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CHAPITRE 4 - LA COOPÉRATION DANS L'ARCTIQUE AU COURS DE L'APRÈS-GUERRE FROIDE : DES CONFLITS INTERNATIONAUX AUX NOUVELLES ORIENTATIONS EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ


Autrefois, l'intérêt pour la région circumpolaire se résumait à des questions de défense-une arène de décision où le Canada ne jouait qu'un rôle mineur. Aujourd'hui, on commence à y voir un lieu où tous les aspects de la politique étrangère peuvent être mis en jeu, à condition d'avoir assez d'imagination. Le développement durable et la sécurité envrironnementale seront vraisemblablement les futures pierres de touche dans cette région pendant une bonne partie du prochain siècle.
«Sovereignty, Security, and Surveillance in the Arctic85»

. . . la grande différence entre cette époque et maintenant, c'est qu'il n'existe plus d'ennemi à combattre de l'autre côté de la ligne est-ouest, qui partageait l'Arctique artificiellement et qui était en grande partie le résultat - elle en est aujourd'hui l'héritage - de la Guerre froide. Les anciennes menaces apparentes ayant plus ou moins perdu de leur actualité, la limite entre sécurité militaire et sécurité civile est beaucoup moins floue aujourd'hui qu'elle ne l'a été pendant la Guerre froide.
Sanjay Chaturvedi86

La sécurité de l'Arctique : en transition entre le passé et l'avenir

De tout temps, le débat sur les questions de sécurité a été axé sur la protection des États-nations et de leur souveraineté; la «sécurité» était synonyme de «défense», ce qui contribuait à privilégier les considérations militaires et techniques87. Pendant la guerre froide, les superpuissances se sont intéressées à l'Arctique pour des raisons de sécurité, à cause de sa situation géographique. L'Union soviétique avait basé la plupart de ses sous-marins porteurs de missiles balistiques dans la presqu'île de Kola, près de la Norvège, qui était en grande partie libre de glaces et, de leur côté, les États-Unis considéraient l'Arctique comme un «flanc nord» qu'il fallait défendre par une stratégie maritime énergique, et comme l'a dit John Heap de l'Institut Scott de recherche polaire de l'Université de Cambridge lors de son témoignage devant le Comité, la région était «gelée par l'emprise des superpuissances». La fin de la guerre froide a complètement bouleversé les paramètres de la sécurité internationale, entraînant, par le fait même, d'importants changements pour l'Arctique. Le plus évident et le plus heureux de ces changements a été la fin de l'affrontement militaire entre les États-Unis et la Russie à l'échelle mondiale, mais le changement le plus profond a été la réévaluation de la définition de la sécurité. Les discussions relatives à la sécurité devraient être axées davantage sur les aspects politiques que sur les aspects militaires des relations entre les États, et on assiste d'ailleurs, depuis plusieurs années, à un élargissement de la notion de sécurité qui donne une importance de plus en plus grande aux facteurs non militaires.

En 1994, après une série d'audiences publiques de vaste portée, le Comité mixte spécial chargé de l'examen de la politique étrangère a exigé «une conception élargie de la sécurité88». Dans Le Canada dans le monde, énoncé de politique étrangère publié en février 1995, le gouvernement a appuyé cette notion et a présenté le concept de «sécurité humaine collective», ajoutant que

. . . tous ces problèmes exigent un élargissement de la politique de sécurité; celle-ci devra désormais être à la fois moins axée sur la gestion des relations entre États et plus sensible à l'importante contribution des individus et de la société à la sécurité collective[. . .]De l'avis général, le meilleur moyen de réaliser un tel élargissement - à moindre coût et avec un effet optimal - consiste à regarder au-delà de l'option militaire pour trouver des solutions aux problèmes de sécurité, et à tout faire pour promouvoir la coopération internationale, renforcer la stabilité et prévenir les conflits89.
Sur la question de la sécurité dans l'Arctique, la déclaration précise :

L'attention dont l'Arctique canadien fait l'objet porte de plus en plus sur les menaces non traditionnelles à la sécurité. La nomination récente par le Canada [d'une ambassadrice] aux affaires circumpolaires attirera davantage l'attention sur de telles menaces. Notre but est de créer un Conseil de l'Arctique pour relever le défi du développement durable dans le Nord et pour tenter de résoudre les problèmes importants auxquels sont confrontés tous les pays de l'Arctique90.
Le Conseil de l'Arctique est désormais une réalité, mais il n'est pas habilité à traiter les questions traditionnelles de sécurité qui continuent de se poser dans la région. Quoique moins importantes qu'auparavant, ces questions doivent néanmoins être examinées pour que les États de l'Arctique puissent passer à des programmes de sécurité de plus grande envergure. La réticence des États-Unis à discuter des problèmes de sécurité militaire dans l'Arctique a été une cause majeure de leur hésitation à participer au Conseil de l'Arctique, et c'est sur l'insistance des Américains que la déclaration sur la création du Conseil précise que «[le] Conseil de l'Arctique ne devrait pas s'occuper de questions relatives à la sécurité militaire». En revanche, cela ne devrait pas l'empêcher de promouvoir la sécurité dans la région. Comme l'a déclaré M. Oran Young au Comité :

Officiellement du moins, les États-Unis disent clairement que les questions de sécurité ne devraient pas être inscrites à l'ordre du jour du Conseil de l'Arctique. Je ne pousserais pas plus loin l'interprétation d'une telle déclaration. Il n'est pas facile de séparer complètement les questions les unes des autres. Il suffit de commencer à parler de questions concrètes ou de questions de fond, pour que surgisse souvent l'élément de sécurité qui s'y rattache. J'ai le sentiment qu'il y a des moyens d'attirer les États-Unis dans des discussions portant sur des questions de sécurité, sans pour autant le déclarer publiquement [40:14].
Étant donné la tendance de tous les gouvernements à donner à la notion de sécurité une portée plus large, le Conseil de l'Arctique pourra prendre part à l'examen de questions de sécurité «modernes» telles que la contamination de la région découlant des activités militaires. En contribuant à la restauration d'un climat de confiance entre les États-Unis et la Russie, le Conseil pourra indirectement préparer le terrain pour d'éventuelles négociations bilatérales ou multilatérales sur la sécurité militaire de la région. Le Canada et les autres États de l'Arctique pourront également contribuer au succès de telles négociations en commençant à réfléchir à ces questions et à préparer le terrain.

Le spécialiste canadien de l'analyse stratégique, Peter Gizewski, il y a plusieurs années déjà, écrivait :

. . . le temps est venu pour les pays de l'Arctique d'envisager la sécurité de la région dans une perspective circumpolaire. En effet, on reconnaît aujourd'hui qu'il existe des intérêts communs aux huit États de l'Arctique et aux populations qui y habitent, et que tous ces pays, non pas uniquement les États-Unis et la Russie, partagent la responsabilité du développement pacifique de la région. Or, ce développement suppose une reconnaissance du fait que la sécurité possède non seulement une dimension militaire, mais aussi des dimensions sociale, économique et, bien entendu, environnementale. La guerre froide étant chose du passé, les États-Unis et la Russie doivent, une bonne fois pour toutes, adapter leurs activités militaires aux nouvelles réalités politiques. L'Arctique ne doit plus être le théâtre d'activités militaires reposant sur la logique d'une époque révolue. Non seulement les menaces militaires ne le justifient pas, mais les risques environnementaux pourraient bien être trop élevés91.
Malgré les incertitudes qui accompagnent les transitions de «l'après-guerre froide» et les tensions qui entourent quelques dossiers, comme celui de l'élargissement du rôle de l'OTAN, le fait que les relations politiques entre les huit États de l'Arctique demeurent pacifiques et raisonnablement stables offre un contexte positif permettant d'aller de l'avant dans la coopération en matière de sécurité. Les États de l'Arctique sont maintenant tous membres de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Selon Kari Möttölä, du ministère finlandais des Affaires étrangères, dans un document d'information rédigé pour la deuxième conférence des parlementaires de la région arctique qui s'est tenue à Yellowknife en 1996, cela signifie qu'ils ont déjà convenu de ménager «un espace commun de sécurité générale, coopérative et indivisible» sur leur territoire. Par ailleurs, ils ont convenu de respecter le non-usage de la force en tant que norme de base de la sécurité internationale, de ne pas poursuivre leurs intérêts pour la sécurité nationale au détriment des autres États, de ne pas créer de sphères d'influence ou de zones privilégiées ou de zones grises de sécurité, et d'adopter de nouveaux principes de coopération en matière de sécurité fondés sur des lignes directrices telles que la règle de la suffisance pour les capacités de défense, un contrôle démocratique des forces armées, et l'observation du droit humanitaire international en cas d'usage interne et externe des forces armées92. De manière plus générale, M. Möttölä estime que, pour renforcer la sécurité dans la région, les États devraient mettre l'accent sur la promotion de la stabilité, y compris la transition de la Russie vers la démocratie et l'économie de marché, le déploiement de mesures et de mécanismes de gestion des conflits, et enfin la stabilité militaire ou stratégique grâce à la transparence, à la visibilité et au contrôle des armes. À Helsinki, le collaborateur de M. Möttölä, le lieutenant-colonel Arto Nokkola, de l'Institut des recherches pour la paix, Université de Tampere, s'adressant au Comité, a souligné la nécessité de régler les graves problèmes socioéconomiques et écologiques que connaît le nord de la Russie, particulièrement la région de Mourmansk (presqu'île de Kola), cadre d'un partenariat circumpolaire pour la paix. D'une manière générale, il faut retenir que ce genre de coopération multilatérale fera avancer la sécurité de chaque pays dans l'Arctique.

Examiner la souveraineté et la sécurité du Canada arctique dans un contexte circumpolaire

Comme le contexte multilatéral se transforme, le Canada doit revoir et ajuster ses propres politiques stratégiques relatives à l'Arctique. Dans la période de l'après-guerre, les gouvernements canadiens successifs ont envisagé les questions touchant la défense et la sécurité dans l'Arctique dans le contexte confirmé de la guerre froide. Le changement n'a pas été accepté facilement. Le Canada a exprimé «de sérieuses réserves» au sujet de l'initiative de Mourmansk du président Gorbatchev en 1987, et le gouvernement canadien a toujours rejeté l'idée de mesures particulières de contrôle des armements pour l'Arctique, affirmant que la menace était mondiale et non pas régionale. Comme M. David Cox l'a déclaré au Comité :

Il faut dire aussi que, tout au long de la guerre froide, le Canada considérait également l'Arctique non pas comme une région, avec ses propres problèmes, mais surtout comme un ensemble d'activités du point de vue de la sécurité qui faisaient partie de la problématique Est-Ouest. L'Arctique tenait donc une place importante dans les négociations entre l'Est et l'Ouest, c'est-à-dire dans les pourparlers sur le désarmement nucléaire entre les États-Unis et l'Union soviétique et dans les discussions entre l'OTAN et les pays du Pacte de Varsovie [21:8].
ll existe traditionnellement un lien étroit entre les questions concernant la souveraineté et la sécurité. Dans l'Arctique canadien, les États-Unis ont été, paradoxalement, à la fois un partenaire étroitement associé au Canada pour les questions touchant la défense et le seul pays à contester sérieusement sa souveraineté. Le Canada et les États-Unis collaborent à la défense de l'Amérique du Nord depuis près de quatre décennies dans le cadre du NORAD et d'autres accords, et la construction militaire, pendant et après la Deuxième Guerre mondiale, a entraîné de nombreux changements dans l'Arctique canadien et posé le problème de la souveraineté du Canada. Le Livre blanc canadien sur la défense, paru en 1971, mettait l'accent sur la souveraineté canadienne, et en 1985, le Canada et les États-Unis se sont entendus pour améliorer la couverture radar dans le Nord en mettant en place le Système d'alerte du Nord dans tout le Canada septentrional. Vers le milieu des années 1980, la souveraineté et la sécurité dans le Nord ont suscité un regain d'intérêt dont le point culminant a été la publication en 1987 du Livre blanc sur la défense intitulé Défis et engagements.

En 1986, après que le Polar Sea, un navire de la garde côtière américaine, eût emprunté le passage du Nord-Ouest, le gouvernement a défini des «lignes de base droites» tout autour de l'archipel arctique du Canada et a annoncé un ensemble de programmes militaires et civils destinés à renforcer à la fois la souveraineté et la sécurité canadiennes dans l'Arctique, notamment : un brise-glace polaire de classe 8 pouvant naviguer tout au long de l'année dans les eaux arctiques; l'acquisition de 12 sous-marins à propulsion nucléaire capables de séjourner pendant de longues périodes sous la glace arctique; cinq bases d'opérations avancées pour les avions de chasse et la création d'un centre de formation pour les Forces canadiennes dans le Nord; et la mise en place d'un Système de surveillance sous-marine dans l'Arctique à des points d'étranglement stratégiques pour détecter les passages de sous-marins. En 1988, le Canada et les États-Unis ont conclu un accord sur la coopération dans l'Arctique (appelé «accord sur les brise-glace») aux termes duquel le Canada devra donner son accord pour qu'un brise-glace américain puisse emprunter les eaux de l'archipel arctique, mais une clause de non-préjudice permettait également aux deux États de ne pas modifier leur position. La fin de la guerre froide et les réductions budgétaires ont eu pour résultat d'annuler des projets comme l'acquisition de sous-marins nucléaires et d'un brise-glace de catégorie polaire, alors que d'autres, comme celui des bases d'opérations avancées, ont été simplement réduits en nombre. À l'initiative du Canada, le Canada et les États-Unis ont également convenu, début 1994, de cesser les essais de missiles de croisière américains dans le nord du Canada.

Depuis la fin de la guerre froide, le gouvernement canadien a maintenu la plupart de ses politiques de souveraineté et de défense dans l'Arctique, mais il leur a accordé, dans sa politique étrangère, moins d'attention qu'aux questions de coopération régionale comme la création du Conseil de l'Arctique. Les activités et les capacités actuelles des Forces canadiennes dans l'Arctique sont modestes et axées sur la défense; elles incluent le fonctionnement, fortement informatisé, du Système d'alerte du Nord à un niveau d'opération moindre, pour le compte du Canada et des États-Unis; le programme Ranger; les patrouilles pour le maintien de la souveraineté exécutées par des avions à grand rayon d'action; la réalisation de manoeuvres terrestres et aériennes et d'exercices de transmission, de survie, et autres, tout au long de l'année; des activités de cartographie et de soutien scientifique; et la décontamination des anciennes stations du réseau radar DEW. Les Forces canadiennes ont également amélioré leur coopération avec les peuples autochtones du Nord dans au moins un cas, en concluant en 1996, avec les Inuvialuits de l'Arctique de l'Ouest, un accord régissant l'utilisation de leurs terres pour des activités de formation du ministère de la Défense nationale.

En ce qui concerne la souveraineté, le Conseil de l'Arctique ne peut pas aider à résoudre les différends qui existent de longue date entre certains de ses membres comme le Canada et les États-Unis ou la Norvège et la Russie. Toutefois, ces différends verront sans doute leur importance diminuer au fur et à mesure que les États arctiques accorderont plus d'importance à la coopération régionale qu'à la souveraineté nationale. Le Canada continue de revendiquer sa souveraineté sur les eaux de l'archipel arctique, mais une fois qu'il aura fait de son mieux pour affirmer ses revendications, il sera probablement préférable pour les habitants de cette région qu'il mette l'accent sur la création d'un régime élargi pour l'Arctique plutôt que de se limiter à faire valoir sa souveraineté, ce qui pourrait même favoriser l'atteinte de ses objectifs à cet égard. M. Donald McRae, professeur à l'Université d'Ottawa, a bien expliqué au Comité que les préoccupations qui, au fil des ans, ont amené le Canada à faire valoir sa souveraineté sur les eaux de l'archipel arctique, conservent leur importance, mais que, dans un monde de plus en plus interdépendant, l'affirmation de la souveraineté n'est peut-être pas la meilleure façon pour notre pays d'atteindre ses objectifs. Il a notamment déclaré :

Je ne prétends pas qu'une revendication de souveraineté sur les eaux de l'Arctique soit un projet dépassé ou bon à mettre aux oubliettes. Je dis plutôt que le fait de croire qu'il faut affirmer sa souveraineté pour atteindre ses objectifs est une notion qui appartient davantage au 19e qu'au 21e siècle. Les objectifs qui ont incité le Canada à revendiquer vigoureusement sa souveraineté dans l'Arctique pourraient peut-être être atteints aujourd'hui par des mécanismes bilatéraux, régionaux et multilatéraux [. . .] Je ne pense pas que le Canada affaiblisse sa position en mettant l'accent sur la collaboration avec les autres États pour tout ce qui concerne l'Arctique plutôt qu'en insistant sur sa souveraineté. Cette souplesse accrue pourrait même être interprétée comme une affirmation de souveraineté de la part du Canada dans la région puisque le Canada cesserait d'être perçu comme celui qui se défend continuellement contre de soi-disant atteintes à sa souveraineté [21:5-6].
D'après le professeur McRae, après la décision de tracer des lignes de base droites et la conclusion de l'accord de 1988 sur les brise-glaces, le Canada, à une exception près, «ne peut guère faire beaucoup plus pour renforcer sa revendication de souveraineté sur les eaux de l'Arctique [21:6]». Le problème qui reste à régler est celui de la détection des sous-marins américains transitant par l'archipel arctique, puisqu'ils le font sans que le Canada soit au courant, ce qui pourrait affaiblir la revendication du Canada en matière de souveraineté93. Le gouvernement a du mal à trouver, pour le Système de surveillance sous-marine dans l'Arctique, une technologie qui soit à la fois abordable et adaptée aux conditions prévalant dans cette région. C'est pourquoi (et, probablement, du fait des répercussions négatives qui pourraient en résulter sur les relations Canada-États-Unis), «le déploiement d'un système n'est pas prévu pour le moment», comme le déclarait le précédent ministre de la Défense, David Collenette, dans une lettre adressée à un député en janvier 199694. De l'avis de certains, dont le Comité canadien des ressources arctiques (CCRA), un système de surveillance reste nécessaire pour renforcer l'affirmation de notre souveraineté sur les eaux de l'archipel arctique. Terry Fenge, directeur général du CCRA, a d'ailleurs soulevé cette question devant le Comité. Un tel système de surveillance pourrait sans doute contribuer à appuyer les prétentions du Canada, mais il est impossible de dire dans quelle mesure. D'après David Cox, «. . . il s'agit surtout de savoir combien nous serions prêts à payer pour découvrir à quel point les sous-marins qui circulent dans le passage du Nord-Ouest sont peu nombreux [21:6]». Il ajoutait : «Je serais très étonné que les sous-marins américains passent plus de trois fois par an dans le passage du Nord-Ouest. Je ne serais même pas surpris d'apprendre que certaines années il n'y a pas de circulation du tout. Par conséquent, si vous investissiez les 60 millions de dollars dans ce réseau de capteurs, il faudrait vous interroger sur la rentabilité de cet investissement [21:11]». Selon Franklyn Griffiths :

. . . du point de vue de la souveraineté, il semble que personne ne veuille savoir ce qui se passe là-haut. Si nous le savions vraiment, que ferions-nous? Je suppose que nous protesterions. Les Chinois avaient l'habitude de protester tous les jours contre l'occupation des îles Quemoy et Matsu par les nationalistes. Ces protestations quotidiennes avaient pour but de défendre la souveraineté chinoise. Je me demande s'ils ont battu un record; probablement pas [15:40].
Vu le nouveau programme de coopération internationale dans l'Arctique, le Comité appuie le gouvernement dans sa décision de mettre l'accent sur la coopération plutôt que sur un affrontement (judiciaire) dans cette région. Parallèlement, le Canada doit s'assurer que la revendication de sa souveraineté sur les eaux de l'archipel arctique repose sur des bases aussi solides que possible.

Par conséquent :

Préoccupations militaires et stratégiques soutenues concernant l'Arctique

Les questions militaires ou stratégiques traditionnelles dans l'Arctique restent centrées sur la relation entre les États-Unis et la Russie, qui sont toujours les deux plus grandes puissances nucléaires du monde et les principales puissances militaires de la région. La Russie attire plus l'attention à cause de son processus de réforme qui est en cours et par le fait qu'elle dispose, surtout pour des raisons géographiques, des plus grandes forces militaires stationnées en permanence dans l'Arctique. Dans le discours qu'il avait prononcé à Mourmansk en 1987, Mikhaïl Gorbatchev avait réclamé la fin de la guerre froide et le renforcement de la «sécurité civile» dans l'Arctique, ainsi que la création d'une «zone de paix» démilitarisée qui excluait la plus grande partie des forces soviétiques de son secteur d'application. Bien que ce discours ait donné le coup d'envoi d'une nouvelle ère de coopération sur d'autres questions, les gouvernements occidentaux ont rapidement dénoncé le caractère intéressé des éléments traditionnels de sécurité qu'il contenait. Il est clair que la fin de la guerre froide a entraîné un changement radical des politiques russes, mais le potentiel militaire de la Russie dans le Nord n'a pas diminué aussi rapidement et a même augmenté temporairement lorsqu'elle a déplacé son équipement militaire conventionnel hors de l'Europe, comme l'exigeait le Traité de 1990 sur les Forces conventionnelles en Europe (CFE). Le traité CFE est actuellement renégocié par le Canada et les autres parties afin de prendre en compte les nouvelles réalités militaires et politiques en Europe après la fin de la guerre froide, ce qui, il faut espérer, permettrait de résoudre bon nombre de questions résiduelles dans la région (voir l'encadré 6 sur l'équilibre des forces militaires dans la région arctique).


Encadré 6 - «Équilibre des forces militaires dans la région arctique (1)»


Source : Kari Möttölä et Arto Nokkola, Les enjeux relatifs à la sécurité, préparé pour la Deuxième Conférence des parlementaires de la région arctique à Yellowknife (T.N.-O.), 13-14 mars 1996

Références: «The Military Balance 1995-1996; The Military Balance in Northern Europe 1994-1995».


À l'instar des États-Unis, la Russie continue de considérer sa force de dissuasion nucléaire comme la garantie essentielle de sa sécurité et, certains disent même que c'est la dernière manifestation de son statut de superpuissance. En fait, une grande partie de ses forces sont basées dans l'Arctique (voir l'encadré 6 sur l'équilibre des forces militaires dans la région arctique). Depuis la fin de la guerre froide, les deux pays ont déjà diminué considérablement leurs arsenaux nucléaires stratégiques, puisque, sur les 10 000 à 12 000 têtes explosives qu'ils déployaient chacun vers la fin des années 1980, il n'en ont plus que 6 000 à 7 000 chacun en vertu du traité START I. Cependant, le Parlement russe n'a pas encore ratifié l'entente suivante, START II, qui ramènerait les arsenaux à 3 500 ou 3 000 têtes de part et d'autre. À l'occasion de son passage à Moscou, le Comité a rencontré le président du comité de la Douma sur les affaires étrangères, Vladimir Lukin, ainsi que le chef de son sous-comité des affaires juridiques. D'après eux, les membres de la Douma reprochent au traité START II de proposer des réductions mal équilibrées, de placer un fardeau disproportionné sur la Russie et de nécessiter des coûts de mise en oeuvre trop élevés pour elle. La ratification de START II a été de plus en plus associée à des questions plus vastes de sécurité telles que l'élargissement de l'OTAN et les propositions américaines de systèmes de défense nationaux et contre les missiles de théâtre. Le Sommet d'Helsinki, qui a réuni, en mars 1997, les présidents Clinton et Eltsine, a permis de réaliser des progrès dans le domaine de la réduction des armes stratégiques. En échange de la promesse des États-Unis de faire passer le délai de mise en application de 2003 à 2007, le président russe a accepté de recommander à la Douma la ratification de START II, qui serait immédiatement suivie de négociations en vue d'un accord complémentaire START III; celui-ci ramènerait, d'ici 2007, à 2 000 ou 2 500 têtes explosives l'arsenal stratégique. Le sommet a également permis aux deux hommes de faire certains pas dans le domaine des missiles de défense; ils se sont notamment entendus sur l'importance du traité sur la limitation des systèmes antimissiles balistiques. Ils se sont montrés disposés à travailler, entre eux et avec d'autres, sur un document politique de haut niveau, grâce auquel la coopération entre l'OTAN et la Russie constituerait un des piliers d'un nouveau système européen de sécurité, mais les deux présidents ne s'entendent toujours pas sur la question de l'élargissement de l'OTAN.

Comme le Comité a pu le constater au cours de son voyage en Russie, les esprits s'échauffent quand on traite de l'élargissement de l'OTAN. À Moscou, le vice-ministre des Affaires étrangères, Georgiy Mamedov, a déclaré au Comité que la Russie ne faisait pas une fixation sur l'OTAN, mais que la question ne cessait d'être soulevée par l'autre camp. Les arguments en faveur de l'élargissement de l'OTAN signifient qu'on continue de considérer la Russie comme une menace pour la région, ce qui constitue un traitement injuste, étant donné que la Russie n'est pas une «URSS amputée, mais un nouveau pays et une démocratie». La Russie aimerait collaborer avec l'OTAN, mais ne croit pas, en raison de son histoire, que l'Organisation puisse construire un système de sécurité efficace en Europe et lui préfère un modèle plus global tel que l'OSCE. Vladimir Lukin reconnaît que les députés de la Douma «s'opposent catégoriquement» à un élargissement de l'OTAN qui isolerait la Russie et la présenterait comme une menace pour ses voisins. Le jour où le Comité devait être à Mourmansk, le ministre des Affaires étrangères, M. Primakov, a fait la déclaration suivante à la réunion du Conseil de la région euro-arctique de Barents (CREB), qui était présidée par la Russie :

On observe, depuis peu, un aspect alarmant dans la position de certains États : en effet, l'accent est mis moins sur la formation d'un système paneuropéen, que sur une entente entre la Russie et l'OTAN que ces États s'efforcent de présenter comme une solution de rechange à une telle structure. De plus, on assiste à des tentatives de faire de l'OTAN l'axe principal du système de sécurité en Europe. Nous ne partageons pas ce point de vue. Nous sommes convaincus que c'est d'abord à l'OSCE que revient le rôle d'assurer la sécurité et la stabilité en Europe, et qu'elle devrait servir de mécanisme de coordination avec d'autres organisations telles que l'UE, l'UEO et l'OTAN95.

De sérieuses réserves sur la question de l'élargissement de l'OTAN ont également été exprimées à l'occasion du passage du Comité en Finlande. Même si le Comité entend continuer d'étudier cette question en la dissociant de celle de la coopération circumpolaire, il faut noter que l'élargissement a pour but d'améliorer la sécurité de tous les États, et que ce but ne peut être atteint en isolant la Russie ou en la laissant imaginer que l'élargissement de l'Alliance constitue une menace à sa sécurité. Malgré le succès relatif du Sommet d'Helsinki, notamment l'importance accordée au rôle de l'OSCE, la tension entre la Russie et l'Occident qui s'est développée au cours des dernières années ne disparaîtra probablement pas du jour au lendemain, mais la poursuite de la coopération sur diverses questions concernant l'Arctique et d'autres régions ne peut que favoriser l'amélioration du niveau global de confiance entre la Russie et ses voisins. Les Canadiens devraient donc utiliser les voies de la coopération arctique pour aplanir les différends et favoriser la compréhension mutuelle entre le Canada et la Russie.

Le déploiement par la Russie d'une importante flotte de sous-marins nucléaires dans la région est un aspect de la situation militaire qui restera inchangé dans l'Arctique. En effet, la Russie ne disposant pas d'autres ports sûrs et libres de glaces pour ses sous-marins, la presqu'île de Kola demeurera, sans doute pour de nombreuses années encore, le port d'attache de la plupart de ses puissants sous-marins équipés de missiles balistiques et des forces militaires qui assurent leur protection. Sa flotte de petits sous-marins équipés de missiles balistiques est déjà plus importante qu'en 1990 et, de l'avis du service de renseignements de la marine américaine, l'importance de cette flotte continuera d'augmenter malgré la ratification et la mise en oeuvre du traité START II96. Depuis quelques années, la marine russe s'efforce de garder en état sa flotte de sous-marins plus petits, multipliant les opérations et exercices en haute mer, comme par exemple le lancement en août 1995 d'un missile balistique, sous la calotte polaire, à moins de 500 km de la zone continentale canadienne. En novembre 1996, à la veille de la visite du Comité, la Russie a lancé, pour la première fois en dix ans, la construction du premier d'une nouvelle série de sous-marins porteurs de missiles balistiques97. (Le service de renseignements de la marine américaine estime que ce sous-marin ne sera véritablement opérationnel qu'en 2005, et les autorités russes ne savent pas encore s'il sera intégré à sa flotte du Nord ou à celle du Pacifique.) Ce nouveau programme est sans doute partiellement lié au désir de la Russie de préserver le secteur le plus avancé de son industrie navale, mais Leonid Petrov, président du Comité de l'écologie, a fait remarquer à Saint-Pétersbourg, lors d'une réunion avec les membres du Comité, que la construction du sous-marin était un bon exemple de la façon dont l'élargissement de l'OTAN méritait d'être soupesé prudemment, car il pourrait servir à justifier de nouvelles dépenses russes en matière de défense, ce qui aggraverait encore les menaces sur l'environnement98.

Sur le plan militaire, deux écoles de pensée se dessinent concernant la sécurité dans l'Arctique. La pensée la plus traditionnelle accueille favorablement l'apaisement des tensions dans la région faisait suite à la fin de la guerre froide, et affirme que d'autres mesures sont inutiles. Selon l'autre école de pensée, la situation dans la région de l'Arctique n'a pas encore atteint, en raison de la résistance des Américains et des Russes, le niveau qui existe en Europe et ailleurs en ce qui concerne le contrôle des armements et des mesures de restauration de la confiance, et les partisans de cette ligne de pensée poussent à la négociation de telles mesures pour assurer le maintien des avantages qu'a entraînés la fin de la guerre froide. À ce sujet, voici ce qu'a déclaré au Comité M. David Cox :

Depuis cinq ans environ, dans cette période de l'après-guerre froide, il y a eu peu de tensions dans l'Arctique. De façon générale, tous les gouvernements concernés et la plupart des particuliers qui s'intéressent à ces questions en sont venus à la conclusion que, par conséquent, il n'était pas nécessaire de discuter de questions de sécurité. En fait, il aurait fallu tirer la conclusion inverse et se dire que c'est lorsque les tensions sont faibles qu'il faut en profiter pour créer des institutions et des mécanismes qui nous protégeront des difficultés lorsque la tension montera [21:25].
Des spécialistes canadiens et étrangers affirment depuis plusieurs années qu'il existe de nombreuses possibilités de contrôle régional des armements et de mesures de renforcement de la confiance et de la sécurité (MRCS) qui permettraient de renforcer la stabilité de l'Arctique comme théâtre des opérations militaires, de minimiser l'impact des opérations militaires sur la région et ses habitants, et qui favoriseraient l'atteinte d'un équilibre stratégique global. Oran Young fait remarquer que ces possibilités pourraient se concrétiser sous la forme de conventions explicites ou, plus probablement, sous la forme d'ententes tacites. Il entrevoit quelques possibilités «intéressantes» pour les premières mesures : des codes de conduite régissant les activités des sous-marins nucléaires d'attaque, l'élimination des bases aériennes d'opérations avancées dans l'Extrême-Nord, la notification préalable des manoeuvres militaires, l'organisation d'exercices militaires conjoints dans la région et l'affectation d'une plus grande partie de la flotte de sous-marins à la recherche scientifique dans la zone centrale de l'océan Arctique99.

Certaines de ces mesures ont déjà été prises. Depuis 1994, le Canada, la Russie et les États-Unis ont effectué plusieurs petits exercices communs de recherche et de sauvetage dans l'Arctique. Comme l'a déclaré au Comité George Newton, président de l'Arctic Research Commission des États-Unis, c'est «une des réalisations récentes les plus importantes : dans le cadre de ce programme de cinq ans, qui en est à sa deuxième année, la marine américaine a accepté de fournir chaque année un sous-marin à propulsion nucléaire qui se rend dans l'océan Arctique central et a pour unique mission d'appuyer des scientifiques civils[62:4].» Quant aux sous-marins nucléaires d'attaque, ce sont, de l'avis du Center for Technology Assessment de Washington, «les navires les plus dangereux pour la sécurité de l'environnement mondial» et également les plus provocateurs en raison de leurs opérations de surveillance qui ressemblent au jeu «du chat et de la souris100». Les nombreuses collisions entre des sous-marins nucléaires américains et russes dans l'Arctique ayant amené le président américain à présenter des excuses au cours du sommet de Vancouver en 1993, le Secrétaire de la Défense Les Aspin a annoncé des changements «radicaux» dans les activités des sous-marins de la marine américaine, afin d'éviter que ce problème ne se reproduise. Néanmoins, la Russie continuait toujours, un an plus tard, d'accuser les sous-marins américains de violer ses eaux territoriales.

Bien que le principe de la plus grande réduction possible des forces militaires dans l'Arctique soit difficile à contester, la réticence américaine permet de supposer qu'une telle éventualité est irréaliste pour le moment. Rien n'empêche cependant le Canada et les autres États de l'Arctique de prendre, entre temps, diverses mesures qui s'avéreraient utiles pour renforcer la sécurité dans la région. Ainsi que l'a déclaré David Cox au Comité : «À mon avis, nous devrions énoncer comme objectif à long terme que notre but ultime est de démilitariser l'Arctique. Par exemple, en ce qui concerne les polluants les plus mortels, c'est-à-dire les matières nucléaires, les États circumpolaires pourraient adopter comme objectif à long terme une réglementation permettant de contrôler tous les aspects de l'activité nucléaire.» Puisque les États-Unis et la Russie se sont toujours opposés à l'idée de créer une zone exempte d'armes nucléaires dans l'Arctique, David Cox et d'autres intervenants ont recommandé la formule d'une «zone à l'intérieur d'une zone», en commençant par établir une «zone arctique de paix et de coopération». Une fois qu'une telle zone serait établie, le Canada et les États nordiques pourraient déclarer la création d'une plus petite zone exempte d'armements nucléaires sur leur territoire, à laquelle les États-Unis et la Russie pourraient adhérer une fois que leurs réticences se seraient estompées101. David Cox a déclaré au Comité que «le défi consiste à envisager un processus, et j'insiste sur le mot processus, qui nous amènerait très progressivement vers la démilitarisation de l'Arctique tout en tenant compte des questions très sérieuses qui préoccupent plus particulièrement les États-Unis et la Russie[21:10].» À son avis, le meilleur moyen d'y parvenir serait d'entamer un processus à long terme suivant la voie parallèle de la diplomatie non gouvernementale :

Sans tomber dans l'excès en faisant des appels trop insistants en faveur d'une zone démilitarisée, je dirais que le Comité pourrait examiner cette question de plus près et encourager la tenue de discussions parallèles - idéalement peut-être au sein d'un groupe non gouvernemental - pour décider des mesures à prendre en ce sens. Je ne dis pas que cela pourrait faire partie du programme d'activités du Conseil de l'Arctique, parce qu'il est certain que cela susciterait des objections de la part des États-Unis. Cette idée d'un groupe parallèle pourrait n'être qu'une recommandation. Cela s'apparenterait alors à d'autres propositions qui ont mis entre cinq et dix ans pour aboutir [21:20].
À l'époque de la guerre froide, l'Arctique revêtait une telle importance stratégique qu'il n'était pas possible de le démilitariser officiellement comme l'Antarctique. Pourtant, le Comité est convaincu que les habitants et les États de l'Arctique pourraient bénéficier de l'élimination finale des forces militaires dans la région. Compte tenu de la situation, la contribution la plus utile que le Canada puisse faire dans ce but est probablement de déclarer son appui au principe et d'en faciliter l'examen approfondi à l'extérieur du Conseil de l'Arctique.

Par conséquent :

Vers une coopération pour la «sécurité environnementale» de l'Arctique

Comme nous l'avons déjà expliqué et comme le dit le chapitre 3, le Conseil de l'Arctique ne peut pas traiter directement de questions de sécurité militaire ni, bien sûr, de souveraineté nationale. Il peut toutefois se pencher sur d'autres questions de sécurité. Ainsi que l'a précisé Oran Young au Comité:

Si, par sécurité, on entendait le déploiement d'avions militaires au-dessus de l'Arctique, les États-Unis refuseraient catégoriquement d'en discuter. Cependant, j'espère qu'en redéfinissant le cadre des questions de sécurité et en discutant, comme vous le proposez, de questions plus générales, nous pourrons peut-être aborder des questions de sécurité au sein du Conseil de l'Arctique sans que les États-Unis rejettent la discussion ou s'y opposent [40:18].
La «sécurité environnementale» se rapporte aussi bien aux facteurs environnementaux découlant d'éventuels conflits violents, qu'à l'impact de la détérioration de l'environnement mondial sur le bien-être des sociétés et des économies. L'important, c'est que la sécurité de l'environnement exige une attitude de coopération plutôt que d'affrontement, étant donné qu'elle s'attaque à des problèmes communs. Malheureusement, bon nombre de ces problèmes étant plutôt des problèmes à long terme, les régimes politiques et autres systèmes axés sur des résultats à court terme peuvent avoir de la difficulté à les prendre en compte102. Comme l'a soutenu Jan Syse, un parlementaire norvégien que le Comité a rencontré à Oslo, c'est la raison pour laquelle il faudrait davantage d'institutions et d'instruments multilatéraux coordonnés pour soutenir la mise en place d'un régime de sécurité environnementale collectif pour la région arctique103.

Au début de l'année 1992, les conséquences environnementales des activités militaires dans l'Arctique ont été placées à l'ordre du jour de la sécurité dans la région lorsque la Norvège a proposé que le Comité de l'OTAN sur les défis de la société moderne (CDSM), en collaboration avec le nouveau Conseil de coopération de l'Atlantique Nord, se penche sur la question des problèmes environnementaux transfrontaliers découlant des installations et activités reliées à la défense. Environ 23 pays ont participé à l'étude qui portait sur la contamination radioactive et chimique et l'OTAN a publié, en avril 1995, le compte rendu de la Phase I. Aux États-Unis, les questions environnementales ont pris plus d'importance au cours des deux dernières années et le Secrétaire d'État de l'époque, Warren Christopher, a annoncé, à l'occasion d'un important discours à l'Université Stanford en avril 1996, que la politique étrangère américaine se dotait d'une nouvelle priorité portant sur les questions environnementales. Si l'armée américaine ne consacre pas beaucoup de crédits à la sécurité de l'environnement, c'est néanmoins un élément important du concept de «défense préventive» présenté par l'ancien Secrétaire à la Défense William Perry. Le Sous-secrétaire adjoint américain à la Défense (sécurité environnementale) a exposé le concept de la manière suivante : «. . .pour assurer notre sécurité, il ne suffit pas que nous soyons capables de nous protéger contre les attaques de missiles. Notre sécurité dépend tout autant de notre capacité de nous protéger contre les sources de conflit que de mettre en place les conditions préalables à la paix104». Parlant de l'Arctique, William Perry rapportait, à la fin de l'année 1996 : «Je suis allé deux fois dans l'Arctique cette année et je n'oublierai jamais la nature vierge, les eaux cristallines et l'air pur de cette région. Tous ceux qui connaissent l'Arctique comprennent pourquoi nous devons préserver cet environnement pur et fragile. Géographiquement, l'Arctique est le chemin le plus court entre les États-Unis et la Russie. C'est donc en protégeant ce lien que nous rapprocherons nos deux pays»105.

Bien que la région de l'Arctique n'ait pas été aussi lourdement militarisée que certaines autres régions pendant la guerre froide, certaines zones de la région ont été cependant, au fil des ans, le théâtre d'intenses activités militaires qui ont entraîné des dommages pour l'environnement. Une étude finlandaise réalisée en 1995 a donné quelques exemples de conséquences néfastes des activités militaires dans le Nord circumpolaire : essai nucléaire soviétique dans les deux îles jumelles de Novaya Zemlya et entreposage de déchets et de réacteurs nucléaires dans les mers de Barents et de Kara; vols à basse altitude de l'OTAN dans le Labrador; et accidents nucléaires près de la base aérienne américaine de Thulé, au Groenland, en 1968106.

L'étude du CDSM de l'OTAN a analysé un certain nombre de sources de contamination chimique dans la région, notamment le cas d'armes chimiques déversées en mer et de contamination de bases terrestres par des armes de guerre chimique, des explosifs et d'autres substances polluantes telles que le carburant et les lubrifiants. Par ailleurs, l'usage «normal» du carburant et d'autres lubrifiants a entraîné, au fil des ans, une contamination grave. L'étude conclut que le déversement en mer d'armes chimiques ne pose pas actuellement de menace grave pour les êtres humains ou pour l'environnement. Dans le cas des zones terrestres, les auteurs de l'étude recommandent d'accélérer la décontamination et de multiplier les efforts de recherche et de développement d'autres techniques nouvelles telles que la restauration biologique des sites pollués. Enfin, ils recommandent l'adoption de paramètres internationaux concernant la qualité des sols et l'application de seuils d'utilisation civile et militaire des zones terrestres, ainsi qu'une meilleure formation du personnel militaire pour l'aider à comprendre la pollution chimique et à trouver les moyens de l'éviter107.

La Russie étant le pays le plus présent militairement dans le Nord, c'est son territoire, y compris la presqu'île de Kola aux prises avec des problèmes de déchets nucléaires, qui est le plus gravement contaminé. Le ministre de l'Énergie atomique de Russie Viktor Mikhaïlov, a fait savoir au Comité, au moment de son passage à Moscou, que si la contamination nucléaire de la région de Mourmansk est préoccupante, la contamination par des métaux lourds et par des produits chimiques est celle qui présente le danger immédiat le plus grave pour l'environnement et la santé. Les territoires des autres États ont, eux aussi, subi les conséquences des activités militaires. Au Canada, par exemple, un certain nombre de bases militaires actuelles et anciennes, notamment 42 stations qui faisaient partie du réseau d'alerte avancée DEW et dont le sol est pollué par des hydrocarbures, nécessitent des opérations de décontamination plus ou moins approfondie. Le Comité avait prévu d'examiner cette question, entre autres, au cours d'une visite qu'il devait faire à Baie Cambridge, dans l'Arctique canadien, mais qui n'a pas pu avoir lieu à cause du mauvais temps. En revanche, nous tenons compte des travaux du Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes qui s'est rendu sur les lieux d'entreposage de produits dangereux à Baie Cambridge et Iqaluit, dans le cadre de son étude qui a mené à la publication, en 1995, du rapport intitulé Notre santé en dépend! Vers la prévention de la pollution.

Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC) et le ministère de la Défense nationale (MDN) sont les deux ministères fédéraux qui se partagent la responsabilité de la décontamination de ces sites du Nord du Canada. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien est chargé de la décontamination de plusieurs bases militaires anciennes, notamment 21 stations du réseau radar DEW qui lui ont été remises dans les années 1960, et de plusieurs autres. Le MDN est chargé, quant à lui, du nettoyage des bases militaires existantes, y compris les 21 stations du réseau DEW qui n'ont pas été confiées au MAINC. Au moment de l'établissement de leurs priorités et de leurs plans de décontamination, chacun des ministères commence par évaluer le risque que posent les divers sites pour la santé et la sécurité humaines, puis prend en compte les traités et autres obligations juridiques. Le MDN a commencé la décontamination de ses 21 stations du réseau DEW en 1996, et prévoit d'achever, d'ici dix ans, le reste de ce programme de 250 millions de dollars environ dont il négocie le partage des coûts avec les États-Unis. Le MAINC a déjà achevé la décontamination de plusieurs sites et prévoit, lui aussi, d'achever son programme d'ici dix ans.

Au cours de l'étude faite par l'OTAN, le Canada a souligné la nécessité d'associer les populations locales à la phase initiale de la planification de la décontamination. Conformément à son mandat, le MAINC (et, dans une moindre mesure, le MDN) les a fait participer aux activités de décontamination, fournissant ainsi du travail aux résident locaux et leur enseignant des techniques qu'ils pourront utiliser ensuite ailleurs. Cela s'est fait, par exemple en 1994, pour la décontamination de la première station du réseau radar DEW du MAINC à Horton River, dans les Territoires du Nord-Ouest. Des emplois ont alors été créés pour 40 résidents locaux qui devaient retirer du site plus de 800 barils de pétrole, de carburant diesel, d'essence et de graisse, un convoyeur à gravats, un entrepôt, le contenu de deux réservoirs de carburant de 20 000 gallons et de la terre contenant des BPC. Vu les restrictions financières, il faut toujours établir des priorités et, le Canada ayant la chance d'avoir une faible densité de population dans sa région arctique, certaines stations qui ne mettent guère en danger les zones habitées peuvent simplement faire l'objet de mesures de confinement alors que d'autres sont traitées immédiatement. Toutefois, les autres États peuvent ne pas choisir nécessairement de procéder ainsi.

C'est en septembre 1996 que la reconnaissance la plus importante et la plus opportune des rapports existants entre les forces militaires et l'environnement dans l'Arctique s'est produite lorsque, à l'initiative de la Norvège, les États-Unis, la Russie et la Norvège ont conclu un accord de coopération militaire environnementale dans l'Arctique (AMEC) de façon à ce que leurs activités militaires ne portent pas atteinte à l'environnement arctique. L'accord AMEC sera initialement axé sur six projets, de nature nucléaire pour quatre d'entre eux et non nucléaire pour les deux autres. La durée de ces projets variera entre 6 et 36 mois, et on s'attend aux premiers résultats d'ici un an. Lors du voyage du Comité en Norvège, des fonctionnaires de ce pays ont dit aux députés que l'AMEC représentait un accord «historique» aussi bien du point de vue de l'environnement que, plus généralement, du point de vue politique, puisqu'il astreint les deux superpuissances nucléaires à effectuer la décontamination de l'environnement. Cet accord devrait rester trilatéral, mais ses dispositions prévoient, le cas échéant, la participation d'autres États à des projets plus spécifiques. Cette participation ne leur coûtera pas nécessairement très cher, puisqu'on fera sans doute plutôt appel à leur expertise scientifique et technique.

La participation d'autres États à l'AMEC permettrait de souligner la nature multilatérale des menaces que les activités militaires font planer sur l'environnement dans l'Arctique, au même titre que le ferait une conférence sur la coopération en matière de sécurité environnementale comme celles qui ont déjà eu lieu dans d'autres régions.

Par conséquent :

Pour beaucoup de gens, la pollution radioactive constitue le problème le plus grave - le plus symbolique aussi - de sécurité environnementale dans l'Arctique, à cause des menaces qu'elle fait peser sur la santé humaine et l'environnement. Cette pollution radioactive est peut-être aussi le dernier vestige de la guerre froide108. Lors de ses voyages en Scandinavie et en Russie, le Comité s'est rendu compte de l'importance des dossiers nucléaires dans cette région, y compris la sécurité des centrales nucléaires civiles, la gestion des déchets et la prolifération nucléaire. À Moscou, le ministre adjoint des Affaires étrangères de Russie, Georgiy Mamedov, a déclaré au Comité que les progrès effectués dans le domaine de la sécurité nucléaire était «une question de survie». L'activité internationale est très limitée dans ce domaine, mais certains progrès très attendus ont été réalisés, et il est désormais manifeste qu'on se rend enfin compte du danger et qu'on commence à essayer de trouver des solutions à tous les niveaux.

Les radionucléides présents dans l'Arctique proviennent de diverses sources, y compris les retombées des essais nucléaires effectués dans l'atmosphère durant les années 1950 et 1960, les centrales nucléaires européennes et l'accident de Tchernobyl en 1986. Toutes ces sources de contamination ont diminué au fil des ans et, suite à la signature du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires en 1996 par la Russie et les autres puissances nucléaires reconnues, les essais nucléaires ne pourront plus contaminer l'Arctique. L'attention se porte maintenant sur le nord de la Russie où les concentrations locales de radionucléides proviennent également d'environ 130 essais nucléaires réalisés sur les deux îles jumelles de Novaya Zemlya, dans l'océan Arctique, entre 1955 et 1990; des déversements en mer de déchets radioactifs liquides (et, plus rarement, solides), à faible ou moyenne densité, pratiqués régulièrement par la marine; de divers accidents impliquant des sous-marins nucléaires; et, ce qui est peut-être le plus inquiétant pour l'avenir, des problèmes que continuent de poser l'utilisation et la réduction de la flotte vieillissante de sous-marins russes dans le Nord.

Sur le plan international, on se mettait de plus en plus à échafauder des hypothèses et à s'inquiéter quand, en 1993, le gouvernement russe a publié le «Livre blanc», le rapport Yablokov, qui donnait de bons renseignements de base sur les déversements, les essais et les accidents intervenus en Russie dans le secteur nucléaire pendant la guerre froide. La Russie respecte volontairement, depuis 1993, l'embargo international sur le déversement des déchets radioactifs en mer et, même si elle n'a pas encore ratifié la modification correspondante de la Convention de Londres de 1972, elle a promis de se conformer à ses dispositions tout récemment encore, lors du Sommet de Moscou sur la sécurité nucléaire d'avril 1996, auquel a assisté le Premier ministre Chrétien. Les experts considèrent heureusement qu'il n'est pas nécessaire que les mesures internationales mettent l'accent sur les matériaux radioactifs déjà déversés dans l'environnement maritime arctique. Des missions internationales se sont rendues sur les lieux où s'étaient produits des déversements et des accidents radioactifs importants, comme le naufrage du Komsomolets, sous-marin à propulsion et à armement nucléaire dans la mer de Norvège en 1989, et ils ont conclu, de façon générale, que le risque d'une nouvelle fuite de radionucléides était mineur. L'Agence internationale de l'énergie atomique a étudié les risques à long terme qui pouvaient en découler et elle devrait publier un rapport à ce sujet en 1997. On met maintenant l'accent sur les activités terrestres qui pourraient étendre (et aggraver) encore la contamination radioactive.

Le problème nucléaire qui attire le plus l'attention dans l'Arctique, et celui qui est le plus directement relié aux opérations militaires, est l'incapacité de la Russie à traiter de façon sécuritaire le combustible et les déchets nucléaires résultant de l'exploitation et de la réduction concomitante de sa flotte de sous-marins nucléaires. Il faut compter, dans les deux cas, sur la même infrastructure de navires de soutien, d'installations de stockage terrestres, de conteneurs sécuritaires pour le transport ainsi que de liaisons ferroviaires et autres, tous éléments totalement inadéquats dans le nord de la Russie. Pendant la guerre froide, la Russie a construit la plus grande flotte mondiale de sous-marins à propulsion nucléaire, dont la majorité était intégrée à la flotte du Nord qui utilisait des navires à propulsion nucléaire depuis 1960109. Il faut, dans le cadre normal de l'utilisation des sous-marins nucléaire, retirer et remplacer régulièrement le combustible irradié (généralement tous les sept ans dans le cas des sous-marins russes, soit deux fois pendant la durée de vie du navire). Toutefois, en Russie, l'infrastructure nécessaire pour retirer, stocker et transporter le combustible irradié et d'autres sous-produits se voyait traditionnellement accorder une faible priorité et elle était, il y a des années déjà, inadéquate, mal entretenue et exploitée presque au maximum de ses capacités. Ces dernières années, l'effet conjugué de l'obsolescence généralisée, de la forte réduction du budget militaire et de la diminution du nombre de sous-marins nucléaires lance-missiles exigée par les traités a fortement aggravé ce problème, et la Russie (en particulier la marine russe qui en est réduite fondamentalement à se débattre seule avec le problème) se retrouve dans une situation très grave en ce qui concerne aussi bien sa flotte du Nord que celle du Pacifique. Les États-Unis et le Japon aident la Russie à chercher des solutions dans le Pacifique, et les États-Unis et la Norvège ont, jusqu'à présent, pris les choses en main dans le Nord.

Le déclassement des sous-marins prend beaucoup de temps et coûte cher. Incapable de traiter le combustible irradié et les autres déchets nucléaires, la marine russe a souvent eu recours à une forme de stockage flottant, c'est-à-dire que nombre de ces vieux sous-marins étaient maintenus à flot le long des quais, conservant à bord leur matériel intact. Certains se trouvent dans cette situation depuis 15 ans. Dès 1991, le directeur du service de renseignements de la marine des États-Unis signalait que «la mise au rebut des vieux sous-marins nucléaires (en 1990) a été ralentie, non pas parce qu'il fallait maintenir ces navires en ordre de bataille, mais parce qu'il n'y avait pas assez d'installations disponibles pour les démonter et qu'aucun programme n'était prévu pour disposer des réacteurs et des matériaux nucléaires». La situation ne s'est pas améliorée au cours des six dernières années et elle a, en fait, empiré du fait de l'encombrement encore plus grand des installations de stockage terrestres.

D'après des documents remis au Comité par la Fondation Bellona, «le plus grand risque pour la sécurité est représenté par les 52 sous-marins qui n'ont pas encore été vidés de leur combustible. On ne les pas amenés à quai et ils sont en très mauvais état. Les navires qui contiennent encore leur combustible nucléaire ont un équipage insuffisant. Pour que le déclassement de ces sous-marins puisse se faire correctement, il faudra recevoir des fonds importants de l'État ou d'une autre source110». Une «catastrophe nucléaire» a failli se produire en septembre 1995, quand l'électricité alimentant une base de sous-marins nucléaire de la presqu'île de Kola a été coupée pour cause de factures impayées. N'ayant plus de source d'énergie extérieure, le système de refroidissement de l'un des quatre sous-marins déclassés de la base a cessé de fonctionner et les réacteurs ont commencé à surchauffer; l'électricité a finalement été rétablie quand le commandant militaire local a envoyé des soldats armés à la compagnie publique d'électricité.

Indépendamment des risques environnementaux, cette question a été également soulevée à cause du comportement du gouvernement russe. Après avoir collaboré pendant plusieurs années avec les militants écologistes qui s'intéressaient à l'entreposage des déchets nucléaires et à d'autres problèmes dans le Nord de la Russie, l'attitude du gouvernement a changé. En février 1996, les autorités russes ont arrêté Alexander Nikitin, ancien officier de la marine soviétique et employé de Bellona, et l'ont accusé d'avoir divulgué des secrets d'État quand il travaillait à la préparation du rapport très détaillé de Bellona intitulé The Russian Northern Fleet. Bellona a nié ces accusations et l'affaire a provoqué des protestations dans le monde entier. Amnistie internationale a déclaré que M. Nikitin était un prisonnier politique et le Comité s'est joint à beaucoup d'autres pour demander au gouvernement russe d'assurer à M. Nikitin un procès équitable. De l'avis de certains observateurs, le gouvernement russe cherchait non seulement à préserver ses secrets militaires, mais également à afficher une plus grande fermeté à l'approche de l'élection présidentielle de 1996 car il commençait à se lasser d'être continuellement en butte à des critiques et de ne pas recevoir d'aide concrète. En décembre 1996, M. Nikitin a été libéré après avoir passé dix mois en prison, mais les accusations portées contre lui n'ont pas été retirées.

Pour les détracteurs du gouvernement, une catastrophe environnementale est à craindre. Elle pourrait résulter de différents facteurs : les sous-marins partiellement déclassés amarrés près des côtes pourraient couler avec le combustible irradié ou les réacteurs nucléaires intacts qu'ils ont à bord, des fuites pourraient se produire dans les installations de stockage terrestres, inadéquates et mal entretenues, ou encore la marine russe pourrait recommencer à se débarrasser de ses réacteurs ou de ses déchets nucléaires dans la mer. Vu le manque de sécurité sur les sites terrestres de stockage de déchets, des vols pourraient se produire, et certains ont également laissé entendre que les matériaux nucléaires présents à bord du Komsomolets, et de trois autres sous-marins nucléaires qui ont coulé pendant la guerre froide, pourraient présenter des risques de prolifération.

Dans un de ses derniers rapports paru en septembre 1995, l'Office of Technology Assessment du Congrès américain estimait que, vu les capacités actuelles de la Russie pour le démantèlement des sous-marins, la réalisation de son programme de déclassement prendra encore au moins 20 ans, et il soulignait qu'il fallait se montrer «attentif, prudent, informé et circonspect111». L'étude du CDSM de l'OTAN a modélisé l'impact de deux sortes d'accidents hypothétiques impliquant des sous-marins russes déclassés amarrés à proximité de la presqu'île de Kola, et a conclu que des accidents accompagnés d'importantes émissions de radioactivité auraient manifestement de graves conséquences locales, mais que leurs répercussions transfrontalières et internationales seraient limitées. En outre, toujours d'après ce rapport, le taux actuel de déclassement des sous-marins et les capacités limitées de la flotte du Nord en matière de retrait du combustible irradié, de stockage et de transport des déchets nucléaires donnaient à penser qu'un problème d'une «ampleur considérable» se posait dans le nord-ouest de la Russie. Le Comité convient que les eaux de l'Arctique européen sont exposées à des dangers plus graves que celles du Canada, mais il est convaincu que tous les États - et plus particulièrement tous les États arctiques - doivent chercher rapidement à régler ces problèmes pour éviter une crise beaucoup plus coûteuse et beaucoup plus lourde de conséquences dans l'avenir.

Les premiers éléments de cette coopération sont maintenant en place. Il est dans l'intérêt de tous les États de la région d'aider la Russie à démanteler ses sous-marins nucléaire excédentaires, puisque cela réduit la menace militaire, protège l'environnement et crée des emplois pour les travailleurs russes. La marine américaine a acquis une expertise considérable dans le démantèlement des navires nucléaires, et les États-Unis aident la Russie à déclasser ses sous-marins conformément aux dispositions du traité START I. En octobre 1996, le secrétaire à la Défense des États-Unis, M. Perry, s'est rendu au chantier naval Little Star, proche d'Arkhangelsk, pour observer le démantèlement d'un sous-marin nucléaire russe. Il a alors déclaré :

Il y a quelques années, ce sous-marin réalisait des patrouille avec, à son bord, suffisamment de missiles nucléaires pour détruire des douzaines de villes américaines. Il est maintenant démantelé par des ouvriers russes, dont certains avaient participé à sa construction, en utilisant de l'équipement fourni par le ministère de la Défense des États-Unis. Il y a une multitude de vieux sous-marins nucléaires russes dans les eaux qui entourent le chantier naval Little Star. Ces sous-marins ne font plus planer sur le monde la menace d'un holocauste nucléaire, mais ils constituent toutefois un important risque environnemental pour la région arctique. En aidant la Russie à les démanteler, nous serons donc tous gagnants112.

Alors que chacun est conscient des dangers que ces sous-marins présentent pour l'environnement et la santé, certains pensent qu'Alexi Yablokov exagérait en disant, en septembre 1995, qu'ils étaient des «Tchernobyl flottants», et ils soulignent que les réacteurs nucléaires installés à bord de ces sous-marins sont généralement beaucoup plus petits que ceux des centrales nucléaires civiles, que les experts russes qui ont construit ces sous-marins sont conscients des dangers et que, quoi qu'il en soit, ces réacteurs sont encloisonnés. Un ancien sous-marinier nucléaire, George Newton, président de la U.S. Arctic Research Commission, a déclaré au Comité :

. . . la situation à Mourmansk est effectivement très grave; mais une bonne partie du matériel radioactif se trouve à l'intérieur de caissons de réacteurs, dans la coque des sous-marins. Ils n'ont peut-être pas l'étanchéité que nous, aux États-Unis, ou vous, au Canada, souhaiteriez qu'ils aient après un certain temps; cependant, ce matériel radioactif est relativement contenu. . . En tant que sous-marinier nucléaire, et en me fondant sur l'expérience que j'ai acquise en participant au programme des réacteurs nucléaires, je pense que les réacteurs qui ont été jetés au fond de l'océan - bien que cette idée me fasse horreur - ne constituent pas vraiment le problème de contamination dont nous devrions nous soucier, car c'est la contamination terrestre qui est la véritable inconnue [62:5-6].
C'était également l'avis des fonctionnaires norvégiens qui ont déclaré au Comité à Oslo que, même si le gouvernement de la Norvège aidait les Russes à régler le problème que posent leurs sous-marins, ils étaient moins préoccupés par ces sous-marins eux-mêmes que par des questions comme le stockage et le traitement des déchets nucléaires, puisque ces derniers pourraient contaminer les eaux ou le sol avoisinants ou être volés. La coopération internationale a déjà commencé, et des experts russes et occidentaux ont scellé, pendant l'été 1995, une fissure apparue dans la coque de l'épave du sous-marin Komsomolets, dans le cadre de ce que Bellona a qualifié d'«. . . un important projet-pilote qui aura une importance inestimable pour le développement de la coopération entre les autorités occidentales et celles de la Russie113». Un autre projet-pilote important a porté sur la coopération entre les entreprises russes et occidentales pour retirer du combustible nucléaire irradié et endommagé du navire de stockage russe Lepse à Mourmansk, étant donné que la technologie proposée pour ce projet pourrait également être utilisée à d'autres endroits dans la manutention du combustible nucléaire irradié.







La presqu'île de Kola étant proche de la Norvège, le gouvernement de ce pays joue un rôle de premier plan dans la recherche de solutions face aux problèmes nucléaires qui se posent à tous les niveaux dans la région, et son intention est de se poser comme «catalyseur» sur la scène internationale pour accroître la sensibilisation à ces questions et encourager les initiatives les concernant. Il a adopté un plan d'action pluriannuel comportant quatre secteurs prioritaires : les mesures de sécurité dans les installations nucléaires; la gestion, le stockage et l'élimination du carburant nucléaire irradié et des déchets radioactifs; le rejet de déchets radioactifs dans les mers de Barents et de Kara et la contamination provenant des cours d'eau russes qui s'y déversent; et les risques environnementaux dus aux armements. Le Conseil de la région euro-arctique de Barents (CREB) a également commencé à se pencher sur les questions nucléaires114. Lors de la conférence de novembre 1996 dont il a déjà été question, M. Primakov, ministre des Affaires étrangères de la Russie, alors président sortant, signalait les progrès réalisés relativement aux questions nucléaires au cours de l'année écoulée. Il ajoutait :

Ces mesures réduiront jusqu'à un certain point le risque de contamination radioactive dans la région. Toutefois, du fait de l'ampleur et de la complexité des tâches actuelles, les autres pays membres et observateurs du CREB doivent participer à leur mise en oeuvre. La partie soviétique fournira des ressources financières considérables pour la radioprotection115.

Les autorités norvégiennes ont déclaré au Comité qu'il n'existait aucune estimation fiable de ce que coûterait la décontamination de la région, puisque cela dépendrait de ce qu'on entend par «décontamination». Le ministre de l'Énergie atomique de la Russie, Victor Mikhailov, qui a une bonne connaissance des questions nucléaires et de la région, ayant travaillé pendant 20 ans comme physicien principal au complexe de construction d'armement de Novaya Zemlya, a cherché à rassurer le Comité en disant que le coût d'une décontamination nucléaire ne serait «pas énorme» - peut-être entre 16 et17 millions de dollars (US) pour la construction des installations de stockage temporaires et entre 40 et 50 millions de dollars pour le transport des matériaux radioactifs à l'extérieur de la région. On a toutefois une indication des difficultés budgétaires du pays dans le fait que son ministère n'a reçu, en 1996, que 2 millions de dollars sur les 16 millions de crédits prévus à cette fin. Quel que soit le montant exact, le Comité est d'accord avec le ministre des Affaires étrangères norvégien, Bjørn Tore Godal, qui a déclaré au Storting en octobre 1996 que la «principale responsabilité face à ce problème incombe aux Russes eux-mêmes, mais les problèmes sont si énormes qu'ils ne peuvent pas être réglés uniquement par la Russie116».

Depuis des années, les États-Unis aident (lentement) la Russie à démanteler ses sous-marins et d'autres armes nucléaires stratégiques dans le cadre de son programme Co-operative Threat Reduction (ou programme Nunn-Lugar). Avec la création du programme AMEC, la coopération militaire en matière d'environnement ne se limite plus à des mesures bilatérales concernant les armes nucléaires. Ce programme est également conforme aux propositions présentées au Comité, en Norvège, par Bellona qui disait qu'il fallait déterminer les priorités de concert avec les Russes et se concentrer sur des mesures de transition permettant d'améliorer la situation jusqu'à ce que la Russie soit mieux en mesure, tant du point de vue économique qu'à d'autres égards, de la redresser.

Le Canada coopère avec la Russie en matière nucléaire depuis plusieurs années en mettant principalement l'accent sur l'amélioration de la sécurité des réacteurs nucléaires civils russes. Il a aussi fait des efforts considérables pour faire aboutir sa proposition de brûler les excédents de plutonium provenant du programme d'armes nucléaires russes dans des réacteurs CANDU de technologie canadienne, bien que le Comité ait entendu des avis divergents sur le bien-fondé de cette idée. Les initiatives canadiennes visant à accroître la sécurité des réacteurs nucléaires dans le nord de la Russie doivent continuer mais, étant donné l'importance et la valeur symbolique des problèmes nucléaires reliés aux activités militaires pour la région arctique, il faut également multiplier ces initiatives.

Par conséquent :

La sécurité des populations et du milieu arctique

La nomination d'une ambassadrice aux affaires circumpolaires et la création d'un Conseil de l'Arctique ont permis au Canada d'atteindre un certain nombre d'objectifs qui, d'après certains analystes et l'énoncé de politique étrangère que le gouvernement a lui-même publié en 1995, pourraient contribuer à renforcer la sécurité dans la région. Il faudra faire des efforts supplémentaires pour déterminer la nature des défis que pose actuellement la sécurité dans cette région, ce qui ne peut se faire qu'en coopération avec les résidents du Nord. En faisant en sorte que l'interdépendance qui caractérise la sécurité moderne soit mieux comprise et que les mécanismes de coopération régionale tels que le Conseil de l'Arctique donnent, entre temps, des résultats satisfaisants, le Canada et les autres États arctiques peuvent toutefois renforcer les éléments susceptibles de favoriser, à l'avenir, la coopération en matière de sécurité dans la région.

La fin de la guerre froide s'est accompagnée d'un renversement total des préoccupations touchant la sécurité, ce dont on ne peut que se féliciter; la sécurité des personnes et de l'environnement dans l'Arctique a pris le dessus sur les questions traditionnelles de souveraineté et de défense des États qui étaient prédominantes pendant toute la durée de la guerre froide. Pourtant, selon l'avertissement d'un analyste, «[la] transition de l'ancienne géopolitique à la nouvelle géopolitique ne se fera peut-être pas aussi aisément qu'on pourrait le souhaiter dans l'Arctique117». Le Canada et les autres États arctiques doivent régler les problèmes hérités de la guerre froide dans la région avant de pouvoir se concentrer totalement sur les nouveaux programmes prévus, cequi inclut de mettre en place des mesures de renforcement de la confiance ainsi que d'autres. Il sera toutefois bien plus important, afin de satisfaire aux besoins futurs des résidents de l'Arctique, de protéger l'environnement et la culture plutôt que les États etleur souveraineté. Comme Richard Langlais, chercheur canadien dont l'ouvrage Reformulating Security: A Case Study From Arctic Canada était axé sur la perception de la sécurité dans le Canada arctique, l'a expliqué au Comité à Stockholm, la conception «négative» de la sécurité prend en considération les menaces, alors que la conception «positive» de la sécurité prend en considération les besoins. Quand ils se sont réunis à Yellowknife en mars 1996, les parlementaires des États arctiques ont recommandé que :

l'adoption de politiques nationales et d'arrangements internationaux touchant la sécurité arctique ne soit plus principalement axée sur l'aspect militaire, mais favorisent le développement d'une sécurité environnementale collective incluant les valeurs, les modes de vie et l'identité culturelle des sociétés autochtones du Nord. . .118
Cette nouvelle orientation axée sur la coopération environnementale est inextricablement liée aux objectifs d'un développement humain respectueux de l'environnement. Accepter ces défis sera essentiel si nous voulons constituer une base solide pour la coopération à long terme en vue d'assurer la sécurité circumpolaire, en accordant la priorité au bien-être des gens de l'Arctique et à la protection de leurs habitats contre les intrusions qui les agressent brutalement. L'héritage du passé, comme nous l'avons vu plus haut, ne peut être oublié. Toutefois, notre objectif doit être de faire avancer le programme d'avenir dans lequel nous mettons maintenant nos espérances.


85
Comité canadien des ressources arctiques, éditorial sur les examens parlementaires de la politique étrangère et de la défense de 1994, Northern Perspectives, vol. 22, no 4, hiver 1994-1995, p. 1.

86
Sanjay Chaturvedi, «The Post-Cold War Arctic: International Cooperation and Dispute Management», dans The Polar Regions (1996), p. 173.

87
Franklyn Griffiths, «Defence, Security and Civility in the Arctic Region», Arctic Challenges: Report From the Nordic Council's Arctic Parliamentary Conference in Reykjavik, August 1993, p. 135-136.

88
La politique étrangère du Canada : Principes et priorités pour l'avenir, novembre 1994, p. 11.

89
Le Canada dans le monde, Ottawa, février 1995, p. 29.

90
Ibid., p. 33.

91
«Military Activity and Environmental Security: The Case of Radioactivity in the Arctic» dans Joan Debardeleben et John Hannigan (édit.), Environmental Security in a Post-Communist World, Westview Press, Boulder (Colorado), 1994, p. 37.

92
Kari Möttölä et Arto Nokkola, Political and Military Aspects of Security in the Arctic, document rédigé pour la Deuxième Conférence des parlementaires de la région Arctique qui s'est tenue à Yellowknife en mars 1996.

93
Comme Donald McRae l'avait déjà conclu antérieurement dans une étude des aspects juridiques, «une des conditions préalables pour exercer la compétence d'exécution - pour prendre des mesures contre la circulation sous-marine non autorisée - est d'être au courant lorsque cela se produit. Pour pouvoir exercer le pouvoir souverain qu'il affirme avoir et pour préserver cette souveraineté revendiquée sur les eaux arctiques, le Canada doit au moins être en mesure de surveiller l'utilisation sous-marine des eaux de l'archipel arctique.» («Arctic Sovereignty: Loss by Dereliction?», Northern Perspectives, hiver 1994-1995, p. 9.)

94
Paul Koring, «Collenette Drops Plan to Monitor Arctic», The Globe and Mail, Toronto, le 3 février 1996, A.3.

95
Déclaration du président du Conseil de la région euro-arctique de Barents, ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie E. Primakov, à la Quatrième session, Petrozavodsk, 6 novembre 1996, p. 5-6.

96
U.S. Office of Naval Intelligence, Worldwide Submarine Challenges, Washington, février 1996, p. 22.

97
«Nuclear Sub Launched», The Moscow Times, 5 novembre 1996, p. 4. Le début des travaux de construction a été décrit comme marquant «une nouvelle étape dans le développement de la force nucléaire de la Russie et dans son élan en vue de maintenir son statut de puissance nucléaire». La cérémonie du lancement du 2 novembre, dans le port de Severodvinsk, sur le littoral arctique, a été présidée par le chef de cabinet du président Eltsine, Anatoly Tchubais, qui a depuis été nommé premier vice-premier ministre, lors du renouvellement du Cabinet de mars 1997, et en qui beaucoup voient le véritable détenteur du pouvoir au gouvernement.

98
À propos de l'ampleur des risques qui menacent la région arctique autour de Mourmansk, voir Fred Barbash, «Nuclear Specter rises from Naval Graveyard», The Washington Post, 11 octobre 1996.

99
Oran Young, The Arctic Council : Marquer l'avènement d'une nouvelle ère dans le domaine des relations internationales (1996), p. 37-38.

100
The Threat of Nuclear Submarine Operations to Global Security and Environmental Safety: A Preliminary Report, International Center for Technology Assessment, Washington D.C., 1996, p. 4.

101
David Cox, «Reflections on International Peace and Security in the Circumpolar Arctic» dans le compte rendu d'une conférence sur Une politique du Nord pour le Canada, sous la direction de John B. Lamb, Ottawa, Commission canadienne des affaires polaires et Centre canadien pour la sécurité mondiale, octobre 1994.

102
Gareth Porter, «Environmental Security as a National Security Issue», Current History, mai 1995, p. 218-222.

103
Jan Syse, «Collective Environmental Security», communication présentée lors de la Deuxième Conférence des parlementaires de la région arctique, Yellowknife, mars 1996.

104
Sherri Goodman, The Environment and National Security, National Defense University, 8 août 1996.

105
Remarks by Secretary of Defense Perry at the Society of American Engineers Luncheon Re: Environmental Security Policy, Arlington, Virginie, 20 novembre 1996.

106
Lassi Heininen, Olli-Pekka Jalonen and Jyrki Käkönen, Expanding The Northern Dimension, Tampere Peace Research Institute Research Report no 61, 1995, p. 87-93.

107
Étude pilote OTAN/CDSM/CCAN : Cross-Border Environmental Problems Emanating from Defence-Related Installations and Activities, Summary Final Report Phase 1 1993-1995. Organisation du Traité de l'Atlantique-Nord, Rapport no 206, avril 1995.

108
Peter Gizewski, «Military Activity and Environmental Security: The Case of Radioactivity in the Arctic», de Debardeleben et Hannigan (1994).

109
Oleg Bukharin et Joshua Hander, «Russian Nuclear-Powered Submarine Decommissioning», Science and Global Security, vol. 5, 1995, p. 245-271

110
La fondation Bellona, «Déchets radioactifs et combustible nucléaire épuisé dans la presqu'île de Kola», document fourni au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes, novembre 1996.

111
Office of Technology Assessment, Congrès des États-Unis. Nuclear Wastes in the Arctic: An Analysis of Arctic and Other Regional Impacts from Soviet Nuclear Contamination, OTA-ENV-623, Washington D.C., U.S. Government Printing Office, septembre 1995, p. iii.

112
Remarks by Secretary of Defense Perry at the Society of American Engineers Luncheon Re: Environmental Security Policy, Arlington, Virginie, le 20 novembre 1996.

113
The Russian Northern Fleet, Bellona Factsheet no 6, le 14 novembre 1996 (obtenu par Internet).

114
Erlends Calabuig Odins, «Après-guerre froide en Europe arctique», Le Monde diplomatique, septembre 1996.

115
«Déclaration du président du Conseil de la région euro-arctique de Barents», p. 4

116
«Nuclear Safety Issues», déclaration du ministre des Affaires étrangères Bjørn Tore Godal au Storting, le 29 octobre 1996.

117
Sanjay Chaturvedi, «The Post-Cold War Arctic: International Cooperation and Dispute Management», The Polar Regions (1996), chap. 7, p. 201.

118
Deuxième Conférence des parlementaires de la région arctique, Conference Statement, Yellowknife, le 14 mars 1996.


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