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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 28 septembre 1995

.1535

[Traduction]

Le coprésident (sénateur Oliver): Cette séance du Comité mixte spécial sur un code d'éthique est ouverte.

J'aimerais faire un accueil chaleureux à votre séance de cet après-midi à M. Mark Audcent et à Mme Judy Davidson, avocate générale, services juridiques de la Chambre des communes.

Avant de commencer, nous voulions tenir une courte séance de comité pour approuver des procès-verbaux du comité directeur, mais nous n'avons pas le quorum pour le faire. S'il y a quorum plus tard, si cela ne vous dérange pas, je voudrais vous interrompre brièvement pendant que nous réglerons ces petites questions administratives, et ensuite vous pourrez poursuivre.

Je dois aussi signaler que les attachés de recherche de notre comité ont préparé d'excellentes questions. Si nous n'avons pas l'occasion de toutes vous les poser aujourd'hui, pour une raison ou une autre, nous aimerions vous en remettre un exemplaire en vous priant d'y répondre et de renvoyer les réponses au greffier et à la greffière du comité. Nos attachés de recherche ont préparé d'excellentes questions qui nous aideront énormément dans notre étude.

[Français]

Le sénateur Gauthier (Ontario): Monsieur le président, est-ce que Mme Davidson a changé de nom? Elle ne s'appelle pas Judy, que je sache, mais Diane, à moins qu'elle n'ait changé de nom. Quoi qu'il en soit, il s'agit bien de la personne qu'on a connue.

Monsieur le président, vous avez signalé quelque chose de fort important. On a, à ce comité, l'avantage d'avoir deux excellents attachés de recherche. Ils nous ont préparé 24 questions que j'ai lues et relues, et que j'ai trouvées excellentes. Elles vont certainement aider les parlementaires à être plus productifs et plus avertis dans la préparation d'un code de déontologie.

Mais pour faire suite à la suggestion que vous avez faite de déposer les questions pour que nos témoins puissent y répondre par écrit, je me demande s'il ne serait pas profitable au Comité de rédiger un document basé sur les questions que Mme Young et M. Robertson nous ont préparées et de le distribuer, non seulement à des professeurs d'université mais aussi à des législatures provinciales et à d'autres Parlements semblables au nôtre, comme ceux de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et de l'Angleterre.

Je suis en train de lire un livre intitulé

[Traduction]

The Ethical World of British MPs, de Maureen Mancuso,

[Français]

qui a été écrit par des gens qui ont eu la chance d'interviewer une centaine de parlementaires. C'est un volume excellent.

En fait, on aurait peut-être accès à une information beaucoup plus utile si on demandait à des gens en poste dans les législatures provinciales et dans d'autres législatures semblables à la nôtre, à des professeurs d'université et peut-être même à des journalistes de nous donner leur opinion sur les questions que Mme Young et M. Robertson nous ont préparées.

Si vous lisez ces questions, vous verrez qu'il y a matière à thèse et que si on la développait, on n'aurait pas besoin de siéger bien longtemps en comité. On n'aurait qu'à se servir des conclusions obtenues pour rédiger notre rapport à la Chambre des communes, rapport qui serait utile à l'élaboration d'un code de conduite pour les parlementaires.

Je dis ça, monsieur le président, parce que je pense qu'on va passer plusieurs réunions à écouter des témoins qui vont nous répéter des choses qu'on a déjà entendues.

Jusqu'à maintenant, j'ai entendu M. Wilson et M. Sharp. Les deux étaient d'excellents témoins, mais je n'ai rien appris que je ne savais déjà, parce que tout ce qu'ils nous ont dit se retrouve dans nos documents de recherche.

.1540

Si on veut obtenir des éclaircissements sur un témoignage, il faut pouvoir se référer à un document de base. Et d'après moi, les 24 questions préparées par Mme Young et M. Robertson sont excellentes pour engager le dialogue entre le comité et les témoins.

Je ne veux pas amenuiser l'apport de nos deux témoins d'aujourd'hui, car je connais leur expertise sur le plan juridique, et ils pourront peut-être nous donner un point de vue spécifique. Ce que je dis, c'est que notre défi est très vaste. Il nous faut créer un code de déontologie qui est, selon l'interprétation qu'on en fait, un code de conduite pour les parlementaires.

Ma suggestion est donc claire, monsieur le président: Est-ce que vous ne pourriez pas demander à nos attachés de recherche de mettre ces questions sous forme de document qui pourra être distribué aux autorités compétentes en la matière afin d'aider le comité dans sa réflexion sur le mandat qui lui a été confié?

[Traduction]

Le sénateur Di Nino (Ontario): Laissez-vous entendre que nous ne devrions pas entendre les témoins aujourd'hui?

Le sénateur Gauthier: Non, ce n'est pas ce que je voulais dire. Je voulais simplement dire que notre personnel de recherche...

Le sénateur Di Nino: Oui, je le sais. J'ai compris.

Le sénateur Gauthier: ...qui a d'ailleurs beaucoup contribué à nos travaux d'aujourd'hui.

Le sénateur Di Nino: Je suis d'accord.

Le sénateur Gauthier: ...pourrait peut-être rédiger à partir de ces éléments un questionnaire qui serait soumis à d'autres autorités compétentes. Je sais de quoi Mme Davidson et M. Audcent vont nous parler, mais le débat pourrait s'éterniser si on leur posait chacune des 24 questions et ils seraient ici jusqu'à demain matin.

Le coprésident (M. Milliken): La proposition est excellente, sénateur Gauthier. Nous pourrions peut-être demander aux recherchistes de préparer un tel document et de le remettre au comité de direction. Nous pourrions alors discuter d'une ébauche qui conviendrait à nos besoins, étant donné que, comme vous le savez, tel n'était pas l'objectif du document au départ. Par la suite, nous pourrions peut-être le transmettre à certaines personnes qui, autrement, ne souhaiteraient peut-être pas comparaître.

Le sénateur Gauthier: Je vais vous expliquer mon objectif. Je sais que le processus pourrait être très long pour bon nombre d'entre nous. Lorsque nous aurons une réponse, nous pourrions même la transmettre aux parlementaires de la Chambre des communes et du Sénat et leur demander comment ils répondraient. Leurs expériences pourraient peut-être aider le comité à mieux cerner certaines questions et pourraient même nous informer de certaines perceptions du public qui ne sont pas fondées.

D'après moi, une fois obtenus les résultats du questionnaire, nous pourrions subdividiser le comité en deux ou trois sous-comités, chacun s'intéressant plus particulièrement à certains aspects de notre travail, au lieu de tenir une discussion générale chaque fois que nous nous réunissons, les mercredis, mardis ou jeudis. Il me semble que ce serait opportun.

Nous en avons fait l'expérience pour les affaires étrangères et les résultats ont été bons. Le système des sous-comités fonctionne très bien dans cette chambre, avec la participation du Sénat.

De toute manière, il s'agit d'une proposition dont vous voudrez peut-être tenir compte.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Nous vous remercions beaucoup de la proposition.

Je dois dire qu'une ébauche de questionnaire a déjà été rédigée. Le comité précédent a pu s'en servir à peu près de la manière que vous proposez. Les deux recherchistes ont accepté d'étudier votre proposition et ils vont préparer un document pour le comité de direction. Nous pourrons donc nous pencher là-dessus lors de notre prochaine réunion. La proposition est excellente.

Le sénateur Gauthier: Merci.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Je m'excuse par ailleurs d'avoir attribué involontairement le mauvais prénom à Mme Davidson.

J'invite maintenant les deux témoins à faire leur exposé, dans l'ordre de leur choix. Ensuite, les membres du comité auront des questions à poser à chacun d'entre eux.

[Français]

M. Mark Audcent (adjoint au légiste et conseiller parlementaire du Sénat): Honorables sénateurs, honorables députés, bonjour.

[Traduction]

Je m'appelle Mark Audcent. Je suis le légiste ajoint et le conseiller parlementaire du Sénat et c'est à ce titre que je m'adresse à vous aujourd'hui.

Je n'ai pas l'intention de vous lire le mémoire que j'ai rédigé. Il vous sera distribué et je vais me borner à vous en donner le contenu d'une façon générale, plutôt que de le lire.

Certains membres du comité ont dit qu'ils souhaitaient savoir quelles étaient les règles existantes. Je considère justement que mon rôle principal aujourd'hui consiste à vous décrire quelles sont les lois et les règles actuelles qui s'appliquent aux sénateurs.

Permettez-moi d'aborder tout d'abord une disposition particulière. Elle est d'autant plus intéressante que nous ne l'englobons pas normalement sous la rubrique des conflits d'intérêts. Il s'agit du paragraphe 31(2) de la Loi constitutionnelle de 1867, qui interdit aux sénateurs de souscrire une reconnaissance d'allégeance à une puissance étrangère. Il s'agit-là également d'une forme de conflit d'intérêts et il vaut la peine de signaler que la loi en prévoit d'autres qui n'ont rien à voir avec les aspects financiers.

.1545

Je passe maintenant au texte de loi le plus important qui renferme des dispositions en matière de conflits d'intérêts, c'est-à-dire le Code criminel. Le simple fait d'être accusé d'un acte criminel constitue en effet une grave atteinte à la réputation.

L'article 119 du Code criminel s'applique expressément aux membres du Parlement, ce qui comprend, bien entendu, les sénateurs. Il interdit la corruption ce qui est, évidemment, compréhensible.

Certains autres articles posent problème. En effet, l'article 118 du Code criminel comporte une définition du terme «fonctionnaire», ou «official». Or, dans la décision qu'elle a rendue dans l'affaire Martineau et Giguère, la Cour suprême a statué qu'un sénateur est un fonctionnaire au sens de la définition. Les articles 121 et 122 du Code criminel deviennent donc pertinents.

La décision a été contestée dans de nombreux milieux. Le comité qui vous a précédé l'a mise en doute. La Division criminelle de la Cour du Québec en a fait autant et je fournis une citation à cet égard dans mes notes.

Je crois donc que votre comité voudra juger dans quelle mesure la décision de la Cour suprême du Canada correspond à l'intention du législateur, parce que si elle s'en écarte, vous souhaiterez peut-être prendre les mesures qui s'imposent.

J'attire maintenant votre attention sur la Loi sur le Parlement du Canada. Les articles 14 à 16 de cette loi visent les conflits d'intérêts qui concernent les sénateurs. C'est le paragraphe 14(1) en particulier qui mérite votre attention. Je cite:

Il s'agit d'une disposition adoptée à l'origine en 1878 et dont la mise à jour s'impose absolument.

Dans le jugement qu'elle a rendu dans l'affaire Gillespie c. Wheeler, la Cour suprême du Canada s'est intéressée à l'interprétation que les tribunaux peuvent faire de la législation qui vise les conflits d'intérêts. Tout en notant les effets bénéfiques d'une telle législation, la Cour a déclaré qu'elle allait en faire une interprétation très rigoureuse. Par conséquent, le libellé actuel du paragraphe 14(1) pose un problème pour ce qui est des conseils à donner au gouvernement, notamment du fait qu'il s'applique à tous contrats, que les parlementaires en tirent un avantage ou non. Il s'agit donc d'un problème considérable.

Depuis le début du XXe siècle, la participation du gouvernement aux affaires et à la société a connu une croisanace exponentielle, de telle sorte qu'il est extrêmement difficile, à la lumière de cette disposition, de donner des conseils aux sénateurs ou pour les sénateurs de régler leur conduite.

En dernier lieu, le Règlement du Sénat énonce certaines règles de conduite pour les sénateurs en matière de conflits d'intérêts. Je vous ai donné les renvois pertinents. J'estime que, pour l'essentiel, ce Règlement s'applique uniquement aux projets de loi d'initiative privée, ce qui leur donne une portée fort restreinte.

Je voudrais maintenant vous parler du bureau du Légiste et conseiller parlementaire du Sénat et de son rôle par rapport aux sénateurs.

Pour le bureau, chaque sénateur est un client. Nos conseils sont donc donnés sous le sceau des relations avocat-client et nous ne divulguons donc jamais à quiconque les questions qui nous ont été posées ou les conseils que nous avons reçus. Évidemment, c'est le client qui détermine dans quelles mesures le secret des relations avocat-client doit être maintenu. Il est toujours libre de divulguer nos avis. Je le signale donc.

Au nombre des problèmes que comporte le système actuel, il y en a un sur lequel vous voudrez peut-être vous pencher. Il s'agit du fait que nous fournissons des avis juridiques qui ne sont contraignants pour personne. Dans l'affaire Gillespie c. Wheeler, comme vous pourrez le lire dans les notes, M. Wheeler avait consulté deux groupes distincts de juristes en matière de conflits d'intérêts. On lui avait dit que s'il agissait d'une certaine façon, il ne serait pas en situation de conflits d'intérêts. Or, la Cour suprême a conclu qu'il était en situation de conflit d'intérêts. Les parlementaires peuvent don solliciter notre avis, mais il est à noter que nos avis ne sont justement que des avis.

.1550

S'il y avait un moyen qui vous permettrait de demander, «Est-ce que je peux faire cela?» est-ce raisonnable, et dans l'affirmative vous sauriez alors que tout était en règle, ce qui constituerait un énorme progrès pour les sénateurs.

La dernière question sur laquelle j'aimerais attirer votre attention lors de mes observations préliminaires porte sur le lien entre tout régime que vous voudriez peut-être créer et l'immunité parlementaire.

Il y a deux cas dans l'ouest du Canada où les conseillers d'éthique ont été poursuivis en justice par des députés, donc on finit par faire face à une procédure judiciaire.

Je crois que les membres du comité vont vouloir examiner de très près la question de savoir si vous voulez que le régime créé soit assujetti à une révision par les tribunaux, ou si vous ne jugerez aussi pas préférable de faire valoir l'indépendance de la Chambre des communes, sa capacité de se gouverner, et de traiter ces questions à l'interne tout simplement. La différence se situe entre l'utilisation d'une loi et l'adoption d'une résolution à l'interne. Donc, c'est un autre aspect que le comité voudra peut-être examiner de très près.

Ceci étant dit, je céderai la parole à Mme Davidson, et ensuite je serais prêt à répondre à vos questions.

[Français]

Mme Diane Davidson (avocat général, Services juridiques, Chambre des communes): Je souhaite remercier le Comité de son invitation à comparaître aujourd'hui sur une question très importante: les conflits d'intérêts.

Le but de mon exposé n'est certainement pas de vous énumérer en détail les règles sur les conflits d'intérêts, car la plupart des députés savent où les trouver. Je vais plutôt vous entretenir sur la manière dont mon bureau peut interpréter ces règles, ce qui pourra peut-être vous aider par la suite dans vos délibérations.

La première chose que je voudrais mentionner au comité, c'est qu'au début de cette législature, on a communiqué avec tous les députés de la Chambre et on leur a offert de les rencontrer pour discuter des règles qui leur étaient applicables. On leur a également préparé un document qui énonçait de façon très simple les règles sur les conflits d'intérêts.

Nous avons été agréablement surpris de voir qu'un très grand nombre de députés ont accepté l'offre de rencontrer les conseillers juridiques afin de savoir exactement ce qu'était un comportement répréhensible. Ils voulaient éviter à tout prix toute irrégularité ou, ce qui était presque aussi important, toute apparence d'irrégularité.

Les questions qu'on nous pose généralement ont trait aux cadeaux, aux faveurs. Quant aux types de conflits d'intérêts portés à notre attention, ils sont relatifs à l'acceptation d'objets promotionnels sans valeur, à des cotisations à des clubs athlétiques, sociaux, à des voyages à l'étranger.

Nous avons affaire à des députés qui souhaitent obtenir des renseignements sur les professions incompatibles parce qu'ils veulent savoir s'ils peuvent continuer à exercer leur profession tout en étant députés.

On nous demande souvent si on peut accepter des honoraires ou des salaires lorsqu'on publie un article dans un journal ou dans une revue, lorsqu'on passe à la radio ou à la télévision ou lorsqu'on donne une conférence.

Les députés qui sont actionnaires, administrateurs ou dirigeants d'une entreprise ou d'une oeuvre de charité s'interrogent également sur les questions de conflits d'intérêts.

.1555

Cela est davantage pertinent lorsque l'entreprise en question reçoit des subventions ou des contrats du gouvernement ou de l'un de ses organismes.

Les questions concernent non seulement les députés eux-mêmes, mais également les membres de leur famille et leur personnel en poste, tant à Ottawa que dans leur bureau de circonscription. Comme les questions sont d'ordres divers, nous ne pouvons établir de catégorisation précise. Nous ne pouvons non plus en révéler la teneur, car comme M. Audcent vous l'a mentionné, nous donnons des conseils sur une base avocat-client.

Quels types de conseils donnons-nous? Évidemment, nous donnons des conseils pour que le député soit le mieux éclairé possible quant à la conduite à avoir eu égard aux règles de conflits d'intérêts. Nous optons toujours pour la prudence et pour une interprétation stricte.

On souligne toujours aux députés qu'il est important non seulement de respecter la lettre de la loi, mais également de tenir compte de l'impression que leurs actions ou leur ligne de conduite peuvent laisser sur les autres. Notre devoir n'est certainement pas de dénicher des échappatoires ou de trouver des moyens de justifier des lignes de conduite qu'un député peut adopter impunément.

[Traduction]

Dans nos rapports avec les députés, il y a des constantes et j'ai pensé qu'il serait utile de vous communiquer quelques-unes des observations que j'ai faites pendant l'examen rapide de nos dossiers en prévision de la réunion d'aujourd'hui.

D'abord, il s'agit de la première législature qui disposait dès le début d'un jeu complet des règlements administratifs du Bureau de régie interne qui sont entrés en vigueur en 1993. Il s'agit de directives claires adoptées par la Chambre concernant la façon dont les députés utilisent les fonds et les biens publics dont ils disposent pour accomplir leurs fonctions parlementaires.

Les allégations d'irrégularités qui étaient le plus souvent portées naguère contre les députés avaient trait à leur utilisation des budgets parlementaires. À mon avis, les règlements administratifs du Bureau de régie interne ont assaini la situation en réduisant le pouvoir discrétionnaire qu'exercent les députés sur les fonds et les ressources parlementaires et en dissipant toute ambiguité concernant la régularité de l'utilisation qu'ils font des diverses ressources.

J'ai trouvé remarquable que les députés aient posé des questions bien précises dans nos entretiens. Ils tenaient à éviter la moindre irrégularité dans l'exercice de leurs fonctions. D'après leurs commentaires, les députés cherchent une réponse bien précise et compréhensible. Ils veulent la certitude, une certitude telle qu'ils puissent s'en servir pour prouver la régularité de leurs actions.

En examinant cette question, j'ai constaté que les dispositions de la Loi sur le Parlement du Canada en matière de contrats présente de grandes difficultés d'interprétation. Votre comité en est sûrement conscient et je ne vais pas répéter en détail les conclusions des autres comités de la Chambre qui ont examiné la question des conflits d'intérêt. Je pense notamment au projet de loi C-43 et au comité qui examinait le projet de loi C-116.

Les deux comités ont signalé les dispositions problématiques de la Loi sur le Parlement du Canada. Je pense particulièrment aux articles 34 à 40 de la loi.

.1600

Je décrirai à l'intention du comité l'un des problèmes d'interprétation les plus courants.

L'article 34 de la Loi sur le Parlement du Canada stipule que le mandat de député est incompatible avec le fait de définir, souscrire ou exécuter, directement ou non, un contrat ou marché avec le gouvernement du Canada mettant en jeu des fonds publics fédéraux.

L'article 40 de cette loi prévoit toutefois certaines exceptions, notamment dans le cas des actionnaires d'une personne morale et liée par contrat ou marché avec le gouvernement fédéral. À mon avis, étant donné que cette disposition ne fait pas la distinction entre une participation minime et une participation importante dans une société, elle ne s'applique pas à ceux qui détiennent une part importante des actions d'une entreprise et permet aux actionnaires majoritaires de s'en tirer à bon compte alors que, présumément, cet article vise à protéger les petits actionnaires dont l'influence sur l'exploitation de la société est minime ou nulle.

Comme maître Audcent l'a si bien décrit, un autre problème se pose, en ce sens qu'une certaine partie de la jurisprudence prévoit qu'il serait irréaliste de croire que, en général, le dirigeant d'une société qui en est aussi actionnaire, par exemple, ne sera pas en situation de conflit d'intérêts. Par conséquent, si nous adoptons la position de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Wheeler, il nous faudrait demander à tous les députés d'abandonner leurs fonctions de dirigeants d'entreprise s'ils ne veulent pas enfreindre la Loi sur le Parlement du Canada.

Le plus difficile pour mon bureau a probablement été de donner des conseils aux députés relativement à la disposition sur les marchés publics prévus à l'article 38.

L'article 38 exige l'inclusion d'une clause dans tous les marchés publics. Cette disposition s'applique, par exemple, aux députés qui sont aussi agriculteurs et qui souhaitent participer à différents programmes subventionnés d'assurance-récolte.

De même, l'interprétation du terme «bénéfices» a aussi été la source de grande préoccupation chez les députés qui siègent au conseil d'administration ou sont administrateurs d'organisations à but non lucratif qui reçoivent des subventions fédérales. On craint que l'association d'un député à une organisation ne soit interprétée comme constituant une participation aux bénéfices découlant du financement de cette organisation et que celle-ci ne se voit refuser les subventions en raison de l'association d'un député avec l'organisation ou ses programmes.

[Français]

Qu'en est-il des dispositions du Code criminel? Je crois que Me Audcent nous a très bien décrit les difficultés qu'on peut rencontrer. En examinant les dispositions du Code criminel, on se rend bien compte qu'on utilise le mot «fonctionnaire» et que ce mot a été interprété comme incluant les députés.

La jurisprudence nous démontre que cette disposition a également donné beaucoup de fil à retordre aux tribunaux qui ont peiné pour trouver des moyens d'appliquer le fond de l'alinéa aux élus. À mon avis, une modification à ce passage du Code criminel s'impose, et il serait souhaitable que l'article soit précisé, comme l'indiquait Me Audcent dans son exposé.

J'offre plus de précisions à cet égard dans mes notes écrites et je vous prierais d'en prendre connaissance.

.1605

Enfin, en révisant les délibérations de votre comité, j'ai constaté que certains de ses membres voulaient savoir à quels types d'entreprises et d'activités professionnelles les députés pouvaient s'adonner en cours de mandat.

Les règles qui se retrouvent dans la Loi sur le Parlement du Canada concernent surtout l'emploi au service du gouvernement fédéral et l'exercice d'un certain nombre de fonctions dans les services provinciaux.

Toutefois, ces dispositions de portée assez limitée ne nous aident en rien à conseiller les députés au sujet de la foule d'activités auxquelles ils participent ou peuvent participer de nos jours.

[Traduction]

En conclusion, si j'ai un message à vous transmettre aujourd'hui, c'est que les députés veulent mener leurs affaires d'une manière ordonnée, honnête et transparente. À mon avis, les règlements administratifs du Bureau de la régie interne ont permis de réaliser beaucoup de progrès en ce qui touche aux fonds et services parlementaires mis à la disposition des députés, et toute ligne directrice que pourrait élaborer votre comité afin de couvrir les zones grises que j'ai mentionnées dans mon texte et dans mon exposé oral, serait sûrement utile. Merci.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Je vous remercie, vous avez tous les deux présenté d'excellents exposés.

J'ai surtout apprécié ce que vous venez de dire. Vous avez commencé par dire que c'est la première fois qu'il y a des règlements administratifs destinés à aider les parlementaires. Et, à la page 4 du document de Mark Audcent, je dis ceci:

À ma connaissance, le Sénat n'a pas de règlements de ce genre, semblables à ce que vous avez à la Chambre des communes. Ce serait bien si vous pouviez nous en dire un peu plus sur ce qui est visé par ces règlements.

Le sénateur Di Nino, du comité de la régie interne du Sénat est ici et cela pourrait lui être utile d'entendre les propos que vous avez tenus avec tant de fierté.

Le sénateur Di Nino: Monsieur le président, comme je vous l'ai dit, je dois partir à 16h10 mais je veux bien rester une ou deux minutes de plus.

Mme Davidson: Les règlements adoptés par le Bureau de la régie interne de la Chambre des communes renferment les règles qui régissent l'emploi des fonds affectés aux députés pour l'exercice de leurs fonctions parlementaires. Par exemple, des dispositions existent sur l'emploi des points de voyage, du budget parlementaire, des services d'impression, sur l'embauche de personnel et les restrictions qui s'y appliquent, l'utilisation du matériel de leur bureau, l'achat d'articles, etc. Ces règles sont très détaillées et sont rédigées en termes simples faciles à comprendre.

Le Règlement prévoit aussi que le député peut demander l'avis du Bureau de la régie interne en cas de doute, s'il ne sait trop s'il peut employer les fonds de telle ou telle façon. Le bureau a pour fonction d'aider les députés et de le conseiller en la matière.

Je précise que la Loi sur le Parlement du Canada donne au bureau le pouvoir exclusif de statuer sur le bon usage des fonds et du matériel par les parlementaires. Je veux dire par là que le bureau est le seul organe habilité à conseiller le députés concernant l'usage des fonds parlementaires.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Merci beaucoup.

À titre d'avocat général, avez-vous trouvé ce document utile?

Mme Davidson: Oui, c'est un document de consultation facile qui permet aux députés de savoir très aisément à quel usage ils peuvent affecter les fonds parlementaires qui leur sont confiés.

Le sénateur Di Nino: Puis-je poser une question?

Le coprésident (le sénateur Oliver): Il y a sur ma liste le député Gurbax Malhi et le sénateur Gauthier. Le sénateur Di Nino doit attraper un avion. Auriez-vous l'obligeance...

Le sénateur Gauthier: Volontiers.

.1610

Le sénateur Di Nino: Je voulais savoir seulement si ce que l'on nous a remis est le règlement au complet ou si ce n'est qu'un extrait.

Mme Davidson: Il s'agit du feuillet d'information remis à tous les parlementaires au début de la législature. Nous voulions qu'il n'y ait qu'un seul document et qu'il soit simple.

Le sénateur Di Nino: Le texte au complet est-il plus long?

Mme Davidson: Il faut consulter la loi; vous n'avez ici qu'une version abrégée des règles.

Le sénateur Di Nino: Ce n'est donc qu'un guide, n'est-ce pas, madame Davidson?

Mme Davidson: Précisément. C'est un guide que le parlementaire peut consulter rapidement pour voir quelles sont les règles.

M. Malhi (Bramalea - Gore - Malton): Madame Davidson, selon vous, quels points le comité devrait-il inclure dans un code de conduite à l'intention des parlementaires? Celui-ci devrait-il porter uniquement sur les questions pécuniaires ou englober aussi d'autres questions, d'ordre moral?

Si un parlementaire est invité à prendre la parole quelque part au pays ou à l'étranger à des fins éducatives ou religieuses, par exemple, et si le coût du voyage est assumé par l'organisation religieuse ou la maison d'enseignement en cause, s'agit-il d'un conflit d'intérêts?

Mme Davidson: En réponse à votre première question sur la teneur d'un code de conduite, je dirai ceci.

On a laissé entendre que les parlementaires doivent pouvoir compter sur des principes pour les guider dans l'adoption de ce qui constitue une bonne conduite dans le cas d'un parlementaire.

Je lisais un article dans la review of the Law Society et je suis tombée sur un passage qui donne des indications sur la teneur d'un code de conduite. Je cite:

Le texte cite ensuite Harry Arthurs, un auteur britannique, qui a dit ceci:

Autrement dit, le code peut renfermer à la fois des principes et de règles pratiques. Il peut se situer au niveau abstrait et au niveau concret.

Si j'ai bien compris votre dernière question, vous voulez savoir si un parlementaire pourrait effectuer un voyage à des fins éducatives.

M. Malhi: À des fins éducatives ou religieuses.

Mme Davidson: Ou religieuses?

M. Malhi: Oui, dans le cas où la maison d'enseignement ou l'organisation religieuse défraie le parlementaire.

Mme Davidson: C'est quelque chose que vous feriez en votre qualité de parlementaire?

M. Malhi: Je voulais seulement savoir si, dans le cas où je serais invité comme parlementaire, il y aurait conflit d'intérêts.

Mme Davidson: J'ai beaucoup de mal à vous répondre dans l'abstrait. Il faudrait que je détermine s'il y a ou non un lien avec les fonctions de parlementaire.

Le sénateur Olson (Alberta-Sud): Il a dit, je crois, «dans le cas où le parlementaire est invité».

Le coprésident (le sénateur Oliver): Il faudrait disposer de tous les faits avant de pouvoir dire comment la loi s'applique.

Mme Davidson: C'est juste.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Vous pourriez peut-être donner une réponse lorsque vous serez en possession de tous les faits.

J'ai dit au début que lorsque nous aurions le quorum j'allais interrompre un instant nos délibérations officielles pour nous occuper du rapport du sous-comité du programme et de la procédure. Tout le monde a reçu un exemplaire de ceci.

.1615

Le sous-comité s'est réuni le jeudi 28 septembre 1995 pour étudier ses travaux futurs et a convenu de présenter les recommandations suivantes.

Tout le monde a-t-il le texte?

Une entente est intervenue sur la publicité, les témoins, le délai de présentation du rapport, l'impression des fascicules et les jours de séance.

Y a-t-il des questions? Dans ce cas, quelqu'un veut-il proposer l'adoption du rapport?

Mme Catterall (Ottawa-Ouest): J'aimerais savoir pourquoi nous retenons les services d'une compagnie pour distribuer un communiqué et aussi savoir ce que ça coûte?

Le coprésident (le sénateur Oliver): Mille dollars.

Le coprésident (M. Milliken): Nous retenons les services d'une compagnie pour ne pas avoir à faire de campagne de publicité pour demander aux citoyens de participer au processus. Le communiqué invitera la population à faire parvenir ses observations. Le communiqué sera distribué à plus de 100 organes de presse au pays.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Y a-t-il d'autres questions ou observations?

M. Malhi: ...[Inaudible - Éditeur] ...

Le coprésident (le sénateur Oliver): Oui.

M. Malhi: ...[Inaudible - Éditeur] ...19h30 à 21h30.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Oui.

M. Malhi: Je pense que c'est trop tard.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Après leur journée à la Chambre, les parlementaires voulaient pouvoir manger une bouchée et cela nous a semblé légitime.

Le sénateur Spivak (Manitoba): Surtout pour ceux qui viennent de l'ouest. Lorsque l'on voyage le jour même, il est très difficile d'arriver ici autrement que dans l'après-midi.

M. Malhi: Il y a des gens qui ne sont pas tenus d'être présents à la Chambre le lundi. Ils arrivent donc directement de leur circonscription le mardi.

Le coprésident (M. Milliken): Nous avons étudié cette question. Toutefois, comme tant de comités siègent le mardi, nous avons trouvé qu'il serait presque impossible de trouver un jour de séance où tous les parlementaires seraient présents vu leurs engagements dans d'autres comités.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Y a-t-il d'autres questions? Dans ce cas, quelqu'un veut-il proposer l'adoption de ce rapport?

[Français]

M. Bellehumeur (Berthier - Montcalm): Au cinquième point, est-ce qu'on fonctionne avec les heures anglaises ou avec les heures françaises?

[Traduction]

Le coprésident (le sénateur Oliver): Nous allons apporter la correction. Il manque un «3».

M. Epp a proposé l'adoption du rapport. Quelqu'un l'appuie-t-il?

La motion est adoptée

Le coprésident (le sénateur Oliver): Je m'excuse de cette digression. Retournons maintenant à nos moutons.

Le coprésident (M. Milliken): Il reste encore une chose à régler. Je propose - si j'en ai la permission, je crois que oui - que lorsque le comité présentera son rapport, les coprésidents soient autorisés à signer les rapports adressés aux deux Chambres pour reporter le délai de présentation comme le dit le rapport.

La motion est adoptée

Le coprésident (le sénateur Oliver): Je donne maintenant la parole au sénateur Gauthier.

Le sénateur Gauthier: J'ai assez l'habitude de lire en anglais. Normalement, je lis le texte en français, mais en anglais je sais qu'il y a une distinction entre «by-law» et «regulation».

[Français]

En français, c'est la même chose. Un règlement, c'est un règlement.

[Traduction]

En anglais, quelle différence y a-t-il entre by-law et regulation?

M. Audcent: Lorsque des modifications ont été apportées à la Loi sur le Parlement du Canada, conférant certains pouvoirs au Bureau de la régie interne, le Sénat et la Chambre des communes ont choisi de procéder différemment. Ainsi, la Chambre a retenu un Bureau de la régie interne, un organe indépendant de la Chambre, distinct, tandis que le Sénat a décidé de s'en remettre à son Comité de la régie interne, auquel il a ensuite donné des pouvoirs qu'il peut exercer en période d'intersession.

Cela signifie que puisque le Bureau de la régie interne de la Chambre des communes est un organe indépendant, il est doté de règlements administratifs; dans le cas du Comité sénatorial, celui-ci s'est doté de règlements.

Le sénateur Gauthier: Dans ce cas, il va falloir changer la loi parce que le texte dit ici... Je me reporte aux paragraphes 19.5 et 52.5 de la Loi sur le Parlement du Canada; le premier s'applique au Sénat et le second à la Chambre des communes. Dans les deux cas, on parle de règlements administratifs. En anglais c'est «regulations» pour le Sénat et «by-laws» pour la Chambre des communes.

.1620

Je vous comprends. Il y a donc une différence. Au fond, en quoi consiste-t-elle? En ce qui concerne le Sénat, l'article 19.5 stipule que le comité peut adopter des règlements. Dans le cas de la Chambre des communes, l'article 52.5 stipule que le bureau peut adopter des règlements administratifs. Expliquez-moi la différence.

[Français]

Mme Davidson: En ce qui concerne la Chambre des communes, à tout le moins, quand on parle de by-laws en anglais, on traduit par «règlements administratifs». Il ne faut pas oublier «administratifs», car c'est ce qui distingue le règlement administratif du Règlement, si vous voulez. «Règlements administratifs», c'est la traduction française de by-laws.

[Traduction]

Le sénateur Gauthier: Je voudrais poser quelques questions qui ne portent ni sur le libellé ni sur la sémantique.

Madame Davidson, vous nous avez dit que de nombreux députés et sénateurs se sont adressés à vos services. J'imagine qu'il s'appelle le Bureau juridique de la Chambre des communes.

Est-ce bien le nom actuel?

Mme Davidson: Notre bureau porte le nom de Services juridiques.

Le sénateur Gauthier: Vous avez dit que bon nombre de parlementaires ont demandé des informations et les conseils dans tous les domaines y compris les cadeaux, les faveurs et les objets promotionnels qu'ils pourraient recevoir, de même que l'appartenance à des organisations de type social et autres, les honoraires pour les prestations à la télévision, à la radio, et ainsi de suite.

Dans votre expérience, quelqu'un vous a-t-il demandé s'il pouvait utiliser les fonds mis à leur disposition par l'État pour financer leurs activités partisanes, par exemple? Vous a-t-on jamais demandé si les activités partisanes étaient problématiques? Je pense, au cas des certains ex-députés conservateurs qu'on avait accusés d'avoir utilisé leurs budgets parlementaires pour organiser une épluchette de blé d'inde, par exemple, et qui se sont servis de leurs bureaux parlementaires et de leurs ordinateurs pour envoyer des listes à leurs membres et pour lever des fonds dans leurs circonscriptions. Quelqu'un vous a-t-il déjà consulté à ce sujet? Pendant la dernière législature, nous avons vécu des situations semblables et cela a causé beaucoup de problèmes.

Mme Davidson: De toute évidence, les parlementaires se sont toujours interrogés sur la portée de leurs responsabilités. Je dois dire qu'ils font très attention en ce qui concerne l'utilisation des fonds publics qui sont mis à leur disposition.

Je vous signale qu'en vertu des règlements administratifs du Bureau de la régie interne de la Chambre des communes, les activités partisanes font partie des fonctions parlementaires. La Chambre a adopté, par voie de résolution, l'idée selon laquelle les activités partisanes font partie intégrante des fonctions parlementaires d'un député. Il est très difficile de faire la distinction entre les différents types d'activités partisanes. Un député est élu en fonction de ses opinions, et il lui incombe de représenter l'opinion de ses électeurs. Par conséquent, j'ai beaucoup de mal à ne pas considérer que les activités partisanes font généralement partie des fonctions parlementaires d'un député.

Le sénateur Gauthier: Je n'en disconviens pas; j'ai simplement posé la question pour que cela soit clair.

Mme Davidson: Soulignons que cela n'a suscité aucune difficulté d'interprétation quant à l'utilisation des fonds, car les activités partisanes sont reconnues. Le Bureau de la régie interne a défini très clairement les activités partisanes comme faisant partie des fonctions parlementaires du député.

Le sénateur Gauthier: Monsieur Audcent, le Sénat a-t-il prévu des dispositions semblables?

M. Audcent: Le 22 février 1990, le Comité sénatorial de la régie interne a adopté en principe la déclaration suivante, tirée d'un rapport semblable de la Chambre des communes.

.1625

Par conséquent, on tient pour acquis que les sénateurs sont partisans. Toutefois, on leur impose des restrictions quant à l'utilisation des ressources du Sénat pour des activités partisanes.

À titre d'exemple, citons la politique relative à l'affranchissement, à l'impression des bulletins parlementaires et les directives concernant les périodiques. Elle stipule:

Ainsi donc, même si l'on reconnaît que les sénateurs eux-mêmes sont partisans, il existe parfois des restrictions sur l'utilisation de leurs ressources à des fins partisanes.

Le sénateur Gauthier: Puis-je poser une autre question, monsieur le président?

[Français]

Vous avez mentionné que le mot «fonctionnaire» avait été interprété par la Cour suprême comme incluant les parlementaires. Or, je sais, par expérience, qu'il y a d'autres lois où le mot «fonctionnaire» n'inclut pas les parlementaires. La Loi électorale en est un exemple. Voudriez-vous nous faire une étude sur le mot «fonctionnaire»? Je pense qu'il faut éclaircir ce terme dans la loi.

Mme Davidson: Vous avez bien illustré la difficulté que nous avons eue avec le mot «fonctionnaire» tel qu'on le trouve dans le Code criminel. Il est juste de dire que le mot «fonctionnaire», dans d'autres lois, ne comprend absolument pas les députés. Il nous semble que lorsqu'on vise les députés ou les ministres, la loi doit être très claire et le dire très clairement.

Je crois que tout le monde ici est d'accord pour dire que le Code criminel devrait être plus clair à cet égard. Nous acceptons avec plaisir de faire l'étude que vous nous demandez aujourd'hui.

Le sénateur Gauthier: Monsieur le président, ma dernière question a trait au paragraphe 14(1) de la Loi sur le Parlement du Canada. M. Audcent et Mme Davidson y ont décelé un problème avec le mot «concerned» en anglais, qui est interprété comme «involved» et non pas comme «worried» ou «preoccupied». En français, c'est assez clair. L'interprétation est donnée au paragraphe 14(1):

«Être mêlé» en anglais se traduit par concerned. Il faudrait peut-être éclaircir cela. Je suis d'accord avec vous. Je n'avais jamais remarqué cela. Cela n'a pas de sens.

[Traduction]

Si M. Epp était partie à une transaction entre le gouvernement et un entrepreneur privé, on pourrait invoquer le paragraphe 14(1) pour l'accuser de conflit d'intérêt, n'est-ce pas? Dites-nous comment M. Epp pourrait s'en sortir.

M. Audcent: «Interested in» est un autre terme semblable que l'on retrouve dans la législation sur les conflits d'intérêts. Si j'en juge par la jurisprudence, «concerned in» a une portée plus large que «interested in». «Interested in» pourrait être limité à un intérêt commercial ou financier. «Concerned in» est un concept plus vaste qui pourrait avoir n'importe quelle signification.

Le sénateur Spivak: Je vais poser à M. Audcent une question brève sur la Loi constitutionnelle de 1867, qui empêche les sénateurs de reconnaître une allégeance à un pays étranger. Je présume que cela signifie qu'ils ne peuvent pas avoir la double citoyenneté, et qu'ils doivent donc renoncer à la citoyenneté de tout autre pays. Est-ce exact?

.1630

M. Audcent: Oui, essentiellement, c'est cela. La disposition qu'on retrouve dans la Loi constitutionnelle est sensiblement plus longue et pourrait s'appliquer à d'autres choses que la double citoyenneté. Elle vise aussi la nécessité de prêter le serment d'allégeance. Elle parle des droits et des privilèges de la citoyenneté. Je ne peux donc pas affirmer officiellement que la seule chose dont il faille s'inquiéter est la double citoyenneté. S'il s'agit de vos relations avec un pays étranger, demandez-moi de vérifier l'article pertinent pour vous.

Le sénateur Spivak: Permettez-moi de vous poser la question suivante. C'est intéressant, car ladite disposition interdit aux sénateurs mais non pas aux députés de la Chambre des communes, par exemple, toute reconnaissance d'allégeance à un pays étranger.

M. Epp (Elk Island): Il faut changer cela.

Le sénateur Spivak: Bien sûr qu'il faut le changer, mais d'une certaine façon exprimer un intérêt... Comprenez-vous ce que je veux dire? La disposition pourrait viser toute une gamme d'activités, tandis que maintenant c'est au Sénat que c'est expressément interdit. Est-ce exact? Le leader de l'opposition au Sénat, par exemple, ne pourrait donc jamais prêter allégeance à un pays étranger existant ou futur.

M. Audcent: Je pense que la disposition pertinente est celle qui explique ce qu'il faut faire quand un siège devient vacant au Sénat. Cela ne s'applique qu'aux sénateurs. En ce qui concerne les règles qui s'appliquent aux députés de la Chambre des communes, je demanderais à Mme Davidson de nous les expliquer.

Mme Davidson: Ni la Loi sur le Parlement du Canada ni la Loi constitutionnelle ne comportent de règle de ce genre applicable aux députés de la Chambre des communes.

Le sénateur Gauthier: C'est un système de deux poids deux mesures.

Le sénateur Spivak: Je me demande pourquoi.

[Français]

M. Bellehumeur: Je vais aller droit au but. On peut parler de toutes sortes de choses. On peut tenter de régler le sort du monde et de toute la réglementation, mais vous êtes ici, je pense, pour étudier l'ordre de renvoi qu'on a reçu et qui traite de l'élaboration d'un code d'éthique.

Ma première question est donc très simple. Vous qui avez de l'expérience dans ce domaine, est-ce que nous avons besoin d'un code d'éthique?

Mme Davidson: Tout d'abord, je peux vous dire que les règlements administratifs de la Chambre des communes ont très clairement amélioré la situation des conflits d'intérêts possibles quant à l'utilisation des fonds parlementaires.

Les règles sont claires et les députés peuvent obtenir des avis sur ces règles. Je ne vois donc pas la nécessité de se prévaloir d'un code d'éthique en ce qui a trait à l'utilisation des fonds parlementaires.

Maintenant, en ce qui concerne les règles que l'on retrouve dans la Loi sur le Parlement du Canada, j'ai tenté de faire ressortir aujourd'hui qu'elles étaient très certainement désuètes, injustes et avaient besoin d'être complètement revues. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que je livre ce message à un comité parlementaire.

Pour ce qui est des règles sur les conflits d'intérêts dans la Loi sur le Parlement du Canada, le Comité pourrait très certainement étudier la possibilité de les inclure dans une forme de code d'éthique, mais je crois qu'il faut d'abord commencer par revoir ce qui existe présentement et ensuite considérer la question d'un code d'éthique dans son ensemble.

Vous savez, une des difficultés des députés a souvent été le manque de règles et l'éparpillement des règles. Je pense que les députés ne savaient pas où trouver les règles. Mais quand on dit le mot «règle», qu'entend-on exactement? Parle-t-on de «principe» ou de «règle»?

.1635

M. Bellehumeur: On peut prendre les lois qui existent, les modifier pour les actualiser et les rendre plus contemporaines ou mieux adaptées aux besoins, mais c'est une autre chose que de faire un code d'éthique indépendant. Que privilégiez-vous?

Mme Davidson: Je pourrais vous répondre que les règles qui se trouvent dans le Code criminel concernent des conduites vraiment répréhensibles. Les règles qui se trouvent dans la Loi sur le Parlement du Canada, à mon avis, pourraient se retrouver facilement dans un code d'éthique.

Quand vous avez discuté d'un code d'éthique à votre comité, si je ne m'abuse, vous vous êtes penchés non seulement sur les règles contenues dans la Loi sur le Parlement du Canada, mais sur d'autres choses. Par conséquent, je pense qu'une loi n'est probablement pas l'instrument dans lequel vous souhaitez enchâsser de telles règles.

M. Bellehumeur: Merci.

M. Audcent: Mon rôle est de conseiller les sénateurs sur la conciliation de leurs intérêts privés et de leur rôle public sous le régime qui existe. Je crois que les sénateurs sont mal servis par le régime actuel. Il est trop vieux. Pour ce qui est du Code criminel, les députés et sénateurs ne sont pas des fonctionnaires. Pour ce qui est de la Loi sur le Parlement du Canada, son article 14 est désuet et très difficile d'application.

Je voudrais vous proposer de modifier le Code criminel et d'abroger l'article 14 de la Loi sur le Parlement du Canada, et peut-être même d'en abroger les articles 14 à 16, comme le comité qui a précédé le vôtre l'a proposé.

Maintenant, une fois que ce sera fait, que devrez-vous faire? Est-ce que vous devez avoir un code? C'est plutôt une question politique. Nous sommes des conseillers juridiques et non des conseillers politiques. Mais il y a certains objectifs que vous pourriez viser. Peut-être pourrais-je élaborer sur des objectifs que je verrais pour les parlementaires.

D'abord, votre image publique a besoin d'un appui. Mme Davidson a fait allusion à des principes qui serviraient de façon didactique, pour convaincre le public que vous êtes des gens honnêtes. Cela pourrait vous aider à cet égard.

J'aimerais beaucoup qu'il soit inscrit quelque part une présomption que les sénateurs ont le droit d'avoir une vie personnelle et des intérêts personnels. Pour moi, ils sont des citoyens au même titre que les autres citoyens. Ils ont le droit d'avoir des revenus. Il faut que ce soit raisonnable et simple. De votre point de vue, vous devez trouver les règlements qui vous gouvernent dans un seul endroit, autant que possible, et il faut que ce soit écrit de façon claire. Vous comprendrez alors quelles sont vos obligations.

Il y a aussi la question de l'indépendance du Sénat et des sénateurs. On a une grande tradition parlementaire qui remonte à des siècles: les Chambres et les membres des Chambres se gouvernent. C'est un principe très important, et le rôle des cours dans ce que vous allez créer m'inquiète beaucoup.

Enfin, vous avez besoin de certitude. Si vous demandez un conseil à quelqu'un et que cette personne vous dit que vous pouvez agir de telle façon, vous devez alors avoir la certitude que c'est permis, que vous pouvez agir de cette façon-là et qu'on ne vous le reprochera pas plus tard.

Ce sont des objectifs que vous pourriez viser dans vos délibérations.

M. Bellehumeur: Est-ce qu'on peut y arriver avec un code d'éthique? Idéalement, doit-on rédiger un code d'éthique ou modifier les lois existantes, selon vous?

M. Audcent: Pour ce qui est des lois existantes, vous pouvez en abroger certaines dispositions. Où placeriez-vous un nouveau code? Pas nécessairement dans les lois du Canada. On peut procéder pas résolution de la Chambre. Il peut s'agir d'une politique de la Chambre qui s'applique à ses membres.

Je ne vous conseille pas d'agir d'une façon ou de l'autre, car ce sont des questions politiques. Je vous signale que vous avez un choix.

.1640

M. Bellehumeur: Je voudrais avoir des précisions sur ce que vous avez dit tout à l'heure. Si jamais on adoptait un code d'éthique comme un règlement ou une loi du Parlement, et que la cour tranchait en bout de la ligne, cela pourrait être dangereux, dites-vous?

M. Audcent: Le rôle de la cour dans la conduite d'un député ou d'un sénateur m'inquiète beaucoup. Moi, je trouve que les parlementaires devraient faire de l'«autogouvernance». Vous êtes nommés sénateurs ou élus députés. Il me semble que puisque vous êtes au Sénat ou à la Chambre des communes, vous êtes responsables devant vos pairs. C'est la réputation des deux Chambres qui est en jeu et je trouve que ça devrait être de l'«autogouvernance.»

Mme Davidson: J'aimerais ajouter un point technique. Si vous incluez les règles dans une loi, elles seront beaucoup plus difficiles à modifier. En effet, le processus de modification d'une loi est long et compliqué. Si les règles font partie d'un code, il est plus facile de les mettre à jour régulièrement.

M. Bellehumeur: Qui serait responsable de l'administration de ce code-là?

[Traduction]

Le coprésident (le sénateur Oliver): Avez-vous entendu sa question?

[Français]

Mme Davidson: Qui en aurait la gestion? Il y a plusieurs possibilités. Ça pourrait être la Chambre ou un conseiller indépendant. Dans les provinces, ce sont des conseillers en éthique. Il y a plusieurs formules. Je crois que vous les avez dans la documentation qui vous a été fournie par les attachés de recherche. Pour ma part, je n'en préconise aucune.

[Traduction]

Le coprésident (le sénateur Oliver): Michel a posé une très bonne question. Avant de venir ici, avez-vous tous les deux pu lire les témoignages de MM. Wilson et Sharp?

Mme Davidson: Oui.

Le coprésident (le sénateur Oliver): J'aimerais avoir vos commentaires sur l'intérêt qu'il y a, selon eux, à ne pas compliquer les choses. Ils ont parlé énormément de cadeaux et de voyages à l'étranger payés par des tiers. Ils ont fait valoir, séparément, que les députés devraient être en mesure de conserver leur emploi, leur profession ou leur entreprise, tout en s'acquittant de leurs fonctions de parlementaires. J'aimerais que vous commentiez ces observations de M. Wilson et de M. Sharp.

Mme Davidson: Mes écrits et mes commentaires d'aujourd'hui ont été inspirés par le fait que les députés souhaitent être régis par des règles simples, qu'ils pourront comprendre et appliquer aisément sans devoir demander des conseils chaque fois qu'ils veulent faire quelque chose. Je préconiserais certainement la simplicité et je suis tout à fait d'accord avec les commentaires deM. Wilson à cet égard.

Cela dit, si la simplicité est souhaitable, certaines situations se prêtent moins bien à des règles simples. M. Wilson a aussi évoqué les principes. Je conviens qu'on n'a pas besoin de règles très détaillées pour certaines questions, notamment en ce qui concerne les cadeaux. Cela peut fait l'objet d'une règle très simple. Les députés ont aussi besoin de principes pour les guider et leur faciliter l'interprétation des règles.

Quant à l'autre question, autre que celle des cadeaux, quelle était-elle?

Le coprésident (le sénateur Oliver): Poursuivre sa carrière de médecin, d'avocat ou d'homme d'affaires dans la collectivité, tout en siégeant à la Chambre des communes ou au Sénat. On a aussi évoqué les voyages payés par les tiers, un État étranger comme Taiwan, par exemple.

.1645

Monsieur Audcent, s'il vous plaît.

M. Audcent: Je vais commencer par les trois questions que vous avez posées et en rattacher une autre.

D'entrée de jeu, je peux vous dire que j'ai lu le témoignage de vos deux témoins précédents et que j'ai été ravi des conseils qu'ils vous ont donnés. Je pense que la teneur de mon témoignage quant aux conseils que j'ai été appelé à donner aux sénateurs au cours de l'année vous sera très utile pour vos travaux.

En ce qui a trait à la simplicité, c'est l'un des objectifs qu'à mon avis, vous devriez chercher à atteindre. Je vous encourage vivement en ce sens.

Quant à savoir si les sénateurs devraient conserver un autre emploi, je vous renvoie à l'annexe du mémoire que je vous ai remis. Cette annexe s'intitule «Restriction relative aux fonds que les sénateurs peuvent toucher d'autres sources que le Sénat». Le texte commence comme suit:

Je pense qu'il est très important de faire savoir que les sénateurs peuvent gagner leur vie à l'extérieur du Parlement et qu'il s'agit là d'un droit constitutionnel. Évidemment, le Sénat peut imposer des limites raisonnables à la conduite des sénateurs, ces derniers ayant accepté d'être sénateurs. Ce qu'il faut établir, c'est ce qui constitue un principe et ce qui constitue une exception. En principe, on a le droit de mener des activités à l'extérieur du Parlement et les exceptions sont les limites que l'on vous impose parce que vous avez accepté de servir le Canada en qualité de sénateurs. Voilà donc ce que j'ai à vous dire au sujet de vos propres emplois.

Pour ce qui est des voyages payés par une tierce partie, à ma connaissance, cela n'est pas régi par la loi actuelle. C'est tout ce que je peux vous dire là-dessus.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Ne pourriez-vous pas nous conseiller quand même, monsieur Audcent?

M. Audcent: Étant donné que cela déborde le cadre des sujets sur lesquels je suis appelé à donner des conseils, je ne peux que vous dire que vous ne tombez pas sous le coup de la loi. Je préfère m'en tenir là.

Mme Davidson: Je voudrais signaler qu'à la Chambre des communes, nous avons un registre où sont consignés les voyages à l'étranger. Le greffier de la Chambre et le registraire en sont responsables.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Je vous remercie beaucoup tous les deux.

Monsieur Epp, s'il vous plaît.

M. Epp: Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier nos deux témoins d'avoir accepté de comparaître.

Je voudrais poser une question qui pique énormément ma curiosité. Avez-vous déjà reçu des demandes de renseignements de la part du grand public?

Mme Davidson: À l'occasion, il nous arrive de fournir au grand public des renseignements généraux sur les règles. Nous disons aux personnes intéressées où elles peuvent se procurer les règles. Nous confirmons l'existence de règles, mais nos commentaires sont très généraux. Nous donnons surtout des renseignements. Nous ne prodiguons pas vraiment de conseils au grand public, pas plus que nous n'interprétons les dispositions de la loi.

M. Epp: Êtes-vous le seul recours des citoyens? Si un citoyen estime que son député ou son sénateur contrevient à la loi ou se conduit de façon déplacée, à qui peut-il s'adresser?

Le sénateur Gauthier: Au Président.

M. Epp: D'accord. Aux Présidents respectifs.

Mme Davidson: Je pense que cette personne devrait tout d'abord parler au député.

M. Epp: Je pense à des cas litigieux.

J'ai une autre question... et je sais que vous avez refusé d'y répondre auparavant parce qu'elle est de nature politique, mais je pense que tous autant que nous sommes nous voulons trouver une solution à ce problème, et ainsi faire en sorte que la population canadienne ait davantage confiance dans les parlementaires. J'espère que vous surmonterez votre réticence pour me dire quelle est l'ampleur du problème. Combien de personnes sont en cause?

Vous avez dit qu'un certain nombre de députés avaient sollicité votre avis, ce qui signifie soit qu'ils s'efforcent de respecter toutes les règles et d'être au-dessus de tout soupçon - ce qui est la réponse que je préfère - soit qu'ils essaient de découvrir dans quelle mesure ils peuvent tirer leur épingle du jeu. De quel côté penche la balance?

.1650

Mme Davidson: Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, bien des problèmes qui ont été portés à notre attention ont été rejetés dans une directive du Bureau de régie interne.

Il y a une chose qu'il faut comprendre, c'est que la principale influence d'un député sur les fonds publics concerne son budget parlementaire. Pour peu que les règles soient claires - et nous avons, grâce à ces directives, réduit énormément la marge discrétionnaire liée à l'utilisation de ces fonds - cela règle énormément de conflits d'intérêts potentiels.

Les autres problèmes concernent les contrats avec le gouvernement. Comme je l'ai déjà dit, il faudrait sans doute préciser les règles énoncées dans la Loi sur le Parlement du Canada. Elles sont pour la plupart désuètes et n'offrent pas aux députés la protection et les réponses qu'ils recherchent.

M. Epp: Cette pratique d'aller chercher une rémunération additionnelle au salaire parlementaire est-elle répandue? Certains d'entre nous vivons uniquement de notre salaire de députés, alors que d'autres ont d'autres sources de revenus. Pour certains, il s'agit d'honoraires professionnels, ce qui exige qu'on consacre à ce volet un certain temps. Avez-vous une idée du pourcentage de personnes en cause?

Mme Davidson: Je suis désolée, mais je n'en ai aucune idée.

M. Epp: Monsieur le président, je me demande si nos recherchistes ne pourraient pas faire circuler un questionnaire parmi les députés pour essayer de découvrir cela - et parmi les sénateurs aussi; je n'oublie pas qu'il s'agit d'un comité mixte.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Il a déjà été proposé que nous rédigions un questionnaire. Les recherchistes prennent bonne note de votre intervention.

M. Epp: Très bien. Merci.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Avez-vous posé toutes vos questions? J'ai sur ma liste M. McWhinney, Mme Parrish, et le sénateur Olson.

M. Epp: Dans ce cas, je vais céder la parole, mais s'il reste du temps...

Le coprésident (le sénateur Oliver): Si vous avez une autre question à poser maintenant, n'hésitez pas...

M. Epp: J'y reviendrai plus tard.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Monsieur McWhinney, s'il vous plaît.

M. McWhinney (Vancouver Quadra): Tout d'abord, je m'excuse auprès des témoins. J'ai été convoqué à la Chambre pour assister à la philippique de votre coprésident ce matin, et on en discute encore à cause de son extraordinaire éloquence. Quoi qu'il en soit, j'ai raté la partie de votre témoignage au cours de laquelle vous avez répondu à ces questions.

Je m'interroge au sujet des questions qui figurent à la page 2 du rapport de Mme Davidson. Vous posez une série de questions dont vous dites qu'elles vous ont été posées par les députés et, supplice de Tantale, vous ne nous dites pas comment vous y avez répondu. Voici ce que je voudrais savoir. Comme vous le savez, j'ai été appelé dans le passé à prodiguer ce qu'on appelle l'opinion d'un expert à des assemblée législatives sur des sujets comme ceux-ci. Êtes-vous d'accord avec moi sur le fait qu'il n'existe en ce domaine pratiquement aucune jurisprudence, entendons décisions de tribunaux, et qu'il n'y a pratiquement pas de législation non plus? On se base sur une sorte de répertoire officiel ou officieux de la pratique des diverses assemblées législatives ou encore, on marche à l'intuition, ce qui est la méthode privilégiée de tout bon expert, comme il se doit. Ce dernier se fie à son expérience et puis on fait un saut inductif dans l'inconnu.

Existe-t-il, par exemple, un répertoire informel de la pratique des assemblées législatives du Canada et du Parlement fédéral sur lequel vous vous fondez, ou vous fiez-vous à une tradition orale?

Il y avait en Colombie-Britannique un vieux monsieur qui avait été greffier associé de la Chambre. Il a vécu jusqu'à l'âge de 97 ans. Tous les jours, il venait à la Chambre et répondait aux questions. Il pouvait dire ce qui s'y était passé il y a 42 ans. Il représentait une tradition orale que l'on retrouve uniquement chez les peuples autochtones. On m'a déjà cité d'ailleurs ce genre de précédent.

Où allez-vous puiser vos réponses aux questions de la page 2?

Mme Davidson: Travaillant dans le contexte parlementaire depuis un certain nombre d'années, les réponses à ces questions ne sont pas en marge de la réalité politique à laquelle doit faire face un député.

Souvent, dans le cas d'un cadeau à faire à des fins de promotion, ce qui peut sembler anodin au premier coup d'oeil peut causer de grandes difficultés politiques à un député.

.1655

Alors, je suppose que par cette liste, ce que j'essaie d'indiquer, c'est que nous ne traitons pas toujours des questions strictement juridiques, que nous n'interprétons pas les conflits d'intérêts toujours dans un sens juridique, mais qu'il y a également un aspect de la réalité politique qu'il faut prendre en compte, sans oublier ce que les électeurs sont prêts à accepter.

Souvent, les députés viennent nous demander conseil et nous les aidons à trouver eux-mêmes les réponses à leurs questions.

Mais vous avez raison: il n'y a pas de registre où on peut trouver le genre de questions que j'ai soulevées.

M. McWhinney: Seriez-vous d'accord pour dire - et c'était peut-être le sens de la question de M. Epp - que la première fois peut-être que nous allons devoir...? Par exemple, un avocat - et il y a un certain nombre de bons avocats et de comptables à la Chambre. Jusqu'à présent, il n'y a pas vraiment eu de lignes directrices, n'est-ce pas? Y a-t-il des lignes directrices pour quelqu'un qui voudrait écrire un article pour un journal et demander des honoraires?

Je pense que la plupart d'entre nous constatent que dans certains cas la réponse à ces questions nous est imposée par notre manque d'énergie. Lorsqu'on travaille 18 heures par jour, comme la plupart d'entre nous, je pense, il ne reste plus beaucoup de temps pour faire autre chose.

Seriez-vous d'accord pour dire que jusqu'à présent, il n'y a pas eu beaucoup de règles pour nous guider, que notre Comité doit en quelque sorte partir de zéro et qu'il n'y a pas vraiment de jurisprudence que vous pourriez nous citer?

Mme Davidson: Oui, je suis entièrement d'accord avec votre dernier commentaire.

Mme Parrish (Mississauga-Ouest): Je m'excuse d'être arrivée en retard, mais j'étais à une autre réunion dont je n'ai pas pu m'échapper. J'espère obtenir tous les documents qui ont été distribués aujourd'hui, car je n'ai pas entendu vos exposés.

J'ai de sérieuses préoccupations au sujet du commentaire sur le fait de gagner sa vie, et en particulier s'il découle de cela que les députés ont le droit d'avoir des emplois en plus de leurs fonctions de parlementaires. Comme le disait M. McWhinney, je trouve qu'il n'y a pas assez d'heures dans la journée.

Est-ce que le concept de gagner sa vie est très ancien - je veux dire est-ce que c'est une idée qui est apparue il y a vingt ans, lorsque les députés venaient de temps à autre voter sur un projet de loi pour ensuite disparaître pendant plusieurs jours de suite - ou est-ce une idée assez récente?

M. Audcent: Tout d'abord, je dois vous signaler que c'était une allusion à la Loi constitutionnelle de 1982. Ce n'est donc pas une idée très ancienne.

C'est un droit dont jouissent tous les Canadiens, un droit que nous avons décidé d'accorder récemment.

En outre - et c'est quelque chose que j'ai déjà remarqué en lisant certains témoignages - il ne faut pas tomber dans le piège de croire que le seul conflit possible c'est un autre emploi, car il y a d'autres sources de revenus, et un conflit d'intérêts peut souvent être lié à une source de revenus qui n'est pas nécessairement un revenu d'emploi. Il peut provenir d'investissements, de propriétés, etc. Nous devons éviter de tomber dans le piège de croire que la seule source de revenus supplémentaires serait un autre emploi.

Mme Parrish: Je vais donc tâcher d'éviter ce piège en parlant d'un revenu provenant d'un autre genre d'emploi. Je représente une circonscription très peuplée, où il y a 250 000 personnes, dont 40 p. 100 sont des immigrants. J'ai le plaisir de traiter constamment avec des avocats spécialisés en droit de l'immigration qui demandent 10 000$ à certains de mes électeurs pour des services que j'offre gratuitement.

Est-ce que les services juridiques jugeraient qu'un député serait dans une situation de conflit d'intérêts grave s'il avait, d'un côté de la rue, un cabinet de consultants en immigration et, de l'autre côté de la rue, son bureau de député où il ferait en fait le même travail? Y a-t-il des lignes directrices qui lui interdiraient de faire cela?

Mme Davidson: Je vous signale que si vous décidiez d'utiliser les ressources qui vous sont fournies en tant que parlementaire pour faire le même travail...

Mme Parrish: Je comprends cela, mais si c'était absolument indépendant... si sa seule source de financement était les paiements qu'il recevrait des immigrants sollicitant de l'aide pour obtenir un visa ou autre chose, et s'il utilisait uniquement son statut de député...

Mme Davidson: Mais il offrirait ses services...

Mme Parrish: De façon tout à fait indépendante. Supposons que je sois consultante en immigration et que j'aie trois personnes qui travaillent pour moi dans un bureau à quelques portes de mon bureau de député et que je demande 10 000$ à tous ceux qui s'adressent à moi.

J'estime que ce serait un abus flagrant de ma fonction de députée, mais il semble que ces lignes directrices me permettraient d'agir ainsi.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Ajoutez une autre condition: qu'arrive-t-il si vous êtes avocat spécialisé en droit de l'immigration et que vous ouvrez votre cabinet? Est-ce que cela fait une différence?

Mme Parrish: Je m'amuse.

Quelle est la réponse?

.1700

M. Audcent: Du moment que nous sommes convenus qu'un avis juridique ne peut pas être produit en 30 secondes, je veux bien répondre, mais l'avis que je vous donnerai ne sera pas irrévocable.

Selon moi, l'hypothèse de départ est que vous pouvez mener d'autres activités dans la vie. En l'occurrence, si vous étiez un avocat spécialiste des questions d'immigration avant d'être élu, ou avant d'être nommé sénateur, pourquoi devriez-vous perdre ce lien qui vous unit à la collectivité, cet autre gagne-pain qui est le vôtre? Il y a donc au départ cette question.

Étant donné l'exemple que vous avez retenu, cette préoccupation particulière, l'immigration, qui est une activité gouvernementale, les choses vont être difficiles. En effet, puisqu'il s'agit d'une activité administrative, au bout du compte, l'article 14 va être l'endroit où le bât blesse si vous êtes sénateur parce que, tôt ou tard, des fonds fédéraux vont être alloués quelque part, et ce pourrait être par exemple l'aide juridique ou... Peu importe l'occasion, tôt ou tard, une certaine somme que vous gagnerez pourra avoir été tirée du Trésor public.

Encore une fois, nous en revenons aux faits essentiels dans ce cas. Il vous faudrait bien examiner la situation. Il vous faudrait décrire votre cabinet du tout au tout avec moult détails et revoir le tout à la lumière des dispositions législatives en vigueur.

Bien entendu, il faut bien dire que la réponse que je vous donne s'appuie sur les dispositions législatives en vigueur. D'entrée de jeu, il nous faut vous dire que nous ne sommes pas vraiment impressionnés par ces dispositions. Nous voudrions les moderniser. Ce serait pour vous l'occasion de traiter de ces problèmes et de trouver l'équilibre que vous souhaitez comme parlementaires.

Mme Parrish: Pensons à une situation encore plus obscure. Disons que je suis expert-comptable. Je n'utilise pas mon cabinet et je n'obtiens pas d'argent du gouvernement mais néanmoins, je prépare la déclaration d'impôt de quelqu'un parce qu'une telle activité est rémunératrice, de courte durée, et il se peut que cette saison coïncide avec une semaine où la Chambre fait relâche. Ce qui m'inquiète, c'est que des gens pourraient choisir subitement de faire appel à moi comme comptable parce qu'ils pensent que cela accentuera leur influence auprès du gouvernement. En faisant appel à un député pour un travail de comptabilité, ils se disent: «Non seulement j'obtiens les services d'un comptable, mais par la même occasion j'achète une faveur».

Est-ce que l'on tient compte de cela ici? C'est encore plus obscur que dans le cas de l'immigration. Vous dites que c'est cet aspect du code d'éthique qui devrait retenir notre plus vive attention.

M. Audcent: Encore une fois, je dis dès le départ que les sénateurs qui sont comptables ou avocats ou qui exercent une autre profession libérale devraient pouvoir garder ce lien professionnel avec la collectivité et qu'ils devraient pouvoir comprendre ce qui se passe dans la collectivité. Cela ne fait qu'accentuer leur utilité comme parlementaires.

À partir du moment où l'on accepte qu'un titulaire de charge publique devrait rester en contact avec la collectivité, on peut s'attendre à ce que l'expert-conseil prépare des déclarations d'impôt, l'ennui, c'est qu'il sera probablement associé à d'autres experts-conseils et qu'il ne travaillera pas seul de sorte que les revenus de la firme vont devoir être examinés pour ne pas contrevenir à l'article 14. Ainsi, c'est sans doute l'angle sous lequel des questions vont être posées et on se souciera moins de déterminer si vous pouvez préparer des déclarations d'impôt.

Il y a toutefois un autre aspect et c'est peut-être ce à quoi vous songiez. Il s'agirait d'utiliser son nom pour obtenir des clients.

Chez les conseillers parlementaires, on s'interroge énormément de nos jours sur la responsabilité des parlementaires quand ils donnent des conseils. Les parlementaires sont-ils des gens, des élus, plutôt que des professionnels devant assumer une certaine responsabilité? Est-il possible que comme parlementaires vous ayez certaines responsabilités quand vous faites des démarches ou que vous donnez des conseils à vos commettants? Qu'advient-il de ces responsabilités quand on parle de lois sur la négligence professionnelle? Nous n'avons pas de réponses à cet égard. Je voulais tout simplement signaler que c'est un autre aspect de la question que vous venez de poser.

Mme Parrish: Je tenais à dire que j'ai beaucoup de mal à me rallier à l'argument concernant le gagne-pain. Nous ne sommes pas trop payés, mais nous avons un gagne-pain. L'idée que l'on pourrait continuer d'oeuvrer dans la collectivité et gagner de l'argent en faisant autre chose me déplaît souverainement. Toutefois, je suis ici pour écouter, pour apprendre, et je souhaiterais sincèrement...

[Inaudible - Éditeur]... à un moment donné.

.1705

M. Audcent: Je pourrais vous répondre que c'est le droit de gagner sa vie, mais sous réserve aussi des limites raisonnables que vous, parlementaires, décidez de vous imposer. Il est évident que lorsque vous acceptez de servir le Canada à titre de parlementaires, vous acceptez aussi de vous en tenir à certaines limites pour servir votre Chambre du Parlement le mieux possible.

Le coprésident (M. Milliken): J'imagine que c'est surtout à Mme Davidson que s'adresse ma question.

Dans le cadre des règles que vous avez mentionnées, surtout celles de la Chambre des communes, il existe maintenant d'après vous une certaine transparence d'interprétation parce que les règles sont là et que les députés savent exactement comment ils peuvent dépenser le budget de leurs bureaux.

Selon vous, le mécanisme d'application actuel réussit-il à garantir que les règles de la Chambre sont bien respectées? Deuxièmement, vous apparaît-il que cette transparence permet bien au public de comprendre que les députés respectent vraiment les règles?

Mme Davidson: Je réponds d'abord à votre première question, qui visait à savoir si les règles sont suffisamment transparentes pour que les députés sachent exactement à quoi s'en tenir. Je répète que les règles sont certainement très claires. Les députés savent ce qu'il en est. Qui plus est, si les députés se posent des questions sur l'utilisation d'un avantage quelconque, ils peuvent demander l'avis du Bureau pour savoir si telle ou telle chose constitue une utilisation convenable et acceptable de cet avantage.

Pour ce qui est du mécanisme d'application, en principe, si le Bureau décide qu'une utilisation quelconque n'est pas appropriée, les règlements administratifs obligent le Bureau à en aviser d'abord le député. Si cela ne donne pas le résultat voulu, le Bureau peut envisager d'autres mécanismes pour s'assurer que les règles seront respectées.

Vu que la Loi sur le Parlement du Canada donne au Bureau le pouvoir de gérer l'utilisation des fonds, des biens et des locaux mis à la disposition des députés, en principe, je pense que le Bureau pourrait retirer ses fonds à un député qui ne respecterait pas ses directives. En théorie, la loi donne donc au Bureau le pouvoir de prendre des mesures et d'appliquer les règles.

Quant à la publication des décisions, je signale que les règlements administratifs du Bureau de la régie interne sont un document public et peuvent être consultés. Les décisions du Bureau sont déposées régulièrement à la Chambre; le règlement prévoit qu'elles doivent être déposées de temps à autre. On peut donc toujours se renseigner pour voir si les députés gèrent et dépensent de la façon appropriée les fonds qui leur sont fournis.

Le coprésident (M. Milliken): Je suppose que cela veut dire que, d'après vous, il y a suffisamment de transparence à l'heure actuelle.

Mme Davidson: Je trouve qu'il y a certainement davantage de transparence maintenant. Comme les règles sont très claires, les députés ont tendance à les respecter. Bien des problèmes ne se rendent pas à mon Bureau à cause des règlements administratifs.

Le coprésident (M. Milliken): Qui ne se rendent pas? Vous voulez dire qu'ils ne sont pas portés à votre attention.

Mme Davidson: Oui.

Le coprésident (M. Milliken): Vous recevez donc moins de demandes de conseils relativement aux budgets qu'avant l'adoption de ces règlements administratifs?

Mme Davidson: C'est exact.

.1710

Le coprésident (M. Milliken): La deuxième partie de ma question porte sur les dispositions de la Loi sur le Parlement du Canada qui visent les contrats gouvernementaux. Y a-t-il une disposition qui prévoit des mécanismes d'application ou s'agit-il simplement de donner suite aux plaintes? Est-ce que quelqu'un, à votre connaissance, s'assure que l'on se conforme à la loi?

Mme Davidson: Je ne pense pas que la loi prévoie de surveillance, de personnes qui surveillent l'application de la loi. Il faudrait une disposition précise à cet effet dans la loi.

Le coprésident (M. Milliken): Donc, à votre connaissance, il n'y a aucun mécanisme d'application, sauf les plaintes qui proviennent du public?

Mme Davidson: En effet.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Si un député consacre une partie de son budget à des fins interdites par la régie interne, celle-ci a-t-elle le pouvoir d'ordonner le remboursement?

Mme Davidson: Oui. La régie interne possède le pouvoir d'ordonner le remboursement. Le remboursement deviendrait la responsabilité personnelle du député.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Si le député ne rembourse pas, la régie est-elle en mesure d'imposer des sanctions?

Mme Davidson: Le Bureau de régie pourrait certainement intenter des poursuites au civil contre le député. C'est certainement un recours dont dispose la régie.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Monsieur Epp, deuxième tour.

M. Epp: Je vais céder ma place. La discussion était des plus intéressantes et on a déjà répondu à plusieurs de mes questions.

Le sénateur Gauthier: Au Sénat, contrairement à la Chambre des communes, nous n'avons pas la même transparence en ce qui concerne les règlements et les règles. Si, par exemple, il est rendu public que je ne me suis pas conformé au Règlement de la Chambre des communes ou si j'ai enfreint les règlements administratifs, on peut supposer qu'aux prochaines élections, à cause de la transparence, je serai mis à la porte. Du moins, j'espère que les électeurs dans la circonscription que je représente auraient le bon sens de me mettre à la porte s'ils savaient que j'ai enfreint les règlements administratifs de la Chambre des communes.

Au Sénat, on ne met pas les sénateurs à la porte. Quel est le niveau de transparence au Sénat, monsieur Audcent? Vous avez déclaré que les sénateurs doivent vivre avec leur conscience et qu'ainsi, ils vont se comporter de façon à respecter des normes de moralité et d'éthique d'un niveau suffisant. Quel est l'équivalent de la transparence au Sénat, si cela existe?

M. Audcent: Au Sénat, il n'y a pas d'équivalent du règlement administratif de la Chambre. Il n'y a pas de règlements, et donc nous n'avons que des dispositions dans chacune de nos politiques.

Toutefois, il y a un avantage au Sénat, car le Comité de la régie interne se réunit en public. Ainsi, les sénateurs discutent publiquement de l'adoption de ces politiques. C'est un élément qui tend à favoriser la transparence.

En ce qui concerne les sanctions, le Sénat, dans l'application de ces politiques, peut imposer des sanctions aux sénateurs.

Il y a un problème particulier dans toute comparaison des sénateurs et des députés. En effet, la Loi constitutionnelle de 1867 contient une disposition concernant les sièges vacants au Sénat. Ainsi, on considère que c'est là une liste exhaustive des motifs de vacances. Il devient donc très difficile d'imposer une sanction d'une telle envergure.

Cela explique peut-être la loi actuelle, mais en ce qui concerne les conflits d'intérêts, je ne pense pas que la sanction doive aller jusque-là.

Au jour le jour, je pense que vous avez raison, le sénateur doit consulter le conseiller parlementaire et gérer ses affaires tout en courant le risque de voir les choses publicisées.

Le sénateur Gauthier: Madame Davidson, vous nous avez dit que la régie interne dépose ses décisions. Est-ce bien cela? La régie dépose-t-elle ses décisions?

Mme Davidson: Son procès-verbal.

Le sénateur Gauthier: Procès-verbal ou décisions, c'est la même chose.

À quand remonte le dernier dépôt de ces documents? À quel intervalle dépose-t-on ce que vous appelez le procès-verbal?

Mme Davidson: Il me faudrait vérifier le Règlement, mais je pense que c'est très régulièrement.

Le sénateur Gauthier: Les procès-verbaux ne constituent qu'un condensé des décisions que la régie a prises ou décidé de ne pas prendre, n'est-ce pas? Pourriez-vous nous en faire parvenir un exemplaire?

Mme Davidson: Certainement.

Le sénateur Gauthier: La version la plus récente.

Mme Davidson: Certainement.

.1715

Le sénateur Gauthier: Je crois que nous pourrions simplement lire ces procès-verbaux pour voir s'ils nous renseignent et s'ils révèlent vraiment ce qui se passe lors des réunions. Quand j'étais député, je ne les ai jamais trouvés révélateurs. Je me demande s'ils le sont aujourd'hui. Cela m'intéresse.

Vous avez dit que depuis l'adoption, par la nouvelle législature, des nouveaux règlements administratifs, les choses ont beaucoup changé à la Chambre des communes. La situation était absolument inacceptable ces dernières années, c'est du moins ce que je pense. J'ai fait partie de ce Bureau pendant cinq ans, et je sais de quoi je parle. Si les choses ont changé autant qu'on le dit, j'en suis fort heureux, parce que cela veut dire que les règlements et la modification de la Loi sur le Parlement... cela aura des effets positifs.

Mais je ne sais pas si ces procès-verbaux qui... J'essaie de répondre à la question de M. Milliken qui voulait savoir ce qu'on entendait par transparence. Comment peut-on s'assurer que les Canadiens savent ce qui se passe lors des réunions du Bureau de la régie interne si les réunions ont lieu à huis clos? Les réunions du Bureau de la régie interne du Sénat sont des réunions publiques, mais celles de la Chambre des communes se tiennent à huis clos. Comment peut-on responsabiliser le Bureau de la régie interne de la Chambre des communes, comment rendre ses activités plus transparentes?

Mme Davidson: Comme je vous l'ai dit, ces dispositions n'existent que depuis 1993, et j'ai déjà constaté que les députés comprennent et suivent mieux les règlements. Évidemment, cela ne suffit peut-être pas encore à vos yeux. Le Comité voudra peut-être se pencher plus à fond sur cette question.

Je serai très heureuse de vous faire tenir copie du compte rendu des réunions du Bureau.

Le sénateur Gauthier: Merci. Prévoyons-nous inviter les Présidents à comparaître devant le Comité, messieurs les coprésidents?

Le coprésident (M. Milliken): Leurs noms ne figurent pas sur notre liste, sénateur Gauthier, mais si vous voulez faire cette proposition au comité directeur...

Le sénateur Gauthier: Non, je ne veux pas alourdir la charge de travail du Comité. Nous avons suffisamment de travail. Je demandais simplement si les coprésidents avaient l'intention de convoquer les Présidents.

Le coprésident (M. Milliken): Leurs noms ne figurent pas sur la liste.

Le coprésident (le sénateur Oliver): Aucun autre nom ne figure sur la liste des intervenants; au nom du Comité, je tiens à vous remercier car vous avez su répondre à nos questions assez difficiles avec beaucoup de tact; la séance a été très utile à tous les membres du Comité.

J'aimerais signaler aux membres du Comité que j'ai reçu aujourd'hui une lettre en date du 28 septembre du bureau du conseiller en éthique; j'avais en effet demandé à son bureau de répondre aux questions qui avaient été préparées par nos attachés de recherche. Chaque membre du Comité recevra copie de cette lettre.

En terminant, j'aimerais signaler qu'on m'a dit que demain M. Gauthier fêtera le 22e anniversaire de son élection au Parlement. Puisque le Comité ne se réunira pas alors, je tiens à profiter de l'occasion pour le féliciter.

Des voix: Bravo, bravo!

Le coprésident (le sénateur Oliver): La prochaine réunion de notre Comité aura lieu lundi à 19h30. Nous ne nous réunirons pas mercredi prochain. Tout le monde aura le temps de dîner avant la réunion.

Le sénateur Gauthier: Je dois signaler que certains sénateurs libéraux seront absents lors de la réunion puisqu'il y aura réunion du caucus.

Le coprésident (M. Milliken): Ce soir-là?

Le sénateur Gauthier: J'ai déjà expliqué la situation à l'autre coprésident.

Le coprésident (M. Milliken): La séance est levée.

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