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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 7 novembre 1996

.0850

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. J'aimerais vous dire quelques mots avant de céder la parole aux témoins.

Hier soir, grâce à la grande diligence des membres du comité, nous avons terminé l'étude du projet de loi sur la voie maritime et les ports. Par conséquent, le projet de loi C-44 est chose du passé pour ce qui est des travaux de ce comité.

C'est la première fois, aujourd'hui, que nous pouvons consacrer toute notre attention au transport, au commerce et au tourisme. Les membres du comité se rappelleront que nous avons entamé ce processus avec le ministre des Transports en juin dernier. Nous avons tenu une série de réunions où il en était partiellement question à mesure que nous nous déplacions à travers le pays et nous nous lançons maintenant dans le vif du sujet.

Je suis très reconnaissant au ministre de l'Alberta d'être venu nous rencontrer aujourd'hui.

Je vous remercie aussi de votre patience, monsieur le ministre. Comme je vous l'ai expliqué, nous avons travaillé très tard hier soir pour terminer l'étude de ce projet de loi. Je dois dire qu'une fois terminée l'étude d'un projet de loi, comme vous n'êtes pas sans le savoir, puisque vous siégez vous-même à une assemblée législative, tout ne s'arrête pas après que le président a donné le coup de marteau indiquant que le projet de loi est adopté; le processus est ensuite passé au peigne fin et cela peut prendre une heure ou deux et parfois même cinq.

J'apprécie vraiment que vous soyez des nôtres. Je vais vous laisser faire votre déclaration préliminaire maintenant et je suis sûr que les membres du comité auront ensuite des questions à vous poser.

L'honorable Robert Fischer (ministre des Transports et des Services du gouvernement de l'Alberta): Merci beaucoup, monsieur le président. Étant donné vos longues heures de veille hier soir et comme je sais pertinemment qu'on ne peut faire autrement avec certains projets de loi, je vais essayer d'être succinct. Je ferai un tour d'horizon aussi bref que possible. Lorsque certains points d'intérêt auront été oubliés, nous nous reprendrons à la période de questions qui doit suivre, si j'ai bien compris.

Messieurs, je suis heureux de cette opportunité qui m'est offerte de comparaître ici aujourd'hui au nom du gouvernement de l'Alberta. Je veux vous saisir de la position qu'a adoptée l'Alberta au sujet du rôle essentiel que jouent les transports dans nos secteurs du commerce et du tourisme. J'ai aussi l'intention de mettre en lumière une ou deux des seize recommandations contenues dans notre mémoire.

En tout premier lieu, je tiens à féliciter le comité d'avoir entrepris la tâche d'examiner cette très importante question. Nous savons tous que le Canada est un grand pays commerçant. Son économie et sa prospérité dépendent abondamment de son aptitude à commercer.

Notre pays peut se réjouir d'avoir un environnement propre et des panoramas magnifiques, que l'on songe aux montagnes Rocheuses qui bordent l'Alberta. Ces merveilles attirent au Canada et en Alberta des touristes du monde entier.

Mais tant s'en faut que les biens ne peuvent accéder aux marchés ni les touristes ne peuvent arriver à destination sans l'existence d'un bon système de transport. Je me centrerai donc aujourd'hui sur ce dont le Canada et l'Alberta ont besoin en matière de système de transport pour stimuler le commerce et le tourisme, deux industries dont nous dépendons largement.

En effet, le commerce et l'industrie sont deux des piliers de notre économie et, dans une grande mesure, l'expansion de l'Alberta sera façonnée par ces deux secteurs. La valeur des exportations de l'Alberta vers le reste du Canada et du monde a augmenté de plus de 20 p. 100 au cours de la dernière décennie, passant d'environ 35 milliards $ en 1984 à près de 43 milliards $ en 1994. La valeur totale de nos exportations représente maintenant plus de 50 p. 100 du produit intérieur brut de notre province.

Lorsqu'on parle de l'économie albertaine, on songe surtout habituellement au secteur traditionnel des ressources naturelles de cette province. Certes, il est vrai que nous exportons toujours beaucoup de pétrole, de gaz naturel, de charbon, de céréales et d'autres matières premières, mais, depuis la fin des années 70, nous avons sensiblement augmenté parallèlement nos exportations de produits manufacturés et de produits à valeur ajoutée. Citons par exemple les produits pétrochimiques, les pâtes et papiers, le matériel de télécommunication, les coupes de boeuf de première catégorie, les matériaux de construction et bien d'autres produits manufacturés ou traités. En fait, en dix ans à peu près, la valeur des produits manufacturés de l'Alberta et des produits à valeur ajoutée a triplé. Je suis fier de dire que cette augmentation des exportations à valeur ajoutée est partiellement attribuable à la politique de diversification prônée par notre province et à notre stratégie économique globale.

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La nature de nos exportations change tout comme les marchés. Traditionnellement, nos échanges se faisaient principalement sur un axe est-ouest. Maintenant, à l'instar du reste du Canada, la tendance de notre commerce est de plus en plus nord-sud. Tandis qu'environ 40 p. 100 de nos biens et services sont exportés vers les autres provinces, le reste, soit 60 p. 100, est acheminé vers d'autres pays, dont les États-Unis, qui continuent à être notre principal partenaire commercial. C'est pourquoi je tiens à féliciter le gouvernement fédéral de sa décision d'investir dans une amélioration importante de notre poste-frontière de Coutts, soit un investissement prévu de 15 millions $.

En 1995, nous avons expédié environ 77 p. 100 de nos exportations internationales aux États-Unis. Ce commerce a rapporté plus de 21 milliards $ à l'Alberta. Avec la mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), nous espérons que nos relations commerciales nord-sud avec les États-Unis continueront de s'épanouir. Croyez-moi qu'en Alberta, nous sommes très satisfaits de ce qu'a pu nous permettre d'accomplir l'ALENA jusqu'à maintenant. Nous croyons que le libre-échange contribuera encore à notre prospérité dans les années à venir. Les exportations vers d'autres marchés internationaux, plus particulièrement dans les pays de la côte du Pacifique, croissent également à un rythme très encourageant. En fait, elles croissent plus rapidement que sur nos marchés américains.

Sur ces quelques mots au sujet de notre infrastructure commerciale, permettez-moi d'aborder brièvement maintenant la question du tourisme. Alors que le commerce est la locomotive qui donne son impulsion à l'économie de l'Alberta, le tourisme a toujours été la force qui a expliqué l'expansion considérable du secteur des services en Alberta au cours de la dernière décennie.

L'industrie touristique albertaine représente 3 milliards $ et elle continue de prospérer rapidement. Près de la moitié de cette somme provient de touristes de l'extérieur de la province. Attirés par nos beautés naturelles, notre environnement propre et un dollar canadien très abordable, de même que l'hospitalité réputée des Canadiens et nos normes de sécurité routière, les vacanciers ne manqueront pas de continuer à affluer au Canada et en Alberta.

Il tombe dès lors sous le sens que le transport joue un rôle clé dans l'industrie touristique. À vrai dire, la sécurité routière, des routes carrossables et la durée des déplacements sont nettement des facteurs décisifs dans le choix de telles ou telles destinations.

Aujourd'hui, les touristes exigent des frais de transport concurrentiels, des temps de déplacement plus courts, une transférabilité aisée entre les modes de transport, un degré élevé de sécurité et de confort et un service de haute qualité. Les touristes rapportent souvent dans leurs bagages une impression impérissable des installations ou des services de transport qu'ils ont utilisés, qu'il s'agisse d'une autoroute ou d'une aérogare.

Si nous voulons que le Canada et l'Alberta demeurent concurrentiels dans ce marché touristique international et reçoivent leur part du gâteau, nous devons à tout prix offrir un système de transport de première classe qui soit à la hauteur des beautés naturelles qui attirent les touristes.

Monsieur le président, ce n'était là qu'un bref survol du commerce et du tourisme en Alberta. Néanmoins, j'espère vous avoir saisis de l'importance de ces deux secteurs clés de l'économie de l'Alberta.

J'aimerais maintenant passer aux recommandations de l'Alberta en vue de renforcer les liens qui relient les transports, le commerce et le tourisme.

Permettez-moi d'abord de dire qu'on ne saurait trop insister sur le rapport étroit qui existe entre le transport et la concurrence commerciale. En réalité, les frais de transport peuvent influer sensiblement sur l'établissement des prix des marchandises dans les destinations marchandes. Il s'ensuit que le coût du transport marchandises peut avoir des répercussions considérables sur la compétitivité des expéditeurs et des exportateurs. Par exemple, ce qu'il en coûte pour transporter des denrées en vrac de l'Alberta vers les ports de la côte ouest peut représenter 45 p. 100 du prix de livraison.

Si nous voulons appuyer nos fabricants, nos producteurs et nos expéditeurs et les aider à demeurer concurrentiels sur les marchés mondiaux, il faut que le gouvernement fédéral s'engage davantage dans deux domaines précis: l'infrastructure routière et la réglementation des transports.

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Ma première recommandation fait sûrement écho à celles de nombreux autres participants à cette série d'audiences. Je fais ici allusion à un programme national pour l'infrastructure routière du Canada.

Le réseau routier national joue et ce, de plus en plus, un rôle important dans l'expansion du commerce et du tourisme, et je vous ai déjà dit à quel point le transport est crucial pour ces deux secteurs en Alberta. Nous sommes tous au courant d'études selon lesquelles le Canada investit considérablement moins de deniers fédéraux dans son infrastructure routière que tous les autres pays industrialisés avec lesquels nous rivalisons pour notre part du marché mondial, quand on sait pourtant qu'un grand nombre de ces pays n'ont pas nos problèmes géographiques. Vous conviendrez, je le sais, que nos expéditeurs et notre industrie touristique sont affligés d'un désavantage naturel en ce sens qu'ils ne peuvent acheminer les marchandises et les gens aussi efficacement que leurs concurrents.

Certes, nous savons tous que c'est une question d'argent. Nous savons que le gouvernement fédéral perçoit plus de 5 milliards $ de taxes relatives à l'utilisation des routes chaque année mais ne réinvestit qu'environ 300 millions $ dans le réseau. Le gouvernement prétexte le déficit. Il semblerait donc qu'il n'y ait pas moyen de s'en sortir.

Il n'y a pas de solutions simples, mais je ne pense pas qu'on puisse accepter comme réponse de la part du gouvernement fédéral qu'il ne peut simplement pas se permettre un programme national d'infrastructure. C'est simplement affaire de priorités. Ce que je soumets respectueusement, c'est que le gouvernement fédéral devrait accorder une plus grande priorité à l'infrastructure routière nationale.

Nous ne pourrons réussir à commercer et à être concurrentiels sur les marchés mondiaux si nous ne parvenons pas à rajuster nos priorités. Nos couloirs commerciaux routiers doivent figurer au haut de la liste de priorités de financement. Nous ne pouvons absolument pas laisser notre infrastructure routière se dégrader lorsque nos rivaux commerciaux investissent des millions de dollars dans la leur chaque année. Je songe ici principalement à l'infrastructure américaine avec laquelle nous sommes en concurrence.

Nous devons revoir nos priorités et nous devons nous rendre compte que la prospérité à venir du Canada dépend en partie de notre capacité de transporter les biens et les gens aussi efficacement que d'autres nations concurrentes. Il nous faut pour cela un réseau routier efficace, de haute qualité qui relie nos centres de production à nos marchés intérieurs, à notre système de ports national et à nos marchés américains.

Je crois comprendre qu'il y aura peut-être un nouveau programme d'infrastructure national qui fera une petite place à l'aspect routier. C'est un beau commencement, mais c'est infime en comparaison des besoins de notre programme national d'infrastructure. Nous avons plutôt besoin d'une stratégie à long terme, qui soit globale, d'une stratégie semblable à celle du gouvernement fédéral américain qui a prévu un financement échelonné sur de nombreuses années pour entretenir l'Interstate System et les autoroutes principales.

Je sais également que dans certains milieux gouvernementaux au niveau fédéral, on verrait d'un très bon oeil que le secteur privé participe au financement du système routier. Bien que je sois tout à fait convaincu des mérites du secteur privé, car ne lui avons-nous pas en Alberta confié toute la conception, la construction et l'entretien de nos routes, je ne pense pas qu'il faille y voir un genre de panacée.

Certains projets routiers conviennent parfaitement au secteur privé, comme en Ontario le projet de l'autoroute 407 mais pour qu'une concertation entre les secteurs public et privé réussisse dans la réalisation d'un projet particulier, il faut que les rôles soient clairement établis. Nous avons demandé la participation du secteur privé en Alberta pour des projets précis, mais il n'y avait pas de concordance, de sorte que nous n'avons pu travailler en partenariat.

J'aimerais insister sur une deuxième recommandation, soit celle qui traite de la nécessité d'une ferme réglementation gouvernementale sur les réseaux de transports. Il nous faut de bons règlements qui garantissent la sécurité des réseaux de transport. C'est une responsabilité fondamentale que nous avons envers la population. Toutefois, il faut également que ces règlements encouragent la concurrence au sein de l'industrie des transports et facilite la circulation des gens et des biens.

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Nous devons donc faire en sorte que notre réglementation touchant les transports ne soit pas alourdie par des règles bureaucratiques injustifiées. Nous devons également nous assurer que nos règlements ne créent pas de barrières artificielles qui entraveraient la concurrence et l'efficacité.

Nous ne saurions être efficaces sur le plan de la concurrence sans l'appui d'un cadre réglementaire. Nous devons avoir un régime de taxes juste et concurrentiel pour tous les modes de transport. L'ingérence gouvernementale doit être minimale sur le marché. Nous devons harmoniser nos règlements sur les poids et dimensions des camions, sur la taxation et sur les douanes aux postes-frontières. Nous devons nous efforcer d'abolir les barrières au commerce et au tourisme dans des domaines tels les services d'autocars interurbains, les accords aériens bilatéraux conclus avec d'autres pays, les restrictions concernant la propriété étrangère de compagnies aériennes, les services ferroviaires nord-sud et ainsi de suite. Je vous renvoie à notre mémoire, qui donne plus de détails sur ces questions.

Le gouvernement fédéral a un rôle important et marquant à jouer dans l'amélioration de la réglementation visant l'industrie des transports. Lorsqu'il s'agit de l'incidence de l'industrie des transports sur le commerce et le tourisme interprovinciaux et internationaux, chaque province ne peut faire que sa petite part. C'est au gouvernement fédéral de prendre les rênes et de coordonner l'effort des provinces en vue d'abolir les barrières et de réaliser une plus grande uniformité propice à l'harmonisation. Si nous n'atteignons pas ces objectifs, ce grand pays qui est le nôtre continuera à se nuire en matière de commerce et de tourisme et nous serons simplement incapables d'assurer à notre système de transport l'efficience dont nous avons besoin pour pouvoir être dans la compétition.

Voici mes principales recommandations: premièrement, le gouvernement fédéral doit prendre l'initiative et mettre au point un programme national d'infrastructure à coûts partagés avec les provinces. Il nous faut un programme distinct pour le réseau routier, un programme qui ne soit pas un simple élément d'un nouveau programme national d'infrastructure. Il faut qu'on continue à améliorer notre réglementation du système de transport. Nous avons besoin d'un cadre réglementaire qui nous appuie, d'un régime de taxation concurrentiel et d'une plus grande harmonisation des règlements.

En conclusion, permettez-moi de réaffirmer que nous entérinons ce que fait le gouvernement fédéral pour remodeler et moderniser le secteur des transports au Canada. Citons entre autres initiatives la privatisation du CN, l'autorisation donnée à des groupes locaux d'administrer d'importants aéroports, la commercialisation des services de navigation aérienne et l'assouplissement incessant des opérations portuaires.

Je vous remercie d'avoir bien voulu écouter mes observations et mes recommandations sur ces importantes questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Nous allons maintenant passer à la période de questions. Monsieur Caron.

[Français]

M. Caron (Jonquière): C'est très bien.

Je vous remercie de votre présentation qui était vraiment exhaustive. Je voudrais simplement corroborer ce que vous avez dit à propos du tourisme en Alberta et à propos de l'intérêt qu'il y a, pour les Canadiens, à aller visiter l'Alberta. Je pense que c'est tout à fait juste. J'ai moi-même eu la chance d'y aller, malheureusement en tant que député. On arrive vite, on assiste à une réunion et on repart vite. Par contre, j'ai eu la chance que la réunion se tienne à Banff.

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Ce qui m'a particulièrement intéressé dans ce que vous avez dit concerne l'harmonisation de la réglementation. S'agit-il d'harmonisation entre les provinces? Je suis d'accord avec vous qu'il faut dépoussiérer ou débureaucratiser la réglementation. Cependant, vous serait-il possible de me donner des exemples où une mauvaise harmonisation de la réglementation entre provinces ou entre pays a pu nuire au commerce, au tourisme ou aux transports en général, en Alberta?

M. Fischer: Je veux parler du transport interprovincial au Canada et du transport international, plus particulièrement celui qui vise l'Ouest des États-Unis. Le poids et les dimensions de nos camions sont terriblement différents. Nous sommes allés rencontrer les autorités de certains états traversés par l'Interstate I-15, parcours que nous fréquentons énormément. Nos critères de poids sont très différents des leurs. Ils n'ont pas tardé à nous demander ce que nous avions fait pour harmoniser nos taux d'une province à l'autre au Canada.

En définitive, ce manque d'harmonisation engendre des coûts considérables aux camionneurs et hausse les frais du transport à la fois au niveau interprovincial et international, j'insiste.

Le président: Monsieur Gouk.

M. Gouk (Kootenay-Ouest - Revelstoke): Je veux vous interroger sur plusieurs points, et premièrement au sujet des poids et dimensions.

J'aimerais moi aussi qu'il y ait une certaine uniformisation. Toutefois, il y a un problème et ce problème concerne la Colombie-Britannique dont je suis un fier représentant. En Alberta, à l'exception des Rocheuses qui bordent le versant occidental de cette province, vous avez un réseau routier assez typique des Prairies, à la fois plat et relativement rectiligne. En Colombie-Britannique, ce réseau est souvent très accidenté et très sinueux. Cette différence a un côté problématique. De toute évidence, un gros poids lourd passe aisément partout ailleurs au Canada, et dans certains endroits de la Colombie-Britannique mais vraiment difficilement dans les régions montagneuses. Cela vous affecte un peu. Cela nous affecte considérablement. Cette situation est loin d'être facile pour nous.

La force d'une chaîne réside dans la force de tous ses maillons. Alors, comment pouvons-nous parler d'uniformisation si cette dernière ne tient pas compte du plus petit dénominateur? Est-ce vraiment notre intention? Allons-nous établir une norme pour l'ensemble du Canada, une norme qui réduise le poids et la taille des camions pour les rendre sécuritaires et aptes à traverser les régions accidentées et sinueuses de la Colombie-Britannique, ou bien allons-nous essayer de concevoir un semblant d'harmonisation, bien conscients de laisser de côté d'inéluctables difficultés?

M. Fischer: C'est certainement un problème, mais c'est une des idées que nous poursuivons avec le programme routier national. Peut-être pouvons-nous rajuster légèrement les critères à la hausse pour votre province et, où il devra y avoir une harmonisation. Toutefois, nous devons nous-mêmes faire preuve de souplesse, ce à quoi nous sommes parfaitement disposés, et ce, non seulement envers nos voisins de l'ouest mais avec ceux du sud évidemment.

M. Gouk: C'est sûr, mieux vaut mettre de l'ordre chez nous avant d'aller voir les Américains.

M. Fischer: Oui, mais cela nous ramène à notre programme routier national. Nous devrons peut-être investir dans l'amélioration de telles autoroutes de façon à renforcer un tant soit peu un maillon défaillant de la chaîne.

M. Gouk: Dans votre douzième recommandation, vous parlez de propriété étrangère en pensant aux compagnies aériennes. C'est fort à propos puisqu'une société du genre, basée en Alberta, est en sérieuse difficulté; une des quatre solutions retenues consisterait à élargir la propriété étrangère pour qu'elle puisse demeurer compétitive. Certes, avec certaines des autres solutions ou possibilités envisagées, on peut craindre que, si la Canadian Airlines est comprimée considérablement ou fusionnée avec Air Canada, il n'y ait plus de concurrence.

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Voyez-vous une concurrence quelconque lorsque les deux compagnies aériennes proposent un itinéraire identique, au même horaire et au même tarif? Ou bien favorisera-t-on cette concurrence, du moins sur les courtes distances, en donnant libre cours aux compagnies étrangères dans le contexte de l'accord Ciels ouvert et, à un niveau plus local, par le jeu de compagnies basées en Alberta comme WestJet?

M. Fischer: L'industrie aérienne est très complexe. Une mesure prise pour l'une de ces compagnies aura des répercussions sur l'autre. Nous souhaitions que s'effectue un examen approfondi de cette industrie pour juger de la pertinence du degré actuel de propriété étrangère.

Nous voulions simplement attirer votre attention sur l'importance d'un tel examen. Nous n'avons pas de position précise quant au taux de propriété étrangère. Nous voulons que cette question soit examinée, car nous souhaitons ardemment conserver les compagnies aériennes au Canada sans devoir leur accorder de fonds.

M. Gouk: Vous ne faites aucune recommandation précise?

M. Fischer: Non.

M. Gouk: Reste un autre point que je voudrais aborder brièvement avant de céder la parole à d'autres.

Parlons de l'affectation de recettes. Vous avez parlé de l'affectation proprement dite de fonds pour les infrastructures. Que pensez-vous d'une participation fédérale-provinciale sous forme d'une partie de leurs taxes d'accise sur les carburants? Au départ, on voulait ainsi constituer une caisse pour le réseau routier. Tous s'entendaient là-dessus. Maintenant ces recettes sont distribuées à droite et à gauche. La province de l'Alberta consentirait-elle à affecter aux infrastructures routières au moins une portion de ses propres taxes sur les carburants si le fédéral décidait de lui emboîter le pas?

M. Fischer: Certainement, ce serait avec joie. Ce projet est encore flou. Pour l'instant, nous affectons toutes nos taxes sur les carburants aux routes, comme d'ailleurs toutes les recettes que nous tirons de la délivrance de permis et en fait tout ce que nous pouvons. Oui, nous nous arrangerions bien pour faire notre part. Cette façon d'affecter les recettes nous plaît beaucoup.

M. Gouk: Merci.

Le président: Merci, monsieur Gouk. M. Cullen et M. Keyes prendront successivement la parole.

M. Cullen (Etobicoke-Nord): Merci, monsieur le président. Merci, monsieur Fischer, de votre exposé.

Mon intervention sera plus générale. Je m'interroge sur le rôle du secteur privé dans l'infrastructure des transports. On pourrait aborder cette question sous plusieurs angles, mais j'en privilégie un en particulier.

Certes, l'Alberta diversifie son économie, mais il n'en demeure pas moins que les ressources naturelles y jouent un rôle important. Les journaux parlent de l'intensification de l'exploration pétrolière et gazière.

La distribution des rôles me préoccupe quand on songe que ces domaines en plein essor commandent la construction de routes principales et secondaires, de toute une infrastructure de transport. Quel rôle y joue le secteur privé, selon vous?

On pense tout de suite au chemin de fer du Grand lac des esclaves qui a été construit pour relier Pine Point. Toutefois, Pine Point, aux dernières nouvelles, ne serait pas en chantier maintenant. Or, le chemin de fer devait servir à un but bien précis.

À quoi sert-il maintenant? Peut-être pourriez-vous, d'un point de vue plus global, nous renseigner sur le rôle des secteurs public et privé dans l'infrastructure des transports, sur la façon par exemple dont ils contribuent à créer et à entretenir cette infrastructure.

M. Fischer: Premièrement, j'ignore ce qu'il en est de ce chemin de fer. Quant à la participation du secteur privé, nous avons entamé des négociations avec l'industrie pétrolière et avec celle des pâtes et papier également, pour essayer de former des partenariats avec elles. Nous sommes assez satisfaits des résultats.

Nous cherchons actuellement à définir une politique qui soit juste pour toutes nos industries. Nous voulons qu'elles sachent à quoi s'en tenir avant de s'engager chez nous. C'est une tâche difficile, car il y a des différences entre les secteurs.

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Il est vrai que dans le nord de la province il y a très peu de routes. Nous devons compléter ce réseau. Est-ce que ce sera financé par l'industrie ou par le secteur public, nous l'ignorons encore. L'industrie participe financièrement à ce projet. L'industrie pétrolière est une partenaire active de nos administrations municipales également.

M. Cullen: Je m'y connais davantage en produits forestiers. Dans le cas de cette industrie, les routes débouchent sur des chantiers. On peut donc parler de routes principales et de routes d'exploitation. Une fois la zone dans le circuit, des scieries et des usines de papeterie s'installent.

Lorsque vous construisez ces routes pour faire de l'exploration pétrolière, j'imagine que vous distinguez certains secteurs, mais même alors vous pouvez tomber sur un puits improductif.

M. Fischer: Un puits sec.

M. Cullen: Un puits sec. Par conséquent, ce terrain stérile a pu occasionner toute une infrastructure dont vous allez vous débarrasser, j'imagine. Heureusement que l'industrie y a versé sa quote-part, dites-vous.

M. Fischer: Oui, elle y veille bien et la note est assez élevée. Toutefois, nous nous en sommes assez bien tirés. Ces dépenses ne représentent pas un gros poste budgétaire.

En fait, ce qui nous intéresse surtout, c'est un vaste réseau national qui aide les provinces, y compris la nôtre. En effet, nous devons prévoir des déplacements dans toutes les directions et ce, bien conscients du fait que la force de cette chaîne réside dans la force de chacun de ses maillons. Lorsque nous entrons en concurrence avec l'autoroute I-15 aux États-Unis, nous éprouvons des difficultés. Le coût de nos produits change de beaucoup.

M. Cullen: Le transport du bois de l'Alberta en Colombie-Britannique se pratique-t-il encore beaucoup ou bien...

M. Fischer: Il a énormément ralenti. Les prix ont changé et ne présentent plus le même caractère incitatif.

M. Cullen: Merci.

M. Fischer: Mais c'était bien là le problème, oui.

Le président: Merci, monsieur Cullen.

Monsieur Benoit, avez-vous une question à poser?

M. Benoit (Végréville): Merci, monsieur le président.

J'aimerais simplement donner suite à certains commentaires de M. Gouk. S'il est difficile d'imposer une réglementation unique à toutes les provinces, c'est entre autres parce que leurs circonstances ne sont pas les mêmes. On peut évidemment contourner le problème en demandant à chaque province d'établir des catégories de routes, par exemple de première, de deuxième, de troisième et de quatrième catégorie.

Les camionneurs pourraient alors emprunter librement certaines routes de la Colombie-Britannique sans danger. D'autres régions, comme celle de la rivière de la Paix, en Alberta, sont problématiques. Elles ressemblent beaucoup à la Colombie-Britannique et pourtant, les camionneurs ne peuvent les traverser. Pourquoi tolérons-nous cet état de chose?

Certes, nous ne devrions pas. Il faut y voir un manque de volonté politique dans la création d'un accord sur le commerce intérieur qui forcerait l'uniformisation des règlements de sorte qu'on puisse au moins laisser rouler des camions semblables sur des routes semblables dans tout le pays.

M. Fischer: Je vous conseillerais de commencer par le réseau primaire pour établir des normes nationales. Ce serait ensuite bien différent lorsque viendrait le tour des autres routes principales. Je frissonne à la pensée qu'il nous faudrait toutes les uniformiser.

M. Benoit: Il ne s'agit pas d'uniformiser mais de classifier. Nous voulons instaurer une certaine logique. Nous voulons qu'en l'absence de bonnes raisons pour interdire à un camionneur d'Alberta d'emprunter telle ou telle route dans une autre province, il puisse le faire. C'est en partie ce qui pose problème.

Selon vous, y a-t-il eu des progrès marquants dans la normalisation des règlements ou un assouplissement des conditions imposées aux camionneurs qui transitent d'une province à l'autre? Avance-t-on dans la mise au point de l'accord sur le commerce intérieur?

M. Fischer: Pas récemment, non, mais nous y travaillons toujours.

M. Benoit: Il n'y a pas d'effort concerté de la part du gouvernement fédéral et de l'ensemble des provinces, à ce que vous sachiez?

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M. Fischer: Eh bien, non. En règle générale, et vous en savez probablement plus long que moi sur ce chapitre, les provinces s'entendent pour s'opposer aux propositions du Fédéral et c'est ainsi que ces dernières deviennent lettres mortes.

M. Benoit: Oui, et dans le cas qui nous occupe, il ne semble pas qu'il va en être bien autrement. C'est pourquoi je vous demande votre point de vue.

Vous parlez du réseau routier national. Vous seriez porté à penser qu'avec l'injection de 6 milliards $ qui a été faite au cours des quelques dernières années dans un programme national d'infrastructure, notre réseau routier devrait avoir fière allure. C'est une somme d'argent considérable. Si elle avait été ciblée sur une infrastructure véritable, elle aurait effectivement profité au réseau routier national, dont on ne parlerait plus comme d'un gros problème. Mais pour vous, ça l'est, et nous vous donnons tous raison.

Il est question d'un autre programme d'infrastructure. Si cette idée devait se matérialiser, comment vous y prendriez-vous pour le cibler davantage sur l'infrastructure réelle, plus particulièrement le réseau routier national?

M. Fischer: Nous comptions nous centrer plus sur les autoroutes que sur certains autres services, mais les municipalités feront connaître haut et clair leurs besoins. Ce n'est pas le réseau routier primaire de notre province qui les intéresse, mais d'autres aspects de l'infrastructure.

Vous parlez d'orientation. C'est un programme fédéral avec des directives bien précises mais nous donnons voix au chapitre aux administrations municipales.

Je ne sais pas. Vous pouvez contester le ciblage de cette somme d'argent, mais je vous assure qu'il a été chez nous dans la plupart des cas extrêmement judicieux. Je pourrais certes vous citer des exemples d'incurie, mais c'est l'exception.

M. Benoit: Que prévoyez-vous de faire au cours des prochaines années pour le réseau routier de l'Alberta?

M. Fischer: Ce que nous prévoyons faire?

M. Benoit: Oui. Qu'en est-il?

M. Fischer: Bien, nous nous attachons principalement pour le moment au couloir routier Canamex qui correspondra à l'autoroute I-15 des États-Unis et qui relie Coutts à Grande-Prairie et à la frontière de la Colombie-Britannique. Le programme s'étale sur 10 ans maintenant et est connu sous le nom de couloir routier commercial Canamex. Nous espérons qu'il sera jumelé au bout de cette période. L'autoroute 43, qui se rend à Grande-Prairie, occupe beaucoup d'espace qui -

M. Benoit: Mais il va en direction nord-sud essentiellement.

M. Fischer: En effet.

M. Benoit: Vous voulez vraiment le rattacher à ces autoroutes américaines.

M. Fischer: Oui.

Le président: Merci, monsieur Benoit. Merci, monsieur le ministre.

Monsieur Keyes.

M. Keyes (Hamilton-Ouest): Merci, monsieur le président.

Monsieur Fischer, merci d'être venu de si loin pour présenter votre exposé au comité. Votre participation est précieuse.

M. Fischer: C'était avec plaisir.

M. Keyes: Je sais que vous en avez touché mot déjà, mais j'aimerais que vous corroboriez la déclaration de M. Benoit selon laquelle vous estimeriez que les fonds consacrés par le gouvernement fédéral à un programme d'infrastructure auraient mieux fait d'être affectés à la réparation des routes, notamment.

Monsieur Benoit, ce n'était pas une initiative du gouvernement fédéral. Ce programme d'infrastructure avait fait l'objet d'un accord et commandait un partenariat entre les municipalités, les provinces et le gouvernement fédéral. Nous comptions sur les municipalités pour cibler les dépenses. Je voulais simplement m'assurer que cette déclaration serait consignée.

M. Benoit: Bien, il s'agissait d'un programme du gouvernement fédéral. C'était...

Le président: Merci, monsieur Benoit.

M. Keyes: Que non, il était axé sur les municipalités et avait été conçu en conséquence.

M. Benoit: Une large part du financement a...

M. Keyes: Un bon nombre de municipalités ont été extrêmement reconnaissantes au gouvernement fédéral de leur avoir permis de décider de l'orientation du programme.

Monsieur le ministre, pourriez-vous me dire ce qu'il en coûterait au total au gouvernement albertain en recettes fiscales?

M. Fischer: Quelque 600 millions $. Disons 650 millions pour être plus juste.

M. Keyes: Au total?

Le président: Non, uniquement pour la taxe d'accise.

M. Keyes: Je parle du financement global, des impôts, des taxes sur l'alcool, et ainsi de suite.

M. Fischer: Quelle portion a été affectée aux routes?

M. Keyes: Vous vous méprenez; il s'agit des recettes du gouvernement provincial. Vous voulez savoir à combien se chiffreraient les recettes totales du gouvernement provincial?

M. Fischer: À environ 13 milliards $.

M. Keyes: Comment se répartirait cette somme entre les taxes sur l'essence, sur les permis, etc.?

M. Fischer: La taxe sur l'essence donne un peu moins de 500 millions $ et celles qui sont imposées pour l'octroi de permis et d'autres choses rapportent un peu plus de 200 millions $. Nos recettes totales s'élèvent donc à 650 millions $, tandis que notre budget de transport représente environ 680 millions $.

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M. Keyes: Vous complétez donc en intensifiant l'apport financier que vous procurent vos routes et autoroutes.

Vous nous avez parlé de possibilités de partage de coûts avec le gouvernement fédéral pour la réalisation de ce programme national d'infrastructures routières ou de construction d'un réseau routier, bref, dans quelles proportions se ferait ce partage? Cinquante-cinquante? Y avez-vous déjà réfléchi?

M. Fischer: Énormément, oui. L'Alberta est probablement un peu plus riche que les autres provinces et c'est ce qui nous préoccupe. Il nous a semblé réaliste de partager la moitié des coûts mais je ne crois vraiment pas qu'il faille imposer ce niveau de participation à toutes les provinces. D'ailleurs, celles de l'Est, par exemple, ne pourraient se le permettre.

M. Keyes: Ce sera donc souple, alors. Les provinces qui sont riches paieront la moitié des coûts, et celles qui ne le sont pas...

M. Fischer: J'imagine. Nous ne voulions simplement pas être oubliés dans ce partage.

M. Keyes: Non, nous ne saurions vous oublier, mais je voulais simplement savoir comment l'Alberta concevait ce partage de coûts. Serait-elle disposée à en assumer jusqu'à la moitié?

M. Fischer: À mon sens, une des mesures inhérentes à un programme routier national... En tout cas, en lui donnant une dimension fédérale, il serait possible de déceler les maillons défectueux et de les renforcer. La participation provinciale ne sera peut-être pas égale et c'est ce qui m'amène à rejeter toute formule rigide. Tout ce que nous vous demandons, c'est de vous y arrêter et de prendre une décision.

Certes, des routes doivent absolument nous relier à la Colombie-Britannique et à l'Est également. La circulation doit à tout prix être fluide. Ensuite nous réglerons nos problèmes de transport interurbain.

M. Keyes: Bien sûr.

Merci, monsieur le ministre. Je vous suis reconnaissant.

Le président: Monsieur Jordan.

M. Jordan (Leeds - Grenville): J'ai perçu un certain enthousiasme pour le programme d'infrastructure. Le gouvernement de l'Alberta voudrait-il participer si le fédéral en annonçait un autre, légèrement modifié?

M. Fischer: Absolument.

M. Jordan: Vous seriez des nôtres.

M. Fischer: Oui.

M. Jordan: Quelle pourrait bien être la position du parti réformiste sur un tel programme d'infrastructure? Y donneriez-vous votre accord?

M. Benoit: Très volontiers. Une infrastructure doit de toute évidence avoir...

Des voix: Holà!

Le président: Monsieur Benoit, je préside cette séance. Vous devriez vous adresser à M. Gouk.

M. Benoit: Je respecte tout à fait votre rôle, monsieur le président. On m'a posé une question et j'allais tout bonnement...

Le président: Monsieur Jordan, vous adressiez-vous à M. Benoit ou au ministre?

M. Jordan: Je demandais au ministre si l'Alberta serait intéressée.

Le président: Au ministre.

M. Jordan: Il a dit que sa province le serait, si j'ai bien compris. J'étais simplement curieux de connaître les autres réactions.

Le président: Cette discussion pourrait peut-être avoir lieu ailleurs.

Monsieur le ministre, je voudrais vous poser une question de mon cru. M. Cullen est l'expert attitré de ce comité en matière de finances. Des groupes sont venus nous entretenir des partenariats entre les secteurs privé et public. Vous avez abordé vous-même la question et l'Alberta n'y est pas allée de main morte dans la privatisation de certains aspects de son infrastructure routière.

Vous étalez ce programme sur dix ans. Des témoins nous ont laissé entendre qu'avec l'apport financier du secteur privé, ce projet d'infrastructure pourrait être réalisé en moins de temps que cela et simplement amorti sur une plus longue période. Cela s'est déjà produit grâce à des droits de péage directs, en Nouvelle-Écosse et en Ontario. Je suis originaire du Manitoba, et je sais que ce n'est pas nécessairement l'exemple qu'on veut suivre dans les Prairies. Toutefois, on commence à envisager un péage indirect ou d'autres formes de financement pour le gouvernement en contrepartie de l'utilisation du réseau et en retour d'une expansion du secteur privé. A-t-on discuté en Alberta de possibilités de partenariat entre les secteurs public et privé et d'intéressement du secteur privé à tous les aspects du financement et de la construction des routes?

M. Fischer: J'ai rencontré avant-hier soir des représentants de la Banque Hambros et c'est sans doute ce à quoi vous faites allusion.

C'est difficile. Nous n'en sommes encore qu'aux balbutiements. Je n'ai pas été très favorablement impressionné jusqu'à maintenant, mais il est trop tôt pour se prononcer.

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Je ne veux pas imposer une route à la population et la lui faire payer de force. À quel point serait-ce possible d'ailleurs avec tout un réseau public. On contournera simplement ces routes trop "payantes". En Alberta, comme au Manitoba j'en suis sûr, où la population est clairsemée, il faut faire une différence par rapport aux provinces très densément peuplées, où les routes sont très fréquentées. Il y a beaucoup de problèmes du genre à régler pour que ce projet se concrétise dans notre pays, mais je ne le rejetterais pas d'emblée.

Le président: Monsieur le ministre, ce sera tout, car je sais que vous devez nous quitter, et nous devons entendre un autre témoin. C'est une question sur laquelle nous nous pencherons. Ne manquez pas de nous tenir informés de tout fait nouveau sur le sujet.

Merci beaucoup. Je vous suis très reconnaissant d'être venu nous rencontrer, et nous vous disons au revoir.

M. Fischer: Merci et bonne chance à votre comité et ce, spécialement lorsqu'il fera rapport à la Chambre des Communes.

Le président: J'accueille maintenant M. Harold Gilbert de la Coalition de l'aménagement routier de l'Ontario.

Bienvenue, monsieur Gilbert. J'ai été mis au courant de votre très longue carrière dans le domaine en question et je suis très heureux que vous ayez pu venir échanger avec nous.

M. Harold Gilbert (président, Coalition de l'aménagement routier de l'Ontario): Merci beaucoup, monsieur le président. Je m'appelle Harold Gilbert. Je suis le président de la Coalition de l'aménagement routier de l'Ontario. J'ai été auparavant sous-ministre au ministère des Transports et des Communications de l'Ontario pendant 11 ou 12 ans.

Je suis accompagné aujourd'hui par David Bradley, président de l'Ontario Trucking Association et par Nick Ferris de l'Association canadienne des automobilistes. Ils sont tous les deux vice-présidents de la Coalition de l'aménagement routier de l'Ontario. Vous allez également rencontrer un des dirigeants de la coalition, Brian Crow, qui est membre de l'Ontario Motor Coach Association. Il va présenter un exposé pour le compte de cette association et va décrire, en particulier, l'effet que peut avoir le réseau routier national sur leurs activités et celles du secteur du tourisme.

Comme vous pouvez le constater, la Coalition de l'aménagement routier de l'Ontario regroupe 14 associations et représente ainsi la majorité des utilisateurs du réseau routier en Ontario. Nous avons préparé un mémoire que vous avez devant vous, j'en suis certain, et je vais vous en lire certains passages.

La Coalition de l'aménagement routier de l'Ontario a été fondée en 1987 comme coalition des usagers de la route. Elle a constamment tenté de sensibiliser les gouvernements au coût qu'entraîne un réseau routier en mauvais état, non seulement en ce qui concerne le transport routier au Canada et en Ontario, mais aussi pour le secteur du commerce et du tourisme au Canada.

Afin de mieux sensibiliser les gouvernements, particulièrement notre gouvernement national à nos préoccupations, nous avons préparé, en janvier 1996, une brochure qui s'intitule L'Ontario et le réseau routier national - Le chemin de l'avenir dans laquelle nous exposons en détail les conséquences d'une telle situation. Nous souhaitons joindre cette brochure à notre mémoire et je sais que vous en avez tous une copie.

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Cependant, il y a encore de nombreuses questions sur lesquelles nous aimerions faire d'autres commentaires. Les voici:

Premièrement, le ministre des Transports, l'honorable David Anderson, a fait constamment référence à la Constitution du Canada en déclarant que les questions liées au transport routier, y compris la route transcanadienne et le réseau routier national sont la responsabilité des gouvernements provinciaux et non celle du gouvernement fédéral. La Coalition de l'aménagement routier de l'Ontario est d'avis que cette approche est contraire à la sagesse dont a fait preuve notre gouvernement national lorsque, vers la fin des années 40 et au début des années 50, il a négocié la Convention sur la route transcanadienne. C'est-à-dire qu'un précédent a été établi en ce qui concerne la participation du gouvernement national à notre réseau routier national.

Les chefs politiques de cette époque se sont rendu compte de ce problème et savent que si le Canada voulait se développer en tant que nation, voulait exploiter le commerce entre l'Est et l'Ouest, et si les Canadiens souhaitaient traverser le pays au lieu de passer par les États-Unis afin d'aller voir d'autres Canadiens et de faire affaire avec eux, le pays devait posséder un réseau routier national permettant de le faire.

Je vous signale que vous vous trouvez aujourd'hui dans la même situation, une situation qui est encore plus grave. Qu'est-ce qui nous permet de l'affirmer? Compte tenu de son état structurel ainsi que de sa capacité d'absorber la circulation qu'exige le commerce de nos jours, notre réseau routier entre l'est et l'ouest du pays est tout à fait insuffisant. Ceux qui voyagent pour affaires ou tout simplement comme touristes doivent encore emprunter les routes américaines, en particulier pour se rendre dans le Nord de l'Ontario.

Plus personnellement, en 1952, j'ai été surpris, je dirais même que j'ai trouvé cela scandaleux, qu'on me conseille, jeune ingénieur muté de Kingston à Kenora, de passer par les États-Unis parce que les routes canadiennes étaient trop mauvaises. De nos jours, les renseignements fournis aux postes frontaliers - c'est-à-dire, à International Falls en particulier - conseillent aux touristes d'emprunter les routes américaines afin d'éviter les routes canadiennes en trop mauvais état. En d'autres termes, nous en sommes revenus, messieurs, au point où nous étions en 1952.

C'était là un exemple de l'état de notre réseau national, de la transcanadienne, et de l'effet que cela peut avoir sur notre industrie du tourisme. Ajoutons à cela que notre commerce nord-sud s'est développé avec une rapidité jamais vue jusqu'ici et que le stockage juste à temps est maintenant une réalité.

Le commerce est le moteur de la croissance économique de l'Ontario. L'économie ontarienne est axée sur l'exportation et il est essentiel que nous soyons compétitifs au niveau international. Un quart du PIB de l'Ontario est exporté et les trois quarts des exportations ontariennes vont aux États-Unis. Les grands marchés américains du nord-est et du midwest sont situés à moins d'une journée en camion de l'Ontario. En valeur, 75 p. 100 des exportations de l'Ontario vers les États-Unis sont acheminées par la route, tout comme 83 p. 100 des importations américaines vers l'Ontario. Cela veut dire que 80 p. 100 des échanges entre l'Ontario et son principal partenaire commercial empruntent le réseau routier. Le poste frontière de Windsor-Detroit est le premier au monde pour ce qui est du volume des marchandises qui y transitent.

Notre infrastructure routière constitue un des attraits principaux pour les investissements directs dans les usines de fabrication et de montage de l'Ontario. Le coût du transport est un facteur clé en ce qui concerne la compétitivité internationale de notre industrie de fabrication. Le secteur manufacturier à haute valeur ajoutée, qui est essentiel à la prospérité économique actuelle et future de l'Ontario, a besoin d'une infrastructure routière favorisant le recours aux systèmes d'entreposage juste à temps.

Nos routes font partie intégrante du commerce et du tourisme dont s'occupe votre comité. Si le Canada en tant que nation conclut des ententes commerciales avec les États-Unis, le Mexique et d'autres pays, et s'il se soucie de l'unité nationale, il faut qu'il tienne compte de l'instrument qui rend tout cela possible, c'est-à-dire, les routes, notre réseau routier national.

Deuxièmement, dans notre brochure intitulée Le chemin de l'avenir, nous mentionnons les recettes que le gouvernement fédéral perçoit des usagers du réseau routier de l'Ontario. Une fois mis à jour les chiffres fournis dans cette brochure, on constate que pour la seule taxe sur l'essence et le carburant diesel, les Ontariens versent actuellement 2,2 milliards de dollars par an au gouvernement fédéral.

Dans sa correspondance, l'honorable David Anderson, le ministre, nous rappelle toujours que les taxes sur les carburants sont versées au Trésor public. Nous le savons bien mais il faudrait tout de même tenir compte de la provenance de ces recettes, à savoir l'infrastructure routière. En d'autres termes, ne serait-ce que pour préserver la source de ces recettes, le gouvernement national devrait être disposé à en utiliser une partie pour entretenir cette infrastructure.

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Nous savons que l'on parle beaucoup des emplois dans le secteur de la construction et de leur effet sur le taux de l'emploi, en particulier sur celui des emplois à temps plein. On oublie souvent dans ce débat certains facteurs fondamentaux.

Les travailleurs de la construction, les chauffeurs de camion et les opérateurs d'équipement ne peuvent suivre des cours de recyclage en vue d'occuper d'autres emplois parce qu'il n'y en a pas. Il ne faut pas oublier que ces emplois comprennent ceux d'ingénieurs d'études et de techniciens - des professions hautement spécialisées. En fait, j'aimerais mentionner que, lorsque je suis retourné récemment à mon ancienne université, l'Université Queen's, j'ai été très surpris d'apprendre que la majorité de nos ingénieurs vont travailler en Caroline du Nord ou dans d'autres États américains, parce qu'il n'y a pas de travail au Canada.

Enfin, tout en créant des emplois dont nous avons vraiment besoin pendant l'étape de la construction, nous assurons la sécurité de l'emploi dans le secteur tertiaire et celui de la fabrication.

En conclusion, nous devons souligner que le Canada est le seul État fédéral moderne qui n'ait pas adopté de politique nationale en matière de réseau routier. Il faut également mentionner ce qu'a démontré une étude conjointe fédérale-provinciale: près de 40 p. 100 de nos 25 000 kilomètres de réseau routier national se trouve dans un état inférieur aux normes d'exploitation exigées, les sections les plus stratégiques se trouvant en Ontario.

Comme cela est indiqué dans notre brochure, nous savons que le gouvernement fédéral a affecté des fonds au réseau routier national dans certaines parties du Canada en accordant un financement transitoire, devenu nécessaire à cause de la fermeture d'autres programmes. Comme nous l'avons déjà expliqué, cela a non seulement pour effet d'exclure l'Ontario mais cela empêche de concevoir notre réseau routier comme un système d'envergure nationale.

Il faut que le réseau routier national soit considéré comme un tout et non pas comme une série de sections. Il doit être conçu comme une entité fonctionnelle. Si nous voulons demeurer une nation commerçante qui tire avantage de ses différences, il va nous falloir trouver des moyens de régler les problèmes que soulève notre réseau routier national avant qu'il ne soit trop tard.

Messieurs, les enjeux sont trop importants pour que nous puissions continuer à nous croiser les bras. Je vous dis tout cela, parce que, pour être tout à fait franc avec vous, cela fait longtemps que je m'occupe de transport et je parle de ces choses depuis des années.

Comme je l'ai mentionné, MM. Ferris et Bradley m'accompagnent et nous serions très heureux de répondre aux questions que vous, monsieur le président, et les membres du comité pourraient nous poser.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, M. Gilbert. Monsieur Gouk a la parole.

M. Gouk: Merci.

J'aimerais aborder un seul aspect et vous poser quelques questions à ce sujet. J'ai élaboré des politiques pour notre parti qui étaient fondées sur l'affectation de recettes. Cela découle de l'idée que le gouvernement cherche à mettre en pratique, à savoir la taxation de l'usager, principe auquel je suis favorable. Mais pour faire payer l'usager, encore faut-il savoir ce qu'il paie déjà. C'est ce qui nous amène à examiner nos taxes sur les carburants, l'essence et le diesel.

Êtes-vous partisan de créer un fonds qui serait alimenté par les taxes sur les carburants imposées par les gouvernements fédéral et provinciaux pour reconstruire et entretenir notre réseau routier?

M. Gilbert: Parlons-nous des recettes que l'on perçoit actuellement?

M. Gouk: C'est la deuxième partie de ma question. Je parle tout d'abord de l'idée d'utiliser ces recettes. Dans le cas de la Colombie-Britannique, pour laquelle je connais mieux les chiffres, on verse au Trésor public pour être dépensé par le gouvernement près d'un million de dollars par année, montant qui vient du secteur des transports. Êtes-vous partisan de déposer ces sommes dans un fonds d'affectation spécial qui ne pourrait être utilisé que dans le secteur d'où proviennent ces recettes?

M. Gilbert: Oui. Je pensais que vous parliez d'imposer de nouveaux droits.

M. Gouk: Je vais y venir mais je voulais d'abord savoir ce que vous pensiez d'un fonds d'affectation spécial.

M. Gilbert: Tout à fait d'accord.

M. Gouk: Ma politique n'a pas été plus loin que cela. Mais lorsque nous avons abordé ce sujet avec d'autres témoins, nous avons eu des réactions très variables, mais il est vrai que le secteur du camionnage serait aussi, voire davantage, touché que les autres.

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Seriez-vous favorable à une taxe supplémentaire sur les carburants, pourvu que les gouvernements fédéral et provinciaux versent une somme correspondante qui viendrait s'ajouter aux sommes que versent actuellement à ce secteur les gouvernements fédéral et provinciaux? En d'autres termes, disons que le gouvernement fédéral verserait 2¢, le gouvernement provincial 2¢, l'usager 2¢ ce qui ferait 6¢ pour la nouvelle taxe, pourvu que ces recettes ne puissent être utilisées que pour l'infrastructure routière en plus des fonds qui y sont consacrés à l'heure actuelle.

M. Gilbert: Je ne vois pas pourquoi l'on créerait une nouvelle taxe alors qu'il y a déjà une taxe sur l'essence et le diesel qui produit déjà 2,2 milliards de dollars dans le seul Ontario. Si les règles du jeu étaient les mêmes pour tous à l'heure actuelle et qu'il y avait des besoins... Je dois vous dire franchement que même avec une petite partie de ce montant de 2,2 milliards qui va à l'heure actuelle dans les coffres fédéraux et que, si l'on plaçait cet argent dans le réseau routier, cela réglerait tous les problèmes de notre réseau routier national.

Nous ne sommes pas convaincus qu'il soit nécessaire d'imposer une autre taxe alors qu'il y a déjà une somme de 2,2 milliards de dollars. L'affectation des fonds veut dire pour nous l'affectation des fonds dont nous disposons actuellement.

Le président: J'aimerais vous poser une question à ce sujet et aller peut-être un peu plus loin.

Qu'il s'agisse d'une nouvelle taxe ou de recettes actuelles, lorsque l'on parle de l'affectation des recettes - comme cela se fait aux États-Unis - où irait cet argent? Y aurait-il un organisme qui serait chargé de percevoir et d'administrer ces fonds dans l'intérêt de notre réseau routier national?

Je ne veux même pas imaginer tous les problèmes qu'il faudrait régler pour que toutes les provinces et le gouvernement fédéral s'entendent pour le faire. Proposez-vous la création d'un organisme fédéral-provincial indépendant qui percevrait et administrerait ces fonds pour moderniser notre réseau routier?

M. Gilbert: Nous sommes en faveur de l'affectation des recettes. Si cela pouvait se faire par une loi qui empêcherait que ces fonds soient dépensés... cela serait l'idéal.

Mais si le gouvernement fédéral était disposé à verser 2¢ par litre à même les 2,2 milliards de dollars qu'il perçoit actuellement et que cet argent soit utilisé pour notre réseau national, je n'aurais pas d'objection. Les provinces pourraient gérer ces fonds comme elles l'entendent. Nous serions de toute façon satisfaits de savoir qu'on reconnaît qu'il y a des fonds qui proviennent de l'infrastructure et que nous allons les dépenser pour la moderniser.

Le président: Monsieur Gouk.

M. Gouk: J'ai élaboré des politiques pour notre parti en me fondant sur l'affectation des recettes et on a déjà mentionné ici à juste titre que la construction de routes relevait des provinces. Que l'on soit d'accord avec cela ou non, c'est le cas actuellement, sauf lorsque les routes traversent des terrains fédéraux, à savoir les parcs fédéraux.

Je crois que, pour répondre à la question du président, il faudrait s'engager à ce que ces fonds soient mis de côté au niveau fédéral et remis aux gouvernements provinciaux, qui détiendraient ces fonds affectés spécialement en y ajoutant, je l'espère, un montant égal. Ce serait alors ensuite aux gouvernements provinciaux à rendre compte de ces fonds et à les dépenser pour la réfection de notre réseau routier. C'est du moins ce que je pense.

M. David Bradley (président, Ontario Trucking Association): Je ne suis pas sûr de pouvoir vous donner une réponse définitive aujourd'hui mais il me semble, au moins en ce qui concerne le transport routier, que le gouvernement fédéral du Canada a pratiquement abdiqué tout rôle en matière de réglementation, de dépenses de capital etc.

Aux États-Unis, je sais qu'ils connaissent aussi certains problèmes comparables, pour ce qui est de l'harmonisation et de la standardisation. Nous n'en entendons pas beaucoup parler parce que le gouvernement fédéral américain détient un grand pouvoir financier; il est en mesure d'imposer certaines choses aux États ou d'exercer des pressions sur eux pour favoriser une certaine standardisation et collaboration sur toute une série de problèmes liés au transport routier.

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Au Canada par contre, le gouvernement fédéral n'a pas les moyens d'imposer quoi que ce soit. J'ai entendu le groupe qui nous a précédé poser certaines questions au sujet de la charge des camions et des normes en matière de dimension et ce genre de choses. Eh bien, le gouvernement fédéral ne joue pratiquement aucun rôle dans ce domaine. On pourrait en fait utiliser un fonds routier pour en arriver à introduire une certaine uniformité à l'échelon national.

Le président: Très bien. Nous reviendrons à vous, M. Benoit.

Monsieur Cullen.

M. Cullen: Merci, monsieur le président.

Merci, M. Gilbert. J'aimerais vous féliciter pour votre mémoire et votre exposé.

J'aimerais parler un peu de cette idée de partenariat public et privé et du financement de la modernisation et de l'entretien du réseau routier, et connaître vos réactions à tout cela.

Pour en revenir à la discussion sur les fonds et l'affectation des recettes, j'ai travaillé pour le gouvernement - et je sais que vous avez déjà été sous-ministre des Transports en Ontario - et je suis devenu assez cynique au sujet des fonds. Il semble que l'on crée des fonds avec les meilleures intentions, on les crée et ensuite, ils disparaissent. C'est ce qui s'est produit en Colombie-Britannique et aussi en Nouvelle-Écosse.

Aux États-Unis, ils semblent avoir mis au point un modèle de partenariat public-privé. Je me demande s'il n'y a pas des leçons à tirer de ce qu'ils font. Ont-ils trouvé le moyen, par exemple, de donner au secteur privé une certaine influence sur l'emploi de fonds affectés spécialement pour que le gouvernement hésite à utiliser ces fonds à sa guise? Comment feriez-vous pour favoriser ces partenariats entre le secteur public et le secteur privé? Quel serait votre conseil?

M. Gilbert: Cela est difficile lorsqu'il s'agit des routes existantes. Je vais prendre comme exemple les routes 17 et 11, la route transcanadienne.

Je devrais mentionner que c'est la Coalition de l'aménagement routier qui a présenté à l'ancien gouvernement la politique qui est à l'origine de la 407. Nous savions que la 407 était un projet qui n'allait pas déboucher, même s'ils avaient annoncé qu'il allait construire cette route. Nous savions qu'il faudrait tant de temps pour construire cette route et qu'il faudrait tant d'argent - nous savions qu'ils n'avaient pas l'argent - qu'il nous fallait faire quelque chose.

Nous avons présenté une proposition à l'ancien gouvernement et décrit certains aspects que les membres de la Coalition pour l'aménagement routier pouvaient appuyer - et je peux vous dire que cela n'a pas été facile, parce qu'il y avait les camionneurs et les gens de l'automobile et d'autres groupes. Une des principales conditions était de prévoir une route alternative. Le problème est que dans le Nord de l'Ontario, il n'y a en fait qu'une seule route.

Lorsque l'on parle de partenariat mixte pour répondre à des besoins aussi urgents, pour ce qui est de l'Ontario, cela est très difficile. Je dirais que si l'on pouvait trouver le moyen d'y parvenir en utilisant les fonds actuels, pour ne pas ajouter de péage, on pourrait entrevoir certaines possibilités. Mais on ne pourrait pas faire comme ce qui a été fait pour la 407, dire allez-y et construisez la route et nous allons vous laisser y placer un péage - il nous serait impossible d'appuyer une telle façon de faire. Je ne vois pas comment le gouvernement pourrait être en faveur d'un tel projet parce qu'il n'y a aucune autre route que le public pourrait utiliser.

M. Cullen: M. Gilbert, comment cela fonctionne-t-il aux États-Unis? Est-ce que cela fonctionne bien?

M. Gilbert: Oh, oui.

M. Cullen: Ont-ils d'autres problèmes?

M. Gilbert: Cela s'explique principalement par le fait qu'il y a toujours une route alternative. Si quelqu'un ne veut pas emprunter la route à péage, il n'est pas obligé de le faire. Il a le choix.

Le président: Merci, M. Cullen.

Monsieur Caron.

[Français]

M. Caron: Je vous remercie de votre présentation, monsieur Gilbert. C'était très intéressant.

Vous avez mentionné au début que le ministre Anderson vous avait déclaré que les routes étaient de juridiction provinciale. C'est donc que vous vous êtes adressé au ministre à quelques reprises pour lui proposer que le gouvernement fédéral participe à un réseau routier national.

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Vous avez aussi déclaré qu'une entente était possible; vous avez cité l'exemple de la Transcanadienne au début des années 1940. Je sais, pour ma part, que dans ma région, celle du Saguenay - Lac-Saint-Jean, il y a eu une entente fédérale-provinciale pour la construction d'une autoroute. Autrement dit, il y a moyen de conclure des ententes.

J'aurais deux questions. Voici la première. D'après vous, est-ce que l'Ontario est favorable à une entente fédérale-provinciale sur les autoroutes? Qu'en est-il des autres provinces, d'après la connaissance que vous en avez, par exemple de l'Alberta et de la Colombie-Britannique? S'il se pose un problème constitutionnel, est-ce que vous entrevoyez une issue? Les gens pourraient-ils en arriver à une entente?

La deuxième question concerne ce que l'on veut dire quand on parle d'un réseau transcanadien. On pense toujours à un réseau est-ouest. Cependant, dans le contexte de l'ALENA et du commerce qui se développe avec le sud, ne pensez-vous pas que certains gouvernements vont plutôt souhaiter un axe nord-sud, comme il se produit chez certaines sociétés ferroviaires?

M. Gilbert: Je vais d'abord répondre à votre deuxième question. L'Association des transports du Canada, dont fait partie le gouvernement fédéral, a lancé une étude dans le but de décrire les besoins en matière de transport, aussi bien dans l'axe nord-sud qu'est-ouest. Ils ont présenté un rapport qui décrivait ces conditions. Toutes les provinces se sont entendues sur le contenu du rapport et sur les besoins qui y étaient mentionnés. Le gouvernement fédéral a également exprimé son accord. C'est lorsque l'on s'est réuni pour fixer la part que devait payer le gouvernement fédéral que sont apparus les problèmes et que le projet a été abandonné. Mais on parlait bien évidemment des routes nord-sud et des routes est-ouest.

Dans ce mémoire, nous parlons davantage de notre route est-ouest, parce que dans le Nord de l'Ontario, nous avons un grand besoin d'une route est-ouest - le besoin est si grand que cela touche le public, comme je l'ai mentionné, que ce soit par le biais du tourisme ou du commerce. Nous avons également besoin d'une route nord-sud, comme nous l'avons fait remarquer. C'est le point de passage entre Windsor et Détroit qui voit passer le plus grand nombre de camions au monde. Il y a donc des besoins pour ce qui est de l'axe nord-sud, mais également des besoins très urgents pour l'axe est-ouest.

Le président: Merci, M. Gilbert.

Le temps est écoulé mais c'est un domaine intéressant dont s'occupe le comité et il y a deux autres personnes qui souhaitent poser des questions. Je vais donc leur donner la parole et vous donner ensuite la possibilité de répondre. Monsieur Benoit, pouvez-vous poser une brève question?

M. Benoit: Merci, monsieur le président.

M. Bradley, vous avez mentionné que le gouvernement fédéral ne détenait aucun pouvoir sur le transport routier entre les provinces. Ce n'est pas en fait le cas. En réalité, en vertu des articles 91, 92 et 121 de l'AANB, le gouvernement fédéral a non seulement le droit mais également la responsabilité d'éliminer les obstacles au commerce interprovincial.

On utilise souvent ces règlements en matière de camionnage, en particulier en Colombie-Britannique, en Saskatchewan et parfois en Ontario, pour empêcher l'entrée des camionneurs des autres provinces. Cela constitue une pratique commerciale déloyale mais le gouvernement fédéral possède manifestement des pouvoirs dans ce domaine. Pour ce qui est de la construction des routes, le gouvernement fédéral ne possède aucun pouvoir, et ne devrait pas non plus en avoir.

Le président: Merci, M. Benoit.

Avant de répondre, M. Bradley, j'aimerais demander à M. Jordan s'il souhaite également poser une question?

M. Jordan: Ma question s'adresse à M. Gilbert mais M. Bradley pourrait fort bien la compléter. Vous avez parlé de Kingston et de Queen's et je crois que vous allez comprendre ce dont je veux parler. Il y a une grande section de la route 401 entre Gananoque et Kingston qui est toute droite, pendant plusieurs milles, quatre voies, et elle est parallèle à la voie de chemin de fer. J'y passe très souvent en voiture, et il y a des camions derrière moi, il y en a à côté de moi, il y en a devant moi et il y en a qui essaient de me dépasser. Mais quand je regarde la voie ferrée, je vois qu'il n'y a personne.

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Je me demande si le secteur du camionnage reconnaît que le problème vient peut-être du fait que nous avons été trop généreux avec les charges, avec la longueur des remorques, les charges autorisées. Comment réagiriez-vous si nous allions dans cette direction?

Plus on utilise une route, plus elle s'use, plus la charge est lourde, plus la route s'use. Ce sont là des réalités. Si l'on plaçait des limites à l'industrie du camionnage pour que l'on utilise des camions plus légers, portant des charges moins lourdes, quelle serait votre réaction?

Le président: Très bien, il y a maintenant deux questions. M. Bradley, je vais vous laisser répondre à ces questions. Je sais que vous devez partir ensuite.

M. Bradley: Très bien et je serais très heureux de poursuivre la discussion à l'extérieur.

Lorsque je parlais du gouvernement fédéral, je ne parlais pas des pouvoirs qu'il pouvait détenir aux termes de l'AANB ou d'une autre loi; je parlais du fait que ce gouvernement a abdiqué ses responsabilités et les a transférées, pour l'essentiel, aux provinces. La partie de l'entente sur le commerce intérieur qui traite du camionnage a été, il faut le dire carrément, un échec complet.

Pour répondre à votre question, monsieur, au sujet du transport intermodal, le dernier grand corridor commercial est-ouest au Canada est celui qui va de Toronto à Montréal. On y transporte déjà des produits manufacturés légers qu'il n'est pas économique de transporter par le rail. Il n'y a que 350 milles entre Toronto et Montréal et les chemins de fer n'ont pas réussi à mettre au point une technologie qui permette de décharger les marchandises d'un camion et de les transporter aussi rapidement et souplement qu'on peut le faire par camion. Mais même si cela était possible et si l'on pouvait empiler sur deux rangs des marchandises sur chaque pouce de la voie ferrée qui relie Toronto à Montréal, cela aurait un effet si minime sur le volume des marchandises transportées par camion dans ce couloir qu'on ne s'en apercevrait même pas.

Pour nos membres, les compagnies de camionnage, peu importe que les marchandises soient transportées sur du caoutchouc ou sur une voie ferrée, pourvu que l'opération soit transparente pour l'expéditeur et le fabricant pour ce qui est du prix et du service. On pourrait certes pénaliser le camionnage, obliger les transporteurs à utiliser le chemin de fer mais cela va finalement nuire à la compétitivité des produits à haute valeur ajoutée fabriqués dans la province et à nos exportations.

Le président: M. Gilbert, vous avez un dernier commentaire?

M. Gilbert: Monsieur le président, je tiens à vous remercier, au nom de notre coalition, de nous avoir donné l'occasion de vous rencontrer aujourd'hui. Comme je l'ai mentionné, cela fait personnellement très longtemps que je m'occupe de cette question. J'ai entendu de nombreuses fois l'argument d'après lequel le gouvernement fédéral ne possède aucune responsabilité constitutionnelle dans ce domaine et des choses du genre. Comme je l'ai dit au nom de la coalition, dans les années 40, le gouvernement fédéral de l'époque, les hommes politiques de l'époque ont dit, eh bien, nous savons qu'il y a un problème, essayons de faire quelque chose. Je suis convaincu que c'est ce que le gouvernement fédéral doit faire encore une fois. Il faut reconnaître qu'il y a le commerce, le tourisme, l'unité nationale, et tout cela, et que tout cela fait partie de l'ensemble du problème.

Le président: Merci, M. Gilbert. Nous pouvons au moins vous rencontrer à mi-chemin; nous savons qu'il y a un problème.

M. Gilbert: Très bien. Merci beaucoup.

Le président: Merci.

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Nos témoins suivants représentent VIA Rail: Il y a Terry Ivany, le président; Christena Keon Sirsly, vice-présidente aux services de mise en marché et de l'information et Roger Paquette est vice-président de la planification et des finances et trésorier.

Bienvenus. Je m'appelle Reg Alcock. Je suis le président du comité. Je vous le mentionne pour la simple raison que le centre d'entretien de VIA Rail à Winnipeg est un endroit que je connais très bien et que j'aime beaucoup et nous aimerions le voir se développer.

M. Terry Ivany (président, VIA Rail): Et nous l'aimons beaucoup aussi, monsieur le président.

Le président: Merci. J'en suis heureux.

Vous connaissez la formule; vous avez déjà témoigné devant des comités. Voulez-vous nous dire quelques mots d'introduction et nous passerons ensuite aux questions, je sais que j'aimerais vous en poser.

M. Ivany: Merci, monsieur le président. Je serai bref parce que je sais que vous avez sans doute des questions à poser. Je tiens à vous mentionner que je suis heureux d'être ici aujourd'hui. J'aimerais vous dire quelques mots de la façon dont nous voyons le nouveau VIA Rail et la contribution qu'il peut apporter au transport et au tourisme au Canada.

Les réseaux de transport modernes et efficients constituent un atout stratégique pour tout pays. Pour ce qui est du Canada, nous contribuons à cet atout en exploitant un réseau ferroviaire voyageurs efficient et attrayant qui répond aux besoins de notre population.

Aujourd'hui, je vais traiter des trois points suivants. Premièrement, depuis 1992, VIA est devenu un exploitant efficient et de qualité supérieure, que l'on peut comparer à n'importe quel service de transport ferroviaire de passagers au monde. Notre entreprise est maintenant plus petite, plus efficiente et à l'écoute de ses clients.

Deuxièmement, VIA apporte une contribution significative au tourisme.

Troisièmement, VIA apporte des solutions de rechange importantes en matière de transport dans les régions congestionnées du pays, telles que le corridor Québec-Windsor.

Permettez-moi de commencer en disant qu'il y a quatre ans, VIA était une entreprise très différente, peu à l'écoute de sa clientèle et dont les recettes ne représentaient que 31 p. 100 de ses dépenses. Le défi immédiat auquel faisait face VIA était de réduire radicalement sa dépendance à l'égard du financement public, ce qui l'obligeait à faire un choix: supprimer un autre 25 p. 100 du réseau ferroviaire voyageurs ou modifier sa façon de faire des affaires. Le choix était clair, nous avons maintenu le réseau intact et modifié de fond en comble nos façons de faire.

Nous savions que, si nous pouvions éliminer tous les coûts inutiles de notre exploitation, tout en améliorant la qualité du service, nous serions rapidement en mesure d'obtenir un achalandage, des recettes et un rendement supérieurs. VIA a réduit son financement public qui est passé de 331 millions de dollars en 1992 à 222 millions de dollars en 1995, une amélioration annuelle de 109 millions de dollars, tout en conservant le réseau.

Comme je l'ai dit, nous n'avons pas permis au service de se dégrader, au contraire nous l'avons amélioré. Dans le sud-ouest de l'Ontario, nous avons remplacé nos voitures chauffées à la vapeur par de nouvelles voitures en acier inoxydable complètement rénovées. Dans l'Ouest, le Skeena a été converti en train de jour afin de répondre aux besoins des touristes et des résidents. VIA a également mis en service des voitures en acier inoxydable sur les liaisons dans le Nord, ce qui permet d'assurer un meilleur service et d'offrir de nouvelles possibilités pour le tourisme d'aventure.

En juin dernier, nous avons lancé un programme destiné aux clients assidus, le Programme de récompense VIA Préférence, semblable à ceux qu'offrent les compagnies aériennes. Nous prévoyons que ce programme suscitera une augmentation constante de l'achalandage et des recettes. Par ailleurs, VIA examine actuellement de nombreuses autres idées.

Nous avons été le premier transporteur terrestre au monde à être relié à des systèmes de réservation de compagnies aériennes, comme les systèmes SABRE et Worldspan, ce qui a donné un accès énorme à nos produits.

En 1997, nous inaugurerons notre nouveau système de réservation qui nous procurera une souplesse accrue et permettra d'assurer un meilleur service à la clientèle.

Nous avons également prévu un programme important d'amélioration des gares, qui permettra de moderniser les installations actuelles, toujours dans le but d'améliorer le service et de réduire les coûts.

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Grâce à tous ces efforts, nous sommes maintenant reconnus comme un service de transport de qualité supérieure. Il y a quelques années, qui aurait dit que l'on demanderait à VIA Rail de présider le Mois de la qualité au Canada? C'est exactement ce que nous avons fait en octobre, à la demande du Conseil Qualité Canada.

Ce qui importe toutefois davantage, c'est que nous pouvons maintenant nous permettre de profiter de nouvelles occasions. En fait, non seulement nous pouvons mais nous devons profiter de chaque occasion qui s'offre à nous, parce que, maintenant, au lieu de nous coûter de l'argent, elle doit nous en procurer. Sinon nous la rejetons.

Cela m'amène à mon deuxième point. VIA a la responsabilité de profiter de chaque occasion afin d'améliorer ses recettes et de verser un dividende pour l'investissement du Canada dans VIA. En fait, les activités de VIA contribuent à hauteur de plus de 100 millions de dollars annuellement à la balance commerciale du Canada.

Le tourisme, la quatrième industrie en importance du pays et une de celles dont la croissance est la plus rapide, est, faut-il le dire, d'une importance capitale pour le Canada. Elle procure de l'emploi à plus d'un demi-million de Canadiens et ajoute 27 milliards de dollars à notre économie. VIA a un rôle important à y jouer, puisqu'elle exploite un réseau national dont les liaisons et les trains constituent souvent eux-mêmes une attraction. Nous améliorons constamment nos produits et offrons une capacité accrue lorsque nous savons que nous pouvons attirer de nouveaux clients et améliorer d'autant nos résultats. VIA a établi des alliances névralgiques avec la Commission canadienne du tourisme, avec de multiples organismes touristiques provinciaux et locaux ainsi qu'avec de nombreuses associations de l'industrie.

Les réalisations de VIA ont d'ailleurs été reconnues: en 1992, nous avons reçu un prix Global, présenté par The World Travel Market, à Londres, pour notre classe Bleu d'Argent, pour avoir contribué de façon significative au tourisme canadien. Nous avons aussi reçu des prix Brunel, qui sont accordés dans le cadre d'un concours de conception technique de l'industrie ferroviaire - pour notre projet de remise à neuf des voitures en acier inoxydable, en 1994 et pour nos nouveaux uniformes en 1996.

Pour faire connaître au monde entier ce que nous avons à offrir sans dépenser des sommes énormes en publicité, nous participons à diverses foires commerciales dans le monde, appuyons nos fournisseurs et collaborons avec nos partenaires promoteurs du tourisme pour obtenir une couverture médiatique gratuite de VIA et du Canada. Ces efforts ont été couronnés de succès. Permettez-moi de vous donner quelques exemples: la National Geographic Society a consacré tout un chapitre de son plus récent livre, intitulé The Seven Greatest Journeys in the World, au réseau transcontinental de VIA et au Canada lui-même. Une équipe du réseau de télévision.AAC Worldwide a visité le pays en chemin de fer pour réaliser son plus récent épisode de la très populaire série intitulée Great Railway Journeys, émission qui est diffusée actuellement dans plus de 50 pays. Vous pourrez voir cette émission ici même à Ottawa au réseau PBS ce mois-ci. Et le printemps dernier, l'émission Good Morning America a été diffusée pendant une semaine à partir du Canada. Cet excellent exemple de collaboration entre les secteurs privé et public a permis d'obtenir une publicité pour le Canada comme destination touristique d'une valeur estimée à 20 millions de dollars.

Ce n'est là qu'une partie de la couverture que VIA facilite en accueillant annuellement plus de 300 journalistes chevronnés du monde entier. Ces efforts profitent non seulement à VIA, mais aussi au Canada et à l'ensemble de l'industrie touristique.

Songez qu'en 1996 seulement, 21 000 emplois à plein temps dépendent de l'incidence économique de VIA sur le Canada. D'ici la fin de l'année, notre contribution à l'activité économique atteindra 1,5 milliard de dollars. Autrement dit, chaque dollar de financement public obtenu en 1996 entraînera des retombées supérieures à 8 $ dans l'économie. Songez également que plus de 50 p. 100 des touristes qui utilisent nos liaisons de l'Ouest proviennent de l'extérieur du pays, ce qui procure un apport important de devises.

Évidemment, VIA s'occupe également des touristes canadiens. Nos tarifs familiaux, pour les aînés et pour les étudiants, contribuent à populariser les voyages en train auprès de tous les Canadiens qui veulent visiter leur pays.

Mon dernier point est que les améliorations que nous apportons à nos liaisons du corridor Québec-Windsor offrent des perspectives stimulantes à VIA, en positionnant le train comme solution de rechange viable au réseau routier congestionné. VIA est un intervenant clé dans ce secteur, puisqu'elle occupe environ 20 p. 100 du marché du transport public. En 1995, VIA a transporté plus de 3 millions de voyageurs dans le corridor, et nous sommes déterminés à augmenter ce nombre.

VIA est consciente que le monde des affaires canadien évolue, comptant de plus en plus de travailleurs autonomes et de petites entreprises. Ces voyageurs sont particulièrement sensibles à la valeur qu'ils obtiennent et nous procédons actuellement à un examen majeur de nos services dans le corridor qui se traduira par des améliorations importantes afin de mieux répondre à leurs besoins. Toutefois, nous savons qu'il nous reste encore beaucoup de chemin à faire.

À l'heure actuelle, les transports publics, le train, l'autocar et l'avion, ne représentent que 15 p. 100 des déplacements dans le corridor. Comme l'automobile est utilisée pour les autres 85 p. 100, il va de soi qu'elle constitue notre marché cible. Dans le corridor, la congestion routière survient surtout près des principaux centres urbains; c'est pourquoi VIA a commencé d'explorer les perspectives d'avenir d'un service de banlieue de longue distance fiable et peu coûteux dans ce marché, afin d'atténuer ce problème. Ce type de service n'entraînera pas l'ajout d'une voie aux autoroutes actuelles ou d'un terrain de stationnement, et est plus écologique que la circulation automobile. Une solution de rechange toute prête aux autoroutes congestionnées. Cette approche n'est qu'un autre moyen parmi ceux qu'utilise VIA pour offrir aux Canadiens un réseau ferroviaire voyageurs qui se tient.

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VIA met l'accent sur la prestation de services ferroviaires voyageurs peu coûteux et de qualité supérieure aux Canadiens. Innovation, efficience et service supérieur: voilà trois caractéristiques clés de l'entreprise renouvelée qu'est devenue VIA. Par notre incidence sur le tourisme au Canada, nos recherches de solutions novatrices aux défis à relever dans le monde du transport et par notre exploitation toujours plus efficiente, VIA verse et continuera de verser des dividendes à tous les Canadiens.

Voilà les quelques mots par lesquels je voulais commencer, monsieur le président. Je serais très heureux de répondre aux questions et si je ne peux leur apporter de réponse, je suis convaincu que mes collègues pourront le faire.

Le président: Merci beaucoup, M. Ivany.

Je vais démarrer les questions avec M. Gouk cette fois.

M. Gouk: Merci, monsieur le président, et bonjour messieurs.

Comme vous le savez, le gouvernement veut s'engager sur la voie de la privatisation et de la suppression des subventions. Dans l'aviation, il a remis les aéroports au secteur privé et privatisé le système de navigation aérienne. Le comité vient de terminer hier soir l'étude d'un projet de loi qui aura le même effet sur les ports, parce que le gouvernement souhaite que les ports produisent des recettes nettes. Pour les routes, le réseau routier constitue une source importante de recettes nettes pour le gouvernement fédéral - et je souligne qu'il s'agit d'une source nette. Dans le cas du rail, CN Rail a été privatisé et l'on est en train de supprimer les subventions au transport de marchandises.

Compte tenu de l'évolution qu'ont connu tous ces secteurs, à la seule exception de VIA Rail, qui est subventionnée - et vous pourrez peut-être me corriger si les chiffres ont été modifiés à la baisse depuis, mais les derniers chiffres que j'ai au sujet des subventions mentionnent un montant de 600 000 $ par jour - comment justifier que VIA Rail obtienne une subvention aussi énorme alors que tous les autres secteurs du transport au Canada, y compris le rail, ont été commercialisés et que le gouvernement a cessé d'investir dans ce secteur?

M. Ivany: C'est une très bonne question. Entre parenthèses, je vous signale que ce montant de 600 000 $ par jour est passé à 300 000 $ par jour, par rapport à il y a deux ans, c'est donc un pas dans la bonne direction.

Je ne suis pas nécessairement d'accord avec vous lorsque vous affirmez que les autres moyens de transport ne reçoivent aucune subvention. Dans tous les pays du monde, les transports publics, qu'il s'agisse de compagnies aériennes, d'aéroports ou d'autres espèces, sont subventionnés d'une façon ou d'une autre. Je sais que le gouvernement est en train de mettre sur pied des administrations aéroportuaires locales. Certaines cessions prévoient des genres de loyers négatifs en vertu desquels le gouvernement continue à fournir des subventions pour l'amélioration des immobilisations et d'autres aspects opérationnels. J'ai participé à la négociation d'un certain nombre de ces cessions.

Je crois que vous venez de terminer une discussion au sujet du réseau routier et des subventions accordées aux différents modes de transport. Je dirais que oui le gouvernement dégage un bénéfice net pour ce qui est des taxes mais pour ce qui est de l'idée que chaque moyen de transport devrait payer une part équitable, je crois qu'il y a des aspects qui prêtent à discussion et des arguments qui vont dans les deux sens. Je travaillais auparavant dans le secteur du camionnage et on nous accusait toujours de ne pas assumer une part équitable.

Mais pour ce qui est de la subvention que verse VIA, cela est tout à fait transparent, il n'y a rien de caché. Nous utilisons les voies du CN ou du CP, ces sociétés nous facturent et nous leur envoyons un chèque tous les mois. Il est très facile de voir ce que nous achetons.

Pour ce qui est des subventions au transport ferroviaire de passagers, je ne connais aucun pays au monde qui ne subventionne pas ce secteur. Je sais qu'il y a de nombreux pays qui essaient de résoudre ce problème particulier, avec des degrés de réussite variés. Au Canada, ce n'est pas à moi de décider si nous allons offrir un service de transport de passagers par rail; c'est au gouvernement de se prononcer sur cette question, parce qu'il s'agit d'une décision d'intérêt national.

Un des problèmes que nous avons ici lorsque je nous compare à la Grande-Bretagne, par exemple... Les Britanniques disent qu'ils sont en train de privatiser les chemins de fer britanniques. Ils ont 25 sections - ils appellent cela des TOC - dont neuf ont été soi-disant privatisées, mais cette privatisation s'accompagne quand même de subventions. En fait, les autres TOC n'ont pas encore été privatisées. Les subventions aux chemins de fer britanniques cette année-ci, avec la restructuration, vont doubler et passer à quatre milliards de livres par an.

Quant à savoir si le gouvernement du Canada devrait continuer à subventionner VIA Rail, je n'ai pas grand-chose à dire à ce sujet. Tout ce que je peux vous dire est que cela se fait ailleurs.

Le président: Merci, M. Ivany. On sait que les camionneurs donnent toujours réponses très brèves.

M. Ivany: Cela fait six ans ce cela, monsieur le président.

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Le président: M. Gouk, une dernière question très brève.

M. Gouk: Vous avez mentionné que les aéroports sont encore subventionnés, à hauteur de 35 millions de dollars, qui proviennent du fonds d'aide aux immobilisations des aéroports. Le gouvernement retire du seul aéroport de Vancouver des recettes de cet ordre de grandeur.

Pour ce qui est de votre commentaire selon lequel les subventions sont nécessaires... le Montagnard des Rocheuses a commencé avec VIA et a été ensuite remis au secteur privé, qui a acheté certains actifs de VIA, y compris des droits de circulation. Ils envoient le même chèque aux autres compagnies ferroviaires à un taux plus élevé.

Le président: Et quelle est votre question?

M. Gouk: Maintenant qu'ils ont réussi à faire passer de 6 000 et quelque au moment où ils ont racheté cela à VIA, à 42 000, et qu'ils continuent à se développer, comment justifier que VIA vienne maintenant leur faire concurrence?

Vous dites que vous n'exercez vos activités que dans les secteurs où il y a une contribution nette. Mais avec votre infrastructure - vos bureaux, vos bureaux d'administration et tout cela - le fait d'apporter une augmentation nette à une société qui est déjà subventionnée au rythme de 600 000 $ par jour n'est pas un aspect très profitable, si l'on se place du point de vue de la concurrence. Comment alors pouvez-vous justifier d'essayer aujourd'hui de concurrencer le secteur privé alors que vous êtes une société subventionnée par le gouvernement?

M. Ivany: Monsieur le président, ma réponse à cette question ne va pas être très très longue mais il me semble toutefois nécessaire de saisir l'occasion de répondre à cette affirmation, parce que j'aimerais mettre les choses au point au sujet de ce qui se passe avec le GCRC.

En 1990, monsieur le président, nous exploitions, je crois, 14 trains qui passaient par Jasper. Nous avions 700 000 passagers, je crois, sur le Transcontinental; et il y en avait 325 000 qui transitaient par Jasper sur nos trains. Nous avons constaté - et cela était avant moi - l'existence d'un créneau précis, d'un produit très différent qui pourrait être offert dans ce secteur et c'était le Montagnard des Rocheuses. En fait, en 1990, le Montagnard des Rocheuses a apporté une contribution nette d'un million de dollars à nos opérations. C'était donc un service très intéressant. Le gouvernement de l'époque a toutefois estimé qu'il serait préférable de confier cette section à l'entreprise privée - parce que cela était différent des services que nous offrions habituellement - et il a été de l'avant et l'a mise en vente. Le GCRC en a été l'acquéreur.

Dans ce genre d'activité, les voyagistes réservent de nombreux sièges et je crois que la DP mentionnait un certain chiffre qui ne s'est jamais concrétisé. Chaque fois que j'entends l'histoire, je constate que le nombre des passagers qu'a repris le GCRC baisse. Mais je crois qu'il y en avait 7 300 au moment où s'est opéré le transfert. Ils ont fait de l'excellent travail depuis. En six ans, ils ont fait passer ce chiffre à 43 000 passagers l'année dernière et nous les en félicitons.

En fait, nous les avons beaucoup aidés en leur offrant d'excellents prix pour l'entretien, pour le nettoyage, et pour l'utilisation de nos installations à Vancouver. L'année dernière encore, nous avons négocié avec eux un excellent prix pour eux pour leur fournir des bureaux au-dessus des nôtres. Ce ne sont pas là les gestes d'une compagnie qui essaie d'en évincer une autre.

Parallèlement, je vous signale que le nombre de nos trains passant par Jasper est tombé à trois par semaine. En 1990, il passait sur ce tronçon de voie 325 000 passagers. Cette année, il y en aura moins de la moitié. Ces passagers sont partis ailleurs; cela est bien évident.

J'aimerais également mentionner qu'il ne s'agit pas là d'un service nouveau. C'est la continuation d'un service existant. Ce service n'a jamais été supprimé. C'est un produit tout à fait différent du nôtre.

Le GCRC offre un produit très intéressant et très attirant. En d'autres termes, c'est un service de jour, c'est un service axé sur le tourisme, il comprend des festivités qui lui donnent un air de vacance. Les passagers passent la nuit à Kamloops dans un hôtel et on leur offre un barbecue. Voilà le genre de service qu'on leur offre.

Le service que nous offrons est essentiellement un service de transport; vous montez dans le train à Vancouver à 20 heures, nous ne vous offrons même pas un repas mais quelques amuse-gueule et vous allez vous coucher. Vous vous réveillez le lendemain matin dans les montagnes; nous vous offrons un brunch et vous descendez à Jasper à 14 heures. Fin du service. Nous n'offrons pas d'excursion, même s'il y a des compagnies qui utilisent notre service de transport dans une excursion commerciale.

C'est pourquoi je tenais à préciser que nous offrons un service très différent de celui du GCRC.

Le président: Merci, M. Ivany. Je crois que vous avez effectivement apporté cette précision.

Monsieur Cullen.

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M. Cullen: Merci, monsieur le président. Je serai très bref.

Tout d'abord j'aimerais féliciter VIA Rail pour l'importance nouvelle qu'il accorde à la clientèle. C'est ce que je constate lorsque j'utilise vos services de temps en temps, à Montréal, Toronto et Ottawa. Je crois que cela se reflète dans l'attitude du personnel et la façon dont vous exercez vos activités.

Je ne peux résister à l'envie de demander au PDG de VIA Rail ce qu'il pense de la mise en place d'une ligne rapide entre Montréal et Toronto. Que pensez-vous de cela?

M. Ivany: Dans le transport ferroviaire, il est toujours bon d'aller plus vite. Nous estimons que, si la vitesse n'est pas tout, il est bon d'aller plus vite. Les divers niveaux de gouvernements ont fait des études très approfondies de ce projet et je crois que l'étiquette fait un peu peur, puisqu'elle s'élève à 18 milliards de dollars.

Tout ce que je peux dire - et bien évidemment ce n'est pas moi qui prendrais cette décision de dépenser 18 milliards de dollars - c'est que VIA Rail est aujourd'hui très axée sur la clientèle, sur les coûts, sur la nécessité de réduire notre dépendance à l'égard des fonds publics. Quelle que soit la forme que pourrait prendre une liaison rapide entre Windsor et Québec, nous pensons qu'il serait normal que nous soyons appelés à l'exploiter, à cause de la façon dont nous exerçons nos activités.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Gouk, vous vouliez un droit de réponse de 10 secondes. Je compte.

M. Gouk: Vous dites que vous avez fait un million de dollars en transportant 7 300 passagers, d'après vos chiffres.

M. Ivany: Non, je n'ai pas parlé d'un million de dollars.

M. Gouk: Contribution nette à...

M. Ivany: Pas pour 7 300 passagers; 7 300 est le nombre des passagers que le GCRC a transporté après notre dernière année d'exploitation. C'était l'année d'avant.

M. Gouk: J'ai compris que vous disiez que vous aviez gagné un montant d'un million de dollars.

M. Ivany: C'est effectivement ce que nous avons fait, oui.

M. Gouk: Cela représente 137 $ par passager en 1989. C'est assez...

M. Ivany: Nous avons transporté 15 000 passagers, M. Gouk.

Le président: Merci à tous. M. Caron est très patient.

[Français]

M. Caron: Je vous remercie de votre présentation. Je vais vous poser une question sur les services et les liaisons en régions éloignées. Il est certain que je ne verrai pas les choses du même oeil que mes amis du Parti réformiste, parce que dans les régions éloignées, si les services ne sont pas subventionnés, ils sont inexistants.

Je vous donne l'exemple du service Montréal-Jonquière, non pas parce que je suis député de Jonquière, mais parce que c'est la ligne que je connais le mieux. En tout cas, j'ai constaté, au cours des dernières années, que VIA Rail avait vraiment fait un effort pour être plus à l'écoute de la population, pour maintenir le service, pour entretenir des échanges et pour développer un partenariat.

La question que je vous pose est celle-ci: est-ce encore dans les intentions de VIA Rail de faire tout en son possible et même plus pour maintenir le service ferroviaire pour voyageurs en régions éloignées? Pour plusieurs agglomérations, c'est très important, et pour d'autres, c'est une nécessité. Pour certaines d'entre elles, c'est très important pour la diversification des transports et parce que cela dégage les routes.

En tout cas, il n'est pas sûr que subventionner ce service soit si coûteux pour l'ensemble des citoyens, si l'on prend en compte les dépenses d'entretien des routes. Le transport des voyageurs par train pourrait être à notre avantage.

La question que je vous pose est celle-ci: est-il dans vos intentions de faire tout en votre possible pour maintenir le service en régions éloignées, de maintenir un partenariat avec les régions en ce qui concerne la promotion du tourisme ainsi que d'être attentifs aux suggestions que les régions vous font?

[Traduction]

M. Ivany: Il est clair que, pour VIA Rail, les régions isolées constituent un élément important de notre mission. Je crois que dans votre secteur, nous avons commencé à utiliser l'année dernière notre nouveau matériel en acier inoxydable, qui est bien supérieur à l'ancien matériel qui était chauffé à la vapeur.

Nous avons rencontré, et nous continuons à le faire régulièrement, les représentants des collectivités, parce que je pense, tout comme vous, qu'il est très important d'expliquer aux gens ce que peut offrir cet autre mode de transport, en particulier dans les régions isolées.

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Troisièmement, nous avons récemment commencé à faire la promotion - avec beaucoup d'énergie - de l'écotourisme ou du tourisme d'aventure. Bien évidemment, les régions isolées représentent une ressource naturelle pour ce genre d'activité.

Le président: Merci, M. Caron.

Merci, M. Ivany. Je crois que VIA Rail est un des services ferroviaires les moins subventionnés du monde industriel. Je vous remercie de nous avoir consacré votre temps aujourd'hui. J'apprécie beaucoup l'intérêt que vous avez manifesté à l'égard de ce sujet. Je suis sûr que nous aurons le plaisir de nous revoir.

M. Ivany: Merci beaucoup, monsieur le président. Cela a été un plaisir pour moi.

Le président: À la demande du greffier, nous allons faire une pause de deux minutes pour recharger nos batteries.

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.1041

Le président: Très bien, reprenons.

Nous allons maintenant entendre M. Housch qui représente la Fraternité des préposés à l'entretien des voies.

Monsieur Housch, vous avez la parole. Je vous demanderais de limiter vos observations à une dizaine de minutes et les membres du comité vous poseront ensuite des questions.

M. G.D. Housch (vice-président, Fraternité des préposés à l'entretien des voies): Merci, monsieur le président. C'est un véritable plaisir que de pouvoir vous présenter ici notre point de vue.

Je vais vous dire quelques mots sur notre organisme. Notre syndicat remonte à près de 127 ans et nous avons toujours été un syndicat des chemins de fer, uniquement de chemin de fer. Nous avons vu beaucoup de choses au cours des 100 dernières années, et nous en avons vu également beaucoup depuis 10 ans.

Les audiences tenues par ce comité mettent l'accent sur l'infrastructure routière. À notre avis, il faudrait élargir cette notion. Si le gouvernement fédéral décidait de financer un autre programme d'infrastructure pour les autoroutes, cela risquerait de nuire à l'efficacité du réseau de transport, certainement dans le cas du secteur ferroviaire. Le gouvernement fédéral a alloué des fonds aux provinces pour améliorer l'infrastructure routière et les prochains investissements du gouvernement fédéral au chapitre de l'infrastructure du transport devraient inclure d'autres modes de transport.

On retrouve des exemples d'investissement dans le transport multimodal au sujet desquels on dispose de beaucoup de renseignements dans les pays européens comme la Suède et même aux États-Unis avec leur Loi sur l'Intermodal Surface Transportation Efficiency ou ISTEA. Ils financent les terminaux combinés de camion-train, les infrastructure de chemin de fer-port, la restauration et l'amélioration des gares de service ferroviaire de passagers et les infrastructures et améliorations des services de train de banlieue.

Tout financement fédéral futur consacré aux projets d'infrastructure canadiens devrait aussi financer des modes de transport autres que les autoroutes - les terminaux de chemins de fer-marine, de chemins de fer-camions, les voies de chemin de fer, les services de train de banlieue et le transport urbain.

L'État de la Floride a engagé 70 millions de dollars par année sur une période de 30 ans afin de fournir environ la moitié des capitaux requis pour construire une digue de TGV entre Miami, Orlando et Tampa. L'État a justifié cet investissement ferroviaire à titre de solution de rechange au réseau routier. Il va également puiser dans les dollars fédéraux consacrés aux autoroutes afin de financer cet investissement, si le Congrès républicain l'y autorise.

Les projets de services de train de banlieue devraient pouvoir se prévaloir du financement accordé par les nouveaux programmes d'infrastructure que le gouvernement pourraient lancer. Des améliorations progressives relativement peu coûteuses au service de VIA Rail procureraient des avantages importants avec un minimum d'investissements.

Au cours des années 80, VIA Rail a investi 36 millions de dollars afin d'améliorer les voies entre Ottawa et Brockville pour rehausser le corridor ferroviaire Ottawa-Toronto pour les nouveaux trains LRC. La durée du trajet est passée de 4 heures 45 minutes à 4 heures 2 minutes. Le nombre des usagers du train a grimpé de 328 000 en 1985 à 516 000 en 1994; la récupération des coûts directs est passée de 64 p. 100 en 1985 à 97,8 p. 100 en 1994. L'investissement a été remboursé grâce à l'augmentation des revenus et aux diminutions des subventions au chapitre du fonctionnement.

Un modeste investissement de sept millions de dollars dans le corridor ferroviaire Toronto-Windsor a réduit de 34 minutes la durée du trajet. Il faudrait investir des centaines de millions de dollars dans l'amélioration du réseau routier pour réaliser ce genre d'économie de temps sur une autoroute similaire.

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En ajoutant un train direct et en investissant quatre millions de dollars, VIA Rail a réduit de quatre heures et demie à moins de quatre heures la durée du trajet entre Montréal et Toronto. On pourrait ramener à moins de trois heures et demie la durée du trajet d'un train direct entre Montréal et Toronto en utilisant l'équipement ferroviaire existant et en accroissant la vitesse moyenne par le biais de modestes améliorations. Ces améliorations progressives serviraient de base à l'électrification future, au nouvel équipement et à de meilleures voies pour un service de train à grande vitesse, comme celui que l'on est en train de construire en Floride et dans le corridor ferroviaire du nord-est des États-Unis.

D'autres améliorations progressives sont apportées aux services offerts par VIA Rail dans ce corridor ferroviaire, les subventions vont diminuer puisque la rapidité des trajets attirera un plus grand nombre d'usagers et améliorera la productivité tant au regard du matériel que du personnel. Avec l'augmentation du nombre des usagers, le gouvernement et les contribuables épargneront les coûts liés aux accidents de la route, à la construction des routes et à la pollution automobile. Ceci libérera des ressources qui permettront d'appuyer et d'améliorer les services dispensés par VIA dans les Maritimes, dans le Nord du Québec et de l'Ontario ainsi que dans l'Ouest.

Avec l'arrivée d'un réseau de lignes à grande vitesse, les profits opérationnels provenant du corridor ferroviaire serviront à subventionner les services situés à l'extérieur de ce corridor et c'est pourquoi nous sommes convaincus que, si l'on décide d'aller vers les trains à grande vitesse, il faudrait confier ce projet à VIA Rail. Tout programme d'infrastructure futur devrait également fournir des occasions nouvelles d'améliorer l'efficacité et de rendre plus attrayants les services ferroviaires de passagers.

Le Canada a décidé de taxer les usagers pour ce qui est du transport de marchandises par train. Les frais de transport, les taxes sur les carburants et les droits de permis ne couvrent pas le coût d'entretien et de construction des routes. La subvention accordée à l'industrie du camionnage détourne les marchandises des réseaux ferroviaires et maritimes, qui sont pourtant moins polluants et plus sécuritaires que le camionnage.

Les chiffres qui suivent ont été préparés par le Transportation and Climate Change Collaborative et indiquent que la subvention accordée au transport par camion au Canada est 6,8 fois supérieure à celle du rail pour chaque tonne-kilomètre. Des camions de près de 70 tonnes endommagent les routes et les ponts canadiens. D'après le gouvernement du Québec, un gros porteur cause autant de dommages que 29 000 automobiles.

Une recherche indépendante effectuée pour le Transportation and Climate Change Collaborative révèle que la subvention annuelle totale accordée à l'industrie canadienne du camionnage est de 2,8 milliards de dollars. Il faudra réduire les subventions à ce mode de transport si l'on veut placer tous les modes sur un pied d'égalité. On pourrait y parvenir en obligeant les camions à verser une taxe qui serait fonction de la charge et de la distance, comme le proposait la commission royale de 1992, et qui servirait à assumer les coûts qui ne sont pas couverts par la taxe sur les carburants et les droits de permis.

Pour ce qui est de l'infrastructure ferroviaire, avec la nouvelle Loi sur les transports, il n'y a pas d'examen d'intérêt public des cessions ou des abandons de ligne, même dans le cas des lignes principales essentielles à l'intérêt national et dont dépendent des milliers d'emplois. La loi s'insère dans une politique globale d'ensemble qui vise à abandonner toute responsabilité à l'égard du réseau de transport national.

Les finesses théoriques de la nouvelle politique en matière de transport se sont heurtées à la réalité économique. La non-parité ferroviaire dans le port de Prince Rupert a entraîné la fermeture d'un terminal de céréales de 280 millions de dollars et des pertes d'emploi. En fait, le gouvernement a placé 310 kilomètres de plus entre Prince Rupert et les céréales en provenance des Prairies. La perte du trafic des céréales va aggraver les pressions à la hausse sur les tarifs de transport du charbon puisqu'il va falloir couvrir les frais d'exploitation restants. Cela pourrait mettre en danger les mines, les chemins de fer et le port lui-même.

L'abandon de la ligne Sheridan menace des milliers d'emplois miniers et forestiers dans le nord du Manitoba. Dans son plan triennal de planification, le CN a décidé d'abandonner cette ligne plutôt que de la transférer parce qu'elle ne s'attend pas à pouvoir trouver un acheteur de ligne courte distance.

La restructuration du secteur des élévateurs et des industries ferroviaires menace l'existence de port Churchill. Celui-ci ne pourra survivre avec la politique actuelle du gouvernement. Il ne pourra le faire que si le gouvernement intervient et favorise une solution de rechange dans ce domaine.

Le secteur le plus actif de nos jours à Thunder Bay est la démolition des terminaux de céréales. La restructuration du transport des céréales sur une base continentale va détourner les céréales de Thunder Bay vers Duluth et le Mississippi. Il existe certains tronçons importants de notre réseau ferroviaire national qui ne sont pas rentables mais qui devraient être protégés à titre de composante essentielle de notre infrastructure publique dont ont besoin nos entreprises privées et les emplois régionaux.

Pour ce qui est de la sécurité ferroviaire, nous avons enregistré au cours des 10 dernières années une diminution de 50 p. 100 du nombre de nos membres, alors que le trafic ferroviaire a augmenté. Il est impressionnant d'avoir réussi à multiplier par deux la productivité des employés mais cela risque, d'après nous, d'affecter la sécurité.

Au cours des sept premiers mois de 1996, le nombre des déraillements sur les voies principales a augmenté de près de 50 p. 100 par rapport à la même période en 1995. Même en tenant compte de l'augmentation marginale du trafic ferroviaire, le taux de déraillement sur les voies provinciales a tout de même augmenté de 45 p. 100 par rapport à 1995, et tout le monde sait que les compagnies de chemin de fer ont prévu d'autres coupures à ce chapitre.

Pour faire une comparaison avec le camionnage, on peut dire que l'on exige beaucoup moins du transport par route en matière de sécurité qu'on ne le fait dans le cas du transport par rail, et cela vient s'ajouter à l'effet brutal de la déréglementation intervenue en 1988, qui a amené les sociétés de camionnage et les conducteurs à améliorer leur rendement, bien souvent au détriment de la sécurité. La pénalité pour un retard de livraison de marchandises peut aller jusqu'à 7 000 $ l'heure. L'Ontario a été le plus durement frappé par la tempête déclenchée par la déréglementation et la déstabilisation. Le pourcentage des camions ayant dû être mis hors service en Ontario à la suite d'inspections gouvernementales est passé de 23 p. 100 pour 1989 à 39 p. 100 en 1996.

.1050

Le Sénat n'a approuvé la loi sur la déréglementation - Loi sur le transport par véhicule à moteur de 1987 - qu'à condition que soit mis en oeuvre un code national de sécurité. Selon le calendrier initial, ces normes devaient être introduites en 1990 mais nous sommes en 1996 et elles n'ont toujours pas été introduites. Je crois que nous en sommes arrivés à un point où la réglementation compromet la sécurité. La rentabilité ne doit pas s'obtenir au détriment de la sécurité.

Pour ce qui est du tourisme, nous pensons que le voyage par train est une attraction touristique unique difficilement remplaçable. Cela vaut particulièrement pour les touristes en provenance d'outre-mer et en particulier pour les touristes européens, qui sont habitués à de bons services ferroviaires chez eux et qui préfèrent voyager par train lorsqu'ils sont en vacances. S'ils ne peuvent utiliser le train au Canada, ils iront le faire aux États-Unis, Amtrak opère de nombreux trains transcontinentaux à deux étages. Cette société a également investi dans une technologie ferroviaire transcontinentale moderne, efficace et abordable.

En 1992, les dépenses de VIA se sont élevées à 533 millions de dollars, ce qui représente une contribution de 693 millions de dollars au PIB. Les passagers ont dépensé 368 millions de dollars supplémentaires dans les hôtels, les restaurants, pour une contribution supplémentaire de 434 millions de dollars au PIB. 23 542 emplois à temps plein dépendent des activités de VIA Rail, sans parler des dépenses effectuées à l'extérieur par les passagers, ce qui représente des salaires d'environ 651 millions de dollars. L'activité économique globale générée en 1992 par VIA Rail est 4,73 fois supérieure au financement du gouvernement.

Il existe également un certain nombre de chemins de fer régionaux et touristiques qui favorisent le tourisme ferroviaire.

Voilà qui termine mes remarques. J'ai essayé d'être aussi bref que possible, monsieur le président. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président: Je tiens à vous dire que mon recherchiste qui est très compétent et a beaucoup d'expérience vient de me signaler que vous êtes passé de façon très efficace à travers un mémoire imposant. Je vous en remercie.

Monsieur Keyes.

M. Keyes: Merci, monsieur le président.

J'aimerais préciser un point. Je remercie M. Housch de nous avoir présenté ce rapport. Il offre une bonne analyse et contient beaucoup de statistiques.

J'ai toutefois une crainte, M. Housch. À la page 8, lorsque vous parlez de la sécurité ferroviaire, vous dites que la multiplication par deux de la productivité des employés est fort impressionnante mais vous poursuivez en disant que cela affecte la sécurité. Voilà ce qui m'inquiète, parce que Transports Canada accorde la priorité numéro un à la sécurité et que les chiffres peuvent être trompeurs. Par exemple, vous dites qu'au cours des sept premiers mois de 1996, les déraillements sur les lignes principales ont augmenté de 50 p. 100 par rapport à 1995. C'est peut-être le cas mais pouvez-vous me dire comment se répartissent ces déraillements? Combien sont dus au climat? Combien sont dus au vandalisme, aux jeunes qui jettent des objets sur les voies? Combien d'erreurs de manoeuvre commises par des employés se retrouve-t-on dans ces chiffres?

M. Housch: Cela est vrai. Je reconnais que les déraillements sur les grandes lignes dépendent de nombreuses variables. Mais pour ce qui est du climat et de ce genre de choses... Par exemple, lorsque l'infrastructure ferroviaire est en bon état, qu'il fasse chaud ou froid n'a guère d'effet sur la sécurité de nos jours. Les deux grandes sociétés de chemin de fer reportent depuis quelques années les dépenses d'immobilisation. Il y a des voies sur lesquelles il y a 20 ou 25 ans on pouvait circuler entre 50 et 60 milles à l'heure, et qui sont maintenant limitées à 20 ou 25 milles.

Il y a donc une limite à ce que l'on peut faire pour réduire les coûts. Malheureusement, le secteur ferroviaire est une industrie à très forte composante de capital. Avec les pressions qu'elles subissent depuis 1987, les grandes sociétés ferroviaires n'ont pas entretenu leur infrastructure comme elles l'auraient dû.

M. Keyes: Je m'inquiète lorsque vous parlez des employés et des gains de productivité et que vous dites que cela affecte la sécurité et que vous fournissiez ensuite un chiffre de 50 p. 100 sans le répartir; cela est quelque peu trompeur.

M. Housch: Sans doute mais je ferais remarquer au comité que cela est très préoccupant, non pas seulement pour moi mais pour nos membres... Pour ce qui est de la sécurité ferroviaire, nous avons été obligés de modifier et de faire des choses graves qui soulèvent des préoccupations. Je peux vous dire franchement, que nous connaissons les voies, et que nous avons vu des trains passagers emprunter des voies qui nous font très peur. Nous en avons parlé au ministre et je suis sûr qu'il va examiner la question mais j'éprouve de graves préoccupations au sujet de la sécurité ferroviaire.

.1055

M. Keyes: Je crois que l'on comprendrait mieux votre position au sujet de la sécurité ferroviaire et qu'on éviterait de créer des craintes inutiles ou de fausses perceptions si vous répartissiez les chiffres que vous citez. Au lieu de lancer ces chiffres et de voir les gens dire qu'ils ne sont pas répartis, ils veulent nous faire peur, cela nous aiderait beaucoup à mieux planifier notre sécurité.

M. Housch: Je crois que Transports Canada est en train de s'occuper de cela à l'heure actuelle mais il est alarmant de constater qu'il y a eu une augmentation de 50 p. 100 des déraillements sur les voies principales.

M. Keyes: Vous recommencez. Vous n'avez pas réparti ce chiffre.

M. Housch: Cela est très inquiétant. C'est quelque chose qui devrait nous inquiéter.

M. Keyes: Oui, pour autant que ce soit la sécurité qui en soit la cause.

Le président: Merci, M. Housch. Merci, M. Keyes.

Monsieur Caron.

[Français]

M. Caron: Je vous remercie de votre présentation.

À propos du débat sur les avantages du transport par camions sur le transport par train, dans ma région, nous avons fait l'expérience d'une combinaison des deux modes de transport. On chargeait sur le wagon le conteneur amené par camion. L'expérience n'a pas été rentable et s'est terminée sans plus.

À ce que je vois, vous suggérez un genre de taxe sur le camionnage. À la page 7 de votre mémoire, vous faites allusion à une commission royale d'enquête sur le transport en 1992 qui recommandait une taxe sur le coefficient de chargement et la distance parcourue. À votre connaissance, est-ce qu'il s'est fait des choses en ce sens au Canada, dans certaines provinces? Est-ce qu'il y des endroits où on impose une taxe spéciale ou supplémentaire sur les camions, en rapport avec le chargement et avec le type de routes utilisées? Ou bien a-t-on laissé se développer l'industrie du camionnage de façon un peu galopante, comme on le voit actuellement, et dépérir lentement le chemin de fer, comme le disait tout à l'heure un député?

[Traduction]

M. Housch: C'est une excellente question. Je crois que si nous voulons vraiment taxer les usagers, il faut que ce soit la même chose pour tous les modes de transport. Malheureusement, ce n'est pas ce qui se passe de nos jours.

Nous avons effectué en 1992 une étude sur les coûts sociaux comparés du transport routier et du transport ferroviaire. C'était avant l'abrogation de la LTGO, ce qui veut dire que les chiffres ne sont plus tout à fait exacts maintenant. À cette époque, le coût social du transport d'une tonne de marchandises par rail était d'environ 0,5¢ la tonne-kilomètre. Pour déplacer la même charge par camion, il en coûtait environ cinq fois plus, soit plus de 2,5¢. La suppression de la LTGO va encore augmenter ces chiffres. C'est pourquoi si l'on veut faire payer l'usager, il faudrait que tous les modes de transport le fassent de la même façon.

À l'heure actuelle, le transport ferroviaire doit faire concurrence avec des camions qui utilisent une infrastructure publique. Il faut réagir d'une façon ou d'une autre à cette inégalité. Je crois qu'une solution consisterait à examiner la façon dont est imposé le transport ferroviaire. On pourrait peut-être examiner la taxe sur les carburants. Il y a un autre aspect qui a toujours préoccupé le secteur ferroviaire, y compris les fabricants de matériel ferroviaire, c'est la possibilité d'amortir les dépenses en immobilisation. Aux États-Unis, le matériel ferroviaire s'amortit habituellement en sept ans. Je crois qu'au Canada, cette durée est deux ou trois fois supérieure.

Le président: Merci, M. Housch.

Monsieur Benoit.

M. Benoit: Merci, monsieur le président.

Lorsque vous dites que les camionneurs utilisent une infrastructure publique et qu'ils ne fonctionnent pas de la même façon que les chemins de fer, il ne faut pas oublier que les contribuables canadiens ont investi des milliards et des milliards de dollars dans le réseau ferroviaire, dans cette infrastructure, de sorte qu'on ne peut dire non plus que les chemins de fer utilisent des voies financées par les compagnies ferroviaires.

.1100

Pour ce qui est des camionneurs, cela fait des années que les budgets fédéral et provinciaux augmentent progressivement la taxe sur les carburants qui devait être utilisée pour l'amélioration du réseau routier. En fait, elle n'a pas été utilisée de cette façon mais c'est ce qui avait été prévu.

On a donc perçu auprès des camionneurs des taxes qui représentent des milliards de dollars et qui devaient être utilisées pour construire des routes. Votre affirmation ne me paraît pas aussi exacte qu'elle pourrait être.

M. Housch: Je vous ferais remarquer que toutes les provinces perçoivent également une taxe sur les carburants pour locomotive. En Saskatchewan, je crois que cette taxe est d'environ 15¢ le litre.

Avec votre argument, on pourrait utiliser cette taxe pour construire des routes. Si la taxe sur les carburants devait être utilisée pour les réseaux routiers provinciaux, ce qui se produit en fait, c'est que les compagnies de chemin de fer subventionnent l'infrastructure routière de façon indirecte lorsqu'elles payent les taxes provinciales sur les carburants.

M. Benoit: Le carburant qu'utilise une locomotive est infime si on le compare à ce qu'utilise un camion.

Dans un autre domaine - je voulais soulever ce point - le Parti réformiste a pour politique de privatiser VIA Rail. VIA Rail a déclaré ce matin que le fonds provenant des contribuables - il parlait en fait des coûts d'opérations - ou leur subvention est passée de 330 millions de dollars par an à 220 millions de dollars. On m'a dit par la suite qu'en 1999, cette subvention aux opérations tomberait à 140 millions de dollars. Nous allons donc réussir à mettre un terme à ces subventions publiques.

Que pensez-vous de la possibilité de privatiser ces services? La privatisation s'accompagne souvent d'un accroissement de l'efficacité. Cela permettrait peut-être au système de se développer bien davantage.

M. Housch: Le gouvernement doit décider ce qui est dans l'intérêt national? Rien n'empêche de privatiser VIA Rail. Si cela se produit, il y aura beaucoup de liaisons qui disparaîtront. Prenez, par exemple, la liaison avec Churchill, dont dépendent tant de gens. Cela modifierait profondément les liaisons nord-ouest du pays, pour ce qui est de la façon de les mettre en marché. On pourrait même se demander s'il y aurait encore un service ferroviaire entre Winnipeg et Edmonton.

Une compagnie privée ne se soucie pas de l'intérêt national. Si VIA Rail devait exploiter un train à grande vitesse, par exemple, les sommes obtenues grâce à ce service pourraient être utilisées pour compenser les coûts d'opérations des lignes marginales ou non rentables. Avec une structure privée, ces lignes non rentables disparaîtraient tout simplement. C'est donc une question d'intérêt national: comment définir ce qu'est l'intérêt national?

M. Benoit: C'est une bonne question: qu'est-ce que l'intérêt national? Est-il dans l'intérêt national de dépenser des millions et des millions de dollars sur une ligne où manifestement il n'y a pas de demande?

Pour ce qui est de Churchill, il faudrait certainement privatiser cette ligne. Si quelqu'un est suffisamment intéressé pour tenter l'aventure, confions cette ligne à une compagnie privée. Que cela devienne une ligne à courte distance.

M. Housch: C'est là manifestement une solution rentable mais il faut se demander si ces lignes marginales ne disparaîtraient pas si l'on privatisait demain VIA Rail.

Je crois que ces lignes ont encore leur raison d'être. Il me paraît important d'offrir ce service de passagers, en particulier jusqu'à Churchill. Il y a beaucoup de gens qui travaillent là-bas qui ont besoin de ce service pour s'y rendre.

M. Benoit: Vont-elles disparaître? Nous l'avons vu en Ontario. Nous l'avons vu dans d'autres régions. Lorsque les grandes compagnies de chemins de fer abandonnent une ligne, de petites compagnies ont parfois décidé de l'exploiter et ont très bien réussi à le faire.

M. Housch: Il y a quelques exemples de cela au Canada.

M. Benoit: Il y en a un bon nombre.

M. Housch: Quelques-uns, mais peu nombreux. Il y a beaucoup plus de lignes abandonnées que d'exploitants de lignes à courte distance.

M. Benoit: Mais est-ce que tout cela est mauvais?

M. Housch: C'est là la question: comment définir l'intérêt national? Le transport des céréales en est un bon exemple. La Saskatchewan qui se trouve au nord du Dakota du Nord a déjà commencé à rationaliser son réseau.

De nos jours, il est moins cher de transporter un wagon des céréales de Saskatoon à Vancouver que de transporter un ensemble de wagons du Dakota du Nord à Spokane. Si l'on rationalise ce service de la façon dont cela était envisagé dans le Dakota du Nord, il en coûtera à la Saskatchewan 96 millions de dollars de plus par an pour son réseau routier. Tout ce transport de céréales va se diriger maintenant vers les grands terminaux, il va s'y rendre principalement par la route, vers un grand élévateur qui ensuite le transportera où il faut. La Saskatchewan possède beaucoup de routes dont le revêtement est mince et qu'il faudrait renforcer avec du gravier.

Lorsque nous choisissons des orientations, il faut en estimer le coût.

.1105

Le président: Merci, M. Housch.

Je m'intéresse toujours aux questions qui portent sur le grand port de Churchill et sur la ligne ferroviaire qui le dessert, et qui continuera, je crois, à être exploitée tant que je vivrai.

Merci pour votre temps, monsieur. Nous allons maintenant passer à notre témoin suivant.

Nous avons aujourd'hui M. Bryan Crow, président de la Ontario Motor Coach Association. Monsieur Crow, d'autres intervenants vous ont déjà présenté. Je vous demande de limiter vos remarques à une dizaine de minutes. Comme vous pouvez le constater, les membres du comité sont intéressés à discuter de ces questions.

M. Brian Crow (président, Ontario Motor Coach Association): Je vais m'efforcer d'aller encore plus rapidement que cela, si vous me le permettez, monsieur le président.

L'Ontario Motor Coach Association représente des caristes, des voyagistes et des entreprises opérant dans les secteurs qui se rattachent aux voyages. Nous avons 1 209 membres implantés dans toutes les provinces, dans 43 États des États-Unis et aussi au Mexique.

Je pense que vous avez une copie de notre mémoire, qui vous a été remis. Je ferai rapidement un ou deux commentaires à propos de ce mémoire.

Nous reconnaissons que le gouvernement doit effectuer tout examen de notre industrie en fonction de l'intérêt public.

Cependant, nous ne croyons pas qu'une industrie du transport et des voyages par autocar en santé établie au Canada dessert l'intérêt du public dans le transport des voyageurs. Nous estimons plutôt qu'il existe des liens positifs entre les objectifs commerciaux de nos membres et les objectifs et principes de la politique du transport et du tourisme.

Nous croyons que l'industrie du transport doit offrir un choix réaliste de moyens de transport et un large éventail de services de transport des voyageurs qui soient sécuritaires, efficaces du point de vue de l'environnement et économiquement viables.

Notre idée de l'intérêt public correspond aux besoins des consommateurs et des contribuables ainsi qu'aux besoins et intérêts plus généraux du public.

Les entreprises de notre secteur offrent des services à horaire fixe, des services d'affrètement, des visites guidées en autocar, le service BPX, qui est un service de transport express par autobus, et enfin des services de transport urbain et des services de transport sous contrat.

Nous sommes très fiers de nos réalisations. Notre industrie a pris naissance grâce à l'action de nombreux petits généralistes qui ont été les pionniers de l'organisation des services d'autobus dans notre pays et dont certains sont devenus les plus grosses entreprises de ce secteur en Amérique du Nord.

Les caristes font partie d'un secteur plus vaste qui regroupe les agences de voyage, les organisateurs de voyages, les hôtels, les attractions touristiques et les lieux de villégiature. Ces différents partenaires au sein de ce secteur sont tributaires, à des degrés divers, d'une industrie du transport par autobus en bonne santé.

Les localités canadiennes se rendent de plus en plus compte de l'importance des voyages organisés en autocar. Chaque voyage en autocar rapporte en moyenne à la localité plus de 6 000 $ par jour et par véhicule.

Notre industrie a certes des défis à relever: la diminution des services à horaire fixe; une faible rentabilité; les incertitudes du marché; une concurrence subventionnée, dont on a entendu parler ce matin; enfin, l'image même du transport par autobus. Il y a pourtant un grand potentiel de croissance.

Nous sommes tout disposés à relever ces défis, mais nous ne réussirons à le faire que dans un cadre offrant la possibilité aux caristes de mettre sur pied des plans stratégiques efficaces à long terme pour que les règles de la concurrence puissent s'appliquer de manière équitable.

Nous abordons de nombreux problèmes dans notre mémoire.

Notre industrie est de plus en plus intermodale. L'OMCA applaudit d'ailleurs les efforts que fait Transports Canada. Une rencontre entre les fournisseurs de services de transport et les associations touristiques a été organisée. Dans l'une des recommandations il était demandé que l'on intervienne sur la question du transport intermodal. Transports Canada a donné suite à cette recommandation.

Nous opérons de concert avec les compagnies de chemin de fer. Nous avons des liaisons avec VIA Rail. Nous avons des liaisons avec les compagnies aériennes.

Il faut que les gouvernements continuent dans la voie de la privatisation des services de transport par chemin de fer, par voie aérienne et par autobus et qu'ils ne concurrencent pas le secteur privé.

Nous nous adaptons aux progrès techniques, qu'il s'agisse de mettre à bord des ordinateurs ou de nous brancher sur des services comme Internet, ce que nous nous préparons à faire.

.1110

Nous envisageons un rôle pour le gouvernement et nous abordons la question de la concurrence internationale et de la propriété étrangère.

La sécurité a par ailleurs été évoquée ce matin. La sécurité a non seulement une importance primordiale pour nos conducteurs, nos passagers et les usagers de nos routes, c'est aussi une préoccupation logique d'un point de vue purement commercial.

Il y a en Ontario environ 30 000 autobus qui sont tous les jours sur les routes, certains parfois 24 heures par jour. Les statistiques des assurances nous révèlent qu'il n'y a en moyenne que 164 demandes d'indemnisation et de recours contre les tiers chaque année, pour l'ensemble de l'industrie. On ne paie que 2,7 millions de dollars en moyenne chaque année.

C'est un dossier excellent, mais nous ne relâchons jamais notre attention sur les questions de sécurité, surtout lorsque l'on sait que l'on va vers la déréglementation. C'est l'entretien et la qualité de l'infrastructure routière qui déterminent la sécurité des voyages. Nous devons collaborer avec les gouvernements pour garantir la sécurité des voyages.

Pour ce qui est de la structure de financement, nous considérons que les provinces et que le gouvernement fédéral se doivent de réinvestir dans l'infrastructure routière une part significative des recettes qu'ils tirent des taxes sur les carburants. Il ne faut pas que les taxes ou que les redevances sur les carburants augmentent.

Nous ne sommes en faveur des péages que sur les nouvelles autoroutes à condition que des itinéraires de rechange soient possibles sur des routes sans péage.

Nous appuyons résolument les recommandations présentées par le gouvernement de l'Ontario devant votre comité. Ce gouvernement a fait cinq recommandations clés qui sont excellentes.

Un peu plus tôt aujourd'hui, vous avez entendu le témoignage de la Coalition de l'aménagement routier de l'Ontario. Nous sommes l'un des membres fondateurs de cette coalition et nous l'appuyons. Je ne vais pas répéter son message, mais j'insiste sur le fait que le Canada a besoin du transport et du commerce, mais aussi du tourisme. Le tourisme a besoin d'un réseau routier bien entretenu et développé.

Les nouveaux autocars sont un moyen de transport luxueux et intéressent de plus en plus les voyageurs de première classe. La qualité du véhicule ne peut toutefois pas compenser des routes qui se dégradent et qui ternissent la qualité d'ensemble du voyage. Quels que soient les moyens de transport utilisés par les touristes pour venir au Canada, pratiquement chacun d'entre eux va finir par circuler sur une route ou dans une rue à un moment ou à un autre de sa visite. Le gouvernement fédéral n'a pas fait sa part pour entretenir et développer le réseau routier. Il l'a laissé se dégrader.

Certains voyages organisés en autobus évitent désormais Toronto en raison de la congestion des autoroutes. L'équipement de projection de films que nous avons installé à bord pour divertir nos passagers tombe trop souvent en panne et nous nous sommes aperçus que la mauvaise qualité des routes en était la cause.

Nous faisons dans notre mémoire un certain nombre de recommandations: accorder la priorité à la sécurité; mettre l'accent sur la demande comme principal critère pour dispenser le service; enfin, tenir compte avant tout des besoins et non pas des souhaits de chacun.

Il nous faut renforcer le secteur privé. Nous demandons au gouvernement de favoriser une juste concurrence en harmonisant les normes et la réglementation de la sécurité afin de supprimer ou de limiter la propriété gouvernementale et les subventions versées à la concurrence. Nous demandons aussi au gouvernement de réduire les taxes et d'appuyer l'industrie, de préciser le rôle du secteur public et la fonction de transport des passagers étant donné que l'on ne nous dit pas clairement quels sont nos rôles respectifs, de réduire au maximum le fardeau de la réglementation, de coordonner les politiques fédérales, provinciales et municipales, et enfin d'appuyer et de financer le développement d'un réseau de routes nationales.

Monsieur le président, je conclurai en disant que les 1 200 entreprises qui sont membres de notre association se félicitent de pouvoir présenter cet exposé. Nous sommes convaincus que ces observations pourront mener à une meilleure compréhension des diverses caractéristiques du secteur du transport par autobus, des défis qui l'attendent et de la volonté, chez nos membres, de développer nos marchés et, ce faisant, de payer davantage d'impôt à l'État.

Nous attendons avec impatience de pouvoir prendre part à cette entreprise.

Le président: Merci, M. Crow. Nous sommes heureux de voir que vous avez tellement envie de payer davantage d'impôt. Je dois avouer que l'importance de ne pas interrompre le film nous avait échappé dans le cadre des projets de construction routier. Je vous remercie de nous en avoir parlé.

M. Crow: Monsieur le président, nous avons un de nos membres qui doit payer plus de 25 000 $ par an, simplement pour réparer le matériel électronique de projection des films à bord.

Le président: Monsieur Benoit.

M. Benoit: En tant que père de trois garçons qui font du hockey, j'apprécie effectivement les services dispensés, y compris les films. C'est une excellente façon de voyager et il a été établi qu'elle offre toutes les garanties de sécurité.

J'ai bien apprécié par ailleurs que vous nous disiez clairement qu'il ne faut plus augmenter les taxes sur les carburants. D'ores et déjà, plus de la moitié du coût du carburant dans notre pays se présente sous forme de taxes, quelle qu'en soit la nature. C'est pourquoi je relève avec un grand intérêt qu'un député du groupe libéral a déposé une proposition de loi qui se penche sur le prix des carburants. Nous savons que le gros problème pour ce qui est du prix élevé des carburants est celui des taxes. Je suis donc d'accord avec vous; il n'est pas question de les augmenter.

.1115

Pour ce qui est de l'harmonisation des normes, des règles et des formalités administratives en matière de sécurité et sur des questions techniques, il y a là un problème.

Je suis le critique en matière de commerce interprovincial pour le Parti réformiste. Il est certain que dans l'industrie du camionnage, ce problème est éventuellement plus grave que dans votre secteur. Pensez-vous qu'il soit nécessaire que l'exploitant d'un autobus à l'échelle du pays doive obtenir un permis dans plusieurs provinces? Y a-t-il une raison pratique qui justifie que l'on fasse la demande d'un permis dans chacune des provinces?

M. Crow: Je ne sais pas si vous voulez parler de la plaque d'immatriculation du véhicule ou de la réglementation financière qui vous oblige à obtenir un permis ou à vous enregistrer pour exploiter un autobus.

M. Benoit: Les deux.

M. Crow: Pour ce qui est de la plaque d'immatriculation, nous pouvons désormais obtenir une seule immatriculation pour chaque véhicule grâce à un accord interprovincial. Par conséquent, un autobus immatriculé en Ontario n'a besoin que de sa plaque d'immatriculation de l'Ontario pour pouvoir être utilisé dans toutes les autres provinces.

Quant à l'obtention d'un permis pour être autorisé à exploiter un véhicule public, il est certain que notre industrie considère qu'il y a du pour et du contre. Nous avons assisté à telle dégradation de notre cadre de réglementation depuis un certain nombre d'années que notre système de réglementation ne fonctionne plus. Nous n'étions pas en faveur de la déréglementation, mais nous avons pris acte de l'orientation de Transports Canada et de celle de la province de l'Ontario en faveur d'une déréglementation de l'industrie du transport par autobus. Nous demandons aujourd'hui qu'il y ait une harmonisation. Nous ne pouvons pas concurrencer d'autres provinces qui n'ont pas procédé à une déréglementation.

Si par conséquent Transports Canada et la province de l'Ontario nous disent qu'ils veulent déréglementer, il faut alors que nous le fassions à l'échelle du pays.

M. Benoit: C'est votre principale préoccupation dans ce secteur, n'est-ce pas?

M. Crow: En effet.

M. Benoit: Toujours au sujet de l'harmonisation des règles, des normes et des formalités administratives, y a-t-il d'autres règles qui empêchent l'exploitant d'un autobus de s'établir dans une province et de se déplacer librement dans le reste du pays?

M. Crow: Il n'est pas si difficile de se déplacer librement. Il n'y a pas véritablement d'obstacle à ces déplacements, mais il y a différents facteurs qui entrent en jeu. Les lois du travail ne sont pas les mêmes. Il y a différentes restrictions concernant les limites de poids dans chacune des provinces. Cela ne nous empêche pas de nous déplacer entre les provinces, mais c'est un régime restrictif, surtout lorsqu'on a à faire tant de déplacements à l'échelle de l'Amérique du Nord.

Nombre de nos entreprises de transport par autobus doivent employer beaucoup de personnel à plein temps simplement pour démêler les différents règlements, les différentes limites de poids, les différents permis et les différentes exigences et demandes de garanties qui s'appliquent dans chacun des États et chacune des provinces.

Nous voyons avez inquiétude que les villes se mettent à taxer les caristes. C'est la tendance aux États-Unis et nous avons peur qu'elle traverse la frontière.

Washington demande 95 $ par voyage aux caristes; la Nouvelle-Orléans entre 0 $ et 200 $, selon l'endroit où l'on se trouve; Chicago 12 $; l'État de New York applique désormais une taxe de franchisage. C'est un fardeau qui alourdit nos effectifs au sein de notre industrie car il nous faut engager des gens pour s'occuper de tout cela. Cela va nous mettre en faillite.

M. Benoit: C'est tout à fait pernicieux.

Le président: Merci, M. Benoit. Voilà qui a été très utile.

Monsieur Caron, avez-vous une question à poser?

[Français]

M. Caron: Je poserai ma question rapidement. Vous avez parlé de la situation de l'Ontario, que je connais moins, en disant que la concurrence du rail n'était pas tout à fait loyale parce que le rail était subventionné. Il n'en demeure pas moins que dans certaines régions qui ne sont pas nécessairement éloignées comme c'est le cas au Québec, sans le rail qui est le seul concurrent, le transport serait détenu par un monopole.

Dans certaines régions du Québec, il y a une seule compagnie d'autobus. Une des raisons pour lesquelles on défend parfois le transport par rail, c'est pour éviter que le seul transport public qui reste soit le transport par autobus. Dans une telle situation, vous avez le monopole.

[Traduction]

M. Crow: Nous ne sommes pas opposés à la propriété publique. Nous ne sommes pas opposés aux chemins de fer. Nous collaborons avec les sociétés de chemin de fer. Nous utilisons en commun les gares. Nous avons désormais des correspondances. Avec VIA Rail, nous envisageons un programme de formation spécial pour nos visiteurs asiatiques. Nous nous félicitons qu'il y ait cette concurrence.

Ce qui nous préoccupe, c'est le déséquilibre de cette concurrence. Si nos concurrents sont en mesure d'exploiter un service entre deux villes tout en bénéficiant d'une forte subvention à ce titre, il y a là une concurrence injuste.

.1120

Je voudrais aussi vous répondre quand vous nous dites qu'il n'y a pas d'autre concurrence. N'oubliez pas que les principaux concurrents des trains et des autobus, ce sont les automobiles particulières. Je pense que les automobiles particulières se chargent d'environ 90 p. 100 du trafic entre les villes. Nous n'exerçons pas un monopole. Si nous disposions d'un véritable monopole et si nous pouvions imposer nos prix, vous auriez de quoi vous inquiéter. Toutefois, si nous pratiquons des prix trop élevés - et d'ailleurs nos tarifs sont en train de baisser - nos clients prennent leur véhicule. Il y a donc toujours ce type de concurrence.

Je n'ai rien contre une juste concurrence; je pense que c'est sain. Toutefois lorsqu'on voit les subventions que reçoivent certains de nos concurrents... et il n'y a pas que le chemin de fer; il y a le transport municipal par autobus. Il y a les subventions qui ont été versées à des sociétés de transport par autobus dont le gouvernement est propriétaire. Le gouvernement fédéral est en train de se dégager de ce secteur à Terre-Neuve. La Saskatchewan se penche sur l'avenir de son organisme et l'Ontario sur celui de ses deux entreprises de transport par autobus. Ces gouvernements se retirent du secteur et le rendent plus concurrentiel, mais nous n'avons pas le monopole.

Le président: Merci. C'est encore Terre-Neuve qui pose des problèmes.

M. Byrne (Humber - St. Barbe - Baie Verte): Monsieur le président, je tiens à dire qu'il n'y a plus de problème à Terre-Neuve; l'entreprise de transport par autobus est exploitée par le secteur privé et il n'y a pas de subvention.

Le président: Merci, M. Byrne.

Monsieur Jordan.

M. Jordan: Compte tenu de l'état des routes - et tout le monde semble considérer qu'il y a là un gros problème - si je vous comprends bien, vous nous dites qu'une certaine partie de votre équipement se détériore en raison de l'état des routes.

Ne pensez-vous pas, cependant, que d'un point de vue économique vous auriez avantage à accepter de faire payer davantage vos passagers s'il était possible de comptabiliser à part cet argent pour qu'il puisse servir à améliorer l'état des routes? Est-ce que ce ne serait pas votre intérêt, ou est-ce qu'il n'est pas question selon vous d'envisager de payer davantage que vous ne le faites jusqu'à présent?

M. Crow: J'ai appris à ne jamais dire jamais, mais lorsque la taxe sur les carburants a été introduite dans notre province, quoi qu'il en soit...

M. Jordan: De quelle province s'agit-il?

M. Crow: De l'Ontario, excusez-moi.

M. Jordan: Bien.

M. Crow: Je parle de l'Ontario. Lorsque la taxe sur les carburants a été mise en place, elle devait avoir une affectation précise. Ce devait être l'entretien et le développement de notre réseau routier. Ce n'est plus le cas. Par conséquent, si l'on nous garantissait que ces nouveaux crédits allaient être affectés à la construction de nouvelles routes et à l'entretien du réseau, des ponts et des infrastructures existantes, nous serions prêts à l'envisager. Nous ne voulons pas de cadeaux. Nous aimerions toutefois que les gouvernements utilisent d'abord l'argent que nous leur donnons déjà pour améliorer l'infrastructure routière avant de revenir nous demander de leur faire confiance en nous jurant que cette fois-ci ils vont bien affecter la nouvelle taxe à l'amélioration du réseau routier.

M. Jordan: C'est donc au niveau de la confiance que vous avez quelques doutes.

M. Crow: Vous pouvez le dire.

M. Jordan: Il faut vous en prendre à ce M. Harris. C'est lui qui prélève tout cet argent et qui n'en fait rien de bon.

M. Crow: Chacune des provinces recueille une grande quantité d'argent au titre des taxes sur les carburants. Je pense que le gouvernement fédéral prélève 2 milliards de dollars aux usagers des routes en taxes sur les carburants et que seule une très petite partie de ces 2 milliards de dollars sont réinvestis. Nous aimerions donc que cet argent soit d'abord réinvesti.

M. Jordan: Je suis heureux de vous entendre dire que vous ne seriez pas contre si l'on pouvait vous convaincre que cet argent allait être réaffecté là où il doit l'être.

M. Crow: Cela nous ramène cependant à ce que nous venons juste de dire au sujet de la nécessité d'un équilibre. Si l'on demande aux passagers d'autobus de payer bien davantage sans que ce soit le cas pour les automobilistes ou les passagers des chemins de fer, ou si l'on se sert de cet argent pour subventionner nos concurrents...

M. Jordan: Ou les exploitants de gros camions.

M. Crow: Ou les exploitations de gros camions, en effet.

M. Jordan: Très bien, j'ai la réponse à ma question. Je vous remercie.

Le président: Merci, M. Jordan.

Merci beaucoup, M. Crow. J'apprécie que vous ayez pris le temps de venir nous voir aujourd'hui.

M. Crow: Merci du temps et de l'intérêt que vous avez consacrés à cette question.

Le président: Notre comité s'intéresse beaucoup à cette question et j'ai l'impression que nous allons encore nous en occuper pendant un certain temps. Merci.

Nous passons maintenant à l'organisme qui s'était engagé à revenir, la Commission canadienne du blé... La commission nous revient, mais son commissaire, M. Machej, comparaît, lui, pour la première fois.

On a souvent entendu dire autour de cette table que la Commission canadienne du blé ne comparaîtra jamais assez souvent. En tant que député de l'Ouest, j'apprécie la possibilité - même si nous avons un visiteur de l'Ouest parmi nous - qui nous est ainsi offerte de faire prendre conscience aux autres membres du comité de l'importance de la Commission du blé dans l'économie de notre grand pays.

Monsieur Machej, vous connaissez la procédure. Tenez-vous-en à un exposé d'une dizaine de minutes, puis...

M. Gordon P. Machej (commissaire, Commission canadienne du blé): Merci, monsieur le président. Je tiens aussi à vous présenter Tami Reynolds, qui est ici avec moi aujourd'hui. Elle est conseillère au sein de notre groupe d'élaboration des politiques et elle suit de près toutes les questions qui ont trait au transport. Je pense aussi qu'elle a rencontré un grand nombre des membres de votre comité lors d'interventions antérieures.

Je me félicite évidemment de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant votre comité permanent. En octobre, mon collègue Lorne Hehn, vous a exposé nos recommandations en faveur d'une loi maritime du Canada plus rigoureuse et plus cohérente. Je vais vous parler aujourd'hui de l'autre question au sujet de laquelle vous avez sollicité des interventions: le commerce, le tourisme et les transports.

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Nous félicitons le comité permanent d'avoir su faire le lien à cette tribune entre ces différentes composantes essentielles de l'économie canadienne. En ma qualité de commissaire de la Commission canadienne du blé, je m'en tiendrai dans mes observations aux questions liées au commerce et au transport parce que nous jouons un rôle important dans ces secteurs en tant qu'agence de commercialisation du blé et de l'orge.

Je tiens à souligner aujourd'hui deux ou trois points importants. Le premier d'entre eux, c'est que le commerce est fortement tributaire d'un réseau des transports fiable et rentable. En second lieu, dans le cadre d'un nouveau régime de transport caractérisé par une rationalisation des chemins de fer, nous considérons que le gouvernement fédéral se doit de montrer la voie à l'industrie en formulant une politique de base s'appliquant au réseau des transports. En troisième lieu, si nous voulons être considérés comme un fournisseur fiable sur les marchés mondiaux, il faut qu'on nous garantisse des relations de travail fiables entre les employeurs et les syndicats. Nous félicitons le gouvernement fédéral des initiatives qu'il a prises dans ce secteur.

En plus d'alimenter un marché intérieur d'une grande importance, nous faisons porter une grande partie de nos efforts sur nos marchés à l'exportation. Notre marché intérieur a certes son importance, mais le marché canadien ne peut absorber qu'une partie de notre production annuelle de céréales, d'oléagineux et de cultures spécialisées.

Il s'agit là d'une grande activité commerciale qui a son importance au Canada. Les exportations de blé rapportent à elles seules quatre milliards de dollars à l'économie canadienne et celles d'orge plus de 400 millions de dollars. Si l'on prend un coefficient multiplicateur de 2,5, les retombées pour l'économie canadienne sont de 11 milliards de dollars. À long terme, nous prévoyons une augmentation des échanges commerciaux, ce qui ne peut que profiter aux agriculteurs canadiens et à l'économie canadienne en général.

La durée de l'acheminement des marchandises revêt une importance cruciale et joue un rôle clé lorsqu'il s'agit d'approvisionner nos marchés. Le Canada est très présent sur les marchés mondiaux, mais il doit aussi faire face à des obstacles bien particuliers. Nous vous avons déjà parlé des distances supplémentaires que doivent parcourir les céréales canadiennes pour atteindre les ports de la côte ouest: 1 500 kilomètres, et 2 000 kilomètres supplémentaires pour les cargaisons acheminées par le Saint-Laurent. Aux États-Unis, les distances varient, mais elles sont nettement inférieures - rarement plus de 1 000 kilomètres.

Nous avons eu l'occasion au début de cette semaine de rencontrer le président de la Fédération agricole australienne, qui nous a expliqué qu'en moyenne les marchandises étaient acheminées dans ce pays sur une distance de quelque 350 kilomètres pour arriver jusqu'aux ports. Cela rendait possible le transport par camion, qui peut concurrencer le transport par chemin de fer. C'est certainement un avantage lorsqu'il faut acheminer les marchandises jusqu'aux ports.

Les capacités de notre système diminuent comparativement à nos exportations. Nous disposons en fait au Canada de quelque 13 millions de tonnes de capacité d'entreposage commercial alors que nous prenons en charge une trentaine de millions de tonnes d'exportations annuelles. Chez tous nos principaux concurrents - les États-Unis, l'Australie, l'Argentine - la capacité d'entreposage est supérieure aux exportations. Au Canada, nous avons besoin d'un système de transport parfaitement coordonné pour que nous puissions enlever les céréales de nos fermes et répondre aux besoins de nos clients dans le monde entier.

Pour vous donner une idée de ce que cela suppose, les représentants de l'une des sociétés exploitant des silos m'ont dit hier qu'il y a 10 ou 15 ans, un taux de roulement entraînant l'utilisation de leurs installations dans le pays quatre ou cinq fois par an était jugé très raisonnable. Aujourd'hui, avec des installations nouvelles et de plus grande taille, on prévoit des taux de roulement de 15 à 20 fois par an pour ces grands silos. Voilà qui souligne l'importance d'une bonne infrastructure pour favoriser le transport de ces produits depuis ces installations jusqu'aux ports.

C'est par la voie de la concertation et de la collaboration que l'Ouest du Canada définit ses objectifs en matière de commerce des céréales. Le mécanisme logistique actuel est établi en fonction des procédures sur lesquelles s'est entendue l'industrie pour régler des questions qui vont de l'affectation des wagons de chemin de fer au niveau des silos primaires jusqu'au déchargement des wagons dans les différents ports. Chaque année, ces accords sont revus et corrigés pour qu'ils puissent atteindre tout leur potentiel.

Le gouvernement fédéral a par ailleurs institué un certain nombre de réformes de la loi et des politiques afin d'améliorer l'efficacité de tous les modes de transport, et nous avons pris part à un certain nombre de ces discussions.

L'industrie a par ailleurs assisté à l'adoption de la Loi sur les transports nationaux, qui confère aux sociétés de chemins de fer, entre autre, un plus grand contrôle sur la gestion de leurs ressources. Le secteur des céréales dans l'Ouest du Canada a absolument besoin d'un réseau de chemin de fer efficace et économique en raison de sa dépendance vis-à-vis des marchés à l'exportation.

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Comme je l'ai souligné, nous acheminons de grandes quantités de céréales vers l'étranger, sur de longues distances. Ne nous y trompons pas, le secteur des céréales de l'Ouest du Canada est à la merci du transport par chemin de fer pour la plupart des exportations. Contrairement à nos concurrents comme l'Australie ou l'Argentine, nous ne pouvons pas acheminer directement par camion jusqu'aux ports la totalité de notre récolte, et nous n'avons pas non plus une voie d'eau bénéficiant de subventions qui serpente à travers l'une de nos principales régions productrices, en plein centre du pays, comme c'est le cas aux États-Unis. Lorsque nous bâtissons nos réseaux et lorsque nous établissons nos règlements, il nous faut tenir compte de ces réalités.

N'oublions pas non plus que l'un de nos objectifs majeurs, lorsque nous établissons des mécanismes, est de maintenir la compétitivité du Canada sur les marchés internationaux. Souvent, nous mettons l'accent sur les questions de rentabilité alors qu'il faut aussi tenir compte de la nécessité, par exemple, de maintenir une capacité suffisante. La concurrence internationale joue bien plus sur la faculté à répondre aux besoins du client que sur tout autre facteur. Pour répondre aux besoins des clients, il faut parfois mettre en place des mécanismes d'expédition susceptibles de s'adapter aux périodes de pointe à différentes époques de l'année, et la nécessité d'avoir une capacité suffisante pour répondre à la demande de pointe entre parfois en conflit avec les objectifs qui obéissent avant tout à un souci de rentabilité.

Nous attendons avec impatience le réexamen que doit faire de nos lois le ministre des Transports en 1999 afin d'étudier les répercussions du nouveau régime des transports par chemin de fer sur notre secteur.

Ne suivons pas l'exemple des États-Unis, qui ont procédé à une rapide déréglementation. Un article intéressant de la revue professionnelle Traffic World cite les réflexions d'un vice-président d'une société de logistique qui nous dit que la déréglementation et la concurrence qui en est résultée aux États-Unis ont obligé les transporteurs routiers et les chemins de fer à utiliser davantage leur matériel roulant. Toutefois, cette amélioration des rendements s'est faite au détriment de la capacité. Cette concurrence a entraîné une diminution de la capacité de transport des chemins de fer de quelque 500 000 wagons, 8 000 locomotives et 50 000 milles de voie, occasionnant la perte de 300 000 emplois. Le réseau canadien ne peut se permettre de passer par une telle phase de contraction.

On nous dit dans l'article: «Un réseau de transport intermodal à l'échelle de la nation est rentable parce que la somme est plus grande que les parties.» Toutefois, dans un cadre totalement déréglementé: «la nécessité pour chacune des parties d'être rentable sera dommageable pour l'ensemble. En fait, une surcapacité de transport est indispensable pour que les transporteurs puissent faire face aux augmentations saisonnières de la demande et aux pointes de production et pour que la chaîne d'approvisionnement soit gérée efficacement.»

C'est en pensant à ce réseau intermodal à l'échelle nationale que nous proposons la mise en place d'un réseau de transport de base pour l'Ouest du Canada, un réseau qui permette aux agriculteurs de commercialiser leurs produits juste à temps et à un coût raisonnable. Ce sont là les grandes questions logistiques qui préoccupent l'ensemble des producteurs, des agents de commercialisation et des expéditeurs dans un secteur à vocation exportatrice comme celui des céréales, et qui s'appliquent à la fois au transport par chemin de fer et au transport routier.

Nous considérons tout d'abord que les agriculteurs de l'Ouest du Canada sont en droit de s'attendre à bénéficier d'un bon service de chemin de fer. La LTN impose des obligations aux transporteurs publics - et nous sommes heureux que ces dispositions figurent dans la loi - mais nous ne sommes pas convaincus qu'elles répondent aux exigences d'un réseau de chemins de fer de base. Les producteurs, les expéditeurs, les transporteurs, les gouvernements et l'économie canadienne tout entière seront profondément touchés par les décisions prises par les sociétés de chemins de fer en ce qui a trait à leur réseau, et pourtant ces décisions seront prises de manière relativement indépendante.

Les agriculteurs de l'Ouest du Canada ont accepté la réalité qui veut que le réseau de chemin de fer ne soit plus aussi étendu que par le passé. Ils procèdent désormais aux ajustements nécessaires, investissant dans le matériel et se préparant à organiser des transports sur de plus longues distances. La CCB s'abstient traditionnellement de faire des commentaires au sujet du réseau routier, mais nous n'en considérons pas moins que les routes vont jouer un rôle de plus en plus grand au sein du réseau national des transports et qu'il convient d'en tenir compte. Ainsi, la création d'un bon réseau routier favoriserait la concurrence entre les sociétés de chemins de fer en facilitant le transport par camion entre deux lignes de chemins de fer.

Nous proposons que le gouvernement fédéral, sur les recommandations de votre comité, se penche sur la question. Dans un premier temps, il s'agit d'élaborer une stratégie pour déterminer quel est le réseau de base devant permettre de bien desservir l'Ouest du Canada, puis ensuite de se doter d'une stratégie devant permettre d'entretenir suffisamment ce réseau. Le but est de s'assurer que les efforts faits par le Canada pour développer tout son potentiel commercial sont bien appuyés par l'infrastructure des transports, qui est indispensable.

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Laissez-moi vous dire quelques mots des relations de travail. Je vous ai signalé que notre système était réduit à sa plus simple expression et qu'il devait opérer presque 24 heures sur 24 pour que les récoltes de l'Ouest parviennent jusqu'aux marchés. Toutefois, un système de transport n'est bon que tant que les relations entre les directions et les syndicats le sont.

Nous sommes intervenus auprès de la Commission d'enquête sur les relations de travail en ce qui a trait aux relations de travail dans les ports de la côte ouest, et j'aimerais faire état à nouveau devant votre comité d'un certain nombre de nos préoccupations.

Il est absolument essentiel à nos yeux de pouvoirs éviter les arrêts de travail. Les ruptures qui ont eu lieu par le passé ont eu des incidences profondes sur la réputation du Canada et sur la rentabilité des agriculteurs. Sur un marché des céréales très concurrentiel, les arrêts de travail remettent sérieusement en cause la possibilité de vendre des céréales canadiennes et ont de graves répercussions sur les agriculteurs et sur l'économie canadienne. Il en résulte des pertes directes de recettes, des incertitudes sur le marché du fret, une diminution de la capacité, une perte de confiance des consommateurs et une augmentation des frais.

L'une des grandes caractéristiques de notre exploitation, c'est l'importance que l'on accorde aux contacts directs avec le client et au service. Les principaux clients du Canada se sont fortement inquiété, à un moment ou à un autre, des inconvénients qu'entraînent les arrêts de travail sur le transport des céréales. Il ne s'agit pas simplement d'inconvénients. De plus en plus, nos clients s'attendent à être livrés juste à temps. Il leur faut recevoir les céréales à des dates bien précises pour éviter de faire courir des risques à leur entreprise.

Les clients ne veulent pas vraiment savoir quel type de conflit du travail a entraîné un arrêt des livraisons; c'est l'arrêt lui-même qui les préoccupe. La CCB est prête à appuyer de tout son poids tout mécanisme susceptible de favoriser une résolution rapide des conflits et d'éviter les arrêts de travail.

Je voudrais dire deux mots d'une opération qui a cours sur la côte ouest en ce moment, les manutentionnaires de céréales et les exploitants de silos s'efforçant d'en arriver à la signature d'une convention collective. Ils collaborent étroitement avec un commissaire préposé aux conciliations afin d'essayer de rapprocher les deux camps. Cette convention est arrivée à échéance le 31 décembre 1992. Un tel délai n'offre pas à nos clients la sécurité que nous jugeons si importante pour conserver notre réputation de fournisseur fiable.

Je conclus en remerciant encore les membres du comité permanent de nous avoir donné l'occasion de comparaître. Nous attendons avec impatience vos recommandations et la possibilité de collaborer avec le gouvernement fédéral sur toutes ces questions. Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, M. Machej.

Monsieur Benoit.

M. Benoit: Merci, monsieur le président. Bonjour, M. Machej et Mme Reynolds.

M. Machej, vous avez évoqué les relations de travail et les problèmes que nous avons continuellement rencontrés au fil des années avec les arrêts de travail dans les chemins de fer ou dans les ports et parfois dans d'autres secteurs. J'aimerais que vous nous disiez ce que vous pensez de la possibilité de faire une offre définitive dans le cadre de la procédure d'arbitrage d'un bout à l'autre du système pour qu'il n'y ait plus de grève qui puisse être autorisée dans ce cadre.

Je pense que l'offre finale dans le cadre de l'arbitrage présente des avantages par rapport à ce que nous avons connu pendant de nombreuses années, soit l'intervention du gouvernement. Les directions et les syndicats en sont venus à attendre que le gouvernement mette fin à ces conflits. Par conséquent, on ne négocie plus de bonne foi d'un côté comme de l'autre.

Aux termes d'une offre définitive présentée dans le cadre d'un arbitrage, selon le modèle proposé par le Parti réformiste, quelque temps avant l'expiration du contrat, si l'on n'est pas parvenu à une entente, chaque camp va devoir présenter une offre définitive. L'arbitre choisira alors l'une ou l'autre des deux offres dans son intégralité. On obtiendra ainsi des offres très sérieuses sans possibilité de panacher ou de faire des compromis. Il est arrivé par le passé que les deux parties présentent des offres totalement ridicules. De cette façon, les offres présentées seront calculées au plus juste.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Si vous avez une meilleure solution à proposer, faites-nous-la connaître.

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M. Machej: Je dirais simplement que nous n'avons pas suffisamment d'expérience des relations de travail pour savoir exactement quels sont parmi ces mécanismes ceux qui pourraient être bénéfiques. Nous sommes toutefois fermement convaincus que le mécanisme doit évoluer de manière à ce que les négociations puissent donner des résultats bien plus tôt que jusqu'à présent.

Nous ne sommes pas au courant de tous les détails des différentes offres présentées à la table des négociations, mais je pense que ce qui est important, c'est de disposer d'un mécanisme nous permettant d'en arriver à des conclusions bien plus tôt que dans le cas qui nous occupe ici, où le contrat est arrivé à échéance en 1992. Il a été aussi proposé que l'on ait recours éventuellement à la première offre dans le cadre d'un arbitrage, la première offre faite à la table des négociations, quelle qu'elle soit, étant prise en compte.

Il y a un certain nombre de mécanismes. Nous ne voulons pas en fait nous braquer sur l'un d'entre eux en particulier, nous disons simplement qu'il faut améliorer les choses. Le recours à une offre définitive dans le cadre d'un arbitrage est peut-être la solution, mais il y a éventuellement d'autres mécanismes et nous incitons simplement tout le monde à envisager d'autres solutions.

M. Benoit: Êtes-vous familiarisé avec le projet de loi qui vient d'être déposé par le gouvernement?

M. Machej: Je viens juste de le recevoir sur mon bureau hier soir. Je vais l'examiner en détail, mais pour l'instant je ne l'ai pas fait.

M. Benoit: Vous ne pouvez donc pas le commenter pour l'instant?

M. Machej: Non, pas pour l'instant. J'ai cependant rapidement relevé quelques dispositions qui devraient nous permettre de résoudre certains problèmes. Je vous répète que nous nous félicitons de cette initiative, parce que je crois qu'elle découle des travaux de la Commission d'enquête sur les relations de travail dans les ports de la côte ouest. Nous avons collaboré étroitement avec ce groupe d'enquête. Nous avons estimé que c'était une façon très positive d'aborder la question et nous sommes très heureux de voir que cela débouche sur des résultats concrets.

M. Benoit: Je vous remercie.

Le président: Merci, M. Benoit.

J'ai une question à vous poser. Elle découle des commentaires que vous faites à la page 3 au sujet du système de base. Il est évident qu'avec l'abandon d'un certain nombre de lignes de chemin de fer, j'imagine que l'on peut dire que nous réduisons notre réseau pour ne conserver qu'une ossature de base.

Le réseau des grandes routes nationales, tel qu'il a été défini par les travaux qui ont été effectués précédemment au sujet du réseau routier, est constitué en fait par la transcanadienne, la voie de Yellowhead et un certain nombre de raccordements vers le nord et vers le sud entre les trois provinces des prairies et les États-Unis. Lorsque vous nous parlez d'un réseau routier de base, est-ce que vous vous référez uniquement au réseau routier national ou est-ce que vous voulez que l'on agrandisse ce réseau?

M. Machej: Lorsque nous examinons la situation dans les prairies, nous voyons que notre réseau de chemin de fer rétrécit et je pense donc que c'est l'occasion de nous doter d'un plan global qui éventuellement dépasse quelque peu le réseau national. Nous entrevoyons la possibilité de nous servir d'une partie de notre réseau routier pour faciliter les transports d'une ligne de chemin de fer à l'autre et renforcer la concurrence entre les sociétés de chemin de fer. Il nous paraît bien important d'élaborer une stratégie et un plan d'ensemble. Nous n'avons pas arrêté tous les détails. Ce n'est encore qu'un projet.

Le gouvernement fédéral a certainement une vue d'ensemble. Il peut se pencher sur l'intégralité du système. Comme nous le savons tous, les crédits sont limités de nos jours et continueront vraisemblablement à l'être à l'avenir. Il est très important de définir les priorités pour ne pas multiplier en vain les efforts et les dépenses, et de s'en tenir aux secteurs qui contribuent le plus au renforcement global de notre infrastructure de transport.

Nous cherchons à mettre en place un mécanisme général susceptible de rassembler ces différents éléments parce que je ne crois pas qu'un seul secteur, que ce soit les chemins de fer ou le transport routier, ait une vue d'ensemble. Je considère que c'est tout à fait le moment d'adopter une telle démarche et de s'intéresser à ce type de plan et de stratégie.

Le président: Merci. Votre commentaire est intéressant en ce sens que notre comité, lorsqu'il s'est penché sur notre réseau routier national, tel qu'il a été défini dans le projet entrepris entre 1989 et 1992, s'est interrogé sur la taille du réseau qui nous intéressait. Vous évoquez la possibilité que pour des raisons commerciales nous étendions ce réseau de base, cette partie du réseau qui présente un intérêt national. C'est intéressant.

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J'ai une autre observation à faire. Vous nous avez dit que le Canada avait une capacité d'entreposage relativement faible par rapport à celle de ses concurrents. Vous nous avez parlé des insuffisances dues au taux de roulement des grands silos et de la nécessité pour le système de répondre en temps utile à la demande. Pensez-vous que c'est un avantage ou un inconvénient? Est-ce que cela nous rend plus efficace que nos concurrents qui ont de si grandes capacités d'entreposage ou est-ce que cela nous empêche d'atteindre notre véritable objectif qui est de livrer les céréales sur le marché?

M. Machej: Certains de nos concurrents se sont dotés d'énormes capacités de stockage par rapport au volume de leurs exportations. Si je prends le cas des États-Unis, une grande partie de cette capacité a été constituée il y a des années grâce à des subventions du gouvernement lorsqu'il y avait des excédents.

Il est certain que si nous pouvions nous payer le luxe d'avoir de très grandes capacités d'entreposage, ce serait très avantageux, mais en réalité nos capacités de stockage réelles diminuent. Parallèlement, les nouvelles installations sont bien plus efficaces pour ce qui est des taux de roulement. Nous cherchons aujourd'hui à améliorer encore cette efficacité pour que la rotation dans nos installations se fasse encore plus vite. C'est pourquoi il est très important de pouvoir compter sur un réseau de chemin de fer fiable ainsi que sur les wagons et les locomotives permettant de s'en servir.

À cet égard, un des facteurs d'amélioration global de notre efficacité serait certainement l'amélioration de nos relations de travail, si l'on pouvait par exemple travailler toute la fin de semaine et 24 heures par jour dans les secteurs portuaires. Cela en soi améliorerait l'ensemble de notre système logistique.

Si cela intéresse votre comité, nous avons une documentation au sujet de la capacité d'entreposage de nos concurrents comparativement à leurs exportations. Nous pouvons vous la communiquer pour que vous puissiez vous faire une idée de la façon dont opère quotidiennement notre système et de la nécessité de l'utiliser avec efficacité pour acheminer nos marchandises.

Le président: Merci. Madame Reynolds.

Mme Tami Reynolds (Groupe d'élaboration des politiques ministérielles, Groupe de transition des transports, Commission canadienne du blé): En substance, notre système se présente comme un tuyau, on l'alimente à un bout et on le décharge à l'autre sans disposer d'installations d'un côté ou de l'autre pour faire vraiment de l'entreposage. C'est différent de ce que l'on trouve aux États-Unis ou en Australie, où l'on alimente le circuit en disposant d'une capacité supplémentaire d'entreposage au bout, qui sert de tampon en cas de rupture de l'alimentation du système.

C'est à la fois un avantage et un inconvénient. Nous ne sommes pas encombrés d'installations, nous sommes très efficaces, mais toute rupture d'approvisionnement a des effets sur les relations commerciales canadiennes qui sont sans aucune comme une mesure avec les leurs et qui se répercutent dans toute notre économie.

Le président: À ce propos, Mme Reynolds, vous êtes le gourou des transports au sein de la Commission du blé, si je me souviens bien.

Mme Reynolds: C'est une bien lourde charge à porter, mais c'est la vérité.

Le président: Pour ce qui est de la capacité de base de notre réseau, avez-vous conçu un modèle? Est-ce juste un projet ou est-ce que vous avez défini précisément les tronçons de route devant permettre d'améliorer votre réseau?

Mme Reynolds: Nous ne l'avons pas défini précisément parce que nous ne possédons pas des équipements comme les silos ou les différentes installations au sol, de sorte qu'il nous faudra étudier la question de près. Étant donné que nous sommes l'organisme principal de mise en marché, la question nous préoccupe.

Nous savons que le gouvernement de la Saskatchewan fait des travaux en collaboration avec des consultants et toute une série de groupements intéressés, chargés de se pencher sur un modèle global de réseau de transport. Je pense que les travaux de ce genre sont précieux parce que, comme l'a fait remarquer M. Machej, l'argent se fait rare que ce soit au niveau fédéral, provincial ou municipal. Étant donné la rareté des crédits et l'importance du commerce, notamment au sein de l'économie canadienne, il est tout à fait logique que les différentes parties unissent leurs efforts et s'entendent pour tirer le meilleur parti de leur argent.

M. Machej nous a parlé des voies de raccordement entre deux lignes de chemin de fer. Il y a aussi les voies de raccordement entre deux pays. Il est important aussi de pouvoir accéder au réseau de transport des États-Unis pour pouvoir tirer parti des avantages logistiques qu'il apporte. Nous avons besoin aussi de ce genre de passerelles.

Le président: Il y a aussi bien entendu la liaison très importante avec le port de Churchill, et je savais que vous alliez en parler.

Monsieur Benoit.

M. Benoit: Merci. Il est intéressant de voir qu'une organisation qui prétend travailler pour le compte des agriculteurs ne les intègre pas au système lorsqu'on parle de capacité d'entreposage. Lorsqu'on tient compte des capacités d'entreposage dans les fermes, le pourcentage des récoltes qui peut être entreposé est le même ou est très semblable à celui des autres pays. Simplement, la capacité d'entreposage se trouve davantage dans les exploitations agricoles au Canada qu'aux États-Unis, mais cela fait partie néanmoins du réseau. Nous avons un système différent. La capacité d'entreposage existe et vous ne pouvez tout simplement pas dire à mon avis que les capacités d'entreposage dans les fermes ne font pas partie du système.

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M. Machej: Monsieur le président, nous ne prétendons pas qu'elles ne font pas partie du système. Nous voulons simplement faire comprendre quelles sont les différences de capacité d'entreposage commercial sur les voies qui mènent aux ports. Bien évidemment, lorsqu'on doit acheminer ces céréales depuis les exploitations agricoles jusqu'aux ports, il est bien préférable de pouvoir disposer d'une bonne infrastructure et d'un réseau commercial ayant une bonne capacité.

Je sais pertinemment que nos agriculteurs ont une bonne capacité d'entreposage dans leur exploitation, mais je pense qu'il faut privilégier la question de l'acheminement des marchandises au sein du réseau. Autrement dit, nous avons une énorme capacité d'entreposage dans les fermes, l'entonnoir débouche sur un réseau commercial à faible capacité et le grand défi est d'acheminer les marchandises de manière efficace. Nos capacités d'entreposage diminuant, il nous faut donc faire preuve d'initiative et trouver les moyens d'être plus efficaces en matière de transport.

M. Benoit: Pour ce faire, l'une des possibilités est de donner aux agriculteurs une plus grande marge de manoeuvre lorsqu'il leur faut commercialiser leurs céréales. Je ne vais pas me lancer ici dans le débat qui consiste à se demander s'il faut ou non le faire, mais si les agriculteurs pouvaient accéder librement au marché américain, je crois tout d'abord que les lignes de chemin de fer seraient probablement un peu moins utilisées et que l'on s'intéresserait davantage à notre réseau routier. Quoi qu'il en soit, les agriculteurs auraient certainement de plus grandes possibilités de choix et il est probable que notre système en serait rendu plus efficace qu'à l'heure actuelle.

M. Machej: Je pense que ce serait une question à débattre, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Machej. Je relève aussi que chaque fois que l'on demande aux agriculteurs leur avis, l'appui accordé à la Commission du blé est enthousiaste, mais je ne veux pas me lancer dans ce débat.

Monsieur Machej et madame Reynolds, je vous remercie du temps que vous nous avez consacré, ici et devant d'autres instances, pour nous aider à comprendre ces questions importantes.

M. Machej: Ce fut un plaisir pour nous de comparaître devant votre comité et de l'avoir aidé dans toute la mesure de nos moyens.

Le président: Je vous remercie.

La séance est levée.

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