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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 4 mars 1997

.0906

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Bonjour à tous. Premièrement, il devrait y avoir un vote aux environs de 10 h 30.

Deuxièmement, une fois que nous aurons entendu les témoins, s'il reste suffisamment de temps avant le vote, je propose que nous ayons une brève séance pour aborder deux ou trois questions d'ordre administratif, notamment la motion de M. Grant au sujet de la comparution du ministre devant le comité. S'il n'y a pas suffisamment de temps, nous nous organiserons pour faire cela la semaine prochaine. Je vous demanderais donc de garder cela à l'esprit.

Passons maintenant aux témoins.

Nous sommes heureux de vous accueillir tous les trois et nous vous remercions d'être venus. Nous allons adopter la formule table ronde. Nous entendrons les témoins de chacun des trois organismes présents, qui, je l'espère, sauront nous faire profiter de leur sagesse. Après leur brève déclaration liminaire, il y aura un échange entre les témoins eux-mêmes et entre les témoins et les membres du comité.

J'inviterais qui veut bien commencer à le faire. N'oubliez pas de vous identifier.

Dr Usoa Busto (Département de recherche biocomportementale, Fondation de recherche sur la toxicomanie): Bonjour, je m'appelle Usoa Busto, et je représente la Fondation de recherche sur la toxicomanie. Je travaille depuis 20 ans dans le domaine de l'usage et du mauvais usage des médicaments d'ordonnance, ainsi que de la dépendance qu'ils peuvent causer. On m'a dit que le comité s'intéresse à l'usage abusif et néfaste des médicaments d'ordonnance et à la dépendance vis-à-vis de ceux-ci. Je crois savoir qu'on s'attend à ce que je fasse un bref exposé, qui sera suivi par une période de questions. C'est donc ce que je ferai.

Comme vous le savez, les médicaments d'ordonnance sont ceux que l'on peut obtenir sur ordonnance d'un médecin. Ils ne sont pas en vente libre dans les pharmacies. La plupart de ces médicaments sont efficaces pour traiter des maladies ou encore des symptômes de maladies. Il importe de savoir une chose dans le cas des médicaments d'ordonnance: s'ils sont utilisés de façon adéquate, ce sont des instruments précieux pour prévenir et traiter la maladie. Ces médicaments ne sont pas comme les drogues illégales dont la consommation n'est assortie d'aucun avantage. Utilisés adéquatement, ces médicaments sont bénéfiques.

Il est rare que l'on abuse des médicaments d'ordonnance. Ainsi, les antibiotiques sont monnaie courante partout dans le monde, mais ils ne font pas l'objet d'une consommation abusive. Les diurétiques, les médicaments pour affections cardiovasculaires ou les médicaments contre l'hypertension ne sont jamais consommés abusivement, surtout parce que les médicaments ou drogues susceptibles de faire l'objet d'abus doivent produire certains effets agréables. La plupart des médicaments d'ordonnance ne produisent pas ces effets agréables. Ce sont ces effets, que nous appelons effets de renforcement, qui créent l'abus ou la dépendance.

Certaines catégories de médicaments d'ordonnance sont susceptibles de faire l'objet d'un usage abusif et produisent effectivement les effets agréables dont j'ai parlé tout à l'heure. Ces médicaments englobent les analgésiques opiacés, la codéine, la morphine, l'hydrocodone - le Percodan, le Percoset et le Tylenol 3, qui sont des médicaments - ainsi que certains tranquillisants et sédatifs, y compris les barbituriques, comme le Secobarbital ou l'Amobarbital. De nos jours, on utilise très rarement les barbituriques, de sorte que cela n'est pas un facteur.

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L'autre catégorie de médicaments fréquemment utilisés comme tranquillisants ou calmants est celle des benzodiazépines. Vous connaissez sans doute le Valium, l'Ativan, l'Halcion, et d'autres médicaments qui entrent dans cette catégorie et qui sont fréquemment prescrits.

Entrent aussi dans cette catégorie les amphétamines, qui, elles, sont très rarement prescrites, et uniquement pour des raisons très précises, mais il n'en demeure pas moins qu'il existe dans ce cas la possibilité d'un usage abusif.

Même si nous prenons en compte uniquement les catégories de médicaments susceptibles de susciter des abus ou une dépendance, la majorité d'entre eux sont prescrits de façon adéquate par les médecins et consommés de façon tout aussi adéquate par les patients. Il nous est tous arrivé de prendre du Tylenol 3 pendant trois jours après avoir subi une chirurgie dentaire, et rien ne s'est produit: ni vous ni moi n'en avons abusé, et la douleur a disparu. Même chose pour la morphine. On l'utilise tous les jours dans tous les hôpitaux après des interventions chirurgicales sérieuses, en général pendant deux ou trois jours, jusqu'à ce que la douleur s'apaise, et cela ne crée pas subséquemment de dépendance. De nombreuses personnes ont recours à des calmants nooleptiques ou à des tranquillisants pour traiter une insomnie ou une anxiété passagère, et cela ne cause aucun problème ultérieurement.

Le fait est que la majorité des gens qui consomment même des drogues susceptibles de donner lieu à des abus les consomment de façon appropriée.

Cela dit, certains en font une consommation abusive. Généralement, ce sont des personnes qui utilisent aussi abusivement d'autres drogues. Dans le cas de ces individus, il est très difficile de déterminer si les effets nocifs qu'ils ressentent sont liés à la consommation abusive de ces médicaments d'ordonnance ou de tous les autres médicaments ou drogues dont ils abusent également. Ce sont des gens qui consomment simultanément de la cocaïne, de l'alcool et des amphétamines et qui, en plus, recourent abusivement à des barbituriques ou à des opiacés. Il est très difficile de déterminer si leurs problèmes sont causés par les médicaments d'ordonnance ou par les autres drogues.

Cela dit, il faut examiner le revers de la médaille. Les médicaments dont je vous ai parlé - les opiacés et les benzodiazépines, qui sont les plus importants - , peuvent causer une dépendance physique pour quiconque les prend pendant une longue période de temps, même s'ils sont pris selon les conseils du médecin pendant, par exemple, six mois, un an ou plus.

Toute personne affligée d'une dépendance physique qui essaie de cesser de prendre le médicament soudainement connaîtra les symptômes de privation qui pourraient l'inciter à continuer à prendre le médicament en question. Ces personnes ont tendance à continuer à prendre le médicament, et ne peuvent s'arrêter.

Certains analgésiques opiacés, comme la codéine, sont consommés régulièrement pendant des périodes prolongées par les patients qui souffrent de douleurs chroniques. Il faut donc être vigilant. D'ailleurs, j'en ai discuté avec le Dr Carter. Dans le cas de ces médicaments, il faut peser l'avantage recherché par rapport au risque de dépendance.

On peut aussi prescrire pendant des périodes prolongées des tranquillisants comme le Valium, et ce, à bon escient, notamment dans les cas de personnes souffrant de trouble panique ou de trouble anxieux généralisé. Les tranquillisants peuvent aussi produire une dépendance. Encore là, il faut peser l'avantage lié à la consommation du médicament pendant une période de temps prolongée et le risque que cela comporte.

Dans le cas de médicaments utilisés à faible dose pendant de longues périodes, nous savons que la dépendance est plus fréquente que la consommation abusive, et que les femmes et les personnes âgées sont celles à qui on en prescrit majoritairement. Dans de nombreux cas, ces patients ont du mal à arrêter la médication, sans compter le risque de toxicité. Ainsi, chez les personnes âgées, il y a un risque accru de chutes, ces chutes provoquant dans certains cas des fractures de la hanche.

Il s'ensuit que cette analyse montre que dans certains cas les médicaments ne sont pas aussi bénéfiques qu'on aurait pu le croire.

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Dans la perspective de la politique de la santé, le moyen le plus efficace de réduire les problèmes que peuvent causer ces drogues et ces médicaments d'ordonnance, c'est l'éducation. La réglementation est aussi un outil très efficace pour diminuer le recours à ces médicaments. Il suffit d'assujettir l'un ou l'autre de ces médicaments d'ordonnance à une réglementation, et son usage déclinera de façon spectaculaire. Cependant, une telle réglementation risque de se retourner contre nous. Pourquoi? Parce que les patients qui sont traités de façon appropriée ne vont pas recevoir, ou risquent de ne pas recevoir, ce médicament. Il se pourrait qu'on leur prescrive un autre médicament qui risque d'être plus dangereux.

En matière de politique de la santé, nous estimons qu'il faut être très prudent et ne pas adopter des mesures réglementaires avant de faire des campagnes d'éducation. Il faut que les professionnels de la santé et les simples citoyens comprennent pourquoi de telles mesures réglementaires sont adoptées et pourquoi il ne faut pas abandonner un médicament pour un autre qui risque d'être plus dangereux.

Voilà tout ce que j'avais à dire.

Le président: Merci.

Qui est la suivante?

Dr Robyn Tamblyn (professeure agrie, Département d'épidémiologie et de biostatistique, Département de médecine, Université McGill): Je crois que c'est moi, car mon microphone vient de s'allumer comme par magie.

Je m'appelle Robyn Tamblyn, et je suis épidémiologiste à l'Université McGill. Je travaille dans le domaine des médicaments d'ordonnance pour les personnes âgées.

Comme vous le savez sans doute, de tous les médicaments d'ordonnance, quatre sur dix sont prescrits à des personnes âgées, de sorte que ce problème est poignant pour elles. Les personnes âgées sont aussi...

Le président: Pourriez-vous nous redonner cette statistique?

Dr Tamblyn: Quatre ordonnances sur dix seront remises à des personnes âgées.

Comme vous le savez, les personnes âgées représentent 12 p. 100 de la population. C'est le groupe principal, le groupe fragile. Et vous savez quoi? Les gens vivent plus vieux, ils ont davantage de problèmes de santé chroniques, et consomment donc davantage de médicaments. Je sais que ce qui semble le problème le plus pressant pour la plupart des gens est le fait que le coût des médicaments grimpe en flèche, à un rythme qui semble incontrôlable. Jusqu'à tout récemment, le Québec consacrait trois quarts de milliards de dollars par an aux médicaments d'ordonnance. L'Ontario en dépense un milliard. Or, les augmentations s'élèvent approximativement à 17 p. 100 par année.

Cela inquiète tout le monde. En avons-nous vraiment pour notre argent? Le système fonctionne-t-il? Voilà les questions que je veux aborder aujourd'hui. La réponse est la suivante: je ne pense pas que le système fonctionne. En guise de solution au problème, nous devrions cesser de jeter le blâme sur les uns et les autres, car cela ne donne rien. Nous pouvons jeter le blâme sur les patients qui réclament des médicaments, sur les médecins qui en prescrivent, et sur les pharmaciens qui les fournissent, mais cela ne va pas résoudre le problème.

Essentiellement, j'aimerais vous livrer trois messages. Premièrement, l'information dont nous disposons, et que nous essayons de rassembler à grand renfort de recherches coûteuses, ne se rend pas à la base. L'information en question n'atteint pas les gens qui en ont besoin pour prendre des décisions.

Deuxièmement, cette information est beaucoup trop volumineuse. Aujourd'hui, aucun intervenant de la première ligne ne peut garder ses connaissances à jour. Il est irréaliste de croire que cela est possible, particulièrement dans le domaine des médicaments.

Troisièmement, nous pouvons faire quelque chose, en particulier au Canada, car nous avons cet avantage de pouvoir acheminer l'information vers la base, là où elle est nécessaire pour faciliter la prise de décisions.

Je vous ai fait distribuer des documents, car je voulais illustrer le problème. Le deuxième graphique montre essentiellement une chose que nous avons apprise au sujet des médicaments mentionnés dans le mandat du comité, soit les médicaments psychotropes, les benzodiazépines d'action longue, ceux que vous connaissez probablement le plus étant le Valium ou le Diazépam. Ce que l'on a appris au sujet de ces médicaments, c'est qu'ils sont plus sûrs que les barbituriques que l'on avait l'habitude de prescrire dans les années 60 pour traiter les problèmes d'anxiété et d'insomnie. Les barbituriques ont été remplacés par les benzodiazépines d'action longue, qui sont en effet plus sûrs.

On a aussi appris que ces médicaments causaient, surtout chez les personnes âgées, des problèmes de cognition et de coordination. Pour les personnes âgées, qui, essentiellement, ne peuvent pas les éliminer aussi rapidement, cela devient un véritable problème. À mesure qu'elles vieillissent, les personnes âgées ont davantage tendance à faire des chutes, leurs os sont plus friables, et ils sont plus susceptibles d'avoir des fractures. On savait déjà cela dans les années 70. Entre les années 70 et 80, une centaine d'études épidémiologiques ont fait ressortir cela de façon systématique. Pourtant, à l'heure actuelle, dans les années 90, 12 p. 100 des personnes âgées consomment encore ces médicaments.

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Avec quelles conséquences? Nous n'en savons rien pour un grand nombre de prescriptions qui risquent d'être malavisées, mais en l'occurrence nous le savons. On compte environ 5 000 admissions pour fractures au Québec. On pourrait parler du Canada en général, mais je vais parler du Québec, puisque j'ai travaillé surtout dans cette province. De ce nombre, un cinquième, soit 1 000, sont dues au fait que les gens prennent des benzodiazépines d'action longue.

Poussons l'analyse un petit peu plus loin. Le problème ne tient pas simplement au fait que les gens ne sont pas au courant des effets néfastes de certains médicaments, mais qu'ils n'en connaissent pas non plus les effets bénéfiques. L'information ne se rend pas. À la page suivante, nous examinons les bêtabloquants.

Les bêtabloquants ont été lancés sur le marché en 1951 pour traiter l'hypertension. Dès les années 60, on savait que ces médicaments permettaient efficacement de réduire la possibilité d'un deuxième infarctus du myocarde, une deuxième crise cardiaque. Des années 70 aux années 90, ces médicaments ont fait l'objet d'au moins 20 essais cliniques. Plus de 25 000 patients ont été choisis au hasard pour ces effets. Les résultats ont été spectaculaires. Pour les patients qui prennent ces médicaments, le risque d'avoir une deuxième crise cardiaque est plus faible d'au moins 20 p. 100, et pour les personnes âgées ce chiffre grimpe à 50 p. 100.

Et savez-vous combien nous avons dépensé pour apprendre tout cela? Deux milliards de dollars. C'est la somme que nous avons dépensée pour en savoir plus long au sujet de ces médicaments et de leurs effets bénéfiques. Si l'on regarde le pourcentage de personnes âgées qui ont eu un infarctus du myocarde et à qui l'on prescrit ces médicaments, c'est 21 p. 100. Ce que cela signifie - et, encore une fois, je vais employer des statistiques du Québec - c'est que sur les 14 000 infarctus du myocarde qui surviennent chaque année, nous ne réussissons à en prévenir que le quart environ. Nous pourrions en prévenir les deux tiers, mais l'information sur les bêtabloquants ne se rend pas à la base. Et c'est la même chose pour les médicaments qui ont des effets nocifs. Il y a certes lieu de se demander pourquoi.

On peut jeter le blâme sur les uns et les autres, et nous n'avons pas manqué de le faire. Cependant, les médecins et les pharmaciens canadiens reçoivent sans doute l'une des meilleures formations du monde. Nous savons pertinemment qu'une fois qu'ils sont formés et pratiquent, ils font du très bon travail. Mais l'état des connaissances évolue, et très rapidement. Les colloques annuels ou semestriels de l'Association médicale canadienne ne suffisent plus pour poursuive sa formation médicale. C'est une goutte d'eau dans la mer. Et sur le plan des connaissances, le domaine des médicaments est sans doute celui qui change le plus rapidement.

À la page suivante, vous pouvez voir qu'il y avait 1 000 médicaments disponibles au tournant du siècle. Il y a maintenant au moins 24 000 médicaments dont la commercialisation a été approuvée au Canada. Cela représente une augmentation spectaculaire. Cinq médicaments ont été approuvés par la Direction des médicaments en 1940. Depuis trois ans, il y a 1500 approbations par année. Pouvez-vous imaginer quelqu'un essayer de se tenir au courant de tout cela? Savez-vous ce que cela signifie? Cela signifie 33 000 différentes interactions de médicaments qui ont été documentées, 6500 contre-indications pour certaines maladies et plus de 3000 contre-indications pour allergies dont il faudrait être au courant. C'est beaucoup trop vaste pour qu'une seule personne puisse assimiler tout cela. Et pourtant, ce n'est qu'un élément du puzzle qui permet de fournir ce qu'il y a de mieux en matière de soins primaires. Il faut absolument s'attaquer au problème.

Dans le cas des personnes âgées, la situation se complique du fait que nous avons toujours eu des problèmes à communiquer avec elles au sein du régime de santé. Lorsqu'on a affaire à des soins extrêmement spécialisés, et à une personne qui cumule de nombreux problèmes de santé et qui obtient les meilleurs soins possible, le processus s'en trouve fragmenté.

Si vous tournez la page, vous voyez qu'il est évident que de nombreuses personnes ont de multiples médecins prescripteurs. Il n'est pas rare que des gens reçoivent des soins de santé de nombreux dispensateurs différents. Ils consultent un rhumatologue pour leur arthrite, un cardiologue pour leurs problèmes de coeur, ainsi qu'un médecin de soins primaires pour coordonner les soins préventifs. À mesure qu'augmente le nombre de dispensateurs de soins, non seulement la possibilité de se faire prescrire un médicament inapproprié augmente, mais aussi le pourcentage des médicaments s'accroît avec le nombre de médecins prescripteurs. En effet, l'un peut prescrire un médicament et l'autre, un autre. Supposons qu'ils sont dans l'ignorance de ce qu'ils prescrivent les uns et les autres.

.0925

Le défi qui est le nôtre consiste à trouver une solution. Il n'est pas vraiment productif de continuer à essayer de trouver des coupables, car nous ne pensons pas qu'il soit possible pour quiconque de garder ses connaissances à jour.

Il est inutile de s'attaquer aux marginaux qui font du magasinage auprès de plusieurs médecins. Ce n'est pas la majorité des personnes âgées. Cependant, dans la majeure partie des cas leurs soins de santé sont gérés par des personnes différentes. Et cela est sans doute bon pour elles.

Par conséquent, comment régler le problème chronique de mauvaise communication? Comment disséminer ces renseignements que nous avons payés chèrement sur le plan de la recherche? Comment faire pour que cette information fasse une différence?

La solution que nous proposons, c'est de faire appel à la technologie disponible pour mieux gérer l'information. Je pense qu'à cet égard le Canada pourrait jouer un rôle de chef de file pour amener le régime de santé - ce régime alourdi par la paperasse et peu propice à la communication - à entrer dans le XXIe siècle.

Nous essayons de le faire dans un projet à Montréal. Essentiellement, deux éléments sont nécessaires. Nous avons besoin d'un premier élément pour résoudre le problème de communication. Cet élément existe déjà. Nous avons un régime de soins de santé universel. Le gouvernement du Québec sait aujourd'hui quels médicaments ont été dispensés hier. Nous pouvons communiquer cette information aux médecins de la première ligne. Pourquoi pas? Cela leur serait fort utile pour prendre des décisions.

Dans le cadre d'une initiative novatrice lancée dans cette province, le gouvernement a accepté de télécharger des informations dans les bureaux des médecins à partir de ses macroordinateurs, à Québec, pour que les médecins sachent, au moment où ils voient un patient, quels médicaments, parmi ceux qui ont été prescrits, ont été dispensés - autrement dit, ils peuvent savoir si les gens font actuellement remplir les ordonnances dont ils ont besoin pour contrer leur hypertension, de sorte qu'ils ne subiront pas une attaque et ne devront pas passer 99 000 jours à l'hôpital. Le médecin peut aussi savoir quels autres médicaments ont été prescrits à son patient.

Si la personne s'est présentée à l'urgence et a obtenu un médicament pour la fièvre ou la pneumonie, le médecin doit le savoir. Il doit avoir une vue d'ensemble. Cette information, qui est emmagasinée sur un logiciel conçu par une société privée qui a vu le jour à Montréal, fournit au médecin deux éléments d'information dont il a besoin: quels sont les médicaments dispensés qui ont été prescrits par quelqu'un d'autre, et quels sont les médicaments dispensés qu'il a prescrits lui-même. Nous essayons donc de tirer parti de l'information dont nous disposons, et qui est unique dans le régime de soins canadien, pour prendre de meilleures décisions sur la ligne de front.

Le deuxième élément de solution consiste à tirer parti de l'information dont les médecins ont besoin en ayant recours à un système de surveillance électronique. Nous entrons dans l'ordinateur du médecin les maladies dont souffrent ses patients. Cela crée un dossier électronique. En fait, il s'agit d'un système de surveillance pour déceler les problèmes liés aux ordonnances.

Il alerte le médecin. Il lui dit, par exemple, que cette personne prend deux benzodiazépines, ce qui augmente le risque de toxicité due à la surdose. Nous pouvons aussi lui signaler que cela augmente le risque de chutes, de confusion, d'accidents d'automobiles et de fractures. Si l'on veut continuer à appliquer une pharmacothérapie, il faudrait au moins remplacer une benzodiazépine par un produit d'action brève, mais aussi essayer une démarche non pharmacologique.

On informe ainsi le médecin que s'il prescrit un anti-inflammatoire non stéroïdien à quelqu'un qui souffre d'un ulcère gastro-duodénal, il accroît ainsi le risque d'une hémorragie gastro-intestinale. Nous lui disons qu'il serait malavisé de prescrire ce médicament, à moins que ce ne soit absolument nécessaire et, le cas échéant, de recourir à un agent gastro-protecteur.

Il y a plus de 60 signaux d'alerte dans ce programme, signaux qui, d'après un groupe d'experts de tous les coins du Canada, sont importants sur le plan clinique et pertinents pour empêcher les problèmes d'ordonnances contre-indiquées pour les personnes âgées, et ainsi empêcher une mortalité et une morbidité évitables.

Et ce n'est que le début. Il y a de nombreux autres usages possibles. Ce que nous essayons de faire, c'est exploiter l'information issue de la recherche, l'acheminer aux praticiens de la base et leur permettre de l'utiliser pour prendre les meilleures décisions possible dans l'intérêt des personnes âgées du Canada, et ce, non seulement pour les médicaments d'ordonnance, mais aussi pour tous les autres types de traitement médical.

Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Docteur Carter.

.0930

Dr Anne Carter (directrice, Programmes de santé, Association médicale canadienne): Monsieur le président, membres du comité, l'Association médicale canadienne est heureuse de comparaître ici aujourd'hui pour présenter sa perspective à l'occasion de cette table ronde sur les médicaments d'ordonnance.

L'Association médicale canadienne est un organisme bénévole représentant la majorité des médecins du Canada. La mission de l'association est de fournir un leadership aux médecins et de promouvoir des normes supérieures en matière de santé et de soins de santé pour les Canadiens.

À titre de porte-parole du monde médical au Canada, notre association s'intéresse énormément aux problèmes liés aux médicaments et aux ordonnances. La pratique de la prescription est au coeur de la thérapeutique médicale et, en tant que telle, elle distingue la profession médicale des autres professions liées à la santé. L'AMC souhaite assurer les soins médicaux de la plus haute qualité possible. Les meilleures pratiques de prescription sont essentielles à la réalisation de cet objectif. Par conséquent, nous avons lancé ces dernières années un certain nombre de projets sur ce thème.

Nous avons travaillé en partenariat avec des pharmaciens représentés par l'Association pharmaceutique canadienne pour améliorer les pharmacothérapies dans le cadre de démarches élaborées en collaboration. Cela a abouti à une déclaration de principe publiée en 1996 sous le titre Approaches to Enhancing the Quality of Drug Therapy, que nous vous avons apportée. Cela a suscité beaucoup d'intérêt dans le secteur de la santé. Les facultés de médecine et les établissements qui dispensent un enseignement permanent dans le secteur de la santé nous ont demandé un grand nombre d'exemplaires de cet ouvrage.

En même temps, en partenariat avec l'ACSP, nous avons élaboré deux séries de directives sur les pratiques cliniques pour améliorer les ordonnances. L'une de ces directives porte sur l'usage des benzodiazépines pour l'anxiété - Usoa fait partie du comité qui a établi cela - et l'autre sur l'usage des barbituriques qui contiennent des analgésiques pour le contrôle de la douleur chronique.

Ces directives n'ont pas encore été distribuées, mais elles seront publiées dans le Journal de l'Association médicale canadienne pour que les médecins puissent donner leur avis.

En partenariat avec Santé Canada et la Société médicale canadienne sur l'alcool et autres drogues, qui s'appelle maintenant la Société médicale canadienne sur la toxicomanie, l'AMC a organisé un atelier sur les méthodes utilisées par les médecins lorsqu'ils prescrivent un médicament. Cet atelier, qui a eu lieu à l'automne 1995, avait pour but d'améliorer les pratiques suivies par les médecins en ce qui concerne les ordonnances. Les documents de travail préparés pour l'atelier, les comptes rendus des délibérations ainsi qu'un résumé des recommandations ont été soumis au comité.

En résumé, la principale recommandation était l'élaboration d'un système national d'information sur les médicaments fondé sur les systèmes d'information sur les médicaments des provinces et des territoires.

Je suis enchantée de voir le Dr Tamblyn. En fait, c'est précisément sur ces recommandations que son projet est fondé.

L'AMC a été très active et a tenté d'améliorer la Loi réglementant certaines drogues et autres substances entre le moment où elle a été déposée à la Chambre en 1992 sous le titre de projet de loi C-85 et le moment où elle a été adoptée en 1996 en tant que projet de loi C-8. De façon générale, l'AMC était d'accord avec l'orientation du projet de loi, mais par contre, l'association considérait que certains passages feraient baisser la qualité des soins; par conséquent elle s'est élevée contre ces passages. Des exemplaires du mémoire de l'AMC sont également disponibles.

L'AMC a élaboré plusieurs autres politiques, qui sont également disponibles. En tant que membre de la Coalition canadienne sur l'usage des médicaments chez les aîné(e)s, l'AMC a élaboré des directives pour guider les médecins lorsqu'ils prescrivent des médicaments pour les aînés. L'AMC a également élaboré une politique en ce qui concerne la substitution et l'étiquetage des médicaments.

Toutes ces politiques ont pour objet d'améliorer la qualité des pharmacothérapies. De plus, l'AMC a une politique en ce qui concerne les médecins et la prévention et les médecins et la promotion de la santé. De toute évidence, la prévention en ce qui concerne l'abus des drogues fait partie de cette politique.

Enfin, l'AMC prépare actuellement un projet qui permettra d'aider les médecins à aborder les problèmes de toxicomanie dans leur pratique. Mené en collaboration avec la Société médicale canadienne sur la toxicomanie, l'Association des psychiatres du Canada et le Collège des médecins de famille du Canada, c'est un des huit projets prioritaires dont l'AMC s'occupe actuellement.

Si l'AMC assiste à cette table ronde, c'est qu'elle possède une expérience considérable et un intérêt tout particulier en ce qui concerne la qualité des ordonnances. Nous espérons que nos connaissances et notre expérience sauront aider le Comité permanent de la santé dans son étude de la politique sur l'abus des drogues.

Merci, monsieur le président. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions des députés.

.0935

Le président: Je vous remercie tous les trois.

Nous avons effectivement des gens qui veulent poser des questions, mais auparavant j'aimerais savoir si vous avez des comptes à régler entre vous, si vous avez des observations à faire en ce qui concerne vos positions mutuelles. Est-ce que vous voulez répondre, en quelques minutes, à ce que les autres ont dit?

Dr Tamblyn: Nous sommes en parfaite harmonie.

Le président: C'est ce que je craignais. Vous ne pourrez pas dire que je ne vous en ai pas donné la chance.

Je donne maintenant la parole à Pierre, puis à Grant et John.

[Français]

M. de Savoye (Portneuf): Vos trois présentations, mesdames, ont été particulièrement intéressantes. D'abord, madame Busto, vous nous avez présenté la problématique: la plupart des gens ne font pas d'abus, mais certains en font parce qu'ils y trouvent un certain plaisir.

Ensuite, madame Carter, vous nous avez dit que pour être capable de bien réagir, il faudrait avoir de l'information et que, par conséquent, un système national d'information sur les médicaments serait de mise.

Là-dessus, Mme Tamblyn a ajouté que l'information, c'est bien, mais qu'il faut savoir la rendre disponible et l'interpréter correctement. Il y a tellement d'information qu'il n'y a pas un saint homme ou une sainte femme qui serait en mesure de tout connaître et de transposer cela dans la réalité.

En fait, madame Tamblyn, vous nous avez entretenus d'un système expert sur ordinateur qui utiliserait les informations déjà enregistrées, entre autres au Québec, mais sans doute aussi dans le reste du Canada, pour permettre aux médecins et aux pharmaciens de prendre les bonnes décisions et d'éviter les problèmes d'accoutumance qui peuvent survenir après de longues périodes de temps où des médicaments ont combiné leurs effets.

Donc, si je comprends bien, madame Busto, les problèmes d'accoutumance ou de dépendance aux drogues ne sont pas nécessairement le fait volontaire d'individus, mais bien la conséquence d'ordonnances qu'ils ont reçues et qu'ils n'auraient peut-être pas dû recevoir dans cette combinaison. Ils sont des victimes plutôt que les artisans de leur malheur. Est-ce que j'ai raison? Est-ce bien ce que vous dites?

[Traduction]

Dr Busto: Dans l'ensemble, je dirais que oui, vous avez raison. Ce n'est pas forcément les patients qui sont responsables de ces ordonnances à long terme, mais dans certains cas c'est leur faute. Ils insistent auprès de leur médecin parce que ces médicaments donnent des résultats. Si vous voulez dormir, vous vous faites prescrire un de ces médicaments, et vous dormez. Les patients ont donc tendance à insister. Pour les gens qui reçoivent le médicament, c'est également important. Mais dans la majorité des cas, ces ordonnances sont destinées à des gens qui ont des problèmes; ils prennent le médicament et ils se sentent mieux.

Au début, l'ordonnance est probablement justifiée, mais cela amorce un cercle vicieux: le médecin prescrit un médicament pour une certaine période pour traiter un état qui existe véritablement, anxiété, insomnie, douleur, mais par la suite cela n'est pas remis en question, et la médication se poursuit pendant une longue période.

Par exemple, les personnes âgées sont des patients particulièrement anxieux parce qu'elles ont d'autres problèmes, ont du mal à dormir, etc. Dans la majeure partie des cas, les ordonnances ne sont pas justifiées, parce que les problèmes sont plus complexes que cela. On réclame ces ordonnances pour d'autres raisons, ou encore les gens insistent auprès des médecins, des infirmières, des pharmaciens, pour obtenir des médicaments. En général, vous avez raison, mais ce n'est pas la seule motivation.

.0940

[Français]

M. de Savoye: Vous avez parlé de la nécessité d'éduquer et d'informer. En termes d'efficience, comment cette information devrait-elle être transmise au public ou aux patients? Est-ce le médecin qui est le mieux en mesure de le faire? Est-ce le pharmacien? Le gouvernement a-t-il un rôle à jouer? Comment voyez-vous cela?

[Traduction]

Dr Busto: Vous voulez dire les patients? Qui donne les informations aux patients? D'ordinaire, c'est le pharmacien qui est censé leur donner des informations sur les médicaments. Le médecin donne des informations d'ordre général, mais les informations précises sur les problèmes associés à un médicament sont d'ordinaire la responsabilité du pharmacien.

Cette autre personne doit donc être informée de ce qui se passe.

[Français]

M. de Savoye: Oui, madame Carter.

[Traduction]

Dr Carter: Je suis tout à fait d'accord: le pharmacien est responsable et doit donner les informations. Toutefois, en droit, lorsqu'un médecin prescrit un médicament à un patient, il doit s'assurer que celui-ci est complètement informé des risques et des avantages de la thérapie en question; il doit s'assurer que le patient consent, et cela, en toute connaissance de cause.

C'est donc, légalement au médecin d'obtenir le consentement du patient. Dans certaines provinces, le pharmacien est aussi responsable légalement et doit s'assurer que le patient est informé.

Dr Tamblyn: Ma réponse, c'est que c'est trop important pour qu'on se permette de se tromper. Il faut absolument que les gens aient un accès direct à ce type d'information. On ne devrait pas être forcé de s'adresser au système de santé, de voir un professionnel de la santé pour obtenir cela. Cet accès devrait être plus facile. Les médecins devraient avoir accès à ces informations. Les pharmaciens devraient avoir accès à ces informations et devraient également les transmettre. C'est trop important pour qu'on puisse se permettre de se tromper; par conséquent, je pense qu'une triple vérification s'impose.

M. de Savoye: Voulez-vous dire que cela devrait être communiqué sur l'Internet?

Dr Tamblyn: Si je pensais pouvoir intéresser une personne âgée à l'Internet, effectivement. Je pense que tous les moyens sont bons pour y parvenir.

[Français]

M. de Savoye: Madame Tamblyn, vous avez présenté le système MOXXI comme étant une solution. Je présume que ce système serait à la disposition des médecins et des pharmaciens. Mais un tel système, pour être bien utilisé, doit être facile d'utilisation et ne doit pas rencontrer de résistance de la part des pharmaciens et des médecins. Comment, selon vous, ces professionnels réagiraient-ils à un outil comme celui-là?

[Traduction]

Dr Tamblyn: Vous avez parfaitement raison. Il faut que ce soit facile à utiliser. Cette solution-là ne peut pas être plus difficile que la situation actuelle.

Ce qui est fascinant dans tout cela, c'est tout d'abord que dans l'ensemble les pharmaciens utilisent actuellement des systèmes qui constituent ce que j'appelle une surveillance interactive. Ce sont les 33 000. Et ce n'est pas l'élément le plus important, parce que l'élément le plus important, ce sont les médicaments qui sont prescrits à des gens qui sont atteints d'une autre maladie, qui constitue une contre-indication. Dans ces cas-là, il faut agir au niveau du médecin.

Il y a cinq ans, j'aurais dit que c'était impossible; il était impossible de convaincre un médecin du système de santé d'utiliser ce système. Je ne vous dirai pas la même chose aujourd'hui à cause des logiciels qui ont été développés, à cause de la vitesse des ordinateurs et - c'est ce qui est le plus tentant - à cause du fait que cela prendrait une éternité pour obtenir ces informations par un autre moyen. Quand on demande à un patient quel médicament il prend, il vous répond que c'est une pilule verte, une pilule blanche ou une pilule violette, et cela ne suffit pas. Il y a 300 pilules blanches différentes.

Le facteur convaincant de ce système, c'est que cela facilite beaucoup les choses, mais évidemment il faut apprendre à utiliser un ordinateur. C'est faisable. C'est ce que nous faisons actuellement.

[Français]

M. de Savoye: Madame Tamblyn, êtes-vous en train de dire à ce comité que vous recommandez, en terme de stratégie nationale pour le contrôle des drogues, que le gouvernement soutienne la mise en place d'un tel système?

[Traduction]

Dr Tamblyn: Oui, effectivement. Et je pense que ce sera utile pour beaucoup d'autres choses, pas seulement les médicaments.

[Français]

M. de Savoye: Madame Carter, madame Busto, vous voulez ajouter quelque chose? Madame Carter.

.0945

[Traduction]

Dr Carter: Pour commencer, j'aimerais moi aussi répondre à votre question et dire oui. Comme je l'ai dit, nous avons organisé cet atelier à l'automne 1995. Nous avons convoqué des experts de tout le pays pour discuter précisément de cette question, et c'est exactement ce dont ils ont discuté. Ils ont envisagé d'élaborer un système d'information sur les médicaments qui commencerait au niveau provincial et qui progressivement deviendrait national. C'est précisément ce que le Dr Tamblyn vient de vous décrire: rassembler toutes les informations et les ramener vers le médecin et le patient au moment où les décisions sont prises. Cela peut même porter sur certains éléments comme le coût des médicaments, la mesure dans laquelle les patients sont remboursés pour leurs médicaments, éléments qui actuellement sont rarement disponibles et qui pourtant ont une influence sur la décision du médecin et sur la décision du patient.

Il y a une chose que j'aurais aimé ajouter lorsque vous avez demandé au Dr Busto si le patient est la victime; nous avons discuté de cela, nous nous sommes demandé si c'était le patient ou le médecin qui encourageait ces prescriptions, et à ce sujet il est important de se rendre compte que le plus souvent les patients et les médecins n'ont pas à leur disposition d'autres solutions, des solutions qui n'impliquent pas l'usage de médicaments. Nous savons que les meilleures méthodes dans de nombreux cas sont des méthodes non pharmacologiques, mais très souvent elles ne sont pas disponibles à cause des coupures effectuées actuellement dans le système de santé. Si vous ne pouvez pas dormir, si vous souffrez de troubles d'anxiété et que cela porte atteinte à votre qualité de vie, si vous n'avez pas d'autres possibilités, vous choisirez un médicament, parce que c'est un médicament ou rien.

En fait, notre système de santé devrait prévoir le recours à des solutions non pharmacologiques. Ces solutions-là offrent souvent une douleur à court terme en échange d'une amélioration de longue durée. Dans certains cas, elles sont considérées comme très coûteuses à court terme, mais si l'on considère les dommages à long terme causés par certains de ces médicaments, le système de santé aurait tout intérêt à investir dans ces solutions de remplacement.

M. de Savoye: Docteur Busto.

Dr Busto: Vous avez parlé de donner ces informations sur l'Internet, et la réponse est oui également dans ce cas-là. Ce serait effectivement très utile. Là encore, il faudrait contrôler le genre d'information qui est publiée, mais dans l'ensemble cela permet de mettre les informations très rapidement à la disposition des médecins, des infirmières et des pharmacies. Elles ont déjà des sources d'information, mais ce serait sans aucun doute très utile, et on pourrait inclure les coûts, parce qu'en effet, très souvent, les médecins n'ont pas la moindre idée du coût d'un médicament. C'est le meilleur médicament disponible, ou du moins ils pensent que c'est le meilleur, et c'est quelque chose de nouveau; par conséquent, ils le prescrivent. À côté de cela, il coûte 100 fois plus cher qu'un autre médicament qui est tout aussi efficace, mais moins coûteux.

[Français]

M. de Savoye: C'était très intéressant et très long aussi. Merci.

[Traduction]

Le président: Pas vraiment, mais je dois dire que vous avez dépassé un peu votre temps.

Grant.

M. Hill (Macleod): Je vous remercie pour vos exposés.

Si nous adoptions le système MOXXI au Canada aujourd'hui, combien de médecins sont suffisamment équipés pour recevoir ces informations dans leur bureau?

Dr Tamblyn: Vous voulez dire combien de médecins ont des ordinateurs?

M. Hill: Oui quel pourcentage à l'heure actuelle?

Dr Tamblyn: La plupart des ordinateurs de bureau sont utilisés par les réceptionnistes et servent à la facturation. Ils ne sont pas branchés sur un réseau de santé. Cela ne signifie pas que ce n'est pas possible, et nous savons tous que le système de santé est comme un énorme éléphant qui, progressivement, s'informatise de plus en plus: les hôpitaux, les laboratoires... Les bureaux privés sont probablement les derniers sur la liste. Passer du papier à l'électronique, c'est un gros changement.

Pour effectuer ce changement, il va falloir planifier soigneusement et être très malin. Je crois d'ailleurs qu'au Canada plusieurs fabricants de logiciels sont en train de s'attaquer à cette question. On s'en occupe également aux États-Unis. Notre avantage à nous, c'est que nous avons les informations qu'ils veulent, que nous pouvons les communiquer, et que cela leur rendra la vie plus facile.

.0950

M. Hill: Savez-vous quel pourcentage a déjà ces informations sur ordinateur?

Dr Tamblyn: Vous devez le savoir, Anne.

Dr Carter: D'après certains sondages, près de 90 p. 100 des bureaux de médecins sont équipés d'un ordinateur. Toutefois, la proportion des médecins qui utilisent cet ordinateur pour les soins dispensés aux patients est bien plus faible.

M. Hill: Est-ce que c'est 5 p. 100?

Dr Carter: Peut-être 10 p. 100. Ce sont les grosses cliniques qui adoptent ces systèmes informatisés, et par conséquent cela fait augmenter la proportion. Mais, en fait, il y a très peu d'endroits où on les utilise.

Il y a deux choses qui ralentissent le mouvement; la santé est le secteur le moins informatisé de notre économie. Deux circonstances ont probablement retardé les choses: d'une part, le fait qu'il n'existait pas un bon système informatisé pour les dossiers des patients, et, d'autre part, le fait qu'il n'existait pas une bonne technologie de reconnaissance de la voie humaine. Dans les deux cas, il y a eu beaucoup de progrès récemment. Des percées importantes ont été faites dans ces deux domaines. Une fois ces deux obstacles franchis, je pense qu'il ne faudra pas très longtemps pour informatiser les soins de santé.

M. Hill: Un des gros problèmes avec les dossiers électroniques, c'est la confidentialité. Vous avez mentionné la possibilité de mettre tous les diagnostics à la disposition de tous les médecins traitants.

Dr Tamblyn: Non, pas du tout. Je suis tout à fait d'accord avec vous. En fait, cette éventualité m'a tellement effrayée... À l'Université de Montréal, nous avons le Centre de bioéthique, dont le Dr David Roy s'occupe. Bartha Knoppers est une avocate qui étudie les aspects juridiques et déontologiques. Dans notre projet, nous nous heurtons à des problèmes juridiques et déontologiques peut-être une fois par mois. Cela provoque des crises périodiques.

C'est un territoire qui, dans l'ensemble, reste inexploré. Il n'y a pas eu de directives explicites en ce qui concerne la confidentialité. La technologie existe, et nous avons franchi d'énormes obstacles pour parvenir à ce point; simplement pour déterminer si cela fonctionne au Québec.

Tout cela pour vous dire que oui, c'est une question extrêmement importante. Effectivement, la confidentialité peut être respectée. Il va falloir s'attaquer à des problèmes très graves, par exemple la question de savoir si le médecin a le droit de savoir qu'un patient obtient des médicaments auprès de trois médecins différents, et le fait d'une façon délibérée. Il va falloir trouver des réponses à des questions difficiles. Mais le respect de la confidentialité est possible. Nous devons ajuster les lois, nous devons fournir des directives déontologiques pour l'utilisation de cette technologie, cela est absolument certain.

M. Hill: Et vous pensez que cette technologie viendra remplacer les ordonnances en trois exemplaires?

Dr Tamblyn: Oui.

M. Hill: Elles ne seront plus du tout nécessaires?

Dr Tamblyn: En effet.

M. Hill: Vous avez parlé de méthodes naturelles pour traiter l'insomnie. Pouvez-vous développer cet aspect?

Dr Carter: Je parlais des méthodes non pharmacologiques en général. Par exemple, pour l'insomnie et l'anxiété - les deux principales raisons pour lesquelles on prescrit des benzodiazépines - il y a des solutions non pharmacologiques: techniques de relaxation, hypnose. À l'heure actuelle, on considère même que la solution la plus efficace pour lutter contre l'anxiété, et en particulier contre les crises de panique, c'est une thérapie fondée sur le comportement cognitif.

M. Hill: Enfin, vous avez mentionné les interactions entre diverses préparations. Que pensez-vous de l'étiquetage des bouteilles d'alcool? Je pense à l'interaction avec les tranquillisants, etc.

Dr Busto: Sur les bouteilles d'alcool? C'est une idée intéressante. Je n'y avais jamais pensé. D'ordinaire, c'est à l'inverse que l'on pense, et sur la plupart des flacons de tranquillisants il y a une mise en garde en ce qui concerne l'alcool.

Il serait intéressant de voir dans quelle mesure... Je ne sais pas si je me souviens exactement de l'épidémiologie. Combien de personnes consomment de l'alcool et en même temps utilisent un de ces médicaments? Ce serait peut-être aller un peu loin que d'étiqueter toutes les bouteilles d'alcool, parce que beaucoup de gens ne consommeraient que de l'alcool au dîner et ne prendraient plus jamais un autre médicament, ce qui viendrait aggraver encore les problèmes causés par l'alcool.

.0955

Le président: Nous aurons ensuite John, Paul et Herb, dans cet ordre.

M. Murphy (Annapolis Valley - Hants): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie pour ces trois exposés.

J'écoute le Dr Tamblyn et d'après ce qu'elle dit, j'ai l'impression qu'il faut envisager plusieurs stratégies pour atteindre la population à sa base, les individus.

Je crois que Santé Canada a actuellement un programme... Je ne sais pas s'il s'agit d'un simple projet pilote, mais je sais que dans ma circonscription on informe les personnes âgées sur les médicaments dans le cadre de deux projets.

Je ne sais pas si vous êtes au courant. Pensez-vous que ce soit une bonne façon de faire? Est-ce que cela va dans le sens de votre première recommandation? J'aimerais savoir ce qu'en pensent les autres témoins également. Est-ce que c'est un bon modèle qui viendrait compléter le MOXXI et les autres?

Dr Tamblyn: Est-ce que vous êtes de la région d'Ottawa?

M. Murphy: Non, de la Nouvelle-Écosse.

Dr Tamblyn: Pouvez-vous m'expliquer ce qu'on fait là-bas?

M. Murphy: Je suis désolé, mais je n'ai pas beaucoup de détails. Je sais que dans deux régions de ma circonscription les organisateurs de la santé ont reçu des subventions pour travailler avec des groupes de personnes âgées et des clubs - cela passe par les médecins de famille et les pharmaciens - et on essaie d'éduquer ces gens-là sur les médicaments, l'utilisation des médicaments. Les personnes âgées sont particulièrement visées.

Dr Tamblyn: Il est exact que Santé Canada finance un certain nombre d'initiatives communautaires. Dans le cadre de ces initiatives, les aînés aident les aînés, ce qui est à mon avis une notion très positive, mais il y a un aspect qui les décourage, et c'est qu'on ne s'attaque qu'à une partie du problème. Les médicaments sur ordonnance impliquent les médecins, les pharmaciens et les patients, et si on ne s'attaque qu'à un seul membre de cette équation, cela ne fonctionne pas très bien, et les aînés abandonnent.

Un autre projet était de dresser une liste de tous les médicaments. Les pharmaciens aideraient les gens à remplir cette liste, et les médecins seraient mis au courant, mais dans le secteur de la santé personne ne s'est vraiment penché sur ce projet, et cette partie-là du programme est restée lettre morte.

À mon avis, c'est quelque chose de très positif, mais il faut impliquer les médecins et les pharmaciens de la région si vous voulez vraiment tirer un bénéfice maximum de votre investissement.

M. Murphy: Dans ce cas, il me semble qu'il faudrait surveiller ce programme. C'est bien joli de consacrer 10 000 $ ou 15 000 $ à ces programmes, mais s'ils ne fonctionnent pas, s'il manque un élément, il faudrait les rivaluer et faire des recommandations. C'est une suggestion que je fais.

Merci.

Le président: Paul, je vous en prie.

M. Szabo (Mississauga-Sud): Je vous remercie pour votre intervention. C'est toujours plaisant de pouvoir dire aux gens qu'ils ont fait du bon travail quand c'est vrai, et à mon avis vous avez particulièrement bien identifié problème, et en même temps vous avez identifié une solution, et tout cela a conduit à une recommandation. Très souvent, les gens viennent ici pour nous apprendre des choses, mais cela n'aboutit à rien.

Le sujet qui nous occupe est important. Vous nous avez cité des statistiques très convaincantes en ce qui concerne la multiplication des médicaments - et j'espère, je m'adresse au président et au personnel du comité - que nous pourrons citer ces statistiques dans notre rapport.

Si j'en parle, c'est que même le public commence à s'inquiéter du nombre croissant de médicaments.

Sur la chaîne CTV, on diffuse une vignette intitulée «2000 Plus», commanditée par Chrysler. À propos des médicaments, on dit que depuis tant d'années 8 000 nouveaux médicaments ont été mis au point dont 1 p. 100 seulement présentent des avantages supplémentaires par rapport à ce qui existait avant. Tout le reste est inutile, reformulé, présenté dans des emballages nouveaux, et, en règle générale, ne constitue absolument pas un progrès par rapport à ce qui existait avant. Cela vient donc confirmer ce que vous avez dit.

Toutefois, je considère que c'est un problème très complexe. On dit qu'à tout problème complexe correspond une solution simple, mais ce n'est pas vrai. Nous devons aborder ce problème-là sous plusieurs angles, et, pour commencer, l'harmonisation des informations pour éviter les abus... Toutefois, si on considère les problèmes et les coûts lorsque les médicaments sur ordonnance ne sont pas utilisés comme ils doivent l'être, et si on ajoute à cela l'énorme volume... C'est tout simplement impossible.

.1000

La solution est donc peut-être, en partie, de frapper certains de ces médicaments de clauses de caducité, ou peut-être d'agir au niveau de la mise en marché de médicaments qui n'ont aucun effet nouveau ou bénéfique, des médicaments qui n'offrent rien de plus que ce qui existait déjà.

Je ne sais pas comment il faut s'y prendre, mais je pense que les professionnels doivent demander pourquoi ces compagnies pharmaceutiques développent tous ces médicaments, doivent s'interroger sur la raison de certains encouragements, comme les 40 p. 100 consacrés aux médicaments, l'établissement des prix des médicaments, etc. Tout cela, c'est de la promotion destinée aux médecins. C'est la profession médicale qui accepte cet argent, ou ces encouragements, et cela vient aggraver le problème.

À votre avis, est-ce que nous avons un rôle à jouer? Est-ce que nous pouvons insister auprès de la profession médicale pour que seuls les médicaments qui présentent des avantages supplémentaires pour la population, des médicaments véritablement utiles, soient développés?

Dr Tamblyn: Pour commencer, je reconnais avec vous qu'il n'existe pas de solution magique. Comme quelqu'un l'a dit la semaine dernière ici même à Ottawa, pour régler ce problème-là il va falloir abaisser 100 leviers différents.

D'autre part, je pense aussi qu'il faut repenser la politique actuelle en ce qui concerne les conditions pour l'approbation d'un médicament, ici au Canada. À l'heure actuelle, la majeure partie des médicaments servent à traiter des personnes âgées. Or on ne fait pas appel à des personnes âgées pour les essais cliniques qui déterminent l'approbation d'un médicament. Dans les essais cliniques, on ne voit jamais de gens qui ont trois ou quatre problèmes de santé et qui prennent sept médicaments différents. Or, ce sont ces gens-là qui consomment ces médicaments.

Ce sont les compagnies pharmaceutiques qui développent les médicaments. Vous ne pouvez pas les empêcher de développer des médicaments. Une chose est certaine, ces compagnies ne développeront pas des médicaments qui ne seront pas approuvés pour la vente. Donc, les critères qui servent à déterminer quels médicaments seront approuvés pour la vente, ou encore à déterminer les sommes exigées pour les examens qui suivent la mise en marché des médicaments, sont particulièrement importants.

Les gouvernements provinciaux eux-mêmes peuvent préciser cela, puisque ce sont eux qui prennent les décisions en ce qui concerne les listes de médicaments approuvés. Ils peuvent dire: nous voulons voir ce médicament, nous voulons voir ce médicament utilisé de façon optimale à la fois par les patients et par les médecins qui le prescrivent, et nous voulons déterminer s'il présente des avantages ou des inconvénients évidents dans la pratique courante. En effet, les patients qui pourraient utiliser ce médicament n'ont pas tous participé aux essais cliniques exigés pour l'approbation du médicament en question.

Autrement dit, ce n'est pas tant un problème pour la profession médicale que pour les compagnies pharmaceutiques et les autorités qui réglementent le secteur au niveau national et au niveau provincial. À ce niveau-là, il est assez facile d'apporter des changements.

Peut-être ne devrais-je pas dire «assez facile». Je suis certaine que c'est très difficile.

M. Szabo: C'est complexe; je comprends.

Le président: Docteur Busto.

Dr Busto: Pour commencer, je suis d'accord avec vous et avec le Dr Tamblyn; c'est une question très complexe. J'aimerais également rappeler, comme je l'ai déjà fait tout à l'heure, qu'il est important de trouver un point d'équilibre entre les bons et les mauvais éléments des médicaments et de la législation. Il est exact que certains médicaments qui sont mis en marché sont des médicaments que nous appelons «moi aussi», des médicaments qui ressemblent de très près à d'autres qui existent déjà.

Par ailleurs, parfois au Canada - moi je viens d'une culture et d'un pays différents - il faut parfois beaucoup de temps pour faire homologuer des médicaments et donc pour que les gens en profitent. Je ne dis pas que nous ne devrions pas nous montrer prudents en matière d'homologation de médicaments, mais il faut parfois voir le pour et le contre. Même maintenant, l'acamprosate, un médicament utilisé dans le traitement de l'alcoolisme, est disponible dans de nombreux pays européens alors qu'on n'a même pas commencé à en faire l'essai en Amérique du Nord.

J'aimerais donc rappeler que dans cette question complexe il faut toujours tenir compte des avantages et des risques. À toute étape de la prise d'une décision ou de l'élaboration d'une directive, les deux doivent être pris en compte.

Le président: Docteur Carter.

Dr Carter: J'aimerais dire deux choses à ce sujet. D'abord, il est absolument nécessaire de mieux surveiller la post-commercialisation des médicaments au Canada. Nous l'avons dit à de nombreuses reprises, mais il n'y a pas de bon système de surveillance de la post-commercialisation au Canada. C'est grâce à cette surveillance que nous pouvons prendre connaissance de bien des choses au sujet d'un médicament, par exemple des effets secondaires imprévus et notamment des particularités concernant son utilisation par des gens qui sont atteints de plus d'une maladie. Cette surveillance laisse beaucoup à désirer au Canada; il faut faire beaucoup mieux.

.1005

L'autre chose qu'il faut améliorer, ce sont les études pharmaco-économiques postérieures à la commercialisation. Au moment de leur mise sur le marché, la gamme des utilisations de nombreux médicaments n'est pas entièrement connue. On ne peut pas vraiment mener d'études pharmacoéconomiques tant qu'on ne sait pas exactement comment un médicament va être pris dans les faits, quelle est la tranche d'âge des utilisateurs, quels sont les facteurs de comorbidité, etc. C'est une autre des graves lacunes que l'on constate au Canada, et il nous faut y accorder beaucoup plus d'attention.

Pour faire suite à ce que ma collègue Usoa disait, j'aimerais parler des avantages potentiels des médicaments, ainsi que de leurs effets secondaires potentiels. Je pense qu'il faut bien préciser que, particulièrement en ce qui a trait à la consommation d'analgésiques narcotiques par des malades en phase terminale, ces médicaments sont sans doute sous-utilisés au Canada, au détriment probablement des Canadiens.

Une des choses qu'il faut bien comprendre, c'est qu'il existe une certaine méfiance face à la rédaction d'ordonnances. C'est un fait constaté. Je pense qu'on a aussi parlé de la méfiance qu'on peut avoir dans bien d'autres domaines. La méfiance face à la rédaction d'ordonnances est un fait réel, et nous devons en tenir compte pour comprendre la complexité de ces problèmes et pour les résoudre, comme vous le disiez, monsieur Szabo. Par exemple, des médecins ont le sentiment que «Big Brother» les observe. S'ils estiment que ces systèmes d'information sont mis en place de manière à surveiller leurs agissements en ce qui concerne les ordonnances et à les punir en conséquence, vous constaterez alors qu'au Canada on se méfiera encore plus avant de donner une ordonnance à un patient.

M. Szabo: Monsieur le président, je m'en voudrais de ne pas poser la question suivante à Robyn. Il y a déjà des mises en garde sur certains médicaments d'ordonnance; que pensez-vous - vous ou les autres témoins - de l'utilité ou de l'importance des mises en garde concernant la santé qui sont apposées sur des produits comme les médicaments?

Dr Tamblyn: Je pense qu'elles sont tout à fait essentielles, mais elles ne me semblent pas aussi utiles qu'elles pourraient l'être. On y énumère d'innombrables symptômes et effets secondaires possibles, sans mentionner lesquels sont les plus probables, les plus significatifs.

La situation est d'autant plus confuse que l'on ne sait même pas qu'on prend deux médicaments qui sont en fait identiques. Ils portent des noms différents et se présentent sous des formes différentes, mais il s'agit du même médicament. Donc, pour ce qui est de l'emballage et de tout le reste, on pourrait certainement faire beaucoup plus, et facilement.

Le président: Merci, Paul.

Rappelez-moi après la séance de vous raconter ma blague au sujet de l'idée fixe, d'accord? Paul adore poser cette question.

Herb.

M. Dhaliwal (Vancouver-Sud): J'ai deux brèves questions à poser, monsieur le président. J'aimerais que les témoins commentent le prix de référence adopté en Colombie-Britannique, qui touche une liste de médicaments qui peuvent être prescrits. Je me demande quelle est la réaction de la profession médicale. Cela aura-t-il une incidence positive ou négative sur les pratiques de prescriptions.

Mon autre question est... Je ne suis pas quelqu'un qui prend des médicaments à la légère. Personnellement, j'estime qu'on abuse des médicaments. Quelqu'un qui a un mal de tête se dirige immédiatement vers l'armoire à pharmacie pour y prendre du Tylenol ou de l'aspirine. J'ai toujours été d'avis que si j'avais mal à la tête, il serait sans doute bon que je me repose. De façon générale, je prends très peu de médicaments, si tant est que j'en prends. De façon générale, les Canadiens qui ont un mal de tête prendront un comprimé d'aspirine ou de Tylenol parce que c'est leur façon de réagir. Personnellement, je pense qu'il est malavisé de faire cela. En tant que société, nous sommes devenus trop dépendants des médicaments.

Dans ma vie privée, j'ai constaté que lorsque j'ai recours à d'autres solutions pour régler ce genre de problèmes, je ne m'en porte que mieux à long terme. Une fois que les gens ont l'habitude de prendre de l'aspirine ou du Tylenol pour un mal de tête, leur corps s'y accoutume, et au bout du compte cela crée un problème plus grave... J'ai vu souvent d'autres personnes faire cela. Je pense que dans toute ma vie j'ai dû prendre, au maximum, 100 ou 150 cachets, car je refusais d'en prendre, à moins que ce ne soit absolument nécessaire.

.1010

Je suis désolé, j'ai raté votre exposé. Dans le milieu médical, s'entend-on pour dire que les gens font un usage abusif des médicaments? Dans l'affirmative, que fait la profession médicale pour régler ce problème de consommation abusive de médicaments?

Dr Carter: J'ai l'impression que cette question s'adresse à moi.

Tout d'abord, vous avez posé une question au sujet du prix de référence. En fait, il s'agit simplement d'une assurance- médicaments. En fait, c'est une méthode de copaiement. Je pense que cela a mal été expliqué dans les journaux. Essentiellement, cela modifie la méthode de remboursement des médicaments au patient. Le médecin demeure libre de prescrire les médicaments qu'il veut, et le patient, lui, peut recevoir les médicaments de son choix, mais la couverture proprement dite, la somme qui sera remboursée au patient, est différente. Il faut comprendre qu'il s'agit d'un système d'assurance ou de remboursement ou de copaiement qui, par le biais du prix, tente d'influer sur les pratiques de prescription...

M. Szabo: Cela aura aussi une incidence sur le choix des médicaments qui seront prescrits ou utilisés par le médecin, car seul un certain nombre d'entre eux seront remboursés. Si un patient souhaite obtenir un autre médicament, il faudra qu'il le paie de sa poche, n'est-ce pas?

Dr Carter: L'assurance paiera le coût du médicament le moins cher. Par conséquent, si vous voulez un médicament qui coûte légèrement plus cher, cela ne vous ruinera pas. Par contre, si quelqu'un veut un médicament beaucoup plus coûteux, comme l'omeprazole, à ce moment-là il lui en coûtera très cher.

Dans un régime comme celui-là, ce sont les détails qui comptent: dans quelle mesure est-il facile d'obtenir une exemption, pour quelles raisons, quelle est la somme de paperasse à remplir... Ce genre de facteurs comptent beaucoup dans les faits, et c'est sur la base de ces détails que les systèmes de ce genre échouent ou réussissent.

Il est très difficile de répondre. Le régime instauré en Colombie-Britannique est en fait une cible qui bouge. Il a changé pratiquement tous les mois depuis qu'il a été lancé. Il est difficile de commenter un système qui s'articule autour de détails, alors que les détails changent constamment.

À mon avis, ce genre de régime peut présenter des avantages et des inconvénients. Tout dépend des détails.

Je ne sais pas si mes collègues voudraient ajouter autre chose sur le régime du prix de référence.

Dr Busto: Pas à propos du prix, mais j'aimerais dire un mot sur les médicaments. Je répète que si les médicaments que nous avons sont utilisés convenablement, ce sont des outils que nous n'avions pas il y a 50 ans. Ils ont permis une grosse amélioration de la santé, ce qui a permis une prolongation de la vie, une meilleure qualité de vie.

Je vous donne un exemple: les antidépresseurs. Il y a 50 ans, quelqu'un qui était sérieusement dépressif était hospitalisé pendant des mois, voire des années. Aujourd'hui, il y a des médicaments efficaces qui traitent très bien la dépression. Certains causent quelques problèmes, mais si vous aviez un membre de votre famille qui souffrait d'une grave dépression, ce qui touche 5 p. 100 de la population à un moment l'autre dans la vie, et que vous aviez le choix entre hospitaliser cette personne ou payer 200 $ par mois de médicaments, je ne sais pas ce que vous feriez, mais je paierais personnellement les 200 $.

L'autre mise en garde que j'aimerais faire porte sur certains médicaments non conventionnels qui sont tellement en vogue de nos jours, et je viens de la Fondation de recherche sur la toxicomanie. On vient vous voir; vous dites à un patient de prendre tel médicament, ou la pharmacie lui conseille tel médicament pour... Votre patient déclare que ce n'est pas bon pour lui et s'en va au magasin d'aliments naturels chercher de la teinture de valériane. Il ne sait pas ce que cela contient. Il n'en connaît pas la force. Ces thérapies non conventionnelles n'ont pas été convenablement testées - la plupart, pas toutes, mais certainement pas celles qui sont vendues dans les magasins d'aliments - autant que les médicaments.

.1015

C'est donc un problème très complexe dont il faut tenir compte. Ne pas prendre un médicament n'est pas nécessairement «bon». Si l'on a une infection sévère, je crois que je recommanderais le médicament. Pour l'anxiété, pour l'insomnie, pour la douleur, ma foi, c'est beaucoup plus compliqué. Pour une maladie grave, s'il existe un médicament qui est efficace, je dirais que ces médicaments présentent des avantages, ce qui n'est pas forcément le cas des médicaments illégaux. Vous voyez ce que je veux dire? Ces médicaments peuvent être utiles. À l'heure actuelle, la cocaïne n'est pas utile. Elle l'était à un moment, mais pas maintenant.

M. Dhaliwal: Docteur Carter, avez-vous un commentaire à faire sur la deuxième partie de ma question, sur l'utilisation abusive, et sur ce que fait l'association médicale à ce sujet?

Dr Carter: Tout d'abord, je conviens avec Usoa que les médicaments ont fait de très bonnes choses pour notre société. J'ai l'impression que nous avons tout simplement oublié - et peut-être que personne ici n'est suffisamment âgé pour s'en souvenir - comment les enfants mouraient de méningite ou de tuberculose. Il faut se rappeler que cela ne fait pas si longtemps.

Mais c'est une question d'équilibre. Il nous faut apprendre l'équilibre. Les patients doivent l'apprendre, et la société aussi. On n'aide pas la société à parvenir à un équilibre lorsque la publicité vise essentiellement une consommation accrue. Les annonces de Tylenol à la télévision me rendent folle.

Il faut donc apprendre l'équilibre et que la société parvienne à une certaine maturité. Les médicaments n'existent dans notre société en grande quantité et pour de nombreux usages que depuis relativement peu de temps. Nous devons apprendre à les utiliser de façon équilibrée.

Je dirais que toute la société, et non pas seulement la profession médicale, doit évoluer dans ce sens.

M. Dhaliwal: Merci.

Le président: Nous avons maintenant bien dépassé notre temps. Je tiens à remercier nos témoins d'avoir pris le temps de venir ce matin nous éclairer sur leur domaine de compétence.

Comme vous le savez, nous sommes au milieu d'une étude de la politique fédérale concernant les médicaments. Dans ce contexte, nous serons peut-être amenés à faire à nouveau appel à vous. Merci beaucoup d'être venues.

Je demanderais au comité de rester un instant. Nous avons certaines autres choses à faire.

[La séance se poursuit à huis clos]

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