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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 6 novembre 1996

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[Traduction]

Le président: Le Comité des finances est ravi de vous présenter ses audiences prébudgétaires, ici à St. John's. Notre premier témoin d'aujourd'hui sera Dave Denine, du conseil municipal de Mount Pearl. Le maire Denis est accompagné de son greffier.

Je suggère que chaque témoin limite son exposé à trois minutes. Si vous trouvez que ce n'est pas suffisant pour vous permettre de faire valoir votre point de vue, vous aurez largement l'occasion de le faire au cours de la période de questions ou avant la fin de la réunion. Nous voulons entendre chacun d'entre vous.

Maire Denine.

M. Dave Denine (maire de Mount Pearl): Merci, monsieur le président. C'est un honneur que d'être ici aujourd'hui. En tant que maire de la ville de Mount Pearl, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à participer à ces consultations publiques sur le prochain budget. Je tiens également à féliciter le gouvernement fédéral pour cette initiative et je vous invite à la poursuivre à l'avenir.

Avant son élection, le gouvernement libéral de M. Chrétien s'était engagé à mettre en place un programme d'infrastructure, à la demande de nombreuses municipalités du pays, afin de les aider à réparer une infrastructure municipale qui se dégradait. Votre gouvernement a tenu sa promesse et je tiens à vous remercier de ce programme. Il a eu du succès d'un bout à l'autre du pays. Il a permis de restaurer et d'améliorer l'infrastructure municipale, mais il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine. Cela a créé des emplois, notamment à Terre-Neuve où la création d'emplois est une nécessité absolue.

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La ville de Mount Pearl, et les autres municipalités du pays, demandent à votre gouvernement de poursuivre sur sa lancée en renouvelant son programme d'infrastructure. La participation continue des trois niveaux de gouvernement soit le niveau fédéral, provincial et municipal, qui assume chacun le tiers des coûts, une formule sur laquelle reposait le succès du programme d'infrastructure précédent, est nécessaire pour la prochaine phase. Nous vous exhortons à continuer à viser la réparation et la restauration de l'infrastructure municipale, en insistant particulièrement sur les projets environnementaux et la création d'emplois.

Dans ce domaine, le nettoyage du port de St. John's a suscité de nombreuses préoccupations. Ce projet représente des frais d'immobilisation élevés, mais il est nécessaire pour se conformer à la réglementation environnementale en vigueur. La situation actuelle nuit au secteur touristique, qui peut être un important créateur d'emplois. Plus particulièrement, comme nous nous préparons à participer aux célébrations du 500e anniversaire de Cabot, c'est un projet qui exige la participation de tous les niveaux de gouvernement, de même que des municipalités et des régions qui contribuent au problème actuel. La ville de Mount Pearl a approuvé ce projet à l'unanimité comme première priorité pour 1997 et elle s'est engagée à assumer pleinement sa part du programme d'infrastructure proposé pour ce projet. Je vous exhorte à approuver ce programme et à l'annoncer le plus tôt possible, afin que les travaux puissent commencer en 1997 pour les célébrations du500e anniversaire de Cabot.

En tant qu'employeur de la ville de Mount Pearl, nous nous inquiétons également de l'alourdissement des charges sociales que nous avons constaté depuis quelques années sous la forme d'une hausse des diverses cotisations comme les cotisations d'assurance- chômage et les contributions au Régime de pensions du Canada. L'augmentation des charges sociales des employeurs nuit à la création d'emplois et fait même disparaître les emplois. Il ne faut épargner aucun effort pour réduire cette hausse. Le gouvernement est en train de réviser ses plans de façon à stabiliser le Régime de pensions du Canada pour les générations futures, ce que nous jugeons nécessaire, mais il devrait également prévoir des diminutions correspondantes des autres charges sociales, y compris des cotisations d'assurance-chômage. Comme les taux d'intérêt sont bas et que le gouvernement a réussi à réduire son déficit, la réduction des charges sociales des employeurs devrait devenir plus prioritaire.

L'entente récemment conclue entre le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral pour harmoniser la taxe de vente a causé de sérieuses inquiétudes à la ville de Mount Pearl. Une analyse récente des répercussions de ce changement a révélé des répercussions négatives importantes pour la municipalité. Cela devrait se traduire par une augmentation supplémentaire nette de 2,5 p. 100 de son budget de fonctionnement et d'immobilisation pour les achats de biens et l'infrastructure. C'est surtout du côté de l'infrastructure que les répercussions se feront sentir du fait que les frais de main-d'oeuvre et les honoraires des ingénieurs et des experts-conseils, qui avaient déjà augmenté, vont augmenter encore de 8 p. 100 parce qu'ils seront assujettis à la taxe de vente provinciale.

Le gouvernement fédéral mérite nos félicitations pour avoir maintenu la ristourne municipale pour TPS dans le cadre de la taxe harmonisée, mais il faudrait songer également à accorder une ristourne pour l'ensemble de la taxe harmonisée à toutes les municipalités. Avant d'apporter le moindre changement à la fiscalité, il faut s'assurer que cela n'imposera pas de fardeau fiscal supplémentaire aux municipalités. Cela n'a pas été fait à l'égard de ces changements. Des modifications auraient dû être apportées, dans le cadre du récent accord, pour remédier à ces inégalités.

Nous avons fait valoir ces préoccupations à notre gouvernement provincial, par l'entremise de la «Newfoundland and Labrador Federation of Municipalities» et nous profitons de cette occasion pour vous les transmettre directement en tant que signataires de cette entente. Sans ces changements, les municipalités subiront de graves conséquences, alors qu'elles connaissent déjà des difficultés financières, et la création d'emplois, de même que la croissance économique que ces changements fiscaux devaient apporter, ne se matérialiseront pas.

Pour conclure, comme vous le savez, notre province a le taux de chômage le plus élevé au Canada, monsieur le président. Nous avons vu de notre économie dévastée par la fermeture de la pêche, et nous avons assisté au déclin de l'ensemble de l'économie provinciale. Cela s'est traduit par la migration d'un grand nombre de nos citoyens, et surtout de nos jeunes. En tant qu'éducateur, ce phénomène m'inquiète beaucoup, car j'ai vu un bon nombre de nos jeunes les plus brillants partir pour aller s'établir dans d'autres régions du pays. Cette situation exige de nouvelles initiatives et doit recevoir une attention prioritaire si nous voulons protéger l'avenir économique de la province.

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Nous recommandons que le gouvernement fédéral établisse un groupe de travail pour étudier le problème, dans le but de trouver des moyens de ralentir la migration des jeunes Terre-Neuviens. Il faudrait songer à mettre en place des incitatifs financiers spéciaux pour les entreprises de Terre-Neuve qui embauchent de jeunes Terre-Neuviens. Si nous voulons résoudre ce problème, il faut donner aux jeunes un espoir dans l'avenir, et quelle meilleure façon de le faire que de leur offrir un emploi dans leur propre province?

Pour conclure, je profite également de l'occasion pour vous remercier, au nom de la municipalité de Mount Pearl, de nous avoir permis de vous faire valoir nos préoccupations lors de la préparation du nouveau budget. Il est important de prêter sérieusement attention à ces recommandations pour créer des emplois et assurer la stabilité de l'économie pour demain.

Merci.

Le président: Merci, monsieur le maire.

Du Fish, Food and Allied Workers Union, Earle McCurdy, s'il vous plaît.

M. Earle McCurdy (président, Fish, Food and Allied Workers Union): Merci. Je me réjouis d'être ici ce matin. Mon exposé sera particulièrement bref.

Le président: C'est merveilleux.

M. McCurdy: En premier lieu, je suggérerais au comité de recommander la mise sur pied d'un groupe de travail pour vérifier l'eau à Ottawa. Cela explique peut-être en partie ce qui nous est arrivé, ces derniers mois, et même ces dernières années. Cela vaut également pour les gens qui rédigent les manchettes des journaux. J'en ai vu une récemment qui a retenu mon attention. On pouvait lire en gros titre: «Les compressions massives stimulent la confiance». Je me suis demandé de qui on parlait. Ce n'était certainement pas des personnes qui étaient victimes de ces compressions massives.

Quoi qu'il en soit, il est temps que nous laissions tomber l'idéologie pour essayer d'être un peu plus pratiques. Nous devons essayer de rétablir, ne serait-ce qu'un tout petit peu, le sentiment de solidarité entre Canadiens qui existait autrefois et qu'on semble avoir complètement perdu de vue dans ce débat. Je ne prétends pas que le problème du déficit soit réglé, et je ne suis pas expert en la matière, mais la situation a certainement été améliorée. Nous devrions donc commencer à mettre l'accent sur certains des autres problèmes du pays.

La véritable crise que connaît le Canada est, bien entendu, la pénurie d'emplois. Si vous voulez voir diminuer constamment la proportion de Canadiens qui s'en sortent, tandis que de plus en plus de Canadiens sont marginalisés, continuez à faire ce que vous faites. C'est ce qui se passe. De jour en jour, de plus en plus de gens se trouvent marginalisés.

Je ferai quelques recommandations précises. Une chose que je suggérerais au gouvernement de faire... Je sais que si, en tant que dirigeant syndical, j'étais revenu sur mes engagements comme le gouvernement canadien l'a fait ces derniers mois, j'aurais des comptes à rendre devant les tribunaux. Je serais probablement en prison. À cause d'une grave erreur d'estimation quant au nombre de personnes admissibles, les bénéficiaires de la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique ont le gouvernement raccourcir arbitrairement leur programme d'indemnisation d'un an après les avoir chassés de la pêche au poisson de fond. Aucun accord n'a été conclu. Le gouvernement s'était engagé par écrit quant à la durée du programme, puis il a déclaré, arbitrairement, qu'il n'avait pas prévu suffisamment d'argent pour cela. Ce ne sont pas les travailleurs des usines de poisson qui avaient estimé les chiffres, mais le gouvernement fédéral.

Pas plus tard que cette semaine, j'ai constaté que de toutes nouvelles règles avaient été établies derrière des portes closes. Des gens qui pensaient pouvoir se prévaloir du programme pendant encore un an, se sont fait avertir, cette semaine, que c'était terminé et ils se retrouvent sans ressources deux semaines avant Noël. Nous sommes le 6 novembre. Ces personnes ont été avisées qu'elles ne pourraient plus bénéficier du programme à compter du 14 décembre. Le gouvernement nous a dit qu'effectivement, il leur avait envoyé une lettre disant qu'ils seraient admissibles jusqu'en décembre 1997, mais que la situation a changé entre-temps, qu'il y a de nouvelles règles et qu'ils n'auraient plus droit aux prestations dans quatre ou cinq semaines. P.S.: Joyeux Noël!

Il est très difficile de faire face à l'arrogance incroyable du ministère. Il est très décourageant d'avoir affaire à lui. Les fonctionnaires du ministère se contentent d'établir ces nouvelles règles sans se soucier de ce qui se passe dans le pays.

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Je mentionnerai seulement deux autres choses et je tairai mes autres sources de frustration. Si quelqu'un a écouté la radio ce matin, on y a dit que le comité parlementaire du développement des ressources humaines s'était réuni hier à Ottawa, mais qu'apparemment aucun des députés de Terre-Neuve n'assistait à la réunion, ce qui est scandaleux.

Deuxièmement, quand on a demandé pourquoi seulement 20 p. 100 du nombre des titulaires de permis de pêche s'étaient prévalus du programme de rachat, on a répondu qu'il fallait poser la question aux pêcheurs. Nous n'avons pas besoin de demander aux pêcheurs. La réponse est bien simple: c'est parce que 75 p. 100 du financement de ce programme a été supprimé et que des centaines de pêcheurs, qui avaient présenté des soumissions très réalistes - la commission mise sur pied pour évaluer les soumissions a dit qu'elle aurait aimé les accepter - ont vu leur demande rejetée parce qu'il n'y avait pas d'argent. Les fonctionnaires du ministère ont eu le toupet de dire, en réponse à une question: «Demandez aux pêcheurs», comme si c'était de leur faute.

J'ai écrit à l'ancien ministre du Développement des ressources humaines, M. Young, le 22 avril, au sujet de la participation au marché du travail des bénéficiaires de la Stratégie du poisson de fond. Vous pouvez établir votre participation au marché du travail en exerçant un emploi assurable, en suivant une formation parrainée par le ministère du Développement des Ressources humaines ou en touchant des prestations d'assurance-chômage. Si vous maintenez votre participation au marché du travail, aux termes de la réglementation de l'assurance-chômage, vous êtes assujetti aux règles qui s'appliquent aux réitérants plutôt qu'à celles qui visent les nouveaux venus, et ces règles sont moins strictes.

Si vous êtes incarcéré, votre participation au marché du travail est suspendue pendant la durée de votre détention, et je n'y vois pas d'objection. Une fois leur peine purgée, les détenus pourront au moins se retrouver là où ils en étaient. Nous demandons seulement que les bénéficiaires de la Stratégie du poisson de fond soient traités de la même façon que les personnes incarcérées.

Jusqu'ici, six mois plus tard, nous avons seulement reçu un accusé de réception disant que notre lettre avait été transmise au ministre. Voilà où les choses en sont six mois plus tard, après de nombreuses tentatives. C'est inacceptable.

J'aurais une dernière chose à dire. Je ne sais pas à qui nous devrions faire appel. Voilà pourquoi je suis là aujourd'hui, parce que je ne sais pas à quel saint me vouer. J'ai l'impression de me cogner constamment la tête contre un mur de béton. Si vous voyez un mur différent - peut-être en brique - nous essaierons de voir ce que cela donne et ce sera peut-être moins douloureux.

En dernier lieu, je parlerai des changements à l'assurance- chômage. Sans entrer dans les détails, car je crois que tout le monde connaît le pour et le contre, je dirai seulement que, malheureusement, en mettant ce programme sur pied, en plus de tous les autres problèmes, le gouvernement a dissuadé davantage les gens de travailler dans certaines circonstances bien réelles.

À la fin d'une année de travail dans une usine de poisson, ou toute autre industrie, quand il n'y a plus de travail que pour vous occuper une journée ou deux par semaines, si les gens vont travailler une journée, leurs prestations d'assurance-chômage peuvent se trouver réduites de 20 $ ou 30 $ par semaine pendant tout l'hiver. Cela dissuade nettement les gens de travailler.

Compte tenu de tout le personnel hautement rémunéré qui a participé à l'élaboration de ce genre de programme, je ne sais pas pourquoi c'est un tel échec. Ce ne peut pas être accidentel. Il faut qu'on ait voulu vraiment s'en prendre à certaines catégories de gens, étant donné que ces incohérences ont été portées à leur attention, mais qu'ils n'y ont pas remédié.

On dit aux gens que, s'ils travaillent un nombre d'heures relativement limité, cela va leur coûter de l'argent. Si c'est ainsi qu'on veut donner le goût du travail, nous sommes bien mal partis. Je regrette de me montrer aussi négatif ce matin, mais il est très décourageant de vouloir représenter ceux qui font les frais de la politique gouvernementale instaurée dans la deuxième moitié des années 90.

Le président: Merci, monsieur McCurdy.

Nous avons parmi nous Jon Church, du National Cancer Institute, de la faculté de médecine de l'université Memorial. Vous êtes le bienvenu.

M. Jon Church (professeur, Faculté de médecine, Memorial University, Terre-Neuve): Bonjour. Je suis également professeur au laboratoire de recherche sur le cancer, Terry Fox, à la faculté de médecine de Memorial. En plus du National Cancer Institute, je représente le Council for Health Research. C'est un regroupement d'organismes de santé et d'institutions de recherche de tout le pays qui représente des milliers de chercheurs, bénévoles et donateurs qui se consacrent à la recherche médicale visant à traiter et guérir la maladie. Je représente également des centaines de mes collègues des quatre coins du pays qui cherchent à faire de la recherche médicale importante et nécessaire dans les provinces dites «défavorisées».

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Quand j'ai commencé à réfléchir à ce que j'allais dire ce matin, j'ai été frappé de voir combien il était ironique et même triste qu'à la fin du XXe siècle, nous ayons encore à essayer de convaincre notre gouvernement - les hommes et les femmes qui ont du pouvoir, de l'influence et de l'instruction - de l'importance de la recherche biomédicale.

Depuis 50 ans, nous avons assisté à une diminution spectaculaire de la mortalité infantile, une augmentation constante de notre espérance de vie et une amélioration continue de notre niveau de vie. Un bon nombre de ces facteurs ont contribué énormément aux raisons pour lesquelles les Nations Unies ont récemment jugé que le Canada était le meilleur pays où vivre. Nous ne pouvons sans doute pas prétendre que la recherche biomédicale et les progrès qui en résultent n'ont pas joué un rôle important dans ce classement. Pensez-vous que nous pouvons préserver cela si l'on continue à faire des compressions dans le domaine de la recherche médicale de base et dans les autres sciences?

Je sais que les questions de politique font appel au pragmatisme, mais j'en suis capable également. Je ne vous citerai toutefois pas une longue liste de chiffres. Je suis certain que vous serez, et que vous avez déjà été, inondés d'un tas de chiffres et de statistiques. Vous savez que la recherche fondamentale crée des emplois. Ma propre expérience, en tant que chercheur de carrière, m'a appris qu'une subvention très modeste me permettait d'embaucher un assistant de recherche à plein temps et deux ou trois étudiants. Ce sont des emplois directs et cela ne tient pas compte des emplois de soutien indirects ainsi que des retombées potentielles des progrès que je peux réaliser.

Vous savez également que la recherche fondamentale représente des connaissances, non seulement pour mes étudiants, mon personnel et moi-même, mais grâce à la diffusion par l'entremise de la presse universitaire et populaire, pour toute la population. N'est-ce pas, par définition, ce qui s'appelle investir dans l'avenir, et qu'en est-il de cette diminution du financement dans des provinces comme Terre-Neuve? Si je ne peux pas obtenir un financement national, cette province, comme les autres, n'a pas grand-chose à m'offrir. Que risquent alors d'être les répercussions sur l'emploi et l'éducation au niveau local? Je dirais qu'elles seront beaucoup plus profondes que dans une province comme l'Ontario, et je n'ai pas du tout parlé de la hausse de productivité qui résulte d'une main-d'oeuvre plus saine.

Voulez-vous davantage de pragmatisme? J'en suis capable également. Mon propre domaine de recherche est le cancer du sein et je travaille quotidiennement, par l'entremise de l'Internet, avec plus de 1 000 survivants du monde entier. Les progrès sur le plan du dépistage et du traitement, qui sont largement le résultat de la recherche biomédicale universitaire, ont permis aux deux tiers de toutes les personnes chez qui on a diagnostiqué un cancer du sein de ne pas mourir de leur maladie. Même celles qui ont des récidives et des métastases peuvent voir leur vie prolongée et leur qualité de vie améliorée grâce aux progrès de la recherche fondamentale.

À ce niveau, la recherche fondamentale et l'espoir qu'elle représente pour de nombreuses personnes qui ont survécu au cancer du sein ont un visage tout à fait humain. Ces femmes et ces hommes savent que leur espoir pour l'avenir réside dans la recherche.

Le premier week-end d'octobre de cette année, une centaine d'hommes et de femmes qui participent à mon groupe de discussion en ligne sur le cancer, se sont réunis dans un hôtel de Chicago - des hommes et des femmes de tous les États-Unis, du Canada et de l'Europe. Ils se connaissaient par le truchement de l'Internet, mais ils ne s'étaient jamais rencontrés en personne. Non seulement ils ont organisé et financé de leur poche cette petite réunion, mais ils ont recueilli plus de 1 000 $ de fonds. Et à quoi voulaient-ils que cet argent soit consacré? À la recherche.

Néanmoins, l'année prochaine, 17 000 femmes apprendront qu'elles ont le cancer du sein, rien qu'au Canada. Elles rechercheront également des réponses. Cela fait beaucoup de votes, mesdames et messieurs, et si le financement de la recherche biomédicale continue d'être réduit, qu'allez-vous leur dire et que vais-je leur dire?

Enfin, mesdames et messieurs, je sais que le pragmatisme conduit souvent nos élus politiques à dire qu'ils n'ont pas les moyens de financer certains programmes. Mes collègues et moi-même savons également que lorsque vous dites ne pas avoir les moyens de financer quelque chose, c'est généralement parce que vous avez choisi de dépenser votre argent ailleurs. Autrement dit, quand notre gouvernement dit qu'il ne peut pas, c'est généralement qu'il ne veut pas.

Mesdames et messieurs, nous allons suivre de près ce que vous faites. Merci.

Le président: Merci beaucoup, docteur Church.

De la Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador, Elaine Price et Martin Saunders, s'il vous plaît.

Mme Elaine Price (présidente, Fédération du travail de Terre- Neuve et du Labrador): Bonjour. Au nom des 50 000 membres de la Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador, je tiens à remercier le comité de nous avoir invités à participer à ces consultations prébudgétaires.

Je voudrais commencer par dire que nous sommes devenus sceptiques vis-à-vis de ces consultations. Il semble qu'on nous consulte constamment, dans le seul but de créer l'illusion que l'opinion des gens est importante, après quoi le gouvernement poursuit sa politique de droite, de libre marché, axée sur les grandes sociétés, quelles qu'en soient les conséquences. Cependant, en tant que fédération, nous croyons important que des travailleurs et leurs familles aient voix au chapitre et la possibilité de faire connaître leur désaccord. Malgré notre scepticisme, nous sommes donc venus pour cette raison.

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La Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador est fermement convaincue que le gouvernement fédéral s'oriente dans la mauvaise voie en continuant de viser uniquement à réduire le déficit en sabrant dans les dépenses gouvernementales. La poursuite de cet objectif, sans tenir compte des autres responsabilités du gouvernement, est contraire à la promesse que le gouvernement a faite, dans le livre rouge, de créer des emplois et de préserver nos programmes sociaux. Des victoires remportées sur le plan de la réduction du déficit et de l'équilibre budgétaire ne veulent rien dire quand elles se traduisent par une baisse du bien-être social et économique des Canadiens et une aggravation des disparités et de l'inégalité.

Les réalités militent en faveur d'un changement fondamental dans la façon dont le gouvernement fédéral aborde la politique économique et sociale. Si ce dernier continue à s'intéresser uniquement au déficit et à l'équilibre budgétaire, nous aurons une autre année marquée par des taux de chômage et de pauvreté inacceptables et nous ferons un grand pas de plus vers un niveau d'inégalité qu'on n'avait jamais vu au Canada depuis les années 30.

Il a été établi qu'une politique monétaire qui requiert une inflation nulle ou faible ne repose pas sur de bons principes économiques. La politique du gouvernement fédéral, qui consiste à maintenir le chômage au moins à 8 ou 9 p. 100 pour empêcher une hausse de l'inflation, témoigne d'une conception simpliste du fonctionnement de l'économie et ne tient pas compte des conséquences économiques, sociales et humaines d'un taux de chômage minimum. En fait, certains économistes estiment que cette approche fait plus de tort à l'économie que l'inflation.

Selon cette conception déformée de l'économie, le chômage est surtout causé par la réglementation du marché du travail et des programmes sociaux trop généreux. Toutefois, le taux de chômage actuel est principalement le résultat de mauvaises politiques économiques et sociales qui cherchent avant tout à sabrer dans les programmes gouvernementaux et à congédier des milliers de fonctionnaires. Les taux d'intérêt élevés ont également empêché la croissance économique en ralentissant les dépenses de consommation et les investissements dans l'économie.

Maintenant que les taux d'intérêt ont baissé le gouvernement doit considérer la création d'emplois comme une priorité. Il ne suffit pas de supposer que l'économie répondra spontanément à cette baisse des taux d'intérêt. Comme Philip Cross, le chef de l'Analyse économique de conjoncture à Statistique Canada, l'a récemment souligné dans le Globe and Mail, la lenteur de la réaction à la baisse des taux d'intérêt reflète sans doute le poids mort que constitue la faiblesse des revenus et des marchés du travail.

Les taux de chômage ont été très élevés, soit de 9,5 p. 100 en 1995 et de 9,4 p. 100 jusqu'ici, cette année. Et le taux de chômage réel, qui tient compte des personnes qui ont renoncé à chercher du travail et de celles qui travaillent à temps partiel parce qu'elles ne peuvent pas trouver un emploi à plein temps est, en fait, beaucoup plus élevé.

En plus des souffrances humaines que cause un chômage élevé, les recettes fiscales diminuent, l'activité économique ralentit et le coût de la sécurité du revenu augmente énormément, tant au niveau provincial que fédéral. Ce n'est pas là une bonne politique économique. La façon de loin la plus efficace de renforcer notre économie est de remettre les gens au travail.

La création d'emplois était le pivot sur lequel reposait le budget fédéral de rechange pour 1996. On met actuellement la dernière main à celui de 1997. Je crois que la Coalition for Equality fera des commentaires sur ce budget et je me contenterai donc de dire que notre fédération approuve la politique qui y est énoncée, et surtout les recommandations en faveur d'un plan de création d'emplois qui renforcera le secteur public comme le secteur privé.

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Un secteur public et communautaire bien financé, bien rémunéré et organisé et ayant des comptes à rendre apportera une plus grande sécurité sociale aux Canadiens. Cela va également stimuler l'économie et les recettes gouvernementales, réduire le chômage, surtout pour les femmes et les jeunes, et promouvoir une plus grande égalité.

La consolidation de la fonction publique, qui doit être l'un des principaux éléments d'un programme de création d'emplois, présente l'avantage de se traduire par des programmes sociaux plus solides pour tous les Canadiens, quels que soient leur âge, leur revenu ou leur situation géographique. Les gens du pays ne peuvent pas absorber de nouvelles réductions de nos programmes sociaux.

Les coupes draconiennes faites dans l'assurance-chômage que prévoyait la nouvelle loi sur l'assurance-emploi signifient qu'une fois tous ces changements en vigueur, 33 p. 100 seulement des chômeurs du pays auront droit à l'assurance-chômage. Cela se traduira par une augmentation de la demande d'assistance sociale d'un bout à l'autre du pays, car de plus en plus de familles tomberont dans la pauvreté.

Les coupes que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux proposent d'effectuer dans le régime de pension public ne feront qu'aggraver ces souffrances et réduire de plus en plus de personnes âgées à la pauvreté.

À part l'aspect humain de ces compressions dans les programmes fédéraux de sécurité du revenu, ce sont là des mesures qui témoignent d'une vision à très court terme. Si les gens doivent lutter quotidiennement pour survivre et ont déjà du mal à se nourrir et à se loger, ils ne vont certainement pas faire des dépenses discrétionnaires pour stimuler l'économie.

Le gouvernement fédéral est chargé de fournir un financement adéquat pour assurer des services de santé de haute qualité, des services d'enseignement postsecondaire et des services sociaux. Il faut également établir ou, devrais-je dire, rétablir sa responsabilité vis-à-vis des normes nationales afin que tous les Canadiens puissent obtenir des programmes de haute qualité.

Nous ne sommes pas du tout d'accord avec la dévolution aux provinces des responsabilités du gouvernement fédéral, d'autant plus que le mouvement vers la droite rend de nouvelles réductions des programmes sociaux essentiels encore plus probables. Les compressions de 7 milliards de dollars dans les paiements de transfert résultant du TCSPS imposeront ce fardeau aux provinces, lesquelles s'en déchargeront à leur tour aux dépens des municipalités et, finalement des Canadiens, de leurs familles et de leurs collectivités.

L'effet cumulatif de tout cela sera, une fois de plus, une hausse du niveau de pauvreté...

Le président: Excusez-moi, madame Price, mais je crois que nous avons demandé à chaque témoin de nous faire un exposé de trois minutes. Cela ne me dérange pas vraiment, mais comme je voudrais être équitable envers tout le monde, il faudrait s'en tenir plus ou moins à cela. Je vous laisse entièrement décider de la façon dont nous allons procéder. Si vous n'avez pas suffisamment de temps pour faire vos observations au cours de ce premier tour de table, je vous ai déjà assuré tout à l'heure que vous en auriez amplement l'occasion au cours de la période de questions.

Mme Price: D'accord. Je ne voudrais certainement pas empiéter sur le temps des autres. J'ai compris...

M. Grubel: Combien de temps vous faut-il encore?

Mme Price: Une ou deux minutes.

Le président: L'avez-vous par écrit? Pouvez-vous nous remettre votre texte afin que nous puissions le lire?

Mme Price: Nous n'avons pas apporté d'exemplaires à distribuer au comité. L'interprète en a un.

Le président: Nous ne voulons rien vous imposer, mais nous essayons seulement de faire en sorte que chacun ait la possibilité de présenter le maximum d'arguments.

Mme Price: D'accord, mais je dirai ceci. Malheureusement, nous parlons d'un budget fédéral qui a d'énormes conséquences pour toute la population du pays. Nous en avons vu les retombées dans notre province. Nous avons vu les conséquences des changements apportés à l'assurance-chômage. Nous avons vu les conséquences du transfert social canadien. Ce sont là des questions impossibles à résumer en deux ou trois minutes.

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Le président: Dans ce cas, prenez autant de temps que vous voulez.

Mme Price: Je ne veux pas empiéter sur le temps des autres.

Le président: Non, je ne suis pas là pour vous dicter ce que vous devez faire. Si vous le désirez, sentez-vous libre de prendre autant de temps qu'il vous en faut.

Mme Price: Je m'en sens libre, car c'est une des rares occasions de faire entendre la voix des travailleurs.

Le président: Elaine Price, je vous offre ce temps au nom des membres du comité.

Mme Price: Merci.

Comme je le disais, les réductions de 7 milliards de dollars dans les paiements de transfert attribuables au TCSPS a causé une dévolution massive. Cette dévolution aux provinces et aux collectivités, qui se fera finalement sur le dos des gens, va accentuer la pauvreté et le chômage et créer deux catégories de services du fait que des sociétés privées vont combler les lacunes dans les services publics. C'est un concept que préconise le gouvernement fédéral et les provinces. Malheureusement, les municipalités sont obligées d'y souscrire.

Quand on voit quelles sont les méthodes comptables utilisées pour réduire le déficit, cela donne une vision très déformée des finances publiques. Les mesures budgétaires visant à réduire le déficit ne tiennent pas compte de la valeur que revêt l'infrastructure sociale pour générer et soutenir la prospérité économique. Contrairement aux arguments invoqués par le gouvernement et les médias, rien ne prouve que les dépenses sociales limitent la croissance économique.

En fait, les chercheurs en politique sociale ont démontré qu'un haut niveau de dépenses sociales faisait partie intégrante d'une économie prospère. Nous croyons important que le gouvernement fédéral commence à en tenir compte.

De plus, l'argument voulant que l'on réduise les dépenses sociales pour diminuer le déficit ne tient pas lorsqu'on constate que 7 p. 100 seulement de notre dette nationale totale sur 30 ans est attribuable aux dépenses publiques. La majeure partie de la dette résulte de taux d'intérêts composés que le gouvernement aurait pu abaisser.

En tant que fédération de travailleurs, nous nions qu'il soit nécessaire et souhaitable de réduire les programmes sociaux. Selon nous, c'est une question de recettes plutôt que de dépenses. Le gouvernement devrait chercher à accroître ses recettes. Il pourrait commencer par mettre en place un régime fiscal équitable afin que tout le monde, au Canada, paie sa juste part.

En plus de remédier à l'injustice du régime fiscal, nous croyons essentiel que le gouvernement mette l'accent sur la création d'emplois et commence à respecter les engagements qu'il a pris dans son livre rouge.

Il est possible de faire preuve de créativité. Il existe des solutions de rechange progressistes. Il est temps que le gouvernement commence à écouter les gens, commence à investir dans notre infrastructure sociale, commence à tenir sa promesse de créer des emplois et commence à faire en sorte que tous les Canadiens puissent avoir une qualité de vie décente.

Le président: C'est maintenant le tour de Doug Meggison et de Laurel Doucette, de la Coalition for Equality.

Mme Price nous a informés que vous nous fourniriez des précisions sur le programme de création d'emplois.

M. Doug Meggison (coordonnateur suppléant, Coalition for Equality): Oui. Nous ne devrions pas avoir besoin de plus de trois ou quatre heures pour les présenter au comité.

Le président: Nous sommes plutôt stupides. Nous ne comprenons pas très vite. Allez-y.

M. Meggison: Nous remercions le comité d'avoir photocopié notre lettre.

La Coalition for Equality, comme les autres organisations populaires des diverses régions du pays, est en train de préparer une réponse au prochain budget du gouvernement fédéral. Ce que nous voulons vous présenter aujourd'hui, et ce que j'ai déjà remis au greffier, c'est notre version du budget fédéral pour l'année dernière, pour l'exercice 1996-1997. Nous voudrions également dire quelques mots quant à la façon dont nous voyons la situation sur la côte est.

Notre mémoire complet sur le budget de 1997-1998 sera préparé au cours des dernières semaines de l'année.

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Encore une fois, le dossier complet de notre version du budget de l'année dernière a été remis au greffier et nous vous exhortons à le lire.

Le président: Nous l'avons déjà étudié.

M. Meggison: Merci. Nous sommes de St. John's, à Terre-Neuve et nous nous sommes dit que ce ne serait pas une mauvaise idée de montrer que nous nous intéressons à cette question, d'un bout à l'autre du pays.

Le président: Nous souhaitons que l'on puisse discuter publiquement de ces questions et des solutions de rechange. Voilà pourquoi nous vous avons offert cette possibilité.

M. Meggison: D'accord, je vais donc continuer.

La Coalition for Equality préconise une planification économique et sociale énergique. Nous n'avons toutefois pas de personnel. Nous avons seulement des bénévoles comme Laurel etmoi-même. En conséquence, notre exposé d'aujourd'hui sera seulement de portée générale.

Avec la situation qui se dégrade à Terre-Neuve et au Labrador, notre coalition voit des banques à chaque coin de rue. Il y en a trois sortes et, partout, il y a des files d'attente. C'est la nouvelle trinité de notre époque. C'est ce que nous appelons des banques d'alimentation, des banques d'emplois et des banques financières. Nous pensons qu'il existe des liens solides entre les trois.

Dans la péninsule d'Avalon, à peu près une personne sur sept doit faire appel à une banque d'alimentation au moins une fois par mois. Même l'université Memorial a sa banque d'alimentation, de toute évidence à cause du niveau insuffisant des bourses et des prêts aux étudiants. Dans l'agglomération urbaine de Toronto, quatre bénéficiaires des banques d'alimentation sur cinq disent souffrir de la faim malgré toutes les banques d'alimentation.

Pourquoi les gens ont-ils recours à ces banques? La première banque d'alimentation moderne a été établie à Edmonton, en 1981, mais nous connaissons les soupes populaires depuis l'avènement du capitalisme. S'il y a des files d'attente, c'est pour la même raison. Les usagers des banques d'alimentation sont chômeurs ou sous-employés. Ils ont besoin d'emplois.

C'est encore plus vrai à Terre-Neuve et au Labrador, où notre taux de participation au marché du travail n'est que de 43 p. 100. Pendant ce temps, les banques d'emplois du ministère du Développement des Ressources humaines sont devenues assez perfectionnées. Le gouvernement fédéral compte fermer la plupart des centres d'emploi du Canada et installer des banques d'emploi informatisées dans d'autres endroits publics.

Je suis un travailleur en chômage, mis à pied à cause des compressions sociales. Pratiquement chaque jour, je me rends à l'édifice Bowring, où se trouve notre centre d'emploi du Canada. Depuis que j'ai été mis à pied en septembre, la banque d'emploi a offert environ 680 emplois pour l'ensemble du pays. Vous avez bien entendu. Avec un chiffre officiel de 1 400 000 chômeurs, il n'y a, chaque jour, que 680 emplois disponibles.

Chaque jour - et je l'ai constaté moi-même - environ 16 nouveaux emplois sont ajoutés à la liste et environ 16 sont enlevés et, en principe, comblés. S'il faut une seconde pour compter chaque emploi sur la liste, il faudra environ dix minutes pour compter la totalité de ces 680 emplois. S'il faut également une seconde pour compter chaque travailleur du Canada et du Québec en chômage et si la personne chargée de faire le compte travaille huit heures par jour, il lui faudra une cinquantaine de jours pour compter tout le monde.

Voilà où en est la situation.

Mme Laurel Doucette (Coalition for Equality): La Coalition for Equality croit que le gouvernement fédéral et les provinces ont été incapables de fournir ce que les gens désirent le plus soit un emploi intéressant et rémunéré décemment.

Le budget fédéral de rechange remédie à cette inégalité épouvantable qui règne dans notre société. Notre coalition croit que la création d'emplois contribuera énormément à relever l'estime de soi de la nation et à apporter les recettes fiscales dont l'effet multiplicateur financera les programmes sociaux auxquels nous tenons tant.

En attendant, la grande entreprise a conduit à une lourde perte de potentiel humain. Au lieu de fournir des emplois, elle est lancée dans une course folle aux dollars. Comme le tigre Sambo de l'histoire, elle court de plus en plus vite après la queue du tigre et tout finira par fondre.

Qui occupe le siège du conducteur dans cette course folle? Ce sont évidemment les banques financières. Les six grandes banques du pays vont probablement crever le plafond des 6 milliards de profit d'ici la fin de l'année. Comme elles n'ont pas l'intention d'embaucher davantage de travailleurs ou de construire de nouvelles tours chez nous, nous nous disons que la part des profits de ces banques qui revient à Terre-Neuve ira, en totalité, entre les mains des actionnaires qui se trouvent surtout à Toronto et ailleurs. La part de Terre-Neuve, qui est d'environ 2 p. 100 compte tenu de notre population, pourrait se chiffrer à 120 millions de dollars environ. Si un emploi durable peut être créé pour à peu près 50 000 $, si les profits des banques étaient utilisés à cette fin, cela permettrait de créer 12 000 emplois chez nous. Imaginez un peu à quel point cela raccourcirait les files d'attente devant nos banques d'alimentation et nos banques d'emplois.

.1030

La Coalition for Equality, une association non sectaire de syndicats de travailleurs, d'organisations oeuvrant pour la justice sociale et de particuliers, exhorte le Comité permanent des finances à réfléchir à ces statistiques maison et à examiner attentivement le budget fédéral de rechange si vous ne l'avez pas déjà fait. Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Elaine Price a dit qu'elle nous présenterait le programme exact de création d'emplois. Si j'ai bien compris, ce sera quand vous présenterez votre version du budget, dans une dizaine de jours.

M. Meggison: Le budget fédéral de rechange, que nous avons remis au greffier, contient un survol complet...

Le président: C'était celui de l'année dernière. Je crois que vous allez en publier un nouveau d'ici une dizaine de jours.

M. Meggison: Non, pas une dizaine de jours. La Coalition for Equality et les autres groupes comme la Fédération du travail...

Le président: Je suis au courant. Je vous demande seulement quand vous allez...

M. Meggison: Ce sera pour le début de la nouvelle année.

Le président: D'accord, merci beaucoup.

M. Meggison: De plus, comme le gouvernement fédéral...

Le président: Non, je comprends que...

M. Meggison: ...n'a pas tenu compte du budget fédéral de rechange de l'année dernière, la teneur de celui de cette année sera sans doute la même.

Le président: Très bien. C'est tout ce que je voulais savoir. Je vous demandais quand nous le verrions. Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre le maire Lewis Rose, de la municipalité de Glovertown.

Monsieur le maire, vous êtes le bienvenu.

M. Lewis Rose (maire de Glovertown): Merci, monsieur le président.

Bon après-midi, monsieur le président, membres du comité et autres personnes présentes. Glovertown est une petite localité rurale de la côte Nord-Est, qui compte une population d'environ2 200 personnes. Notre base industrielle est surtout constituée de l'exploitation forestière, de la construction de bateaux, de la pêche, de la transformation du poisson et de la fabrication du métal, autant d'activités qui ont beaucoup souffert à cause des difficultés économiques.

Monsieur le président, j'ai sans doute davantage condensé mon mémoire que je ne voudrais voir réduit le budget fédéral. Je voudrais toutefois souligner certaines choses. Grâce à mon collègue de Mount Pearl, plusieurs des questions que je voulais aborder l'ont déjà été. Je l'en remercie.

Monsieur le président, il y a un an environ, je suis venu ici pour défendre énergiquement la réduction du déficit et l'équilibre budgétaire. Dans l'intervalle, j'ai eu des raisons de revenir sur ma position. Je suis toujours pour la réduction du déficit et l'équilibre budgétaire, mais à condition que ce soit fait avec modération. Pour le travailleur en chômage, les efforts désespérés visant à boucler le budget fédéral se traduisent seulement par une réduction de l'aide offerte sous la forme d'assurance-emploi, d'assistance sociale, de soins de santé et surtout de création d'emplois.

Ces dernières années, monsieur le président, les planificateurs financiers et économiques ont employé l'expression «des balles ou du beurre». Ils ont dû décider s'il fallait fournir plus de nourriture et moins de balles ou vice et versa. Nous devons maintenant choisir entre du beurre ou un budget équilibré. Je crois que les deux sont possibles, mais que la balance doit plutôt pencher du côté du beurre. Nous pouvons réaliser les deux grâce au développement économique, à l'épargne et à la création d'emplois.

.1035

Monsieur le président, la municipalité que je représente a gravement souffert des compressions budgétaires récentes. C'est en partie à cause de l'exode d'une partie de notre main-d'oeuvre. Néanmoins, la perte financière la plus lourde revêt la forme d'une réduction des paiements de transfert de la province. Rien qu'en 1995, notre subvention de fonctionnement municipale a été réduite d'environ 22 p. 100.

Nous entendons le premier ministre dire qu'il n'y aura pas de hausse d'impôt. Les premiers ministres des provinces disent la même chose. Mais nos maires disent qu'il y aura augmentation des taxes. En fait, il s'est passé la chose suivante. Le fardeau fiscal plus lourd a été transféré des autres niveaux de gouvernement aux municipalités.

Le sénateur de Mount Pearl a fait allusion au programme d'infrastructure, et je suis d'accord avec lui. C'est un bon programme. Cependant, en pratique, je l'ai trouvé assez décevant. Pour le genre de projet que nous avons entrepris dans la municipalité, nous avons dû couvrir les deux tiers des coûts.

Soit dit en passant, cela a créé trois emplois au niveau local. Il y a eu d'autres emplois, bien entendu, dont la province et l'ensemble du pays ont bénéficié. Pour ma ville, cela s'est traduit par trois emplois et quelques gallons de carburant.

Je voudrais parler d'un problème qui préoccupe gravement l'ensemble de notre province. Cela se répercute sur les municipalités.

Il y a deux ans environ, la province a lancé le programme EDGE, qui visait à favoriser la création de nouvelles entreprises innovatrices. J'ajouterais que notre ville a participé à ce programme; en fait, nous avons accordé des concessions fiscales selon les mêmes principes. Je suis convaincu que ce programme peut stimuler notre économie dans une large mesure. Je constate maintenant que le gouvernement canadien reprend, en paiements de péréquation, un montant égal à celui que la province ne perçoit pas. Je trouve cela ridicule. Pourquoi récupérer les profits dans une région qui poursuit son expansion?

La formule de péréquation est peut-être trop rigide. Si c'est le cas, je recommande vivement qu'on l'assouplisse et qu'on mette au point une nouvelle formule à la fois rationnelle et raisonnable, qui permettra aux provinces défavorisées de devenir des provinces nanties.

La situation économique présente un aspect positif, soit les taux d'intérêt qui n'ont jamais été aussi bas. Les taux d'intérêt hypothécaires se situent actuellement entre 5 et 7 p. 100. Cela offre aux personnes à faible et moyen revenu la possibilité d'investir dans de nouvelles maisons et de nouvelles entreprises. J'espère seulement que cette tendance se poursuivra jusqu'au printemps, où nous pourrons pleinement en bénéficier. Il vaut toutefois la peine de répéter le slogan: «N'attends pas jusqu'au printemps, fais-le maintenant».

Je vais résumer très brièvement. Je voudrais que ce processus de consultation avec le public soit poursuivi.

.1040

Songez aux répercussions de la réduction des paiements de transfert sur les municipalités. Que l'on réduise le déficit, oui, que l'on équilibre le budget, oui, mais avec modération. Et je tiens à répéter ce slogan de l'année dernière: soyez économe, mais sans être mesquin.

Les programmes, comme le programme d'infrastructure doivent être orchestrés soigneusement afin de créer le maximum d'emplois à un coût raisonnable pour tous les intéressés.

Je demanderais également que la politique qui empêche les provinces d'offrir des incitatifs aux nouvelles entreprises soit réexaminée.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur le maire.

Le témoin suivant est M. Doug May, du Gardiner Institute de Memorial University.

M. Doug May (P.J. Gardiner Institute for Small Business Studies, Memorial University): Merci beaucoup, monsieur le président. Wayne King, le directeur de l'institut, et le professeur Pauline Downer, spécialiste de la fiscalité internationale, devaient m'accompagner aujourd'hui, mais le professeur King doit subir une intervention chirurgicale mineure et le professeur Downer le remplace. Je vais donc essayer de me débrouiller seul.

Des exemplaires de mon exposé se trouvent sur la table, si cela intéresse les autres témoins. De plus, vous verrez que je vais le publier sur le World Wide Web vu que cela semble être la chose à faire de nos jours. Je vais essayer d'être bref, monsieur le président, car je sais que vous voulez entamer une discussion générale.

Je reconnais que notre époque n'est pas particulièrement facile pour des gens comme Doug Meggison et, qu'au niveau individuel, il y a beaucoup de souffrances humaines. Je suis d'accord avec cela, et je pense qu'il faut en être conscient. En même temps, si l'on examine les perspectives économiques, je constate que les paramètres de base que nous avons réussi à mettre en place sont assez positifs. Cela ne veut pas dire que nous n'avons pas encore beaucoup de difficultés à traverser, surtout avec les compressions auxquelles procèdent certains gouvernements provinciaux.

Néanmoins, aussi encourageantes les perspectives puissent- elles être et aussi équitable notre protection sociale apparaît aux yeux de certains, je proposerais au comité d'examiner aujourd'hui quatre domaines dans lesquels les perspectives pourraient être encore plus favorables et la protection sociale plus équitable, et tout cela pendant que nous continuerons de réduire le déficit.

Tout d'abord, je voudrais parler de la croissance économique grâce à l'investissement dans le capital humain. Pour la plupart, nous conviendrons sans doute que certains des éléments du paradigme du XIXe siècle ont semblé dominer notre façon de voir. Autrement dit, la croissance n'était possible qu'en développant l'infrastructure, en construisant des canots, des chemins de fer et des immeubles... Nous nous rendons certainement compte, dans notre province que l'infrastructure est importante, mais nous devons juger de son importance projet par projet. Je parle de cette province parce qu'en 1932, nous nous sommes mis à construire toute une infrastructure, ce qui nous a valu énormément de difficultés et nous a fait perdre la notion de gouvernement responsable.

De plus, la plupart des économistes ont tendance à s'éloigner des paradigmes des années 60 et 70 où toute la technologie se trouvait incorporée dans le capital humain et où nous avons dû, par conséquent, donner des subventions aux entreprises et faire de la R-D. Nous ne savons pas quelles sont les causes exactes de la croissance - M. Grubel sera sans doute d'accord avec moi - mais, pour la plupart, nous avons tendance à nous tourner vers le capital humain. Ce qu'il nous faut vraiment pour soutenir la concurrence internationale, c'est une main-d'oeuvre instruite, souple et adaptable.

À la page 2, nous laissons toutefois entendre que, malgré la façon dont nous traitons les gens - pratiquement tout le monde sera d'accord là-dessus - la façon dont notre régime fiscal traite les étudiants n'est pas aussi libérale que la façon dont nous traitons les machines. En fait, si nous pouvions faire classifier nos étudiants comme la classe de 97 - celle qui va obtenir son diplôme l'année prochaine - ils seraient peut-être mieux traités. Par exemple, ils obtiennent un peu d'argent pour leurs frais de scolarité, mais leurs dépenses sont déductibles uniquement au cours de l'année où elles sont faites. Par contre, les frais d'équipement peuvent être reportés. Si vous n'avez pas de revenu, vous ne pouvez pas déduire vos dépenses. Encore une fois, il faudrait appliquer les dispositions permettant le report et j'aimerais que le comité examine la question.

.1045

Nous essayons de nous diriger vers un système de prêts en fonction du revenu. Toutefois, si vous empruntez de l'argent pour acheter une pièce d'équipement, une machine, les intérêts sont déductibles d'impôt. L'étudiant qui emprunte pour payer ses études ne peut pas déduire les intérêts de ses impôts.

Il y a certaines dépenses commerciales légitimes et certains frais d'éducation légitimes qui peuvent être déduits. Mais les montants reflètent peut-être l'époque où certains de mes collègues hauts fonctionnaires au ministère des Finances fréquentaient l'université. C'était au milieu des années 60. Pour mes étudiants, ces frais sont certainement beaucoup plus élevés.

De plus, monsieur le président, alors que nous traversons cette période d'ajustement difficile, il faudrait examiner soigneusement la façon dont nous traitons certains de nos étudiants. Ces derniers sont de plus en plus nombreux à quitter Glovertown, parce que ce n'est pas là qu'ils trouveront un emploi.

Le fait est qu'un étudiant de Glovertown qui vient à l'université Memorial doit faire des dépenses beaucoup plus élevées qu'un étudiant de Mount Pearl ou de St. John's. Nous sommes tous d'accord là-dessus. Cependant, quand certains travailleurs s'éloignent de chez eux, ils peuvent obtenir une indemnité de service septentrional et des concessions spéciales. Les étudiants de Glovertown n'y ont pas droit.

Ils doivent donc s'adapter. Leurs possibilités d'emploi traditionnelles ont disparu. Certains restent chez eux, mais ils ont de gros prêts à rembourser. C'est injuste. Je voudrais que le comité examine cette question.

Deuxièmement, parlons de l'équité du régime fiscal. Je me réfère à une étude qui parle des subventions à certaines familles riches pendant que l'on taxe les pauvres. Cette étude a été entreprise par le professeur Morley Gunderson, directeur du Centre des relations industrielles de l'Université de Toronto et moi-même. Je voudrais indiquer au comité pourquoi certains membres du syndicat de Earle McCurdy sont en colère et pourquoi ils ont manifesté au Nouveau-Brunswick.

Dans le premier document, que vous pourrez étudier tout à loisir, examinons les chiffres. Je vais essayer de vous les expliquer. Si nous prenons un revenu familial imposable de 70 000 $ ou plus - et même en Ontario, je pense qu'on considère que c'est une famille riche - nous constatons que le montant total accordé à ces familles est d'environ 1,4 milliard de dollars. Il y a eu 318 000 familles qui ont touché, en moyenne, les prestations de 4 345 $, monsieur le président, et un bon nombre de ces personnes étaient des réitérants. La question est... en tant que réitérants, elles ont touché un supplément d'une année à l'autre.

La loi sur l'assurance-emploi a tenté de réduire ce phénomène. Le document numéro deux montre les résultats obtenus en ce qui concerne le changement absolu dans le revenu disponible. Quel montant d'argent ces changements représentent-ils? Comme je le dis dans mes notes, ce sont là des résultats préliminaires, et nous nous sommes servis du même modèle économique, le SPSM de Statistique Canada, dont le ministère du Développement des Ressources humaines se sert lui-même.

Si vous prenez la catégorie de revenu de 65 000 $ à 67 500 $, vous constaterez que le changement dans le revenu a été une diminution d'environ 0,6 p. 100, soit moins de 1 p. 100. Si vous prenez les familles dont le revenu imposable est de 15 000 $ à 17 500 $, vous verrez que le changement dans le revenu disponible est de 4 p. 100. Autrement dit, les changements paraissent très positifs sur papier, mais si vous appliquez les modèles, certaines réalités détruisent soudainement les merveilleux modèles du ministère. En fait, la catégorie des faibles revenus est plus durement touchée que celle des hauts revenus. C'est une mesure régressive.

Alors pourquoi le faisons-nous? Pourquoi imposons-nous une taxe sur la feuille de paie à certaines familles, qui sont parfois des familles monoparentales travaillant au salaire minimum... alors que nous accordons à d'autres un supplément d'une année à l'autre? Une seule fois, nous pourrions être d'accord, mais d'une année à l'autre... Sommes-nous certains de vouloir le faire? Je vous pose la question.

J'aimerais parler de l'ajustement économique et de la création d'emplois, qui revêtent beaucoup d'importance pour tous les gens de cette province. Je ne crois pas que la majorité des gens - et la plupart d'entre nous ici - se rendent compte à quel point les projets de création d'emplois ont eu des répercussions sur la situation de l'emploi dans la province. En 1990 et 1989 - c'est enterré dans ces rapports que vous pourrez trouver à la bibliothèque de l'université Memorial - 30 000 emplois ont été créés chaque année. Cela en fait un bon nombre.

.1050

À l'époque, le ministère de l'Emploi et de l'Immigration appelait cela des projets de création d'emplois. Au niveau local, on appelait ça des emplois bouche-trou. On considérait souvent qu'ils avaient peu de valeur sur le plan de la formation ou de ce qui était produit. En fait, ils faisaient constamment l'objet de plaisanteries dans les médias nationaux bien connus, tant la presse écrite que la télévision et la radio. Cela a beaucoup découragé les gens.

Le ministère du Développement des Ressources humaines, dans le cadre de ses partenariats pour la création d'emplois et de ses mesures actives de réemploi, a parlé de remettre sur pied ce genre de programme. Souvent, cela paraît bien, mais nous traitons les symptômes plutôt que la cause. Nous ne tenons pas compte non plus de la dynamique.

En fait, il y a effectivement des gens qui ont besoin de ces partenariats pour la création d'emplois, mais nous devons nous pencher sur le fait que certains étudiants sortent du secondaire sans pouvoir trouver d'emploi. Ils se sont accrochés jusqu'à la 11e année, et que font-ils ensuite? Ils commencent à considérer que c'est là un mode de vie, que c'est un bon emploi. Pour ce qui est des travailleurs âgés, je n'y vois pas d'objection, mais nous devons relier ces projets de création d'emplois à des initiatives utiles pour la collectivité sur le plan du développement économique.

Il y a ensuite la concurrence sur le plan fiscal. Cela nous ramène au programme EDGE et aux autres. Vous en entendrez sans doute plus à ce sujet quand le professeur Jack Mintz, de l'Université de Toronto, présentera son mémoire au ministre des Finances. Je voudrais parler des facteurs fiscaux externes indirects.

Nous nous soucions vraiment du développement régional. Depuis le début du XXe siècle, les municipalités ont donné gratuitement des terres, des subventions fiscales, des congés fiscaux, de l'électricité gratuite, et ainsi de suite. Cela a cessé au moment de la Première Guerre mondiale, parce que l'effet était contraire au résultat recherché.

Nous avons maintenant une concurrence fiscale entre les provinces qui font des cadeaux aux entreprises. Je dirais que notre province étant plus petite perdra des entreprises au profit de la Nouvelle-Écosse, laquelle en perdra au profit du Québec, lequel en perdra probablement au profit de l'Ontario ou du Massachusetts. Nous faisons cadeau de l'argent de ces impôts.

D'autre part, quand nous réduisons le fardeau fiscal de ces sociétés, nous augmentons l'impôt sur le revenu des particuliers, qui est chez nous l'un des plus élevés au Canada. Et que font nos jeunes? Ils se disent qu'ils auraient tout intérêt à aller ailleurs, n'importe où sauf ici. Il s'agit donc, en fait, d'un impôt sur l'éducation. Ce n'est pas la bonne recette pour favoriser la croissance.

Monsieur le président, c'est tout ce que j'ai à dire. Les perspectives me paraissent bonnes, mais nous pouvons les améliorer davantage, tout en économisant.

Le président: Merci, monsieur May.

Nous allons maintenant entendre les représentants de la Newfoundland Home Builders' Association, Mike Lee et Rose Marie Woods, s'il vous plaît.

M. Mike Lee (Newfoundland Home Builders' Association): Merci, monsieur, de nous avoir invités à prendre la parole ici, aujourd'hui.

Je représente aujourd'hui les constructeurs de maison de Terre-Neuve et du Labrador. Nous sommes la voix de la construction résidentielle, une industrie qui produit, chaque année, pour600 millions de dollars de maisons neuves et de rénovations.

La première préoccupation de notre secteur, à l'heure actuelle, est sans aucun doute l'harmonisation de la taxe de vente. Nous approuvons l'objectif du gouvernement fédéral qui est de réduire les frais d'administration du régime fiscal, ce que l'harmonisation permet de faire, mais nous vous invitons à réfléchir aux conséquences que cela représente pour notre industrie.

Comme vous le savez, quand la TPS a été appliquée, le gouvernement s'était engagé à ce qu'elle soit neutre. Dans ce but, une ristourne a été accordée pour les maisons neuves. La ristourne de TPS de 36 p. 100 sur les maisons neuves n'a pas permis d'atteindre cette neutralité. Chacun sait ce qui en a résulté: une diminution marquée du nombre de mises en chantier, une réduction de la marge bénéficiaire des constructeurs, une croissance de l'économie souterraine. Le problème est devenu si grave que Revenu Canada travaille maintenant en collaboration étroite avec l'Association des constructeurs de maison pour le combattre. Nous travaillons activement dans cette province, pour obtenir une ristourne de la taxe harmonisée sur les maisons neuves.

.1055

Les rénovations ont été encore plus durement touchées par la mise en oeuvre de la TPS. Ce sont elles qui souffriront également le plus de l'harmonisation. C'est parce qu'elles comportent davantage d'éléments qui n'étaient pas taxés jusqu'ici, surtout les frais de main-d'oeuvre.

La bonne nouvelle est qu'il existe des moyens de soutenir les entreprises légitimes de rénovation.

Il faudrait redéfinir le genre de travaux donnant droit à la ristourne. La définition actuelle des «rénovations importantes» exclut pratiquement tous les travaux de rénovation, étant donné qu'il faut pratiquement ne laisser que la carcasse de la maison. Cela n'a jamais été défini. C'est pour cette raison qu'une proportion de plus en plus importante de ces travaux a été confiée à l'économie souterraine.

Nous vous invitons à travailler avec les provinces pour concevoir une ristourne qui appuiera les entreprises légitimes de rénovation.

Nous vous invitons également à travailler avec les provinces pour faire en sorte que toutes les entreprises soient enregistrées auprès de Revenu Canada. Cela aiderait à réglementer leurs activités et à permettre aux consommateurs d'identifier les petites entreprises légitimes.

Il y a eu une reprise modeste des mises en chantier dans la province, c'est-à-dire seulement après 1995 qui a été une année catastrophique, mais il faut faire preuve de prudence. Notre industrie demeure très fragile, le nombre de mises en chantier restant nettement inférieure à la demande, malgré des taux d'intérêt aussi bas.

Dans notre province, les décisions prises par les acheteurs de maison reposent sur la confiance des consommateurs. Le niveau actuel de participation au marché montre clairement que cette confiance n'est pas encore regagnée.

Nous appuyons les mesures prises par le gouvernement fédéral pour réduire le déficit, mais il faut être sensible aux besoins réels des divers secteurs de notre économie. La construction résidentielle est une source très importante de création d'emplois, et cela dans la province. Il faut soigneusement en tenir compte lorsqu'on élabore une politique fiscale.

Pendant que vous poursuivrez vos objectifs de réduction du déficit, nous vous invitons à ne pas perdre de vue les services très utiles et très productifs qui sont offerts actuellement et à les préserver.

Dans notre province, la SCHL a contribué, dans une très large mesure, à l'essor du secteur de la construction résidentielle. Comme c'est à vous de la redéfinir, nous vous demandons de respecter le rôle utile qu'elle joue. Sa présence physique dans nos collectivités contribue largement à son succès et devrait être préservée dans le cadre de la restructuration.

Nous vous félicitons pour l'énergie avec laquelle la ministre du Revenu, l'honorable Jane Stewart, lutte contre l'économie souterraine. Nous sommes déterminés à appuyer ces initiatives et à résoudre ce très grave problème.

Nous félicitons également la Banque du Canada pour les progrès réalisés sur le plan de l'abaissement des taux d'intérêt et nous l'invitons à poursuivre cette politique.

On nous dit partout où nous allons dans le monde, et pas seulement au Canada, que nous produisons certains des meilleurs systèmes de logement au monde. Notre parc de logements est l'un des principaux atouts de la province. Notre industrie est un important producteur d'emplois. Nous vous invitons à soutenir notre industrie, dans l'intérêt des consommateurs de logement et du secteur de la petite entreprise. Nous vous invitons également à continuer d'appuyer les partenariats publics et privés que nous avons créés, au cours des années, pour desservir ce secteur essentiel.

Merci encore, monsieur le président.

Le président: Je remercie les témoins qui ont comparu devant nous.

Il nous reste une demi-heure.

[Français]

Je propose qu'on accorde

[Traduction]

un maximum de cinq minutes pour chaque question et réponse afin que nous puissions respecter notre limite de temps.

[Français]

Monsieur Laurin, veuillez commencer.

M. Laurin (Joliette): Monsieur le président, il sera très difficile de respecter cette limite de temps, mais j'essaierai. Je crois que nous venons d'entendre un grand nombre de présentations bien articulées et bien documentées et qu'il vaut la peine de leur accorder l'importance qu'elles méritent.

J'ai des questions pour tous les panélistes, mais ce ne sera pas facile, monsieur le président. Je vais commencer par deux d'entre eux.

.1100

L'intervention de Mme Price m'a frappé puisque nous avons dénoncé les initiatives du gouvernement un peu dans le même sens qu'elle l'a fait aujourd'hui. Comme vous le précisiez, la réduction du déficit fédéral tient essentiellement à deux facteurs importants, dont des réductions budgétaires de l'ordre de 7 milliards de dollars dans les transferts aux provinces dont le gouvernement s'est servi pour abaisser son déficit.

L'autre somme importante est celle qu'a puisée le gouvernement dans le surplus de la Caisse d'assurance-emploi. Ce surplus, qui s'élève à 5 milliards de dollars, a été placé dans la caisse par les employeurs et les employés. Le gouvernement n'y a jamais mis un sou. Ces 5 milliards de dollars ont permis au gouvernement de faire bonne figure et d'affirmer que son déficit avait chuté de 40 à25 milliards de dollars cette année. Il y a toutefois 12 milliards de cette somme qui proviennent des sources que je viens de mentionner.

Il va sans dire que je suis complètement d'accord avec vous lorsque vous dites que le gouvernement fait actuellement la lutte au déficit sur le dos des plus petits. Quand on diminue les transferts aux provinces, elles n'ont plus d'autre choix que de sabrer dans l'éducation, dans la santé et dans les services sociaux afin de pouvoir absorber le pelletage du gouvernement fédéral dans les provinces.

Je suis parfaitement d'accord avec vous et vous pouvez compter sur le Bloc québécois pour donner suite à votre témoignage. Nous rappellerons au gouvernement ses obligations vis-à-vis de cette classe de la société.

Ma deuxième remarque est à la fois un commentaire et une question qui s'adresse à M. Denine, le maire de Mount Pearl.

Monsieur Denine, vous avez parlé en faveur de la reconduction du programme d'infrastructures. Nous savons toutefois que le programme d'infrastructures a parfois des conséquences très néfastes ou qu'il n'est pas accessible à plusieurs petites municipalités qui ne disposent pas des sommes nécessaires pour en profiter. C'est bien beau de leur dire de dépenser un million de dollars et qu'on en payera les deux tiers, mais si la municipalité ne se peut se permettre de débourser 350 000 $, elle ne pourra pas profiter des 650 000 $ qu'on pourrait lui accorder.

Le gouvernement du Québec a fait une proposition au gouvernement fédéral appuyant la deuxième phase du programme d'infrastructures à condition que la part du fédéral ne soit pas d'un tiers, mais de 50 p. 100, et à condition aussi que les provinces puissent utiliser des sommes déjà budgétisées pour réaliser des projets créateurs d'emplois. Certains projets sont en attente sur les tablettes parce qu'on ne dispose pas des sommes nécessaires pour les réaliser. Plutôt que d'entamer de nouveaux projets ou d'injecter de nouvelles sommes d'argent, le Québec voudrait pouvoir utiliser des sommes déjà budgétisées.

On constate que la création d'emplois n'a pas toujours été accomplie dans le sens souhaité. Le premier programme d'infrastructures a surtout créé des emplois temporaires qui ont donné de l'ouvrage à quelques milliers de travailleurs pendant quatre, cinq ou six mois. Ces personnes devaient ensuite compter sur l'assurance-chômage, à condition bien sûr que la nouvelle réforme de M. Axworthy leur permette de bénéficier de prestations parce qu'elles étaient admissibles à compter du premier jour. Mais, chose étonnante, il y a plus de gens inscrits à l'assurance-chômage, plus de chômeurs, et il en coûte moins cher au gouvernement en matière de prestations d'assurance-chômage. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans le système.

Monsieur Denine, est-ce que vous seriez en faveur d'une proposition comme celle qu'a formulée le Québec relativement au programme d'infrastructures?

[Traduction]

Le président: Oui ou non?

[Français]

Nous avons déjà pris plus de cinq minutes.

[Traduction]

M. Denine: Si vous recommandez que le gouvernement fédéral paie 50 p. 100, je serais certainement d'accord. Cela ne fait aucun doute.

.1105

Je suis d'accord avec vos observations concernant les petites municipalités du pays qui ne peuvent pas se prévaloir de la plupart des programmes d'infrastructure. Comme l'a mentionné mon collègue de Glovertown, ce programme a créé quelques emplois. Ce n'étaient pas des emplois permanents, mais cela a permis d'établir beaucoup d'infrastructures dans les municipalités, des infrastructures qui n'auraient pas pu être mises en place autrement. Souvent, nous nous tournons vers les infrastructures, car cela représente une source de recettes pour la municipalité. Une source de financement est la population, et une autre, le gouvernement fédéral et provincial. Dans notre cas, avant le programme d'infrastructure, c'était le gouvernement provincial.

Je suis donc d'accord et je voudrais que ces programmes soient poursuivis. Oui, si c'est possible, une contribution beaucoup plus importante du gouvernement fédéral serait certainement appréciée, sans aucun doute.

Vous avez mentionné que ce programme avait créé des emplois à temps partiel ou temporaires. C'est vrai dans de nombreuses régions. Mais également, du point de vue des municipalités, cela nous a donné la possibilité de nous doter d'une infrastructure que nous n'aurions jamais pu obtenir autrement.

[Français]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Laurin. Monsieur Grubel, s'il vous plaît.

[Traduction]

M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Merci beaucoup, monsieur May, de m'avoir remis ce tableau très instructif. J'en avais vaguement entendu parler, mais sans voir les chiffres. Il est vraiment frappant de voir qu'en 1995, 3 milliards de dollars ont été versés, sous forme de prestations d'assurance-chômage, à des familles ayant un revenu supérieur à 50 000 $. C'était à l'époque où un refuge pour femmes battues - dont des témoins nous ont parlé avant - a obtenu 40 000 $ pour accomplir son oeuvre utile.

Pourriez-vous nous dire quelques mots au sujet du fait que, comme vous l'avez démontré, la réforme a moins réduit les prestations des hauts salariés que celles des bas salariés? Pouvez- vous également nous parler de ce qui me semble être des niveaux presque incohérents? Quelles sont les priorités quand on voit qu'on répond aux besoins de familles qui ont un revenu aussi élevé alors que, pour le reste des programmes sociaux, on ne répond pas aux besoins?

M. May: Je ne sais pas si le ministère du Développement des Ressources humaines a tenu compte de ces tableaux. Il y a d'autres choses qui l'intéressent davantage. J'ai parlé, la semaine dernière, à un de mes collègues de l'Alberta qui trouvait incroyable que les discussions sur la réforme de l'assurance- chômage aient été dominées largement par des collègues qui sont des économistes du travail, sans qu'on ne tienne compte de la question de l'équité. En fait, quand on examine l'équité du système, la conclusion est que l'assurance-emploi ou l'assurance-chômage, selon le nom que vous lui donnez, est une façon tout à fait inefficace de redistribuer le revenu. Un point c'est tout.

Une autre de nos collègues, Alice Nakamura, a dit que cela faisait partie du processus de réforme de la procédure. Même si elle a rédigé des études pour l'Institut C.D. Howe, Alice est très au courant de ces questions. Elle a une conscience sociale très développée. Mais pourquoi ne pouvons-nous pas commencer maintenant? J'ai peur que le processus ne soit pas poursuivi.

M. Grubel: Pourrais-je demander aux représentants des syndicats et de la Coalition for Equality ce qu'ils en pensent? On dépense 12 milliards et le quart de cette somme va à des familles qui gagnent plus de 50 000 $ par an.

Mme Price: J'aimerais faire un commentaire. Tout d'abord, le but du programme d'assurance-chômage n'est pas vraiment de redistribuer les revenus. Il s'agit d'assurer un revenu temporaire à des travailleurs qui ont perdu leur emploi. C'est là une raison tout à fait valide qu'on semble perdre de vue de plus en plus.

D'autre part, tous les travailleurs et tous les employeurs cotisent à la Caisse d'assurance-chômage. S'ils deviennent chômeurs, les travailleurs qui cotisent ont droit à des prestations calculées d'après la formule que prévoit la Loi sur l'assurance- emploi.

Une des objections que je vois à ce genre de question et d'orientation, c'est que cela s'inscrit dans les attaques lancées contre l'universalité. Cela fait partie du ciblage. Cela fait partie également du démantèlement de nos programmes sociaux et des attaques lancées contre certaines valeurs et certains principes fondamentaux sur lesquels la société canadienne a été bâtie.

.1110

Si quelqu'un qui travaille et gagne 50 000 $ devient chômeur, les syndicats considèrent cette personne comme un travailleur en chômage. Le régime d'assurance-chômage vise à assurer, à ces travailleurs et à leur famille, un revenu temporaire, tout comme aux autres travailleurs.

Pour ce qui est des bas revenus, peut-être serait-il temps d'accorder un allégement d'impôt aux bas salariés et compenser cela en imposant davantage les riches. De plus, je crois qu'en augmentant le salaire minimum et en assurant aux travailleurs un salaire décent, on pourra remédier au problème de l'égalité de façon beaucoup plus efficace et beaucoup plus générale.

M. Grubel: Puis-je dire quelque chose très rapidement, monsieur le président?

Je comprends tout ce que vous dites. Mais la dure réalité est que les cotisations sont payées par les travailleurs à faible revenu. Comme vous le savez, cela dissuade les entreprises d'embaucher. Je trouve curieux que votre organisation approuve un programme qui réduit l'emploi et crée du chômage pour les bas salariés, qui a une forte incidence sur le revenu... Une bonne partie de cet argent est pris pour être donné à d'autres. Je n'ai jamais vu de représentants syndicaux avoir peur d'invoquer le principe de l'équité. Est-il juste de prendre cet argent à ceux qui se trouvent en bas de l'échelle pour le donner à ceux qui gagnent 50 000 $ et qui font partie des 10 p. 100 de gens qui se situent en haut de l'échelle des revenus? Pourquoi trouvez-vous cela acceptable? En fait, vous l'approuvez.

Le président: Merci, monsieur Grubel. Si nous en avons le temps, nous reviendrons à vous.

Monsieur St. Denis, s'il vous plaît.

Un témoin: Excusez-moi, monsieur...

M. St. Denis (Algoma): [Inaudible]

Le président: Je sais qu'un témoin désire répondre. Je regrette, mais j'ai les mains liées. Je suis seulement l'arbitre qu'on a envoyé sur la glace pour essayer d'accorder autant de temps au maximum de gens.

Monsieur St. Denis.

Un témoin: [Inaudible] ...le temps de répondre.

Le président: Peut-être en aurez-vous l'occasion. Je verrai s'il nous reste du temps.

M. St. Denis: Merci, monsieur le président. Je disais que je pose une question semblable.

Le président: Et je suis convaincu que ce sera également une bonne question.

M. St. Denis: Et très courte.

Sur le même sujet, je crois que Mme Price a fait valoir une chose importante. Le régime d'assurance-chômage et le régime d'assurance-emploi cherchent - même si vous pouvez leur adresser des reproches - à offrir un régime d'assurance universel aux travailleurs. Mais tant que nous n'aurons pas un programme de revenu annuel garanti, si nous en avons jamais un, je pense que l'argument du professeur May serait sans doute plus approprié dans le contexte d'un revenu annuel garanti.

Professeur May, je me posais une question au sujet de ces tableaux. Aux niveaux de revenu inférieurs, je suppose qu'on ne tient pas compte des paiements faits dans le cadre des services sociaux ou de l'aide sociale, par exemple. Ce tableau tient-il compte également de la récupération des prestations d'assurance- chômage auprès des familles à hauts revenus?

M. May: Non, ce n'est pas dans le premier tableau. Mais c'est dans le deuxième tableau.

Le président: Merci, monsieur St. Denis.

Nous pouvons en revenir à vous, monsieur Grubel, si vous le désirez.

M. Grubel: Non, j'ai posé mes questions. J'aimerais entendre ce que la coalition a à dire.

Le président: D'accord. J'en suis ravi.

M. Meggison: Monsieur Grubel, du Parti réformiste, j'oserais dire que la Coalition for Equality pense que de nombreux faits contredisent vos allégations concernant la structure du régime d'assurance-emploi. Notre coalition partage exactement le point de vue de la Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador quant à la nature du régime. Si un travailleur a droit à l'assurance- chômage, il devrait toucher des prestations d'assurance-chômage. Ce n'est pas plus compliqué.

.1115

Nous voudrions également nous faire l'écho de ce qu'a souligné René Laurin. Il y a actuellement un excédent de 6 ou 7 milliards de dollars dans ce que nous appelions la Caisse d'assurance-chômage. Il n'y a pas de crise, pas de problème.

M. Grubel: Je me réjouis de vous entendre dire qu'il faudrait prendre l'argent des bas salariés qui paient les cotisations d'assurance-chômage pour le donner à la classe favorisée. Merci beaucoup.

Le président: M. Earle McCurdy voudrait également répondre.

M. McCurdy: Tout d'abord, je me demande pendant combien de temps nous allons nous accrocher au mythe voulant que les impôts sur la feuille de paie détruisent les emplois. En fait, après quelques changements aux cotisations d'assurance-chômage, ceux qui partagent ce point de vue se sont dit déçus de voir que la situation de l'emploi ne s'est pas améliorée comme ils l'espéraient. Il suffit de regarder ce qui se passe chez le grand- père des employeurs canadiens. L'année dernière, General Motors a gagné plus d'argent que toute autre société dans l'histoire de notre pays, puis elle a essayé de supprimer 5 000 emplois de plus parce qu'elle voulait augmenter encore ses profits. Par conséquent, lorsqu'on rend davantage d'argent aux sociétés, cela ne crée pas autant d'emplois que certains le prétendent. Pour cette raison, ni moi-même, ni personne de ma connaissance, ne préconise ce genre de choses de la façon péjorative dont vous le faites, même si je suis au courant des opinions de votre parti à cet égard.

Je suis vraiment sidéré par ce tableau, si j'ai bien compris les chiffres qui y sont présentés. J'ai fait le calcul des conséquences de la nouvelle loi pour les personnes qui ont divers niveaux de revenu. Si j'ai bien compris les nouvelles règles de récupération, lorsque le programme sera entièrement en vigueur, c'est-à-dire lorsque la clause concernant les réitérants entrera en application, avec un revenu annuel de 73 000 $, vous perdez entièrement vos prestations. Pour ceux qui ont un revenu de 70 000 $ et plus, seulement 11 p. 100 environ... Si je comprends bien ce tableau, il y a environ1,4 milliard en prestations avant impôt dont seulement 150 millions sont récupérés. Cependant, si je prends les réitérants qui commencent à rembourser leurs prestations, à un revenu de 30 000 $, et un taux de 30 p. 100, je constate que ce taux atteint 100 p. 100 si le revenu dépasse 70 000 $. Ce tableau me paraît sidérant.

M. May: Non, Earle. Il y a une différence entre une famille et un individu. Nous faisons ce calcul sur une base familiale, d'accord? Dans le cadre de l'ancien Régime d'assistance publique du Canada, la plupart des transferts aux individus, que ce soit la prestation fiscale pour enfant ou les nouvelles prestations aux aînés ou encore le supplément de revenu garanti, se font sur une base familiale. Nous avons tendance à imposer sur une base individuelle, mais à faire les transferts sur une base familiale. Ces calculs se fondent sur le revenu familial.

Je peux vous donner un exemple. Vous avez quelqu'un qui gagne 70 000 $ par an et un autre membre de la même famille qui gagne 20 000 $ ou peut-être même 100 000 $. Les prestations de cette famille ne seront pas récupérées étant donné que la récupération se fait sur une base personnelle. Notre régime d'assurance-chômage ou d'assurance-emploi est très particulier, tout comme le système américain - et nous ne sommes sans doute pas les seuls au monde - en ce sens qu'il ne se fonde pas sur l'évaluation des moyens ou sur le revenu familial. Nous nous différencions à cet égard des autres pays.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Grubel.

Madame Chamberlain.

Mme Chamberlain (Guelph - Wellington): Merci, monsieur le président. Je voudrais d'abord faire une ou deux observations, après quoi j'aurai une question à poser à M. Lee.

Tout d'abord, je voulais remercier le maire Denine de ce qu'il a dit au sujet du programme d'infrastructure. Il est important que nous sachions si les gens nous approuvent et que nous n'entendions pas seulement des critiques. J'ai donc apprécié vos commentaires.

À titre d'éclaircissement, pensez-vous qu'un autre projet serait souhaitable s'il était bien ciblé?

M. Denine: Oui.

Mme Chamberlain: Êtes-vous d'accord avec le partage des frais en trois tiers?

.1120

M. Denine: Oui, nous en sommes très satisfaits, mais pour la phase un, on a laissé chaque province conclure ses propres ententes. Le partage ne s'est pas vraiment fait en trois tiers. Je souhaiterais qu'il n'y ait pas de différence d'une province à l'autre. Il faudrait que ce soit vraiment partagé en trois parts égales.

Mme Chamberlain: Très bien. Merci, j'apprécie cet éclaircissement.

J'aurais une chose à dire à Doug Meggison. Je regrette très sincèrement que vous soyez en chômage. Ce doit être terrible pour les gens qui ont du mal à trouver du travail. Je voudrais vous dire une chose. Que vous le croyiez ou non, j'ai travaillé pendant longtemps dans le domaine du placement et je ne conteste pas les chiffres que vous avez cités quant aux emplois disponibles qui sont annoncés. Vous avez sans doute parfaitement raison.

J'ajouterais que la plupart des emplois - en fait jusqu'à 85 p. 100 - sont comblés avant même d'être affichés. Les gens en entendent parler par des connaissances. Les employés sont embauchés bien avant que l'annonce ne soit publiée. Ce n'est pas du favoritisme, mais simplement le fait que vous connaissez quelqu'un. J'ai embauché de nombreuses personnes que je connaissais, parce que je savais qu'elles travaillaient dans un certain domaine et qu'elles étaient compétentes ou, pour cette même raison, je leur accordais un contrat quand j'étais dans le secteur privé.

Je voulais seulement vous préciser que vos chiffres sont exacts, mais qu'il y a beaucoup plus d'emplois que les chiffres ne l'indiquent. Leur nombre est nettement plus élevé.

M. Meggison: Même s'il y en a dix fois plus que les emplois affichés ou annoncés dans la banque d'emplois, cela donne à peu près 7 000 emplois disponibles pour 1,4 million de travailleurs en chômage.

Mme Chamberlain: Vous pouvez faire le calcul. En plus de ce chiffre, il y a 85 p. 100 des emplois qui ne sont jamais annoncés. C'est ce que disent les statistiques.

Le président: Je vais devoir vous couper la parole très rapidement. Il nous reste très peu de temps.

Mme Chamberlain: Puis-je poser une question de plus?

Le président: Oui.

Mme Chamberlain: Monsieur Lee, parlez-moi un peu plus de votre programme de ristourne. Il y a deux ans, j'ai essayé d'en mettre un sur pied pour les travaux de rénovation, mais pourriez-vous me dire ce que vous en pensez?

M. Lee: Pour le moment, les travaux de rénovation doivent être importants pour donner droit à la ristourne. Cela n'a pas encore été défini si ce n'est que dans cette région, par exemple, cela revient à ne garder que la carcasse. Je crois que 3 p. 100 de tous les travaux de rénovation effectués au Canada ont fait l'objet d'une ristourne. Rose Marie connaît bien les chiffres, mais ils ont été très faibles. L'été dernier, notre propre entreprise a fait des travaux de rénovation qui ont coûté à peu près 150 000 $, et si ce ne sont pas des rénovations importantes, je me demande jusqu'où il faut aller. Mais ces personnes ont du mal à obtenir la ristourne à moins de faire un vidéo des travaux. Ce n'est pas une question de coût.

Mme Chamberlain: Merci.

M. Rose: Je voudrais parler, une fois de plus, du programme d'infrastructure. Je ne voudrais pas laisser au comité l'impression que les frais ont été partagés en trois tiers. Ce n'est pas vrai. Dans mon cas, c'était un tiers, trois tiers, ce qui nous éloignait beaucoup de l'ancien programme provincial pour lequel le partage était de 60-40. Cela a causé des difficultés à ma municipalité et nous a placés dans une situation financière que nous n'aimons pas. Si le programme d'infrastructure était répété, comme je l'ai dit tout à l'heure, je voudrais que ce soit sur des bases plus équitables. Sinon, revenons-en simplement à l'ancien programme provincial.

Je voudrais poursuivre quelques secondes de plus. Pour ce qui est du programme d'infrastructure et des autres programmes de création d'emplois, il s'agit d'emplois temporaires. Nous considérons les emplois comme la base d'une économie solide, mais ce n'est pas le cas de ces emplois-là. La production, et seulement la production, est la base d'une économie solide. Ce sont les agriculteurs, les travailleurs forestiers et les pêcheurs qui font une véritable production.

Le président: Merci, monsieur le maire.

.1125

[Français]

Monsieur Laurin, à vous la parole.

M. Laurin: Monsieur May, j'aimerais que vous me donniez votre opinion sur l'attitude du gouvernement qui, depuis un certain nombre d'années, n'est pas intervenu dans la politique monétaire de telle sorte qu'on a continué une lutte à l'inflation effrénée qui, à notre avis, s'est faite au détriment de la création d'emplois. Contrairement aux États-Unis qui ont accepté un taux d'inflation de l'ordre de 3 ou 4 p. 100, le Canada a toujours maintenu le sien à moins de 2 p. 100. Est-ce qu'à votre avis, cette politique monétaire devrait être repensée pour favoriser davantage la création d'emplois?

[Traduction]

M. May: Quand j'ai pris la parole devant le comité, l'année dernière, je lui ai parlé des travaux de mon collègue, Pierre Fortin, qui avait fait, selon moi, une excellente critique de la politique de la Banque du Canada. Cette année, je voudrais en reparler à Pierre, car je suis devenu plus agnostique - et là encore, je devrais consulter quelqu'un comme M. Grubel - en ce sens que, malgré les difficultés actuelles, la Banque semble avoir abaissé les taux d'intérêt à un niveau très bas et la politique de la direction de la banque centrale... Je n'aurais pas cru cela il y a un an.

Je ne peux donc pas vous répondre. Je m'en excuse. Mais je ne laisserai pas passer. À la place du comité, je parlerais à Pierre Fortin pour savoir ce qu'il en pense.

Une voix: Nous l'avons fait.

Le président: Merci beaucoup.

Je regrette, mais nous sommes arrivés au bout du temps qui nous était imparti. C'est là un groupe de témoins extrêmement intéressants, tout à fait représentatifs, à bien des égards, non seulement de cette province, mais de l'ensemble des questions sur lesquelles notre comité doit se pencher. Les maires nous ont parlé d'un autre programme d'infrastructure, le programme EDGE qui vise à créer des emplois, et vous êtes bien placés pour savoir ce que sont le chômage et l'aide sociale étant donné que vous en êtes témoins quotidiennement. Vous êtes près de ces problèmes, vous en connaissez les conséquences et vous nous avez parlé de ce que nous pourrions faire pour redonner du travail aux gens. L'expression «Soyez économe, mais pas mesquin» reste gravée dans mon esprit.

Monsieur McCurdy, je sais que vous êtes très en colère contre nous. Je transmettrai ces messages aux personnes compétentes.

Monsieur Church, nous avons entendu dire, dans tout le pays, que l'avenir devait reposer sur la recherche fondamentale. Vous avez donné à cela un visage humain en tant que chercheur qui s'intéresse à un problème qui a sans doute touché, directement ou indirectement, toutes les personnes présentes dans cette pièce, le problème du cancer du sein. Je sais que la R-D, la recherche fondamentale et l'éducation doivent faire partie de la stratégie qui permettra de créer les emplois pour lesquels nous devons affronter la concurrence internationale et qui deviendront de plus en plus compétitifs. Je vous félicite pour le travail que vous accomplissez. S'il y a des programmes particuliers dont nous devrions prendre connaissance, veuillez nous le faire savoir ultérieurement.

Doug May, vous nous avez communiqué des recherches extrêmement intéressantes, et j'ai l'intention de les examiner de plus près. Les choses que nous pourrions faire pour ce qui est de la déductibilité des frais de scolarité, le report des dépenses et la question intéressante que vous avez soulevée au sujet des bénéficiaires des prestations de l'assurance-emploi, nous ont donné matière à réflexion.

Pour ce qui est des constructeurs de maison, nous savons quel rôle important vous jouez dans la création d'emplois. Surtout dans le domaine de la rénovation, vous nous avez signalé certains problèmes, notamment la définition d'une rénovation importante dans le contexte de la TPS. Nous devons travailler avec vous pour éliminer ces ambiguïtés, car nous savons ce que vous pouvez faire pour la création d'emplois et ce que de bonnes conditions de logement peuvent faire pour les Canadiens.

.1130

Elaine Price et Martin Saunders, j'ai pu constater votre découragement. Mon seul regret est que nous n'ayons pas pu discuter des solutions que préconise le budget de rechange. Nous avons vu ce document. Il nous a été présenté une nouvelle fois au cours de ce voyage, et nous avons eu une autre occasion, devant d'autres groupes du Nouveau-Brunswick, de passer en revue ce budget de rechange.

Par exemple, pour ce qui est des deux premiers aspects de la politique monétaire, il demande une baisse des taux d'intérêt. Ensuite, il proposait à la Banque du Canada d'acheter des obligations du gouvernement canadien, ce qui veut dire un accroissement de la masse monétaire, davantage d'inflation et des taux d'intérêt plus élevés.

J'aurais voulu que nous puissions discuter de certaines de ces questions. Je regrette que nous ne l'ayons pas fait, mais nous allons les examiner, sans que les autres personnes qui sont autour de cette table ne puissent y participer.

Votre province, qui a été la dernière à se joindre au Canada, est très importante pour le pays. De nombreux Canadiens jugent de l'efficacité des politiques canadiennes d'après les résultats qu'elles donnent à Terre-Neuve. Nous savons que vous souffrez du chômage, et cela plus que tout le monde au Canada, et que vous n'avez pas bénéficié de toutes les bonnes choses que d'autres régions ont eu la chance d'avoir. Mais vous avez ce potentiel incroyable qui n'a pas encore porté ses fruits et dont Churchill Falls fait partie.

Nous essayons de faire des lois qui seront équitables pour tous les Canadiens et je sais que tout le monde autour de cette table réfléchira très sérieusement aux témoignages que nous avons entendus ici aujourd'hui. Je vous remercie tous beaucoup.

La séance est levée.

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