Passer au contenu
Début du contenu;
TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 31 octobre 1996

.1926

[Traduction]

La présidente: La séance est ouverte. Nous entendrons deux témoins, M. Hamilton et . Stanhope, qui représenteront leur organisation respective.

Je crois que vous avez un mémoire.

M. Brian Stanhope (vice-président, Région du Pacifique, Bureau d'assurance du Canada): En effet. Merci beaucoup de nous accueillir aujourd'hui. Nos deux mémoires ont déjà été déposés au comité.

Je ne lirai pas le mien - cela ne servirait pas à grand-chose - mais je vais vous donner quelques explications sur une partie de son contenu, si vous êtes d'accord.

Madame la présidente, je travaille pour le Bureau d'assurance du Canada, une association professionnelle qui représente la vaste majorité des sociétés d'assurances au Canada offrant des polices d'assurances IARD, c'est-à-dire des assurances qui protègent une maison, une automobile, une entreprise, par exemple. Nous ne représentons aucune société d'assurance-vie.

Je suis vice-président de ce que nous appelons la région du Pacifique, au BAC. Autrement dit, je m'occupe du Yukon et de la Colombie-Britannique. Je remarque que vous étiez à Whitehorse, il y a quelques jours.

La présidente: Oui. Il fait très froid là-bas.

M. Stanhope: Je sais. J'y ai vécu un certain temps.

Nous sommes conscients de la criminalité, et de la hausse de la criminalité, depuis très longtemps. Il y a une dizaine d'années, nous avons vraiment commencé à nous en inquiéter. Nous avons donc décidé de nous engager à fond dans des organisations comme Échec au crime. J'ai siégé au conseil d'administration d'Échec au crime pendant deux ans. Surveillance de quartier est le principal programme de prévention du crime que nous appuyons actuellement. On l'appelle aussi Vigie de quartier à certains endroits.

Nous sommes l'une des premières organisations à avoir reconnu les avantages de la prévention du crime grâce à la vigilance exercée par le programme Surveillance de quartier. Franchement, nous pensons qu'il vaut mieux prévenir que guérir. À l'heure actuelle, plus de 91 000 foyers en Colombie-Britannique participent à Surveillance de quartier. C'est un programme qui remporte beaucoup de succès.

Il y a plusieurs années, nous nous sommes aperçus que nous devions adopter une vision plus large de la prévention du crime. Nous avons formé un comité sur la réduction de la criminalité, de concert avec mon collègue de l'association des courtiers, ici présent. Les membres de ce comité provenaient d'horizons divers, notamment de l'enseignement, de la police, de l'assurance, du Bureau du Procureur général, du ministère des Services sociaux, du Justice Institute, de l'Insurance Corporation of British Columbia et des caisses d'épargne.

Nous avons présenté un témoignage semblable à celui-ci devant le Comité permanent de la justice et du solliciteur général de la Chambre des communes au début de 1993. Nous étions privilégiés, parce que nous étions la seule organisation du secteur de l'assurance invitée à comparaître, si je ne m'abuse.

.1930

La même année, nous avons présenté un mémoire à la commission Oppal en Colombie-Britannique, sur la prévention du crime. Nous avons participé activement à la B.C. Crime Prevention Association et jusqu'à tout récemment encore, mon président, George Anderson, était membre du comité fédéral sur la prévention du crime.

Nous faisons partie du groupe de travail sur les infractions contre les biens du Vancouver Board of Trade. Je crois que vous les entendrez demain matin. Nous travaillons actuellement avec la police de Vancouver pour recouvrer les biens volés. De plus, nous mettons au point une base de données pour aider la police à retrouver les biens volés et à les rendre à leurs propriétaires.

L'industrie de l'assurance a une solution simple au problème de la hausse des coûts que lui occasionne la criminalité. Il s'agit simplement de majorer les primes ou les franchises. Mais ce n'est pas la bonne solution. Je le répète, nous croyons qu'un peu de prévention est nettement préférable.

Le coût des vols pour l'industrie de l'assurance représente désormais plus que le coût total de tous les autres sinistres. À une certaine époque, le coût des incendies était le plus élevé. À l'heure actuelle, le coût des vols dépasse largement tous les autres.

J'ai fourni des statistiques dans le mémoire que nous avons présenté, alors je n'ai pas l'intention de les répéter. C'est un peu aride. Qu'il suffise de dire que le sud-ouest de la Colombie-Britannique est probablement la pire région au pays, en ce qui concerne les vols.

La criminalité chez les jeunes est à la hausse. Il s'agit en partie de crime organisé, en partie d'actes criminels opportunistes. Mais le problème, selon nous, est que trop de jeunes, et je pourrais en dire autant des gens de ma génération, ne respectent plus les autres ni le bien d'autrui.

Les bonnes manières ont disparu. Essayez de trouver un conducteur courtois quand vous circulez en voiture. Les gens n'observent pas des règlements aussi élémentaires que les feux de circulation. En venant ici aujourd'hui, j'ai dû voir neuf ou dix personnes traverser la rue au feu rouge. La discipline est presque inexistante aussi bien chez les parents que dans la société en général.

J'aimerais maintenant parler des peines imposées aux jeunes contrevenants. Il y a trois aspects importants à ce propos. L'un d'eux me met un peu dans l'embarras, personnellement, mais je vais vous parler à coeur ouvert. Nous pensons que les peines doivent prévoir un dédommagement.

Je me suis occupé personnellement il y a quelques années d'un sinistre mettant en cause trois jeunes qui avaient été attrapés en train de vandaliser une maison. Les assureurs ont demandé un dédommagement aux parents. Deux des trois familles ont accepté une forme d'indemnisation partielle. La troisième a carrément refusé. Les parents ont dit que l'enfant était trop jeune et qu'ils ne pouvaient pas être forcés à verser un dédommagement. Il n'y avait aucune exigence légale, donc ils ne verseraient rien du tout. Le jeune homme s'est retrouvé derrière les barreaux par la suite.

Le deuxième aspect est que les peines doivent avoir un sens. Une simple réprimande des autorités policières ou des juges ne suffit pas. Cela n'incite pas à changer son mode de vie.

Nous arrivons maintenant à la partie gênante. Mon fils, encore mineur à l'époque, s'est fait prendre en possession d'une caisse de bière. Les policiers l'ont simplement réprimandé et envoyé à la maison. Ils ont confisqué la bière. J'ai appelé la GRC et expliqué que cela ne suffisait pas, que j'allais amener mon fils au poste. Je voulais qu'ils lui donnent une bonne leçon. Il fallait lui montrer qu'il y avait des conséquences très graves à ce genre de comportement illégal. D'accord, l'infraction était mineure, mais elle aurait pu être beaucoup plus grave.

J'ai amené mon fils au poste de police. J'ai été consterné par la façon dont les policiers ont essayé de le discipliner. Quand je leur ai demandé pourquoi ils avaient agi ainsi, ils m'ont répondu qu'ils avaient un peu les mains liées. S'ils sont trop sévères, ils risquent de se retrouver en cour.

Troisièmement, les peines doivent être purgées. Il n'y a pas seulement un mépris total de la loi mais aussi des peines chez de nombreux jeunes contrevenants. Pensez seulement à toutes les contraventions qui ne sont pas payées au Canada. Il doit y en avoir pour des millions de dollars.

.1935

Mon autre fils s'est fait prendre lui aussi pour un acte stupide. On lui a imposé 20 heures de travail communautaire. Il a fait son travail communautaire, mais d'autres contrevenants ne sont venus qu'une fois et n'ont jamais été revus par la suite. Ils se sont vantés à mon fils qu'ils ne seraient pas punis même s'ils n'avaient pas purgé toute leur peine, et à notre connaissance, ils ne l'ont jamais été.

Soit dit en passant, mes deux fils ont bien tourné. Ils sont mariés et ont des enfants, alors il n'y a pas eu beaucoup de dégâts.

Nous croyons aussi qu'il faut tenir compte des droits des victimes. On exprime souvent de la sympathie envers la victime. Nous en avons assez d'entendre les psychologues nous parler d'enfance malheureuse. Tous les jeunes contrevenants ne sont pas issus de familles éclatées ou violentes. Nous connaissons tous des jeunes à problèmes ayant grandi dans une famille aimante, qui les entourait d'affection. Plusieurs de mes amis vivent de telles crises familiales actuellement.

La société, les tribunaux et le gouvernement doivent appuyer les autorités policières. Il y aura une diminution de la criminalité lorsque la police sera respectée, comme elle l'était dans ma jeunesse, il y a une quarantaine d'années.

Il est à espérer que la Loi sur les jeunes contrevenants témoignera des préoccupations de la majorité et changera pour le mieux. À notre avis, la clé semble être le respect de la loi, des parents et de la société.

Lorsque mon collègue, M. Hamilton, vous aura présenté son exposé, nous serons heureux de répondre à vos questions. Merci de nous écouter.

La présidente: Monsieur Hamilton.

M. Jack Hamilton (directeur général, Insurance Brokers Association of British Columbia): Merci, madame la présidente. Nous sommes vraiment heureux de pouvoir nous adresser à vous aujourd'hui.

Je vous ai remis un bref mémoire. J'en ferai ressortir quelques éléments. J'aurai aussi quelques remarques supplémentaires.

Je suis le directeur général de l'Insurance Brokers Association of British Columbia, une association professionnelle qui regroupe 750 cabinets de courtiers indépendants en Colombie-Britannique. Environ 250 courtiers agréés travaillent dans ces cabinets. Ils représentent, comme l'a indiqué Brian, les sociétés d'assurances membres de son organisation. Ils vendent de l'assurance-incendie, accidents, risques divers ainsi que de l'assurance-automobile et tous les autres types d'assurances autres que l'assurance-vie.

En Colombie-Britannique, nos courtiers tirent un revenu d'environ 140 millions de dollars en commissions. Ils émettent des polices pour environ 2,5 milliards de dollars. J'ajoute qu'ils paient environ 100 millions de dollars d'impôt.

Nous avons effectué une étude socio-économique en Colombie-Britannique, pour déterminer où se situent nos courtiers dans la société. Ils sont très présents. Ils exercent généralement leurs activités dans toutes les collectivités de la province et sont très conscients des valeurs et des attitudes des autres membres de ces collectivités. Sans exception, nos membres participent très activement - beaucoup d'entre eux à des postes de commande - à des organisations communautaires philanthropiques, culturelles, religieuses, charitables, politiques, sportives et autres.

Leurs clients, leurs concitoyens, leur racontent que, même si les coûts des primes d'assurance ont atteint des sommets, ils sont soulagés de se savoir protégés lorsqu'ils doivent déclarer un sinistre, lorsque leur maison a été cambriolée. Ils sont aussi très inquiets du nombre élevé d'entrées par effraction dans leur quartier. Les risques de sinistres sont plus élevés, et leurs primes ainsi que les franchises augmentent en conséquence, comme l'a indiqué Brian.

Certaines régions sont pires que d'autres. Cette région-ci, par exemple, et les régions de Surrey et d'Abbotsford sont durement frappées et les primes d'assurance montent, tout comme dans l'est de Vancouver, à l'est de l'hôtel de ville. Dans certains de ces quartiers, soit dit en passant, il y a eu entrée par effraction dans presque toutes les maisons à un moment ou un autre.

Il y a aussi des entrées par effraction répétées. Dès que les objets volés sont remplacés, les voleurs reviennent. Ils volent surtout les appareils électroniques, après que les assurances ont payé.

.1940

L'industrie de l'assurance répercute bien entendu ces hausses de coûts sur les assurés en exigeant des primes plus élevées et en majorant les franchises.

L'autre problème, c'est que certains résidents, et certains clients commerciaux également, ne sont presque plus assurables. Certains types d'entreprises ne peuvent plus se faire assurer dans certaines régions de la Colombie-Britannique. Il est certainement très difficile de s'assurer dans la région de Vancouver. Les assureurs ne peuvent tout simplement pas exiger des primes assez élevées pour couvrir les sinistres dans ces régions.

Une autre solution consiste à installer des systèmes d'alarme coûteux, à avoir un chien de garde, à mettre des barreaux aux fenêtres. Toutes ces mesures rendent la vie bien compliquée.

Par ailleurs, dans certains quartiers, les policiers répètent à nos membres qu'ils sont démoralisés et découragés de voir des criminels, en particulier de jeunes contrevenants, rôder dans les rues le lendemain de leur dernière arrestation. Les policiers nous disent qu'ils passent 15 p. 100 de leur temps à rédiger des rapports, à rendre visite aux victimes et à essayer d'obtenir la liste des objets volés. Il y a plus de victimes et de gens préoccupés par ce problème.

Il y a aussi plus d'entrées par effraction dans les commerces. Comme vous le savez probablement, les ordinateurs sont très à la mode de nos jours. Ce sont les objets qu'on vole le plus souvent et pas seulement dans les commerces, dans les maisons également. De plus, les vols d'automobiles et de systèmes de son pour automobiles font aussi monter les primes d'assurance-automobile dans la région.

Dans ce contexte, je vous donnerai quelques chiffres pour que vous saisissiez l'ampleur des vols d'automobiles dans la région. Des tendances effarantes commencent à se dégager. En 1995, en Colombie-Britannique seulement, 29 000 automobiles ont été volées et on estime que 70 p. 100 de ces vols ont été perpétrés par de jeunes contrevenants. Il est possible d'obtenir ces chiffres parce que nous avons dans la province un régime public d'assurance-automobile. La police retrouve environ 90 p. 100 des véhicules. Souvent, les véhicules sont pris sans le consentement du propriétaire ou elles sont abandonnées.

Par contre, les professionnels qui volent des véhicules les démontent habituellement ou les envoient à l'étranger. À Vancouver, il est possible de voler une automobile, la mettre dans un conteneur, l'envoyer au quai, la charger à bord d'un cargo et l'expédier en moins de 18 heures. C'est incroyable. Et cela se fait de plus en plus souvent.

Ces chiffres se rapportent à 1995. Durant les neuf premiers mois de 1996, les vols ont augmenté de 40 p. 100. La valeur totale des sinistres dans le secteur de l'assurance-automobile atteindra cette année 200 millions de dollars, en Colombie-Britannique seulement. Je pense que ce sont des chiffres assez impressionnants.

Cette situation cause de grandes difficultés aux assureurs et certainement aux gens qui perdent leur voiture et qui doivent verser des primes plus élevées et accepter des franchises plus élevées.

Nous aimerions vous faire quelques recommandations.

Nous vous demandons de songer à affecter des ressources budgétaires plus importantes à la prévention du crime plutôt qu'à la surveillance policière après coup. Ainsi, dans une région urbaine de la taille de Vancouver, il ne devrait pas y avoir seulement un policier chargé de coordonner les activités du programme Surveillance de quartier. Dans certaines banlieues, aucun policier ne coordonne les activités visant à aider les citoyens à organiser une surveillance communautaire. Il nous paraît important d'accroître ces ressources.

J'avais un chapitre sur Surveillance de quartier moi aussi, mais Brian a très bien décrit la situation. Les courtiers d'assurance sont les chefs de file de tels programmes. Inciter leurs clients à participer à Surveillance de quartier fait définitivement baisser la criminalité.

Nous aimerions aussi qu'il y ait une évaluation des programmes de formation de la GRC et du Justice Institute afin qu'ils comprennent un volet important sur la surveillance communautaire. Nous aimerions aussi qu'il y ait un examen des lois et des programmes relatifs aux jeunes contrevenants afin d'accroître les conséquences lorsque les prévenus, surtout les jeunes contrevenants, sont reconnus coupables d'infractions contre les biens et que la société n'ait pas à assumer des coûts supplémentaires parce que les mêmes criminels ne cessent d'entrer par effraction dans des résidences.

.1945

De plus, nous aimerions qu'une étude soit menée pour évaluer la possibilité d'exiger que les peines imposées aux criminels, et surtout aux jeunes contrevenants, reconnus coupables de vol consistent entre autres à rembourser à la victime et à l'assureur le plein montant du bien volé.

Dans la mesure du possible, les parents des jeunes contrevenants devraient eux aussi être tenus financièrement responsables de leurs enfants. Nous pensons que, si les parents étaient tenus responsables, on accorderait peut-être plus d'attention à ce grand problème.

Au fil des années, les assureurs ont subi les contrecoups de ces entrées par effraction. Puisque nous ne sommes pas un groupe tout à fait philanthropique, les coûts sont refilés aux citoyens du Canada qui achètent des polices d'assurance. Les primes augmentent, les franchises sont majorées et si les sinistres sont trop fréquents, certains clients ne peuvent plus s'assurer correctement.

Les amendes sont un problème, comme l'a déclaré M. Stanhope. Il est évident qu'imposer des amendes ne règle pas nécessairement le problème, parce que personne ne les paie. Un bon ami à moi, juge à la Cour suprême, m'a raconté il y a quelques années qu'après avoir imposé des amendes pendant des années en application de diverses lois, il avait décidé de mener sa petite enquête. Il a découvert qu'il n'existe aucun mécanisme pour percevoir ces amendes. Plus de 75 p. 100 des amendes qu'il avait imposées au fil des ans n'avaient jamais été perçues.

La situation a peut-être changé un peu ces dernières années mais, croyez-moi, que des juges et divers systèmes imposent des amendes ne signifie pas nécessairement que la personne responsable est consciente du problème si elle ne se donne même pas la peine de payer l'amende.

En conclusion, tout comme pour la prévention médicale et l'hygiène dentaire, l'argent et le talent investis dans des programmes efficaces de prévention du crime et de surveillance policière, comme Surveillance de quartier, contribueront beaucoup à bâtir des collectivités en santé et à les maintenir en santé. Puisque vous êtes les législateurs, nous vous prions d'apaiser les préoccupations de l'industrie de l'assurance IARD exprimées dans nos mémoires.

Vu que nous avons une responsabilité collective à titre de citoyens du Canada, l'Insurance Brokers Association of B.C. vous demande de prendre la situation en main afin que nos ressources financières et communautaires limitées soient organisées de manière efficiente et efficace pour protéger nos collectivités.

Vous avez peut-être des questions. Nous serons heureux d'y répondre.

La présidente: Merci, monsieur Hamilton.

Monsieur Ramsay, dix minutes.

M. Ramsay (Crowfoot): Merci, madame la présidente.

J'aimerais remercier nos témoins de leur présence. Ils apportent un nouvel éclairage à toute cette question de la criminalité. Au coût pour nos institutions, pour nos forces policières et pour notre système judiciaire, vous ajoutez cette nouvelle dimension.

J'aimerais vous demander si vous pouvez donner au comité des chiffres ou des statistiques sur le coût de la criminalité juvénile. Pouvez-vous séparer la criminalité juvénile de la criminalité chez les adultes? Je comprends que vous pouvez le faire pour les vols d'automobiles, mais...?

Assurez-vous les automobiles en Colombie-Britannique?

M. Hamilton: Nous sommes des courtiers d'assurance. Nos courtiers représentent le régime d'assurance du gouvernement en Colombie-Britannique. Les courtiers vendent effectivement des polices d'assurance-automobile du régime provincial.

M. Ramsay: Lorsqu'une auto est volée, qui paie? Le contribuable?

M. Hamilton: L'assureur. Les primes versées par le propriétaire de la voiture couvrent le sinistre. En Colombie-Britannique, les primes d'assurance-automobile représentent environ 2,4 milliards de dollars. Je ne sais pas quelle proportion est affectée aux vols et au vandalisme, mais, je le répète, on prévoit que les sinistres atteindront cette année quelque 200 millions de dollars, soit environ 10 p. 100 du total.

M. Ramsay: Pouvez-vous donner au comité une estimation des coûts attribuables aux jeunes contrevenants?

.1950

M. Hamilton: Comme je l'ai indiqué, les chiffres qui m'ont été fournis par la société d'assurance-automobile révèlent que 70 p. 100 des véhicules sont volés par de jeunes contrevenants. S'il y a un rapport direct avec les 200 millions de dollars, je suppose qu'il y aurait pour environ 140 millions de dollars de véhicules volés ou d'objets volés dans les véhicules.

M. Ramsay: Si le véhicule a été pris sans le consentement du propriétaire et qu'on le retrouve, le sinistre ne représente pas la valeur totale du véhicule.

M. Hamilton: Nous ne comptons pas les pertes totales. Nous affirmons que le montant total versé par les assureurs cette année se situera aux alentours de 200 millions de dollars.

M. Ramsay: Je vois.

M. Hamilton: Que certaines voitures soient volées et abandonnées deux coins de rue plus loin, sans dommage, n'est pas un facteur. Nous parlons des sinistres. Souvent, les jeunes entrent par effraction et cassent les vitres ou le pare-brise, par exemple.

M. Ramsay: Pouvez-vous nous indiquer le coût? Pouvez-vous donner le chiffre pour les jeunes contrevenants?

M. Hamilton: Je dirais probablement de 100 à 150 millions de dollars en Colombie-Britannique...

M. Ramsay: Uniquement pour les voitures?

M. Hamilton: Oui, uniquement pour l'assurance-automobile.

M. Ramsay: Et les autres types de vols? Vous faites ici une déclaration atterrante selon laquelle, dans certaines régions de la province, il y a eu entrée par effraction dans presque toutes les maisons...

M. Hamilton: Toutes les maisons du quartier.

M. Ramsay: ...du quartier au moins une fois.

M. Hamilton: Brian a peut-être de meilleures statistiques.

M. Ramsay: Avez-vous une ventilation des coûts attribuables à la criminalité juvénile?

M. Stanhope: Nous n'avons jamais pu isoler le... Je pense que la première chose à faire pour déterminer quelle proportion est imputable aux jeunes consiste à les attraper et, dans la plupart des cas, ces actes criminels ne sont pas signalés. Il est assez évident que si les voleurs sont entrés par une petite fenêtre d'un pied carré, il s'agissait d'un enfant. Mais cet enfant est peut-être dirigé par un criminel adulte professionnel.

Nos membres ont versé environ 60 millions de dollars pour des entrées par effraction dans des résidences l'an dernier. Mais nous ne pouvons pas, franchement... Nous n'avons que des preuves non scientifiques données par la police...

M. Ramsay: Ces chiffres s'appliquent à la Colombie-Britannique seulement ou à l'ensemble du Canada?

M. Stanhope: Uniquement à la Colombie-Britannique.

M. Ramsay: Avez-vous des chiffres pour le Canada?

M. Stanhope: Oui. Vous verrez d'ailleurs dans mon mémoire des exemples effarants de la différence entre notre province et l'Alberta. J'ai choisi délibérément l'Alberta parce que c'est la province voisine. Les sommes versées ici sont colossales par rapport au petit nombre de polices supplémentaires qui sont émises chez nous. Dans le cas des assurances des locataires, par exemple, nous versons environ 160 p. 100 de plus, je crois, que ce qui est versé en Alberta, mais nous n'émettons que 6,5 p. 100 de polices de plus. Les chiffres sont effarants.

Mais nous ne pouvons pas affirmer qu'il s'agit uniquement d'actes criminels commis par des jeunes. Par contre, la police vous confirmera que, lors des congés pédagogiques, lorsque les enfants ne vont pas à l'école, les entrées par effraction et les autres actes criminels commis par des jeunes augmentent. Il y a une hausse ces jours-là. Mais il n'y a pas de preuves scientifiques.

M. Ramsay: Avez-vous indiqué les chiffres pour le reste du Canada dans votre mémoire?

M. Stanhope: Non. Je ne les ai pas indiqués pour le reste du Canada, mais je peux les obtenir très facilement.

M. Ramsay: Pourriez-vous les communiquer au comité?

M. Stanhope: Absolument, monsieur. Avec plaisir.

M. Ramsay: Merci.

La présidente: Merci, monsieur Ramsay.

Monsieur Maloney, vous êtes très tranquille aujourd'hui.

M. Maloney (Erie): Merci, madame la présidente.

Des voix: Oh, oh!

M. Maloney: Toutes vos recommandations portent sur des mesures préventives, des interventions préparatoires au procès. On dit qu'il s'agit de questions fédérales, communautaires, provinciales, etc.

Bien des gens que nous avons entendus depuis un certain temps affirment que nous n'avons pas les ressources suffisantes en période d'austérité gouvernementale. Votre industrie serait-elle disposée à contribuer à certaines de ces organisations préventives?

M. Stanhope: Nous y contribuons déjà. Nous sommes très actifs actuellement en vertu du...

M. Maloney: Pouvez-vous donner des précisions à ce sujet?

M. Stanhope: Uniquement en Colombie-Britannique, je pense que... Je devrais consulter mes dossiers. J'ai un très petit budget parce qu'il n'y a que deux personnes à mon bureau pour l'ensemble de la province. C'est un très petit bureau.

.1955

Je consacre de 10 000$ à 15 000$ par année à des mesures de prévention du crime. C'est ma bête noire, à vrai dire. C'est la raison pour laquelle je consacre plus de fonds à ce problème qu'aux questions environnementales ou qu'aux tremblements de terre, et les tremblements de terre sont un gros problème ici, comme vous le savez.

Je ne pourrais pas vous indiquer combien nous dépensons dans chacune de nos sociétés d'assurances d'un océan à l'autre, mais je peux vous trouver ces chiffres. Je consacre de 12 000$ à 15 000$ par année environ à ce problème.

M. Maloney: Sur un budget total de...

M. Stanhope: J'ai un budget total de moins de 20 000$. J'en consacre les trois quarts à la prévention du crime.

M. Maloney: De quel budget s'agit-il?

M. Stanhope: De mon budget régional pour les relations publiques.

M. Hamilton: Les courtiers d'assurance ont participent aussi activement au programme Surveillance de quartier. Des groupes de surveillance de plusieurs régions nous ont demandé, puisqu'ils n'ont pas les budgets nécessaires, de les aider en fournissant des brochures, par exemple. Nous les imprimons et elles sont distribuées dans les quartiers pour inciter les gens à mettre sur pied un programme Surveillance de quartier.

Nous avons toutes sortes d'autres activités de ce genre. Nous avons un autre petit cadeau, une affichette qui se colle sur la porte et qui demande aux gens s'ils ont bien verrouillé les portes, chaque fois qu'ils sortent.

La police s'adresse à nous de temps en temps, lorsqu'elle organise une activité et, si nous le pouvons, nous y contribuons financièrement. Souvent, ce ne sont pas des activités de grande envergure.

M. Maloney: Monsieur Stanhope, dans votre dernière recommandation, à la page 12 de votre mémoire, vous demandez qu'on tienne compte des droits des victimes d'infractions contre les biens. Pouvez-vous donner des explications?

M. Stanhope: J'en ai beaucoup entendu parler, mais je ne l'ai jamais vu en pratique. Le tribunal ordonne au vandale d'aller nettoyer la propriété qu'il a saccagée. Le vandalisme, pur et simple, est très fréquent. Nous aimerions beaucoup qu'on prenne plus souvent des mesures de ce genre.

Nous constatons également que, même si les victimes peuvent consulter des spécialistes pour se remettre de leur traumatisme, elles se sentent parfois doublement victimes après une entrée par effraction. Par exemple, une amie à moi s'est réveillée en pleine nuit et est descendue dans la cuisine. Son mari n'était pas à la maison. Elle a trouvé deux jeunes dans la cuisine. Ils n'avaient certainement pas d'intentions honnêtes puisqu'ils étaient entrés par effraction. Ils ont pris la fuite. Elle a appelé la police. Les policiers sont venus et lui ont dit de ne pas s'inquiéter, que ces jeunes ne reviendraient pas. Elle est retournée se coucher. Une heure plus tard, les deux mêmes types revenaient.

Cette fois, elle a crié. Heureusement, elle n'a pas tenté de bloquer la sortie, alors ils ont pu se rendre jusqu'à la porte et prendre la poudre d'escampette. Si elle avait bloqué la sortie, ils l'auraient certainement assommée et peut-être pire encore avant de prendre la fuite.

Si ces jeunes avaient été attrapés, elle n'aurait pas pu faire valoir ses droits. Elle n'aurait pas pu intenter de poursuites au civil contre ces personnes qui ont violé sa propriété. Nous ne proposons pas que de tels recours soient possibles. Nous croyons cependant que si les criminels sont déclarés coupables, ils devraient dédommager la victime - pas nécessairement par des dommages-intérêts, mais peut-être par une indemnisation en nature.

Les victimes s'adressent à leur assureur. Elles racontent qu'elles ont été volées pour une deuxième fois et elles trouvent l'assureur radin et mesquin s'il ne veut pas payer la demande d'indemnité. Si ces gens viennent me voir, je suis assez compréhensif, mais je ne peux pas en dire autant de toute notre industrie.

Les victimes se sentent violées une deuxième fois. Nous aimerions que les auteurs du crime discutent avec la victime, sous surveillance, bien entendu.

M. Maloney: La question du dédommagement par les auteurs du crime, par les contrevenants, est évidemment très prioritaire pour vous. Que proposez-vous si les jeunes contrevenants ont un faible revenu ou pas de revenu, s'ils proviennent de familles de ce genre, comme c'est souvent le cas? Que faisons-nous dans ces situations?

.2000

M. Stanhope: Vous avez raison, c'est le cas de beaucoup de jeunes. Et beaucoup d'entre eux ont besoin d'argent parce qu'ils ont une dépendance, habituellement à la drogue. D'après ce que raconte la police, il y a beaucoup de bandes reliées au trafic de la drogue par ici.

Franchement, je ne sais pas quoi faire. Je ne connais pas la réponse à cette question. Si j'avais une baguette magique, nous ne serions pas ici dans cette salle, je suppose. Mais je ne sais vraiment pas. Je dois être franc avec vous.

M. Maloney: Merci.

Je n'ai pas d'autres questions.

La présidente: Monsieur Gallaway, vous en avez une.

M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Une seule. Elle fait suite à une question de M. Gallaway et porte sur les dommages-intérêts.

Nous avons entendu qu'il semble y avoir deux poids deux mesures en ce qui concerne la façon dont nous traitons les jeunes contrevenants par rapport aux adultes. Vous avez recommandé que les jeunes contrevenants ou leurs parents paient des dommages-intérêts. J'aimerais savoir quel est le taux de recouvrement chez les adultes. Poursuivez-vous les adultes? Combien avez-vous recouvré auprès des adultes l'an dernier?

M. Stanhope: Je dirais que nous n'avons rien recouvré.

M. Gallaway: Votre recommandation que les jeunes contrevenants ou leurs familles soient tenus de rembourser les assureurs constitue donc une peine supplémentaire, puisque vous n'exigez pas la même chose des adultes.

M. Stanhope: Non. Si vous m'aviez interrogé sur les adultes, je vous aurais répondu la même chose.

M. Gallaway: D'accord.

M. Stanhope: Mais vous avez raison. Il est presque impossible d'obtenir des dédommagements.

J'ajouterai ceci. Lorsque le criminel est poursuivi, on croit plus souvent son histoire que celle de la victime. Le criminel n'a rien à perdre devant le juge. Nous avons entendu beaucoup de plaintes exagérées au sujet de criminels qui auraient réussi à sauter par-dessus une clôture en emportant un chandelier d'une main et un téléviseur de 30 pouces de l'autre. C'est tout simplement impossible.

La restitution des biens est une partie de la solution. C'est pourquoi nous collaborons avec la police pour mettre au point une base de données permettant de restituer une partie des biens volés.

Nous avons beaucoup de mal à restituer les biens. Les gens n'identifient pas leurs biens, alors même si les biens sont retrouvés, il est impossible de déterminer à qui ils appartiennent. Les policiers disent: «Alors, on vous a volé un téléviseur Sony. Venez nous voir; nous en avons 400. Lequel vous a été volé?».

Nous travaillons donc en ce sens. Ce genre de restitution aiderait, sans parler de ce qu'on pourrait obtenir directement du criminel.

M. Gallaway: Vous avez comparé les indemnisations en Colombie-Britannique et en Alberta.

M. Stanhope: Oui.

M. Gallaway: À quoi attribuez-vous la différence? Est-ce une question de surveillance communautaire, ou les gens sont-ils plus malfaisants en Colombie-Britannique qu'en Alberta?

Des voix: Oh, oh!

M. Gallaway: Je ne le crois pas, soit dit en passant.

M. Stanhope: Laissez-moi consulter ma boule de cristal un instant.

Je crois qu'il y a beaucoup plus d'immigration chez nous qu'en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba et en Ontario. Nous sommes une province d'accueil. Bien des gens viennent chez nous pour fuir des problèmes familiaux, des démêlés avec la justice, des ennuis personnels, des problèmes de drogue ou d'autres types de problèmes. Les gens ont tendance à venir chez nous.

Il est bien connu, par exemple, que nous sommes la pire province, et Vancouver est la pire ville au Canada, en ce qui concerne les cartels de la drogue de l'Amérique du Sud. C'est un secret de polichinelle. C'est un état de fait. Je pense qu'il y a des conséquences.

Nous pensons vraiment - encore que nous ne soyons pas en mesure de le démontrer concrètement - qu'un grand nombre d'entrées par effraction et d'infractions, dont des actes de violence, sont reliées à la drogue.

M. Gallaway: D'accord.

La présidente: Merci beaucoup, messieurs, de votre aide.

Nous ferons une brève pause. Notre prochain témoin est prêt, alors ne vous éloignez pas trop. Nous aimerions conclure ce soir.

M. Stanhope: Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci.

.2004

.2016

La présidente: Nous sommes de retour et nous entendrons la British Columbia Civil Liberties Association, représentée par son directeur des politiques, M. Murray Mollard.

M. Murray Mollard (directeur des politiques, British Columbia Civil Liberties Association): Merci, madame la présidente, madame et messieurs les membres du comité.

Premièrement, et je pense pouvoir me faire le porte-parole de tous ceux qui ont la chance de comparaître, je vous remercie d'être venus dans l'Ouest. Je pense qu'il est important dans une démocratie - et que c'est un défi au Canada - de donner aux citoyens la chance de vous parler directement. Il est difficile pour nous d'aller à Ottawa. J'ai eu le privilège d'y aller une fois et il faisait très froid. J'étais allé patiner sur le canal Rideau.

La présidente: Aujourd'hui, il fait beaucoup plus chaud dans le sud-ouest de l'Ontario qu'à Vancouver.

M. Mollard: Vraiment? C'est aussi ensoleillé?

La présidente: Oui.

Je ne sais pas, je n'en sais rien. Je parle peut-être à travers mon chapeau.

M. Mollard: Il ne fait pas toujours soleil ici non plus.

Quoi qu'il en soit, revenons à nos moutons. Comme certains d'entre vous le savent peut-être, notre association est une association sans but lucratif qui vise à promouvoir et à protéger les libertés civiles en Colombie-Britannique et au Canada. Elle existe depuis une trentaine d'années. Notre conseil d'administration est formé de gens issus de milieux divers: des professionnels, des enseignants, des travailleurs sociaux, des éducateurs. Il y a même certains de ces avocats tant redoutés.

Nous nous intéressons aux politiques et à la réforme du droit, mais aussi à des situations concrètes. C'est une partie de mon travail. Les gens nous appellent. Nous recevons des appels de jeunes contrevenants et de gens qui travaillent dans le système de justice pénale et qui s'intéressent à ces problèmes.

J'ai eu l'occasion de lire certains mémoires qui vous ont déjà été présentés, notamment ce printemps, et j'essaie de mettre l'accent sur les questions vraiment importantes pour vous. L'une d'entre elles est l'idée de modifier l'âge minimum et maximum des personnes visées par la loi. Je ferai d'abord quelques observations à ce sujet.

En ce qui concerne l'âge maximum, la loi s'applique bien entendu aux jeunes de moins de 17 ans. Au-dessus de cet âge, le Code criminel s'applique. Nous pensons que c'est bien ainsi et que cette disposition devrait rester. Nous ne pensons pas que l'âge limite devrait être abaissé. Autrement dit, le Code criminel ne devrait pas s'appliquer automatiquement aux jeunes qui ont 16 ou 17 ans. Nous pensons que l'âge limite prévu dans la Loi sur les jeunes contrevenants devrait être maintenu.

Notre raisonnement est lié à la philosophie de la société à l'égard des jeunes contrevenants. Il y a dans la société de grandes catégories de personnes. Il y a les enfants, donc les personnes très jeunes. Les adultes, les parents prennent la plupart des décisions à leur place. Il y a les jeunes, qui grandissent, apprennent, mûrissent, acquièrent de l'expérience, commettent des erreurs et en tirent des leçons. Nous les traitons différemment dans la société, et avec raison. Il y a aussi les adultes qui prennent leurs propres décisions et en sont tenus pleinement responsables.

.2020

Nous pensons qu'abaisser l'âge des personnes visées par la loi afin que la loi ne s'applique plus qu'aux jeunes de moins de 15 ans, par exemple, finirait par saper les objectifs de réinsertion sociale visés par la loi. Si tous les contrevenants de 16 et 17 ans sont assujettis au système de justice pénale des adultes, je pense que cela finit par miner les objectifs que poursuivent beaucoup de ceux qui sont venus témoigner devant vous et qui veulent protéger les intérêts de la société grâce à la prévention du crime. Nous pensons qu'inclure ces jeunes dans le système des adultes va à l'encontre de ces objectifs et, au bout du compte, à l'encontre des intérêts des jeunes contrevenants.

En ce qui concerne l'âge minimum, l'impression et les statistiques... Vous avez probablement obtenu beaucoup d'information, entendu de nombreux témoignages au sujet des statistiques visant à déterminer si la criminalité juvénile est à la hausse, si les enfants de 10 et 11 ans sont nombreux parmi les jeunes criminels et si la loi devrait s'appliquer à eux. Nous connaissons aussi l'impression de la population: trop de gens demandent des peines plus sévères à l'égard des jeunes contrevenants. Mais les impressions sont importantes, et je suis convaincu que vous avez entendu parler du rôle que jouent les médias à cet égard. Les statistiques ne sont toutefois pas toujours justes et ne traduisent pas toujours la réalité, et les perceptions des gens sont importantes. Vous, les représentants du peuple, devez en tenir compte.

Notre association croit néanmoins que la philosophie qui sous-tend les dispositions actuelles de la loi quant à l'âge minimum et maximum est juste. Nous avons raison d'exclure les enfants de moins de 12 ans du système de justice pénale.

Je sais que vous avez parlé au juge Gove et que vous avez peut-être eu l'occasion de discuter avec lui ou d'entendre son opinion sur l'importance de la législation sur l'aide à l'enfance. Si je comprends bien, l'une des raisons pour lesquelles des gens demandent que la loi puisse s'appliquer aux enfants de moins de 12 ans est le fait que les lois sur l'aide à l'enfance sont inefficaces.

Pour préparer mon mémoire, j'ai pris le temps d'examiner notre loi provinciale sur l'aide à l'enfance, qui vient d'être modifiée par suite du rapport Gove. Elle a une portée très limitée lorsque des enfants commettent des infractions très graves et abominables. Il faut toutefois se demander si nous voulons recourir aux tribunaux pour adolescents dans ces cas exceptionnels ou si nous voulons modifier les lois sur l'aide à l'enfance pour nous occuper plus efficacement de ces cas, notamment en prévoyant des établissements de garde en milieu fermé pour les enfants, afin de les traiter et de régler le problème.

Je vous signale la province de Québec, qui semble avoir mis en place une loi provinciale prévoyant des mesures assez efficaces à l'égard des enfants de moins de 12 ans, dont la garde en milieu fermé, pour les rares cas où c'est nécessaire.

J'aimerais passer maintenant à la question de la communication de renseignements sur les jeunes contrevenants déclarés coupables. L'association s'inquiète qu'on demande l'affaiblissement de la protection de la vie privée prévue par la loi.

Nous avons constaté des changements récemment. Le projet de loi C-37 a modifié la loi de façon à ce que des renseignements puissent être communiqués au besoin à des professionnels, notamment les directeurs d'école. Cela nous paraît logique. Vous pourriez peut-être songer à modifier la loi de façon à ce que, dans les cas très exceptionnels où un jeune contrevenant constitue une menace importante pour la société, il soit possible de communiquer des renseignements à ceux qui ont besoin de savoir.

Mais nous pensons que les raisons et les justifications des mesures visant à protéger les renseignements personnels sont encore fondées. En règle générale, nous pensons que révéler l'identité des jeunes contrevenants ira à l'encontre des intérêts de la société à l'égard de la prévention du crime plutôt que de favoriser la prévention du crime.

.2025

L'un des arguments que nous avons entendus en faveur de la réduction des mesures de protection des renseignements personnels est qu'il faudrait laisser les parents décider s'ils devraient avoir accès à cette information, afin de surveiller les gens que fréquentent leurs enfants.

À notre avis, cet argument ne tient pas, principalement parce qu'une telle mesure ne serait probablement pas efficace. Il y a tant d'information disponible qu'on peut se demander dans quelle mesure un parent peut réussir à tirer parti du fait que l'identité des jeunes contrevenants est révélée.

Deuxièmement, il est très difficile pour les parents de savoir qui fréquentent leurs enfants.

Troisièmement, si un enfant ne veut pas que ses parents sachent avec qui il se tient, il peut trouver des moyens de contourner la difficulté. Nous ne voyons donc vraiment pas comment cette mesure pourrait être efficace.

Je veux parler brièvement de l'admissibilité des déclarations. Là encore, nous pensons qu'il y a de bonnes raisons à ces mesures de protection prévues dans la loi. Les études - et je vous recommande un article du McGill Law Journal au sujet de l'admissibilité des déclarations et de la vulnérabilité des jeunes face aux personnes en autorité quant aux déclarations et aux confessions - montrent que ces dispositions sont fondées. Nous ne pensons pas qu'elles devraient changer.

Le dernier aspect que je veux aborder avant que vous m'interrogiez est la notion de renvoi à un tribunal pour adultes. Lorsqu'elle s'est penchée sur certains problèmes liés à la Loi sur les jeunes contrevenants, notre association a remarqué que cet aspect est particulièrement troublant, du point de vue des libertés civiles. Le processus de renvoi actuel pose des difficultés et occasionne des délais importants entre l'audience de renvoi et la décision du tribunal.

Si vous consultez les statistiques, il y a parfois un délai de six mois à un an avant qu'un enfant ne soit jugé par un tribunal, pour adolescents ou pour adultes. Entre-temps, ces jeunes attendent leur procès dans des centres de détention où ils sont en contact avec des éléments criminels dont nous voudrions les éloigner. Il importe de souligner que ces délais minent l'une des principales justifications de la création du système des jeunes contrevenants, soit l'accès rapide aux tribunaux. C'est le premier problème que pose le processus de renvoi.

Le deuxième problème est la nature de l'audience proprement dite. Il s'agit d'une audience administrative. On la qualifie d'administrative. Les règles concernant l'admissibilité de la preuve sont assouplies, de telle sorte que le juge est censé présumer l'accusé coupable et imaginer le pire scénario présenté par la Couronne. Les ouï-dire, les dépositions sur la foi d'autrui sont pris en considération dans la décision du juge qui doit juger le jeune, car il s'agit-là de la fonction de l'audience de renvoi.

C'est un grand problème, selon nous. Cela va à l'encontre du principe fondamental de la justice pénale selon lequel on est présumé innocent jusqu'à preuve du contraire.

Un troisième problème pratique est que les jeunes qui ont une audience de renvoi sont incités à faire semblant de se réinsérer rapidement dans la société afin d'être jugés par un tribunal pour adolescents. Afin de montrer leur désir de réinsertion sociale, ils ont intérêt à déclarer aux psychiatres et aux psychologues qui les examinent qu'ils sont responsables de l'acte criminel. Or, quand vient le procès, ils peuvent adopter une attitude différente et plaider non coupable.

C'est donc une situation inextricable qui, selon nous, est assez bizarre et intolérable. Il faut vraiment examiner avec soin le processus de renvoi.

Nous vous recommandons de ne pas effectuer l'audience de renvoi avant le procès et de déterminer la peine après le procès, puisque c'est à ce moment-là que les facteurs touchant à la peine devraient être pris en considération. Si ce changement était apporté, il faudrait régler certaines questions concernant les avantages ou choix de procédures qui s'offrent à un jeune lorsqu'il est jugé par un tribunal pour adultes mais qui lui sont refusés lorsqu'il est jugé par un tribunal pour adolescents.

.2030

Vous devriez apporter les changements qui ont été apportés récemment à l'article 19, au sujet des procès pour meurtre. Le jeune peut choisir d'être jugé par un juge et un jury - par un juge d'une juridiction supérieure - et d'avoir accès à une enquête préliminaire. Nous proposons que cette disposition soit adoptée.

Voilà brièvement mes idées, présentées un peu dans le désordre. Je suis prêt à répondre à vos questions.

La présidente: Monsieur Ramsay, vous avez dix minutes.

M. Ramsay: Merci, madame la présidente.

J'aimerais remercier notre témoin de son exposé. J'espère que votre groupe examinera également le projet de loi C-55. J'aimerais bien savoir ce que vous en pensez.

Des voix: Oh, oh!

M. Mollard: Nous sommes en train de l'examiner. D'ailleurs, nous aurons peut-être la possibilité de comparaître devant vous.

M. Ramsay: Bien.

Je ne suis pas d'accord avec certaines de vos conclusions et j'espère que ce que je vais vous suggérer... J'espère que vous avez la couenne dure. N'y voyez rien de personnel, bien entendu.

Premièrement, j'aimerais discuter de l'âge maximum. Vous savez, bien sûr, que le projet de loi C-41 prévoit des solutions de rechange permettant à des adultes de ne pas être incarcérés, même lorsqu'ils ont commis un acte violent.

Nous nous sommes inquiétés de ces dispositions et avons présenté une modification afin que les criminels violents ne soient pas visés par cette disposition, mais le gouvernement ne nous a pas écoutés. Cela ne changerait pas grand-chose si les jeunes de 16 ou 17 ans étaient jugés par un tribunal pour adultes. Ils auraient encore d'autres solutions de rechange qui, dans la plupart des cas, leur permettraient d'éviter l'emprisonnement. Je le dis simplement en passant.

Je veux faire deux autres observations et vous poser une question. En ce qui concerne la divulgation de l'identité, il me semble que vos recommandations et vos conclusions - et je suis persuadé que vous me corrigerez si j'ai tort - penchent nettement en faveur du contrevenant. Nous devons équilibrer les droits du contrevenant et ceux des victimes ainsi que la sécurité pour la société.

Même si vous avez indiqué que, lorsqu'il est clair que le contrevenant constitue une menace pour la société, une disposition devrait permettre que son identité soit révélée, vous avez fait d'autres affirmations qui me priveraient, en tant que parent, de l'information dont je pourrais me servir, ou tout au moins tenter de me servir, afin d'empêcher mes enfants de frayer avec des gens susceptibles de les entraîner dans le monde de la drogue, par exemple.

Vous me priveriez de ce droit. Que je réussisse ou non n'a pas d'importance. Vous me priveriez du droit d'accès à de l'information et des avantages que l'accès à cette information pourraient me procurer dans mes efforts.

Par contre, si je connaissais un jeune en difficulté et si j'avais envie de l'aider et d'aider sa famille, je ne pourrais pas le faire, parce que je serais privé de cette information. Cela va à l'encontre de ce que nous voyons dans des collectivités isolées et dans d'autres qui le sont moins. Ils font appel à des conseils de détermination de la peine, et la justice est une affaire publique. Quiconque veut assister aux séances du conseil est libre de le faire et la protection des renseignements personnels ne veut rien dire. Dans ces petites collectivités, tout se sait de toutes façons.

Je voudrais donner rapidement l'exemple d'un de nos témoins. Un dirigeant autochtone du Manitoba a comparu devant nous et nous a raconté qu'ils ont instauré un couvre-feu chez eux. Quiconque circule en automobile après minuit perd sa voiture. S'il s'agit d'un jeune, les parents paient une amende de 20$ et le nom du conducteur est annoncé à la radio locale le lendemain.

Alors, même si je comprends les avantages de la réinsertion sociale et si je reconnais que les motifs sont valables, nous devons maintenir un équilibre. Nous devons trouver un équilibre entre les possibilités de réinsertion sociale et les avantages qui en découlent pour la société à long terme, d'une part, et la protection de la société, d'autre part.

.2035

La question que je veux vous poser porte sur l'âge minimum. Devrions-nous abaisser l'âge minimum à moins de 12 ans? Ma question et mes craintes à cet égard sont liées au témoignage du professeur Bala, qui a comparu devant le comité et dont la réputation n'est plus à faire. Il a recommandé que l'âge minimum soit abaissé à 10 ans. Il a déclaré à ce propos - et je cite son témoignage:

Alors, la question que j'aimerais vous poser - et vous pouvez me dire ce que vous pensez de mes observations - est si la loi sur l'aide à l'enfance de votre province résisterait à une contestation judiciaire d'un parent qui invoquerait les arguments décrits par le professeur Bala. Ce parent aurait-il gain de cause s'il contestait la loi provinciale sur l'aide à l'enfance, comme le prétend le professeur Bala? C'est exactement ce qu'il laisse entendre. Un parent pourrait affirmer qu'il peut s'occuper du problème de son enfant, que l'enfant suit un programme de traitement et que des gens compétents s'en occupent. Aurait-il gain de cause si des représentants du gouvernement voulaient détenir l'enfant ou intervenir conformément à la loi provinciale?

M. Mollard: Aurait-il gain de cause actuellement, conformément aux lois actuelles?

M. Ramsay: Oui. À votre avis, aurait-il gain de cause?

M. Mollard: Je pense que vous avez soulevé une question très légitime et très importante. Je dois admettre qu'à mon avis, la loi actuelle en Colombie-Britannique comporte des lacunes en ce qui concerne les cas exceptionnels d'enfants de moins de 12 ans. Mais je vous demande, à vous du comité, de ne pas choisir la solution de facilité, soit de créer... Ne modifiez pas simplement la Loi sur les jeunes contrevenants pour qu'elle s'applique à tous les enfants de 10 et 11 ans. Collaborez plutôt avec vos collègues.

J'ai vu que le juge Gove avait témoigné. Je me demande si vous avez eu l'occasion de discuter avec la nouvelle commissaire de l'aide à l'enfance de la Colombie-Britannique, Cynthia Morton, pour vous assurer que le système d'aide à l'enfance de chaque province repose sur des assises solides avant de recourir au système de justice pénale. Vous avez certainement entendu des témoignages selon lesquels jeter des gens dans le système de justice pénale donne parfois des résultats contraires à ceux qu'on voudrait, soit les empêcher de récidiver.

Alors, je réponds oui. Je suis d'accord avec vous si vous affirmez que les lois de la Colombie-Britannique ne sont pas à la hauteur actuellement. Je les ai examinées rapidement et je pense qu'il y a des lacunes, ce qui veut dire que nous avons du travail à faire dans notre province. Je pense aussi qu'en parlant très franchement avec les gens responsables de l'aide à l'enfance dans notre province, vous devrez tenir compte de ces cas plutôt exceptionnels.

Ils ne sont pas nombreux. C'est plutôt une question de principe, et je crois que c'est très important. Comment voulez-vous traiter l'enfant de moins de 12 ans qui est l'auteur d'une infraction relativement mineure ou d'une infraction très grave et abominable? Voulez-vous le plonger dans un système de justice pénale qui le poussera probablement à récidiver? Ou voulez-vous intervenir au niveau de l'aide à l'enfance, afin d'apaiser les craintes légitimes concernant la protection de la société - par des établissements de garde en milieu fermé, par exemple? C'est un vrai problème en Colombie-Britannique, mais au Québec, par exemple, les lois peuvent régler ce problème.

.2040

Je vous exhorte donc à examiner d'abord cette solution - je ne pense pas qu'on l'ait fait - au lieu de recourir à la solution de facilité en modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants pour qu'elle s'applique aux enfants de 10 et 11 ans. Et si, au bout du compte, vous n'arrivez pas à vous entendre avec vos collègues provinciaux pour que ces dispositions existent, vous pourriez envisager des mesures exceptionnelles dans les cas extrêmes où il faut imposer des peines à des enfants de 10 ou 11 ans pour protéger la société.

Pour préparer mon mémoire, j'ai lu les témoignages des procureurs généraux du Manitoba et de l'Ontario. Ils vous ont recommandé tous les deux d'abaisser l'âge minimum dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Mais je ne sais pas s'ils ont pris la peine d'examiner les lois sur l'aide à l'enfance pour voir si elles ne pourraient pas être modifiées afin d'éliminer certains de ces problèmes concernant la protection de la société, la détention, etc. Je pense que l'exemple du Québec démontre qu'il est possible d'obtenir les réactions voulues. Je vous demande donc d'examiner cette possibilité avant de vous attaquer aux enfants de 10 et 11 ans.

Voilà ma réponse à cette question.

M. Ramsay: Merci. Mon temps est écoulé.

M. Mollard: Puis-je revenir rapidement sur quelques autres aspects?

La présidente: Évidemment.

M. Mollard: Il est intéressant de faire remarquer que les conseils de détermination de la peine dans les petites collectivités connaissent déjà l'identité des jeunes contrevenants. Pourquoi faut-il modifier la loi...

M. Ramsay: Et ailleurs?

M. Mollard: Ailleurs, je proposerais... Vous avez parlé d'équilibre. Je pense que c'est un aspect important. Notre association essaie d'adopter des positions très équilibrées, et la protection de la société est un objectif tout à fait légitime et parfois suprême - par exemple, dans le cas de la communication de l'identité des agresseurs sexuels. Nous pensons que s'il existe un risque dans certaines circonstances, alors il est légitime d'informer la population. Mais il revient aux autorités pertinentes, à ceux qui sont en mesure d'évaluer le risque, à ceux qui ont les compétences nécessaires pour le faire, de déterminer si l'identité doit être révélée.

J'essaie donc de faire valoir que, dans les plateaux de la balance, il y a la protection des renseignements personnels et un objectif de réinsertion sociale, afin de prévenir d'autres actes criminels. On parvient à l'équilibre en évitant de pousser les jeunes à récidiver en leur disant qu'ils sont des criminels, en évitant de les inciter à croire qu'ils sont des criminels parce que tout le monde le croit, ce qui les pousse à récidiver. On parvient à l'équilibre en s'assurant que des experts sont capables d'évaluer les risques. Au lieu que tout le monde ait accès aux renseignements - notamment les médias ou des parents qui s'en serviraient pour protéger leurs enfants - nous disons qu'il faut un équilibre et qu'il ne convient pas de révéler l'identité du jeune contrevenant. Il ne convient pas que tout le monde puisse connaître son identité, parce que nous ne pensons pas que ce soit équilibré. Alors, je ne suis pas d'accord avec vous à ce sujet.

Enfin, à propos des solutions de rechange pour les jeunes de 16 et 17 ans, je pense que l'argument ne tient pas vraiment. Je pense qu'il y a des différences importantes entre le système des jeunes contrevenants et le système des adultes, étant donné que celui des adultes prévoit des solutions de rechange. Il y a encore de grandes différences fondamentales lorsqu'un jeune de 16 ans commet une infraction relativement mineure, mais tout de même assez grave pour qu'on veuille le punir afin de s'assurer qu'il ne recommencera plus. J'hésiterais vraiment à dire que le Canada veut commencer à traiter les jeunes de 16 ans qui n'ont pas commis d'actes violents comme il le ferait s'ils étaient des adultes.

La présidente: Merci.

Madame Torsney, avez-vous des questions?

Mme Torsney (Burlington): Je pense que M. Gallaway était avant moi.

La présidente: Oh, pardon, monsieur Gallaway.

M. Gallaway: Non, je n'ai pas de questions.

La présidente: Madame Torsney, dans ce cas.

Mme Torsney: Dans vos dispositions sur le renvoi, j'ai remarqué que vous avez indiqué où nous pourrions apporter des changements, compte tenu de ceux que vous avez déjà apportés au projet de loi C-37. Pouvez-vous donner quelques explications sur la mise en oeuvre de ces changements? Comment proposez-vous de procéder? Je pense que c'est au deuxième ou troisième paragraphe avant la fin. Je vous pose la question publiquement, parce que nous ne sommes pas seuls.

.2045

M. Mollard: Actuellement, les jeunes de 16 ou 17 ans qui sont accusés de ces quatre infractions sont jugés automatiquement par un tribunal pour adultes, à moins que le jeune ne demande à être jugé par un juge pour adolescents. C'est l'inverse de la situation antérieure. Alors, nous avons proposé...

Je veux seulement m'assurer d'avoir bien compris la question. Vous demandez comment mes recommandations se répercuteraient sur le système actuel?

Mme Torsney: Je demande des éclaircissements parce que, trop souvent, les gens ne savent pas que les jeunes de 16 et 17 ans peuvent être jugés par un tribunal pour adultes pour dix des infractions les plus graves. Étant donné qu'il semble y avoir beaucoup de journalistes dans la salle, j'ai pensé que vous auriez ainsi la possibilité d'indiquer comment cela se passe et ce qui pourrait être fait pour que le système protège mieux nos collectivités.

M. Mollard: Je suis perdu. Je ne suis toujours pas certain de comprendre la question.

Je pense que ce qui importe, dans mon mémoire, c'est que le processus de renvoi actuel sape un grand nombre des principes fondamentaux de la justice pénale. Il touche à ce qui constitue essentiellement une question de détermination de la peine et un facteur de la détermination de la peine, avant même que nous sachions si le jeune contrevenant ou l'accusé est coupable ou innocent. À notre avis, c'est une aberration fondamentale par rapport aux principes de la justice pénale. D'ailleurs, la Cour d'appel de l'Alberta a comparé cette situation à une scène d'Alice au pays des merveilles. Il y a dans le mémoire une citation de la Cour d'appel.

Nous vous proposons de changer le système et de le changer de manière à ce que l'audience de renvoi ait lieu, comme il se devrait, après le jugement et se fonde sur ce jugement. De cette façon, le tribunal ne présumerait plus l'accusé coupable, dans le cas extrême, et n'aurait plus à décider si la peine doit être déterminée par un tribunal pour adultes ou pour adolescents.

Je ne sais pas si d'autres témoins vous ont fait cette suggestion. Je ne peux pas en revendiquer la paternité. Au cours de l'examen qui a précédé la rédaction de mon mémoire... Un juge provincial pour adolescents, en Ontario je crois, a fait cette suggestion. En y réfléchissant et en en parlant avec les gens, elle m'est apparue pleine de bon sens.

Si vous modifiez la loi pour que l'audience de renvoi ait lieu après le procès, vous devrez apporter d'autres changements. Je pense que vous pourriez conserver les dispositions prévoyant que les jeunes de 16 et 17 ans seront automatiquement jugés par un tribunal pour adultes, à moins qu'ils ne demandent à être jugés par un tribunal pour adolescents. Vous pourriez maintenir cette disposition pour les infractions particulièrement importantes et graves.

Me suivez-vous?

Mme Torsney: Oui, et je connais des gens qui ont fait cette suggestion, mais d'autres y voient de réelles difficultés, puisque le jugement serait rendu par une juridiction et que le procès se déroulerait à une autre. C'est un peu incohérent ou peut-être...

M. Mollard: Effectivement, en ce sens que, par exemple, un adolescent jugé par un tribunal pour adultes n'aurait pas accès à une enquête préliminaire et ne pourrait exercer un choix, ce qui irait à l'encontre de la Charte des droits et libertés. Par exercice d'un choix, j'entends le choix d'être jugé par un juge et un jury. Dans la Loi sur les jeunes contrevenants, vous avez déjà prévu ces types de choix, qui sont en un certain sens des choix de procédure équitable, à l'avantage de l'accusé. Vous pourriez offrir ces choix pour d'autres types d'infractions.

Il s'agit des types d'infractions visées par le processus de renvoi, les infractions les plus graves, bien entendu. Je pense que si vous apportez une modification pour que l'audience de renvoi ait lieu après le procès, afin d'être cohérents lorsqu'un jeune est jugé par un tribunal pour adultes, il faudrait aussi lui donner les choix qui s'offriraient à lui si procès se déroulait devant un tribunal pour adultes.

Je ne sais pas si cela apaise les inquiétudes qu'ont certaines personnes. C'est un peu délicat.

Mme Torsney: En effet.

.2050

Certains ont aussi proposé que nous tenions les parents responsables au civil ou au criminel des actes de leurs enfants. Je me demande si vous avez réfléchi à cette question. Je ne pense pas que vous en parliez dans votre mémoire.

M. Mollard: Pas dans notre mémoire, non, mais notre association s'est réunie et en a discuté. Comme vous le savez probablement, rien n'empêche actuellement une victime de poursuivre les parents de l'auteur de l'infraction, en droit de la responsabilité civile délictuelle. Rien ne l'interdit actuellement.

Il y a des questions de liens de causalité. Il faut déterminer s'il existe effectivement une responsabilité, s'il y a eu diligence raisonnable - tous les principes du droit de la responsabilité civile délictuelle, tels que la négligence. Tout cela existe déjà. Nous ne voyons pas pourquoi ces recours seraient refusés aux gens qui voudraient y avoir accès.

Mais nous avons beaucoup de mal à accepter des lois, comme il en existe au Manitoba, qui supposent que le parent est automatiquement présumé responsable lorsqu'un enfant est déclaré coupable d'une infraction: il s'agit d'un fardeau de la preuve inversé, puisque le parent doit démontrer qu'il a fait preuve de diligence raisonnable. Cela nous embête beaucoup.

La présidente: La Charte y est peut-être pour quelque chose.

M. Mollard: C'est bien possible. Le temps nous le dira.

S'il y a un motif d'infraction à la Charte, c'est qu'il existe un motif de principe de s'y objecter. Quiconque prétend que les actes d'autrui lui portent préjudice doit le prouver. On ne peut pas dire qu'un enfant a commis une infraction et qu'on présume donc que le parent est incompétent.

Nous ne pensons pas que les pressions en faveur de la responsabilité des parents par l'entremise des poursuites civiles ou des demandes de dommages-intérêts sont fondées du point de vue des principes. Ce qui a du bon sens c'est l'idée que les familles participent à la solution si leur enfant est déclaré coupable - que les parents et les familles en cause participent à la solution s'ils le peuvent et s'ils sont responsables.

Mme Torsney: Oui, mais il n'est peut-être pas cohérent non plus de poursuivre les parents, parce que, là encore, cela réduit la responsabilité des jeunes.

M. Mollard: En effet.

À notre avis, cette mesure frapperait surtout les familles monoparentales - la mère qui se débat, qui travaille et qui s'efforce de joindre les deux bouts. Il pourrait y avoir des conséquences négatives.

Mais je suis d'accord avec vous sur la question de la responsabilité, en ce sens que cela réduit la responsabilité de l'enfant.

La présidente: M. Gallaway avait une brève question, tout comme M. Maloney.

M. Gallaway: Je cède la parole à M. Maloney.

La présidente: D'accord.

M. Maloney: Monsieur Mollard, vous avez présenté des arguments très logiques sur les aspects que vous avez abordés, comme on peut s'y attendre de la part d'un représentant de la Civil Liberties Association.

M. Mollard: Merci.

M. Maloney: Nous avons entendu des propositions de déjudiciarisation très intéressantes au sujet des infractions ordinaires des jeunes contrevenants. Le taux de réussite à Maple Ridge est d'environ 93 p. 100, ce qui est très...

M. Mollard: De déjudiciarisation.

M. Maloney: Ils ont un taux de réussite de 93 p. 100, c'est-à-dire d'absence de récidive en un à deux ans, ce qui est fantastique.

M. Mollard: Oui.

M. Maloney: Ils reconnaissent donc qu'ils sont responsables de leurs actes. Comment équilibrons-nous des programmes comme celui-là, qui...?

Nous nous inquiétons des jeunes qui récidivent, qui commettent des vols à l'étalage, des entrées par effraction, des vols de voiture et peut-être d'autres infractions résultant de l'alcoolisme et de la toxicomanie. Comment équilibrons-nous votre position à l'égard des libertés civiles et le résultat final, lorsqu'une décision rapide...

M. Mollard: Exactement. La question est intéressante.

Nous vous avons présenté l'an dernier un mémoire sur les jeunes contrevenants. Je vous vois faire signe de la tête. Dans ce mémoire, nous avons appuyé vivement la déjudiciarisation, comme nous le faisons pour les adultes.

L'élément clé en ce qui concerne les libertés civiles est qu'il faut assumer une responsabilité pour participer à la déjudiciarisation. Le principe fondamental des libertés civiles est qu'une fois que vous assumez la responsabilité afin de participer à la déjudiciarisation, l'État ne peut pas se servir de votre confession pour vous poursuivre au criminel. Nous pensons donc qu'il y a un équilibre et une protection raisonnables. Après avoir obtenu une confession, l'État peut s'en servir si la déjudiciarisation ne fonctionne pas.

.2055

Par ailleurs, nous pensons que recourir aux moyens les moins envahissants, les moins contraignants pour régler le problème est un bon principe. Nous pensons que la déjudiciarisation y parvient. Elle semble logique à tant de points de vue: du point de vue des libertés civiles et des restrictions minimales à la liberté; du point de vue des politiques publiques et du financement. Il coûte certainement moins cher de faire participer des jeunes contrevenants à un programme de déjudiciarisation que de les incarcérer.

Je pense que c'est conciliable, et notre association s'est clairement exprimée en faveur des programmes de déjudiciarisation. Si le taux de réussite est vraiment aussi élevé, alors cela démontre qu'il y a de bonnes raisons de recourir à ces programmes.

La présidente: Merci beaucoup pour votre contribution, monsieur Maloney.

Le comité suspend ses travaux jusqu'à nouvelle convocation de la présidente.

Retourner à la page principale du Comité

;