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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 17 mars 1997

.1617

[Traduction]

Le président (M. Lyle Vanclief (Prince Edward - Hastings, Lib.)): Les députés pourraient-ils prendre place à la table?

Je ne sais si tous les témoins pourront s'asseoir à la table tous en même temps, mais j'inviterais au moins les personnes présentes à s'avancer: Andy Baker, Kevin Proven, Brad Mroz, Fred Tait, Alan Kennedy et Brad McDonald.

Nous en accueillerons deux ou trois autres après cela, mais ceux que je viens d'appeler devraient déjà remplir la table. Nous allons donc entendre neuf présentations, mais plus de gens ont exprimé le voeu d'être entendus à titre personnel. Nous avons déjà entendu trois témoins ce matin, et peut-être que d'autres se présenteront. Quoi qu'il en soit, ce qui importe, je crois, c'est que nous ayons la possibilité, dans le cadre de cette démarche, non seulement d'entendre vos exposés, mais aussi d'ouvrir le plus possible le dialogue avec vous.

Si tous les gens qui ont exprimé le voeu d'être entendu se signalent, nous ferons de notre mieux pour les entendre. Et si tous veulent témoigner, nous manquerons de temps pour les questions, mais nous nous assurerons de les entendre. Il se peut que certains aient préféré nous adresser leur mémoire par écrit et que d'autres, pour d'autres raisons, n'aient pu venir ici aujourd'hui.

Je demande expressément aux témoins de s'en tenir à des exposés de cinq minutes. Je vous signalerai quand il vous restera une trentaine de seconde, et si vous n'avez pas dit ce que vous avez à dire alors, vous devrez le faire dans les 30 secondes qui vous resteront. Je ne veux pas avoir à vous interrompre, mais je risque de devoir le faire.

Je vous souhaite à tous la bienvenue. Nous allons commencer par Andy Baker.

M. Andy Baker (présentation individuelle): Je tiens à vous remercier de m'avoir donné l'occasion de venir vous faire un exposé. Je serai le plus bref possible.

J'aimerais commencer par quelques mots sur la façon dont je perçois les changements législatifs qu'on se propose d'apporter à la Loi sur la Commission canadienne du blé et je vous dirai comment j'en suis arrivé à cette conclusion.

.1620

Les agriculteurs sont beaucoup plus intelligents que ce nous l'accordent quelques journalistes de la presse non agricole et soi-disant organisations à vocation agricole. En effet, si la Commission canadienne du blé commercialisait aussi mal notre blé et notre orge que ce que prétendent ces organisations, nous nous en serions débarrassés depuis longtemps. Je ne vais certainement pas dépenser tout ce que me coûte une récolte pour que mon vendeur me fasse perdre de l'argent. Autrement dit, la majorité des agriculteurs savent ce qui fonctionne le mieux pour eux.

Cela m'amène aux changements qu'on se propose d'adopter pour apaiser une petite minorité d'agriculteurs appuyés par des organisations qui n'ont certainement pas les intérêts des producteurs à coeur. Le problème, c'est que tout changement qui ne consistera pas à se débarrasser carrément de la Commission canadienne du blé ne suffira jamais pour ces groupuscules. Autrement dit, nous devrions apporter des changements susceptibles d'améliorer la performance de la Commission canadienne du blé et non d'éroder les trois piliers qui ont fait la réussite de cet organisme.

Ce sont en fait nos concurrents sur les marchés mondiaux qui nous donnent la meilleure évaluation de la Commission canadienne du blé. Les Américains disent qu'elle nous procure un avantage commercial déloyal et des organisations nous disent que celle- ci fera l'objet de toutes sortes de discussions dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce. Ce n'est pas parce qu'elle ne fonctionne pas que ces gens veulent que nous nous débarrassions de la Commission; s'ils veulent l'éliminer, c'est précisément parce qu'elle fonctionne.

Ceux qui achètent auprès de la Commission lui accordent une cote élevée dans toutes les facettes du service à la clientèle et de la commercialisation, mais pas pour le prix, parce qu'ils n'aiment pas payer des prix élevés. D'après vous, qu'est-ce que cela démontre?

À l'heure où le gouvernement essaie de juguler le déficit, je serais très inquiet de le voir adopter une mesure qui affaiblirait la capacité d'action de la Commission. Celle-ci va chercher un peu plus sur le marché et elle en fait profiter les agriculteurs qui, à leur tour, en font bénéficier l'économie canadienne en payant leurs impôts. Si nous éliminons la Commission canadienne du blé, nous ne ferons que subventionner davantage les ventes de grains aux autres pays et permettre aux sociétés céréalières multinationales de faire plus de profits au détriment de nos agriculteurs et de notre pays.

Passons maintenant aux changements que je souhaiterais voir apporter à la Commission canadienne du blé. La seule plainte que la majorité des agriculteurs ont formulée au cours des15 dernières années à propos de la Commission, et à laquelle personne n'a pas donné suite, touche aux interventions politiques dans la nomination des membres du conseil d'administration. Nous pourrions très facilement changer cette situation sans qu'il en coûte rien aux agriculteurs ou à la Commission, dans le cadre du système actuel de représentation des agriculteurs au conseil. Le gouvernement en place devrait simplement s'en remettre à l'approbation du Comité consultatif de la Commission canadienne du blé pour la nomination des commissaires. Ce faisant, il n'y aurait plus de nominations politiques et nous conférerions aux agriculteurs un certain contrôle sur la constitution du conseil. On pourrait modifier la façon dont le conseil fonctionne, comme cela s'est toujours fait dans le passé, mais on ne procéderait pas en bloc, en commettant de multiples erreurs qu'il serait impossible de corriger par la suite.

Les critiques qui soutiennent qu'il faut modifier le mode de fonctionnement du conseil pour qu'il s'apparente beaucoup plus à celui des entreprises privées, oublient que les deux plus gros exportateurs de blé - Cargill et la Commission canadienne du blé - ne fonctionnent pas du tout comme leurs concurrents.

Le changement que je viens de recommander présente deux grands avantages: premièrement, il permet à la Commission canadienne du blé de demeurer le meilleur organisme de commercialisation de blé et d'orge du monde, et de continuer de faire profiter les producteurs des meilleurs prix possibles; deuxièmement, il n'entraîne aucun coût pour les agriculteurs et ne nécessite aucun autre engagement de leur part. Ces deux aspects sont importants pour moi qui passe le plus clair de mon temps à essayer de produire une récolte puis à vendre sur le marché libre ce que ne m'a pas pris la Commission canadienne du blé.

Pour terminer, si vous me le permettez, je voudrais dire quelques mots au sujet des témoins précédents. Mme Cowling a demandé aux organismes qui ont comparu combien de membres ils comptaient. J'ai trouvé intéressant d'entendre M. Archibald, de la Western Canadian Wheat Growers Association, vous dire qu'il a 6 000 membres, parce qu'il y a six ou sept mois, quand j'ai participé à un programme de Radio-Canada avec lui, il a dit qu'il en recensait 7 000. Je lui ai alors demandé de remettre un état vérifié à l'intervieweuse, à titre de confirmation, et je sais qu'il ne l'a pas fait parce que je me suis entretenu avec elle par la suite. Si cette organisation perd ses membres à un tel rythme, d'ici trois ans et demi, elle n'aura plus personne dans ses rangs. Vous pouvez juger du poids de ce qu'il vous a dit d'après la popularité de son organisation auprès des agriculteurs.

Personnellement, j'aimerais que vous invitiez toutes les organisations agricoles comparaissant devant vous à vous remettre une liste vérifiée de leurs membres.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, Andy.

Nous allons poursuivre par Keith Proven.

M. Keith Proven (présentation individuelle): Merci, monsieur le président.

Je suis heureux que vous ayez décidé d'entendre les agriculteurs à titre individuel. Nous craignions de ne pouvoir témoigner et que seules les organisations agricoles seraient présentes. Je trouve très sage que vous nous ayez donné la possibilité de comparaître à titre individuel.

.1625

En tant que producteur, j'estime qu'aucune des modifications proposées n'est justifiée. Les prix communs, l'équité dans les livraisons ainsi que la capacité du gouvernement de garantir les paiements initiaux et de consentir des crédits aux acheteurs étrangers sont autant d'éléments que veulent les producteurs indépendants et dont ils ont besoin.

En ma qualité de producteur indépendant, je retiens les services de la Commission canadienne du blé pour commercialiser mes grains. Si je le fais, c'est qu'il n'est pas question de vente collective, mais de commercialisation commune. Les arguments qu'invoquent les groupes d'agriculteurs opposés à la Commission canadienne du blé - je dis bien opposés, puisqu'ils veulent la détruire - sont pour le moins spécieux et ne font que prouver qu'ils s'opposent, d'un point de vue philosophique, à toute action collective, coopérative.

Pour moi, j'estime que le fait de recourir à la Commission canadienne du blé pour commercialiser mes grains est un bon choix d'affaire, et je ne me laisse pas aller à régler des comptes idéologiques ou philosophiques ce que font, je crois, ces organisations agricoles. Elles parlent affaires mais pensent idéologie.

Ce qui m'inquiète, entre autres, c'est que le gouvernement semble avoir plié sous la pression de groupes que je ne qualifierai pas d'extrémistes, mais certainement de marginaux. Comme le disait Andy, il est très préoccupant de voir à quel point on peut déformer la réalité pour donner à penser que la Commission canadienne du blé n'a pas fait un bon travail au cours des 60 dernières années. Eh bien, si elle n'avait pas fait du bon travail, les agriculteurs s'en seraient débarrassés depuis longtemps. Chaque fois que vous entendrez le représentant d'un de ces groupes, vous devrez commencer par lui expliquer la nature du problème, par lui demander pourquoi, selon lui, la plupart des agriculteurs appuient la Commission canadienne du blé et par l'inviter à préciser de qui il se réclame.

Je fréquente les politiciens depuis assez longtemps pour savoir que, à l'occasion, le gouvernement cherche à apaiser des groupes en leur lançant un os ou un morceau de viande, pensant que ça peut suffire. Cela m'inquiète. La Commission canadienne du blé est trop importante, à mes yeux, pour permettre que des amendements de ce genre soient adoptés, voire débattus. Je ne comprends même pas pourquoi le gouvernement actuel devrait se prêter à tout cela. Il n'a rien à y gagner sur le plan politique, si ce n'est en détournant ou en espérant détourner une partie de l'antagonisme que lui-même et la Commission canadienne du blé déclenche chez ces groupes extrémistes.

Dans les documents d'information, il est dit que la Commission canadienne du blé pourrait être menacée par certains accords commerciaux que nous avons signés au cours des dernières années, et que nous devrions modifier la CCB pour la protéger vis-à-vis de l'Accord de libre-échange nord-américain, du GATT et d'autres ententes que nous avons signées. Eh bien, je ne suis absolument pas d'accord avec cette prémisse. Nous n'avons jamais fait l'objet d'un jugement établissant que la Commission canadienne du blé va à l'encontre de nos accords commerciaux, alors pourquoi l'affaiblirions-nous maintenant?

C'est fort bien que les Américains soient opposés à la Commission. Cela veut dire qu'elle fait du bon travail. Quand on songe à la Loi Helms-Burton, on voit bien qu'on ne peut pas faire confiance aux Américains.

Pour terminer, je proposerais que le canola, le lin, le seigle et l'orge relèvent également de la compétence de la Commission canadienne du blé. J'en serais très heureux. En outre, il faudrait essayer de ne pas tenir compte des extrémistes, même s'ils sont tapageurs.

Merci.

.1630

Le président: Merci beaucoup, Keith.

Nous passons à présent à Brad Mroz.

M. Brad Mroz (présentation individuelle): Merci, monsieur le président. Encore une fois merci d'être venu à Winnipeg pour nous entendre, nous les agriculteurs individuels.

Je suis âgé de 34 ans. Ma femme, Tracy, et moi avons trois enfants. Nous exploitons 4 500 acres de grains et d'oléagineux avec mes parents, mes frères et leurs familles. Notre ferme est située à Beauséjour, au Manitoba.

La totalité de notre blé et environ 80 p. 100 de notre orge sont commercialisés par la Commission canadienne du blé. J'appuie la Commission en tant que guichet unique pour mes ventes, pour des raisons purement économiques. Je trouve que le système de mise en commun des prix de la CCB, la vente à guichet unique, les garanties d'emprunt par le gouvernement fédéral et notre système de contrôle de la qualité me permettent d'obtenir un meilleur prix pour mes grains.

Un grand nombre des changements qu'on se propose d'apporter à la Loi sur la Commission canadienne du blé, par le truchement du projet de loi C-72, ne feront qu'affaiblir la CCB et en diminuer l'efficacité. En vertu de l'article 39.1 proposé, la Commission canadienne du blé pourra faire des achats au comptant de blé et d'orge. Or, ce genre d'achat, qu'il s'effectue auprès d'agriculteurs ou de courtiers en grains, ne ferait que menacer le principe de la mise en commun des prix. Je suis d'accord avec ce principe parce qu'il constitue, pour moi, un instrument de gestion du risque peu coûteux et qu'il me permet d'écouler régulièrement mes grains sur le marché; il conviendrait donc de retirer la proposition d'achat au comptant énoncée à l'article 39.1.

Plutôt que d'avoir recours à l'achat au comptant pour s'assurer de pouvoir répondre à ses promesses de vente, je préférais que la Commission canadienne du blé mette en vigueur les contrats de livraison conclus avec les agriculteurs en augmentant les dommages-intérêts prédéterminés que doivent normalement payer ceux d'entre eux qui n'assurent pas la livraison des volumes convenus. Personnellement, je sais que je dois me conformer à mon contrat de livraison avec la Commission canadienne du blé, de la même façon que je le ferais dans le cas de tout contrat conclu avec n'importe quelle société céréalière pour d'autres grains ou oléagineux, comme le canola ou le lin.

Le paragraphe 45(2) du projet de loi C-72 permet de soustraire à la compétence de la Commission canadienne du blé tout type, toute catégorie ou tout grade de blé ou d'orge. Afin que je puisse accroître mes revenus agricoles, je demanderais que l'article 45 soit modifié pour que le canola, le lin, le seigle et l'avoine soient ajoutés à la liste des produits confiés à la Commission canadienne du blé. Ce faisant, on renforcerait la capacité d'action de la Commission, plutôt que de l'affaiblir.

L'article 7 du projet de loi C-72 supprime la garantie offerte par le gouvernement fédéral au titre de l'ajustement des paiements initiaux par la Commission canadienne du blé. La création d'un fonds de réserve, destiné à remplacer cette garantie du fédéral, ne ferait qu'augmenter les coûts pour les agriculteurs et leur faire courir un plus grand risque en période de guerre commerciale mondiale, du genre de celles qui ont dévasté le monde agricole de l'Ouest canadien dans la dernière moitié des années 80. Le gouvernement américain et l'Union européenne subventionnent encore les exportations avec l'argent des contribuables et continueront de le faire.

Les garanties consenties par le gouvernement fédéral pour les prix, les emprunts, les opérations et les ventes à crédit sont essentielles pour la Commission canadienne du blé. Cette association avec le gouvernement fédéral permet à la CCB, ainsi qu'aux producteurs de grain, d'économiser plus de 60 millions de dollars par an. Ces économies sont nettement supérieures au coût de fonctionnement total annuel de la Commission canadienne du blé. Chaque année, elle emprunte environ 6 milliards de dollars, grâce auxquels elle fait des avances aux agriculteurs en attendant qu'ils soient réglés par leurs clients.

À titre de comparaison, il faut savoir que tout le marché monétaire canadien équivaut à30-35 milliards de dollars. Avec ses 2 milliards d'emprunt sur les marchés monétaires newyorkais, la Commission canadienne du blé est le deuxième plus gros emprunteur canadien, après le gouvernement fédéral. Grâce à la Commission, les agriculteurs sont des joueurs importants sur les marchés financiers. Nous surveillons tout le monde et tout le monde surveille ce que nous faisons.

Dans les 61 ans d'histoire de la Commission canadienne du blé, les ajustements effectués au titre des paiements initiaux n'ont jamais occasionné de déficit. À en juger d'après ce résultat, le gouvernement du Canada ne court que très peu de risques. Cela étant, on ne devrait pas modifier le paragraphe 7(3) de la Loi sur la Commission canadienne du blé. De plus, il faudrait supprimer l'article du projet de loi C-72 prévoyant la création d'un fonds de réserve.

Pour ce qui est de l'administration de la Commission, le projet de loi C-72 prévoit qu'une partie du conseil d'administration soit élu. Personnellement, je ne trouve pas que le conseil de la CCB peut agir sans avoir à rendre des comptes. En tant que producteur, j'ai accès aux commissaires, aux membres du comité consultatif, aux représentants régionaux de la Commission canadienne du blé ainsi qu'à tous les services qui la composent. Je reçois ses rapports annuels et ses bulletins bimestriels.

Si la Commission canadienne du blé n'existait pas, mes grains devraient être vendus par des sociétés privées. Eh bien, je sais pertinemment qu'une société céréalière ne me donnerait jamais accès aux renseignements que je reçois de la CCB. Ces sociétés ne sont redevables qu'envers elles-mêmes, pas envers les agriculteurs.

Je recommanderais donc, à propos de la conduite des affaires de la CCB, qu'on s'en tienne aux cinq commissaires nommés ainsi qu'aux membres du comité consultatif, parce qu'un conseil d'administration en partie élu ne changerait rien sur le plan de la reddition de comptes. Si l'on changeait de formule, on risquerait de mettre en péril les garanties de prix, d'emprunts et de ventes à crédit offertes par le gouvernement du Canada.

.1635

Si l'on veut que la Commission soit davantage responsable envers les agriculteurs, il faut que le comité consultatif de la Commission canadienne du blé, élu par les agriculteurs, approuve systématiquement les nominations des administrateurs de la CCB. Ainsi, ceux-ci seraient nommés par les agriculteurs et par le gouvernement canadien.

Pour ce qui est du paragraphe 32 3) du projet de loi C-72, je suis d'accord avec la modification envisagée qui consiste à permettre à la Commission canadienne du blé de payer les coûts de transport et d'effectuer d'autres paiements liés à la livraison aux agriculteurs.

L'alinéa 32 1) d), ayant pour objet de permettre à la Commission canadienne du blé d'émettre des certificats de producteur négociables pourrait être acceptable dans la mesure où on ne chercherait pas à réduire la valeur du paiement final versé aux agriculteurs qui veulent recevoir leur dernier versement de la même façon que cela se fait maintenant.

Pour terminer, je n'accepte pas les modifications à la Loi sur la Commission canadienne du blé qui risqueraient d'affaiblir les prix de vente offerts par ce guichet unique, ou qui pourraient miner la mise en commun ou encore l'association agriculteurs- gouvernement. La Commission canadienne du blé est un organisme de renommée mondiale. Je ne veux pas qu'on adopte des changements qui la transformeraient en une simple société céréalière, identique à toutes les autres.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, Brad.

Nous allons passer à Brad McDonald.

M. Brad McDonald (présentation individuelle): Mesdames et messieurs les membres du Comité permanent de l'agriculture et de l'agro-alimentaire, je vais m'adresser à ceux d'entre vous qui désirent vraiment maintenir en place notre système de commercialisation ordonné du blé et de l'orge, par le truchement de la Commission canadienne du blé, et qui veulent maintenir une relative souveraineté canadienne dans le domaine de la commercialisation des grains canadiens.

Ayant fait partie des dizaines de milliers d'agriculteurs qui se sont rassemblés l'été dernier pour apporter leur soutien à la CCB, et des milliers de personnes qui sont en désaccord avec les conclusions du comité d'examen de la commercialisation des grains de l'Ouest, et en tant qu'ancien membre du comité consultatif de la CCB, je dois vous dire que je ne peux apporter mon appui au projet de loi C-72. Les quelques aspects positifs de la réforme envisagée sont largement contrecarrés par les répercussions profondément négatives qu'elle pourrait avoir.

Les problèmes auxquels a donné lieu la mise en vigueur de la politique nationale des grains fourragers dans les années 70, a laissé place à une forme de commercialisation double à cause de laquelle la CCB a eu parfois de la difficulté à se procurer suffisamment d'orge fourragère pour faire face à ses promesses de vente. C'est à cause de cela que certaines personnes en sont venues à demander que la CCB ait le droit d'acheter des grains au comptant.

Mais il n'est pas nécessaire qu'on lui donne ce pouvoir. Elle devrait simplement pouvoir, par décret, remplacer les volumes manquants par rapport aux contrats de production conclus avec les agriculteurs, en s'approvisionnant auprès de l'industrie céréalière. Les dommages-intérêts seraient facturés en totalité aux agriculteurs responsables. Advenant qu'ils ne puissent être honorés par ceux-ci, le ministère de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire devrait alors rembourser la CCB.

Si la CCB commence à acheter des grains au comptant, nous ne reviendrons plus en arrière. Elle passera du statut d'organisme de commercialisation de première classe à celui de société céréalière vulgaris.

On a prétendu que la nouvelle organisation devrait permettre aux agriculteurs d'exercer un meilleur contrôle et de s'approprier le fonctionnement de la CCB. Mais voilà plutôt que le ministre donne un plus grand contrôle au conseil, aux dirigeants et au président - nommés au bon loisir du gouverneur en conseil - , plutôt que sur la base d'un bon comportement, le président du conseil et le président étant nommés par le ministre. On peut se demander ce qui se passerait si un ministre comme Doug Young devait assumer la responsabilité de la CCB.

On attend à présent des agriculteurs qu'ils assument d'autres coûts en assurant les paiements d'ajustement commun, par le biais du fonds de réserve envisagé. Quel accueil le gouvernement s'attend-il à ce que les agriculteurs réservent à cette proposition, eux qui ploient déjà sous toute une série de nouveaux coûts imposés par ce gouvernement, sans pour autant pouvoir exercer de contrôle sur l'éventail des facteurs susceptibles de retarder l'expédition des grains ou de provoquer des pertes de revenus?

L'article 45 du projet de loi prévoit l'exclusion de tout type, toute catégorie ou tout grade de blé et place un étouffoir sur ce qui devient un système discret de commercialisation double. Une minorité d'agriculteurs siégeant au conseil, en accord avec des non-agriculteurs, pourraient décréter que telle ou telle exclusion n'est pas importante et les agriculteurs, eux, se prononceraient contre l'exclusion. Maintenant qu'on a songé à permettre de telles exclusions, je m'attends à ce que les phytogénéticiens, les transformateurs et les sociétés céréalières continuent d'exercer un puissant lobby en faveur de leur adoption dans la loi. Il est par ailleurs ironique de constater que le projet de loi ne renferme aucune disposition prévoyant l'ajout de produits à ceux déjà commercialisés par la Commission.

L'article prévoyant l'émission de certificats négociables aux producteurs est la concrétisation d'une idée stupide. Ce ne serait plus les agriculteurs soumis à des contraintes financières, mais le secteur des approvisionnements et celui des institutions financières, qui profiteraient alors des avantages que constitue une commercialisation précoce.

La Commission canadienne du blé, elle, a fait la preuve des très nets avantages dont les agriculteurs ont pu bénéficier. Je ne sais si le projet de loi C-72 est une mauvaise tentative de compromis politique ou s'il est plutôt une manoeuvre intelligente visant à affaiblir l'organisation méthodique du marché que permet un guichet unique. Dans tous les cas, je ne pense pas qu'il nous donne ni l'orientation ni l'appui dont nous aurons besoin dans le prochain millénaire.

Merci.

Le président: Merci, Brad.

Alan Kennedy.

M. Alan Kennedy (présentation individuelle): Merci, monsieur le président et bienvenue au Manitoba. Merci de m'avoir donné la possibilité de m'adresser au comité.

.1640

Je suis un producteur primaire de la vallée de la rivière Rouge. Je n'ai aucun autre titre de compétences que de cultiver et de vendre des produits agricoles dans la vallée depuis une quarantaine d'années.

Au risque de rentrer un peu vite dans le vif du sujet, sachez que j'ai une certaine idée de ce que c'est que de passer d'une formule de vente par guichet unique à la vente sur le marché libre.

Je suis producteur de grain; depuis 33 ans, je produis du maïs-grain. Au Manitoba, l'un de nos principaux débouchés pour ce produit était la distillerie de Gimli. Les producteurs de maïs bénéficiaient alors effectivement d'un système de vente par guichet unique. Il nous suffisait de nous plier aux normes de la distillerie... Et les normes établies par la distillerie du Manitoba pour le maïs brassicole étaient nettement supérieures à celles visant le maïs fourrager; la différence entre les deux était la même qu'entre l'orge commune et l'orge fourragère.

Seagram's, le distilleur à Gimli, avait conclu une entente coopérative avec notre association de producteurs. Le distilleur voulait acheter un produit canadien, mais il voulait le faire directement auprès des cultivateurs. Notre association s'est entendue en notre nom avec la distillerie, sur un barème de prix fondé sur les prix à terme du mois écoulé du Chicago Board of Trade, établis au milieu de chaque mois. C'est donc à partir de là qu'étaient fixés les prix du mois suivant.

J'ai passé en revue mes revenus des années 70, réalisés dans le cadre de cet arrangement, et j'ai conclu que, pour cette période, cet arrangement m'a rapporté en moyenne 15c. de plus par boisseau pour du maïs de brasserie. Parfois, nous n'avions rien de plus, mais à l'occasion nous empochions50 p. 100 de plus, selon l'écart entre les prix du Chicago Board of Trade et ceux du marché libre. Mais à long terme, nous étions gagnants.

Je n'oublierai jamais un certain Paul Klein qui, dans les années 70, était préposé aux achats de grain pour Seagram's. Une année, il est venu prendre la parole devant notre assemblée de maïsiculteurs, et il nous a fait une mise en garde. À l'époque, nous étions environ 75 producteurs dans la région de Carman-Morden à faire pousser du maïs-grain. Comme je vous le disais, nous avions alors conclu un accord bilatéral avec la distillerie à qui nous vendions directement notre maïs, à un prix convenu de guichet unique.

Paul Klein nous a donc prévenus. Il nous a dit que si nous devions produire plus que ne pouvait en absorber Gimli, plus que ce que la distillerie pouvait nous acheter, nous devions être prêts à assumer le contrôle de nos marchés, parce que, si nous ne le faisions pas, quelqu'un d'autre le ferait pour nous, et que ce ne serait pas pour rien. Ce sont les paroles les plus sages que j'aie jamais entendu prononcer à propos de la commercialisation.

Aucun intermédiaire ne travaille pour rien. Pour moi, c'est là le meilleur argument en faveur de la vente à guichet unique, parce que dès l'instant qu'on perd le privilège de traiter directement avec les acheteurs - parce que j'appelle cela un privilège...

En 1981, la superficie ensemencée en maïs au Manitoba a explosé à cause de récoltes favorables, des prix du blé déprimés, et que sais-je encore. La distillerie de Gimli a alors décidé de s'approvisionner auprès d'intermédiaires, par le biais de soumissions, plutôt que d'acheter directement des producteurs. Cette décision obéissait à une raison fort logique: la brasserie s'était soudainement trouvée à devoir faire affaire avec 800 fermiers, des 70 que nous étions. Elle éprouvait des problèmes dans le respect des échéances de livraison et à propos de bien d'autres choses. Elle avait estimé que les intermédiaires régleraient cela pour nous. Encore une fois, ils ne l'ont pas fait gratuitement. En deux ans à peine, nous n'avions plus de prime et il n'y avait plus qu'un seul prix pour le maïs au Manitoba, celui du maïs fourrager, ce qui est encore le cas aujourd'hui.

Voilà donc ce que je sais du passage d'un système de vente par guichet unique au marché ouvert. Comme le disait M. Klein, tout a un prix et les intermédiaires ne font rien pour rien.

L'autre chose qui me préoccupe, c'est la ségrégation des variétés et la préservation de leur identité, surtout dans le cas de notre blé de mouture.

Pour en revenir à mon expérience de producteur de maïs, il y a juste un mois, à l'occasion d'un séminaire annuel, nous avons entendu une personne-ressource qui venait de Pierre, dans le Dakota du Sud. Cet agriculteur est à la fine pointe du progrès. Il exploite une ferme expérimentale commerciale de 3 000 acres. Il nous a fait profiter de tout son travail pour parvenir à une production à bas coût. Il nous a dit: c'est toujours la même chose, nous faisons partie d'un marché mondial et nous devons juguler nos coûts. Il a appliqué toutes sortes d'idées nouvelles, par exemple - et même si c'est difficile à croire - il a fait pousser du coton dans le Dakota du Sud.

.1645

Il nous a annoncé quelque chose en ce qui nous concerne. Il nous a parlé de tous les changements auxquels nous devons nous attendre. Pour lui, ce qui s'annonce, c'est l'IP. Il estime que c'est ce qui nous attend. Il nous a appris que les producteurs du Dakota font pousser certaines cultures spécifiquement destinées à l'industrie de la transformation.

Nous l'avons tous regardé d'un air intrigué. Nous avions eu, au Manitoba, exactement la même réaction que les producteurs du Dakota du Nord. Nous leur reprochons de bénéficier d'une subvention au transport parce que c'est le génie militaire qui entretient la voie fluviale du Mississippi pour les barges. Eux, estiment qu'ils ont toujours bénéficié de ces conditions et qu'il ne s'agit pas d'une subvention.

C'est cela que je veux dire. Personnellement, j'ai recours au programme de culture du Glenlea renforcé. C'est notre seul espoir au Manitoba: faire pousser un grain typé destiné à une certaine niche commerciale, un grain dont l'identité est préservée et que l'on peut expédier de façon méthodique de l'autre côté de la frontière.

Le président: Accélérez, s'il vous plaît, votre temps est écoulé. Si vous avez un autre commentaire à faire, allez-y, ou résumez en une ou deux phrases...

M. Kennedy: Je conclurai sur la question de la mise en commun. Plusieurs chercheurs fort érudits ont étudié la question et ont conclu que, comme nous travaillons avec des produits cotés sur le marché à terme, il nous en coûterait plus cher d'abandonner la mise en commun et de passer à un marché libre, parce que nous devrions alors gérer le risque.

Pourquoi déferrions-nous le système actuel? Je pense qu'on trouve la réponse dans la gestion du risque; pourquoi avoir des régimes d'assurance collective pour gérer le risque?

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Kennedy.

Nous allons entendre Fred Tait, après quoi, je crois que je vais accorder 15 à 20 minutes de questions et de commentaires à l'ensemble des députés. Nous entendrons ensuite le reste des témoins à titre personnel. Allez-y, monsieur Tait.

M. Fred Tait (présentation individuelle): Comme je suis du nombre de ceux qui se sont débattus pour faire venir le Comité de l'agriculture de la Chambre dans l'Ouest, je me réjouis que vous vous soyez rendus à notre invitation.

J'aurais d'ailleurs une suggestion à vous faire à ce propos. Quand vous venez dans l'ouest du Canada pour rencontrer les agriculteurs, vous devriez penser à les rencontrer sur leur terrain, là où ils vivent. Cet espace est fort luxueux, mais ce n'est pas ici que nous habitons. Par exemple, cet emplacement n'est certainement pas pratique pour ceux d'entre nous qui doivent parcourir150 milles pour venir ici. Mais cela n'est pas très important, ce n'est qu'une suggestion.

Quand je songe à toute cette question qui nous intéresse, je dois dire que j'ai sans doute lu et entendu plus d'information et de désinformation sur la commercialisation du grain que sur n'importe quel autre thème de la politique agricole au cours des cinq ou six dernières années.

Je devine d'ailleurs une orientation, une tendance, un peu comme ce qui se passait dans ma jeunesse, quand le garçon que j'étais travaillait avec ses grands-parents ou des personnes de leur âge. Ils s'arrêtaient occasionnellement pendant la journée pour se dire qu'il allait pleuvoir le lendemain ou qu'il allait beaucoup venter, ou encore que la première gelée arriverait sans doute le vendredi dans la soirée. Si je m'en souviens, c'est surtout parce que j'ai été frappé par leur capacité - nécessaire - d'utiliser leurs sens pour deviner le temps qu'il allait faire. Quand on est agriculteur, c'est ce qui fait votre réussite.

Je ne compte plus sur mes sens pour prévoir la météorologie, parce que je peux m'en remettre à un autre médium. Mais mes sens me disent encore, à propos de la CCB et de toute la question de la commercialisation du grain, que la Commission fait face à un violent orage. Et je crois que nous sommes encore loin de la zone d'accalmie.

Tout le débat sur la commercialisation des grains a été chargé d'émotion, il a été idéologique et il n'a porté sur les avantages économiques qu'en de très rares occasions. Trois études économiques ont été effectuées, dont deux très favorables à la Commission. L'étude négative a été réalisée par Colin Carter et il est intéressant de noter qu'à l'occasion d'un procès ou d'une audience judiciaire, l'année dernière en Alberta, l'auteur, sous serment, a déclaré qu'il ne pouvait étayer les renseignements contenus dans son analyse. En fait, ce n'était que pure théorie.

Et puis, nous avons eu notre juste part en théories de la conspiration concernant la Centrale de crédit et la Saskatchewan Dairy Cooperative. La dernière rumeur qui circule, c'est que nous aurions espionné l'ambassade américaine pour avoir l'avantage dans une vente de grain.

Mais il s'est avéré, comme dans d'autres cas auparavant, que cette théorie de la conspiration ne s'appuyait sur aucun fait, qu'elle était purement imaginaire. Il y a des gens qui ont un avenir tout tracé dans l'écriture de romans d'espionnage à la James Bond.

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J'ai l'impression que toute cette tendance s'inscrit dans le cadre d'un mouvement vers la privatisation et la déréglementation. Je soupçonne que, dans les entrailles bureaucratiques d'Ottawa, on a déjà décidé de démanteler la Commission canadienne du blé. C'est du moins le voeu exprimé par certains.

Par exemple, l'article 22 du projet de loi C-72 permet au conseil d'administration de recommander au ministre «de soustraire tout type, toute catégorie ou tout grade de blé produit... dans telle région du Canada...». C'est le mot «région» qui me préoccupe. Cela voudrait-il dire qu'une partie d'une province de l'ouest du Canada pourrait être soustraite à la compétence de la Commission canadienne du blé?

J'ai posé cette question au ministre Goodale qui m'a déclaré que si c'est ce que voulait dire la loi, il veillerait à la modifier pour l'empêcher. C'est peut-être un aspect auquel vous devriez donner suite, puisque vous êtes des parlementaires.

Si une telle situation devait se concrétiser, il serait possible de vendre librement des grains dans une région échappant à la compétence de la CCB, et donc de les destiner au marché à l'exportation. Par ce simple changement, consistant à exclure une petite région de l'ouest du Canada de la compétence de la CCB, vous vous trouvez à instaurer un double système de mise en marché.

En outre, l'article 22 décrit un processus permettant au ministre de demander la tenue d'un vote des producteurs, avant d'exclure tel ou tel type de blé. On y emploie le mot «important», mais rien, ailleurs dans la loi ne définit ce qui est important et ce qui ne l'est pas. Comme de nombreux autres présentateurs vous l'ont signalé aujourd'hui - et on vous le répétera en Saskatchewan et en Alberta - , il n'y a pas de dispositions parallèles permettant à un producteur d'ajouter des grains à la liste des produits commercialisés par la Commission.

En décembre dernier, à Saskatoon, j'ai demandé au ministre de l'Agriculture, Ralph Goodale, si l'on n'avait pas commis une négligence dans la loi en ne permettant aux producteurs de se prononcer démocratiquement que pour affaiblir la Commission canadienne du blé. Il est intéressant de constater que Ralph Goodale n'a jamais répondu à la question. Peut-être pourriez-vous l'obliger à vous fournir une réponse.

J'entretiens également quelques préoccupations au sujet des amendements proposés. Ont-ils pour objet de se conformer aux exigences contenues dans l'ALENA et l'ACCEU, et vont-ils dans le sens d'une position qu'on aurait déjà arrêtée en préparation de la prochaine ronde du GATT?

Pour ce qui est de l'administration de l'ACC, on nous dit qu'un conseil élu par les agriculteurs leur donnerait plus de contrôle sur la CCB. On est en droit de se demander comment un conseil d'administration élu pourrait être plus redevable envers les agriculteurs que l'actuel comité consultatif.

Certains ont exprimé des craintes quant à la possibilité que le gouvernement nomme six ou sept administrateurs ainsi que le président-directeur général. Personnellement, j'entrevois quelque chose de beaucoup plus sinistre. Le milieu agricole va exercer davantage de pressions en arguant que nous devons être mieux représentés et que nous devons élire tous les membres du conseil. Le gouvernement se pliera à cette requête mais, par la même occasion, il retirera son appui financier à la Commission, ce qui serait tout à fait normal.

Je dois m'arrêter un instant sur ce qu'on nous propose ici. Le député fédéral qui me représentait auparavant, l'ancien ministre responsable de la Commission canadienne du blé, était Charlie Mayer. Je me suis demandé ce que Charlie Mayer aurait fait dans le cas de la Commission canadienne du blé en vertu de la loi qu'on nous propose. On nous dit que les commissaires sont mis en place par le ministre, à titre amovible. Ainsi, ceux qui n'auraient pas plu à Charlie Mayer auraient été remplacés, à son bon gré, par des gens lui convenant, sans égard à l'avis des producteurs.

Je devine là une énorme menace pour la démocratie dans l'avenir. Il s'agit d'un instrument qui, placé entre de mauvaises mains, pourrait complètement détruire la Commission canadienne du blé.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Tait. Je vais passer la parole à Jake et à Wayne, pour commencer.

M. Jake E. Hoeppner (Lisgar - Marquette, Réf.): Merci, monsieur le président. Je serai très bref.

Le président: Si vous gardez la parole pendant sept minutes, les autres ne pourront pas faire de commentaires.

M. Jake E. Hoeppner: J'adresse ma question à tous les témoins. Aujourd'hui, on nous a appris qu'en vertu de la Loi sur la Commission canadienne du blé, les sociétés céréalières peuvent être appelées à payer une coquette prime de sélection si elles détournent à leur profit du grain destiné à des sociétés concurrentes.

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Êtes-vous d'accord avec cette politique? Et avez-vous déjà pu bénéficier de ce type de prime de sélection dans le passé?

Une voix: On parle du projet de loi C-72, Jake.

Le président: Jake, essayez de faire en sorte que votre question porte sur le projet de loi C-72. Nous avons déjà pas mal parlé de cela aujourd'hui, et je ne vais pas vous empêcher de le faire, mais comme nous l'avons déjà dit, nous devons nous efforcer, dans toute la mesure du possible, de nous en tenir aux modifications du projet de loi C-72.

M. Jake E. Hoeppner: Ce qui me préoccupe, monsieur le président, c'est que nous ne savons pas exactement ce qu'est la Loi sur la Commission canadienne du blé et, si nous devons la modifier, nous ferions mieux de nous assurer que nous savons dans quel sens nous devons tendre. Il a, je crois, été question du système de mise en commun et du guichet unique, deux aspects qui soulèvent des questions auxquelles il vaut mieux trouver réponse.

Le président: Keith, très brièvement, je vous en prie.

M. Proven: Je sais que, si je vends de l'orge brassicole, je touche une prime. Quand je vois ce qui se passe dans le cas des sociétés céréalières qui offrent des primes pour les livraisons directes, pour la livraison par camion, je perçois un problème au niveau du règlement. Nous avons déréglementé au point où, à présent, nous ne pouvons plus exercer aucun contrôle sur la mise en commun des prix. Si nous continuons ainsi, tout ce qu'on verra, c'est une noria de camions sur les routes et nous n'aurons plus aucune organisation.

Nous produisons une marchandise en vrac et nous devons trouver un moyen efficace de la regrouper et de l'acheminer jusqu'au port. Si nous continuons à déréglementer de la sorte, nous ne serons plus efficaces. Je ne suis pas en faveur de ce genre de réglementation qui consiste à supprimer tous les instruments permettant d'accroître l'efficacité et à l'élaboration desquels nous avons tant travaillé.

Le président: Brad.

M. McDonald: Je suis au courant des soi-disant mesures incitatives. Elles sont parfois camouflées sous la forme de primes de camionnage versées par les sociétés céréalières. En fait, c'est la Commission canadienne des grains qui devrait répondre à cette question.

Les tarifs sont déjà assez élevés. Par exemple, si vous payez 11 $ pour l'orge et 9 $ pour le blé, mais que le prix de départ et les coûts ne sont que de 5 $ environ, le reste étant des frais généraux, la société céréalière dispose d'une certaine marge avec laquelle elle peut jouer. Elle peut prélever ce qui lui en coûte en frais généraux à chaque point de prélèvement et au point de qu'elle aura choisi. En fait, il faudrait adresser cette question à la Commission canadienne des grains...

M. Jake E. Hoeppner: Elle ne vous répondra pas.

M. McDonald: Pourtant, c'est vraiment elle qui est responsable des prix. Pourquoi les tarifs sont-ils aussi élevés?

Le président: Brad Mroz.

M. Mroz: La Commission canadienne du blé nous verse une prime pour du blé à forte teneur en protéines. Comme nous avons un séchoir à céréales à la ferme, que nous effectuons une coupe nette et maintenons une qualité élevée, nous parvenons à produire un blé de grade élevé, à forte teneur en protéines. C'est la même chose dans le cas de l'orge brassicole que nous vendons à la CCB.

Sur le marché libre, je n'ai jamais reçu de primes. Il n'y en a jamais sur ce marché. On perçoit le prix du jour. Si vous voulez vendre, vous le faite au prix du jour. C'est grâce à l'effort de commercialisation de la Commission canadienne du blé que nous obtenons une prime.

Le président: Andy.

M. Baker: Je préférerais, d'abord, que nous nous en tenions à la loi et à mes idées à ce propos, et une fois que nous aurons franchi cet obstacle de taille, nous pourrons envisager d'apporter des changements à la loi.

Le président: Parfait. Fred.

M. Tait: Je me suis déjà exprimé à ce sujet en réponse à une question du député, lors d'une séance précédente.

Le président: Alan.

M. Kennedy: La seule chose que j'aurais à dire, Jake... encore une fois, sachez que j'ai une certaine expérience dans le domaine de la commercialisation. J'estime qu'on évolue dans une véritable jungle dès qu'il s'agit d'opérations sur marchandises agricoles.

Des voix: Ah, ah!

M. Kennedy: Tout à fait, c'est même une guerre sans le bénéfice de la Convention de Genève.

Des voix: Ah, ah!

M. Kennedy: Tous les coups sont permis.

M. Jake E. Hoeppner: C'est ce que nous essayons d'éviter, Alan.

M. Kennedy: Je ne pense pas qu'on puisse l'éviter; on peut certainement trouver des moyens de combattre le phénomène, mais pas de l'éviter.

M. Jake E. Hoeppner: Certes, mais je voulais obtenir votre avis à ce sujet. J'apprécie votre commentaire...

Le président: Je crois qu'il vient juste de vous le donner, Jake.

Avez-vous quelque chose à ajouter, Jake?

M. Jake E. Hoeppner: Non, je vous remercie.

Le président: Merci, Jake. Wayne?

M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): C'est fort bien vu, Alan, quand vous dites que c'est une guerre sans le bénéfice de la Convention de Genève.

Monsieur le président, j'aimerais signaler une petite chose, pour mémoire, qui est directement liée à la question qui nous intéresse. Ce sera très court. Je vais vous lire un extrait de l'intervention de Robert Carlson, de la National Farmers Union des États-Unis:

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Il précise, en outre, qu'il nous arrive de nous battre entre agriculteurs au nom du libre-échange et conclut ainsi:

Personnellement, j'estime que la Commission canadienne du blé est une de ces institutions qui protègent les agriculteurs.

Je sais qu'un certain nombre de témoins, pour ne pas dire la plupart d'entre eux, ont exprimé des réserves à propos du projet de loi C-72 et nous ont dit qu'ils préféraient le système actuel. Quoi qu'il en soit, nous sommes saisis d'un projet de loi.

Je veux savoir ce que vous pensez de la disposition d'exclusion. D'après la recommandation du conseil, je pense que nous pouvons exclure... . Il s'agit de l'article 22, l'ancien article 45 de la loi renuméroté 45 1), qui stipule que «le gouverneur en conseil peut... soustraire tout type, toute catégorie ou tout grade de blé» - , autrement dit il s'agit de l'article sur l'exclusion. Estimez-vous qu'il faudrait également prévoir une disposition d'inclusion, reprenant à peu près ce libellé?

Le président: Y a-t-il quelqu'un qui veuille intervenir à ce propos? Wayne?

M. Wayne Easter: Oui.

Le président: Très bien, nous allons commencer par Alan, pour une courte remarque. Certains d'entre vous se sont déjà exprimés à ce sujet, mais histoire de...

M. Kennedy: Effectivement, je serais favorable à l'adoption d'une disposition d'inclusion.

M. Tait: Je me suis déjà exprimé à ce sujet - c'est oui.

M. Baker: Si nous devons avoir une clause d'exclusion, alors il faudrait aussi une clause d'inclusion. Personnellement, j'estime que nous n'avons besoin ni de l'une ni de l'autre. Il appartient aux producteurs de décider s'ils veulent inclure des cultures ou en exclure. Je ne pense pas que cela doive être décidé par un conseil élu, à demi élu, à demi nommé ou à demi ce que vous voudrez.

Le président: Un point d'éclaircissement: à la façon dont l'article est rédigé, il faudrait tout de même tenir un vote des producteurs. Si je comprends bien, le conseil ne peut, de son propre chef, formuler ce genre de recommandation, même d'après le libellé actuel.

M. Baker: Fort bien, alors je serais d'accord pour qu'on adopte aussi une clause d'inclusion.

Le président: Je pense avoir été assez clair là-dessus. Si je me trompe, je vous en prie corrigez-moi.

Brad.

M. Mroz: Personnellement, je ne pense même pas que nous devrions avoir une clause d'exclusion, mais puisqu'il y en a une, alors je préférerais aussi que nous ayons une clause d'inclusion.

Le président: Parfait.

Brad McDonald.

M. MacDonald: C'est fort simple. Vous supprimez la clause d'exclusion et vous la remplacez par une clause d'inclusion.

Le président: Merci.

Keith, je crois que vous vous êtes déjà clairement exprimé à ce sujet, mais si vous le désirez vous pouvez vous répéter.

M. Proven: J'espère que les députés libéraux que je connais très bien, pourront faire supprimer cette clause d'exclusion. Ils ont un tel pouvoir au sein du comité que...

Des voix: Ah, ah!

Le président: Et s'ils n'étaient pas aussi puissants que ce qu'ils ont bien voulu vous le faire croire, et que cette clause d'exclusion demeure, voudriez-vous que nous ajoutions une clause d'inclusion?

De quels députés parlez-vous, au fait, mais je ne vous mettrai pas sur la sellette en vous demandant de les nommer ici, Keith.

M. Proven: Je déteste ce genre de question parce que dès qu'on y répond, on se trouve à donner son agrément à la loi. Vous dites que si l'on conserve la clause d'exclusion, on peut ajouter une clause d'inclusion. Personnellement, j'estime que nous devrions jeter tous les amendements à la poubelle. Je n'y trouve rien de bon.

Le président: Parfait. Wayne?

M. Easter: L'autre question que je voulais poser, monsieur le président, concerne le ministre. On a déjà dit, je crois, que le système de vente par guichet unique est l'un des trois piliers de la CCB, et qu'il faut le conserver. Y a-t-il dans la loi des aspects qui, selon vous - je crois que quelqu'un a mentionné la vente au comptant - pourraient affaiblir la capacité de vente par guichet unique, la mise en commun des rentrées?

Le président: Keith, nous allons commencer par vous et nous progresserons vers l'autre côté. Je crois que vous avez déjà répondu à cette question, mais je ne veux pas vous mettre souffler les mots.

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M. Proven: J'ai effectivement déjà répondu. Quand vous nous avez accordé cinq minutes pour parler de ce projet de loi, je me suis demandé ce que j'allais dire. J'aurais pu décortiquer chaque article, mais j'aurais alors gaspillé mon temps très limité par ailleurs.

En fait, à quoi pense-t-on quand on nourrit ses vaches et qu'on fait pousser son grain? À la meilleure façon de régler le problème. Si celui-ci tient aux amendements, aux prémisses sur lesquelles on s'est appuyé pour en arriver là, que fait-on? Eh bien, on se débarrasse de la source du problème, c'est-à-dire des amendements. C'est là la meilleure façon de régler le problème. Il n'y a rien de bon là-dedans.

Le président: Brad.

M. McDonald: D'après ce que je crois comprendre, et même si cela vient aussi d'ailleurs, c'est surtout la Commission canadienne du blé qui a émis l'idée de vendre au comptant, de pouvoir acheter sur le marché au comptant, en particulier à la suite de ce qui s'est produit il y a deux ou trois ans quand elle ne pouvait pas honorer ses promesses de vente à cause des producteurs qui étaient en défaut dans leur contrat. J'ai participé à l'élaboration de ces contrats, en 1994-1995, et je savais qu'à cette époque ils étaient simplement destinés à régler les problèmes découlant de la politique intérieure des céréales fourragères.

Le problème tenait essentiellement au fait que les contrats en question ne prévoyaient pas une pénalité suffisante en cas de défaillance par les producteurs. En ce qui me concerne, si je n'honore pas un contrat de livraison de canola, je puis vous assurer que la société céréalière à qui je vends, la MPE, me tombera dessus et me fera payer jusqu'au dernier sou que cela lui aura coûté. C'est cela que doit faire la Commission. Elle doit s'arrêter de faire de la politique et d'essayer d'être gentille avec tout le monde. Il faut choisir entre vendre du grain et peigner la girafe!

Quant à moi, j'estime qu'elle n'a pas besoin de cette clause. Si les agriculteurs trouvent que le prix du marché international qu'on leur offre n'est pas assez élevé, et qu'ils ne veulent pas donner leur grain à la Commission, celle-ci devra s'y faire.

Le président: Brad.

M. Mroz: Je trouve que la disposition prévoyant l'achat au comptant est une menace au système de guichet unique, tout comme la clause d'exclusion qui prévoit la possibilité de retirer certaines classes ou certains grades de blé ou d'orge de la compétence de la Commission canadienne du blé.

Le président: Andy.

M. Baker: Je commence à être un peu inquiet, comme Keith. Dans mon exposé, j'ai parlé de ce qu'il fallait faire, selon moi, et voilà qu'à présent on me pose des questions sur des articles de loi qu'on semble avoir déjà adoptés.

Le président: Allons, Andy, ces articles de loi n'ont pas encore été adoptés. Nous ne serions pas ici si c'était le cas.

M. Baker: On dirait que vous voulez traficoter un projet de loi ou qu'on en est déjà au stade de la loi et qu'on nous demande ce qui serait le plus acceptable pour nous.

Le président: Mais non.

M. Baker: Pour moi, ce qui est acceptable c'est qu'on modifie le rôle du comité consultatif pour le charger d'approuver les nominations au conseil, et qu'on mette ensuite les autres changements en oeuvre, de façon rationnelle, sans se précipiter en essayant d'apporter des tas de changements radicaux et fondamentaux à la Commission canadienne du blé.

Le président: Afin qu'on s'entende bien sur le processus, je tiens à préciser qu'il s'agit d'un projet de loi qui en est à l'étape de la première lecture, comme cela se fait pour toute nouvelle mesure, provinciale ou fédérale. Ce texte a été soumis au Comité permanent de l'agriculture après la première lecture, ce qui lui confère une plus grande souplesse pour y apporter des changements. Afin de déterminer quels changements il y a lieu d'y apporter, et pour que le plus grand nombre de gens soient satisfaits de cette mesure, nous sommes venus vous rencontrer ici, dans l'ouest du Canada pour vous écouter.

M. Baker: Parfait. Alors, je devrais sans doute dire que je recommande de confier au comité consultatif le pouvoir d'approuver les nominations au conseil d'administration de la CCB et je devrais essentiellement m'en tenir à cela.

Le président: Fort bien.

Fred, voulez-vous dire autre chose?

M. Tait: L'impression générale que je retire de tout ce projet de loi, Wayne, c'est qu'il n'est pas destiné à renforcer la Commission canadienne du blé. Ce n'est pas ce que je perçois.

Alors, nous en revenons à ce qu'a dit Keith et à ce que m'ont confié plusieurs personnes: si nous commençons à parler de changements ou de modifications, nous adhérons au processus et nous nous faisons piéger. Cela est déjà arrivé aux organisations agricoles dans le passé, à plusieurs reprises, et je suis sûr que ça se reproduira dans l'avenir. Mais je suppose que nous n'avons pas d'autre choix que de participer.

Vous avez parlé du conseil d'administration. Plus tôt je vous ai dit ce que j'en pensais: que le gouvernement pourrait s'en servir dans l'avenir comme excuse pour mettre un terme à son appui financier. Quant à l'achat au comptant, j'estime qu'on a réglé la question.

.1710

Je soupçonne que tout le processus d'aujourd'hui - et je m'attends à ce qu'on modifie le libellé de la loi, ici et là - , ait pour seul objet de rendre la chose plus présentable au public, de mettre un étouffoir sur tout ça, surtout avant une élection.

Le président: Alan.

M. Kennedy: Je vais faire écho à ce que les interlocuteurs précédents ont dit. Je m'oppose à tout ce qui risquerait d'affaiblir les piliers de la CCB - et je ne doute pas qu'on vous en ait parlé à plusieurs reprises aujourd'hui. Mais ce qui m'intéresse, par-dessus tout, ce sont les coûts. C'est un véritable leitmotiv. Est-il possible de correctement chiffrer les coûts associés à la gestion du risque, car il y aura de tels coûts si vous essayez d'appliquer cette formule au principe de la mise en commun, et d'inclure ces coûts dans les contrats de vente au comptant? En outre, ces coûts sont-ils justifiés quand on sait qu'il est question d'accommoder quelques rares personnes qui pensent être assez intelligentes pour anticiper sur le marché? Voilà mes questions. Quel est le ratio coût-avantage? Et cela vaut-il la peine?

Le président: Merci.

Elwin.

M. Elwin Hermanson (Kindersley - Lloydminster, Réf.): Merci, monsieur le président et merci à vous tous de comparaître devant notre comité.

Keith, vous avez dit que vous confiez la commercialisation de votre grain à la Commission canadienne du blé. C'est en fait la position dans laquelle je me trouve. J'aimerais pouvoir continuer à confier mon grain à la Commission canadienne du blé pour qu'elle le commercialise, mais plutôt que d'exercer un choix, j'ai l'impression qu'on m'impose la CCB. C'est un peu comme avec mes parents, mon frère et ma soeur; je n'ai pas le choix et je ne peux qu'espérer que nous nous entendrons bien et que je vais les aimer.

Le président: C'est la même chose en ce qui les concerne, Elwin.

M. Elwin Hermanson: C'est vrai, eux non plus n'ont pas le choix. J'aimerais pouvoir avoir le choix de retenir les services de la Commission canadienne du blé.

Plusieurs d'entre vous nous ont plus ou moins dit qu'ils voudraient que la Commission canadienne du blé demeure telle qu'elle est actuellement, avec son conseil d'administration et son conseil consultatif.

Je ne sais si vous êtes au courant, mais la firme Deloitte et Touche, vérificateur de la CCB, a effectué une étude interne sur l'administration de la Commission. Les employés ont témoigné en toute bonne foi pensant que cette étude ne serait jamais publiée, mais il se trouve qu'elle vient d'être rendue publique après une fuite.

Dans ce rapport de vérification, il ressort très clairement que la conduite des affaires à la Commission est désuète. Pour Deloitte et Touche, les méthodes en place étaient valables pour les années 40 ou les années 50, pas pour les années 90. La firme comptable fait ressortir les mauvaises communications entre les commissaires, les paliers de gestion et les employés de la Commission. Le rapport nous apprend que la CCB a dépensé des milliards de dollars qui n'avaient jamais été budgétés, essentiellement parce qu'elle payait automatiquement les factures, sans qu'on se pose plus de questions. Les vérificateurs recommandent la mise en oeuvre de changements importants, notamment et surtout dans la conduite des affaires de la CCB. Cela montre bien que même le conseil d'administration et les employés jugent que le statu quo n'est plus suffisant.

Plusieurs des changements contenus dans ce projet de loi ont en fait été recommandés par la CCB, par les membres du conseil, par les employés cadres. Cela étant, moi non plus, je ne pense pas que le statu quo soit satisfaisant et je crois que nous ferions mieux de commencer à chercher des façons d'améliorer la CCB.

Ma question s'adresse à chacun d'entre vous. Le milieu agricole est très divisé sur la question de savoir si la Commission canadienne du blé doit demeurer un guichet de vente unique ou si elle doit appliquer un double système de commercialisation, si elle doit vendre au comptant ou seulement dans le cadre d'un régime de mise en commun, etc. Or, je n'ai entendu que fort peu de choses aujourd'hui, et certainement rien émanant de vous, messieurs, qui soit susceptible d'apaiser les hostilités dans le milieu agricole. Vous avez parlé de ralliement auquel vous avez pris part. Les membres de Farmer for Justice, eux, font illégalement passer du grain de l'autre côté de la frontière. Rien dans le projet de loi C-72, rien ailleurs et rien émanant de vous devant ce comité ne permettra de mettre un terme à toute cette rancoeur et à toutes ces divisions.

Que vous l'appréciez ou non, les deux tiers des producteurs d'orge de l'Alberta ont voté pour un système de commercialisation double. Cela fait beaucoup de gens. Ils étaient plusieurs milliers, beaucoup plus que ceux qui ont voté en faveur du comité consultatif. C'est un fait.

J'aimerais que vous nous fassiez quelques suggestions sur les solutions que nous pourrions adopter afin d'apaiser le milieu agricole, plutôt que de nous recommander d'être intransigeants, de conserver les choses exactement comme elles sont et de continuer à nous battre avec nos voisins. Cela ne suffit pas.

Le président: Peut-être pourrions-nous commencer par celui qui est au milieu, Brad Mroz.

M. Mroz: De toute évidence, monsieur Hermanson, vous lisez trop les journaux parce que c'est là que se situe le problème. Les médias retiennent la position de ces extrémistes, parce qu'ils veulent une histoire. Les journalistes ne veulent pas faire du journalisme d'enquête, ils veulent juste un gros titre. Ils ne connaissent pas les données économiques qui se cachent derrière ces décisions.

Ils disent que certains sont allés en prison pour avoir fait passer du grain de l'autre côté de la frontière, ce qui n'est pas vrai. Ils sont allés en prison parce qu'ils n'ont pas rempli les papiers qu'il fallait pour traverser la frontière. Tout le monde peut écouler des produits aux États-Unis à condition de présenter les papiers qu'il faut. Ces gens-là sont allés en prison parce qu'ils n'avaient pas ces papiers et qu'ils ont repris les tracteurs qu'on leur avait saisis. Ils ne sont pas allés en prison parce qu'ils vendaient du grain, mais parce qu'ils n'ont pas fait leur travail.

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M. Elwin Hermanson: Je parle de la majorité qui n'enfreint pas la loi, mais qui n'en est pas moins mécontente. C'est à cette fraction que je veux que vous vous adressiez.

Le président: Elwin, laissez-les répondre.

M. Mroz: Je vous dirais simplement que vous ne devez pas tenir compte de leur avis, parce que ce sont des extrémistes.

L'été dernier, M. Goodale a demandé qu'on réponde à sa lettre, ce qu'ont fait plus de 12 000 agriculteurs. Dans le résumé que les fonctionnaires ont fait de cette campagne épistolaire, il est dit que 90 p. 100 des lettres étaient favorables au maintien des trois piliers de la Commission canadienne du blé. Alors, admettons-le, l'argument est avancé par une petite minorité et certainement pas par la majorité. Les céréaliculteurs, c'est nous, et nous sommes heureux de la façon dont fonctionne la Commission canadienne du blé. Effectivement, je la paie pour qu'elle fasse mon travail, et j'en suis heureux. Elle le fait très bien.

Personnellement, j'ai recours à la Commission canadienne du blé et je perçois des acomptes en liquide. En fait, quand vous produisez des céréales, dès que vous avez besoin d'argent, vous devez vendre quelque chose. J'ai perçu des avances en liquides en 1995 et en 1996. J'ai pris ces acomptes, j'ai honoré mes appels de livraison et mes contrats. J'ai perçu près de 6 $ le boisseau pour mon blé en 1994 et près de 7 $ en 1995. J'avais ensilé mon canola et j'ai attendu que les prix montent au printemps.

Grâce à la Commission canadienne du blé, je peux me permettre d'attendre sur le marché libre. Mais si vous affaiblissez l'action de la Commission canadienne du blé et que vous nous forciez à écouler la totalité de nos produits sur le marché libre, si nous perdons une partie des avantages que nous avons actuellement, si la Commission n'effectue plus le travail qu'elle accomplit à l'heure actuelle, je serai contraint de vendre une partie de ma production à l'époque de la récolte, au moment où les prix sont les plus bas, pour faire face à mes engagements financiers. Ça, c'est la réalité de la commercialisation des céréales pour un producteur. On vend le grain quand on a besoin d'argent.

Merci.

Le président: Quelqu'un a-t-il un commentaire à faire? Fred.

M. Tait: Selon moi, la raison même de la démocratie n'est pas de mettre un terme au débat, mais de permettre qu'il continue. Il faudrait que ça se passe ainsi à l'échelle de notre société. De temps en temps, à l'occasion de ce débat, on prend le pouls de l'opinion publique et on décide ensuite de l'orientation politique à adopter. On parle alors d'élection, de plébiscite ou autre; en fait, votre parti est un grand défenseur de ce concept. Mais il n'est jamais question de détruire une institution sous prétexte que la minorité fait plus de bruit que la majorité. Il n'en est jamais question, dans aucune démocratie.

Pour en revenir à ce que vous disiez au sujet du plébiscite qui s'est tenu en Alberta, nous devions trancher entre avoir la possibilité d'écouler notre grain sur le marché libre et être contraints de le remettre à la Commission canadienne du blé. Il est difficile de voter contre la liberté. Mais j'ai une question à vous poser, que j'ai soumise à Jake par télécopieur. Si cette façon de procéder est acceptable pour régler un problème de commercialisation des grains, elle devrait également l'être pour poser une question référendaire, comme pour la souveraineté du Québec? Le gouvernement québécois pourrait demander aux résidents de la province s'ils veulent avoir la liberté d'être indépendants, tout en demeurant au sein du Canada. Je sais que les communications ne sont peut être pas toujours ce qu'elles devraient être, mais jusqu'à ce jour, je n'ai pas encore obtenu réponse à la question que j'ai posée sur la validité éventuelle de ce modèle.

M. Jake Hoeppner: Je veux garder le Québec au sein du Canada.

M. Tait: C'est une comparaison valable. Si vous commencez à établir des précédents en posant ce genre de questions pour savoir comment s'y prendre afin de commercialiser nos grains, vous feriez mieux de vous interroger sur la façon dont sera formulée la prochaine question d'un éventuel référendum sur l'avenir québécois, ou d'autres questions relatives à la Constitution. Si vous vous réclamez de la démocratie, vous devez appliquer la même norme.

Le président: Quelqu'un d'autre veut-il intervenir? Je ne veux pas vous obliger à le faire si vous ne le voulez pas.

Alan, vous pouvez nous faire part d'une brève remarque, après quoi nous céderons la parole à Keith. Mais je vous en prie, soyez bref, parce que d'autres personnes attendent.

M. Kennedy: Je veux juste faire un commentaire en forme de réflexion sur ce que vient de dire Fred. En effet, moi aussi j'ai toujours établi un parallèle entre le plébiscite albertain et la situation référendaire au Québec, dans la façon dont les phrases sont formulées, dans la façon dont les questions sont posées. Mais je voudrais vous faire part d'une réflexion sur l'état d'esprit de la minorité qui réclame ce changement.

Il y a un mois environ, dans une lettre publiée dans la chronique d'un hebdomadaire local, une dame se plaignait amèrement. Elle avait l'impression que le vote à propos de l'orge n'allait rien changer au système, que cela ne ferait aucune différence. Son mari et elle-même s'apprêtaient donc à vivre une situation intolérable, celle de regarder leurs voisins obtenir exactement le même prix qu'eux pour le blé et l'orge. Je ne sais pas si cela vous frappe autant que moi, mais je n'aimerais pas que ces gens-là soient mes voisins.

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M. Proven: Je n'ai pas lu le rapport préparé par les vérificateurs de la Commission canadienne du blé, dont vous avez parlé. En attendant, je prends votre parole qu'il existe bel et bien et qu'il contient bien ce que vous nous avez dit.

Si je me fis à mon expérience d'exploitant agricole ayant traité avec la Commission canadienne du blé au cours des dix dernières années, je dirais que c'est un peu comme se faire mordre par un chien quand on se fait charger en même temps par un taureau: on en oublie le taureau. La Commission canadienne du blé a fait l'objet d'attaques politiques venant de l'intérieur, comme à l'époque où Charlie Mayer était ministre de l'Agriculture, responsable de la CCB. Puis les attaques sont venues de l'extérieur. En Alberta, le gouvernement finance des organisations qui veulent faire disparaître la Commission canadienne du blé.

Si vous voulez que nous mettions un terme à toute cette acrimonie dont vous parliez, laissons tomber nos différends de nature idéologique et voyons la chose sous l'angle des affaires. Tout le monde ici vous a dit que la Commission canadienne du blé nous permet de faire de bonnes affaires, et c'est pour ça que nous l'apprécions. Il ne s'agit pas de statu quo, il s'agit de 60 ans de service appréciable.

Le président: Merci beaucoup, messieurs.

Je voudrais adresser un mot à M. Tait sur le lieu de nos réunions. Il n'y a rien que j'aurais plus aimé, Fred, que de me rendre dans plusieurs collectivités, dans chaque province. Malheureusement, nous sommes aux prises avec des difficultés d'ordre logistique. Nous le savons tous. Nous avons fait de notre mieux. Nous voulions venir dans l'ouest du Canada. Comme nous ne pouvions compter que sur un seul arrêt au Manitoba, nous avons espéré que toutes les routes mènent à Winnipeg. Nous savons que certaines de ces routes sont plus longues que les autres. Nous aurions aimé pouvoir faire plus.

Merci d'être venu à notre rencontre, de nous avoir fait part de vos réflexions et de vos points de vue. Que nous soyons d'accord ou pas, ce débat va se poursuivre. Nous voulons qu'il se poursuive pour que nos actions profitent au plus grand nombre possible d'utilisateurs du système de commercialisation des grains dans l'ouest du Canada.

Je vais à présent demander à Mme Wowchuk et à MM. Hiebert, Rigby, Medd et Robson de s'avancer à la table.

Monsieur Hiebert.

M. Eduard Hiebert (présentation individuelle): Tout d'abord, je tiens à vous remercier d'être venu à Winnipeg, ce dont la plupart des gens se réjouissent.

Je suis un agriculteur de troisième génération. Je suis également délégué du Pool du Manitoba. J'ai participé activement à la Winnipeg Commodity Exchange dans le cadre de la commercialisation de mes grains. J'ai été un des rares céréaliculteurs qui avait encore un contrat à long terme quand les prix du canola ont atteint leur sommet en 1994. Autrement dit, ce contrat m'a beaucoup rapporté. Cependant, à cause des délits d'initiés et des défauts d'information du public, je me suis fait littéralement escroquer et je n'ai pas pu réaliser tout le potentiel de cette opération.

J'ai communiqué cette information au Comité de commercialisation des grains de l'Ouest, mais personne n'a jamais rien fait. Donc, d'un côté, j'ai été très présent sur le marché libre, mais d'un autre, j'ai été deux fois candidat au Comité consultatif de la Commission canadienne du blé.

Je suis un partisan bon teint de la Commission; mais l'une des principales raisons pour lesquelles j'ai posé ma candidature, c'est que j'estimais qu'il fallait apporter d'importantes améliorations à la Commission, en matière de reddition de comptes aux agriculteurs, par exemple.

Donc, en un sens, j'ai un pied de chaque côté de notre univers de céréaliculteurs, parce que c'est ainsi que les choses se passent quand on fait pousser des oléagineux et des céréales. Je crois être très intéressé aux deux et en posséder une bonne connaissance.

Je dirais, avant toute chose, que même si je travaille très fort - et comme je l'ai déjà précisé, je crois m'en être mieux sorti que la moyenne des producteurs - , je trouve qu'il me faut parfois plus de temps pour vendre le peu de canola et de lin que je produis - par rapport à ce que cela me rapporte - , à cause de toutes les informations dont nous sommes bombardés sur le marché libre, comme les nouvelles de la veille qui annoncent le moment de ramasser le pactole, etc.

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Je voudrais vous entretenir de quatre choses: d'abord les candidatures à la CCB; allons-nous élire le conseil? Comme j'ai été candidat moi-même, je trouve que ce projet de loi ne dit rien à ce sujet. Si nous devons laisser aller les choses comme elles sont et nous en remettre au comité consultatif, nous empêcherons automatiquement les agriculteurs de pouvoir se faire élire au conseil. Allons-nous permettre aux syndicats agricoles nationaux de présenter leurs candidats ou allons-nous permettre au gouvernement de l'Alberta de financer des céréaliculteurs de l'Ouest qui constitueront ensuite, en secret, une liste de candidats, tout en prétendant qu'ils se présentent à titre particulier. Il n'y a pas de juste milieu. Je trouve que cela ne marche pas.

Si nous devons tenir des élections, nous devrions nous assurer que la Commission canadienne du blé annonce à tous les titulaires de permis qu'ils vont être appelés à voter, à l'occasion de deux envois postaux. Il ne sert à rien de permettre aux candidats de recourir à la poste ou aux médias, parce que les agriculteurs sont un tout petit segment de la population. En outre, des particuliers comme moi-même ne disposent pas des fonds voulus pour contacter tous ces gens. La CCB, elle, a déjà des listes d'envoi et il ne lui en coûterait guère plus à l'occasion d'une élection.

Si nous devons tenir des élections, je recommanderais qu'on effectue deux envois postaux: un pour présenter les candidats au début et un autre, constitué d'un feuillet d'environ cinq pages, dans lequel on tiendrait une sorte de dialogue. Cette formule n'est pas coûteuse et elle garantit que tout le monde a une chance raisonnable d'être élu, et que les représentants de groupes d'intérêts, ou les bien nantis, ne seront pas les seuls à franchir le fil d'arrivée.

Deuxièmement, vous avez déjà entendu plusieurs groupements, mais je ne vais vous parler que de ceux ayant une vocation sociale. Le Manitoba Pool a déjà comparu devant vous. En outre, il a eu la possibilité de s'exprimer à l'occasion du PPI. On peut donc affirmer qu'il a disposé d'énormément de temps pour faire passer son message, contrairement aux vrais agriculteurs à qui on n'a accordé que très peu de temps ici, et c'est un délégué du Manitoba Pool qui vous le dit.

Ce sont ces mêmes groupements qui, par exemple à propos des achats au comptant, ont soutenu que la Commission canadienne du blé devrait pouvoir s'approvisionner auprès de l'industrie céréalière. Eh bien, ces gens-là, si vous me pardonnez l'image, sont un peu comme des cochons qui font la queue pour aller se faire égorger. Je ne pense pas qu'il soit bien que l'industrie céréalière bénéficie de ce genre d'exclusivité. Si des produits doivent se négocier au comptant, seuls les agriculteurs doivent pouvoir les écouler, et pas les intermédiaires. Et cela, c'est un membre et un délégué du Manitoba Pool qui vous le dit.

Troisièmement, même si je ne l'ai pas mentionné au début, j'ai fait partie d'un groupe qui a comparu devant le Manitoba Public Utility Board, pour essayer d'obtenir un meilleur service téléphonique dans les régions rurales de la province. J'ai consacré plusieurs années à l'action de ce groupement. Je comprends tout à fait le rôle d'un organisme de réglementation dans une situation de monopole.

J'ai participé aux travaux de ce groupe sous deux gouvernements, celui du NPD et celui des Conservateurs. Dans une certaine mesure, toutes les nominations se font par favoritisme. Malgré cela, les gens qui se sont retrouvés en poste ont pris de bien meilleures décisions que ceux qui les y avaient nommés, simplement parce que le processus en place prévoit le recours à un tribunal administratif exigeant la prise en compte des faits, tout comme un autre tribunal, et la prise de décisions fondée sur ces faits, dans l'application de la loi. Si ces gens-là errent dans leur décision, sur un point de fait ou de droit, l'affaire se retrouve devant le tribunal d'appel. On peut donc encore faire quelque chose.

En un sens, c'est un peu la même chose avec ce qui se passe ici. Vous pouvez tout à fait ne nous accorder arbitrairement que cinq minutes. C'est aussi un peu ce qu'on retrouve dans vos propositions contenues dans le projet de loi C-72. D'autres personnes ont siégé au conseil, mais il n'y a encore aucune façon de les tenir responsables envers les agriculteurs.

Si nous devons maintenir la situation de monopole, je crois que la meilleure façon de procéder pour que le conseil soit davantage redevable aux agriculteurs, consisterait à faire élire des producteurs novices, comme dans le cas du comité consultatif, plutôt que de nommer à temps plein au conseil d'administration des agriculteurs qu'on éloignera ainsi de la terre. Ainsi, la CCB deviendrait un organisme de réglementation, à l'instar du CRTC. Ce serait beaucoup plus logique que de continuer à nous livrer à ce jeu de devinettes que nous faisons avec le projet de loi C-72, pour savoir qui doit représenter qui.

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Pour terminer, je voudrais vous faire lecture d'une courte lettre que j'ai envoyée au ministre par télécopieur, le 12 février dernier. C'était en réponse à sa lettre qui a été largement reprise dans presque tous les journaux ruraux:

Cela m'amène à me poser certaines questions et j'aimerais bien que vous m'y répondiez:

Pourquoi le projet de loi C-72 permet-il de réduire éventuellement la compétence de la CCB, mais ne prévoit rien pour l'élargir, par exemple, à l'avoine et au canola, si les agriculteurs sont plus satisfaits de leur rendement avec la Commission canadienne du blé que de toute autre façon?

Pourquoi le plébiscite n'a-t-il pas comporté une question semblable pour l'orge, le canola, etc., ce qui n'aurait coûté qu'un peu plus, comme l'avaient demandé les agriculteurs et l'avait même recommandé Mayer?

Ou tout semble confirmer qu'au Chili, quand il a signé l'accord préparatoire de l'Organisation mondiale de commerce pour 1999, le Canada a en fait accepter d'éliminer les organismes de commercialisation comme la CCB? C'est, selon moi, ce qui s'est passé avec le Nid-de-Corbeau; d'abord la signature d'un accord préparatoire, puis l'élimination d'un programme. En quoi ce qui vient de se passer serait-il différent du cas du Nid-de-Corbeau?

Enfin, à propos de la façon dont nous pourrions supprimer toute la rancoeur qui règne actuellement entre certains groupements agricoles, je dirais que ce n'est pas une question de démocratie au sens large du terme. Le gouvernement a estimé, à juste titre, qu'il ne fallait plus laisser autant les coudées franches aux trafiquants de cigarettes. Il a fait ce qu'il fallait pour les coincer. Il n'y a rien de différent dans le cas trafiquants de grain.

Je crois qu'il en a déjà été question avant. L'intention, pour ce comité, ne devrait pas être de sillonner le Canada afin de recueillir le maximum d'avis et de rendre le plus grand nombre de gens heureux. Son objectif devrait plutôt être de ne pas écouter Cargill, la Western Canadian Wheat Growers Association, l'UGG ni les pools; il devrait écouter les agriculteurs. Ce sont les agriculteurs qui se servent de la Commission canadienne du blé. C'est un petit groupe sur lequel il faut s'attarder et je vous encourage fortement à le faire.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Rigby.

M. Grant Rigby (présentation individuelle): Bonjour.

Qui prend les décisions ici? Ce sont ces cinq messieurs et dames?

Une voix: Ce sont les Libéraux.

M. Rigby: Et ce sont eux les Libéraux?

Des voix: Ah, ah!

M. Rigby: Parfait, c'est donc à eux que je vais m'adresser...

Le président: Adressez-vous à l'ensemble du comité et nous verrons ce qu'il faut faire ensuite.

M. Rigby: Je voulais juste savoir à qui j'avais à faire. Il y a huit députés ici?

Le président: Tous les gens assis autour de cette table, à l'exception des deux personnes à ma droite et de celle à ma gauche, sont députés.

M. Rigby: Parfait.

Je suis céréaliculteur à Killarney, au Manitoba. J'ai déjà déposé auprès du Comité d'examen de la commercialisation des grains de l'Ouest, il y a un an, et je pensais que ma tâche était terminée, mais voilà que je me retrouve devant vous aujourd'hui.

Je n'ai pas très bien préparé ce que je vais vous dire, alors n'hésitez pas à m'interrompre si vous le jugez bon. J'ai sept points que je voudrais aborder, mais si je n'y arrive pas, ça ira.

Tout d'abord, le gouvernement fédéral ne devrait nommer aucun dirigeant, ou disons un tout au plus. Tous les autres, de préférence des délégués ou des commissaires, afin que nous sachions pour qui nous votons, devraient être élus. Cette formule est légèrement différente de celle actuellement en vigueur pour le comité consultatif.

Deuxièmement, j'aimerais qu'un groupe de ces administrateurs élus, soit spécifiquement chargé d'administrer le fonds des contributions des agriculteurs utilisés à des fins de recherche. Il s'est produit un cas où... Comme je n'étais pas là, je ne suis pas sûr de ce qui est arrivé, mais il semble que, il y a deux ans de cela, l'équivalent de cinq années de contributions des agriculteurs a été versé dans le fonds de recherche d'Agriculture Canada. Je ne porte pas de jugement sur cette décision prise à l'époque, mais je crois savoir qu'on n'a lancé aucun concours public à ce sujet. C'est un peu comme si on utilisait un organisme fédéral pour assurer la survie d'un autre organisme fédéral en redistribuant des fonds, sans concours public.

Comme nous devons pouvoir compter sur la meilleure recherche possible, toutes les décisions en la matière devraient être fondées sur les résultats d'un concours public. Je recommande donc qu'on modifie ce processus dans l'avenir.

Les administrateurs devraient être élus pour être responsables envers moi. Je ne sais pas qui décide de l'utilisation des fonds. Encore une fois, je ne critique pas ce qu'on a fait mais, dans l'avenir...

Troisièmement, je ne sais pas si la nouvelle loi le prévoit ou pas - je n'en ai vu que le sommaire - mais je pense que ce devrait être le cas. Le nouvel organisme, la Commission canadienne du blé ou peu importe la façon dont on l'appellera désormais, devrait pouvoir directement acheter le grain auprès des céréaliculteurs ou de ceux avec qui elle décidera de faire affaire. Autrement dit, cela équivaut au droit, pour les céréaliculteurs, de livrer directement aux clients de la CCB, surtout en Amérique du Nord, sous réserve évidemment qu'ils respectent les critères de volumes minimums, d'uniformité et de qualité.

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Bien sûr, nous maintiendrions en vigueur le principe maintenant établi de l'équité dans la livraison, proportionnellement au volume que les producteurs s'engageraient à livrer par contrat.

La Commission continuerait également d'assurer les opportunités de livraison par l'intermédiaire de ses représentants régionaux. Le système en place depuis plusieurs décennies exige que nous passions par un intermédiaire pour vendre à la Commission, un intermédiaire ayant son propre mode de fonctionnement et défendant ses propres intérêts, et qui nous occasionne énormément de frais de manutention. Si nous disposions d'une sorte de mécanisme de contournement nous pourrions contraindre tout ce secteur à être davantage concurrentiel.

Quatrièmement, je souhaiterais qu'on mette en place un système de commercialisation double au Canada, pour tous les grades de blé et, si la Commission doit continuer à commercialiser l'orge, pour tous les grades d'orge. J'ai pensé qu'on aurait pu lui retirer l'orge, mais je respecte les intérêts des producteurs d'orge et de malte. À la façon dont les choses se déroulent actuellement, on fait beaucoup trop de tort au secteur des grains fourragers.

Si je réclame un double système de commercialisation par la CCB, pour tous les grades de blé, c'est simplement parce que je crois que les prix actuels pratiqués par les minoteries canadiennes sont dérivés de la formule de Minneapolis. Je suis persuadé que c'est ainsi que ça se passe dans la plupart des cas. Je ne sais pas si j'ai raison, mais j'ai cru comprendre que la formule en vigueur est celle de Minneapolis moins les coûts de transport, ce qui voudrait dire, si je ne me trompe pas, que le prix payé par la Commission ne serait de toute façon pas supérieur à celui offert sur le marché libre. D'un autre côté, si nous réclamons un prix plus élevé au Canada que celui qu'offrirait le marché libre, on se trouve alors à faire une injustice aux consommateurs canadiens.

Nous pourrions donc tirer plus du marché canadien si nous le libéralisions. Nous pourrions conclure des accords à long terme avec les minoteries disposées à verser une prime à ceux lui accordant un régime préférentiel de livraisons.

Ce faisant, nous nous trouverions également à augmenter le volume des produits transformés au Canada, ce qui serait intéressant. À la façon dont la chose est actuellement structurée, si vous ouvrez une minoterie de l'autre côté de la frontière, dans le Dakota du Nord, vous avez accès au grain américain et vous avez également accès au grain canadien. En revanche, si vous installez cette même minoterie au Canada, vous n'aurez peut-être pas accès au grain américain. Si nous appliquions cette idée d'un système de commercialisation double au Canada seulement, nous serions le seul pays où il l'on pourrait conclure des contrats directement avec les agriculteurs ou s'approvisionner directement auprès d'un organisme à guichet unique. À ce moment-là, c'est au Canada qu'on ouvrirait des minoteries, et pas de l'autre côté de la frontière.

Il existe donc des raisons pour lesquelles on peut vouloir s'opposer au système de commercialisation double à l'échelle du continent ou de la planète, comme le pensent beaucoup de gens, et il y en a également contre la formule d'un guichet unique au Canada. Cela étant, je ne suis pas intéressé par les blés de grade élevé.

Cinquièmement, si je peux poursuivre...

Le président: Comme nous voulons entendre tout ce que vous avez à dire, dépêchez-vous pour les trois derniers points, Grant.

M. Rigby: Parfait.

Nous pourrions adopter un mécanisme plus novateur pour maintenir le monopole de la Commission canadienne du blé. J'aime l'idée de pouvoir compter sur un guichet central et de disposer d'un système garanti de mise en marché de mes produits à l'échelle internationale, grâce auquel je peux obtenir de meilleurs prix, mais il ne devrait pas être illégal, pour un céréaliculteur, d'exporter directement. Peut être devrions-nous imposer un tarif à l'exportation ou une petite pénalité financière suffisante pour empêcher l'exportation de gros volumes, tout en respectant le principe fondamental du droit et de la liberté de gagner sa vie.

Sixièmement, dans son rapport, le Comité d'examen de la commercialisation des grains de l'Ouest estime que si l'on permettait la vente libre de variétés non homologuées, nous risquerions de porter tort à nos exportations de blé. C'est insensé. Il suffirait de s'intéresser d'un peu plus près à la façon dont la Commission canadienne du blé contrôle l'exécution de ses contrats. Chaque gestionnaire de silo pourrait, très simplement, prélever une centaine de grains par chargement, au moment où les camions déversent leur contenu dans la trémie, et identifier correctement le contenant. En cas de problème au port ou ailleurs, par exemple si quelqu'un trouvait du grandin, on saurait d'où provient le chargement et on pourrait en tenir le producteur légalement responsable. On pourrait ainsi régler tous les problèmes, il suffirait de faire respecter les contrats.

Septièmement, il faudrait simplement interdire à cette organisation d'utiliser ses revenus nets à des fins d'investissement - surtout dans des installations de manutention, dans des entreprises de transformation, etc. - sans obtenir d'abord le consentement de chaque céréaliculteur. Conservons les installations déjà en place et que de telles transactions soient assurées hors du cadre de marchandisage de la Commission, pour diverses raisons.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Rigby.

Nous allons passer à M. Robson.

M. Ian Robson (présentation individuelle): Merci beaucoup, mesdames et messieurs les membres du comité.

À titre de contribuables, nous comptons sur nos élus pour prendre des décisions qui profiteront à la majorité des Canadiennes et des Canadiens. Quand nous entonnons tous en choeur «Protégera nos foyers et nos droits», ce que nous voulons dire, c'est «protégeons nos intérêts et notre bien-être mutuels».

«Protégera nos foyers et nos droits», cela veut dire que nous devons protéger les politiques sociales et économiques désirées par la majorité des Canadiennes et des Canadiens. Or, la CCB, telle qu'elle existe actuellement, est désirée par la majorité des producteurs. C'est une minorité d'entre eux qui veulent qu'on l'affaiblisse. Voilà pourquoi le gouvernement en est venu à proposer des modifications à la CCB, par le truchement du projet de loi C-72.

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Ce projet de loi se trouve effectivement à affaiblir la Loi sur la Commission canadienne du blé à la demande d'une minorité. Il le fait également à la demande de fonctionnaires qui veulent que le Canada se conforme à des règles de commerce international qui n'ont pas encore été arrêtées.

Il serait irresponsable de la part de ce Comité permanent de l'agriculture de ne pas analyser en détail le projet de loi C-72 et de ne pas envisager les conséquences des amendements proposés sur le fonctionnement économique quotidien des agriculteurs canadiens.

Il faudrait rejeter tous les articles du projet de loi C-72, puisque la majorité des agriculteurs qui en comprennent les conséquences n'appuient pas le projet de loi.

Par le biais de ces amendements, le ministre de l'Agriculture se trouve à priver tous les agriculteurs de la possibilité de défendre des prix équitables. La mise en commun est la méthode de commercialisation qu'appuient la plupart des producteurs, parce qu'elle répond à leurs besoins et qu'elle n'entrave pas la capacité des acheteurs.

De tout temps, les États-Unis s'en sont pris à la Commission canadienne du blé. À cause de cela, les Canadiennes et les Canadiens ont dû investir beaucoup pour défendre la Commission. Chaque fois que nous gagnons une cause contre les États-Unis à propos de la CCB, nous devrions les obliger à nous dédommager pour les inconvénients subis, comme dans le cas du blé dur, par exemple.

Et si ce comité ou le ministre faisait leur travail, qui consiste à protéger mes intérêts, en réclamant des modifications visant à obtenir un dédommagement en cas de contestations non fondées d'une action de la CCB? Et si ce comité cherchait à adopter des amendements qui nous permettraient de récupérer, auprès des États-Unis et de l'Union européenne, les revenus que nous avons perdus à cause de leurs politiques?

Les céréaliculteurs canadiens qui ont fait pousser du grain et qui ont vu sa valeur déprécier à cause des mesures adoptées par d'autres pays, trouvent que le manque d'appui par le gouvernement canadien est exaspérant, pour ne pas parler des coûts qu'il entraîne. L'Export Enhancement Program américain coûte des millions de dollars aux producteurs canadiens. Les règles commerciales ne signifient rien pour les Américains ou pour les marchands de grain. Ils adoptent une règle et trouvent une façon de la contourner. C'est comme cela que ça se passe dans notre milieu, depuis les tout débuts de la commercialisation des grains.

Les agriculteurs canadiens trouvent que la Commission canadienne du blé a toujours agi au mieux de leurs intérêts. On n'a jamais pu prouver le contraire. À chaque élection des membres au comité consultatif de la CCB, les agriculteurs ont choisi des gens favorables à la Commission canadienne du blé et non ceux qui auraient voulu l'affaiblir.

Certains producteurs canadiens contestent, devant les tribunaux et sur les marchés, les pouvoirs de la Commission canadienne du blé. Sur un plan commercial, la disposition de rachat que contient l'actuelle Loi sur la Commission canadienne du blé, favorise l'augmentation des prix, ce qui ne devrait pas être un motif pour s'en prendre à la Commission. Cela va tout à fait à l'encontre de ce que viens juste de dire mon voisin de droite. Cela ne devrait pas être un motif suffisant pour modifier la Commission canadienne du blé ou adopter le projet de loi C-72.

Quand de telles contestations se retrouvent devant les tribunaux, on s'en prend en fait aux contribuables canadiens. Les critiques de la CCB savent qu'ils se sont lancés dans des causes frivoles pour faire valoir une position politique.

On vient juste de dire qu'il est impossible, à la Commission canadienne du blé d'écouler directement ses produits aux États-Unis ou de les vendre à un acheteur local au Canada. La réalité est tout à fait contraire à l'impression qu'on a propagée au pays pour en arriver au genre de projet de loi qu'on nous soumet et dont nous essayons de débattre aujourd'hui. Nos élus doivent comprendre cette réalité et ne pas s'arrêter à ce genre de foutaises.

Peut-être devrait-on faire payer les frais de justice à ceux qui sont à l'origine de ce genre de contestations juridiques.

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Il incombe aux politiciens responsables de prendre le temps voulu pour bien appréhender les effets de ce projet de loi. Un travail acharné et des années d'efforts ont permis aux politiciens canadiens de remporter une bataille législative en instaurant la Commission canadienne du blé dans les années 30. Les soixante années de réussite de cette institution fédérale viennent démentir la piètre idée que les gens se font de la capacité des gouvernements.

L'actuelle structure des conseillers demeure le meilleur système d'administration qui soit parce qu'il est important que plusieurs personnes, travaillant en étroite collaboration, possèdent la même connaissance de cette vaste organisation, plutôt que de tout confier à un seul président, comme le propose le projet de loi C-72. Les transitions au sommet sont difficiles dans les organisations qui sont dirigées par une seule personne pendant un certain temps.

La nomination ou l'élection d'un conseil d'administration chargé de formuler des politiques constitue une approche bureaucratique à la commercialisation. Nous avons besoin de la structure actuelle, souple et compétente, composée de commissaires - elle doit être souple dans la recherche de débouchés et non pour se plier aux desiderata du ministre ou aux lubies des producteurs.

Le président: Excusez-moi de vous interrompre, mais pourriez-vous conclure dans les30 prochaines secondes, s'il vous plaît.

M. Robson: Il faudrait élargir les pouvoirs du comité consultatif de la CCB pour que celui-ci puisse formuler des suggestions à propos du fonctionnement de la Commission et de la façon d'améliorer la qualité des grains, les décisions d'ensemencement, la livraison par le biais d'un réseau de manutention et de transport, les prix négociés à la vente, la vérification et le contrôle des efforts de promotion déployés par la CCB. Il devrait aussi pouvoir s'assurer que les vérifications sur la CCB et les rapports sur ses opérations sont exacts, il devrait pouvoir examiner les plaintes des producteurs afin de les régler et devrait être appelé à recommander les candidatures au conseil d'administration de la Commission canadienne du blé, pour qu'on mette en place des personnes compétentes, sur la base de leur comportement, plutôt qu'à titre amovible.

Je recommande à toutes les personnes qui s'intéressent à la question de lire l'article que Dave Suderman a publié dans The Western Producer au cours des deux dernières semaines et dans lequel il explique en détail le fonctionnement de la Commission.

Je recommande aussi que le comité examine le jugement rendu dans l'affaire Andy McMechan, par le juge de Brandon.

Le président: Merci beaucoup, Ian.

Monsieur Medd.

M. Bruce Medd (présentation individuelle): Je suis heureux de comparaître devant vous, parce que j'ai une exploitation agricole à la frange de la région Birtle-Miniota.

J'ai découvert la Commission canadienne du blé quand j'avais environ six ans, au début des années 30. Un jour, notre voisin est venu nous dire que les agriculteurs étaient invités, par la voix des urnes, à dire s'ils voulaient ou non d'une Commission du blé. Il avait deux enfants et avait hérité d'une grande propriété agricole. Mon père, lui, avait élevé sept enfants et éprouvait des difficultés à l'époque, à cause des invasions de sauterelles et de bien d'autres choses. Il touchait 65c. pour son blé et, à l'automne, il devait payer le battage. Mon voisin, lui, n'avait rien à débourser pour cela, parce qu'il avait eu suffisamment d'argent pour s'acheter une batteuse. Il estimait ne pas avoir besoin d'une commission du blé, mais quand mon père lui a demandé comment il allait voter, il lui a dit qu'il se prononcerait en faveur, parce que mon père, lui, en avait besoin.

Je me rends compte à quel point les choses ont évolué depuis cette époque. Au fil du temps, nous avons pu tester la valeur de la Commission et c'est de ce point de vue que je la considère aujourd'hui. Je me suis demandé, et j'ai demandé à mes voisins de la région, où nous en étions aujourd'hui.

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Depuis des années que je participe aux organisations agricoles et autres, je m'aperçois qu'un grand nombre de gens qui, à l'époque de la mise sur pied de la Commission auraient pu dire qu'ils n'en avaient pas besoin, ont découvert qu'elle leur était utile.

Beaucoup ont d'ailleurs changé d'avis en cours de route parce que, quand j'ai commencé dans les organisations agricoles, j'en connaissais plusieurs qui étaient contre la Commission et qui, maintenant, lui sont favorables. Ils ont, d'eux-mêmes, radicalement changé d'avis. Les choses ont changé et la Commission a su s'adapter aux changements.

On se sera certainement répété à plusieurs reprises ici, mais je tiens, personnellement, à redire deux ou trois choses que je veux que vous sachiez, puisque c'est pour cela que je suis venu.

D'abord, je ne veux pas d'un conseil élu et je ne veux pas que l'on touche au comité consultatif. Je ne suis pas le seul de cet avis, car c'est ce que veulent les gens de ma région. Ils ne veulent pas que cela change.

Comme l'a dit une des personnes qui m'a précédé, nous voulons qu'on nous rende des comptes. Nous voulons que la Commission canadienne du blé soit tenue responsable envers les agriculteurs. Cette opinion, aussi, prévaut dans ma région.

Juste avant que je rende la parole, je veux vous dire ma surprise... Je n'ai jamais participé à des réunions de comité du genre, et je suis heureux d'avoir pu le faire aujourd'hui.

Analysons la chose de façon très globale. Pourquoi la Dépression? Qu'est-ce qui l'a causée? S'il n'y avait pas eu la Dépression, aurait-on la Commission canadienne du blé aujourd'hui? Nous sommes sans cesse assaillis par ses interrogations. Si nous n'avions pas eu la Dépression à l'époque, aurait-on mis sur pied la Commission canadienne du blé? En aurait-on eu besoin?

Alors, nous nous sommes demandés ce qui avait provoqué la grande Dépression. Était-ce simplement un cycle économique avec lequel il fallait savoir composer, ou était-ce le résultat de décisions humaines?

Je me suis penché sur cette question. Je ne suis pas beaucoup allé à l'école. Je n'ai pas été à l'université pour apprendre l'économie et le reste, mais j'observe ce qui se passe. Eh bien, que s'est-il passé? Par quoi tout cela a-t-il commencé? Pourquoi ne nous interrogerions-nous pas sur ces éléments très fondamentaux? Qu'est-ce qui cause toutes ces récessions? Qu'est-ce qui cause les dépressions? Nous n'avons même pas répondu à cette question. C'est principalement à cause de tous ces phénomènes qu'on a mis sur pied la Commission canadienne du blé.

D'après ce que j'ai pu constater - et corrigez-moi si j'ai tort - les banques ne travaillent pas pour le gouvernement. Les banques travaillent pour elles. Elles sont indépendantes, comme la Banque mondiale et le FMI, le Fond monétaire international. Elles ne contribuent absolument pas à l'économie du pays. Elles ne font rien sur ce plan.

Le FMI a des allures de groupement de caïds nommés par un peu tous les pays et qui n'ont, collectivement, de comptes à rendre à personne, qui sont totalement opposés à notre constitution canadienne, comme les États-Unis d'ailleurs. Ils sont capables de provoquer une récession ou une dépression n'importe quand. Dans les années 20, la dépression a été causée par des hommes, par les banques.

Le président: Pourriez-vous conclure en 30 secondes à peu près, monsieur Medd?

M. Medd: Parfait.

Je rappellerai simplement ma préoccupation essentielle: je ne veux pas d'un conseil élu et je ne veux pas de C-72; autrement dit ne touchez pas au conseil.

C'est d'ailleurs tout ce que j'avais à dire. Merci.

Le président: Très bien. Merci beaucoup.

Bienvenue au comité, madame Wowchuk. Je suis désolé que vous n'ayez pu témoigner ce matin.

Mme Rosanne Wowchuk (présentation individuelle): Merci, monsieur le président, et merci de m'avoir permis de comparaître devant vous maintenant, puisque des circonstances indépendantes de ma volonté m'ont empêchée d'être ici ce matin.

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Je profite de l'occasion pour vous remercier d'être venu à Winnipeg pour entendre nos présentations. Cela étant, je vais faire écho aux témoins qui m'ont précédée, en disant que j'aurais aimé que vous fassiez plus pour essayer d'entendre les agriculteurs qui vont être touchés par cette loi. J'espère que vous prendrez des dispositions pour permettre éventuellement que les gens désireux de vous soumettre des exposés par écrit puissent le faire.

Le président: Puis-je... ? Je ne veux pas vous enlever de votre temps, je tiens simplement à apporter une précision.

Comme nous l'avons bien précisé au début, tout le monde peut nous soumettre des mémoires à part. Malheureusement, huit personnes qui avaient demandé à être entendues aujourd'hui ne sont pas venues.

Je vous en prie, allez-y.

Mme Wowchuk: Merci de cette précision. Si j'en connais, je leur ferai savoir qu'il leur est encore possible de vous faire parvenir un mémoire.

Je m'appelle Rosanne Wowchuk. Je suis députée du Parti néo-démocrate pour la région de Swan River, un peu au nord d'ici, et je suis porte-parole de l'opposition en matière d'agriculture. Mon mari et moi-même exploitons une ferme à Cowan, au Manitoba, sur des terres que travaille sa famille depuis près de 90 ans. Nos deux familles ont appuyé la mise sur pied de la Commission canadienne du blé, à laquelle elles ont pris part.

Nombre de familles nous ont raconté les difficultés que les gens éprouvent avec la Commission canadienne du blé et je ne pense pas devoir les rappeler, on vous en aura sans doute déjà parlé.

Récemment, il a beaucoup été question de la Commission canadienne du blé. En janvier 1996, nous avons reçu le rapport d'évaluation du rendement de la Commission, qui a été suivi par le rapport du Comité d'examen de la commercialisation des grains de l'Ouest. Ces documents offrent un contraste intéressant. L'évaluation de la performance porte sur les avantages que la Commission a conférés aux producteurs. Les résultats sont parfaitement étayés et ne prêtent à aucune interprétation: les exploitants s'en sortent beaucoup mieux grâce à la Commission canadienne du blé.

D'un autre côté, le rapport du Comité sur la commercialisation des grains recommande plusieurs changements qui auraient pour résultat d'empêcher la Commission d'offrir les mêmes avantages aux agriculteurs. Malheureusement, c'est sur ce dernier rapport que le gouvernement libéral et l'actuel ministre de l'Agriculture semblent s'être fondés pour modifier la loi sur la Commission canadienne du blé, par le truchement du projet de loi C-72.

Par ailleurs, je trouve que le moment est mal choisi pour faire cela. À cause des politiques du gouvernement fédéral, les agriculteurs sont aux prises avec des changements profonds découlant de la suppression de la subvention du Nid-de-Corbeau et de l'abandon de lignes de chemin de fer. À l'heure où l'on se parle, on est en train de compter les votes des producteurs qui se sont exprimés à propos du rôle de la Commission canadienne du blé relativement à l'orge. Les agriculteurs sont en train de subir de plein fouet une crise du transport des grains, les surestaries augmentant du jour au lendemain. Au Manitoba, les exploitants agricoles sont obligés de déplacer leurs grains vers des zones plus élevées pour éviter les conséquences des prochaines inondations printanières qui, prévoit-on, devraient être très importantes au Manitoba.

Cela étant, nous n'avons que peu de temps pour débattre des changements importants qu'on se propose d'apporter à la Loi sur la Commission canadienne du blé. J'ai l'impression qu'on a beaucoup plus choisi ce moment de modifier la loi, pour apaiser une petite minorité de producteurs bruyants, avant la prochaine élection fédérale. Il ne faudrait pas fonder ces changements sur le rapport du Comité d'examen de la commercialisation des grains qui parle d'un «nombre croissant» d'agriculteurs réclamant plus d'options et une plus grande souplesse. Le fait que le comité en question n'ait pas et ne puisse pas chiffrer ce nombre, ni l'étayer par des faits, devrait nous inviter à la prudence. Le projet de loi C-72 aura de très graves conséquences et nous devons prendre tout le temps voulu pour en débattre et en discuter. Les considérations d'ordre politique ne doivent pas présider au choix du moment.

Si l'on examine la loi elle-même, on se rend compte que les modifications proposées sont très complexes et très sérieuses. Dans certains cas, les changements ne se feront peut être pas ressentir avant plusieurs années. Cela dit, je me propose maintenant de vous faire part de quelques-unes des préoccupations les plus graves que les gens de mon parti entretiennent relativement à ce projet de loi.

Il semble que l'un des grands enjeux soit d'améliorer la représentation des producteurs au conseil d'administration, ce qui n'est pas garanti dans la loi. Tel que le projet de loi se présente actuellement, l'article 3.6 prévoit qu'un ou plusieurs postes au conseil soient élus par les producteurs. À cause du libellé, qui précise que le gouverneur en conseil «peut, par décret, désigner» plutôt qu'une formulation du genre «désignera», le ministre aura la possibilité de ne pas nommer plusieurs personnes au conseil, et en fait il pourra n'en nommer qu'une seule.

En outre, la perspective de la nomination du président du conseil et du président par le gouvernement est alarmante. À cause de cela, ces deux postes pourraient donner lieu à des nominations politiques et leurs titulaires ne seraient plus indépendants par rapport au gouvernement en place. Malheureusement, les producteurs pourraient se retrouver avec un conseil élu n'ayant aucun pouvoir véritable en face d'un président du conseil et d'un président nommés par le gouvernement.

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Je profite de cette occasion pour exprimer mon désarroi au ministre qui n'a pas été d'accord pour nommer des membres du comité consultatif de la Commission dans les postes de commissaires, à titre intérimaire. Le ministre peut toujours couper les cheveux en quatre à propos des différences qu'il y a entre les fonctions de conseiller et celles d'administrateur, mais personnellement, j'estime que ces personnes, qui sont des représentants élus des producteurs, jouissent de la crédibilité nécessaire et ont la connaissance voulue pour assumer les fonctions de commissaires à titre transitoire. Qui plus est, je crains que le gouvernement ne décide d'éliminer le comité consultatif quand il arrivera au terme de son mandat, en 1998.

L'article 22 de la loi nous donne une idée de la façon dont la fonction de vente par guichet unique de la Commission pourrait être affaiblie. Il permet au ministre de soustraire de la compétence de la CCB n'importe quel type de blé ou le blé produit dans une certaine région. On peut s'étonner que le ministre veuille disposer d'un tel pouvoir d'exclusion, sauf s'il cherche à apaiser certains groupes d'agriculteurs pour des raisons politiques.

Le seul pouvoir décisionnel du conseil à cet égard consisterait à déterminer quel type, quel grade, quelle catégorie ou quelle classe de blé est «d'importance». Je crains que cette disposition permette d'exclure les producteurs d'une région où l'on s'oppose le plus à la fonction de guichet unique de la Commission. Encore une fois, les expédients politiques prendront le pas sur les voeux de la majorité.

J'ajouterai que s'il existe une clause d'exclusion, il n'y a pas de clause d'inclusion qui permettrait à la Commission de vendre des grains différents. L'été dernier, j'ai demandé la tenue d'un sondage qui a été publié dans The Manitoba Co-operator ainsi que dans les journaux ruraux. La très vaste majorité des exploitants agricoles ont déclaré qu'ils appuient non seulement la Commission canadienne du blé dans ses fonctions actuelles, mais qu'en plus ils voudraient que celle-ci puisse commercialiser et vendre d'autres grains et oléagineux.

Je trouve déroutant que, dans ce projet de loi, les producteurs soient simplement invités à décider des mesures qui auront pour objet d'affaiblir la Commission. Personnellement, je prétends que si les producteurs veulent être mieux représentés au conseil, c'est justement pour pouvoir prendre des décisions qui renforceraient la Commission.

Le président: Madame Wowchuk, pourriez-vous conclure en moins d'une minute?

Mme Wowchuk: Très bien.

J'avais prévu de vous dire bien d'autres choses, mais d'autres en ont parlé. Tout ce que j'espère, c'est que votre comité écoutera les producteurs canadiens et cherchera comment renforcer ce projet de loi afin de répondre au mieux à leurs besoins, et de ne pas plier à la volonté de quelques-uns, en n'oubliant pas - comme d'autres l'ont dit - que les agriculteurs américains nous envient notre Commission; j'espère que vous trouverez des façons de renforcer la Commission pour que nous puissions la maintenir en place.

Je dois vous avouer que je suis un peu sceptique quand je vois ce qui s'est passé avec d'autres comités, par exemple, quand le Comité des transports est venu nous rencontrer et que les producteurs lui ont demandé de maintenir le Nid-de-Corbeau. Plutôt que d'écouter ce que les producteurs avaient à dire, le gouvernement a décidé de supprimer ce programme.

J'invite ardemment ce comité à entendre ce que les producteurs ont à dire. N'écoutez pas la minorité qui réclame des changements pour détruire le système de vente par guichet unique. C'est un système que nous voulons conserver.

J'en terminerai ici en disant que j'espère que vous écouterez attentivement les préoccupations exprimées par les producteurs manitobains.

Le président: Merci beaucoup.

Il nous reste 15 à 20 minutes pour les députés qui voudraient faire des commentaires. Glen McKinnon.

M. Glen McKinnon (Brandon - Souris, Lib.): Merci beaucoup, madame et messieurs. Comme je l'ai dit plus tôt, je comprends tout à fait la position de la plupart des céréaliculteurs.

Peut-être devrions-nous d'abord nous entendre sur quelques définitions. D'abord, qu'entendez-vous exactement quand vous dites que la Commission doit être «plus redevable envers le milieu agricole»? Je ne m'adresse à personne en particulier.

Le président: Quelqu'un veut-il répondre?

M. Rigby: Pour l'instant, j'ai l'impression que le milieu agricole songe à une structure élue. Je dirais donc qu'on pense à un conseil élu, parce qu'on sait alors qui on met place.

M. Hiebert: Je ne suis pas d'accord. Je ne pense pas qu'un conseil élu soit forcément garant d'une plus grande responsabilité envers les agriculteurs. On peut parler de responsabilité envers quelqu'un dès lors qu'on prend acte de ce que cette personne dit, quand on ne fait pas simplement semblant d'écouter les agriculteurs, mais qu'on comprend parfaitement ce qu'ils disent et qu'on décide d'agir.

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Ce n'est pas se montrer redevable que de prendre des décisions grâce auxquelles tout le monde trouvera son compte; être responsable, c'est prendre une décision judicieuse sur la foi des renseignements dont on dispose.

Voilà pourquoi j'ai parlé de «tribunal administratif». Un tribunal administratif est investi de la responsabilité juridique de prendre une décision, pour rendre des comptes. Être «responsable ou redevable» c'est écouter les faits et appliquer la loi de façon appropriée à ces faits, et non pas mettre en place des gens qui peuvent faire ce qu'ils veulent sous prétexte qu'ils sont élus.

Voilà qui s'approche au plus près de ce que je crois être une définition saine et réelle de la notion de reddition de comptes. Il ne doit pas être question de despotisme ni de laissez-faire, mais d'action effective, appréciable, entreprise dans le meilleur intérêt du processus démocratique.

M. Glen McKinnon: Mais quelle est la structure qui conviendrait le mieux à cela, selon vous?

M. Hiebert: Je ne pense pas que la structure actuelle nous permet cela. Le seul ajout que je recommanderais serait de mettre sur pied un tribunal administratif, comme dans le cas du téléphone. Chaque province ou territoire exploite sa propre compagnie de téléphone, mais c'est le CRTC qui réglemente les télécommunications.

Je recommande qu'on donne essentiellement aux agriculteurs la possibilité de réglementer la Commission canadienne du blé. Cela ne veut pas dire qu'on doive le faire en mettant en place des employés à temps plein. Par exemple, aucun des commissaires actuels du CRTC n'exploite de compagnie de téléphone. Autrement dit, après avoir reçu les lettres de créance des intervenants, la Commission canadienne du blé pourrait prendre une décision légitime, comme adopter de nouvelles politiques, dont le tribunal administratif évaluerait le bien fondé.

Le président: Ian.

M. Robson: Je veux dire que la reddition de comptes se ramène exactement au genre de discussion que nous tenons aujourd'hui au sujet de la commercialisation du grain. Nous ne sommes plus dans le cadre des activités quotidiennes de commercialisation d'une entreprise privée. Nous devons prendre le temps voulu pour tenir ce genre de débat où l'on remet en question chaque idée pour savoir quelle est la meilleure solution à adopter.

Les opérations quotidiennes d'un organisme de commercialisation ont un effet direct sur mes revenus. Nous savons qu'un acheteur c'est un acheteur. Dans le monde des affaires, une occasion peut se présenter aujourd'hui mais, dans tous les cas, mieux vaut avoir le produit sous la main pour pouvoir éventuellement le vendre tout de suite pour en tirer un revenu; on ne peut perdre son temps dans des discussions comme celle-ci, quand on pourrait conclure des transactions.

C'est cela rendre des comptes. On peut s'attendre à ce que des commissaires responsables, nommés pour leur bon comportement et leur compétence, soient redevables. Il serait tout à fait justifié de prévoir une certaine participation des producteurs, mais ce projet de loi ne semble proposer aucun changement dans ce sens. Voilà pourquoi j'y suis opposé.

Les enseignants devraient pouvoir noter les députés responsables ou irresponsables qui siègent à ce comité et qui n'arrêtent pas de poser des questions s'articulant autour du double système de commercialisation irrationnel qu'ils nous proposent.

Le président: Rosanne.

Mme Wowchuk: Vous avez parlé de reddition de comptes et je dois dire que c'est un aspect important sur lequel s'est penchée la Commission canadienne du blé. Celle-ci est beaucoup plus ouverte à la tenue de réunions publiques et les commissaires vont à la rencontre des producteurs. La Commission fournit beaucoup plus d'informations sur ce qu'elle fait qu'il y a quelques années. Ce n'est là qu'une partie des mesures correctives qu'elle a adoptées. C'est ainsi que la Commission canadienne du blé est en train de devenir davantage redevable envers les producteurs.

Le président: Elwin.

M. Elwin Hermanson: Je vais poser une question, mais avant tout, j'aimerais que nous fassions un vote à main levée. Si vous étiez députés, est-ce que vous voteriez pour ce projet de loi tel qu'il se présente?

Le président: Les votes à main levée ne sont pas consignés dans le procès-verbal.

M. Elwin Hermanson: Quelqu'un voterait-il pour le projet de loi?

M. Hiebert: Il signifierait la mise à mort de la Commission canadienne du blé.

M. Elwin Hermanson: Donc, personne ne voterait pour le projet. Je vais passer à ma question maintenant...

M. Rigby: Un instant.

M. Elwin Hermanson: Excusez-moi. Vous voteriez pour son adoption?

M. Rigby: On n'a pas le choix.

M. Elwin Hermanson: Bien, maintenant je vais vous donner la possibilité de vous expliquer. Que faudrait-il faire pour que ce projet de loi recueille votre assentiment? Vous devriez vous limiter à une ou deux choses. Vous pourrez peut-être vous étendre un peu, mais pour gagner du temps, limitez-vous à un ou deux aspects que nous devrions modifier pour rendre ce projet de loi acceptable à vos yeux. Je m'adresse à vous tous.

M. Hiebert: Je peux commencer.

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On a déjà soulevé l'argument plusieurs fois et je l'ai moi-même répété la dernière fois, à propos de l'élection du comité consultatif par les producteurs. Je dirais que c'est un peu comme quand un des deux époux croit en la fidélité dans le mariage, mais continue de draguer sur le côté.

Cela se ramène essentiellement à déterminer comment on pourrait améliorer les choses. Si vous voulez promouvoir la fidélité d'un côté, que faudrait-il changer pour continuer ses petites affaires sur le côté? Je trouve que vous posez une question à laquelle on ne peut pas raisonnablement répondre ainsi.

M. Hermanson: Parfait, c'est bien.

Le président: Quelqu'un d'autre voudrait-il faire une remarque? Ian.

M. Robson: Ma remarque portera sur ce que l'on pourrait faire pour changer les choses. Comme je l'ai dit dans ma présentation, je ne crois pas que ce projet de loi fasse quoi que ce soit pour améliorer la commercialisation des grains, du point de vue des agriculteurs. Nous voulons pouvoir empocher plus d'argent. C'est exactement pour cette raison que nous sommes tous venus vous faire un exposé aujourd'hui. D'une certaine façon, nous estimons que le prix de notre grain n'est pas assez élevé. Pour obtenir un prix plus élevé, nous avons besoin d'un organisme de commercialisation qui vendra à meilleur prix. Il faut donc apporter des modifications susceptibles d'améliorer les décisions d'ensemencement prises par les céréalicultures.

Le président: Comme vous avez déjà fourni ces explications, il n'est pas nécessaire de les répéter, Ian. Elles sont déjà au procès-verbal.

Rosanne.

Mme Wowchuk: Comme je l'ai dit, je ne suis pas d'accord avec ce projet de loi parce que j'estime qu'il affaiblit le principe de la vente par guichet unique, ou qu'il nous en éloigne. Si l'on envisageait, dans le projet de loi, de renforcer la position de la Commission canadienne du blé et de lui permettre de commercialiser d'autres grains et oléagineux, je parlerais alors d'amélioration. C'est cela qui importe. Si ce projet de loi permettait d'améliorer le système de mise en commun et de commercialiser d'autres grains, j'y trouverais quelques mérites. Mais les modifications qu'on nous propose ici ont pour seul objet d'affaiblir la Commission, si bien que je ne puis appuyer le projet de loi.

Le président: Grant.

M. Rigby: J'ai deux petites choses à dire. D'abord, à propos des administrateurs élus par les exploitants agricoles. Deuxièmement, j'estime qu'il faudrait trouver une façon d'atténuer les règles d'application du monopole afin que ce ne soit plus un crime pour un producteur de vendre directement; par exemple, on pourrait imposer une amende.

Le président: Je vais permettre à Murray de poser une brève question, après quoi nous mettrons un terme à la séance.

M. Murray Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Rosanne, votre déclaration était très intéressante. Soit dit en passant, je siégeais au groupe de travail du CN, mais je n'y ai pas entendu les mêmes commentaires que ceux que vous venez de formuler.

J'aimerais en revenir sur ce que vous avez dit à propos du guichet unique. Le Conseil canadien du canola est un conseil national, pas un conseil provincial. Comment allez-vous vous y prendre pour que la Commission canadienne du blé écoule le canola par le biais de son guichet unique?

Mme Wowchuk: Si l'on a la volonté politique de faire quelque chose, on y arrivera.

Vous me posez là une question de nature technique à laquelle je ne suis pas en mesure de répondre, mais je suppose qu'il faudrait s'entendre avec le Conseil du canola. Cependant, celui-ci n'est pas un organisme de commercialisation. Il ne s'occupe absolument pas de commercialisation et je ne vois pas où serait le problème. Je pense que tout cela se ramène à la question de savoir si les céréaliculteurs veulent ou non que leurs grains soient vendus par un organisme de vente à guichet unique et, comme je vous l'ai dit, c'est ce que beaucoup d'entre eux nous ont affirmé.

Les céréaliculteurs trouvent un avantage à vendre leurs grains par le truchement d'un guichet unique. Je sais qu'une grande partie des agriculteurs qui font pousser du canola, en fait la majorité d'entre eux, ne veulent pas s'occuper de la commercialisation de leurs produits. Ils veulent faire pousser leurs céréales et en obtenir le meilleur prix possible. Je suis sûre qu'ils aimeraient beaucoup que la commercialisation du canola relève de la Commission canadienne du blé, parce qu'ils n'auraient plus à surveiller les marchés tous les jours et à parier sur les marchés à terme, à la bourse.

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Quant à la question du Conseil national du canola, je ne sais pas comment on pourrait s'y prendre, mais je ne pense pas que ce soit-là un gros problème, puisqu'il ne s'agit pas d'un organisme de commercialisation.

M. Murray Calder: Ce serait une question intéressante. Comme le président réside à une quinzaine de milles de chez moi, c'est à lui que je vais la poser.

Mme Wowchuk: Je meurs d'entendre sa réponse.

M. Murray Calder: Moi aussi.

Le président: Monsieur Hiebert.

M. Hiebert: Je suis venu ici en toute bonne foi et j'espère que ce comité pourra tenir compte de nos recommandations en toute bonne foi également.

J'aimerais aussi lui demander de nous dire s'il peut effectivement faire quelque chose, ou si le Parlement peut faire quelque chose, parce que d'après ce que j'ai appris, un autre organisme du gouvernement a déjà convenu de supprimer les sociétés d'État chargées de commercialisation. Dans une lettre, un de nos ministres a déjà dit ce qu'il fallait faire pour que nos organismes de commercialisation d'État soient acceptables aux yeux de l'OMC. Dans le cas de la Commission canadienne du blé, il faut mettre un terme au monopole.

Je vais reposer ma question. Je suis venu ici de bonne foi et j'espère que vous êtes venus dans le même esprit, mais si un autre organisme du gouvernement a déjà pris ce genre de décision, avez-vous vraiment le pouvoir de changer les choses?

Le président: Monsieur Hiebert, nous sommes venus pour discuter de ce projet de loi qui est déjà passé en première lecture à la Chambre des communes, procédure à laquelle ce comité est habitué et qui lui confère davantage de souplesse dans la prise en compte des points de vue du plus grand nombre possible de gens. Je dois dire que je suis déçu. Neuf autres personnes - je viens juste de recompter - avaient demandé de comparaître devant le comité, mais elles ne sont pas venues. C'est leur choix. Nous avions convenu de les entendre. Nous aurions dû alors réduire le temps des autres intervenants, mais nous aurions entendu tout le monde.

Alors, nous allons tenir compte des points de vue de tous ceux qui sont venus à notre rencontre et étudier le projet de loi article par article pour essayer d'y apporter le plus de modifications possible afin de l'améliorer. Il sera ensuite renvoyé devant la Chambre des communes, comme tout autre projet de loi. Je ne sais pas exactement de quelle lettre vous parlez et qui émanerait d'un autre ministère fédéral. Si vous en avez un exemplaire...

M. Hiebert: Je ne l'ai pas ici, mais je serais tout à fait disposé à vous en communiquer copie.

Le président: ...et je vous saurais gré d'envoyer tout ce que vous avez à ce sujet à notre greffier, M. Toupin, qui pourra vous communiquer son numéro de télécopieur et le reste. Je pense m'exprimer au nom de tous les membres du comité en vous disant que j'aimerais bien voir cette lettre.

Évidemment, que cela nous plaise ou non, il est certain que nous traversons une période de changements inégalée, de défis sans précédent dans le domaine de l'agriculture au Canada, domaine auquel nous appartenons tous. Mais ce que nous ne devons pas oublier, ce qu'aucun de nous n'oublie, c'est que nous voulons aussi pouvoir profiter pleinement d'une époque de possibilités inégalées.

Nous devons faire face aux changements, nous devons relever les défis. Nous devons abattre les obstacles pour que, collectivement, nous puissions profiter des occasions qui nous sont offertes. Une possibilité - je parle ici à titre personnel - ne se transforme pas en réussite tant qu'on ne parvient pas à améliorer le sort, individuel et collectif, des participants du secteur concerné. Bien sûr, tout commence par le bien des particuliers.

Que nous soyons d'accord ou pas - et encore une fois, je parle à titre personnel, pas au nom de mes collègues du comité - , nous allons sans doute être confrontés à des défis incroyables en ce qui concerne les organismes de commercialisation d'État et la régulation de l'offre; c'est d'ailleurs déjà le cas pour certains membres du comité, dans leurs exploitations agricoles.

Je ne sais pas si ce sera possible et si d'autres gouvernements nationaux ne vont pas simplement nous dire: «Désolé, les gars, nous ne voulons pas en parler». Nous devrons nous lancer collectivement dans ce débat.

Nous avons déjà relevé ce genre de défis collectivement dans le passé, par exemple dans le cas de l'ALENA en matière de régulation de l'offre. Grâce à la collaboration des gens au sein de l'industrie, des gouvernements provinciaux et du gouvernement fédéral, nous avons pu relever le défi, alors que beaucoup disaient que nous n'y parviendrions pas.

Les défis ne manqueront pas de se présenter, demain matin, que ce soit dans nos exploitations agricoles ou dans nos bureaux. Nous sommes animés des meilleures intentions du monde. Nous voulons que la Commission canadienne du blé soit la plus efficace possible et pour le plus grand nombre possible. Voilà la responsabilité que nous devons assumer.

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Pourra-t-elle être tout pour tout le monde? Certainement pas, parce que nous savons pertinemment que les opinions à propos de l'existence ou de l'action de la Commission canadienne du blé sont aussi différentes que le jour et la nuit. Nous avons affaire à une palette incroyablement étendue de positions à ce sujet. Aujourd'hui, nous avons entendu 10 ou 11 groupes et 13 particuliers, et je n'ai pas noté deux témoignages se ressemblant. Bien sûr, il y a eu plusieurs recoupements d'une présentation à l'autre.

Voilà donc le défi qui nous attend et c'est ce défi que nous espérons relever de façon collective pour notre bien-être économique et, plus important encore, pour le bien- être de toutes les Canadiennes et de tous les Canadiens.

M. Hiebert: Je suis tout à fait d'accord, nous sommes dans une époque chargée de défis, nous devons effectuer des choix radicaux dans toutes sortes de domaines et c'est certainement quand les temps sont durs qu'il est temps d'être dur! Cependant, personne ne nous a vraiment dit si nous avions une chance de faire passer notre message ou si, en décidant de supprimer les sociétés de commercialisation d'État, un autre organisme gouvernemental n'avait simplement pas rendu cet exercice complètement inutile.

Le président: Sauf si vous pouvez me prouver le contraire, je maintiens qu'aucun organisme du gouvernement canadien n'a décidé de supprimer les organismes de commercialisation d'État. Je puis vous l'affirmer sans réserve.

Peut-être que d'autres personnes dans cette salle ou dans cette province ont un point de vue différent à propos des organismes de commercialisation d'État. Voilà pourquoi je vous ai demandé de faire parvenir cette documentation, si je puis employer ce terme, au comité. Je ne vous parle pas ici au nom du comité, mais si vous nous la faites parvenir, alors nous pourrons peut-être nous entretenir avec les personnes dont il serait question.

M. Hiebert: Merci, monsieur le président.

Mme Wowchuk: Monsieur le président, puis-je intervenir?

Le président: Oui, très brièvement.

Mme Wowchuk: Vous avez dit que vous avez entendu le point de vue de 13 personnes et que vous n'avez pas dégagé de consensus dans leurs propos. Pourtant, si vous revenez sur ce que les producteurs vous ont déclaré, vous constaterez peut-être que l'un d'eux a parlé en faveur du guichet unique...

Le président: Non, ce que je dis, c'est que tout le monde ne s'est pas entièrement entendu sur tout. Je dis qu'il y avait beaucoup de points en commun dans les présentations. Il y a eu des thèmes communs.

Mme Wowchuk: Je comprends, dans la mesure où vous ne sortez pas de cette réunion pour affirmer que les producteurs et les gens qui ont comparu devant vous ne s'entendaient pas.

Le président: Ce n'est pas mon intention.

Mme Wowchuk: Je suis ici depuis le début de l'après-midi et j'ai entendu la majorité des gens vous dire que ce projet de loi pose problème, qu'il faut le changer ou l'abandonner.

Le président: Nous l'avons bien compris et nous ferons de notre mieux pour y apporter des changements.

Vous avez 15 secondes, Ian, parce que nous devons prendre un avion.

M. Robson: Je vois. Je ne serai pas long.

Je veux faire un bref commentaire à propos du processus de rachat dont je me suis prévalu lors d'une transaction, et je n'ai pas trouvé qu'il faisait entrave à mes affaires. La seule chose à propos de laquelle les gens pourraient se plaindre, c'est qu'il n'est pas possible de conclure une transaction qui soit vraiment favorable au producteur, parce que l'acheteur peut ne pas offrir un prix assez élevé. Dans certains cas, l'acheteur offre suffisamment pour que le rachat fonctionne, auquel cas le producteur est entièrement libéré de ses obligations et il est incité à se prévaloir du rachat.

Il faut voir tout cet exercice sous cet angle. Il y a des gens qui font tout un cirque en prétendant que le processus de rachat ne peut pas fonctionner.

Le président: Merci beaucoup, mesdames et messieurs, pour votre contribution et votre coopération. Comme vous n'étiez pas plus nombreux aujourd'hui, nous avons eu la possibilité de dialoguer ce dont nous bénéficierons tous.

Le comité reprendra ses audiences demain matin, à 9 heures, à Regina.

La séance est levée.

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