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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 14 mai 1996

.1537

[Traduction]

La coprésidente (Mme Kraft Sloan): La séance est ouverte.

Je vous souhaite la bienvenue à cette quatrième et dernière table ronde, au cours de laquelle nous aborderons la question des économies d'énergie et de la conservation des ressources énergétiques.

Pour ceux d'entre vous qui participent pour la première fois à cette tribune, je précise qu'elle a pour thèmes l'emploi, l'environnement et le développement durable. Hier après-midi, nous avons eu une discussion fort animée sur le développement durable, au cours de laquelle différentes perspectives et points de vue ont été exprimés. Ce matin, nous avons examiné une question plus concrète, la gestion des déchets, et tenu une troisième table ronde sur la prévention de la pollution.

En règle générale, la procédure que nous avons adoptée a été de regrouper les exposés trois par trois. Nous avons examiné les succès obtenus par les localités et les entreprises, par l'industrie et par le gouvernement. Notre tribune offre aux députés l'occasion d'acquérir une meilleure compréhension du développement durable, et de voir quelles sont les méthodes qui réussissent et dont ils pourraient tirer parti dans leur propre circonscription.

J'aimerais également mentionner que nos délibérations sont télévisées. Les bandes vidéo de ces séances seront distribuées aux écoles et aux groupes communautaires. Si quelqu'un, ici, souhaite en avoir une, n'hésitez pas à la demander.

Avant de passer aux exposés, il serait bon que chacun et chacune d'entre nous s'identifie ainsi que l'organisme auquel il ou elle appartient. Je m'appelle Karen Kraft Sloan, je suis députée de York - Simcoe et secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement.

Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Je m'appelle Marlene Cowling, je suis députée de Dauphin - Swan River et secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles.

M. Nils Larsson (directeur, Programme de haute performance des édifices commerciaux, ministère des Ressources naturelles): Nils Larsson. Je représente le Centre canadien de la technologie des minéraux et de l'énergie, placé sous l'égide de Ressources naturelles Canada.

M. Tom Burnett (directeur, Affaires environnementales, Inco): Je m'appelle Tom Burnett, et je suis délégué par le bureau torontois de Inco.

[Français]

M. Jean-Thomas Bernard (professeur, Département de sciences économiques, Université Laval): Je m'appelle Jean-Thomas Bernard. J'enseigne à l'Université Laval en sciences économiques et je me spécialise en économie de l'énergie.

[Traduction]

Mme Louise Comeau (directrice, Sierra Club du Canada): Je m'appelle Louise Comeau, et je représente le Sierra Club du Canada.

Mme Sue Zielinski (directrice, Transportation Options): Je m'appelle Sue Zielinski et je représente Transportation Options et la ville de Toronto.

M. Finlay (Oxford): Je m'appelle John Finlay. Je suis député de la circonscription d'Oxford, ancien membre du Comité de l'environnement et vice-président du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord.

.1540

M. Bill Armstrong (président, Energy Pathways, Ottawa): Bill Armstrong. Je représente Energy Pathways, un organisme d'Ottawa.

M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Je m'appelle Paul Forseth. Je suis député de New Westminster - Burnaby en Colombie-Britannique et membre du Comité permanent de l'environnement.

[Français]

Mme Guay (Laurentides): Monique Guay, députée de Laurentides et critique officielle en matière d'environnement.

[Traduction]

M. Chuck Hopkins (conseiller principal, Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture): Je m'appelle Chuck Hopkins. Je travaille pour l'UNESCO, ainsi que pour Tescor.

M. Bob Swartman (président, Association des industries solaires du Canada): Je m'appelle Bob Swartman. Je viens de London et je suis président de l'Association des industries solaires du Canada qui regroupe les fabricants, les distributeurs, les vendeurs et les installateurs de produits fonctionnant à l'énergie solaire.

M. Lincoln (Lachine - Lac-Saint-Louis): Clifford Lincoln. Je suis député de Lachine - Lac-Saint-Louis et membre associé du Comité de l'environnement et du développement durable.

Le greffier du comité (M. Etoka): George Etoka, greffier du sous-comité de l'environnement.

Le coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci.

Nos travaux débuteront cet après-midi par les exposés de MM. Tom Burnett, de Inco, Bill Armstrong, président d'Energy Pathways ici, à Ottawa, et Nils Larsson, qui travaille pour CANMET.

La parole est à M. Tom Burnett. Vous avez dix minutes.

[Français]

M. Burnett: Merci, madame la présidente. Il y a 25 ans, notre société a mis en place à Sudbury un programme de réduction de l'utilisation de l'énergie de toutes formes. Voici les résultats de cette action au cours des 15 dernières années.

[Traduction]

Nous avons reproduit les résultats sur ce tableau, qui figure également dans la brochure «Innovateurs énergétiques industriels» publiée par Ressources naturelles Canada. Nous avons exprimé les résultats en tonnes de dioxyde de carbone par livre de nickel et de cuivre produite, vu que le dioxyde de carbone est le principal gaz à effet de serre que nous émettons, et que les niveaux de production varient en fonction des conditions du marché.

La réduction comparable du dioxyde de soufre au cours de la même période répondait aux exigences d'une ordonnance de réglementation de l'Ontario au milieu des années 80. Nous avons toutefois réduit la consommation d'énergie à titre purement volontaire, sans aucun incitatif monétaire de la part du gouvernement. C'est d'ailleurs la même chose en ce qui concerne la réduction des émissions de dioxyde de soufre, même s'il était possible d'obtenir des subsides du gouvernement fédéral.

Les économies d'énergie, c'est tout bénéfice. On peut les justifier uniquement du point de vue économique, par l'application des techniques et de la technologie adéquates. Nous continuons de chercher de nouveaux moyens pour réaliser d'autres économies d'énergie, notamment dans le domaine des combustibles de remplacement, le méthanol, par exemple, un combustible renouvelable fabriqué à partir du bois. Nous continuons de chercher de nouveaux moyens d'utiliser ce combustible, à la place du carburant diesel, pour faire fonctionner l'équipement des exploitations minières. Rien qu'à Sudbury, l'énergie nous coûte environ 12 millions de dollars par mois, et ce coût figure dans le rapport mensuel que nous transmettons au directeur général car c'est une composante critique de nos charges d'exploitation.

Actuellement, le coût de notre consommation énergétique se situe environ à 5 p. 100 au-dessous du budget de notre société. Toutefois, nous ne sommes pas parvenus à une utilisation optimale de l'énergie. Selon mon point de vue d'ingénieur, cela s'explique par des obstacles institutionnels liés à l'existence d'organismes comme Ontario Hydro. Cela nous reviendrait probablement moins cher de produire notre électricité avec notre propre centrale à cycle combiné que de l'acheter et d'avoir recours à d'autres combustibles pour produire de la vapeur; mais c'est très compliqué à faire en Ontario, à cause des lois provinciales en place.

Les responsables de l'élaboration des politiques doivent s'intéresser davantage à la bonne gestion globale des ressources qu'au développement durable, un concept qui s'applique peut-être mieux à des ressources renouvelables comme les forêts. Nos produits métallurgiques sont consommés puis, dans le meilleur des cas, recyclés, même si certaines mesures récentes n'incitent guère au recyclage, notamment les règlements envisagés dans le cadre de l'application de la LCPE.

Je le répète, le recyclage des métaux est purement volontaire et peut-être dicté par des facteurs économiques et environnementaux. À l'intention de quiconque souhaiterait mettre en place un programme de conservation de l'énergie, permettez-moi de parler brièvement de certains aspects de la question que nous avons dû régler au cours des quelque 20 années pendant lesquelles nous avons poursuivi ce genre d'activité, chez Inco.

Il est très important de pouvoir compter sur l'appui des dirigeants, et ceux-ci doivent démontrer leur soutien par une participation active et un contrôle très serré de la quantité d'énergie consommée par les divers secteurs d'exploitation.

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Il faut mesurer l'énergie consommée. Il n'est pas possible d'avoir une politique générale d'achat d'énergie - qu'il s'agisse de gaz ou de toute autre forme d'énergie - et de ne pas mesurer la consommation de chaque secteur de production, si l'on veut en rendre responsable le directeur des installations. Quand la consommation est mesurée, le directeur d'une usine de raffinage du cuivre ou du nickel, par exemple, peut alors nous dire combien il utilise d'énergie et ce que cela coûte. Il devient alors responsable de maintenir ces frais dans le cadre du budget établi. Il doit également sensibiliser son personnel aux coûts que cela représente pour l'entreprise, s'il veut que les employés coopèrent et comprennent l'objet des mesures d'économie éventuelles.

Dans le cadre de notre programme, nous avons commencé par nous pencher sur la consommation d'électricité. C'était parce qu'à l'époque, dans les années soixante-dix, l'électricité représentait le principal coût énergétique. Nous avons ensuite étendu le concept au gaz naturel. Le secteur énergétique que nous examinons maintenant attentivement est celui de l'air comprimé. Nous passerons ensuite à l'eau, pour voir où en sont les choses. On appliquera les mêmes principes, mesurer, etc. Je vous remercie de votre attention.

La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup.

La parole est à Bill Armstrong de Energy Pathways.

M. Armstrong: Je voudrais parler brièvement de deux projets dans lesquels je suis impliqué.

D'abord, dans le cadre de ma collaboration avec l'Association des manufacturiers canadiens, je gère un programme national de création d'emplois pour les jeunes diplômés universitaires ou collégiaux qui souhaitent travailler dans le secteur environnemental, l'énergie, la sécurité et la santé au travail, la gestion de la qualité et, qui de plus en plus, s'intéressent à des activités liées à l'adoption de certaines technologies et au développement des exportations.

L'Association des manufacturiers canadiens a commencé à parrainer notre programme au moment où elle s'est impliquée dans le Programme d'économie d'énergie de l'industrie canadienne, le PEEIC. Il s'agissait, en quelque sorte, de relancer une initiative d'Énergie, Mines et Ressources Canada qui avait connu une grande réussite pendant plusieurs années, mais qui avait été abandonnée un ou deux ans plus tôt. L'Association des manufacturiers canadiens a jugé que le programme de création d'emplois s'inscrirait parfaitement dans le cadre de ses nouvelles responsabilités, c'est-à-dire organiser les initiatives volontaires de l'industrie suite aux engagements que nous avons pris, à l'échelle internationale, en matière de changement climatique. C'était aussi notre avis.

Chose intéressante, il a fallu beaucoup de temps pour que cet organisme parvienne simplement à faire reconnaître la nécessité d'un engagement industriel, à élaborer une méthode d'étalonnage et de mesure du rendement énergétique par rapport à des années de base, et ainsi de suite. Il s'agit d'une tâche extrêmement complexe qui, après trois ans, commence seulement à se traduire par des initiatives concrètes.

Nous avons le sentiment que lorsqu'on propose à des employeurs un éventail d'options pour leur entreprise et qu'on leur laisse le choix, cela sert en quelque sorte de baromètre, et l'on peut savoir exactement ce que les gens ont dans la tête.

La composante «gestion de l'énergie» du programme - nous plaçons, en chiffres ronds, environ 1 000 personnes par an à l'échelle nationale - a représenté environ 7 p. 100 au cours des deux ou trois dernières années. En revanche, le volet «gestion de la qualité» est passé de zéro à environ 30 p. 100 en moins de deux ans, car actuellement, il s'agit d'une question de premier plan, jugée très pressante par les entreprises. Je pense que ces chiffres soulignent la difficulté que présentent la mise en place et le démarrage de telles initiatives.

L'industrie des contrats de performance mérite aussi d'être mentionnée. Nous gérons actuellement un programme pilote, en collaboration avec l'association professionnelle représentant cette industrie, afin de trouver et recruter des gens pour répondre à la croissance éventuelle de l'emploi dans ce secteur.

Les contrats de performance, en vertu desquels un tiers avance le capital nécessaire pour réaliser des améliorations majeures au plan énergétique et se rembourse à même les économies qui en résultent, représentent une perspective extrêmement attractive. Toutefois la croissance de l'industrie reste décevante par rapport au potentiel de ce secteur d'activité. Là encore, cela illustre la difficulté de convaincre les gens de passer aux actes.

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Nous avons récemment effectué, avec Industrie Canada, une évaluation des besoins dans un grand nombre de domaines susceptibles d'intéresser les gestionnaires et les propriétaires de petites et moyennes entreprises. L'environnement et l'énergie se sont retrouvés au bas d'une liste relativement longue qui comprenait des activités comme la gestion de la qualité, la sécurité et la santé, le développement du marché, le service à la clientèle, diverses catégories de nouvelles technologies, et ainsi de suite. L'intérêt est toujours très fort, mais manifestement, il y a beaucoup d'autres priorités qui passent avant la gestion énergétique dans la course aux ressources internes.

J'aimerais aussi indiquer que nous avons travaillé avec Environnement Canada sur la consommation énergétique de caractère collectif. Dans un environnement comme celui-ci, des bureaux, un milieu collectif, nous étions curieux de savoir quelles seraient les concentrations de dioxyde de carbone, dues au fonctionnement de l'immeuble et aux moyens utilisés par le personnel pour se déplacer entre leur lieu de travail et leur domicile.

Nous avons procédé à une enquête minutieuse dans 8 établissements fédéraux distincts et à Toronto, nous avons constaté qu'en moyenne, dans ces immeubles, environ 43 p. 100 de la concentration de dioxyde de carbone était due aux déplacements entre le domicile et le lieu de travail, et qu'environ les trois-quarts de ces 43 p. 100 étaient attribuables à ceux qui voyageaient seuls en automobile. Autrement dit, la personne seule qui prend sa voiture pour venir travailler. Je pense qu'il s'agit d'une information très révélatrice sur ce type d'environnement collectif.

Il y a plusieurs années, j'ai participé à l'étude qui a fourni un grand nombre des informations utilisées dans le cadre du projet appelé «La Colline verte». Je suis encore aujourd'hui stupéfait que la question de la subvention du stationnement et des moyens de transport utilisés par les gens pour venir travailler ait pu, pour ainsi dire, passer à travers les mailles du filet. Parmi tous les immeubles que nous avons étudiés, celui qui paraissait le plus prometteur était à deux pâtés de maison d'ici. C'est l'immeuble de Transports Canada qui est aussi bien desservi par les transports publics qu'il est désavantagé par le coût élevé du stationnement.

Nous n'avons pas pu faire une étude de la Chambre des communes, mais je pense que le rapport desserte-coûts de stationnement serait de l'ordre de 50-50. La différence par comparaison avec l'immeuble de Transports Canada, où le rapport est à peu près 20-80, est uniquement attribuable au stationnement. Je pense que l'occasion est bonne pour moi de lancer un défi aux députés, pour qu'ils remettent la question à l'ordre du jour et qu'ils la considèrent comme un élément capital de toute initiative future de nature écologique concernant ce bâtiment.

Merci.

La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Armstrong.

La parole est à M. Larsson.

M. Larsson: Comme je m'adresse à un sous-comité du développement durable, j'aimerais commencer en parlant de quelques problèmes environnementaux liés à l'immobilier, et de la façon dont nous procédons à cet égard. Manifestement, ces problèmes ne sont pas nouveaux: émissions responsables du changement climatique; appauvrissement de la couche d'ozone; épuisement des ressources, non seulement par suite de l'utilisation de certains matériaux de construction, mais aussi à cause de l'exploitation des sols, parfois, des terres agricoles.

Il faut aussi parler de l'énergie utilisée pour produire les matériaux de construction et les transporter sur place, ce que nous avons baptisé énergie incorporée. Cela n'est pas un facteur majeur dans le cas des immeubles peu performants où l'énergie requise pour leur exploitation pendant leur vie utile occupe une place plus prépondérante; toutefois, au fur et à mesure que les immeubles deviennent plus efficaces et que nous parvenons à allonger leur durée d'utilisation, l'énergie incorporée requise pour la construction elle-même et le remplacement de certains éléments n'est pas négligeable. L'exploitation d'un immeuble a aussi un impact sur l'air ambiant, les réseaux d'alimentation en eau et les sols.

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On a fait de gros progrès dans le secteur de la construction, et l'on a beaucoup réduit le gaspillage lié à l'exploitation des immeubles, depuis plusieurs années. De fait, un de mes collaborateurs a participé à un précédent programme baptisé Maison performante. Il est parvenu à construire une maison en limitant les débris de construction, en tout et pour tout, à l'équivalent d'un sac à ordure.

Enfin, il y a la question de la durabilité, et je n'entends pas seulement par là celle des matériaux et des systèmes; l'immeuble lui-même est manifestement un facteur. Si l'on souhaite réduire l'impact environnemental, il est préférable que l'immeuble puisse durer deux siècles. Cela soulève aussi la question de l'adaptabilité de l'immeuble en question.

Je vais maintenant vous entretenir de quelques questions plus directement liées à l'énergie. Il s'agit d'informations générales qui servent à mettre le programme en contexte et à vous donner une idée de la façon dont nous l'avons structuré. Par exemple, il y a de nouvelles normes de ventilation qui risquent d'accroître la consommation d'énergie, car il faut chauffer l'air extérieur en hiver et le refroidir pendant l'été.

Les charges induites, celles qui sont attribuables aux appareils que l'on branche - les ordinateurs, les photocopieuses, etc. - ne sont pas en hausse, mais elles représentent maintenant un plus fort pourcentage de la consommation totale d'énergie, car les autres systèmes deviennent plus efficaces. La plupart des gens, dans l'industrie de la construction, reconnaîtront que les procédures qui devraient permettre de s'assurer qu'un immeuble est bel et bien construit tel qu'il a été conçu, et que les systèmes fonctionnent effectivement comme ils devraient, sont relativement insatisfaisantes. En conséquence, les résultats sont souvent moins bons que ceux que l'on avait escomptés.

Un des facteurs dont nous devons tenir compte, c'est que, pour l'exploitant d'un immeuble, l'énergie n'est habituellement pas le coût le plus important. Toutefois, lorsqu'on a affaire à un propriétaire occupant, on peut avoir beaucoup plus d'influence, car ses employés reviennent beaucoup plus cher au pied ou au mètre carré.

Cela m'amène à vous parler de quelques questions concernant les occupants. Comme tout le monde le sait, la qualité de l'air intérieur et la productivité et la santé des employés sont des facteurs d'importance majeure. Le confort thermique et la qualité de l'éclairage comptent beaucoup pour les occupants, de même que l'insonorisation. La possibilité de contrôler soi-même son environnement intérieur est de plus en plus important pour de nombreux locataires et employés qui travaillent dans des immeubles à bureaux. On constate également que les gens attachent de plus en plus d'importance à la protection de l'environnement.

Par ailleurs, j'aimerais aussi souligner qu'il faut naturellement tenir compte du vieillissement de la population, ce qui signifie que les gens vont se préoccuper de plus en plus de leur environnement, du fait qu'ils s'adapteront moins facilement aux extrêmes de température et d'humidité, entre autres.

Tels sont les questions fondamentales. Je travaille au Centre canadien de la technologie des minéraux et de l'énergie, une sorte d'appendice de Ressources naturelles Canada. Le centre est en train d'élaborer un programme cadre appelé BETA, ou, en français, Programme pour l'avancement de la technologie énergétique dans les bâtiments. De façon générale, on peut dire que nous encourageons l'utilisation des technologies de pointe. Nous accordons beaucoup d'importance à l'application d'une approche systématique qu'il s'agisse d'immeubles résidentiels ou commerciaux. J'y reviendrai dans un instant. Naturellement, notre rôle est aussi de conseiller le gouvernement et le secteur privé et d'appuyer leurs programmes.

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En ce qui a trait, plus précisément au programme C-2000, c'est un projet pilote à petite échelle qui s'applique aux immeubles commerciaux. Il a été lancé il y a environ trois ans, et nous avons établi des partenariats avec d'importantes sociétés assurant des services publics et avec quelques fournisseurs industriels. Il s'agit de donner un modèle à l'industrie et au marché.

Nous nous limitons à un petit nombre d'immeubles car, comme vous pouvez l'imaginer, il est extrêmement coûteux de s'occuper d'immeubles commerciaux. Ainsi, contrairement au secteur résidentiel où il est parfois possible d'assumer la majeure partie du coût pour les besoins de la démonstration, nous ne pouvons pas nous le permettre dans le cas d'un immeuble commercial.

Nous ne sommes que des intervenants de second plan, relativement parlant. Néanmoins, nous avons tenté de couvrir quelques-uns des coûts marginaux qu'il faut financer pour atteindre le niveau élevé de performance que nous exigeons.

Comment cela se passe-t-il? Nous avons adopté une approche fondée sur la performance globale d'un immeuble. Si je peux me permettre de rappeler le contexte que j'ai décrit dans mon introduction, nous pensons pouvoir vendre plus facilement l'efficacité énergétique et une stratégie plus bénéfique à l'environnement grâce à une approche globale.

Nous nous intéressons aux critères de performance des procédés et des produits. Autrement dit, nous avons élaboré des règles qui se rapportent aussi bien à la collaboration des professionnels dans le cadre du processus de conception - par exemple, la répartition des responsabilités - qu'à la performance des systèmes énergétiques, par exemple, qui doivent répondre à certaines exigences.

Parmi tous les critères obligatoires ou recommandés, il y en a qui sont naturellement moins bien définis que d'autres. Il est facile d'être spécifique quand il s'agit de la consommation d'énergie, mais quand on demande qu'un immeuble soit plus adaptable, il est très difficile de formuler des exigences précises. Il s'agit plus d'un processus évolutif, en fonction des objectifs des concepteurs.

Néanmoins, en matière d'énergie, la barre a été placée relativement haut. Pour les immeubles à bureaux, nous avons fixé la consommation énergétique à 50 p. 100, maximum, du critère 90,1, qui a été établi par l'ASHRAE et qui est la référence actuelle en matière de performance. Comme vous pouvez vous l'imaginer, ce n'est pas un objectif facile à atteindre.

Je le répète, il s'agit d'une approche globale. Les autres critères se rapportent à l'incidence environnementale; au confort et à la productivité intérieurs; à la fonctionnalité - soit des caractéristiques architecturales traditionnelles si l'on peut dire, par exemple, le degré de fonctionnalité d'une pièce qui sert de salle de conférence, du point de vue de l'acoustique, de l'éclairage, du système CVC, et ainsi de suite - ; et la longévité ainsi que l'adaptabilité, deux critères qui sont manifestement liés à la performance énergétique et environnementale à long terme.

Notre approche a été d'exiger une collaboration interdisciplinaire entre les ingénieurs et les architectes qui travaillent ensemble dès le stade de conception. On leur demande d'élaborer des stratégies montrant comment ils se proposent d'obtenir les résultats voulus, et d'établir des objectifs spécifiques.

Nous avons fourni un soutien technique spécialisé aux diverses équipes. Nous cherchons à faire l'équilibre entre l'innovation et le risque. Naturellement, nous souhaitons favoriser l'innovation, autant que faire se peut, particulièrement dans les domaines énergétiques, mais ce sont les architectes et les ingénieurs qui avalisent les plans et c'est le promoteur qui assume de 90 à 95 p. 100 du coût d'un immeuble; nous ne pouvons donc pas nous montrer trop exigeants.

Où en est le programme? Nous avons terminé l'immeuble Green on the Grand à Kitchener, en Ontario. C'est un immeuble de taille plutôt restreinte dont le rendement est très bon. De fait, l'objectif en matière énergétique est dépassé. Il atteint environ 45 p. 100 du critère de l'ASHRAE. La consommation d'eau n'atteint que moins de 40 p. 100 de la consommation normale dans les immeubles à bureaux.

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Il y a aussi un immeuble construit par Bentall Construction à Richmond, en Colombie-Britannique, qui satisfait à nos critères. Il s'agit d'un immeuble un peu plus grand qui sera terminé dans le courant de l'année.

Il y en a un troisième, à Kamloops, en Colombie-Britannique, mais il n'est pas encore commencé. À noter que, comme il s'agit du troisième, la procédure est plus au point. Nous avons appris que l'expert chargé de calculer les coûts a déclaré que les objectifs de rendement seront atteints, mais que les coûts du projet seront plus bas que le budget d'immobilisations établi à l'origine. C'est un phénomène intéressant; cela montre que ce genre de projet ne coûte pas nécessairement plus cher.

Nous avons conçu plusieurs autres immeubles, dont plusieurs n'ont pas encore été construits, notamment une tour, à Hull. Évidemment, à Hull, le marché des bureaux n'est pas très bon actuellement. Nous suivons nos projets pendant deux ou trois ans. Tout cela va se solder, entre autres, par une série d'ateliers qui nous permettront de tenir l'industrie au courant.

Les résultats obtenus jusqu'ici montrent qu'il existe des synergies entre les systèmes. Ce n'est pas avec les systèmes individuellement que nous obtenons un bon rendement, mais la conception intégrée nous a aidés à atteindre un niveau de performances très élevé dans plusieurs domaines, sans qu'il soit nécessaire de faire appel à des technologies inusitées.

J'ai parlé des coûts. Quant au travail d'équipe, cela s'est révélé très efficace. De fait, notre façon de procéder a été adoptée par B.C. Hydro et B.C. Gas qui viennent de lancer un programme dénommé «Design Facilitation», reposant sur ce genre de soutien au plan de l'expertise et d'intervention au plan de la conception à un stade précoce des projets. Nous conseillons également à certains promoteurs privés d'adopter ce processus.

Comme il ne me reste plus beaucoup de temps, je sauterai les deux dernières diapositives. Dans le cadre d'une des prochaines étapes, nous accorderons plus d'importance à la mise en conformité avec les nouvelles normes. Nous regrettons de ne pas avoir eu l'occasion jusqu'ici de collaborer à des opérations de réaménagement intéressantes. Nous sommes actuellement en train d'élaborer une deuxième génération de critères informatisés, dont l'objectif sera d'aider les concepteurs et les promoteurs à atteindre eux-mêmes de meilleurs résultats, sans que nous ayons besoin d'intervenir.

Nous examinons aussi plusieurs questions liées au choix des sites et à la densité. Cela nous ramène à l'argument développé par Bill Armstrong. On ne progresse pas beaucoup si l'on construit un immeuble très performant, mais que tout le monde vient y travailler en quatre par quatre. Nous collaborons aux travaux de la SCHL concernant les immeubles de densité moyenne à élevée, de hauteur moyenne et d'utilisation mixte, pour déterminer quelles améliorations du rendement on peut obtenir quand on privilégie les sites du centre ville. Nous coopérons également avec d'autres organismes au sein du GRDE, le groupe de recherche et d'exploitation énergétique.

Enfin, provisoirement, on peut conclure que ce dont on a le plus besoin, c'est d'innovation au plan des procédés et de la technologie, et bien sûr, de partenariats entre le public et le privé. C'est absolument essentiel si l'on veut réussir. Dans un programme comme le nôtre, il faut être très ouvert et tenir l'industrie au courant des résultats, des pépins comme du reste. L'industrie compte beaucoup d'experts, et nous devons les tenir informés de tout l'éventail de nos découvertes.

Pour terminer, je dirais que l'approche globale que nous avons adoptée est plus difficile et plus compliquée que les autres, mais qu'elle s'est avérée extrêmement positive.

Merci.

La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Larsson.

Passons maintenant à la partie discussion de notre table ronde. Lors des précédents débats, nous avons accordé un temps de parole de trois à cinq minutes aux intervenants. Je sais que vous avez beaucoup de choses à dire et à partager. Certains voudront poser une question ou faire quelques observations, ou encore donner des informations sur les initiatives auxquelles ils participent.

Qui aimerait lancer la discussion? Je donne la parole à Louise Comeau.

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Mme Comeau: Nous permettez-vous de montrer quelques diapositives?

La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Bon, allez-y. Mais le chronomètre est déclenché, Louise.

Mme Comeau: Je sais. Je vais faire vite.

La coprésidente (Mme Kraft Sloan): C'est que nous avons un petit problème. Il y a un vote à 17h30, et il nous sera difficile de dépasser l'horaire prévu.

Mme Comeau: Je voulais simplement enchaîner sur ce qu'a dit Nils, à propos du programme C-2000, un excellent programme que le Sierra Club a encouragé en tant que projet pilote. C'est à un projet pilote de beaucoup plus grande envergure que les gouvernements devraient s'intéresser, au moment où il faut fixer les prochaines étapes du plan d'action sur le changement climatique. C'est un programme très important et j'expliquerai pourquoi.

Je suis membre d'un organisme qui fait partie du Réseau d'action face aux changements climatiques. En recourant au modèle élaboré par Ressources naturelles Canada, nous avons étudié ce qui se produirait au Canada si l'on mettait les immeubles en conformité avec les normes actuelles. Rien que dans le secteur commercial, nous avons présumé que l'on pourrait réaménager 13 p. 100 des immeubles d'ici l'an 2000, soit, au total, 22 p. 100 d'ici 2010. Cette mise en conformité générerait 11 milliards de dollars d'économies. C'est une somme considérable que les hommes d'affaires pourraient réinvestir dans leurs entreprises et dans leurs activités, ainsi que dans la création d'emplois au Canada. Nous considérons, par conséquent, que le secteur commercial est très très important.

Pour plusieurs raisons, l'autre secteur que nous jugeons très important est celui des transports. Ces raisons tiennent à l'énergie. Elles n'apparaissent pas sur l'acétate, je vais donc lire le texte d'accompagnement.

Les combustibles fossiles produisent beaucoup plus que du dioxyde de carbone; ils sont aussi les principaux responsables des émissions de dioxyde de soufre et des autres émissions qui provoquent le smog, c'est-à-dire les oxydes d'azote et les composés organiques volatiles. Nous n'améliorons que marginalement l'efficacité des véhicules automobiles, alors qu'il y en a de plus en plus qui circulent sur les routes. Nous avons pris pour hypothèse une amélioration spectaculaire, mais techniquement possible et économiquement viable, de l'efficacité qui abaisserait les normes d'économies de carburant s'appliquant aux véhicules à 5 litres aux 100 kilomètres. À elle seule, cette mesure réduirait les émissions de dioxyde de carbone au Canada de 26 millions de tonnes, et elle générerait des économies de 7 milliards de dollars.

Les économies d'énergie sont donc payantes. Le problème, c'est qu'il existe des obstacles. Je pense qu'au sens général, les obstacles auxquels faisait allusion le porte-parole d'Inco ne sont pas les mêmes que ceux qui s'appliquent à ce dont parlait Bill Armstrong. Ce qui compte, c'est que dans une très grosse entreprise, où la consommation d'énergie se chiffre à 12 millions par mois, cela se remarque.

Notre activité économique est, en grande partie, générée par de petites entreprises industrielles, des exploitations commerciales et ainsi de suite. Si vous exploitez une petite entreprise, vos coûts énergétiques sont de l'ordre de 5 à 10 p. 100 de vos charges d'exploitation globales. Vous ne les remarquez donc pas beaucoup. Mais parce qu'ils ne ressortent pas vraiment dans l'ensemble de vos frais généraux, et que vous n'êtes peut-être pas très au courant des incidences environnementales de tous les problèmes atmosphériques dont nous parlons, ni de toutes les autres questions qui se posent en amont, vous n'accordez pas d'importance à ce problème.

Certaines grandes entreprises comme Inco s'en préoccupent. Elles peuvent prendre elles-mêmes des initiatives. Le fait reste qu'ailleurs, il est nécessaire de réglementer.

Deux domaines nous paraissent particulièrement importants. Premièrement, le code du bâtiment. À cet égard, Ressources naturelles Canada a beaucoup contribué à l'amélioration de ces normes, mais seule une province les adoptera, à savoir la Colombie-Britannique.

On peut dire que dans notre pays, on fait face à un gros problème puisque les constructeurs continuent de faire valoir avec succès un argument dont la force est toute psychologique, celui des coûts initiaux. Ils parviennent à convaincre les gouvernements que les coûts liés à l'amélioration de l'efficacité d'un domicile sont les seuls qui comptent. Mais lorsque vous achetez une maison consommatrice d'énergie, les coûts secondaires sont également très élevés. Et en fait ce à quoi nous risquons d'aboutir en Ontario, c'est à un code du bâtiment moins strict. Les constructeurs prétendent que cela fera baisser le prix des maisons; en réalité, cela coûtera très cher aux consommateurs et à notre environnement.

Il s'ensuit que l'éducation et la réglementation sont très importantes. Dans le secteur de la construction, il faut élargir le champ d'application de la Loi sur le rendement énergétique, et dans le secteur des transports, il faut améliorer les normes de consommation d'essence des véhicules. Il faut lancer, au Canada, un vaste programme d'éducation publique focalisé sur ces obstacles, pour mieux sensibiliser la population à l'impact environnemental de notre consommation d'énergie.

La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup.

Monsieur Lincoln.

M. Lincoln: J'aimerais enchaîner sur ce dont Louise vient de parler.

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Je pense qu'en comptant tous les gens présents dans cette pièce et tous les experts qui se trouvent parmi nous, la somme de connaissances que cela représente devrait suffire. Nous avons la capacité nécessaire pour exploiter la technologie que la science nous apporte. Il faut reconnaître, malheureusement, que le problème se situe au niveau de la coordination et de la volonté d'agir, particulièrement aux échelons les plus élevés.

Je me demande comment nous pourrions concrètement modifier nos systèmes afin de respecter plus fidèlement nos engagements nationaux et internationaux. Je ne peux pas m'empêcher d'être frappé par ce que déclare Louise, et je pense à un immeuble comme celui du NRDC, à New York, ou à l'immeuble Audubon. Les Américains ont démontré qu'un immeuble peut être beaucoup plus performant que la moyenne quand on le met en conformité avec les normes actuelles et que pour ce faire, on peut utiliser des matériaux que l'on trouve dans les quincailleries et chez n'importe quel fournisseur de matériaux de construction. Ils n'ont pas utilisé de matériaux particuliers. Les gens du NRDC m'ont dit que si tous les immeubles commerciaux des États-Unis avaient le même rendement que le leur, ce pays économiserait, au total, l'équivalent de toutes leurs importations de pétrole en un an.

Je suis stupéfait que nous en soyons encore à nous battre à propos des codes du bâtiment, alors qu'il y a des exemples que l'on peut citer et qu'ils sont si éloquents. Ces exemples prouvent que l'on peut réaliser des économies sur les coûts énergétiques, l'entretien, tout ce qui touche les immeubles. Il existe tellement d'exemples autour de nous. Il y a aujourd'hui des immeubles à Montréal que les gens peuvent visiter, qu'ils peuvent copier et utiliser comme modèle.

J'aimerais demander à l'un de nos experts pourquoi il est si difficile de convaincre les constructeurs et les architectes qui continuent d'afficher leur scepticisme, alors qu'il y a des exemples aussi révélateurs.

La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Monsieur Burnett.

M. Burnett: Je pense que l'un des problèmes est peut-être qu'un grand nombre d'immeubles sont occupés par des locataires. Nous avons constaté, chez Inco, que l'on ne commence à économiser de l'énergie qu'à partir du moment où il y a un responsable. Tant que vous ne mesurez pas l'énergie consommée dans une usine de raffinage de l'argent, par exemple, le directeur n'a aucune idée de la quantité d'énergie qu'il utilise.

Il nous a fallu dépenser d'importantes sommes d'argent pour installer des choses aussi élémentaires que des compteurs. En ce qui concerne l'immeuble à bureaux qu'occupe Inco à Toronto, l'énergie n'est pas mesurée sur une base individuelle. Nous ignorons combien d'énergie nous consommons chacun, dans notre bureau. Mais nous pouvons dire combien nous en consommons dans telle ou telle usine.

Je pense que c'est un problème qui pourrait aussi être réglé par le biais d'un code du bâtiment. On pourrait obliger les gens à mesurer le gaz, l'électricité et l'eau consommés dans chaque sous-unité.

M. Lincoln: J'ai une question très brève. Pourquoi ne pourrait-on pas, par exemple, s'inspirer de l'exemple de Bonn, en Allemagne? On y a lancé un grand mouvement, dans le cadre duquel on prend pour modèle un immeuble type et on en reproduit les caractéristiques d'un bout à l'autre du pays, dans quantité d'industries et d'entreprises, ce qui fait qu'au lieu d'être un cas parmi tant d'autres, il devient la norme. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas en faire autant ici. C'est peut-être ce que nous devrions faire.

M. Burnett: Je suis sûr que vous n'ignorez pas, monsieur, qu'en Amérique du Nord, l'énergie est environ deux fois moins chère par rapport au prix mondial.

M. Lincoln: Peut-être.

La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci. Monsieur Hopkins.

M. Hopkins: Merci. J'aimerais faire trois remarques qui me paraissent très pertinentes par rapport à la discussion que nous avons eue jusqu'à présent.

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Le mot «éducation» revient sans arrêt. Au Sommet de Rio, le seul mot qui a été prononcé plus souvent était «gouvernement». Tout le monde revenait avec insistance sur l'importance de l'éducation et de la conscientisation de la population. Cela me fait penser à la phrase fantastique de Napoléon sur le leadership, quand il a dit qu'il ne faut pas prendre trop d'avance sur ses troupes, car on risque alors d'être pris pour l'ennemi.

Je pense que ce qui nous freine, c'est que les hommes politiques ne peuvent avancer que dans la mesure où ils bénéficient de l'appui de la population. Il en va de même dans le monde des affaires. On ne peut mettre au point et commercialiser des produits que si le grand public est intéressé à les acheter et est disposé à en payer le prix. Il est toutefois intéressant de constater que certains de ces produits s'avèrent, en réalité, moins onéreux. Cela peut aider grandement les choses. Toutefois, dans certains cas, il y a des coûts cachés à cause de la façon dont ont établit les prix chez nous.

L'importance de l'éducation systématique - dispensée, par exemple dans les écoles - et de l'éducation informelle dispensée par les ONG, et les ministères responsables des parcs, ou autres... et aussi, ce qui est extrêmement important, l'éducation informelle dispensée par les médias. Très souvent, ces deux types d'éducation ne sont pas en phase.

Plus tôt dans la journée, nous avons reçu de jeunes élèves. Ils sont bien partis pour réaliser des choses très intéressantes dans le domaine de l'environnement. En tant qu'ancien enseignant - je viens de quitter un poste de directeur d'école du Conseil scolaire de Toronto - je suis aussi sensibilisé aux changements qui peuvent se produire chez les adolescents. Ils sont beaucoup plus réceptifs à l'éducation informelle.

Pour en venir au domaine de l'énergie, permettez-moi de dire, parce que nous l'avons constaté, qu'essayer d'élaborer un solide programme éducatif axé sur le développement durable - pas uniquement sur l'environnement, mais sur le développement durable - à une époque où l'on connaît de très sévères compressions budgétaires, s'avère quasi impossible. Nous avons toutefois découvert qu'en mettant nos écoles en conformité avec les normes, nous pouvions réaliser d'énormes économies. Et, surprise - le secteur public s'y met lui aussi, finalement. Nous avons aussi découvert que si les enseignants et les élèves comprennent ce que l'on essaie de faire dans leur école et apportent leur collaboration, il est possible de réaliser des économies additionnelles de l'ordre de 5 à 20 p. 100.

Prenons une moyenne de 10 p. 100, sachant que les économies qui pourraient être réalisées dans le Grand Toronto sont estimées à 22 millions de dollars. Nous pourrions faire 2,2 millions de dollars supplémentaires d'économies, qui pourraient servir à élaborer un programme éducatif axé sur le développement durable, ce qui est beaucoup plus que ce dont nous aurions véritablement besoin, même si nous prenions seulement une partie de cette somme pour financer un programme éducatif et inverser la tendance à l'effritement et à l'élimination totale.

Nous remplaçons l'école des sciences naturelles de Toronto, où tous les élèves de la ville passent une semaine pour étudier l'environnement résidentiel. Dans le nouveau bâtiment, le local des installations mécaniques va devenir une salle de classe, et chaque élève pourra y apprendre ce que l'on entend par transfert d'énergie ou traitement des eaux ménagères. Tout y est présenté de façon facile à interpréter et à suivre. Il leur est possible de mesurer ce qui se passe dans les diverses salles de classe, et ils peuvent donc se faire une bonne idée des choses.

J'en arrive à mon troisième et dernier point. Comment peut-on élaborer un projet qui contribuera à rendre les écoles elles-mêmes plus «vertes»? Il arrive en effet souvent que l'on enseigne une chose dans les classes et que, lorsque les élèves en sortent et vont à la cafétéria, ils soient entourés de produits jetables. Ils ne peuvent pas se rendre compte que l'immeuble est géré d'une manière écologique, car il existe en effet une énorme dichotomie. Là encore, ce qu'ils voient autour d'eux ne correspond pas à ce qu'on leur enseigne.

Il y a deux ans, à la conférence de Rio, le monde entier a avalisé ce que l'on appelle le programme «Action 21». Il s'agit d'un plan où tous les pays du monde ont répertorié ce dont il faut s'occuper - il y a environ 40 chapitres - avant l'an 2000. Le document est plutôt aride. Toutefois, un groupe d'environ mille jeunes du monde entier s'est consulté par écrit et d'autres moyens et a élaboré une version «jeune» du programme. Le projet est accompagné de dessins et d'illustrations fantastiques, tous signés par des jeunes, qui ont aussi indiqué leur pays d'origine, leur âge et ainsi de suite. Chaque chapitre comporte quatre pages, dont deux sont consacrées à la description du problème et deux aux perspectives et aux solutions.

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On ne peut pas, bien sûr, régler les problèmes complexes répertoriés dans le programme «Action 21» en quatre pages, mais en formant un consortium d'environ quarante groupes différents - certains du secteur privé, certains du gouvernement, plus des particuliers - nous avons récolté des fonds afin de pouvoir distribuer des exemplaires de cette version «jeune» dans toutes les écoles du Canada. Ce sera fait la semaine prochaine ou la suivante.

L'idée est de faire réaliser aux jeunes qu'il existe un programme indispensable de priorités pour toute la terre, et de les inciter à se demander comment ils peuvent élaborer un programme pour leur école, un autre pour les clubs de jeunesse ou encore pour leur localité? Dans cet ordre d'idées, partant des problèmes auxquels le monde fait face - les océans, l'atmosphère et ainsi de suite - ils peuvent se demander quels sont les problèmes pour l'école: les cafétérias, les garderies, l'entreposage sécuritaire des bicyclettes, la réduction des graffitis, le contrôle de l'éclairage, etc. Cela les regarde.

La troisième chose serait un programme «Action 21» personnel. Quelle sorte d'engagement personnel peut-on prendre si l'on veut montrer que se rendre au travail dans un quatre par quatre n'est pas nécessairement la meilleure façon de procéder?

J'en terminerai avec ceci: le livre va être diffusé sur SchoolNet; il ne s'agit donc pas simplement de distribuer le livre, en anglais et en français. Les jeunes pourront en parler et discuter de l'élaboration d'un programme «Action 21» au niveau de l'école. Par exemple, quelles initiatives peut-on prendre dans le domaine du jardinage à l'école? Que peut-on faire? Cela s'intégrera ensuite à l'action internationale grâce à l'Internet.

Merci beaucoup.

La coprésidente (Mme Kraft Sloan): C'est un projet très excitant.

Les trois intervenants qui figurent sur ma liste sont M. Jean-Thomas Bernard, Mme Sue Zielinski et M. John Finlay.

La parole est à M. Bernard.

[Français]

M. Bernard: Je vous remercie de m'avoir invité.

Les points de vue présentés jusqu'à maintenant portaient sur des projets plus ou moins spécifiques. Le point de vue que je vais adopter en est un plus global, qui se situe à une échelle plus macro, et je vais utiliser le Québec comme illustration. Les observations que je vais faire seraient également pertinentes dans le cas de beaucoup d'autres provinces, en particulier le Manitoba et la Colombie-Britannique, qui font un usage relativement intensif de l'hydroélectricité.

Refaisons un peu d'histoire, tout de même récente. L'intérêt pour les programmes d'efficacité énergétique, tels que pratiqués par les services publics d'électricité, est apparu aux États-Unis au milieu des années 1980 et a été suscité par deux facteurs: la crise pétrolière, qui s'était reflétée jusque dans les prix de l'électricité, et les déboires de l'industrie nucléaire.

Évidemment, ceci voulait dire que les coûts de production de l'électricité étaient devenus très élevés, plus élevés que les prix réglementés par les commissions publiques. À cause de cet écart, les compagnies de services d'électricité ont vu un intérêt à réduire la consommation d'électricité. À chaque fois qu'on réduisait la consommation d'électricité, les compagnies elles-mêmes réduisaient leurs pertes et les consommateurs voyaient baisser leur facture. Les deux parties se trouvaient gagnantes.

Il faut reconnaître que ce premier effort a eu des résultats assez mitigés; c'est-à-dire que les résultats n'ont pas correspondu tout à fait aux attentes.

Mais une deuxième vague d'intérêt pour les programmes d'économie d'énergie est apparue. Les services d'électricité comme Hydro-Ontario, Hydro-Québec et BC Hydro ont trouvé intéressante la possibilité de gérer l'équilibre entre la demande et l'offre d'électricité. Les programmes d'économie d'énergie ont été perçus comme des moyens additionnels d'établir cet équilibre avec la production.

Il y a aussi un autre groupe d'individus qui se sont intéressés aux programmes d'efficacité énergétique; ce sont les personnes et les groupes intéressés à la protection de l'environnement. Leur objectif était de réduire la consommation totale d'électricité.

Ces deux points de vue entrent parfois en conflit l'un avec l'autre, comme on a pu le voir dernièrement au Québec. Hydro-Québec avait eu un programme très ambitieux d'efficacité énergétique au début des années 1980. Quand elle a eu des surplus, elle a mis la pédale douce, mais les groupes environnementaux soutiennent que les programmes d'économie d'énergie devraient rester à l'honneur.

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Je voudrais vous décrire rapidement ce qui s'est passé au Québec à l'aide des statistiques portant sur la consommation totale. Vous n'avez pas à mémoriser tous les chiffres dont font état ces acétates. Je voudrais simplement attirer votre attention sur les principaux facteurs.

Pour la période allant de 1983 à 1993, on observe un accroissement de la consommation totale d'énergie, au Québec, d'environ 1,5 p. 100 par année. Ceci est beaucoup plus faible que la tendance historique, mais il faut voir derrière ce chiffre une augmentation de la consommation d'électricité de 3,6 p. 100, une augmentation de la consommation du gaz naturel de 4,5 p. 100, et une chute assez prononcée de la consommation des produits pétroliers. Quant au charbon, ce n'est pas un phénomène important au Québec.

Arrêtons-nous maintenant à l'évolution par secteur. On observe une consommation à peu près stagnante, soit sans augmentation, dans deux secteurs: le secteur résidentiel et le secteur des transports. Au cours de cette période, la consommation de ces secteurs n'a à peu près pas augmenté. Toute l'augmentation au Québec s'est produite principalement dans le secteur industriel et le secteur commercial. C'est dans ces deux secteurs, au cours des 10 dernières années, que se sont produites des augmentations relativement fortes de consommation d'énergie.

Si on met en relation la consommation d'énergie avec d'autres indicateurs, tels que l'augmentation de la population et l'augmentation de la croissance économique, on obtient un résultat assez significatif et un message assez différent de ce que je viens de présenter. Ce que nous avons ici, c'est la consommation d'énergie par dollar de production au Québec. On peut observer, au cours des années 1980, de 1983 à 1990, une baisse assez significative de la consommation d'énergie par dollar de production. Depuis, c'est à peu près la stagnation.

Si on examine les autres indicateurs, par exemple la consommation des ménages, on constate la même chose, c'est-à-dire une réduction au cours des années 1980 suivie de la stagnation. Dans le secteur commercial, il n'y a à peu près pas de changement. Dans le secteur des transports, il y a eu un déclin suivi d'une augmentation et d'un déclin plus fort. Dans le secteur industriel, on n'observe à peu près pas de changement dans la consommation d'énergie par dollar de production.

Nous avons là un tableau de l'évolution; au cours des années 1980, il y a eu une certaine action, mais maintenant, il n'y en a plus.

Est-ce que cela veut dire que les Québécois se désintéressent des économies d'énergie? Ce n'est pas le cas. Il y a présentement une révision de la politique énergétique dont l'objectif prioritaire manifeste est l'efficacité énergétique devant se traduire par des baisses de consommation, par ménage ou par dollar de production.

Pourquoi est-il aussi difficile de réduire la consommation d'énergie au Québec? Pour reprendre un point avancé par monsieur, c'est que les prix que l'on présente aux consommateurs, principalement en ce a trait à l'électricité, ne concordent pas avec ce qu'un message sur l'efficacité énergétique devrait véhiculer.

Les chiffres que nous avons ici sont ceux d'Hydro-Québec. Donc, je pense qu'on peut s'y fier. Ils nous fournissent deux renseignements. On note ce que coûte le service pour chaque type de clients, soit les clients des secteurs résidentiel, commercial et industriel. Ici on a le prix qu'on leur demande, ce qu'on demande aux consommateurs de payer. Ici, on a le ratio du coût de production par rapport au prix chargé. On voit qu'on demande aux clients du secteur résidentiel de payer à peu près 70 p. 100 du coût; aux clients du secteur commercial, presque 100 p. 100, soit 93 p. 100; et à ceux du secteur industriel, 75 p. 100. Comment veut-on que les gens économisent l'énergie si on leur demande des prix qui ne reflètent pas les vrais coûts de production?

Quand on étudie les tendances historiques, on voit que lorsque les prix étaient relativement élevés, les gens se sont ajustés. Mais, depuis la déréglementation, en 1985, les prix sont relativement faibles. Comme on l'a mentionné tout à l'heure, les prix de l'électricité au Canada, particulièrement au Québec, en Colombie-Britannique et au Manitoba, mais aussi dans les autres provinces, sont parmi les plus bas au monde. On ne peut donc pas s'attendre à ce que les mêmes programmes d'efficacité énergétique donnent les mêmes résultats.

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À mon avis, le premier geste à poser serait d'ajuster les prix aux vrais coûts de production. Ensuite on pourrait voir ce qu'il reste à économiser. En un mot, actuellement, bien qu'on fasse beaucoup d'efforts, on envoie un message ambigu aux consommateurs. Merci.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup.

La parole est à Sue Zielinski.

Mme Zielinski: Mes observations portent sur les applications et les répercussions très concrètes que peuvent avoir les principes organisationnels. Je vais parler du transport.

Je vais commencer par une histoire de poulet. Apparemment, de nos jours, ces volatiles ne se contentent pas de traverser les routes, mais ils y restent pendant un bon moment. Il semblerait que certains poulets de l'Ontario se rendent en camion au Mexique, où ils sont mis en morceaux et congelés avant d'être renvoyés chez nous pour être mangés, et ce n'est pas parce qu'ils bénéficient des privilèges accordés par les lignes aériennes aux grands voyageurs ou plutôt, en l'occurrence, des privilèges que l'on pourrait accorder à des volatiles qui se retrouvent fréquemment dans nos assiettes.

Il n'est pas difficile de comprendre que ce genre de va-et-vient n'est pas très propice aux économies d'énergie ni, en général, à la protection de l'environnement. Nous n'avons pas réussi, malgré tous les progrès accomplis grâce aux recherches sur les carburants de remplacement, à pallier les dommages environnementaux et sociaux dus à une utilisation de plus en plus répandue des automobiles, des camions et du réseau routier.

Le problème que pose le transport, par rapport aux autres volets de la question environnementale, vient du fait que, dans ce domaine, nous sommes vraiment pris au piège. Il est peu probable que nous puissions tout simplement lancer une initiative du même type que le programme des bacs de recyclage.

Sur le plan pratique, nos villes et nos villages sont bâtis en fonction de l'automobile et du camion, et il devient presque impossible d'envisager, ou même d'imaginer, d'autres possibilités.

Sur le plan culturel, on nous bombarde constamment de publicités, produites grâce aux 5 milliards de dollars que l'industrie de l'automobile réserve chaque année à la promotion publicitaire, présentant l'automobile comme l'objet par excellence qui nous permettra de conquérir le monde et le sexe opposé. C'est au point que nous en arrivons à envisager de sacrifier allègrement certains de nos organes vitaux sur l'autel de l'automobile. Je ne pense pas que vous puissiez me citer une autre machine qui pourrait nous inciter à faire don de nos yeux, au cas où nous serions victimes d'un accident en nous en servant. Je ne pense pas que nous considérions nos mélangeurs ou nos tondeuses à gazon dans cette optique.

Enfin, sur le plan économique, à l'heure actuelle, notre survie est intimement liée à l'utilisation que nous faisons des automobiles, des camions et du réseau routier. Cependant, plutôt que nous laisser engluer dans le débat classique qui oppose l'emploi à l'environnement ou l'automobile à l'environnement, comment pouvons-nous aller plus loin de façon créative et constructive?

Je fais partie d'un groupe de Toronto qui examine actuellement cette question d'un point de vue pratique et théorique. L'initiative de développement économique axée sur le transport durable est un projet qui a pour but la création d'emplois et le développement économique qui pourraient résulter d'une diversification des moyens de transport.

Nos travaux se fondent sur une façon d'envisager la planification du transport que je pourrais définir en disant qu'elle privilégie «l'accès et non l'excès». Étant donné que je dispose de si peu de temps, j'ai fait quelques dessins, pour illustrer pourquoi il faut établir un nouveau principe organisationnel qui serait la base de la vision que nous avons du transport et de sa planification.

Permettez-moi de commencer en vous décrivant le système actuel qui est axé sur le transport, ou ce que j'appelle l'excès. Il se fonde sur deux hypothèses. Essentiellement, il a pour but de faire passer les gens et les marchandises de A à B et inversement, très rapidement. C'est la façon dont nous fonctionnons à l'heure actuelle. C'est ce que visent les responsables de la planification du transport. Les deux principales hypothèses sur lesquelles repose ce système sont que le transport est nécessaire pour répondre à certains besoins, et que les moyens pour parvenir à cela sont l'automobile et le camion. Ce sont des idées qui imprègnent pas mal notre façon de penser.

Dans cette optique, il est logique de déduire que la voiture et le camion, ainsi que l'infrastructure nécessaire, sont indispensables pour répondre à nos besoins. Il s'ensuit que, pour mieux répondre à ces besoins et résoudre les problèmes que cela pose, qui parfois, ne sont même pas des problèmes de transport, il faut donner plus d'importance aux automobiles, aux camions et à l'infrastructure, et apporter des améliorations dans tous ces domaines. En procédant ainsi, on laisse de côté les autres options, et l'on revient à l'idée que le transport est nécessaire pour répondre à nos besoins, et que le transport, c'est l'automobile et le camion.

Dans cette optique, pratiquement toutes les retombées économiques sont liées à l'automobile et au camion et ne profitent pas nécessairement aux économies locales. En conséquence, voici ce qui arrive sur le plan de l'innovation.

Les problèmes que l'on demande à nos plus brillants cerveaux de résoudre ont tous quelque chose à voir avec la voiture et le camion. Par exemple, si l'on veut résoudre le problème de la pollution de l'air, on s'oriente vers des carburants de remplacement. Sur le plan de la sécurité, on propose des coussins gonflables et des systèmes de freinage automatique. Pour résoudre les problèmes liés à la montée de la criminalité, on a recours à l'électronique pour perfectionner les systèmes de fermeture des portes des automobiles, et l'on installe des alarmes. Il y a des problèmes d'embouteillage? Qu'à cela ne tienne, on va élargir les routes, y lancer des voitures «intelligentes» et avoir recours à des systèmes de circulation «intelligents», eux aussi. Je suppose que même les plus grands cerveaux font la lessive. J'espère que oui.

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Pour proposer un nouveau principe organisationnel... c'est ce que j'appelle un système fondé sur l'accès; son objet est, avant tout, de répondre aux besoins des gens, de fournir les moyens d'accès qui permettent de répondre à ces besoins, et non de faire bouger les gens pour le plaisir. Les illustrations que j'ai choisies montrent bien ce que je privilégie.

L'objectif est de fournir les moyens d'accès qui permettent aux gens de répondre à leurs besoins. Cela commence par l'accès aux personnes, aux endroits et aux marchandises qui nous sont nécessaires pour satisfaire nos besoins. Il y a plusieurs moyens d'y parvenir. Donc, le transport n'est pas le seul moyen grâce auquel nous pouvons répondre à nos besoins, il y a d'autres solutions. On peut rapprocher les gens, les sources d'approvisionnement ainsi que les services. On peut repenser la façon dont les agglomérations urbaines sont organisées, envisager une plus grande densification de la population, la création de zones polyvalentes, un tas de choses. On peut s'intéresser à la technologie, non pas pour apporter des améliorations aux voitures, mais pour installer des connexions électroniques, limiter le nombre des déplacements, gérer la demande - toutes sortes de choses. En outre, on peut s'intéresser à la diversification des moyens de transport durables. On peut concevoir des modèles de développement fondés sur le recours à ces moyens de transport, par exemple, la marche, la bicyclette, les transports en commun et la télécommunication, dans cet ordre.

Si l'on envisage les choses de cette manière, le transport est un moyen parmi tant d'autres de satisfaire les besoins des gens, mais pas le seul moyen. Et cela ouvre de nouvelles perspectives positives et innovatrices sur le plan social et économique.

Ce que je voulais vous montrer, c'est que les divers moyens que l'on peut envisager pour répondre aux besoins des gens ont de nombreuses et diverses répercussions économiques au niveau local. Par exemple, si l'on commence à repenser l'organisation de nos agglomérations urbaines, cela peut ouvrir la voie à l'implantation de nouvelles petites entreprises et de nouveaux services, qui faciliteront le processus et qui feront profiter les collectivités des bénéfices réalisés, alors qu'avec un système axé sur l'automobile, ces profits s'envolent vers des pays étrangers.

Je vais maintenant résumer, car je suis sûre que je n'ai plus beaucoup de temps.

La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Nous intégrerons cela à votre exposé.

Mme Zielinski: Les avantages pratiques d'un système fondé sur l'accès sont les suivants: des économies d'énergie, parce que cela permet de réduire le nombre des déplacements nécessaires, parce que les distances à parcourir sont moins longues, parce qu'il y a plus de déplacements à l'intérieur d'un périmètre local, et parce que l'on n'a pas recours aussi souvent à la voiture; un environnement plus sain, au niveau local et à l'échelle mondiale; l'ouverture de nouvelles perspectives commerciales et économiques aux plans local et national; de nouvelles occasions de créer des emplois stables - j'ai d'ailleurs un document à ce sujet, si quelqu'un veut en prendre connaissance plus tard, où l'on fait la comparaison entre la création d'emplois dans le cadre d'un système axé sur l'automobile, d'une part, et, d'autre part, sur des moyens de transport durables; une population en meilleure santé et une vie communautaire plus riche; un système abordable, étant donné que les moyens de transport durables sont pratiquement les moins chers; et une plus grande participation des collectivités et des particuliers, car plus de gens peuvent être appelés à contribuer aux décisions concernant le transport à l'échelle locale.

Enfin, comment faire la transition d'un système à l'autre? Tous - le secteur public, l'entreprise privée, les collectivités, le gouvernement, etc. - toutes les parties concernées doivent soutenir financièrement les recherches, l'infrastructure, les technologies, les initiatives concrètes et les entreprises dont l'objet est la réduction des déplacements qui ne sont pas nécessaires, notamment ceux qui sont effectués en automobile. Cela ne touche pas l'utilisation de l'automobile à des fins récréatives; il s'agit seulement des déplacements qui ne sont pas nécessaires.

Il faut financer la recherche et le développement, l'infrastructure, les technologies, les initiatives concrètes et les entreprises qui cherchent à multiplier les options de transport durables permettant à tous les Canadiens, y compris les personnes âgées, les enfants, les handicapés et les marginaux de se déplacer de façon abordable, agréable et écologique.

Nous devons financer une publicité présentant les moyens de transport durables sous un jour plus sexy, ce que nous ne faisons pas actuellement, tant et si bien que cela entre dans la catégorie des sacrifices. Il faut commencer à renverser la vapeur, et dire que c'est cela la façon sexy de se déplacer.

Il faut inciter le public et les particuliers à contribuer aux décisions concernant le transport, ainsi qu'à l'élaboration et à la modification des politiques, afin que l'on adopte un système basé sur des moyens d'accès qui permettent de répondre aux besoins.

On a lancé un certain nombre d'initiatives concrètes dont j'aurais pu parler si j'avais eu dix minutes. Vous pourrez me poser des questions à ce sujet plus tard. J'ai des tas de documents là-dessus.

Merci, c'est tout.

La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup.

Monsieur Finlay.

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M. Finlay: Merci, madame la présidente.

Je vais me limiter à deux ou trois questions pour obtenir certaines précisions. Je tiens cependant à soutenir ce qu'a avancé M. Hopkins, lorsqu'il a déclaré que le gouvernement et le système d'éducation sont deux des secteurs dont l'intervention est la plus susceptible de changer l'attitude des gens et, avec un peu de chance, d'inciter davantage notre société à conserver l'énergie.

M. Burnett a mentionné la LCPE dans son bref exposé, et je pense qu'il a déclaré que certaines des nouvelles dispositions que l'on propose d'intégrer à la LCPE pourraient décourager le recyclage. Je me demande s'il pourrait nous donner un peu plus de détails à ce sujet.

Par ailleurs, dans son exposé sur C-2000, M. Larsson a dit que l'on n'est pas obligé d'avoir recours à des technologies exceptionnelles pour atteindre les objectifs de performance que l'on s'est fixés. Je me demande s'il pourrait apporter quelques précisions à ce propos. Au cours des réunions qui se sont tenues hier et aujourd'hui, il a beaucoup été question de nouvelles technologies. Je crois savoir ce qu'il veut dire, mais je pense que certaines précisions nous seraient utiles à tous.

M. Burnett: Dans les dispositions que l'on se propose d'intégrer à la LCPE, on range beaucoup de choses dans la catégorie des déchets dangereux. À partir du moment où un déchet est qualifié de dangereux, il est beaucoup plus difficile de trouver des gens qui vont en assurer le ramassage et le transport jusqu'à une usine de transformation des métaux, par exemple, où cela pourrait être utilisé pour produire un métal raffiné très utile.

À mon avis, avant que le gouvernement qualifie une batterie de voiture, par exemple... légalement, si vous achetez une batterie chez Canadian Tire, et qu'en arrivant à la maison, vous vous apercevez qu'elle ne marche pas, théoriquement, selon la loi, vous devez avoir un permis pour la rapporter au magasin. Personne ne fait cela, j'en suis sûr, mais en théorie, c'est ce que l'on devrait faire. Sur le plan pratique, si vous transportiez des milliers de batteries sans avoir de permis et si le camion se renversait, cela vous poserait de gros problèmes.

Je pense que le gouvernement devrait établir des critères un peu plus réalistes pour définir ce qui doit entrer dans la catégorie des produits toxiques bio-accumulables persistants, et reconnaître que certains de ces produits ne sont pas aussi mauvais qu'on le pense, et qu'on peut les recycler. Pour ce qui est du nickel, c'est un produit qui est éventuellement recyclé à 80 ou 90 p. 100. Pour le cuivre, c'est environ 60 p. 100. Éventuellement, tout le platine est pratiquement recyclé. Il y a un marché. Je pense que le gouvernement devrait faire preuve de prudence avant de qualifier certains produits de dangereux.

Le gouvernement canadien n'est pas le seul en cause. L'OCDE cherche à faire la même chose en essayant d'interdire l'exportation de batteries hors d'usage vers des pays comme Taïwan, où le fonctionnement des fonderies, dans le secteur de l'affinage du plomb, dépend de la fourniture de batteries usagées par les pays industrialisés.

La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Monsieur Larsson.

M. Larsson: Ce que je voulais dire, lorsque j'ai déclaré que l'on n'avait pas besoin d'avoir recours à des technologies exceptionnelles, c'est que les produits que nous avons fini par utiliser dans les quelques bâtiments C-2000 que nous avons construits, étaient disponibles dans le commerce, par exemple, les systèmes d'éclairage T-8 et les chaudières à gaz à haut rendement énergétique, même si, dans certains cas, les concepteurs ont dû chercher un peu avant de trouver le modèle d'équipement qui convenait, et ainsi de suite.

On trouve également dans le commerce, par exemple, des fenêtres avec vitrage à faible émissivité rempli d'argon munies de cadres en fibre de verre. Il n'a pas fallu doter ces bâtiments de certains des équipements sophistiqués que ceux d'entre nous qui sommes architectes aiment concevoir lorsqu'on parle de construction de pointe: par exemple, des réflecteurs de lumière, un système de stockage thermique, des planchers coûteux, un système de contrôle conçu sur commande et donc très cher. Nous n'avons pas eu besoin de cela.

Ce n'est pas nous qui décidions quels systèmes allaient être utilisés. Nous avions la responsabilité de fixer le niveau de performance, et nous pouvions suggérer un certain nombre de technologies à l'équipe de concepteurs, mais c'était eux qui choisissaient. Étant légalement responsables de la mise en oeuvre, ils ont naturellement tendance à se montrer aussi conservateurs que possible, à condition que les objectifs de performance soient atteints.

La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci, monsieur Larsson.

Pour prolonger la discussion sur les nouvelles technologies, à moins qu'il ne s'agisse d'anciennes technologies ou de technologie de remplacement, je donne la parole à M. Swartman.

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M. Swartman: Merci, madame la présidente.

Comme je l'ai indiqué plus tôt, l'Association des industries solaires du Canada regroupe des fabricants, des distributeurs, des installateurs et des concepteurs de produits servant à chauffer l'eau et l'air ambiant et à générer de l'électricité grâce à l'énergie solaire.

Bien des gens pensent qu'il n'y a pas assez d'énergie solaire au Canada. Je ne veux mettre personne dans l'embarras et je ne vais donc pas vous demander si vous partager cet avis. Je reviens de Hollande où j'ai assisté à une conférence. On installe littéralement des milliers de chauffe-eau solaires en Hollande, au Danemark, en Suède et en Allemagne. C'est une industrie qui prend une énorme expansion. On est actuellement en train de mettre en oeuvre en Allemagne dix-neuf projets qui ont la même envergure que ceux que nous avons lancés au Canada il y a dix ans. Notre technologie est aussi bonne sinon meilleure que ce que j'ai vu en Europe.

M. Lincoln a demandé pourquoi nous ne faisons pas ce qu'ils font à Bonn. Eh bien, une des choses que l'on fait à Bonn, c'est inciter les particuliers à utiliser de l'énergie renouvelable, et pour ce faire, on leur accorde un crédit d'impôt. Disons qu'un équipement fonctionnant à l'énergie solaire coûte 10 000 DM et que la durée de sa vie utile a été fixée à dix ans, la personne qui l'a acheté peut déduire chaque année de son impôt sur le revenu un dixième de ses coûts d'investissement, soit 1 000 DM. Le gouvernement y perd un peu sur les impôts qu'il perçoit, mais cela génère des emplois et une activité économique qui n'existait pas auparavant.

Les dix-neuf projets qui ont été lancés en Allemagne et dont j'ai parlé ressemblent à ceux que l'on a réalisés ici: à London, en Ontario, c'est un centre de conditionnement physique, à Amherst, en Nouvelle-Écosse, c'est une maison de soins infirmiers et ailleurs, un immeuble résidentiel. Tous ces projets ont été réalisés il y a douze ans, grâce à un programme dans le cadre duquel le gouvernement fédéral subventionnait 50 p. 100 des coûts. On ne bâtit pas une industrie à coup de subventions, mais cela nous a permis d'acquérir une expérience qui se révèle très utile. Il faut maintenant envisager d'autres mesures.

Dans son récent budget, M. Martin a parlé de l'énergie renouvelable. Bien des gens pensent que l'on traite sur un pied d'égalité toutes les sources d'énergie renouvelable, ce qui comprend l'énergie éolienne et celle qui est tirée de la biomasse.

Lorsqu'on utilise des systèmes de chauffage de l'eau ou de l'air ambiant fonctionnant à l'énergie solaire dans les secteurs de la fabrication et de la transformation, cela tombe dans la catégorie 43.1, ce qui donne droit à certains avantages. La déduction pour amortissement est fixée à 30 p. 100, ce qui signifie que la dépréciation s'étale sur sept ou huit ans. En revanche, s'il s'agit d'un projet comme ceux dont je viens de parler, qui n'ont rien à voir avec le secteur manufacturier, cela tombe dans la catégorie 1, et l'amortissement des dépenses d'équipement se fait sur 30 ans, à raison de 4 p. 100 par an.

Il n'y a aucune mesure incitative pour encourager les propriétaires à investir dans ce genre de projet. Nous aimerions que l'énergie solaire soit traitée de la même façon que les autres énergies renouvelables, comme l'énergie éolienne.

On part généralement du principe que les convertisseurs photovoltaïques qui servent à produire de l'électricité sont particulièrement utiles dans les régions éloignées, où cela coûte si cher, mais j'ai entendu parler l'autre jour d'une utilisation qui pourrait s'avérer intéressante dans le centre ville de Toronto, l'un des principaux centres commerciaux d'Amérique du Nord. L'alimentation en courant du centre ville de Toronto n'est pas suffisante. Toronto Hydro et Ontario Hydro cherchent des moyens d'accroître la capacité de production énergétique nécessaire, mais jusqu'ici, on n'y est pas parvenu.

La ville de Toronto ne veut pas que l'on utilise les centrales électriques R.L. Hearn ou Lakeview, parce que ces installations produisent du dioxyde de carbone. L'époque de l'année où on a le plus besoin d'électricité est l'été, et c'est aussi à ce moment-là qu'il y a le plus de soleil. La période où la demande d'énergie est la plus forte se situe entre 9 heures et 16 heures, au moment même où les convertisseurs photovoltaïques peuvent aussi en générer le plus.

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Peu importe le prix auquel on peut produire de l'électricité, que ce soit 8c. ou 10c., s'il s'agit d'éviter une panne d'électricité totale ou localisée au centre ville de Toronto. Si l'on peut minimiser ce risque en utilisant des panneaux photovoltaïques pour produire de l'électricité, alors, cela vaut la peine. Satisfaire les besoins l'emporte de loin sur l'aspect économique de la chose.

Encore une fois, les convertisseurs photovoltaïques entrent dans la catégorie 8, en ce qui a trait aux déductions pour amortissement, et la dépréciation est fixée à 20 p. 100, c'est-à-dire qu'elle s'étale sur environ douze à quinze ans. Mais cela n'est pas aussi avantageux que les conditions qui s'appliquent aux éoliennes ou à d'autres équipements entrant dans la catégorie 43.1.

Une des façons dont le gouvernement pourrait nous aider, c'est en facilitant la diffusion d'informations. À ce sujet, je tiens à féliciter les ministères qui ont contribué à l'élaboration d'un guide publié en octobre dernier par la Société d'énergie solaire, et intitulé Énergie renouvelable. On y trouve une liste de tous les fournisseurs d'énergie renouvelable connus, ainsi qu'une description des façons dont on pourrait exploiter l'énergie solaire au Canada.

En résumé, il faudrait prendre des mesures, par le biais de la Loi de l'impôt sur le revenu, pour inciter les entreprises à utiliser des systèmes de chauffage de l'air ambiant et de l'eau fonctionnant à l'énergie solaire, ainsi que des convertisseurs photovoltaïques, et pour encourager les particuliers à installer des chauffe-eau solaires.

Merci.

La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup.

Monsieur Lincoln.

[Français]

M. Lincoln: Je voudrais poser une question au professeur Bernard. Vous avez fait remarquer, et M. Burnett aussi, qu'un de nos problèmes, c'est que les coûts de l'énergie au Canada sont tellement bas pour les consommateurs que ceux-ci ne sont pas incités à investir dans des mesures de conservation, du moins de façon importante. Il faudrait donc inclure les coûts de production dans les prix chargés aux consommateurs, afin qu'ils perçoivent les coûts réels de l'énergie. À ce moment-là, il existerait des incitatifs. Cela semble tout à fait logique.

En même temps, si on insère les coûts de production dans le prix pour vendre l'énergie à son coût réel, il y aura une sorte de révolution de la part du consommateur qui ne voudra pas payer plus qu'il ne paie actuellement parce qu'il s'est habitué à de l'énergie à bas prix.

Comment peut-on dénouer l'impasse? C'est un peu le sens de ma question. Pensez-vous que le commentaire de M. Swartman constitue une réponse? Il dit que des incitatifs fiscaux à long terme, favorisant l'énergie renouvelable et les méthodes de conservation et pénalisant la consommation d'énergie qui nuit à l'environnement, sont la meilleure méthode d'arriver au but que nous visons.

M. Bernard: Je pourrai vous envoyer une copie d'un étude que j'ai faite, étude académique évidemment. Il est très difficile au Québec de faire accepter des hausses du prix de l'électricité, cela pour de bonnes raisons. Le chauffage à l'électricité est tellement répandu que chaque fois qu'on touche aux prix de l'électricité, les consommateurs, particulièrement ceux qui ont des faibles revenus, s'en trouvent fortement frappés. On a toujours à faire face à cette difficulté.

Pour ma part, je pensais attaquer le problème sous deux angles. Il y en a un qui porte sur un point assez technique. La facture d'électricité comporte deux composantes: des frais d'abonnement de tant par jour, indépendants de la consommation, simplement pour le raccord au réseau; ensuite un montant calculé en fonction des kilowatts/heure consommés.

Le signal qu'il nous semblerait bon de faire passer dans le prix devrait être fonction du nombre de kilowatts/heures consommés. Nous nous étions donc demandé s'il n'était pas possible de baisser la prime d'abonnement, qui est sans rapport avec la consommation. C'est simplement un transfert d'argent des consommateurs vers les producteurs, et le montant n'est pas basé sur des unités consommées mais sur le raccord du fil avec l'habitation.

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Une fois que le fil est rendu dans un foyer, un signal peut être transmis par le prix. En baissant ou en abolissant les frais de raccordement, qui sont d'environ 30c. par jour au Québec, soit de 10$ à 12$ par mois, on baisserait le coût annuel de chaque client d'environ 120$ à 150$. On pourrait alors augmenter la prime sur la consommation d'énergie. Il y aurait beaucoup à faire de ce côté.

Actuellement, les mouvements de protection de l'environnement disent qu'il faut prendre en compte l'ensemble des coûts, pas uniquement les coûts de production mais aussi ceux de l'impact sur l'environnement. Nous croyons qu'on doit commencer par refléter les vrais coûts de production si on veut que les prix reflètent un jour les coûts environnementaux. Si on n'arrive pas à faire payer le prix que coûtent la construction des barrages et le reste de l'équipement, comment fera-t-on pour faire payer le prix du CO2 que nous envoyons dans l'atmosphère, et ainsi de suite?

Si on est prêt à accepter le coût des dommages qu'on fait à l'environnement, on devrait aussi être prêt à accepter le coût de construction des barrages, des lignes de transport et des salaires des employés d'Hydro-Québec.

J'ai quelques réticences à emprunter la voie que suggère M. Lincoln, parce qu'une fois qu'on commence à donner ce qu'on appelle des subventions indirectes...

Ce qu'il demande, évidemment, c'est le level playing field. Je suis tout à fait d'accord là-dessus parce qu'il faut mettre toutes les formes d'énergie sur le même pied. Par contre, si on juge qu'une forme d'énergie n'est pas bien tarifée et qu'on abaisse le prix d'une autre parce que la première n'est pas bien tarifée, qu'arrivera-t-il dans deux ou trois ans, quand apparaîtra une nouvelle forme d'énergie sur le marché? Ses exploitants diront alors qu'ils veulent être traités de façon privilégiée, parce que les autres exploitants l'ont déjà été.

Je pense qu'on doit attaquer le problème immédiatement plutôt que d'attendre qu'il gagne d'autres secteurs. C'est mon point de vue sur la question.

[Traduction]

Mme Comeau: Mes observations s'inscrivent plus ou moins dans la ligne de ce que l'on vient de dire, car il y a deux avenues que nous devrions explorer.

Cela fait maintenant longtemps que je m'intéresse à cette question. On brasse des idées. C'est très bien de penser à faire payer le plein prix de l'énergie, mais tant que l'on n'aura pas fait comprendre aux Canadiens et aux Canadiennes qu'utiliser de l'énergie les rend malades, que le smog a des effets nocifs - c'est la cause de maladies pulmonaires et cardiaques, et l'air est plein de produits chimiques toxiques - je ne pense pas que le public va appuyer les initiatives que nous essayons de prendre.

Il ne suffit pas d'envisager de faire payer le plein prix de l'énergie, il faut aussi éliminer les subventions dont bénéficie le secteur qui produit de l'énergie à partir de carburants fossiles. Si l'on restructure le secteur des services publics et si l'on vise l'élimination des subventions, avec le temps, le prix de l'énergie pourrait monter. La seule façon de faire entrer en ligne de compte le coût des soins de santé liés aux énergies polluantes est de prendre des mesures fiscales, mais aucun gouvernement n'est disposé à s'engager dans cette voie pour le moment. Parallèlement, au fil des années, si jamais nous parvenons à ce stade, il va falloir envisager des moyens grâce auxquels les consommateurs pourront réduire la quantité d'énergie qu'ils utilisent, et il va falloir avoir recours à des choses comme le financement sur facture, c'est-à-dire que la compagnie de service public va vous aider à emprunter l'argent dont vous avez besoin pour vous équiper, et vous allez rembourser ce prêt par le biais des économies d'énergie que vous allez faire. Il va falloir envisager des mesures de ce genre. Autrement, c'est la même chose que de dire aux gens de ne plus utiliser leur voiture, sans pour autant leur fournir d'autres moyens de transport. Il faut attaquer sur deux fronts.

Ce dont je voulais parler, c'est de la valeur symbolique de certains gestes et de l'importance du leadership. Cela concerne tous les partis, à mon avis, mais les deux premiers exemples que je vais donner impliquent le gouvernement actuellement au pouvoir.

Le 3 juin, le premier ministre Chrétien et Anne McLellan vont se rendre à Fort McMurray pour annoncer des investissements de 4 milliards de dollars dans l'exploitation des sables bitumineux. Est-ce que M. Chrétien se joindrait à M. Swartman pour annoncer le lancement d'un projet? Est-ce qu'Anne McLellan inaugurerait un bâtiment C-2000?

Combien de ministres démissionneraient-ils parce que les engagements pris dans le Livre rouge n'ont pas été tenus? Aucun, pas un.

Est-ce que Preston Manning serait prêt à assister à l'inauguration de la ferme éolienne, en Alberta?

M. Forseth: Mais certainement.

Mme Comeau: Ah oui? A-t-il accepté?

Voilà les questions que je me pose, car si personne ne fait preuve de leadership au Canada, si l'on ne fait aucun geste qui a une valeur symbolique...

Les seuls projets énergétiques auxquels notre premier ministre a pris le temps d'assister sont l'inauguration d'une centrale nucléaire en Roumanie et celle du projet d'exploitation des sables bitumineux. Brian Tobin a fondé sa campagne électorale sur l'expansion d'Hibernia et de tous les nouveaux projets d'exploitation du pétrole et du gaz lancés là-bas.

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Il faut faire en sorte que les projets de conservation énergétique et ceux qui sont axés sur l'énergie renouvelable génèrent l'enthousiasme, attirent les foules et soient l'occasion de gestes symboliques de la part de nos chefs de file, et ce, parce que j'estime que la vision que nous avons de la question énergétique est dépassée depuis 20 ou 25 ans.

La symbolique est importante. Le leadership l'est aussi. Il faut que nous trouvions un moyen de rendre ce genre d'intervention utile pour les politiciens, un moyen de faire en sorte que, sur le plan politique, cela leur est utile d'être présents pour dire: «Ce projet est bon pour le Canada, c'est quelque chose dont nous sommes fiers et à quoi nous sommes heureux d'être associés». Je pense que chez nous, le gros problème, c'est que l'on ne fait pas ce genre de geste symbolique.

M. Lincoln: Bien dit.

La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Quelqu'un a-t-il quelque chose à ajouter?

M. Forseth: J'aimerais faire une remarque. Peut-être que Preston Manning serait prêt à inaugurer une ferme éolienne, mais je dois également dire que le premier ministre est venu dans ma circonscription faire l'annonce d'un projet d'épuration secondaire des eaux usées lancé dans le cadre du programme d'infrastructure. Souvent, ce sont les sommes en jeu, l'engagement que cela représente qui motivent ces déclarations publiques, mais je pense que l'on a bien souligné que nous devons commencer à nous intéresser aux stratégies à plus long terme.

La coprésidente (Mme Kraft Sloan): À mon avis, si vous faites la revue des travaux du Comité permanent de l'environnement et du développement durable au cours des deux dernières années et demie, bien des initiatives évoquées par Louise et les autres aujourd'hui sont des choses que, nous aussi, nous avons mis de l'avant.

Avant Noël, nous avons entrepris un examen des dispositions fiscales qui vont à l'encontre d'une gestion judicieuse de l'environnement, et qui dissuadent les gens de suivre cette voie. Une des questions que nous avons explorées est celle de la conservation énergétique. Il est certain que la fiscalité, dans son ensemble, le système fiscal du gouvernement, doivent être examinés en détail. Si les gouvernements ne subventionnent plus directement les méga projets, mais donnent aux responsables la possibilité de profiter, disons, d'incitatifs fiscaux, est-ce que ce l'on appelle subvention, lorsque c'est accordé ouvertement, ne l'est plus si l'on peut en bénéficier indirectement?

Je pense que les observations que M. Swartman a faites sont très pertinentes. Non seulement ne traite-t-on pas sur un pied d'égalité les énergies renouvelables et non renouvelables, mais il y a également des différences entre les énergies renouvelables elles-mêmes.

Quelqu'un veut-il ajouter quelque chose? Monsieur Caccia.

M. Caccia (Davenport): Ce dont Clifford, Louise et les autres parlent, et ce que vous venez de reprendre vous-même, madame la présidente, nous rappelle bien entendu qu'en fait, il peut y avoir deux types de budget: le budget conventionnel, dans le cadre duquel on envisage la croissance isolément, uniquement du point de vue économique, sans prendre en compte les politiques environnementales, ce qui est probablement le modèle adopté par la plupart des pays de l'OCDE, y compris le Canada, et un autre type de budget, que le comité dont vous venez de parler a appelé, en décembre dernier, «un budget durable», c'est-à-dire une forme de budget qui intègre les objectifs économiques et les objectifs environnementaux. Ces deux types de budget sont totalement différents.

Si l'on décide d'adopter la deuxième méthode, c'est-à-dire de faire un budget durable, on va, d'abord et avant tout, s'attaquer à ces subventions à effet «pervers», comme disent certains. Plus précisément, il s'agit des subventions qui servent à maintenir notre dépendance à l'égard des combustibles fossiles. Les sommes qui sont en jeu sont considérables, et les dispositions pertinentes sont bien ancrées dans la tradition budgétaire que nous respectons encore à l'heure actuelle. On ne parle pas seulement de millions de dollars. On parle de sommes beaucoup plus importantes, qui n'ont pas encore été véritablement ni clairement identifiées.

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Il y a eu une tentative de la part d'un groupe de travail, en 1994. Toutefois, lorsque ce groupe a mis fin à ses travaux, il ne s'était pas attaqué aux subventions dont bénéficie le secteur des énergies non durables. Et nous n'en savons toujours pas plus, car nous n'avons pas été en mesure de lancer ce genre d'initiative, pour savoir exactement à combien se chiffrerait, sur le plan fiscal, un changement d'orientation qui donnerait préséance aux sources d'énergie renouvelable et mettrait fin à notre dépendance actuelle vis-à-vis les combustibles fossiles. Sur ce plan-là, nous sommes dans le noir, pour ainsi dire, dans les ténèbres moyenâgeuses.

Le Canada est encore partiellement un pays en voie de développement, cela va sans dire, et il suffit de penser aux ressources de l'Ouest pour voir que nous avons constamment la tentation de développer nos propres ressources dans certaines régions. Par conséquent, la scène politique est dominée par d'énormes et puissants intérêts économiques. Je ne sais pas vraiment comment nous allons résoudre cette question, si nous voulons respecter l'engagement que nous avons pris devant des instances internationales de stabiliser nos émissions de dioxyde de carbone d'ici l'an 2000, et de les réduire au cours de la décennie suivante. Je ne sais vraiment pas comment nous allons faire et pourtant, cette question est sans doute au coeur du dilemme dans lequel nous plonge la question de l'énergie.

Nous devrions faire ce que M. Swartman a suggéré aujourd'hui, et naturellement, nous devrions être... c'est dans la ligne de la vision éclairée mise de l'avant à la fin des années 70 par Alastair Gillespie, qui était alors ministre de l'Énergie et qui a lancé un programme de cinq ans, précisément dans le but d'offrir des avantages concurrentiels, des incitatifs et autres choses du genre au secteur de l'énergie renouvelable qui venait de se créer. À cette époque, on a aidé à démarrer un secteur qui, depuis, n'a fait que se démener pour tenter de rester à flot.

La volonté politique - lorsqu'elle existe - peut produire ce genre de changement d'orientation, madame la présidente, mais comment faire réapparaître cette volonté politique, là est la question.

La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Je pense que c'est quelqu'un qui est assis de l'autre côté de la table qui a parlé de Napoléon, qui dirait qu'il ne fallait pas devancer ses troupes au risque d'être pris pour l'ennemi. Il y a aussi toute notre histoire d'amour avec l'automobile. Sue, je pense que vous avez soulevé beaucoup de points intéressants à ce propos. Je me demande quelle est la ligne aérienne qui accorde des privilèges aux grands voyageurs dont vous avez parlé.

Les liens que nous avons avec l'automobile, l'infrastructure et tout ce qui s'en suit sont tellement forts. Si le prix de l'essence augmente de 6 ou 7c., c'est un tollé général. Ce dont il a été question autour de cette table relève vraiment de l'hérésie et, par certains côtés, cela mène au suicide politique, mais il faut bien se rendre compte que nous allons vers un génocide.

La volonté politique et l'engagement des autorités sont deux choses absolument cruciales, si nous voulons parvenir à mettre en oeuvre l'une ou l'autre des propositions dont nous avons parlé, mais il est tout aussi crucial de s'assurer l'appui de la population et de lui faire réaliser la portée de ce genre d'intervention. Si quelqu'un a des suggestions à faire sur la façon dont nous pouvons nous tirer de notre histoire d'amour avec l'automobile, et tout ce que cela implique...

Madame Zielinski, s'il vous plaît.

Mme Zielinski: Je voulais simplement souligner à quel point cela est menaçant de déclarer: «Il faut remettre l'automobile en question». Du point de vue politique, je pense qu'il faut partir de quelque chose de positif. Il faut concevoir des modèles de collectivités sûres, où il est agréable de vivre. C'est exactement de cela dont nous avons besoin pour avoir l'appui de la population. On peut citer de nombreux exemples, je pense, du moins à Toronto, de projets relatifs à la circulation automobile, où les gens sont allés jusqu'à accepter de limiter le stationnement pour que leurs enfants puissent jouer dehors et que leurs rues soient plus fréquentables.

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On trouve, bien sûr, des gens qui disent: «C'est cela que je veux dans mon quartier, mais pas là où je dois me rendre en voiture». Mais c'est comme cela qu'on peut démarrer, en lançant ces projets pilotes qui permettent aux gens de commencer à comprendre comment tout cela fonctionne. En mettant ce type de projet en oeuvre dans diverses villes et dans diverses collectivités, on peut inciter les gens à préférer ces solutions, sans dire pour autant que nous allons nous débarrasser de l'automobile. Ce n'est pas ce que nous cherchons. Ce que nous voulons, c'est un moyen de passer à quelque chose de mieux, sans que cela implique un sacrifice.

La vie ne va pas être plus difficile; on va, au contraire, pouvoir mieux vivre. De là vient toute l'idée de faire une campagne publicitaire où l'on présente ces solutions «vertes» sous un jour agréable et attirant. Je pense que cela serait beaucoup plus utile, pour générer la volonté politique nécessaire, que de dire: nous allons vous imposer une taxe ou nous allons vous priver de quelque chose, particulièrement la voiture, qui est tout pour nous.

La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Créer ce genre de collectivité devient beaucoup plus problématique dans une région comme la mienne, parce que la plupart des gens qui habitent dans ma circonscription doivent se rendre en ville pour travailler, vivent plus au sud et doivent aller ailleurs pour s'approvisionner en eau potable, trouver une école où envoyer leurs enfants ou encore une patinoire, parce qu'ils résident dans une région rurale.

Lorsqu'on pense au Canada comme un pays qui s'étend d'un océan à l'autre, c'est-à-dire lorsqu'on oublie l'autre dimension, les régions peuplées constituent une fine bande qui s'étire à travers tout le pays. Cela a donc toujours été pour nous un véritable dilemme.

M. Larsson: J'ai une observation à faire sur la façon de communiquer avec les gens auxquels nous nous adressons, afin d'essayer de changer leur perspective et, essentiellement, de modifier la demande; vous connaissez probablement tous cette méthode, mais je pense qu'il est utile de nous la remettre en mémoire. C'est très bien de faire une distinction entre les groupes avec lesquels nous traitons et d'avoir une façon très précise de les aborder, parce que tous ont des motivations différentes.

Par exemple, dans mon secteur, nous rencontrons des promoteurs qui sont des spéculateurs et qui disposent de trois à cinq ans pour rentabiliser leur investissement. Nous rencontrons aussi des propriétaires occupants qui ont beaucoup plus de temps devant eux. Avec ces derniers, on peut faire plus, on peut justifier un plus grand nombre de mesures.

Et puis, il y a les occupants d'immeubles commerciaux. Les plus importants engagent les services de gérants, mais il y a un grand nombre d'édifices commerciaux occupés par des entreprises de moindre envergure dont les propriétaires ne savent peut-être pas ce qu'est un bâtiment performant, mais ont certaines obligations vis-à-vis leurs employés sur le plan de la santé. Ils s'intéressent également à obtenir de leurs employés une productivité maximum. C'est l'un des groupes que nous visons lorsqu'il s'agit de diffuser de l'information. Nous nous concentrons sur les aspects technologiques, mais si l'on peut faire passer des informations à des gens qui peuvent faire bouger les choses, cela vaut la peine de faire des distinctions comme celle-ci.

La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci.

Nous arrivons à la fin de notre séance, et nous avons respecté les délais impartis. Je tiens à féliciter tous les participants, et j'espère que vous aurez l'occasion de parler entre vous des domaines qui vous intéressent. Avant de lever la séance, nous allons écouter les résumés des deux porte-parole de l'opposition, et ensuite, j'ajouterai moi-même quelques mots. Commençons par Paul Forseth.

M. Forseth: Nous avons tenu quatre séances sur quatre thèmes principaux. Le premier était le développement durable, le second, la gestion des déchets, et les deux derniers, la prévention de la pollution et les économies énergétiques. Je présume que, pris ensemble, ces débats démontrent que le Canada doit changer, et que nous devons nous intéresser à la création d'un nouveau Canada à léguer à la prochaine génération.

Chose certaine, la séance sur le développement durable nous a rappelé que nous devons nous remettre en question en tant que société. Cela touche sans aucun doute notre santé, la façon dont nous vivons, la santé des générations futures, les liens que nous établissons avec l'environnement, comment cela peut se faire d'une façon durable, pour que nous soyons assurés de ne faire aucun mal ni à nous-mêmes, ni aux autres, ni à l'environnement qui nous entoure, que ce soit maintenant ou plus tard.

Le point que j'ai retenu, et qui est à mes yeux le plus important, est que le développement, notamment l'activité économique, la création d'emplois, etc., ne va pas nécessairement à l'encontre d'une protection bien comprise de l'environnement. De fait, nous pouvons faire les deux choses en parallèle. Si nous le faisons bien, cela peut, de fait, donner à l'économie un nouvel élan créateur d'emplois à court terme, et nous aider, à long terme, à nous rapprocher de cet idéal de développement durable dont nous avons parlé.

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En ce qui a trait à la gestion des déchets, on nous a rappelé que les Canadiens ont encore beaucoup à faire pour générer moins d'ordures, sur une base individuelle. Nous sommes encore loin derrière certains autres pays industrialisés. Nous avons beaucoup à faire pour parvenir à réduire, réutiliser, recycler et récupérer, que ce soit au niveau des particuliers, des sociétés ou des industries. Il faut que nous apprenions à vivre beaucoup plus intelligemment.

À propos de la prévention de la pollution, il est certain que nous devons adopter comme stratégie prioritaire de produire moins de déchets et de consommer moins d'énergie par personne, au lieu d'avoir à nettoyer et à apporter des correctifs. En bout de ligne, il s'agit, je présume, d'acquérir une conscience sociale qui influera sur la façon dont nous vivons et sur le style de vie jugé socialement acceptable. Ce n'est pas une chose qui relève uniquement du droit et du gouvernement.

Au cours du dernier volet de nos consultations, à propos des économies énergétiques, j'ai entendu dire que souvent, c'était une question de prendre en compte tous les coûts, afin que l'utilisateur paie l'énergie à un prix qui reflète plus pleinement tous les éléments qui doivent entrer en considération. Souvent, cela veut dire tenir compte de tous les facteurs, des mesures incitatives et dissuasives - celles qui ont des effets pervers tout comme celles qui ont des résultats positifs - et élaborer un modèle économique qui a un véritable impact sur ce que nous faisons.

En résumé, que ce soit les gouvernements, les organismes non gouvernementaux, les lois, les règlements, les pressions exercées par le public, le niveau de conscientisation de la population, l'éducation, le choix de certains styles de vie, tout cela affecte notre comportement social en tant que nation.

Tous ces éléments peuvent être mesurés en faisant un bilan. J'ai lancé l'idée, que d'autres ont reprise, d'un bilan à trois volets. Combien cela coûte-t-il vraiment, en dollars, et quel est l'effet sur les options que nous avons, les forces du marché et les prix? Quel est le véritable coût de ce qui est mauvais ou bon pour l'environnement? C'est le bilan que l'on doit faire. Quel est le coût social, sur le plan de la qualité de la vie et de la santé, et si l'on songe que gaspiller nos ressources nous empêche d'aider ceux qui vivent dans des conditions précaires? Laisser filer des occasions de faire du bien entre dans les coûts sociaux. Il y a donc un bilan à trois volets à faire: économique, environnemental et social.

Pour conclure, j'évoquerai une image que nous avons tous vue, celle de la terre prise de la lune, comme si nous étions sur la lune et que nous voyions la terre se lever. Nous voyons donc cette terre, avec toutes ses couleurs, qui paraît si fragile. C'est un circuit fermé à manier délicatement. On pourrait dire que c'est une machine qui maintient la vie dans l'univers, lancée à toute vitesse dans les ténèbres.

La terre est tout ce que nous avons pour subsister. En voyant cette image de la terre perdue dans l'espace, il faut se dire que c'est le seul endroit, à notre connaissance, où l'on peut vivre. Nous ne pouvons aller nulle part ailleurs. Pas question de débarquer. Il faut donc que nous en prenions soin.

Au cours de ces tables rondes, nous avons évoqué certains thèmes de façon plutôt légère, à mon avis. Nous devrions certainement réfléchir de manière plus approfondie à la façon dont nous pouvons vivre mieux, faire des choix plus éclairés, bien éduquer nos enfants et aussi, montrer l'exemple.

Peut-être que ce qui nous a donné aujourd'hui matière à réflexion peut nous inciter à agir sagement, de façon plus responsable, pour que nous puissions vivre dans une société durable. Il faut que nous nous rendions compte que le monde dans lequel nous vivons est fragile, et que nous nous engagions à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger et mettre en valeur cette terre dont j'ai évoqué l'image, car c'est notre seul refuge.

La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup. Madame Guay.

[Français]

Mme Guay: Je vais peut-être me répéter un peu, mais je vais quand même le faire parce que la question est importante.

J'ai aimé les quatre différentes étapes que nous avons traversées. Malheureusement, je n'a pu être ici hier, mais j'ai quand même eu l'information. Ce que j'en déduis, c'est que tout le monde s'accorde sur le développement durable. Cela fait maintenant partie du langage courant. Par contre, on ne s'entend pas sur la véritable signification des mots.

On a réussi à introduire, au cours des dernières années, une définition du développement durable qui n'existait pas auparavant. C'est là un pas dans la bonne direction. Mais il faut aller encore plus loin. Il faut introduire le développement durable dans tout ce qu'on fait, à tous les jours, dans toutes les entreprises. Il y a un grand bout de chemin de fait, mais il faut continuer.

La gestion des déchets m'a beaucoup intéressée parce que nous avons un sérieux problème de ce côté dans toutes les provinces. On connaît les problèmes que nous avons au Québec avec les sites d'enfouissement. Nous sommes de grands consommateurs et nous produisons beaucoup de déchets dont on ne sait plus que faire.

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Nous avons tous des bacs de recyclage. Je disais ce matin être convaincue que 70 p. 100 des gens ne savent même pas quoi y mettre ou n'en sont pas certains. Il y a une éducation et un gros travail à faire par rapport à cela. On pense que c'est fait, mais ça ne l'est pas. Je vois mes voisins qui ne savent pas quoi mettre dans leur bac. Ils se trompent. Ce n'est pas du vrai recyclage. Ce n'est pas en distribuant des bacs dans les foyers, accompagnés d'un dépliant, et en disant aux gens de se débrouiller et de recycler qu'on y arrivera. Il faut se prendre en main dans certains secteurs pour qu'on puisse vraiment faire du recyclage.

On a beaucoup parlé de la prévention de la pollution. Il faut prévenir, c'est évident. On ne peut pas parler de développement durable sans parler de prévention. Quant à l'économie de l'énergie, elle commence chez soi, à la base.

À ce comité, je reviens toujours à la base, au travail sur le terrain. C'est vrai que les choses se passent vraiment sur le terrain. Regardez vos enfants laisser couler le robinet pour rien. Pour eux, c'est acquis; c'est une chose tout à fait naturelle que d'avoir de l'eau. Pourtant, dans certains pays, on a toute la misère du monde à trouver un puits ou de l'eau. L'éducation doit être faite à la base.

Je trouve que dans les écoles, cette éducation manque énormément. Dans beaucoup d'écoles, on ne parle même pas encore d'environnement. On organisera peut-être un événement, une fois dans l'année. Cela devrait faire partie de l'éducation de base et tous les enfants devraient apprendre très jeunes.

D'ailleurs, notre génération, la mienne ou même la vôtre, madame la présidente, n'a pas reçu une éducation où l'environnement occupait une place à la base. Nos enfants en reçoivent un peu plus, mais il va falloir en mettre encore davantage dans leur système d'éducation pour qu'ils puissent continuer ce travail. Autrement, on ne laissera rien à nos enfants, absolument rien. On va leur laisser une planète détruite. La reconstruire plus tard sera drôlement plus difficile. Il faut se prendre en main dès maintenant, l'entretenir tout de suite et donner les encouragements nécessaires.

Nous avons parlé plus tôt des industries. Celles-ci se demandent pourquoi elles n'auraient pas droit à des points d'impôt quand elles ont une bonne performance sur le plan environnemental. Pourquoi ne recevraient-elles pas d'encouragement? C'est une chose à examiner.

Je ne suis pas tellement d'accord pour qu'on impose des taxes sur les déchets parce que la population est déjà surtaxée. Peut-être existe-t-il une façon de gérer les taxes. On parle de gestion des déchets. Elle devrait peut-être se faire différemment. Ce sont des choses qu'il faut examiner.

C'était très court. Le forum n'a pas duré très longtemps, mais je pense qu'il a été très enrichissant. Merci.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup, Monique.

Charles.

M. Caccia: Permettez-moi d'intervenir, car je veux m'assurer que vous avez le dernier mot, et aussi vous exprimer ma gratitude d'avoir organisé ces consultations et d'avoir mené les débats qui ont eu lieu hier et aujourd'hui.

J'ai certainement appris beaucoup des témoins qui sont intervenus, et il y a deux éléments qui vont particulièrement me rester à l'esprit. Tout d'abord, la discussion à propos du développement durable - et Mme Guay a tout à fait raison, le sens de l'expression «développement durable» évolue et doit être constamment précisé. À cet égard, je pense qu'il y est particulièrement important de noter ce qu'a déclaré, hier après-midi, la représentante de l'Institut international de développement durable, basé à Winnipeg, je crois, c'est-à-dire que l'expression «développement durable» signifie la poursuite d'objectifs touchant l'économie, l'environnement et l'équité. J'ai trouvé ces propos particulièrement utiles.

Lorsque vous planifierez une autre série de discussions - pour quand, l'année prochaine? - il serait peut-être judicieux de prévoir centrer les discussions sur la question de l'équité, notamment la redistribution des richesses dans le monde que cela implique, parce que si nous ne procédons pas ainsi, nous n'allons évidemment pas nous occuper du développement durable comme il se doit.

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Ce que je retiendrai de la plupart des débats, c'est l'intime conviction que le droit et le gouvernement peuvent et doivent avoir un rôle prépondérant. Autrement dit, l'intervention des gouvernements est absolument essentielle, qu'il s'agisse de fournir des informations à la population, de faire preuve de leadership et d'encourager la recherche de solutions de remplacement, et, bien entendu, de mettre en place les instruments qui permettront à notre société d'effectuer les changements profonds qui sont nécessaires. Par conséquent, le gouvernement a un rôle absolument essentiel à jouer dans le domaine de l'éducation et de l'information au profit de la population et de la société en général, et ce qui se passe dans cette salle est une façon de communiquer et de disséminer de l'information.

Je tiens à vous remercier d'avoir organisé ces discussions et d'avoir ainsi permis aux participants d'apporter une contribution utile à l'action que nous menons au Parlement.

La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Au cas où certains d'entre vous ne le sauraient pas, Charles Caccia est président du Comité permanent de l'environnement et du développement durable, et s'est énormément dévoué pour cette cause depuis qu'il siège au Parlement.

La question de l'équité est très importante, et je pense qu'elle est apparue en filigrane dans toutes les discussions qui ont eu lieu dans le cadre de cette table ronde. Nous n'en avons pas parlé directement, mais c'est une question qui est réapparue constamment, d'une discussion à l'autre. Chose certaine, lorsque nous avons accueilli des jeunes, hier soir et aujourd'hui, nous avons bien été obligés de constater qu'il y avait un fossé entre nos préoccupations et celles de la prochaine génération, une responsabilité que nous devons tous assumer.

Dans mon résumé, je retiendrai quelques mots. Il y a d'abord «responsabilité». Nous avons tous des responsabilités - les particuliers, les collectivités, les entreprises, les gouvernements, les pays, que ce soit au plan national ou international.

Le leadership est un autre mot qui a beaucoup d'importance. Il faut que nous fassions preuve de leadership. Parfois, si l'on n'a pas le soutien de la population, il faut faire preuve de leadership politique pour montrer la voie. À bien des égards, je pense que cette table ronde nous a permis de réaliser que c'est la collectivité qui, de fait, fait preuve de leadership, et à titre de parlementaires, nous avons bien des leçons à tirer de cela.

Agir est très important. Nous avons passé beaucoup de temps à définir le problème. Nous savons qu'il existe. Il faut maintenant s'arrêter de discutailler de la définition à donner à la prévention de la pollution, aux produits toxiques, et ainsi de suite. Le problème existe. Il est temps d'agir et de le régler.

Nous avons la possibilité d'agir en saisissant les occasions qui nous sont offertes. Cela ressort clairement d'un certain nombre de discussions qui ont eu lieu dans le cadre de cette table ronde. Envisageons sous un jour positif les initiatives que nous pouvons prendre ensemble. Chaque fois que nous avons lancé un projet à l'échelle nationale, tout le pays s'y est rallié. Dans ma propre circonscription, dans ma propre collectivité, lorsque je collabore à un projet, c'est une façon de rassembler les gens. Ils s'y rallient parce qu'ils en tirent certains avantages, et cela leur donne une grande satisfaction parce que cela leur permet d'accomplir quelque chose.

Nous avons beaucoup parlé de maillages. Encore une fois, il s'agit, grâce à ces maillages, d'inscrire nos initiatives individuelles dans le cadre d'une action menée à l'échelle mondiale. Comme M. Forseth l'a si poétiquement montré, cela va même au-delà de notre planète, ce cadre, c'est tout l'univers.

Chose étrange, ces maillages prennent d'autant plus d'importance que nous disposons de nouvelles technologies qui mettent le globe à notre portée et qui nous permettent de mieux communiquer entre nous. Il y a là également de nombreuses opportunités à explorer.

Le temps est aussi un facteur que je souhaite prendre en compte. Nous n'avons pas beaucoup de temps. Le passé peut nous apprendre comment les générations qui nous ont précédés ont réussi à assurer leur survie de façon durable, quels sont les avantages des moyens qu'elles ont utilisés et quelles méthodes nous pourrions adopter; nous devons aussi penser à l'avenir et aux générations qui viendront après nous.

On a beaucoup parlé de repenser la façon dont nous envisageons les choses. Paul Hawken a répété bien souvent que notre problème se situe au niveau de la conception. Je pense que Sue Zielinski nous a montré qu'il était possible d'avoir recours à différents concepts créateurs, ce qui me remet en mémoire ce qu'a déclaré hier Henry Lickers, quand il a dit qu'il fallait présenter les choses sous un jour amusant. En voyant ces arbres à forme étrange, je me suis réveillée et je me suis sentie tout d'un coup pleine d'énergie.

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Par-dessus tout, je tiens à remercier chaleureusement mes collègues des deux côtés de la Chambre, car l'environnement est une question non partisane. Les commentaires formulés par les deux porte-parole de l'opposition m'ont beaucoup touchée. Je suis très heureuse d'avoir pu profiter de ce genre d'appui, et j'espère que cela continuera. Je tiens à remercier les membres du comité de leurs remarques bienveillantes à mon égard et de l'appui qu'ils m'ont donné tout au long de ce processus.

Encore une fois, merci. Vous trouverez, de l'autre côté du couloir, des stands d'exposition. Si vous n'en avez pas encore eu l'occasion, allez parler aux exposants.

D'après ce que je comprends, il va falloir que nous allions voter très bientôt. Ensuite, il y aura une réception qui débutera peut-être avant que nous soyons de retour. Elle est organisée par l'Association canadienne des industries de l'environnement. Je vous encourage tous à y assister et à poursuivre les conversations que vous vouliez avoir entre vous.

Encore une fois, merci. La séance est levée.

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