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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 13 juin 1995

.1538

[Traduction]

Le président: Étant donné que tous les partis sont maintenant représentés, même si nous ne sommes pas au complet, je déclare la séance ouverte.

Quelques consignes administratives pour les députés présents. Il y aura vote à 17 heures. La cloche va commencer à sonner à 17 heures aujourd'hui pour le vote de 17h15. Je propose donc que nous invitions nos témoins, qui devaient prendre la parole à 17 heures, à revenir à 17h30. Nous les écouterons pendant une demi-heure, trois quarts d'heure, et nous nous séparerons jusqu'à 19h30, et nous nous rencontrerons dans une autre salle pour étudier notre rapport sur Radio-Canada.

Est-ce que cela vous va? Nous aurons assez de temps pour manger un morceau.

Ça va.

Nous sommes ravis de recevoir de nouveau, parce qu'il est venu souvent ici auparavant, souvent lorsqu'il était question de Radio-Canada, Michael McCabe et ses collaborateurs.

Monsieur McCabe, auriez-vous l'obligeance de nous présenter vos collègues de l'Association canadienne des radiodiffuseurs et de nous donner lecture de votre déclaration. Nous passerons ensuite aux questions.

M. Michael McCabe (président et directeur général Association canadienne des radiodiffuseurs): Merci beaucoup, monsieur le président. Nous sommes heureux d'être des vôtres cet après-midi.

Je suis accompagné aujourd'hui de Robert Scarth, notre vice-président à la télévision; et de Peter Miller, notre directeur juridique.

Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de présenter notre point de vue au comité à l'égard des ordonnances du CRTC relatives aux SRD. Comme vous savez, l'ACR est l'association sectorielle nationale représentant les stations et réseaux de radio et de télévision privés du Canada, et elle compte parmi ses membres les télédiffuseurs privés locaux du Canada.

En bref, les stations de télévision privée locales sont l'élément le plus important du secteur canadien de la télévision. Il y en a environ une centaine, dispersées d'un bout à l'autre du pays. Leur produit global s'établit à 1,5 milliard de dollars, et ces stations retiennent l'attention de la majorité des téléspectateurs canadiens - soit 51 p. 100 - et des amateurs d'émissions canadiennes, soit 56 p. 100 de toute la programmation canadienne.

Nous sommes conscients que c'est au gouvernement qu'il incombe d'établir les politiques d'ensemble et que les organismes de réglementation, tel le CRTC, ont pour tâche de veiller à la mise en oeuvre de ces politiques. Toutefois, la réussite de toute politique dépend de l'efficacité avec laquelle elle est appliquée.

À notre avis, le CRTC est, comme cela a été le cas jusqu'ici, l'organisme auquel le gouvernement et le public peuvent confier l'élaboration des règles et modalités de l'application de la politique sur la radiodiffusion. Une fois la politique d'ensemble établie, le CRTC a un important rôle à jouer, car il assure à la fois les compétences et connaissances spécialisées nécessaires à son exécution et un moyen de consultation et de participation du public.

.1540

Nous souhaitons faire quelques observations au sujet des ordonnances soumises au comité.

Il y a en effet certains aspects des ordonnances proposées que nous estimons: a) ne pas aborder pleinement des points importants de la politique gouvernementale; b) ne pas coincider avec l'esprit des recommandations du groupe de travail; c) outre-passer ce que nous considérons être une orientation générale; et d) ne pas concorder avec diverses recommandations issues d'autres instances d'examen de la politique, notamment celle que le CRTC a présentée au gouvernement à la suite de l'audience sur l'autoroute de l'information et celle du groupe de travail sur les émissions canadiennes et la télévision privée.

Nous voulons ici concentrer nos observations préliminaires sur les trois aspects des ordonnances qui nous préoccupent le plus.

Tout d'abord, nous estimons que, dans leur forme actuelle, les ordonnances à l'étude ne sont pas assez claires en ce qui concerne la distribution prioritaire des signaux des stations locales; nous croyons également qu'elles ne traitent pas adéquatement de la nécessité de reconnaître les droits de programmation des télédiffiseurs locaux; et enfin, les ordonnances outrepassent ce que nous considérons être une orientation générale en ce qui concerne la contribution des SRD au système.

Nous appuyons le gouvernement dans son intention de favoriser la concurrence parmi les distributeurs. Nous croyons que les Canadiens devraient pouvoir s'adresser aux distributeurs de leur choix, fussent-ils des câblodistributeurs, des fournisseurs de services par SRD, des exploitants de systèmes à antennes collectives ou des compagnies de téléphone. Nous espérons que la concurrence apportera tout ce qu'elle est censé offrir aux consommateurs canadiens: de meilleurs prix, un service plus efficace et un meilleur choix.

Les distributeurs par câble ou par SRD font partie intégrante du système de radiodiffusion canadien. À ce titre, ils jouent un rôle de premier plan et ont une responsabilité majeure face à la population canadienne: veiller à ce que les services de télévision canadiens autorisés soient à sa portée et, du même coup, promouvoir la présence canadienne au petit écran.

Nous craignons toutefois que les responsabilités des entreprises de distribution par SRD sous ce rapport ne soient interprétées de façon trop étroite dans l'ordonnance proposée. D'aucuns sont en effet d'avis que l'ordonnance signifie seulement que les entreprises de distribution par SRD doivent tirer leur programmation de la même liste des services de télévision autorisés que les câblodistributeurs, c'est-à-dire de la liste des services par satellite admissibles établie par le CRTC.

C'est certes une considération importante, et nous appuyons cette mesure. Toutefois, cela ne suffit pas. Il faut donner une interprétation plus large à l'ordonnance, pour bien respecter le principe de la distribution prioritaire des signaux des stations locales. Les stations locales sont un élément intrinsèque du système de radiodiffusion canadien. Elles sont aussi son élément le plus important et le plus populaire auprès du public canadien.

L'importance des stations locales est reconnue au sous-alinéa 3(1)t)(i) de la Loi sur la radiodiffusion, où on lit:

Nous croyons que l'ordonnance doit refléter clairement cette obligation.

D'autres ont avancé que, comme les entreprises de distribution par SRD font appel à la transmission par satellite, ce sont des entreprises de distribution nationale et elles sont donc incapables de satisfaire aux exigences de distribution prioritaire des signaux des stations locales qui s'appliquent aux autres entreprises de distribution, comme les câblodistributeurs.

Ce n'est pas le cas. Il est facile aux entreprises de distribution par SRD de respecter ces exigences. Les stations locales peuvent figurer au programme de n'importe laquelle d'entre elles. Il suffirait à l'entreprise de distribution de fournir un simple commutateur qui permettrait à ses abonnés de passer d'un mode de réception à l'autre; c'est-à-dire, de la réception par satellite pour les services de télévision nationaux transmis par satellite à la réception en direct ou par câble pour les services de télévision, y compris ceux des stations de télévision locales.

Ce que nous proposons est technologiquement faisable et aisément à la portée des éventuels fournisseurs de services de distribution par SRD. Pour l'abonné de distribution par SRD, avoir le choix devrait signifier avoir facilement accès à un vaste assortiment de services de télévision, y compris ceux des stations de télévision locales.

Peter.

[Français]

M. Peter Miller (directeur juridique, Association canadienne des radiodiffuseurs): La deuxième chose qui nous préoccupe au sujet du libellé actuel du décret est qu'il ne fait aucune mention de la reconnaissance des droits de programmation. Il est établi depuis longtemps dans la politique gouvernementale que les distributeurs doivent respecter les droits patrimoniaux des télédiffuseurs canadiens. Or, pour être efficace, ce principe doit s'appliquer à toutes les entreprises de distribution, y compris les entreprises de distribution par SRD.

.1545

Le CRTC lui-même en a convenu. Il déclare dans le rapport qu'il a présenté au gouvernement au sujet de l'autoroute de l'information être «conscient qu'il importe pour tous les titulaires de licences canadiennes de protéger les droits de la diffusion qu'ils ont achetés». Le Conseil indique également qu'il entend tenir une audience en vue d'examiner la possibilité d'étendre l'application de la substitution simultanée et de mettre en oeuvre des mesures de substitution évoluée qui s'appliqueraient à toutes les entreprises de distribution.

À l'heure actuelle, l'une des principales obligations des câblodistributeurs face au système consiste à procéder à la substitution simultanée quand les télédiffuseurs locaux le leur demandent. Ce mécanisme protège, dans une certaine mesure, les droits de programmation des télédiffuseurs locaux canadiens et leur permet de récupérer, en fin de compte au profit du public et du système canadien, une part de l'écoute et des recettes publicitaires qu'ils perdent autrement. On estime que la substitution simultanée permet, à elle seule, aux télédiffuseurs de recouvrer 100 millions de dollars par année.

[Traduction]

Le principe de reconnaissance des droits de programmation a également cours aux États-Unis, où les mesures «SYNDEX» et les «règles de non-duplication des signaux du réseaux» obligent les entreprises de câblodistribution à respecter les droits de programmation des télédiffuseurs locaux.

La Satellite Home Viewer Act, adoptée en 1998, fait en sorte que les affiliés de réseau dont les signaux sont distribués par des entreprises de SRD ne violent pas les droits de programmation des stations de réseaux locales.

Selon ces règles, les entreprises américaines de distribution par SRD ne sont pas autorisées à véhiculer les signaux de réseaux tels que ABC, NBC, CBS, Fox et PBS, dans les régions où ils sont déjà offerts par les affiliés locales de ces réseaux. C'est seulement où il n'y a pas de télédiffuseurs en direct qu'une entreprise de distribution par SRD peut offrir à ses abonnés un ensemble de signaux de réseaux. Autrement dit, de par la loi, DirecTv ne peut distribuer aux États-Unis les signaux d'affiliés de réseaux qu'aux foyers n'ayant pas accès à des stations de télévision locale en direct, soit à 1 p. 100 des téléspectateurs.

Dans un milieu de concurrence loyale, les télédiffuseurs canadiens devraient bénéficier du même genre de droits que ceux qui sont à l'heure actuelle accordés à leurs concurrents américains. Autrement, les entreprises de distribution par SRD importeront des signaux de télévision sur des marchés pour lesquels on ne leur a jamais accordé de licence d'exploitation. Nous croyons qu'il serait raisonnable d'exiger que les exploitants de SRD retirent des signaux de télévision qu'ils distributent toute émission qui un double d'une émission présentée par un télédiffuseur local.

Comme vous le savez, le service de distribution par SRD est adressable. Son fournisseur peut donc remodeler l'ensemble de signaux et d'émissions mis à la disposition de différents abonnés. En procédant de la sorte, il n'empêcherait aucunement ses abonnés d'avoir accès à toutes leurs émissions favorites et il contribuerait pour la prospérité du système en respectant les droits de programmation des télédiffuseurs locaux.

Troisièmement, nous aimerions faire quelques observations au sujet des instructions établissant un niveau et un moyen de contribution au système, c'est-à-dire les alinéas 3d) de l'ordonnance se rapportant aux entreprises de distribution par SRD et 4b) de celle qui a trait aux entreprises de télévision à la carte distribuée par SRD. Nous sommes entièrement en faveur de l'objectif visé, à savoir que les exploitants de SRD, comme tout autre type d'entreprise de distribution, doivent contribuer financièrement à la production d'émissions canadiennes. Cependant, nous croyons que le libellé actuel des ordonnances présente les problèmes suivants: premièrement, il s'applique à des cas trop particuliers; deuxièmement, il ne reflète pas les recommandations du Groupe de travail avec exactitude; troisièmement, les niveaux de contribution proposés sont bien inférieurs à ceux qu'on exige déjà des fournisseurs de télévision à la carte.

On pourrait notamment interpréter ces ordonnances comme signifiant que seul un producteur n'ayant aucun lien de dépendance avec un télédiffuseur, et non seulement avec une entreprise de distribution par SRD, serait admissible à un appui financier. Évidemment, les ordonnances visent plutôt à garantir que le soutien financier provenant d'une entreprise de distribution par SRD aille à des producteurs qui n'ont aucun lien de dépendance avec cette dernière. Nous avons suggéré un autre libellé dans notre mémoire, et il nous fera plaisir d'en discuter avec vous.

Enfin, si vous le permettez, monsieur le président, nous aimerions émettre quelques commentaires d'ordre général sur la façon dont le comité pourrait répondre aux suggestions qui lui sont faites par les témoins qu'il entend, concernant les modifications à apporter aux ordonnances proposées.

.1550

Nous suggérons respectueusement aux membres du comité de se poser les deux questions suivantes: Premièrement, la modification proposée est-elle d'intérêt public? Deuxièmement, la modification proposée rentre-t-elle dans le champ d'application de la question des SRD qui est à l'étude?

Toute recommandation qui ne relève pas expressément des SRD et qui n'est pas d'intérêt public devrait, à notre avis, être rejetée.

M. McCabe: En somme, monsieur le président, l'ACR appuie l'intention du gouvernement d'instituer une politique concernant la distribution par satellite de radiodiffusion directe.

Toutefois, la politique afférente ne peut, comme celle qui est énoncée dans les deux ordonnances à l'étude, être élaborée sans égard à celle qui vise les autres éléments du système. Des mesures clés comme la distribution prioritaire et la reconnaissance des droits de programmation des télédiffuseurs locaux s'appliquent à tous les moyens de distribution, et la distribution par SRD ne devrait pas faire exception.

Il y a également d'autres aspects du libellé actuel des ordonnances que nous croyons nécessaire de modifier, pour en élargir la portée et assurer au CRTC la marge de manoeuvre voulue pour satisfaire aux instructions qui lui sont données. Nous avons consigné nos observations à leur sujet dans le mémoire que nous avons présenté au ministre du Patrimoine canadien et dont nous vous avons remis une copie.

Nous ne les avons pas relevées ici, mais il nous fera plaisir de répondre à toutes les questions que vous aurez à leur sujet. Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur McCabe.

Comme nous avons peu de temps - nous n'avons que 25 minutes environ - je vous prie de vous limiter à cinq minutes chacun pour le premier tour.

[Français]

Je demande à Mme Tremblay de prendre la parole.

Mme Tremblay (Rimouski - Témiscouata): Bonjour, messieurs. Merci pour votre présentation.

Il y a beaucoup de choses et on entend beaucoup de choses, et il n'est pas toujours facile de s'y retrouver. Je ne sais pas si j'adresse ma question aux bonnes personnes. Si ce n'est pas à vous que je dois l'adresser, je la poserai à un autre groupe. Quelle est la différence entre les câblodistributeurs qui vont chercher les émissions des satellites américains, qui les organisent et qui les distribuent ensuite par câble, et ceux qui, comme Power DirecTv, veulent utiliser directement un satellite américain pour diffuser?

Personnellement, je ne connais pas grand-chose là-dedans et je vous l'ai dit ce matin. Je suis une spécialiste en éducation préscolaire. Je connais mieux les enfants de zéro à cinq ans que les satellites; les satellites sont un peu loin de mes préoccupations terre à terre. Je voudrais que quelqu'un m'explique comment cela fonctionne exactement. Je crains l'utilisation directe d'un satellite américain. Je crains qu'on porte ainsi atteinte à la culture canadienne. Je voudrais qu'on me rassure ou qu'on m'angoisse davantage.

M. Miller: Madame, je vais vous suggérer de poser votre question à Richard Stursberg de l'Association canadienne de télévision par câble, mais je vais essayer de vous répondre.

Mme Tremblay: Il faut peut-être poser la question à plusieurs personnes pour recouper les données.

M. Miller: Oui, c'est ça. À mon avis, la différence est celle-ci. Il est vrai que les câblodistributeurs utilisent les satellites américains pour aller chercher la programmation et les services américains. Ensuite ils utilisent leur propre réseau, qui est canadien, pour distribuer cette programmation et ces services à leurs abonnés.

On peut aussi utiliser les satellites américains, mais il y a alors un lien direct entre les satellites américains et leurs abonnés. Il y a une différence seulement dans la dernière partie. Les câblodistributeurs utilisent leur propre réseau qui est évidemment canadien pour la dernière partie, mais quand on utilise les satellites américains, il y a un lien direct entre ces satellites et les abonnés. Est-ce que ça vous aide?

Mme Tremblay: Oui, ça m'aide. On nous dit que les décrets étaient nécessaires pour s'assurer qu'il y ait de la concurrence et pour éviter le monopole. Comme on le disait ce matin, quand quelqu'un lance une nouvelle affaire, il y a un monopole tant et aussi longtemps que quelqu'un d'autre ne découvre pas qu'il y a là plein de fric à faire et décide de se lancer en affaires lui aussi pour concurrencer la première entreprise. Cependant, le monopole n'aurait pas duré très longtemps puisque Power DirecTv veut aller sur le marché. On aurait eu deux compagnies et peut-être plusieurs autres par la suite.

.1555

Si vous pouvez utiliser directement le satellite américain et surtout si, comme Power DirecTv, vous êtes un peu propriétaire du satellite, cela vous coûte moins cher. Vous économisez là. Maintenant, comment mettra-t-on les câblodistributeurs et les diffuseurs par satellite sur un pied d'égalité en matière de concurrence? Est-ce que les diffuseurs par satellite ne seront pas avantagés par rapport aux câblodistributeurs?

M. Miller: C'est une très bonne question. Je pense que les câblodiffuseurs vont reconnaître qu'ils sont obligés d'utiliser les satellites canadiens pour les services canadiens et les satellites américains pour les services américains et d'utiliser ensuite leur propre réseau pour faire la distribution à leurs abonnés.

La question la plus difficile est de savoir ce qu'on doit faire des services comme pay-per-view, où il est possible d'utiliser les satellites américains pour une partie de la programmation et les satellites canadiens pour l'autre partie.

La difficulté, c'est qu'avec le pay-per-view, ce que Power DirecTv devra faire s'il en reçoit l'ordre du CRTC, il faudra utiliser seulement les satellites canadiens pour la programmation canadienne et les satellites américains pour la programmation américaine, et les câblodiffuseurs vont demander la permission de faire la même chose. Ils voudront avoir leur propre service de pay-per-view, qui est un service de programmation, et utiliser les satellites américains et les services canadiens.

À notre avis, cela n'est pas nécessaire. Il y a des différences entre les services de satellite comme DTH et les services de câble. Même si on laisse aux services de satellite la possibilité d'utiliser les deux satellites pour la programmation pay-per-view, il n'est pas nécessaire de faire de même pour les câblodistributeurs parce que leur économie est tout à fait différente.

Vous avez raison: je sais que lorsqu'ils vont comparaître devant vous, ils vont demander l'équivalent. Est-ce qu'on peut trouver des raisons politiques pour maintenir les différences entre ce que les câblodistributeurs peuvent faire et ce que les services de DTH peuvent faire? Je pense qu'on peut le faire parce que les services sont différents, de même que les raisons sous-jacentes. On pourrait peut-être discuter davantage des raisons pour lesquelles il est nécessaire d'avoir une politique un peu différente.

[Traduction]

M. Hanrahan (Edmonton - Strathcona): Merci, monsieur le président.

Messieurs, merci. Je crois moi aussi que même si nous sommes raisonnablement intelligents, nous ne sommes pas des génies, et qu'il est très, très difficile, de s'y retrouver dans tout cela en cinq minutes.

Messieurs, j'aimerais vous interroger sur votre première préoccupation, qui se trouve énoncée, je crois, à la page 2 de votre texte, et qui concerne les services de programmation canadiens, et en particulier, la distribution des signaux de stations locales canadiennes.

Vous semblez dire que nous avons un satellite et que nous avons des cablôdistributeurs qui reçoivent maintenant les signaux américains - ABC, CBS et le reste... Lorsque cette ordonnance entrera en vigueur, ces signaux pourront éventuellement être reçus par les abonnés grâce au satellite, évitant ainsi les stations locales.

Avec le commutateur, vous dites qu'en passant au A, j'imagine, on peut bloquer tout ce qu'on offre déjà sur votre marché à vous.

.1600

M. McCabe: Je pense qu'il y a une autre façon d'aborder la question. Techniquement il est possible d'installer ce que nous avons appelé un commutateur A/B, et je pense que cela correspond exactement à l'intention des sociétés qui déposent ou déposeront des demandes auprès du CRTC. Ce commutateur qui permet de passer d'un mode de réception à l'autre veut simplement dire que votre télécommande vous permet de passer du satellite, au câble ou à la réception directe par antenne.

Nous demandons simplement que dans l'ordonnance finale il soit bien précisé que les fournisseurs de services par SRD doivent donner à leurs clients, la possibilité de capter les émissions que l'on peut recevoir par la câblodistribution ou simplement grâce à une antenne de télévision normale, pour qu'ils puissent avoir accès aux programmes des stations locales. Mais si l'on enferme l'abonné canadien dans le système de la radiodiffusion directe par satellite, il ne pourra capter les postes locaux.

Nous disons donc que le gouvernement doit adopter une politique qui donne cette latitude. Sur le plan technique c'est possible, et de façon générale, selon nous toutes ces sociétés qui s'intéressent à cette question ont l'intention d'utiliser cette technique. Mais il faut veiller à ce que ce soit exigé dans l'ordonnance.

M. Hanrahan: En effet, si l'on se contentait du satellite, les chaînes de télévision locales ne pourraient plus être captées.

M. McCabe: Exactement. Si les gens étaient simplement branchés sur l'antenne parabolique et le satellite, ils ne pourraient pas avoir accès aux programmes diffusés localement. En pratique, ils peuvent toujours débrancher leur poste du réseau satellite, et rebrancher sur le mode de réception directe par antenne, pourtant...

M. Hanrahan: Il y a quelque chose qui m'intéresse plus particulièrement, et nous n'avons pas beaucoup de temps. Le consommateur peut toujours installer le commutateur A/B, ce qui lui permettra de se brancher sur les postes de télévision américains par le câble, ou sinon il aura accès aux programmes américains par satellite.

Tous les témoins pour ainsi dire posent la question de l'avenir de la culture canadienne, de notre identité, de notre souveraineté, etc. Nous pouvons en réalité avoir accès par le câblodistributeur local ou par satellite aux chaînes américaines. Où est la différence?

M. McCabe: Il n'est pas surtout question de la programmation américaine. Nous vous parlons des services canadiens que nous offrons.

Par contre, nous nous intéressons aux programmes américains, comme vous le savez, lorsque grâce à la diffusion simultanée, qui nous permet d'injecter chaque année environ 100 millions de dollars dans la programmation canadienne, celle-ci en profite. Par ailleurs nous avons proposé dans notre exposé, que les fournisseurs de services par SRD ne retransmettent pas la programmation des postes américains pour lesquels ils n'ont pas de droits de diffusion, ce qui est exactement ce que font les Américains.

De façon générale, lorsque nous insérons une émission américaine dans notre programme, c'est que nous sommes propriétaires des droits de diffusion. Mais exactement comme les Américains le font, conformément à leur droit, nous devrions prévoir la possibilité de ne pas retransmettre ces émissions, pour pouvoir continuer à bénéficier des recettes. Mais nous ne sommes pas préoccupés par les stations américaines à proprement parler, ce qui nous intéresse ce sont nos propres stations de télévision, canadiennes, et qu'elles soient accessibles.

M. Hanrahan: J'admire votre plaidoyer, dans la mesure où vous voulez que l'on conserve les emplois au Canada, que l'on conserve également les recettes au Canada, plutôt que de passer à un autre système.

M. McCabe: Exactement.

M. Hanrahan: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

J'ai lu votre exposé avec intérêt, et il me semble, d'après ce que vous dites, qu'entre Expressvu et Power DirecTv, vous ne prenez pas parti. C'est-à-dire que vous défendriez exactement la même position, quelle que soit l'entreprise choisie, même si c'était une tierce société?

M. McCabe: Nous ne prenons pas parti, effectivement.

Le président: Vous n'avez donc pas de convictions très fermes en faveur de l'un ou de l'autre?

.1605

Je suppose, comme je vous connais, monsieur McCabe, que vous n'avez pas refusé d'avoir des contacts avec les représentants de ces entreprises. Il y a en réalité deux questions qui se posent. D'une part celle de l'ordonnance et de son contenu, celle des directives au niveau politique, et de la façon dont le CRTC les interprétera. L'autre ensemble de questions est celui que vous posez vous-même.

Lorsque je me reporte à ce que vous avez dit, d'après vous la question de cette commutation permettant de passer d'un mode de réception à l'autre n'est pas un problème, sur le plan technique c'est tout à fait faisable, et il ne semble pas que les parties concernées, Expressvu ou Power, aient quelque problème de ce côté-là non plus. Vous voudriez simplement que ce soit bien précisé dans le texte. Est-ce que j'ai bien résumé votre position?

M. McCabe: Absolument. Nous y croirons lorsque ce sera écrit noir sur blanc, et que l'on contraindra les sociétés en question à offrir cette commutation. Par ailleurs nous avons eu des contacts tout à fait encourageants avec ces sociétés, et nous leur faisons confiance.

Le président: Bien sûr, le problème aujourd'hui est celui du marché gris, où non seulement les chaînes locales ne sont pas réceptionnées, mais où de façon générale les chaînes canadiennes ne sont pas captées. Cette technologie serait donc un progrès majeur, puisqu'avec cette commutation A/B, vous pourriez avoir accès aux deux modes de diffusion.

Pour ce qui est de la question des droits de programmation, et en l'occurrence il s'agit de la diffusion simultanée, si vous voulez, c'est-à-dire de la possibilité de jouer de cette simultanéité par l'utilisation des satellites, ni l'une ni l'autre des deux sociétés dont nous avons parlé jusqu'ici ne semblent avoir de problèmes techniques dans ce domaine. Lors des divers contacts que vous avez eus avec leurs représentants, avez-vous eu le sentiment qu'elles étaient prêtes à s'engager dans cette voie?

M. McCabe: Peter pourrait peut-être répondre à cette question.

M. Miller: Je dois dire, monsieur le président, que si on ne les encourage pas dans ce sens, au cours de tout ce débat, ou lorsque les demandes sont soumises au CRTC au moment de l'octroi des permis, elles ne feront rien, et cela pour une raison très simple. Pour ces sociétés la possibilité de retransmettre librement les chaînes américaines serait un avantage compétitif évident, dont elles ne voudraient pas être privées, et à notre avis ce serait un avantage compétitif injuste.

Techniquement c'est tout à fait à leur portée. Les sociétés en question auraient simplement à régler le problème du logiciel nécessaire, et bien que, comme nous le savons, DirectTv dispose d'un certain logiciel qui correspond aux caractéristiques américaines, nous ne demandons pas nécessairement que l'on ait exactement le même système au Canada. Nous demandons simplement que l'on mette en place un procédé similaire qui convienne au Canada.

Bien qu'elles en aient les moyens, monsieur le président, je crois qu'il faudra quand même un petit coup de pouce et un petit encouragement pour que ces sociétés s'y montrent disposées.

Le président: Techniquement je pense comprendre comment ça marche avec le câble. Il faut quand même quelques manipulations. C'est-à-dire qu'à chaque fois qu'il y a un poste local... je pense qu'il y a également des questions de fuseaux horaires. Mais, quoi qu'il en soit, les techniques sont-elles au point, et le système d'adressage et de boîtes noires permet-il de décider par exemple qu'à 21 heures on va se brancher sur telle émission, mais alors on a toutes les variations locales en fonction des fuseaux horaires, et lorsque vous captez... est-ce que la technique est au point?

M. Miller: Vous seriez très étonné, monsieur le président.

Le président: Oui, je sais.

M. Miller: Je ne sais pas si on vous a fait une démonstration. Si Power DirecTv en obtenait le droit, je suis sûr qu'ils seraient ravis de vous montrer comment ça marche.

C'est incroyablement perfectionné. Les systèmes de menus vous disent exactement sur chaque canal quand et où telle émission est disponible, et vous pouvez alors faire votre choix. Le consommateur, qui est peut-être un parent par exemple, peut également décider de bloquer à l'avance certaines émissions. Du point de vue du consommateur, c'est extrêmement perfectionné. Mais du côté satellite lui-même, on a également la possibilité, pour tel préfixe régional donné - puisque comme vous le savez, le service à la carte fonctionne pas liaison téléphonique - d'exclure au besoin telle chaîne ou émission.

Par exemple, on peut avoir, en fonction de certaines obligations contractuelles, à le faire pour certaines manifestations comme les matchs de hockey. Malheureusement, dans les situations qui nous intéressent ici, il n'y a pas de solutions contractuelles. Et sans la réglementation voulue, ça ne se fera pas.

M. McCabe: Soyons donc clairs: les fournisseurs américains de services par satellite le font maintenant, aux États-Unis, pour protéger les radiodiffuseurs qui ont les droits de certains marchés.

.1610

Le président: Au risque d'être ennuyeux, j'aimerais reposer la question: les systèmes proposés par Expressvu et DirecTV sont dans des zones horaires distinctes?

En gros, si j'ai bien compris, on diffuse un programme dans la zone horaire que l'on a choisie arbitrairement. Ce n'est pas ensuite rediffusé en fonction du décalage horaire, parce que cela occuperait trop de canaux, si bien que - Je vois que la substitution simultanée est possible lorsqu'il y a une zone horaire commune, prenons l'exemple si vous le voulez de la zone horaire de l'Est; mais que se passe-t-il lorsqu'il y a un décalage horaire, et que c'est prévu au satellite une heure avant l'heure de Winnipeg, par exemple? Qu'est-ce que vous proposez, dans ce cas-là?

M. Miller: Soyons clairs, nous ne proposons pas que la substitution simultanée, qui est jusqu'ici notre modèle, soit également le bon modèle pour la diffusion directe par satellite.

Ce qui se passe par exemple aux États-Unis, c'est que l'on passe un message disant que telle chaîne n'est pas retransmise dans votre région, parce que vous avez un radiodiffuseur direct.

Pour le Canada, il faudra peut-être trouver une solution programme par programme. On avertira le téléspectateur que tel programme ou émission n'est pas diffusé dans sa région, et qu'il doit se brancher sur le radiodiffuseur local. C'est sans doute ce qu'il faudra faire dans ce genre de situation.

Franchement, monsieur le président, nous n'avons pas de plan arrêté précis à vous proposer. Nous aimerions pouvoir discuter de façon collégiale avec les fournisseurs de services par satellite pour trouver la bonne solution. Mais une fois qu'on sera d'accord sur le principe, la solution suivra. Mais si le principe n'est pas officiellement couché noir sur blan, nous ne trouverons jamais la solution.

M. McCabe: Si je peux ajouter quelque chose, pour compléter ce qui vient d'être dit, c'est que dans son rapport au gouvernement sur l'autoroute de l'information le CRTC a estimé qu'il faudrait peut-être remettre à jour les dispositions sur la diffusion simultanée, lesquelles sont assez restrictives; le CRTC a également proposé de tenir des audiences, pour que la protection des droits de programmation soit étendue à tous les sytèmes de distribution, et revue en fonction des exigences de la situation actuelle. Cela recouvrera donc peut-être ce dont nous parlons ici, l'important est que le principe en soit reconnu.

Le président: Mme Tremblay a une question à poser, et ensuite M. Ianno.

[Français]

Mme Tremblay: Pour vos 100 membres, quel est le principal inconvénient des décrets qu'on a à étudier présentement? Quel est le plus grave danger pour vos membres, ceux que vous défendez? Qu'est-ce qui va leur nuire si on adopte les décrets tels qu'ils sont rédigés?

M. Miller: Le problème principal pour nos membres et les télédiffuseurs locaux, c'est que s'ils perdent leurs abonnés, les gens qui regardent leur programmation, ils vont perdre de la publicité. S'ils perdent de la publicité, ils perdent leur capacité d'investir dans la programmation canadienne et dans les nouvelles, leur capacité d'être le reflet de la communauté. Telles sont les conséquences.

On sait que les stations locales, publiques ou privées, partout au Canada, sont celles qui contribuent le mieux à la programmation canadienne et que leurs émissions sont les plus regardées. À notre avis, cela demeure la meilleure défense pour le système canadien. Si vous parlez aux autres, aux câblodiffuseurs, ils vont diront tous la même chose.

[Traduction]

M. Ianno (Trinity - Spadina): Merci, messieurs, d'être venus témoigner.

J'ai quelques questions à poser, moi aussi, sur ce que vous avez dit tout à l'heure. Remontons un petit peu en arrière: est-ce que les câblodistributeurs vous achètent le droit de transmettre vos signaux?

M. McCabe: Non.

M. Ianno: Ils ne paient pas pour cela. Mais vous percevez la recette publicitaire.

.1615

M. McCabe: Oui. C'est d'ailleurs un des éléments essentiels de notre mémoire sur l'autoroute de l'information: la recette publicitaire globale disponible dans ce pays est en train de se stabiliser, et même, à certains égards, en régression relative. Si nous voulons encore avoir les moyens de financer des émissions canadiennes, il nous faudra trouver d'autres sources de revenu, et c'est pourquoi nous proposons qu'on impose une contribution à tous les systèmes de distribution y compris celui dont nous discutons aujourd'hui, une contribution à la programmation canadienne. Non pas une contribution qui nous profite à nous, mais qui profite directement à la production d'émissions canadiennes.

M. Ianno: Si vos chaînes locales sont retransmises sur satellites de radiodiffusion directe, conserverez-vous la publicité qui passe sur les réseaux de câblodistribution?

M. McCabe: Si vous songez à la commutation A/B, il suffira de se brancher sur le poste local - à ce moment-là le signal sera complet - et il ne sera pas nécessaire de passer par le satellite. Mais même lorsque, comme dans le cas de Cancom, vous retransmettez les postes de Hamilton ou d'Edmonton, les publicités passent également.

M. Ianno: Mais pourquoi vos recettes publicitaires diminueraient-elles alors, calculées sur la base du nombre de téléspectateurs, si la publicité passe également par le satellite?

M. McCabe: Il peut se faire effectivement qu'il n'y ait encore que un ou deux postes, comme c'est le cas avec Cancom, deux ou trois postes. Votre poste local, CH, à Hamilton, est relayé par le satellite, mais CFTO de Toronto ne l'est pas. Ce poste sera donc accessible si le fournisseur de services par satellite offre en même temps une commutation A/B, mais ce ne sera pas relayé par le satellite.

M. Ianno: Je comprends. Mais même si c'est accessible grâce à cette commutation spéciale, vous disiez que d'une certaine manière le nombre de téléspectateurs diminuerait, ce qui ferait chuter les recettes publicitaires; c'est ce que je ne vois nulle part.

M. Miller: Je vais vous donner un exemple précis, que vous connaissez peut-être. Le programme Seinfeld est diffusé sur Global, et les Canadiens se branchent le jeudi soir pour le regarder. C'est une émission américaine diffusée par une entreprise canadienne. L'avantage de ce système pour Global, c'est que l'entreprise gagne de l'argent avec une émission américaine, et peut ensuite réinvestir ces sommes dans d'autres activités, et tout particulièrement les émissions canadiennes. Cette émission permet à Global de dégager un bénéfice, qui peut ensuite profiter à la programmation canadienne.

Supposons que je sois un abonné du satellite, et que j'ai une commutation A/B. Je peux me brancher sur le poste Global local, pour regarder Seinfeld. Mais si c'est diffusé sur Fox par satellite, je n'ai pas besoin de me brancher sur Global; je le regarderai simplement sur Fox. Global perd alors des téléspectateurs...

M. Ianno: Et le câble?

M. Miller: C'est toute la beauté de la substitution simultanée. Aujourd'hui lorsque vous prenez Fox sur le câble pour regarder Seinfeld... je ne sais pas si vous avez remarqué, mais ce sont les mêmes publicités que vous soyez branché sur Fox ou sur Global, car Global a les droits de diffusion. Si vous vous branchez sur Fox vous captez le signal Global, avec les publicités de Global, et c'est Global qui touche la recette.

M. Ianno: La différence, alors, entre Expressvu et Power DirecTv, s'ils retransmettent une émission américaine sur un poste canadien... Comment est-ce que ça fonctionnerait? Quelle serait la différence entre les deux?

M. Miller: C'est encore une de ces questions, comme l'a dit le président, où nous n'avons pas de conviction arrêtée. Mais ce que j'ai dit s'appliquerait dans l'un ou l'autre de ces deux cas, au cas où ces sociétés... il y en aura certainement une prête à retransmettre les chaînes américaines... et si les abonnés regardent les émissions américaines, comme Seinfeld, sur des chaînes retransmises par satellite, au lieu de passer par le diffuseur local, ou une diffusion simultanée, par câblodistribution, cela aura évidemment des conséquences en ce qui concerne le nombre de nos télespectateurs, et donc des conséquences sur nos recettes, et notre capacité de contribuer à notre radio et télédiffusion et notamment d'investir dans...

Le président: Malheureusement je vais être obligé d'intervenir. Nous attendons d'autres témoins, il y aura également un vote, et j'ai encore deux noms pour les questions.

M. Ianno: J'aimerais poser une question d'ordre technique, monsieur le président, pour que nous puissions bien comprendre.

Le président: Que l'on puisse répondre alors par oui ou par non.

.1620

M. Ianno: Est-ce que sur le plan technique Expressvu et l'autre société sont prêtes, au cas où le CRTC exigerait que ces nouvelles règles soient appliquées de façon uniforme, je veux parler de la diffusion simultanée et du décrochage, je ne sais pas si c'est la bonne terminologie? C'est bien cela? Je crois comprendre que le CRTC n'a encore rien dit là-dessus.

M. Miller: Nous pensons qu'elles sont prêtes, oui. Si elles n'étaient pas vraiment prêtes au mois de septembre, nous serions disposés à accepter une période de transition. Cela leur donnerait le temps de mettre au point les nouvelles techniques.

M. Ianno: Savez-vous pourquoi le CRTC n'a encore rien dit concernant la protection des stations locales?

M. Miller: Pour être franc, disons qu'à notre avis les membres du conseil n'ont pas encore réfléchi à la question.

M. Ianno: Ne leur avez-vous pas dit ce que vous en pensiez?

M. Miller: Si, mais comme vous le savez, la procédure d'exception n'est pas du tout la même que celle de la demande de permis, où on a une discussion approfondie, et toute latitude pour se faire entendre en audience. C'est une des raisons pour lesquelles, comme le groupe de travail l'a fait, nous recommandons également que l'on ouvre une procédure d'octroi de licences. À ce moment-là toutes ces quetions peuvent être discutées.

M. McCabe: De toute façon nous nous étions opposé à l'idée d'une ordonnance d'exception, bien avant qu'on y ait recours.

M. Ianno: Et maintenant le cabinet est d'accord avec le point de vue qui est maintenant majoritaire dans votre secteur.

Le président: Je vais être obligé d'intervenir.

Nous avons encore deux noms ici, M. Hanrahan, et M. de Jong.

M. Hanrahan: Messieurs, un des problèmes qui va se poser, dans cet univers de 500 canaux, concerne la production. Cinq cents canaux, ça fait beaucoup, si l'on veut respecter une certaine variété. Je n'ai pas envie que l'on diffuse Roseanne sur tous les canaux qui sont à ma disposition. Je ne sais même pas si je veux la voir une seule fois.

Le président: Il est clair qu'elle occupera plusieurs canaux.

M. Hanrahan: Voilà pourquoi j'insiste sur la nécessité de créer un fonds de production canadien, nous y réfléchissons.

Comment est-ce qu'on pourrait maximiser un tel fonds de production? Est-ce que cela dépasse votre horizon...

M. McCabe: Non. Très précisément, nous sommes d'accord avec vous, on se demande où l'on va trouver l'argent de la production d'émissions canadiennes. Dans notre mémoire sur l'autoroute de l'information nous avons dit très clairement que l'état n'avait plus d'argent pour cela, que la recette publicitaire était en perte de vitesse, et que Radio-Canada n'avait pas non plus d'argent... du moins je le suppose.

Le problème c'est de savoir comment le réseau de radiodiffusion va pouvoir lui-même produire les recettes nécessaires si l'on veut avoir plus d'émissions canadiennes, et que celles-ci soient meilleures. Nous avons proposé - et c'est nous qui avons été les premiers à le faire - un prélèvement sur tous les réseaux de distribution, y compris les compagnies de téléphonie, les câblodistributeurs, et la diffusion directe par satellite. Nous avons été satisfaits de constater que le groupe de travail sur la diffusion directe par satellite a retenu notre proposition. Nous avons été heureux de constater que le CRTC était lui aussi d'accord. Nous espérons pouvoir compter sur votre aide, pour convaincre le gouvernement de retenir cette idée lorsqu'il arrêtera sa politique.

Nous avons bien expliqué que cet argent sera utilisé pour la production d'émissions, et non pas pour nos propres besoins.

M. Hanrahan: Est-ce que ça viendra...

M. McCabe: Ce sera prélevé sur la recette brute.

Le président: Je prédis que M. de Jong a au moins 15 questions merveilleuses à poser, et je lui demanderai d'en choisir une dans le lot.

M. de Jong (Regina - Qu'Appelle): Vous êtes toujours un petit peu dur avec moi, monsieur le président.

Ce qui m'intéresse dans tout cela ce n'est pas tellement la question du contenu, que celle du système. Je regrette que nous soyons parvenus à une situation de conflits entre le CRTC, organisme indépendant en principe, et le gouvernement. Le CRTC, reprenant l'avis d'un expert, déclare que le décret est illégal. C'est une menace à peine voilée, de la part du CRTC, de ne pas s'en tenir au décret du gouvernement. Je suis sûr que cela doit également beaucoup vous gêner, puisque vous êtes l'Association canadienne des radiodiffuseurs, et que ce conflit entre le gouvernement et le CRTC est source d'incertitude.

Certains parlent même de rétroactivité, et de jeux d'influence. Ces allégations ne peuvent pas ne pas vous troubler, étant donné les conséquences que tout cela a pour les radiodiffuseurs.

Quelles sont vos réactions?

M. McCabe: Je vais faire une remarque de portée générale. Peter pourra compléter, s'il le désire.

Tout d'abord, le gouvernement, d'après la loi, a le droit de donner des directives de portée générale. Le domaine qui nous intéresse plus particulièrement ici se prête tout à fait à l'application de cette règle.

.1625

Cela dit, vous allez constater dans notre mémoire que nous avons des préoccupations sur la façon dont on s'est servi de ce pouvoir. Mais surtout, nous estimons qu'il faut qu'il y ait un organisme de réglementation indépendant.

De temps en temps, nous nous battons contre le CRTC, et nous pensons qu'il fait de la surréglementation et de la microréglementation et ainsi de suite. Mais ce pays doit avoir un organisme de réglementation qui est capable, à l'intérieur de la politique gouvernementale, de comprendre notre industrie et de nous donner l'occasion de venir argumenter avec tous les promoteurs d'une initiative donnée et avec le public pour que les bonnes décisions soient prises, décisions qui tiennent compte des besoins de notre industrie et de ceux du public.

À mon sens, il y a plus de fumée que de vrai feu pour ce qui est de ce prétendu conflit entre les deux. Je crois que si le gouvernement suit vos conseils et donne au Conseil un décret approprié, pour emprunter les mots du groupe d'experts, il va le mettre en vigueur. Je ne crois pas du tout que ces gens veuillent se battre contre le gouvernement.

Le président: Merci beaucoup de vos remarques utiles. Vous nous avez présenté de nouvelles idées intéressantes et utiles. Nous allons certainement en tenir compte.

Je propose une pause de deux minutes pour permettre aux prochains témoins de s'installer. Nous pourrons prolonger la séance un tout petit peu, parce que nous ne sommes pas tenus d'être à la Chambre avant 17h15.

.1627

.1631

Le président: À l'ordre.

Mesdames et messieurs, notre temps est très limité, car dans une demi-heure nous serons convoqués à la Chambre pour un vote qui aura lieu dans 45 minutes. Comme nous sommes près de la Chambre, nous n'avons pas à nous précipiter, mais évidemment il nous faudra partir en temps voulu.

Nous présentons nos excuses pour le retard, et nous attendons les propos des représentants de Télésat avec impatience.

J'ignore qui va commencer, mais je vous souhaite la bienvenue. Je vous prie de vous présenter.

M. Ted Ignacy (vice-président des finances et trésorier, Télésat Canada): Merci, monsieur le président. Bonjour, honorables députés.

Mon nom est Ted Ignacy, et je suis vice-président des finances et trésorier de Télésat Canada. Je suis accompagné de M. Don Weese, vice-président, ingénierie, et M. Len Lawson, directeur des ventes nationales.

Télésat se présente ici aujourd'hui à titre de distributeur de services de radiodiffusion et dans le but premier de donner son appui à l'industrie canadienne de la radiodiffusion.

Nous avons mentionné dans notre mémoire au ministre du Patrimoine canadien que l'industrie canadienne de la radiodiffusion constitue notre plus important client. Plus de 60 p. 100 de la capacité des satellites de Télésat sont utilisés par les radiodiffuseurs canadiens et environ 50 p. 100 des revenus annuels de la société proviennent de sa clientèle de radiodiffuseurs canadiens.

La mesure dans laquelle l'industrie canadienne de la radiodiffusion continuera d'être viable et continuera de se développer aura des conséquences sur l'emploi de nos satellites et, par le fait même, sur la situation financière future de Télésat.

Comme vous le savez sans doute, Télésat est l'entreprise nationale de télécommunication par satellites du Canada. Elle exploite des satellites géostationnaires et offre des services de distribution depuis plus de 25 ans. Télésat est une entreprise privée appartenant à un consortium formé de compagnies de téléphone canadiennes, de BCE et de Spar Aérospatial.

Elle a pour mandat de fournir des services de télécommunication dans toutes les régions du Canada, y compris les régions éloignées et du Nord. En outre, en vertu de lettres d'entente entre le Canada et les États-Unis, Télésat a été désignée à titre d'entreprise canadienne autorisée à offrir des services transfrontaliers par satellites géostationnaires en vue de desservir des sites situés des deux côté de la frontière canado-américaine.

Depuis environ 15 ans maintenant, Télésat préconise l'implantation d'un service national de distribution par satellites de radiodiffusion directe (SRD). Au début des années 1980, Télésat a encouragé l'implantation de services canadiens par SRD distribués par l'entremise de ses satellites Anik C. Depuis ce temps, le nombre et la variété de services candiens de radiodiffusion ont augmenté considérablement. On a aussi assisté à l'émergence de la compression vidéonumérique et au lancement de services américains de radiodiffusion directe par satellite.

Télésat a joué un rôle de chef de file dans le lancement de services de CVN à l'intention des radiodiffuseurs canadiens et a entrepris des essais exhaustifs visant à déterminer la capacité des satellites Anik E à fournir des services canadiens de programmation par SRD au moyen de la technologie de la CVN.

Grâce aux satellites Anik E, l'industrie canadienne de la radiodiffusion est en mesure d'offrir des services par SRD parfaitement concurrentiels avec les services similaires qui font leur apparition aux États-Unis.

.1635

Au mois d'octobre 1993, Télésat a présenté une requête d'exemption de catégorie, en vertu de l'alinéa 9(4) de la Loi sur la radiodiffusion, pour le compte de fournisseurs canadiens éventuels de services par SRD. Tout au long de 1993 et 1994, la Société a collaboré avec certains fournisseurs éventuels de services par SRD pour les inciter à lancer le plus rapidement possible des services canadiens par SRD. À la suite de la publication de l'Avis de la Gazette du Canada à l'automne de 1994, Télésat a déposé deux mémoires devant le groupe de travail sur le SRD. À la suite de la réponse publiée dans les plus récents Avis de la Gazette du Canada, Télésat a présenté son plus récent mémoire au ministre du Patrimoine canadien.

Les deux projets de décret donnant au CRTC des instructions préoccupent Télésat à deux égards.

D'abord, nous sommes d'avis que les projets de décret tels qu'ils sont rédigés auront pour effet de retarder le lancement des services par SRD au Canada.

Ensuite, nous sommes inquiets du fait que les projets de décret, tels qu'ils sont rédigés, puissent entraîner la distribution de services de programmation canadiens par l'entremise d'installations américaines. D'ailleurs, les projets de décret pourraient créer un précédent, en ce sens que des services étrangers de distribution de programmation seraient en concurrence directe avec des services canadiens du même genre, sans égard à l'impact que cette concurrence pourrait créer sur le marché actuel et éventuel des services canadiens de radiodiffusion, sur la taille du marché lui-même et sur la proportion souhaitable de contenu canadien. Il y aurait aussi redondance des services.

En ce qui a trait au lancement des services par SRD, Télésat est d'avis que le marché éventuel des serices par SRD au Canada est petit et pourrait compter environ 1,2 million d'abonnés. La Société sait aussi que le marché gris de services par SRD en provenance des États-Unis se développe rapidement au Canada. La croissance du marché gris est très préoccupante du fait qu'une fois qu'un ménage s'est tourné vers le marché gris et a investi dans un terminal de réception des services américains par SRD, il est peu probable qu'il cherche à s'abonner aux services canadiens par SRD distribués par l'entremise des satellites Anik. Les terminaux de réception des services américains par SRD ne sont pas compatibles avec les satellites Anik. Par conséquent, pour avoir accès aux services canadiens par SRD, les abonnés canadiens du marché gris seraient tenus de réinvestir dans un nouveau terminal.

Nous croyons donc qu'il est essentiel de lancer au plus tôt une alternative canadienne au marché gris pour permettre aux entreprises canadiennes de services par SRD de se tailler une place sur le marché avant que le marché gris n'ait pris trop d'ampleur et pour assurer aux fournisseurs canadiens de services par SRD la meilleure chance possible de demeurer viables à long terme.

Dans notre exposé à Patrimoine canadien, nous avons recommandé que tous les éventuels fournisseurs de services par SRD soient autorisés à lancer la partie canadienne de leurs services dès que possible en vertu du décret d'exemption du CRTC. La partie canadienne devrait comprendre les services de programmation pour lesquels les entreprises ont obtenu une licence ou une autorisation du CRTC. Dans le cas où un fournisseur de services par SRD souhaiterait ajouter une programmation américaine distribuée par un satellite américain, qui ne figure pas sur la liste d'admissibilité du Conseil, le fournisseur de services par SRD devrait déposer une requête devant le CRTC pour obtenir une licence ou une autorisation pour la distribution de la programmation en question.

Nous croyons que cette mesure provisoire permettra à des sociétés comme Expressvu et Power DirecTV de lancer leur programmation canadienne au moment opportun.

En ce qui a trait à la concurrence et l'attribution de licences visant les services de programmation étrangers, Télésat croit que la concurrence est souhaitable, mais qu'elle devrait être contrôlée d'une certaine façon. Télésat est d'accord avec la méthode préconisée par le CRTC dans le passé en vue d'attribuer des licences à de nouvelles entreprises de services de programmation. Nous croyons que le CRTC devrait continuer d'étudier en profondeur la viabilité de l'entreprise, l'incidence de la programmation proposée sur les marchés existants et à venir, la taille du marché, la redondance des services et la proportion souhaitable de contenu canadien.

Télésat s'inquiète du fait que le libellé des projets de décret puisse précipiter la perte de plusieurs secteurs clés de l'industrie de la radiodiffusion. Le fait de laisser entrer inconditionnellement au Canada les services américains de télévision à la carte par l'entremise de satellites américains créerait un précédent et pourrait nuire à d'autres secteurs de la radiodiffusion au Canada. À la suite de l'attribution de licences à des services américains de télévision à la carte, comme cela est proposé dans les projets de décrets, d'autres services de programmation comme les services canadiens existants de télévision payante et de télévision spécialisée pourraient être vulnérables face à la concurrence féroce et déloyale de leurs compétiteurs américains. Pour les fournisseurs de services américains, le marché canadien ne représente qu'un petit ajout à leur marché américain existant qu'ils desservent par l'intermédiaire de satellites américains. La Société s'inquiète aussi du fait que la formulation actuelle des projets de décret mènerait inévitablement à une dérogation à la politique canadienne en vigueur qui vise à encourager et à promouvoir les services canadiens de radiodiffusion et l'emploi d'installations canadiennes de télécommunications.

.1640

Télésat est d'avis que la formulation de l'instruction 3g) concernant les entreprises de distribution de services par SRD et de l'instruction 4f) concernant les entreprises de télévision à la carte distribuée par SRD peut être interprétée de manière à signifier que les services canadiens de télévision à la carte destinés principalement à des auditoires canadiens pourraient, de fait, être distribués par des satellites étrangers. Ce genre d'entente irait à l'encontre des objectifs de la politique en vigueur depuis longtemps en matière de radiodiffusion et de télécommunications. C'est pourquoi, dans son mémoire, Télésat recommande de modifier la formulation de ces instructions de sorte qu'il soit clair que seuls les services étrangers dont la distribution a été autorisée au Canada par le CRTC puissent, au besoin, être distribués par des satellites américains.

Pour qu'il soit possible d'assurer la priorité de la programmation canadienne et de maintenir un équilibre délicat entre les services canadiens et étrangers de programmation offerts au Canada, Télésat propose l'application des critères suivants à la distribution au Canada des services canadiens par SRD et des services canadiens de télévision à la carte par SRD pour lesquels une licence et une autorisation ont été accordées par le CRTC. Nous recommandons que toute la programmation canadienne pour laquelle une licence et une autorisation ont été accordées et qui est destinée principalement à des auditoires canadiens soit acheminée par les satellites Anik ou par d'autres installations de télécommunications canadiennes.

Nous recommandons que toute la programmation autorisée en provenance des États-Unis ou de l'étranger et destinée à des auditoires canadiens passe par une liaison montante au Canada et qu'elle soit acheminée par les satellites Anik ou par d'autres installations de télécommunications canadiennes.

Nous recommandons que la programmation américaine destinée principalement à des auditoires américains soit distribuée au Canada par des satellites américains pour autant que le service de programmation soit autorisé par le CRTC et figure sur la liste d'admissibilité du conseil.

Nous recommandons que la programmation canadienne destinée principalement à des auditoires américains soit distribuée aux États-Unis par des satellites américains. Toutefois, toute retransmission de cette programmation au Canada devra passer par les satellites Anik ou par d'autres installations de télécommunications canadiennes.

Enfin, dans le cas de services américains de télévision à la carte distribués par des satellites américains, nous recommandons que les services dont la distribution au Canada est autorisée par le CRTC soient placés dans une nouvelle catégorie sur la liste d'admissibilité. Cette catégorie ferait état de tous les services américains autorisés qui peuvent être distribués au Canada par SRD ou par satellite au câble et facturés à la pièce.

Le président: Je vous remercie, monsieur Ignacy.

Madame Tremblay.

[Français]

Mme Tremblay: Bon après-midi, messieurs. Je vais aller rapidement à ma question. Elle porte sur ce que vous écrivez aux pages 2 et 4 du texte français, et probablement aux mêmes pages dans votre texte anglais.

Vous êtes allés devant le CRTC, vous vous êtes prévalus de ce droit-là et vous êtes allés demander une exemption pour les éventuels fournisseurs canadiens de services à la carte. À la page 4, vous dites que lorsque vous vous êtes présentés devant le ministre du Patrimoine canadien et Industrie Canada, vous avez demandé que les fournisseurs de services soient autorisés à se lancer le plus tôt possible en affaires, avec l'exemption du CRTC, et que ceux qui voulaient utiliser des satellites américains soient obligés d'avoir une licence. Est-ce que je résume bien votre exposé?

[Traduction]

M. Ignacy: Non. Nous proposons que tous les fournisseurs de services par SRD se servent de satellites canadiens, comme mesure provisoire, en attendant l'attribution de licence.

Mme Tremblay: Ils seraient tous obligés d'utiliser des satellites canadiens.

[Français]

Ils doivent tous utiliser des satellites canadiens en tout temps?

[Traduction]

M. Ignacy: Si le gouvernement donne des instructions au CRTC, disant qu'il doit exiger l'attribution de licence pour les services de SRD et les services à la carte, Télésat recommande que l'on se serve du cadre réglementaire existant pour permettre aux services canadiens de SRD de se lancer sur le marché dans les meilleurs délais.

[Français]

Mme Tremblay: Parfait. Maintenant, quelle serait la différence pour l'industrie canadienne si le gouvernement autorisait les compagies, quelles qu'elles soient, à utiliser des satellites américains plutôt que des satellites canadiens? Quel en serait l'impact sur l'industrie canadienne?

[Traduction]

M. Ignacy: Sur l'industrie de satellites canadienne?

[Français]

Mme Tremblay: Oui, bien sûr.

.1645

[Traduction]

M. Ignacy: Comme nous l'avons signalé au début de notre déclaration, la radiodiffusion représente une part importante des revenus de Télésat. Si le gouvernement autorisait l'utilisation de satellites américains sans conditions, ce serait sans doute une perte considérable pour nous.

[Français]

Mme Tremblay: Est-ce que vous pensez que si le décret est mis en vigueur tel que rédigé, les câblodistributeurs ne pourront pas utiliser les satellites américains, vous faisant ainsi perdre plus d'argent?

[Traduction]

M. Ignacy: M. Lawson va essayer de répondre à cette question.

M. Len Lawson (directeur des ventes nationales, Télésat Canada): Si je comprends bien votre question, vous nous demandez si, à cause de cette nouvelle directive autorisant le service à la carte à partir de satellites américains, les câblodistributeurs canadiens demanderaient à leur tour à obtenir les mêmes droits pour qu'il y ait concurrence égale. La réponse est oui, absolument. C'est une des préoccupations majeures de Télésat Canada. Tout changement de politique du CRTC concernant les licences pour les services à la carte pourraient avoir de sérieuses répercussions pour l'utilisation des services à la carte offerts par les câblodistributeurs canadiens.

[Français]

Mme Tremblay: Maintenant, à quoi peut-on s'attendre si on arrive à faire en sorte que les deux compagnies fonctionnent? Vous avez mentionné au début que vous aviez travaillé à l'émergence de la compression vidéonumérique. Qu'en est-il des deux projets que nous aurons possiblement devant nous? Il y a un projet qu'on connaît, qui est censé entrer en service le 1er septembre, mais l'autre est toujours hypothétique parce qu'on n'a jamais vu une ligne écrite à ce sujet. On en a entendu parler, mais on n'a jamais rien vu. Les deux technologies sont censées être différentes, selon l'information qu'on a reçue.

Ne pensez-vous pas qu'il serait un peu catastrophique que les consommateurs canadiens revivent, avec la télévision par satellite, le même problème qu'on a vécu avec les vidéocassettes VHS et Beta, puisque les technologies d'Expressvu et de Power DirecTv seront différentes?

[Traduction]

M. Ignacy: J'ai l'impression que c'est une question technique.

Le président: C'est plutôt une question genre Beta et VHS. Le consommateur va-t-il se retrouver pris avec un appareil coûteux qui ne pourrait pas s'adapter à l'autre service, s'il n'est pas satisfait?

[Français]

C'est ça, la question?

Mme Tremblay: Oui.

[Traduction]

M. Don E. Weese (vice-président, Ingénierie, Télésat Canada): Ce serait effectivement la situation, monsieur le président. C'est ce qui caractérise la concurrence. Dans le comité ABSOC, le comité des normes, nous avons essayé d'établir une norme mais DirecTv aux États-Unis fonctionnait déjà alors que notre comité formulait simplement ses conslusions.

Si ces sociétés veulent respecter leurs calendriers, elles doivent installer l'équipement qu'elles ont choisi. Mais c'est un fait, quelqu'un qui a acheté l'équipement d'Expressvu, par exemple, ne pourra pas ensuite s'en servir pour s'abonner au signal de Power DirecTv.

[Français]

Mme Tremblay: Maintenant il est trop tard? La compagnie n'existe pas encore et il est trop tard?

[Traduction]

M. Weese: Il est effectivement trop tard pour rendre les deux systèmes compatibles.

Le président: Je suppose qu'il y a un élément d'exclusivité propriétaire.

M. Weese: Effectivement, dans les deux systèmes. De plus, la technologie choisie est légèrement différente dans les deux cas. Il y a aussi un élément commun puisqu'elles vont toutes les deux désormais utiliser le MPEC-2. Avec le temps je crois que les deux systèmes vont converger, peut-être dans quatre ou cinq ans, mais au début ils ne seront pas compatibles.

Mme Tremblay: Alors le meilleur conseil à donner à nos amis, c'est de ne pas acheter de satellites pendant les cinq prochaines années.

.1650

M. Weese: Non, ce ne serait pas ma recommandation. En choisissant l'un ou l'autre système on aurait un très bon service.

Le président: Je vois que vous êtes agnostique aussi.

M. Hanrahan.

M. Hanrahan: À la page 3 de votre déclaration vous dites que vous êtes d'avis que les projets de décrets tels qu'ils sont ridigés auront pour effet de retarder le lancement des services par SRD au Canada.

D'après vous, combien de temps durerait ce retard?

M. Lawson: Cela dépendra du temps que prendra le CRTC pour ses audiences d'octroi de licences et pour en arriver à une décision. Ensuite cela dépend du temps qu'il faudra à ceux qui obtiennent une licence de préparer leur technologie et d'introduire le service.

Cela pourrait prendre de trois à quatre mois, ou même une année.

M. Hanrahan: Prévoyez-vous des conséquences juridiques si les sociétés doivent retarder le service encore plus?

M. Lawson: J'espère que cela ne va pas retarder l'introduction d'un service canadien SRD.

Une des raisons principales pour laquelle Télésat a proposé les critères d'exemption au début, c'était en vue d'accélérer le processus où les concurrents canadiens se préparaient à affronter la menace causée par les distributeurs américains de services par SRD. Il est essentiel de réagir rapidement. Le créneau offert par le service SRD au Canada est sur le point de se fermer. L'activité sur le marché gris au Canada augmente de jour en jour et chaque fois qu'un Canadien s'abonne à un service offert par le marché gris, cela représente probablement une perte pour un temps considérable, justement pour les raisons que nous venons d'évoquer, c'est-à-dire les différences de technologie.

M. Hanrahan: Vous avez parlé de 1,2 million d'abonnés. D'après vous, combien d'entre eux se trouvent dans le marché gris?

M. Lawson: Aujourd'hui?

M. Hanrahan: Oui. Vous dites que ce sont des gens que nous avons perdus et que nous n'allons pas les récupérer.

M. Lawson: C'est une question difficile car il n'y a pas vraiment de façon de mesurer sauf par l'entrée d'équipement et de matériel technologique en provenance des États-Unis au cours des dernies mois. D'après nos estimations, il se vend quelques centaines à quelques milliers de sytèmes toutes les semaines, au bas mot.

Il ne faut pas grand chose pour constater l'existence d'un marché gris très prospère et actif au Canada. Presque tous les jours on trouve dans le Financial Post une annonce concernant la télévision numérique avec 150 chaînes. Je peux vous assurer qu'aucun de ces signaux n'est transmis par notre satellite Anik. S'ils font la publicité dans le Financial Post qui a une large diffusion, on peut être sûrs que le marché gris connaît beaucoup d'activités au Canada.

M. Hanrahan: Si on autorise les satellites américains, comme cela semble probable, cela aura des conséquences directes pour vous, comme vous l'avez expliqué. Qu'est-ce que cela peut représenter comme nombre d'emplois au Canada et comme pertes d'argent pour l'économie canadienne?

M. Lawson: Il est difficile de quantifier directement l'incidence sur Télésat. À mon avis, il n'y aurait pas de répercussions majeures sur le nombre d'emplois à Télésat puisque nous venons de passer par une restructuration à cause de la nouvelle réalité. Mais je pense qu'il pourrait y avoir de sérieuses conséquences sur le secteur de la production au Canada et la viabilité d'un certain nombre de nouveaux services à péage et de services spécialisés qui viennent d'être lancés. Peut-être que certains des programmateurs que vous allez entendre seraient mieux placés pour vous répondre.

M. Hanrahan: Avez-vous une idée de ce que serait l'effet sur la production canadienne?

M. Lawson: Je n'oserais pas m'aventurer sur ce terrain où je ne suis pas compétent.

.1655

M. McKinnon (Brandon - Souris): Bienvenue, messieurs.

M. Hanrahan a parlé de certains des sujets que je voulais aborder, mais je vais les approfondir un peu.

Afin d'assurer une présence plus massive de cette industrie au Canada, votre société devra-t-elle accroître la capacité de ses installations ou êtes-vous en mesure de retransmettre un nombre presque illimité de signaux?

M. Lawson: Nous ne pouvons certainement pas transmettre un nombre infini de signaux mais nous sommes sûrs d'avoir la capacité nécessaire pour tous les distributeurs éventuels de services par SRD au Canada tout en accommodant le secteur de la câblodistribution au Canada et son initiative spéciale (HITS) lancée cet été pour faire face à la menace posée par des services américains de radiodiffusion directe par satellite.

Au fur et à mesure que nos clients s'adaptent à la technologie numérique, le satellite est beaucoup moins utilisé. Le SRD et l'initiative HITS constituent donc un élément très important pour compenser le déclin de l'utilisation de notre satellite et sont très importants pour Télésat.

M. McKinnon: Si je vous comprends bien, sur le plan technique vous êtes prêt à affronter n'importe quel concurrent dans votre domaine, y compris le défi de l'équipement américain. Autrement dit, vous pouvez faire le travail aussi bien que vos concurrents.

M. Lawson: Je ne suis pas sûr de vous avoir compris au sujet de l'équipement américain, mais nous sommes certainement en train de mettre au point un nouveau schéma d'utilisation afin d'accomoder Expressvu, Power DirecTv et les objectifs de la câblodistribution au Canada en matière de nouveaux services, particulièrement le service à la carte.

M. McKinnon: Monsieur le président, j'ai une dernière question. On ne peut certainement pas parler d'un secteur congestionné dans sa configuration actuelle. Il n'y a que deux intervenants. Peut-être que leur nombre va augmenter à l'avenir.

Nous avons parlé de l'avantage de la concurrence pour les consommateurs et l'industrie. J'estime, et c'est la raison qu'explique mes questions, que nous ne devrions pas être limités par la capacité de transmission de votre société qui n'est qu'un élément de l'industrie.

M. Lawson: Était-ce une question?

M. McKinnon: Oui. Autrement dit, il faudra longtemps avant que vous atteignez votre capacité maximale.

M. Lawson: Grâce à la compression vidéonumérique, nous pensons être en mesure d'accomoder tout le volume prévisible dans le cadre des initiatives que j'ai mentionnées.

Nos satellites aujourd'hui peuvent donner l'impression d'être utilisés à capacité maximale et c'est effectivement le cas pour la première fois depuis 25 ans mais cela reflète la technologie analogique que nous utilisons maintenant. Une grande partie du secteur de la radiodiffusion canadienne évolue vers la compression vidéonumérique, ce qui va donner de la place afin d'accomoder la majorité des grandes applications que l'on prévoit.

M. McKinnon: Vous pourrez donc offrir tous les services offerts par les Américains - j'avais parlé d'équipement, mais le mot ne semblait pas vous plaire...

Une voix: La concurrence.

M. McKinnon: Vous serez donc en mesure d'offrir les mêmes services.

M. Lawson: Encore une fois, je tiens à dire que notre satellite n'a pas une capacité infinie. Nous sommes limités par la capacité de nos satellites actuels mais nous estimons que nous pouvons certainement accomoder tous les nouveaux services proposés ainsi que de nouvelles activités que nous mettons au point pour l'autoroute électronique et d'autres secteurs de ce genre.

Le président: D'abord, je dois vous faire une annonce concernant les travaux de la Chambre. Le whip de l'opposition m'informe que le vote sera retardé jusqu'à 18h30 ce qui veut dire que nous aurons une pause de deux minutes après les questions de M. Ianno et nous pourrons ensuite entendre nos prochains invités pendant une demi-heure environ et manger rapidement. Nous avions voter à 18h30 et reviendrons ici à 19h30 pour entendre la SRC. Est-ce que cela vous semble raisonnable? M. Hanrahan.

M. Hanrahan: J'ai une question très courte mais je pense très importante à poser aux témoins avant leur départ.

Le président: Très bien. Je vais demander à M...

[Français]

Mme Tremblay: Est-ce qu'on pourrait simplement convenir qu'on aura une heure pour manger à la suite du vote? Le vote est à 18h30.

Le président: Oui, on pourrait retarder la réunion. Il vaudrait mieux qu'on se réunisse...

.1700

Mme Tremblay: ...entre 19h30 et 19h45, compte tenu de l'heure à laquelle se terminera le vote.

Le président: Oui, ce serait plus civilisé à 19h45.

[Traduction]

M. McKinnon: N'allons-nous pas voter ce soir?

Le président: D'après les renseignements les plus récents, qui ne durent guère que cinq secondes avant que quelqu'un change d'avis, nous allons maintenant voter à 18h30.

Voici donc ce qu'on propose, et je m'excuse de devoir parler de ces affaires internes, mais il faut bien manger, c'est que nous terminions nos questions ici et que nous recevions nos prochains invités. Ensuite nous aurions une petite pause et après le vote nous allons nous réunir à 19h45. Cela nous donne le temps d'avaler quelque chose après le vote, pourvu qu'il n'y ait pas 267 amendements.

M. Ianno: Concernant les transpondeurs, avez-vous parlé au représentant de Power DirecTv au sujet de l'utilisation de votre satellite pour leur programmation canadienne?

M. Lawson: Oui.

M. Ianno: Avez-vous une idée du nombre qu'il leur faudra?

M. Lawson: Oui. Ils nous ont passé une commande, c'est un renseignement confidentiel mais nous avons une idée précise de ce qu'ils veulent.

M. Ianno: Dans la catégorie de 3 à 6, peut-être?

M. Lawson: Ce serait effectivement dans cet éventail.

M. Ianno: Quels seraient les besoins d'Expressvu? Un nombre semblable?

M. Lawson: Semblable et davantage, oui.

M. Ianno: À mesure de leur expansion?

M. Lawson: Oui.

M. Ianno: Autrement dit, cela va faire augmenter vos affaires.

M. Lawson: Au fond, cela va compenser les clients que nous allons perdre à cause du remplacement de la technologie analogique par la technologie numérique.

M. Ianno: Ce qui n'a rien à voir avec le sujet dont nous parlons ici, le SRD, n'est-ce pas? Cela va se passer, quelles que soient les décisions.

M. Lawson: Effectivement. L'importance du...

M. Ianno: Ça n'a rien à voir avec le sujet de notre discussion.

M. Lawson: Eh bien, nous ne sommes pas du même avis. À cause de son incidence sur les revenus et l'utilisation de la télévision, le SRC va permettre de compenser la baisse d'utilisation et nous permettra de rester viable.

M. Ianno: Effectivement. Vous voulez donc que la chose se produise immédiatement et vous voudriez autant de concurrents que possible, n'est-ce pas?

M. Lawson: Nous voudrions que ce soit aussi rapide que possible parce qu'à notre avis le marché est limité et il y a une érosion qui se fait tous les jours.

M. Ianno: Et vous voudriez qu'il y ait plus d'un concurrent, si c'est possible.

M. Lawson: Ce que nous aimerions voir, c'est un secteur SRD canadien à long terme capable de se maintenir. Qu'il s'agisse d'un, deux ou trois intervenants ou d'intervenants multiples n'est pas aussi important que la viabilité à long terme du secteur SRD au Canada.

M. Ianno: Alors au début vous voudriez qu'ils soient aussi nombreux que possible, n'est-ce pas? Vous n'avez pas une boule de cristal qui vous indique qui va réussir.

M. Lawson: Hélas, non.

M. Ianno: Autrement dit, vous voudriez qu'ils soient aussi nombreux que possible.

M. Lawson: Nous voudrions, et cela relève du CRTC et pas de Télésat, que le nombre de services SRD autorisés ait une bonne chance de survie ou qu'il y ait au moins un certain nombre de sociétés fortes qui finissent par s'imposer.

M. Ianno: Est-ce que j'ai bien compris que vous sembliez d'accord avec l'entente du CRTC parce que vous pensiez que cela permettait d'avoir un concurrent avec de bonnes chances de viabilité à long terme?

M. Lawson: Non, ce n'est pas du tout mon avis. En regardant les critères d'exemption, je ne pense qu'ils aient dit qu'il y aurait seulement un service. Je pense que tout le monde aurait pu faire une demande conformément aux critères d'exemption proposés par Télésat.

M. Ianno: Y a-t-il eu beaucoup de demandes?

M. Lawson: À ma connaissance, plusieurs sociétés ont fait un essai dans le domaine SRD mais à la fin c'était devenu une seule société qui s'appelait...

M. Ianno: Alors elles étaient nombreuses au départ mais ont fini par devenir une seule?

M. Lawson: Non, certaines ont abandonné et certains nouveaux partenaires ont décidé de s'associer.

M. Ianno: Mais en fin de compte, c'est devenu un seul groupe.

M. Lawson: Il y avait trois groupes potentiels mais certains éléments de ces groupes ont fini par s'unir et d'autres ont abandonné.

M. Ianno: Pour mettre les choses en perspective, ils sont contents de cet état de choses parce qu'au moins on a la viabilité à cause du manque de concurrence.

M. Lawson: Pourvu que les affaires démarrent vite, nous avons effectivement une bonne chance de...

M. Ianno: Par vite vous voulez dire le 1er septembre ou le 1er janvier? Que cela vous est-il égal?

M. Lawson: Nous sommes persuadés que le secteur SRD au Canada doit démarrer au cours de l'année 1995 et le plus tôt sera le mieux.

M. Ianno: Vous savez sans doute que selon le CRTC envisage le démarrage pourrait se faire non pas le 1er septembre mais en décembre 1995 ou janvier 1996.

M. Lawson: Si le décret supprime rétroactivement les critères d'exemption, ce serait effectivement possible.

M. Ianno: Avez-vous participé aux discussions des différents intervenants qui ont fini par constituer un groupe?

M. Lawson: J'ai participé aux discussions de plusieurs groupes concernant le potentiel du marché, les services par satellite, etc.

.1705

M. Ianno: Est-ce que l'un des autres intervenants, le CRTC ou vous-même, ont suggéré un regroupement en une seule société pour assurer la viabilité.

M. Lawson: Je ne me souviens pas qu'on ait jamais voulu limité la participation d'un seul ou de plusieurs groupes.

M. Ianno: Non, je parle de suggestion pas de restriction. A-t-on suggéré de se regrouper à tous ces groupes forment une seule société pour atteindre l'objectif ultime de viabilité?

M. Lawson: Non, je ne m'en souviens pas. Nous avons plutôt constaté, je crois, que certains groupes avait des intérêts communs et que leurs propres études de marché indiquaient que la taille...

M. Ianno: Comment ont-ils su qu'ils avaient des intérêts communs si au début de la SRD ils voulaient tous aller de l'avant chacun de leur côté? Comment a-t-on fait pour tenter de concilier ces divers intérêts?

M. Lawson: Eh bien, les parties intéressées ont tenu de nombreuses discussions auxquelles bien entendu Télésat n'a pas participé. Il s'agissait de décisions commerciales. Le rôle que jouait Télésat pour promouvoir la SRD a simplement consisté à inviter un groupe à s'engager. Nous avons préparé un plan d'affaires, nous l'avons présenté aux intéressés et par la suite certains groupes se sont formés.

M. Ianno: Télésat a donc joué le rôle d'un catalyseur dans ce regroupement.

M. Lawson: Nous aimerions croire que nous avons joué un rôle de catalyseur pour faire accepter l'idée qu'une SRD canadienne serait commercialement rentable.

M. Ianno: Dans le cas des compagnies qui ne pouvaient pas survivre seules, avez-vous tenté de les mettre en contact avec d'autres qui partageaient le même intérêt mais qui n'avaient pas la capacité de s'engager seules.

M. Lawson: J'ai pu constater, par les quelques contacts que j'ai eu avec l'industrie, qu'il y avait un certain nombre de compagnies qui avaient des intérêts communs. Avec leur permission, j'ai réussi à...

M. Ianno: Les faire s'épouser?

M. Lawson: Eh bien, je ne sais si je les ai fait s'épouser mais j'ai certainement réussi à amorcer un dialogue entre elles.

M. Ianno: Vous avez donc amené toutes ces compagnies individuelles à se regrouper et tout d'un coup Power DirecTv est apparu, laquelle ne fait pas partie des compagnies que vous aviez contactés, cela vous a-t-il causé des problèmes?

M. Lawson: Pas du tout. Nous avons accordé tout notre appui à la demande de Power DirecTv, sauf pour ce qui est, bien sûr, des changements dans la politique de télévision à la carte applicable à la SRD.

Le président: Je vais devoir donner la parole à M. Hanrahan pour une dernière question et il faudra ensuite refaire la donne.

M. Hanrahan: Je vais poursuivre le sujet abordé par M. Ianno. Vous avez parlé tout à l'heure d'un créneau et du facteur temps. M. Ianno avait parlé du 1er décembre et du 1er janvier. Avec la croissance du marché gris dont vous avez parlé plus tôt, et le temps qu'y consacrent des comités comme le nôtre, avec les enquêtes et les études juridiques effectuées par le CRTC et d'autres organismes, ne risquons-nous pas d'en arriver à un point où tout ceci n'aura plus aucune importance parce que les Américains auront déjà pris la place, une fois le crêneau formé?

M. Lawson: Pour Télésat Canada, c'est là un véritable risque. Faute d'agir rapidement, le marché auquel les exploitants canadiens légitimes auront accès ne sera pas suffisamment vaste pour rentabiliser la SRD à long terme.

Je suis certain qu'une société ou un groupe de sociétés vont tenter de s'implanter sur le marché canadien de la SRD. Mais cela m'inquiète, d'autant plus que cela me rappelle ce qui s'est passé dans les années 1980 avec le marché gris et le vol des programmes transmis par satellite lorsqu'on en est venu à un compromis dans l'emploi de ceraines technologies de codage.

M. Hanrahan: Merci.

Le président: Aujourd'hui on a acheté 150 satellites de plus.

[Français]

Mme Tremblay: J'aimerais obtenir une tout petit renseignement, monsieur. Existe-t-il des ententes entre le Canada et les États-Unis sur l'utilisation mutuelle de nos satellites?

[Traduction]

M. Ignacy: Oui. Il existe une entente diplomatique entre le Canada et les États-Unis d'après laquelle les télécommunications internes doivent utiliser les satellites nationaux. Il y a aussi une entente sur la façon dont on organise la programmation qui transite entre les deux pays.

[Français]

Mme Tremblay: Merci.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie beaucoup de nous avoir exposé un sujet fort complexe. Comme vous l'avez constaté, nous avons bien du mal à comprendre la technologie. Je crois d'ailleurs que cela vous arrive aussi. Ce que vous nous avez dit est fascinant et nous vous remercions de votre exposé.

.1710

Je répète que nous prendrons une petite pause de deux minutes pour permettre à ce groupe de témoins, que nous remercions, de quitter la table et pour souhaiter la bienvenue au groupe suivant.

.1711

.1715

Le président: Tout le monde est plus ou moins à sa place. Mesdames et messieurs, pendant que vous prenez place, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins.

[Français]

Nous recevons cet après-midi deux sociétés: premièrement, la Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs, la SARDeC, et ensuite la Société professionnelle des auteurs et compositeurs du Québec, la SPACQ. Nous allouerons environ sept minutes à chacune et nous poserons ensuite nos questions. J'invite les représentants de la SARDeC à commencer.

M. Yves Légaré (directeur général, Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs): Bonjour. Je suis accompagné de Marie Cadieux, membre du conseil d'administration, qui fera la lecture de notre mémoire sur les projets de décrets.

Mme Marie Cadieux (membre du conseil d'administration, Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs): Bonjour, mesdames et messieurs, et merci de nous recevoir.

Créée en 1949, la Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs regroupe près de 750 membres. Elle a des ententes signées avec l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ), Radio-Canada, l'Office national du film et Radio-Québec. Ses membres écrivent ou fournissent le contenu de centaines d'heures de télévision, de radio et de films par année, tant pour les producteurs indépendants que directement pour les entreprises de radiodiffusion. Les auteurs qu'elle représente sont à l'origine des plus grands succès de la télévision de langue française.

La SARDeC considère que le système canadien de radiodiffusion devrait continuer à sauvegarder, enrichir et renforcer notre souveraineté et notre identité culturelles, comme le prévoit la Loi sur la radiodiffusion. Toute nouvelle politique du CRTC en matière de radiodiffusion devrait contribuer à accroître la souveraineté et l'identité culturelles du pays.

Le gouvernement a adopté ce même principe dans le contexte de son appel d'observations concernant l'arrêté C.P. 1994-1689 qui a donné lieu aux audiences publiques du CRTC sur l'autoroute de l'information en mars 1995. Je cite:

Cette approche devrait s'appliquer également à la politique du CRTC concernant les entreprises de programmation et de distribution par satellite de radiodiffusion directe.

La SARDeC considère que les principes suivants devraient régir la politique du CRTC en ce qui concerne la radiodiffusion directe à domicile.

- Toute entreprise de distribution par SRD ainsi que toute entreprise de programmation de télévision à la carte qui fournissent un service par l'intermédiaire d'une entreprise de distribution par SRD devraient respecter les règles existantes en matière de propriété canadienne.

- Toute entreprise de distribution par SRD ainsi que toute entreprise de programmation de télévision à la carte qui fournissent un service par l'intermédiaire d'une entreprise de distribution par SRD devraient détenir une licence du CRTC.

- Les entreprises de distribution par SRD ainsi que les entreprises de programmation de télévision à la carte qui fournissent des services par l'intermédiaire d'une entreprise de distribution par SRD devraient atteindre les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion et procurer des bénéfices nets au système canadien de radiodiffusion plutôt que de se substituer tout simplement aux services canadiens existants.

- La propriété croisée entre les propriétaires d'entreprises de distribution par SRD et les propriétaires d'entreprises par câble devrait être interdite.

- Les entreprises de distribution par SRD devraient être assujetties aux obligations réglementaires équivalentes à celles qui régissent présentement les entreprises canadiennes de distribution, particulièrement les obligations en rapport avec la production et la distribution du contenu canadien à teneur culturelle.

.1720

- Les entreprises de programmation de télévision à la carte qui fournissent des services par l'intermédiaire d'une entreprise de distribution par SRD devraient également être assujetties à des obligations réglementaires équivalentes à celles qui régissent présentement les entreprises canadiennes de programmation de télévision à la carte, particulièrement par rapport à la production et à la distribution du contenu canadien à teneur culturelle.

- Toute entreprise de distribution par SRD devrait fournir un service partout au Canada dans les deux langues officielles.

- Les entreprises de distribution par SRD devraient transmettre tous les services de programmation canadiens destinés au marché national au moyen de satellites canadiens.

- Enfin, la SARDeC croit que le CRTC devrait s'assurer que les entreprises de distribution permettent l'accès équitable aux services de programmation canadiens et que les services de programmation permettent l'accès équitable, voire non exclusif, aux fournisseurs de programmation canadienne.

Par les décrets qui sont l'objet de ce commentaire, le gouvernement propose de donner des instructions au CRTC concernant la politique qu'il devrait suivre au sujet de la radiodiffusion directe à domicile. Ces décrets reprennent à la lettre les recommandations du Groupe de travail sur la politique concernant les satellites de radiodiffusion directe en date d'avril 1995.

Le projet d'instruction du gouvernement est en partie compatible avec la politique de la SARDeC identifiée ci-haut. Cependant, d'importants principes, tels ceux concernant la propriété croisée et l'obligation de transmettre les services de programmation canadiens au moyen de satellites canadiens, y sont malheureusement absents.

L'absence de propriété croisée entre les propriétaires d'entreprises de distribution par SRD et les propriétaires d'entreprises de distribution par câble, telle que proposée par la SARDeC, serait une meilleure garantie qu'une véritable concurrence puisse commencer à s'instaurer dans le domaine de la distribution des services de télévision. Le projet d'instructions du gouvernement au CRTC n'en parle pas.

L'obligation de transmettre les services de programmation canadiens destinés au marché national au moyen de satellites canadiens servirait à rentabiliser les installations canadiennes et à assurer au CRTC un pouvoir de surveillance du contenu canadien. Ce principe, malheureusement, ne se retrouve pas non plus dans le projet d'instructions du gouvernement.

De plus, la SARDeC s'inquiète de la façon dont le gouvernement se sert de son pouvoir pour donner des instructions au CRTC. La SARDeC ne conteste nullement au gouverneur en conseil le droit de «donner au Conseil, au chapitre des grandes questions d'orientation en la matière, des instructions d'application générale relativement à l'un ou l'autre des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion ou de réglementation et de la surveillance du système canadien de radiodiffusion» en conformité avec l'article 7 de la Loi sur la radiodiffusion.

Cependant, la SARDeC s'inquiète de ce que le projet de décrets soit très spécifique et étroit au lieu de proposer des instructions d'application générale conformément à la loi. Le libellé des deux décrets est tellement détaillé qu'il témoigne d'un désir du gouvernement de gérer lui-même le processus d'attribution de licences dans le domaine de la radiodiffusion directe par satellite au lieu de laisser cette responsabilité au CRTC.

En outre, la SARDeC considère que les instructions proposées auraient pour effet de mettre fin à l'autorisation d'exploiter une entreprise de SRD dont jouit présentement le consortium Expressvu. Ce consortium, de bonne foi, en se fiant à une ordonnance d'exemption du CRTC, a procédé au lancement d'un service à partir de septembre 1995. Malgré nos grandes réserves au sujet de l'utilisation d'une ordonnance d'exemption dans le domaine de la distribution par SRD, l'ordonnance contient suffisamment de sauvegardes pour que la politique de la SARDeC sur la SRD soit adéquatement respectée. Ces sauvegardes comprennent entre autres des obligations en rapport avec la propriété canadienne, la distribution de services de programmation canadiens autorisés ou exemptés par le Conseil, l'utilisation de la Liste des services par satellite admissibles en ce qui concerne tout service de programmation non canadien, l'assemblage de services canadiens et non canadiens, la prépondérance de services de programmation canadiens par rapport aux services non canadiens et, enfin, l'utilisation de satellites canadiens.

La SARDeC croit donc que l'ordonnance du CRTC devrait rester en vigueur jusqu'à ce que le CRTC ait eu l'occasion d'autoriser d'autres services par le moyen d'une licence. Autrement, le consortium Expressvu serait assujetti à une réglementation rétroactive de la part du CRTC sur les instructions du gouvernement. À notre avis, ce serait un précédent très dangereux.

.1725

Je vous remercie.

Le président: Merci bien, madame Cadieux. Nous passons tout de suite à la SPACQ.

Mme Francine Bertrand-Venne (directrice générale, Société professionnelle des auteurs et compositeurs du Québec): La SPACQ est la société professionnelle qui regroupe la majorité des auteurs et des compositeurs du Québec. Ce sont eux qui écrivent les oeuvres du répertoire actif actuel, autant pour l'industrie de l'enregistrement sonore que pour la musique originale d'oeuvres audiovisuelles. Elle a été mise sur pied pour étudier, promouvoir et protéger de toutes les manières les intérêts économiques, sociaux et professionnels de ses membres. La SODRAC est la Société de droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique du Canada. C'est donc au nom de ces deux sociétés que je me présente devant vous aujourd'hui.

Nous sommes heureux de contribuer à l'élaboration d'une politique d'introduction des satellites de radiodiffusion directe.

Il s'agit pour nous de réitérer nos préoccupations quant à l'implantation de ce nouveau service dont il est question dans les projets de décrets relatifs à la politique du gouvernement en cette matière.

À notre avis, vous devriez être plus préoccupés de surveiller l'ensemble du cadre légal et réglementaire du CRTC face à l'implantation des satellites de radiodiffusion directe plutôt que de vous attarder à la légalité du décret. En effet, l'exemption accordée à Expressvu était une erreur parce que le paragraphe 9(4) de la Loi sur la radiodiffusion permet une exemption seulement dans le cas où le Conseil «estime l'exécution sans conséquence majeure sur la mise en oeuvre de la politique canadienne de radiodiffusion». À notre avis, les satellites de radiodiffusion directe constituent à leur face même une conséquence majeure dans notre système de radiodiffusion.

Comme l'exemption a précédé l'étude d'une politique générale sur l'introduction des satellites et que le projet de décret est très précis, ceci force les intervenants à se pencher sur la légalité du décret plutôt que sur l'élaboration des principes généraux qui devraient faire l'objet des discussions actuelles.

Les auteurs et les compositeurs de musique veulent des garanties quant au respect de la Loi sur la radiodiffusion dans ces nouvelles technologies et s'attendent à ce que le législateur canadien ne baisse pas pavillon en laissant pénétrer des services qui se soustrairont aux règles du CRTC.

Comme le droit d'auteur et l'utilisation d'oeuvres des créateurs canadiens sont intimement liés, il donc primordial pour ceux qui créent le contenu musical canadien et francophone de surveiller étroitement les nouvelles méthodes de diffusion de programmation canadienne. La Loi sur la radiodiffusion doit continuer de s'appliquer malgré toutes ces nouvelles technologies. Le Canada s'est doté d'une loi qui soutient ses concitoyens tant du point de vue des créateurs que de celui des industries culturelles.

Le satellite de radiodiffusion devrait être soumis à la même loi que les autres entreprises de radiodiffusion. Le cadre légal protège la propriété et le contenu canadiens.

On lit à l'alinéa 3e):

À l'alinéa 3f), on lit ceci:

Le sous-alinéa 3d)(iii) stipule:

L'alinéa 3k) mentionne:

Il est donc clair que la Loi sur la radiodiffusion établit des exigences rigoureuses pour les entreprises de programmation afin de favoriser les créateurs de ce pays. Jusqu'à ce jour, la politique de contenu a effectivement permis aux créateurs canadiens de se tailler une place importante dans l'échiquier culturel canadien. On a institué des quotas à 30 p. 100 de contenu musical, pour les stations de radio et, en plus, à 65 p. 100 francophone pour les stations de langue française. Il y a une obligation de 60 p. 100 de contenu canadien pour les services de télévision conventionnelle et des quotas variables pour les services de télévision payante et spécialisée.

De plus, nous avons obligé les entreprises de programmation canadienne à contribuer aux talents canadiens en versant une contribution volontaire à la création de productions canadiennes. C'est ainsi que sont nés des organismes comme FACTOR et MUSICACTION, organismes qui soutiennent la production d'enregistrements sonores.

Par le règlement de 1986 sur la télédistribution, le CRTC a obligé les entreprises de câblodistribution à offrir un nombre prédominant de services canadiens par rapport aux services étrangers sous quatre obligations:

.1730

De plus, les câblodistributeurs ont été invités à participer au financement d'un fonds de création pour la programmation canadienne, et je cite ici les propos du CRTC, «afin de fournir des émissions distinctives, véritablement nationales, auxquelles les Canadiens peuvent s'identifier».

Il est donc indéniable que toute la politique qui est élaborée dans la Loi sur la radiodiffusion a servi à créer ces structures qui ont eu une importance majeure dans la culture canadienne. Les créateurs, les artistes-interprètes, les producteurs et les radiodiffuseurs ont pu profiter directement de ces initiatives réglementaires. Il serait donc impérieux qu'elles ne disparaissent pas avec l'introduction d'une nouvelle technologie comme le satellite de radiodiffusion directe.

Le principe de la concurrence des entreprises, soit, mais qu'en est-il de la concurrence de la création canadienne et donc de la survie de notre culture? Les auteurs et les compositeurs de musique de la SPACQ et de la SODRAC ont, par le succès de leurs oeuvres, fait depuis longtemps la preuve qu'ils sont largement capables de vivre une concurrence saine et équitable. Ils veulent tout simplement dire que la Loi sur la radiodiffusion, par ses politiques de propriété et de contenu canadien, leur a permis d'être en mesure d'offrir leurs oeuvres sur des supports de calibre international et d'être entendus de façon à pouvoir offrir une variété culturelle dans l'ensemble de la programmation des radiodiffuseurs canadiens.

La Conférence canadienne des arts nous a fait parvenir récemment un document du gouvernement américain qui fait état d'une stratégie de leur part. Je cite le dernier paragraphe de ce document:

On entend souvent l'expression «droits nord-américains». Voilà le danger puisque les États-Unis ne conçoivent les droits souvent qu'en leur faveur et ils sont loin de concevoir le droit d'auteur comme de la culture. Ils ont plutôt tendance à considérer les oeuvres comme des biens commerciaux. C'est d'ailleurs dans cet esprit que Mickey Kantor, secrétaire du commerce américain, lors de la problématique du Country Channel, établissait une liste de représailles dans plusieurs domaines de l'économie canadienne.

En conclusion, les entreprises de satellite de radiodiffusion directe devraient être soumises de la façon la plus stricte au respect intégral de la Loi sur la radiodiffusion. La concurrence des entreprises ne préoccupe pas les créateurs, sauf si l'entreprise qui demande une licence permettait de façon détournée de se soustraire aux politiques de contenu canadien, auquel cas les créateurs se considéreraient grandement lésés et s'objecteraient de façon véhémente à une telle demande de service.

Enfin, il ne faudrait pas que ces nouveaux services permettent une distribution accrue de programmation américaine. Les créateurs ont besoin d'être soutenus par des mesures qui leur garantiront une place importante et privilégiée dans l'univers de ces nouvelles technologie. Pour nous, les quotas et les différentes règles qui régissent le contenu assurent une diversité culturelle plutôt qu'une contrainte inexpliquable.

Les auteurs et les compositeurs de nos sociétés SPACQ et SODRAC désirent que la culture qu'ils véhiculent par leurs oeuvres soit l'objet d'une préoccupation constante de la part des politiciens de leur pays et exigent qu'au-delà de la concurrence des entreprises, la survie de la culture canadienne et son respect de la dualité linguistique puissent être au coeur des débats.

Nous voulons que les SRD soient soumis aux mêmes règles que les câblodistributeurs et nous tenons à nous assurer que le système de réglementation soit équitable pour toutes les entreprises de distribution.

Nous espérons que le maintien de notre culture sera un souci constant dans les décisions que vous devrez prendre et que votre obligation face aux créateurs de ce pays se traduira par un encadrement qui leur permettra de faire concurrence aux créateurs du monde entier. Leur talent est indéniable. Il ne reste qu'à favoriser la diffusion de leurs oeuvres.

.1735

C'est au législateur canadien qu'incombe la responsabilité de veiller à notre souveraineté culturelle.

Le président: Merci, madame Bertrand-Venne.

J'invite M. Leroux à poser ses questions. Vous avez environ six minutes.

M. Leroux (Richmond - Wolfe): D'abord, je vous remercie pour vos présentations. Dans les deux textes, les propos sont très précis.

J'aimerais faire un commentaire, monsieur le président. J'espère que vous n'accueillez pas toujours vos témoins de cette façon. Les députés qui ne sont pas intéressés ne sont pas obligés de rester ici. J'ai cru sentir, à un certain moment, un intérêt plus ou moins marqué de la part d'un des députés autour de la table. Si le député Ianno n'est pas intéressé, il n'est pas obligé de rester ici. J'espère, monsieur le président, qu'on n'a pas l'habitude de recevoir les témoins de cette façon. Cela me choque.

En ce qui concerne les deux textes, j'aimerais faire un premier commentaire.

[Traduction]

M. Ianno: J'invoque le Règlement. Monsieur Leroux, vous venez d'arriver; nous avons écouté des exposés toute la journée. Habituellement, ils doivent durer 10 minutes pour nous donner l'occasion de poser des questions, pour qu'on puisse bénéficier de la présence des témoins, pour nous aider à comprendre le sujet. Vous êtes arrivé et que vous avez joué pour la galerie, alors que j'étais occupé à d'autres choses et je crois que c'est à vous de juger de la façon dont nous traitons ce sujet.

Le président: Pour ne pas perdre de temps, je propose qu'on passe directement aux questions.

[Français]

M. Leroux: Moi aussi, je siège à d'autres comités et lorsqu'il y a des témoins, je les écoute très attentivement, peu importe le nombre d'heures que je dois passer à un comité.

Cela dit, je retiens de la présentation de la SPACQ un paragraphe qui me semble fort important:

Est-ce qu'à votre avis - et je pose la question aux deux associations - , l'indépendance du CRTC est carrément mise en question par rapport aux projets de décrets qui sont devant nous?

Le président: On oublie la première association et on passe à la SPACQ?

M. Leroux: Je pose mes questions aux deux associations parce que les renseignements et l'analyse qui sont là-dedans semblent se recouper d'une façon fort précise à certains égards.

M. Légaré: S'il y a un élément qu'on veut souligner dans notre mémoire, c'est notre crainte que ces décrets menacent l'indépendance du CRTC. On considère que les décrets sont beaucoup trop spécifiques. Le CRTC doit, pour la survie du cadre réglementaire, avoir les coudées franches.

Une des raisons qui font qu'on se porte à la défense de ce cadre réglementaire, c'est que pour nous, tout le système de radiodiffusion repose sur un équilibre. À l'heure de la mondialisation des marchés, à l'heure de l'autoroute de l'information, alors que tout le paysage audiovisuel s'ouvre, on doit faire en sorte que ce qui a permis le développement de notre système de radiodiffusion soit préservé.

Il y a, bien sûr, les investissements de l'État. On sait à quel point, ces temps-ci, les investissements sont menacés. Il y a les institutions culturelles comme Radio-Canada. On sait à quel point ces institutions sont menacées. Il y a la question des quotas de contenu canadien. Il y a, bien sûr, l'organisme d'attribution des licences pour les exploitants de ce système de radiodiffusion.

Jusqu'à présent, cet organisme a agi comme chien de garde de notre système et il doit continuer de le faire. Le gouvernement a le droit d'intervenir, et c'est ce que nous disons aussi dans le document, mais pas nécessairement de la façon dont il intervient à l'heure actuelle. L'exemption donnée à Expressvu va normalement contre notre position. Nous préférons les licences.

Il y avait cependant, dans l'exemption du CRTC, des obligations importantes qui contribuaient au système canadien de radiodiffusion. C'est pour cela que nous disons que l'exemption peut être maintenue. Le décret n'a pas lieu d'être conçu sur mesure.

.1740

Mme Bertrand-Venne: J'aimerais répliquer. J'ai voulu apporter une précision sur la problématique. J'étais intéressée à entendre monsieur, tout à l'heure, qui se préoccupait de la bataille entre le CRTC et le gouverneur en conseil. Effectivement, les deux ont fait chacun une erreur. Expressvu avait demandé une licence et a obtenu une exemption. Le gouverneur en conseil, selon l'avis des deux sociétés que je représente, devrait toujours édicter des politiques de broad policy matters.

À notre avis, le décret est trop précis et nous amène à discuter de la légalité du point-virgule, de la concurrence des entreprises. On est ici pour dire que la Loi sur la radiodiffusion et le CRTC, qui est un bon organisme de réglementation et qui nous a protégés comme Canadiens, doivent être maintenus. C'est pour rétablir les faits que les deux organismes, autant le CRTC que le gouverneur en conseil, ont peut-être fait de petites erreurs, à notre avis. C'était tout simplement pour établir un équilibre, mais pour nous, il est important que le CRTC reste plus objectif dans ses décisions.

On voudrait que le gouverneur en conseil réengage le CRTC à protéger le contenu canadien et la propriété canadienne des entreprises.

M. Leroux: Dans le document de la SARDeC, il y a neuf principes qui sont très bien énoncés. Accordez-vous une importance égale à ces neuf principes? Croyez-vous qu'il y en a qui devraient primer sur d'autres ou si, pour vous, c'est un bloc sur lequel doit s'asseoir la politique?

M. Légaré: Effectivement, c'est un bloc sur lequel doit s'asseoir la politique. On pense que c'est la seule façon de renforcer l'identité culturelle et de la maintenir. Il est difficile d'enlever un élément.

On parle, par exemple, de propriété croisée. Il est difficile, si on permet la propriété croisée, de s'assurer que notre système sera perméable à ces problèmes. Il est certain qu'on peut penser à limiter une propriété croisée - ça existe d'ailleurs actuellement - , c'est-à-dire à faire en sorte qu'elle n'outrepasse jamais un certain pourcentage qui peut s'élever à 20 p. 100 ou moins. Si on prend l'ensemble de ces principes, il est très difficile d'en enlever un et de penser que les choses vont se maintenir.

En ce qui concerne les satellites canadiens, par exemple, il est certain qu'on a plus de contrôle sur les SRD si on utilise des satellites canadiens plutôt que des satellites américains.

Le président: Hélas, nos six minutes sont devenues sept minutes.

[Traduction]

Nous allons passer à M. Hanrahan.

M. Hanrahan: Merci, monsieur le président.

Merci à vous, du groupe de travail, d'avoir participé et d'avoir partagé vos renseignements aujourd'hui.

Si j'ai bien compris le dernier à avoir posé des questions il se demandait qu'est-ce qu'il en était d'un retard dans la démarche pour pouvoir l'étudier un peu plus en profondeur avant de prendre de grandes décisions en ce qui a trait au décret, etc. Les derniers témoins ont dit que plus nous retardons nos décisions dans ces domaines, plus le marché gris s'élargit, et il se pourrait que tout cela devienne une perte de temps de toute façon, parce que les États-Unis nous auront pris de vitesse grâce au marché gris. Est-ce qu'il y a une contradiction pour vous, dans cette suggestion de retard et d'études et d'interventions toujours croissantes des Américains dans le marché canadien?

[Français]

M. Légaré: Dans la mesure où nous considérons que l'exemption accordée à Expressvu doit être maintenue et que cette société peut exploiter son système, le délai pour étudier l'ensemble de la politique en matière de distribution par satellite ne semble pas causer de problème.

Si un organisme comme Expressvu, qui a obtenu une autorisation du CRTC, peut ouvrir ses portes petit à petit, le marché gris va avoir une alternative, alors que si on retarde l'ensemble de l'émission des licences et qu'on retarde Expressvu le temps qu'on décide, on risque que les systèmes américains, qui se vendent à l'heure actuelle au rythme de 10 000 par mois, semble-t-il, deviennent hégémoniques et ne laissent aucune place aux systèmes canadiens qui sortiront plus tard.

.1745

[Traduction]

M. Hanrahan: Donc vous dites qu'il faut laisser Expressvu démarrer dès le premier septembre, comme prévu. Il n'y aurait pas de retard pour Power; lorsqu'elle sera prête à intégrer le ciruit, elle pourra le faire, si c'est le cas, et qu'on n'en parle plus. S'il faut entreprendre des études entre temps, alors nous le ferons.

[Français]

M. Légaré: Dans le cas de Power, il doit y avoir une demande de licence, qui doit être accordée ou non par le CRTC.

Mme Bertrand-Venne: Il faut que tous les gens qui demandent une licence et qui sont impliqués dans la diffusion et la distribution de programmation soient soumis aux mêmes règles. C'est important pour nous. Nous ne sommes pas ici pour discuter de la concurrence des entreprises. On veut que toutes les entreprises soient soumises aux mêmes règles.

Tout à l'heure, Mme Tremblay était inquiète relativement à la situation entre les câblodistributeurs et les entreprises de diffusion directe par satellite. C'est la même problématique que celle de la convergence entre la téléphonie et les câblodistributeurs. Nous, qui représentons les créateurs de ce pays, disons que pour le côté «affaires» de la technologie, ils peuvent bien s'organiser entre eux. À propos de la problématique relative à l'utilisation d'un satellite canadien et d'un satellite américain, par exemple, on s'est fait dire par les promoteurs de satellites canadiens qu'avec ces satellites, on pourra rejoindre des Canadiens dans des lieux beaucoup plus éloignés que si on utilisait des satellites américains.

Les créateurs de ce pays veulent vous dire qu'il est important que tous soient soumis aux mêmes règles, parce qu'il faut une concurrence saine et équitable. Pour avoir une concurrence saine et équitable, il faut que tous soient soumis à cette loi-là. C'est ce qui est important pour nous.

M. Légaré: Comprenons-nous bien. Il n'est pas question pour nous de trancher entre Expressvu et Power DirecTv. Ce qui nous importe, c'est de savoir si ceux qui demandent des licences ou ceux qui exploitent des services vont renforcer le système canadien. Est-ce qu'ils vont contribuer à faire en sorte que les oeuvres des créateurs que nous représentons soient vues ou est-ce qu'ils vont permettre que les Américains prennent le haut du pavé?

Si, d'une certaine façon, nous considérons que l'exemption accordée à Expressvu est satisfaisante, c'est parce que les obligations liées à cette exemption allaient dans le sens d'un renforcement du système canadien et d'un plus grand contenu culturel canadien. Cela, et non le fait de choisir entre deux concurrents, constitue pour nous le seul objectif.

[Traduction]

M. Hanrahan: Je vous comprends.

J'ai une autre question qui se rattache à ce dont vous parlez, la production canadienne. Avec les satellites et la câblodistribution et ainsi de suite, et l'univers de 500 canaux, croyez-vous qu'à la lumière de ce grand système de distribution nous allons avoir un système de production très limité et qu'il faudrait peut-être y songer très sérieusement, en ce qui a trait aux artistes, etc.? Est-ce que vous proposez qu'on s'y intéresse plus?

[Français]

M. Légaré: Il est sûr que si on s'ouvre à 500 canaux, faisant ainsi éclater la concurrence, et qu'on ne donne pas à nos producteurs, qu'ils soient publics ou privés, les moyens de rivaliser avec cette concurrence-là, nos productions disparaîtront des ondes. Pour ce qui est du Québec, compte tenu des succès de notre télévision, compte tenu des cotes d'écoute que nous avons atteintes jusqu'à présent, compte tenu du fait que 43 des 50 émissions les plus regardées au Québec ne sont pas des émissions américaines mais des émissions québécoises, nous pensons être en mesure de rivaliser avec l'ouverture aux 500 canaux.

Seront-ils 500? Seront-ils 200 ou 300? Nous pensons être capables de rivaliser dans la mesure où nous aurons suffisamment d'argent pour produire des productions de qualité et offrir au public un éventail de choix assez large pour l'attirer.

[Traduction]

M. Hanrahan: D'où viendrait cet argent?

[Français]

M. Légaré: Nous pensons que ceux qui vont obtenir des licences pour distribuer les canaux doivent contribuer de la même façon que les câblodistributeurs ont été forcés récemment de contribuer au système canadien de radiodiffusion. Nous pensons que les distributeurs de satellites de radiodiffusion devront contribuer d'une façon importante.

Un des problèmes du système canadien de radiodiffusion est d'avoir longtemps tardé à mettre à contribution les câblodistributeurs et ceux qui maintenant arrivent sur le marché, les distributeurs par satellite.

.1750

Il faut que les gens qui acheminent le contenu canadien sur les ondes contribuent à l'élaboration de ce contenu, à sa fabrication et cela, de façon importante.

[Traduction]

Le président: Malheureusement, je dois intervenir et céder la parole à M. Ianno.

M. Ianno: Lorsque j'ai parlé de la longueur plus tôt, je l'ai fait pour que vous puissiez résumer, pour qu'on ait davantage l'occasion d'avoir cette excellente discussion. Ce n'était pas pour vous insulter de quelque manière que ce soit. Alors si vous l'avez mal interprété, ce n'était pas mon intention.

M. Hanrahan: Ils ne l'ont pas mal interprété.

M. Ianno: Je le comprends, mais je voulais que ce soit clair pour eux. Merci, Hugh.

J'aurais cru que de votre point de vue en ce qui a trait au soutien de vos membres, les artistes, vous auriez insisté davantage, comme dans les dernières déclarations que vous venez de faire, sur les moyens obtenir le contenu canadien - peu importe qui envoie le signal. Je n'aurai probablement pas passé autant de temps à savoir si le Cabinet se réfère à la politique générale ou si c'est légal, ou s'il s'agit d'une exemption, etc. Je crois que ce qui importe dans ce que nous tentons de déterminer, outre tout ce dont le Cabinet a discuté dans le groupe de travail, c'est la déclaration que 5 p. 100 des recettes brutes vont à la production pour que vos artistes puissent continuer à travailler et à produire leurs oeuvres de qualité.

Pour ce qui est de se conformer aux mêmes règles, j'aurais aussi insisté davantage sur ce point, pour que tous les câblodistributeurs, les entreprises SRD, les radiodiffuseurs, etc., contribuent à l'enrichissement de notre contenu canadien.

J'ai entendu vos remarques sur la comparaison entre l'exemption et l'octroi de licences, mais je ne sais pas si exemption veut dire paiement ou non. Peut-être que vous en avez une meilleure idée, mais je vous ai entendu parler de licence et de paiement. Et pourtant, si l'on se fie à votre déclaration précédente, qui voulait la continuation de l'exemption, d'où viendrait ce paiement?

[Français]

Mme Bertrand-Venne: Dans l'exemption, il y a une obligation?

M. Légaré: Oui, dans les exemptions, il y a des obligations en matière de contribution au contenu canadien. En ce qui a trait au pourcentage des recettes, nous considérons qu'un pourcentage de 5 p. 100 est nettement insuffisant. D'ailleurs, comme d'autres organismes qui ont soumis un mémoire concernant le décret, la Directors Guild of Canada, la Writers Guild of Canada, nous pensons qu'un pourcentage de 10 p. 100 des recettes brutes seraient beaucoup plus satisfaisant. Si on s'attarde aux contributions actuelles des télévisions locales, on constate qu'elles sont plus près de 20 p. 100 que de 5 p. 100. Dans ce cas-là, il s'agit de recettes nettes.

Mme Bertrand-Venne: On ne voulait pas se prononcer sur les différends entre les entreprises.

[Traduction]

M. Ianno: Pardon. Vous avez dit recettes nettes?

[Français]

M. Légaré: Je parlais de 10 p. 100 des recettes brutes.

[Traduction]

Mme Bertrand-Venne: Ce qui veut dire brut.

M. Ianno: Parce que ça pourrait être beaucoup moins. Forrest Gump n'a toujours pas récupéré ses...

Mme Bertrand-Venne: Non. Nous le comprenons.

M. Ianno: Une autre partie de la déclaration m'a pris de court. Vous dites que le libellé des deux décrets est tellement détaillé qu'il semble dire que le gouvernement veut lui-même gérer le processus d'octroi des licences ainsi que les entreprises de distribution directe à domicile par satellite, plutôt que de laisser ce soin au CRTC. Est-ce que vous le croyez vraiment?

Mme Bertrand-Venne: D'après le libellé, oui.

M. Ianno: Donc vous croyez vraiment que le Cabinet veut commencer à s'immiscer dans l'émission de licences...

[Français]

Mme Bertrand-Venne: On trouve que le décret est trop précis. On s'attendait à ce que le gouverneur en conseil fasse des recommandations de politique générale pour l'introduction de cette nouvelle technologie au lieu d'être très précis et de nous forcer à venir vous parler de points du décret qui sont très précis. On a affaire à des législateurs et on s'attend à ce que vous ayez des recommandations à faire à l'organisme de réglementation, suivant l'esprit de cette loi.

[Traduction]

M. Ianno: Et vous ne croyez pas que le Cabinet, en déclarant qu'il veule qu'il y ait concurrence et en mettant sur un même pied d'égalité tous les éventuels concurrents, a énoncé un genre de politique générale?

Mme Bertrand-Venne: Non, c'est un très joli...

M. Ianno: Est-ce une politique générale ou est-ce une politique précise?

.1755

Mme Bertrand-Venne: Je vais renoncer à mon droit de m'exprimer en français afin que vous puissiez mieux comprendre ce que j'essaie de vous dire. C'est très important que vous compreniez.

Là où nous voulons en venir c'est que le contenu devrait être tout aussi important pour vous. L'aspect culturel de ce dont il est question aujourd'hui est tout aussi important que l'aspect commercial. Nous n'avons rien contre ces entreprises comme telles. Mais elles devraient toutes être assujetties à la même loi.

M. Ianno: Absolument; alors lorsque le conseil des ministres dit simplement que la politique générale est de favoriser la concurrence, il doit retourner devant le CRTC pour déterminer les paramètres que le CRTC estime être importants, par exemple le contenu canadien, qui relève du CRTC. C'est plus précis comparativement à la politique générale, n'est-ce pas? En d'autres mots, le Cabinet suggérait que le CRTC continue de jouer son rôle dans la détermination des aspects précis. Ce n'est pas que le Cabinet allait préciser tous les aspects auxquels vous avez fait allusion; il n'en a pas parlé.

M. Hanrahan: La position du Parti réformiste.

Des voix: Oh, oh!

M. Ianno: Alors à votre avis, quelle est la position du Parti réformiste à ce sujet? S'agit-il de politique générale ou précise?

[Français]

Le président: Ce n'est pas un débat, mais plutôt un dialogue avec les témoins.

Mme Bertrand-Venne: On est venus défendre le contenu canadien.

M. Légaré: On peut comprendre que le gouvernement souhaitait peut-être mettre le principe de la concurrence de l'avant. Pour nous, même si la concurrence est intéressante, elle n'est pas un objectif en soi. L'objectif, c'est la Loi sur la radiodiffusion et le contenu canadien. La concurrence entre Expressvu et Power DirecTv...

[Traduction]

M. Ianno: Et c'est ce que le CRTC déterminera.

[Français]

M. Légaré: ...peut avoir des avantages pour le consommateur. Il faudrait peut-être s'interroger sur la concurrence qui existera chez les créateurs et au sein de l'industrie de la radiodiffusion. Notre objectif n'est pas le même à ce niveau-là. Il est arrivé, par le passé, qu'on souhaite l'intervention du gouvernement. Lorsque le CRTC a octroyé certaines licences qui, d'après nous, n'imposaient pas un contenu canadien suffisant, Shaw Cablesystems, COGECO et beaucoup de créateurs et d'artistes ont demandé à ce qu'elles soient révisées.

Dans le cadre de la loi, le gouvernement a dit: «Révisez votre décision». Le gouvernement n'a cependant pas dit: «Révisez-la et voici les paramètres exacts que vous devrez utiliser.» Le gouvernement a laissé au CRTC comme organisme réglementaire le soin de revoir sa position. Déjà, c'était une position importante que de demander cette révision. Nous nous demandons si le gouvernement va plus loin et est trop précis dans ses décrets. Au lieu de faire le travail du CRTC, il doit demander au CRTC de refaire son travail. Ce n'est pas au gouvernement de faire ce travail.

Mme Bertrand-Venne: Vous avez été un peu distrait quand j'ai parlé tout à l'heure. J'ai dit que la demande d'Expressvu était une demande de licence et qu'on lui a donné une exemption. C'est peut-être là que le gouverneur en conseil...

[Traduction]

M. Ianno: Mes deux questions sont aux fins d'information. Pour ce qui est du marché gris, depuis quand existe-t-il selon vos renseignements?

M. Légaré: Selon mes renseignements, peut-être un an.

M. Ianno: Le marché gris?

[Français]

M. Légaré: Il semblerait que 40 000 soucoupes soient disponibles à l'heure actuelle au Canada.

[Traduction]

M. Ianno: Monsieur le président, avez-vous ce chiffre? Vous en souvenez-vous?

Le président: Non. J'allais dire que j'aurais cru que le marché gris, si on comprend bien qu'il s'agit d'un service canadien qui n'a pas une licence complète mais qui n'est pas illégal - datait de 10 ou 15 ans.

M. Ianno: C'est exact. En d'autres mots, ça fait environ 10 ou 15 ans, est-ce que nous sommes en train de vous dire que le CRTC en la personne de Keith Spicer nous a indiqué qu'à part cette date du 1er septembre, s'ils n'ont pas émis de licence, ce sera probablement décembre 1995, soit trois mois de plus.

Voilà l'autre question que j'aimerais vous poser. Entre septembre et décembre, quel sera le taux de croissance du marché gris qui vous inquiète tant qui prendra le dessus sur le système, comme Hugh du Parti réformiste l'a dit, et qui fera en sorte que cela ne vaudra plus la peine pour ces autres compagnies?

Hugh, croyez-vous sincèrement qu'Expressvu va annuler sa demande à cause de ce retard de septembre à décembre, parce que l'entreprise n'est plus viable?

M. Hanrahan: Je crois que nous devrions permettre aux analystes de s'exprimer. M. Ianno et moi nous pouvons en discuter en privé par la suite.

Le président: Merci.

[Français]

M. Légaré: Il y a deux questions. On dit que le marché gris va croître de 10 000 soucoupes supplémentaires par mois, mais la question n'est pas là non plus.

Il y a un autre principe qui est appliqué rétroactivement. Il s'agit d'une décision relative à un organisme qui, lorsque l'exemption a été obtenue, agissait dans le sens de la loi.

.1800

Cela nous dérange davantage que le marché gris, qui est accessoire. Ce sont des données intéressantes, mais pour nous, ce n'est pas souhaitable. Ce sont des principes qui s'opposent. Oui, on souhaite que tout le monde ait des licences. C'est un principe. Oui, on souhaite que lorsqu'un organisme ou une compagnie a respecté les critères énoncés dans sa demande et a obtenu ce qu'elle a demandé, on ne lui applique pas une décision de façon rétroactive. C'est un principe important.

[Traduction]

M. Ianno: La compagnie a demandé une licence et non pas une exemption. Ce n'est pas ce qu'elle a demandé, n'est-ce pas? Alors elle n'a pas obtenu ce qu'elle a demandé.

Le président: Je vais intervenir, car je vois que...

[Français]

une dernière question de M. Leroux et j'aimerais bien poser moi-même une dernière question.

M. Leroux: S'il y avait un imbroglio juridique entre le gouvernement, le CRTC et Expressvu, quelles en seraient les conséquences?

Mme Bertrand-Venne: Les gens ont fait des erreurs, et c'est ce qui retarde l'implantation de ce service. C'est malheureux, car c'est toujours le contenu qui écope. Les créateurs du pays attendent, les gens des entreprises sont dans la zone grise, mais il y a aussi les créateurs qui se trouvent à faire en sorte que les politiques d'introduction de licences, etc. ne sont pas débattues dans les bons forums. On est ici devant vous et on devrait être devant le CRTC pour débattre des licences des différentes entreprises. Cela déplace la discussion dans les mauvais forums.

M. Légaré: On peut se demander si cela ne risque pas de mettre en cause l'efficacité, le caractère fonctionnel du cadre réglementaire. Compte tenu de l'importance de ce cadre, c'est embêtant. On pense que les règles du jeu doivent être claires pour que le système puisse se maintenir.

Le président: Ma dernière question a trait à la distinction entre la position de la SARDeC et celle de la SPACQ. Je vois une distinction. Si j'ai bien compris Mme Bertrand-Venne, selon elle et la SPACQ, et le Conseil et le gouvernement ont eu tort. C'est-à-dire qu'il y a eu des erreurs des deux côtés et la seule solution est d'obliger tout intervenant à suivre le processus d'octroi de licence. Vous allez mettre tout le monde sur un pied d'égalité.

La SARDeC a quelques réserves au sujet de l'exemption, mais selon elle, mettre tout le monde sur un pied d'égalité ne serait pas une solution. On dit qu'Expressvu peut continuer de vivre avec l'exemption, tandis que Power DirecTv devrait suivre une route plus ardue, la route de la licence. Il n'y a pas d'égalité. Est-ce la distinction à faire entre les deux organisations que j'ai devant moi?

M. Légaré: C'est vrai que pour nous, il ne s'agit pas de mettre tout le monde le même pied. Au niveau de la concurrence, peut-être ne seraient-ils pas sur un pied d'égalité. On pense que Power DirecTv sera sans doute en mesure de réagir fortement. Dans l'exemption, ce qui nous apparaît moins dangereux, ce sont les obligations. Dans la demande de Power DirecTv, ce qui nous apparaissait dangereux, c'était les questions de propriété croisée, l'utilisation de satellites américains et la contribution des télévisions à la carte. Est-ce que les systèmes canadiens de télévision à la carte pourraient être accessibles sur Power DirecTv autant qu'il serait souhaitable? En ce sens, on ne parle pas pas de mettre tout le monde sur le même pied. Pour nous, cela se situe plutôt au niveau de l'identité culturelle et de son renforcement.

Le président: Merci bien de votre présentation. Mes collègues et moi-même avons l'obligation de voter dans 25 minutes. On vous remercie encore une fois.

La séance est levée.

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