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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 12 février 1997

.1536

[Français]

La coprésidente (Mme Guarnieri): Puisqu'il y a quorum, nous allons commencer. J'aimerais souhaiter la bienvenue au commissaire Goldbloom. Je sais que vous avez beaucoup d'idées et je pense que les membres du comité ont hâte d'entendre vos commentaires concernant notre étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles dans la région de la Capitale nationale.

Je vous demanderais, avant que nous commencions nos travaux, de bien vouloir nous donner un aperçu du suivi que vous avez effectué ces derniers mois concernant la mise en oeuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.

M. Victor C. Goldbloom (commissaire aux langues officielles): Madame la coprésidente, monsieur le coprésident, je vous remercie. Je voudrais justement offrir au comité une mise à jour concernant un certain nombre de dossiers. J'espère donc, madame la coprésidente, que vous m'accorderez quelques minutes de plus que le temps de parole normalement imparti.

[Traduction]

M. Allmand (Notre-Dame-de-Grâce): J'invoque le Règlement, madame la présidente. Je suis surpris que nous abordions aujourd'hui des sujets qui ne sont pas dans l'avis de convocation. Il était annoncé en effet que nous étudierions l'application de la Loi sur les langues officielles dans la région de la capitale nationale.

J'aurais été tout à fait disposé à traiter de ces autres questions, mais j'apporte les dossiers et documents que me dicte l'avis de convocation. Je ne pense pas qu'il soit normal de convoquer une réunion sur un sujet pour ensuite traiter d'autres questions. Si c'est la façon dont vous entendez procéder, il y a un certain nombre de sujets que je mettrai volontiers à l'ordre du jour, notamment la question des écoles au Québec et tout un tas d'autres points.

Je suis tout à fait surpris d'apprendre que nous allons traiter de plusieurs sujets qui n'étaient pas sur l'avis de convocation.

La coprésidente (Mme Guarnieri): Monsieur Allmand, je crois que nous laisserons àM. Goldbloom la possibilité de discuter de ce qui devrait à son avis être porté à notre attention. Nous devons profiter de sa présence. Cela ne nous empêchera certainement pas, monsieur Allmand, de poser des questions sur les sujets que vous êtes prêt à aborder. Si vous consultez nos procès-verbaux, vous constaterez que la majorité des membres du comité posent toutes les questions qu'ils veulent aux témoins qui comparaissent devant nous. Nous n'avons jamais limité la portée de nos questions. Chacun demande ce qu'il veut.

Peut-être pourrions-nous donc entendre M. Goldbloom et profiter du temps qu'il nous accorde.

M. Allmand: J'insiste sur le fait que ce n'est pas correct. Si nous convoquons une réunion, il est vrai que nous pouvons poser toutes les questions que nous voulons sur le sujet prévu, mais je n'ai jamais entendu dire que nous donnions avis d'une réunion, par exemple, sur la mise en application de la partie VII pour ensuite accepter que l'on aborde d'autres sujets. Ce serait le désordre le plus complet. Cela signifierait que je pourrais présenter une motion et prendre tout le monde par surprise sur une question dont il n'avait jamais été question que nous parlions.

.1540

La coprésidente (Mme Guarnieri): Peut-être pourrions-nous régler tout de suite la question afin de gagner du temps.

Le comité veut-il laisser à M. Goldbloom la possibilité de...?

Des voix: D'accord.

La coprésidente (Mme Guarnieri): Merci.

M. Allmand: Évidemment, si la majorité est d'accord... Je vous demanderais à l'avenir, en tout cas, d'indiquer sur l'avis que la réunion peut porter sur n'importe quel sujet touchant les langues officielles et j'arriverai avec toutes sortes de documents et de dossiers. Je suis venu, cette fois, prêt à traiter d'un sujet et voilà que nous allons en aborder tout un éventail.

La coprésidente (Mme Guarnieri): Monsieur Allmand, peut-être pourrions-nous ne pas perdre de temps parce que je suis sûre que vous avez hâte de poser vos questions.

Monsieur Goldbloom, vous avez la parole.

M. Goldbloom: Madame la présidente, je ne sais pas quel était l'ordre du jour précis du comité et je voulais simplement vous dire où nous en étions sur certaines questions... Si le comité choisit de traiter d'autres sujets, la décision lui revient.

Je voulais simplement dire très brièvement qu'en décembre, j'ai rendu public un rapport sur l'utilisation des deux langues officielles sur Internet. Nous avions en effet reçu un certain nombre de plaintes à cet égard. Nous avons commencé à examiner la question et découvert qu'en fait il y avait certains obstacles à l'utilisation des deux langues officielles, notamment du français. Nous avons d'autre part noter en poursuivant cette étude que ces obstacles disparaissaient progressivement, que le volume d'information disponible dans les deux langues augmentait et qu'en fait, le Canada commençait à jouer un rôle de chef de file dans la communauté francophone internationale en ce qui concernait l'utilisation d'Internet.

Je voudrais aussi vous parler de la mise en application de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Vous vous rappellerez que le comité a chargé le commissaire d'évaluer les plans d'action de 27 institutions fédérales qui devaient présenter de tels plans. Nous avons entrepris de le faire grâce à un système d'analyse que nous avons publié et fourni aux institutions en question. En évaluant les plans que nous avons reçus, nous avons été obligés de faire un certain nombre de commentaires assez négatifs. Nous avons toutefois exprimé l'espoir que grâce à ce mécanisme d'évaluation et aux commentaires que nous faisions aux institutions en question, une deuxième génération de plans d'action serait préparée qui montrerait une amélioration sensible.

Madame la présidente, j'ai le plaisir d'informer le comité que c'est en fait le cas. Il y a eu une grosse amélioration dans la plupart des plans d'action que nous avons reçus après avoir demandé une nouvelle version consécutive à l'évaluation de la première. Il reste certaines faiblesses dans quelques-uns des plans d'action et nous les avons signalées aux institutions en question.

Je veux aussi dire que nous n'avons pas encore reçu la totalité des nouveaux plans d'action si bien que nos travaux se poursuivent et que nous ne pouvons pas encore vous fournir un rapport complet sur la deuxième génération de plans.

Je dois d'autre part dire que cela s'est révélé être une entreprise très lourde. Je dois bien dire au comité qu'étant donné les compressions des ressources matérielles et humaines, il devient de plus en plus difficile à notre personnel d'effectuer ce genre d'évaluation. Je voulais simplement vous le signaler.

.1545

[Français]

Troisièmement, j'aimerais mentionner que, depuis un certain temps, il y a des négociations qui portent sur la dévolution possible de certaines responsabilités du palier fédéral vers le palier provincial. Les communautés de langues officielles vivant en situation minoritaire expriment cependant d'assez vives inquiétudes concernant les protections et les services prévus dans la loi fédérale qui risqueraient de ne pas être maintenus à partir du moment où cette responsabilité serait entre les mains des provinces. Nous avons d'ailleurs reçu plusieurs plaintes explicites et nous poursuivons présentement notre enquête à ce sujet. Les gens sont préoccupés par la formation des ressources humaines et également par le problème du logement social, et c'est ce dont je voulais précisément entretenir le comité.

Hier, j'ai rendu public un rapport sur l'emballage et l'étiquetage bilingue. J'aimerais prendre deux ou trois minutes pour décrire en détail la méthodologie que nous avons utilisée pour réaliser cette étude, qui arrive à la conclusion que les coûts inhérents à l'exigence de plusieurs lois et règlements selon laquelle il faut produire un étiquetage et des instructions dans les deux langues officielles pour l'emploi des produits sont vraiment minimes. On peut dire qu'en moyenne, le coût de l'information du public dans les deux langues officielles se chiffre à quelque deux dixièmes de cent par dollar de revenu généré par le produit.

[Traduction]

Nous avons tout d'abord entrepris une consultation assez large de nature semi-officielle. Nous avons parlé, essentiellement au téléphone, à une vingtaine d'associations différentes dans divers domaines d'activités: produits chimiques, alimentation, joaillerie, boissons gazeuses, distilleries, pêches, etc. Nous avons posé les questions générales suivantes: estimez-vous que c'est un problème important et jugez-vous que le coût est élevé? On nous a répondu que non, que c'était un coût normal au Canada et que cela ne semblait pas très élevé.

Nous avons ensuite entrepris nous-mêmes un projet pilote en nous adressant à un petit nombre d'entreprises en Ontario et c'est à peu près le même genre de réponses que nous avons reçues. Nous avons alors décidé d'entreprendre une démarche systématique et jugé que si nous voulions que cette étude soit crédible, nous ne devrions pas nous juger compétents pour la faire. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé à trois cabinets bien connus de comptables agréés d'entreprendre cette étude pour nous et d'interviewer les PDG d'un certain nombre de petites et moyennes entreprises. Cela a fait au total 33 petites et moyennes entreprises. Nous ne les avons pas choisies; ce sont les cabinets de comptables agréés qui les ont choisies. Les chiffres sont le résultat de pratiques normalisées de comptabilité. Il s'agissait de déterminer le coût initial de production de l'emballage et des informations et ce que cela coûtait chaque année. Nous avons considéré plus précisément - et c'est le chiffre que je donnais tout à l'heure d'un cinquième de cent par dollar de recettes - le coût supplémentaire, ce que coûte le fait de donner les indications dans les deux langues.

.1550

Nous avons continué à consulter trois organisations importantes: l'Association des manufacturiers canadiens, qui a un nom un peu différent maintenant, l'Association canadienne de l'emballage et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante qui représente plus précisément des petites et moyennes entreprises.

Nous avons effectué cette étude sans intervenir nous-mêmes sauf pour les grandes lignes. Les chiffres contenus dans le rapport sont des chiffres dont les cabinets de comptables agréés ont pris la responsabilité professionnelle. Cela pour deux raisons.

D'une part, nous recevons un certain nombre de plaintes, et celles-ci nous préoccupent, surtout lorsqu'elles touchent à la santé et à la sécurité des Canadiens. Vous savez certainement qu'il y a des produits qui sont considérés comme des produits dangereux. Ils sont assujettis à des conditions très strictes quant aux indications qui doivent être fournies à leur sujet. Mais il y a d'autres produits que l'on ne pourrait absolument pas déclarer dangereux qui peuvent néanmoins représenter un danger pour la santé ou la sécurité des Canadiens, et surtout des enfants canadiens, s'ils ne sont pas utilisés comme il faut. Lorsque nous trouvons un produit sur lequel un avertissement indique la façon de l'utiliser convenablement dans une seule langue, nous estimons que c'est un sérieux manquement à la responsabilité publique vis-à-vis de la population canadienne.

Nous avons collaboré avec trois ministères que la question intéresse particulièrement: le ministère de la Santé, le ministère de l'Industrie et le ministère de l'Agriculture. Dans chaque cas, nous avons examiné avec eux leur réglementation. Il nous est arrivé qu'une des entreprises qui nous avaient fourni des renseignements nous dise qu'à son avis certains des règlements étaient un peu compliqués et devraient être simplifiés. Nous avons évidemment transmis ces observations aux ministères concernés.

À notre connaissance, c'est la première fois qu'une étude de ce genre a été entreprise et nous voulions la porter à votre attention.

[Français]

Enfin, madame la présidente, j'arrive au sujet que vous avez indiqué comme étant celui dont nous parlerons plus en détail au cours de la séance d'aujourd'hui. Vous vous êtes penchés là-dessus à des séances antérieures et vous avez entendu des témoins. Si j'ai bien compris, la préoccupation des membres du comité est que l'information offerte au public par les locataires d'immeubles qui appartiennent à une institution fédérale soit présentée clairement dans les deux langues.

Je pense qu'il y a lieu de faire une distinction entre deux aspects qui sont évidemment liés l'un à l'autre. Il y a d'un côté l'affichage et de l'autre, le service.

.1555

Je me suis permis de faire un commentaire à ce sujet, à savoir que l'affichage qui n'est pas suivi d'un service n'est pas très efficace. Il n'est pas très avantageux pour le public de voir dans la vitrine des informations dans les deux langues et ensuite de ne pas pouvoir obtenir de service dans la langue de son choix une fois à l'intérieur.

En fait, on pourrait aller jusqu'à dire - j'exagère, évidemment - que l'affiche la plus importante dans la vitrine serait: «Ici on parle les deux langues officielles», et il faudrait surtout que cela soit vrai à l'intérieur.

Plusieurs questions d'ordre juridique ont été soulevées par des membres du comité, et j'ai demandé à mes services juridiques de bien vouloir se pencher là-dessus. J'aimerais donc faire part au comité de quelques commentaires concernant ces questions.

Est-ce que la Commission de la Capitale nationale et le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux ont le droit d'obliger un locataire à afficher dans les deux langues? Le fait est qu'il n'y a pas dans la loi de disposition explicite. La Loi sur les langues officielles ne porte pas directement là-dessus. L'article 25 de la loi traite des tiers qui agissent pour le compte d'une institution fédérale, mais la plupart des locataires ne sont pas, à mon sens, des organismes qui oeuvrent pour le compte d'une institution fédérale.

Il y a, dans le préambule de la loi, une allusion à la volonté du Canada d'appuyer la dualité linguistique dans la région de la Capitale nationale, et il y a évidemment la partie VII de la loi qui traite de l'appui que le gouvernement s'engage à donner aux communautés de langue officielle en situation minoritaire, mais nous n'aurions pas, en vertu de la Loi sur les langues officielles, le pouvoir d'intervenir dans de telles situations.

Néanmoins, il nous semble clairement possible et légitime qu'une clause appropriée soit incluse dans un bail et que cette clause soit appliquée. J'ai entendu au moins un témoignage selon lequel le fait que des clauses d'ordre linguistique aient existé depuis longtemps dans des baux mais n'aient pas été appliquées avait pour effet de les rendre désuètes. J'ai cependant du mal à être d'accord sur cette interprétation. Je ne suis pas juriste et je ne sais donc pas ce qu'un tribunal en ferait, mais j'ai nettement l'impression que si la clause existe, c'est qu'il y a une raison et qu'elle devrait être appliquée.

Je fais allusion à une série de questions soulevées par M. Allmand qui a demandé si, dans des édifices qui appartiennent à des institutions fédérales, on pouvait insister sur de telles clauses dans un bail. La réponse que je viens de donner est oui, sauf que ce n'est pas en vertu de la Loi sur les langues officielles. Il faudrait que ce soit une clause introduite dans le bail de façon explicite, et il ne suffirait pas de faire allusion dans une telle clause à la Loi sur les langues officielles. Il faudrait rendre plus explicites les exigences quant à l'affichage et quant aux services.

.1600

M. Allmand a beaucoup insisté sur ce qu'il a appelé en anglais

[Traduction]

«contract compliance», soit le respect des conditions du contrat et nous sommes d'accord avec lui sur son interprétation de ce que signifie dans ce contexte respect des conditions du contrat.

[Français]

Alors, nous sommes d'avis que de telles clauses sont légitimes, qu'il serait normal que celles-ci se trouvent dans les baux conclus par des institutions fédérales et que cela ne doit pas se limiter à ce secteur d'activités qui est défini dans l'article 25 de la loi. On peut et même on doit, à mon sens, insister plus largement sur la présence et le respect de telles clauses dans les baux. Merci.

La coprésidente (Mme Guarnieri): Merci. Monsieur Marchand, vous avez dix minutes.

M. Marchand (Québec-Est): Je vais avoir une série de questions concernant l'étiquetage, mais je vais d'abord vous poser une question sur l'affichage. Si j'ai bien compris ce que vous venez de dire, vous avez donné un avis juridique selon lequel les baux pouvaient exiger des services et de l'affichage dans les deux langues, mais que cette exigence ne découlait pas de la Loi sur les langues officielles.

Moi aussi, j'ai fait faire un avis juridique sur les baux de la Commission de la Capitale nationale. Le président de la Commission de la Capitale nationale nous avait dit que ces clauses étaient désuètes parce qu'elles n'avaient pas été appliquées, mais dans l'analyse faite par une avocate du gouvernement, il est dit que le langage utilisé actuellement dans les baux est non équivoque. Je cite:

Elle conclut après de longues analyses:

D'après vous, qui n'a pas fait son travail dans l'application des baux de la Commission de la Capitale nationale?

M. Goldbloom: Il me semble que c'est au propriétaire d'insister sur le respect de toutes les clauses d'un bail. Il y a des recours possibles selon les termes d'un bail.

Je voudrais également éclaircir un point. J'ai dit que l'on ne devait pas simplement faire allusion au respect de la Loi sur les langues officielles parce que cette loi n'est pas suffisamment explicite dans ce domaine. Mais il est clair que l'esprit de la loi appuie cette exigence de dualité linguistique dans l'affichage et dans les services.

M. Marchand: Mais le propriétaire des immeubles en question, c'est le gouvernement fédéral. Donc, le gouvernement fédéral, selon ce que vous dites, n'a pas su faire respecter les baux. Dans le fond, même si la Loi sur les langues officielles n'est pas coercitive à cet égard, son esprit voudrait que le gouvernement fasse appliquer ses baux dans ses propres édifices de la Capitale nationale du Canada.

M. Goldbloom: Il faut apporter une certaine nuance à cela. Je ne crois pas que l'on puisse appeler la Commission de la Capitale nationale le gouvernement du Canada. C'est une institution fédérale qui fait partie du grand appareil fédéral, mais l'autre propriétaire, le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, est partie intégrante du gouvernement. C'est là la nuance.

.1605

M. Marchand: Je reprends encore une fois ma question. Qui aurait donc la responsabilité de faire appliquer ces baux? On sait bien qu'ils ne sont pas respectés puisque la FCFA a fait une manifestation en juin dernier. Qui a la responsabilité de faire appliquer ces baux-là?

M. Goldbloom: Lorsqu'on signe un bail à titre de propriétaire, on a des responsabilités. Je pense que c'est assez clair.

M. Marchand: Est-ce que j'ai le temps de passer à un autre sujet? La question de l'étiquetage, comme vous le savez, a fait couler beaucoup d'encre dans les années 1970, quand on prétendait qu'il était très coûteux d'ajouter quelques lignes en français sur les boîtes de Corn Flakes au Canada. Vous nous arrivez maintenant avec une analyse qui démontre clairement que les coûts sont minimes, même dans le cas des multinationales, où les coûts sont pratiquement invisibles. C'est vraiment surprenant, mais d'autres trouveront que ça ne l'est pas.

Je me demande pourquoi vous n'avez pas fait de recommandation à la suite de cette étude-là pour faire en sorte que l'étiquetage dans les deux langues soit respecté au Canada, de la même façon que pour la loi qui existe déjà au Québec.

M. Goldbloom: Il me paraît implicite dans le rapport que le respect intégral des lois et règlements doit être exigé, mais la plupart de nos études portent sur la disponibilité des services et nous formulons des recommandations pour que les services soient mieux fournis.

Ici nous ne nous sommes pas penchés sur le respect de la loi, ce qui n'était pas notre objectif. Notre objectif était d'évaluer les coûts à cause de chiffres qui sont lancés en l'air par diverses personnes et qui sont plutôt astronomiques. Nous avons donc demandé à des firmes réputées de comptables agréés de bien vouloir analyser les livres d'un certain nombre de petites et moyennes entreprises et de nous fournir ces chiffres-là. C'est la raison pour laquelle il nous a semblé suffisant de choisir un certain nombre de régions du pays et de ne pas chercher à couvrir l'ensemble du pays.

M. Marchand: On sait pertinemment que l'étiquetage bilingue au Canada ne marche pas actuellement. On peut constater que beaucoup de produits à l'extérieur du Québec, au Canada anglais, ne sont pas affichés de façon bilingue, en tout cas pas d'une façon systématique. On pourrait même penser que certaines compagnies ont peur d'utiliser le français.

On peut mentionner la compagnie Corel ici, à Ottawa, dont le président a une belle maison à Rockcliffe et qui ne fait absolument rien pour qu'il y ait des explications en français sur ses produits. Il me semble que pour corriger cette injustice, et je dirais même ce mépris du français, il faudrait inciter le gouvernement fédéral à mettre sur pied un programme pour s'assurer que l'étiquetage soit bilingue à travers le Canada plutôt que de dépenser de l'argent pour des choses moins importantes, comme on le fait souvent.

M. Goldbloom: C'est justement la raison pour laquelle nous avons associé les ministères de la Santé, de l'Industrie et de l'Agriculture à notre travail. Nous les avons tenus au courant des résultats et des conclusions et nous les avons incités à revoir leurs règlements et, évidemment, à faire une bonne inspection des produits pour assurer un étiquetage bilingue.

.1610

Les déficiences que nous avons notées ont été surtout, et je l'ai mentionné plus tôt, dans le domaine des avertissements qui doivent servir à protéger la santé et à assurer la sécurité. Nous avons vu un certain nombre de produits qui comportent des instructions dans une langue seulement; dans les deux tiers des cas au moins, c'est le français qui manque.

Nous avons par contre décelé un nombre considérable de produits qui donnent beaucoup plus de renseignements que ne le requièrent la loi et les règlements. Pour ces produits qui sont sur le marché depuis très longtemps, depuis plus longtemps que les lois et les règlements n'existent, la compagnie a de sa propre initiative fourni de très amples renseignements dans les deux langues, trouvant que c'était une bonne affaire.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Guarnieri): Merci.

Monsieur Allmand, vous avez 10 minutes.

M. Allmand: Le commissaire a répondu aux questions que je voulais poser au sujet de l'objet de cette réunion.

La coprésidente (Mme Guarnieri): Vous n'avez pas d'autres questions, monsieur Allmand?

M. Allmand: Je vais respecter le Règlement.

La coprésidente (Mme Guarnieri): Monsieur Allmand, je reconnais que vous êtes un expert en matière de procédure...

M. Allmand: Non, non, je...

La coprésidente (Mme Guarnieri): ... et je sais que vous me pardonnerez cette transgression, mais je tenais à profiter de la présence de notre témoin.

M. Allmand: Je ne vous critique pas. Quand nous convoquons une réunion pour discuter du Budget des dépenses ou du rapport annuel du commissaire, nous pouvons poser toute question qui relève de sa compétence. Nous aurions pu le faire, mais je n'ai pas apporté mes dossiers concernant la partie VII.

La coprésidente (Mme Guarnieri): Monsieur Allmand, vous êtes un des députés les plus ingénieux que je connaisse. Vous n'avez pas de questions?

M. Allmand: J'avais des questions sur la région de la capitale nationale et le bon commissaire y a répondu.

La coprésidente (Mme Guarnieri): Merci.

Vous avez déjà répondu à ses questions.

M. Allmand: Je les ai posées à une autre réunion et il y a répondu.

La coprésidente (Mme Guarnieri): Sénateur Robichaud, à vous la parole.

Le sénateur Robichaud (Acadie): Merci. Je ne prendrai pas tout mon temps. Je conviens avec M. Allmand que le commissaire a répondu à presque toutes les questions.

La coprésidente (Mme Guarnieri): Commissaire, vous êtes certainement prophète pour avoir répondu ainsi à toutes les questions.

Le sénateur Robichaud: J'ai été heureux d'entendre qu'un groupe de comptables agréés avait été invité à vérifier le coût du bilinguisme dans les PME. Quand attend-on leur rapport?

M. Goldbloom: Il est prêt, sénateur. Il est sorti hier. Si vous ne l'avez pas encore reçu, je vous prie de nous en excuser; vous auriez dû le recevoir.

Le sénateur Robichaud: Est-ce celui-ci?

M. Goldbloom: Je pense que oui.

Le sénateur Robichaud: L'utilisation d'Internet par 20 institutions fédérales?

M. Goldbloom: Non, c'est l'autre. Il est intitulé Coût de l'emballage et de l'étiquetage dans les deux langues pour les PME au Canada.

Le sénateur Robichaud: Je n'ai pas eu le temps de le voir; je viens de le recevoir. Je suis content qu'il soit sorti.

C'est tout. Je n'ai pas d'autres questions.

La coprésidente (Mme Guarnieri): Sénateur Rivest.

[Français]

Le sénateur Rivest (Stadacona): Je voudrais poser deux questions. Premièrement, je pense que M. Marchand et vous-même avez établi qu'au niveau des baux dans la région de la Capitale nationale, il est très légal d'exiger que l'affichage aussi bien que le service soient fournis dans les deux langues officielles. Je pense que la distinction que vous avez faite est très importante. Notre comité a également travaillé dans ce sens-là.

Quelle suite entendez-vous donner à cela et à qui allez-vous adresser les conclusions que vous avez faites, autant au niveau du Commissariat qu'à celui du comité ici, de manière à ce que ce dossier puisse progresser et cheminer sur le plan incitatif à certains égards et sur le plan impératif à d'autres égards?

.1615

M. Goldbloom: Je suis à la disposition du comité. Si le comité souhaite recevoir un document qui expose les divers points que j'ai abordés, mais de façon nécessairement limitée, je serai heureux de le lui fournir. Il faut dire que, comme ce n'est pas en vertu, directement et explicitement, de la Loi sur les langues officielles, le rôle du commissaire est nécessairement limité.

Aussi aimerais-je souligner que ce n'est pas simplement une nuance, une différence entre un document et un autre. Si un locataire ne respecte pas les termes d'un bail, des procédures peuvent être engagées. Il faudrait cependant que ces procédures soient engagées en vertu du bail lui-même. Même si, dans certains cas, on peut invoquer l'esprit d'une loi devant les tribunaux, il est beaucoup plus facile de le faire lorsqu'il y a une clause explicite. Il nous semble impossible d'effectuer, d'un côté, un recours judiciaire en vertu de la Loi sur les langues officielles et d'un autre côté, de demander aux tribunaux de casser un bail pour non-respect de cette loi. Il faudrait que la clause soit elle-même dans le bail.

Le sénateur Rivest: Je ne veux pas aborder cet aspect un peu compliqué du fait qu'un bail concerne le locataire et le locateur. Ce sont les gens qui vont dans les commerces qui sont lésés, mais, juridiquement parlant, ceux-ci ne sont pas partie au contrat. Je me demande même s'il pourrait y avoir un recours de leur part. Si le locateur, qui est la Commission de la Capitale nationale, se désintéresse de la question, que le locataire ne veut pas assumer ses responsabilités au niveau de la clause qui est dans le bail et que, de plus, les tiers qui n'ont pas un intérêt juridique ne peuvent être partie, qui va poursuivre? La sanction juridique n'existera nulle part. Vous comprenez ce que je veux dire?

M. Goldbloom: Oui, je comprends. Je me rappelle le témoignage de la présidente de l'ACFO régionale, qui disait que c'était un problème commercial et non un problème politique. Je crois qu'elle veut continuer d'aborder le problème sous cet angle-là.

Le sénateur Rivest: Sur l'utilisation de la langue en matière d'étiquetage, pouvez-vous me rappeler brièvement et schématiquement comment se partage la juridiction à cet égard? Qui a juridiction pour imposer le français ou l'anglais? Est-ce que ce sont les assemblées législatives ou le Parlement canadien?

M. Goldbloom: À mon sens, c'est un pouvoir partagé. Il y a plusieurs lois fédérales qui portent sur l'information qui doit être fournie.

Le sénateur Rivest: Oui, quand ce sont par exemple des matières de santé et de sécurité qui intéressent le gouvernement fédéral, mais autrement, ça reste simplement un contrat qui relève du droit civil, c'est-à-dire de la province. Par exemple, au Québec, dans la Loi 101, il y a des dispositions qui concernent l'affichage.

M. Goldbloom: Exactement.

Le sénateur Rivest: J'ai été impressionné par le commentaire de mon ami M. Marchand, quand il pressait le gouvernement fédéral d'étendre le bilinguisme au domaine de l'affichage. Je suppose que ça s'applique dans tous les domaines au Québec.

M. Marchand: Oui.

Le sénateur Rivest: C'est bien. M. Marchand nous dit que ça s'applique également au Québec, mais il faut dire que le gouvernement fédéral a juridiction dans la mesure où le produit dont il est question est de juridiction fédérale. Autrement, cela reste strictement une matière locale qui relève des rapports d'un commerçant avec sa clientèle, et qui relève donc de la juridiction provinciale.

Mais le fédéral, à mon avis, n'a juridiction en matière de langues dans ces domaines-là uniquement lorsqu'il a par ailleurs la compétence de réglementer ces domaines. Je pense aux matières dangereuses, aux questions de drogue, enfin à toutes les autres juridictions du gouvernement fédéral.

.1620

M. Goldbloom: Je dois dire que la juridiction fédérale est quand même assez large. Je voudrais rapidement énumérer les lois et règlements qui sont de juridiction fédérale et qui s'appliquent. Pour les produits non alimentaires, il y a la Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation, la Loi sur les produits dangereux et le Règlement sur l'étiquetage et annonce des textiles.

Pour les produits alimentaires, il y a le Règlement sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation, le Règlement sur les aliments et drogues et le Règlement sur l'inspection des viandes. Il y a aussi le Règlement sur les produits transformés, le Règlement sur les produits laitiers et la Loi sur les produits agricoles du Canada. Chacune de ces mesures contient des exigences qui doivent être respectées dans le domaine concerné.

Le sénateur Rivest: C'est bien ce que je croyais. Presque toute ces lois sont déjà rattachées à un autre champ de juridiction fédérale. J'aimerais cependant que ce soit précisé, parce que je trouve qu'il faudrait savoir clairement si le gouvernement fédéral a vraiment, pour tous les produits et en toutes circonstances, la capacité d'imposer ses directives. Et je voudrais savoir pourquoi le problème s'est posé au Québec, en vertu de la Loi 101, sur les produits kasher par exemple.

Au Québec, on a une réglementation sur l'étiquetage qui impose le français. Dans la Loi 101, il y a des exceptions. Sans doute ces exceptions intègrent-elles les exceptions qui lui viennent du gouvernement fédéral au niveau de la Loi les aliments et les drogues, dans le domaine agricole ou de la santé. Il a fallu que la communauté juive au Québec se batte auprès du gouvernement du Québec pour obtenir l'exception pour les produits kasher, ce que le gouvernement de M. Bouchard lui a finalement accordé.

Donc, la juridiction des provinces est considérable. Celle du gouvernement fédéral, à première vue, me semble plus limitée.

M. Goldbloom: En fait, le Québec exige des renseignements plus abondants que la plupart des lois fédérales quant aux produits de consommation.

La coprésidente (Mme Guarnieri): Merci.

Monsieur Serré.

M. Serré (Timiskaming - French River): Je ferai juste un commentaire. Ce qui m'intéresse dans tout cela, ce n'est pas la jurisprudence mais plutôt les résultats. J'aimerais qu'à la suite de notre étude, dans la région de la Capitale nationale, tant du côté de l'Outaouais qu'ici, notre population soit desservie le mieux possible dans les deux langues officielles et qu'il y ait de l'affichage et des services dans les deux langues officielles.

Ce sujet a été soulevé par trois commissaires successifs, et il me semble que presque rien n'a été fait. On a de bonnes intentions. Les commissaires soulèvent le problème, mais il n'y a pas de suivi. Il n'y a absolument rien qui se fait. Je ne sais pas si c'est un problème commercial ou politique, mais je suis d'accord avec la présidente de l'ACFO régionale qui a mentionné que si les minorités exerçaient assez de pressions, les gens d'affaires comprendraient tous le signe de piastre.

En ce qui concerne le sujet particulier des édifices qui appartiennent au gouvernement, dont je fais partie, je pense que celui-ci, en tant que propriétaire, a la responsabilité de faire respecter les baux qu'il a signés avec les locataires. Pour répondre au sénateur Rivest, qui demandait à qui revenait la responsabilité, je pense qu'il est très clair que la responsabilité revient au ministre des Travaux publics et au gouvernement.

Je pense par conséquent que ce comité doit soulever la question auprès des autorités gouvernementales pour leur demander de faire respecter les baux qu'elles ont signés avec les locataires par l'entremise de la Commission de la Capitale nationale.

La coprésidente (Mme Guarnieri): Sénateur Robichaud.

.1625

Le sénateur Robichaud: Je voudrais revenir au recours aux tribunaux par les autorités fédérales.

Est-ce qu'il a fallu avoir quelquefois recours aux tribunaux pour faire respecter la Loi sur les langues officielles? Ou bien y a-t-il eu seulement des menaces de recourir aux tribunaux pour faire respecter la loi? Ou encore, est-ce qu'on pense qu'on pourrait éventuellement avoir recours aux tribunaux pour faire respecter la loi?

Je ne sais pas si vous êtes en mesure de répondre à ma question, mais quelqu'un devrait être en mesure d'y répondre.

M. Goldbloom: Il me faudrait faire quelques recherches afin de pouvoir répondre correctement à votre question. Je n'ai pas eu connaissance que de telles causes aient été portées devant les tribunaux, mais cela n'exclut pas la possibilité qu'il y en ait eu. Il faudra faire quelques recherches afin de pouvoir identifier ces causes au cas où il y en aurait eu.

Le sénateur Robichaud: J'aimerais savoir ce que vous suggéreriez pour que la Loi sur les langues officielles soit respectée dans le suivi d'un bail, c'est-à dire après qu'un bail est signé.

J'aimerais aussi savoir ce que vous suggéreriez vous-même au gouvernement ou au ministère des Travaux publics pour faire respecter la loi. Souhaiteriez-vous que les autorités fédérales aient recours aux tribunaux? Est-ce votre opinion en tant que commissaire?

M. Goldbloom: Malgré tout le respect que je dois aux tribunaux et au système judiciaire, je ne pense pas que ce soit la meilleure façon d'obtenir le résultat que nous souhaitons tous.

Je pense qu'il faudra un système d'inspection plus rigoureux et des communications plus soutenues avec les locataires afin de leur rappeler leurs obligations. Ou alors il faudra attendre que l'on ait apporté une preuve et que l'on ait déposé des documents devant les tribunaux, ce qui est long et coûteux. Il faudra peut-être faire un exemple avec un cas, mais il me semble préférable de souhaiter de la part du gouvernement fédéral une application plus rigoureuse et plus attentive des baux qui existent, ainsi que le choix d'une phraséologie précise pour les clauses afin d'être sûr que les exigences sont clairement exposées par le propriétaire et clairement comprises par les locataires.

Je pense que la persuasion est un moyen plus raisonnable pour obtenir des résultats que la menace ou encore les poursuites réelles devant les tribunaux. Ce serait dommage d'en arriver là pour obtenir de l'affichage et des services dans le respect des intérêts des citoyens et citoyennes.

La coprésidente (Mme Guarnieri): Merci. Monsieur Marchand, vous avez d'autres questions?

M. Marchand: J'ai en effet une autre question qui n'aura rien à voir avec les sujets dont nous venons de parler puisque la rencontre d'aujourd'hui nous permet d'aborder d'autres sujets.

Monsieur Goldbloom, je voudrais savoir, en ce qui concerne les commissions scolaires au Québec, si vous avez effectivement dit à la Gazette hier que

[Traduction]

«toute entente doit inclure une protection pour la minorité anglophone du genre de ce que garantit l'article 93 actuel».

.1630

[Français]

Est-ce que, d'après vous, les anglophones au Québec devraient avoir une protection additionnelle pour leurs commissions scolaires?

M. Goldbloom: J'ai dit d'abord que l'application de l'article 23 de la Charte est générale et ensuite que la Cour suprême du Canada a interprété cet article à deux reprises de façon élaborée: elle a identifié clairement le droit de chaque minorité de langue officielle de gérer son système scolaire et, deuxièmement, elle a énuméré des pouvoirs devant être accordés exclusivement aux parents ou à leurs représentants. Donc, il m'a semblé que l'article 23 de la Charte n'était pas une protection négligeable. Je reconnais qu'il y a des divergences de vue quant à l'application de l'article 23 dans son intégralité au Québec. Je ne suis pas un expert dans ce domaine, mais je tiens à mentionner cette divergence de vue.

J'ai dit également, au sujet de l'article 93 de la Constitution, que cet article existe depuis très longtemps et qu'il a fait l'objet de diverses discussions au cours des années, mais qu'il a été accepté comme essentiellement satisfaisant. L'objectif est de remplacer la protection des commissions scolaires confessionnelles par la protection de commissions scolaires linguistiques. Il me semble que si l'on pouvait trouver moyen de remplacer les allusions aux commissions scolaires confessionnelles par une allusion identique à des commissions scolaires linguistiques, cela représenterait une continuité de protection. Je ne me sens pas assez compétent pour aller plus.

M. Marchand: En effet, dans le passage que cité tantôt, vous ajoutez d'ailleurs

[Traduction]

cet article 23 de la Charte n'est «pas du tout aussi spécifique» dans la protection qu'il offre.

[Français]

Mais vous serez d'accord avec moi, monsieur Goldbloom, que la raison pour laquelle les commissions scolaires au Canada ne sont pas accordées aux minorités francophones, en vertu de l'article 23, n'est pas que la loi n'est pas claire, mais plutôt que les provinces refusaient de le faire, depuis fort longtemps d'ailleurs, et ne les ont accordées que quand elles y ont été forcées.

Vous avez mentionné par exemple le jugement Mahé et d'autres comme le renvoi au Manitoba, etc. qui a pris dix ans ou presque. La Saskatchewan et l'Alberta viennent d'avoir leurs commissions scolaires il y a deux ans à peine, et il faut dire que le gouvernement fédéral a dû payer pour obtenir les commissions scolaires. Le problème n'est pas la loi, mais plutôt une question de volonté de la part des provinces anglophones de respecter la loi, comme dans le cas de l'affichage à Ottawa. L'affichage à Ottawa est un autre cas où le gouvernement lui-même ne respecte pas ses propres baux.

Au Québec, les commissions scolaires des anglophones ont toujours été respectées. Les anglophones ont toujours géré leurs propres commissions scolaires au Québec, comme dans le reste du Canada. Et là vous dites que la protection n'est pas suffisante pour la minorité anglophone. Si on compare les deux situations, vous devriez, en tant que commissaire, dire plutôt qu'il devrait y avoir plus de protection pour les minorités francophones à l'extérieur du Québec pour leur permettre d'avoir leurs commissions scolaires. Je souligne en terminant qu'il y a encore quelques provinces canadiennes-anglaises qui ne respectent toujours pas l'article 23 de la Charte de 1982, qui date de16 ans.

La coprésidente (Mme Guarnieri): Monsieur Goldbloom, vous avez la parole pour terminer.

.1635

M. Goldbloom: Il ne faut tout de même pas m'attribuer des paroles que je n'ai pas dites. Lorsque j'ai mentionné que l'article 23 de la Charte est moins explicite dans sa phraséologie que l'article 93 de la Constitution, c'était simplement pour souligner le fait que cet article a dû être interprété, explicité si vous voulez, par la Cour suprême et par d'autres tribunaux afin que l'on sache exactement à quoi s'en tenir.

Je répète ce que j'ai dit il y a un instant. Pour moi, l'article 23 de la Charte n'est pas une protection négligeable. S'il y a une personne au Canada qui s'est intéressée à la gestion scolaire pour les communautés d'expression française en situation minoritaire, c'est bien votre humble serviteur. Il y a quatre ans, seules deux provinces à majorité anglophone avaient créé un système de gestion scolaire pour leur communauté francophone.

Maintenant, toutes les provinces l'ont fait, à l'exception de la Colombie-Britannique, qui n'est pas encore prête à agir. Terre-Neuve n'a pas encore agi de façon complète, mais a engagé un processus. L'Ontario vient d'annoncer la gestion scolaire. Vous pouvez constater que le tableau est bien différent de ce qu'il était il y a quatre ans.

J'évite, dans la mesure du possible, les comparaisons. La raison pour laquelle je cherche à les éviter, c'est que lorsqu'on fait de telles comparaisons, il y a danger que l'on cherche à amener tout le monde à un dénominateur commun relativement bas. Il est évident que les ressources qui sont à la disposition de la plupart des communautés d'expression française en situation minoritaire sont inadéquates.

J'ai cherché à obtenir pour ces communautés, non seulement la gestion scolaire, mais aussi la création de centres communautaires et scolaires, l'éducation préscolaire ainsi que d'autres ressources comme la formation professionnelle et l'alphabétisation. Ce sont autant de ressources qui doivent être obtenues, et c'est sur cela que je centre la majeure partie de mon attention.

M. Marchand: Autrement dit, monsieur Goldbloom, vous souhaitez une protection accrue pour la minorité anglophone au Québec, comme le suggère Alliance Québec.

M. Goldbloom: Est-ce que j'ai dit cela?

M. Marchand: C'est-à-dire que vous laissez entendre encore une fois dans vos propos que l'article 23 est insuffisant, bien qu'il y ait eu des progrès. C'est ce que vous dites dans l'article de la Gazette.

M. Goldbloom: Monsieur Marchand, je vous en prie. J'ai beaucoup de respect pour les journalistes et je ne voudrais pas dire du mal des journalistes ou d'un journaliste en particulier, mais entre ce que l'on dit et ce qui est écrit dans un journal, il y a souvent quelques nuances différentes. Alors, je vous prie de ne pas m'attribuer le genre de déclaration que vous cherchez à placer dans ma bouche.

La coprésidente (Mme Guarnieri): Monsieur Marchand, je pense que vous avez votre réponse. M. Allmand posera les dernières questions.

[Traduction]

M. Allmand: Ma question est complémentaire à celle de M. Marchand.

Dans la déclaration récente du gouvernement du Québec quand il a proposé que le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada abrogent l'article 93 de la Constitution de 1867 concernant l'éducation, il a déclaré que l'article 23 de la Charte protégerait suffisamment les anglophones au Québec et que les anglophones avaient les mêmes protections en vertu de l'article 23 que les francophones hors Québec. N'est-il pas vrai, monsieur Goldbloom, que ce n'est pas le cas?

.1640

Alors que les alinéas a) et b) du paragraphe 1 de l'article 23 s'appliquent à toutes les autres provinces du Canada, seul l'alinéa 23(1)b) s'applique au Québec, en vertu de l'article 59 de la Loi constitutionnelle de 1982. Autrement dit, les francophones hors Québec peuvent demander l'éducation dans leur langue si leur langue maternelle est le français ou si leurs parents ont suivi leurs études en français au Canada. Au Québec, la première partie ne s'applique pas. On peut demander l'éducation en anglais si l'on est de langue maternelle anglaise seulement en vertu de l'alinéa b) - à savoir si les parents ont fait leurs études en anglais quelque part au Canada.

Cela a été fait en vertu de l'article 59. Il n'en a pas été question dans les propos du premier ministre du Québec ni du ministre responsable des affaires intergouvernementales; il n'en a pas été question non plus dans les journaux. Il est intéressant de noter qu'en vertu de l'article 59, le gouvernement du Québec peut à tout moment invoquer l'alinéa a) du paragraphe 23(1). Bien qu'on lui ait demandé de le faire à plusieurs reprises, il a toujours refusé de le faire.

Dire donc que l'article 23 s'applique pleinement au Québec pour les anglophones du Québec est faux. J'aimerais avoir votre réaction à ce sujet. Êtes-vous au courant? Connaissez-vous l'article 59 de la Constitution?

M. Goldbloom: Il s'agit évidemment d'un sujet que vous avez étudié de près et c'est là la raison pour laquelle j'ai dit peut-être un peu vaguement qu'il y avait une différence de point de vue quant à l'application de l'article 23 de la Charte au Québec et quant à savoir si celui-ci offre en fait une protection équivalente.

C'est la raison pour laquelle j'ai dit que nous avons cet article 93 de la Constitution depuis longtemps et qu'il semble être appliqué de façon à offrir une protection raisonnable. Si cela devait être modifié en remplaçant les commissions des écoles séparées par des commissions linguistiques et que la nature de la protection demeurait inchangée, cela me semblerait raisonnable.

M. Allmand: Si vous permettez, l'article 93 stipule que bien que l'éducation relève de la compétence provinciale et que les provinces puissent adopter des lois sur l'éducation, «rien dans ces lois ne devra préjudicier à aucun droit ou privilège conféré, lors de l'union, par la loi à aucune classe particulière de personnes dans la province».

Autrement dit, tous les droits et privilèges que les protestants et les catholiques avaient en matière d'éducation avant 1867 au sein de la Confédération seraient maintenus et aucune province ne pourrait les leur retirer. Cela ne s'appliquait pas seulement au Québec mais à l'Ontario, à la Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et le moment venu, au Manitoba, en vertu de la Loi sur le Manitoba, à l'Alberta, en vertu de la Loi sur l'Alberta, et à la Saskatchewan, en vertu de la Loi sur la Saskatchewan.

M. Goldbloom: En effet.

[Français]

La coprésidente (Mme Guarnieri): Merci.

[Traduction]

Vos notes ne sont jamais des notes.

Nous n'aurons pas de débat constitutionnel aujourd'hui. Monsieur Allmand, vous étiez très sage au début. J'aurais dû vous écouter. En tout cas, merci.

[Français]

Merci d'avoir apporté votre contribution.

[Traduction]

Vous pouvez constater devant les nombreuses questions que vous avez inspirées aux membres du comité que nous aimerions beaucoup que vous puissiez revenir discuter d'autres questions avec nous. En tout cas, merci beaucoup.

M. Goldbloom: Je suis à votre disposition.

[Français]

La coprésidente (Mme Guarnieri): Nous allons avoir l'occasion de revenir sur ces questions.

La séance est levée.

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