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CHAPITRE 9 - LE RENFORCEMENT DE LA COOPÉRATION BILATÉRALE AVEC LES VOISINS DE L'ARCTIQUE


RELATIONS BILATÉRALES DANS L'ARCTIQUE CIRCUMPOLAIRE

Même si le Canada a été un chef de file dans l'établissement de la coopération entre les États arctiques, il a cependant ses propres intérêts bilatéraux dans ce domaine. Bien que le multilatéralisme demeure une caractéristique de la politique étrangère canadienne, il n'est cependant pas bien adapté à toutes les questions internationales, puisque certaines d'entre elles se règlent mieux par des ententes bilatérales. Lorsqu'on lui a demandé de commenter l'utilité du Conseil de l'Arctique pour le règlement de questions bilatérales précises, Oran Young a répondu : «Cette méthode me laisse très sceptique. Quand on pense à des projets plus concrets ou à des questions se rapportant à un sujet précis comme cela, on court le risque très réel de politiser le processus, ce qui n'est pas très constructif [40:21].»

A. RELATIONS CANADO-AMÉRICAINES DANS L'ARCTIQUE

La relation canado-américaine est l'une des plus intimes et des plus complexes du monde. Comme l'a déclaré l'ambassadeur Raymond Chrétien devant le Comité : «Il existe 230 accords entre nos deux pays, partant de la cogestion des troupeaux de caribous entre le Yukon et l'Alaska à l'ALENA, en passant par tout le reste [35:19].» Si les enjeux qui touchent l'Arctique ne sont qu'une petite partie d'une très vaste relation, leur importance est de plus en plus grande, puisque, comme nous l'avons vu, ils sont souvent très publicisés et fort controversés. En ce qui touche la souveraineté sur le passage du Nord-Ouest, l'expédition du navire-citerne américain Manhattan en 1969 a poussé le Canada à adopter sa Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques, tandis que l'expédition du navire de la garde côtière américaine Polar Sea en 1985 a incité notre pays à adopter un certain nombre de mesures couronnées par la conclusion de l'entente canado-américaine sur les brise-glace en 1988. Comme nous l'avons vu au chapitre quatre, les deux pays coopèrent depuis des décennies pour la défense dans le Nord. Certaines questions bilatérales n'ont cependant pas encore été réglées, comme le maintien de la protection de la harde de caribous de la Porcupine et de ses aires de mise bas critiques dans l'Arctic National Wildlife Refuge (ANWR) en Alaska, et diverses questions relatives à la souveraineté, qui exigeront une attention continuelle. Cependant, la question plus générale qui concerne la région de l'Arctique, et à laquelle le Canada pourrait contribuer, est le renforcement de l'engagement américain à l'égard de la coopération circumpolaire.

DIAGRAMME 1 - PROFIL COMPARATIF DES HUIT ÉTATS DE L'ARCTIQUE

PAYS

% DU TERRITOIRE SITUÉ
AU-DESSUS DU 60e PARALLÈLE

PEUPLES
AUTOCH TONES DANS LE NORD (est.)

COMMERCE DE MARCHANDISES AVEC LE CANADA
(en millions de
$ CAN)

HAUTS
FONCTIONNAIRES DE L'ARCTIQUE

Canada

30

52 000/
30 000 000

-

Ambassadrice Mary Simon

Danemark/

Groenland

100
(Groenland)

45 000/

55 000

(Groenland)

exportations can. :

117,5 (1996)

143,8 (1995)

importations can. :

354,2 (1996)

335 (1995)

Ole Peterson
(Danemark)

Lykke Thomsen
(Groenland)

Finlande

99

4 000/

5 120 000

exportations can. :

200,2 (1996)

221,5 (1995)

importations can. :

417,6 (1996)

455 (1995)

Ambassadeur Heikki
Puurunen

Islande

100

0/

265 000

exportations can. :

21,4 (1996)

17,1 (1995)

importations can. :

129,8 (1996)

59,9 (1995)

Ambassadeur

Ólafur Egilsson

Norvège

82

40 000/

4 250 000

exportations can. :

842,6 (1996)

773,7 (1995)

importations can. :

2,777 (1996)

2,314 (1995)

Ambassadeur Jon Bech

Fédération de Russie

45

1 000 000/

12 000 000

(pop. nordi que)

exportations can. :

319,1 (1996)

208,5 (1995)

importations can. :

448,7 (1996)

498,1 (1995)

Ambassadeur Nikolaï
Ouspensky

Suède

70

15 000/

8 820 000

exportations can. :

274,5 (1996)

343,2 (1995)

importations can. :

1,201 (1996)

1,305 (1995)

Ambassadeur Wanja
Tornberg

États-Unis

(Alaska)

15 (Alaska)

85 000/

550 000 (Alaska)

exportations can. :

224,438 (1996)

209,888 (1995)

importations can. :

157,344 (1996)

150,873 (1995)

Robert Senseney, chef des Affaires polaires, Départe ment d'État des États-Unis

Au cours de la Seconde Guerre mondiale et par la suite, les États-Unis ont proposé quelques ententes de coopération internationale dans l'Arctique, qui ont été rejetées par les autres États de l'Arctique. Cependant, ce sont les États-Unis qui, depuis quelques années, hésitent le plus à participer à des mécanismes circumpolaires comme le Comité international pour les sciences arctiques, la Stratégie de protection de l'environnement arctique et le Conseil de l'Arctique. Dans une déclaration conjointe au cours de leur réunion à Ottawa en février 1995, le président Clinton et le premier ministre Chrétien ont encouragé l'établissement du Conseil dans les plus brefs délais et donné leur aval à l'initiative, mais l'ampleur de l'engagement américain en matière de coopération circumpolaire n'est pas encore parfaitement établie. D'importantes divergences d'opinion séparent toujours les États-Unis, le Canada et d'autres États de l'Arctique au chapitre du développement durable et de l'utilisation des ressources vivantes de l'Arctique, pour ne nommer que celles-là. Ce n'est pas étonnant, et c'est à vrai dire la fonction précise du Conseil de l'Arctique de permettre aux États et aux habitants des régions de discuter des questions qui les touchent et de parvenir à un consensus. Cependant, la situation de l'Arctique doit pouvoir être débattue davantage dans tous les États, et particulièrement aux États-Unis, où, en raison du manque d'intérêt politique ou de leur caractère accessoire, ces questions ne reçoivent pas toute l'attention voulue.

Les États-Unis en tant qu'État de l'Arctique

Dans une optique mondiale, le défi peut-être le plus méconnu et le plus intéressant que doit relever l'Arctique tient au fait qu'il s'agit d'une région fondamentalement collective, qui doit être administrée comme un tout. Ce concept est tout à fait étranger à l'esprit américain, mais en Alaska, nous parlons chaque jour de propriété et de responsabilité collective. Le gouvernement, qu'il s'agisse de celui de l'État ou du gouvernement fédéral, possède la quasi-totalité des terres et des ressources. Ainsi, pour le gouvernement de l'Alaska, comme pour la plus grande partie de l'Arctique, le défi consistera à déterminer comment travailler tous ensemble. C'est ce que réussissent à faire les Esquimaux depuis toujours. L'engagement envers la collectivité est essentiel à la survie. Lorsque les chasseurs tuent un orignal, un caribou, un morse ou une baleine, ils le distribuent à toutes les familles du village. Et lorsque nous procédons à l'exploitation du pétrole sur notre versant nord, ce sont tous les habitants de l'Alaska qui en tirent profit249.
Walter Hickel, ex-gouverneur de l'Alaska

Comme l'a souligné Terry Fenge, «En achetant l'Alaska en 1867, les États-Unis sont devenus une nation arctique et ont jugé que leur région arctique avait une importance stratégique, tout d'abord pour des motifs économiques, puis pour des motifs de sécurité nationale, et plus récemment, pour des motifs liés à l'environnement mondial250.» Par conséquent, les États-Unis sont un État de l'Arctique depuis aussi longtemps que le Canada, mais l'Arctique n'a jamais été un élément important de la politique américaine ou de l'identité nationale. Comme le soulignait, en 1994, Elizabeth Leighton, spécialiste des politiques du secrétariat d'État américain au sujet de l'Arctique :

Malgré l'intérêt renouvelé qu'il suscite au chapitre de la recherche, d'une part, et le renforcement de l'engagement et de la sensibilisation des peuples autochtones et des groupes environnementaux, d'autre part, l'Arctique semble toujours devoir céder la place à d'autres grandes initiatives internationales et aux préoccupations pressantes des régions situées sous le 48e parallèle. De façon générale, les Américains ne ressentent aucun attachement historique ou culturel à l'Arctique, de sorte qu'il y a peu de pressions qui sont exercées de l'intérieur pour faire la promotion des programmes dans le Nord251.
L'Alaska compte pour environ 15 p. 100 de la superficie des États-Unis, et même si cet État est beaucoup plus petit que le territoire arctique de la Russie ou du Canada, Oran Young a fait remarquer que «. . .les États-Unis sont, en vertu de leur statut mondial de superpuissance, considérés comme un des trois grands États de l'Arctique252.» La première déclaration d'un président des États-Unis au sujet de la politique dans l'Arctique a été faite en 1971, en raison de la probabilité d'exploitation pétrolière sur le versant nord de l'Alaska. L'administration Reagan a réaffirmé et mis à jour cette déclaration en 1983, lorsqu'elle a préparé sa politique sur l'Arctique, qui était centrée sur quatre éléments fondamentaux : la protection des intérêts essentiels au chapitre de la sécurité; le soutien d'un développement rationnel; la promotion de la recherche scientifique; la promotion de la coopération internationale253. À l'exception de celles qui relevaient uniquement de la politique intérieure, les questions concernant l'Arctique ont été confiées à un groupe de travail fédéral mixte présidé par le Secrétariat d'État.

Après son élection, le président Clinton a ordonné un examen général de la politique environnementale internationale. Comme l'a déclaré le sous-secrétaire aux Affaires planétaires des États-Unis, Timothy Wirth, aux délégués présents à l'inauguration du Conseil de l'Arctique : «L'une de nos principales priorités à l'époque, c'était la politique arctique.» La nouvelle politique «exhaustive», rendue publique en septembre 1994, comportait d'importantes modifications de la démarche américaine en ce qui concerne l'Arctique. Ce qui est le plus remarquable, c'est que la «réponse aux besoins en matière de défense et de sécurité nationale après la guerre froide» figurait au dernier rang des six principaux objectifs, après la protection de l'environnement arctique et la conservation de ses ressources biologiques, une gestion des ressources naturelles et un développement économique de la région qui ne nuisent pas à l'environnement, le renforcement des institutions de coopération des huit nations de l'Arctique, la participation des peuples autochtones de l'Arctique aux décisions qui les concernent et, enfin, l'amélioration de la recherche et de la surveillance scientifique au sujet des enjeux environnementaux locaux, régionaux et mondiaux. Comme l'a mentionné Terry Fenge aux membres du Comité, «la nouvelle politique sur l'Arctique n'a que six pages, mais c'est probablement le meilleur petit énoncé de politique sur le Nord que j'aie lu. On y explore toute une gamme de thèmes autour du développement durable et des peuples autochtones [10:8]254». Comme l'expliquait le sous-secrétaire américain Wirth à Ottawa en septembre 1996 :

À notre avis, l'organisme qu'est le Conseil de l'Arctique et que nous établissons aujourd'hui cadre non seulement avec ces objectifs, mais incarne cette politique et nous offre une merveilleuse occasion d'atteindre nos objectifs. En tant que pays de l'Arctique, nous nous réjouissons de cette déclaration et nous nous engageons, de concert avec les autres pays de la région, à continuer d'accorder à l'Arctique toute l'attention qu'il mérite255.
Même si le Conseil de l'Arctique peut aider les États-Unis à s'engager plus profondément dans la grande question de la coopération circumpolaire, nos deux pays devront continuer à se pencher sur un certain nombre de problèmes qui existent depuis longtemps dans cette région.

Le cas de l'Arctic National Wildlife Refuge

Les pressions indirectes que subissent les États-Unis concernant l'environnement arctique et d'autres questions qui touchent la région trouvent peut-être leur meilleure illustration dans le cas de l'Arctic National Wildlife Refuge (ANWR) de l'Alaska, où l'on retrouve les principales aires de mise bas (ce qu'on appelle «les terres visées par l'article 1002») de la harde de caribous de la Porcupine. Comme nous l'avons vu au chapitre cinq, la harde migre annuellement entre le nord du Canada et l'Alaska, et les aires de mise bas les plus critiques sont situées dans les «terres visées par l'article 1002» de l'Arctic National Wildlife Refuge, en Alaska.

L'Alaska est demeuré un territoire jusqu'à l'adoption de l'Alaska Statehood Act en 1958, mais contrairement à la plupart des territoires du Nord dans le monde, il ne dépend plus financièrement du Sud depuis qu'on y a découvert du pétrole. L'Alaska représente maintenant environ le quart de la production de pétrole des États-Unis; les redevances et les impôts ont procuré à l'État un fonds permanent de 20 milliards de dollars dans lequel on puise pour distribuer chaque année un chèque de dividendes aux résidents de l'État. L'ex-gouverneur de l'Alaska, Stephen Cowper, a expliqué au Comité que le gouvernement fédéral possède 60 p. 100 des terres en Alaska, dont l'Arctic National Wildlife Refuge. Il a ajouté: «Il est bien évident que notre délégation au Congrès cherche à influencer fortement ces décisions. Il n'en reste pas moins qu'elles sont prises à Washington [58:13]».

On a bien tenté d'ouvrir certaines parties du refuge à l'exploitation pétrolière et gazière mais ces mesures ont été rejetées par les diverses administrations américaines successives, grâce, en majeure partie, aux protestations des milieux environnementaux du pays, et au puissant lobby de l'environnement à Washington, qui a qualifié le refuge de «Serengeti de l'Amérique». Le président Clinton a fait campagne contre l'ouverture du refuge en 1992, et son administration (dont le vice-président a un solide parti pris en faveur de l'environnement) s'est fermement portée à la défense du refuge, rejetant en décembre 1995 une loi qui y aurait permis l'exploitation des gisements pétroliers et gaziers. Pourtant, le fait que les pouvoirs de l'Alaska au Congrès soient disproportionnés signifie que l'administration doit continuer de miser sur son capital politique pour s'opposer aux efforts faits pour ouvrir le refuge au développement. De plus, le gouverneur démocrate de l'Alaska a maintenant rejoint les rangs des Républicains dans un consensus bipartite sur la question, de sorte que la protection accordée au refuge est toujours soumise à des pressions politiques internes. Comme l'a déclaré le gouverneur Tony Knowles au cours d'une réunion de cadres de sociétés pétrolières en novembre 1995, «De tous les enjeux auxquels est soumis l'Alaska, il n'y en a aucun auquel j'ai consacré plus d'énergie que celui d'amener le Congrès à accepter d'ouvrir le refuge de l'Alaska. . . Malheureusement, ce refuge est devenu un symbole national, une espèce de victoire à la Pyrrhus de l'environnement256».

Selon les partisans de l'ouverture du refuge au développement, celui-ci n'aurait pas nécessairement de répercussions négatives sur la harde de caribous de la Porcupine, principalement parce que le développement n'aurait lieu que sur une petite partie du refuge et qu'il serait effectué avec une nouvelle technologie moins dommageable pour l'environnement. Stephen Cowper a déclaré au Comité que, lorsqu'il était gouverneur, il était en faveur de l'ouverture du refuge au développement, mais qu'il a fait l'objet de critiques de la part de la délégation de l'Alaska au Congrès pour sa position «tiède» sur la question, qui prônait «. . .une surveillance gouvernementale rigoureuse de toutes les activités d'exploration et de mise en valeur dans cette région. J'ai dit également que je croyais qu'une partie de la région - je ne peux pas la qualifier de sensible, ce n'est pas le mot juste -, mais disons la zone critique pour la mise bas devrait rester interdite, mais pas l'ensemble de la plaine côtière. Je pense que ce serait exagéré [58:6-7].» Il a poursuivi en ces termes :

Je suis d'avis que la prospection et l'aménagement de cette région peuvent se faire de manière à ne pas nuire à la mise bas des caribous. La harde de caribous est une ressource d'une énorme importance. Le caribou habitait cette région longtemps avant l'arrivée des compagnies pétrolières. On peut aujourd'hui utiliser des techniques qui rendent possible l'exploration et la mise en valeur de ces régions sans que cela ait de grandes répercussions sur le troupeau lui-même [58:6].
Dans l'optique américaine, le débat sur le refuge concerne principalement l'environnement. Même si le Canada convient qu'il faut protéger la harde et son habitat pour des motifs environnementaux, la position ferme qu'il a adoptée sur la question reflète aussi le fait que la harde de caribous de la Porcupine revêt une importance capitale aux yeux des peuples autochtones, parce que leur culture et leur mode de vie sont fondés sur la présence des caribous. Comme l'a souligné un expert canadien, on devrait plutôt considérer cette région comme une «zone bioculturelle257». Lorsqu'il se trouvait à Whitehorse, le Comité a rencontré Joe Tetlichi, président du Conseil de gestion des caribous de la Porcupine créé par les autorités et les groupes autochtones du Canada afin d'assurer une gestion conjointe de la harde. Il a dit aux membres du Comité que la harde de caribous de la Porcupine est le fondement de la culture des Inuvialuit, des Gwich'in et des Inupiat (de l'Alaska). Le Canada a offert de jumeler ses zones protégées avec le refuge, et M. Tetlichi estime qu'il n'y a qu'une façon de protéger la harde à coup sûr : le Congrès américain doit accorder un statut de réserve intégrale aux terres du refuge visées par l'article 1002. L'éducation est capitale à ce sujet, et le Canada doit continuer d'exercer des pressions à tous les niveaux et à chaque occasion qui se présente pour que le refuge soit protégé, et les peuples autochtones doivent aussi poursuivre leur lobbying aux États-Unis (le lobbying des peuples autochtones au sujet de la fourrure et d'autres questions connaît beaucoup de succès depuis quelques années. Stephen Cowper a raconté au Comité avoir déjà vu un représentant autochtone téléphoner à la première ministre britannique Margaret Thatcher depuis une cabine téléphonique en Alaska, à Arctic Village, et réussir à obtenir son appui quant à l'embargo sur la fourrure [58:11]).

Selon l'ex-premier ministre du Yukon, Tony Penikett, l'avis des gens de la localité demeure primordial pour la résolution de ce genre de problème, et le cas de la harde de caribous de la Porcupine montre que les peuples autochtones et les gouvernements de tous ordres au Canada peuvent travailler ensemble à réaliser un objectif commun. Pour reprendre ses termes :

Souvent, Ottawa et Washington règlent directement ces problèmes sans vraiment connaître la situation locale. Je crois qu'il y a eu dernièrement une petite amélioration dans la mesure où les Affaires étrangères ont facilité la participation au débat des politiciens autochtones et régionaux surtout au niveau du lobby à Washington [10:23-24].
Même si la situation a quelque peu évolué là-bas dans les années 1970, le parcours de la harde du côté canadien, dont l'importance est moins critique, est désormais protégé dans deux parcs nationaux. La position du Canada au sujet du refuge n'a pas changé au cours des ans, et les comités parlementaires canadiens se sont penchés plusieurs fois sur la question de la protection de la harde de caribous de la Porcupine. À la dernière occasion, le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord de la Chambre des communes a conclu en 1994 : «Afin de véritablement protéger cette harde, des mesures législatives doivent être prises aux États-Unis pour s'assurer que les restrictions concernant l'exploration pétrolière et gazière dans les «terres visées par l'article 1002» ne sont pas simplement temporaires. La protection de ressources aussi vitales ne devrait plus être assujettie à la discrétion d'une administration particulière258.» En réaction aux recommandations de ce Comité, le Cabinet a confirmé la politique canadienne de protection des zones de mise bas de la harde de caribous de la Porcupine sur la plaine côtière de l'ANWR en Alaska.

Même si le Canada et l'administration Clinton ont défendu avec vigueur le refuge et la harde de caribous de la Porcupine, l'administration américaine est soumise à des pressions politiques continuelles. Cela laisse craindre que le développement du refuge puisse un jour être mis dans le même sac que d'autres questions visées par une entente plus large, par exemple un accord budgétaire omnibus. Comme l'explique Tony Penikett, cette crainte d'un règlement rapide des problèmes du Nord dans les capitales du sud ne se limite pas à l'ANWR :

Les habitants du Nord craignent depuis toujours que les grands pontes de Washington et d'Ottawa ne finissent par mettre toutes ces questions dans le même panier et fassent certains compromis sans tenir vraiment compte de leur avis ou de leurs aspirations. J'en veux pour preuve le Traité du saumon du Pacifique [. . .] Je crains, dans le cas particulier de la harde de caribous, qu'il n'y ait aucune solution possible sans la participation des Autochtones tout d'abord, puis des gouvernements régionaux de l'Alaska, du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest, et troisièmement, des nations [10:24].
Outre les efforts continuels de lobbying aux États-Unis, Terry Fenge et Nigel Bankes ont tous deux suggéré une stratégie complémentaire : tenter de faire protéger cette région par la Convention du patrimoine mondial de l'UNESCO. Comme l'explique Terry Fenge :

Le gouvernement canadien s'est montré très franc dans cette affaire et a fait de l'excellent travail depuis un an [. . .] Nous ne critiquons donc pas la politique canadienne à ce sujet. Toutefois, nous aimerions suggérer qu'à long terme, on recherche, aux termes peut-être de la Convention du patrimoine mondial, une désignation internationale pour cette région transfrontalière afin de lui assurer un niveau supérieur de protection et que l'on reconnaisse la région comme une ressource internationale [10:9-10].
Cette proposition est conforme à la suggestion que nous avons faite au chapitre cinq selon laquelle il faudrait utiliser les conventions internationales existantes de façon à ce qu'elles servent au mieux la région arctique. Compte tenu de l'impressionnant soutien manifesté durant nos voyages et nos audiences à l'égard d'une protection plus grande de cette ressource essentielle, nous pensons qu'il pourrait s'agir là d'une mesure fort valable.

Par conséquent:

Même si les intérêts du Canada semblent s'opposer directement à ceux de l'Alaska en ce qui concerne le refuge, le Comité a appris à Whitehorse que le Yukon et l'Alaska collaborent de très près dans un certain nombre d'autres domaines. Comme l'explique Tony Penikett :

Ce n'est pas très connu à Ottawa, mais par exemple, le Yukon a probablement conclu avec son plus proche voisin, l'Alaska, un plus grand nombre d'ententes intergouvernementales qu'avec toute autre administration, à l'exception d'Ottawa [. . .] Je tiens à souligner qu'aucune de ces ententes n'a été sanctionnée ou bénie par le ministère des Affaires étrangères. En fait, j'ai l'impression qu'on ne connaît même pas ici l'existence de la plupart d'entre elles. Je ne pense d'ailleurs pas que qui que ce soit, à Juneau ou à Whitehorse, ait même pensé à demander la permission d'Ottawa ou de Washington [10:11].
Par exemple, l'Alaska est d'accord avec la position du Canada sur des questions comme le commerce des fourrures et la nécessité de réviser la Marine Mammal Protection Act (MMPA) américaine. En fait, comme l'a fait remarquer Milton Freeman aux membres du Comité dans un mémoire écrit avant les élections américaines de novembre 1996, «le Congrès actuel semble très favorable à ce genre d'initiative encourageant l'utilisation durable (en grande partie en raison du leadership exercé au comité des ressources par le congressiste Don Young, de l'Alaska). [. . .] L'extrémisme du lobbying de la protection des animaux semble s'être atténué considérablement259

Mammifères marins

D'abord adoptée en 1972 et modifiée à plusieurs reprises, la Marine Mammal Protection Act impose un moratoire sur le prélèvement et l'importation de mammifères marins et des produits de mammifères marins aux États-Unis. La loi exempte les citoyens autochtones de l'Alaska, qui peuvent prélever des mammifères marins pour leur subsistance et la fabrication d'articles d'artisanat. Le Canada prétend que certaines dispositions de la loi sont injustes et restreignent de façon injustifiée les exportations canadiennes, en particulier parce que l'exemption s'applique aux Autochtones de l'Alaska, mais pas à ceux du Canada. Le Canada allègue aussi que les interdictions ne sauraient se justifier par des motifs de préservation, puisque la loi s'applique à une espèce qui n'est pas menacée, alors que les États-Unis participent déjà à des ententes internationales pour la gestion des espèces en voie de disparition. Le lobbying exercé par le Canada et des groupes d'intérêts américains a mené à une certaine libéralisation de la MMPA en 1994, mais les problèmes demeurent entiers.

Comme le souligne Milton Freeman dans un mémoire adressé au Comité, compte tenu des succès obtenus à ce chapitre en 1994, «la meilleure approche à l'heure actuelle pourrait être de recourir à l'intervention des membres du Congrès. . .» Par contre, le Congrès pourrait décider de renforcer une nouvelle fois la loi. De plus, comme l'ajoute Milton Freeman, les États-Unis ont déjà enfreint le droit international en ce qui concerne des activités semblables pratiquées par la MMPA, et «en vertu de l'ALENA, de l'OMC et du GATT, il devrait y avoir des recours au sujet de certains aspects de la MMPA qui limitent de façon déloyale le commerce (par exemple en ce qui touche les interdits d'importation des produits du Nord canadien)260». Stephen Cowper admet que la délégation de l'Alaska au Congrès a appuyé la libéralisation de la MMPA, comme l'a fait le Forum nordique. Comme il le déclarait devant le Comité :

Je sais que le Forum nordique vous appuierait là-dessus. C'est d'ailleurs une question qui a fait l'objet de discussions à certaines de nos réunions. . . C'est une question que la délégation de l'Alaska au Congrès a l'intention de porter à l'attention du gouvernement américain actuel, en y mettant tout le poids nécessaire. Nous comprenons effectivement les difficultés que cela représente, et nous aimerions pouvoir améliorer la situation, au moins pour permettre le commerce entre les territoires et les régions arctiques [58:11].
Par conséquent :

La pêche à la baleine est un problème connexe qui suscite beaucoup de controverse depuis un an. Comme l'a fait remarquer Oran Young, les pressions politiques exercées dans le domaine de l'environnement trouvent le plus souvent leur origine dans les métropoles urbanisées des États de l'Arctique «généralement insensibles aux préoccupations des collectivités arctiques261». «À cet égard, précise-t-il, le régime international mis en place pour les baleines et la pêche à la baleine pendant la période qui a suivi le passage de la conservation à la préservation, à la fin des années 1970, constitue un exemple frappant : en effet, le régime en question a contraint les résidents de l'Arctique à consacrer beaucoup de temps et d'énergie à la protection de leur droit de continuer à pêcher des baleines262.» S'il existe des mécanismes multilatéraux pour corriger ces problèmes, ils sont trop souvent, souligne Oran Young, dominés par des intérêts non arctiques (la Commission baleinière internationale compte quelque 40 États membres), et les habitants des régions du Nord jugent souvent préférable que leurs problèmes soient résolus de manière bilatérale.

La Constitution du Canada accorde aux Autochtones le droit de pêcher la baleine à des fins de subsistance; en 1996, le Canada a émis des permis pour permettre aux Autochtones de l'est et de l'ouest de l'Arctique de pêcher une baleine boréale chacun, ce qu'ils ont fait. Alléguant que cette pêche, si minime fut-elle, diminuait l'efficacité de la Commission baleinière internationale (CBI), le gouvernement des États-Unis a «certifié» l'infraction du Canada en vertu du «Pelly Amendment» à la fin de 1996, et a menacé de restreindre les importations canadiennes en guise de représailles. En fait, les Inupiat de l'Alaska ont l'autorisation de pêcher 204 baleines boréales sur une période de quatre ans; ainsi, le problème n'est pas une question de chiffres : c'est plutôt le fait que les États-Unis sont membres de la CBI, tandis que le Canada ne l'est pas. La CBI a été créée pour veiller au développement harmonieux de la pêche commerciale à la baleine, que le Canada a bannie en 1972. Le Canada continue de siéger aux réunions de la CBI en qualité d'observateur officiel et de contribuer aux travaux de son comité scientifique, mais il a conclu qu'il n'avait plus de raison d'en être membre et a quitté l'organisme en 1982.

Selon des rapports de presse, les États-Unis craignent un effondrement de la CBI si le Canada n'en réintègre pas les rangs; en retour d'une réintégration du Canada, les États-Unis ont offert de contribuer à modifier les règles de la CBI afin de permettre que la pêche de subsistance de la baleine boréale au Canada se poursuive263. En février 1997, le président Clinton a annoncé qu'il n'interdirait pas les importations de produits canadiens en raison de ce problème, mais il a ajouté que les États-Unis n'aborderaient pas le sujet des mammifères marins ni le commerce des produits de mammifères marins au Conseil de l'Arctique, et que le Canada ne pouvait demander la suspension du moratoire imposé sur l'importation des phoques ou des produits connexes aux États-Unis. Depuis longtemps, le Canada dit qu'il ne rejoindra pas les rangs de la CBI, mais comme nous le verrons plus loin, il peut peut-être décider de joindre les rangs de la North Atlantic Marine Mammal Commission (NAMMCO).

Enfin, la dernière série de questions bilatérales concernant l'Arctique - et ce sont peut-être les plus difficiles à résoudre - a trait à la souveraineté. Le Canada et les États-Unis continuent de se disputer la souveraineté du passage du Nord-Ouest, mais comme nous l'avons vu au chapitre quatre, Donald McRae allègue que le Canada a fait tout ce qu'il pouvait pour renforcer sa position, hormis l'installation d'un système de surveillance sous-marin. Tony Penikett décrit en ces termes l'autre problème de longue date, à savoir «la zone contestée riche en pétrole au large du Yukon et de l'Alaska [10:24]». Le Canada affirme que la frontière internationale sur terre et en mer a été établie le long du 141e méridien par le traité de 1825 entre la Grande-Bretagne et la Russie, qui lie le Canada et les États-Unis. Les États-Unis affirment que la frontière devrait être tracée selon une ligne perpendiculaire à la côte, au point où la frontière rencontre la mer264. Même si ce problème est en quelque sorte plus simple que le conflit du passage du Nord-Ouest, il n'est pas non plus susceptible d'être résolu rapidement.

Renforcement de la coopération circumpolaire

Je crois qu'une des vertus du Conseil de l'Arctique [. . .] pourrait être non pas la résolution de ce genre de problèmes bilatéraux, mais bien l'acquisition de connaissance, de sensibilité, de conscience et de compréhension [. . .] qui découle de la participation à ces tribunes, ou aux travaux d'un organisme de ce genre, qui pourrait être utile en sensibilisant les diplomates responsables de ces négociations à l'évolution, aux attentes et aux aspirations des peuples de la région [10:24].
Tony Penikett

Dans son discours sur l'état de l'Union en février 1997, le président Clinton a de nouveau mis l'accent sur la politique étrangère, qualifiant les États-Unis de «nation indispensable». Malheureusement, si l'accord des États-Unis est nécessaire dans une tribune comme le Conseil de l'Arctique, qui fonctionne par consensus, la perception américaine selon laquelle les États-Unis sont également indispensables dans l'Arctique a créé un malaise parmi les États de l'Arctique. Non seulement les États-Unis ont hésité à joindre les rangs du Comité international pour les sciences arctiques et n'ont accordé que du bout des lèvres leur soutien à la SPEA, mais ils ont aussi montré de la réticence à appuyer l'établissement d'un Conseil de l'Arctique pour des motifs de double emploi et de coût. Comme l'a expliqué Garrett Brass au Comité :

Il y a eu une certaine hésitation de la part des États-Unis pour deux raisons. Premièrement, lorsque la décision a été prise de participer au Conseil, on ne savait pas très bien quel était le problème de la SPEA ni pourquoi nous avions besoin du Conseil pour le régler. Deuxièmement, nous avions déjà fait, selon notre propre autocritique, ce que nous considérions comme un travail plutôt médiocre dans le cadre de la SPEA, en raison des réductions budgétaires. Nous ne voulions pas faire un travail encore pire au Conseil, si ses responsabilités étaient plus vastes. Je pense que cette deuxième raison est toujours valide [62:13].
Même après que la décision politique de participer au Conseil eut été prise au début de 1995, la négociation des détails concernant cette adhésion a pris du temps. Leif Halonen, du Conseil saami, a déclaré aux membres du Comité à Tromsø que les autres États de l'Arctique ont «cédé» aux pressions des États-Unis afin d'inaugurer le Conseil de l'Arctique en 1996. Des représentants de la Conférence circumpolaire inuit, qui participaient aux négociations en qualité de participants permanents, ont décrit en ces termes l'«extraordinaire revirement» observé à la dernière étape des négociations :

En avril 1996, les huit gouvernements des pays arctiques, la CCI, le Conseil saami et l'association qui représente les Autochtones de la Russie ont entériné la version préliminaire d'une déclaration sous réserve de modifications mineures. En juin 1996, les États-Unis ont envoyé un nouveau chef de délégation aux négociations du Conseil de l'Arctique, qui arrivait avec une position contraire aux principales dispositions de la déclaration préliminaire d'avril. Les modifications demandées - et il y en avait beaucoup - tenaient particulièrement au statut des peuples autochtones au sein du Conseil. . . Au cours des négociations qui ont suivi, durant l'été, l'opinion américaine, appuyée à divers degrés par d'autres États, a été intégrée à la version finale de la déclaration265.
David Scrivener confirme cette déclaration, précisant aux membres du Comité à l'Université Cambridge que, face à l'ultimatum des États-Unis, le Canada et les autres États ont décidé d'aller de l'avant, quitte à modifier le programme plus tard. Même après la signature de la déclaration, les États-Unis semblent opposés aux autres États de l'Arctique sur les grandes lignes du mandat du Conseil. En effet, ils préconisent une réunion ministérielle tous les deux ans, alors que les autres États souhaiteraient s'inspirer du modèle de la SPEA, où l'on continue d'effectuer un travail important entre les réunions ministérielles. Il se pourrait que les États-Unis, maintenant qu'ils sont engagés face au Conseil, veuillent simplement s'assurer que les détails organisationnels sont dûment réglés dès le départ; cependant, des critiques estiment qu'ils tentent simplement de retarder les travaux du Conseil jusqu'en 1998, moment où ils espèrent accéder à la présidence.

Il y a une autre possibilité : le peu d'importance qu'accordent habituellement les États-Unis aux questions qui concernent l'Arctique et l'absence d'intérêt de la part du public ou des autorités politiques supérieures amènent la bureaucratie intermédiaire chargée de la politique étrangère à n'accorder qu'une importance encore plus minime à la coopération circumpolaire en général et au Conseil de l'Arctique en particulier. Cette situation peut être renforcée par un manque de ressources. En réponse à une question au sujet des ressources consacrées aux questions circumpolaires par les divers États de l'Arctique, Mary Simon a déclaré ceci au Comité : «Pour ce qui est des États-Unis, les représentants avec lesquels nous traitons viennent du Secrétariat d'État. Il nous semble qu'ils n'ont pas beaucoup de ressources à consacrer à leurs travaux dans l'Arctique ou au Conseil de l'Arctique. Voyez, par exemple, la façon dont ils ont financé la SPEA [. . .] Tout dépend de ce qui les intéresse vraiment.» [15:29-30].

George Newton a admis que les questions relatives à l'Arctique suscitent traditionnellement peu d'intérêt aux États-Unis, ce qui donne à croire que, s'ils ne font pas face à une menace imminente de la part des pays de l'Arctique soutenue par les médias, le public et les politiciens des États-Unis ne verront tout simplement aucune raison de se pencher sur ces questions. Il a précisé sa pensée en ces termes :

Mon sentiment est que nous nous intéressons au pays qui, de l'avis des gens, présente un enjeu réel. L'Union soviétique ne constitue plus une menace, car elle n'existe plus. Je vous dis les choses telles qu'elles sont, ou telles qu'elles sont perçues. Par conséquent, étant donné que l'on ne craint pas qu'il se passe quelque chose dans l'Arctique qui présente un danger grave et immédiat pour notre pays ou pour le monde, et du fait que nos ressources sont limitées, nous devons donc les utiliser pour parer aux situations réellement préoccupantes [62:19].
Au sujet du Conseil de l'Arctique, il a ajouté ceci : «Je pense que c'est un mécanisme qui fonctionnera si les gens qui y participent veulent qu'il fonctionne; c'est la même chose en ce qui concerne le développement durable. De mon point de vue, il faut faire en sorte que les organismes participants - et cela s'applique particulièrement aux États-Unis - approfondissent leur connaissance en la matière [62:21]».

Stephen Cowper a admis que le Conseil de l'Arctique pourrait jouer un rôle important dans l'amélioration de la coopération dans la région, et a même exprimé l'espoir d'avoir l'appui de la délégation de l'Alaska au Congrès. Pour reprendre ses termes :

L'Alaska, vous pouvez l'imaginer, ne parle pas souvent d'une seule voix. Nous sommes évidemment aussi divisés que la plupart des autres populations du Nord. Mais en Alaska - et c'est certainement vrai pour nos trois membres du Congrès -, on ne voulait pas que les gouvernements nationaux fassent des concessions sur certaines questions qui, à notre avis, devaient être absolument de la compétence du gouvernement de l'État. Pour dire les choses un peu plus brutalement, on n'avait pas une grande confiance dans le département d'État américain.
En tout cas, on sait maintenant qu'il y a un Conseil de l'Arctique. . . qu'il est là pour durer, et que les États-Unis y ont un rôle à jouer. Je pense qu'à partir de maintenant notre délégation au Congrès sera disposée à collaborer. Les trois membres alaskiens du Congrès président d'ailleurs des comités importants, et je pense qu'ils seront remarqués [58:11-12].
Même avec le soutien de la délégation de l'Alaska au Congrès, le Conseil de l'Arctique ne résoudra pas toutes les questions en suspens, comme par exemple l'utilisation des mammifères marins. Pourtant, il peut quand même contribuer à faire avancer la recherche de solutions. Comme l'a précisé Oran Young devant le Comité :

Parfois, les institutions internationales connaissent du succès non pas seulement parce qu'elles prennent des mesures bien concrètes, mais aussi parce qu'elles aident à faire ressortir les questions qui présentent un intérêt public, à les rendre plus transparentes, à encourager le débat - non pas tellement pour trouver des solutions à ces problèmes, mais plutôt pour définir les préoccupations de politique générale [40:10].
Le Canada a joué un rôle important lorsqu'il s'est agi de convaincre les États-Unis d'accepter la création d'un Conseil de l'Arctique; il peut peut-être jouer un rôle encore plus important lorsqu'il faudra veiller à ce que les questions relatives à l'Arctique aient une plus grande visibilité et suscitent un intérêt plus grand dans les tribunes politiques et stratégiques aux États-Unis. Sur le plan politique, les déclarations conjointes faites à l'occasion de réunions au sommet, comme celle de 1995, se révèlent très utiles, tout comme les réunions annuelles du groupe interparlementaire Canada-États-Unis. Les politiciens doivent cependant s'intéresser à de nombreuses questions, et il faut prévoir des mécanismes pour veiller à ce que la résolution des problèmes de l'Arctique demeure également prioritaire chez les bureaucrates. Plutôt que de simplement laisser la résolution de ces problèmes aux instances circumpolaires ou bilatérales générales, nous avons maintenant l'occasion d'appliquer un autre mécanisme de consultation permanente, grâce auquel les deux pays pourront discuter des questions générales qui concernent l'Arctique.

Même si le Conseil de l'Arctique ne doit pas se réduire à un assemblage de blocs régionaux, les États nordiques ont déjà établi des mécanismes de consultation sur les questions qui concernent l'Arctique hors du Conseil, et il serait précieux de pouvoir compter sur un mécanisme canado-américain semblable pour débattre des questions qui concernent la région arctique de l'Amérique du Nord. En faisant en sorte que les bureaucrates continuent de s'intéresser à l'Arctique et en forçant chaque intervenant à se préparer continuellement pour des réunions périodiques, ce mécanisme pourrait contribuer à l'établissement de consensus et, peut-être, à la résolution de conflits de longue date. Même si le Danemark est déjà représenté au Conseil nordique, on pourrait aussi envisager d'y inclure des représentants du Groenland, qui fait partie de l'Arctique nord-américain.

Puisque le Comité a déjà recommandé de renforcer la capacité du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international de s'occuper des questions circumpolaires, il vaudrait mieux confier ces réunions bilatérales périodiques au Bureau de l'ambassadrice aux affaires circumpolaires et à la division de la liaison circumpolaire qui est proposée. En lui confiant la responsabilité des questions bilatérales concernant l'Arctique, on sera sûr que leur importance sera continuellement reconnue.

Par conséquent :

B. RELATIONS ENTRE LE CANADA ET LES AUTRES PAYS NORDIQUES AU SUJET DE L'ARCTIQUE

Si nous faisons le choix géopolitique de mettre l'Arctique dans une position centrale - je ne dis pas unique, mais centrale - dans notre façon de penser notre politique étrangère, cela signifiera que nous mettrons ensemble toute une série de problèmes qu'habituellement nous traitons séparément, à commencer par la gestion de nos relations avec tous les pays du monde circumpolaire.
Je suis très étonné de constater, quand on fait l'analyse de la politique étrangère du Canada, que des pays comme les pays scandinaves, qui étaient ce qu'on appelait autrefois des like-minded countries, n'aient suscité plus d'intérêt dans le cadre de notre politique étrangère, alors que nous avons des affinités et des similitudes considérables avec eux [47:7].
Paul Painchaud

Le Canada entretient d'excellentes relations avec tous les pays nordiques : le Danemark (Groenland), la Finlande, la Norvège, la Suède et l'Islande. Comme Mme Marianne Stenbaek, de l'Université McGill, l'a signalé au Comité : «Le Canada est à la fois un pays arctique et un pays septentrional - et, on pourrait être tenté d'ajouter, un pays nordique, car les similitudes entre les six pays l'emportent sur leurs différences [18:30-31]». Il existe très peu de différends bilatéraux graves entre ces pays, et par conséquent, comme l'ont souligné les participants à la conférence de 1994 sur la politique étrangère du Canada dans le Nord, le principal danger réside peut-être dans le fait que ces pays tiennent leurs bonnes relations pour acquises. Les rencontres du Comité dans quatre des cinq pays nordiques (il n'a pas été en mesure d'aller en Islande) l'ont grandement aidé à se faire une opinion sur le Conseil de l'Arctique et sur la coopération circumpolaire, et l'ont aussi convaincu qu'on ne doit pas tenir pour acquises les relations bilatérales avec ces pays ni en faire fi.

Mme Stenbaek a attiré l'attention du Comité sur les nombreuses similitudes entre le Canada et les pays nordiques :

En effet, le Canada, le Danemark, les îles Féroé, le Groenland, l'Islande, la Norvège, la Suède et la Finlande ont en grande partie la même géographie et en maints endroits un climat arctique/subarctique similaire; par conséquent, bon nombre de leurs principales activités économiques et préoccupations environnementales sont les mêmes. Sur une note un peu plus subjective, on peut affirmer que la population de ces six pays semble avoir une mentalité et un tempérament semblables et partager des attitudes et des valeurs similaires caractérisées par la tolérance, le dur labeur et un respect fondamental des autres.
Ces six pays constituent aussi des démocraties parlementaires ayant adopté des philosophies politiques qu'on pourrait décrire, en termes généraux, comme un unique mélange nordique de capitalisme, de social-démocratie et de diverses versions de l'État providence. Ces six pays disposent tous d'un système de sécurité sociale bien développé qui offre notamment des soins de santé universels, un enseignement postsecondaire et universitaire gratuit ou abordable de même que des prestations de retraite [. . .] Bon nombre des principales industries et entreprises du Canada et des pays du Nord sont aussi assez similaires : les pêches, l'agriculture, l'exploitation des gisements pétroliers et gaziers, les mines, la fabrication très spécialisée et le tourisme [. . .] Ainsi, en d'autres mots, tout projet de coopération future serait fondé sur des bases solides266.
Les pays doivent faire face aux mêmes défis, qu'il s'agisse de problèmes environnementaux et économiques, comme l'épuisement de stocks importants de poisson, ou de difficultés liées au fait d'être situé près d'un pays plus important et d'avoir à composer avec l'apparition de grands blocs commerciaux. Le Canada et les pays du Nord croient au caractère essentiel de la protection de l'environnement et du développement durable, et, comme l'a avancé Mme Stenbaek devant le Comité, nombre de ces questions peuvent s'inscrire dans un examen complet du développement durable relevant du Conseil de l'Arctique, accompagné d'une coopération dans des domaines comme les sciences de l'Arctique et le développement et l'utilisation de nouvelles technologies de l'information267. Comme nous l'avons vu au chapitre huit, M. Peter Burpee et Mme Brenda Wilson, de l'Université McGill, ont laissé entendre que le recours croissant à ces technologies et le partage des expériences connexes pourraient contribuer largement au progrès de la coopération dans des domaines comme l'enseignement à distance, où le Canada et les pays du Nord jouissent d'une expertise différente.

Comme nous l'avons vu dans les chapitres précédents, certains témoins ont fait valoir que si le Canada veut établir une politique étrangère viable pour l'Arctique, il doit d'abord déterminer la démarche qu'il adoptera pour ses propres régions nordiques. En Scandinavie, nous avons été très impressionnés par la rigueur avec laquelle les pays du Nord établissent et cherchent continuellement à réaliser leurs objectifs relatifs à l'Arctique. D'un point de vue international, il est particulièrement impressionnant de constater le niveau de coopération que les pays ont établi au fil des décennies, grâce à des mécanismes comme le Conseil nordique, que l'on a présenté en détails au Comité à Copenhague et à Helsinki.

Comme l'a signalé l'ancien premier ministre du Yukon, Tony Penikett, au Comité : «. . . le Nord circumpolaire n'est pas très peuplé. On constate qu'un genre de communauté internationale du Nord émerge, une sorte de prise de conscience collective dans le Nord [10:13]». Il en découle qu'«il y a dix ans, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest envoyaient des missions commerciales axées sur le développement durable en Scandinavie [10:11]». Toutefois, les liens entre les diverses nations ne sont pas toujours officiels et, selon M. Penikett, le ministère des Affaires étrangères a parfois été lent à reconnaître ce fait. Voici ce qu'il a déclaré au Comité :

Il y a quelques années, j'étais en Scandinavie pour des négociations avec des compagnies d'extraction minière et de hauts fourneaux. Avant de partir, j'ai téléphoné aux Affaires étrangères pour voir s'il serait possible d'organiser une visite de courtoisie chez un vieil ami avec lequel j'avais travaillé au sein d'un comité, pour le compte de mon parti et du sien, en Europe, pendant plusieurs années. Ce vieil ami est maintenant le ministre des Affaires étrangères d'un pays scandinave, et je pensais passer le voir. Les Affaires étrangères ont répondu à mes assistants qu'un représentant d'un gouvernement territorial n'était vraiment pas suffisamment important pour demander à rendre visite à un ministre d'un véritable pays, et que nous ne devrions donc même pas nous donner la peine d'essayer.
Toutefois, lorsque je suis arrivé dans la capitale de ce pays, je me suis dit qu'après tout, j'allais lui téléphoner. J'ai donc pris le téléphone, et c'est le ministre des Affaires étrangères lui-même qui a répondu. Il m'a demandé ce que je faisais là et pourquoi je ne l'avais pas prévenu. Je lui ai dit que j'avais essayé. Il m'a dit que le Parlement était en crise et que le gouvernement tomberait peut-être cette nuit-là, mais il m'a demandé de passer le voir pour le petit déjeuner le lendemain matin. J'ai accepté. Il m'a donné quelques messages à transmettre à notre ministre des Affaires étrangères sur des irritants communs et nous avons pris le petit déjeuner [10:12-13].
Sur la scène internationale, le Canada et les pays du Nord partagent des points de vue communs sur des questions importantes telles que les droits de la personne, l'aide au développement et le maintien de la paix. Ils ont aussi apporté beaucoup de soutien aux Nations Unies, et ont travaillé ensemble à la réforme de cette organisation. Puisqu'ils sont situés sur des continents différents, le Canada et les pays du Nord ont évidemment conclu des accords commerciaux avec leurs voisins; les échanges commerciaux du Canada avec les pays du Nord en 1995 (6 milliards de dollars), correspondaient tout de même à environ 90 p.100 de ses échanges avec le Mexique (6,5 milliards de dollars). Par contre, il s'agit surtout de déterminer si la participation de quatre des pays du Nord à l'Union européenne et celle du Canada à l'ALENA réduiront la coopération entre le Canada et les pays du Nord.

Même si les liens économiques sont importants, l'établissement du Conseil de l'Arctique permettra de concentrer l'attention sur la coopération circumpolaire. Cela ne peut être qu'avantageux pour les relations entre le Canada et les pays du Nord, surtout si, comme nous l'avons recommandé, on accorde une attention toute spéciale à l'augmentation de la participation de l'élément parlementaire au Conseil. Comme nous l'avons appris pendant notre périple en Scandinavie, les pays du Nord, même s'ils appuyaient la notion d'un Conseil de l'Arctique, s'inquiétaient généralement de ce que la Stratégie de protection de l'environnement arctique puisse être affaiblie sous l'égide d'un conseil doté d'un mandat plus large. Le Comité a aussi accepté le conseil selon lequel on doit mettre l'accent sur la nature circumpolaire du Conseil de l'Arctique afin de ne pas créer de rivalité entre les pays ou les régions.

Relations entre le Canada et la Norvège

Les rencontres du Comité à Oslo et à Tromsø, en Norvège, sont des points saillants de l'étude, puisque les membres du Comité ont eu l'occasion de prendre connaissance des grandes questions qui touchent les Norvégiens : la composante nucléaire dans le nord de la Russie, l'évaluation et la prolongation de la SPEA, et la création, par le peuple saami du nord de la Norvège, d'un centre d'études saami à l'Université de Tromsø, qui lui permettra à la fois de conserver son identité et de prospérer dans le monde moderne.

David Scrivener, de l'Université Cambridge, et Richard Langlais, à Stockholm, ont tous deux fait remarquer que le Canada et la Norvège sont, en quelque sorte, des rivaux naturels en ce qui concerne le rôle de chef de file des pays de l'Arctique. Ils ont tous deux conseillé au Comité de s'assurer que le Canada n'impose pas son point de vue dans le cadre de ses travaux avec le Conseil de l'Arctique et dans d'autres domaines liés à la coopération circumpolaire. Le Canada et la Norvège coopèrent depuis longtemps dans la région. On pourrait dire que les liens qui unissent les deux pays sont nés il y a mille ans, quand les Vikings ont tenté de s'établir à l'endroit qu'on appelle maintenant Terre-Neuve. Les explorateurs norvégiens étaient parmi les premiers à explorer l'Arctique canadien; le Comité a tiré beaucoup de plaisir de sa visite du musée maritime d'Oslo, où une exposition commémorait les nombreuses expéditions, norvégiennes et autres, dans le passage du Nord-Ouest, au fil des siècles. Nous devrions souligner l'existence de ces faits historiques lorsque nous en avons l'occasion. Par exemple, dans le cadre du projet visant à commémorer le centenaire de l'expédition d'Otto Sverdrup, qui aura lieu en 1998, un groupe de Canadiens et de Norvégiens referont le périple de Sverdrup, qui avait quitté la Norvège en 1898 en vue d'explorer, d'étudier et de cartographier le Nord canadien268.

La Norvège est le plus important partenaire commercial du Canada parmi les pays du Nord, puisque la moitié des échanges commerciaux entre le Canada et ces pays se font avec elle, et qu'elle est un investisseur important dans des projets comme les champs pétrolifères Terra Nova et Hibernia, au large de Terre-Neuve. Par contre, comme l'a reconnu l'ambassadeur du Canada François Mathys, devant le Comité à Oslo, les relations bilatérales sont excellentes, mais sous-développées. Au cours des dernières années, en ce qui concerne l'Arctique, la Norvège a mis l'accent sur ses relations avec la Russie et sur les problèmes nucléaires de la Russie. La Norvège a dirigé l'établissement du conseil de la région euro-arctique de la mer de Barents en 1992, et, comme nous l'avons vu au chapitre quatre, a contribué à faire du problème de la pollution nucléaire dans le nord de la Russie une question d'intérêt international. Nous avons déjà recommandé que le Canada participe au nouvel accord, l'Arctic Military Environmental Cooperation (AMEC), que la Norvège a conclu avec la Russie et les États-Unis; nous estimons que cela permettra à la fois d'aborder une des plus importantes questions concernant la région et d'accroître la coopération entre le Canada et la Norvège.

Une autre grande question qui touche à la fois le Canada et la Norvège est la gestion et l'utilisation des mammifères marins. Malgré les virulentes critiques et les pressions de l'Union européenne, du Congrès américain et de la Commission baleinière internationale, la Norvège a repris la chasse à la baleine en 1993, après un moratoire de cinq ans, faisant valoir que la capture de 425 petits rorquals sur une population estimée à 110 000 individus en 1996 ne posait aucune menace pour l'espèce. Puisque le secteur norvégien de la chasse à la baleine n'est pas particulièrement important du point de vue économique, des observateurs ont supposé que la volonté d'Oslo de perdre tant de capital politique dans ce conflit se fonde sur des motifs liés à la souveraineté et à la région. Le désir des Norvégiens de ne pas céder le plein contrôle de leur politique relative aux pêches était l'une des principales raisons de leur vote contre l'entrée de la Norvège dans l'Union européenne en 1994; le gouvernement tient à maintenir sa souveraineté à l'égard des ressources qui se trouvent dans ses eaux côtières. De plus, la politique régionale de la Norvège vise à contrer la centralisation de sa population, et le gouvernement souhaite s'assurer que même les collectivités les plus éloignées aient accès à des moyens de subsistance, dont la pêche et la chasse à la baleine.

En raison de ces activités de chasse à la baleine, le gouvernement des États-Unis a aussi attesté de l'infraction de la Norvège, qui sape l'efficacité de la Commission baleinière internationale. Même si le volume de la chasse à la baleine par les Autochtones canadiens ne se compare pas aux activités de la Norvège, il n'en demeure pas moins qu'il faut déterminer le mécanisme qui permettrait de traiter de ces questions d'une manière convenable. Comme nous l'avons vu dans la section précédente, malgré les pressions exercées par les Américains, le Canada a toujours refusé de se joindre à la CBI. À l'occasion de sa visite à Oslo, le Comité a été mis au courant des activités de la North Atlantic Marine Mammal Commission (NAMMCO), créée en 1992 par la Norvège, le Groenland, l'Islande et les îles Féroé, en vue de «. . . contribuer, par le biais de consultation et de coopération régionales, à la conservation, à la gestion rationnelle et à l'étude des mammifères marins de l'Atlantique Nord269». Comme l'a expliqué Oran Young : «La création de la North Atlantic Marine Mammal Commission, dont font partie le Groenland, les îles Féroé, l'Islande et la Norvège, de même que les appels lancés en faveur de la notion d'utilisation durable s'expliquent en grande partie par le fait que, du point de vue des intérêts des utilisateurs finaux, la Commission baleinière internationale représente une cause perdue d'avance»270.

Le Canada et les pays du Nord étaient d'accord pour que le mandat du Conseil de l'Arctique traite amplement de l'utilisation durable des ressources; de ce point de vue, il serait doublement inopportun pour le Canada de se joindre à la CBI. À Oslo, Halvard Johansen, président de la NAMMCO, a expliqué au Comité en quoi consistaient les activités de l'organisation qui, comme M. Johansen et d'autres représentants norvégiens l'ont avancé, aurait avantage à accueillir le Canada à titre de membre à part entière. M. Milton Freeman était d'accord, faisant valoir dans son mémoire au Comité ce qui suit :

À l'heure actuelle, les scientifiques canadiens contribuent d'une manière significative aux travaux de la NAMMCO, et les Inuit canadiens, qui assistent régulièrement aux réunions de la NAMMCO à titre d'observateurs, pressent le Canada de devenir membre de cette organisation nordique. Présentement, le Canada y participe à titre d'observateur (avec la Russie). La participation du Canada à titre de membre à part entière serait très positive et serait certainement bien accueillie par les membres de la NAMMCO, et particulièrement le Groenland (notre plus proche voisin nordique, un pays qui a de très grandes affinités avec le Canada, en raison d'une culture et d'une identité inuit communes).
Si le Canada estime qu'on doit établir une gestion scientifique des mammifères marins et de la pêche, y compris reconstituer les stocks de poisson épuisés dans les eaux du Nord, il devrait apporter son soutien et son leadership à un organisme responsable et crédible qui se consacre à la gestion des ressources régionales, ce qu'un important groupe d'intervenants (c.-à-d., les Inuit du Canada) lui demande de faire271.
Le Canada hésite à se joindre à la NAMMCO, probablement parce qu'il ne veut pas être mêlé davantage à la controverse sur la chasse à la baleine, et parce que les groupes autochtones du Nord - qui, en vertu d'accords sur des revendications territoriales, jouissent d'un droit de consultation officielle sur de telles décisions - ne s'entendent pas sur la question. À la lumière de la décision des États-Unis d'attester de l'infraction du Canada en vertu du «Pelly Amendment», le fait de chercher à éviter la controverse devient une question purement théorique. Nous recommandons, dans la dernière section, que le Canada envisage de prendre des mesures plus strictes afin de répondre aux actions unilatérales des États-Unis; comme l'a signalé Milton Freeman, la Norvège l'a déjà fait dans le cas de la chasse à la baleine :

Je crois que le gouvernement Clinton n'a pas tenu compte de l'attestation des actions de la Norvège par le département du Commerce (qui impliquait alors que le président interdise l'importation en vertu du «Pelly Amendment») en grande partie parce que la Norvège a fait savoir très clairement qu'elle traînerait les États-Unis devant le comité approprié de l'OMC (où, à l'égard d'activités semblables de la part de la MMPA, on a conclu que les États-Unis contrevenaient au droit international272).
Dans l'ensemble, les arguments en faveur de la participation à la NAMMCO, tant au chapitre de la gestion des mammifères marins qu'à celui de nos relations avec les pays membres de la NAMMCO, semblent l'emporter sur les arguments contraires.

Par conséquent :

Relations entre le Canada et le Danemark/Groenland

Depuis son accession à l'Union européenne en 1973, le Danemark est devenu le pays nordique le plus axé sur l'Europe, même s'il a été exempté des politiques de l'Union européenne dans un certain nombre de domaines. Les relations du Canada avec le Danemark sont bonnes, et les deux pays partagent un intérêt pour la protection de l'environnement, la participation à l'OTAN et le soutien des activités de maintien de la paix. L'intérêt le plus important qu'ils partagent touche le Groenland, dont le Danemark demeure responsable pour les affaires étrangères. La proximité géographique du Canada et du Groenland a mené à la conclusion d'un accord sur la coopération environnementale relative au milieu marin en 1983, mais ce sont les liens culturels étroits entre les peuples du Groenland et ceux de l'Est de l'Arctique canadien et leur développement politique qui ont récemment suscité un regain d'intérêt entre les deux pays.

Le Groenland a obtenu l'autonomie gouvernementale au sein de la République danoise à la suite de l'adoption de la Loi d'autonomie du Groenland en 1979, et les pouvoirs - exception faite de la défense et de la sécurité nationale, de l'appareil judiciaire, de la monnaie et des affaires étrangères - ont été transférés au gouvernement du Groenland entre 1979 et 1992. Il y a longtemps que le Groenland considère le Canada comme un partenaire naturel et, compte tenu de la création prochaine du Nunavut dans l'Arctique de l'Est en 1999, le Canada en est venu à la conclusion qu'il pourra tirer de nombreuses leçons de l'accession à l'autonomie du Groenland. Les deux territoires seront confrontés aux mêmes problèmes démographiques, économiques et autres, et les deux parties sont intéressées à tirer avantage de l'expérience de l'autre en vue d'établir conjointement de nouvelles solutions. Une étude commandée par la Direction de la liaison circumpolaire du MAINC a fourni l'explication suivante en février 1997 :

La plus importante considération pour le gouvernement autonome du Groenland est de nature économique. La pêche, qui était le point d'appui de l'économie du Groenland, n'est plus la source de revenu qu'elle était. On avance avec vigueur que le tourisme est une nouvelle source de revenu, comme c'est le cas pour les ressources non renouvelables que sont le pétrole, le gaz, l'énergie hydroélectrique et les ressources minières.

Le Nunavut pourrait s'appuyer sur les politiques du gouvernement groenlandais pour stimuler le développement économique, surtout en ce qui concerne l'exploitation des ressources non renouvelables, comme les mines, le pétrole et le gaz.

Le développement du tourisme à titre d'activité économique est certainement une question d'importance pour le gouvernement du Groenland et les futurs dirigeants du territoire du Nunavut273.

Au cours de sa visite à Copenhague, le Comité a consacré une part importante de son temps à discuter de questions touchant le Groenland avec des représentants du gouvernement autonome du Groenland, des membres du Parlement danois (y compris ceux qui représentent le Groenland), des représentants du gouvernement danois et des représentants de la Conférence circumpolaire inuit. Les membres du Comité ont appris que le gouvernement autonome exerce ses activités dans le cadre de la Constitution du Danemark. Le Groenland dépend toujours du financement global du Danemark, qui représente jusqu'à 60 p. 100 de son budget, et la majeure partie de la différence provient toujours des pêches. Comme l'a signalé M. Freeman, compte tenu de la dépendance du Groenland à l'égard des ressources marines et des avantages qu'il tirerait à coopérer avec le Canada, ce pays apprécierait particulièrement une décision du Canada de se joindre à la NAMMCO, comme nous l'avons recommandé. Une telle décision donnerait probablement lieu à des économies, puisque la Joint Commission on the Conservation and Management of Narwhal and Beluga unissant le Canada et le Groenland pourrait, en tout ou en partie, s'inscrire dans les activités de la NAMMCO.

La dépendance du Groenland à l'égard du financement du gouvernement danois pourrait s'atténuer au cours de la prochaine décennie, puisque nombre d'intervenants estiment qu'on est sur le point de découvrir des ressources minières et autres en quantités significatives au Groenland. Les compétences relatives aux ressources non renouvelables sont partagées par le gouvernement autonome et le gouvernement danois, mais tout le monde a hâte que ces découvertes aient lieu, à condition que les ressources soient exploitées d'une manière qui ne nuise pas à l'environnement. La dernière mine en activité au Groenland a été fermée par son exploitant canadien en 1990, mais les sociétés canadiennes mènent actuellement des activités de prospection dans le pays. On a dit aux membres que le Groenland souhaite bénéficier de l'expertise du Canada, et apprécierait une coopération accrue dans des domaines comme l'évaluation environnementale, l'exploitation minière dans le Nord et les régimes régissant les droits d'exploitation.

Comme l'a déclaré Jorgen Waever Johansen, président du CCI Conseil des jeunes (et ancien étudiant de l'Université Carleton), devant le Comité à Copenhague, on devrait porter une certaine attention aux jeunes dans le cadre de la coopération circumpolaire, puisque l'éducation, la formation et les occasions d'emploi contribueraient largement à résoudre les problèmes communs qui se présentent dans le Nord. Il a aussi fait valoir que le Conseil de l'Arctique devrait mettre l'accent sur l'utilisation durable et le développement des ressources. Il existe de nombreuses possibilités de collaboration entre le Canada et le Groenland. Même si le Groenland s'est retiré de l'Union européenne à la suite d'un référendum en 1982, il conserve un lien avec l'U.E. par le biais du Danemark; il a aussi avancé que les produits découlant de telles coentreprises pourraient peut-être même être exportés vers l'Union européenne en franchise de droits. Il existe de nombreux autres exemples d'occasions de coopération; Jorgen Taagholt, du Centre polaire danois, a expliqué les possibilités qu'offre une coopération dans la production d'une quantité significative d'énergie hydroélectrique propre au Groenland, qui pourrait être transportée par câble vers l'Amérique du Nord pour y être utilisée ou vendue.

Outre les accords existants sur la protection des narvals, des bélugas et des ours polaires, le Canada et le Groenland pourraient aussi tirer avantage d'une coopération accrue en matière de gestion et d'exploitation des stocks communs et des ressources renouvelables. Même si le Groenland est reconnu depuis longtemps pour sa nature vierge et son utilisation durable de la faune, l'augmentation de sa population - de moins de 5 000 habitants il y a un siècle à 55 000 aujourd'hui - fait de la gestion durable des ressources naturelles une priorité274. Ces questions ont une dimension internationale : Finn Linge, représentant du Groenland à l'Union européenne, a dit au Comité que le Canada et le Groenland avaient coopéré étroitement sur la question de l'interdiction des fourrures par l'Union européenne, ainsi qu'avec l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest (OPANO) sur la question des stocks de poisson. M. Milton Freeman a fait valoir que :

Le bien-être des habitants du Nord (particulièrement au Canada et au Groenland) continue de dépendre d'un solide secteur économique fondé sur les ressources renouvelables. . . L'établissement d'une économie d'exploitation des ressources nordiques exige que l'on surmonte des obstacles artificiels au commerce international, comme les directives de la MMPA et de l'U.E. interdisant le commerce des peaux de phoques et de la fourrure d'animaux sauvages, les mesures prises par la CBI pour interdire l'utilisation commerciale d'espèces de baleines non menacées, et les sanctions injustifiées de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction) visant à éliminer le commerce de diverses espèces abondantes et non menacées.
Le Canada, le Groenland, la Norvège et l'Islande devraient travailler en étroite collaboration afin de contrer ces mesures négatives; aucun de ces pays ne fait partie de l'U.E., et ils sont tous durement touchés par les mesures prises par l'U.E. et les États-Unis [. . .] la participation du Canada comme chef de file dans le soutien d'un développement économique rationnel et durable encouragerait probablement d'autres nations [. . .] à appuyer l'utilisation durable d'espèces fauniques abondantes et non menacées275.
Au cours des dernières années, les efforts visant à resserrer les liens entre le Canada et le Groenland ont été marqués par des progrès significatifs. Vers la fin de 1996, une délégation canadienne, dirigée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Ron Irwin, s'est rendu au Groenland. À la suite de rencontres avec le Premier Ministre du Groenland, Lars Emil Johansen, avec son cabinet et son gouvernement, on s'est entendu sur un certain nombre de questions générales et précises. Parmi ces questions, notons le besoin de travailler à l'élaboration d'accords sur l'accroissement du commerce et la culture, l'échange de renseignements sur l'expérience du gouvernement autonome et sur la planification du Nunavut, et l'augmentation du volume de marchandises transportées entre le Canada, le Groenland et le Danemark. Même si ces accords reflètent la nature largement «intérieure» des relations Canada-Groenland, les deux parties se sont entendues sur le fait qu'on devait «accroître la collaboration au chapitre des affaires circumpolaires et, en particulier, de l'environnement et du commerce des fourrures d'animaux sauvages276».

Relations entre le Canada et la Suède

Considéré depuis longtemps comme le «grand frère» des pays nordiques, le Canada entretient aussi de bonnes relations bilatérales avec la Suède, et le nombre de rencontres de haut niveau entre les deux pays a augmenté d'une manière significative depuis 1994. Les chiffres sur le commerce ne sont pas particulièrement élevés, mais on constate un investissement significatif par des multinationales suédoises dans la région de Montréal et ailleurs, celles-ci considérant peut-être le Canada comme un point d'accès naturel au marché de l'ALENA. Même si, à l'origine, la Suède hésitait à appuyer l'établissement d'un Conseil de l'Arctique en raison de la prolifération de forums régionaux, elle est maintenant une inconditionnelle du Conseil. Comme l'a expliqué l'ambassadeur canadien, William Clark, au Comité à Stockholm, la «principale priorité» de la Suède en ce qui concerne l'Arctique est la protection de l'environnement.

L'ambassadrice suédoise aux affaires circumpolaires, Wanja Tornberg, a averti les membres que, même si le Conseil de l'Arctique est une tribune intéressante, il doit coopérer avec d'autres organisations. Elle est également d'accord avec un membre du Comité qui dit que l'intérêt de la Suède semble pour l'instant davantage régional que circumpolaire; elle a expliqué que, la Suède ayant récemment remplacé la Russie comme président du Conseil de la région euro-arctique de la mer de Barents, elle se consacrerait probablement plus à des questions internes au cours de l'année qui vient.

Le Comité a accordé une importance particulière à l'accent que met la Suède sur une sécurité «tranquille», incluant des questions environnementales et autres plutôt que des questions militaires classiques. Comme l'ont expliqué les ambassadeurs Tornberg et Clark, la Suède allègue depuis longtemps que la sécurité moderne s'étend au-delà des questions militaires, et que le type de travail s'inscrivant dans l'initiative Baltic 2000, qui vise à créer un plan de développement durable pour les régions baltes sera, de fait, bien plus important pour l'avenir que les préoccupations militaires. L'ensemble de la région circumpolaire tirerait de grands avantages d'une coopération accrue en vue de la concrétisation de ces idées.

Le Comité a aussi eu l'occasion de parler de coopération circumpolaire et de questions liées aux droits des Saamis avec la présidente du Parlement suédois, Birgitta Dahl, une ancienne ministre de l'Environnement qui a participé à la deuxième conférence des parlementaires de la région arctique qui a été tenue à Yellowknife en mars 1996. La présidente et plusieurs de ses collègues parlementaires ont insisté fortement sur l'inclusion d'une composante parlementaire dans le Conseil de l'Arctique, et ont ajouté qu'un organisme parlementaire indépendant sur l'Arctique devrait être établi et, peut-être, s'inspirer du modèle de l'assemblée parlementaire de l'OSCE.

Relations entre le Canada et la Finlande

Prise dans l'orbite soviétique pendant la guerre froide, la Finlande s'est consacrée, au cours des dernières années, à redéfinir son rôle international, devenant membre de l'Union européenne en janvier 1995. Comme la Suède, la Finlande s'est opposée à la décision de la Commission de l'U.E. de retarder la mise en oeuvre de son règlement relatif à l'importation de la fourrure et cette question reste problématique, compte tenu de l'impact que ce règlement aurait sur un bon nombre de collectivités nordiques.

Au niveau circumpolaire, l'intérêt que la Finlande porte à la protection de l'environnement l'a poussée à lancer le «processus de Rovaniemi», qui a mené à la création de la SPEA, et les questions environnementales dans l'Arctique demeurent une des principales priorités de la Finlande. Même si la Finlande figurait parmi les premiers pays à appuyer la proposition du Canada de créer un Conseil de l'Arctique, il est évident qu'elle se préoccupait de l'impact que ce conseil aurait sur la protection de l'environnement dans l'Arctique. Comme l'a signalé le ministre de l'Environnement finlandais lors de l'inauguration du Conseil : «En tant que pays ayant amorcé le processus de Rovaniemi, la Finlande est très attentive à ce que les progrès soient maintenus sur la ligne prévue277».

Selon un ancien ambassadeur finlandais aux Nations Unies, compte tenu de la proximité géographique de la Finlande et de son histoire avec la Russie, «les Finlandais ont peut-être développé un instinct leur permettant de capter les signaux obscurs et contradictoires qui proviennent de l'est278». Outre le fait de connaître le point de vue finlandais sur la coopération circumpolaire, les discussions de Helsinki ont permis au Comité de mieux comprendre la situation actuelle de la Russie. La Finlande a demandé à l'U.E. et à d'autres pays de mettre en oeuvre des mesures visant à rétablir la confiance en Russie et à stabiliser la région, et elle a mis l'accent sur le fonctionnement du conseil de la région euro-arctique de la mer de Barents. Comme nous l'avons signalé dans les chapitres précédents, le Comité a aussi bénéficié de rencontres avec des parlementaires finlandais, qui ont apprécié l'intérêt que le Canada porte à la coopération entre les pays du Nord et la Russie, et qui présente pour eux un intérêt évident. Ils ont aussi encouragé le Canada à participer activement aux initiatives politiques visant à relier les points de vue européens et nord-américains, notamment le Comité permanent des parlementaires de la région arctique.

Relations entre le Canada et l'Islande

Le Comité regrette de ne pas avoir été en mesure de visiter l'Islande pendant son étude, mais il a noté le fort soutien manifesté par ce pays à l'endroit du Conseil de l'Arctique et de la coopération circumpolaire en général. Le 15 mai 1996, au cours d'une rencontre informelle avec les membres du Comité alors qu'il était en visite à Ottawa, le ministre des Affaires étrangères de l'Islande, Halldór Ásgrímsson, a mentionné que son pays, de par sa situation géographique, contribuait à jeter des ponts au-dessus de l'Atlantique et il a confirmé que l'Islande souhaitait établir des liens plus étroits avec le Canada, notamment par le truchement de liaisons aériennes directes. Certaines personnes ont fait valoir que la plupart des pays de l'Arctique soutenaient le développement et l'utilisation durable des ressources parce qu'ils comptaient des populations autochtones, mais le fait que l'Islande appuie ces initiative, sans pour autant avoir de population autochtone, montre que d'autres principes sont en jeu. Comme le ministre des Affaires étrangères de l'Islande l'a déclaré à l'occasion de l'inauguration du Conseil de l'Arctique :

La proximité des ressources océaniques et la dépendance complète à leur égard ont appris aux Islandais à les traiter avec soin. Nous considérons que c'est une priorité et un devoir pour nous de coopérer avec d'autres pays pour faire du Conseil de l'Arctique un moyen d'assurer la protection de l'environnement arctique et le développement durable au bénéfice des peuples autochtones, des habitants de l'Arctique et aussi du reste du monde [. . .] Aussi importants que soient les défis environnementaux, nous devons aussi assurer le développement durable et l'utilisation des ressources naturelles de l'Arctique [. . .] Les peuples autochtones de l'Arctique ont le droit d'améliorer leur niveau de vie et d'assurer l'épanouissement de leurs cultures. À mon avis, l'utilisation des ressources marines revêt une importance particulière à cet égard279.
Notre recommandation concernant l'adhésion à la NAMMCO a pour but d'améliorer la coopération entre le Canada et l'Islande dans ce domaine.

Conclusion : les relations nordiques dans le cadre de la politique étrangère canadienne

En somme, il est évident qu'il reste encore des possibilités à explorer en ce qui touche les grandes affinités et les solides relations bilatérales qui existent entre les pays du Nord et le Canada afin de favoriser la coopération circumpolaire. Par conséquent :

C. Bâtir les partenariats circumpolaires Canada-Russie

La Russie d'aujourd'hui

La Russie qui émerge de l'hiver maussade de 1997 est un immense casse-tête de paradoxes, de contradictions, d'ambiguïtés et d'incertitudes. Les membres du Comité étaient à Moscou et Saint-Pétersbourg, au moment où le président Yeltsin subissait une chirurgie cardiaque en novembre, éprouvaient une impression de chambardement, «dû à la transition» qui confirmait les renseignements contenus dans les documents d'information, obtenus dans les médias et à l'occasion d'entretiens. En dépit de cette atmosphère permanente de crise montante dans les domaines politique, socio-économique, environnemental et dans tous les domaines, il y a eu, au cours des dix années écoulées depuis les premières réformes de Gorbatchev, d'énormes changements pour le mieux en Russie. Il est même possible de pressentir de grandes choses. Selon David Remnick, ancien correspondant du Washington Post à Moscou, «même si la vie quotidienne en Russie se ressent d'une économie difficile et de la transition sociale, les prochaines années et les prochaines décennies s'annoncent plus prometteuses que jamais280». Les auteurs d'un livre récent font état d'une série de réalisations remarquables et observent également qu'il y a déjà plus de propriété privée dans l'économie de marché naissante de la Russie que partout ailleurs en Europe de l'Est281. Établie en 1991 pour faciliter la transition des anciens pays communistes à l'économie de marché démocratique, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), dont le siège est à Londres, est en général optimiste quant aux perspectives à long terme concernant la Russie et y développe rapidement ses opérations, notamment dans le secteur des institutions et des services financiers axés, entre autres, sur le développement des petites entreprises282. Par contre, après plus de cinq années consécutives de déclin de la production réelle, de détérioration des finances de l'État et d'effondrement des services publics et compte tenu que plus du quart de la population vit au-dessous du seuil officiel de la pauvreté, les perdants des réformes sont assez nombreux pour inquiéter les observateurs étrangers même si les manifestations de mécontentement ont été étonnamment retenues jusqu'à présent283.

Le Canada et la Russie ont déclaré sans équivoque qu'ils avaient tous deux intérêt à intensifier leurs relations d'affaires sur plusieurs fronts. À la mi-octobre 1996, quelques semaines seulement avant le passage du Comité, le ministre du Commerce international, Art Eggleton, avait dirigé une délégation de 57 entreprises à Moscou et à Saint-Pétersbourg, la plus grande mission commerciale depuis 1992. Ils ont participé à la deuxième réunion de la Commission économique intergouvernementale Canada-Russie (CEI). La Société pour l'expansion des exportations (SEE) du Canada a annoncé en septembre 1996 qu'elle envisagerait dorénavant de financer des ventes commerciales à la Russie (jusqu'à concurrence de 250 millions de dollars US sur son compte d'entreprise) et M. Eggleton a indiqué que le compte du Canada serait également mis à contribution. Les échanges bilatéraux ont chuté après 1993 bien que les exportations canadiennes aient affiché une forte croissance en 1996 (voir le graphique). L'investissement direct ne s'élève toujours qu'à environ 300 millions de dollars, surtout dans les mines d'or, le pétrole et le gaz284. Les concurrents du Canada sur le marché russe sont généralement perçus comme plus entreprenants et plus déterminés. L'accroissement potentiel du commerce et des investissements entre le Canada et la Russie contrastait grandement avec la réalité frustrante et assez souvent décevante décrite à maintes reprises au cours de nos réunions avec l'ambassadrice du Canada, Anne Leahy, et son personnel réduit mais efficace et travailleur, ainsi que dans nos échanges avec les membres résidents du secteur privé canadien établis en Russie pour assez longtemps. Étant donné l'énormité de ce défi diplomatique et commercial, nous nous réjouissons de voir que l'on trouve actuellement des moyens d'éviter la fermeture prévue pour le début de 1997 du consulat du Canada à Saint-Pétersbourg, où le Comité a pu se rendre compte des efforts dynamiques de la consule générale, Ann Collins, et des espoirs des représentants locaux des entreprises canadiennes. En revanche, nous reconnaissons que les intérêts canadiens ont peu de chances d'augmenter sensiblement tant que la situation ne sera pas stabilisée285.

La Fédération de Russie n'a pas encore éclairci les relations entre les autorités centrales et régionales. Cette confusion a conduit à des oppositions juridiques quand ce n'est pas au chaos pur et simple286. Elle n'a pas non plus mis en place une réglementation régissant la fiscalité et protégeant les investissements étrangers, ce qui est important pour les intérêts canadiens dans le pétrole et le gaz et les ressources minérales. Le sous-ministre des Affaires étrangères Georgiy Mamedov, qui s'est plaint du peu d'intérêt des investisseurs occidentaux pour la Russie comparativement à leur intérêt pour la Chine, si on pense aux réformes démocratiques en cours dans son pays, a jeté en partie le blâme des lacunes et des retards de la réglementation sur la Douma, où les partis d'opposition ont la majorité, notamment le «nouveau» Parti communiste. Le Comité a néanmoins été encouragé dans ses réunions avec des parlementaires russes en vue par leurs affinités véritables avec les Canadiens et leur désir maintes fois exprimé de collaborer au resserrement des liens économiques et politiques entre nos deux pays. Vladimir Loukin, président du Comité des affaires étrangères de la Douma, nous a assuré qu'on adopterait les lois nécessaires en matière de double imposition et d'investissement étranger ainsi que des règlements sur le partage de la production et des recettes qui auront le plus grand impact dans les régions nordiques et pour les projets de mise en valeur des ressources auxquels s'intéressent les entreprises canadiennes. Il a ajouté cependant que la Russie voulait encourager les investissements en actions plutôt que les entrées volatiles de capitaux à court terme.

Nous savons fort bien qu'il reste encore beaucoup de choses qui rendent nerveux les investisseurs potentiels. Tout en faisant état du bon côté des choses pour compenser une attitude de prudence bien compréhensible, une récente évaluation des risques contient une longue suite d'observations saisissantes :

La démocratie russe constitue un cas d'espèce fragile. . . On ne saurait trop exagérer l'importance qu'il y a à tenir compte de la politique régionale aussi bien que nationale. . . L'économie de la Russie est dans un drôle d'état, à mi-chemin entre la réforme et l'effondrement [. . .] Le crime organisé est l'industrie dont la croissance est la plus forte en Russie [. . .] Sur le plan écologique, la Russie est un désastre [. . .] les dangers pour la santé publique ont augmenté pour toutes sortes de raisons [. . .] La Russie (comme presque toute l'ancienne URSS) souffre d'une crise démographique et de la résurgence de maladies comme la tuberculose, la grippe épidémique et la dysenterie287.
La perception des impôts, notamment dans le cas des entreprises étrangères, a été qualifiée par le vice-président du US-Russia Business Council de «terrifiante parce que tellement aléatoire et capricieuse288». Il semble y avoir des contradictions partout. En dépit de nombreuses faillites bancaires, la Russie abrite aujourd'hui plusieurs des banques les plus solides en Europe de l'Est, dont l'une, l'ancienne Banque industrielle de l'Union soviétique, vient d'ouvrir un bureau à New York. En dépit des inquiétudes des investisseurs, le stratège en chef en matière d'investissement de la banque d'investissement américaine, Morgan Stanley, considère la Russie comme «l'enjeu le plus excitant et éventuellement le plus gros dans le monde». Certains prédisent que son marché boursier éclipsera celui de toute l'Amérique latine avant la fin de la décennie289. Le contraste ne pourrait guère être plus tranché entre ces visions de boom économique et la situation économique désespérée de la plupart des Russes ou la précarité des finances publiques, de nombreux fonctionnaires (y compris les membres des forces armées fort démoralisées) n'ayant pas été payés depuis des mois.

En outre, alors que la situation dans les grands centres comme Moscou reste «loin d'être normale»290, ce qui est particulièrement troublant sous l'angle du présent rapport, c'est la situation tout à fait critique et compliquée des vastes régions nordiques et extrême-orientales de la Russie. C'est dans ces régions, comme on l'a vu dans des chapitres précédents, que la dégradation du milieu est la pire, que les peuples autochtones font face aux plus grands défis et où de grandes quantités d'aide extérieure seront essentielles pendant un certain temps encore291. Bien que le «nord» de la Russie soit plus peuplé et plus «développé» que celui de tous les États arctiques, la militarisation et l'industrialisation forcées de la guerre froide ont laissé derrière elles des concentrations urbaines qui sont face à de graves problèmes environnementaux et autres, au moment où le gouvernement central n'a plus les moyens de les subventionner comme jadis. À Moscou, Vladimir Kuramin, président du Comité d'État pour le développement socioéconomique du Nord (GOSKOMSEVER), reconstitué par décret présidentiel en novembre 1995, a brossé un portrait saisissant de la région devant les membres du Comité. La région administrative qu'occupe le nord de la Russie couvre les deux tiers du territoire fédéral (y compris les zones agricoles sub-arctiques surtout dans l'extrême-orient) et compte 29 entités régionales réparties sur 12 fuseaux horaires. Bien que seulement 12 des quelque 150 millions de Russes habitent dans le Nord (les «petits peuples» autochtones représentant à peine 200 000 âmes), l'effondrement des systèmes de soutien soviétiques a pour conséquence que même une partie de cette population est «superflue» et ne peut plus recevoir de soutien. L'émigration crée d'autres problèmes pour ceux qui restent. Pour comble, les crédits affectés au Nord par le gouvernement fédéral ont chuté de 40 p. 100 à cause de la crise budgétaire.

Comme au Canada, les régions nordiques bénéficient d'un traitement de faveur. Et, comme on l'a vu au chapitre sept, un programme de collaboration avec les peuples indigènes a été lancé. Le GOSKOMSEVER, qui profite de ses bonnes relations avec son homologue canadien, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC), essaie, avec des ressources financières et humaines limitées (seulement 300 fonctionnaires fédéraux), un meilleur encadrement au développement des régions nordiques. M. Kuramin admet que certains décideurs fédéraux tendent à voir les régions nordiques et extrême-orientales comme une source de tracas qui coûtent cher. Mais comme cette zone circumpolaire renferme 92 p. 100 des réserves gazières de la Russie, 75 p. 100 des réserves pétrolières, 60 p. 100 du charbon et 50 p. 100 des forêts et du poisson, elle pourrait devenir une grande source de richesse plutôt qu'un fardeau perpétuel pour le trésor. En outre, s'il peut surmonter son passé torturé, le nord-est sibérien, de plus en plus indépendant d'esprit à cause de son éloignement, passe pour une région à risque commercial faible et à potentiel énorme292. Le regard tourné vers l'Asie-Pacifique plus que vers Moscou, la plus grande république, la Sakha (Yakoutie), qui occupe le cinquième du territoire de la Fédération (six fois la superficie de la France) et qui renferme les régions peuplées les plus froides du monde, compte déjà pour 99 p. 100 de la production russe de diamants (25 p. 100 de la production mondiale). La Sakha est également parvenue à négocier avec le gouvernement fédéral un accord qui lui donne un plus grand contrôle sur les recettes du fisc et de l'exploitation des ressources. Comme on le verra dans les prochaines sections, la république de Sakha a également ceci de particulier qu'elle a noué des liens avec les territoires nordiques du Canada.

À cause non seulement de la taille imposante et de la grande complexité de la situation de la Russie, mais aussi des occasions et des risques qu'elle comporte pour la politique étrangère canadienne en général et la coopération circumpolaire en particulier, il ne fait aucun doute qu'il faut non pas réduire mais augmenter la représentation diplomatique et commerciale canadienne non seulement à Moscou mais aussi en province. Tout en reconnaissant que la prudence s'impose sur le plan budgétaire, le Comité estime que la répartition des ressources ministérielles doit tenir compte du fait que c'est le moment ou jamais pour le Canada de s'engager clairement en faveur d'un partenariat intensif avec la Fédération de Russie ce qui inclut ses diverses régions. Il n'y a rien qui remplace une présence élargie sur le terrain qui soit capable de servir une gamme croissante d'intérêts canadiens. À tout le moins, il faudrait augmenter la présence consulaire canadienne de manière à faciliter les contacts avec les régions nordiques et orientales qui sont très éloignées et de plus en plus indépendantes de Moscou.

Par conséquent :

L'état des relations Canada-Russie et de la coopération dans le Nord rétrospective et perspectives

Depuis quelques années, tout le programme de coopération du gouvernement du Canada avec la Russie, y compris ses relations avec le Nord, est en perte de vitesse.
Camil Simard, Direction de la liaison
circumpolaire, ministère des Affaires indiennes et
du Nord canadien, avril 1994293

À l'aube du XXIe siècle, on assiste à la formation de nouvelles collectivités mondiales dépassant les frontières et les intérêts nationaux. [. . .] Le nord de notre planète jouera un rôle absolument unique au sein de cette nouvelle collectivité. On y trouve en effet une biosphère sans égale, des trésors naturels innombrables, mais également des terres inexploitées. Le Nord est le berceau d'une des civilisations les plus viables entièrement adaptée à un environnement hostile, créée grâce à la volonté, à l'intelligence, au talent et à la persévérance des peuples autochtones. [. . .] Le Nord est magnifique et merveilleux. Son heure triomphale n'est pas encore venue.
Mikhaïl Nikolayev, Président de la république de
Sakha (Yakoutie), juin 1995294

«Nous avons beaucoup de choses en commun. [. . .] vous, les Canadiens, constituez le pays le moins problématique du G-7».
Georgiy Mamedov, sous-ministre des Affaires
étrangères de la Fédération de Russie,
novembre 1996295

Les relations entre le Canada et la Russie pourraient être décrites de façon générale comme étant bonnes sinon remarquables. Pour les nombreuses personnes qui estiment que cette relation pourrait et devrait être plus dynamique, certains résultats ont été insatisfaisants malgré les «liens naturels» d'ordre géographique et climatique qui sont souvent mentionnés et les efforts incessants déployés par divers Canadiens cherchant depuis longtemps à établir un climat de coopération dans cette région296. L'activité et l'enthousiasme fébriles observables au niveau diplomatique au début des années 1990 se sont étiolées de façon marquée devant les nombreuses difficultés à se départir du legs de soixante-dix années de communisme. En même temps, le Canada a développé un important programme d'aide en Russie (que nous examinerons de façon détaillée dans la prochaine partie), et la récente délégation commerciale dirigée par le ministre Eggleton devrait redonner du tonus à une relation commerciale plutôt défaillante. Les rapports importants établis aux paliers territorial et provincial ainsi que par les Autochtone ont aussi contribué à maintenir ces relations, notamment à l'échelle interrégionale et circumpolaire. Néanmoins, il serait sage de ne pas entretenir de trop grandes attentes et de cibler nos efforts bilatéraux aussi stratégiquement que possible de manière à les diriger le plus possible vers les secteurs où l'intérêt mutuel est déjà manifeste (les technologies pour climat froid, la mise sur pied d'institutions et la formation spécialisée, la restauration et la réglementation de l'environnement, la mise en valeur des ressources et les systèmes de gestion, et le soutien aux collectivités autochtones).

D'autres ont déjà décrit de manière exhaustive l'histoire moderne des relations Canada-Russie depuis la fin de la dernière guerre, et plusieurs spécialistes ont procédé à des analyses subtiles de ces relations en accordant une importance particulière à la coopération dans le Nord. Certains ont transmis leurs points de vue au Comité297. Il conviendrait peut-être de faire état des grandes étapes qui ont mené à la conclusion d'un accord bilatéral en 1992 (voir l'encadré 14 «l'Accord de 1992 entre le Canada et la Russie sur la coopération dans l'Arctique et le Nord») qui doit être reconduit en juin 1997. Il faut tout d'abord signalé qu'en dépit de leur proximité géographique et de leur alliance pendant la guerre, les relations entre le Canada et l'URSS ont été dominées par la guerre froide pendant plus de quatre décennies. Par conséquent, les deux plus grands pays de la planète, qui se partagent 85 p. 100 de la côte de l'océan Arctique, en sont venus à être décrits au mieux comme «presque voisins». Durant cette période, les rapports entre les deux États ont été plutôt tièdes et largement déterminés par ce qui se passait en général sur la scène internationale, en particulier par leurs relations respectives avec les États-Unis. Le Canada était résolument dans le camp occidental (et américain), mais il se distinguait néanmoins des États-Unis et cette démarcation lui a profité aux yeux des Soviétiques. En fait, en 1955, Lester B. Pearson a été le premier ministre des Affaires étrangères d'un pays de l'OTAN à se rendre en URSS.

Ce n'est toutefois que 15 ans plus tard que la coopération bilatérale avec l'Union soviétique dans certains domaines encore très pointus a commencé à revêtir un caractère plus important et officiel. Le premier ministre Trudeau, qui avait déjà effectué un voyage privé à Moscou en 1952, a fait une visite importante de 11 jours en Union soviétique en 1971. Cette visite a permis la signature de plusieurs accords, notamment un protocole de consultation ayant pour but d'établir des rapports plus systématiques et prévoyant des consultations sur les grands problèmes internationaux d'intérêt mutuel et sur des questions concernant les relations bilatérales. Son séjour a vivement intéressé la presse soviétique et le premier ministre Alekseï Kossyguine est venu à son tour au Canada moins de six mois plus tard. La détente dans les relations bilatérales s'est aussi poursuivie plus longtemps qu'entre les superpuissances, mais elle a été interrompue lorsque les Soviétiques ont envahi l'Afghanistan en 1979. L'Arctique avait toujours constitué un élément important de la relation bilatérale et d'ailleurs, tout au long de la guerre froide, l'URSS a coopéré sur les questions touchant cette région, mais uniquement sur le plan bilatéral. La plupart des premiers contacts - par exemple une visite effectuée en 1965 dans le nord soviétique par le ministre des Affaires du Nord, Arthur Laing - portaient principalement sur des questions scientifiques, mais également sur des questions d'intérêt mutuel dans le domaine des technologies liées aux infrastructures et de la conservation de la faune. Après avoir été brièvement suspendus à la suite de l'invasion de la Tchécoslovaquie par l'Union soviétique, les échanges sur le Nord ont repris au début des années 1970. La visite que Jean Chrétien, l'actuel premier ministre et alors ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, a effectuée en 1971 dans les régions septentrionales de la Sibérie a alors revêtu une importance particulière.

Comme le fait remarquer John Hannigan, cette visite a montré l'existence d'une divergence importante entre les conceptions canadienne et soviétique du développement du Nord : «Les questions scientifiques et le développement des ressources naturelles demeuraient des dossiers importants en matière de collaboration bilatérale, mais M. Chrétien a également mis l'accent sur le développement culturel et l'éducation des peuples nordiques. . .298». À partir des années 1970, les préoccupations de plus en plus grandes des Canadiens à l'égard des questions environnementales et sociales de même que le mouvement pour la défense des droits et pour l'autonomie des peuples autochtones dans le Nord ont exercé une grande influence sur la stratégie adoptée par le Canada à l'égard de la coopération avec les Soviétiques et provoqué une certaine résistance du côté des Soviétiques, qui s'en tenaient à leur modèle scientifico-industriel et centralisé. Néanmoins, les discussions ont repris au début des années 1980, à l'occasion d'une visite d'une délégation québécoise en Sibérie en 1982, et elles ont mené à la signature, en 1984, des premiers protocoles bilatéraux complets sur la coopération scientifique et technique dans l'Arctique et dans le Nord. Ce programme de collaboration a été baptisé Programme d'échange de connaissances scientifiques sur l'Arctique, mais le Canada a réussi à y faire inclure d'importants volets portant sur l'environnement et les sciences sociales (ethnographie et enseignement). De plus, ce cadre bilatéral élargi a redonné un nouvel élan aux initiatives infranationales, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest jouant un rôle prépondérant dans le domaine social, sur les questions touchant les peuples autochtones, de même que dans le secteur de la construction dans le Nord.


Encadré 14 - «L'Accord de 1992 entre le Canada et la Russie sur la coopération dans l'Arctique et le Nord»

Voici la teneur des principales dispositions de l'Accord qui a été signé en juin 1992 pendant la visite du président Eltsine au Canada.

  • Le préambule de l'Accord exprime le désir du Canada et de la Russie d'établir un nouveau partenariat mutuellement avantageux qui profite à ceux qui vivent dans les régions de l'Arctique et du Nord. L'importance de la participation des habitants de ces régions à la coopération bilatérale est également mentionnée dans cette partie de l'Accord.

  • L'article premier stipule que les deux pays favoriseront une coopération mutuellement avantageuse entre le Canada et la Fédération de Russie sur les questions relatives à l'Arctique et au Nord. Une liste des domaines prioritaires de coopération comprenant, entre autres, le développement économique, les projets de construction, les contaminants présents dans l'Arctique, la situation des peuples autochtones, la mise en valeur des ressources renouvelables et non renouvelables, la géologie, le tourisme et la santé, figure en annexe.

  • L'article 3 prévoit que les deux parties faciliteront l'établissement de contacts directs et coopératifs entre les gouvernements régionaux et locaux, ainsi que d'organisations autochtones dans l'Arctique et les régions nordiques du Canada et de la Russie. Cet article prévoit également que les deux pays favoriseront l'établissement de relations de coopération entre les organisations gouvernementales et non gouvernementales, les établissements de recherche scientifique et autres, et les associations et entreprises commerciales.

  • L'article 4 confie au ministère des Affaires indiennes et du Nord et au Comité d'État pour le développement socioéconomique du Nord (GOSKOMSEVER) le mandat de coordonner la mise en oeuvre de l'Accord. Une commission mixte canado-soviétique doit être coprésidée par le ministre des Affaires indiennes et par le président du Comité d'État.

  • L'article 5 prévoit que les échanges de délégations au cours de la mise en oeuvre des programmes, se feront aux frais de la partie d'accueil.

  • L'article 7 stipule que l'Accord demeure en vigueur pendant une période de cinq ans et est reconduit d'office, à moins qu'une des parties ne notifie son intention d'y mettre fin au moins six mois avant son expiration. L'Accord peut être modifié en tout temps, pourvu que les parties y consentent mutuellement par écrit.

    Au total, 35 projets et activités ont été menés dans le cadre de l'Accord dans des domaines comme les géosciences, la construction, la santé, les questions autochtones, le développement social et économique, la protection de l'environnement et l'exploitaiton minière.

    À ces projets ont participé des ministères fédéraux (Agriculture Canada, Affaires indiennes et du Nord, Ressources naturelles Canada et Pêches et Océans Canada), le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, des organismes et des entreprises autochtones (la Conférence circumpolaire inuit, Inuvialuit Regional Corporation et Unaaq Inc.), l'Université Laval, l'Université du nord de la Colombie-Britannique ainsi que diverses autres organisations (l'Association des universités et collèges du Canada, la Chambre de commerce des Territoires du Nord-Ouest, la Société pour la santé circumpolaire, le Musée canadien des civilisations et la Circumpolar Agricultural Conference).

    Du côté russe, outre les organisations gouvernementales et non gouvernementales situées à Moscou, les régions suivantes ont pris part à des projets et des activités : la république de Sakha (Yakoutie), Megadan Oblast, Irkutsk Oblast, Chukotka Okrug et Nebets Okrug.

    Le ministère des Affaires indiennes et du Nord a fourni une aide financière pour la mise en oeuvre de l'Accord et la réalisation des projets (par exemple pour les frais de déplacement et d'interprétation), mais bon nombre de Canadiens ont assumé leurs propres frais de participation aux projets. Cependant, GOSKOMSEVER n'a apporté aucun appui financier à la participation russe.


    Au cours des années 1980, la coopération bilatérale a continué de s'intensifier (notamment parce que des réformistes soviétiques de premier plan, comme Alexander Yakovlev et Mikhaïl Gorbatchev lui-même, connaissaient le Canada). La visite d'État effectuée par le premier ministre Mulroney en novembre 1989, alors qu'il a demandé aux Soviétiques d'appuyer l'idée canadienne d'un conseil pour la région arctique, a entraîné la conclusion de l'Accord concernant la coopération dans l'Arctique et dans le Nord qui a permis d'établir un programme de développement économique du Nord et de faciliter des échanges entre les peuples autochtones des régions nordiques. À partir du début des années 1990, on a commencé à mettre de plus en plus l'accent sur les outils multilatéraux (le Canada, l'URSS et, ensuite, la Russie participant aux négociations devant mener aux nouvelles organisations arctiques et circumpolaires comme nous l'avons vu dans le chapitre précédent) et de façon très marquée sur les activités infranationales et non gouvernementales. Ainsi, avant l'effondrement de l'Union soviétique, le Québec avait conclu un accord de coopération avec la République fédérale de Russie et les T.N.-O. avaient signé un protocole d'entente avec la république de Sakha (Yakoutie). Durant ses voyages dans le Nord, le Comité a entendu des témoignages encourageants concernant les activités audacieuses entreprises par les territoires avec les régions arctiques russes, les gouvernements collaborant étroitement à des entreprises conjointe avec le secteur privé - notamment dans des dossiers prioritaires comme la construction de logements adaptés aux besoins du Nord, et la formation des Autochtones en gestion et dans le domaine technique. Ces activités continuent à évoluer de manière à procurer des avantages concrets aux habitants du Nord299. Des organisations autochtones de l'Arctique comme l'Inuvialuit Regional Corporation de l'Arctique occidental et des organismes du Nunavut (Arctique oriental) et du Nunavik (Québec/Labrador) ont aussi - par l'entremise de la Conférence circumpolaire inuit - participé à l'établissement de relations de travail avec des groupes autochtones de la Russie.

    La dissolution de l'URSS en 1991, même si elle a causé un traumatisme et demeure instable, n'a heureusement pas gêné cette évolution prometteuse des relations entre nos deux pays, relations qui se situaient dorénavant à un palier inférieur à celui de l'État fédéral, et a plutôt facilité la conclusion d'un nouvel accord bilatéral complet sur la coopération dans le Nord en juin 1992. Une première «Déclaration d'amitié et de coopération» signée par le président Yeltsin et le premier ministre Mulroney privilégait l'établissement de «contacts directs entre les gouvernements locaux et régionaux et les peuples autochtones du nord du Canada et de la Russie en rapport avec leurs ententes de travail». Vu cette tendance, le rôle des gouvernements nationaux se modifiait puisque ceux-ci devenaient, comme John Hannigan l'a signalé, des «facilitateurs et coordonnateurs de projets menés en collaboration plutôt que des intervenants directs [. . .] [sauf pour] les domaines des sciences et de l'environnement, où la majeure partie des recherches relevaient des gouvernements fédéraux». En même temps, comme il l'avait déjà fait observer plusieurs années auparavant :

    Au Canada, les fonds sont de plus en plus consacrés à des programmes d'aide technique plutôt qu'à la coopération scientifique ou culturelle. En Russie, on ne dispose tout simplement pas des fonds publics voulus pour répondre à bon nombre des exigences de base de la population russe, donc encore moins pour mener un programme de coopération internationale. [. . .] Le sort de la coopération canado-russe dans le Nord ne dépend plus d'approches communes au développement dans le Nord, ou encore de l'abandon des préoccupations liées à la politique étrangère ou à la sécurité. Ironiquement, 10 ans après la création du programme d'échanges dans l'Arctique, la principale pierre d'achoppement est devenue l'absence de financement300.
    Avant de passer aux attentes qu'on pourrait entretenir de façon réaliste à l'égard des relations circumpolaires actuelles et futures entre le Canada et la Russie, et compte tenu des contraintes liées aux ressources plutôt qu'aux grandes politiques ou aux structures, il est important de revenir un peu en arrière afin de souligner à quel point la fin et les séquelles de la guerre froide ont véritablement transformé le contexte global dans lequel ces relations s'inscrivaient. Comme la plupart des gouvernements occidentaux, le Canada a mis du temps à comprendre et à accepter le caractère révolutionnaire des réformes de Gorbatchev et il a à maintes reprises accueilli avec prudence les initiatives soviétiques dont celle amorcée par Gorbatchev à Mourmansk, en 1987, qui visait entre autres à étendre la coopération civile dans l'Arctique. (Comme on l'a déjà mentionné, Gorbatchev demeurait néanmoins personnellement bien disposé envers le Canada, parce qu'il y avait dirigé une délégation parlementaire en 1983, lors d'un de ses premiers voyages à l'extérieur de l'Union soviétique. De plus, son mentor, Alexandre Yakovlev, avait passé dix années «en exil» comme ambassadeur soviétique à Ottawa, où il avait noué de bonnes relations personnelles avec le premier ministre Trudeau.) Avec la chute du mur de Berlin en 1989, le Canada et d'autres pays ont finalement accepté la transformation de l'Union soviétique lorsque les effets de la perestroïka et de la glasnost se sont fait sentir jusqu'en Europe centrale et de l'Est. À ce moment-là, les avantages de la «nouvelle conception» de la politique étrangère dans le but de démilitariser la région arctique devenaient aussi de plus en plus évidents, à la fois à l'échelle bilatérale et à l'échelle circumpolaire, à la lumière de l'appui manifesté par les Soviétiques à l'égard des nouvelles initiatives progressistes en matière de coopération dans le Nord.

    La fébrilité s'est alors emparée des relations Canada-URSS, à commencer par un voyage réussi du premier ministre Brian Mulroney, qui s'est rendu en Russie accompagné d'un grand nombre d'hommes d'affaires canadiens en novembre 1989. Le voyage a donné lieu à une déclaration politique conjointe et à quelque 14 accords visant à accroître la coopération bilatérale dans plusieurs secteurs comme l'Arctique et l'environnement, les liaisons aériennes et la protection des investissements, sans compter de vastes discussions sur une foule d'autres sujets. Au moins quatre autres visites se sont succédé au cours des quatre années suivantes : Gorbatchev est venu à Ottawa en 1990, Mulroney est allé à Moscou en 1992, Eltsine est venu à Ottawa en 1992, puis s'est rendu à Vancouver en 1993 pour y rencontrer le président américain Bill Clinton. Le point culminant de cette nouvelle relation a sans doute été la signature par le premier ministre Mulroney, à Moscou, en 1992, d'un grand nombre d'autres accords bilatéraux qui, souvent, prévoyaient la création de «commissions mixtes» composées de fonctionnaires canadiens et russes et chargées de suivre divers dossiers.

    Le passage subséquent de la Russie à un système démocratique et à une économie de marché, bien qu'il se soit fait d'une manière hésitante et qu'il ait été contesté, a aussi permis d'établir des relations économiques plus diversifiées et davantage axées sur le commerce. Toutefois, comme on l'a signalé dans la section précédente, en raison des grandes difficultés éprouvées lors de la transition (chute brutale de la production réelle et risques commerciaux élevés), le commerce bilatéral et les investissements sont demeurés à des niveaux insatisfaisants. Il se peut que les possibilités de profits soient meilleures que jamais auparavant et on s'entend, en général, pour affirmer que l'avenir est très prometteur, mais les crises à court terme et les incertitudes politico-juridiques persistantes ont créé un climat d'affaires troublé qui en décourage plusieurs. Cette situation semble exiger des nerfs solides et un engagement à long terme à vouloir demeurer sur le marché russe. Certaines entreprises canadiennes, parmi les premières à pénétrer le marché russe, ont remporté des succès remarquables (McDonald's Canada a ouvert un premier restaurant à Moscou en 1988 et a continué à prendre de l'expansion, récemment même à Saint-Pétersbourg). Les Russes que nous avons rencontrés acceptaient volontiers la présence canadienne, non seulement en raison des investissements, mais également parce qu'elle contribue au transfert de compétences dans le domaine de la gestion des affaires, à la hausse des normes du marché et à la diffusion de meilleures méthodes commerciales en général. Certaines entreprises ont mal tourné, le découragement étant parfois suivi d'un désinvestissement (comme dans le cas de Gulf Canada qui s'est retiré du consortium KomiArticOil à l'automne de 1994, à la suite d'un important déversement de pétrole attribuable à un bris de pipeline qui a été très médiatisé; la société canadienne a alors prétendu que ses activités n'étaient pas rentables). Cependant, d'autres prennent leur place, comme la Bitech Petroleum Corp., dont le siège social est situé en Alberta, qui prévoit plus que tripler sa production de pétrole au cours de la prochaine année dans la république semi-autonome des Komis301. Et à Moscou, le Southern Alberta Institute of Technology de Calgary participe à l'établissement d'un centre canado-russe de formation en carburants et en énergie financé par une contribution de l'ACDI, de 2,2 millions de dollars, annoncée en décembre 1996.

    Il ne faut pas se laisser abattre par les reculs du passé et les inquiétudes du présent. Nous considérons qu'il existe un potentiel formidable pour que le secteur privé canadien joue un rôle plus important, non pas en observant passivement ses concurrents européens et américains travailler énergiquement à marquer des points, mais en s'efforçant, comme certaines entreprises l'ont déjà compris, d'aider la Russie à rebâtir son économie toujours défaillante et à rétablir le climat commercial durant cette période de transition critique. Il s'agit certainement d'un des messages positifs que le Comité a entendus. Nous signalons que c'est durant les visites effectuées au Canada en octobre par 1995 par le premier ministre Tchernomyrdine qu'a été établie la Commission économique intergouvernementale Canada-Russie (CEI) qui prévoit la participation du secteur privé et un mécanisme pour régler les problèmes qui se rapportent aux échanges commerciaux et aux investissements et qui nuisent aux intérêts d'affaires canadiens et russes. Quatre groupes de travail ont été constitués dans le domaine des combustibles et de l'énergie, de l'agriculture et de l'agroalimentaire, des technologies avancées, et de la construction et du logement. Dans le cadre de cette initiative, le Canada et la Russie se sont engagés à doubler d'ici l'an 2000 les échanges entre leurs deux pays. Le ministre du Commerce international, Art Eggleton, qui a coprésidé la deuxième réunion de la CEI à Moscou en octobre 1996, a indiqué que le Canada demeurait résolu à atteindre cet objectif.

    Le Comité souhaite en particulier souligner le rôle que les entreprises nordiques pourraient jouer afin d'atteindre les objectifs liés à la coopération économique durable. Ainsi, à Yellowknife, nous avons été impressionnés des succès remportés par Stefan Simek, président de Ferguson, Simek, Clark, avec les projets qu'il a réalisés dans les régions les plus éloignées de la Russie au cours des dernières années (par exemple, avec la construction d'un «village canadien» modèle à Yakoutsk, dans le nord-est de la Sibérie). Il a formulé plusieurs suggestions utiles afin de revitaliser les relations bilatérales entre le Canada et la Russie, notamment pour améliorer les liaisons aériennes, établir un groupe de travail mixte sur le règlement des litiges contractuels et envoyer une mission commerciale semblable à Équipe Canada. Cet homme de terrain conseille aux entreprises canadiennes de ne pas demeurer passives, mais de plutôt chercher en Russie des créneaux de marché où elles peuvent se révéler très concurrentielles. Bon nombre de ces secteurs d'activités seront ceux où le Canada est déjà reconnu comme un chef de file, c'est-à-dire les domaines où il a acquis une expertise (recherche sur le climat froid, développement technologique et infrastructures, systèmes de gestion des ressources prévoyant la participation des Autochtones de même que la protection de l'environnement et des mesures correctives) particulièrement adaptée aux besoins énormes des régions nordiques de la Russie et des collectivités autochtones de l'Arctique et qui leur garantisse un développement humain durable.

    En ce qui touche à l'état général de la coopération officielle Canada-Russie dans le Nord, nous croyons qu'il reste beaucoup à faire malgré tout l'éventail d'activités qui ont été entreprises dans le cadre de l'Accord de 1992 et de concert avec les provinces et territoires, les groupes autochtones, les établissements de recherche, d'enseignement et de santé, les milieux culturels et d'autres organisations, sans oublier les activités menées par les ministères et organismes fédéraux302. En fait, Harald Finkler, le directeur de la Direction de la liaison circumpolaire (DLC) au MAINC, à qui on avait confié la responsabilité de mettre en oeuvre l'accord bilatéral, a reconnu durant son témoignage devant le Comité en mai 1996 qu'aucune ressource ne lui avait été accordée pour remplir son mandat [18:25]. La Russie n'a pas pu trouver de fonds pour assurer la participation des Russes; les deux parties n'ont donc pas réussi à organiser une réunion ministérielle de la commission mixte créée par l'accord, même si des rencontres régulières ont eu lieu entre les fonctionnaires du MAINC et de son équivalent, le comité d'État russe (GOSKOMSEVER). Comme cet accord doit être reconduit dans quelques mois, l'évaluation ambivalente que John Hannigan a faite de la situation fournit au Comité plusieurs points de réflexion :

    [. . .] Cette coopération Canada-Russie dans l'Arctique n'est plus aussi dynamique depuis trois ans environ à cause des restrictions financières que doivent s'imposer les deux pays, et des incertitudes et bouleversements qui règnent en Russie. Les rapports bilatéraux de gouvernement à gouvernement doivent donc être réexaminés afin qu'on puisse déterminer s'ils sont fructueux et ce qu'ils représentent par rapport aux tribunes multilatérales, comme la Stratégie de protection de l'environnement dans l'Arctique et le Conseil de l'Arctique.
    La Russie connaît de grands changements depuis quatre ans et il semble s'amorcer une tendance vers la coopération multilatérale et les projets conjoints en-dehors de l'entente bilatérale officielle. [. . .] Serait-il opportun de [. . .] concentrer plutôt nos efforts sur des initiatives multilatérales dans l'Arctique? Pour répondre à la question, il faudrait bien peser les conséquences de la décision qui mettrait fin à la relation [officielle de coopération bilatérale dans l'Arctique de gouvernement fédéral à gouvernement fédéral]. Il faudrait consulter bon nombre des personnes qui ont participé au programme et qui continuent à tirer des avantages concrets de cette collaboration [18:22-23].
    L'aspect le plus prometteur de cet encadrement intergouvernemental officiel a peut-être été l'importance particulière accordée à la promotion de rapports directs entre les régions et les peuples autochtones eux-mêmes, même si les fonds nécessaires ont été rassemblés difficilement et de façon ponctuelle. De plus, bien que les Russes éprouvent de sérieuses difficultés financières, ils ont démontré qu'ils sont très intéressés à donner suite à l'accord de quelque façon que ce soit. Les fonctionnaires de la DLC ont fait tout ce qu'ils pouvaient avec les fonds à leur disposition et ils ont facilité la participation de Canadiens reconnus pour leur compétence aux diverses grandes réunions internationales organisées par la Russie sur les questions liées à la coopération dans le Nord, notamment à celle qui a été tenue à Arkhangelsk en septembre 1995 et qu'a mentionnée le président du GOSKOMSEVER, M. Kurmin, durant l'exposé dynamique qu'il a fait devant le Comité à Moscou. Les Canadiens s'étaient également fait remarquer antérieurement en contribuant à un atelier de recherche avancée sur la gestion, la technologie et les ressources humaines dans l'Arctique, parrainé par l'OTAN et tenu à Novossibirsk. Le ministère fédéral russe des nationalités et de la politique régionale et la république de Sakha de Sibérie (Yakoutie) étaient également mêlés à l'organisation de cet atelier. Plusieurs des exposés des Canadiens portaient sur l'autonomie des Autochtones et sur le développement durable303. Robert Doherty, des T.N.-O., a commenté l'augmentation des activités menées au niveau territorial, dans le nord-est de la Russie, dont nous avons déjà parlé. Lors de son retour de l'Arctique occidental, le Comité a reçu, le professeur Clifford Hickey de l'Institut circumpolaire canadien de l'Université de l'Alberta et certains de ses collègues. Il a fait un certain nombre de suggestions visant à aider le nord de la Russie à passer à une économie de marché parmi lesquelles : une stratégie touristique et commerciale circumpolaire axée sur les ressources renouvelables et le développement des économies traditionnelles de la région, une plus grande utilisation des nouvelles technologies de communication dans la région circumpolaire, la création et la commercialisation des bases de données électroniques en ce fondant sur l'expertise scientifique russe qui est réputée304. (Le projet «Intaris» appuyé par l'ACDI, dont le Comité a pu prendre connaissance à Saint-Pétersbourg, illustre on ne peut mieux ce genre de possibilités. Il sera d'ailleurs décrit dans la prochaine section.) Toujours lors de cette conférence de Novossibirsk, Gérard Duhaime, un professeur de l'Université Laval qui a comparu à deux reprises devant le Comité, avait fourni des explications sur le développement de la collaboration Québec-Russie dans le domaine de la recherche au cours des dernières années. Parmi les suggestions qu'il a faites pour l'avenir et qui ont été mentionnées au chapitre huit, notons l'établissement d'un programme d'échanges d'étudiants dans le Nord qui relèverait du Conseil de l'Arctique et serait calqué sur le Programme d'action communautaire en matière de mobilité des étudiants (ERASMUS) de l'Union européenne305. Les participants à cette conférence parrainée par l'OTAN provenaient des huit pays circumpolaires et ont approuvé une déclaration demandant l'adoption de nouvelles stratégies multilarérales de développement pour l'Arctique qui soient fondées sur les principes du développement durable, de la participation des Autochtones et d'un appui à une coopération axée sur le savoir, au sein de ce que les participants Russes ont appelé une «collectivité nordique et arctique», interrégionale aussi bien qu'internationale en train de prendre corps.

    Reprenant le point de vue du MAINC, Harald Finkler a précisé dans son mémoire au Comité un certain nombre des raisons qui expliquent pourquoi le mécanisme bilatéral administré par sa direction de la liaison circumpolaire demeure important pour développer un programme de coopération avec la Russie dans l'Arctique. Les besoins criants des régions septentrionales de la Russie, en particulier des peuples autochtones du Nord, de même que la complexité de leur situation, notamment en ce qui touche l'environnement et la reprise économique, constituent de solides arguments pour qu'on utilise la vaste expérience et expertise du Canada pour aider la Russie à se donner les moyens institutionnels et gestionnels nécessaires dans ces domaines. Comme l'a souligné notre ambassadrice aux affaires circumpolaires, Mary Simon, devant la réduction radicale ou la fin abrupte des subventions versées par l'État à des centaines de localités du nord de la Russie, «personne n'a intérêt, de toute évidence, à ce que le nord de la Russie demeure vacillant et soit abandonné. Même si on fait abstraction de son terrible impact sur les personnes, les familles et les collectivités, l'effondrement économique et social de la région menace de nuire aux efforts déployés pour juguler le flux de polluants que déverse la Russie dans l'océan Arctique, dans le ciel et sur les rivages du Nord306.» Il est certain que les Russes que nous avons rencontrés étaient avides d'explorer les possibilités d'aide mutuelle. En même temps, cette coopération Canada-Russie s'oriente de plus en plus vers des initiatives qui sont prises au niveau infranational ou non gouvernemental - comme des programmes de gouvernements territoriaux, des rapports entre organisations autochtones - ou encore qui visent à appuyer la coopération multilatérale par l'intermédiaire de la SPEA ou du Conseil de l'Arctique. De plus, comme nous en avons discuté au chapitre quatre, d'autres ministères fédéraux russes et canadiens que le GOSKOMSEVER et le MAINC se préoccupent également de questions qui ont une grande incidence sur le Nord, telles que la sûreté nucléaire et la sécurité environnementale. Le sous-ministre des Affaires étrangères, M. Mamedov, a reconnu très clairement devant le Comité que la démilitarisation et le déclassement des réacteurs constituaient une «question de survie», mais que le «principal problème en est un d'argent». La Russie s'intéresse donc à toute une gamme de projets de partenariat afin de relever ce défi307. On nous a informés que des projets environnementaux menés dans l'Arctique ont été interrompus en raison de la crise budgétaire. Il s'agit d'un autre domaine où la Russie souhaite que le Canada s'engage davantage.

    Depuis la signature en 1992 de l'accord-cadre sur la coopération Canada-Russie dans le Nord, beaucoup d'événements sont survenus et il faudrait en tenir compte afin de déterminer le type de relations qu'on maintiendra après juin 1997. Le Canada continue à développer un programme complet d'aide bilatérale à la Russie qui est maintenant géré par l'Agence canadienne de développement international (ACDI) et dont nous traiterons dans la prochaine partie. Comme nous l'avons souligné dans les premiers chapitres, la nomination d'une ambassadrice aux affaires circumpolaires et la création du Conseil de l'Arctique font qu'il est maintenant important pour le Canada d'élaborer un cadre stratégique complet et cohérent concernant l'Arctique afin de pouvoir faire preuve de leadership à l'échelle internationale. Le maintien d'une relation solidement établie et diversifiée avec la Russie constitue évidemment une composante essentielle du processus d'élaboration d'une politique étrangère canadienne dans la région circumpolaire qui soit à la hauteur. Il faudrait donc revoir et renouveler dans une nouvelle optique des accords sur la coopération bilatérale dans l'Arctique comme celui qui a été conclu en 1992 sans que des ressources n'y soient consacrées et sans que ses dispositions ne soient solidement arrimées aux objectifs de la politique étrangère. Les différents ministères et organismes peuvent continuer à appliquer des programmes dans divers secteurs d'activités, mais c'est le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international qui doit s'occuper de coordonner les relations Canada-Russie, en s'efforçant de rendre prioritaires les objectifs globaux de la coopération circumpolaire dans la politique étrangère du Canada.

    Par conséquent :

    L'avenir de l'assistance technique canadienne en faveur du Nord de la Russie

    Pendant de nombreuses années, l'URSS, en tant que superpuissance, a été un important donateur d'aide dans sa sphère d'influence. Le régime soviétique s'étant désintégré rapidement après 1989, la Russie était mal préparée à recevoir de l'«aide» étrangère, encore moins de l'aide à caractère nettement démocratique et capitaliste. Étant donné les défis sans précédent de l'après-guerre froide et de la transition postcommuniste, il a fallu prendre beaucoup de mesures nouvelles et tenter bien des expériences pour fournir de l'aide temporaire au processus de la réforme. La dislocation de l'URSS en plusieurs groupes d'État indépendants - malgré le maintien des liens lâches réunissant la plupart d'entre eux au sein d'une «Communauté d'États indépendants» (CEI) - est venue complexifier encore davantage la programmation de l'aide accordée jusque-là à l'«ancienne Union soviétique». La Russie était elle-même une fédération extrêmement compliquée de régions qui s'affirmaient de plus en plus (parfois avec violence) vis-à-vis de l'État central. En même temps, en tant que puissance importante, ce qu'elle demeure, dont la population est très instruite, il n'était pas indiqué de chercher à entretenir avec elle une relation donateur-bénéficiaire de type traditionnel.

    L'aide internationale vise avant tout à appuyer le passage à une économie de marché et à un régime démocratique, de manière à ce que la Russie puisse, aussi rapidement et, espère-t-on, aussi pacifiquement que possible, s'intégrer progressivement à l'économie mondiale et former des liens commerciaux et politiques normaux avec les pays démocratiques capitalistes. Bref, l'objectif de cette aide à la transition se démarque nettement de celui des programmes d'aide à long terme conçus pour les pays en développement où l'on cherche avant tout à soulager la pauvreté et à satisfaire les besoins fondamentaux. Par conséquent, la nouvelle banque multilatérale établie pour la région en 1991, la BERD, a reçu un mandat axé expressément et exclusivement sur la réforme du marché, la démocratie et le secteur privé, plutôt que le mandat connu axé sur le «développement» habituel. Toutefois, on a critiqué à divers égards l'aide occidentale bilatérale en faveur de la Russie : on a été plus prompt à faire des promesses qu'à les tenir et leur mise en oeuvre a souvent été ponctuelle et improvisée. Les perturbations continuelles dont la Russie est le théâtre, dans le centre ou dans les régions, s'accompagnent parfois d'une lacune grave : l'impossibilité de trouver des partenaires russes fiables capables de réaliser des projets durables. Une connaissance approfondie de la situation sur le terrain, l'établissement de bonnes relations avec des personnes physiques ou morales et l'établissement de mécanismes de sélection et d'évaluation rigoureux et axés sur les résultats, voilà autant d'autres points dont l'importance a été soulignée devant le Comité par le bureau du vérificateur général et confirmée par nos rencontres à l'étranger. En ce qui concerne précisément les partenariats axés sur l'aide circumpolaire, M. Piers Vitebsky, de l'Université de Cambridge, fort de sa profonde connaissance de la vie autochtone dans les régions septentrionales de la Russie, a insisté sur la nécessité d'entretenir des contacts avec les gens et les collectivités.

    On comprend que le Canada ait dû agir rapidement en 1991 pour mettre sur pied une assistance technique à l'intention de l'Union soviétique, puis des États qui lui ont succédé. Les montants en cause ont aussi connu une hausse rapide : les cinq millions de dollars par année annoncés lors du Sommet du G7 en 1991 étaient passés en 1993 à 30 millions de dollars par année pendant cinq ans. Cette somme s'ajoutait à quelque 23 millions de dollars en aide humanitaire et à 30 millions de dollars sur trois ans au titre de l'Initiative canadienne pour la sûreté nucléaire établie en 1992308. De fait, le premier ministre Mulroney a affirmé, dans un discours prononcé en juillet 1992 à l'Université John Hopkins, que le Canada avait déjà versé plus de 1,6 milliard de dollars en crédits et en aide à l'ancienne Union soviétique, et qu'il s'agissait là de l'aide la plus élevée par habitant fournie par un pays du G7, exception faite de l'Allemagne. La majeure partie de l'assistance technique au cours de ces premières années - par l'entremise d'un bureau créé à cette fin au sein du ministère des Affaires étrangères, et d'un mécanisme appelé «Renaissance Europe de l'Est» (REE) destiné à encourager l'activité du secteur privé canadien309 - portait avant tout sur des secteurs habituels comme le pétrole et le gaz, ou encore l'agriculture, deux domaines où le savoir-faire canadien est renommé et qui sont cruciaux pour les Russes qui cherchent à accroître les exportations de pétrole et à réduire leurs importations agricoles. En 1994-1995, certaines discussions ont été tenues sur un éventuel protocole d'entente bilatérale concernant la coopération technique entre le Canada et la Russie. Toutefois, les pourparlers ont échoué sur le point du traitement fiscal. Le gouvernement poursuit depuis lors ses efforts auprès des autres pays du G7 afin de pousser la Russie à adopter des lois fiscales appropriées aux transactions d'aide étrangère. En 1995, après l'examen de la politique étrangère et la publication du document intitulé Le Canada dans le monde et à la suite d'une importante réorganisation, on a consolidé la responsabilité de mettre en application le programme d'aide canadien à l'intention des «pays en transition», y compris la Russie et on l'a transférée à l'ACDI, afin de tirer profit de son expérience sur le terrain en matière d'organisation et de réalisation des projets. Toutefois, la responsabilité globale de l'orientation des politiques relève toujours du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

    Fin 1996, le Canada avait engagé au-delà de 130 millions de dollars et déboursé plus de 115 millions de dollars pour soutenir plus de 200 projets de coopération technique en Russie. Pour l'exercice financier 1996-1997, le budget à ce titre s'établissait à 23 millions de dollars et, selon certaines sources officielles, le secteur suscite un intérêt tel que la majeure partie du financement disponible pour les deux prochains exercices financiers est déjà engagée. (L'aide à la Russie représentait un peu moins du quart de l'aide totale aux «pays en transition» qui, selon le Budget des dépenses 1997-1998 du gouvernement, devrait être réduite d'environ 8 p. 100 au cours du présent exercice et d'un autre 8 p. 100 en 1998-1999.) Sous la gestion de l'ACDI, le programme de coopération technique avec la Russie reste largement orienté vers la réforme et le renforcement du secteur privé310. Le bureau du vérificateur général qui, tout comme les fonctionnaires de l'ACDI, avait mis les membres du Comité au courant avant leur déplacement en Russie, constate dans un suivi de vérification de novembre 1996 que certaines améliorations systémiques ont été amorcées311. En même temps, surtout si on tient compte du caractère réactif du programme qui a dû se développer dans des circonstances fluides et mouvantes, il reste visiblement de nombreux défis à relever pour appuyer cette coopération bilatérale sur des assises solides et stables et que l'on soit convaincu que les activités financées sont vraiment celles qui répondent le mieux aux objectifs russes aussi bien que canadiens dans ce partenariat. En dernière analyse, la réussite se traduira par l'apparition de relations à long terme, qui ne reposeront plus sur un financement continu de l'État canadien. À tout le moins, comme elle est forcée de travailler dans un contexte reconnu à haut risque, avec des ressources et des moyens d'influence limités, l'ACDI doit dès le départ se donner des objectifs clairs, utiliser des mécanismes organisationnels solides de gestion du risque et de mesure du rendement et démontrer son habileté professionnelle en travaillant en étroite collaboration avec des partenaires experts dans la connaissance des réalités locales russes.

    Le Comité note que, en ce qui concerne la Russie, l'ACDI procède à la mise en place d'un cadre de coopération technique plus précis à mesure qu'elle avance dans la mise en oeuvre d'une stratégie de programmation mieux ciblée et davantage axée sur les résultats. L'ACDI vient tout juste de terminer un document de stratégie nationale concernant la Russie, qui fait état des enseignements sur les facteurs de réussite qu'elle a tirés de son expérience en Russie :

    L'élaboration des propositions de projets doit donner lieu à une étroite collaboration entre partenaires canadiens et russes. Les institutions concernées en Russie doivent appuyer sans réserve le but du projet et être prêtes à en assurer la viabilité. Le partenaire canadien doit avoir démontré qu'il est capable d'obtenir de bons résultats en Russie et que sa crédibilité y est établie312 .
    Ces paramètres posés, les projets doivent concerner un ou plusieurs des grands objectifs du programme, à savoir promouvoir la transition vers une économie de marché, appuyer l'avancement de la démocratie et accroître le commerce et les investissements canadiens313. Un élément qui intéresse particulièrement le Comité dans le contexte du présent rapport est celui des «considérations spéciales» qui doivent alors être prises en compte dans les décisions concernant les programmes. Parmi les facteurs importants de sa coopération bilatérale, outre la protection de l'environnement, la sécurité nucléaire et l'intégration des femmes dans le développement, l'ACDI ajoute avec raison les «questions du Nord et des Autochtones», comme l'un des domaines où le Canada peut profiter de ses points forts pour occuper des créneaux avantageux. Parmi les objectifs prioritaires, citons le renforcement du rôle des populations autochtones de Russie dans la planification et la gestion du développement qu'on prévoit pour eux. Toutefois, en ce qui concerne l'élaboration d'une politique étrangère circumpolaire pour le Canada, nous croyons que la coopération dans le Nord et dans l'Arctique devrait être haussée au niveau d'objectif principal du programme de l'ACDI en Russie, et non pas y figurer comme une simple dimension ajoutée.

    Dans ce contexte, il existe plusieurs secteurs prioritaires d'activité bilatérale qui, à nos yeux, méritent une attention particulière et peuvent contribuer aux intérêts généraux de la politique canadienne de coopération circumpolaire, objet principal de ce rapport. De plus, étant donné la gravité de la crise économique russe, qui a des effets dramatiques dans les régions septentrionales et éloignées, et compte tenu des habituelles pressions exercées pour l'obtention d'avantages à court terme pour le Canada, on risque de voir les décideurs hésiter à s'attaquer aux aspects les plus épineux de la question nordique. Or, c'est précisément parce qu'il s'agit là de problèmes de fond que le Comité souhaite voir les dimensions «protection à long terme de l'environnement arctique» et «développement humain durable» de la coopération bilatérale occuper une place prépondérante dans les démarches intergouvernementales. Ces domaines comptent parmi ceux pour lesquels l'aide publique de l'extérieur est la plus nécessaire et, par conséquent, où des contributions canadiennes spécifiques auront les meilleures chances d'aider les populations locales.

    Les populations autochtones russes - cela est ressorti nettement de nos entretiens avec leurs représentants - considèrent le Canada comme un allié de premier plan dans le difficile processus de transition. (Selon des renseignements reçus en février 1997, le gouvernement de la Russie est à la recherche de partenaires internationaux afin d'établir un nouveau «fonds de développement international visant à aider les peuples autochtones du Nord de la Russie».) Le principal projet d'aide technique du Canada en l'occurence vise à aider ces populations à se doter d'institutions qui augmenteront leurs capacités de prendre leurs affaires en main, en Russie et ailleurs. Commencé à l'automne de 1996, ce projet durera quatre ans. Destiné à soutenir les mesures prises par la Russie en faveur du développement du Nord et des population autochtones, il est géré pour l'ACDI par la Conférence circumpolaire inuit, en concertation directe avec son équivalent russe dans le Conseil de l'Arctique, l'AKMNSSDV, R.F., et en collaboration avec la Direction de la liaison circumpolaire du MAINC et son équivalent dans le gouvernement russe, le GOSKOMSEVER. De plus, comme l'ont dit de nombreux témoins, il est important d'informer et de faire participer les populations locales à l'élaboration des politiques. Aussi le Comité espère-t-il que ce projet qui, on le comprend, est dirigé au niveau national par des responsables autochtones, de concert avec des fonctionnaires fédéraux des deux pays, s'accompagnera d'un effort concerté pour toucher les populations locales, afin que ses effets se répercutent largement dans les régions septentrionales de la Russie.

    Le Comité a également été impressionné par l'importance qu'attachait à ces questions Mikhaïl Gorbatchev, dont la fondation collabore avec l'Université de Calgary à plusieurs projets conjoints prometteurs. Au cours des discussions que nous avons eues avec lui, l'ancien leader soviétique a reconnu que, par le passé, le développement du Nord avait engendré de nombreux problèmes écologiques et humains. Près de Mourmansk, certaines zones sont si dévastées que l'on croirait qu'une explosion nucléaire y a eu lieu. Abstraction faite de la contamination radioactive (qui constitue aussi un grave problème dans le Grand Nord oriental), les pipelines et l'exploitation minière y ont causé des dommages considérables. Le plus inquiétant, c'est que ces problèmes pourraient s'aggraver, car certaines sociétés font actuellement des bénéfices considérables en exploitant les ressources du Nord, sans aider les populations autochtones à absorber les impacts sociaux et locaux de leurs interventions. Selon M. Gorbatchev, les populations autochtones doivent disposer d'un territoire suffisant qui n'a rien à voir avec tout système de «réserves» qui pourraient devenir de véritables «prisons ouvertes». On devrait envisager la création de zones protégées dans lesquelles les Autochtones pourraient exercer un certain pouvoir et des responsabilités de cogestion. À cet égard, il a souligné l'importance du projet de cartographie de l'utilisation des terres, réalisé par sa fondation et parrainé par le Canada en collaboration avec l'Institut de l'Arctique de l'Amérique du Nord de l'Université de Calgary. Cette initiative vise à établir un régime de cogestion pour la population saami appauvrie de la presqu'île de Kola. Même si les membres du Comité ont été empêchés à cause du mauvais temps de rencontrer les représentants saamis à Mourmansk, ils ont pu se renseigner sur les mérites de ce projet, par l'entremise de Michael Robinson de l'Institut de Calgary. Faisant remarquer l'état plutôt chaotique et l'inachèvement de la réforme agraire dans l'ensemble de la Russie, le spécialiste des sciences sociales Piers Vitebsky, de l'Institut polaire Cambridge, est allé dans le même sens, soulignant la nécessité d'aider, à l'échelon régional, la recherche orientée vers les politiques de propriété foncière. Peter Williams, professeur en sciences de la terre invité à l'Université Carleton, a également souligné l'apport que les connaissances élaborées au Canada pourraient représenter pour la remise en état du pergélisol endommagé par l'exploitation des ressources (sols dégradés par suite des ruptures de pipelines par exemple).

    Certaines des discussions que le Comité a eues en Russie, notamment avec des hauts fonctionnaires du ministère de l'Environnement, ont attiré son attention sur les possibilités de coopération dans le domaine de la protection et de la réhabilitation de l'environnement. Étant donné la crise financière chronique qui affecte le gouvernement de la Russie, les responsables se sont montrés forts intéressés par un engagement éventuellement plus poussé du Canada, aux côtés des autres pays nordiques déjà très présents, dans le nord-ouest du pays surtout. Plusieurs grands projets appuyés par l'ACDI s'attachent déjà à renforcer les moyens dont dispose la Russie en matière de surveillance de l'environnement arctique (dans le contexte de la participation russe au Programme de surveillance et d'évaluation de l'Arctique circumpolaire de la SPEA), ainsi qu'en matière d'évaluation des effets sur l'environnement de l'exploitation des hydrocarbures au large des côtes. Dans de tels cas, comme elle le fait dans son programme général de coopération technique, l'ACDI confie, à contrat, l'exécution mtérielle des projets d'aide à des entités publiques et privées, qui doivent trouver les partenaires russes avec lesquels ils travailleront tout au long de la conception et de la mise en oeuvre des projets. Dans les initiatives environnementales dont il est question plus haut, les organismes canadiens d'exécution sont, respectivement, la société Bovar-Concord Environmental, de Toronto, et la société Axys Environmental Consulting Ltd., de l'île de Vancouver. Dans le cadre du projet qui porte sur l'exploitation des hydrocarbures, un centre russo-canadien d'évaluation des effets environnementaux a été ouvert à Moscou en juin 1996. Certains des fonctionnaires russes et des représentants de l'ACDI en poste à Moscou ont appris au Comité que, même si les relations de partenariat sur une base contractuelle ne s'étaient pas déroulées sans quelques difficultés, jusqu'à maintenant on avait réussi à résoudre les problèmes. Globalement, le plus dur consiste à maintenir un engagement ferme en faveur des objectifs de viabilité environnementale. La secrétaire générale du ministère de l'Environnement de la Finlande, Sirkka Hautojarvi, que le Comité a rencontrée par la suite à Helsinki, a déploré que le dossier de l'environnement ne soit pas considéré comme hautement prioritaire par le gouvernement russe et qu'il perde même du terrain. Elle a relaté l'expérience des pays nordiques à cet égard. Selon elle, l'époque se prêtait mal à la mise en chantier de projets conjoints, car les partenaires russes font eux-mêmes face à un contexte institutionnel très mouvant et à des contraintes financières très serrées. Néanmoins, les besoins et l'intérêt de la Russie pour la suite de cette coopération ne sont pas remis en question. Un projet de plusieurs millions de dollars, actuellement en cours d'élaboration, pourrait déboucher sur la création d'un centre d'excellence canado-russe en protection de l'environnement, qui serait établi dans une université moscovite et où Environnement Canada travaillerait de concert avec des entreprises canadiennes chevronnées, notamment avec la société québécoise SNC-Lavalin. Nous sommes convaincus que le fait de donner à la Russie de meilleurs moyens de résoudre ses problèmes environnementaux, surtout dans les régions les plus touchées de l'Arctique, doit continuer d'être l'un des objectifs premiers de l'aide canadienne au monde circumpolaire.

    Un autre secteur qui mérite un appui ferme et soutenu est celui des transferts de connaissances dans les domaines où le Canada possède un savoir-faire et une expérience confirmés pouvant être commercialisés et exportés à l'échelon interrégional. Citons l'excellent exemple du Northern Management Program (NMP) que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest met à exécution dans la foulée des relations étroites qu'il a établies avec la république de Sakha (Yakoutie), du nord-est de la Sibérie. Parmi les premières retombées du programme, citons le village modèle construit par la Société Ferguson, Simek, Clark, dont le Comité a rencontré des représentants à Yellowknife, et le programme d'enseignement des métiers arctiques qui y est associé. Les phases subséquentes du programme se poursuivent actuellement. Quelques sociétés de l'Alberta profitent également des débouchés créés en Sibérie, où elles appliquent des techniques de construction en climat froid mises au point au Canada. C'est aussi l'occasion pour plusieurs jeunes citoyens talentueux de la république de Sakha d'acquérir des compétences pratiques en matière de gestion, tout en nouant, avec des Canadiens, des liens qui porteront fruit à long terme, et pas seulement dans les domaines de l'administration ou des échanges commerciaux. En effet, ce qui est vraiment digne de mention c'est l'accent que l'on met sur les contacts directs et le développement du potentiel en ressources humaines dans le Nord. Le message qu'a transmis au Comité le ministre adjoint des Territoires du Nord-Ouest, Robert Doherty, responsable canadien du NMP, est qu'il faut avant tout «transférer des connaissances et de l'aide aux collectivités, de manière à donner aux gens les moyens de résoudre eux-mêmes leurs problèmes». Il a ajouté très justement : «Une part beaucoup trop importante de notre effort est consacrée aux échanges avec les hauts fonctionnaires de l'administration publique russe et aux méga-projets. Ce qui doit compter avant tout, ce sont les milliers de collectivités rurales314».

    Dans le même ordre d'idée, l'Institut Scott de recherche polaire de Cambridge, qui a reçu des membres et des collaborateurs du Comité à plusieurs occasions, a été l'un des premiers à élaborer quelques projets de formation technique extrêmement intéressants, dans la république de Sakha. Il y a appliqué les connaissances spécialisées qu'il avait acquises sur les moyens de permettre aux collectivités autochtones éloignées de l'Arctique de réaliser une reprise économique durable. Nous en avons déjà parlé aux chapitres 6 et 7. D'après M. Vitebsky, qui dirige le programme russe de l'institut, «la ressource la plus importante n'est pas l'argent, mais les gens compétents». Bien sûr, un certain financement est nécessaire à la formation des gens au niveau local au moyen d'initiatives circompolaires de développement des ressources humaines315. Pour sa part, l'Institut Scott de recherche polaire s'attache à construire des relations à long terme avec des institutions locales sakha, et travaille également en étroite collaboration avec l'Université de l'Alaska, qui lui apporte ses connaissances de l'expérience autochtone de l'Aslaska afin de gérer le développement au profit du Nord. Cet institut mène des projets en développement économique rural, et plus particulièrement dans la commercialisation de la viande de renne (la république de Sakha possède un cheptel de 300 000 rennes, mais la plupart des gens consomment de la viande importée vendue au prix fort). Ces projets ont obtenu un certain financement par l'entremise de l'USAID, qui les classe au nombre de ses meilleures réussites en Russie. L'institut voudrait également amener d'éventuels partenaires internationaux à s'intéresser aux marchés des capitaux dans les domaines du pétrole et du gaz (malgré ses importants gisements de pétrole inexploités, la république de Sakha demeure entièrement tributaire des carburants importés), ainsi qu'à des projets d'amélioration de la qualité de l'environnement dans une région. Bien qu'il renferme des zones encore vierges et des réserves, parmi les plus grandes du monde, de ressources naturelles renouvelables et non renouvelables, l'extrême nord oriental de la Russie a été l'une des régions les plus lourdement touchées par les effets des activités militaires et industrielles de l'époque soviétique y compris les retombées dans l'atmosphère du site arctique d'essais nucléaires de Novaya Zemlya316. Les secteurs que nous venons de mentionner devraient certainement intéresser des Canadiens. C'est pourquoi nous encourageons le gouvernement à explorer la possibilité d'une coopération bilatérale à ce niveau, en s'inspirant de l'expérience comparative des projets circumpolaires.

    Nous nous devons de mentionner ici le très important projet relatif aux glaces de l'Arctique, dont le Comité a pu visiter les bureaux, à l'Institut de l'Arctique et de l'Antarctique à Saint-Pétersbourg. Il s'agit, coïncidence symbolique, du même immeuble où, sept ans plus tôt, en novembre 1989, le premier ministre Mulroney avait parlé pour la première fois à l'étranger de l'intention du Canada de mettre sur pied un Conseil de l'Arctique pour promouvoir la coopération circumpolaire. Ce projet appelé «Intaris» (système d'information intégrée sur les ressources de l'Arctique ou Integrated Arctic Resources Information System), qui intègre plusieurs thèmes prioritaires relatifs à un développement durable des ressources de l'Arctique qui soit respectueux de l'environnement et les transferts de connaissances aptes à rapporter des avantages commerciaux aux deux pays, est l'un des exemples les plus prometteurs de la collaboration entre le secteur public et le secteur privé, envisageable dans le cadre d'un partenariat bilatéral appuyé par l'ACDI. L'élaboration de ce projet a duré plusieurs années, et sa mise en oeuvre a commencé en 1995. C'est une société subsidiaire (Intaari), créée par l'institut russe, en collaboration avec une unité subsidiaire de services techniques (Enfotec), créée par la Compagnie de navigation Canarctic Ltée en 1996 pour commercialiser son savoir-faire acquis dans l'Arctique canadien qui le mettent en oeuvre. Comme l'ont expliqué au Comité le directeur russe Alexandre Tchernychov (lui-même un distingué vétéran des expéditions scientifiques dans la Russie polaire) et ses homologues canadiens, Martin Luce et Brian Eddy, les objectifs du projet sont de réunir un ensemble de renseignements et de données sur l'environnement qui pourront appuyer la mise en valeur des ressources pétrolières extracôtières de la Russie, tout en donnant lieu à des applications commerciales nouvelles issues des technologies connexes317.

    Sur le plan pratique, l'un des points forts de ce projet réside dans l'utilisation qu'il fait de l'avancement des technologies du Canada et dans le fait qu'il emploie et forme des chercheurs russes, à une époque où les établissements d'État ont de plus en plus besoin d'innover et de trouver des partenaires étrangers entreprenants qui leur apportent leur soutien. Intaris permettra également de créer une base de données centrale numérisée sur les glaces de l'Arctique, la climatologie et d'autres conditions environnementales. À terme, le but visé est d'arriver à fournir aux clients des services informatisés sur mesure, en ligne, contre rétribution - en un mot, de surveiller les conditions de la glace aux fins de la navigation polaire ou de l'exploration extracôtière. Bien que l'analyse des partenaires soit positive quant à la demande du marché et qu'ils s'occupent activement de susciter l'intérêt des milieux d'affaires russes et étrangers, le Canada continuera de devoir subventionner les coûts initiaux importants de l'élaboration d'un tel système jusqu'à ce que ses applications commerciales deviennent rentables. De tels projets, étant entendu qu'un engagement à long terme de la part de toutes les parties est nécessaire pour que les objectifs soient atteints, comporteront des leçons utiles pour les entreprises conjointes canado-russes de demain. En plus, au fur et à mesure de leur développement, leur intérêt débordera la simple dimension bilatérale. Il a été conçu, nous a-t-on dit, selon une «structure ouverte» qui pourrait attirer d'autres partenaires internationaux (c'est-à-dire les pays nordiques) et même servir de prototype à d'autres activités circumpolaires en recherche et développement génératrices de retombées économiques. De plus, les connaissances ainsi acquises pourraient servir les efforts du Canada au sein des organisations maritimes internationales pour harmoniser les normes de la navigation dans les glaces et réduire les risques pour l'environnement découlant de l'augmentation de la navigation commerciale et des activités de développement en région polaire318. Compte tenu des antécédents inquiétants qu'a connus l'Arctique, canadien aussi bien que russe, le Comité insiste particulièrement pour que toute la coopération technique canadienne, surtout celle qui sert au développement économique absolument nécessaire, respecte formellement les principes du développement durable en ce qui concerne les effets tant sur l'environnement que sur les humains dont nous avons parlé dans la Partie II de ce rapport.

    En terminant, nous aimerions évoquer brièvement le sujet des ressources financières nécessaires au développement local des petites entreprises. Celles-ci sont essentielles à la réforme économique et à la reprise en Russie, d'une manière générale, et particulièrement pour les régions éloignées et démunies du Nord. Nous remarquons que la contribution de l'ACDI au Fonds pour les petites entreprises de Russie, une initiative novatrice (cette contribution s'élève à 10 millions de dollars depuis que le fonds d'un montant total de 300 millions de dollars U.S. a été créé au Sommet du G-7 de 1993) est le poste budgétaire le plus important du programme canadien de coopération technique. Ce fonds est géré par la BERD et décaissé par les banques russes locales, qui elles-mêmes profitent aussi des partenariats d'assistance technique. Il tourne à plein régime depuis 1995, comporte un mécanisme croissant de microcrédits - qui accorde des prêts ne dépassant pas parfois les 100 dollars U.S. - ainsi qu'un mécanisme de petits prêts et une composante de fonds d'actions pour petites entreprises. Les décaissements augmentent maintenant rapidement (accroissement annoncé de 600 p. 100 pour 1996), et les résultats sont impressionnants sur le plan des remboursements (arriérés inférieurs à 3 p. 100 pour la composante microcrédit). Selon Elizabeth Wallace, principale banquière chargée du projet à la BERD, «la demande a augmenté tellement rapidement que cette initiative est devenue une de nos plus grandes réussites319. L'objectif est de poursuivre l'expansion du fonds jusqu'à ce qu'il atteigne 50 millions de dollars U.S. en crédits débloqués chaque mois. Jusqu'à présent, toutefois, cette activité n'a guère touché les régions nordiques les plus éloignées et les plus rurales, où les besoins locaux en petits capitaux sont grands320. Par conséquent, le souci du Comité est que les collectivités de l'Arctique russe, et particulièrement les collectivités autochtones, tirent autant de profits que possible des initiatives de prêt aux petites entreprises auxquelles le Canada verse une contribution.

    Rappelons, comme nous l'avons déjà dit au chapitre six, qu'Oran Young a suggéré que les pays circumpolaires envisagent la création d'une banque arctique de développement qui aiderait le développement rural communautaire, et dont la Russie du Nord serait manifestement la première bénéficiaire. À notre avis, il serait peut-être plus pratique à l'heure actuelle que le Canada attende de voir comment les instruments financiers internationaux existants, dont nous avons parlé plus haut, peuvent être utilisés pour aider les régions et les secteurs mal desservis par les marchés de capitaux privés. À cet égard, on devrait aussi examiner les fonds à risque régionaux de la BERD pour la Russie. Financés par les contributions bilatérales volontaires des membres de la banque (pays donateurs du G-7 et de l'Union européenne), ces fonds sont destinés à d'éventuels investissements sous forme d'actions dans des entreprises du secteur privé. Onze ont été établis à ce jour, dont au moins trois sont destinés au nord de la Russie : le fonds régional de capitaux à risque de la Russie du nord occidental (parrainé par la Finlande); le fonds d'investissement pour le Daiwa extrême-oriental et la Sibérie orientale (Japon); le fonds de capitaux à risque étrangers et coloniaux pour la Sibérie occidentale (R.-U.)321. Il est vrai que le Canada ne participe pas encore à cette initiative, mais il serait peut-être indiqué pour lui d'envisager certaines possibilités. Un instrument hybride bilatéral/multilatéral de ce genre pourrait être utilisé pour toucher, par exemple dans la région du grand nord occidental en Russie, la république de Sakha où des relations ont déjà été établies par les gouvernements territoriaux du Canada, certaines entreprises du Nord, de même que des organismes et des entreprises régionales autochtones.

    En somme, le Comité espère que le gouvernement canadien, et les organismes comme l'ACDI, feront preuve de dynamisme et d'imagination dans le recours aux instruments bilatéraux qui sont à leur disposition pour répondre aux besoins de l'Arctique en matière de développement durable, conformément aux priorités du programme d'assistance technique Canada-Russie. En même temps, le Canada devra faire preuve de prudence et d'esprit stratégique dans la recherche de ses partenaires russes. Il lui faudra souligner qu'il s'engage avant tout à établir des relations de coopération durables.

    Par conséquent :


    249
    Walter J. Hickel, «An Agenda for the Arctic World», The Changing Role of the United States in the Circumpolar North: A Conference on U.S. Arctic Policy, 12-14 août 1992, Université de l'Alaska à Fairbanks, p. 9.

    250
    Terry Fenge, «The Evolving U.S. Policy toward the Arctic», dans Lamb, éd., Une politique extérieure nordique pour le Canada (1994), p. 150.

    251
    Elizabeth Leighton, «U.S. Arctic Policy Undergoes Reassessment», Northern Perspectives, hiver 1993-1994 ,p. 28.

    252
    Oran Young, Le Conseil de l'Arctique : Marquer l'avènement d'une nouvelle ère dns le domaine des relations internationales (1996), p. 14.

    253
    Elizabeth Leighton (hiver 1993-1994), p. 27.

    254
    Le document dont il est fait mention est probablement une version préliminaire, puisque la seule version publique de la politique est un résumé qui fait deux pages. Voir «U.S. National Arctic Policy Statement», annexe G dans Arctic Research of the United States, vol. 9, printemps 1995, Washington, Interagency Arctic Research Policy Committee, p. 63-64.

    255
    Déclaration du Sous-secrétaire aux Affaires planétaires, Timothy E. Wirth, à l'occasion de la signature de la déclaration du Conseil de l'Arctique à Ottawa, Canada, le 19 septembre 1996, p. 3.

    256
    Commentaires du gouverneur de l'Alaska, Tony Knowles, à l'occasion d'une conférence sur le pétrole à Kerrville, au Texas, le 17 novembre 1995.

    257
    John Stager, «Report of the Workshop on Canadian-American Relations», dans Lamb, éd., Une politique extérieure nordique pour le Canada (1994), p. 163.

    258
    Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord de la Chambre des communes, Deuxième rapport, 9 juin 1994, p. 9:5-6.

    259
    Mémoire présenté par Milton R. Freeman, 3 juin 1996, p. 2

    260
    Ibid.

    261
    Oran Young, Le Conseil de l'Arctique : Marquer l'avènement d'une nouvelle ère dans le domaine des relations internationales (1996), p. 53.

    262
    Ibid., p. 37.

    263
    Peter Morton, «Whaling and Forestry Top Chrétien, Clinton Talks», The Financial Post Toronto, le 15 février 1997.

    264
    Sanjay Chaturvedi, The Polar Regions (1996), p. 183.

    265
    Shelia Watt-Cloutier, Joe Kunuk et Terry Fenge, «The Arctic Council, Sustainable Development and Inuit», WWF Arctic Bulletin, no 4.96, p. 8.

    266
    Marianne A. Stenbaek, «Le Canada et les pays nordiques», mémoire présenté au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, mai 1996, p. 1.

    267
    Ibid.

    268
    Voir Graeme Magor, «Otto Sverdrup Centennial Expedition», Factsheet, novembre 1996.

    269
    Agreement on Cooperation in Research, Conservation and Management of Marine Mammals in the North Atlantic, article 2.

    270
    Oran Young, Le Conseil de l'Arctique : Marquer l'avènement d'une nouvelle ère dans le domaine des relations internationales (1996), p. 20.

    271
    Mémoire de Milton R. Freeman, le 3 juin 1996, p. 3.

    272
    Ibid., p. 2

    273
    Jette Elsebeth Ashlee, Greenland 1996: Notes on Selected Issues of Interest to Canada, Working Papers Series 97-01, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, février 1997, p. 51.

    274
    Anne-Marie Mikkelsen, «Conservation and Resource Management in Greenland: A Challenge for the Future», WWF Arctic Bulletin, no 4.96, p. 15.

    275
    Mémoire de Milton R. Freeman, le 3 juin 1996, p. 6-7.

    276
    Premier Lars Emil Johansen, Greenland and Ronald A. Irwin, Minister of Indian Affairs and Northern Development, Canada Promote Circumpolar Cooperation, communiqué 1-9653, Ottawa, le 3 décembre 1996.

    277
    Déclaration de M. Pekka Haavisto, ministre de l'Environnement de la Finlande, à l'occasion de la cérémonie d'inauguration du Conseil de l'Arctique, à Ottawa, le 19 septembre 1996, p. 2.

    278
    Max Jakobson, «Finland: A Nation that Dwells Alone», Washington Quarterly, automne 1996, p. 50.

    279
    Son Excellence Halldór Ásgrímsson, ministre des Affaires étrangères de l'Islande, déclaration à l'occasion de l'inauguration du Conseil de l'Arctique, Ottawa, le 19 septembre 1996, p. 2.

    280
    David Remnick, «Can Russia Change?» Foreign Affairs, vol. 76, janvier/février 1997, p. 43. Remnick reconnaît que «le pouvoir en Russie va actuellement à la dérive, il est imprévisible et corrompu. [. . .] Dans la nouvelle Russie, la liberté a conduit à la déception. [. . .] Le développement et le progrès diffèrent énormément dans les 89 régions du pays, et cela dépend beaucoup de la carte politique locale». Il ajoute que «la Russie est une nation de plus en plus urbaine avec un taux d'alphabétisation de 99 p. 100. Près de 80 p. 100 de l'économie de la Russie appartient à des intérêts privés. [. . .] Les ressources naturelles de la Russie sont uniques.» (p. 35, 46, 48)

    281
    Richard Layard et John Parker, The Coming Russian Boom: A Guide to New Markets and Politics. New York, The Free Press, 1996, p. 2.

    282
    Le Canada est le huitième actionnaire de la BERD avec 3,4 p. 100 du capital et il a ratifié le doublement de sa quote-part à 20 milliards d'ECU (European Currency Units), soit environ 32 milliards en $ CAN, approuvé par le conseil d'administration de la Banque en avril 1996. D'ici l'an 2000, près du tiers du portefeuille de la BERD sera en Russie, qui est déjà le plus gros bénéficiaire des crédits de coopération technique fournis par les pays membres donateurs (162 millions de dollars U.S. en 1995). À ce chapitre, mentionnons, entre autres, le Fonds des petites entreprises russes, auquel le Canada s'est engagé à fournir 10 millions de dollars CAN. Par ailleurs, le bureau de la BERD à Moscou est dirigé par le Canadien, Lou Naumovski. On trouvera dans la section sur l'assistance technique de plus amples renseignements sur les programmes bilatéraux administrés par la BERD. Pour une évolution globale des progrès de la Russie dans la voie des réformes, voir : Banque pour la reconstruction et le développement, Transition Report 1996, Londres, novembre 1996, notamment p. 169-172.

    283
    Selon Serghei Markhov du Carnegie Institute for International Peace : «Le peuple russe est l'ancien peuple soviétique. Il est fatigué de se battre. Les gens sont mécontents et voient peu de chances de s'en sortir, c'est vrai, mais ils ne veulent plus se battre. Ce qui fait l'affaire des autorités.» Mais quelles autorités? Presque tout le monde est d'accord pour dire que le pouvoir du gouvernement central s'affaiblit à l'égard des 89 entités infranationales de plus en plus agitées (républiques, régions et districts) représentées à la chambre haute élue du Parlement (le Conseil de la Fédération, avec lequel le Comité s'est réuni à Moscou). Selon le conseiller politique supérieur, Andrei Federov : «À cause de la maladie de M. Eltsine, le pays est sur pilote automatique et les régions sont devenues beaucoup plus souveraines qu'auparavant.» (Cité dans Mike Trickey, «Russia is heading for economic collapse, critics say», The Ottawa Citizen, 30 janvier 1997, p. A9.

    284
    Cependant, Marie-Lucie Morin, chef des relations commerciales à l'ambassade du Canada, a dit au Comité que le commerce de services augmentait (par exemple, les bureaux d'avocats, souvent à l'occasion de transactions d'investissement dans les ressources) d'un ordre de grandeur semblable que ne reflètent pas vraiment les statistiques officielles.

    285
    Comme l'a déclaré Franco Boulle, président de Archangel Diamond Corp., dont le siège est situé à Vancouver et qui a investi 11 millions de dollars U.S. en Russie depuis 1993 : «Le risque que pose le pays est un facteur important. [. . .] Il nous serait très utile que le gouvernement russe envoie des messages clairs à la communauté internationale pour apaiser les inquiétudes des gens. (Fred Weir, «Canadians wary of investing in diamond project in Russia», The Ottawa Citizen, 8 mars 1997, p. E4.

    286
    L'ancien conseiller d'Eltsine en matière de sécurité et président aspirant Alexander Lebed aurait déclaré : «La Russie n'est plus une fédération, mais une confédération de régions.» Le ministre de la Justice de Russie a déclaré que les 21 républiques «ethniques» de Russie (bien que les Russes forment la majorité dans toutes sauf six) ont toutes des lois qui contreviennent à la loi fédérale et que 19 d'entre elles ont adopté une constitution qui contredit directement la constitution fédérale de 1993. (Mike Trickey, «Regions battle Moscow as Russian federation frays», The Ottawa Citizen, 26 février 1997, p. A7.

    287
    Mark Galeotti, «The pros and cons of investing in the Bear», Jane's Intelligence Review, janvier 1997, p. 5-6. Au sujet de la criminalité, voir également Mafiya: Organized crime in Russia, Jane's Intelligence Review Special Report No. 10, juin 1996. Le pessimisme de la population russe se répercute sur le taux de natalité qui a diminué de près de la moitié entre 1985 et 1995. Les démographes prédisent que la population pourrait diminuer de 25 millions au cours des trois prochaines décennies, évolution presque sans précédent en temps de paix.

    288
    Cité par Fred Hiatt du Washington Post, «Russia defies economic rules», The Ottawa Citizen, 16 décembre 1996.

    289
    John Thornhill, «Hunt for the Siberian Tiger», Financial Times of London, 19 février 1997, p. 23.

    290
    Voir Ken Kalfus, «Far From Normal: Scenes from the New Moscow», Harper's Magazine, décembre 1996, p. 53-62.

    291
    Piers Vitebsky de l'Université de Cambridge a dit à l'attaché de recherche du Comité, Gerald Schmitz, en février 1997 qu'un de ses collègues se sert d'une phrase fameuse du roman tragique de Tolstoï Anna Karénine pour décrire l'extrême diversité dans l'adversité : «Toutes les régions sont misérables, mais elles le sont chacune à leur façon.»

    292
    La transition crée de nouveaux dilemmes comme il ressort d'un récent rapport : «Paysage épique empreint de tragédie, la Sibérie a énormément souffert sous le communisme. Aujourd'hui, les capitalistes du monde convoitent ses vastes richesses.» («The Tortured Land», Time Magazine, 4 septembre 1995, p. 36-47.)

    293
    «Canada's Northern Relationship with Russia : A DIAND Perspective», dans Lamb, éd., Une politique extérieure nordique pour le Canada (1994), p. 170.

    294
    «The Arctic Role in a Global Community», dans Lyck and Boyko, eds., Management, Technology and Human Resources Policy in the Arctic (The North), Kluwer Academic Publishers en coopération avec la division des affaires scientifiques de l'OTAN, Dordrecht, Pays-Bas, 1996, p. 3-4 et 9.

    295
    Rencontre avec le Comité, ministère des Affaires étrangères, Moscou, le 4 novembre 1996.

    296
    Un certain nombre de ces rapprochements sont survenus dans les domaines scientifique et universitaire, mais nous aimerions souligner en particulier le rôle joué par Walter Slipchenko, qui constitue depuis trois décennies l'un des principaux consultants auprès des gouvernements fédéral et territoriaux, des Canadiens faisant des affaires en Russie et plus récemment du Secrétariat du Conseil de l'Arctique. M. Slipchenko a gracieusement accepté d'aider à préparer le Comité à son voyage en Russie, et sa contribution a été mentionnée à plusieurs reprises par les Russes que nous avons rencontrés. Son enthousiasme à l'égard du Nord de la Russie demeure intact, mais il s'est déclaré quelque peu frustré des réactions lentes et timides des représentants officiels d'Ottawa; il a souligné que les autorités canadiennes pourraient faire davantage, notamment dans des dossiers concrets comme le traitement rapide des demandes de visa, afin d'encourager plutôt que de retarder la collaboration Canada-Russie.

    297
    Voir John Hannigan, «Canada's Northern Cooperation with the Soviet Union and Russia : A Natural Partnership?», Revue internationale d'études canadiennes, vol. 9, printemps 1994, p. 53-70; Robert Doherty, «Social. Economic and Technical Links Between Northern Regions of Canada and Russia», dans Lyck and Boyko, 1996, p. 19-30. M. Hannigan a témoigné devant le Comité le 2 mai 1996 tandis que M. Doherty, sous-ministre responsable du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux du gouvernement des T.N.-O., a transmis des renseignements supplémentaires au personnel du Comité (de Vladivostok, alors qu'il se trouvait en voyage d'affaires dans la république de Sakha) avant le voyage que le Comité a effectué en Russie.

    298
    John Hannigan (1994) p. 58.

    299
    Voir Robert Doherty pour de nombreux détails sur toute la gamme des rapports et programmes établis jusqu'à maintenant. Certains, qui ont bénéficié d'un appui des fonds de coopération technique canadiens, présentent un très grand potentiel commercial. Selon des renseignements fournis par M. Doherty en octobre 1996, des discussions ont été récemment entreprises sur des voies aériennes dans les régions polaires et M. Doherty participe également à des travaux visant à établir un centre technique dans l'extrême-est de la Russie afin de promouvoir encore davantage les services de construction fournis par des Canadiens dans ces régions.

    300
    John Hannigan (1994), p. 66-67.

    301
    Reed Landberg, «Canadian Oil Producer Finds Rich Harvest in Russia,» The Ottawa Citizen, 12 mars 1997.

    302
    Vous trouverez certains détails à ce sujet dans un document datant de juillet 1996 et intitulé «Summary Report of Activities : April 1995 - March 1996», qui a été préparé par le MAINC et déposé devant le Comité avant son voyage en Russie.

    303
    Greg Poelzer «Prospects for Aboriginal Self-Government in Russia» et Barry Bartmann, «Footprints in the Snow - Nunavut : Self-Determination and the Inuit Quest for Dignity», dans Lyck et Boyko (1996), p. 141-164; aussi dans le même volume, Finkler, «Modernization and Adaptation among Indigenous Peoples in Chukotka (Russia)», et Hannigan, «National Villages in Chukotka : Marginalized and Forgotten, or New Prospects for Economic Well-being?», p. 399-412.

    304
    Clifford Hickey, «Avenues Toward a Successful Transition to a Market Economy in Northern Russia», dans Lyck et Boyko (1996), p. 289-296.

    305
    Gérard Duhaime, «Don't Steer Without a Map», dans Lyck et Boyko (1996), p. 61-71. Voir également dans le même volume, Charles Bélanger, «Southern Strategic Thinking and Research Policy for the North (Arctic)», p. 51-59.

    306
    Mary Simon, «Établir des partenariats» (1996), p. 3-4.

    307
    L'un de ces projets, dont les représentants russes ont fait la promotion même s'il demeure controversé ici au Canada, consisterait à convertir le plutonium des stocks militaires russes en un combustible d'oxyde mixte (plutonium et uranium) qui pourrait être utilisé dans les réacteurs CANDU canadiens. Lors du sommet de Moscou sur la sûreté et la sécurité nucléaires tenu en avril 1996, le premier ministre Chrétien a accepté qu'on étudie ce concept. L'ACDI a accordé 1,5 million de dollars en vue d'une étude de faisabilité sur le projet de combustible MOX réalisée de concert avec la Russie, mais un certain nombre d'étapes restent encore à franchir. Le Canada a aussi indiqué que l'éventuel approvisionnement en combustible MOX de la Russie ne serait pas subventionné et que ce projet devrait donc se révéler viable sur le plan commercial.

    308
    L'Initiative canadienne comportait une contribution de 7,5 millions de dollars au Compte de la sûreté nucléaire, compte multilatéral géré par la BERD. C'est Énergie atomique du Canada Ltée (EACL) qui a agi en tant qu'organisme principal d'exécution pour les activités bilatérales entreprises au moyen de ce fonds. Les travaux de ce projet étant terminés, le bureau de l'EACL à Moscou, parrainé par l'ACDI, devrait fermer au printemps de 1997.

    309
    Le programme REE est toujours administré par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et, fin 1996, il avait engagé quelque 6,4 millions de dollars dans plus de 120 projets en Russie.

    310
    Comme l'explique une analyste : «Les programmes visent, d'une part, à doter la Russie de rouages d'exécution qui l'aideront à se donner une économie de marché, à démocratiser son système politique, à établir des liens commerciaux avec des Canadiens et, d'autre part, à soutenir les investissements canadiens. [. . .] la majeure partie des 23 millions de dollars réservés à la Russie sont dépensés au Canada ou en faveur de Canadiens». (Juliet O'Neill, «Canadians have a lot riding on Russian election», The Ottawa Citizen, 30 juin 1996, p. A4.) Il est également question dans cet article des perspectives d'une coopération Canada-Russie au sein du Conseil de l'Arctique, sans toutefois que l'auteur fasse de lien avec l'activité de coopération technique bilatérale, ce qui montre que les deux dossiers avancent sur des voies distinctes. Comme le laisse entendre notre analyse un peu plus bas, il serait bon que ces deux dimensions de la politique Canada-Russie soient réunies de façon plus explicite et mises au service de leurs intérêts spécifiques communs dans la région circumpolaire.

    311
    Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, chap. 29, «Agence canadienne de développement international : Suivi du Rapport du vérificateur général de 1994 sur les contributions d'aide technique à l'Europe centrale et de l'Est et à l'ex-Union soviétique», Ottawa, novembre 1996, p. 43-49.

    312
    Agence canadienne de développement international, Direction générale de l'Europe centrale et de l'Est, Cadre de programmation de l'ACDI en Russie, Hull (Québec), janvier 1997, Annexe A, «Exécution du programme», p.1.

    313
    Des précisions sur les critères d'aide figurent à l'annexe A, et les résultats escomptés sont expliqués à l'annexe B. Pour des renseignements sur chacun des projets, voir : ACDI, Division de l'ex-Union soviétique, Direction générale de l'Europe centrale et de l'Est, Canadian cooperation with Russia, «Project Listing as of October 15, 1996».

    314
    Note personnelle de Robert Doherty, en date du 25 octobre 1996. Un très bref profil de M. Doherty est contenu dans l'aperçu de projet de l'ACDI intitulé Canadian Cooperation with Russia, à la p. 32. Pour plus de détails sur ce que font les Territoires du Nord-Ouest dans la république de Sakha, voir : Doherty, Social Economic and Technical Links Between Northern Region of Canada and Russia (1996).

    315
    Piers Vitebsky, lors d'une rencontre avec le directeur de la recherche du Comité, Gerald Schmitz, à l'Université Cambridge, le 15 février 1997.

    316
    Renseignements fournis par M. Vitebsky. Selon la documentation relative aux projets : «Les ONG et les petites entreprises locales font des efforts pour régler ces problèmes environnementaux, mais elles ont besoin d'aide et de formation pour se doter d'un système d'évaluation de la qualité de l'environnement. Les dirigeants des ONG locales ne sont pas des scientifiques et ne font de la politique que depuis peu. Ils cherchent à inscrire leur volonté de maintenir la qualité de l'environnement dans le contexte politique et économique [d'une économie en transition]».

    317
    Communication présentée le 7 novembre 1996, à Saint-Pétersbourg, Russie. On a également remis au Comité un prospectus détaillé sur le champ d'application du projet et ses futures étapes.

    318
    Ce sont là des questions qui revêtent une importance accrue, étant donné l'ouverture au trafic commercial étranger, en 1992, de la «route maritime du Nord» des pays nordiques et de la Russie, et compte tenu des énormes chantiers pétroliers et gaziers au large des côtes, comme le projet de l'île Sakhaline envisagé par Exxon (dans lequel Enfotec a soumissionné pour des contrats de services). En ce qui concerne l'accroissement des perspectives de navigation, les opinions diffèrent nettement. Comme le dit un commentateur, au sujet du développement de la Sibérie : «Les pressions du marché et les exigences de l'économie russe pourraient, à terme, rendre la route maritime polaire financièrement viable. C'est une éventualité que beaucoup d'environnementalistes craignent. Ce sont probablement les gros pétroliers qui utiliseront cette route au premier chef, et les écosystèmes arctiques subiraient des dommages inimaginables en cas de déversements accidentels de pétrole.» («The Tortured Land», Time Magazine, 4 septembre 1995, p. 44.)

    319
    Rencontre avec Gerald Schmitz au siège principal de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, Londres, Angleterre, 17 février 1997.

    320
    En décembre 1996, pour la première fois, les prêts consentis ont dépassé 8 millions de dollars U.S. par mois. Ce niveau devrait atteindre 20-25 millions de dollars par mois vers la fin de 1997. On trouvera une analyse détaillée générale et par région dans Russia Small Business Fund Quarterly Operation Report, BERD, Londres, janvier 1997.

    321
    Voir à ce sujet la dernière version de la publication du BERD intitulée Alternative sources of finance for small and medium-sized projects in central and eastern Europe and the former Soviet Union, «Sources by country: Russian Federation». (Il s'agit là d'un des documents de la BERD qu'on peut maintenant consulter sur Internet au site Web de la BERD : http://www.ebrd.com.)


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