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CHAPITRE 5 - VERS L'ÉTABLISSEMENT D'UN PROGRAMME DE DÉVELOPPEMENT DURABLE POUR ASSURER LA PRÉSERVATION DE L'ENVIRONNEMENT ARCTIQUE


La prochaine décennie sera déterminante pour l'avenir de l'Arctique. Au moment de franchir le seuil d'un nouveau siècle, ou bien l'écosystème de l'Arctique sera encore intact et sain, riche d'une faune abondante permettant aux Autochtones de préserver leurs structures traditionnelles de développement social et économique, ou bien les intérêts économiques immédiats et à courte vue l'auront dégradé. Tout dépendra de la capacité des nations de l'Arctique à coopérer et à coordonner leurs activités [27:11].
Sarah Climenhaga, Fonds mondialpour la nature

Définition du «développement durable» dans un contexte circumpolaire

Maintenant que nous avons décrit la transition historique qui s'est effectuée par rapport à l'ancien régime entièrement centré sur la sécurité, nous chercherons surtout à montrer pourquoi le développement durable doit constituer la pierre angulaire de la coopération circumpolaire dans l'avenir. Selon Oran Young, le développement durable dans l'Arctique consiste «à trouver des façons de conjuguer développement socioéconomique et protection de l'environnement, compte tenu des conditions écologiques et culturelles propres aux systèmes arctiques119». Le Comité est d'accord avec cette position et définit le développement durable comme un développement qui cherche à assurer le bien-être des humains par l'utilisation équitable et démocratique des ressources d'une société, tout en préservant les différences culturelles et le milieu naturel pour les générations à venir. Comme on l'a mentionné au chapitre trois, M. Young a affirmé devant le Comité que le développement durable devrait servir de paradigme au Conseil de l'Arctique, lequel peut jouer le rôle d'instigateur dans la recherche d'un consensus sur la définition de ce concept. Il estime que le Conseil devrait tout d'abord énoncer une série cohérente de principes du développement durable tels que l'économie de subsistance, la cogestion et la subsidiarité. Puis, il devrait entreprendre un nombre limité de projets précis fondés sur ces principes. Comme M. Young l'a soutenu devant le Comité : «Selon moi, le sens à donner au développement durable émergera probablement de la pratique [40:18].»

Il faudra du temps entre les pays membres de l'Arctique pour s'entendre sur le concept de développement durable et ses implications. Dans l'intervalle, les États de l'Arctique doivent assurer la protection du milieu dans la région (voir encadré 7 «Les principes du développement durable dans l'Arctique»). Ainsi, ils devront veiller à ce que les travaux essentiels déjà bien engagés dans le cadre de la Stratégie de protection de l'environnement arctique ne souffrent pas de son transfert au Conseil de l'Arctique. Ils doivent aussi prendre d'autres mesures aux niveaux mondial, national et régional au moyen de divers instruments juridiques et institutionnels tant «contraignants» que «non contraignants» (voir l'encadré 8 sur les accords environnementaux internationaux visant l'Arctique).

La protection de l'environnement constitue une condition sine qua non du développement durable. Après un bref examen des principales menaces environnementales auxquelles on ne pourra faire face qu'au moyen d'une concertation mondiale, on s'intéressera donc, dans le présent chapitre, à la Stratégie de protection de l'environnement arctique, principal mécanisme international de coopération environnementale dans l'Arctique, ainsi qu'aux plus vastes objectifs de cette coopération circumpolaire qui concernent la gérance de l'environnement. Le chapitre six traite des façons d'aborder le développement économique durable dans les régions circumpolaires qui seraient à l'avantage des collectivités de l'Arctique. Le chapitre sept met l'accent sur les protagonistes qui assureront un tel développement dans l'avenir, développement qui devrait affirmer les rôles des peuples autochtones, permettre la participation démocratique et comporter l'obligation de rendre compte à la population.

L'accroissement des connaissances dans le domaine de l'environnement, à la fin du XXe siècle, a été l'un des phénomènes les plus marquants de l'histoire humaine; or, nul milieu n'est plus particulier que celui de l'Arctique. Pour pouvoir formuler des politiques s'appliquant à cette région, il faut en saisir le caractère unique. Comme Fred Roots l'a souligné dans un mémoire au Comité : «l'établissement et la mise en oeuvre de politiques pertinentes pour l'Arctique exigent une bien meilleure connaissance de l'environnement et des conséquences environnementales des divers modes d'action que ce qu'exige ordinairement la prise de décisions dans d'autres endroits120». Le milieu arctique constitue évidemment une préoccupation immédiate pour les habitants de la région, mais il inquiète également le reste de la planète parce que ce continent représente une composante importante du patrimoine mondial qui pourrait être touchée la première et la plus durement par des menaces comme le changement climatique mondial.


Encadré 7 - «Les principes du développement durable dans l'Arctique»

Dans le monde entier, les gouvernements ont convenu d'appliquer les principes du développement durable, mais peu de progrès ont été réalisés afin de combler l'écart qui existe entre la définition de ce concept popularisé par la Commission Brundtland en 1987 - «le développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs» - et Action 21, un plan d'action de 40 chapitres adopté en 1992. Le développement durable ne peut pas être appliqué dans l'Arctique isolément du reste de la planète; toutefois, la longue tradition des peuples arctiques en matière de développement et d'utilisation durables des ressources, de même que la population plus faible et les écosystèmes plus simples de cette région, font que la non-application de ce concept aura des résultats plus évidents dans cette partie du monde. Ces facteurs laissent croire en outre qu'il pourrait être plus facile qu'ailleurs sur la planète de réaliser des progrès dans ce domaine. Au fil des années, la Conférence circumpolaire inuit a joué un rôle essentiel pour s'assurer que le programme de développement durable de l'Arctique dépasse le stade d'un environnementalisme strict pour tenir compte des connaissances, du degré de sensibilisation, des besoins et des préoccupations des peuples autochtones de la région; les déclarations politiques pertinentes des dernières années ont profité de ce maillage audacieux du développement durable de l'environnement et des principes du développement humain1.

Comme M. Oran Young l'a déclaré au Comité, une des premières étapes importantes à franchir afin de s'attaquer au «thème primordial du développement durable» serait d'établir une série de principes sur le développement durable. Comme il l'a signalé, «il ne faut pas qu'il s'agisse de politiques au sens traditionnel, mais plutôt de principes directeurs généraux [. . .] dont on doit tenir compte». Il a poursuivi de la manière suivante :

Parmi certains principes qui pourraient être intéressants dans le contexte arctique, il y a entre autres celui de la préférence accordée à la subsistance : lorsque les stocks de ressources fauniques ne suffisent pas à satisfaire à la demande de ceux qui les utilisent à des fins commerciales, récréatives ou de subsistance, il faudrait accorder la préférence à ceux qui les utilisent à des fins de subsistance. Il pourrait aussi y avoir le principe de la cogestion. En ce qui concerne la prise de décisions touchant les ressources biologiques, les groupes d'utilisateurs ou les collectivités devraient avoir voix au chapitre à cet égard. Il pourrait aussi y avoir le principe de la subsidiarité. Je veux dire par là que les décisions relatives aux problèmes de l'Arctique devraient se prendre au plus bas niveau habilité à le faire; comme nombre d'entre vous le savent, il s'agit d'un principe qui a été largement élaboré et appliqué dans le contexte de l'Union européenne [40:5].

En plus des principes de la préférence pour les activités de subsistance, de la cogestion et de la subsidiarité, voici d'autres principes de développement durable qui pourraient être utiles pour l'Arctique : une perspective à long terme, afin de s'assurer que le taux d'utilisation des ressources renouvelables soit compatible avec les meilleures données dont on dispose sur le taux de regénération, et que l'extraction des ressources non renouvelables tienne compte des prévisions relatives au taux de découverte de nouvelles ressources ou de produits de substitution; le principe de la prudence, afin de s'assurer que tous les projets de développement des ressources se fondent sur les données locales et scientifiques qu'on possède et que lorsque ces données sont insuffisantes, les activités de développement soient retardées jusqu'à ce qu'on dispose de meilleures données ou ne soient entreprises qu'avec une extrême prudence; la primauté des droits existants et un partage clair des responsabilités, afin de s'assurer que tous les programmes et décisions de développement dans des régions traditionnellement utilisées ou revendiquées par des peuples autochtones soient planifiés et appliqués en tenant dûment compte des droits, pratiques et responsabilités des habitants actuels ou antérieurs, et avec leur participation lorsque c'est nécessaire. Toute indemnisation en raison du bouleversement des modes de vie traditionnels et des ressources ou en vertu d'engagements d'ordre environnemental et les responsabilités liées à la restauration ou aux autres usages des terres à l'avenir devraient être clairement énoncées au préalable. Il faudrait donc qu'il y ait une entente en ce qui concerne : la période pendant laquelle les diverses parties peuvent être tenues responsables de «l'exploitation durable»; l'établissement des coûts véritables, y compris les coûts-avantages directs et indirects sur le plan économique, environnemental, sanitaire, etc. du développement à court et à long terme; le recours à des méthodes et techniques écologiques, afin de s'assurer que les techniques et les méthodes utilisées conviennent aux conditions environnementales de cette partie de l'Arctique, soient compatibles avec les valeurs socioculturelles des habitants et fassent l'objet d'une surveillance et d'une consultation suffisantes pour pouvoir être changées ou améliorées avec le temps.


Encadré 8 - «Les accords environnementaux internationaux visant l'Arctique»

Après la dernière guerre, on a assisté à la conclusion d'un grand nombre d'accords environnementaux multilatéraux et du même coup à une mondialisation de plus en plus marquée des ententes afin de résoudre des problèmes qui ne pouvaient être réglés sans une coopération entre les États. Peu d'accords juridiquement contraignants portent spécifiquement sur l'Arctique, mais cette région est visée par un grand nombre d'ententes internationales.

A. Accords internationaux juridiquement contraignants

1. La prévention de la pollution

Protection des océans : Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (1982); Convention sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets (1972)(Convention de Londres); Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL) (1972/1978); Convention pour la prévention de l'environnement marin de l'Atlantique du nord-est (Convention OSPAR)(1992).

Pollution atmosphérique : Convention-cadre sur les changements climatiques (1992); Convention de Vienne pour la protection de la couche d'ozone (1985), y compris le Protocole de Montréal (1988); Convention sur la pollution atmosphérique transfrontalière à longue distance (PATLD) (1979) et protocoles connexes.

Pollution radioactive : Convention sur la sûreté nucléaire (1994); Convention sur la notification rapide d'un accident nucléaire (1986); Convention sur l'assistance en cas d'accident nucléaire ou de situation d'urgence radiologique (1986).

2. La protection de la faune et des habitats :

Convention sur la diversité biologique (1992); Accord sur la conservation des ours polaires et de leurs habitats (1973); Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES); Convention relative aux zones humides d'importance internationale particulièrement comme habitats de la sauvagine (RAMSAR)(1971); Agreement on North Atlantic Marine Mammal Commission (NAMMCO);Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine (1946); Convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontalier (ESPOO)(1991).

B. Accords non contraignants sur le plan juridique

En plus de ces accords juridiquement contraignants, une nombre croissant d'instruments politiques non contraignants sur le plan juridique ont une incidence sur l'Arctique, notamment : la Stratégie de protection de l'environnement arctique (1991); la Déclaration sur la création du Conseil de l'Arctique (1996); la Déclaration de Kirkenes (1993); la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, et Action 21 (1992); le Programme d'action mondial pour la protection du milieu marin contre les sources terrestres de pollution (1995).


Heureusement, la protection de l'environnement est une des sphères de la coopération les plus avancées dans l'Arctique. Voici ce que Peter Prokosch, du Fonds mondial pour la nature a dit à ce propos : «Grâce au processus de Rovaniemi, l'Arctique est la plus vaste région du globe où la protection de l'environnement forme l'axe principal de la coopération internationale121». Cette tâche doit demeurer une priorité mais, comme nous l'avons vu dans les chapitres précédents, les nouvelles exigences de la région et les nouvelles possibilités qu'elle offre indiquent que simplement protéger l'environnement n'est pas suffisant. Le défi consistera à utiliser le Conseil de l'Arctique et d'autres mécanismes pour perpétuer la protection de l'environnement au moyen de programmes comme la Stratégie de protection de l'environnement arctique, tout en obtenant de meilleurs résultats sur le plan économique, social et culturel, dans le cadre de l'application du concept de développement durable. Cette notion de «développement durable» a été acclamée par tous comme le paradigme qui allait assurer l'avenir de la planète, mais sa signification exacte fait toujours l'objet d'un débat orageux. La définition la plus couramment utilisée demeure celle de la Commission Bruntland qui, en 1987, a soutenu que le «développement durable» est un développement «qui répond aux besoins d'aujourd'hui sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs».

La Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement qui a eu lieu à Rio en 1992 a produit un schéma de développement durable intitulé «Action 21». Ce document invitait les gouvernements à se donner un plan national de développement durable; en 1996, quelque 117 gouvernements s'étaient engagés dans un tel processus. À la suite de la Conférence de Rio, on a aussi créé la Commission du développement durable des Nations Unies, qui a pour mandat de coordonner l'action des Nations Unies et de surveiller la mise en oeuvre d'«Action 21» dans les divers pays. On commence en outre à élaborer des plans de développement durable pour des régions spécifiques. Le Canadien Nicholas Sonntag, qui est directeur général de l'institut environnemental de Stockholm, a informé les membres du Comité, à Stockholm, des travaux entrepris pour mettre au point le plan «Baltique 21» pour la région de la mer Baltique. Comme il l'a souligné, l'expérience pourrait se révéler très utile en vue de l'établissement de plans de développement durable pour d'autres régions, dont l'Arctique. Les travaux permanents de la Conférence inuit circumpolaire, en particulier le document Agenda 21 From an Inuit Perspective publié en 1996, seront également utiles122.

Les problèmes environnementaux mondiaux

«L'Arctique sert en quelque sorte de dispositif d'alerte anticipée pour la planète.»
L'hon. Sergio Marchi, ministre de l'Environnement, Ottawa,
Déclaration faite lors de la création
du Conseil de l'Arctique, le 19 septembre 1996

Étant donné l'interdépendance des problèmes environnementaux mondiaux et régionaux, les défis que pose l'Arctique ne peuvent être pleinement compris que dans le cadre d'un programme environnemental mondial. Pour protéger leur environnement, les États de l'Arctique doivent d'abord faire face aux problèmes mondiaux qui ont une incidence sur la région. Au cours du dernier quart de siècle, l'humanité a finalement compris que, bien loin de contrôler la terre, elle n'est qu'un élément de l'environnement ou de la biosphère. Les préoccupations environnementales ont d'abord fait leur apparition à l'intérieur des pays, et les États, habitués à agir de façon unilatérale, ont eu du mal à admettre que les défis environnementaux mondiaux exigaient des interventions globales. Comme Donald McRae l'a affirmé devant le Comité : «Si vous me demandez ce que les pays ont réussi à faire grâce à des ententes multilatérales, je vous dirai assez peu et ce, très lentement [21:20].» Des jalons importants ont marqué le début des années 1970 quant à l'éclosion d'une prise de conscience de l'environnement mondial : c'est en effet à cette époque que s'est tenue à Stockholm la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et qu'on a instauré le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), la principale organisation internationale s'occupant des problèmes environnementaux.

Dans les 25 années qui ont suivi, la compréhension de l'interdépendance des problèmes environnementaux s'est approfondie, et la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement tenue en 1992 a donné lieu à un certain nombre de réalisations : Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, Convention-cadre sur les changements climatiques, Convention sur la diversité biologique et «Action 21». Ces réalisations auront des répercussions sur la vie des générations à venir. Depuis Rio, la mise en application du vaste programme de développement durable a progressé beaucoup trop lentement, mais les réalisations portant sur l'aspect plus étroit de la protection de l'environnement permettent de nourrir certains espoirs quant à l'action à entreprendre pour régler les graves problèmes que représentent le changement climatique mondial, le transport sur de grandes distances des polluants atmosphériques transfrontaliers et la diminution de la biodiversité.

Au cours des dernières années, les mesures prises dans le cadre du Protocole de Montréal (1987) pour réduire la production des gaz qui amincissent la couche d'ozone représentent le progrès le plus marquant et le plus prometteur réalisé sur le plan international au chapitre de l'environnement. Le succès obtenu dans ce domaine montre bien que les États peuvent s'attaquer efficacement aux problèmes environnementaux mondiaux. On peut également en tirer une précieuse leçon pour affronter les autres problèmes à résoudre. C'est au milieu des années 1970 qu'on a commencé à soupçonner que les hydrocarbures chlorofluorés (CFC) pouvaient nuire à la couche d'ozone qui protège la terre; à la fin de la décennie, même avant qu'on dispose de preuves scientifiques concluantes, des pressions populaires avaient poussé divers États nordiques, comme le Canada, les États-Unis, la Suède et la Norvège, à interdire l'utilisation des CFC dans les bombes aérosol. Au fur et à mesure que la recherche a avancé, les gouvernements ont commencé à élaborer des mécanismes pour lutter contre le problème, par exemple, la Convention de Vienne pour la protection de la couche d'ozone a été adoptée en 1985. Après qu'on eut constaté cette année-là la présence d'un vaste «trou» dans la couche d'ozone au-dessus de l'Antarctique, des citoyens ont exigé qu'on prenne des mesures, et les gouvernements ont réagi rapidement au moyen du Protocole de Montréal.

Selon un observateur, ce protocole a constitué «une étape marquante dans la diplomatie environnementale internationale». Les résultats obtenus par la suite au chapitre de la réduction de la production mondiale de CFC «ont pour la première fois montré clairement que les pays peuvent travailler ensemble à l'élimination de menaces communes». En 1995, la réussite du Protocole de Montréal était manifeste, la production mondiale de CFC ayant été réduite de 76 p. 100 par rapport au sommet enregistré en 1988. Il importe de noter que les États sont allés de l'avant, même si le rôle exact des CFC relativement au trou observé dans la couche d'ozone était toujours débattu par les scientifiques et qu'on ne disposait pas encore de preuves concluantes quant aux torts imputables à ces substances. Selon Hilary French :

Les mesures prises alors représentaient la première application importante du «principe de prudence» - un nouveau principe du droit environnemental international selon lequel l'absence de certitudes scientifiques absolues ne constitue pas une raison suffisante pour reporter une intervention à l'échelle internationale si ce report risque d'entraîner des torts graves ou irréversibles123.
Le dossier de l'ozone permet de tirer d'autres leçons quant à de futures interventions sur le plan environnemental. Le Protocole de Montréal stipulait que les parties devraient se réunir périodiquement pour déterminer si ses dispositions demeuraient suffisantes. À la suite de l'évolution de la recherche et du rassemblement de nouvelles données, le Protocole a été au fil des ans renforcé à trois reprises. Le Protocole a également établi de nouveaux précédents dans les relations Nord-Sud, notamment en créant un fonds multilatéral provisoire pour rembourser aux pays en voie de développement «tous les coûts additionnels convenus» qui sont imputables au respect du Protocole. À maints égards, ce fonds a servi de modèle au Fonds pour l'environnement mondial (FEM) constitué en 1991. La formation d'un groupe intergouvernemental composé de chercheurs indépendants, impartiaux et expérimentés afin d'étudier les questions touchant la couche d'ozone s'est également révélée très utile.

À la suite des succès obtenus dans le dossier de l'ozone, la communauté internationale doit aujourd'hui s'attaquer aux grands problèmes environnementaux que constituent les changements climatiques anthropiques, les polluants transportés sur de grandes distances et l'appauvrissement de la diversité biologique. Pour ce faire, on doit s'inspirer des leçons découlant des mesures hâtives et concertés prises dans le dossier de l'ozone. À Rio, les changements climatiques et la diversité biologique ont fait l'objet de conventions et maintenant, ces questions font l'objet d'un long processus de débats scientifiques et de négociations gouvernementales. De même, le consensus au sein du Groupe intergouvernemental d'experts sur le changement climatique a fait d'importants progrès. Dans son deuxième rapport d'évaluation scientifique, auquel ont participé plus de 2 000 scientifiques provenant de plus de 130 pays et qui a nécessité plus de deux années et demie de travail, il conclut que «l'ensemble des observations amène à distinguer une influence réelle de l'activité humaine sur le climat mondial». La Convention-cadre sur le changement climatique, conclue en 1992, a commencé à s'attaquer au problème en obligeant tous les États à dresser un inventaire complet des émissions de gaz à effet de serre et à élaborer un plan national en la matière. On a aussi obligé les pays de l'OCDE et les pays en transition à ramener leurs émissions de gaz à effet de serre aux niveaux de 1990 d'ici l'an 2000. Malheureusement, les émissions mondiales de gaz carbonique demeurent en hausse et, selon un observateur, «à peu près la moitié» des États qui ont signé la Convention n'atteindront probablement pas leurs objectifs de réduction des émissions en l'an 2000124. En décembre 1996, le Canada a reconnu qu'il compterait au nombre de ces États; ses émissions diminuent, mais on estime qu'elles dépasseront quand même d'environ 8 p. 100 le niveau de référence de 1990 en l'an 2000.

Réunies à Berlin en avril 1996, les parties ont conclu que les mesures contenues dans la Convention n'étaient pas suffisantes. On a entrepris des travaux visant la conclusion d'ici décembre 1997 du Protocole de Kyoto qui fixera des objectifs de réduction des émissions pour après l'an 2000. On espère que ce protocole permettra de réaliser à l'égard du changement climatique ce que le Protocole de Montréal a permis de réaliser au chapitre de l'appauvrissement de la couche d'ozone. En fait, pour régler entièrement ce problème, les parties doivent aussi commencer à négocier des niveaux de réduction avec les pays en voie de développement, notamment avec des États aussi importants que la Chine et l'Inde.

En ce qui concerne la pollution atmosphérique transfrontalière, le principal traité international est la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontalière à longue distance de la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe, signée en 1979 par le Canada et 19 États européens, principalement pour tenter de résoudre le problème des pluies acides. Aux termes de la Convention, quelques protocoles sont déjà en application et d'autres sont en négociation concernant les polluants organiques persistants (POP), par exemple les BPC et les dioxines, ainsi que les métaux lourds. La Convention ne s'applique toutefois pas à l'extérieur de l'Europe et de l'Amérique du Nord. Compte tenu de ces limites, des travaux ont été entrepris par le truchement du Programme des Nations Unies pour l'environnement afin de négocier un protocole mondial sur les POP qui soit juridiquement contraignant.

La Convention de 1992 sur la diversité biologique reconnaît la valeur «intrinsèque» de la biodiversité. Elle constitue le premier plan d'action général visant à préserver cette diversité sur toute la planète et à encourager une «utilisation durable et équitable» de ces ressources. Elle ne peut toutefois pas servir de cadre à des programmes régionaux et nationaux puisqu'elle ne comporte pas d'échéanciers, d'objectifs et de mécanismes d'application. Elle contient cependant certaines dispositions qui devraient favoriser sa mise en oeuvre comme l'établissement d'un secrétariat permanent, la tenue de conférences réunissant les parties contractantes, l'application de mesures de coopération technique et l'obligation de rendre compte.

Le programme environnemental de l'Arctique

Notant la sensibilité et la fragilité des écosystèmes terrestres ou marins de l'Arctique et du Nord vis-à-vis des polluants chimiques provenant aussi bien de sources proches que distantes; les menaces que présentent ces polluants pour la santé des générations actuelles et futures et l'extrême difficulté, imposée par les conditions environnementales et les processus biologiques de l'Arctique, de dépolluer ou de contrer les effets des polluants une fois qu'ils se sont propagés à toutes les régions arctiques;
Notant également que cette sensibilité et cette fragilité ainsi que les défis et possibilités que constitue la diversité des ressources arctiques accentuent le besoin permanent de protéger l'environnement, de préserver la diversité biologique de la région et de respecter des principes de développement durable et responsable dans l'utilisation des ressources naturelles qui s'y trouvent . . .
Déclaration de la Deuxième Conférence des parlementaires de la région arctique,
Yellowknife, mars 1996

Les défis environnementaux auxquels fait face la région arctique sont particulièrement difficiles, étant donné que cet environnement unique, qui se trouve au coeur de la vie des peuples de l'Arctique, est menacé de manière particulière sur le plan mondial et sur le plan régional. On doit aussi se rappeler que la région de l'Arctique, si elle est touchée par des changements mondiaux, exerce à son tour une influence marquée sur l'environnement mondial. L'Arctique est, à maints égards, un laboratoire vivant et un système de refroidissement pour la planète. De plus, comme Jørgen Taagholt, du centre polaire danois, l'a indiqué aux membres du Comité à Copenhague, elle renferme en quelque sorte les archives de la planète, la nappe glacière ayant emmagasiné pendant des milliers d'années des données environnementales et d'autres informations vitales. Même si le Sommet de Rio a peu fait pour remédier directement aux problèmes de l'Arctique, Maurice Strong, le président canadien de cette conférence marquante, a déclaré devant le Comité, en février 1997, que «les régions de l'Arctique représentent un des plus importants éléments de la structure écologique de la planète. Elles auront sur notre avenir une influence sans proportions avec le nombre de personnes qui y vivent [65:10].»

Au début de ses audiences, le Comité a entendu le témoignage de Fred Roots; parmi tous les facteurs qui sous-tendent les problèmes de l'Arctique, a-t-il souligné, ceux qui ont trait à l'environnement sont les plus fondamentaux. Selon lui,

le climat et la géographie du Nord sont les causes de la faible productivité biologique de la région. Ce facteur est évidemment ce qui fait que les ressources vitales fluctuent tellement d'un endroit à l'autre et d'une époque à l'autre. L'instabilité plutôt que la stabilité est cause d'une faible productivité biologique. De cette faible productivité biologique découlent la rareté et l'éparpillement des ressources humaines [. . .] les groupes indigènes dont la culture est bien adaptée à l'environnement sont d'échelle réduite [10:5].
Les menaces qui pèsent sur l'environnement arctique proviennent de deux sources. Les plus graves viennent de l'extérieur, sous la forme de polluants anthropiques tels que les POP, les métaux lourds et les radionucléides, qui sont transportés des latitudes moins élevées surtout par l'air, mais aussi par l'eau. Comme l'indiquait un chercheur norvégien, «les contaminants présents dans l'Arctique peuvent provenir de n'importe où dans le monde125». D'autres menaces proviennent de la région elle-même et sont attribuables à l'accroissement des activités humaines, particulièrement de celles qui sont associées à l'exploitation du pétrole et des autres ressources non renouvelables. De façon générale, on peut donc regrouper les appréhensions concernant l'environnement dans l'Arctique en trois catégories : le changement de l'environnement à l'échelle planétaire et ses effets, l'augmentation et la propagation des polluants et, enfin, la modification et la destruction des habitats.

Vers la coopération multilatérale : la Stratégie de protection de l'environnement arctique (SPEA)

Les pays de l'Arctique conviennent que les problèmes de pollution actuels transcendent les frontières nationales et qu'aucun État ne pourra à lui seul prendre des mesures efficaces pour contrer les menaces environnementales qui pèsent contre l'Arctique. . . La mise en oeuvre de la Stratégie de protection de l'environnement arctique se révélera donc avantageuse pour les pays de l'Arctique et pour le monde entier.
Stratégie de protection de l'environnement arctique, chapitre 1, 1991

Les nations de l'Arctique, notamment le Canada, les États-Unis et les pays scandinaves, ont été parmi les premiers à constater l'émergence de problèmes environnementaux à l'échelle nationale. Depuis la fin de la guerre froide, les États de l'Arctique ont réalisé de grands progrès au chapitre de la coopération environnementale sur le plan régional. Cette coopération en Europe du Nord s'accomplit au moyen du processus d'établissement de la région euro-arctique de la mer de Barents. Cependant, la pierre angulaire de la coopération dans l'Arctique est la Stratégie de protection de l'environnement arctique adoptée il y a six ans et dont les travaux seront intégrés au Conseil de l'Arctique après la dernière réunion ministérielle de la SPEA, qui se tiendra à Tromsø en juin 1997. La SPEA n'est pas parfaite; les critiques formulées au fil des ans portent surtout sur le fait qu'elle n'impose pas d'obligations aux pays, qu'elle est sous-financée et trop limitée. Néanmoins, ainsi qu'Oran Young l'a déclaré devant le Comité, «beaucoup a été fait dans le cadre de cette stratégie [40:2]», tant du point de vue des progrès réalisés dans la recherche et l'évaluation scientifiques, que des leçons dont pourra s'inspirer le Conseil de l'Arctique, dont le mandat est plus large.

Durant les années 1950 et 1960, les initiatives de coopération environnementale dans l'Arctique ont échoué en raison de la guerre froide. Dans le contexte de l'amélioration des relations Est-Ouest et de la plus grande sensibilisation à la détérioration de l'environnement arctique, la Finlande a officiellement lancé en 1989 ce qui a été connu sous le nom de «processus de Rovaniemi», afin d'examiner les possibilités de coopération environnementale circumpolaire, y compris, s'il y avait lieu, la conclusion d'accords juridiquement contraignants126. Au cours des deux années qui ont suivi, les aspects les plus ambitieux de l'initiative ont été abandonnés pour un certain nombre de raisons, dont certaines ont resurgi durant les négociations en vue d'établir le Conseil de l'Arctique.

Les États de l'Arctique ont finalement accepté d'avaliser officiellement l'initiative finlandaise. À Rovaniemi, en Finlande, on a, en 1991, tenu la première réunion ministérielle sur l'environnement arctique, qui a débouché sur une déclaration ministérielle concernant la protection de l'environnement arctique et sur la Stratégie de protection de l'environnement arctique (SPEA). Selon le professeur Robert Huebert, le texte de la Stratégie, qui a été principalement rédigé par des fonctionnaires canadiens, «reflète fortement le point de vue du Canada127». Il consiste en une série d'objectifs et de principes définissant six grands types de polluants ainsi que des secteurs d'intervention prioritaires (polluants organiques persistants, la pollution par les hydrocarbures, la radioactivité, les métaux lourds, l'acidification et le bruit). On y précise aussi les mécanismes mis en place pour assurer la protection de l'environnement arctique de même que les mesures proposées pour lutter contre les polluants. Comme on le lui a plus tard reproché, la Stratégie ne traitait toutefois pas du changement systémique de l'environnement planétaire, les responsables faisant observer que d'«autres problèmes environnementaux, y compris l'appauvrissement de la couche d'ozone et le réchauffement de la planète, n'avaient pas été inclus parce que d'autres tribunes s'en occupaient déjà».

Afin d'assurer la mise en oeuvre de la Stratégie, les pays ont accepté de tenir des réunions ministérielles régulières, de solliciter la participation des peuples autochtones et d'établir quatre groupes de travail composés d'experts chargés de secteurs précis. Les groupes de travail ont été définis en fonction des principaux programmes de la Stratégie : le programme de surveillance et d'évaluation de l'Arctique, la protection de l'environnement marin arctique, la prévention des urgences, la protection civile et l'intervention, ainsi que la conservation de la flore et de la faune arctiques. Pour assurer le fonctionnement des groupes de travail, un pays à la fois en assure la direction. Comme l'ambassadrice Mary Simon l'a reconnu à l'occasion d'une interview accordée en 1996 : «Les gouvernements ne sont nullement tenus de contribuer à ces programmes, de sorte que tout le financement est volontaire. Il s'agit d'une lacune, mais, pour le moment, c'est à cette seule condition que les pays acceptent de collaborer128». Sur le plan du fonctionnement interne, les groupes de travail permettent aux représentants des divers pays de l'Arctique de coordonner leurs travaux dans des domaines précis. Comme l'a fait observer Robert Huebert, «[ces] groupes de travail et d'intervention poursuivent surtout deux objectifs principaux : déterminer la nature et l'étendue du problème et examiner les solutions possibles129

Depuis Rovaniemi, la SPEA s'est développée de façon marquée, élargissant à la fois l'éventail de ses participants et son programme. Comme des représentants du Conseil saami l'ont déclaré à des membres du Comité à Tromsø, la deuxième réunion ministérielle de la SPEA tenue à Nuuk, au Groenland, en 1993, s'est traduite par une participation accrue des peuples autochtones aux travaux menés dans le cadre de la SPEA. Les pressions exercées par la Conférence circumpolaire inuit ont également entraîné un élargissement du programme de la SPEA. À Rovaniemi, les ministres avaient envisagé l'établissement d'un groupe de travail sur le développement durable, mais comme les États-Unis et d'autres pays se méfiaient du concept, lui préférant l'expression plus limitée de «protection de l'environnement», aucun accord n'avait été conclu. Pendant les deux années qui ont suivi, la Conférence circumpolaire inuit a critiqué la SPEA parce qu'elle se limitait à la conservation, et le Canada a enfin convaincu les autres États d'élargir la portée de son mandat de manière à ce qu'il ne s'applique pas seulement à la pollution et à la conservation, et d'établir un groupe spécial sur le développement et l'exploitation durables qui propose les mesures à prendre par les États afin de respecter leur engagement envers le développement durable dans l'Arctique. Enfin, bien que les participants au Sommet de Rio aient ostensiblement fait fi de l'Arctique l'année précédente, les ministres réunis à Nuuk ont fait ressortir les liens entre la SPEA et Rio et souligné à quel point il était important d'adopter les principes de la Déclaration de Rio, allant même jusqu'à intituler le document issu de leur rencontre «La déclaration de Nuuk sur l'environnement et le développement». Les ministres ont également signalé qu'il fallait adopter une «attitude de prudence» en ce qui touche la protection de l'environnement, de même que des dispositions législatives rigoureuses dans les États de l'Arctique.

À l'occasion de la troisième réunion ministérielle de la SPEA tenue à Inuvik en mars 1996, seulement quelques jours après la Conférence des parlementaires de la région arctique tenue à Yellowknife, les ministres de la SPEA ont montré à quel point on avait élargi le programme de la Stratégie en émettant une «Déclaration d'Inuvik sur la protection de l'environnement et le développement durable» (voir l'encadré no 9 «Les objectifs et engagements de la SPEA : de Rovaniemi à Inuvik et au-delà»). Les ministres ont également promu le groupe spécial sur le développement et l'exploitation durables au rang de groupe de travail en plus d'élargir son mandat de manière à ce qu'il comprenne le développement économique durable. Toutefois, étant donné qu'on ne savait pas trop quelle place le développement durable occuperait dans le mandat du Conseil de l'Arctique, la modification a été effectuée «sous réserve de la création imminente du Conseil de l'Arctique». Avec la création de ce conseil à l'automne 1996, le groupe de travail sur le développement et l'exploitation durables a effectivement cessé ses activités, même si ses travaux préliminaires, par exemple l'établissement d'un plan aux fins de l'application régionale d'Action 21 dans l'Arctique, seront présentés à l'occasion de la dernière réunion ministérielle de la SPEA et pourront servir de point de départ à des travaux futurs.

Le programme de surveillance et d'évaluation de l'Arctique (PSEA), qui, selon M. Huebert, constitue la «pierre angulaire» de la SPEA, illustre bien les importants travaux scientifiques réalisés par tous les groupes de travail de la SPEA. Comme on l'a souligné dans une publication du ministère des Affaires étrangères, à la fin de 1995 : «Les travaux entrepris dans le cadre du SPEA offrent un bon exemple des résultats auxquels peut mener une collaboration stratégique. S'appuyant sur des données scientifiques et sur leur force politique conjuguée, les pays circumpolaires ont porté la question des polluants organiques persistants à l'attention de la communauté internationale130». Immédiatement avant la réunion ministérielle de Tromsø, le SPEA doit aussi produire son rapport sur l'état de l'environnement de l'Arctique, rapport attendu depuis longtemps. Même si, après Tromsø, les responsables de la SPEA ne se réuniront plus, les ministres en profiteront pour confier aux groupes de travail un plan pour des travaux futurs. Ainsi, les travaux de la SPEA pourront se poursuivre en attendant que le Conseil de l'Arctique décide s'il souhaite créer son propre réseau de groupes de travail permanents chargés de poursuivre les travaux entre les réunions ministérielles. Une faction minoritaire préférerait l'abolition des groupes de travail permanents au profit d'une façon de procéder qui serait davantage axée sur des projets particuliers. Toutefois, la majorité des États privilégieront probablement un système permettant la poursuite des travaux entre les réunions ministérielles, bien que cette formule puisse exiger la mise sur pied de groupes plus souples d'intervention ou d'experts.

Pendant leurs déplacements en Europe, les membres du Comité se sont fait rappeler à maintes reprises que les travaux de la SPEA ne devraient pas diminuer, une fois effectués sous la responsabilité du Conseil de l'Arctique, soit parce qu'ils seraient considérés comme secondaires, dans le cadre d'un mandat plus vaste, soit parce que le Conseil de l'Arctique se révélerait lui-même un échec. David Scrivener, en particulier, a déclaré aux membres du Comité à Cambridge que les résultats de l'autoévaluation de la SPEA entreprise par la Norvège permettrait de tirer de précieuses leçons pour le fonctionnement du Conseil de l'Arctique.


Encadré 9 - «SPEA : objectifs et engagements de Rovaniemi à Inuvik et au-delà»

La Finlande a lancé le «processus de Rovaniemi» en 1989 et après deux ans de discussions, la première réunion ministérielle sur l'environnement arctique a été tenue à Rovaniemi, en juin 1991. Il en a résulté la signature d'une déclaration ministérielle sur la protection de l'environnement arctique et d'une Stratégie de protection de l'environnement arctique (SPEA). Les objectifs de cette dernière sont les suivants :

(i) protéger l'écosystème arctique, notamment les humains; (ii) travailler à la protection, à l'amélioration et à la restauration de l'environnement ainsi qu'à l'utilisation durable des ressources naturelles, notamment par les populations locales et les peuples autochtones de l'Arctique; (iii) reconnaître et tenter dans toute la mesure du possible de tenir compte des besoins traditionnels et culturels, des valeurs et des usages des peuples autochtones, tels qu'ils les ont eux-mêmes établis, en vue de la protection de l'environnement arctique; (iv) examiner régulièrement l'état de l'environnement arctique; et (v) déterminer les causes de la pollution afin de la réduire et de parvenir un jour à l'éliminer.

Comme on le signale dans le texte du rapport, la deuxième réunion ministérielle de la SPEA, qui a été tenue à Nuuk, au Groenland, en septembre 1993, a permis l'adoption de la Déclaration de Nuuk sur l'environnement et le développement dans l'Arctique, qui reconnaissait le rôle spécial que les groupes autochtones jouent dans la protection de l'environnement arctique, qui établissait le groupe de travail de la SPEA sur le développement durable et l'utilisation durable des ressources naturelles, et qui soulignait les liens qui existaient entre la SPEA et la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement tenue l'année précédente. La troisième réunion ministérielle de la SPEA, qui a eu lieu à Inuvik en mars 1996, a donné la Déclaration d'Inuvik sur la protection de l'environnement et le développement durable dans l'Arctique. Lors d'une réunion conjointe du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international et du Comité permanent de l'environnement et du développement durable tenue en mai 1996, le président du Comité permanent de l'environnement et du développement durable, M. Charles Caccia, a comparé la Déclaration d'Inuvik avec celle de la Deuxième Conférence des parlementaires de la région arctique organisée à Yellowknife seulement quelques semaines auparavant : «La Déclaration de Yellowknife est axée sur l'action et non pas sur le processus. Elle confie au Conseil [de l'Arctique] un mandat très clair. Par contre, la Déclaration ministérielle est surtout axée sur le processus. Elle est assez peu précise sauf pour ce qui est de la protection environnementale de l'Arctique[18:11]».

La Déclaration d'Inuvik permet non seulement d'accepter les rapports des groupes d'étude de la SPEA, de leur confier de nouveaux mandats, et d'engager les ministres à établir le plus rapidement possible le Conseil de l'Arctique, mais comme le montrent les extraits qui suivent, elle souligne également les éléments essentiels du programme de protection de l'environnement dans l'Arctique :

1. Nous réaffirmons que notre engagement de protéger l'environnement arctique est une priorité, et que nous continuerons de mettre en oeuvre la Stratégie de protection de l'environnement arctique (SPEA), comme il est souligné dans les Déclarations de Rovaniemi et de Nuuk.

* * *

5. Nous reconnaissons qu'une SPEA vigoureuse et dynamique forme une partie intégrante d'une orientation de développement durable dans l'Arctique, et insistons sur l'importance d'intégrer les programmes de la SPEA à l'économie et aux initiatives sociales de l'Arctique, afin de défendre les principes du développement durable. Compte tenu de ces faits, nous décidons d'établir un Groupe d'étude sur le développement durable et l'utilisation durable des ressources (GEDDUDR).

6. Nous établissons les priorités suivantes pour les hauts fonctionnaires chargés des affaires de l'Arctique (HFCAA) et les programmes de la SPEA.

Pour les HFCAA : diriger le processus de la SPEA et fournir une intégration et une orientation en matière de politiques et de gestion aux programmes et au Secrétariat de la SPEA; effectuer une évaluation de la structure organisationnelle actuelle de la SPEA de façon à ce que ses programmes soient rentables et bien coordonnées; élaborer un cadre pour le partage des coûts et fournir les estimations nécessaires, y compris les contributions en nature, qui seront examinés à la prochaine Conférence ministérielle; et examiner la possibilité d'obtenir des fonds d'autres programmes internationaux et d'institutions financières internationales. Les HFCAA, avec l'aide des participants permanents, s'appliqueront également à revoir le mandat du GEDDUDR et à élaborer un plan de travail initial pour les activités du Conseil de l'Arctique relativement au développement durable, et feront ensuite rapport aux hauts fonctionnaires du Conseil de l'Arctique.

* * *

Pour le GEDDUDR : continuer à remplir son mandat actuel et à recevoir des directives particulières des HFCAA, en attendant la création imminente du Conseil de l'Arctique.

* * *

7. Nous notons avec satisfaction l'établissement du Secrétariat des peuples autochtones et l'appui qu'il a fourni aux Participants permanents de la SPEA, pour faciliter leur participation à l'égard de la Stratégie; nous notons également le succès du Colloque sur l'intégration des connaissances des peuples autochtones, tenu en Islande, ainsi que ses recommandations utiles; nous remercions les gouvernements du Danemark et de l'Islande d'avoir fait progresser cet important volet de la SPEA.

8. Nous reconnaissons et affirmons les droits de tous les peuples autochtones de l'Arctique qui doivent être représentés au sein de la SPEA. Nous reconnaissons la contribution des Participants permanents de la SPEA et incitons ces derniers et d'autres organismes des peuples autochtones à participer activement aux travaux de la SPEA. Nous insistons sur l'importance des peuples autochtones et de leurs connaissances pour la SPEA et ses programmes.

9. Nous affirmons la nécessité d'un énoncé précis de principes éthiques pour la recherche, la collecte des données et la communication de l'information; cet énoncé doit avoir l'appui de tous les pays, des peuples autochtones de l'Arctique et des autres habitants du Nord, ainsi que du milieu scientifique; nous notons les travaux amorcés par la SPEA et l'International Arctic Sciences Committee (IASC). Nous demandons instamment que ces travaux soient terminés de façon à être présentés à la prochaine réunion ministérielle.

10. Nous appuyons les efforts de la Fédération de Russie pour régler les problèmes environnementaux dans la région arctique russe, considérant la Déclaration de la Conférence ministérielle paneuropéenne, tenue à Sofia, en octobre 1995, dans laquelle on accorde une attention toute particulière aux sources de financement visant à réduire le niveau actuel de pollution et le risque de dégradation de l'environnement dans les pays du centre et de l'est de l'Europe.

11. Nous appuyons la poursuite des négociations et de la collaboration au sein des forums internationaux appropriés, afin de faciliter l'intégration de la SPEA aux activités locales, régionales, circumpolaires et mondiales de protection de l'environnement, comme : les travaux en cours sous les auspices du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) pour préparer les négociations concernant un mécanisme entraînant des obligations juridiques à l'échelle internationale visant à surveiller les émissions et les rejets de polluants organiques persistants (POP); les négociations du protocole sur les POP et les métaux lourds dans le cadre de la convention sur la pollution atmosphérique transfrontalière à longue distance de la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe; et le Programme international d'évaluation des mers de l'Arctique de l'Agence internationale de l'énergie atomique. Nous apprécions également la contribution des pays de la SPEA à l'avancement des nouvelles ententes internationales.

* * *

13. Nous acceptons de coopérer avec la Fédération de Russie dans la recherche de sources de financement pour mettre en oeuvre des programmes et des projets visant la conservation et la restauration des habitats traditionnels des peuples autochtones du nord de la Fédération de Russie.

14. Nous acceptons de veiller à mettre en oeuvre les priorités énumérées dans la présente déclaration et de prendre toutes les mesures nécessaires pour fournir à chaque pays et aux peuples autochtones les ressources nécessaires pour participer pleinement aux activités de la SPEA.

La quatrième et dernière réunion ministérielle de la SPEA aura lieu à Tromsø, en Norvège, en juin 1997.


Par conséquent :

Au-delà de la SPEA

Ceux d'entre nous qui ont examiné soigneusement les documents issus de la SPEA reconnaissent qu'elle a joué un rôle majeur pour faciliter notre compréhension des problèmes environnementaux dans l'Arctique. Mais la SPEA a surtout concentré son action sur l'examen des mesures déjà prises en matière de coopération internationale et sur l'évaluation de la gravité du problème. Le Conseil de l'Arctique devra donc maintenant se demander quelles mesures il doit prendre [15:13].

Robert Huebert

Au fil des ans, la SPEA, en tant que mécanisme, s'est attirée des critiques à un certain nombre d'égards. Pour les ONG environnementalistes, les principales lacunes de la SPEA tiennent au fait qu'elle ne crée pas d'obligation à ses membres, qu'elle aborde les problèmes à la pièce et qu'elle a mis du temps à s'attaquer aux problèmes mondiaux plus larges131. Pour d'autres, la SPEA a été sous-financée et trop rigide, les groupes de travail semblant devenir pratiquement indépendants une fois formés. Sanjay Chaturvedi en vient à la conclusion suivante :

Le processus de Rovaniemi a constitué sans contredit une étape concrète et pertinente de la protection de l'environnement dans l'Arctique. Étant donné les liens entre le développement économique et les pratiques de conservation ainsi que la nécessité de gérer de façon proactive (plutôt que réactive) l'exploitation de plus en plus diversifiée de l'environnement naturel de l'Arctique, on a toutefois besoin d'un régime global et plus contraignant pour les participants. En raison des caractères propres à l'Arctique, un tel régime doit reposer sur les principes du développement durable [. . .] Si on ne s'attaque qu'aux symptômes du développement non durable, en laissant plus ou moins de côté les causes fondamentales du problème, les pays de l'Arctique risquent de ne pas s'engager assez loin sur la voie du développement durable. Même si on se limite aux symptômes, les États de l'Arctique devront prendre des engagements politiques et financiers beaucoup plus précis qu'ils ne l'ont fait jusqu'ici132.

Même si les règles peu contraignantes de la SPEA n'étaient pas les meilleures, elles ont favorisé la coopération à une époque où les États de l'Arctique n'étaient pas disposés à signer des accords officiels. Un tel mécanisme ouvre souvent la voie à d'autres mécanismes plus contraignants. Néanmoins, les témoins et d'autres personnes rencontrées par les membres du Comité reconnaissent que les États de l'Arctique doivent aussi bien préserver l'essentiel des travaux de la SPEA que passer à une autre étape, grâce au Conseil de l'Arctique et à d'autres mécanismes, afin de s'attaquer aux graves problèmes environnementaux mis en lumière par la SPEA. Même si des mécanismes contraignants seraient manifestement préférables si on pouvait en négocier, le succès obtenu avec la SPEA montre que les États de l'Arctique ne devraient pas se limiter à coopérer dans les seuls domaines où des accords contraignants sont possibles.

Oran Young a également proposé aux membres du Comité deux démarches complémentaires pour étudier les vastes problèmes écologiques de l'Arctique. La première consiste à profiter du fait qu'un certain nombre d'accords mondiaux - par exemple la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 et la Convention internationale de 1973-1978 pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL) - englobent l'Arctique et pourraient être adaptés aux besoins particuliers de la région. Voici ce qu'il soutient : «À ce stade-ci, il conviendrait d'entreprendre un examen systématique des accords environnementaux mondiaux existants afin de repérer ceux qui contiennent des dispositions permettant l'ajout de mesures particulières adaptées aux besoins de régions données et déterminer lesquels conviendraient le mieux à l'Arctique133». Nigel Bankes, ex-président du Comité canadien des ressources arctiques et aujourd'hui professeur à l'Université de Calgary, a mentionné aux membres du Comité que le fait de tirer parti de tels accords obligerait les intéressés à se rendre responsables de les faire réussir. Le Canada devrait donc ratifier les accords existants, par exemple la Convention sur le droit de la mer.

Sarah Climenhaga, du Fonds mondial pour la nature, a reconnu qu'on devrait utiliser les accords existants pour renforcer la protection de l'environnement dans l'Arctique. Elle a déclaré aux membres du Comité que les États de l'Arctique devraient utiliser les données recueillies dans le cadre de la SPEA et «passer à l'action dans le cadre d'autres accords internationaux [27:13]». Comme nous le verrons au chapitre neuf, la même vaste stratégie qui consiste à utiliser à des fins nouvelles des mécanismes existants à incité le professeur Bankes à promouvoir, selon les termes de la Convention du patrimoine mondial de l'UNESCO, une désignation canado-américaine des aires de mise bas de la harde de caribous de la Porcupine, afin de leur assurer une protection internationale permanente et résoudre ainsi un problème bilatéral134.

La deuxième proposition d'Oran Young comporte l'adoption d'une stratégie «allégée» et la recherche de moyens pour modifier les comportements qui sont cause de problèmes environnementaux dans l'Arctique. Les évaluations des effets environnementaux fournissent le meilleur mécanisme qui permette d'y parvenir. Comme M. Young l'a déclaré au Comité :

On tente actuellement de voir si on peut s'entendre sur une série de lignes directrices relatives à l'évaluation environnementale dans l'Arctique, auxquelles souscriraient tous les membres du Conseil de l'Arctique. L'initiative est intéressante non seulement parce qu'elle porte sur les effets transfrontaliers ou cumulatifs, mais aussi parce qu'elle permet de partager l'expérience acquise quant aux méthodes d'évaluation qui semblent avoir mené à une meilleure protection de l'environnement ailleurs [40:19].
En s'efforçant d'établir une série de normes communes, les États de l'Arctique se trouveraient à protéger tout l'ensemble de la région ainsi que le territoire de chacun des États comme celui de la Russie. Les observateurs s'entendent pour dire que le nord de la Russie requiert à tout prix des normes environnementales rigoureuses, surtout lorsqu'on songe à l'intensification de l'extraction des ressources susceptibles de se produire dans un proche avenir. Comme Alf Håkon Hoel l'a déclaré aux membres du Comité à l'Université de Tromsø, ce que redoute l'Europe du Nord, c'est l'exploitation, pétrolière ou autre, menée à l'aide de capitaux américains et selon des normes russes de protection de l'environnement. Comme on l'a déjà mentionné, Stephen Cowper, directeur du Forum nordique et ex-gouverneur de l'Alaska, a lui aussi soutenu qu'il fallait établir des normes environnementales communes pour l'ensemble de la région. À Whitehorse, Nicholas Poushinsky avait soutenu devant les membres du Comité que les normes environnementales en vigueur dans l'Arctique devaient être harmonisées «à la hausse» afin d'empêcher les sociétés minières ou d'autres types de fuir vers des pays (comme la Russie) où les normes seraient moins élevées.

Dans la région de l'Arctique, les principales sources de pollution se limitent dans une large mesure à la région industrialisée de la presqu'île de Kola et de la mer Blanche. Comme on l'a souligné au chapitre quatre, M. Mikhailov, ministre russe de l'Énergie atomique, a déclaré, à Moscou, devant les membres du Comité que dans la région de Mourmansk la contamination par les métaux lourds et les produits chimiques représentait une menace plus grave et plus imminente que la contamination nucléaire. L'extraction du pétrole et du gaz a causé des torts importants dans le nord de la Russie où, selon certaines estimations, six millions d'hectares de pâturages fréquentés par les rennes ont été détruits dans la seule région de Yamal-Nenets au cours des deux dernières décennies. En 1994, le déversement de pétrole dans la république des Komis a été un avertissement de plus de l'ampleur du danger. Comme on l'a affirmé aux membres du Comité, au World Conservation and Monitoring Centre de Cambridge, c'est l'Internet qui a aidé rapidement les chercheurs à comprendre et à faire connaître la gravité de l'accident. George Newton et Garrett Brass, de l'Arctic Research Commission des États-Unis, ont convenu que le pétrole est un grave sujet de préoccupation en Russie. M. Newton a déclaré :

Au printemps dernier, au Sénat, le sénateur Murkowski nous a peint un tableau très sombre de l'infrastructure pétrolière en Russie. Les pipelines et le réseau de transport déversent du pétrole dans le sol à un rythme équivalant à un Exxon Valdez par jour. Par jour! La gravité de ce problème est incroyable. On a tendance à s'inquiéter de la radioactivité - et il le faut, - mais la contamination par le pétrole est bien plus préoccupante quand on y pense. [. . .] Le pétrole est le produit commercial susceptible de rapporter le plus de devises à la Russie. Malheureusement, ce pays n'a pas les moyens de l'acheminer jusqu'aux marchés à l'heure actuelle. C'est un vrai dilemme. Comment contrôler la situation pour que la Russie puisse survivre, prospérer, croître, se développer et se transformer en démocratie fondée sur l'entreprise privée, sans pour autant que ses efforts en ce sens n'entraînent des catastrophes dans le reste du monde? [62:10]
Comme Peter Williams, de l'Université Carleton, l'a fait valoir lors de réunions tenues par le Comité à l'Université Cambridge, ces problèmes entraîneront la valorisation du savoir-faire lié à la dépollution des sols, comme celui qui se développe à Carleton où on travaille en collaboration avec l'Institut Scott de recherche polaire et d'autres. Le Canada consacre une partie de son aide à la Russie au relèvement de ses normes environnementales. Ainsi, en 1996, l'ACDI a annoncé qu'elle aiderait à établir à Moscou un centre d'évaluation environnementale pour l'Arctique. Comme d'autres ressources seront exploitées dans l'Arctique russe, Garrett Brass a déclaré : «Ce qui paraît le plus prometteur, c'est sans doute que les arrangements futurs prendront principalement la forme d'opérations impliquant plusieurs partenaires. Les entreprises des pays développés qui participeront à ces opérations conjointes imposeront leurs normes environnementales [62:14].»

Même si l'exemple russe est le plus frappant, tous les États de l'Arctique ont besoin d'un régime rigoureux d'examen des effets environnementaux. Au cours des deux dernières années, on en a pris conscience au Canada, à l'occasion du projet controversé de BHP d'exploiter une mine de diamants dans les Territoires du Nord-Ouest. Comme Sarah Climenhaga l'a affirmé devant le Comité : «Le processus actuel d'évaluation environnementale ne suffit pas pour protéger efficacement le milieu particulièrement vulnérable de l'Arctique. Les propositions concernant le projet d'une mine de diamants au centre de l'Arctique illustrent bien ce point faible, puisqu'on l'étudie sans tenir compte de l'effet cumulatif des activités minières qui pourraient se multiplier dans les Territoires du Nord-Ouest au cours des prochaines années [27:12].» BHP, le CCRA et d'autres intervenants ont mis le Comité au courant du projet d'exploitation minière de BHP à Yellowknife. Comparaissant dans cette même ville, devant le Comité, Kevin O'Reilly, du CCRA, a souligné que le Canada a assujetti les évaluations environnementales dans le Nord à des normes strictes à la suite de l'enquête sur le pipeline de la vallée du Mackenzie (Commission Berger) tenue au milieu des années 1970. Après un débat mené au début des années 1990, l'actuelle Loi canadienne sur l'évaluation environnementale a été promulguée en janvier 1995.

Après de longues audiences publiques tenues dans le Nord, le groupe de quatre personnes chargé de l'évaluation environnementale de la mine de BHP a publié son rapport au milieu de 1996. La plupart des intéressés ont bien accueilli les accords socio-économiques et environnementaux grâce auxquels le projet de BHP pourra débuter. Toutefois, M. O'Reilly et d'autres demeurent critiques face au processus d'évaluation environnemental lui-même, soutenant qu'il s'est révélé «foncièrement déficient; qu'il n'a été ni rigoureux, ni exhaustif, ni équitable». M. O'Reilly a déclaré que le gouvernement avait décidé de donner un accord conditionnel au projet minier non pas en s'appuyant sur le «rapport superficiel et les recommandations trop générales» du comité chargé de l'évaluation environnementale, mais malgré lui135. En janvier 1997, le Fonds mondial pour la nature a annoncé que, à la suite de discussions, le gouvernement avait accepté de renforcer ses procédures d'évaluation environnementale, de manière à ce que tout projet visé par la loi tienne compte à l'avenir de l'impact sur toutes les zones protégées de partout au Canada de même que sur la possibilité de désigner un réseau de zones protégées dans la région naturelle où le projet est exécuté136.

Certains progrès ont déjà été réalisés dans l'élaboration de normes communes d'évaluation environnementale dans l'Arctique. Comme Garrett Brass l'a indiqué aux membres du Comité, le groupe de travail de la SPEA chargé de la protection de l'environnement marin arctique a préparé, pour l'exploitation pétrolière en mer, l'ébauche d'une série de lignes directrices d'application libre, qui tiennent compte des meilleures normes et technologies modernes. Il a expliqué : «Là encore, pour ne rien vous cacher, ces directives s'adressent principalement aux Russes de manière à ce qu'ils comprennent quelles sont les meilleures pratiques de l'Occident [62:15].» À l'occasion de la réunion ministérielle tenue à Nuuk en 1993, la Finlande a proposé la création d'un groupe d'experts sur l'évaluation des effets environnementaux. Toutefois, le Canada et les États-Unis étaient plutôt d'avis que les États de l'Arctique ratifient d'abord et en priorité la Convention d'ESPOO de 1991 sur l'évaluation des effets environnementaux de nature transfrontalière, même si, par définition, cette convention ne porte pas sur les activités qui se déroulent uniquement à l'intérieur des États. En dernier ressort, la question a été confiée au groupe de travail sur le développement et l'exploitation durables. La Finlande, qui a continué de faire oeuvre de pionnier dans le domaine, a produit des lignes directrices sur l'évaluation des effets environnementaux dans l'Arctique. Même si ces lignes directrices sont d'application libre et ne sont pas parfaites, elles peuvent très bien servir de base à d'autres travaux.

Par conséquent :

Maintenant que les États de l'Arctique en sont à l'étape postérieure à la SPEA, ils ont à leur disposition toute une série de données scientifiques solides et de plus en plus nombreuses, et ils peuvent compter, avec le Conseil de l'Arctique, sur un mécanisme nouveau et supérieur pour coordonner l'action régionale et porter à l'attention du monde les priorités de l'Arctique. Ces ressources seront immédiatement exploitées puisque les États sont forcés de faire face à des problèmes d'une ampleur tellement plus grande, comme le changement climatique, la réduction de la biodiversité, la pollution et les inquiétudes qui en découlent pour la santé.

Les effets du changement climatique sur l'Arctique

Même si on débattra de détails pendant encore plusieurs années, l'Arctique sera la région du monde touchée la première-et la plus durement touchée-par les changements climatiques planétaires. Comme Louise Comeau, du Sierra Club du Canada, l'a déclaré devant le Comité, tous les «objectifs louables» de la coopération circumpolaire risquent d'être compromis par les changements de climat [27:8]. Selon Fred Roots, si les détails des modèles climatiques diffèrent, tous ceux qui se prêtent à une analyse sérieuse indiquent que c'est dans les régions arctiques que l'effet du réchauffement de la planète se fera le plus durement sentir. Selon lui, une moyenne établie d'après les modèles les plus «prudents» révèlent que l'augmentation de la température dans l'Arctique est susceptible d'être de deux et demie à quatre fois plus élevée qu'aux latitudes plus basses137. Dans le Sud, une réalité qui est souvent négligée, c'est que l'Arctique ne sera pas simplement une victime passive du réchauffement de la planète, subissant une hausse des précipitations de neige, la disparition de la mer de glace, l'instabilité du pergélisol, et ainsi de suite, mais que les changements qu'il connaîtra se répercuteront sur le reste de la planète. En effet, le pergélisol de cette région contient de grandes quantités de carbone et de méthane gazeux. À mesure qu'il se dégèlera, il les libérera, ce qui accélérera encore davantage le réchauffement de la planète. La fonte des glaciers et des nappes glacières contribuera aussi à élever le niveau de la mer et à submerger les zones côtières.

D'après une étude étalée sur six ans, entreprise en 1990 par Environnement Canada, le changement climatique s'observe déjà au Canada, dans la région du bassin du Mackenzie qui englobe des parties du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest, ainsi que le nord de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et de la Saskatchewan. La température s'est réchauffée de 1,5 5C au cours du XXe siècle, et des signes démontrent à l'évidence que ce phénomène a abaissé le niveau des lacs et fait fondre le pergélisol. Kevin Jardine, du mouvement Greenpeace, a déclaré devant le Comité que même si les habitants des régions du Nord ne parlent pas souvent du «réchauffement de la planète», ils constatent déjà des changements climatiques marqués et se préoccupent de phénomènes comme la fréquence des sécheresses, la baisse du niveau des eaux et les incendies de forêt [27:18].

Manifestement, les mesures prises à l'échelle régionale par les États arctiques ne peuvent constituer qu'une protection partielle contre cette menace mondiale, mais la coordination régionale des mesures mises en application demeurera très importante étant donné que, pour reprendre les termes du Worldwatch Institute, les États-Unis et la Russie sont deux des huit «poids lourds environnementaux» («E-8») «qui prennent une part disproportionnée dans l'établissement des tendances mondiales en matière d'environnement138». Si la Russie fait face à de graves problèmes écologiques et autres, les États-Unis semblent maintenant, après un silence de plusieurs années, reprendre le rôle de leader environnemental qu'il jouait à la fin des années 1980. Comme l'a mentionné Louise Comeau devant le Comité, une politique circumpolaire concertée pourrait aider l'administration Clinton dans sa lutte avec le Congrès en ce qui concerne l'environnement. Pour reprendre ses termes : «Comme le savent les membres du Comité, l'administration américaine actuelle n'a pas bénéficié d'un large soutien de la part du Congrès sur les questions environnementales. L'appui du Conseil de l'Arctique devrait renforcer la position de l'administration américaine dans ses négociations concernant les changements climatiques [27:8]». Un soutien plus grand de la part du Congrès contribuerait aussi à améliorer la performance et la coopération des États-Unis au chapitre de l'environnement puisque, comme l'a déclaré devant le Comité Garrett Brass, de la US Arctic Research Commission, les restrictions budgétaires ont déjà affecté la contribution des États-Unis à la SPEA. Il a dit : «Déjà, le travail que nous avions accompli dans le cadre de la SPEA semblait à nos propres yeux plutôt inférieur, étant donné les restrictions budgétaires que nous subissons tous. Nous ne voulions pas faire encore pire au sein du Conseil si ses responsabilités étaient augmentées [62:13].»

En même temps, au dire de Louise Comeau, le Conseil de l'Arctique pourrait assumer un autre rôle important, soit celui de révéler au monde entier jusqu'à quel point l'Arctique est touché par les changements climatiques :

Par exemple, la Convention sur les changements climatiques prévoit un fonds pour l'environnement mondial. Si les communautés nordiques se trouvaient dans des pays en développement, elles pourraient faire appel à ce fonds pour financer leur adaptation aux changements climatiques [. . .] Les communautés du nord du Canada ne peuvent pas y faire appel bien qu'elles soient victimes de ces problèmes environnementaux au même titre que les pays des Antilles ou de l'Afrique, alors même qu'elles n'y sont pour rien [27:15].
À son point de vue, le Conseil de l'Arctique pourrait contribuer à sensibiliser davantage le Sud à l'ampleur de l'impact qu'il a sur le Nord et l'amener à accepter une certaine responsabilité.

Je souhaite que le Conseil de l'Arctique prenne la défense de cette région et y assure une présence politique, ce qui fait défaut actuellement. Il n'y a pas de représentants de l'Arctique ou des populations indigènes [. . .] qui exigent que le Sud assume ses responsabilités et qui exigent la conclusion de protocoles internationaux sur les polluants organiques persistants, le dioxyde de soufre et les émissions des gaz à effet de serre. Une présence politique est indispensable sur ce plan.
Donc, bien qu'il soit très important de s'occuper des problèmes qui se posent sur le plan local, contaminants et autres, à mon avis, le véritable rôle du Conseil de l'Arctique consiste à assurer une présence politique, à déterminer les problèmes de l'heure et à défendre les intérêts de la région de toutes les façons possibles. À mon avis, c'est ce qui fait actuellement défaut [27:15].
Nigel Bankes admet que les problèmes de l'Arctique devraient être plus directement mis en relation avec la situation mondiale : «Lorsqu'il négocie des traités mondiaux et multilatéraux, le Canada devrait accorder la préséance aux problèmes qui touchent l'Arctique [. . .] Les négociateurs canadiens et les membres de votre Comité devraient toujours se sentir incités à s'informer des répercussions que toute convention pourrait avoir sur l'Arctique139». De leur côté, les États de l'Arctique doivent comprendre qu'ils ont une part de responsabilité à l'égard des problèmes et des solutions qui touchent l'environnement mondial. Selon Kevin Jardine,

Le Conseil de l'Arctique a un rôle unique à jouer à cet égard, car il représente non seulement le Nord, mais aussi le Sud. Il ne faut pas oublier que les huit pays qui en font partie, que ce soit la Russie, les États-Unis, le Canada ou les divers pays de l'Union européenne, comptent parmi les principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre. Ce sont ces pays qui émettent des polluants organiques persistants, etc.
Si le mouvement Greenpeace est si intéressé par le Conseil de l'Arctique, c'est qu'il ne s'agit pas seulement d'une organisation représentant les intérêts d'une région durement touchée par les dommages causés à l'environnement mondial, mais d'une organisation composée des pays qui sont eux-mêmes les principaux responsables du problème [27:19].
Même si une stratégie concertée face aux changements climatiques et à d'autres problèmes est celle qui obtiendra les meilleurs résultats, les États de l'Arctique doivent commencer par élaborer leur position à l'échelle nationale. S'adressant aux membres du Comité, Louise Comeau a rappelé que le gouvernement canadien avait créé un groupe consultatif non gouvernemental de personnes intéressées afin de faciliter l'élaboration de la position qu'il entend adopter dans les négociations sur les changements climatiques. Ce groupe, sous la présidence des ministères de l'Environnement et des Affaires étrangères, dirigera la délégation canadienne lors des négociations climatiques internationales. Compte tenu de l'importance de la question pour le Nord, Louise Comeau a toutefois recommandé l'inclusion d'un représentant du Nord au sein du groupe consultatif, représentant qui pourrait provenir du MAINC, de la Commission canadienne des affaires polaires ou du bureau de l'ambassadrice aux affaires circumpolaires. Par conséquent :

Polluants transportés sur de grandes distances et préoccupations pour la santé

Comme nous l'avons vu, la pollution d'orignie arctique provient surtout du nord de la Russie. On a longtemps pensé que le reste de l'Arctique était protégé contre les polluants à cause de son éloignement des centres d'activité humaine. Toutefois, au cours des deux dernières décennies, les scientifiques ont réalisé que l'Arctique constitue une sorte de «cuvette» pour les polluants transportés principalement par air mais aussi par eau depuis les latitudes moyennes jusque dans l'Arctique. Le brouillard brun connu sous le nom de «brume arctique» est une manifestation évidente de cette pollution. Oran Young la décrit comme une «soupe saisonnière de polluants provenant des latitudes moyennes [qui] rivalise avec la pollution atmosphérique que connaissent Los Angeles ou Mexico pendant les périodes de pointe».

La catastrophe de Tchernobyl, en 1986, a montré comment ce que M. Roots a appelé une «quantité relativement faible» de radioactivité a pu se frayer un chemin jusque dans l'Arctique. Les représentants saamis de la Norvège ont parlé aux membres du Comité des effets qu'avaient encore les retombées de Tchernobyl sur leurs troupeaux de rennes. La région de l'Arctique a vu sa couche d'ozone subir un amincissement (quoique moins marqué que dans l'Antarctique), et la réduction de la production de CFC établie dans le Protocole de Montréal a été particulièrement bien accueillie. Il se peut, cependant, que les peuples de l'Arctique soient toujours menacés par l'accroissement de l'intensité du rayonnement ultraviolet dans le Nord, attribuable à sa réflexion par la neige ou la glace.

Parmi les polluants provenant des sources les plus lointaines qu'on retrouve dans l'Arctique, notons des substances chimiques comme le DDT, les BPC et le toxaphène, ainsi que des métaux lourds comme le mercure. Même si bon nombre de ces substances ont été bannies des États du Nord depuis des années, elles sont toujours utilisées dans l'hémisphère sud et peuvent provenir de pays aussi éloignés que l'Inde, la Chine ou le Guatemala. Ces polluants peuvent en fait être présents en plus faible quantité dans le Nord que dans le Sud, mais ce sont des substances chimiques très persistantes qui s'accumulent dans les tissus adipeux; comme les habitants du Nord mangent plus d'«aliments traditionnels» gras que les habitants du Sud, il se peut que leur santé en soit beaucoup plus menacée. Par exemple, c'est dans le lait maternel des femmes de l'Arctique canadien, qui consomment de grandes quantités de poisson et de viandes sauvages, qu'on a retrouvé les concentrations les plus élevées de BPC. Un membre du Comité a raconté aux témoins qu'elle avait été «presque abasourdie à Baie Resolute, de voir, lors d'une remise de diplômes, les mamans donner le biberon à leurs bébés. J'en étais profondément étonnée. On nous a expliqué que le lait maternel était fortement contaminé par les polluants chimiques, le mercure et quelque autre minéral [27:13-14]».

Comme nous l'avons déjà mentionné, tous les États de l'Arctique et un certain nombre de nations européennes ont déjà signé la Convention sur le transport à longue distance des polluants atmosphériques de la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe. Cette convention engage les parties contractantes à respecter les principes et objectifs généraux et prévoit un cadre de coordination des mesures anti-pollution ainsi que des normes communes sur les émissions. Cependant, seulement deux protocoles sont en vigueur, l'un pour les oxydes d'azote et l'autre pour le soufre. Deux autres ont été préparés, mais ne sont pas encore en vigueur, et trois autres sont à l'étude. En ce qui concerne l'Arctique, le plus important d'entre eux a trait aux polluants organiques persistants (POP), et il semble maintenant probable qu'un protocole à cet égard sera négocié en vertu de la Convention ci-haut mentionnée d'ici la fin de 1997. La Convention sert également de cadre pour la négociation d'un protocole sur les métaux lourds, mais qui prendra plus de temps. Même si on se réjouit des négociations menées dans le cadre du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) en vue d'un protocole mondial sur les POP qui soit juridiquement contraignant, il faudra un certain temps avant qu'elles aboutissent. Au cours d'une réunion à Inuvik en mars 1996, les ministres responsables de la SPEA s'étaient entendus pour «amener les pays qui ne sont pas membres des Nations Unies ni de la CEE à participer à la réduction de la pollution mondiale»; les États de l'Arctique ne peuvent se permettre d'attendre qu'un instrument juridiquement contraignant sur les POP soit négocié à l'échelle internationale.

Par conséquent :

À l'échelle nationale, les scientifiques canadiens ont commencé à réaliser en 1980 que d'importantes concentrations de polluants pénétraient l'écosystème arctique. Ils se sont alors sérieusement attaqué au problème en établissant un comité technique interorganismes en 1985. En 1989, ce comité a été élargi afin d'inclure des groupes autochtones et est maintenant connu comme le Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord. Il offre des services consultatifs aux hatitants du Nord à propos des incidences sur la santé des aliments récoltés selon les méthodes traditionnelles, tout en exigeant la réduction des émissions à l'échelle internationale140.

En 1991, dans le cadre de son Plan vert, le gouvernement canadien a lancé une stratégie de six années pour l'environnement arctique (SEA) qu'il a chargée de se pencher sur quatre questions : l'intégration de l'environnement et de l'économie, la réduction des déchets, l'assainissement de l'eau et la réduction des contaminants. Si d'importants progrès ont été réalisés dans chacun de ces secteurs (dont le nettoyage des anciennes bases militaires décrit au chapitre quatre), le Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord (25 millions de dollars) a connu un succès particulier, en procurant au Canada la série de données la plus complète du monde sur les contaminants dans l'Arctique, données qu'il a partagées avec d'autres États dans le cadre de la SPEA. Puisque la SEA avait reçu à l'origine des crédits pour une période de six ans, elle devrait se terminer au printemps de 1997; toutefois, le gouvernement a annoncé qu'il continuerait à financer au moins les éléments de la Stratégie qui concernent les contaminants, lesquels représentent actuellement des coûts de quelque 5 à 6 millions de dollars par année. En 1996, le MAINC a publié un document intitulé La Stratégie pour l'environnement arctique : cinq années de progrès. On publiera en avril 1997 un rapport d'évaluation plus complet des contaminants dans l'Arctique canadien. Ce rapport résumera le travail effectué dans le cadre de la SEA et suggérera d'autres secteurs prioritaires. Quoiqu'il portera avant tout sur les problèmes de contamination et de santé dans le Nord canadien, il traitera également de la situation de la région circumpolaire.

Lors de son témoignage devant le Comité en février 1997, Whit Fraser, président de la Commission canadienne des affaires polaires, a soutenu énergiquement qu'il ne suffirait pas de refinancer l'actuel Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord. Selon les recommandations formulées lors de la conférence Pour les générations à venir, organisée par la Commission en octobre 1996, il faut établir un nouveau programme national (incluant le nord du Québec, le Labrador et les régions septentrionales de certaines provinces) qui portera plus spécifiquement sur les liens entre la santé humaine et les contaminants. La Commission a également proposé la création d'un petit comité formé de spécialistes de premier ordre qui seraient chargés d'examiner ces questions de plus près et de conseiller le gouvernement sur les priorités futures.

La présence de contaminants dans les aliments cause un grand problème de santé dans le Nord, et le Comité en a entendu parler dans toutes les régions de l'Arctique canadien. Il y a pourtant un dilemme : même si des études majeures révèlent les effets des contaminants sur les animaux, on ne dispose pas encore de suffisamment d'information sur les effets d'une longue exposition des êtres humains à ces contaminants. Il peut sembler logique de conseiller aux habitants du Nord de limiter leur consommation d'aliments traditionnels, mais la décision n'est pas facile à prendre si le choix qu'on leur laisse est de consommer des aliments ultra-transformés qui les exposent à des maladies comme le diabète. Des questions de ce genre ont été abordées par le Centre for Nutrition and Environment of Indigenous Peoples (CINE) de l'Université McGill, dont le conseil d'administration est formé de représentants de six organisations autochtones et qui est financé par la SEA depuis 1992. Même après six années de travail, les auteurs d'une version préliminaire du rapport d'évaluation des contaminants dans l'Arctique canadien concluaient qu'«à l'heure actuelle, les risques connus n'ont pas été suffisamment quantifiés pour recommander ou justifier une modification de l'alimentation des habitants, en particulier des Autochtones, des régions nordiques. Il faudra procéder à d'autres études pour évaluer ces risques141».

Selon John Fraser, ambassadeur canadien à l'environnement et au développement durable et coprésident, avec Mary Simon, de la conférence Pour les générations à venir, «le sentiment d'incertitude que ressentent bien des habitants du Nord face aux contaminants présents dans leur environnement, et leurs préoccupations quant à la façon dont ont été réalisées les recherches antérieures sont clairement apparues». Cette incertitude est en grande partie attribuable au fait que les scientifiques n'ont pas pour habitude de se préoccuper de savoir comment communiquer les conclusions souvent techniques de leurs recherches aux habitants autochtones du Nord et aux autres intervenants. Le Comité s'est réuni à Kuujjuaq avec les membres du Conseil de la santé et des services sociaux de Nunavik, dont plusieurs - Jean Dupuis, également président du Conseil de développement régional Kativik, et Minnie Grey, directrice de l'hôpital local et ancienne membre du conseil de direction de la CCI - revenaient tout juste du dixième congrès de l'Union pour la santé des populations circumpolaires tenu à Anchorage, en Alaska. Ils étaient encouragés de ce que les scientifiques et les chercheurs médicaux mettent dorénavant l'accent sur les questions qui préoccupent les peuples autochtones et qu'ils cherchent à les consulter, même si la plupart des fonds vont encore aux institutions du Sud. Selon Mme Grey, «les gens sur qui portent les recherches [devraient] être appelés à participer davantage». Les organismes régionaux comme ceux qui existent dans le Nunavik pourraient participer à l'évaluation et au contrôle des propositions de recherche et oeuvrer à l'application des résultats au niveau local. Par exemple, en ce qui concerne le grave problème de la pollution, il faut utiliser les résultats de la recherche scientifique, les communiquer aux gens d'une façon qu'ils les comprennent et ensuite agir en conséquence, au lieu de se contenter de faire peur aux gens en leur disant que les aliments traditionnels sont contaminés : «Ce qui manque, ce sont des connaissances pratiques et des conseils sur les réponses appropriées à donner.» Gary Pekeles, du projet Baffin de l'Université McGill et l'un des vice-présidents de l'Union pour la santé des populations circumpolaires, a signalé aux membres du Comité, lors d'une table ronde à Montréal, que des progrès avaient été enregistrés récemment et que des chercheurs dans le domaine de la santé ont appris à travailler en collaboration avec les communautés autochtones; cette ouverture fera en sorte que les habitants locaux assumeront une responsabilité plus grande dans la prestation de leurs propres services de santé.

Comme l'a conclu John Fraser,

Les mesures à prendre pour réduire l'impact de [. . .] ces polluants sur les habitants du Nord vont au-delà de la salubrité de l'environnement et de la santé humaine. Elles sont du ressort de la morale. La préservation des cultures autochtones de l'Arctique est en grande partie tributaire de la conservation des ressources traditionnelles en nourriture elles-mêmes partie intégrante de ces cultures. Ces peuples veulent conserver leurs traditions. Ils méritent d'avoir voix au chapitre dans le processus d'établissement des priorités mondiales en matière d'environnement142.
Par conséquent :

Biodiversité et gestion de la faune

On trouve dans l'Arctique des centaines d'espèces et d'habitats uniques qui sont menacés par tous les problèmes susmentionnés, qu'il s'agisse des changements climatiques mondiaux, de la pollution ou de l'accroissement de l'activité humaine. La conservation de certaines espèces, comme l'ours polaire, joue un rôle capital dans la culture des peuples de l'Arctique. Le défi déborde le seul cadre de la région toutefois. Comme le fait observer un rapport récemment rédigé par un expert canadien, «c'est cependant à cause des oiseaux que l'importance de l'Arctique revêt une importance spectaculaire pour le reste du monde. On estime en effet que 15 p. 100 des espèces mondiales se reproduisent dans l'Arctique143». En raison d'activités comme celles que nous avons déjà décrites, des habitats ont été altérés et détruits, et certaines espèces arctiques ont été exterminées. Comme le souligne Chaturvedi : «En Alaska, l'exploitation pétrolière massive à Baie Prudhoe a détruit des milliers d'acres d'habitats sauvages et laissé des centaines de puits à ciel ouvert contenant des millions de gallons de rebuts de l'industrie pétrolière144». Selon le Fonds mondial pour la nature, au moins 35 espèces sont menacées dans l'Arctique canadien seulement145. Même si, selon certains ONG environnementaux, la Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada qu'on propose devrait être renforcée, ses dispositions donneraient au gouvernement fédéral la responsabilité de la protection des espèces et de l'aménagement de leur habitat sur l'ensemble des terres publiques, ce qui comprend tant le Yukon que les Territoires du Nord-Ouest.

À l'échelle internationale, la Convention de 1992 sur la diversité biologique fournit un cadre pour des programmes régionaux et nationaux de conservation et d'utilisation durable de la biodiversité. Comme le souligne Chaturvedi, «la Convention repose sur une approche écosystémique et revêt par conséquent une importance capitale pour l'Arctique.» Parmi les autres conventions internationales pertinentes, mentionnons la Convention de 1973 sur le commerce international des espèces menacées d'extinction de la faune et de la flore sauvages et la Convention de 1979 sur la conservation des espèces migratrices de la faune sauvage.

Au fil des ans, les États de l'Arctique ont aussi adopté leurs propres régimes de gestion. La convention qui a succédé à l'un des plus anciens exemples de coopération multilatérale pour protéger l'environnement arctique, la Convention de 1911 sur la préservation et la protection des phoques à fourrure, a pris fin en 1984 quand les États-Unis ont refusé d'en permettre la prolongation. L'exemple le plus fructueux de coopération est probablement la Convention de 1973 sur la conservation de l'ours polaire à laquelle ont adhéré cinq nations. C'est là le seul accord de conservation juridiquement contraignant dans l'Arctique et, comme Milton Freeman, de l'Institut circumpolaire canadien de l'Université de l'Alberta, l'a souligné au Comité, «en vertu de ce traité, «le Canada a pris des mesures très différentes (quoique parfaitement compatibles avec les objectifs du traité) de celles prises par les États-Unis, la Russie et la Norvège. Malgré la grande diversité de mesures permises, les objectifs du traité ont été entièrement atteints [. . .]» [Mémoire du 3 juin 1996, p. 5].

Parmi les autres exemples d'accords internationaux, mentionnons ceux qui ont été établis spécifiquement pour les caribous et les baleines. En 1987, après dix ans de négociations, le Canada et les États-Unis ont signé l'Accord sur la conservation de la harde de caribous de la Porcupine, même si, comme le souligne Chaturvedi, «l'accord ne représente qu'une promesse officielle de collaboration entre les deux parties plutôt qu'une entente sur la gestion des ressources146». En Scandinavie, après des années d'insatisfaction envers la Commission baleinière internationale, l'Islande, le Groenland, la Norvège et les îles Féroé ont créé en 1992 la North Atlantic Marine Mammal Commission (NAMMCO) afin de fournir une solution de rechange aux États qui s'intéressent à la gestion, à l'utilisation et à la conservation des baleines et autres mammifères marins. Le Comité a appris à Oslo que les scientifiques canadiens participent déjà aux travaux de la NAMMCO, et si le Canada et la Russie agissent actuellement en qualité d'observateurs, ils ont été invités à en devenir membres à part entière.

La SPEA s'est aussi penchée sur la biodiversité dans l'Arctique grâce au groupe de travail sur la conservation de la flore et de la faune arctiques (CAFF), groupe fondé, selon Robert Huebert, à la suggestion du Canada. Des progrès importants ont été réalisés au chapitre des zones protégées (parcs nationaux ou réserves) dans l'Arctique, ce qui contribue énormément à protéger les espèces et leurs habitats. Environ 14 p. 100 du territoire arctique était déjà protégé en 1994, et le CAFF a notamment travaillé à l'établissement d'une stratégie et d'un plan d'action en vue d'établir un réseau de zones circumpolaires protégées dont il entend accélérer l'adoption. Chaque État arctique devait avoir soumis, au plus tard en février 1997, un résumé des mesures qu'il entendait mettre en oeuvre pour créer ce réseau; le CAFF prévoit présenter un rapport d'étape à la réunion ministérielle de la SPEA qui doit avoir lieu en juin 1997, à Tromsø. En juin 1996, le Canada a officiellement créé le parc national Tuktut Nogait, le cinquième en importance, dans la région de l'Arctique occidental, peuplée par les Inuvialuit. Ce parc est particulièrement important parce qu'on y retrouve les aires de mise bas de la harde de caribous Bluenose. En octobre, le gouvernement a annoncé qu'il réservait les terres nécessaires à l'établissement de deux autres parcs nationaux dans le Nord, l'un à Wager Bay, sur la côte ouest de la baie d'Hudson, et l'autre dans le nord de l'île Bathurst, près du pôle Nord magnétique. En janvier 1997, on a annoncé que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et le gouvernement canadien établiraient conjointement d'ici 1998 une stratégie portant sur les zones protégées de l'ensemble des Territoires du Nord-Ouest, stratégie qui serait appliquée au plus tard en l'an 2000.

L'intégration des connaissances scientifiques occidentales (comme celles que le Canada a recensées grâce à la SEA) et des connaissances écologiques traditionnelles des Autochtones a toujours constitué une caractéristique fondamentale de la SPEA. Le travail effectué par le CAFF sur les connaissances autochtones et la conservation en est un exemple : on y trouve un examen des systèmes de cogestion, des projets de recension cartographique des bélugas et un répertoire de données sur les connaissances autochtones traditionnelles. La cogestion, qu'Oran Young qualifie d'«innovation institutionnelle», constitue un élément très important de la protection des habitats et de la faune dans le Nord, et le Comité a pu le constater à plusieurs endroits de l'Arctique canadien. Selon Young,

Bien qu'il existe de nombreuses variantes possibles, toutes les formes de cogestion misent sur une formule de gestion des ressources qui suppose la prise conjointe de décision et leur mise en oeuvre par les utilisateurs locaux dont les activités sont en jeu, et par les représentants des agences des gouvernements régionaux ou nationaux investis du pouvoir de réglementation concernant la gestion des ressources en question. Utilisée à bon escient, la cogestion permet d'intégrer les connaissances écologiques traditionnelles à la gestion des ressources et confère aux utilisateurs un sentiment d'appartenance qui atténue le refus de respecter les règles établies147.
Le Canada est le chef de file mondial dans le domaine des régimes de cogestion des ressources. À Calgary, Michael Robinson, de l'Institut de l'Arctique de l'Amérique du Nord, a expliqué aux membres du Comité que l'institut était alors engagé dans un projet conjoint de cartographie avec les Saamis de la presqu'île de Kola, en Russie. Les connaissances écologiques traditionnelles améliorent la gestion des ressources vivantes, et incitent énormément les Canadiens autochtones du Nord et d'ailleurs à protéger leur culture et leur avenir. Comme le précisait la Commission royale sur les peuples autochtones en novembre 1996,

Pour les Autochtones, la gérance de l'environnement est plus qu'une question de politique, c'est une question de survie, tant sur le plan culturel que sur le plan économique. Les effets à long terme de la pollution planétaire sur les habitants de toute la région circumpolaire représentent un défi pour les États-nations touchés, de même que pour les collectivités et les peuples qui vivent à l'intérieur de leurs frontières. Des efforts multilatéraux concertés seront requis. Les régimes de gestion environnementale présentent un type de défi différent et la promesse - qui commence tout juste à se réaliser - de la mise sur pied de systèmes efficaces faisant le meilleur usage possible des connaissances et des habiletés des Autochtones et de la science non autochtone148.
Parmi les meilleurs exemples de régimes de cogestion dans le Nord canadien, mentionnons le Conseil de gestion de la harde de caribous de la Porcupine; son président, Joe Tetlichi, s'en est entretenu avec le Comité, à Whitehorse. Autre exemple est l'Alaska and Inuvialuit Beluga Whale Commission, créée en 1988. À la lumière de cette expérience, la Commission royale sur les peuples autochtones a recommandé ce qui suit dans le cadre d'un examen de la gérance de l'environnement dans le Nord :

4.6.8 Que le gouvernement du Canada reconnaisse la contribution des savoirs traditionnels autochtones en matière de gérance de l'environnement, et favorise leur enrichissement.
4.6.9 Que le gouvernement du Canada prenne des dispositions en vue de la participation des gouvernements et des organisations autochtones aux accords internationaux qui seront signés à l'avenir concernant la gérance de l'environnement.
4.6.10 Que le ministère fédéral de la Santé continue de surveiller de près la contamination des aliments du terroir par les polluants atmosphériques et autres, et qu'en raison de l'importance de ces aliments pour la population du Nord, il communique rapidement et efficacement les résultats de ces travaux aux utilisateurs de ces ressources renouvelables.
4.6.11 Que tous les gouvernements du Canada appuient la mise sur pied de régimes de cogestion suivant le modèle de ceux qui sont déjà établis dans le Nord149.
Le Comité est d'accord avec ces recommandations. Par conséquent,

La coopération environnementale dans l'Arctique et l'avenir

Depuis 1991, les États de l'Arctique ont collaboré afin de comprendre les problèmes qui menacent le milieu arctique. Dépassant le stade de la simple collecte de données, ils ont réussi à mettre le problème des polluants organiques persistants au coeur des préoccupations mondiales. C'est là une bonne illustration du genre de concertation qu'ils doivent mettre en pratique pour régler d'autres problèmes environnementaux qui touchent leur région et le reste du monde. Le Comité admet volontiers que le travail scientifique entrepris dans le cadre de la SPEA doit se poursuivre dans le cadre du Conseil de l'Arctique, mais celui-ci ne doit pas se contenter de préserver les acquis de la SPEA s'il veut réussir.

En sa qualité de premier président du Conseil de l'Arctique, le Canada doit avoir une vision claire de l'ampleur de la coopération environnementale qu'il souhaite obtenir dans l'Arctique au tournant du siècle. Dans ce domaine, les enjeux ne sont pas d'abord scientifiques puisqu'ils dépendent de la volonté politique. Le Canadien Paul Samson conclut ainsi sa récente étude sur la coopération environnementale internationale dans l'Arctique : «Il est probable que la politique, plutôt que la science, continuera à établir les priorités environnementales dans l'Arctique150». Le Conseil de l'Arctique pourrait faire que la coopération environnementale circumpolaire atteigne de nouveaux sommets, en renforçant et en élargissant les activités actuelles de protection de l'environnement et en accomplissant des progrès sensibles dans des dossiers plus vastes, comme celui du développement durable. S'il est vrai qu'un vaste régime international de protection de l'environnement arctique qui serait juridiquement contraignant est loin d'être pour demain, on peut encore prendre des mesures fermes quand c'est possible ou bien, à défaut, des mesures plus souples. Forts de l'expérience acquise dans le cas de la couche d'ozone, les États de l'Arctique doivent agir plus vite pour régler les problèmes environnementaux avant qu'ils ne prennent des proportions critiques.

Plus d'un quart de siècle après la Conférence de Stockholm, le Conseil de l'Arctique doit se fonder sur les travaux de la SPEA menés sous la direction des ministres de l'environnement, et commencer à intégrer les mesures mondiales, régionales et nationales en matière de protection de l'environnement arctique et de développement durable dans les politiques étrangères courantes de tous les pays circumpolaires. Que le Canada, en tant que premier pays à assurer la présidence du Conseil, puisse ou non donner l'exemple à cet égard, pourrait bien être l'ultime épreuve qui donnera la mesure de sa volonté et de son action. Avec, comme enjeu, un patrimoine naturel sans prix, le moins que puissent faire les pouvoirs publics pour les générations futures, c'est de déployer tous leurs efforts pour que la coopération circumpolaire en matière d'environnement connaisse les meilleurs résultats possible, dans les circonstances actuelles.


119
Oran Young, Le Conseil de l'Arctique : Marquer l'avènement d'une nouvelle ère dans le domaine des relations internationales (1996), p. 71.

120
Fred Roots, Environmental Issues in the Arctic - That Are Important to Policies and International Relations, mémoire soumis au Comité le 23 avril 1996.

121
Peter Prokosch «Arctic Council Established - What's Next?», WWF Arctic Bulletin, no 4, 1996, p. 3.

122
Inuit Circumpolar Conference, Agenda 21 From an Inuit Perspective, 1996.

123
Hilary F. French, «Learning From the Ozone Experience», State of the World 1997, Worldwatch Institute, Washington D.C., 1997, p. 154-155.

124
Christopher Flavin, «The Legacy of Rio», dans State of the World 1997, p. 11.

125
Frank Wania de l'Institut norvégien de recherche sur l'atmosphère, cité par Andrew Nilsiforuk, «Arctic Pollution : Poisons for a Pristine Land», Globe and Mail (Toronto), le 20 juillet 1996, p. D8. Pour un relevé utile, voir de Hajo Versteeg, «Environmental Contaminants in the Arctic», document thématique préparé pour la Deuxième Conférence des parlementaires de la région arctique, Yellowknife, mars 1996.

126
David Scrivener, Environmental Cooperation in the Arctic (1996), Library no 1, 1996, Oslo, p. 6.

127
Robert Huebert, «The Canadian Arctic and the Development of an International Environmental Regime», document de travail préparé dans le cadre de la réunion de 1995 de l'Association canadienne de science politique, Montréal, juin 1995, p. 12.

128
Interview avec Mary Simon, ambassadrice aux affaires circumpolaires, «Ensure that Environmental Protection in the Arctic is Secured», WWF Arctic Bulletin, n5 1, 1996, p. 8.

129
Robert Huebert, «The Canadian Arctic and the Development of an International Environmental Regime» (1995), p. 15.

130
«La Stratégie de protection de l'environnement arctique», Priorités mondiales, vol. 3, n5 3, Ottawa, décembre 1995, p. 6.

131
Paul Samson, Thin Ice: International Environmental Cooperation in the Arctic, Pacific Press, Wellington, Nouvelle-Zélande, 1997, p. 69-70.

132
Sanjay Chaturvedi, The Polar Regions, A Political Geography (1996), p. 245-246.

133
Oran Young, Le Conseil de l'Arctique : Marquer l'avènement d'une nouvelle ère dans le domaine des relations internationales (1996), p. 79.

134
Nigel Bankes, Notes pour des observations présentées au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes, le 31 mai 1996.

135
Kevin O'Reilly, «Diamond Mining and the Demise of Environmental Assessment in the North», Northern Perspectives, Comité canadien des ressources arctiques, automne-hiver 1996.

136
Canada Withdraws Court Action on BHP Diamond Mine, communiqué du Fonds mondial pour la nature, le 13 janvier 1997.

137
Fred Roots, Environmental Issues in the Arctic (1996).

138
Christopher Flavin, «The Legacy of Rio» (1997), p. 6.

139
Nigel Bankes, Notes pour des observations présentées au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes, le 31 mai 1996.

140
Robert Huebert, «The Canadian Arctic and the Development of an International Environmental Regime» (1995), p. 13-15.

141
Canadian Arctic Assessment Report, chap. 6, «Conclusions and Knowledge Gaps For Future Directions», version préliminaire, décembre 1996, p. 24.

142
L'honorable John Fraser, «À la recherche de solutions dans le Nord», Priorités mondiales, vol. 4, n5 3, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, décembre 1996.

143
Jay R. Malcolm, The Demise of an Ecosystem: Arctic Wildlife in a Changing Climate, World Wildlife Fund Climate Change Campaign, novembre 1996, p. 1.

144
Sanjay Chaturvedi, The Polar Regions (1996), p. 243.

145
WWF's Species At Risk: Focus on Arctic Canada, printemps 1996.

146
Sanjay Chaturvedi, The Polar Regions (1996), p. 250.

147
Oran Young, Le Conseil de l'Arctique : Marquer l'avènement d'une nouvelle ère dans le domaine des relations internationales (1996), p. 38.

148
Commission royale sur les peuples autochtones, Approvisionnements et Services Canada, Ottawa, 1996, Volume 4 : Perspectives et réalités, p. 518-519.

149
Ibid., p. 519.

150
Paul Samson, Thin Ice: International Environmental Cooperation in the Arctic (1997), p. 70.


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