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CHAPITRE 6 - LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ET L'AVENIR ÉCONOMIQUE DES COLLECTIVITÉS DE L'ARCTIQUE


Le développement durable continuera à avoir diverses significations selon ceux qui en parlent, mais l'objectif d'intégrer les dimensions écologiques et économiques aux décisions concernant l'Arctique demeurera valable, tout comme celui de chercher ensemble à respecter les capacités de charge et d'auto-épuration de la région.

Terry Fenge151

Un autre des principaux défis auxquels font face les pays de l'Arctique consiste à réaliser un développement économique durable et équitable. Dans l'ensemble de la région, les niveaux de chômage sont élevés, énormément plus élevés que dans le Sud. Cette situation a exacerbé la catastrophe sociale dont on nous entretient périodiquement, à savoir le suicide des adolescents, l'alcoolisme et la toxicomanie, ainsi que la violence familiale, qui, dans les régions nordiques de tous les pays de l'Arctique, ont pris des proportions épidémiques. [. . .] Comment les habitants de ces collectivités arriveront-ils à vivre?

L'ambassadrice Mary Simon152

Un plan d'action vers le développement économique durable de l'Arctique

Comme nous l'avons vu dans le chapitre précédent, garantir la pérennité de l'environnement arctique constitue un défi extrêmement complexe. Il reste encore beaucoup de travail à accomplir pour conformer les principes de la coopération par rapport à l'environnement dans la région circumpolaire, établir des normes communesde protection de l'environnement, et mettre en oeuvre les engagements intergouvernementaux, notamment en ce qui touche à la Stratégie de protection de l'environnement arctique (SPEA). Toutefois, ce défi risque d'être encore plus redoutable lorsqu'il faudra répondre aux besoins économiques urgents des populations de la région, en particulier des Autochtones, tout en respectant les principes du développement durable.

Des controverses concernant les coûts et avantages des modèles actuels et proposés de développement et d'exploitation des ressources viennent encore compliquer la tâche. Ces controverses sont fondées sur des jugements de valeur découlant des expériences négatives du passé. Pour citer une nouvelle fois Mary Simon : «Alors que les habitants du Nord ont désespérément besoin de travail, on a trop souvent pu voir les entreprises du Sud exploiter les ressources du Nord en employant des travailleurs du Sud, extraire la richesse du Nord et ne laisser derrière elles qu'un environnement ravagé, ou peu s'en faut153.» Pourtant, de nombreuses initiatives prometteuses sont également prises dans le Nord, comme le Comité l'a appris au cours de rencontres avec des représentants des territoires et des municipalités, des porte-parole des collectivités, des chefs de file autochtones du monde des affaires et des dirigeants de sociétés exportatrices, entre autres, de technologies propres aux infrastructures réservées au climat froid. De nombreux programmes et activités ont été mis en place par le gouvernement fédéral afin d'appuyer à la fois le «développement du Nord» et toute une gamme de services publics154. Ce qui semble toutefois manquer, c'est une stratégie canadienne globale et cohérente pour travailler au développement économique durable pour l'ensemble de la région circumpolaire155. Le Comité applaudit à la proposition faite par le Canada de tenir une conférence sur cette question plus tard cette année sous les auspices du Conseil de l'Arctique, mais demeure soucieux quant aux mesures concrètes qui seront ensuite prises pour combler cette lacune et faire progresser le dossier.

Le développement économique durable de la région circumpolaire pose en effet des défis particuliers. Sauf dans quelques parties du nord de la Russie et peut-être en Alaska, les populations sont généralement peu nombreuses et très dispersées. Moins de 10 p. 100 des Autochtones canadiens vivent dans le «Grand Nord», même si des taux de natalité élevés entraînent des problèmes chroniques de logements surpeuplés et de chômage chez les jeunes156. Dans le passé, la plupart des intervenants économiques de l'extérieur, en particulier internationaux, qui ont des intérêts économiques dans la région n'ont pas mis l'accent sur les besoins des habitants permanents. L'Arctique a plutôt été traitée comme un arrière-pays riche en ressources exploitables, mais destiné à demeurer en périphérie de l'économie mondiale (voir l'encadré 10 : «L'Arctique, région économique internationale»). Au cours des dernières décennies, alors que l'exploitation des ressources renouvelables par les Autochtones demeurait importante pour les Canadiens du Nord, elle a suscité des controverses de temps à autre à l'extérieur, comme le débat sur les fourrures d'animaux terrestres et marins, en Europe et aux États-Unis. L'intérêt stratégique se porte dorénavant sur des «mégaprojets» et sur les possibilités d'exploitation des ressources non renouvelables157. Les grands investissements privés et publics ont surtout servi à l'exploitation des ressources minières, pétrolières, gazières et hydroélectriques et aux infrastructures connexes d'exploration, de production et de transmission (sites de forage, barrages, pipelines, routes maritimes, etc.). Par la suite, on s'est inquiété des effets sur l'équilibre écologique fragile et sur les conditions socioéconomiques des populations locales.

Beaucoup de témoins ont souvent fait part au Comité de telles inquiétudes au cours de visites effectuées dans les collectivités arctiques. Les habitants de ces endroits cherchent en même temps des occasions d'amasser des revenus et d'acquérir des connaissances de manière à pouvoir exercer un plus grand contrôle sur leur avenir économique. Les groupes autochtones souhaitent participer plus équitablement aux travaux de mise en valeur de leurs territoires ancestraux, pourvu que ces travaux ne constituent pas une menace pour leur santé, pour l'environnement, et pour la vie animale à laquelle ils se sentent étroitement liés. De plus, plusieurs témoins ont sérieusement douté qu'il soit sage et réaliste d'appliquer dans le Nord le modèle de développement industriel habituel. Le professeur Gérard Duhaime de l'Université Laval décrit le caractère «tiers-mondiste» d'une exploitation des ressources axée sur leur extraction et leur exportation sans véritables retombées pour les économies locales, l'extrême dépendance à l'égard de l'État (et de nombreux produits d'importation, notamment alimentaires), et un état de crise sociale qui ne peut pas être facilement réglé sans une connaissance approfondie des traits propres à la vie de ces populations. Selon ce professeur, ces tendances sont circumpolaires [47:12 et pages suivantes]. Fred Roots a, pour sa part, parlé de la marginalisation des intérêts de l'Arctique au fur et à mesure qu'augmente la domination des forces du marché méridional.


Encadré 10 - «L'Arctique, région économique internationale»

Ce qu'il importe peut-être avant tout de mentionner c'est qu'en dépit du fait que les ressources de l'Arctique sont de plus en plus convoitées en raison de leur valeur commerciale, l'économie de ces régions continue de reposer principalement sur les liens établis par chacune avec des pays situés plus au sud. Beaucoup d'habitants du Nord s'efforcent, malgré les difficultés techniques et les coûts élevés, à établir des relations commerciales transpolaires et à améliorer les voies de transport et les infrastructures de communication. Il n'existe cependant pas comme tel une région économique circumpolaire. Vu les très faibles populations qui habitent le Nord circumpolaire, on ne pourra jamais créer un marché régional suffisamment important pour soutenir le développement. Les collectivités du Nord ont toutefois appris à défendre beaucoup mieux leur droit de regard sur le rythme et les méthodes de développement économique, à tirer parti des avantages de celui-ci et à attirer l'attention sur les répercussions environnementales des projets. Il n'empêche que dans les circonstances les plus favorables, la plupart des biens de production devront venir de l'extérieur et souvent être transportés sur de longues distances, et la plus grande partie des produits commerciaux de l'Arctique seront exportés au Sud. Les recommandations de créer une région d'échanges commerciaux circumpolaires ne modifient en rien le fait qu'actuellement, sauf dans le cas de certains États arctiques, les orientations économiques nationales et les accords de commerce et d'investissement (la Communauté européenne et l'ALENA par exemple) n'accordent pas une véritable importance aux besoins particuliers des régions arctiques ou à l'établissement des bases d'une coopération économique circumpolaire.

Voici ce que fait remarquer Chaturvedi à propos des abondantes ressources non renouvelables de l'Arctique (à elles seules les réserves potentiellement récupérables d'hydrocarbures sont estimées à 200 milliards de barils dans le cas du pétrole et à 300 billions de barils dans celui du gaz naturel) : «On pourrait, rétrospectivement, considérer que le fort mouvement d'industrialisation de l'Arctique dans les années 1970 et 1980, qui était axé principalement sur les ressources énergétiques mais aussi sur d'autres matières premières, découlait du débat sur la rareté des ressources qui a soulevé tant de passions à la fin des années 1960 et au début des années 19701.»

Les craintes exprimées pendant cette période subsistent, mais on continue d'effectuer d'importants travaux de prospection de gisements d'hydrocarbures (particulièrement en Sibérie et au large des côtes du vaste littoral arctique de la Russie) et de nouveaux gîtes minéraux (diamants et nickel dans l'Arctique canadien notamment), qui font parfois la une des pages d'affaires des jounaux du Sud. La mine de plomb-zinc (mine Polaris) située sur le Petite île de Cornwallis sera probablement épuisée au début de la prochaine décennie, mais on compte que l'exploitation des gisements diamantifères du centre de l'Arctique et des riches gîtes de nickel du Labrador et du nord du Québec généreront des milliards de dollars de profit. Le nord de l'Alaska, qui recèle les plus importantes réserves de pétrole et de gaz des États-Unis, possède également une mine qui produit plus de 60 p. 100 du zinc du pays (valeur potentielle estimée à plus de 11 milliards $ US). C'est cependant la Russie, en particulier la Sibérie, qui renferme les plus fortes réserves énergétiques et minérales de l'Arctique. Des régions comme la République sakha (Yakoutie) ont conclu avec le gouvernement de Moscou des ententes prometteuses de partage des recettes. Dans l'ensemble de l'Arctique, les négociations relatives à la répartition des coûts et des rentes économiques des importants projets d'exploitation des ressources deviendront assurément plus serrées.

L'Arctique renferme également de très abondantes ressources naturelles renouvelables. On trouve par exemple dans ses cours d'eau certaines des espèces les plus productives au monde. La pollution de l'environnement et les méthodes de développement industriel mettent toutefois ces ressources en péril. L'accumulation de contaminants dans les sources de nourriture de la région est d'ailleurs devenu un sérieux problème mondial. Des espèces qui font partie intégrante du mode de vie des populations autochtones de l'Arctique sont menacées. Les restrictions au commerce de la fourrure, de phoque notamment, ont en outre enlevé leur gagne-pain aux chasseurs autochtones et à bon nombre de petites collectivités de l'Arctique. Certains espèrent que le développement touristique responsable pourrait compenser ces restrictions en créant des revenus et de l'emploi pour les résidents de ces régions. En 1995, le Yukon a accueilli plus de 60 000 touristes (le double de sa population) venus faire des expéditions en nature sauvage, et dans l'ensemble du Canada, cette activité en plein essor a produit 55 millions $ en recettes au cours de la même année. Une orientation plus éclairée et plus cohérente du développement de l'Arctique en tant que région véritablement distincte ne peut que favoriser la poursuite d'activités économiques durables.


. . . contrairement à ce que nous pourrions souhaiter, l'économie du Nord est de plus en plus perçue comme une économie coloniale ou périphérique. L'économie industrielle par laquelle on a cherché à créer la richesse dans le Nord n'est pas adaptée au milieu. Il s'ensuit une escalade des coûts de toute initiative de développement économique dans le Nord.
L'économie locale dont dépendent la population indigène ou les résidents du Nord, souvent soutenue pour des raisons d'ordre politique, était à l'origine autosuffisante; elle devient de plus en plus un artéfact culturel malgré ce qu'on puisse souhaiter.
Le coût élevé du développement dans le Nord et la volonté politique de maintenir les régions arctiques à l'intérieur de chacun des pays circumpolaires a fait en sorte qu'elles ont toujours dû compter sur un soutien économique et administratif. Soyons réalistes. Il est fort peu probable que l'exploitation des ressources du Nord contribue à long terme à faire augmenter la richesse économique nationale [10:5].
Il s'ensuit qu'on ne devrait pas s'attendre à ce qu'une «solution miracle» permette de soigner tous les éléments dysfonctionnels des économies arctiques qui, comme Chaturvedi l'a signalé, sont caractérisés par un mélange «(i) d'anciennes formes d'économie fondées sur le troc lui-même lié à un mode de vie de subsistance; (ii) d'un secteur public basé sur des transferts de capitaux venant de métropoles situées au sud; (iii) d'un secteur privé principalement axé sur la production à grande échelle découlant de l'exploitation des ressources terrestres». Si on se permet une généralisation, on peut affirmer que « jusqu'à maintenant, les stratégies économiques élaborées dans le sud industrialisé ont donné, au mieux, des résultats mitigés dans les régions éloignées, minant leur développement durable dans tous les sens de l'expression158

D'autres études, comme celles faites en vue des conférences des parlementaires de l'Arctique tenues à Reykjavik et à Yellowknife, ont signalé les difficultés propres à la région et les changements apportés par les humains qui doivent être pris en compte lors de l'élaboration de stratégies de développement plus viables159. Parmi les autres obstacles connus, notons : la rigueur du climat et l'absolue nécessité de technologies adaptées; l'isolement et l'éloignement, les difficultés et les coûts du transport qui empêchent les échanges commerciaux avec le Nord et à l'intérieur de celui-ci; le coût élevé des capitaux et autres facteurs de production importés, de la mise sur pied des infrastructures nécessaires pour servir des populations peu nombreuses, et de la marche des affaires en général; les coûts liés à la dépollution rendue nécessaire par les projets de développement peu ou mal planifiés dans le passé; la complexité du processus de réglementation environnementale compte tenu de la lenteur de la régénération naturelle des écosystèmes arctiques facilement déstabilisés par les grands travaux; les conflits de compétence permanents, en particulier en ce qui touche aux revendications territoriales des Autochtones, à la propriété des ressources et au partage des recettes; les divisions au sein des collectivités locales au sujet de la valeur et du rythme d'exécution de certains projets de développement (comme les grands projets miniers). En même temps, des facteurs extérieurs exercent des pressions de plus en plus grandes sur les populations arctiques :

Les changements surviennent de plus en plus rapidement au fur et à mesure que les ressources pétrolières, gazières, minérales et hydroélectriques sont inventoriées et exploitées pour le marché mondial et que la région s'intègre au reste de la planète grâce aux technologies de communication de masse. Il est donc urgent d'établir des politiques de développement durable dans ce milieu économique et social en effervescence, mais la rapidité même de ces changements rend l'application de ces politiques problématique160.
M. Terry Fenge, reçu par le Comité à titre de directeur administratif du Comité canadien des ressources arctiques (CCRA) et devenu depuis directeur de la recherche pour la Conférence circumpolaire inuit (CCI), soutient que les modèles de développement les plus prometteurs sont ceux qui sont proposés par les populations du Nord elles-mêmes et leur permettent de prendre en main leur avenir économique. Selon M. Fenge, les peuples autochtones de l'Arctique «sont d'accord pour adopter le développement durable comme modèle pour l'avenir. Transmettre un milieu naturel intact d'une génération à l'autre, choisir ouvertement la diversité et l'équilibre culturels comme objectifs du développement économique, et prendre en compte les capacités de charge et d'auto-épuration du milieu dans la poursuite de ces objectifs correspondent tout à fait aux points de vue des Autochtones et à leurs revendications». Le récent rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones contient plusieurs propositions visant à orienter les économies autochtones du Nord vers le développement durable grâce à la diversification des activités au niveau local et au développement des ressources humaines tout en respectant une saine gestion de l'environnement. Dans ce contexte, les auteurs de ce rapport attribuent un rôle important aux emplois rémunérés non traditionnels et un rôle réaliste à l'aide accordée à l'avenir par le secteur public.

Il vaut la peine de citer le point de vue de la Commission au long :

Nous sommes en faveur d'une intervention stratégique visant à assurer un appui aux collectivités viables et à promouvoir une économie diversifiée reposant à la fois sur des emplois rémunérés et l'exploitation des ressources renouvelables. Grâce aux ententes globales portant sur leurs revendications territoriales et à la mise en place progressive de gouvernements autonomes, les peuples autochtones du Nord ont l'occasion de rétablir l'économie mixte traditionnelle des régions éloignées où l'utilisation directe des ressources naturelles représente une dimension essentielle de leur gagne-pain.
Les habitants du Nord peuvent véritablement faire oeuvre de pionniers en trouvant des solutions à des problèmes, qui sont aussi ceux de nombreux pays industrialisés : pression accrue sur les dépenses publiques, concurrence mondiale menant à un abaissement des revenus et, pour les États, capacité moindre d'intervenir par des règlements ou des emprunts pour créer le plein emploi [. . .] La situation démographique et économique fait ressortir la nécessité d'adopter des mesures concertées pour accroître le nombre et la diversité des débouchés de façon à ce que les Autochtones, jeunes ou adultes, puissent gagner leur vie. Il est évident que le financement public demeurera un outil d'expansion économique dans le Nord, que ce soit grâce par la création d'emplois directs ou la promotion du développement d'autres secteurs. Nous pensons que le renforcement de l'économie mixte traditionnelle dans les régions du Nord où les Autochtones sont majoritaires est le moyen le plus sûr et le plus prometteur d'utiliser les ressources financières et de réglementer l'utilisation du territoire. Soutenir les activités plus anciennes, plus traditionnelles qui donnent du travail aux Autochtones et leur assurent un revenu, tout en créant de nouveaux débouchés dans les domaines non encore pleinement exploités, n'a rien d'utopique. Dans tous les cas, le développement devra être fonction d'une gestion éclairée de l'environnement 161.
Les Inuit ont été les premiers dans le monde à proposer un modèle complet et global de développement économique durable pour la région circumpolaire en affirmant leurs droits transfrontaliers de préserver leurs moyens de subsistance traditionnels axés sur la récolte des ressources renouvelables, de cogérer ces ressources et d'établir des lignes directrices pour régir le commerce et les investissements transnationaux dans l'Arctique162. La présidente de la CCI, Rosemarie Kuptana, a indiqué au Comité les secteurs où la collaboration avec le gouvernement du Canada serait salutaire : «L'étude de nouveaux mécanismes pour gérer la chasse à la baleine dans l'Arctique circumpolaire; l'élimination des barrières commerciales touchant les produits provenant de la région circumpolaire et l'élaboration d'un programme visant à favoriser le commerce des produits des mammifères marins; la promotion d'accords internationaux sur la cogestion de la faune. . .» Elle a ensuite ajouté ce qui suit : «La CCI s'est également engagée dans des travaux innovateurs dans le domaine du développement commercial entre Autochtones, notamment dans certains projets exploratoires en Amérique centrale et dans le Pacifique Sud. Les principes directeurs de ces travaux sont les principes de développement durable et de mise en valeur du potentiel local.» [Mémoire du 2 mai 1996, p. 6.]

Le Comité a été impressionné par la qualité internationaliste et proactive des présentations subséquentes des porte-parole d'entreprises autochtones florissantes comme l'Inuvialuit Regional Corporation dans l'extrême ouest de l'Arctique et la Société Makivik dans l'est. Nous voyons des chefs de file émerger des collectivités arctiques, capables de découvrir des débouchés commerciaux et d'affronter les forces extérieures susmentionnées. Ce que ces gens attendent du gouvernement, c'est qu'il leur permette de participer activement aux efforts déployés sur le plan de la diplomatie économique circumpolaire, qu'il comprenne leurs objectifs et qu'il les appuie. Ainsi, certains témoins ont parlé de la nécessité de fortes alliances afin, par exemple, d'éliminer les répercussions dévastatrices que les campagnes contre la chasse menées par des groupes de protection des animaux ont sur les revenus tirés de l'exploitation des ressources renouvelables par de nombreuses collectivités de l'Arctique. Nous reviendrons à cette question dans la partie qui traite du commerce circumpolaire.

Le Comité a également reçu plusieurs groupes (comme le Conseil de gestion de la harde de caribous de la Porcupine et le Conseil des ressources renouvelables Gwich'in) qui sont empêtrés dans de sérieux litiges transfrontaliers avec nos voisins américains à propos de projets pétroliers et gaziers dans une partie de l'Alaskan Arctic National Wildlife Refuge (voir la partie du chapitre neuf traitant de la coopération canado-américaine dans l'Arctique). Fait intéressant, les politiques américaines sont critiquées non seulement parce qu'elles appuient trop le développement, mais également parce qu'elles privilégient trop la conservation. Ainsi, Leif Halonen, président du Conseil saami, a déclaré aux membres du Comité à Tromsø, en Norvège, que les propositions américaines concernant les activités du Conseil de l'Arctique du point de vue du développement durable revêtaient un caractère protectionniste allant à l'encontre des opinions des peuples autochtones sur l'utilisation durable et prudente des ressources renouvelables.

Cet exemple montre un peu le défi qu'il faudra relever pour tenir compte des intérêts économiques des divers groupes d'intervenants. Oran Young préconise un modèle de développement économique durable axé sur la priorité aux utilisateurs des ressources naturelles à des fins de subsistance, la cogestion et la subsidiarité (c.-à-d. la participation aux décisions et «l'autonomie» politique), la diversification des sources de revenu, l'intégrité culturelle et la protection contre les menaces extérieures. L'objectif fondamental de ce modèle devrait être «des collectivités stables, qui ont conservé leur culture et sont prospères plutôt que leur intégration dans des systèmes mondiaux mettant l'accent sur le bien-être matériel» [Mémoire du 1er octobre, p. 6]. On peut toutefois douter que l'Arctique puisse prospérer en s'isolant des tendances mondiales du marché, et que la plupart de ses habitants - en particulier les majorités non autochtones présentes dans certaines régions - soient nécessairement d'accord avec cette démarche.

En plus du soutien accordé aux économies autochtones, il se pose également d'énormes questions concernant la façon de réduire la dépendance excessive du Nord envers les subventions gouvernementales, notamment pour favoriser le développement d'un secteur privé qui mette l'accent sur les retombées locales. Le Comité a rencontré des dirigeants territoriaux, municipaux et commerciaux de l'Arctique canadien qui s'occupent de projets commerciaux prometteurs et qui ont souvent agi comme de véritables «ambassadeurs» du Canada en établissant des relations avec d'autres régions du Nord. Néanmoins, il demeure que l'économie arctique, sauf pour les activités soutenues par les gouvernements, repose sur une base très étroite qui est dépendante des ressources naturelles et caractérisée par des cycles d'expansion et de contraction (que ce soit la chasse à la baleine ou la ruée vers l'or du Klondike au XIXe siècle ou l'exploitation des diamants et du nickel à la fin du présent siècle) et par la vulnérabilité face aux interventions de l'extérieur (comme la menace d'interdire les fourrures en Europe). Étant donné un marché intérieur très limité, il faut que l'Arctique se tourne vers l'exportation (à tout le moins circumpolaire), et attire d'importants investisseurs. Par conséquent, le danger subsistera toujours que le développement de l'Arctique soit davantage axé sur les appétits et les systèmes de pouvoir du sud que sur les besoins tels que définis par les résidents nordiques.

Sanjay Chaturvedi a soutenu que les pressions économiques de plus en plus fortes exercées sur l'environnement et la population circumpolaires et renforcées par un mouvement de régionalisation et de mondialisation des forces du marché nécessitent la signature d'un «traité sur le développement durable de l'Arctique juridiquement contraignant163.» Nous croyons qu'un tel régime n'est pas prêt d'être appliqué, s'il l'est un jour, même si nous avons bien pris note des commentaires formulés par Stephen Cowper, du Forum nordique, selon lesquels le recours au Conseil de l'Arctique pour encourager le respect de normes environnementales multilatérales contribuerait à rendre les pratiques commerciales équitables au sein des régions circumpolaires. On peut également faire beaucoup pour accroître la viabilité et les retombées locales des diverses activités économiques déjà menées ou prévues dans l'Arctique; nous en traiterons plus loin. Nous croyons toutefois que le Canada faciliterait ce travail en collaborant avec les autres pays circumpolaires et les populations arctiques de ces pays afin d'établir un cadre d'action favorisant le développement économique durable dans l'Arctique en fonction de principes reconnus. La négociation de ce cadre d'action devrait être un des principaux objectifs de la conférence sur le développement durable que le Canada a convoqué pour 1997 à titre de pays présidant le Conseil de l'Arctique.

Par conséquent :

Les grands travaux de développement

L'élément le plus controversé par rapport au développement économique durable dans l'Arctique est le rôle du développement à grande échelle, lequel est généralement axé sur l'extraction de ressources non renouvelables et financé de l'extérieur. En premier lieu, une telle forme de développement est instable et ne fournit pas une source sûre de revenu aux collectivités septentrionales; même les gisements les plus riches finissent par s'épuiser. S'ajoutent à cela les coûts élevés des travaux, une résistance accrue au subventionnement de l'État et l'augmentation des marchés spéculatifs; il suffit d'un fléchissement sur le marché international pour qu'un investisseur prenne ses pénates et aille s'installer ailleurs. C'est ce qu'a d'ailleurs confirmé au Comité, à Inuvik, l'ancienne première ministre des Territoires du Nord-Ouest actuellement présidente de la Inuvialuit Regional Corporation, Nellie Cournoyea :

L'industrie pétrolière, qui a déjà été le fer de lance d'une économie prospère dans l'Arctique de l'Ouest, ne représente plus grand-chose. Les nouvelles industries mettent du temps à s'établir et n'ont pas l'importance qu'avait autrefois le pétrole et le gaz. Le tourisme s'avère prometteur, mais il y a beaucoup à faire pour mettre sur pied l'infrastructure nécessaire pour profiter de toutes les possibilités qui s'offrent. Le ralentissement de l'économie de l'Arctique de l'Ouest accentue l'importance des secteurs économiques traditionnels [Mémoire du 28 mai 1996].

Il est vrai que les activités exploratoires ont diminué dans la région de la mer de Beaufort, mais les gisements de diamant dans le centre de l'Arctique et les gîtes de nickel dans le nord du Québec et dans la baie Voisey au Labrador ont ressuscité l'intérêt. Lors de la première table ronde à Ottawa, Terry Fenge, du Comité canadien des ressources arctiques (CCRA), a souligné «[qu']il est possible, et même fort probable, que d'ici cinq ou dix ans le diamant soit au premier rang des exportations des Territoires du Nord-Ouest [10:10]». À leur retour d'Inuvik, les membres du Comité se sont arrêtés brièvement à Lac de Gras, à 300 kilomètres au nord-est de Yellowknife, où un consortium dirigé par une société canadienne affiliée à la multinationale australienne Broken Hill Proprietary Ltd. (BHP) a investi 170 millions de dollars afin de préparer le site en vue de l'installation d'une mine. Le Comité a entendu dire que ce projet de plusieurs milliards de dollars créerait plus de 800 emplois à long terme qui seraient de préférence occupés par des habitants du Nord, des Autochtones ou des femmes, mais un certain nombre de questions au sujet du projet ont été soulevées et portées à son attention au cours des longues audiences publiques tenues à Yellowknife. Les préoccupations touchaient notamment le caractère adéquat des processus d'examen environnemental, le règlement des revendications territoriales autochtones non résolues et la façon de répartir les royalties de la mine164. Vu la découverte de gisements d'importance semblable dans les régions euro-arctiques occupées par les Saami et dans l'Arctique russe (notamment dans la république de l'extrême-est d'Iakoutie qui a établi d'étroites relations avec les Territoires du Nord-Ouest), on dispose d'intéressantes possibilités d'échanger des expériences afin d'en tirer des leçons pour l'ensemble du territoire circumpolaire165.

Des porte-parole des ONG et des groupes autochtones qui se sont présentés aux audiences publiques, ceux du CCRA n'étaient pas convaincus que les normes environnementales établies pour le projet de la BHP étaient suffisantes et ont suggéré la création d'une agence de surveillance par les intervenants. Ils ont ajouté que dans l'éventualité où les revendications territoriales ne pourraient pas être entièrement résolues avant que le développement ne s'amorce, il fallait au moins signer, avec les groupes autochtones touchés, des ententes sur les répercussions et les avantages afférents au projet et tenir davantage compte des connaissances écologiques traditionnelles des peuples autochtones lors des évaluations et de la conception de dispositions appropriées. Il s'imposerait également de relever le niveau, trop faible des royalties; et peut-être d'établir un «fonds de patrimoine» à partir de contributions de la BHP.

La mine de diamant a finalement été approuvée par le gouvernement fédéral et celui des Territoires du Nord-Ouest le 1er novembre 1996, mais l'approbation est assortie d'une série de conditions très contraignantes. Le résultat, s'il n'a pas été à l'entière satisfaction des organismes autochtones, des groupes d'intérêt public et des ONG environnementalistes qui sont intervenus, a néanmoins été bien supérieur à ce qu'on attendait. Le Fonds mondial pour la nature, qui avait intenté une poursuite devant la Cour fédérale (menée par un de ses directeurs, l'ancien premier ministre John Turner) dans le but d'obtenir parallèlement des engagements pour créer un réseau de zones protégées, a conclu que les progrès marqués étaient assez importants pour pouvoir mettre fin à sa poursuite au début de 1997166. Quelques mois plus tôt, Terry Fenge avait fait savoir au Comité que le CCRA ne croyait pas «que l'exploitation minière du Grand Nord entraînerait inévitablement une destruction massive de l'environnement. Nous considérons que l'exploitation minière peut et doit se faire à condition de respecter des règles, et des règlements appropriés. [. . .] [La BHP] d'une manière générale est très sensibilisée aux problèmes environnementaux, beaucoup plus peut-être que nombre de petites entreprises canadiennes [10:26-27]».

Toute cette méfiance est bien compréhensible étant donné le peu d'attention que les grands projets de développement ont accordé dans le passé aux questions de durabilité, à la gérance environnementale par les Autochtones et aux avantages à long terme pour les collectivités locales. Nous tenons à ce que les erreurs du passé ne soient pas répétées. Comme l'a écrit Jeffrey Simpson, du journal The Globe and Mail, au sujet des négociations byzantines entre gouvernements, investisseurs et Autochtones concernant le sort de l'immense gîte de nickel et de cobalt de la baie Voisey au Labrador : «À qui appartiennent ces terres après tout et qui devrait profiter des richesses qu'elles recèlent? Ces questions qui ont trait à l'argent, à la morale et au droit, se lisent dans le territoire canadien dans le cadre de la lutte des peuples autochtones pour retrouver les terres qu'ils utilisaient jadis167.» En mai 1996, lors de nos rencontres avec des dirigeants inuit à Kuujjuaq, centre administratif de la région adjacente du Nunavik dans le nord du Québec, d'autres inquiétudes sont apparues concernant les opérations de dépollution et la santé, et les coûts humains par rapport aux avantages du développement. La Convention de la Baie James et du Nord québécois, qui régit l'exploitation des ressources dans ce territoire, présente encore de nombreux problèmes, mais elle constitue au moins un cadre à l'intérieur duquel on peut négocier au nom des bénéficiaires autochtones. Des porte-parole du gouvernement régional de Kativik et de la Société Makivik ont également insisté sur les avantages des partenariats conclus avec la société affiliée à Falconbridge (portant entre autres sur l'embauche prioritaire d'Inuit, sur la formation, et sur le développement de petites entreprises), laquelle exploite une importante mine de nickel près de Katinniq.

Bref, il ne faut pas passer sous silence le potentiel économique des importantes découvertes de ressources, ni les dépenses importantes en capital qui sont nécessaires pour moderniser les infrastructures de transport et de communication dans le Nord. On a certainement besoin des recettes, des revenus et des emplois que crée l'investissement par le secteur privé, comme l'a fait valoir la Commission royale sur les peuples autochtones. Dans son rapport de novembre 1996, elle examine les efforts qu'il faut déployer pour corriger le fait que le secteur minier «qui est pourtant, dans le Nord, celui qui produit le plus de biens et génère le plus de recettes à l'exportation [. . .] n'a pas constitué jusqu'ici une source majeure d'emplois pour les Autochtones du Nord». La Commission conclut que «les Autochtones peuvent profiter de l'essor de l'activité minière de diverses manières, à condition que l'on mette en place les mécanismes qui s'imposent et que les normes relatives à la protection de l'environnement soient respectées. L'activité minière n'a jamais été la panacée, mais il se pourrait que nous ayons acquis suffisamment d'expérience pour entreprendre des projets réglementés de mise en valeur des ressources minières qui ne nuisent pas à l'économie mixte traditionnelle et même la stimulen168

Le Comité souhaite partager cet optimisme. Mais il faut pour cela que les principes internationaux de développement durable que nous préconisons soient appliqués intégralement, et qu'on porte attention aux connaissances et aux préoccupations des collectivités autochtones de l'Arctique et fasse la diffusion et la promotion de ces connaissances à l'échelle circumpolaire.

Par conséquent :

Investir dans le développement local

Selon nombre de témoins, les formes de développement les plus souhaitables dans l'Arctique, bien qu'elles ne soient pas toujours les plus lucratives, sont les projets à petite échelle visant à consolider une base économique qui puisse supporter des collectivités viables, et non pas les projets engendrés par des facteurs économiques externes dont il faut ensuite atténuer l'incidence sur ces collectivités. Les objectifs d'un développement économique axé sur le mieux-être des collectivités dans l'Arctique ont été définis comme suit : (i) ne pas outrepasser les limites de la biosphère et des écosystèmes locaux; (ii) répondre aux besoins premiers des localités, renforcer le désir partagé de protéger le bien-être collectif et encourager l'initiative locale et l'autonomie; (iii) avantager les peuples autochtones et les autres habitants du Nord et améliorer leur qualité de vie d'une manière qui tienne compte des générations futures; iv) encourager l'utilisation des techniques locales et des connaissances autochtones afin de promouvoir un développement adapté à la culture169.

En ce qui concerne les applications technologiques en général Jack Stagg, sous-ministre du MAINC, a souligné lors de sa comparution devant le Comité que malheureusement, dans le passé, les investisseurs publics et privés n'ont pas cherché à adapter les techniques du Sud à leur utilisation dans le Nord et n'ont pas établi l'infrastructure nécessaire à la diversification économique170. Il faut manifestement que ces questions deviennent prioritaires. Des entreprises innovatrices qui investissent dans le développement technologique pour répondre aux besoins des collectivités du Nord - par exemple, Ferguson, Simek, Clark de Yellowknife dans la construction d'habitations sous climat froid et NorthwestTel à Iqaluit dans les installations de télécommunication établissant la liaison entre des collectivités éloignées de l'Extrême-Arctique du Nunavut -, nous ont assuré que l'exportation de la technologie canadienne vers d'autres régions circumpolaires pourrait avoir des retombées sur le plan des exportations. De plus, les nouvelles techniques d'information pourraient servir à promouvoir des réseaux autochtones de partage des connaissances et d'échanges culturels. À Iqaluit, le Comité a appris l'existence du premier site Internet en inuktitut au Collège de l'Arctique du Nunavut et l'Institut de la recherche et des moyens dont dispose l'Inuit Broadcasting Corporation pour produire des émissions en langue autochtone destinées à un public international.

Pour assurer la viabilité des collectivités autochtones au cours de cette période de développement, une étude canadienne récente suggère l'application au monde circumpolaire d'une politique axée sur les éléments fondamentaux suivants : (1) la planification d'un mode de développement durable sur le plan culturel; (2) l'aide aux économies de subsistance; (3) la reconnaissance et l'utilisation des connaissances écologiques traditionnelles; (4) la cogestion des terres et des ressources; (5) l'établissement et le renforcement des institutions sociales autochtones; (6) la reconnaissance des droits de propriété collectifs des groupes autochtones; (7) l'évaluation de l'effet cumulatif des projets de développement171.

La division du développement économique du prestigieux Institut Scott de recherche polaire de l'Université de Cambridge s'appuie sur l'expérience acquise en Alaska pour entreprendre un travail visant la relance économique durable dans certaines régions reculées du nord-est de la Russie. Le projet montre, de manière concrète et prometteuse, que les méthodes de développement durable peuvent être adaptées avec succès même dans les régions les plus dévastées économiquement du monde circumpolaire. Nous donnerons des exemples précis de ce qui se fait à cet égard dans le chapitre neuf qui concerne la coopération avec la Russie. Ce qui est le plus remarquable pour l'instant, d'après la documentation fournie par M. Piers Vitebsky, chef des études de sciences sociales et russes à l'Institut172, c'est que le recours à ces méthodes suppose :

. . . un soutien à la vie traditionnelle des populations locales qui mènent des activités pastorales ou de subsistance, par la définition plus claire des droits fonciers, des régimes de gestion des ressources et des méthodes économiques, comme la mise sur pied de sociétés privées locales.
Un soutien axé sur les secteurs «traditionnels» est un moyen d'éviter la destruction des activités culturelles traditionnelles et d'en favoriser la renaissance. À notre avis, les secteurs traditionnels n'ont généralement besoin que d'une légère réorientation des ressources pour permettre aux éléments «déconnectés» de l'économie de former des liens vitaux durables.
De plus, l'institut de Cambridge travaille à l'élaboration d'une méthodologie sophistiquée pour mesurer et encourager une forme de viabilité qui «rattache le secteur économique traditionnel à la mise en valeur des ressources non renouvelables primaires de la région et à la reprise économique, d'une manière qui soit fondée sur la complémentarité plutôt que sur la confrontation. Qui plus est, l'information concernant le secteur traditionnel devient «utile» à l'industrie et aux organismes qui accordent des fonds dans un but économique, tandis que les fruits de l'exploitation des ressources primaires (minérales) sont utilisés avec efficacité et efficience pour répondre aux besoins locaux».

Selon nous, tout un éventail d'activités économiques viables peuvent être encouragées dans le cadre du développement communautaire durable. Toutefois, certaines de ces activités, comme la récolte traditionnelle de certaines espèces (par exemple, les baleines et les phoques) et les échanges transfrontaliers de produits traditionnels entre peuples autochtones, nécessitent l'adoption de politiques précises en matière de politique étrangère, au Canada et dans les pays nordiques, comme l'ont souligné au Comité Nellie Cournoyea et d'autres témoins autochtones. Selon Mme Cournoyea, les dispositions législatives protectionnistes des États-Unis en particulier (notamment le Marine Mammal Protection Act, auquel le Canada n'a pas réussi à faire ajouter une exemption à l'endroit des Autochtones dans le cadre de l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis) restreignent indûment le droit des peuples autochtones d'utiliser de façon durable leurs ressources et d'assurer leur développement culturel. Voilà un domaine où le Canada pourrait agir sur la tribune arctique internationale afin d'établir des ententes circumpolaires plus acceptables.

Il conviendrait également d'étudier les façons de protéger les sources alimentaires du terroir et de mettre sur pied de petites industries de produits agroalimentaires et marins (par exemple, la pêche aux crevettes dans les eaux de l'est de l'Arctique) qui ont un potentiel mondial. Gérard Duhaime, de l'Université Laval, a fait une mise en garde contre la mise en marché du gibier [47:14-15], mais des représentants de la Société Makivik à Kuujjuaq, où les membres du Comité ont visité ses installations de recherche, ont signalé le potentiel d'exportation des ressources de caribou qui abondent dans la région173. Cependant, le problème croissant de la présence de contaminants dans les aliments locaux (parce que les polluants sont transportés sur de grandes distances et au-delà des frontières, importante question de portée internationale que nous avons abordée dans le chapitre précédent) suscite énormément de préoccupations, d'où la nécessité d'examiner les questions de salubrité des aliments et de santé dans le contexte du développement de marchés internationaux pour les produits alimentaires du Nord174. Ce domaine pourrait aussi relever de la recherche et de la coordination circumpolaires.

Nous voyons également des possibilités, sans doute moins controversées, d'autres sources d'emplois et de revenus dans l'industrie artisanale, notamment dans le secteur des produits artistiques et culturels, qui s'est acquis une réputation internationale et représente un important créneau grâce aux efforts de certains Canadiens comme James Houston pour ouvrir la voie dans ce domaine. En juin 1997, Toronto accueillera le Northern Encounter Festival, qui présentera des activités culturelles des huit pays circumpolaires et recevra un appui financier important des quatre États scandinaves. Il convient d'encourager les contacts avec des organisations mises sur pied dans l'Arctique, comme le Great Northern Arts Festival, dont des représentants ont comparu devant le Comité à Inuvik. Les membres du Comité qui ont visité la West Baffin Eskimo Cooperative à Cape Dorset ont également pu constater la nécessité d'encourager la mise en place d'infrastructures et la diversification de ce secteur. La mairesse de Cap Dorset a souligné l'immobilisme qui entrave la construction d'un complexe culturel et communautaire qui pourrait présenter des activités artistiques et ainsi attirer le tourisme. Elle envisage également les possibilités d'exporter des vêtements traditionnels de haute qualité confectionnés par les femmes de Cap Dorset, encourageant ainsi l'utilisation des compétences locales et le commerce avec d'autres pays circumpolaires. La récente découverte d'un important gisement d'albâtre dans l'Arctique canadien est considérée certes comme un bienfait inestimable pour les sculpteurs inuit, mais le secteur des produits culturels pouvant souffrir d'une certaine précarité, il serait indiqué que les gouvernements lui accordent néanmoins leur attention et leur appui pour assurer sa viabilité175.

Un des secteurs considérés comme très prometteurs par les collectivités arctiques est le tourisme, ou plus précisément l'«écotourisme», qui est en pleine expansion et associe les incursions en milieu sauvage à l'agrément offert par les cultures autochtones locales176. On pourrait dire que le Canada est grandement avantagé dans ce domaine, bien que encore peu développé, puisqu'il renferme environ un cinquième des espaces naturels du globe, dont la plus grande partie est concentrée dans le Nord. L'écotourisme, surtout lorsqu'il prévoit la participation d'entreprises autochtones (le Comité souligne à cet égard l'intérêt marqué de la Société Makivik), pourrait constituer une source de revenus à long terme pour de nombreuses collectivités éloignées. Assorti de mesures de contrôle strictes, il pourrait également servir de puissant incitatif à la protection des cultures autochtones ainsi que des espèces et des écosystèmes. Des groupes comme le Fonds mondial pour la nature participent déjà à l'élaboration de lignes directrices qui permettent d'établir le tourisme de façon durable dans l'Arctique177, mais les gouvernements circumpolaires doivent aussi prendre les devants à cet égard.

Selon plusieurs témoins, le Canada risque de prendre du retard en ne profitant pas du potentiel du tourisme autant que les pays scandinaves, particulièrement la partie septentrionale de la Norvège. Selon le professeur Branko Ladanyi, Svalbard n'est pas si différent de Kuujjuaq dans le nord du Québec, où l'on ne fait pas grand-chose pour y intéresser les touristes, alors que la région de Svalbard réussit à attirer des visiteurs de plusieurs pays. Il se demande pourquoi on ne fournit pas les services, l'accès et l'infrastructure nécessaires au développement de l'industrie du tourisme [47:11]. Kevin Knight d'Unaaq International, société inuit en opérations dans le Nunavik et la terre de Baffin, a signalé un autre problème tout à fait typique du manque de coordination au Canada : «Industrie Canada a élaboré une stratégie visant à attirer les écotouristes au Canada et dans le grand Nord. Toutefois, cette stratégie a été élaborée sans la pleine participation des habitants du Nord qui ont déjà réussi dans l'écotourisme. Par conséquent, toute l'attention nécessaire n'a pas été accordée aux réalités du Nord, ni à l'importance de s'orienter vers certains créneaux du marché plutôt que vers les marchés de masse [20:11].»

De façon plus générale, ce qu'il faut au développement communautaire et de la petite entreprise dans l'Arctique, ce sont des politiques et des programmes coordonnés qui répondent aux besoins pratiques des habitants locaux et leur permettent d'acquérir des compétences professionnelles et commerciales, d'obtenir des capitaux d'investissement et d'avoir accès à des professionnels et à des spécialistes de la gestion. C'est ce qu'a souligné le professeur Ladanyi : «Pour que les Autochtones soient autosuffisants, il leur faut des gens spécialisés dans le commerce [. . .] Ils ont surtout besoin de spécialistes de tout genre. Ainsi je me demande qui forme, qui aide les Autochtones à apprendre ce métier et leur fait connaître les marchés extérieurs. Vous ne pouvez pas avoir une communauté nordique sans que les gens sachent réparer les motoneiges, les maisons, les systèmes de chauffage, etc.» [47:10] Le Comité a entendu parler d'enseignement professionnel par les responsables des collèges qu'il a rencontrés dans l'Arctique. Mais il s'agit manifestement d'un domaine qui exige qu'on s'y attarde davantage178. De plus, Oran Young, a décrit des projets concrets de développement durable liés à ces besoins, projets qui, selon lui, ne demandent que peu de ressources financières et qu'il souhaiterait voir les pays du Conseil de l'Arctique réaliser conjointement en priorité.

Nous pourrions songer à mettre en place un programme d'aide technique pour l'Arctique qui permettrait de mettre à la disposition des collectivités de toute la région circumpolaire des connaissances appliquées dans des domaines comme le génie et les affaires, par exemple.
Nous pourrions lancer un programme de mise en valeur du potentiel de l'Arctique pour améliorer, par rapport à ces aspects administratifs, les capacités des populations locales, surtout des peuples autochtones.
Nous pourrions lancer une banque de développement de l'Arctique afin de mettre de petites sommes à la disposition des collectivités qui veulent mettre en place des programmes d'action ou de développement communautaire. [. . .]
Nous devons donc, au cours des prochaines décennies, essayer de trouver des moyens de permettre à ces collectivités d'être plus autonomes. Leurs conditions de vie sont assez exceptionnelles lorsqu'on les compare, par exemple, à celles des autres collectivités du Canada. C'est certainement aussi le cas de la Russie, où la situation est encore plus grave. Il faut donc fournir une aide spéciale à ces collectivités [40:6,9].
Par conséquent :

Promouvoir le commerce circumpolaire et faciliter les liens commerciaux entre les économies circumpolaires

En cette ère de libéralisation du commerce et de mondialisation des transports et des communications, il est important que la région circumpolaire ne reste pas en marge et qu'elle ne prenne pas de retard. Parmi les problèmes qui persistent, citons la tendance traditionnelle des courants économiques à s'orienter selon un axe nord-sud - entre les zones périphériques des États-nations et leurs métropoles situées au sud - et les obstacles limitant les échanges est-ouest et nord-nord. Le Canada se considère généralement comme un protagoniste à part entière à la fois des économies de l'Amérique du Nord et des zones transatlantique et transpacifique. Par contre, il n'y a guère eu de réflexion stratégique sur l'émergence d'une région circumpolaire, sur les plans du commerce et du développement économique. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, bien entendu, entretient des relations commerciales distinctes avec tous les pays du Conseil de l'Arctique, mais il ne possède aucune orientation particulière pour l'ensemble de la région circumpolaire.

De fait, le commerce dans cette zone n'a retenu l'attention que de manière occasionnelle. Au cours de ses premières années, la Commission canadienne des affaires polaires avait parrainé une conférence sur le sujet. On y avait recommandé l'élaboration, en coopération avec les gens du Nord, d'une politique commerciale circumpolaire dont le Canada avait un urgent besoin. On y avait également défini un certain nombre de questions méritant une attention particulière, soit : l'état fragmentaire des connaissances; l'absence de codes et de normes internationaux pour régir les technologies dans les climats froids et l'insuffisance des investissements canadiens dans la mise en valeur de ses avantages compétitifs par rapport à ces technologies; des milieux d'affaires locaux mal développés et des entreprises insuffisamment préparées à devenir exportatrices; divers obstacles s'opposant au commerce international des ressources renouvelables; et l'absence d'associations de commercialisation capables de renforcer les activités d'exportation dans ce secteur. Les participants à cette conférence avaient recommandé l'établissement d'un système canadien d'information polaire qui comprendrait : une base de données sur les débouchés et services commerciaux, comportant un répertoire des entreprises et des services; un programme national de recherche et développement sur les technologies dans les climats froids; une action conjointe des paliers fédéral et provincial ou territorial visant l'harmonisation des règlements, la coordination des programmes et, d'une façon générale, une collaboration plus efficace pour résoudre les carences du développement commercial. De plus, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international avait été prié de concevoir une stratégie et un plan coopératif de commercialisation associant des représentants de tous les groupes du Nord qui se proposent de prendre des initiatives commerciales à l'échelle mondiale179.

Quelques mesures ont été prises depuis. La Stratégie canadienne de gestion des affaires internationales pour l'année 1997-1998 contiendra, pour la deuxième année consécutive, un chapitre sur les produits, services et technologies autochtones et, dans ce contexte, on envisage la création d'une équipe «au nord du 60e parallèle», qui chercherait à favoriser le commerce dans des secteurs comme les arts inuit, les pêches et les produits alimentaires autochtones, les transferts de technologie à l'intérieur des régions circumpolaires, les communications et les transports, l'industrie minière et l'exploitation des ressources. Pour ce qui concerne les initiatives de développement émanant des Autochtones, Don Axford, du Conseil pour le développement des entreprises inuit du Canada, a déclaré au Comité : «Les Inuit tendent la main au monde circumpolaire et au monde entier. Ils créent des entreprises à une vitesse remarquable. Le CIDBC fournit aux Inuit un moyen de promouvoir la compréhension panarctique en leur permettant d'apprendre où s'installent les entreprises et de savoir quels produits et services elles offrent dans le Nord. Il aide également ces entreprises à déceler les obstacles au commerce et au développement [20:15-16].» Pourtant, comme l'a souligné Kevin Knight, de Unaaq International, au cours de la même table ronde, il manque une politique canadienne globale qui tienne compte des effets des régimes commerciaux mondiaux et régionaux (GATT/OMC, ALENA, UE) sur le développement de l'Arctique et de la viabilité des façons de procéder spécifiquement nordiques :

Pour que le Nord connaisse un développement durable soutenu dans le Sud, il faut mieux comprendre la nature du développement économique et les domaines où il peut être encouragé, et non pas simplement appliquer au Nord les approches adoptées au Sud. [. . .]
Tant qu'on ne comprend pas bien le Nord, tant qu'on ne sait pas discerner pour quel genre d'activités les entreprises du Nord sont préparées, tant qu'on ne sait pas à quels marchés correspondent les produits et les services qu'elles offrent, on met en doute la valeur de certaines activités commerciales de cette région et on hésite de plus en plus à établir des liens entre le Nord et l'étranger pour y créer le développement. Il faut donc aider les entreprises du Nord à fournir cet effort de compréhension et à se préparer à nouer des liens commerciaux par delà les frontières du Nord canadien [20:11-12].
Sur cette même question, M. Gerald Lock a répété devant le Comité certaines des idées qu'il avait avancées en tant que président de l'atelier du développement économique et du commerce, lors de la conférence de 1994 sur la politique étrangère dans le Nord. Pour que le Canada, avait-il alors fait observer, puisse tirer un maximum d'avantages des technologies adaptées aux régions froides, dont beaucoup pourraient également servir à la sauvegarde de l'environnement, il faudrait des investissements importants, assortis de politiques commerciales «dynamiques», fruits d'une mentalité davantage orientée vers l'avenir.

. . . notre attitude à l'égard du commerce circumpolaire n'est pas encore sortie du dix-neuvième siècle, [pourtant], dans quelques années, nous nous servirons d'une technologie du vingt et unième siècle. Les télécommunications nous permettent déjà de nous acquitter de la «paperasserie» accompagnant les affaires circumpolaires de façon beaucoup plus expéditive; la technologie des transports nous permet des déplacements aériens efficaces et laisse espérer de nouveaux parcours maritimes dans un avenir prévisible. Le transport de marchandises et les transports destinés à appuyer le tourisme dans la région arctique devraient devenir une composante essentielle de la future politique commerciale circumpolaire canadienne180.
Selon M. Lock, il faudrait que le Canada établisse une telle politique globale en s'appuyant «sur nos antécédents en diplomatie internationale et nos engagements en matière de protection de l'environnement; en faisant la promotion de nos avantages comparatifs naturels en ce qui a trait aux ressources renouvelables, aux ressources non renouvelables, aux télécommunications et aux transports; en développant des marchés nouveaux et les marchés existants pour les produits et services canadiens; en adoucissant les effets des mesures étrangères adverses comme les boycotts et les barrières commerciales181». De plus, la naissance du Conseil de l'Arctique devrait être considérée non seulement comme l'apparition d'une tribune utile pour l'examen courant des questions commerciales, mais comme l'occasion d'explorer les implications qu'ont pour l'Arctique les ententes et les règles du commerce international, en vue d'éventuels arrangements à portée circumpolaire et peut-être, comme il l'a laissé entendre au Comité, «la possibilité d'un accord de libre-échange entre pays de l'Arctique [20:6]».

Toutefois, il existe pour le Canada plusieurs autres moyens plus immédiats de renforcer ses relations commerciales avec les autres membres du Conseil de l'Arctique, ainsi qu'avec d'autres pays intéressés comme l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France. Le professeur Robert Williamson, président du Comité international de l'Université de la Saskatchewan et ancien député de langue inuktitut au Parlement des Territoires du Nord-Ouest, a fait une déclaration convaincante à ce sujet lorsqu'il a comparu aux audiences publiques de 1994 sur l'examen de la politique étrangère :

Nous partageons les mêmes intérêts, entre autres des intérêts commerciaux dans cette région circumpolaire. Le Canada peut se prévaloir également d'une expertise imposante très enviée par les autres nations circumpolaires. [. . .] Nous sommes [. . .] en concurrence avec des économies très avancées [. . .]. Nous avons par exemple un immense littoral dont l'exploitation exige une maîtrise de la technologie de la navigation dans les glaces; toutefois la Finlande et la Suède, et même le Danemark, nous font concurrence dans la construction des brise-glaces et obtiennent des résultats aussi bons, sinon meilleurs, que nous.
Notre savoir-faire en matière d'extraction minière en région septentrionale, de production et d'exploration d'hydrocarbures, de construction de pipelines, et de construction en milieu pergélisol est reconnue dans le monde entier. Nous sommes également experts dans l'exploitation des liaisons aériennes, de réseaux routiers et de lignes de chemins de fer en région septentrionale, de même qu'en construction et en communications dans l'arrière-pays. [. . .] Nous possédons un savoir-faire qui pourrait s'exporter plus efficacement. Nous sommes déjà présents en Sibérie, mais c'est sans comparaison avec ce que font les États-Unis, l'Allemagne ou le Japon depuis l'écroulement de l'URSS.
La Sibérie dispose d'énormes ressources forestières [. . .]. Ici encore, nous nous trouvons en concurrence avec les Suédois et les Finlandais pour la mise au point de technologies de réduction pour des forêts bien conservées dans des régions marginales. [. . .] nous sommes dotés, [. . .] dans l'Ouest canadien, d'un énorme potentiel sur le plan des connaissances en agriculture et de la technologie agricole, qui conviendraient particulièrement bien aux énormes besoins des immenses étendues désertiques de la Sibérie et de la Russie septentrionale, où nous pourrions donc intervenir d'une façon beaucoup plus rentable pour nous qu'à l'heure actuelle182.
Le professeur Williamson a également rappelé la réussite des populations canadiennes autochtones du Nord, qui ont créé des entreprises de développement régional «qui pourraient servir de modèles très valables du savoir-faire canadien pour être utilisés dans les autres parties du monde circumpolaire». D'une façon générale, en tant que pays, nous sommes «en mesure d'exercer une grande influence sur l'environnement arctique, dans le meilleur intérêt de nos relations commerciales et de celles du monde circumpolaire183.

Ce potentiel s'est traduit lors des réunions que les membres du Comité ont eues, dans l'Arctique, avec des chefs de file du monde des affaires autochtones. Par exemple, à Kuujjuaq, le trésorier de la Société Makivik, Peter Adams, nous a expliqué que cette entreprise avait l'ambition de s'élargir et de participer à des entreprises internationales, du Groenland à la Russie, et même au-delà de la région circumpolaire, notamment avec sa filiale First Air dont il est président. À Iqaluit, les membres du Comité ont été impressionnés par la vision des porte-parole de la municipalité et du Nunavut, qui collaborent avec le secteur privé local pour faire de cette localité de la terre de Baffin, qui est la future capitale du territoire, un centre d'activités commerciales circumpolaires. À Inuvik, Nellie Cournoyea, présidente de l'Inuvialuit Regional Corporation, a déclaré : «Dans le Nord, nous sommes très intéressés par les débouchés que le commerce mondial peut offrir. En tant qu'Inuvialuit, les relations avec les pays de la région circumpolaire nous intéressent, pour des raisons de parenté. En tant que Canadiens, nous souhaitons voir augmenter les exportations de nos produits et notre participation aux échanges commerciaux internationaux». Au même moment, elle nous a averti que l'action du gouvernement devait «tenir compte des intérêts, des traditions et du mode de vie des gens du Nord». [Mémoire du 28 mai]. Nous voudrions ajouter que cela supposerait une adhésion entière aux grands principes du développement durable que nous avons recommandés plus haut.

Lors de l'examen de la politique étrangère de 1994, Mme Cournoyea, qui était alors chef du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, avait témoigné au sujet des initiatives multiples qui pourraient être prises pour profiter des options commerciales dans la région circumpolaire et contribuer à la diversification du commerce canadien. Nicolas Poushinsky avait aussi réclamé des «missions commerciales [qui] tiendraient plus compte des préoccupations du Nord [et dans lesquelles] les régions du Nord [seraient] mieux représentées184». À Yellowknife et à Whitehorse, le Comité a entendu plusieurs autres témoins, y compris des fonctionnaires responsables du développement économique territorial et municipal, qui ont ajouté des éléments à leurs témoignages de 1994. Stephen Simek, du cabinet d'ingénieurs-conseils Ferguson, Simek et Clark - une des principales firmes de Yellowknife qui participent à des projets de construction et de gestion dans la république Sakha de la Fédération de Russie - nous a parlé de divers aspects (comme les services consulaires, les instruments de financement des exportations et d'assurances, et l'amélioration des transports) qui méritent d'être examinés de plus près si le Canada veut profiter des véritables avantages comparatifs qu'il possède et occuper les créneaux potentiels. Une mission commerciale «Équipe Canada», a-t-il suggéré, pourrait redonner un coup de fouet au commerce, un peu chancelant depuis quelques années. Selon certains témoins, le gouvernement fédéral pourrait se rendre utile autrement en créant, par exemple, un centre d'échange d'informations où les industries trouveraient des données sur les produits et les technologies des climats froids, ou encore en élargissant la représentation diplomatique et commerciale dans la région circumpolaire, particulièrement dans les vastes étendues du nord et de l'extrême est de la Russie. Dans le chapitre neuf, nous évoquerons plus en détail la promotion de nos liens économiques par le renforcement des relations avec les autres pays de l'Arctique. Soulignons néanmoins que ce thème est revenu constamment dans nos tables rondes à Ottawa, ainsi que lors de nos déplacements dans l'Arctique canadien et à l'étranger.

Avant de passer aux dimensions plus futuristes du commerce et des transports, nous aimerions évoquer une industrie exportatrice exceptionnelle, à savoir l'exploitation des fourrures provenant d'animaux sauvages, qui possède une longue tradition et qui revêt une importance capitale pour l'économie de nombreuses petites collectivités autochtones de l'Arctique canadien. Nous avons d'ailleurs mentionné ce sujet à plusieurs reprises au cours de notre étude, soulignant qu'il méritait une action vigilante et soutenue de la part du gouvernement canadien185. S'il est vrai que le commerce de la fourrure des animaux sauvages constitue une utilisation appropriée et durable des ressources renouvelables, la controverse soulevée au sujet des méthodes de piégeage prétendument «cruelles», controverse alimentée par les groupes de défense des droits des animaux et leurs adhérents au Parlement européen, a cependant amené l'Union européenne à imposer un embargo sur les importations en 1991. Cette mesure a été fermement contestée aux termes des règlements internationaux du commerce, par le Canada et d'autres grands exportateurs de fourrures, comme les États-Unis et la Russie. L'interdiction n'a pas encore pris effet, son entrée en vigueur ayant été reportée à plusieurs reprises durant les longues négociations multilatérales visant à l'adoption d'une norme de piégeage satisfaisante. Le Canada et la Russie ont conclu un accord provisoire avec la Commission européenne à la fin de 1996, mais, comme celui-ci n'a pas obtenu un agrément suffisamment large des gouvernements et des ministres européens, la menace demeure186.

Le Comité estime qu'il s'agit là d'une question importante laissée en suspens à l'égard de laquelle le Canada doit élaborer une stratégie de politique étrangère efficace. Dans l'Arctique canadien, des témoins ont plaidé en faveur d'une participation directe plus importante des populations autochtones à la conception des stratégies commerciales internationales et pour une utilisation du Conseil de l'Arctique comme voie d'accès. Dans son mémoire, Gary Bohner, de la Nation métisse a déclaré :

L'évolution des relations circumpolaires et de la coopération internationale exige que les Autochtones qui vivent du piégeage et de la chasse commerciale disposent de marchés libres pour soutenir leurs moyens de subsistance traditionnels et maintenir ainsi leur culture et obtenir l'indépendance économique. Le Conseil de l'Arctique peut promouvoir l'importance du piégeage sur le plan écologique de même que la libéralisation des échanges avec les autres pays circumpolaires [Mémoire du 30 mai, p. 7].
Toutefois, le Grand conseil des Cris du Québec a fortement critiqué la façon de procéder par le gouvernement jusqu'à aujourd'hui. Selon le conseiller Brian Craik, «le Canada n'a fait participer les Autochtones qu'au volet publicitaire et non pas au processus de normalisation du piégeage. [. . .] Concrètement, le Canada doit maintenant collaborer avec les Autochtones pour mettre sur pied, ici au Canada, des programmes de formation des trappeurs, de remplacement des trappes et de mise au point de nouvelles trappes. Cela doit se faire en collaboration avec les Autochtones [41:18-19].»

Il faut noter également que la présidente du Parlement finlandais a déclaré au Comité que le problème des fourrures provenant d'animaux sauvages n'avait pas beaucoup d'importance pour la population saami de ce pays et que la Finlande aurait tendance à se conformer au consensus de l'UE [réunion no 48 du 29 octobre 1996]. Le Danemark, quoique davantage intégré dans l'UE, aurait de meilleures chances de se ranger du côté du Canada dans ce dossier, en raison de l'importance que la question revêt pour le Groenland. C'est ce qui a été confirmé aux membres du Comité par Finn Linge, le représentant du Groenland à Bruxelles et expert réputé de ces questions187, au cours de rencontres au secrétariat des populations autochtones, à Copenhague. Néanmoins, le Canada doit faire preuve de créativité et d'énergie pour élaborer des stratégies commerciales circumpolaires qui appliquent les principes de l'utilisation des ressources renouvelables, très chères au coeur des populations autochtones. À ce propos, M. Milton Freeman, de l'Institut circumpolaire canadien d'Edmonton a demandé avec insistance qu'on fasse davantage d'efforts pour défendre les objectifs canadiens par une action circumpolaire conjointe accompagnée de divers arrangements internationaux qui risquent cependant de porter préjudice au développement d'un commerce circumpolaire durable.

Le développement de l'économie des ressources du Nord exige que l'on tente de surmonter les barrières artificielles au commerce international comme, par exemple, le Marine Mammal Protection Act et les directives de l'UE interdisant le commerce des peaux de phoques et des fourrures provenant d'animaux sauvages, ou les mesures de la Commission baleinière internationale interdisant l'utilisation commerciale de baleines non menacées, ou encore les sanctions non justifiées du secrétariat CITES contre le commerce de diverses espèces abondantes et non menacées. Le Canada, le Groenland, la Norvège et l'Islande devraient réunir leurs forces et chercher résolument à surmonter ces obstacles; aucun de ces pays ne fait partie de l'UE, et tous sont affectés par les mesures prises par l'UE et les États-Unis [Mémoire du 3 juin, p. 6].
À côté des exportations traditionnelles, les nouvelles technologies laissent entrevoir des possibilités prometteuses en matière de commerce, de transports et de communications dans la région circumpolaire. En même temps, elles exigent qu'on instaure des normes et des mesures de protection de l'environnement dans l'Arctique. Comme l'indique, parmi d'autres, le témoignage de M. Lock, il reste beaucoup à faire dans ce domaine. Faisant écho au témoignage du professeur Williamson au sujet de la technologie des brise-glaces, l'ancien capitaine de la Garde côtière canadienne Patrick Toomey a déclaré au Comité : «La flotte de brise-glaces commune à la Suède et à la Finlande dans la mer Baltique - dont la glace est bien différente de celle de l'Arctique - est mieux équipée et plus puissante que la nôtre. Nous ne devrions pas manquer l'occasion de prendre la situation en main. Si le Canada décide de se retirer des activités de déglaçage, je suis certain que les Russes, les Scandinaves et mêmes des entreprises commerciales pourraient s'intéresser à la construction de navires capables de maintenir la navigation dans l'océan Arctique» [20:3].

Toutefois, Patrick Toomey s'est hâté d'ajouter : «Si la navigation polaire est exploitée uniquement par des intérêts commerciaux, sans supervision ni réglementation gouvernementale, on va tout droit vers un désastre écologique et humain» [20:3].» Pour Oran Young, une institution circumpolaire comme le Conseil de l'Arctique pourrait servir à «adapter, pour l'Arctique, certains régimes et arrangements institutionnels internationaux. Nous pourrions, par exemple, examiner la possibilité de développer l'idée de MARPOL pour l'Arctique, c'est-à-dire désigner une zone spéciale aux fins des mesures antipollution ou plusieurs zones spéciales. Nous pourrions déterminer s'il est intéressant de donner suite à l'article 234 de la Convention sur le droit de la mer - un article bien connu dans les milieux canadiens - où il est question des eaux prises par les glaces, afin de voir s'il est souhaitable de concevoir une série de règles et de règlements circumpolaires qui régiraient la navigation dans ces régions glacées [40:6].»

Au sujet des intérêts futurs du Canada dans le domaine de la navigation circumpolaire, des technologies appliquées et des retombées commerciales, le Comité a beaucoup apprécié le témoignage de Martin Luce, président de la Compagnie de navigation Canarctic, entreprise conjointe du gouvernement fédéral et de l'industrie privée. Se fondant sur son expérience dans l'Arctique canadien, Canarctic a créé une filiale de services techniques appelée Enfotec, qui est actuellement engagée dans un projet majeur avec des partenaires russes, à savoir le système «Intaris» (système d'information intégré sur les ressources de l'Arctique) conçu pour appuyer la mise en valeur de la zone côtière de l'Arctique russe, et qui pourrait donner lieu à un système commercialisable d'applications circumpolaires pour la planification de projets, le contrôle de l'environnement et la prévision de la glaciation. Les membres du Comité ont pu évaluer les mérites de cette entreprise lors de rencontres avec les deux associés, canadien et russe, à l'institut de l'Arctique et de l'Antarctique, à Saint-Pétersbourg. D'ailleurs, nous développerons amplement au chapitre neuf l'angle «coopération technique» de cette activité.

Lors d'une table ronde antérieure, à Ottawa, M. Luce avait souligné que Canarctic était à l'origine de débouchés commerciaux et d'innovations technologiques (la société a lancé, par exemple, l'utilisation de la télédétection, des communications par satellite et des systèmes électroniques embarqués pour la navigation dans les glaces), et aussi d'une prise de conscience quant aux progrès accomplis dans les technologies de pointe, dans un contexte de gestion environnementale. Il a déclaré :

Canarctic surveille de près les effets de ses opérations sur l'environnement nordique, les habitants de cette région et leur mode de vie traditionnel. Notre entreprise collabore avec les groupes locaux pour documenter et réduire au minimum les effets environnementaux des opérations de ces navires sur le milieu physique de l'Arctique. À notre façon, nous avons apporté une petite contribution aux grandes connaissances du Canada sur l'évaluation environnementale, un domaine où le Canada peut certainement faire oeuvre de pionnier dans la région circumpolaire [20:9].
Cela nous ramène au thème sous-jacent essentiel que constitue l'intégration de la viabilité dans les initiatives économiques, en vue de la protection des écosystèmes de la région circumpolaire et du bien-être de ses collectivités humaines. Certes, ce qui précède traduit un grand optimisme quant aux futurs progrès du commerce, de la technologie et des transports, mais il reste encore de nombreuses lacunes et préoccupations à régler. Par exemple, un projet aussi important que celui de la «route maritime du Nord», dont nous avons discuté au cours de nos réunions en Europe, pourrait signifier une ouverture des eaux euro-arctiques et russes à un transit commercial polaire grandement accru et s'étalant sur toute l'année. On est alors en raison de se demander sérieusement si les accords circumpolaires existants sont suffisants pour assurer le respect des principes du développement durable188.

Pour le Canada, donc, le défi consiste à améliorer ses instruments de politique internationale de manière à pouvoir agir avec vigueur sur la scène circumpolaire et réaliser des progrès économiques par la libéralisation des échanges et l'élaboration de liens profitables, dans un cadre multilatéral respectueux des principes du développement durable. Le but ultime de la politique canadienne devrait être d'améliorer la sécurité et de renforcer la capacité économique des collectivités autochtones de la région qui, trop souvent dans le passé, ont subi les effets néfastes de forces puissantes qui échappaient à leur contrôle. C'est pourquoi nous avons consacré le prochain chapitre aux droits autochtones et à la responsabilité démocratique en tant qu'éléments nécessaires à la mise en place d'un cadre d'action pour le développement durable de la zone circumpolaire.

En conclusion de notre examen des priorités du développement économique dans un tel cadre, nous faisons les recommandations suivantes :


151
Terry Fenge, «Toward Sustainable Development in the Circumpolar North», document thématique préparé pour la Deuxième Conférence des parlementaires de la région arctique, Yellowknife, T.N.-O., mars 1996, p. 9.

152
Mary Simon, «Établir des partenariats» (1996), p. 3.

153
Ibid., p. 5.

154
Les dépenses fédérales diminuent depuis le début des années 1990, mais les dépenses publiques totales engagées au nord du 60e parallèle, exclusion faite des territoires septentrionaux provinciaux, s'élevaient encore à plus de 2,5 milliards de dollars en 1994-1995 pour les 27 organisations fédérales et les deux gouvernements territoriaux. Les transferts fédéraux représentaient près de 90 p. 100 des budgets des gouvernements territoriaux. Fait intéressant, le ministère de la Défense nationale est l'organisme fédéral qui dépense le plus dans cette région, suivi par Affaires indiennes et du Nord Canada (MAINC); ensemble, ces deux ministères sont responsables de plus de 50 p. 100 des dépenses directes du gouvernement fédéral. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ne figure même pas sur la liste. (MAINC, Plan annuel des dépenses dans le Nord 1994-1995, ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada, Ottawa, publié en 1996, en particulier le tableau 2, p. 12.)

155
Cet argument a été défendu en particulier par Kevin Knight de Unaaq Inc., une entreprise appartenant aux Inuit du nord du Québec et de la région de Baffin, et par Don Axford du Conseil pour le développement des entreprises inuit du Canada. (Voir le fascicule no 20.) Les témoins critiquaient habituellement l'absence de coordination au niveau fédéral, même si Tony Penikett, un ancien chef de gouvernement au Yukon, a plutôt mis l'accent sur un aspect positif : la diversité de plus en plus grande des initiatives prises par les habitants du Nord eux-mêmes, sans attendre l'appui ou les orientations du gouvernement fédéral (Voir le fascicule no 10).

156
Pour un profil socioéconomique extrêmement utile et détaillé, voir le Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones (1996), vol. 4 «Perspectives et réalités», chap. 6 «Le Nord», p. 435-582.

157
Voir par exemple l'article de W. Harriet Critchley, «L'importance internationale du développement économique des régions arctiques», Revue études internationales, mars 1989.

158
Sanjay Chaturvedi, The Polar Regions (1996), chap. 9 «Sustainable Development in the Arctic : Options and Obstacles», p. 236.

159
Voir Alf Håkon Hoel, Geir Runar Karlsen et Andreas Breivik, «Resources, Development and Environment in the Arctic», Arctic Challenges, conférence de Reykjavik de 1993, et Terry Fenge, «Achieving Sustainable Development in the Arctic Region», document préparé pour la conférence de Yellowknife, 1996.

160
Terry Fenge, «Toward Sustainable Development in the Circumpolar North», p. 4. Voir aussi son témoignage devant le Comité, séance no 10, 23 avril 1996.

161
Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones (1996), vol. 4, chap. 6 «Le Nord», p. 531 et 550-551, c'est nous qui soulignons.

162
À cet égard, les Principles and Elements for a Comprehensive Arctic Policy de la CCI ont constitué un point tournant (Centre d'études et de recherches nordiques, Université McGill, Montréal, 1992), en particulier la partie VI «Economic Issues». La préparation et la publication de ce document ont été rendues possibles grâce à l'aide de la Gordon Foundation et du ministère des Affaires internationales du gouvernement du Québec. Voir également le manifeste publié ultérieurement par la CCI elle-même, Agenda 21 from an Inuit Perspective, Ottawa, 1996 et sa publication de 1994 intitulée Circumpolar Sustainable Development.

163
Sanjay Chaturvedi, The Polar Regions (1996), p. 232, 284 et suiv.

164
Voir le compte rendu des enjeux des mégaprojets miniers dans l'Arctique et la proposition de la BHP en particulier dans «Mining in Aboriginal Homelands», Northern Perspectives, vol. 23, nos 3-4, automne/hiver 1995-1996 et dans Kevin O'Reilly, «Diamond Mining and the Demise of Environmental Assessment in the North», Northern Perspectives, vol. 24, nos 1-4, automne/hiver 1996.

165
Au sujet des problèmes courants lors de ruées vers les ressources (comme les diamants dans d'autres parties de l'Arctique), voir Sanjay Chaturvedi, The Polar Regions (1996), p. 239 et suivantes. Voir aussi au chapitre 9 le lien avec les questions de coopération arctique bilatérale avec le Canada. Sur le plan des conséquences pour les marchés internationaux, voir les propos d'un article récent : «The Canadian mine will add to the uncertainty in the diamond world», The Economist, 25 janvier 1997, p. 60.

166
«Update : Central Arctic Diamond Mine», WWF Working for Wildlife Quarterly Action Report, hiver 1996-1997, p. 3; «Environmental Group Drops Court Action», The Ottawa Citizen, 14 janvier 1997.

167
Jeffrey Simpson, «The Inuit and Innu Should Benefit from the Mine at Voisey's Bay», The Globe and Mail, Toronto, 31 janvier 1997.

168
Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones (1996), p. 544-546. Par contre, l'auteur d'une autre analyse, plus sceptique, soutient qu'il faut d'abord procéder à une évaluation environnementale plus poussée et envisage le problème central dans une perspective plus large : « L'activité minière peut-elle contribuer à la santé et à la viabilité à long terme des collectivités? C'est là une question qui intéresse tous les Canadiens et non pas seulement les Autochtones du Nord qui se considèrent comme responsables de la gestion de l'environnement dans leurs territoires traditionnels. Qu'ils soient autochtones ou non, tous les Canadiens veulent passer leur vie dans un milieu sain et viable. Il tombe sous le sens que, où que ce soit au Canada, les activités économiques doivent être conçues de manière à faire avancer les collectivités vers la santé et la viabilité, et non pas à les faire s'en éloigner.» (Susan Wismer, «The Nasty Game: How Environmental Assessment is Failing Aboriginal Communities in Canada's North», Alternatives Journal, 22:4, octobre/novembre 1996, p. 16.)

169
Sanjay Chaturvedi, The Polar Regions (1996), p. 233.

170
Cité dans ibid., p. 235.

171
Fikret Berkes et Helen Fast, «Aboriginal Peoples : The Basis for Policy-Making toward Sustainable Development», dans Ann Dale et John B. Robinson, éditeurs, Achieving Sustainable Development, Institut de recherche sur le développement durable et UBC Press, Vancouver, 1996, p. 254-255.

172
Lors d'une recontre avec le directeur de la recherche du Comité, Gerald Schmitz, à l'Université Cambridge, le 15 février 1997.

173
Selon le Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones (1996), les Inuit du Labrador «pratiquent la chasse commerciale du caribou et exploitent une usine de conditionnement moderne à Nain. Ils ont vendu leur viande en Europe lorsque les hardes de rennes ont été touchées par l'accident nucléaire de Tchernobyl. Les Inuvialuit de l'Arctique de l'Ouest font la chasse commerciale du boeuf musqué en hiver et vendent leurs produits sur les marchés japonais (vol. 4, p. 549).»

174
Comme l'a déclaré au Comité, le 18 février 1997, le président de la Commission canadienne des affaires polaires, Whit Fraser, «les produits alimentaires provenant de l'Arctique canadien pénètrent lentement les marchés de spécialités partout dans le monde et ils semblent pouvoir compter sur un avenir extrêmement prometteur. Si cela a pu être rendu possible, c'est dans une large mesure parce que ces produits ont la réputation d'être purs, sains et issus d'une nature sauvage, encore vierge. Je crains maintenant que le problème des contaminants ne menace la réalisation de ce potentiel commercial [66:5]».

175
Voir au sujet des diverses perspectives en matière de développement de ces industries culturelles de l'Arctique les articles suivants : «A Motherlode for Inuit Carvers» et «Decline of Printmaking Worries Artistic Community», The Ottawa Citizen, 5 et 6 janvier 1997.

176
Voir par exemple Peter Jacobs, «Le nord du Nord», Écodécision, printemps 1996, p. 70-72. Selon un autre sondage, les visiteurs, pour la plupart étrangers, «apportent de l'argent et du travail dans une région où l'un et l'autre font désespérément défaut [. . .] Les promoteurs touristiques pensent qu'ils ne font que commencer à exploiter cette fascination pour le Nord canadien que l'on retrouve dans de nombreuses parties du monde. L'un des marchés naissants à cet égard est celui du Japon. Les visiteurs de ce pays, qui n'étaient qu'une poignée il y a moins d'une décennie, ont été environ 1 700 à se rendre dans les Territoires du Nord-Ouest au cours de l'année dernière». (Brian Bergman, «Arctic Thrills», Maclean's, 17 juin 1996, p. 44-45.)

177
Voir «Guidelines for Arctic Tourism on the Way», WWF Arctic Bulletin, no 1.96, p. 12-13, qui fait état d'un atelier tenu en janvier 1996 à Svalbard et parrainé par le Programme de l'Arctique du Fonds mondial pour la nature et le Norwegian Polar Institute, où certains membres du Comité sont allés à Tromsø, en novembre 1996

178
Le chapitre 8 porte sur un éventail plus large de questions touchant la coopération circumpolaire en matière d'éducation.

179
Circumpolar Trade : The Canadian Agenda, compte rendu d'une conférence tenue à Edmonton, les 5 et 6 mars 1993, Commission canadienne des affaires polaires, Polaris Papers, vol. 1, no 3, mars 1994. Un autre programme de cette Commission qui devait permettre la création d'un système canadien d'information polaire a été abandonné, parce qu'il avait perdu le financement du gouvernement fédéral. Pour en savoir davantage là-dessus, voir le chapitre 8.

180
G.S.H. Lock, «Towards a Canadian Circumpolar Trade Policy», dans Lamb, éd., Une politique extérieure nordique pour le Canada (1994), p. 83-84.

181
Ibid., p. 84-85.

182
Comité mixte spécial, Procès-verbaux, fascicule no 13, 30 mai 1994, p. 55. Le professeur Williamson a expliqué qu'il avait été directeur associé de l'Institute for Northern Studies et responsable de l'Arctic Research and Training Centre «avant que ces organismes disparaissent faute de fonds», ce qui rappelle malheureusement que la vision circumpolaire de certains Canadiens n'est peut-être pas appuyée ou soutenue par les institutions.

183
Ibid., p. 55-56

184
Comité mixte spécial, Procès-verbaux, fascicule no 20, 1er juin 1994, p. 125.

185
Pour plus de 40 000 Canadiens autochtones, le piégeage représente un revenu et la possibilité de transmettre des valeurs et des compétences traditionnelles. Environ 40 p. 100 des exportations de fourrures d'animaux sauvages sont destinées aux marchés européens. Leur interruption représenterait une perte de plus de 25 millions de dollars par année pour le Canada.

186
«European Officials at Odds over Fur Ban», The Globe and Mail, Toronto, 18 décembre 1996. Il ne sera pas facile de convaincre tous les ministres de l'environnement d'accepter un accord pendant l'actuelle présidence néerlandaise, qui se terminera en juin 1997. Alors que les manoeuvres continuent, sur la scène diplomatique et à l'intérieur de l'UE (les ministres des affaires étrangères de l'UE, lors de leur réunion du 24 février, ont également demandé qu'on négocie des améliorations à l'entente de décembre), l'échéance de la prochaine décision devrait se dessiner d'après les dernières informations disponibles en février 1997.

187
Voir Finn Linge, Arctic Wars, Animal Rights, Endangered Peoples, University Press of New England, Hanover and London, 1992.

188
Voir, par exemple, Sanjay Chaturvedi, «Development and Management of Circumpolar Transportation/ Communications Networks», The Polar Regions (1996) p. 253-257.


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