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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 10 mars 1997

.1208

[Traduction]

La présidente: Je déclare la séance ouverte. Nous entreprenons aujourd'hui la deuxième de six réunions de consultation publique menées par le Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes. Nous faisons une tournée pancanadienne pour examiner l'état de notre droit à la vie privée dans le monde de haute technologie d'aujourd'hui.

Nous avons décidé, à la lumière de toute l'information que nous avons recueillie, entendue et lue à nos tables rondes et dans les médias ces derniers mois, que toute cette question des technologies et pratiques de l'information nous porte, nous et la population en général, à nous demander ce que nous connaissons de ces pratiques, quelle est leur incidence sur notre vie personnelle, sur notre vie privée et sur les droits de la personne?

À titre d'information, nous avons adopté une formule quelque peu différente de la procédure habituelle des comités permanents de la Chambre des communes. Nous tenons une discussion ouverte. Nous allons ouvrir la séance comme d'habitude. Nous allons ensuite nous arrêter un instant pour nous installer en table ronde afin de permettre à nos spécialistes, ici à la table, de diriger la consultation. Nous nous réunirons à nouveau à 11 heures. Dans quelques instants, nous vous donnerons les modalités de la discussion publique que dirigeront nos spécialistes.

.1210

Vu les formes envahissantes et changeantes que prend aujourd'hui la technologie, nous sommes poussés à nous poser les questions suivantes: que devons-nous savoir? Qui sait quoi à mon sujet? Dans quelle mesure a-t-on besoin de le savoir? Où se situe le point d'équilibre entre les divers intérêts d'ordre social et économique et la prévention du crime et de la fraude, les soins de santé, les intérêts économiques, les pratiques commerciales et notre droit de protéger notre vie privée? Faut-il un cadre éthique? Des questions différentes représentent-elles des besoins différents? Ne doit-on pas s'assurer d'obtenir un consentement informé des personnes visées avant d'avoir recours à toutes ces nouvelles technologies?

Je pense que cet examen est tout particulièrement approprié, vu les articles et les manchettes parus dans les journaux ces dernières semaines. Ces articles m'ont fascinée tout à fait. Nous les avons tous vus.

Dans La Gazette de samedi il y avait un article intitulé «Vision de l'avenir?» dans lequel on pouvait lire:

Ensuite il y avait cet article incroyable dans La Gazette, «Already Alive» sur le premier clonage d'un humain. Les enfants, deux frères jumeaux auraient quatre ans et vivraient actuellement en Belgique.

Ensuite, dans le Globe and Mail d'aujourd'hui, on nie l'histoire du clonage d'un humain, que l'on qualifie d'invention pure.

Enfin, la semaine dernière, dans La Presse de Montréal il y avait une «Déclaration d'intention» et un article sur le «Marché noir» dans lequel on rapportait la vente sur le marché noir, par des fonctionnaires, d'informations personnelles contenues dans les dossiers gouvernementaux. Voilà qui est inquiétant.

[Français]

Selon la Commission d'accès à l'information, des fonctionnaires vendent sous la table des dossiers médicaux ou fiscaux à des Québécois et à d'autres personnes pour des sommes variant entre 25$ à 120$ la pièce. Le vérificateur général du Québec avait déjà soulevé des questions fort pertinentes au sujet de la confidentialité des dossiers du ministère du Revenu.

[Traduction]

Ainsi, des dossiers qui sont censés être protégés et confidentiels, ouverts à quelques-uns seulement, ne le sont pas.

Je peux également vous dire que dans le journal de Vancouver de ce matin il y a une photo radar très appropriée de ce qui se passe maintenant à la page éditoriale. C'est tout à fait approprié, vu les questions dont nous discutons - les caméras vidéo: qu'est-ce qu'on suit? Qui suit-on? Qui a accès aux films et combien de temps faut-il les garder? Il y a également toute cette question de la biotechnologie de l'ADN et de la biométrie.

Le dernier article qui m'a fascinée explique l'importance de l'ADN. Un professeur d'histoire peut retracer sa famille 9000 ans en arrière. Un Écossais qui habite une région de l'Angleterre a découvert qu'il descend de ce que l'on appelle «l'homme de Cheddar», un squelette vieux de 9000 ans conservé au British Museum.

Il s'agit donc de questions très intéressantes, qui sont un peu de la science-fiction à certains égards.

La documentation sur le droit à la vie privée ne provient pas d'une source unique, mais bien du droit international, du droit constitutionnel, des lois fédérales et provinciales, de la jurisprudence, des codes de déontologie professionnels et des directives. Le résultat est souvent qualifié au Canada de mosaïque de dispositions de protection de la vie privée.

Il est important de faire un peu d'histoire. Le fondement de tout cela est constitué au niveau international de plusieurs documents importants sur les droits de la personne où sont garantis les droits à la vie privée. Il y a par exemple ce que l'on appelle la «Magna Carta» de l'humanité, la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, écrite en collaboration par John Humphrey qui habitait dans ma circonscription de Mont-Royal. Il est décédé l'an dernier. Il est reconnu avec Eleanor Roosevelt comme l'auteur de cette charte. Ensuite, évidemment, les Nations Unies l'ont adoptée. Il y a également le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, qu'a signé le Canada.

.1215

Il n'y a aucune protection globale de la vie privée actuellement au Canada. En Amérique du Nord, il n'y a qu'au Québec que sont réglementées d'une façon globale les pratiques du secteur privé en matière de données personnelles.

En Europe, l'Union européenne et l'OCDE ont adopté un principe équitable sur l'information qui s'applique à toutes les données personnelles, quels que soient leur support et leur mode d'accès, de collecte, d'entreposage, d'utilisation ou de distribution par d'autres parties.

Il faut également noter que les ministères fédéraux de la Justice et de l'Industrie travaillent actuellement à mettre au point un cadre législatif qui engloberait toute cette question de la protection des données. Il est prévu que la Chambre des communes adopte ce cadre en l'an 2001, dans un avenir plutôt éloigné, n'est-ce pas? Le code de déontologie de l'Association canadienne de normalisation en fera partie.

En Europe, chacun a droit au respect de sa vie privée dans sa vie familiale, son foyer et sa correspondance. Ce droit n'est pas expressément accordé au Canada, même si les articles 7 et 8 de la Charte canadienne garantissent des droits très précis dans les domaines de la fouille, de la saisie, du droit à la vie et de la liberté et de la sécurité de la personne. Les tribunaux ont interprété ces dispositions comme s'appliquant à la vie privée. L'exception, évidemment, c'est le Québec.

Il faut savoir aussi que très bientôt le gouvernement publiera un livre blanc de consultation sur le droit canadien. Ceux parmi vous qui viennent de divers secteurs de la société et qui ont manifesté l'intérêt de recevoir ce document le recevront, à moins de nous indiquer qu'ils ne veulent pas le recevoir.

Nous connaissons ceux qui ont eu la bonté de se présenter ici aujourd'hui. Si vous voulez le recevoir, nous allons nous assurer que votre nom figure sur les listes d'envoi du ministère de la Justice et du ministère de l'Industrie.

Le concept de vie privée est le plus global de tous les droits humains. Partout dans le monde on considère qu'il s'agit d'un droit général et ambitieux et d'un concept universel, sans pour autant être considéré comme un droit inaliénable. Est-ce que cela devrait être le cas? La vie privée est au coeur même des valeurs humaines essentielles à la préservation de la dignité et de l'autonomie de la personne. Je pense que pour la plupart nous conviendrons que le droit à la vie privée est de la plus grande importance pour chacun de nous dans nos vies.

[Français]

Certains experts le définissent comme le droit de disposer d'un espace à soi, d'effectuer des communications privées, de ne pas être surveillé et d'être respecté dans l'intégrité de son corps. Pour le citoyen ordinaire, c'est une question de pouvoir, celui que chacun exerce sur les renseignements personnels qui le concernent. C'est aussi le droit de demeurer anonyme.

[Traduction]

Il y a donc lieu de se demander: que vaut la vie privée dans la société de haute technologie actuelle? Incontestablement, les technologies de pointe nous offrent à tous des avantages, des efficiences, et facilitent notre existence. Les gouvernements, qu'ils soient provinciaux, municipaux ou fédéral, peuvent, grâce à ces technologies, réaliser de grandes économies.

Toutefois, est-ce que les avantages offerts par les nouvelles technologies comportent un coût sur le plan de la vie privée? Ce coût est-il trop élevé? Quelles sont les contraintes? Faut-il inévitablement faire des compromis? Où et comment fixer les limites? La vie privée est une ressource précieuse, qui, une fois perdue, à dessein ou par inadvertance, ne saurait se retrouver.

[Français]

En tant que membres du Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées, nous adoptons résolument l'angle de l'approche des droits de la personne pour mesurer les effets positifs et négatifs des nouvelles technologies sur notre droit à la vie privée.

[Traduction]

Les droits de la personne sont donc au centre de cette discussion sur la vie privée.

.1220

Comme vous le savez, les Canadiens n'ont jamais approuvé les voyeurs et l'écoute électronique non autorisée, ce qui se reflète dans nos lois pénales. Est-ce qu'on désapprouve de la même façon les caméras vidéo cachées en milieu de travail, les banques de données génétiques ou les cartes d'identité des citoyens? Voilà ce que nous voulons que vous nous disiez.

Afin d'échanger des idées avec des Canadiens sur ces questions, le comité tient cette série de discussions publiques. Nous avons commencé à Ottawa l'autre jour. Nous continuons ici à Vancouver. Nous nous rendrons demain à Calgary, mercredi à Toronto, jeudi à Fredericton et vendredi à Montréal.

Afin de cibler les discussions de ces réunions, nous avons décidé de concentrer notre enquête sur trois types d'intrusion en nous appuyant sur trois études de cas portant sur des technologies particulières: la surveillance par caméra vidéo, les tests génétiques et les cartes à puce. Vous avez tous reçu la documentation à ce sujet.

Nous espérons sensibiliser les esprits aux risques et aux avantages des nouvelles technologies afin de stimuler un débat ouvert et franc sur les promesses et les périls de celles-ci envers la vie privée, qui constitue un droit de la personne à cette époque de technologie moderne en évolution.

Pour conclure, sans prétendre résoudre de manière définitive tous ces problèmes, nous espérons, grâce à la participation de Canadiens comme vous-mêmes, un peu partout dans ce vaste pays, pouvoir préparer quelques recommandations concrètes sur les mesures à prendre dans ces domaines dans les années à venir. À cette fin, nous avons hâte d'entendre vos idées, vos préoccupations et les propositions que vous ferez pour nous guider. Je vous remercie tous à l'avance de votre participation.

C'est Valerie Steeves, notre coordinatrice, qui dirigera les travaux aujourd'hui. Valerie est également professeur de droit à l'Université d'Ottawa, au Centre des droits de la personne, où elle dirige leur projet sur la technologie.

Avant de passer la parole à Valerie, j'aimerais demander à mes collègues de se présenter.

[Français]

Monsieur Bernier, à vous la parole.

M. Bernier (Mégantic - Compton - Stanstead): Je m'appelle Maurice Bernier et je suis député de Mégantic-Compton-Stanstead, une circonscription des Cantons de l'Est au Québec. Je suis le vice-président de ce comité.

[Traduction]

Mme Hayes (Port Moody - Coquitlam): Je m'appelle Sharon Hayes. Je suis députée de Port Moody - Coquitlam; je me sens donc tout à fait chez moi.

La présidente: Nous vous remercions de votre hospitalité, Sharon, et de partager cet endroit magnifique avec nous aujourd'hui.

Mme Augustine (Etobicoke - Lakeshore): Je suis Jean Augustine, députée d'Etobicoke - Lakeshore.

La présidente: Jean est un membre très actif de notre comité.

M. Assadourian (Don Valley-Nord): Je m'appelle Sarkis Assadourian; je suis député de Don Valley-Nord, à Toronto.

La présidente: Je suis très heureuse de vous présenter Wayne Cole, le greffier du comité. Colin Bennett est ici en sa qualité de spécialiste. Je dirai quelques mots à son sujet dans un instant. Il y a aussi Lorraine Dixon. Richard Rosenberg nous accompagne comme spécialiste. Et voici Darrell Evans.

Je veux aussi que vous sachiez que nous sommes tous à la télévision; la séance sera diffusée sur CPAC. Je ne sais pas exactement quand.

Le greffier du comité: La fin de semaine prochaine, j'espère.

La présidente: La fin de semaine prochaine, nous l'espérons. Merci beaucoup.

Nancy Holmes est notre attachée de recherche de la Bibliothèque du Parlement, et une spécialiste dans ce domaine.

[Français]

Valerie, à vous la parole.

[Traduction]

Mme Valerie Steeves (consultante auprès du comité): Merci beaucoup, madame Finestone.

Comme l'a dit Mme Finestone, afin de donner un contexte social et personnel à nos discussions d'aujourd'hui, le comité vous soumet trois études de cas qui traitent de la surveillance par caméra vidéo, des tests génétiques et des cartes à puce, ou de l'identification biométrique. Comme vous le savez, ces études de cas tentent de montrer les avantages et les inconvénients de ces technologies.

Nous espérons qu'en discutant de l'incidence de ces technologies sur la vie des personnages de ces histoires nous commencerons à mieux comprendre deux choses: tout d'abord, ce que signifie la vie privée pour les Canadiens, et, deuxièmement, comment, comme société, nous pouvons tenter d'équilibrer les avantages de ces nouvelles technologies avec nos valeurs sociales sous-jacentes, y compris notre engagement envers la vie privée.

.1225

Vous, les participants ici aujourd'hui, représentez un vaste échantillon de la société canadienne. Il y a ici des représentants de groupes de pression, de banques et de compagnies d'assurance, d'associations commerciales générales, de sociétés d'État, d'organismes qui représentent les personnes handicapées, des éducateurs, des chercheurs généticiens, des travailleurs de la santé, des représentants de groupes de défense des droits de la personne, d'organismes multiculturels, de syndicats, des agents de police, des avocats, des représentants des médias, de sociétés de technologie, de sociétés de télécommunications, de câblodistributeurs, et des jeunes.

Pour explorer de notre mieux les différentes perspectives que vous apportez, comme l'a mentionné Mme Finestone, nous allons commencer les consultations en nous divisant en petits groupes afin de discuter des études de cas. Chacun de ces petits groupes sera animé par un des spécialistes du domaine de la vie privée. Chacun de ces groupes comprendra également au moins un membre du comité qui participera à la discussion.

Une fois que nous aurons eu l'occasion d'examiner les études de cas en petits groupes, nous nous réunirons à nouveau en plénière et nous tiendrons une discussion publique sur les questions qui auront été soulevées.

Pour lancer la discussion publique, nous demanderons aux membres du comité de résumer les principales préoccupations soulevées dans leurs petits groupes. Nous donnerons ensuite aux animateurs des petits groupes, qui ont une grande compétence dans le domaine, la possibilité d'ajouter quelques commentaires ou d'exprimer quelques-unes de leurs propres préoccupations. Nous ouvrirons ensuite la discussion à la salle.

Nous espérons que la discussion sur le sens de la vie privée à l'ère de la technologie sera ouverte et sans contraintes entre vous, les participants, les membres du comité et les spécialistes.

J'ai l'honneur de vous présenter les quatre personnes qui animeront les petits groupes de discussion aujourd'hui.

Voici Lorraine Dixon, directrice du Bureau du commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique. Elle est chargée de surveiller et de contrôler le travail du personnel professionnel du bureau du commissaire.

Lorraine a travaillé comme infirmière pendant dix ans avant de retourner faire des études de droit. Elle a obtenu son baccalauréat en droit de l'Université de Victoria et a fait son stage chez Owen Bird, à Vancouver. Après ce stage, Lorraine a travaillé pendant huit ans comme agente au bureau de l'ombudsman provincial. Elle s'est jointe au bureau du commissaire au mois de novembre 1993 et en est devenue directrice en avril 1994. Elle a une grande expérience dans les domaines du droit administratif et des questions d'équité.

Colin Bennett enseigne au Département des sciences politiques de l'Université de Victoria, où il est professeur agrégé. Ses recherches ont porté sur l'analyse comparative des politiques visant à protéger les données personnelles au Canada et à l'étranger. Son étude internationale sur les politiques de protection de la vie privée nous donne un aperçu de la façon dont différents États, dotés de cultures et d'institutions différentes, ont réagi à la menace que posent les technologies de l'information.

Récemment, ses recherches ont porté sur la réglementation du traitement des nouvelles données et des pratiques de surveillance, telles que le couplage de données, les fiches descriptives, l'implantation des numéros d'identification personnels et les cartes d'identité.

Colin a beaucoup écrit et prononcé de nombreuses conférences sur les questions concernant la vie privée. Je suis sûre que la plupart d'entre vous le connaissent d'ailleurs déjà. Il a également réalisé un rapport pour l'Association canadienne de normalisation dans lequel il analyse les possibilités du nouveau code modèle de l'association en vue de la protection de l'information personnelle et recommande des mécanismes de mise en oeuvre par le secteur privé canadien.

Colin a également travaillé comme consultant pour Industrie Canada et fait actuellement partie du Comité consultatif provincial sur les technologies de l'information.

Richard Rosenberg est professeur agrégé au Département D'informatique de l'Université de la Colombie-Britannique. Il s'intéresse aux répercussions sociales des ordinateurs, surtout dans le contexte de la vie privée, de la liberté d'expression, des droits de propriété intellectuelle, de l'accès, du travail et de l'éducation. Il effectue également des recherches dans le domaine de l'intelligence artificielle du traitement informatique du langage naturel.

Le livre de Richard, The Social Impact of Computers, publié en 1992, offre une analyse perspicace des relations entre les technologies de l'information et les valeurs sociales.

Enfin, Darrell Evans a été d'une aide inestimable en créant de l'enthousiasme pour cette conférence, et je tiens à l'en remercier. Je sais qu'il a communiqué avec plusieurs d'entre vous pour vous encourager à y participer.

Darrell est également le fondateur de la British Columbia Freedom of Information and Privacy Association, dont il a été président pendant trois ans. Il en est actuellement le directeur général. Darrell donne souvent des conférences sur les questions concernant l'accès à l'information et la vie privée.

Avant de fonder l'association en 1990, Darrell avait consacré presque toute sa vie professionnelle au marketing, aux communications et aux relations publiques. Il a également rédigé de nombreux articles de fond sur la santé, l'environnement, des questions politiques, et il a conçu et rédigé plusieurs publications pour divers clients.

En 1986, Darrell a commencé à se consacrer presque exclusivement à des questions d'intérêt public et de défense des droits surtout dans les domaines de la santé, de l'environnement et, plus récemment, des politiques et du droit de l'information.

.1230

Avant que nous nous divisions en petits groupes, j'aimerais dire que nous avons tenté de créer des groupes qui seraient le plus diversifiés possibles, tout en procédant un peu au hasard aussi.

Vous constaterez que votre insigne nominatif est un code-couleur. Prenez un instant pour voir quelle couleur vous avez. Si vous avez un insigne bleu, vous vous réunissez avec Colin Bennett. Si vous avez un insigne jaune, vous vous réunissez avec Lorraine Dixon. Si l'insigne est vert, vous êtes avec Richard Rosenberg. Et si l'insigne est rouge, vous êtes avec Darrell Evans.

Lorsque vous serez réunis en petits groupes dans un instant, l'animateur commencera par vous demander quelle étude de cas vous voulez faire d'abord. Nous avons très peu de temps à passer ensemble; donc, n'oubliez pas que les études de cas ne sont là en fait que comme point de départ de votre discussion. Sentez-vous tout à fait libres de consacrer autant ou aussi peu de temps que vous le souhaitez à chaque étude de cas, de relier les trois et d'exprimer vos préoccupations quant à la façon dont ces nouvelles technologies influeront sur votre sens de la vie privée.

Y a-t-il des questions avant que nous ne commencions?

La séance sera officiellement suspendue dans un instant. Nous nous réunirons pour la discussion publique à 11 heures précises.

À l'intention des téléspectateurs, j'aimerais préciser que l'on peut consulter les études de cas sur notre site du World Wide Web. L'adresse du site apparaîtra au bas de votre écran si vous voulez le consulter.

Madame Finestone.

La présidente: Merci beaucoup. En fait, vous faites partie intégrante du réseau de communication reliant la population dans tout le Canada. Merci beaucoup d'avoir attiré notre attention sur ce site du World Wide Web.

Pendant que nous arrêtons quelques instants pour trouver nos tables, je suggère aux téléspectateurs qui sont en mesure de le faire de consulter le World Wide Web et de lire les études de cas. Vous aurez alors une idée des discussions qui se tiendront autour de la table.

J'espère que vous passerez une heure agréable; veuillez rapidement trouver vos places.

Bonjour, Patricia. Vous êtes ici comme spécialiste pour notre première série de tables rondes, et je suis très heureuse de vous revoir ici.

.1233

.1407

La présidente: Nous allons maintenant reprendre la séance du Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées. Nous commençons la discussion publique, qui comprendra les comptes rendus des membres du comité qui ont assisté à chacune des tables rondes, suivis du point de vue et de l'opinion de nos spécialistes qui ont eu la bonté d'animer ces tables rondes.

Valerie.

Mme Steeves: Madame Hayes, voulez-vous commencer?

La présidente: Je pense qu'il y a lieu de signaler que nous sommes dans la région deMme Hayes, ce dont nous sommes très heureux.

Mme Hayes: Merci.

Je dois dire que notre groupe a tenu une conversation fascinante. Je m'y suis beaucoup plu. J'espère que c'était la même chose dans les autres groupes.

Pour ce qui est d'identifier les questions, deux préoccupations primordiales sont ressorties de notre groupe: d'abord, qui a l'information? Et, deuxièmement, qu'est-ce qu'on en fera?

La discussion au départ a été très intéressante. On a signalé à notre petit groupe que nous avions des exemples de ces deux questions aux audiences du comité lui-même. Relativement aux conséquences négatives de l'envoi d'une trousse de documentation, certains craignaient qu'on ne soit allé trop loin en donnant la liste aux participants aux audiences. Selon eux, le fait d'avoir des caméras de télévision dans la pièce pouvait aussi constituer une intrusion dans la vie privée de ces personnes.

Cela montre bien le genre d'hypothèses qu'on peut poser sur l'utilité de divulguer ou d'accumuler des renseignements. Nous en avons un exemple ici même.

À partir de là, nous avons orienté notre discussion sur deux questions. D'abord, nous avons examiné la question des tests génétiques. Nous avons jeté un coup d'oeil sur l'étude de cas et constaté que cette étude ne reflète peut-être pas vraiment toute la vérité.

La jurisprudence protège - du moins d'après ce qu'on a dit au comité - le genre de renseignements contenus dans l'étude de cas, mais il n'existe pas vraiment de loi pour protéger les renseignements obtenus grâce à des tests d'empreintes génétiques. Il faut maintenant obtenir le consentement éclairé de la personne visée, mais je ne pense pas qu'on l'ait signalé dans l'étude de cas. Les participants avaient beaucoup de questions au sujet du consentement éclairé relativement à l'étude de cas. Nous y viendrons dans un instant.

.1410

Une chose intéressante que nous avons apprise du comité, c'est que les dossiers de l'Hôpital général de Vancouver seront disponibles en direct à compter du 15 juillet et qu'ils seront entreposés à l'extérieur de l'hôpital. Il faut donc encore une fois se demander si nous pouvons être certains de ce qui va se passer et de ce qui arrivera à ces renseignements. Les participants sont revenus souvent sur la question de savoir qui est au courant et comment les renseignements sont utilisés, dans le cas particulier des renseignements sur le VIH, mais aussi de façon générale.

Relativement au consentement éclairé, si cela pose des inquiétudes aux personnes handicapées, il faut certainement se pencher sur des questions comme: comment les renseignements sont obtenus; comment le consentement éclairé est défini dans la demande d'information; la nécessité que tout soit rédigé en termes clairs et sous une forme accessible; ce que l'obtention de ces renseignements signifie pour la personne à qui on demande de les fournir; si l'obtention de renseignements cause un tort à la personne qui les fournit et qu'elle accepte malgré tout de les fournir, cela laisse entendre une coercition quelconque; qui a accès aux renseignements; combien de temps les renseignements seront conservés et à qui ils sont destinés.

Il y a aussi la question des échantillons prélevés sur les nouveau-nés et le fait qu'on pourrait obtenir des empreintes génétiques de chaque personne qui vient au monde, du moins en Colombie-Britannique. Les hôpitaux rassemblent ces renseignements pour plus tard. Que leur arrive-t-il ensuite?

Nous avons parlé de la possibilité de discrimination si les tests d'empreintes génétiques portent sur l'incapacité et de ce que cela peut signifier. L'industrie de l'assurance a dit quelque chose de bien intéressant sur ce point. Si nous pouvions établir les risques de problèmes cardiaques grâce à des tests d'empreintes génétiques, à combien fixerait-on les risques maximums? Pour l'instant, nous permettons l'utilisation d'une partie des antécédents médicaux pour projeter les risques futurs. Comment fixerions-nous une limite à ce genre de projection si l'on utilisait des tests d'empreintes génétiques? C'est une question intéressante.

Sur le plan du système judiciaire, nous avons aussi eu une discussion intéressante sur l'équilibre qu'il faut maintenir entre le droit de la société d'assurer sa sécurité et les droits de personnes soupçonnées d'un crime. Les membres de notre groupe s'inquiétaient beaucoup de la possibilité que se développe une mentalité d'État policier.

À cet égard, on a donné un exemple intéressant. Supposons qu'il y ait cinq personnes soupçonnées d'un crime et qu'on puisse résoudre le crime en prenant une empreinte génétique de ces cinq suspects. À l'heure actuelle, on peut obtenir un mandat seulement si l'on soupçonne la culpabilité de quelqu'un. Ces personnes ne seraient à ce moment-là que soupçonnées du crime. Pourrait-on obtenir un mandat pour les cinq? À combien de personnes un mandat pourrait-il s'appliquer s'il s'appliquait à plus d'une personne?

Ensuite, est-ce contradictoire de parler en même temps de libre accès à l'information et de protection des renseignements personnels, ou encore de demander au même ministère de s'occuper des deux choses? Nous nous sommes ensuite demandé s'il y avait un équilibre quelconque entre ces deux notions ou si elles étaient fondamentalement opposées. Que pouvons-nous faire à ce sujet? Il faudrait que tout le monde soit mieux renseigné sur ces deux notions et que les membres du public puissent donner leur avis là-dessus.

Pour ce qui est d'avoir accès à nos propres dossiers, ce que fait ou devrait faire la carte à puce, c'est qu'elle permet à chacun d'exercer le contrôle sur ces dossiers, mais bien sûr elle ne devrait pas permettre à d'autres d'exercer le même contrôle. À ce moment-là, il faut savoir où les renseignements aboutiront ou quels peuvent être les risques technologiques, vu l'existence de pirates informatiques, par exemple.

Nous avons aussi examiné certaines autres questions, mais je n'en parlerai pas très longtemps. Une question clé qu'il faut se poser, selon moi, c'est ceci: parce que nous pouvons faire une chose, est-ce que cela veut dire que nous devons absolument la faire?

.1415

Je ne veux pas m'étendre encore très longtemps sur nos discussions, mais vers la fin, quand nous avons discuté de l'importance de la vie privée et de la nécessité de protéger le droit à la vie privée, notre groupe a décidé que, même si ce droit ne l'emporte pas nécessairement sur tous les autres, il est néanmoins très important.

Nos discussions nous ont fait comprendre que la vie privée est plus fragile que nous ne l'avions pensé au départ et qu'il faut faire quelque chose pour protéger le droit à la vie privée. Les participants ont donc été sensibilisés davantage à la question, et je pense qu'ils étaient tous d'accord pour dire que l'ensemble du public doit être mieux renseigné sur la question pour qu'on puisse l'examiner sérieusement et fixer certaines limites appropriées.

L'autre chose qu'on a demandée c'est qui s'occupera de cette question si le gouvernement refuse de le faire? Il faut effectivement que le gouvernement prenne des mesures quelconques, parce que le rôle du gouvernement consiste à protéger l'intérêt du public et que cette question relève du gouvernement. Par ailleurs, si nous voulons que le gouvernement protège l'intérêt du public, le public doit participer au processus. Si l'on posait une question très simple au public à l'heure actuelle, il ne répondrait pas comme il le devrait, parce qu'il ne sait pas ce qu'il doit savoir au sujet des possibilités et des problèmes.

Cela met fin à mon résumé. Merci.

Mme Steeves: Merci beaucoup, madame Hayes.

Madame Augustine, voulez-vous aussi nous donner un bref résumé de vos discussions?

Mme Augustine: Merci.

Notre groupe travaillait sous l'habile présidence de Darrell Evans. Les membres du groupe étaient des gens très compétents qui travaillent dans le domaine et qui ont réfléchi à ces questions. Nos discussions ont donc été très intéressantes.

J'ai essayé de noter les points essentiels de notre discussion. Il y aura parfois des répétitions, mais je vais essayer de passer le tout en revue rapidement.

Nous avons commencé par l'étude de cas sur les tests génétiques. Nous avons examiné ce qui se passerait si quelqu'un disait, parce que quelqu'un d'autre en aurait besoin à ce moment-là: «Oui, vous pouvez faire ces tests.» Nous avons aussi discuté de la question de savoir comment on doit partager ces renseignements et qui a le droit de les obtenir.

Nous avons aussi parlé des gouvernements et des banques de données. Certains ont dit à ce sujet que le gouvernement n'a peut-être pas le droit d'établir toutes sortes de banques de données contenant des renseignements sur les particuliers.

Nous avons passé beaucoup de temps à discuter des trois études de cas portant sur la question de contrôle et de propriété. Nous avons longuement discuté de la question du contrôle. Qui contrôle les renseignements? À qui appartiennent-ils? Qui doit donner son consentement? Ensuite, nous avons discuté un peu du consentement. Si vous donnez votre consentement dans une situation traumatique, si vous voulez qu'on vous soigne et que vous acceptiez qu'on effectue un test, est-ce vraiment un consentement éclairé? Qu'est-ce que le consentement éclairé?

On ne devrait pas faire de tests automatiquement. Cela nous a mené à faire le lien avec la question des tests de dépistage du sida, par exemple, comme cela arrive d'habitude dans un groupe. Nous avons ensuite discuté des raisons qu'on peut avoir pour obtenir des échantillons, soit de cheveux, soit de sang, de fluides, ou d'autres choses. Qui a accès à ces échantillons? Que doit-on garder? Quelles raisons peut-il y avoir à garder ces renseignements? Quelle utilisation en fera-t-on?

Nous avons passé un certain temps à discuter de l'intérêt propriétal et de la possibilité d'utiliser des moyens illégaux pour obtenir un résultat souhaitable. Nous avons examiné les aspects philosophiques de la question, de même que les aspects juridiques de l'obtention, de la propriété et de la récupération des données et des droits aux renseignements. Peut-on récupérer les renseignements une fois qu'ils sont diffusés? Peut-on le faire?

.1420

Nous avons ensuite discuté de l'obtention, de l'utilisation et de la divulgation de renseignements, de même que du droit à ces renseignements et de la façon de réglementer tout cela et de déterminer quels renseignements peuvent être divulgués. Nous avons aussi discuté de pouvoir et de déséquilibre. À qui demande-t-on son consentement, et qui le demande? Nous avons examiné le déséquilibre du pouvoir dans ce contexte.

Nous avons parlé aussi de la violation de la vie privée. Certains jugeaient que, même si l'on discute de cas particuliers, on peut examiner la notion de violation de la vie privée relativement à l'intérêt du public, vu qu'il s'agit d'une technologie qui sert l'ensemble du public. Nous avons ensuite parlé encore une fois de la valeur et de la dignité de l'être humain.

Comme l'a dit quelqu'un, la technologie est le facteur déterminant. On peut créer un besoin artificiel. La technologie peut créer ce besoin et nous convaincre que, compte tenu de facteurs économiques ou autres, nous devons faire le nécessaire.

Nous sommes ensuite revenus aux sauvegardes, au consentement éclairé, aux codes de déontologie et à la violation de l'aspect confidentiel des renseignements. Il existe déjà plusieurs règles à ce sujet dans les lois provinciales et fédérales, et il faudrait peut-être informer les membres du public de leurs droits. Ils doivent savoir quels sont les droits et ce que prévoit la loi. Les gens sont plus vulnérables parce qu'ils ne connaissent pas leurs droits. Ils peuvent décider de dire non ou de poser les bonnes questions...

Nous avons ensuite examiné la question de la surveillance vidéo et avons vraiment eu une discussion animée à ce sujet lorsqu'un des participants, un administrateur de B.C. Transit, nous a parlé de son système de surveillance vidéo. Cela a mené à une discussion sur l'aspect dissuasif de la surveillance, sur la volonté publique et sur les raisons pour lesquelles les utilisateurs se sentent plus en sécurité. Le système n'est pas utilisé officiellement pour identifier les gens, parce que les bandes sont effacées toutes les 30 minutes, vu que c'est enregistré sur film circulaire, mais on pourrait s'en servir comme système de surveillance à utilité limitée dans le cas d'un incident quelconque.

Les participants ont aussi discuté de ce qu'on pouvait faire grâce à ce système pour les activités policières et autres en cas d'émeutes quand on utilise les systèmes de surveillance pour avoir une idée des personnes présentes à un événement quelconque. Nous avons aussi parlé de la technologie des dossiers permanents et de son utilisation sur les lieux de travail, par exemple, et nous avons eu une discussion animée là-dessus.

Nous sommes ensuite passés rapidement aux cartes à puce. À qui appartiennent-elles? Qui peut se servir des renseignements? Qui donne vraiment son consentement? Qu'est-ce que le consentement véritable? Nous avons parlé aussi de la correspondance des données et de la possibilité d'y participer ou non. Quels sont les dispositifs d'étanchéité entre les divers blocs de renseignements?

Darrell a dessiné un excellent diagramme montrant les différentes boîtes où entrent et d'où sortent les renseignements. Je lui ai dit que s'il obtient un brevet pour son diagramme, il pourra nous en faire profiter. Cela montre de façon visuelle comment les renseignements passent d'une boîte à l'autre. Je suis certaine qu'il a prévu un dispositif d'étanchéité entre les boîtes.

La présidente: Il dit que nous pouvons l'avoir.

Mme Augustine: Même sans le projet de loi C-32?

La présidente: Oui, même sans le projet de loi sur le droit d'auteur.

Des voix: Oh, oh!

Mme Augustine: Nous avons parlé de l'inquiétude qu'avaient certains au sujet de la possibilité d'entreposer tous les renseignements au même endroit et de la notion de guichet unique. C'est peut-être une très bonne chose d'avoir un guichet unique dans certains domaines, mais nous avons l'impression que cela peut poser des problèmes si tous les renseignements sur la propriété résidentielle, les permis de conduire, et tout le reste, sont au même endroit.

J'ai ensuite essayé de voir ce que nous devons faire comme législateurs et ce que nous devons laisser à d'autres. Que devons-nous prévoir comme règlements, lois, modifications aux codes, applications de codes, etc? Ce qu'ont répondu les participants, c'est qu'on peut adopter des lois et des règlements au besoin, mais que ce n'est pas nécessairement la chose à faire. Il existe déjà plusieurs lois et règlements que nous pourrions appliquer.

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C'est aussi une chose que nous devons continuer à surveiller. Le groupe jugeait que nous devons faire en sorte que l'ensemble des Canadiens continuent à discuter de cette question pour nous assurer qu'on saura quoi faire à mesure que la technologie évoluera. D'après les membres du groupe, nous en sommes simplement au début d'un processus pour tenir les Canadiens mieux informés, ce qui sera à l'avantage de tout le monde.

Merci.

Mme Steeves: Merci beaucoup, madame Augustine.

Monsieur Bernier, voulez-vous nous donner votre résumé, s'il vous plaît.

[Français]

M. Bernier: Je vais sûrement répéter certains points qui ont déjà été soulevés, mais puisque je me charge de la partie française de la présentation, je me permettrai d'insister sur certains d'eux. J'ai pris des notes sur un petit bloc-notes plutôt que sur les feuilles mobiles. Notre présidente a fait un très bon résumé et j'en expliquerai la teneur à la fin.

Dans notre atelier, qui a été animé de main de maître par M. Bennett, on ne retrouvait pas de points de vue diamétralement opposés. Nous avons discuté des trois dossiers ou exemples qui avaient été soumis. Nous avons soulevé un certain nombre de points que je vais souligner. Notre ami écrivain fera également un résumé qui, j'en suis sûr, sera très bien fait.

Un peu comme dans les autres ateliers, nous nous sommes questionnés sur les motifs d'utilisation de la surveillance vidéo. Pourquoi utilise-t-on cette technologie? À quelles fins? Que fait-on de cette information? À qui sert-elle? Comme le soulevaient les membres d'autres ateliers, les participants et participantes ont constaté qu'il y a un équilibre à rechercher entre les aspects positifs de la surveillance vidéo, dont la sécurité, et les aspects négatifs reliés à l'intrusion dans la vie privée.

On a mentionné l'exemple du domaine bancaire où il existe un code d'autorégulation ou réglementation qui s'applique également ailleurs dans le domaine privé. Dans notre atelier, un expert en matière de tests génétiques soulignait que l'exemple qu'on donnait était plus ou moins à propos puisque les problèmes soulevés ne reflétaient pas nécessairement la réalité, particulièrement dans le domaine médical où existent des protocoles très stricts que suit à la lettre le corps médical. Par contre, on reconnaît que toute nouvelle réglementation contenue dans les lois devra aborder les problèmes soulevés par les tests génétiques. Lorsqu'une personne subit un test génétique, elle n'est pas la seule personne concernée par les résultats. Autrement dit, on a non seulement de l'information sur cette personne, mais également sur sa famille au complet. Des personnes qui n'ont jamais donné aucun consentement pourront être affectées par des décisions dont elles ne connaissent même pas l'origine. C'est un problème sérieux qui a été souligné et dont il faudra tenir compte.

On a également mentionné qu'on peut subir un test génétique dans un but très précis, mais que ce dernier peut aussi être utilisé à d'autres fins. L'absence de contrôle peut entraîner des problèmes très sérieux.

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Naturellement, comme dans le cas de la surveillance vidéo et celui des cartes intelligentes, c'est toujours le stockage de l'information qui préoccupe les gens. Autrement dit, qu'est-ce qu'on fait? Comment garde-t-on cette information? Quel contrôle a-t-on sur l'information et surtout qui peut l'utiliser et comment?

M. Bennett soulignait la nécessité d'avoir un système cohérent dans le domaine de la carte intelligente, la smart card. Au lieu de vivre dans l'espèce de fouillis qui existe actuellement, où on retrouve un nombre considérable de possibilités et de cartes et où il n'y a ni réglementation ni contrôle, il serait préférable d'avoir un système qui soit plus cohérent. Est-ce qu'on en viendra un jour à avoir une seule carte qui répondra à tous nos besoins? C'est peut-être illusoire de penser ainsi, mais on souhaite qu'il y ait plus de cohérence.

Je pense avoir rejoint l'ensemble des préoccupations des participants de notre atelier. Nous avons également souligné, comme je le disais, l'absence de réglementation dans ce domaine. Encore là, les mêmes questions se posent: quelle information garde-t-on, qu'est-ce qu'on en fait et qui l'utilise?

En conclusion, nos préoccupations ressemblent à celles qui sont ressorties des autres ateliers et elles figurent sur les feuilles mobiles derrière moi. Nous souhaitons qu'il y ait plus de réglementation, plus d'encadrement et que le gouvernement fédéral agisse. Nous n'avons pas parlé des problèmes de juridiction, mais nous nous attendons à ce que cela puisse se faire avec la collaboration de tous les paliers de gouvernement.

M. Bennett soulignait qu'en 1998, la Communauté économique européenne réglementera toute cette question de la vie privée, ce qui aura un effet sur le commerce international puisque les pays où il n'y aura aucune réglementation pourront se voir interdire le marché de la Communauté économique européenne. Puisqu'il y a absence de législation ou presque, il est nécessaire que le Canada intervienne le plus rapidement possible. On sait qu'ici au Canada, il n'y a qu'au Québec qu'il existe une loi et des organismes de contrôle. Les participants de notre atelier résumaient leurs préoccupations en disant souhaiter qu'on agisse le plus tôt possible.

Voilà, madame la présidente.

La présidente: Merci.

Mme Steeves: Merci, monsieur Bernier.

[Traduction]

Monsieur Assadourian.

M. Assadourian: Merci beaucoup.

Notre groupe était dirigé par M. Richard Rosenberg. Parce que nous avons dû changer de rapporteur, Sheila Finestone fera la première partie du compte rendu et je ferai la deuxième.

Je résumerai ce que vous avez dit, si possible, et ensuite vous pourrez résumer mes propos à moi.

Notre animateur, Richard, a expliqué la façon de procéder, et nous nous sommes entendus pour discuter d'abord des tests génétiques. Je donnerai donc la parole à Sheila Finestone, qui vous parlera des tests génétiques.

La présidente: Merci beaucoup, Sarkis. Je ne m'attendais pas à être chargée de cette agréable tâche.

Ce que nous avons envisagé, surtout, c'est que les tests d'empreintes génétiques portent sur des renseignements extrêmement personnels. Sous bien des aspects, ce n'est pas du tout la même chose que la surveillance vidéo ou les cartes à puce, parce qu'il y a la possibilité de divulgation involontaire et que l'on peut vraiment se demander si le consentement est vraiment éclairé ou non, comme l'ont déjà dit d'autres participants.

Quels sont les contrôles? C'est un sujet très personnel. Si des renseignements personnels sont divulgués, ils ne peuvent pas redevenir confidentiels. Jusqu'où pouvons-nous aller dans le cas de tests sur le VIH, le sida et les déficiences génétiques, par exemple les gènes simples?

Les renseignements relatifs à la santé devraient être protégés séparément. Il y a trop de façons d'obtenir accès à ces renseignements. Peu importe que les hôpitaux aient un protocole à ce sujet ou non, ces renseignements sont notés dans les dossiers des infirmières, des internes et des médecins.

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Parfois, l'exactitude des renseignements obtenus grâce aux tests d'empreintes génétiques est contestable. On a aussi demandé si chacun devait avoir accès à ses propres renseignements.

En plus des tests génétiques, il y a aussi les prises de sang. Les prises de sang, qui sont différentes des tests génétiques, peuvent aussi donner des indications qui peuvent avoir des conséquences pour votre assurance, pour votre employeur et pour ses rapports avec vous. Pour faire la distinction entre les tests génétiques et les prises de sang ordinaires, il faut donc un consentement éclairé, ce qui veut dire que le public doit être davantage sensibilisé et renseigné sur la question. À ce moment-là, on pourra savoir de quoi il s'agit.

Nous avons eu une excellente discussion, Sarkis, et je sais que vous avez dû quitter la pièce pour des raisons personnelles, au sujet de... [Difficulté technique - Éditeur]... les chercheurs et le rôle du commissaire à la déontologie. Nous avons eu un échange animé et très intéressant à ce sujet quant à la nécessité d'avoir un système de données centralisé ou un système de cueillette de données anonyme.

Tout le monde était d'accord pour dire qu'il doit y avoir séparation et que le système doit être anonyme. Il faut avoir une cloison étanche. Les renseignements ne devraient être divulgués qu'avec le consentement éclairé de la personne visée. Il devrait y avoir des règles de conduite très claires ou un protocole avant même que l'on commence la recherche.

Rappelez-vous - et c'est ce que bon nombre de participants ont répété - que l'eugénique, et les conséquences que cela peut avoir pour une famille, est une chose très importante. Cela me rappelle une chose que je voulais vous signaler, soit les droits de l'enfant.

Sharon, vous avez parlé de la question des tests d'empreintes génétiques pour les nouveau-nés. Les droits de l'enfant sont-ils protégés si l'on obtient de tels renseignements?

De façon générale, tous considéraient que la protection de la vie privée doit l'emporter. Cela dépend cependant avant tout de chacun. Comme je l'ai dit tantôt, le comité de déontologie doit jouer son rôle et établir un protocole de recherche. On ne devrait pas pouvoir établir de rapport avec la personne visée. Les renseignements doivent rester anonymes et ne pas donner de numéro d'identification ou d'assurance sociale. S'il faut faire des recherches plus poussées, il faut obtenir le consentement éclairé des personnes visées, ce qui représente beaucoup de temps et de discussions, et non pas simplement une case cochée sur un document lorsque le sujet est malade ou vient d'avoir un accident. Il faut lui signaler quels renseignements seront obtenus et lui dire qu'il peut refuser son consentement.

Mary a dit, je pense, que très souvent vous ne savez pas vraiment ce qu'on va trouver. Il faut vraiment donner un consentement éclairé et s'assurer qu'on peut contrôler la diffusion de ces renseignements.

Je résumerai en disant que vous pouvez découvrir des choses sur votre propre compte que vous devez ensuite essayer de comprendre. Vous devez savoir que vous pouvez contrôler ces renseignements parce qu'ils peuvent avoir des conséquences énormes. Vous pourriez ouvrir une boîte de Pandore individuelle et collective.

Nous avons besoin de nous protéger nous-mêmes. Le rapport du juge Krever reflète les préoccupations des participants au sujet de qui a accès aux renseignements et qui a le droit d'obtenir ces renseignements pour que nous puissions nous protéger et que les professionnels respectent les codes qui doivent exister pour protéger le droit à la vie privée.

Encore une fois, si nous pouvons le faire, cela signifie-t-il que nous devrions le faire? Devrions-nous aller de l'avant? Il semblerait une fois de plus qu'il n'y a pas suffisamment de freins et contrepoids, et de droits d'accès à la propriété et à la recherche. La Charte devrait protéger le droit à la vie privée comme premier élément.

Je pense que vous pouvez poursuivre, Sarkis. Vous êtes arrivé quand nous parlions de la surveillance vidéo.

Je signale que l'on a parlé encore de la question de l'Europe relativement au consentement et à l'aspect confidentiel des renseignements personnels. Ces renseignements doivent être protégés, et nous devrions songer au modèle européen.

On a aussi parlé de la Cour suprême et de la nécessité d'établir des règles de moralité.

Allez-y, Sarkis.

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M. Assadourian: Merci beaucoup.

Si je peux résumer, je pense que la surveillance vidéo, les tests génétiques et les cartes à puce sont des maux nécessaires. Il s'agit de savoir à qui l'on peut faire confiance.

Il y a deux intervenants ici, le gouvernement et l'industrie privée, et peu importe à qui l'on fait confiance, il faut prévoir des moyens de contrôle pour se protéger soi-même tout en tenant compte du besoin d'assurer la sécurité de la société, par exemple en cas de crime ou d'abus de confiance. C'est essentiellement le point le plus important à retenir.

Pour ce qui est de la surveillance vidéo, on a posé la question suivante: «Que devons-nous savoir?» L'une des participants a dit, par exemple, qu'elle se sentait plus en sécurité lorsqu'elle passe dans une allée de magasin, parce qu'elle sait qu'il y a un système de surveillance vidéo. Si quelque chose de désagréable arrive, elle se sentira en sécurité à cause de la surveillance vidéo. Si quelque chose lui arrivait, la police pourrait intervenir et faire enquête. Il faut donc assurer la sécurité du public, et les participants jugent que la surveillance vidéo permet d'assurer cette sécurité.

Nous avons aussi discuté de la possibilité que quelqu'un obtienne des renseignements à votre sujet pour les vendre. Autrement dit, quelqu'un pourrait vous faire chanter et vous extorquer de l'argent. Encore une fois, c'est une question de confiance.

Il très facile de lancer une entreprise de surveillance de sécurité. Il n'est pas nécessaire d'avoir un diplôme particulier ou d'être avocat. Il suffit de payer des droits de 10$, d'enregistrer son entreprise et d'obtenir toutes sortes de renseignements, selon ce que vous pouvez faire et combien vous êtes prêt à dépenser, après quoi vous pouvez vous lancer en affaires. Ce qu'il faut savoir, c'est qui contrôlera les renseignements que vous aurez à ce moment-là. Il n'existe aucun règlement qui précise qui a le contrôle et jusqu'où on peut aller pour utiliser ces renseignements.

Dès que l'on prend des règlements, nous devons consulter les gens pour mettre dans la balance leurs besoins, faisant contrepoids aux besoins des organismes d'application de la loi.

Quelqu'un m'a demandé ce que c'est qu'une carte à puce et combien de cartes on transporte dans ses poches. On a lancé l'idée d'une «super» carte à puce. Quels renseignements faudrait-il inscrire sur cette carte à puce pour s'assurer qu'elle est d'utilisation facile pour les consommateurs tout en protégeant la société?

Nous avons ensuite demandé ce qu'il faudrait faire. Faut-il légiférer? La réponse a été oui, nous devons le faire. Nous devons prendre des mesures. Nous ne pouvons pas attendre trop longtemps. Nous devons faire du rattrapage par rapport à la technologie et nous assurer de nous protéger, compte tenu de l'arrivée de nouveaux systèmes.

On a également posé la question suivante: «Qu'est-ce qu'un renseignement personnel?» Nous ne savons pas dans quelle mesure il faut donner ce genre de renseignement au système. On a exprimé un sentiment d'urgence. Nous devons agir et mettre dans la balance nos droits et les droits de l'État, afin de protéger la société contre l'abus généralisé auquel peuvent donner lieu les renseignements que nous fournissons au système.

Voilà la situation en bref. Pour résumer en une phrase, il faut agir, et le plus tôt sera le mieux. Je crois que ce sera mieux pour tout le monde.

Merci.

Mme Steeves: Merci, monsieur Assadourian.

Avant d'amorcer la discussion, nous allons demander à nos quatre animateurs s'ils ont des commentaires ou des préoccupations à formuler.

Darrell, pourquoi ne pas commencer par vous?

M. Darrell Evans (directeur général, British Columbia Freedom of Information and Privacy Association): Je pense que le comité a fait de l'excellent travail pour ce qui est d'énoncer les questions en jeu. J'ai été très impressionné par la trousse d'information. Il m'a semblé que la vision de l'avenir qu'on y donne est très valable. Je pense en effet que c'est vers cela que nous nous dirigeons, à moins de faire quelque chose. Je tiens donc vraiment à remercier le comité pour cet effort.

Il convient d'aborder cela sous l'angle des droits de la personne. Je pense que la confusion dans le débat sur la protection de la vie privée tient en partie au fait que cela n'a pas été considéré comme un droit fondamental. Ce n'est pas profondément ancré dans l'inconscient collectif. Il nous faut aussi une définition, une idée plus claire dans l'esprit du public, de ce qu'est vraiment la vie privée, de ce que nous voulons dire par là.

Je proposerais que ce processus devienne permanent. J'en ai déjà parlé à Valerie. Peut-être que notre groupe, ou une nouvelle version de ce groupe, pourrait se réunir de nouveau dans quatre mois, ou bien communiquer en continu avec le comité et aider à faciliter la tenue d'un débat dans nos régions respectives. Je me ferais un plaisir d'y contribuer. Je suis certain que les autres en feraient autant.

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Je pense que la vie privée doit être perçue comme un droit fondamental de la personne. À mes yeux, la vie privée est un élément essentiel de la liberté. En lisant les études de cas, qui m'ont semblé excellentes, je me suis posé la question suivante: quelle liberté existe dans une société où de pareils scénarios peuvent se réaliser? En fait, je pense que cela continuera de se vérifier à moins que nous n'intervenions par législation ou par règlement. Le véritable débat sera de savoir comment nous allons nous y prendre exactement.

Dans l'avenir qui nous attend, nous serons submergés par la technologie. On entend beaucoup l'expression «déterminisme technologique». Voulons-nous que notre destin soit dicté par les technologies dont nous sommes capables? Dans notre groupe de discussion, le mot «déshumanisé» est revenu plusieurs fois. L'image qu'on nous offre est celle d'une société future déshumanisée.

Je pense que la disparition de la vie privée serait la victoire du matérialisme sur l'esprit humain. Je trouve très difficile d'imaginer quelle place serait faite à la créativité par les êtres humains dans un tel monde. Dans un monde comme celui-là, je sens les barreaux virtuels se refermer de plus en plus vite sur nous.

On nous dit constamment que nous vivons dans un monde plus sûr, bien sûr, un monde plus efficace, un monde qui attrape beaucoup mieux les fraudeurs, mais à mes yeux c'est la victoire de la bureaucratie sur la créativité humaine. Un vieux dicton me revient à l'esprit: nous savons le prix de tout, mais la valeur de rien.

Quel est notre objectif dans tout cela? Que cherchons-nous à obtenir pour les gens? Nous voulons mettre les gens dans une situation de causalité, afin d'éviter qu'ils ne soient le simple effet des techniques et ne subissent une érosion graduelle de leur vie privée. Si nous voulons maintenir la liberté de l'être humain, je crois que c'est ce que nous devons faire.

Mme Steeves: Merci beaucoup. Richard.

M. Richard Rosenberg (témoignage à titre personnel): Par coïncidence, nous nous réunissons aujourd'hui alors qu'en fin de semaine le New York Times a annoncé la publication d'un nouveau rapport du Conseil national de recherche des États-Unis sur la confidentialité des dossiers médicaux sur support électronique. J'ai téléchargé ce document et l'ai consulté. L'ère de l'information a évidemment des avantages merveilleux. Par contre, nous devons en payer le prix sur le plan de la vie privée.

Je voudrais citer l'un des auteurs de cette proposition, le Dr Clayton, spécialiste en information médicale au Columbia-Presbyterian Medical Center, à New York. Je cite:

Il presque difficile de croire qu'en 1997 personne n'exige que soit protégée la confidentialité des dossiers médicaux. Si tel est bien l'état des choses, la situation est assez déplorable. Il est d'autant plus urgent que le comité enclenche le processus.

Nous savons que la publication de ce rapport aux États-Unis n'aboutira pas à la création d'un sous-comité du Congrès qui ferait enquête sur une possible intervention du législateur dans ce domaine. Au Canada, on a quelque espoir que le gouvernement agira à un moment donné - j'espère que ce sera avant l'an 2001 - en vue de mettre en oeuvre une législation complète. La plupart des gens qui faisaient partie de mon groupe aujourd'hui étaient d'accord là-dessus, et je crois que c'est la voie à suivre.

J'ai une autre observation à faire au sujet du support électronique, même si cela n'est pas vraiment l'objet de notre réunion d'aujourd'hui. Je voudrais signaler à tous ceux qui naviguent sur le réseau ou qui téléchargent de l'information ou qui rendent visite à des sites que l'un des aspects assez insidieux de tout ce processus, c'est toute l'information que l'on peut réunir sur quiconque se livre à ces activités. Chaque fois que vous visitez un site web, automatiquement il est possible d'obtenir des renseignements sur votre ordinateur, votre pays d'origine, votre système d'exploitation, et même davantage.

Si vous avez activé la partie de votre logiciel de web qui vous indique si l'on vous demande un «cookie», vous aurez également remarqué que la plupart des sites vous en demandent. Qu'entend-on par là? C'est un euphémisme pour désigner un ensemble de renseignements complexes que l'on retient de votre incursion dans le système et que l'on entrepose dans le système de quelqu'un d'autre.

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Un dernier point, au sujet des sites web gouvernementaux. On serait porté à croire, ou du moins à espérer, qu'un gouvernement qui s'intéresse le moindrement à la protection des renseignements personnels s'assurerait que ses propres sites web ne se livrent pas à ce genre d'activité, qu'ils n'emmagasinent pas des renseignements sur les gens qui leur rendent visite.

La présidente: Je m'excuse de vous interrompre; je ne devrais pas le faire, mais je ne peux pas m'en empêcher, puisque je suis une bavarde impénitente. Combien de gens sont au courant de cela, ce dossier «cookie» dont vous parlez et dont je n'ai jamais entendu parler de ma vie? Je me demande combien d'utilisateurs des sites web savent qu'on les suit à la trace, qu'on les inscrit sur des listes, qu'on les cible.

M. Rosenberg: C'est une option du logiciel qui permet à l'utilisateur d'être informé chaque fois qu'un «cookie» est demandé. Il faut toutefois prendre l'initiative d'activer cet élément. Une fois qu'on le fait, on s'aperçoit que partout...

Dans l'ancien temps ils ne voulaient pas seulement un «cookie», ils voulaient l'entreposer dans votre ordinateur. C'est très joli. C'est une autre base de données qui est distribuée. Chaque fois que vous revenez sur le même site, ils peuvent vérifier votre ordinateur et voir si vous êtes déjà venu et ce que vous avez fait. En principe, c'est la raison qu'ils ont de le faire; ils prétendent - ce qui semble très raisonnable - que c'est pour mieux vous servir. À mon avis, c'est très fréquent; on a envahi votre vie privée sous prétexte de mieux vous servir.

Voici donc ce qu'ils font: ils demandent la permission de télécharger ce «cookie» dans votre ordinateur ou dans votre système, et cela durera jusqu'au 29 décembre 1999. Je ne sais vraiment pas d'où viennent ces chiffres. Le programme est donc entreposé, mais vous devez le leur rendre. Si vous dites non, ils se mettent à télécharger autre chose. Il y a des sites où, chaque fois que vous dites non, on revient à la charge encore, et encore, et encore, et encore.

La présidente: Merci.

Mme Steeves: Lorraine.

Mme Lorraine Dixon (directrice, Bureau du commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique): Merci. J'aimerais profiter de cette occasion pour vous donner un point de vue plus provincial, sans vouloir offenser ce comité fédéral. La loi fait de nous des chiens de garde pour tout ce qui concerne la protection de la vie privée dans la province, et, à ce titre, très souvent nous luttons contre la tendance générale. Très souvent, on informe le public de tous les éléments positifs des nouvelles technologies, surveillance vidéo, tests d'empreintes génétiques, cartes à puce, cartes d'identité. On hésite pas à insister généreusement sur tous les avantages que cela représente. Notre rôle est souvent de signaler que cela s'accompagne d'une perte de confidentialité. Quand nous expliquons aux gens les effets véritables de cette technologie sur les particuliers, nous ne sommes pas forcément très populaires, mais c'est un élément très important de notre rôle. Nous considérons qu'il est absolument fondamental d'éduquer le public pour qu'il comprenne quels sont ses droits sur le plan de la protection de la vie privée.

Les gens doivent savoir que les droits sont très différents en ce qui concerne la vie privée. Je suis absolument convaincue que la protection de la vie privée est un droit fondamental de la personne humaine. Évidemment, c'est un droit qui est confirmé par notre législation, mais il porte uniquement sur certains types d'informations entreposées dans certains endroits. Les droits d'accès ou les droits à la protection des renseignements contenus dans les dossiers de police de cette province diffèrent selon qu'il s'agit de forces policières municipales ou de forces policières fédérales, la GRC. Lorsqu'il s'agit d'informations détenues par des intérêts privés, les droits sont très différents; ils sont même minimes comparativement à ce qu'ils sont lorsque les informations sont détenues par un organisme public. Nous avons de bonnes raisons de nous inquiéter de tous ces aspects et nous devons nous rendre compte que la plupart de ces progrès technologiques ne sont pas le résultat d'initiatives gouvernementales; la plupart du temps il s'agit d'initiatives du secteur privé.

Tous ceux qui sont ici dans cette salle peuvent faire quelque chose de concret et participer au réexamen de la loi sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée, qui doit avoir lieu tous les quatre ans et commencer en octobre 1997. Je vous encourage tous à contacter votre député provincial et à exiger que le processus se déroule en public pour qu'on puisse renforcer les dispositions relatives à la protection de la vie privée, et peut-être même les étendre au secteur privé, qui, pour l'instant, est contrôlé par la province. Je pense en particulier aux renseignements sur le crédit. C'est certainement un domaine où tout le monde peut exprimer son opinion.

La présidente: Lorraine, pour commencer, j'ai trouvé cela passionnant. Deuxièmement, nous pouvons seulement agir au niveau fédéral-provincial, et par conséquent il faudrait passer par le comité fédéral-provincial-territorial.

J'aimerais que vous me donniez votre opinion sur une question soulevée par un autre groupe. Pour commencer, à votre avis que va-t-il se passer maintenant que B.C. Tel et Phamis vont s'associer pour installer un système d'information clinique dans un hôpital de Vancouver? Nous avons vu qu'il s'agit d'une entreprise étrangère et que cela permettra d'économiser - ce qui me semble admirable - 15 millions de dollars par année dans l'hôpital. Où se trouve le protocole pour assurer la confidentialité? En droit provincial, comment détermine-t-on les droits des propriétaires étrangers? En fait, le projet Phamis prévoit des installations de 20 millions de dollars par ISM-BC.

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On a attiré notre attention sur cela, et il y a eu un article dans le magazine Canadian Healthcare Technology de janvier 1997. Qu'est-ce que vous pouvez nous dire à ce sujet?

Mme Dixon: Je peux certainement vous donner notre point de vue. À notre avis, les organismes publics comme l'Hôpital général de Vancouver, les organismes qui relèvent de la législation provinciale, ne peuvent pas échapper à leurs obligations statutaires de protéger les renseignements personnels en accordant des contrats en sous-traitance. Une question se pose tout de suite: qu'adviendra-t-il si Phamis révèle ces informations? Notre législation prévoit certaines pénalités lorsque des informations sont révélées de façon délibérée, mais ces dispositions ne sont pas particulièrement efficaces. Elles se trouvent dans la loi sur les délits, et elles ne sont pas très efficaces. À notre avis, on ne peut pas se décharger de ses obligations statutaires en signant des contrats.

Ce que nous surveillons - et cela commence à se produire; plusieurs compagnies d'ordinateurs s'y mettent - ce sont les pistes de vérification. Voici votre seuil: qui a vraiment eu accès aux informations? Nous cherchons à nous assurer qu'il existe des cloisons étanches entre les diverses bases de données de nature délicate. En tout cas, nous sommes en faveur de crypter les données avant de les acheminer.

En ce moment, nous travaillons activement à la préparation d'un code de protection des renseignements personnels à l'intention des médecins de la province. Ceux-ci seraient tenus de respecter ce code lorsque, à partir de leurs bureaux, ils vont chercher des renseignements dans les ordinateurs des hôpitaux, des hôpitaux qui sont des organismes publics. De cette façon, les données seraient protégées, qu'elles se trouvent chez un organisme public ou dans un bureau privé de médecin.

La présidente: Et les postes d'infirmières et d'internes.

Mme Dixon: Les postes des infirmières font partie de l'organisme public. Les infirmières et les infirmiers sont employés par l'organisme public, et par conséquent celui-ci est responsable de leur conduite.

La présidente: Merci.

Mme Steeves: Colin.

Le professeur Colin Bennett (Département des sciences politiques, Université de Victoria): Merci. Moi aussi je tiens à féliciter le comité pour cette initiative. Tout comme Darrell, j'espère que cela aura des suites d'une façon ou d'une autre.

Effectivement, la protection de la vie privée est un droit fondamental de l'être humain. Je pense que personne ne niera cela. C'est un droit absolu de l'être humain. Cela dit, il faut d'une part aussi d'autres responsabilités. D'autre part, c'est également un droit de la personne humaine qui doit se concrétiser en une politique pratique dans des organismes privés et publics d'une grande complexité. La première chose que j'essaierais de faire observer, c'est que nous avons déjà une série de principes en ce qui concerne la protection de la vie privée, et cela dans les lois fédérales et provinciales, dans les normes de l'ACN, dont il a été question, dans les accords internationaux.

Dans notre groupe, pendant que j'écoutais la discussion au sujet de ces trois études de cas, j'ai été frappé de constater à quel point ces trois principes fondamentaux revenaient souvent. Les organisations doivent déclarer ouvertement quelles sont leurs politiques. Elles doivent être responsables de la façon dont elles utilisent les renseignements personnels. Elles doivent recueillir uniquement les informations pertinentes. Lorsqu'elles recueillent ces informations, elles doivent expliquer aux intéressés pour quelles raisons elles ont besoin de ces informations. Elles ne doivent pas utiliser ces informations à d'autres fins. Elles doivent s'assurer que les informations qu'elles possèdent sont exactes. Elles doivent s'assurer qu'elles sont entreposées en sécurité. Elles doivent permettre aux intéressés de consulter ces informations et de les corriger. Voilà les principes qui sont appliqués quotidiennement par des établissements comme celui de Lorraine. Il n'est nul besoin de réinventer la roue. Bien que de nouvelles technologies apportent des éléments nouveaux, à mon avis la plupart des problèmes provoqués par l'introduction de nouvelles technologies, qu'il s'agisse de surveillance vidéo, de cartes à puce, ou de «cookie» sur l'Internet, peuvent être réglés en appliquant ces principes fondamentaux.

Il n'est pas besoin non plus de réinventer la politique. Mais dans notre groupe, lorsque nous discutions des remèdes et des solutions, nous les avons ramenés à quatre éléments: une loi cadre; une série de principes généraux dans la loi fédérale et la loi provinciale qui réitèrent les règles fondamentales de comportement; des codes de pratique qui puissent s'appliquer à des secteurs spécifiques et à des technologies spécifiques, comme la surveillance vidéo, la génétique, l'Association des banquiers canadiens, l'Association canadienne du marketing direct, et qui sont plus facilement adaptables à des secteurs particuliers...

À cet égard, le code modèle de l'Association canadienne de normalisation pour la protection des informations personnelles est un instrument particulièrement crucial. C'est le résultat de négociations entre les secteurs public et privé et les groupes qui représentent les consommateurs. Tous ceux qui n'en auraient pas un exemplaire doivent absolument s'en procurer un. C'est notre norme nationale en ce qui concerne la protection de la vie privée. Vous pouvez trouver cela sur Internet à l'adresse suivante: www.csa.ca.

Ainsi, les codes de pratique, les technologies qui sauvegardent la confidentialité, par exemple les cartes à puce, le cryptage, les signatures numériques, etc., et l'éducation du consommateur...

Le gouvernement fédéral a déclaré que ces quatre instruments font partie intégrante de sa politique dans ce domaine. Chacun d'entre eux est nécessaire; aucun n'est suffisant.

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Je le répète, je ne vois pas la nécessité de réinventer des outils à ce niveau-là. Ce qu'il nous faut vraiment, c'est nous assurer que le gouvernement fédéral donne vraiment suite à ses intentions et introduise une loi cadre fédérale d'ici à l'an... je croyais que c'était l'an 2000; et non pas 2001, mais je ne sais plus. C'est peut-être un détail politique.

Par conséquent, cela se ramène à trois messages. Nous n'avons pas besoin de réinventer la roue. Nous devons coordonner ces différents processus: intervention fédérale, intervention provinciale, organismes du secteur privé, ministère de la Justice, ministère de l'Industrie, les activités de ce comité, et probablement qu'il y en a beaucoup d'autres. Enfin, nous devons exercer des pressions constantes sur le gouvernement fédéral pour le forcer à donner suite aux déclarations qui ont été faites.

La présidente: Je viens de vous écouter, et nous avons eu également l'occasion d'entendre le ministre de la Justice et le ministre de l'Industrie lors d'une conférence internationale. J'ai eu l'impression que très souvent cela se ramenait à une affaire d'argent, de marché, de consommation. Ce qui intéressait les gens, c'était l'idéologie, les perspectives, les perceptions et les réalités du marché. J'aimerais bien savoir si à votre avis on s'est intéressé le moindrement à la notion de droits de la personne humaine et de protection de la vie privée, et si oui, comment?

Le professeur Bennett: Il est certain que si cette question est à l'ordre du jour, c'est à cause de ses répercussions commerciales, et en particulier des pressions exercées par l'Union européenne, et tout particulièrement à cause des répercussions sur le marché de cette grande mosaïque de la vie privée qui existe au Canada. Je suis loin de nier cela. En même temps, je considère qu'on risque d'oublier la dimension droits de la personne dans toute...

La présidente: Mais ce n'est pas ce que vous avez dit. Vous avez dit que nous n'avions pas besoin de réinventer la roue. Cela m'inquiète, car je n'ai pas entendu les mots «droits de la personne» une seule fois dans votre rapport. Peut-être les ai-je ratés.

Le professeur Bennett: À mon avis, les principes qui figurent dans les codes du secteur privé et dans les normes de l'ACN sont tout à fait conformes à la perspective des droits de la personne. Très souvent, on n'insiste pas beaucoup, mais c'est tout à fait compatible. Les principes de protection des données et les questions fondamentales de protection de la vie privée auxquels ce comité s'intéresse me semblent totalement compatibles.

La présidente: Une dernière chose; comme mes collègues l'ont signalé, on a beaucoup discuté des droits de la personne au sujet de la surveillance physique, c'est-à-dire avec des caméras, ce qui présente des avantages et des inconvénients, si je peux m'exprimer ainsi... il y a d'une part l'intérêt du public, il y a d'autre part les conséquences sur le plan privé, et, enfin, tout le domaine des tests génétiques et de la biogénétique. À votre avis, dans quelle mesure le protocole cerne-t-il la question?

Le professeur Bennett: Comme je l'ai dit pendant les discussions du groupe, il y a d'autres pays où on commence à élaborer des codes pour la protection de renseignements personnels comme l'information génétique, et ces codes portent spécifiquement sur ce type d'information. La même chose existe pour la surveillance vidéo, mais cela relève de la loi cadre qui détermine les principes fondamentaux. Si je pouvais brandir une baguette magique, j'aimerais que ces principes figurent dans la loi, mais qu'en même temps les commissaires à la protection de la vie privée puissent établir et négocier des codes de pratique spécifiques, des codes axés sur des technologies spécifiques dans des secteurs bien déterminés. En effet, ce genre de code est plus flexible lorsque de nouvelles technologies se présentent. C'est ce qui se produit dans d'autres pays.

Mme Steeves: Merci, Colin. J'ai l'impression que plusieurs personnes aimeraient bien répondre.

La présidente: C'est une séance tout à fait publique.

Mme Kay Stockholder (présidente, British Colombia Civil Liberties Association): Je suis Kay Stockholder; je suis présidente de la British Columbia Civil Liberties Association. J'ai plusieurs observations à faire. D'une part, j'aimerais parler de la définition de la confidentialité. C'est une question qui a été soulevée à plusieurs reprises. J'aimerais mentionner une chose qui n'est pas une définition, mais plutôt le noyau d'une définition. En effet, nous avons le sentiment que notre vie privée est protégée lorsque ce que nous savons au sujet d'un autre équivaut à ce qu'il sait au sujet de nous-mêmes, et cela coïncide avec la définition d'une relation adulte d'être humain à être humain.

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Il y a des exceptions à cette règle, bien sûr, et ce sont les circonstances où nous consentons à une exception. Là où il y a un danger, et je crois que cela a été mentionné, c'est lorsqu'il y a érosion de notre définition de la confidentialité. Toutefois, il faut bien faire comprendre que ce genre de changement ne saurait être neutre. Lorsqu'il y a érosion, c'est que nous y perdons sur ce plan-là. En effet, notre dignité dépend de l'équilibre entre les informations que nous possédons mutuellement, et bien sûr il faudrait préciser cela dans différents contextes.

Deuxièmement, pour le genre de politiques dont Colin Bennett parlait il y a deux choses qu'il faudrait régler avant de faire quoi que ce soit d'autre. Pour commencer, il ne faut jamais perdre de vue le contexte. En effet, les dangers que nous avons mentionnés ne viennent pas - et cela a été établi - d'une technologie unique, que celle-ci existe déjà ou qu'elle soit à l'état de projet. Le danger vient de la superposition des technologies, et plus les technologies se multiplient, plus nous avons l'impression de vivre dans une société surveillée. Il importe donc de garder à l'esprit non seulement l'impact de ces technologies dans les situations actuelles, mais également les répercussions de leur superposition, avant de déterminer si une pratique est justifiée et s'il convient de l'adopter.

Mais il y a un contexte encore plus large; cela me semble très apparent dans le dernier exemple d'information qu'on nous a donné. Il est évident que si certaines technologies n'avaient pas existé, permettant d'économiser de la main-d'oeuvre, la jeune femme en question n'aurait probablement jamais été à l'assurance-chômage. Avec chaque progrès technologique, les gens perdent leurs emplois, et il y a de plus en plus de gens qui sont à l'assurance-chômage, et plus il y a de gens à l'assurance-chômage, plus on est soupçonneux à leur égard en ce qui concerne leurs habitudes d'achat, etc. On pouvait déduire de ces exemples toutes sortes d'attitudes sociales. Il ne faut pas oublier ces aspects-là et ce contexte.

Enfin, il y a une chose particulièrement importante, et c'est que les gens qui proposent de nouvelles technologies doivent prouver qu'elles sont nécessaires, et ce n'est pas à ceux qui s'y opposent de prouver qu'elles ne le sont pas. D'une certaine façon, on peut établir un parallèle entre une nouvelle technologie qui constitue une ingérence dans notre vie privée et les raisonnements sur lesquels notre droit pénal est fondé. Du point de vue des libertés civiles, on devrait seulement se réclamer du Code criminel pour empêcher qu'on n'inflige des dommages graves aux autres, et seulement lorsqu'il est établi que la loi ne représente pas un dommage supérieur à celui qu'on cherche à éviter. Ces principes-là également doivent être gardés à l'esprit.

M. Stephen Ward (témoignage à titre personnel): Je suis Stephen Ward, de la Presse canadienne.

La discussion ce matin tourne autour des nouvelles technologies, les cartes à puce, etc. Toutefois, il me semble qu'on n'a pas beaucoup discuté de la vie privée et de la presse. À mon avis, la presse est souvent forcée de livrer ses propres batailles lorsqu'il s'agit de la liberté d'information et de la protection de la vie privée, mais c'est un aspect sur lequel on n'insiste pas. En fait, nous essayons de recueillir des informations au lieu de nous plaindre que ces informations sont révélées. Toutefois, le devoir de la presse dans le cas présent est très clair: nous devons absolument vous soutenir dans votre entreprise, et je pense que votre comité aurait tout intérêt à discuter avec les rédacteurs en chef des grands organes d'information du pays, à leur demander d'élaborer leurs propres principes en ce qui concerne la protection de la vie privée dans les médias. Je pense que ces gens-là ont une contribution importante à faire, et si cela se faisait, je serais certainement disposé à participer.

D'autre part, il y a l'aspect sensibilisation du public. La plupart des bulletins de nouvelles - et cela nous ramène à une observation de Lorraine... nous avons tendance à choisir des nouvelles en nous disant: cela va être excellent, cela va contribuer à faire baisser la criminalité, etc. Mais soudain, nous pensons: attendez un instant, il y a un pauvre type dans la Vallée de la Fraser qui va en être victime. À mon avis, nous pourrions jouer un rôle beaucoup plus important dans la sensibilisation du public, et pour ce faire, il faudrait mobiliser les services de nouvelles, les convaincre de faire plus de reportages sur les avantages et les inconvénients de tout cela.

J'en ai parlé à M. Bennett, et nous étions d'accord, on n'a pas beaucoup fait de publicité à tout cet aspect-là. En fait, la plupart des nouvelles sont choisies au hasard, dispersées dans tout le pays. Souvent aussi, elles manquent de profondeur. Surtout quand c'est moi qui les rédige, elles manquent certainement de profondeur. Et tout cela dérange telle et telle personne, telle personne en Ontario, et tel autre groupe en Colombie-Britannique est indigné. Bref, je pense que vous devriez envisager de mobiliser les services de nouvelles, tous ceux qui pourraient s'y intéresser - ils ne sont pas tous de cet avis - les convaincre de travailler avec vous.

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La présidente: Monsieur Ward, j'ai une question à vous poser. J'ai beaucoup apprécié vos observations. La presse a été prévenue. Nous avons alerté tous les services de presse du pays, à la fois à Ottawa - où nous avons eu quatre séances passionnantes... Mme Baird a participé à une des discussions. Elle pourra vous dire que nous avons assis à la même table des gens dont les intérêts ne coïncidaient pas pour compenser... À cette occasion, nous nous sommes demandés dans quelle mesure on servait l'intérêt public, nous nous sommes demandés où les droits des particuliers commençaient et où ils se terminaient. Je vous dirais franchement que les membres du comité et moi-même avons été très déçus de constater à quel point les médias se désintéressaient de la question, en effet, pour les gens qui vivent dans ce pays, c'est une question cruciale, d'autant plus que nous avons le sentiment de vivre dans une terre de liberté. Maintenant, jusqu'où va cette liberté, c'est la grande question. D'autre part, il faut se demander où et comment il convient de protéger les droits des particuliers?

Vos observations viennent donc à point. Peut-être que plus tard nous pourrons trouver un moyen, en privé, envisager de constituer un collège d'éditorialistes pour discuter de toute la fausse information qui circule. Le simple fait que ces enfants aient dû contester ce grand titre, c'était tellement...

Ce manque d'intérêt véritable devient de plus en plus inquiétant. Bruce Phillips, le commissaire à la protection de la vie privée a soulevé ces questions. John Grace, le commissaire à l'information, a lui aussi soulevé ces questions. On en parle donc. Les provinces ont un rôle majeur à jouer. Je sais qu'on en a discuté à ce niveau-là également. Et pourtant, on n'arrive pas à convaincre les médias d'alerter la population, à lui dire de réfléchir avant de remplir le formulaire de garantie d'un grille-pain qu'on vient d'acheter.

M. Ward: Je peux seulement vous donner mon point de vue, je ne peux pas parler au nom des autres.

La présidente: Nous vous écoutons, monsieur. Merci.

M. Ward: Je suis convaincu qu'il y a certes matière à améliorer les choses dans ce domaine, le rôle de la presse. Je ne parle pas d'une intervention en faveur de certains intérêts, mais de quelque chose d'équilibré. C'est une question très complexe. Je ne veux pas défendre les médias en général, mais je tiens à dire que cela m'intéresse.

La présidente: Merci. Réaliser l'équilibre est une question très complexe. Vous avez parfaitement raison.

M. Tom McAulay (secrétaire de la British Columbia Coalition of People with Disabilities): Bonjour. Je m'appelle Tom McAulay, je représente la British Columbia Coalition of People with Disabilities.

Pour commencer, je tiens à féliciter tous ceux qui ont organisé cette rencontre. Ce qui me frappe dans toute cette discussion, c'est que toute la question de la confidentialité, de la protection des renseignements, etc, ne semble pas avoir fait l'objet de beaucoup de discussions chez le public canadien. J'apprécie beaucoup cette discussion.

Voilà donc mon opinion personnelle, mon opinion de simple particulier, mais je suis ici pour représenter une coalition de personnes qui ont un handicap et j'avais cru comprendre que je venais ici pour discuter de toutes ces questions du point de vue des personnes handicapées.

Lorsque j'ai soulevé cette question à la table ronde, on m'a dit que c'était le cas, mais que ces questions étaient importantes pour tout le monde. Je leur ai dit que j'étais bien d'accord, et nous n'avons pas poursuivi la discussion. Toutefois, j'aimerais insister sur la nécessité d'aborder ces questions sous deux angles différents. Le sujet a été confié à un comité permanent chargé d'étudier les droits de la personne et le statut des personnes handicapées, et pourtant, il y a eu très peu d'information ou de discussion au sujet des problèmes particuliers de ces personnes.

J'aimerais faire observer une chose. Est-ce qu'une carte à puce permettrait d'identifier une personne qui souffre d'un handicap visuel, et n'y a-t-il pas là, par conséquent, une perte de confidentialité sur un plan très public? Pour une personne qui souffre d'un handicap, la protection des renseignements personnels prend une dimension tout à fait différente. Prenez l'exemple d'un quadriplégique qui a besoin d'aide en permanence et qui est en rapport avec d'autres personnes... La situation de cette personne-là est très différente de la mienne, un homosexuel séropositif. Certains renseignements sont révélés. Aujourd'hui, j'ai choisi de prendre la parole devant vous et de vous dire que je suis un homosexuel séropositif, mais qu'est-ce qui me prouve que cette information bien précise et cruciale ne sera pas distribuée et répandue?

.1515

En venant ici, j'ai voulu vous faire comprendre que cette discussion était nécessaire. En effet, il faut absolument étendre la discussion sur les aspects généraux, sur les dimensions mêmes de la vie privée, mais en même temps, nous devons chercher à déterminer comment tout cela affecte les gens qui souffrent d'un handicap. Quand on pense qu'il a fallu lutter pendant 20 ans ou plus pour se débarrasser du modèle médical paternaliste qu'on appliquait aux gens qui souffrent d'un handicap, ce qui empêchait souvent de les considérer comme des êtres humains comme les autres.

Le jour où nous réussirons à introduire dans la discussion les caractéristiques et les circonstances particulières de chacun, ce jour-là nous trouverons peut-être des idées et des solutions concrètes pour notre communauté.

Cela dit, encore une fois je vous remercie d'avoir accepté de m'entendre et de vous rencontrer.

Mme Steeves: Merci, monsieur McAulay.

La présidente: Merci beaucoup.

Les gens qui souffrent d'un handicap sont des gens comme les autres, et quant aux lois sur le respect de la vie privée, tout le monde a droit à ce respect, quelle que soit la langue, la couleur, la race, la religion, le handicap ou l'orientation sexuelle. Notre comité s'est occupé de la Loi sur l'orientation sexuelle, il a rejeté les premières promesses du gouvernement en ce qui concerne la gestion des handicaps, et il a constitué un groupe de travail pour faciliter l'accès aux personnes handicapées...

Pour qu'une société soit convaincue de l'importance de traiter ses citoyens sur un pied d'égalité, elle doit permettre aux divers intéressés de se manifester, car comme vous le savez très bien, c'est le seul moyen d'assurer l'égalité. C'est ce que nous avons conclu au sujet de l'égalité.

La même chose est vraie pour toute la question de la vie privée, l'important c'est que les choses soient égales. Il y a des intérêts incompatibles, cela ne fait aucun doute, et on l'a signalé. Mais c'est justement à cause de ces intérêts incompatibles qu'on doit prendre des décisions en fin de compte.

Je vois là-bas un défenseur des libertés civiles qui n'a pas l'air d'être très d'accord avec moi, n'est-ce pas?

Mme Mary Williams (présidente, British Columbia Coalition of People with Disabilities): Non. Je me disais seulement que la vie privée des personnes handicapées est plus menacée que la vie privée de la plupart des gens.

La présidente: Absolument, mais si vous voulez garantir l'égalité, vous devez justement être beaucoup plus vigilants lorsque vous prenez les mesures de protection nécessaires, n'est-ce pas? Oui.

Excusez-moi, je n'avais pas vu qu'il restait quelqu'un au micro.

M. John Westwood (directeur exécutif, Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique): Cela ne fait rien. Je ne fais qu'exprimer une autre opinion à titre de représentant de l'Association des libertés civiles. Si vous invitez deux d'entre nous, vous allez entendre deux sons de cloche.

Je m'appelle John Westwood. Je suis le directeur exécutif de l'Association des libertés civiles. J'aurais une ou deux observations au sujet des solutions possibles à envisager pour l'avenir.

Il y a deux secteurs dans notre société, le secteur privé et le secteur public, qui tous les deux ont des motifs très puissants pour envahir notre vie privée. On ne saurait s'attendre à ce que ni le secteur privé ni le secteur public contrôlent eux-mêmes leurs activités dans ce domaine; ce n'est pas une solution dont on peut se contenter, c'est un peu comme demander au renard de garder les poules.

Ici, j'ai une ou deux suggestions à faire. L'une d'entre elles concerne le secteur privé. Je tiens à répéter à quel point il est nécessaire de légiférer dans ce domaine. C'est extrêmement important. Le profit est un motif très fort, et les compagnies du secteur privé ne protégeront pas la vie privée des citoyens à moins d'y être absolument forcées. Cela est vraiment important.

En ce qui concerne le secteur public, j'ai deux suggestions à faire; d'une part, il faudrait modifier la Loi sur la protection des renseignements personnels. Elle aurait d'ailleurs dû être modifiée depuis longtemps. Le commissaire à la protection de la vie privée doit avoir le pouvoir de rendre des ordonnances dans le domaine de la vie privée et, d'autre part, il faut renforcer les mesures de protection prévues par la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Deuxièmement, si nous considérons vraiment que la vie privée est un droit de la personne, un des seuls moyens de protéger ce droit, c'est de pouvoir se réclamer de la Charte, et ce genre de contestation coûte très cher. Je suggère donc que l'article 8 de la Charte soit assimilé au Programme de contestation judiciaire.

Merci.

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La présidente: Merci beaucoup. C'est la première fois que j'entends cette suggestion. J'étais au nombre des protagonistes du programme de contestation judiciaire, et j'étais très en colère lorsqu'il a été supprimé. Je vous remercie, c'est excellent.

M. Rob Botterell (intervention à titre personnel): Je m'appelle Rob Botterell. Je suis le principal auteur de la législation provinciale sur l'information et la vie privée, c'est donc un domaine qui m'intéresse particulièrement. J'aimerais aborder certaines questions dont notre groupe a discuté aujourd'hui et insister sur certaines choses que j'ai vues sur la scène provinciale. Mais pour commencer, je tiens à vous remercier de m'avoir invité aujourd'hui. À mon avis, les questions de protection de la vie privée et de droits de la personne vont de pair.

Dans notre province, nous essayons de donner aux particuliers un plus grand contrôle sur la façon dont les informations qui les concernent sont recueillies, utilisées et communiquées. À l'époque où nous rédigions la législation provinciale, on nous disait souvent qu'il était impossible pour une loi de couvrir un tel territoire, une telle étendue de secteurs et d'organismes, que cela ne pouvait pas réussir. À mon avis, c'est possible, et plusieurs juridictions l'ont prouvé en adoptant des lois qui consacrent ces principes et qui en même temps laissent une certaine marge de manoeuvre sur le plan de l'application. On y arrive en rédigeant des codes.

La présidente: Excusez-moi de vous interrompre, vous voulez parler d'une législation en quelque sorte générique, qui serait assortie des détails particuliers pour chaque secteur?

M. Botterell: Ce genre de souplesse est nécessaire. Comme on l'a dit...

La présidente: Au moyen de règlements ou de lois?

M. Botterell: Au moyen de lois. Ce sont des lois qui fixent les principes puis, comme Colin Bennett l'a mentionné, qui permettent de négocier ou d'élaborer des codes qui ont force de loi. C'est une solution qui tient compte du fait que l'uniformité n'est pas possible vu que certains secteurs ont besoin de considérations particulières, à cause de la nature de la technologie, ou de la nature même du secteur. Pendant vos délibérations, vous entendrez probablement dire que ce n'est pas possible. Je tiens à vous dire que c'est possible, que cela s'est déjà fait.

Il y a une autre question dont on vous parlera, celle du coût considérable. On vous dira que la législation sur la protection de la vie privée coûte extrêmement cher et que nous n'en avons pas les moyens. Il y a de bons arguments pour dire que lorsqu'il s'agit de protéger un droit humain fondamental, le coût n'est jamais trop élevé.

À propos des implications pratiques et de l'application de la loi, dans notre groupe, nous avons discuté entres autres des évaluations de l'impact sur la vie privée. En effet, avant d'introduire une nouvelle technologie, il faut envisager les moyens de sauvegarder la vie privée. Il s'agit là d'une des mesures les plus susceptibles d'économiser des coûts lorsqu'on met en place une législation dans un secteur donné. Une fois que les systèmes sont en place, une fois que les ordinateurs sont fonctionnels, et qu'on a commencé à disséminer les informations de nature personnelle, il est extrêmement coûteux de faire marche arrière pour protéger la vie privée. Dans cette optique, j'espère que la future loi exigera que des évaluations de l'impact sur la vie privée soient soumises d'avance pour qu'on puisse trouver au préalable ce point d'équilibre dont nous avons parlé toute la matinée, et non pas après coup, à très grands frais.

Ce matin, nous avons discuté également de conformité. Cela a été répété à plusieurs reprises. Qu'il me suffise de dire que pour les organismes du secteur privé, il y a d'énormes avantages financiers à disséminer des informations personnelles, que ce soit dans le cadre d'opérations de commercialisation ou pour d'autres raisons. Par conséquent, les mécanismes d'application qui pourraient marcher dans le secteur public - et je me demande s'ils marchent vraiment, mais dans certains cas ce doit être vrai - risquent d'être loin d'être suffisants en ce qui concerne le secteur privé.

.1525

Enfin une dernière observation qui n'est pas négligeable, je suis un défenseur fervent du Code de protection de la vie privée de l'Association canadienne des normes, et à ce titre, je dois dire que nous en sommes déjà à l'étape de la sensibilisation du public. Le 19 avril, à l'Université de Colombie-Britannique, nous allons avoir un atelier d'une journée sur la façon dont les organismes du secteur privé ou du secteur public peuvent mettre en place dès maintenant le Code de l'ACN. En effet, n'importe quel organisme peut le faire avant même que le gouvernement fédéral ne légifère.

[Français]

M. Bernier: Puisque vous avez travaillé à la rédaction de la loi provinciale, je voulais vous demander, à vous et à Mme Dixon, quel rôle vous voyez au gouvernement fédéral dans ce domaine. Autrement dit, dans quel domaine le gouvernement fédéral devrait-il légiférer? Sur quelle matière? Est-ce que vous en avez une idée? Est-ce que vous avez des commentaires à faire là-dessus?

[Traduction]

M. Botterell: Lorraine a mentionné qu'une de nos grandes frustrations à l'époque où l'on a présenté la loi provinciale était que sur le plan de l'application de la loi nous avons toujours un ensemble hétéroclite de mesures parce que l'on n'a pas réussi à harmoniser les lois fédérales et provinciales qui régissent les services de police.

La présidente: Est-ce que cela ne relève pas du Code criminel?

M. Botterell: En ce qui concerne l'information et l'accès aux renseignements personnels, lorsqu'il s'agit des forces municipales de police, la police municipale de Vancouver, par exemple, observe certaines règles, mais la GRC fédérale qui est chargée de la police dans beaucoup de villes et de municipalités de la province, observe des règles différentes. Ce sont deux systèmes différents.

Pour répondre à votre question, je crois que c'est possible et sauf erreur des discussions sont prévues ou sont même déjà en cours entre les responsables fédéraux et leurs homologues provinciaux. Il s'agit d'adopter des lois qui imposent les mêmes règles dans tout le secteur privé, qu'une société détienne une charte fédérale ou provinciale. À mon avis, cela ne devrait pas être si difficile, mais il importe d'amorcer très vite la discussion, car comme toujours, ce genre de choses prend du temps. Cela mérite donc qu'on y consacre des efforts, et cela nous évitera, ce qui est une possibilité, de voir en l'an 2001 une série de dispositions pour les compagnies constituées en sociétés en Colombie-Britannique, et une autre série pour les compagnies à charte fédérale.

La présidente: J'aimerais seulement vous signaler au sujet du Code criminel et des forces de police, que les directives de l'OCDE sont en place et qu'elles régissent les forces de police fédérales et provinciales de la même façon. Cela doit être noté. Autrement dit, la GRC et vos services de police provinciaux suivent tous les directives de l'OCDE. Notre coordonnateur me dit que...

Mme Steeves: La législation sur la protection des renseignements personnels, comporte des éléments communs à la fois au provincial et au fédéral. Il est toujours difficile d'harmoniser et c'est un obstacle auquel nous nous heurtons sans cesse lorsqu'il s'agit de droits de la personne. Il n'y a qu'à voir les codes sur les droits de la personne qui existent dans tout le pays. C'est un véritable défi, mais d'une certaine façon, c'est également une base solide, car cela nous permet de profiter des diverses perspectives régionales et d'élaborer quelque chose de plus solide. Plusieurs d'entre vous ont observé que l'important, c'était de dialoguer. Peut-être ce genre de consultation et la nécessité d'harmoniser les dispositions dans les divers domaines de compétence, peut-être que tout cela viendra renforcer le dialogue.

M. Botterell: Ce n'était pas une critique, je disais simplement que l'idée méritait tous les efforts qu'on pourrait y consacrer. En tout cas, en ce qui concerne la législation provinciale sur l'information et la protection de la vie privée, nous avons un commissaire à l'information et à la protection des renseignements personnels, David Flaherty, qui peut rendre des ordonnances sur les questions de protection des renseignements personnels, et ce pouvoir va au-delà de ce qui est prévu par les directives de l'OCDE.

Mme Steeves: Lorraine, vous voulez répondre aux observations de M. Bernier?

Mme Dixon: Le principe selon lequel on peut suivre les données. Peut-être pourrais-je prendre l'exemple de la loi sur la protection des dossiers médicaux qu'on envisage d'adopter en Ontario. On part du principe que les données, où qu'elles se trouvent, ont droit à la même protection.

.1530

On doit pouvoir calquer ce principe sur le modèle médical et l'appliquer à la majeure partie des données de nature personnelle. Peu importe qu'il s'agisse d'un domaine de compétence fédérale ou provinciale, les mêmes règles doivent s'appliquer. En ma qualité de citoyen canadien, moi qui vit en Colombie-Britannique, je dois pouvoir m'attendre au même droit et à la même protection. On élabore actuellement des modèles fondés sur ce principe, le principe selon lequel il suffit de suivre l'information.

Mme Joan Vanstone (directrice nationale, Parent Finders): Je m'appelle Joan Vanstone. Je suis la directrice nationale pour le Canada de Parent Finders, le groupe qui s'occupe des personnes adoptées d'âge adulte et qui a réussi à faire reconnaître en Colombie-Britannique un droit que nous considérons comme étant très important, le droit d'obtenir des informations sur soi-même pour pouvoir prendre des décisions informées.

Nous cherchons à défendre les intérêts des enfants, de leur naissance à leur mort, parce qu'évidemment, c'est un processus qui dure une vie entière. Une des questions cruciales que nous posons, est celle de savoir qui est propriétaire de l'ADN. Il y a l'ADN de la mère, il y a l'ADN du père, et qu'il s'agisse d'une naissance naturelle ou d'insémination artificielle, ou encore de techniques génésiques ou génétiques, c'est la même chose. La Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant établit clairement que le droit suprême de l'enfant est celui de préserver son identité.

Pour toutes ces raisons, nous suivons attentivement ces discussions, et également le projet de loi C-47, parce que malheureusement, nous n'avons pas pour l'instant une législation sur les droits du foetus. C'est quelque chose qu'il va falloir régler. Il est certain qu'une fois né, un enfant a des droits sur son ADN, et en particulier le droit que cet ADN soit enregistré, et de plus, il doit pouvoir connaître les noms des donneurs, car en sa qualité d'enfant, il n'a pas le choix. Les donneurs ont un choix, s'ils souhaitent que leur identité ne soit pas révélée, ils peuvent refuser de participer au processus. L'enfant n'a pas le choix, et ce sont les droits des enfants que nous devons sauvegarder, car d'une certaine façon, ils sont handicapés par leur âge.

La présidente: Excellent. Avez-vous exposé ce point de vue devant le comité chargé d'étudier le projet de loi C-47?

Mme Vanstone: Effectivement, nous l'avons fait.

La présidente: Ils étudient actuellement ce projet de loi.

Mme Vanstone: En fait, nous attendons leur arrivée à Vancouver. Nous souhaitons vivement les rencontrer.

La présidente: Avez-vous présenté une demande au greffier du comité?

Mme Vanstone: Oui.

La présidente: Merci beaucoup.

Mme Steeves: Je vous remercie pour vos observations. En fait, cette dernière observation démontre à quel point cette question de la vie privée va loin. Les nouvelles technologies prolifèrent à un rythme sans précédent, et dans ces conditions, ce genre de dialogue va devenir essentiel pour concilier les intérêts de tous.

Au nom du comité, je tiens à vous remercier tous d'avoir participer à cette discussion. À mon avis, les Canadiens doivent absolument discuter des valeurs sociales qui sont en cause et exprimer leurs préoccupations dans tous ces domaines. Tout comme Darrell Evans, j'espère que nous amorçons aujourd'hui un dialogue permanent qui nous permettra de trouver un équilibre qui réponde à nos valeurs sociales. Je vous remercie beaucoup d'être venus.

La présidente: Valerie, je vous remercie infiniment pour tout le travail d'organisation que vous avez fait. Je remercie également tous nos experts qui sont venus éclairer le dialogue, et tous ceux qui ont participé et qui nous ont aidés à animer la discussion. Ils nous ont montré à quel point le sujet était vaste.

Je tiens également à remercier ceux d'entre vous qui nous ont donné des informations sur B.C. Tel et sur Phamis, ainsi que des informations sur les droits des enfants. Tout cela nous sera très utile.

Nous nous reverrons tous demain sur Internet, à partir de Calgary.

Merci beaucoup. La séance est levée.

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