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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 3 octobre 1996

.1105

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Phinney): Mesdames et messieurs, la séance du Comité permanent du patrimoine canadien est maintenant ouverte. Il s'agit de la première séance à laquelle le comité entendra des témoins sur le projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, en conformité de l'ordre de renvoi qu'il a reçu de la Chambre en date du mardi 11 juin 1996.

Notre premier témoin est l'honorable Sheila Copps, ministre du Patrimoine canadien. Soyez la bienvenue, madame Copps.

L'honorable Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien): Je vous remercie.

[Français]

Merci, madame la présidente.

[Traduction]

J'avais prévu d'être ici en mai, mais la fièvre électorale m'a prise avec un peu d'avance.

Je suis très heureuse d'être ici, car le projet de loi C-32 se fait attendre depuis longtemps. Nous avons un urgent besoin de cette modernisation de la Loi sur le droit d'auteur, qui alimente le débat politique depuis presque dix ans.

[Français]

Le projet de loi vise un meilleur équilibre pour nos créateurs et nos producteurs et un meilleur équilibre pour nos distributeurs de livres, et je pense que ce projet de loi va répondre aux besoins des institutions publiques et des Canadiennes et Canadiens qui éprouvent des difficultés visuelles.

Le droit d'auteur, c'est avant tout une question de justice et d'équité. Il s'agit tout simplement d'un dû qui revient aux créateurs et aux créatrices pour leur travail.

[Traduction]

Le projet de loi C-32 est avant tout une mesure visant à assurer le respect du droit de propriété, le respect de la propriété des créateurs. Il est aussi l'aboutissement d'un processus long et ardu. Plus de 130 députés de tous les partis ont communiqué directement avec moi à ce sujet, et j'ai essayé de tenir compte de leurs préoccupations dans l'élaboration de ce projet de loi.

Le projet de loi C-32 comporte cinq éléments clés. Tout d'abord, il prévoit des mesures sans précédent pour protéger le droit des créateurs canadiens sur leur propriété. À l'heure actuelle, la chanteuse dont on fait tourner la chanson à la radio n'est pas payée si la chanson a été composée par quelqu'un d'autre. Pour la première fois, les artistes-interprètes et les producteurs auront droit à la même reconnaissance qui est accordée aux compositeurs et aux paroliers par la loi actuelle. Ainsi, tous les artistes-interprètes et les producteurs d'enregistrements sonores - et pas seulement quelques-uns - recevront une rémunération équitable pour leur travail. Avec cette mesure, le Canada se joindra à la communauté mondiale, à une cinquantaine de pays, notamment à la plupart de nos partenaires du G-7, la France, la Grande-Bretagne et le Japon.

J'ai certainement entendu parler de la situation économique difficile à laquelle se heurtent beaucoup de radiodiffuseurs canadiens qui exercent leurs activités sur de petits marchés, et nous savons bien le rôle important qu'ils jouent pour ce qui est de nous unir en tant que Canadiens. C'est pourquoi le projet de loi évite expressément d'imposer des pressions financières aux petites stations locales. Les stations de radio dont les recettes publicitaires annuelles ne dépassent pas 1,25 million de dollars, et c'est le cas de 65 p. 100 des stations de radio au Canada, n'auront qu'à payer un droit annuel de 100 $. Les grandes stations, celles dont les recettes publicitaires dépassent 1,25 million de dollars, devront payer des redevances en fonction du tarif fixé par la Commission du droit d'auteur, le montant fixé devant être acquitté à raison de 20 p. 100, 40 p. 100, 60 p. 100, 80 p. 100, puis 100p. 100 la cinquième année, de sorte que l'application se ferait de façon graduelle sur un délai très raisonnable.

.1110

[Français]

Deuxièmement, le projet de loi entend rendre justice à nos musiciens et musiciennes dont on copie les oeuvres sans se soucier des conséquences. En 1994, 44 millions de cassettes vierges ont été vendues au Canada. La plupart ont servi à copier des enregistrements sonores pour un usage personnel. Les pertes subies par les artistes et par l'industrie de l'enregistrement sonore sont considérables, et cette situation ne peut plus continuer.

Il est tout à fait injuste que les seules personnes qui ne tirent aucun profit de ces pratiques soient les créateurs et les créatrices. Une redevance devrait être imposée au point d'importation ou à la manufacture et distribuée par la suite aux artistes.

[Traduction]

Je veux répéter cela en anglais. En 1994, 44 millions de cassettes vierges ont été vendues au Canada, principalement pour enregistrer des oeuvres sans avoir à payer pour ce droit. Il est parfaitement injuste que les seules personnes qui ne sont pas payées pour les reproductions faites sur des cassettes vierges soient les créateurs eux-mêmes.

Troisièmement, le projet de loi prévoit des exceptions limitées en faveur d'établissements d'enseignement, de bibliothèques, de musées et de services d'archives sans but lucratif. Nous faisons en sorte que les dispositions sur le droit d'auteur n'entraveront l'accès dont ces établissements ont besoin, notamment l'accès aux documents pour les personnes ayant des déficiences visuelles. Je sais par ailleurs que, quand les exceptions sont d'une portée trop vaste, elles peuvent porter préjudice aux titulaires du droit d'auteur, et je suis sûre que vous entendrez les témoignages de ces titulaires au cours de vos audiences. Le projet de loi vise à assurer un juste équilibre.

[Français]

Quatrièmement, le projet de loi protégera les droits exclusifs de distribution des distributeurs de livres au Canada. À l'heure actuelle, certaines personnes contournent les distributeurs exclusifs au Canada en passant directement leurs commandes à des fournisseurs établis à l'étranger.

Mais de telles affaires ne pourront continuer d'avoir cours après l'adoption du projet de loi C-32, qui empêchera l'importation parallèle. Par la suite, les vendeurs de livres, les distributeurs et les librairies devront s'asseoir à la même table et négocier des normes de rendement à respecter. Quand ils arriveront à une entente, ces normes seront adoptées par règlement.

[Traduction]

Cinquièmement, nous proposons aussi des modifications techniques afin de mettre la Loi sur le droit d'auteur à jour, de préciser certains principes juridiques et de décrire les droits et les recours.

Mesdames et messieurs les membres du comité, par ce projet de loi, le Parlement pourra assurer la santé à long terme d'un secteur créateur d'emplois qui est extrêmement important dans notre économie, à savoir le secteur culturel, dont l'ampleur s'est accrue trois cent fois au cours des dix dernières années et qui représente maintenant près d'un million d'emplois au Canada.

Le projet de loi corrige beaucoup de lacunes. Il respecte le droit de propriété. Il assure l'équilibre entre les droits des créateurs et les besoins des utilisateurs.

[Français]

En cette période marquée par la globalisation des marchés et l'explosion des communications, la refonte du droit d'auteur s'impose comme l'une des mesures les plus efficaces pour renforcer notre identité nationale et nous affirmer dans le concert des nations.

[Traduction]

On ne peut pas jouer au hockey sans avoir de joueurs, et on ne peut pas avoir un avenir culturel sans avoir de créateurs. Quand une femme ou un homme consacre sa vie à nous enrichir comme société, nous devons être justes envers eux. Nous devons respecter leur droit de propriété sur les oeuvres qu'ils créent. Nous devons les honorer pour leur talent et les payer pour leur travail.

[Français]

Nous n'avons aucunement le droit de nous prévaloir du génie créateur d'un artiste et d'en abuser par la suite. Grâce à ce projet de loi, nous mettons fin à de longues années d'injustice où les créateurs ont perdu leur droit de propriété.

[Traduction]

Nous marquons aujourd'hui un nouveau départ, et je crois que nous avons conclu un marché honorable, entre ceux qui créent les oeuvres d'art et ceux qui les apprécient.

Je serai très heureuse de répondre à vos questions.

.1115

La vice-présidente (Mme Phinney): Monsieur Leroux.

[Français]

M. Leroux (Richmond - Wolfe): D'abord, je crois qu'il est important de souligner que nous entrons dans une phase extrêmement importante qui est le processus d'audition de l'ensemble des gens et des organismes qui sont concernés par le projet de loi.

Le fait que nous avons reçu au-delà de 160 mémoires démontre l'importance de ce projet de loi et l'intérêt qu'il suscite chez nombre de groupes dans la société canadienne et québécoise qui veulent émettre leurs commentaires et points de vue sur le projet de loi.

Je voudrais, madame Copps, parler avec vous des propos que vous avez tenus sur l'objectif essentiel du projet de loi, qui est d'apporter équité et justice en termes de rémunération aux ayants droit.

Vous insistiez sur la reconnaissance fondamentale des ayants droit et je voudrais tenter de vérifier dans le projet de loi si les propos que vous venez de tenir se retrouvent exactement dans les dimensions de la reconnaissance et du renforcement des droits acquis mais aussi des droits à développer.

Vous avez dit que, depuis déjà une bonne dizaine d'années, les créateurs des différents milieux travaillent avec acharnement pour essayer de renforcer leurs droits, de les faire reconnaître et de les faire appliquer. Depuis une dizaine d'années, tout le monde tente de venir convaincre le gouvernement de rouvrir et d'amener en phase 2 le projet de loi sur le droit d'auteur.

Vous-même, en campagne électorale, avez dit que le parti libéral s'engageait à réviser la Loi sur le droit d'auteur. Nous y sommes.

Lors du dépôt du projet de loi, on a été assez surpris de constater que pour reconnaître le droit d'auteur, vous avez dû commencer par insérer 13 pages d'exceptions à ce droit d'auteur. Il y en avait une page et on est passé à 13 pages. On est passé à 13 pages d'exceptions dans un grand champ d'activité de la société qui concerne l'éducation, les musées et les bibliothèques.

À lire ce projet de loi et à regarder l'ensemble des exceptions qui y sont insérées, on se demande si le projet de loi n'est pas un projet de loi qui vient dire: voici le droit d'auteur et voici tous les endroits où il n'y a pas de droit d'auteur.

Je suis assez étonné de constater le nombre important des exceptions proposées dans cette loi. On va donner des exceptions à de grandes institutions qui manifestement administrent des millions de dollars, comme si le droit d'auteur n'était pas pour elles quelque chose d'essentiel et de fondamental à respecter.

On leur donne le message du «pour vous». Parce que vous avez telle vocation ou parce que vous exercez tel type d'activité, vous n'avez pas à payer de droits d'auteur, et on va citer dans la loi toutes les raisons pour lesquelles vous n'avez pas de droits d'auteur à payer.

Pourquoi est-ce qu'on ne les invite pas aussi à ne pas payer l'électricité, le chauffage, le papier et le téléphone? Que je sache, il n'y a pas une institution dans la société qui est exempte de ces frais fixes. Il n'y a pas une institution que je connaisse dans la société qui est exemptée de payer des services.

Je ne comprends pas pourquoi le droit d'auteur devient tout à coup, dans une loi, quelque chose qu'on peut éviter. On pourra reproduire les oeuvres pour fins d'examens et d'exercices scolaires, si elles ne sont pas sur un support de qualité, exécuter des oeuvres en public, transmettre des enregistrements sonores, des émissions de télévision, de radio, etc., reproduire des émissions d'actualité et les transmettre dans les établissements scolaires sans payer de droits d'auteur.

.1120

On a une série d'exceptions, de l'article 29.4 à l'article 32, parmi lesquelles ont été insérés deux principes que je trouve absolument hors de propos et au sujet desquels je me demande ce qu'ils font là.

Le premier concerne les bibliothèques, les musées, les écoles et les archives, qui ne sont même plus responsables des photocopies qui sont faites entre leurs murs. On ôte aux grandes institutions la responsabilité de gérer leur propre matériel.

Ensuite, on vient insérer un principe que j'arrive difficilement à comprendre. Imaginez quelqu'un qui se présenterait devant un juge et qui dirait: «Monsieur le juge, je ne suis pas coupable puisque je ne connaissais pas la loi». Or, on sait très bien qu'un principe de droit dit que nul n'est censé ignorer la loi.

Ici, on dit qu'on va reconnaître le principe du no fault en cas de violation du droit d'auteur de manière incidente et non délibérée. Somme toute, dans le cas du droit d'auteur, on peut accepter que quelqu'un arrive et dise: «Écoutez, je ne suis pas coupable car je ne le savais pas».

Il me semble que c'est un principe tordu. Je ne comprends pas et j'attire votre attention, madame la ministre, sur les conséquences énormes de ce principe dans une dimension qui m'apparaît fondamentale et qui est la libre négociation.

Il existe actuellement une libre négociation entre les représentants des auteurs et des institutions, y compris le gouvernement. Ce principe viendrait mettre en danger des ententes qui sont déjà sur la table et négociées. Je vais d'ailleurs vous en citer quelques-unes.

Il y a eu des ententes liant le ministère de l'Éducation du Québec et l'Union des écrivaines et écrivains québécois. On a eu une libre négociation pour s'entendre sur les conditions dans lesquelles le droit d'auteur doit s'appliquer.

Il en existe une avec la Fédération des cégeps. Il en existe une avec l'Association des universités et collèges du Canada. Il en existe une avec le gouvernement fédéral, qui s'appelle CANCOPY, dans le cas de la reprographie et dans le cas des revues de presse.

Il en existe une entre le Centre des auteurs dramatiques et le ministère de l'Éducation dans le cas de l'utilisation d'oeuvres. Il en existe une entre la SODRAC et le ministère de l'Éducation pour la reproduction des oeuvres musicales francophones.

Il existe des ententes liant les ministères de l'Éducation de l'Ontario, du Manitoba et de l'Alberta et les sociétés de gestion de photocopie. Il en existe avec les gouvernements de l'Ontario et de l'Alberta pour la gestion des photocopies.

Vous avez cité, madame la ministre, la question des aveugles, des non-voyants. Il existe entre l'INCA et la SODRAC des ententes pour la reproduction d'oeuvres pour les handicapés visuels. On vient mettre un principe d'exception et on vient mettre littéralement en danger la capacité de libre négociation entre les représentants des ayants droit et toute personne ou tout organisme de la société qui voudrait obtenir des exceptions ou une reconnaissance différente due à l'essence même de sa mission.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Phinney): Monsieur Leroux, il ne vous reste que trois minutes, et si vous voulez que la ministre réponde à votre question... je voulais simplement vous prévenir.

[Français]

M. Leroux: Je voudrais d'abord bien exposer les choses, madame la présidente. Cela va me prendre 15 secondes.

Vous mettez en danger un principe absolument fondamental. Je ne comprends pas pourquoi on veut mettre ces choses-là dans la loi alors que ce que vous avez dit est fort suffisant, à savoir qu'il faut renforcer la justice, l'équité et la reconnaissance des droits fondamentaux.

J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi on fait une Loi sur le droit d'auteur et pourquoi on explique pendant 13 pages que les auteurs n'ont pas de droits.

Mme Copps: Je pense que ceux qui étaient ici au tout début de la première phase du droit d'auteur savent qu'en ce qui concerne ce projet de loi, nous avons été obligés de trouver des exceptions, en particulier à la demande de l'Université Laval et d'autres institutions éducatives dont les raisons ont été mises de l'avant dans la première phase du projet de loi sur le droit d'auteur.

C'est une loi qui a été adoptée en 1988. À ce moment-là, plusieurs organismes étaient venus devant le comité pour expliquer les raisons pour lesquelles ils cherchaient des exceptions, ce qui est encore entériné dans ce projet de loi.

.1125

C'est important, et je sais qu'au cours des 70 prochaines interventions, vous aurez la possibilité d'en discuter avec plusieurs de ces groupes comme l'Association des musées du Québec, l'Association des musées du Canada et l'Association des universités et collèges du Canada, qui représente notamment l'UQAM et l'Université Laval.

Si vous avez des éclaircissements à apporter, nous sommes prêts à réexaminer certaines exceptions. Une des raisons pour lesquelles on parle de ce projet de loi depuis 10 ans, c'est que l'on veut être sûr de pouvoir aller de l'avant.

Je me rappelle un discours de Marcel Massé qui parlait de l'importance de procéder d'une façon équilibrée. Et la raison pour laquelle ça n'a pas été mis de l'avant par un projet de loi est qu'on cherchait l'équilibre.

Je suis la première à l'admettre et je pense que vous en entendrez parler dans les présentations de quelques-uns qui vont vous dire qu'il ne devrait pas y avoir d'exceptions autres que pour les bibliothèques ou les institutions à but non lucratif.

Dans un monde où on doit trouver un équilibre, je pense que le projet de loi respecte l'équilibre en classant comme exceptions les institutions à but non lucratif qui ne cherchent pas à obtenir des profits de leurs reproductions. Si vous avez quelques remarques, je les entendrai avec plaisir.

M. Leroux: Je reviendrai tantôt pour faire les remarques.

Mme Copps: Je voudrais vous présenter les autres personnes qui vont participer aux discussions. Ce sont M. Victor Rabinovitch, sous-ministre adjoint pour le développement culturel et le patrimoine, et M. Jeff Richstone, qui est avocat. Il faut des avocats parce qu'il y a beaucoup de points à éclaircir dans ce projet de loi. Il y a aussi Mme Susan Katz, qui est la directrice générale des industries culturelles au ministère du Patrimoine canadien. M. Richstone travaille au ministère de la Justice sur les dossiers de la culture, y compris le droit d'auteur. Il y a également M. René Bouchard, qui travaille dans le domaine des industries culturelles au ministère du Patrimoine canadien.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Phinney): Monsieur Abbott.

M. Abbott (Kootenay-Est): Merci.

Dans 30 secondes à peine, je demanderai à ce que nous tenions une réunion spéciale avant notre réunion de mardi prochain en matinée pour discuter de questions qui ont été soulevées relativement à notre conseillère juridique ou notre conseillère indépendante. Je voulais simplement vous en aviser.

Ma première question, très franchement, est d'ordre politique. Je veux vous interroger sur votre droit de propriété à l'égard de ce projet de loi; autrement dit, dans quelle mesure en êtes-vous responsable.

Je me reporte bien sûr à ce qui se passe dans le cas du projet de loi C-216 concernant la facturation selon l'option négative qui se trouve maintenant au Sénat. Votre position, comme vous l'aviez vous-même clairement indiqué, était que le gouvernement n'accepterait en aucune façon d'autoriser la facturation selon l'option négative. Pourtant, nous avons des documents de votre ministère, avec votre papier à en-tête, où il est précisé que le gouvernement entend s'opposer au projet de loi C-216. Il m'a semblé que votre position était en contradiction directe avec celle de votre ministère.

Alors, j'essaie simplement de déterminer dans quelle mesure vous êtes vraiment propriétaire de ce projet de loi, étant donné que vous ne semblez pas avoir eu votre mot à dire sur l'autre.

Mme Copps: L'autre était un projet de loi d'initiative parlementaire. Le projet de loi à l'étude est le mien.

M. Abbott: Ce projet de loi vous appartient donc.

Nous devons tous être préoccupés par des questions comme celle de l'équité. Est-il vraiment raisonnable de s'en prendre aux églises, aux organisateurs d'ateliers ou aux personnes qui veulent faire de la transposition? Autrement dit, si je vais acheter un disque compact chez un disquaire et que je n'ai pas de lecteur de disque compact dans ma voiture, vous allez maintenant m'obliger à payer une redevance sur cette cassette pour que je puisse enregistrer la musique sur un autre support?

Le projet de loi dit ni plus ni moins que je suis coupable tant que je n'ai pas prouvé mon innocence. Je suis coupable. Je dois sûrement vouloir donner la cassette à quelqu'un d'autre au lieu de vouloir m'en servir moi-même. Ou le projet de loi dit-il simplement que, selon le gouvernement, celui qui achète un disque compact peut l'écouter chez lui mais qu'il ne peut pas écouter la musique dans sa voiture?

.1130

Est-il vraiment juste de vouloir par ce projet de loi s'en prendre aux églises qui font des enregistrements de leur service dominical? Sans craindre du tout de tomber dans l'exagération, je dirais qu'il y a des dizaines de milliers d'enregistrements de ce genre qui se font tous les dimanches. Quand vous dites que 44 millions de cassettes sont vendues et que vous poursuivez en disant, sans nuancer moindrement votre propos, que la plupart sont utilisées pour copier des enregistrements sonores à des fins d'utilisation personnelle, ce qui donne à entendre que ceux qui les achètent sont en quelque sorte coupables, avez-vous vraiment raison de dire cela?

Mme Copps: Vous n'avez qu'à vous rendre chez n'importe quel disquaire canadien; vous verrez que la plupart des gens achètent des cassettes vierges pour copier des oeuvres qui sont la propriété de quelqu'un d'autre.

M. Abbott: Le savons-nous vraiment? A-t-on mesuré la chose?

Mme Copps: Oui, elle a été mesurée exhaustivement.

M. Abbott: Ainsi, parce que les gens ont tendance à faire cela, nous disons que les organismes, comme les églises et les organisateurs de séminaires, qui font des enregistrements originaux, de même que les gens qui veulent passer d'un support à un autre, ne sont pas différents et qu'ils devront payer eux aussi?

Mme Copps: Quand on passe d'un support à un autre, cela veut essentiellement dire qu'on reproduit la propriété de quelqu'un d'autre, et je sais que, étant donné votre attachement très fort au droit de propriété, vous ne voudriez pas que quelqu'un puisse voler l'oeuvre de quelqu'un d'autre.

M. Abbott: Si donc j'achète un disque compact de Bryan Adams, je peux le faire jouer chez moi, mais parce que je n'ai pas de lecteur de disque compact dans ma voiture, vous me dites que je ne peux pas le copier.

Mme Copps: Bryan Adams n'enregistre pas de la musique pour qu'elle puisse être copiée.

M. Abbott: Bon, alors je ne le ferai pas jouer dans ma voiture, je suppose.

Mme Copps: C'est d'ailleurs contraire à la loi.

M. Abbott: Voilà qui est intéressant.

Passons à autre sujet de préoccupation. C'est très bien de dire que les petits radiodiffuseurs sont protégés, mais que nous pouvons nous en prendre aux gros radiodiffuseurs parce qu'ils ont beaucoup d'argent. Il me semble que c'est dans cette optique qu'il faut comprendre le projet de loi. Pouvez-vous comprendre toutefois que ces radiodiffuseurs sont quelque peu préoccupés par le fait qu'aucune limite n'est fixée?

Autrement dit, ils ne savent absolument pas combien ils devront payer pour les droits voisins. Pouvez-vous comprendre que l'absence de limite et l'importance de leurs recettes publicitaires font en sorte qu'ils sont quelque peu craintifs et inquiets du fardeau financier supplémentaire que représentera le paiement de ces redevances?

Mme Copps: Je conçois la chose sous un autre angle. Pour moi, le projet de loi vise à consacrer le droit de propriété des artistes, et les exceptions que nous prévoyons pour les petits radiodiffuseurs visent justement à reconnaître leur situation financière précaire.

Il me semble que le droit de propriété est le même qu'on soit plombier ou artiste.

Pour ce qui est de copier les cassettes de quelqu'un d'autre, cela va actuelle à l'encontre de la loi. Le projet de loi reconnaît que c'est ce qui se fait et que cela se fait plus ou moins sans aucune réglementation. C'est ainsi que des millions de cassettes sont vendues à des gens qui veulent s'en servir pour copier les oeuvres de quelqu'un d'autre. Cette pratique sera donc légale à l'avenir.

M. Abbott: D'après votre réponse, il semble toutefois que ce ne sont que les petits radiodiffuseurs dont la situation financière est précaire et que les gros radiodiffuseurs, qui ont des millions de dollars de recettes, ont les moyens de payer les redevances qui seront exigées au titre des droits voisins, quel que soit le montant de ces redevances. Est-ce bien ce que vous dites?

Mme Copps: J'aborderais plutôt la question dans l'autre sens. Le droit de propriété des créateurs et des artistes interprètes est un droit important qui doit être consacré par la loi, et les exceptions que nous prévoyons représentent effectivement un équilibre délicat. Ces exceptions ont d'ailleurs pour effet de réduire le revenu de personnes qui gagnent en moyenne environ 13 000$ par an.

M. Abbott: Par contre, d'après les chiffres que j'ai reçus - et ces chiffres viennent peut-être même des fonctionnaires de votre ministère - , les sommes qui pourraient être perçues, sur les cassettes vierges par exemple, s'élèveraient sans doute à moins de 12 millions de dollars par an.

Chaque sou compte. Mais quand on tient compte du nombre d'artistes, du fait que nous serons dorénavant au nombre des signataires de la Convention de Rome et du montant très modeste qui sera recueilli au bout du compte, la redevance n'est-elle pas là que pour embêter les églises, les organisateurs de séminaires, ceux qui se servent de ces cassettes à des fins légitimes?

.1135

Mme Copps: Je crois que vous accueillerez des artistes au cours des semaines à venir, et vous pourrez leur poser la question. Ils vous diront sans doute que le montant qu'ils en retireront n'est pas aussi élevé qu'ils le voudraient. Le fait est que, s'agissant notamment des cassettes vierges, la preuve a été faite à de nombreuses reprises que ces cassettes sont principalement utilisées pour reproduire illégalement l'oeuvre de quelqu'un d'autre - et je suis sûre que les églises ne voudraient pas être associées à ce genre d'activité illégale.

M. Abbott: Que pensez-vous de CANCOPY sous cet angle-là? Contrairement à la SOCAN, qui partage le secteur en deux camps, celui des créateurs et celui des utilisateurs, CANCOPY ne représente pas tous les créateurs. Par conséquent, beaucoup d'utilisateurs - je songe par exemple à un établissement comme le Collège Algonquin - sont préoccupés par le fait que, quand ils traitent avec CANCOPY, ils se trouvent essentiellement obligés de payer des redevances sur les oeuvres de tous ceux qui sont représentés par CANCOPY, mais ils doivent aussi en fait traiter avec certains créateurs qui ne font pas partie de CANCOPY. N'y a-t-il pas là une certaine confusion?

Mme Copps: Vous pourrez poser la question à CANCOPY quand l'organisme viendra devant vous. Je peux, quant à moi, vous parler de l'objet général du projet de loi. Pour ce qui est d'ententes commerciales individuelles conclues entre créateurs, artistes interprètes et organismes d'attribution de licences en particulier, je crois qu'il vaut sans doute mieux que vous posiez la question directement aux intéressés.

M. Abbott: Je suppose que le problème dans tout cela tient en partie au fait que, bien que j'aie le plus grand respect pour le principe du droit de propriété des créateurs, de l'autre côté de la médaille, il me semble que, d'après la façon dont la Loi sur le droit d'auteur est appliquée à l'heure actuelle et d'après les modifications proposées, un grand nombre de Canadiens sont considérés comme coupables au départ. À vrai dire, j'y vois une ingérence considérable de la part du gouvernement.

La vice-présidente (Mme Phinney): Votre temps de parole est écoulé, monsieur Abbott, mais nous laisserons la ministre répondre.

Mme Copps: C'est tout le contraire. Il y a dix ans, nous n'avions pas nécessairement de disques compacts, nous n'avions pas beaucoup de nouveaux procédés de reproduction. Il y a 20 ans, les gens n'avaient pas chez eux des appareils permettant l'enregistrement de bande à bande parce que la gamme des prix était très limitée. Je soutiens plutôt que, dans le contexte du nouveau monde multimédia qui est en train de se dessiner, nous établissons en fait un régime juridique qui respecte les droits des artistes interprètes au même titre que ceux des plombiers ou des fournisseurs de services. Je ne pense pas qu'il y ait une seule église canadienne où l'on s'attendrait à ce qu'un plombier vienne travailler pour rien. Cette mesure établit un droit de propriété pour les artistes, et c'est un droit important.

Il s'agit aussi d'une mesure culturelle clé, car le secteur culturel est à l'heure actuelle un des secteurs en pleine croissance au Canada. En devenant signataires de la Convention de Rome, nous devrions assister par exemple, du moins je l'espère, à un essor encore plus important du secteur canadien de l'enregistrement sonore. Comme nous ne sommes pas partie à cette Convention à l'heure actuelle, beaucoup de nos artistes les plus célèbres vont en fait endisquer à l'étranger de manière à pouvoir être admissibles aux redevances auxquelles ils n'ont pas droit dans un pays qui n'est pas partie à la Convention. Nous nous trouvons en fait à perdre des emplois au profit d'autres pays parce que nous ne faisons pas partie de la communauté mondiale qui reconnaît le droit de propriété des artistes interprètes.

La vice-présidente (Mme Phinney): Merci.

Monsieur O'Brien, vous avez dix minutes.

M. O'Brien (London - Middlesex): Merci, madame la présidente. J'ai un certain nombre de questions. Nous avons maintenant dix minutes de ce côté-ci? Je tâcherai de laisser une partie de notre temps de parole à mes collègues.

J'apprécie les observations que la ministre a faites. En ce qui concerne les cassettes et la copie, il est malheureux que notre collègue n'ait pas assisté à la séance de formation, mais je veux être sûr d'avoir bien compris.

.1140

Sur les 44 millions de cassettes vendues au Canada en 1995, il semble que, d'après les conclusions du groupe de travail, 39 millions aient été utilisées pour faire des copies. Ce chiffre est-il exact?

Mme Copps: Oui.

M. O'Brien: Il me semble donc assez clair que...

Mme Copps: Pour faire des copies piratées, j'entends. Pour copier des discours politiques et autres choses de ce genre, pour lesquelles il faudrait payer des redevances, n'est-ce pas?

M. O'Brien: Je crois qu'il est important de préciser qu'il existe bel et bien des chiffres à l'appui.

Mon collègue a parlé de respect du principe du droit de propriété des artistes interprètes, mais les artistes interprètes ne se nourrissent pas uniquement de respect.

Je veux poser une question à la ministre. Il y a un mythe qui circule et c'est quelque chose dont on est venu me parler. Je voudrais savoir ce que vous en pensez. Certains disent que tout ce que nous faisons, c'est envoyer de l'argent aux artistes interprètes américains et aux États-Unis. Qu'en pensez-vous?

Mme Copps: En fait, les États-Unis ne sont pas partie à la Convention de Rome, de sorte que le projet de loi ne prévoit pas de droits réciproques pour les artistes américains.

M. O'Brien: En ce qui concerne la redevance sur les cassettes, savons-nous quel sera le montant de cette redevance?

Mme Copps: Elle sera fixée par la Commission du droit d'auteur.

M. O'Brien: Exactement. Aussi je pense que nous ne pouvons pas sauter à des conclusions et dire que la redevance permettra de percevoir des sommes considérables...

Mme Copps: À l'échelle internationale, dans des pays aux circonstances semblables, la redevance est de 37 cents en moyenne.

M. O'Brien: Merci.

D'après d'autres documents que j'ai lus pour me préparer à ces audiences - nous avons tous fait un certain travail de préparation - je crois savoir que l'exemption relative aux droits voisins s'applique à la première tranche de 1,5 million de dollars. Mon collègue, M. Abbott, s'est dit préoccupé par le fait que nous nous en prenions uniquement aux grosses stations de radio. N'est-il pas vrai que l'exemption s'applique de façon égale à toutes les stations?

Mme Copps: Oui.

M. O'Brien: Je ne sens donc pas le besoin de m'apitoyer sur le sort des grosses stations alors qu'elles sont exemptées selon la même formule que celle qui s'applique aux petites stations qui ont exprimé leurs inquiétudes à moi et à bien d'autres collègues.

Madame la ministre, les États-Unis n'ont pas de droits voisins, et comme ils jouent un rôle tellement important dans nos échanges commerciaux, j'entends parfois certains se demander pourquoi nous nous donnons tout ce mal.

Mme Copps: Si vous examinez certains des facteurs qui ont contribué à l'essor du secteur canadien de la musique au cours des trente dernières années, vous verrez que cet essor est dû au courage dont nous avons fait preuve quand nous avons établi des règlements sur le contenu canadien. Les gens considèrent maintenant les Shania Twains, Céline Dion et Bryan Adams de ce monde comme un fait accompli. Leur succès est toutefois dû au fait que nous avons mis sur pied un régime de réglementation unique en son genre. Si, il y a 25 ans, nous avions suivi l'exemple des Américains en ce qui concerne les stations de radio, nous n'aurions pas aujourd'hui cette masse critique d'artistes qui nous permet d'aller plus loin encore.

Par ailleurs, la mesure aura pour effet de créer des emplois au Canada. Le secteur canadien de l'enregistrement s'est épanoui, plus particulièrement au cours des dix dernières années, notamment à cause des règles sur le contenu canadien. Il s'est aussi épanoui à cause des talents de chez nous, mais il faut par contre reconnaître que beaucoup de nos artistes de réputation mondiale, Roch Voisine par exemple et Céline Dion, vont effectivement enregistrer dans d'autres pays qui sont partie à la Convention de Rome parce qu'ils veulent obtenir le revenu, les redevances auxquels ils ont droit en leur qualité d'artistes.

Nous espérons donc que, une fois que la loi proposée sera en place, et même compte tenu de l'exemption assez élevée qui atteint 1,25 million de dollars et qui s'applique aux recettes publicitaires de toutes les stations de radio, ils reviendront enregistrer au Canada et créer des emplois chez nous.

M. O'Brien: Merci. J'ai plusieurs autres questions, mais je cède la parole à mes collègues.

M. Peric (Cambridge): Madame la ministre, vous avez dit dans votre allocution tout à l'heure que le projet de loi visait à protéger les créateurs canadiens. Nous savons tous que le secteur de la culture est très important pour notre pays. Vous avez poursuivi en disant que le projet de loi protégerait la répartition équitable des redevances. Votre ministère a-t-il réalisé une analyse économique afin de déterminer quel serait le montant des redevances qui seraient versées aux secteurs de l'exécution et de l'enregistrement, et plus particulièrement aux artistes interprètes et aux créateurs tant canadiens qu'étrangers?

.1145

Mme Copps: C'est évidemment à la Commission du droit d'auteur qu'il appartiendra d'établir la tarification. D'après les prévisions, le montant s'élèverait sans doute à environ la moitié des redevances qui sont actuellement payables aux compositeurs et aux paroliers, soit 7 millions de dollars environ.

C'est là une estimation approximative faite à partir du tarif qui vise actuellement les compositeurs et les paroliers. C'est la Commission du droit d'auteur qui établira le tarif en tant que tel.

M. Peric: Une fois que le Canada sera devenu partie à la Convention de Rome, avez-vous une idée de la croissance que le secteur culturel canadien connaîtra d'ici cinq à dix ans?

Mme Copps: Nous avons beaucoup de défis à relever sur le plan de la culture, parce que les frontières nationales s'effacent de plus en plus dans bien des domaines. Nous avons une approche à quatre volets, qui doit manifestement renforcer l'édition canadienne, et les règles sur l'importation parallèle sont une tentative visant à donner des garanties aux distributeurs canadiens. Nous avons aussi d'autres initiatives

[Français]

qui dépassent un peu ce qui est dans le projet de loi.

[Traduction]

Toujours est-il que le projet de loi sur le droit d'auteur et les autres initiatives, notamment le fonds d'aide à la programmation télévisuelle, les incitatifs qui sont déjà offerts aux éditeurs canadiens, la protection restreinte qui est déjà prévue dans la loi pour les distributeurs de films canadiens, sont autant d'éléments importants d'un tout qui s'est soldé par une croissance de 300 p. 100 des industries culturelles au cours des dix dernières années. Nous avons pleinement confiance que ces industries continueront à croître de façon exponentielle.

Nous sommes déjà, par exemple, le premier exportateur d'émissions de télévision pour enfants au monde. Il y a de bonnes chances que ces exportations prennent encore plus d'ampleur à l'avenir notamment en raison de nos compétences multilingues - nous avons déjà des émissions de télévision dans beaucoup de langues. C'est une des raisons pour lesquelles, dans le Livre blanc sur les affaires étrangères, nous signalons les industries culturelles comme étant au nombre des industries d'exportation que nous voulons promouvoir. Le droit d'auteur et les autres éléments doivent donc former un tout intégré.

M. Peric: Une dernière question. Voulez-vous dire que les artistes étrangers pourraient venir ici au Canada pour produire leurs oeuvres et qu'ils pourraient ainsi créer des emplois chez nous?

Mme Copps: Cela pourrait effectivement se produire.

M. Peric: Merci.

La vice-présidente (Mme Phinney): Monsieur Leroux.

[Français]

M. Leroux: J'ai cinq minutes et je voudrais terminer sur les droits d'auteur. Nous aborderons tantôt avec les autres personnes d'autres questions comme les droits voisins, entre autres, qui sont extrêmement importants dans le projet de loi.

Vous avez reconnu que les exceptions étaient nombreuses et vous avez dit que beaucoup de gens allaient venir le démontrer.

J'essaierai de vous amener à constater que le projet de loi actuel confirme un affaiblissement du droit d'auteur. C'est un affaiblissement. Je pense qu'il est assez clair qu'en augmentant le nombre d'exceptions, on va vers un affaiblissement.

Le deuxième danger de l'introduction d'un grand nombre d'exceptions est qu'on envoie le message que les droits d'auteur ne sont finalement pas si importants que ça. Par conséquent, beaucoup de gens vont essayer de passer outre.

Je m'inquiète aussi pour la phase 3. Si on part avec ce principe, ne croyez-vous pas qu'à la phase 3, il pourrait y avoir un lobby fort qui essaierait d'étendre ces exceptions à d'autres situations ou à d'autres secteurs de la société?

Et pourquoi n'imaginerait-on pas que des gens puissent essayer de voir si on ne pourrait pas appliquer ces exceptions à l'inforoute, par exemple? Je trouve donc qu'il est dangereux d'aller dans cette direction.

.1150

Je trouve qu'on vient d'instaurer une situation qui affaiblit carrément les auteurs. Sachant que l'on va trouver de nouvelles technologies, on met tout le monde au travail en vue d'une phase 3 pour essayer d'élargir les exceptions et de voir comment on va pouvoir les appliquer aux nouvelles technologies.

Personnellement, je suis très inquiet. J'ai lu des mémoires et j'ai entendu beaucoup de monde. Je sais que les gens vont venir s'expliquer, mais il me semble que c'est extrêmement difficile à envisager, surtout quand on part du principe qu'il faut différencier les droits d'auteur des ayants droit. Il y a des choses qu'on ne peut pas appliquer dans la loi.

Je me demande, par exemple, qui va surveiller la personne qui va établir des critères au comptoir de la bibliothèque pour décider qu'on ne peut pas faire des photocopies et utiliser quelque chose pour sa recherche personnelle. Il y a des choses qui sont inapplicables là-dedans.

Madame Copps, êtes-vous prête à considérer que la libre négociation entre les représentants des auteurs, les créateurs et les autres membres de la société est bien la meilleure solution si des témoins et la commission vous apportent la preuve que les exceptions ne sont pas la bonne voie à suivre?

Seriez-vous prête à envisager de revenir à la loi existante en termes d'exceptions, c'est-à-dire à peu près une page, et à laisser les gens négocier librement entre eux là-dessus? Il faut reconnaître, et je pense que vous serez d'accord avec moi, madame Copps, que personne, du côté des auteurs, n'a crié au scandale quand des ententes ont été négociées avec le fédéral et avec les autres gouvernements.

Mme Copps: Je pense d'abord qu'il est faux de prétendre que c'est un affaiblissement des droits. Nous avons depuis 1988 des droits pour les compositeurs qui n'existent pas juridiquement pour les producteurs et les autres artistes.

Actuellement, nous essayons d'établir un droit pour les producteurs et les artistes qui n'ont jamais été reconnus dans la loi. Il serait donc faux de dire que c'est un affaiblissement. C'est plutôt un renforcement du régime juridique du droit d'auteur pour les artistes et les compositeurs.

D'autre part, vous dites qu'il vaudrait mieux en rester aux accords qui sont déjà passés. Je voudrais vous faire remarquer que ce projet de loi ne nuit pas aux accords qui existent, car ils vont toujours exister. On a des ententes avec le fédéral, et ces accords seront toujours négociées et non pas renvoyés. Mais je pense que vous allez entendre parler des nouveaux artistes qui arrivent sur la scène, qui n'ont pas les moyens d'utiliser les services de grands avocats pour défendre leurs droits et auxquels ce projet de loi va donner le droit d'adhérer à un organisme qui va protéger leurs droits.

Il est certain que, dans un domaine aussi complexe que le droit d'auteur, il va y avoir des problèmes d'exceptions, et c'est la raison pour laquelle nous sommes ici. Mais les exceptions qui existent dans le projet de loi sont des exceptions qui ont été fixées en 1988 à la demande d'institutions comme les musées et les associations à but non lucratif, qui ont dit qu'on devait les traiter de façon particulière.

Si vous jugez que ces exceptions pour l'Université Laval, l'UQAM et l'Association des musées de Québec ne sont pas valides, mettez vos propositions sur la table et nous les examinerons.

M. Leroux: Je veux juste en terminant...

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Phinney): Votre temps de parole est écoulé. Vous pourrez revenir au prochain tour...

[Français]

M. Leroux: Mais la ministre ne sera plus là.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Phinney): Au prochain tour. Vous avez déjà dépassé votre temps de parole d'une minute.

Monsieur Abbott.

M. Abbott: J'ai trouvé assez intéressant qu'il soit question d'indemnités dans le mémoire du Collège Algonquin des arts appliqués et de la technologie. Les autorités du collège s'inquiétaient parce qu'elles voulaient être en mesure de savoir à qui elles seraient tenues de verser des redevances au titre du droit d'auteur. Autrement dit, il n'est pas clair au bout du compte à qui l'argent devra être versé, à tel groupe ou à tel autre, à tel créateur ou à tel autre.

.1155

Pouvez-vous me signaler si le projet de loi prévoit effectivement une modification pour régler ce problème? Il m'a semblé à la lecture de leur mémoire que les autorités en question avaient une inquiétude tout à fait légitime, et j'aurais besoin de savoir quelle est la disposition du projet de loi qui s'appliquerait.

Mme Copps: J'ai demandé l'avis de nos conseillers juridiques, qui disent que les titulaires qui ne font pas partie d'une société de gestion avec laquelle une entente a été négociée sont protégés en vertu de l'article 38.2. Quand les parties en cause soulèveront ces questions devant vous, vous pourrez explorer la chose de façon plus détaillée.

M. Abbott: C'est simplement que, quand on essaie de voir comment le projet de loi C-32 sera appliqué dans son ensemble, il est très clair que... Je reviens à ce que mon père disait toujours: on ne peut pas légiférer le comportement humain; on peut essayer de l'influencer, mais on ne peut pas vraiment adopter des lois pour déterminer comment les gens se comporteront.

Bien que ma perspective soit quelque peu différente de celle de mon collègue du Bloc, je suis enclin à dire, comme lui, que le nombre d'exemptions est tellement élevé et que le projet de loi est tellement complexe que... Tout comme la Constitution et la Déclaration canadienne des droits, qui ont donné naissance à une industrie spécialisée dans la Charte, je crois que les modifications proposées donneront naissance à une industrie spécialisée dans le droit d'auteur. Ce sera excellent pour les avocats.

Mme Copps: Je pense bien que vous pourrez explorer cette question avec les artistes lorsqu'ils viendront devant vous. Il me semble qu'ils soutiendraient avec véhémence qu'il ne s'agit pas de légiférer le comportement humain, mais de faire respecter le droit de propriété.

Votre propre parti, je crois, a adopté une résolution à la Chambre cette semaine pour confirmer l'existence d'un droit inaliénable à la propriété, à l'utilisation et à la jouissance de la propriété, matérielle et personnelle, et le droit de ne pas en être privé, sinon par des voies légales. C'est exactement ce que ce projet de loi tente d'établir dans le cas de la propriété des artistes.

M. Abbott: Cela me semble très bien, c'est une excellente tentative, mais je crains seulement qu'on ne crée en même temps une véritable industrie du droit d'auteur. Mais l'avenir nous le dira, n'est-ce-pas?

La vice-présidente (Mme Phinney): Avant de donner la parole à M. Bélanger, madame Copps, vous avez dit que vous pouviez rester jusqu'à midi, mais pouvez-vous nous donner deux minutes de plus pour répondre à cette question au moins?

Mme Copps: Certainement, et sa dernière question également, si vous voulez. J'ai une obligation ailleurs, mais d'un autre côté, je suis arrivée cinq minutes en retard.

La vice-présidente (Mme Phinney): D'accord. Monsieur Bélanger.

[Français]

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): J'ai deux questions.

La première porte sur les droits voisins et la structure qu'on propose, dans le projet de loi, pour exempter les revenus allant jusqu'à 1,25 million de dollars.

Sans faire un calcul précis, disons que ça exempte les deux tiers - c'est un chiffre qui a été mentionné - des postes de radio. Certains ont avancé qu'on excluait ainsi grosso modo 70 p. 100 des revenus potentiels.

Je veux poser mes deux questions dans le cadre de mes cinq minutes, comme mon collègue.

Dans quelle mesure ces exemptions pourraient-elles influencer l'échange d'argent, la réciprocité avec d'autres pays qui sont signataires du Traité de Rome? Si nous exemptons par la loi de 60 à 70 p. 100 des revenus potentiels, est-ce que les pays signataires pourront eux aussi tenter de faire la même chose en retour? Quelle est la situation à ce niveau-là?

[Traduction]

En second lieu, et c'est peut-être un peu plus général, j'aimerais savoir si le gouvernement et le ministère ont l'intention de s'attaquer assez rapidement à la phase III. C'est un aspect qui est important, par exemple - les exemples sont nombreux, je n'en citerai qu'un - toute la question des enregistrements et des copies évolue extrêmement rapidement, et dans un an ou deux la cassette pourrait fort bien ne plus être le mode de copie le plus fréquent.

.1200

Par exemple, les vidéos deviennent de plus en plus populaires. Je pourrais probablement admettre par inadvertance que je me livre à des activités criminelles en vous disant qu'il m'est arrivé de copier des films à la maison.

Une voix: Non, pas vous!

Des voix: Oh, oh!

M. Bélanger: Je n'ai encore rien admis.

Toutefois, il est certain que les copies magnétoscopiques se généralisent, sans parler des disquettes ou disques souples qu'on utilise également pour l'enregistrement sonore. Comme ce phénomène s'accélère et que l'on parle de redevances, je me demande pourquoi on n'envisage pas également des redevances sur les cassettes magnétoscopiques et les disques souples? Voilà pourquoi le comité aurait tout intérêt à savoir si le ministère ou le gouvernement ont l'intention de passer assez rapidement à la phase III.

Je sais que la phase II n'est pas terminée et je pose déjà des questions au sujet de la phase III, mais ce genre de précision pourrait nous aider à orienter nos discussions pendant les audiences.

Mme Copps: En ce qui concerne votre première question, nous pensons que le projet de loi est conforme aux exigences de la Convention de Rome et qu'il n'y aura pas de contestations. D'autres pays ont des régimes et des modèles différents, mais nous pensons que le régime que nous avons choisi est conforme à nos obligations de signataires.

Deuxièmement, en ce qui concerne la phase III, je suis arrivée à mon poste actuel en janvier dernier. Ce projet de loi était une de mes premières priorités, mais je préfère attaquer les choses morceau par morceau. Ça n'a pas été facile de mettre les gens d'accord sur ce projet de loi. Il y a eu d'interminables discussions et d'innombrables compromis, mais en fin de compte, je crois que nous sommes parvenus à un point d'équilibre et que cette mesure sera critiquée des deux bords. Cela prouve que nous sommes parvenus à l'équilibre voulu.

Je ne voudrais pas vous donner des dates en ce qui concerne la phase III, mais par contre, je peux vous dire que je tiens à terminer le processus le plus rapidement possible.

Quant aux bandes magnétiques audiovisuelles, cet après-midi je dois prendre la parole devant le Comité consultatif sur l'autoroute de l'information au sujet du contenu canadien et de notre cheminement dans le monde multimédia. En ce moment même, vous pouvez glaner sur l'autoroute de l'information des choses dont cette mesure ne parle même pas.

D'une façon générale, on a pensé que les exemples de piraterie étaient assez évidents dans le cas des bandes magnétiques, mais que par contre, dans le cas des bandes audiovisuelles, il restait encore beaucoup à faire avant de pouvoir parvenir à la même conclusion. Beaucoup de gens utilisent des bandes magnétoscopiques à des fins domestiques, ils filment des mariages et toutes sortes de choses qui n'enfreignent pas le droit d'auteur. Ce n'était pas aussi flagrant dans ce cas-là.

J'aimerais donc que cela soit fait le plus rapidement possible et la phase suivante, au fur et à mesure.

La vice-présidente (Mme Phinney): Ces deux réponses vous ont satisfait?

M. Bélanger: Non, mais je vais devoir m'en contenter.

Mme Copps: Tout ce que je vous dis, c'est commençons par nous occuper de cet aspect-là, car nous vivons dans un monde en pleine explosion, et de nouveaux défis s'annoncent chaque jour. Toutefois, le droit d'auteur est un outil historico-juridique important et, à mon avis, cette mesure continuera la démarche.

M. Bélanger: Comme il me reste du temps, je vais poser une autre question qui s'inspire des premières observations de mon collègue.

La vice-présidente (Mme Phinney): Elle a intérêt à être courte.

M. Bélanger: Absolument.

Vous reconnaîtrez aisément que la notion d'exemption n'est pas nouvelle en droit. Est-ce que mon collègue suggérait qu'on abolisse toutes les exemptions, par exemple les exemptions fiscales, exemptions pour les églises, ou même les 300 $ qu'on accorde aux Canadiens lorsqu'ils rapportent des marchandises au Canada...? La notion d'exemption n'est certainement pas nouvelle et n'existe pas seulement dans ce projet de loi.

Mme Copps: C'est exact.

M. Bélanger: C'est bien ce que je pensais.

Mme Copps: À l'époque de la phase I, on en a beaucoup discuté. Certains d'entre nous étaient déjà là, et je me souviens d'un débat très animé entre les deux parties.

.1205

La vice-présidente (Mme Phinney): Monsieur Leroux, vous avez cinq minutes pour poser des questions et entendre les réponses.

[Français]

M. Leroux: Ce que vous avez dit au sujet du droit d'auteur est exact. Il y a des catégories et des gens vont être reconnus, mais je voudrais que vous réfléchissiez au principe de l'affaiblissement. En effet, quel est l'avantage pour un auteur de lire 13 pages dans lesquelles on explique qu'il n'a pas de droits même s'il est un nouvel auteur ou un auteur reconnu? C'est là qu'est le problème.

Dans la loi, il y a une règle qui permet une réouverture dans cinq ans, si je ne me trompe. Est-ce que ça correspond à la phase 3 dont vous parliez?

Mme Copps: Non, mais comme le député d'Ottawa-Vanier l'a dit, les exceptions n'ont pas été créées aujourd'hui, mais en 1988, entre autres à la demande des organismes à but non lucratif qui voulaient se faire exempter de ces droits. Je pense en particulier à certaines exemptions concernant les aides visuelles, par exemple, et à d'autres concepts qui ont été introduits et que vous allez sûrement examiner de près.

M. Leroux: Si je comprends bien, madame Copps, on a du mal à comprendre pourquoi il faut faire confiance aux parties qui négocient. On les soustrait à l'avance des discussions, parce qu'on pense que ça ne vaut pas la peine de négocier avec elles alors qu'on sait déjà qu'il y a de multiples ententes.

On est en train de se civiliser en renforçant la reconnaissance du droit d'auteur, alors qu'on sait très bien que chaque fois qu'on parle de droit d'auteur, d'ayants droit ou de propriété des créations, il est très difficile de convaincre tout le monde que cette reconnaissance est fondamentale pour une société, quelle qu'elle soit.

C'est un long travail qui a été fait et je pense qu'on vient ici l'affaiblir en lançant le signal qu'il existe encore plein de secteurs dans la société auxquels on conseille de ne pas se préoccuper de cela à cause de leur mission et d'oublier le droit d'auteur.

Pourquoi est-ce qu'ils ne le feraient pas lorsqu'ils paient leur téléphone, leur électricité, leur chauffage, leur papier, etc., À mon avis, le projet de loi enlève des responsabilités au lieu d'en donner. Je vois là un problème.

Mme Copps: Vous êtes libre de donner vos arguments. Personnellement, je ne suis pas d'accord et je pense que l'affaiblissement n'existe pas quand on donne un nouveau droit. D'ailleurs, les mêmes personnes qui négocient actuellement avec le gouvernement du Québec, avec le gouvernement du Canada et avec des organismes du secteur privé nous demandent de créer un régime de loi qui les protège.

On ne fait pas un projet de loi pour le plaisir d'embaucher des avocats. On le fait parce que des organismes comme l'ADISQ, entre autres, nous demandent de créer un régime de loi pour qu'ils ne soient pas obligés de se faire reconnaître seulement par des démarches commerciales bilatérales.

Ce que nous faisons ne nuit pas à leur possibilité de continuer leurs démarches contractuelles avec d'autres organismes, mais cela renforce, par la voie législative, la protection des auteurs qui est déjà en place pour quelques groupes mais qui ne l'est pas pour d'autres.

En ce qui concerne les exceptions, je suis certaine que vous allez entendre tous les points de vue là-dessus. Nous avons essayé de rédiger un projet de loi qui soit équilibré, mais rien n'est parfait dans la vie.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Phinney): Il vous reste une minute si vous voulez.

Madame la ministre, est-ce que vous voulez partir, ou bien...?

Mme Copps: Oh, merci.

La vice-présidente (Mme Phinney): Nous aimerions bien que vous restiez, mais...

Mme Copps: Eh bien, bonne chance.

Des voix: Oh, oh!

La vice-présidente (Mme Phinney): Vos collaborateurs vont rester?

Mme Copps: Oui, ils vont rester.

La vice-présidente (Mme Phinney): Merci beaucoup.

Mme Susan Katz (directrice générale, Industries culturelles, ministère du Patrimoine canadien): Madame la présidente, si vous le permettez, je vais inviter mes collègues du ministère de l'Industrie à se joindre à moi.

La vice-présidente (Mme Phinney): Très bien. Vous allez présider à ce bout de la table?

Mme Katz: Je vais rester au milieu et...

La vice-présidente (Mme Phinney): Vous pouvez donc nous présenter les personnes qui se joignent à nous.

.1210

Mme Katz: Oui.

J'aimerais vous présenter David Tobin, directeur général de la gestion intégrée à Industrie Canada; il est également sous-ministre adjoint suppléant chargé de la politique. Il y a également Danielle Bouvet, directrice des biens culturels aux Industries culturelles.

La vice-présidente (Mme Phinney): Merci.

Comme M. Abbott n'est pas là, je passe au suivant sur la liste, M. O'Brien.

M. O'Brien: Merci, madame la présidente.

Il me semble que la question des exemptions est cruciale. Je suis un peu surpris d'entendre mon collègue du Bloc qui semble ne vouloir aucune exemption. Je me demande ce que les églises et les groupes de charité du Québec penseraient de cela. Je sais que dans ma circonscription, et en Ontario en général, cela susciterait beaucoup d'inquiétudes.

Toujours au sujet des exemptions, des exceptions et de toute la question des copies éphémères des oeuvres reproduites sous différents formats, tout comme mes collègues du comité, j'ai entendu des groupes défendre les deux côtés de la médaille. Le projet de loi n'aborde pas ces deux questions. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi on a jugé bon de les omettre?

Mme Katz: En ce qui concerne les enregistrements éphémères, vous avez parfaitement raison; dans ce domaine, le projet de loi C-32 maintient plus ou moins le statu quo.

M. O'Brien: Puis-je vous arrêter ici? Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le statu quo? On entend des opinions diverses et il n'est pas facile de déterminer ce qu'est le statu quo en ce qui concerne les droits éphémères.

Mme Katz: En 1990, la Cour suprême a entendu une affaire qui tournait autour de ce point-là. Certaines personnes se demandaient si un enregistrement éphémère constituait vraiment une violation du droit d'auteur.

Dans sa décision de 1990, la Cour suprême a confirmé qu'un enregistrement éphémère était effectivement une reproduction, et par conséquent, un radiodiffuseur était tenu de payer une redevance lorsqu'il faisait un enregistrement éphémère.

M. O'Brien: C'est l'affaire Bishop.

Mme Katz: C'est exact.

M. O'Brien: N'est-il pas exact, toutefois, que les artistes donnent régulièrement une telle autorisation lorsqu'ils négocient des accords, et que les artistes de la scène n'essaient pas vraiment de s'en prévaloir?

Mme Katz: L'accord signé entre une société de gestion des droits d'auteur et un organisme de radiodiffusion porte sur diverses formes de droits de reproduction. On se met d'accord sur une somme qui couvre ces droits de reproduction, et parmi eux, en plus des enregistrements nécessaires à un programme de radiodiffusion, il y a également les enregistrements éphémères.

M. O'Brien: J'ai jadis travaillé dans le secteur de l'éducation pendant de nombreuses années, et je dois dire que je comprends les gens de ce secteur lorsqu'ils demandent une exemption pour les utilisations scolaires.

Le projet de loi prévoit certaines exemptions. Pouvez-vous nous expliquer pour quelle raison on empêcherait un instituteur ou un professeur de distribuer à chacun de ses élèves une copie d'un poème ou un extrait de pièce de théâtre? Certains pensent que l'exemption à des fins éducatives ne va pas suffisamment loin; qu'en pensez-vous?

M. Jeff Richstone (avocat, ministère du Patrimoine canadien): Certaines des exemptions ont été prévues. En particulier, en ce qui concerne les copies distribuées aux étudiants, on trouve au paragraphe 29.4(2) une exemption sur les examens et les devoirs de classe qui devraient plus ou moins régler le problème que vous soulevé.

M. O'Brien: Si je pose cette question, c'est que j'ai cru comprendre, et reprenez-moi si je me trompe, qu'un enseignant n'est pas autorisé à distribuer des copies à la classe tout entière. Est-ce exact?

M. Richstone: Des copies de...?

M. O'Brien: Autrement dit, supposons qu'il y ait 30 élèves dans une classe, on n'a pas le droit de leur donner une copie à chacun. On n'a pas le droit d'en distribuer autant. Est-ce que c'est vrai?

.1215

M. Richstone: Vous faites probablement allusion à une disposition qui se trouve au paragraphe 29.4(2) qui mentionne les exercices scolaires. Toutefois, cela est immédiatement contredit au paragraphe 24.4(3) qui précise que cette autorisation ne tient pas si l'oeuvre est accessible sur le marché.

Ces deux dispositions sont donc en contrepoids. Si l'oeuvre est accessible sur le marché, il n'est pas nécessaire de la reproduire. Si elle n'est pas accessible sur le marché, et c'est une chose qu'on détermine dans chaque cas, l'exception s'applique. Toutefois, le projet de loi ne cite pas un nombre particulier de copies.

M. O'Brien: Merci.

La vice-présidente (Mme Phinney): J'aimerais une précision sur ce que vous venez de dire. Accessible sur le marché, est-ce que cela veut dire qu'il existe au Canada 30 livres qui contiennent ce poème et qui sont en vente? C'est bien cela?

M. Richstone: L'exception relative aux oeuvres accessibles sur le marché parle seulement d'une oeuvre accessible sur le marché. Aux termes du paragraphe 29.4(3), si une oeuvre est accessible sur le marché, si elle se trouve sur un support et d'une qualité appropriée, aux fins visées par ces dispositions, c'est cela qui compte, et aucune exception n'est autorisée.

La vice-présidente (Mme Phinney): Je continue à mal comprendre. Moi aussi, j'ai travaillé dans le secteur de l'éducation toute ma vie, et je ne comprends pas ce que vous dites.

Supposons que je veuille utiliser un poème dans ma classe, ce poème existe dans un livre dont 30 exemplaires sont en vente quelque part au Canada. Je ne peux pas le copier. Toutefois, si je détermine qu'il n'existe pas 30 exemplaires de ce livre au Canada, est-ce que je peux le copier? Ou bien faut-il que j'attende la réimpression de ce livre avant de pouvoir le copier?

M. Richstone: L'exception indiquerait que s'il n'y a pas... «accessible sur le marché» signifie que si le livre ou l'oeuvre est accessible sur le marché, il ne peut être utilisé.

La vice-présidente (Mme Phinney): Alors il faudrait que je le donne à une élève sur deux? Est-ce que je pourrais en faire 15 copies?

M. Richstone: Dans les cas où aucune exception ne s'applique, il faudrait sans doute une licence. Si vous vouliez produire plus de copies, il faudrait obtenir l'autorisation du détenteur du droit d'auteur, qui est, dans le cas de reproductions, le plus souvent octroyée dans le cadre d'accords de licence avec des sociétés de gestion.

La vice-présidente (Mme Phinney): Alors cela signifie-t-il qu'aucun enseignant ne pourrait utiliser dans sa classe du matériel qui n'a pas déjà été autorisé par le conseil scolaire qui a déjà obtenu la permission de s'en servir? Ainsi si l'enseignante disait tout d'un coup qu'elle connaissait un poème qu'elle a vu il y a cinq ans, elle ne pourrait pas l'utiliser en classe.

M. Richstone: Encore une fois, il faut que vous preniez connaissance des ententes existantes qu'ont plusieurs de ces institutions avec les sociétés de gestion admissibles, que ce soit par exemple l'UNEQ ou CANCOPY de l'autre côté, où un certain volume de reproduction est autorisé. Ensuite, il faut voir s'il s'agit d'une utilisation autorisée.

L'exception limitée qui figure dans le projet de loi ne s'applique qu'à des oeuvres qui ne sont pas accessibles sur le marché, qu'il est impossible de trouver dans des établissements commerciaux. Si vous pouvez les trouver sur le marché, la raison d'être de cette exception limitée disparaît.

La vice-présidente (Mme Phinney): Lorsque les groupes représentant les établissements d'enseignement viendront, je les interrogerai davantage pour savoir comment ils s'en tirent.

Monsieur Leroux.

[Français]

M. Leroux: J'aimerais revenir sur certains principes qu'on trouve dans la loi. Il y en a un entre autres qui me cause une grande surprise, et c'est celui du no fault. Je ne suis pas coupable car je ne le savais pas. J'arrive difficilement à comprendre qu'on applique un tel principe.

Comment prévoit-on la portée d'un article semblable? Quel en est l'effet? Est-ce que c'est courant, dans la loi, qu'on puisse dire à un juge qu'on n'est pas coupable parce qu'on ne savait pas? «J'ai copié une oeuvre et je m'en excuse, mais je ne suis pas coupable parce que je ne savais pas.»

Mme Danielle Bouvet (directrice, Propriété intellectuelle, Industrie Canada): À quel article faites-vous allusion?

M. Leroux: Je fais allusion à l'article 30.7 qui exonère une personne qui photocopie un texte alors qu'elle n'était pas au courant qu'il s'agissait d'une oeuvre d'auteur. Si cette personne n'a pas fait exprès et peut démontrer qu'elle était dans l'ignorance, c'est acceptable.

J'arrive difficilement à comprendre cela. Cela existe-t-il partout dans les projets de loi, qu'on puisse dire que, si vous avez fait de la vitesse sans savoir que c'était contre la loi, c'est bien et vous n'êtes pas coupable, ou quelque chose du genre?

M. René Bouchard (directeur par intérim, Politique des droits d'auteur et planification économique, ministère du Patrimoine canadien): Cela existe dans deux lois en plus de celle qu'on propose présentement. Cela existe dans la loi du Royaume-Uni et dans celle de l'Australie. On me dit que c'est aussi le cas dans celle de la Nouvelle-Zélande, mais...

M. Leroux: Mais pourquoi veut-on introduire le no fault dans notre loi?

.1220

Mme Bouvet: À l'article 30.7, les conditions qui ne requièrent pas l'autorisation sont quand même très circonscrites Je pense que le législateur a voulu tenir compte de l'équilibre entre, d'une part, les créateurs et, d'autre part, les utilisateurs. Il a fixé des paramètres très précis dans lesquels l'absence d'autorisation doit s'exercer.

Des exceptions, qu'on le veuille ou non, il en existe partout à travers le monde. Ce que le gouvernement propose ici ne constitue pas un précédent. En fait, il faut regarder l'ensemble des lois à travers le monde pour se rendre compte qu'il y a des exceptions à l'égard de certains utilisateurs précis. Il y en a partout, de sorte que le gouvernement ne crée certainement pas un précédent. Il a aussi certainement voulu, dans les cas où il considérait que l'autorisation n'était pas nécessaire, que ce soit fait selon certains paramètres très précis.

M. Leroux: Je ne dis pas que le gouvernement crée des précédents. Vous avez raison, il existe des exceptions, mais quand les exceptions viennent vicier une loi... À un moment donné, il ne faut pas nécessairement adopter, sous prétexte que cela existe partout, une démarche qui permet à des pans complets d'une société de causer des effets... Ce n'est pas peu, ici; ce sont des pans complets de la société: musées, éducation, etc. On a une panoplie très large d'exceptions.

Je n'ai jamais dit qu'il s'agissait d'un précédent. Soyons clairs: il en existe, des exceptions. Ce que j'ai dit, c'est que dans ce projet de loi, non seulement il y en a, mais elles sont inapplicables. Elles ne sont pas gérables. Prenons l'exemple de l'article 30.2, où on ne permet au personnel des bibliothèques, des musées, des archives de faire des copies d'oeuvre pour des clients à des fins de recherches personnelles que si cette personne:

a) convainc la bibliothèque, le musée ou le service d'archives qu'elle ne l'utilisera qu'à des fins d'étude privée ou de recherche;

Qui va gérer ça? La préposée au comptoir, sur quels critères va-t-elle se laisser convaincre? Qui va surveiller la personne, quand elle sera repartie, pour s'assurer qu'elle fait vraiment un travail de recherche personnelle? Il y a des choses extrêmement difficiles à gérer dans ce projet. Je ne sais pas qui sera capable de le faire.

Mme Bouvet: En fait, ce que vous mentionnez est très intéressant. Je pense encore une fois que le souci qu'a le gouvernement de maintenir cet équilibre l'a amené à se dire: en introduisant une exception, il faut quand même donner aux créateurs des moyens de savoir ce qui se passe concernant les reproductions qu'on fait de leurs oeuvres. Dans ce souci de maintenir un certain contrôle qui permettrait aux créateurs de savoir ce qui se passe à l'égard de leurs oeuvres, le gouvernement a voulu faire porter sur les épaules des bibliothécaires ou autres le soin d'au moins s'assurer que la reproduction demandée l'était à des fins de recherche ou d'étude privée.

Différents témoins vont défiler devant vous. Ils vont peut-être nous dire que c'est possible de gérer ces conditions. Il serait intéressant d'entendre, entre autres, les bibliothécaires nous dire si cela se gère ou non, si cela constitue un contrôle dont les créateurs sont satisfaits. À la lumière de ces témoignages que le gouvernement devra examiner, je crois, il devra prendre une décision ultime quant à l'opportunité d'une disposition comme celle-là. Je pense que l'intention était vraiment d'indiquer qu'on crée une exception, mais qu'on voulait quand même assurer le créateur qu'il pourrait retracer ce qui est fait.

M. Leroux: Je comprends dans quel esprit cela a été fait, mais on entre dans...

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Phinney): Monsieur Bélanger.

[Français]

M. Bélanger: J'aimerais que les représentants de l'un ou l'autre ministère me disent de quelles sommes d'argent on parle. Quels sont les enjeux? On crée des droits voisins. On parle de mettre un tarif quelconque sur les cassettes vierges. On va parler de droits ou d'exceptions éphémères, selon le point de vue où on se situe, et de transferts de médias. Avez-vous des renseignements que vous pourriez divulguer concernant les sommes d'argent approximatives dont on parle? Qu'est-ce qui est en jeu?

M. Bouchard: Tout dépend des mesures auxquelles vous faites allusion.

M. Bélanger: Aux quatre.

M. Bouchard: Si on les passe en revue, en ce qui a trait à la copie privée, c'est une décision qui relève de la Commission du droit d'auteur. D'une certaine façon, c'est à la Commission de fixer le tarif après avoir entendu chacune des parties.

.1225

J'imagine que les manufacturiers d'équipement audio vont être en mesure de faire valoir leur point de vue en disant que plusieurs des cassettes sont utilisées à d'autres fins que la copie de musique, et que l'industrie de l'enregistrement sonore va soutenir qu'au contraire, elles sont utilisées pour copier de la musique.

M. Bélanger: Je veux savoir s'il y a des chiffres. Y a-t-il des chiffres?

M. Bouchard: Le chiffre que je peux vous donner, c'est celui que Mme Copps a cité tout à l'heure, soit 37 cents, qui est une moyenne de ce qui existe à l'étranger.

M. Bélanger: Qu'est-ce que cela représente dans l'ensemble, pour 44 millions de cassettes?

M. Bouchard: Seize millions de dollars environ. Multiplions 40 cents par 44 millions de cassettes; c'est 16 millions de dollars.

M. Bélanger: D'accord. Et pour les droits voisins?

M. Bouchard: Tout à l'heure, Mme Copps a parlé de sept ou huit millions de dollars. Encore une fois, c'est une décision qui revient à la Commission du droit d'auteur.

M. Bélanger: Merci.

Les sept ou huit millions de dollars, c'est une estimation. Personne n'y sera tenu. Du moins, ce n'est pas moi qui vais y tenir. Ces sept ou huit millions dont on parle, est-ce après les exemptions de 1,25 million de dollars?

M. Bouchard: Oui.

M. Bélanger: Alors, sans ces exemptions, quel serait l'univers avec la même estimation du tarif?

M. Bouchard: Je pense que les exemptions permettent de mettre à l'abris environ 50 p. 100 des revenus des stations de radio. Si l'univers était entier, vous pourriez peut-être doubler le tarif, qui serait alors de 14 à 15 millions de dollars.

M. Bélanger: Merci.

Est-ce que le ministère a fait certaines estimations, encore une fois, dans le cas où il y aurait des droits ou des exceptions éphémères?

M. Bouchard: Il est très difficile de faire une approximation parce que qu'alors une série de droits serait couverte. Qu'est-ce qui est éphémère? Qu'est-ce qui ne l'est pas? On entre dans une zone grise, ou dans une zone où le spectre des couleurs couvre peut-être tout. Je ne sais pas.

Je peux vous dire, par contre, que les ententes qui ont cours présentement au Québec, du côté de la reproduction, entre la SODRAC et les radiodiffuseurs qui ont bien voulu signer des ententes avec elle, représentent 1,3 million de dollars, si je me souviens bien. Vous pourrez vérifier auprès d'elle.

M. Bélanger: Au Québec?

M. Bouchard: Au Québec.

M. Bélanger: Alors, si on fait une approximation...

M. Bouchard: Si vous me demandez de faire une estimation immédiatement, sans avoir fait de calcul, je vous dirai environ six millions de dollars au total pour le Canada.

M. Bélanger: Est-ce qu'on a un chiffre semblable...

M. Bouchard: J'aimerais apporter une précision encore une fois. Six millions de dollars, c'est un chiffre qui s'applique à l'ensemble des reproductions. Ce n'est pas nécessairement l'exception pour l'enregistrement éphémère.

M. Bélanger: Je comprends ça. Pour le transfert de médias, est-ce qu'on a une approximation quelconque aussi?

M. Bouchard: Non, je n'en ai aucune.

M. Bélanger: D'accord.

Mme Bouvet: Ce serait la même réponse que pour l'exception d'enregistrement éphémère, parce que c'est une reproduction qui tombe sous le coup de l'entente au même titre que l'enregistrement éphémère.

M. Bélanger: Est-ce qu'il y a d'autres sommes d'argent que l'on crée avec le projet de loi?

M. Bouchard: J'ai l'impression que du côté de l'importation parallèle, il y a des sommes en jeu, parce que c'est la protection d'un droit qui existe. Quelle est la valeur de ce droit-là? C'est assez difficile de l'estimer. Je n'ai pas de chiffre et je ne serais pas capable de vous en fournir un.

M. Bélanger: Merci.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Phinney): Personne d'autre ne m'a indiqué sont désir de prendre la parole.

Monsieur Leroux.

[Français]

M. Leroux: J'ai une question.

On parle de 1,25 million de dollars de base dans le domaine des revenus de commercialisation, sur l'assiette de la publicité. On ne parle pas du chiffre d'affaires mais du chiffre de commercialisation. À partir de quels chiffres avez-vous établi ce total?

M. Bouchard: Une des préoccupations premières, lorsque le projet de loi a été élaboré, était de s'assurer que les petites stations de radio seraient en mesure d'absorber l'imposition des nouveaux droits convenablement.

On parle de 1,25 million de dollars. Pourquoi pas 1,23 ou 1,24 million de dollars? C'est que le chiffre de 1,25 million de dollars semblait couvrir dans une certaine mesure les stations les plus petites et dont la rentabilité était plus ou moins forte. Alors, d'une certaine façon, on a pu exclure 65 p. 100 des stations de radio et exclure une portion des revenus engendrés par l'industrie de la radio, soit environ 50 p. 100.

.1230

M. Leroux: Sur quoi est fondé ce que vous me dites là? Sur l'analyse du chiffre d'affaires de chaque station de radio?

M. Bouchard: Non. Les chiffres de l'industrie de la radio sont disponibles à Statistique Canada. Ils sont très élaborés et détaillés. On est capables de faire des scénarios à partir des chiffres qui sont fournis par Statistique Canada. En fin de compte, c'est à la ministre de trancher et de déterminer quel scénario sera retenu. Cependant, on est capables de travailler sur les chiffres, de faire différentes hypothèses de travail et de savoir ce qu'on cible exactement et ce qu'on ne cible pas.

M. Leroux: On aura l'occasion durant ce mois-ci de revoir beaucoup de chiffres, je pense.

M. Bouchard: On vous en fournira avec plaisir.

M. Leroux: On en obtiendra de vous et d'autres témoins. J'ai hâte de constater les différences entre les chiffres et entre les sources.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Phinney): Avez-vous fini?

[Français]

M. Leroux: Est-ce que je peux continuer?

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Phinney): Oui.

[Français]

M. Leroux: Les votes pour le «non» sont nombreux ici. Je voudrais revenir à la gestion des exceptions contenues dans le projet de loi. Il y a là une question de gestion qui m'apparaît très compliquée parce que ce que vous m'avez répondu ne me convainc pas du tout. Ça me démontre que ce qu'on veut instaurer dans la loi demeure ingérable de bien des façons. On veut bien y introduire un esprit ou une attitude, mais ce n'est pas gérable.

Je regarde les exceptions. Je vais aller à l'article 29.5, à la page 30, qui permet aux établissements d'enseignement d'exécuter une oeuvre en direct et en public, de retransmettre un enregistrement sonore ou une prestation d'un interprète devant un public à la condition que ce soit effectué dans un établissement scolaire, dans un local de l'établissement, à des fins pédagogiques, non pour des objectifs mercantiles, devant un auditoire formé principalement d'élèves de l'établissement, d'enseignants de l'établissement ou d'autres personnes directement responsables de cet établissement.

Pourquoi autoriser cela dans le milieu scolaire, alors qu'on sait que la plupart des établissements scolaires comportent une salle de spectacles? Beaucoup ont un auditorium où se donnent des spectacles. Qui va définir ce qu'est un amphithéâtre?

Est-ce qu'un amphithéâtre ou une salle de spectacles dans l'enceinte d'une maison d'éducation est vraiment un lieu scolaire utilisé à des fins pédagogiques? Qui va définir cela? Qui va gérer ces situations? Qui va déterminer si les frais d'entrée ne servent vraiment qu'à financer l'événement ou s'il ne se fait pas un profit, d'une façon ou d'une autre? Qui va déterminer si l'événement est bien encadré avec des critères pédagogiques et n'est pas un spectacle qu'on présente pour quelque motif que ce soit? Cela nous démontre que la gestion d'une telle entreprise... Qui va établir des critères?

Aux articles 29.6 et 29.7, on permet aux établissements d'enseignement de copier des émissions d'actualité de radio et de télévision. Qui va définir une émission d'actualité, une émission de radio? Qui va établir si c'est vraiment à des fins pédagogiques ou non? Vraiment, la gestion de tout cela, je ne l'imagine pas. Êtes-vous capable de m'expliquer comment elle se fera?

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Phinney): Madame Bouvet... Madame Katz...?

[Français]

M. Leroux: Il n'y a personne pouvant gérer, hein?

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Phinney): Cela mettra fin à cette réunion assez rapidement.

[Français]

M. Bouchard: Je vais répondre, mais je vais parler très vite.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Phinney): Ne parlez pas aussi rapidement que lui.

[Français]

M. Bouchard: Je pense que c'est quelque chose qui existe déjà. Ce qu'on essayé de faire par le biais des exceptions, c'est de donner un point d'ancrage à un groupe d'intérêt qui craindrait que dans un cas particulier, il y ait exagération et, en fait, violation du droit d'auteur. Ce qu'on a donné, par le biais des exceptions, c'est un point d'ancrage. On s'est dit qu'il y avait des critères qui se rattachent à cela. Comment peut-on définir si ça se fait d'une façon qui respecte la loi? En créant cette exception, on a donné un point d'attache qui permet aux gens de poursuivre s'il y a violation.

M. Leroux: Vous êtes en train de me dire que les sociétés de gestion vont ajouter à leur fardeau la surveillance d'affaires qui ne rapporteront pas un seul sou aux auteurs, qu'elles seront obligées d'exercer une sorte de surveillance pour toutes espèces de situations et d'engager des frais, alors qu'il n'y aura rien à gagner pour elles. Je n'arrive pas à saisir.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Phinney): Monsieur Bélanger.

[Français]

M. Bélanger: Essayez-vous de dire, monsieur, que le projet de loi tente de refléter la réalité canadienne? Est-ce bien ce que vous essayez de dire?

M. Bouchard: C'est exactement ce que j'essayais de dire.

M. Leroux: Plus que la réalité des auteurs?

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Phinney): Je tiens à vous remercier madame Katz, et les personnes qui vous accompagnent, de votre comparution ici aujourd'hui, ainsi que de votre patience envers nous et nos questions.

.1235

Nous nous réunirons de nouveau mardi matin. La séance est levée.

M. Arseneault (Restigouche - Chaleur): La séance n'est pas encore levée.

La vice-présidente (Mme Phinney): Bon, d'accord, elle l'est pour les témoins.

M. O'Brien: Madame la présidente, je désire soulever une question dans le but de tenir des audiences équilibrées, la contribution à nos travaux étant complète et équitable. C'est peut-être un oubli, mais je crois comprendre que M. Basskin qui représente la Canadian Music Publishers Association a demandé à comparaître et que sa demande a été rejetée. Je crois également comprendre que cet organisme représente la grande majorité des éditeurs de musique anglophone.

Je veux m'assurer qu'il y a un juste équilibre, en tenant compte des francophones et des anglophones. C'est peut-être un oubli tout à fait honnête. Je voudrais simplement qu'on se demande si nous voulons les voir comparaître comme témoins. Après tout, ils représentent 80 p. 100 des éditeurs de musique anglophones.

La vice-présidente (Mme Phinney): Est-ce qu'on pourrait simplement demander àMme Noël de vérifier cet équilibre dont vous parlez?

M. O'Brien: Désirez-vous une motion à cet effet pour les ajouter à la liste?

La vice-présidente (Mme Phinney): D'accord.

M. Arseneault: Eh bien, je pense que nous sommes tous à peu près d'accord.

[Français]

Il y a consensus. Il n'y a pas d'objection.

La greffière du Comité: Mon problème est de trouver une case où les placer. Est-ce qu'on pourrait les accueillir en tenant une table ronde?

M. Arseneault: Avec la SODRAC peut-être.

La greffière: Est-ce que vous seriez d'accord sur cette façon de procéder?

M. Arseneault: Accordez un peu plus de temps pour la rencontre avec la SODRAC et donnez-en un peu plus à...

M. Leroux: Il ne faudrait pas enlever de temps à d'autres.

M. Arseneault: Non. C'est prévu. C'est sûr.

M. Leroux: Avant de prendre une décision, je vais en prendre connaissance. Je ne ferme pas la porte. Je veux seulement voir qui est ce groupe et quel est le point de vue énoncé dans le mémoire.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Phinney): Mme Noël pourrait peut-être nous en parler de façon plus approfondie mardi. D'accord? Nous reverrons la question mardi. Merci.

[Français]

M. Leroux: Est-ce que M. Abbott n'avait pas soulevé quelque chose qu'on voulait...

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Phinney): Il doit donner un préavis de 48 heures.

[Français]

M. Leroux: D'accord. Il faut qu'il donne un avis de 48 heures.

Je pense que Mme Hamilton a une énorme tâche entre les mains actuellement, qui est de pondérer la présence des groupes, et que cela lui crée beaucoup de complications. Je voudrais qu'elle nous fasse rapport sur la situation de nos travaux et qu'elle nous dise où elle en est. Je pense que c'est important. Je ne sais pas si on devrait le faire entre nous ou maintenant.

Elle a de gros problèmes et je veux que le Comité soit mis au courant de ces problèmes. Je ne veux pas qu'elle se retrouve seule face à eux. Je veux aussi qu'on atteigne nos objectifs.

Est-ce que vous avez compris? Je voudrais que Mme Hamilton nous communique l'état du calendrier. Je pense qu'elle a beaucoup de problèmes dans ses discussions avec les groupes pour organiser leur comparution. Je ne voudrais pas qu'elle se retrouve seule devant ces problèmes et que le comité se retrouve face à un autre problème, si des gens ne pouvaient pas se présenter. J'aimerais qu'elle nous fasse rapport de l'état actuel des choses.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Phinney): Si nous voulons discuter de l'ordre du jour, je pense que nous devrions le faire à huis clos. Voulez-vous le faire maintenant? Êtes-vous tous d'accord pour tenir une brève discussion dès maintenant?

[Français]

M. Arseneault: Tout de suite?

M. Leroux: Oui, et seulement pour évaluer où en est Mme Hamilton.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Phinney): Sommes-nous d'accord pour passer à huis clos?

Des voix: D'accord.

[Les délibérations se poursuivent à huis clos]

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