. Ces deux sont actuellement en dialectique. Il nous faut trouver une solution à cette dialectique qui permette la plus grande liberté et la plus grande concurrence. Nous y sommes totalement favorables - et nous pouvons vous en parler plus longuement aujourd'hui si vous le désirez - mais tout en remplissant la mission principale que nous confie la Loi sur la radiodiffusion, défendre le Canada.

Nous avons mis 230 ans à construire un style unique de civilisation dans ce pays dont nous partageons les valeurs qui, je crois, sont pratiquement identiques dans tout le pays... Je me souviens d'une petite aventure que j'ai eue il y a quatre ans avec le Forum des citoyens. Nous avons constaté que quels que soient les Canadiens, qu'ils soient Québécois, anglophones, Sikhs, autochtones ou autres, ils partageaient tous à peu près six valeurs principales: la paix, la non-violence, la coopération, le consensus, le compromis, les choses comme ça. Il est nécessaire de s'assurer que nos réponses à votre question, monsieur Hanrahan, incluent ces valeurs. Notre science n'est pas une science exacte. Il faut faire appel au bon sens et être sensible à la nécessité de respecter certains intérêts communs.

Permettez-moi cependant de vous assurer que nous ne renoncerons jamais à défendre le Canada. C'est notre rôle principal même si nous devons aussi tenir compte des réalités du marché international.

.0940

Nous devons tous - vous, nous, tout le monde - nous méfier des slogans simplistes. C'est un terrible écueil. Dans toute discussion aujourd'hui sur les communications, on peut soit décréter suprême la concurrence, soit décréter suprême la culture canadienne. Il faut trouver un équilibre.

Ensuite il faut déterminer une perspective dans le temps et dans l'espace. Par perspective dans le temps, j'entends la nécessité de savoir quand ces merveilleuses machines sortiront des laboratoires et quand on les trouvera dans la grande majorité de nos salons ou dans toute autre pièce. Tous les acteurs de la vie publique devront désormais faire preuve de plus de prudence. Lorsque nous parlerons des 500 chaînes ou de l'autoroute de l'information, il nous faudra être plus prudent. Je m'adresse ce faisant à tous ceux qui en parlent. Nous devons dire au public que ce nouveau monde est à notre porte mais pas dès demain matin. Au mieux, d'ici trois, cinq, sept ou 10 ans. Ainsi, nous ne créerons pas des attentes irréelles et nous n'aurons pas à expliquer les raisons pour lesquelles le miracle prévu pour demain matin n'aura pas lieu.

Deuxièmement, la perspective dans l'espace. Par cela, j'entends la nécessité d'intégrer tous ces éléments dans un ensemble. J'ai parlé d'équilibre. Vous pouvez prendre n'importe laquelle de nos décisions ou n'importe quelle question qui vous intéresse dans le monde des communications, qu'il s'agisse de télécommunications ou de radiodiffusion et prouver pratiquement tout ce que vous voulez. Vous pouvez, par exemple, accuser une semaine le CRTC de coucher avec une compagnie de téléphone, la semaine suivante de coucher avec les compagnies de câblodistribution, la semaine suivante avec les consommateurs et la semaine suivante avec les artistes. Ou bien nous sommes les champions de la promiscuité ou bien nous sommes les champions de l'équilibre.

Fin du petit essai que vous m'avez demandé.

M. Hanrahan: C'est une conversation que nous pourrions poursuivre pendant longtemps mais je cède la parole à mon collègue.

M. McClelland: J'ai une question à vous poser qui est peut-être prématurée puisque vous allez publier ce rapport.

Vous avez parlé de souveraineté culturelle. Si Power DirecTv utilise un satellite américain, il me semble qu'il n'y a aucune raison d'empêcher Expressvu d'utiliser aussi un satellite américain plutôt qu'un satellite canadien ou un satellite Anik.

Qu'arrivera-t-il selon vous au satellite Anik et au coût des services qu'il fournit si certains services de télévision à la carte et d'autres services commerciaux utilisaient désormais les satellites américains? De plus, comment le Canada exercera-t-il sa souveraineté sur cette partie du Canada qui ne sera pas couverte par l'empreinte d'un satellite américain? Nous n'avons guère moyen d'exercer notre souveraineté sur cette vaste partie du Canada au nord de l'empreinte du satellite américain.

M. Spicer: Merci, monsieur McClelland. Je sais que vous comprendrez, puisque nous reviendrons le 6 juin pour une discussion plus détaillée, que je ne sois pas plus prolixe dans ma réponse. D'ailleurs, nous avons encore un petit peu de travail à faire si nous voulons vous donner le maximum d'information lors de cette prochaine réunion.

Pour le moment, nous croyons - et je crois que c'est ce que le gouvernement a dit dans son communiqué de presse du 12 septembre - que notre décret d'exemption qui permettait la concurrence pour la distribution par satellite - et jusqu'à présent, une seule compagnie, Expressvu, a décidé de s'en prévaloir, reflète la politique gouvernementale. Ce sont mot pour mot les propos du gouvernement. Ils reflètent la politique mais par cela ils entendaient la politique du gouvernement.

Ceci dit, nous croyons qu'ils respectent également la Loi sur les télécommunications qui veut que nous utilisions au maximum les ressources canadiennes et que nous faisions également tout pour que le satellite canadien couvre l'intégralité du territoire canadien. Nous voulons absolument que tous les Canadiens aient accès aux mêmes services. C'est une des valeurs cardinales auxquelles les Canadiens tiennent le plus - l'égalité. À tort ou à raison, c'est ce que nous croyons et c'est ce que nous essayons de faire.

J'ai dit tout à l'heure que c'était un dossier très délicat. La polémique ne nous intéresse pas et certainement pas avec le gouvernement ou avec vous. Je ne suis ici à votre demande que pour exposer des faits et répondre à des questions précises.

M. McClelland: Puis-je vous interrompre afin de pouvoir poser une autre petite question dans le peu de temps que nous avons?

M. Spicer: Je vous en prie.

M. McClelland: Vous avez parlé d'unité à propos du Canada. J'ai toujours été frappé par le fait qu'au Canada il y a deux organisations de nouvelles absolument distinctes et séparées pour refléter le Canada. Au Québec, il y a Radio-Canada, et dans le reste du Canada, il y a la CBC ou les réseaux privés. Le même sujet diffusé exactement à la même heure est couvert d'une manière diamétralement opposée et contradictoire. A-t-on jamais envisagé de diffuser les mêmes nouvelles ou des nouvelles nationales sous-titrées ou interprétées dans l'autre langue?

.0945

M. Spicer: Je commençais à désespérer. J'adore cette question parce que cela fait trois ans que nous réclamons à Radio-Canada de le faire.

Nous ne cessons de réclamer en public et en privé à Radio-Canada de sous-titrer les nouvelles en français hors Québec et les nouvelles en anglais au Québec. Au Québec on pourrait regarder les nouvelles en français sans être gêné car elles seraient uniquement en français, mais si on voulait les nouvelles en anglais on pourrait les suivre avec une traduction en anglais, et vice-versa.

Cette solution pourrait faire beaucoup plus pour la compréhension interculturelle que n'importe quoi d'autre. À mon avis, c'est exactement ce qu'il faut. Il faut laisser à M. Beatty quelques semaines pour qu'il trouve son souffle, mais je peux vous garantir que nous n'attendrons pas longtemps avant de lui reposer la question.

Une voix: Je suis sûr que cela lui fera beaucoup plaisir.

[Français]

Mme Tremblay: Je pense que M. Beatty serait très content d'avoir cela. Au Canada, on en demande. C'est effrayant de penser à cela.

[Traduction]

Le président: Une petite question complémentaire - deux points.

M. McClelland: Elle concerne la convergence. Si un peu de concurrence est bon, il s'ensuit que beaucoup de concurrence est encore mieux. Si nous voulons réduire le coût des communications, des télécommunications et soustraire le gouvernement d'un domaine où il ne tient peut-être pas particulièrement à se trouver, ou soustraire le CRTC d'une situation délicate, pourquoi ne pas simplement dire aux compagnies de téléphone qui veulent se lancer dans le câble, d'accord, et vice versa? Pourquoi ne pouvons-nous pas dire qu'à compter du 1er juin la chasse sera ouverte, que le meilleur l'emporte et que, en plus, la chasse est ouverte à tout le monde, la porte est là, il suffit d'entrer? Pourquoi le gouvernement devrait-il fixer ces normes de concurrence?

M. Spicer: Si vous voulez bien être patient, monsieur McClelland, d'ici quatre jours, vous aurez des réponses très complètes à ces questions. Permettez-moi de dire simplement qu'il y a une grosse différence entre, disons, les slogans, les gros titres et les réalités plus complexes du véritable univers canadien.

Je vais vous donner simplement un chiffre. Le chiffre d'affaire des compagnies de téléphone est sept ou huit fois supérieur à l'industrie du câble. Une des choses dont il faut nous assurer, est la pérénité de cette concurrence, sa durabilité et non pas une belle trève de six ou 12 mois à la fin de laquelle un seul avale tous les autres.

Je ne peux pas vous dire ce qu'il y aura dans notre rapport; je peux simplement vous dire que nous essayons de faire preuve de réalisme. En même temps, comme nous l'avons déjà maintes fois répété en public, nous sommes favorables au maximum de concurrence réaliste que peut supporter le marché canadien.

Le président: Merci. Je pourrais signaler en passant que dans les services de nouvelles de la CBC il y a certains correspondants - je pense à Céline Galipeau à Moscou qui, je crois, travaille pour les deux réseaux - et qu'il y a d'autres cas à la radio comme par exemple Don Murray. Il n'y a donc pas que cette possibilité de sous-titres; il y en a déjà qui le font - des bilingues sur commande, si vous me permettez l'expression.

M. Spicer: Vous avez raison, monsieur le président. Je crois que cela permet également, tout du moins pour les nouvelles internationales, d'assurer ce genre d'unité au niveau du reportage, que vous souhaitez.

Si vous voulez bien me donner encore deux minutes sur cette question importante, je pense qu'il n'est pas mauvais en soi que nous ayons des interprétations différentes des mêmes nouvelles si le même auditoire peut voir les deux. Ce qui m'a impressionné le plus a été de voir ce système installé au Japon qui est un pays officiellement unilingue. Les trois réseaux principaux du Japon ont tous un canal avec interprétation simultanée en anglais. C'est un canal audio. Vous appuyez sur un bouton de votre télécommande et vous entendez les nouvelles nationales en anglais ou en japonais. Pourquoi ne pouvons-nous pas le faire dans notre pays qui est officiellement bilingue? C'est la question que nous ne cessons de poser à Radio-Canada.

Le président: C'est un point intéressant.

De ce côté-ci, nous avons deux personnes qui veulent partager leur temps. Nous entendrons M. McKinnon après avoir entendu quelqu'un de ce côté-là. Commençons par M. Ianno.

M. Ianno (Trinity - Spadina): Merci, messieurs, d'être venus.

J'aimerais revenir sur certains commentaires de mes collègues d'en face sur ce qu'ils entendent par «concurrence». J'aimerais ouvrir une autre perspective, celle de la protection des consommateurs.

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Comme M. McClelland l'a indiqué tout à l'heure, pourquoi pas la concurrence si on croit à la concurrence? Je comprends qu'on veuille protéger les petits pour qu'ils aient la chance de grandir, etc. Vous avez dit que les compagnies de téléphone font un chiffre d'affaire sept ou huit fois supérieur à celui des compagnies du câble et vous voulez leur donner la chance de grandir afin que la concurrence soit égale.

Ce qui m'intéresse ce sont les consommateurs. Nous savons tous que Bell a fait de beaux profits, pourtant lorsqu'ils ont voulu augmenter les tarifs vous le leur avez interdit pour je ne sais plus combien d'années. Cependant, vous l'avez permis d'une manière détournée avec le passage du forfait de branchement à 90$ plus tant de dollars par minute si le travail prend plus longtemps, etc. J'ai du mal parfois à comprendre le rôle du CRTC. Vous dites vouloir protéger les consommateurs mais ce n'est pas toujours évident.

Permettez-moi d'aborder la question sous un autre angle. J'ai cru constater l'année dernière beaucoup d'interaction avec les intervenants mais je n'ai pas vu beaucoup d'interaction avec les consommateurs, que ce soient ceux du câble ou du téléphone. Mis à part ceux qui vous contactent par lettre, que faites-vous pour répondre aux attentes de nos électeurs et pour que votre indépendance ne se transforme pas en magnifique isolement?

M. Spicer: Ce sont deux excellentes questions, monsieur Ianno.

Pour commencer, en ce qui concerne les frais d'installation de 91$ de Bell qui m'ont assez choqué quand je l'ai appris dans les journaux, en réponse à ce que tant nous réclame, nous élargissons au maximum le champ de la concurrence. Combien de gens seront prêts à payer 91$, ce sera le problème de Bell car il y a beaucoup d'autres compagnies qui offriront ce service pour 60 ou 30$. Je peux vous dire quelle sera la compagnie de mon choix; ce ne sera pas celle qui fera payer 91$.

M. Ianno: Quelles sont ces autres compagnies?

M. Spicer: Il y en aura. S'il y a de l'argent à gagner, il y en aura.

M. Ianno: Je vois. D'une part, la psychologie c'est de donner aux petits la chance de grandir. D'autre part, pour le téléphone, il faudra attendre qu'il se manifeste. Nous n'avons donc pas à nous en inquiéter pour le moment car Bell peut offrir ce service pour 91$. Un jour quelqu'un l'offrira pour 30 ou 60$. C'est bien ce que vous dites?

M. Spicer: Je vais demander à M. MacPherson de vous donner des explications.

M. MacPherson: Au sujet de ces frais d'installation de 91$, le conseil a reporté au 1er février 1996 l'entrée en vigueur de ce nouveau tarif. D'ici cette date, je crois, comme M. Spicer le dit lui-même, qu'il est pratiquement certain que d'autres compagnies offriront un tarif inférieur à 91$. Ce n'est pas bien compliqué.

M. Ianno: Nous leur donnons donc six ou huit mois pour s'organiser.

M. MacPherson: Oui. Entre-temps les consommateurs continueront à payer le même prix qu'avant.

M. Ianno: Très bien et à un moment donné ils auront un choix.

M. MacPherson: Oui.

M. Ianno: Très bien. Revenons au satellite. Vous avez encore une fois décidé avant que le gouvernement n'annule votre décision, d'autoriser seulement une compagnie à offrir ce service. N'est-ce pas?

M. Spicer: Non, monsieur, ce n'est pas vrai. Puis-je vous rappeler les faits?

M. Ianno: Oui, je vous en prie.

M. Spicer: Nous avons établi un régime concurrentiel avec deux portes d'accès. Par notre décret d'exemption du 30 août dernier, nous avons établi un régime concurrentiel avec deux portes d'accès.

À condition d'utiliser des ressources exclusivement canadiennes, l'accès était immédiat sans licence. Nous l'avons fait parce que pendant notre série d'audiences sur les infrastructures de l'année précédente - la soi-disant mère de toutes les audiences - on nous a dit que les gens souhaitaient une concurrence pour le câble le plus rapidement possible. Nous avons dit que le moyen le plus rapide d'y parvenir pour les compagnies canadiennes, c'était par voie d'exemption. Jusqu'à présent, une seule compagnie a décidé, après avoir étudié le marché, que cela valait la peine d'essayer. Nous avons créé un monde concurrentiel dans lequel jusqu'à présent une seule compagnie a décidé de passer par la porte A, la porte de l'exemption.

La porte B est la porte du permis. Nous avons dit: si vos ressources ne sont pas exclusivement canadiennes, si vous ne remplissez pas ces conditions, il est toujours possible de passer par la porte principale, d'avoir une belle audience publique transparente et de faire une demande de permis. Nous avons dit que nous étions impatients d'entendre ces demandes. Jusqu'à présent, personne n'a décidé de passer par la porte principale et de faire une demande de permis.

.0955

Je dois dire que je n'en croyais pas mes oreilles lorsque j'ai entendu certains dire qu'on avait ainsi créé un monopole.

M. Ianno: Je suppose que l'autre société qui aurait été admissible est la société de téléphone. Est-il juste de dire qu'Expressvu est principalement visé?

M. Spicer: B.C. est également du groupe. Il y a aussi quelques autres sociétés dont WIC et TEE-COMM.

Voilà les faits. Nous avons créé un régime concurrentiel, mais nous ne pouvons pas forcer qui que ce soit à entrer sur le marché. Nous ne pouvons pas contraindre une société à affronter la concurrence du marché. C'est comme si le gouvernement disait que tout le monde a le droit de créer une entreprise de nettoyage à sec et qu'une seule société décidait de le faire. On ne pourrait pas ensuite reprocher au gouvernement d'avoir créé un monopole. Voilà ce qu'il en est.

Je répète que je ne suis pas venu ici pour me quereller avec qui que ce soit, mais je crois avoir le droit de rétablir les faits.

Le président: Permettez-moi d'intervenir pour vous demander de répondre à la deuxième partie...

M. Spicer: Monsieur le président, j'aimerais maintenant répondre à la partie de la question de M. Ianno qui porte sur la protection des consommateurs...

Le président: Allez-y. Nous croyons tous aussi fermement à la protection des consommateurs.

M. Spicer: Je serai très bref. Nous nous sommes arraché les cheveux à essayer d'amener les consommateurs à se regrouper pour mieux se protéger. Au fil des ans, nous avons offert notre aide à tous les groupes de consommateurs possibles, et notamment à l'Association des consommateurs du Canada et au Friends of Canadian Broascasting. J'ai notamment offert un agréable dîner santé peu coûteux pour les convaincre que nous voulions les faire participer aux discussions ainsi que tous les citoyens au même titre que l'Association canadienne des radiodiffuseurs et les câblodistributeurs. Nos portes sont grande ouvertes. Nous leur donnerons toute l'information qu'ils souhaitent comme à n'importe qui d'autre. Nous voulons que leur participation soit plus efficace.

Il va sans dire qu'il est difficile d'amener 20 à 25 millions de consommateurs à s'organiser. On ne permet pas au CRTC de créer son propre petit groupe de consommateurs ni de leur accorder des subventions pour les amener à se regrouper. Ce serait horrible. Nous ne pouvons pas le faire. Ce serait cependant fantastique si le Parlement et votre comité trouvaient une façon de financer, sans ingérence, les groupes de défense des intérêts des consommateurs. J'y serais personnellement favorable.

Le président: Nous représentons les consommateurs.

Une dernière brève question.

M. Ianno: Il s'agit toujours de la concurrence. Je crois comprendre qu'on a refusé dernièrement des demandes de permis à des radiodiffuseurs multilingues. Pourquoi ne souhaite-t-on pas de concurrence dans ce domaine?

M. Spicer: Songez-vous au poste de radio chinois à Toronto?

M. Ianno: Je songe à quelques cas.

M. Spicer: Il y en a effectivement quelques-uns. L'explication dans ce cas et dans d'autres, c'est qu'il s'agit du plus petit marché canadien. Il y a...

M. Ianno: Vous avez rejeté les offres de service.

M. Spicer: La concurrence à tous crins finirait par nuire à tous. Autrement dit, on pourrait se retrouver avec deux postes médiocres, incapables d'offrir une programmation de qualité.

M. Ianno: Je vois. Il faudrait donc protéger Rogers parce que c'est la principale chaîne de télévision multilingue.

M. Spicer: Si vous ne vous y opposez pas, je préférerais qu'on n'utilise pas dans la même phrase les mots «protéger» et «Rogers».

M. Ianno: Je vois.

M. Spicer: Cela me rend un peu nerveux.

M. Ianno: C'est le seul radiodiffuseur à offrir le service.

M. Spicer: Étant donné que l'objectif de la Loi sur la radiodiffusion est d'assurer une programmation canadienne de qualité aussi variée que possible, le CRTC tâche de faire en sorte d'assurer une concurrence maximale. Je répète qu'il ne s'agit pas d'une science exacte. Tout ne peut pas toujours être symétrique.

La Loi sur la radiodiffusion est un peu difficile à appliquer et nécessairement impopulaire. Voilà sans doute l'une des raisons pour lequelles le Parlement a créé un organisme de réglementation. Toutes nos décisions ne peuvent pas être impopulaires.

Le président: J'accorde maintenant la parole à M. McTeague.

M. McTeague (Ontario): Je vous remercie, monsieur le président.

[Français]

Je souhaite la bienvenue à tous les délégués du CRTC.

[Traduction]

Je m'intéresse beaucoup au sort des consommateurs et des abonnés du câble. Je ne vois pas de meilleure façon d'unir les consommateurs que de s'inspirer de la révolte des abonnés du câble qui s'est produire le 1er janvier 1995.

Au lieu de discuter de tout l'épisode de la facturation obligatoire, qui a laissé un arrière-goût à la plupart des Canadiens, j'aimerais vous parler de quelque chose qui, je crois, intéresse tous les membres du comité. Il s'agit du Fonds de programmation des câblodistributeurs dont le CRTC a autorisé la création, pour ne pas dire autre chose, en 1993 et au sujet duquel nous nous posons encore quelques questions.

Je me demande évidemment comment le CRTC peut encore justifier, en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, de maintenir la pratique de facturer le consommateur ou de refuser de lui rembourser l'argent qu'il était prévu en vertu de la formule sur les dépenses d'immobilisations de 1986, qui a été modifiée en 1991. Le plus important, c'est que ce fonds de programmation, projeté sur plusieurs années, produira une manne de 600 millions de dollars que vous, au CRTC, avez réservée au fonds de programmation canadienne, et une autre somme de 300 millions de dollars non encore affectée qui restera dans les coffres des câblodistributeurs.

.1000

Je comprends que vous décriviez la situation des câblodistributeurs comme étant celle de Bambi devant Godzilla, mais il me semble qu'il faut aussi tenir compte des consommateurs. Comment justifiez-vous la création de ce que je considère comme une taxe cachée.

M. Spicer: Je serais ravi de vous l'expliquer, monsieur McTeague, et je vous remercie de votre question. C'est une question très pertinente que beaucoup de gens posent grâce à vous, quelques uns de vos collègues et M. Mahar. Voyons si je ne pourrais pas apaiser quelques-unes de vos craintes.

Nous n'avons pas créé de taxe. Nous n'avons pas le droit de le faire. Le Parlement jouit de ce droit. Il ne s'agit certainement pas de taxe cachée, parce que nous avons agi de façon très ouverte. Nous n'avons créé de taxe cachée. Nous avons créé un système de contributions volontaires après des discussions franches et ouvertes.

M. McTeague: De quels fonds parlez-vous?

M. Spicer: Les câblodistributeurs ont le choix.

M. McTeague: Mais cet argent provient des fournisseurs.

M. Spicer: Mais c'est à eux qu'on imposerait une taxe, pas aux consommateurs.

M. McTeague: Vous dites que vous avez obtenu que les câblodistributeurs fournissent des contributions volontaires, alors qu'en fait, cet argent ne provient pas d'eux, mais plutôt des abonnés au câble, n'est-ce pas?

M. Spicer: Comme je l'ai dit à Mme Tremblay, chaque cent du système de radiodiffusion provient au bout du compte des citoyens ordinaires.

M. McTeague: Avez-vous avisé les Canadiens de ce qui allait se passer?

M. Spicer: Absolument. Pourrais-je finir ma réponse?

Comme je l'ai dit, le processus a été très ouvert. Il y a eu des discussions exhaustives pendant nos audiences de mars 1993 qui ont duré un mois. Nous avons abordé cette question dans tous ses menus détails avec l'industrie de la câblodistribution, en public et à la télévision nationale. On en a alors discuté en détail et très ouvertement. Personne ne s'est plaint à l'époque. Ce n'est que deux ans plus tard - pour des raisons que j'ignore, car c'est un sujet très complexe - que cette question est revenue sur le tapis. On en a discuté longuement et ouvertement à la télévision nationale. Puis on en a discuté en détail lors d'une conférence de presse et dans la documentation volumineuse que nous avons rendue publique.

Nous avons alors expliqué que cette décision avantageait le consommateur de deux façons. Premièrement, cela accélérerait l'arrivée de la boîte noire interactive, qui donnera au consommateur un plus grand contrôle sur les services pour lesquels il veut payer.

On offrira toujours des ensembles de services. Je ne crois pas que, d'ici 10 ans, nous puissions ne payer que pour les chaînes qui nous intéressent. Ça n'existe pas aux États-Unis; on ne l'envisage même pas.

Pour ce qui est de la possibilité de choisir les chaînes qu'on souhaite, à la demande des consommateurs - c'était l'un de leurs principaux objectifs - nous avons tenté d'accélérer l'introduction de ces boîtes noires interactives et la multiplication des chaînes par le biais de la compression vidéo numérique, et ce, afin d'offrir au consommateur davantage de choix et d'améliorer la qualité de l'image.

Grâce à ces trois techniques, nous avons pu aider les consommateurs de la seule façon possible...

M. McTeague: Monsieur Spicer, vous avez aussi imposé aux consommateurs des frais supplémentaires de 75$, je crois, pour les décodeurs numériques à canaux multiples.

M. Spicer: Ces frais ne peuvent dépasser 75$.

M. McTeague: Ce sont donc des frais maximaux de 75$ sur les cinq prochaines années.

M. Spicer: C'est exact.

M. McTeague: Cela me ramène à ma question originale: quelle est la disposition de la Loi sur la radiofiffusion qui vous confère le droit d'agir ainsi? Nous savons pertinemment que la transmission d'informations entre les câblodistributeurs et l'abonné ne relève pas de la compétence d'organismes de réglementation que vous confère la Loi sur la radiodiffusion.

Je répète ma question: Si vous excédez les pouvoirs que vous confère la loi en disant aux abonnés qu'ils n'obtiendront pas de réduction des tarifs et en finançant ce décodeur numérique à canaux multiples, à quoi servira cet argent et comment pouvez justifier votre décision d'exiger cet argent des Canadiens?

M. Spicer: Si nous avons excédé nos pouvoirs à ce sujet, monsieur McTeague, le gouvernement en a fait autant car le ministère de la Justice a approuvé ce règlement.

M. McTeague: Ce ne serait pas la première erreur du ministère.

Vous êtes aussi l'organisme de réglementation. Dans vos remarques liminaires, vous avez laissé entendre que, dans certains pays, les politiques au pouvoir dictent leurs décisions, en secret, aux organismes de réglementation. En l'occurrence, compte tenu du fait que les députés et politiques canadiens subissent les pressions des consommateurs, avez-vous su rendre des comptes sur la légalité et la moralité de vos décisions aux consommateurs du pays?

M. Spicer: Pourrais-je terminer ma réponse sur le deuxième avantage de notre décision pour les consommateurs?

Je vais vous expliquer quelles étaient nos intentions; ainsi, vous saurez au moins ce que nous avons voulu faire et nous pourrons alors être honnêtement en désaccord sur la légalité de cette décision. Nous estimons qu'elle est tout à fait légale et je vous explique pourquoi. Tous nos règlements sont approuvés par la section du ministère de la Justice du Conseil privé.

.1005

La deuxième raison pour laquelle nous voulions aider les consommateurs en vertu de la Loi sur la radiodiffusion était en vue de créer ce fonds de production. Autrement dit, on voulait canaliser 300 millions de dollars vers les producteurs canadiens de programmation canadienne afin que les Canadiens puissent avoir accès à une gamme de produits canadiens. C'est précisément ce que stipule la Loi sur la radiodiffusion; c'est en effet notre devoir de le faire.

Quoi qu'on pense au sujet de l'introduction rapide de nouvelles technologies - et je crois que beaucoup d'arguments militent en faveur de cela - et en une période où le Parlement et les gouvernements sont obligés de réduire les budgets de la SRC, de Téléfilm et de l'ONF, le simple fait que l'on puisse affecter des fonds à la production canadienne contribuera vraisemblablement à répondre aux objectifs de la politique sur la radiodiffusion.

M. McTeague: Je ne suis pas en désaccord avec ce que vous avez dit. J'ai un problème avec le paragraphe 3(1) de la Loi sur la radiodiffusion. Ce paragraphe stipule que vous pouvez encourager la programmation canadienne, et c'est exactement ce que vous avez fait. Vous l'avez fait par le biais des câblodistributeurs. Si j'ai bien compris cette disposition, il n'y a rien qui dit que le CRTC a le droit d'obliger les abonnés à la télévision par câble - donc, mes électeurs - de contribuer à un tel fonds.

On pourrait invoquer toutes sortes de bonnes raisons pour justifier cette façon d'agir. Mais j'aimerais vous demander encore une fois qui vous a autorisé à le faire. Nous vous avons déjà posé cette question, et vous nous avez répondu que ce n'était pas une question juridique, mais que vous aviez tout simplement l'autorité de le faire. Par contre, vous n'avez pas l'autorité d'imposer des frais additionnels aux abonnés. Une fois de plus, qu'avez-vous à répondre?

Le président: Ce sera la dernière réponse pour cette ronde de questions.

M. Spicer: Monsieur McTeague, je vais essayer de répondre à votre question précise.

D'après nous, notre décision était tout à fait conforme à la Loi sur la radiodiffusion. On nous a demandé de diffuser une grande diversité de programmes canadiens de haute qualité et à des prix abordables, et de nous assurer qu'ils étaient distribués partout au Canada. C'est précisément ce que nous avons tenté de faire, et je crois que nous avons réussi. Les communauités culturelles nous ont dit que ces mesures ont beaucoup contribué à la deuxième partie de notre travail. La première partie concerne la distribution, c'est-à-dire le fait que tous les Canadiens puissent avoir accès à ces programmes. Il s'agit du facteur «égalité».

Je prends vraiment votre question au sérieux. Je crois même qu'on en discutera devant les tribunaux, dans l'affaire Mahar.

M. McTeague: Je ne crois pas que l'affaire Mahar soit pertinente. Cette cause porte sur le domaine précis de la notification. Je veux savoir qui vous a donné l'autorité d'imposer des frais supplémentaires aux abonnés, et pourquoi ceux-ci n'ont-ils pas obtenu le rabais qu'ils auraient dû recevoir à compter du 1er janvier 1995.

Le président: Je crois que nous avons déjà parlé de ce sujet, nous pourrons peut-être y revenir plus tard.

[Français]

Mme Tremblay: Pour la gouverne de mon collègue, l'information qu'on a obtenue hier des gens qui gèrent le fonds indiquait que le trop-perçu sera de 1 milliard de dollars sur cinq ans, donc de 500 millions de dollars. On a obtenu hier cette information des gens qui gèrent le fonds.

Monsieur Spicer, je voudrais aussi m'assurer que j'ai très bien compris la réponse que vous avez donnée tantôt à mon collègue du Parti réformiste. Depuis trois ans, à Radio-Canada, vous accueillez la suggestion de l'uniformité de la nouvelle. Dans le fond, finalement, vous voulez des nouvelles officielles qui seraient d'origine française et qui seraient traduites en anglais...

M. Spicer: Non. Absolument pas.

Mme Tremblay: ...et traduites en français si elles étaient d'origine anglaise.

M. Spicer: Comment pouvez-vous imaginer que quelqu'un dans cette pièce ait dit cela?

Mme Tremblay: C'est ce qu'il a suggéré.

M. Spicer: Il n'a jamais dit cela. Absolument pas.

Mme Tremblay: Ah, oui!

M. Spicer: M. McClelland est tout à fait capable de se défendre et de s'expliquer. J'ai très bien compris ce qu'il a voulu dire. Il suggérait qu'on ait deux systèmes de nouvelles indépendants et parallèles, interprétant les nouvelles à leur façon, mais pour favoriser la compréhension entre les deux communautés culturelles, il y aurait des sous-titres. C'était seulement ça.

Mme Tremblay: Très bien. Je vous remercie. J'ai bien fait de poser la question. J'ai donc bien compris.

Maintenant, je voudrais revenir à la question qui vous a été posée tantôt concernant l'ordonnance d'exemption que vous avez émise pour Expressvu. Dans le texte de la loi, il est écrit que vous devez vous servir de l'exemption quand vous estimez que l'exécution est sans conséquences majeures sur la mise en oeuvre de la politique canadienne de radiodiffusion. C'est écrit dans le texte. Donc, quand vous donnez des exemptions, elles doivent être données pour des choses exceptionnelles qui n'ont pas de conséquences majeures sur la radiodiffusion. Comment avez-vous pu penser que dans le cas d'Expressvu, il n'y avait pas de conséquences majeures? Si vous aviez procédé par licence, on ne serait pas dans le merdier où on se trouve présentement.

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M. Spicer: Je ne sais pas comment on traduira ce joli mot. Disons ce guêpier. Madame a dit «guêpier», je pense, ou quelque chose du genre.

Nous croyons - et c'est une question d'interprétation honnête de notre part - que la règle de l'exemption a été utilisée pour favoriser le système de radiodiffusion au Canada de la façon la plus appropriée dans les circonstances.

Lors des audiences de 1993, le public nous demandait d'accélérer l'introduction de la concurrence pour le câble. Ceci répond un peu à la question de M. Ianno. Tout le monde voulait que le câble ait de la concurrence. Comme le sujet du contenu n'était pas vraiment en question, nous avions dit que dans cet ordre d'exemptions, ceci n'affecterait pas le contenu. On voulait des services essentiellement canadiens. C'est donc comme cela qu'on a pu l'interpréter.

Mme Tremblay: Mais les compagnies de câble ont accès directement aux satellites américains.

M. Spicer: Seulement pour assembler leurs services et non pas pour les distribuer. Il faut faire la distinction. Je comprends que c'est assez complexe. Beaucoup de gens disent que les câblodistributeurs utilisent les satellites américains. Oui, mais non pas pour diffuser leur produit. C'est le câble qui distribue les signaux au Canada, mais il utilise les satellites américains pour assembler des services américains. Il les amène à leur siège technique, puis il les distribue via le câble. C'est la distinction.

Mme Tremblay: Alors que Power DirecTv veut diffuser directement du satellite.

M. Spicer: Il faudrait demandre à Power DirecTv exactement ce qu'il veut faire.

Mme Tremblay: D'accord.

Maintenant, selon un document qu'on a lu récemment, il semblerait que vous vous penchiez sur cette question. Les sages ont écrit que vous vous penchiez sur cette question de la télédiffusion directe par satellite depuis près de 10 ans. Alors, comment se fait-il qu'on arrive tout à coup devant une urgence et que, pour répondre aux consommateurs et donner de la concurrence au câble, il faut rapidement donner l'exemption que vous avez donnée?

M. Spicer: Je pense que ceci dépend de l'implantation rapide et accélérée du système de câble canadien et de l'infrastructure du câble au Canada, qui est vraiment un sujet controversé, mais qui fait l'envie du monde.

Vous avez eu des pourparlers avec les Français qui ont une implantation de 3 ou 4 p. 100 du câble, alors que 75 p. 100 de toute la population canadienne est abonnée et que 94 p. 100 des maisons pourraient être câblés. Ceci a entraîné nécessairement des investissements de la part des compagnies de câble.

D'où viennent les investissements? Évidemment, comme je l'ai dit plus tôt, non pas du Père Noël ou du Parlement, mais des consommateurs. Donc, il y a eu une augmentation graduelle des tarifs de câble au cours des années, et je n'ai pas besoin de vous dire que ceci a agacé beaucoup de gens. Mais le résultat, c'est que c'est un système ou une infrastructure nationale de câble qui est un peu comme les chemins de fer nationaux au XIXe siècle. C'est maintenant une infrastructure d'une valeur inestimable pour notre système de communication. Même si on déteste telle ou telle compagnie de câble pour de bonnes ou de mauvaises raisons, on finit par avoir une infrastructure formidable. Mais les consommateurs nous ont dit: «Écoutez, nous en avons assez de ces augmentations répétées de nos tarifs. Donnez-nous de la concurrence pour mettre une pression sur les compagnies de câble.» C'est pour cette raison qu'on a agi.

Mme Tremblay: Parfait.

Dans un tout autre ordre d'idées, le 7 avril dernier, vous avez rendu une décision concernant Bell Canada sur les tarifs dans les régions métropolitaines et urbaines et sur les tarifs dans les régions rurales. Est-ce que vous avez poussé l'étude assez loin pour vous rendre compte de l'impact que cela peut avoir dans des régions éloignées où la moitié de la population vit sous le seuil de la pauvreté? Par exemple, dans une circonscription comme la mienne, 30 p. 100 des personnes de 18 à 60 ans qui sont en âge de travailler n'ont pas de travail. Les Canadiens sont habitués de vivre avec le téléphone et la télévision à câble. Mais les prix augmentent tellement que les gens n'auront plus de téléphone et de câble bientôt. On recule vraiment de ce côté-là. Est-ce que votre intention au CRTC, présentement, est de morceler Bell Canada comme les États-Unis l'ont fait dans le cas d'AT&T?

M. Spicer: Non, madame. Dans son ensemble, c'est une très bonne question.

.1015

Pour répondre à la première partie, je dirai que nous sommes vivement conscients des besoins des gens ruraux, dans des régions isolées. Mais si vous parlez de l'équilibre entre les tarifs téléphoniques personnels et résidentiels dans les régions éloignées, d'une part, et les intérêts des PME et même des grandes compagnies, nous sommes pris dans un dilemme. Nous voulons maintenir les tarifs locaux résidentiels au plus bas niveau possible. Nous sommes le quatrième pays le plus bas au point de vue des tarifs téléphoniques parmi les 24 pays de l'OCDE. L'Islande se situe un peu plus bas et le Portugal beaucoup plus haut. Nous sommes parmi les plus bas du monde au point de vue des tarifs locaux résidentiels.

Nous commençons maintenant à pousser vers une plus grande et graduelle augmentation des tarifs locaux pour favoriser la création d'emplois à la longue. Les PME créent six ou sept des dix nouveaux emplois au Canada. Une des dépenses d'une nouvelle entreprise qui est toujours difficile à assumer, ce sont les tarifs interurbains et même les tarifs locaux, mais surtout les tarifs interurbains. En abaissant le prix des interurbains, nous aidons les petites entreprises à embaucher des gens. Ceci aidera même dans les régions éloignées où on crée beaucoup de PME et permettra même aux gens de rester dans leur région.

Nous croyons que l'augmentation des tarifs locaux vis-à-vis d'autres produits peut être très graduelle et très prudente. Comme je vous l'ai dit plus tôt, les tarifs ont été effectivement gelés pendant 12 ans, ce qui est énorme. C'est vraiment beaucoup. Nous avons peut-être créé le problème nous-mêmes en défendant un peu trop les intérêts des individus, et c'est pour cette raison qu'il faut constamment expliquer les équilibres à établir. Même si on augmente un peu les tarifs résidentiels, on finira par créer des emplois dans les PME.

Le président: Vous voyez ce que c'est que d'être président?

M. Spicer: Oui.

[Traduction]

M. McKinnon (Brandon - Souris): Monsieur Spicer, je vous souhaite de nouveau la bienvenue à notre table.

Je crois vous avoir dit la dernière fois... Je vous ai entendu prononcer un discours à Calgary, en 1988, avant que vous n'assumiez vos fonctions actuelles. Permettez-moi de vous dire que votre stature et vos talents de communicateur n'ont fait que croître depuis. À mon avis, c'est une des caractéristiques de nos nominations politiques ou non politiques...

Une voix: C'est un coup monté.

Le président: Si ce n'est pas un coup monté, je crois qu'il va défaillir de surprise.

M. Spicer: Je craignais que vous n'alliez dire que mes propos étaient alors beaucoup plus logiques qu'aujourd'hui. Mais je vous remercie beaucoup; vous êtes bien aimable.

M. McKinnon: Je siège au sein de ce comité depuis 18 mois, et j'ai remarqué certaines tendances. Nous sommes sur le point d'entrer dans l'univers des 500 chaînes; parallèlement, l'auditoire semble de plus en plus fragmenté; on semble se diriger vers une réduction à long terme du financement public de la radiodiffusion; il y a de moins en moins d'argent pour la programmation canadienne - toutes ces tendances ont une incidence significative sur ce que vous soulignez aujourd'hui, à savoir la culture et la concurrence.

Je m'inquiète de l'avenir de la programmation canadienne. Je crains que nous ne puissions plus traduire de façon unique et contemporaine dans nos émissions de télé l'identité ou le devenir des Canadiens. J'ai aussi l'impression que le CRTC tente de réglementer tous les intervenants, les compagnies de téléphone, les distributeurs par SRD et, bien sûr, les câblodistributeurs. J'ai aussi l'impression que le niveau de pénétration de 75 p. 100 des câblodistributeurs a probablement atteint sa limite.

Si nous ouvrons le marché aux sociétés de téléphone, le niveau de pénétration augmentera probablement, si c'est abordable. Comme Mme Tremblay l'a fait remarquer, il y a des gens dans son comté, mais aussi dans le mien, qui ne trouveront peut-être pas cela abordable.

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Voici ma question: croyez-vous que, avec tous ces changements, nous pourrons conserver un contenu canadien significatif? Vous avez cité cinq ou six caractéristiques de la société canadienne...vous avez parlé de la paix, de la non-violence, des valeurs canadiennes, de la culture canadienne... Tout cela pour vous demander si nous allons pouvoir préserver ces caractéristiques. C'est une très longue question, mais j'espère que vous y répondrez brièvement.

M. Spicer: Je vous répondrai: «peut-être».

Des voix: Oh, oh!

M. Spicer: Vous avez posé ce qui est probablement la question la plus fondamentale pour le monde des communications canadiennes. Tout au long de l'histoire, le Canada a adopté une stratégie protectionniste - n'ayons pas peur des mots. Nous avons tenté de bien des façons, et pas seulement en communication, d'encourager et de protéger les industries naissantes.

Dans le cas du système de radiodiffusion canadien, qui fait de plus en plus l'objet d'attaques de pays étrangers, si je peux m'exprimer ainsi, par le biais des satellites, bientôt d'Internet, et du téléphone, nous pouvons transmettre des émissions à partir d'un point n'importe où au monde. En outre, les Canadiens étant cosmopolites, ils veulent une programmation et des informations provenant du monde entier. Voilà pourquoi nous avons réexaminé toute cette industrie.

Ceux qui oeuvrent dans ce domaine - et cela comprend des gens comme vous, les employés des réseaux de télévision, les artistes et les consommateurs - ont tenu un sommet sur la télévision il y a trois ans, à Montréal, sommet qui a été présidé par M. Beatty. Pour la première fois, on a abandonné la philosophie orthodoxe pour adopter ce que j'appelle une nouvelle orthodoxie, selon laquelle la seule façon de protéger la culture canadienne à long terme, c'est d'en créer davantage, de créer une programmation de très haute qualité et de la distribuer à un coût abordable au Canada. Autrement dit, on est passé d'une stratégie protectionniste à une stratégie plus dynamique fondée sur des investissements importants dans la programmation canadienne et sa distribution.

C'est logique, et cela nous donne un sentiment de liberté, de réconfort et de modernité. Le hic, encore une fois, c'est l'argent. Si la solution, c'est d'abandonner le protectionnisme - et nous y reviendrons, parce que je crois que certaines mesures protectionnistes demeureront nécessaires - si la solution, c'est d'injecter davantage de fonds dans la production d'émissions canadiennes, d'où viendra cet argent à une époque où vous savez très bien que vous ne l'avez pas? Ce ne sont pas les contribuables qui vous donneront cet argent. Nous devons donc trouver d'autres sources.

J'hésite à mentionner le fonds des câblodistributeurs, car M. McTeague me relancera peut-être. Je le vois sourire. C'est ce qu'on appelle la diplomatie préventive. Avant que vous me posiez des questions, j'y répondrai, si je le peux. Nous devons trouver des façons novatrices de financer la production d'émissions canadiennes. Vous devez reconnaître que c'est nouveau et novateur. C'est donc là le problème auquel nous sommes confrontés.

À long terme, à l'aide d'arrangements, de quotas, d'outils de navigation - et dans notre rapport qui sera rendu public vendredi vous trouverez d'autres idées - nous croyons qu'avec quelques mesures de protection - moins qu'aujourd'hui toutefois - et en mettant de plus en plus l'accent sur la qualité de la programmation, nous aiderons le Canada à rester à l'écran ici même. Nous conserverons une bonne programmation canadienne. En dernière analyse, il n'y a pas un quota protectionniste qui peut obliger les Canadiens à regarder certaines émissions plutôt que d'autres. Les émissions doivent être bonnes, elles doivent séduire les téléspectateurs. C'est la nouvelle stratégie que nous préconisons.

Le président: Je sais que vous avez une courte question complémentaire, monsieur McKinnon.

M. McKinnon: J'aimerais faire une remarque sur les signaux hertziens. Je sais qu'on vous a présenté des demandes, dont l'une provient de ma circonscription. Que pensez-vous de cette technologie, de l'utilisation d'un câble plutôt que de signaux?

M. Spicer: Vous parlez du système de distribution multipoint, le SDM. Ces systèmes ont été très utiles dans les régions où le câble n'a pu se rendre. Cette technologie et d'autres dispositifs, tels que les réseaux cellulaires, qui sont mis au point par WIC, à Vancouver, le téléphone, Internet - vous savez, on offre déjà l'interurbain avec cette invention israélienne sur Internet - ces systèmes évolueront.

Nous aurons encore bien d'autres surprises technologiques du même genre qui seront une source de concurrence très vive pour les câblodistributeurs.

.1025

À mon avis, les facteurs déterminants sont la technologie, les conditions du marché et la demande des consommateurs. Beaucoup des questions qu'on se pose tiennent peut-être à la question fondamentale du rôle des organismes de réglementation. Dans notre monde moderne, les organismes de réglementation et les gouvernements cèdent de plus en plus la place à la technologie, au marché et aux consommateurs. Le rôle des organismes de réglementation et des gouvernements n'est plus de dicter ce qui va se produire, mais plutôt de guider les parties intéressées et de les pousser du coude afin qu'elles se conforment à certaines grandes orientations. C'est le mieux qu'ils puissent faire.

Le président: Je m'empresse d'intervenir pour dire que c'était là une question absolument brillante.

Monsieur McClelland.

M. McClelland: Je voudrais explorer un peu plus la question soulevée par M. McKinnon et par mon collègue, M. Hanrahan, à savoir le rôle du CRTC. Le CRTC aura en quelque sorte à empêcher le génie de sortir de la bouteille. Nous n'avons même pas encore parlé de la transmission par micro-ondes. Nous parlons uniquement des étoiles de la mort, d'Expressvu et des SRD dans le contexte de la concurrence. Il ne faudrait pas trop s'attacher au matériel de radiodiffusion, puisque le rythme de l'évolution technologique est tellement rapide que nous n'arrivons pas à la suivre.

Au lieu de nous intéresser au matériel, nous devrions plutôt nous concentrer sur le contenu, car il me semble que nous devons prendre garde que ce qui s'est produit dans les salles de spectacle ne se reproduise dans le secteur de la télévision. Tous les films qui sont présentés en primeur dans les salles de spectacle sont invariablement américains, car c'est à ce niveau-là que s'exerce le contrôle de ces films.

La diffusion des films canadiens est assurée à cause des règles concernant le contenu canadien. On s'arrache les longs métrages. Comment fait-on pour couvrir le coût de ces films? Par les frais qu'on exige de ceux qui les regardent. Il semble que 80 p. 100 des foyers canadiens sont câblés, ce qui représente un taux de pénétration énorme - bien plus élevé qu'aux États-Unis ou n'importe où ailleurs - mais si les exploitants de services à la carte, les distributeurs de chaînes de cinémas et les autres n'arrivent pas à pénétrer le marché parce que les câblodistributeurs exigent 80 $, ou je ne sais trop combien pour une boîte noire, alors qu'ils reçoivent déjà des fonds supplémentaires pour fournir ces boîtes, comment les producteurs ou les distributeurs de longs métrages comme MOVIEMAX, peuvent-ils pénétrer les foyers canadiens et contourner les câblodistributeurs de façon à pouvoir vendre leurs produits? C'est très complexe.

La question qui se pose est la suivante: comment pouvons-nous accepter que les compagnies de téléphone, les câblodistributeurs et tous les autres cherchent à qui mieux mieux à délester les consommateur du plus d'argent possible? Voilà la situation à laquelle nous sommes confrontés. Comment le consommateur peut-il prendre une décision, si je reviens à ce que disait M. McTeague? Comment le consommateur peut-il prendre une décision et dire qu'il est prêt à payer pour voir tel film, mais pas tel autre? Nous voulons avoir notre mot à dire dans les émissions pour lequelles nous payons. C'est ce qui explique le mécontentement des Canadiens lors de la récente décision des câblodistributeurs. Nous avons tous des services pour lesquels nous ne voulons pas payer. Nous acceptons de payer pour les services que nous voulons, mais nous n'allons certainement pas payer pour des services dont nous ne voulons pas simplement parce que vous pensez que ces services sont bons ou qu'ils respectent les règles sur le contenu canadien. Que pouvons-nous faire?

M. Spicer: Si nous voulons appliquer la Loi sur la radiodiffusion et offrir aux Canadiens la programmation variée et de qualité élevée qu'ils veulent, tout en leur permettant de choisir parmi une multitude de services canadiens, nous devrons nous efforcer davantage de faire comprendre aux Canadiens les réalités du marché canadien, qui est assez petit. Le fait est que les réalités économiques ne sont pas les mêmes pour un marché de 28 millions que pour un marché de 270 millions comme celui des États-Unis. Nous avons par ailleurs deux langues officielles. Nous partageons une de ces deux langues avec notre gigantesque voisin au sud de notre frontière, ce qui oblige le Canada anglais à se mesurer à ses normes de qualité et à ses budgets, alors même qu'un grand nombre de nos meilleurs artistes s'en vont à Hollywood et à New York.

Nous devons examiner les valeurs comme la concurrence et le choix à la lumière des réalités qui caractérisent le marché canadien, et, comme je l'ai dit tout à l'heure, il ne faut pas jouer le jeu de ceux qui ont pour slogan «la concurrence illimitée».

Quand on est Américain, cela ne pose aucun problème. Par contre, quand on est Canadien et que le Canada nous tient à coeur, il nous faut avoir bien présent à l'esprit le miracle que représentent les 230 années de notre histoire canadienne. Le Canada est le fruit, non pas du hasard, mais d'un acte de volonté. Nous avons eu recours à des mesures artificielles de toutes sortes pour créer ce pays et le préserver. Nous devrons continuer à faire de même si nous voulons garder ce pays qui est le nôtre.

.1030

Mme Tremblay aura une interprétation différente, et son point de vue nous sera transmis grâce à l'interprétation simultanée. C'est mon opinion que je vous livre ici. Nous devons dire aux Canadiens, tout d'abord, que même aux États-Unis, on ne peut pas choisir de recevoir une seule chaîne et de payer pour une seule chaîne. Nos voisins aussi sont soumis à certaines contraintes. Bien des gens, les éditorialistes y compris, qui devraient être mieux renseignés et avoir mieux fait leurs devoirs, citent les États-Unis en exemple comme le pays de la liberté. Pourtant, le marché audiovisuel américain est un des plus protégés qui soient au monde. Le marché canadien, par contre, est le plus ouvert, grâce au ciel.

M. McClelland: Mais ils peuvent quand même choisir de ne recevoir qu'une seule chaîne et de ne payer que pour cette chaîne.

M. Spicer: Je ne le crois pas, à moins qu'il ne s'agisse d'une chaîne de programmation à la carte. Nous avons cela au Canada, malgré la taille extrêmement réduite de notre marché.

C'est aux fruits que l'on reconnaît l'arbre. Nous ne prétendons certainement pas, humbles et ennuyeux responsables de la réglementation que nous sommes, nous en attribuer le mérite. Le mérite en revient à l'ensemble des Canadiens et à ceux d'entre nous qui jouent un rôle à cet égard. J'entends par là les hommes et les femmes politiques, les responsables de la réglementation, et, surtout, les artistes et les entrepreneurs. Il n'y a qu'à voir ce que nous réussissons à faire ici. Regardez la télévision canadienne pendant une semaine, si vous en avez le courage. Passez en revue toutes les chaînes, puis allez voir ce qui se fait en Europe. Choisissez un pays comme la France. Qu'on me pardonne de le dire, mais ce n'est guère amusant. Vous ne trouverez là que deux ou trois chaînes. Ce n'est guère mieux en Allemagne. En Grande-Bretagne, on trouve trois ou quatre chaînes de grande qualité, sans plus. Aux États-Unis, c'est O.J. Simpson mur à mur.

Le président: Newsworld, c'est aussi O.J. Simpson mur à mur.

M. Spicer: Oui, je sais. Je suis prêt à me joindre à vous pour une attaque bien préméditée contre Newsworld pour sa couverture du procès O.J. Simpson. En tant que consommateur, je trouve cela inacceptable. Mais je suis sûr qu'on présente les choses d'un point de vue canadien et qu'on explique les différences entre les deux pays sur le plan du droit et des échantillons sanguins, par exemple.

Pour répondre à votre question, je crois que les situations et les politiques au Canada doivent se fonder sur des réalités canadiennes. Il est souvent difficile d'expliquer les choses aux Canadiens quand ils sont sans cesse bombardés de slogans américains. On les inonde de questions de droit américain et de concurrence américaine qui ne s'appliquent pas...

M. McClelland: Je ne m'attends pas à ce que vous répondiez à mes questions dans le temps qui reste, mais ce qui m'intéresse essentiellement, c'est de savoir comment nous pouvons nous y prendre pour amener les téléspectateurs à choisir des émissions canadiennes grâce à la programmation à la carte. Les câblodistributeurs n'offrent pas la programmation à la carte à cause du prix des boîtes noires. Ils exigent d'abord qu'on leur paye le prix de la boîte noire au lieu d'en mettre une dans tous les foyers et de permettre aux téléspectateurs de choisir les émissions qu'ils veulent. C'est pourquoi les distributeurs de films doivent passer par Expressvu ou par Power DirectTv. Je voulais simplement dire ce que je pense de la situation qui existe à l'heure actuelle.

Le président: Monsieur Spicer, nous avons un certain nombre de personnes qui veulent vous interroger de nouveau. D'autres, comme M. de Jong et moi-même, veulent vous interroger pour la première fois.

Si vous le permettez, j'ai cinq questions à vous poser. La Loi sur la radiodiffusion prévoit que les commissaires du CRTC soient choisis parmi les résidants des différentes régions et que des bureaux soient créés dans les différentes régions. D'après tous les documents, y compris le budget des dépenses, le CRTC compte six bureaux régionaux: Vancouver, Edmonton, Winnipeg, Toronto, Montréal et Halifax. Hier, j'ai reçu un appel de quelqu'un qui disait que vendredi un certain nombre d'employés du bureau de Toronto avaient été mis à pied et que le bureau fermait. Est-ce vrai?

M. Spicer: La politique garantit la présence, non pas d'un bureau doté de fonctionnaires, mais d'un commissaire régional. Le commissaire pour la région de Toronto restera en poste à Toronto et pourra compter sur le personnel de soutien voulu. Pour des raisons strictement budgétaires, nous devons procéder à un examen rigoureux de l'ensemble de nos activités et les réduire considérablement. Nous devons, comme tous les autres organismes, être impitoyables.

Le président: Ainsi, vous fermerez tous les bureaux régionaux d'un bout à l'autre du pays?

M. Spicer: Non, ce n'est pas du tout ce que j'ai dit. Nous nous efforçons de maintenir les autres bureaux.

.1035

Le président: Mais vous allez fermer celui de Toronto, dans la région la plus populeuse du pays?

M. Spicer: Nous avons été 24 ans, je crois, sans même avoir de bureau à Toronto. Les principaux intervenants à Toronto font déjà affaire de préférence avec le siège social. Ce serait très bien que nous ayons les moyens de garder ce bureau ouvert. Croyez-moi, nous n'avons pas pris cette décision de gaieté de coeur.

Les gens qui sont éloignés du centre, c'est-à-dire de l'Ontario et du Québec, se sentent encore plus isolés et auraient encore bien plus raison de vouloir préserver leurs bureaux à Vancouver, Edmonton, Montréal et Halifax. Le bureau de Montréal est là, bien sûr, parce que nous avons besoin d'un bureau au coeur du Canada français.

Le président: J'ai l'impression que ce n'est pas le dernier mot que nous entendrons là-dessus.

Passons à la question suivante. Il semble que les câblodistributeurs, à qui on accorde des fonds pour accroître leur capacité, ne tiennent pas vraiment à accroître leur capacité. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi ils ne voudraient pas l'accroître alors même que vous leur donnez des fonds pour le faire?

M. Spicer: Je crois qu'il serait très imprudent de leur part - je n'irais pas jusqu'à dire complètement fou, mais pas loin - de refuser d'accroître leur capacité et d'apporter les améliorations que représentent une image de meilleure qualité et les boîtes noires interactives. Ils auront à soutenir une concurrence féroce de la part des SRD.

Le président: D'après l'expérience que vous en avez, les câblodistributeurs hésitent-ils à accroître leur capacité alors même que vous leur accordez des fonds à cette fin?

M. Spicer: Non. Prenons le cas de Maclean Hunter, qui était moins disposé que Rogers à investir dans son infrastructure. Rogers a dépensé beaucoup d'argent pour améliorer son système, comme nous le savons. Rogers sera parmi les premiers à offrir les boîtes noires interactives. Il s'agit là d'une décision d'entreprise. Il existe deux ou trois mille câblodistributeurs, qui sont tous libres de prendre la décision qui leur convient. Je crois qu'ils sont tous à même de voir ce qui s'en vient.

Ils se retrouveront dans un univers de plus en plus compétitif. Il y a aura quatre ou cinq moyens de capter les signaux de télévision. Les SRD assurent une image de qualité bien plus élevée et un choix plus diversifié. Je crois que les gens de Power DirecTv envisagent d'offrir environ 200 canaux d'ici un an ou deux. Il y a par ailleurs le volet interactif. Tous ces appareils technologiques sont fortement recommandés, étant donné les conditions du marché. Je trouve qu'il serait très imprudent de la part des câblodistributeurs de ne pas investir dans cette infrastructure.

Le président: Ma troisième question est la suivante: si le gouvernement vous demandait de proposer de nouvelles sources de revenus pour la SRC, vers quel élément du réseau vous tourneriez-vous? Vous tourneriez-vous vers le secteur de la distribution comme étant le plus prometteur?

M. Spicer: Je crois qu'il vaut mieux laisser à votre comité le soin de se prononcer là-dessus.

Le président: Qui ne risque rien n'a rien. C'était une question théorique, comme ça.

Voici ma quatrième question. Quand il s'agit de réinterpréter la Loi sur la radiodiffusion, il semble y avoir une voie possible, celle sur laquelle nous nous penchons pour la première fois, c'est-à-dire celle des décrets d'instructions concernant la distribution par SRD, les 40 jours et 40 nuits. C'est une voie possible. Le gouvernement pourrait également publier un énoncé de politique qui expliquerait en termes généraux l'orientation qu'il entend poursuivre.

Quelle importance accordez-vous respectivement à un énoncé de politique et à un décret d'instructions dans l'interprétation de la Loi sur la radiodiffusion? Quel poids accordez-vous à l'énoncé par rapport au décret?

M. Spicer: Je vous réponds en vous donnant un exemple: je peux vous dire que nous prenons à coeur depuis 20 ans, et plus particulièrement depuis 15 ans, la décision des divers gouvernements qui se sont succédés de favoriser le câble. Depuis longtemps déjà, les gouvernements canadiens ont décidé, pour des raisons d'infrastructure, que le câble constituait le moyen le plus efficace et le plus rentable, compte tenu de notre climat, d'assurer la distribution des signaux de télévision au Canada. Nous avons tenu compte de cette décision. Les décisions que nous prenons comme organisme de réglementation reflètent cette politique gouvernementale.

Pour ce qui est du recours aux satellites canadiens, nous avons tenu compte du communiqué de presse que le gouvernement a publié le 12 septembre dernier. Notre décret d'exemption relativement aux SRD reflétait également la politique gouvernementale.

Nous prenons très au sérieux tout énoncé de politique provenant du gouvernement. Nous sommes très conscients du fait que vous êtes élus alors que nous ne le sommes pas. Nous sommes très conscients du fait que vous avez voulu créer un organisme de réglementation indépendant, de manière que les décisions soient prises dans l'indépendance et la transparence la plus totale, sans aucun parti pris politique ou personnel, tout en conservant aux élus un droit de regard général, comme en témoigne notre présence ici aujourd'hui. J'ajouterai à cela que les décisions étaient très impopulaires, foncièrement impopulaires.

.1040

À mon avis, il exite un certain équilibre que nous essayons tous de respecter. Nous avons le plus profond respect pour l'autorité du Parlement. Pour nous, la Loi sur la radiodiffusion - celle qui renferme les consignes que vous souhaitiez nous donner - est notre bible, en quelque sorte.

Mais pour répondre à votre deuxième point concernant le décret du conseil, je me permets de vous faire une observation positive à ce sujet. Nous avons tous été témoins - et je suppose que c'était inévitable - de la surprise et peut-être même de l'indignation de certains au cours des quelques dernières semaines face à l'exercice d'un nouveau pouvoir que prévoit la nouvelle Loi sur la radiodiffusion, loi qui est en vigueur depuis à peine quatre ans. Aucun d'entre nous n'avait jamais fait l'expérience de ce genre de décret, et donc les événements suivent leur cours normal, à mon avis, puisqu'il s'agit encore d'une loi relativement nouvelle.

Pour qu'il n'y ait aucune confusion possible, je tiens à dire que le CRTC n'est pas étonné ou scandalisé, ou même contrarié, de voir que le gouvernement exerce son pouvoir de cette façon. Pour nous il s'agit d'un exercice tout à fait légitime des pouvoirs prévus dans la Loi sur la radiodiffusion. Il est tout à fait dans son droit d'agir de cette façon.

Par contre, la Loi sur la radiodiffusion prévoit aussi que le gouvernement nous demande de lui faire part de ses observations concernant le décret du conseil. Nous lui avons donc transmis nos observations constructives et sincères avec le plus grand respect. La troisième étape du processus commencera le 15 juin, en ce qui nous concerne. C'est alors que nous reviendrons devant vous pour que vous nous posiez des questions à ce sujet. J'imagine que le gouvernement rédigera ensuite un projet de décret - ce sera la quatrième étape - qu'il nous consultera à nouveau, et qu'il y apportera quelques modifications avant de le publier.

Je crois que c'est exactement ce que nous souhaitions tous il y a quatre ans, et notamment le CRTC. Bien que nous reconnaissions que le gouvernement a le pouvoir de prendre des décisions sur des questions de politique et d'application générale et que nous voyions ce pouvoir d'un bon oeil...

Le président: Je me permets de vous interrompre simplement pour vous dire qu'il y aura un vote dans 30 minutes, ce qui nous laisse en tout 20 minutes, puisque nous sommes encore assez lestes.

M. Spicer: Très bien.

Notre réaction au décret du gouvernement était à l'époque et continue d'être double: d'une part, nous reconnaissons et acceptons que le gouvernement a le pouvoir d'agir de cette manière. Il s'agit en effet de l'acte d'un Parlement démocratiquement élu. Nous avons fait part de nos observations au Parlement, et ce dernier en a tenu compte. Par conséquent, le gouvernement est parfaitement dans son droit d'émettre ce genre de décret.

D'autre part, nous avons exercé énormément de pression sur les décideurs - il serait peut-être plus juste de dire que nous les avons suppliés même - pour avoir ce délai de 40 jours, pour obtenir l'occasion de comparaître et pour avoir la transparence nécessaire, afin que le décret soit conforme à la volonté du Parlement - autrement dit qu'il s'agisse d'un décret sur l'application générale de la loi.

C'est bien de cela qu'il s'agit; nous sommes en train de mettre à l'épreuve une procédure prévue par la loi, mais non encore utilisée, et c'est tout à fait normal. À notre avis, c'est très sain, si je puis dire, même si cette procédure va sans doute disparaître pour être remplacée par le genre de compromis typiquement canadien qui va plaire à tout le monde.

Le président: Je suis désolé, mais je dois devoir m'interrompre et vous interrompre également. Nous allons essayer d'entendre autant de députés que possible, mais étant donné qu'il nous reste peu de temps, je vous conseillerais de vous en tenir à quelques minutes et à une bonne question par personne.

Simon sera le premier intervenant.

M. de Jong (Regina - Qu'Appelle): Vous savez évidemment que le comité tient des audiences et poursuit ses délibérations en vue de la préparation d'un rapport sur la radiodiffusion publique et la SRC. Nous avons été un petit peu dépassés par les événements avec le budget, et en nous rendant compte ensuite que la SRC va continuer à faire l'objet de compressions budgétaires importantes. Comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, le comité cherche d'autres éventuelles sources de revenus pour la SRC.

L'une des préoccupations dont nous ont fait état les responsables de la SRC concerne le fait qu'ils doivent dépenser environ 15 millions de dollars par année pour des frais d'avocats et d'autres dépenses qui sont liées à leur interraction avec le CRTC. Ils ont également demandé qu'on reporte à plus tard les audiences sur le renouvellement des permis, vu les changements importants que provoqueront les compressions budgétaires, le réexamen de leur mandat et d'autres activités connexes. J'aimerais donc savoir s'il serait possible de reporter à plus tard et de rationaliser éventuellement la procédure de renouvellement du permis de la SRC, afin que cela ne lui coûte pas 15 millions de dollars par année.

M. Spicer: Je comprends très bien la frustration des responsables de la SRC face aux obligations que leur impose l'organisme de réglementation. La SRC jouait précédemment le rôle d'organisme de réglementation. Donc, ce n'est jamais très amusant d'apprendre qu'au lieu de réglementer vous allez vous faire réglementer. Il s'agit là d'un problème qui remonte assez loin.

Mais à l'heure actuelle, la SRC se trouve confrontée à un problème beaucoup plus aigu et grave, et c'est celui du financement. Je précise que nous compatissons beaucoup à la situation de la SRC et que nous sommes très sensibles aux difficultés que cela peut lui causer. Dans ce contexte, nous souhaitons nous montrer accommodants et faire preuve d'une souplesse raisonnable. Mais en fin de compte, le Parlement nous a bien dit de surveiller les activités de la SRC et de lui poser des questions au sujet de la violence à la télévision, de ce qu'elle fait pour assurer une représentation juste des deux sexes et des différentes cultures, et de toutes sortes d'autres choses dont le Parlement nous a confié le suivi.

.1045

Nous pourrions évidemment laisser tomber tout cela, si vous le souhaitez, mais je ne crois pas que ce soit le cas. Je trouve normal et souhaitable que le radiodiffuseur public soit responsable devant un organe comme le CRTC. Puisqu'on nous a confié la tâche d'arbitre indépendant et transparent, c'est justement ce que nous essayons de faire.

Je peux vous assurer, monsieur de Jong, que nous ne cherchons absolument pas à lui compliquer la vie. C'est tout le contraire. Au cours de récentes consultations, nous avons dit aux responsables de la SRC que même s'il n'était pas possible d'infirmer toute une série de décisions qui avaient déjà été prises, s'ils revenaient nous voir dans un an ou deux parce qu'ils avaient de graves problèmes, nous prendrions les mesures qui s'imposent pour instituer une nouvelle procédure qui réponde mieux à leurs besoins. Nous allons donc chercher différents moyens de les aider.

M. de Jong: Vu la situation budgétaire et les compressions prévues, l'une des possibilités qui ont été proposées consisterait à éliminer les obligations des stations privées et des radiodiffuseurs privés en ce qui concerne le contenu canadien. Par contre, ces derniers verseraient des revenus à la SRC afin de garantir que cette dernière continuera à réaliser des productions canadiennes et à prévoir un contenu canadien considérable. Autrement dit, l'obligation de prévoir un certain contenu canadien serait de plus en plus une obligation du radiodiffuseur public, alors que les radiodiffuseurs privés auraient la possibilité de simplement répondre aux besoins du marché. Pensez-vous que ce serait une bonne idée que la protection du contenu canadien et de la culture canadienne devienne l'obligation exclusive de la SRC, ou serait-il préférable qu'elle soit partagée par tous les radiodiffuseurs?

M. Spicer: Personnellement, je préfère de loin la formule actuelle, en vertu de laquelle tous les radiodiffuseurs partagent cette responsabilité. À mon avis, il serait peut-être dangereux à long terme de ghettoïser le Canada en imposant cette responsabilité à une seule chaîne dont les crédits sont fixés et examinés par le Parlement. Qui sait quel genre de gouvernement on pourrait avoir dans l'avenir? Celui-ci pourrait très bien décider de s'en débarrasser complètement. À ce moment-là, ce serait la fin de la culture canadienne. À mon avis, c'est beaucoup plus sain de prévoir plusieurs sources de contenu canadien au Canada.

Pour vous dire la vérité, les chaînes privées présentent souvent des émissions canadiennes tout à fait superbes. Elles font tout aussi bien, sinon mieux dans certains cas, que la SRC. Et à mon avis, il ne faut pas les empêcher de le faire. Dans ce nouveau climat concurrentiel, l'ensemble des radiodiffuseurs privés canadiens reconnaissent - et je sais que M. McCabe a récemment écrit un article à ce sujet - que le meilleur créneau qu'ils puissent trouver - celui qui va leur assurer le plus de succès et de profits - c'est le créneau canadien. Autrement dit, c'est la programmation canadienne, plus que toute autre chose, qui va leur permettre de réussir.

Donc, la formule actuelle devrait rester en place, à mon avis, quitte à y apporter quelques modifications mineures.

Mme Brown (Oakville - Milton): Monsieur Spicer, dans vos remarques liminaires et dans vos réponses aux questions des députés, quelque chose m'a frappée. Je sentais dans vos propos un certain conflit entre votre propre passion pour notre pays et les valeurs que partagent, selon vous, les Canadiens - par exemple, la tolérance, l'équité, la coopération, et ce genre de choses. Dans vos remarques liminaires, j'avais l'impression que vous cherchiez à nous montrer à quel point le CRTC aurait favorisé la concurrence. Par la suite, vous avez dit que le monde n'est plus du tout régi par les gouvernements et les organismes de réglementation, mais plutôt par la technologie, le marché et les désirs des consommateurs.

Pensez-vous, selon votre expérience personnelle, que ces valeurs traditionnelles de la population canadienne que vous avez nommées - et il y en a d'autres, bien entendu - soient compatibles avec ce nouveau monde déréglementé, où il n'y a plus que le marché qui compte?

Je songe en particulier à une décision qui m'a beaucoup déplu. Je vous la cite à titre d'exemple. Il me semble qu'au fur et à mesure que le marché devient le moteur de toutes nos activités, la société se divise de plus en plus en deux groupes bien distincts: les riches et les pauvres. Jusqu'à présent, le Canada s'est montré beaucoup moins disposé à tolérer la pauvreté visible, si je puis dire, que d'autres nations. Or, en vertu d'une récente décision du CRTC, un citoyen pourrait avoir à payer jusqu'à 91$ pour faire installer un téléphone chez lui. Voilà le nouvel environnement concurrentiel dans lequel doivent fonctionner à présent les compagnies de téléphone, mais je doute fort que les pauvres puissent se permettre de payer 91$, sauf peut-être pour payer leur logement.

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M. Spicer: M. MacPherson me donnera peut-être un coup de main si je me trompe, mais je ne pense pas qu'on vous fasse payer 91$ pour faire installer un téléphone. À mon sens, on pourrait vous faire payer cette somme uniquement dans une situation assez exceptionnelle, par exemple si une souris avait coupé votre fil à force de le ronger, ou si vous avez eu des inondations chez vous. Voilà donc pour mon premier point.

Mme Brown: Je ne parle pas uniquement du cas d'une personne qui déménage.

M. Spicer: Je le sais bien.

Deuxièmement, si Bell veut vous faire payer 91$, vous pourrez certainement trouver quelqu'un d'autre qui va vous faire payer 60$ ou 30$. Ce ne sont pas des chiffres réels, et à mon avis il ne faut pas s'en faire pour cela.

Pour en revenir à votre principale question, je dois vous dire que vous avez parfaitement raison. Ce qui peut vous sembler contradictoire est en quelque sorte une tentative pour définir le genre d'équilibre que nous devons établir. Si je donne l'impression d'insister un peu trop sur nos efforts pour favoriser la concurrence, c'est parce que les gens ont parfois une fausse impression du CRTC, et estiment que nous sommes extrêmement protectionnistes. Je peux vous dire que c'est tout à fait faux. C'est tout le contraire. Je peux d'ailleurs vous fournir des références qui le prouveront pour les secteurs de la radiodiffusion et des télécommunications.

En fait, c'est en raison de la Loi sur la radiodiffusion que nous devons constamment chercher à établir un équilibre entre la culture et la concurrence. Donc, vous avez parfaitement raison. Il n'y a pas que la concurrence qui compte. Mais il y en a beaucoup qui affirment l'inverse. Les gens qui ont tendance à suivre la mode et qui aiment les slogans aiment bien dire que la concurrence est formidable, qu'il faut devenir plus compétitifs... et que cela doit être vrai, puisque les Américains disent qu'il n'y a plus que la concurrence qui compte. Ces gens-là ont tendance à oublier que les Canadiens ne sont pas de simples consommateurs; ils sont également des citoyens d'un pays qui s'appelle le Canada. Si vous parlez à des gens à Hollywood, par exemple, ils vous diront que pour eux, c'est 28 millions d'Américains à cibler; pour eux, le Canada n'est que le prolongement de leur marché. C'est tout ce qu'ils voient. Pour eux, ce n'est pas un pays. Il faut donc le leur rappeler.

Cela m'amène à vous parler de la question de l'exclusion culturelle. Je constate que la FCC commence maintenant à s'intéresr à toutes ces questions... comme Mickey Kantor. Le fait est que le Canada va faire l'objet de pressions de plus en plus importantes de la part des États-Unis pour éliminer cette exclusion culturelle.

Donc, c'est à nous de décider si nous voulons continuer d'être un pays, ou non. Évidemment, il ne s'agit pas d'être bêtement protectionnistes. Il faut être souples tout en affirmant notre nationalité canadienne. En même temps, il faut trouver des fonds à investir, et il faut préserver certains règlements et certaines restrictions qui sont favorables au Canada. Je n'ai pas l'intention de m'excuser d'avoir fait l'impossible pour mettre tous les atouts du côté du Canada. C'est justement ce que le Parlement nous a dit de faire.

Mme Brown: En ma qualité de députée, je tiens à vous dire que vous ne devez pas sentir que vous devez constamment prouver à quel point vous encouragez la concurrence. À mon avis, le gouvernement va devoir réaffirmer le rôle du CRTC en tant qu'organisme de réglementation si nous souhaitons vraiment protéger la culture canadienne et préserver les valeurs profondément humaines que nous partageons dans ce pays.

Je souhaite que vous constatiez le changement de climat par rapport à l'ancien gouvernement, car, à mon sens, le gouvernement actuel a une attitude fort différente. Ceux qui travaillent pour le gouvernement et dans l'intérêt du public ont parfois du mal à prévoir ce changement et à modifier leurs propres attitudes pour refléter les priorités d'un nouveau gouvernement. Au sein du gouvernement, nous apprécions beaucoup tout ce que vous faites. Cela ne nous empêche pas de nous mettre en colère, à l'occasion, comme tous les consommateurs, mais nous estimons malgré tout que votre rôle est important à long terme pour préserver notre culture.

M. Spicer: Je suis très encouragé de vous l'entendre dire.

Le président: C'est maintenant la course pour finir les questions avant de courir à la Chambre. Je vais donc donner la parole à M. McTeague et à M. Ianno pour une toute petite question rapide.

[Français]

Mme Tremblay: J'ai une requête et une question. Je vais commencer par la requête. Est-ce que vous pourriez envisager de regarder la situation des télévisions communautaires en ce qui concerne la publicité? Il y a des marchés où il serait absolument essentiel que les télévisions communautaires reçoivent des fonds.

Par exemple, au Québec, le gouvernement est prêt à leur donner sa publicité. Mais si c'est 2 000 personnes et qu'ils ont 2 003 abonnés, ils ne peuvent plus tolérer ce genre de situation. Est-ce que vous pourriez donc envisager d'examiner la situation des télévisions communautaires qui ont besoin d'argent?

M. Spicer: Je m'engage aujourd'hui, madame, à vous répondre aussi rapidement que possible, dans les mois à venir. Excellente question.

Mme Tremblay: Pour ce qui est de ma question, maintenant, vous allez rendre le 18 une décision assez importante à la suite d'une demande qui vous avait été faite par MM. Manley et Dupuy. Je ne veux pas connaître votre réponse; je vais avoir la patience de l'attendre. Est-ce que vous pourriez m'expliquer d'où cela vient et dans quel contexte s'inscrit la démarche que vous avez faite? Est-ce que vous allez donner au Comité la décision qui relève de MM. Manley et Dupuy ou si vous allez la rendre publique et accessible à tous et à toutes?

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M. Spicer: Pour être précis, madame, je pense que c'est le vendredi 19. À 12h30, nous aurons une conférence de presse pour présenter ce rapport au grand public. Si j'avais une suggestion à faire - je ne sais pas si vous en aurez le temps - , je vous dirais que, si par hasard, le 6 juin, vous écoulez toutes vos questions sur les satellites à diffusion directe, on pourrait passer un moment là-dessus. D'une façon ou d'une autre, je serais ravi de revenir exprès pour ce rapport.

[Traduction]

M. McTeague: Merci beaucoup, monsieur le président.

[Français]

Mme Tremblay: C'était sur la convergence que vous alliez faire ça.

M. Spicer: C'est ça.

[Traduction]

M. McTeague: Merci, monsieur le président.

Monsieur Spicer, je voudrais parler de nouveau de 1993. J'aimerais qu'on aborde d'abord la réalité actuelle au Canada avant qu'on discute des problèmes futurs - à savoir la question de la demande de création d'un fonds de programmation canadienne, présentée par les câblodistributeurs dans le cadre de vos audiences en 1993, demande que vous avez évidemment acceptée. J'aimerais savoir si vous êtes en mesure de nous dire comment les câblodistributeurs dépensent leurs 300 millions de dollars - Mme Tremblay disait même qu'il s'agissait de 500 millions de dollars. Donc, comment les câblodistributeurs dépensent-ils ces crédits, puisque ce sont eux qui ont proposé de maintenir ce financement?

Mon autre question est la suivante: j'aimerais savoir si, depuis le 30 mars, alors que nous avons soulevé ces questions pour la première fois devant le CRTC et la population canadienne, vous avez obtenu une consultation juridique claire et solide.

M. Spicer: La réponse à votre deuxième question est non, en dehors des conseils qui nous ont été donnés par notre contentieux - et je peux vous assurer que leurs conseils sont aussi solides que ceux de n'importe quel autre cabinet d'avocats.

Mais pour en revenir à la première partie de votre question, nous estimions qu'il ne nous appartenait pas d'assurer la microgestion des crédits revenant aux câblodistributeurs. C'est-à-dire que nous misons sur le bon sens et les forces du marché pour pousser les câblodistributeurs à faire ce qu'ils doivent faire. Ils savent fort bien que nous sommes en train d'organiser la concurrence sur plusieurs fronts, qu'on parle des satellites, des lignes téléphoniques, des micro-ondes, des satellites de diffusion directe, d'Internet ou de réseaux cellulaires. Ils sont déjà au courant de tout cela. Ils savent que c'est la voie de l'avenir. Ils ne sont pas fous. Ils savent aussi bien que nous qu'ils vont faire l'objet d'une attaque massive. Et ils ne vont certainement pas s'en sortir en achetant 10 immeubles en copropriété de plus en Floride. Ils vont devoir réinvestir cet argent dans leur système pour arriver à contrer l'assaut des concurrents.

M. McTeague: Mais, monsieur Spicer, entre 1986 et 1993, ils ont pu obtenir de chaque abonné au pays la somme moyenne de 250$. Donc, cela dure déjà depuis un moment, et ils ont pu recueillir pas mal d'argent - argent qu'ils n'ont pas été obligés d'obtenir sur le marché libre.

Donc, j'aimerais savoir si vous savez de quelle façon les câblodistributeurs, à qui vous avez donné l'occasion de construire leur infrastructure gratuitement, ou plutôt aux frais des abonnés du câble, utilisent actuellement ces crédits, qui sont de l'ordre de 300 à 500 millions de dollars.

M. Spicer: Permettez-moi tout d'abord de soulever quelques points fondamentaux. Je pense que nous sommes d'accord pour dire que l'argent qui finance le réseau de radiodiffusion canadien ne vient pas du père Noël. Il vient des abonnés, et par conséquent il n'y a pas de mal à permettre aux abonnés de continuer de faire ce que eux seuls peuvent faire.

Quant à l'utilisation de ces crédits, on se fait dire - parfois même par la même personne, le même jour - qu'il faut cesser de réglementer, ou encore qu'il faut réglementer davantage. Si vous souhaitez qu'on gère l'utilisation de ces fonds par les câblodistributeurs, je pense que nous allons alors devenir un organisme de réglementation véritablement directif. On n'arrête pas de nous dire que nous devons réduire et rationaliser nos activités et moins réglementer les activités des entreprises canadiennes. Donc, il est parfois assez difficile de concilier les deux.

M. McTeague: Monsieur Spicer, en 1986, et encore une fois en 1991, vous avez promis de rendre cet argent aux abonnés. Eh bien, vous ne l'avez toujours pas fait.

M. Spicer: C'est tout à fait exact. Mais rappelez-vous que les circonstances peuvent changer aussi. On peut faire semblant de n'avoir pas remarqué ces changements, ou encore on peut se dire: voilà une nouvelle menace pour la culture canadienne. Il s'agit évidemment des supersatellites, ce qu'on appelle les étoiles de la mort, bien qu'on ait cessé maintenant d'employer cette expression ridicule.

À l'époque, personne n'avait encore entendu parler de compression vidéo numérique ou de la boîte noire interactive. Ces choses-là n'existaient pas encore. Aurait-il fallu qu'on dise, puisque c'est dans ce genre de choses qu'on devait investir les crédits en question, que ces autres possibilités n'étaient pas valables, puisqu'il n'y a qu'une façon de répondre aux besoins du public? Dans le cadre d'audiences publiques, nous avons préféré explorer une nouvelle idée adaptée à des circonstances radicalement différentes, et expliquer au public pourquoi cela nous semblait nécessaire avant de l'accepter publiquement et d'essayer de convaincre les autres du bien-fondé de cette formule. Pendant les deux années qui ont suivi personne n'a trouvé que c'était une idée farfelue.

M. McTeague: Mais aviez-vous vraiment le soutien du public?

Le président: Je suis désolé, mais je vais devoir vous interrompre. Je regrette que M. Ianno n'ait pas pu poser la dernière question. Nous allons lui donner la priorité le 6 juin. En fait, il n'y a que M. Ianno qui va parler ce jour-là.

Merci beaucoup de votre présence. La séance est levée.

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