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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 25 avril 1996

.1205

[Traduction]

La présidente: La séance est ouverte.

Notre premier témoin, qui peut aussi se considérer comme notre invité, est Eric Spears.

Monsieur Spears, comme vous avez déjà témoigné devant le comité, vous connaissez la routine. Si vous le voulez, vous pouvez résumer votre mémoire. Si vous préférez simplement répondre aux questions...

M. Eric Spears (à titre personnel): Je préfèrerais lire mon mémoire.

La présidente: Très bien.

Quand vous aurez terminé, nous vous poserons des questions pendant le temps qui restera.

Allez-y.

M. Spears: Je tiens tout d'abord à remercier le comité de m'avoir invité à témoigner.

Je suis le frère de Reta Jarvis, qui m'a demandé de bien vouloir vous présenter ses excuses. Elle se trouve actuellement à l'étranger, ce qui lui a été vivement recommandé par ses médecins pour son bien-être psychologique. Elle avait établi ses projets de voyage bien avant que nous ne prenions connaissance de votre passage à Halifax aujourd'hui. Elle espère cependant pouvoir s'adresser personnellement à votre comité, que ce soit à Ottawa ou ailleurs, et je vous implore de lui en donner la possibilité.

Si vous ne connaissez pas l'histoire de Reta, je vais vous relater brièvement les événements qui se sont produits le 8 janvier 1994 dans le petit village de pêcheurs de Whitehead, en Nouvelle-Écosse, où elle habitait avec son mari, John.

Ce soir-là, par une tempête hivernale, un petit garçon de 13 ans est sorti de chez lui, est entré dans un hangar, a chargé trois cartouches dans un fusil à pompe, a emprunté un petit chemin de campagne, a traversé la route et s'est rendu à travers bois jusqu'à la maison des Jarvis. Après avoir sonné à la porte, il s'est caché dans les buissons. Quand John Jarvis a ouvert la porte, le garçon lui a tiré une cartouche en plein visage, le tuant sur le coup.

Reta se trouvait dans sa chambre, où elle téléphonait à sa mère, et elle est descendue à la porte de la maison pour voir ce qui venait de se passer. Le garçon a alors tiré sa deuxième cartouche, l'atteignant à la gauche du visage et la faisant s'écraser sur la porte du sous-sol. Certain d'avoir tué le couple, le garçon est rentré chez lui. Il allait dire plus tard qu'il était déçu que Reta Jarvis ait survécu car il aurait pu l'achever avec sa dernière cartouche.

Quoi qu'il en soit, il est rentré chez lui, a nettoyé son fusil et l'a rangé avant d'aller se coucher. Il a tellement bien dormi que son père a dû le secouer le lendemain matin pour le réveiller en lui apprenant qu'il y avait eu un meurtre. C'est un miracle que Reta Jarvis ait survécu. Elle m'a raconté plus tard qu'elle s'était souvenue d'avoir regardé son épaule gauche et d'avoir vu pendre son oreille, accrochée par un lambeau de chair.

Comme la tempête était violente, la GRC a dû demander à deux camions de salage des routes d'aider l'ambulance à transporter les victimes à l'hôpital, ce qui a pris des heures de plus que normalement.

Le psychiatre qui a examiné le tueur avant son procès a dit qu'il s'agissait d'un enfant remarquablement normal, sauf dans la mesure où il ne témoignait d'aucun remords pour son crime. C'était un enfant apparemment issu d'un foyer caractérisé par la pauvreté et la violence familiale. Il avait un problème de boisson et il chiquait toujours du tabac, habitude qu'il avait acquise à l'âge de 6 ans. Il allait dire plus tard qu'il n'y avait aucun problème entre sa famille et les Jarvis. Quant à savoir pourquoi il avait commis son crime, voici son commentaire: «C'est juste arrivé comme ça. J'étais en colère.»

Si l'enfant ne sait pas pourquoi il a commis son acte, ce qui l'a poussé à le faire, à qui pouvons-nous le demander? Hélas, les gens qui commettent délibérément un meurtre ne sont pas toujours disposés à dire pourquoi ils l'ont fait. Au lieu de le leur demander, nous ferions peut-être mieux, nous qui sommes respectueux de la loi, de nous demander quoi faire à ce sujet.

Comme dans bien d'autres cas, on pourrait interroger les médecins sur la tuerie insensée chez John et Reta Jarvis. Je vous ai remis des exemplaires d'une lettre du médecin qui s'est rendu sur les lieux le soir du crime. Il y affirme que l'on devrait interroger les voisins de Whitehead sur la peur qui règne dans le village.

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Les gens de Whitehead ont commencé à fermer leurs portes à clef, ce qu'ils ne faisaient jamais avant. On pourrait interroger les familles sur ce carnage. On pourrait interroger les parents de John, qui avaient deux fils dont l'un est maintenant mort et l'autre est tourmenté par le souvenir horrible d'avoir été l'un des premiers sur la scène du crime. Par contre, on ne peut pas interroger le père de Reta, il est mort le coeur brisé trois semaines après la tuerie.

On peut demander aux membres du clergé de Whitehead comment se fait la guérison de la collectivité. On peut demander aux agents de police ce qu'ils ressentent de ne pas pouvoir arrêter des délinquants et de se faire plutôt accuser d'abus de pouvoir. On peut aussi demander aux juges ce qu'ils pensent lorsque la peine maximum qu'ils peuvent infliger à l'auteur d'un crime violent est beaucoup trop légère. Et on peut finalement se demander nous-mêmes ce que nous ferions si cela nous arrivait.

John Jarvis était un bon époux, un bon fils, un bon voisin et un bon ami. C'était un entrepreneur courageux et un bénévole acharné. Il ne méritait certainement pas ce qui lui est arrivé. Mais ça pourrait arriver à n'importe qui. Ça arrive à n'importe qui.

Je voudrais vous lire quelques extraits de la déclaration de la victime rédigée par Reta à l'intention de la Cour provinciale de la Nouvelle-Écosse où s'est déroulé le procès au printemps de 1994:

J'ai des fragments de balle dans la partie gauche de ma tête, près du cerveau. J'ai complètement perdu l'usage de l'oreille gauche, où j'entends sans cesse un bruit assourdissant, et je ne ressens plus rien du côté gauche du visage. Je ne peux plus fermer complètement l'oeil gauche et j'ai des migraines épouvantables. J'ai des trous de mémoire, ce qui va probablement mettre fin à ma carrière de cadre. Je passe tous les jours à essayer de me souvenir de ma vie avec John et je ne cesse de pleurer. John et moi étions tellement proches que nous nous considérions comme une seule personne. J'ai été obligée de fermer l'entreprise que John avait créée car je serais incapable de l'exploiter sans lui. Ce qu'il y a de plus horrible avec ce crime insensé, c'est que j'ai perdu pour toujours mon meilleur ami - et que personne ne pourra jamais rien y changer!

Je ne suis pas venu ici aujourd'hui, et Reta et moi-même n'avons pas travaillé pendant deux ans à faire modifier la Loi sur les jeunes contrevenants par souci de vengeance mais plutôt dans l'espoir que d'autres familles n'auront pas à souffrir comme la nôtre.

Pour cela, il nous faut une législation qui obligera les auteurs de crimes violents à assumer pleinement la responsabilité de leurs actes. En outre, il nous faut revoir nos systèmes scolaires et sociaux pour revenir aux valeurs familiales qui nous manquent désespérément. Personne ne devrait être obligé de vivre dans la peur, et notre système judiciaire devrait être fondé sur la justice. Il ne s'agit pas de jouer à qui perd gagne.

Comme elle savait qu'elle ne pourrait pas s'adresser à vous aujourd'hui, Reta Jarvis a préparé une déclaration il y a quelques jours. Sa lettre ne figure pas dans le texte qui vous a été remis mais je vais vous la lire:

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Nous avons adressé à votre comité une lettre contenant les propositions de modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants que Reta et moi-même jugeons nécessaires. Si vous me le permettez, je voudrais les rappeler aujourd'hui.

1. Les auteurs de crimes violents, comme les meurtriers et les violeurs, devraient être automatiquement passibles des mêmes peines que les adultes, quel que soit leur âge.

2. Il faudrait publier le nom des jeunes contrevenants. Dans les affaires de crime avec violence, il est essentiel que le nom des coupables soit mis à la disposition de la presse après la condamnation. Les gens qui vivent dans les collectivités où ces criminels risquent de retourner ont le droit de connaître les risques auxquels ils seront exposés, afin de prendre éventuellement des précautions. Cela devrait se faire dès le premier crime commis avec violence.

3. Protection des victimes. En ce qui concerne ma soeur, le ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse lui a conseillé d'aller s'établir ailleurs lorsque son agresseur aura été libéré, étant donné que personne ne saurait garantir sa sécurité. Elle a perdu son mari, son entreprise et l'amour de la vie, et elle vient maintenant de perdre la liberté même. Je ne sais pas si elle voudrait continuer de vivre à Whitehead mais, si tel était le cas, ce droit devrait être protégé. Pourquoi n'interdit-on pas plutôt au jeune criminel de retourner dans cette région, par une injonction restrictive?

4. Le fait que les établissements correctionnels soient surpeuplés ne saurait justifier le raccourcissement des peines ou la libération anticipée des condamnés. Je ne veux pas dire que ce soit déjà le cas au Canada mais je suis sûr que c'est une crainte que partagent bon nombre de nos concitoyens.

J'ai visité avec Reta l'établissement correctionnel des adolescents de Waterville, en Nouvelle-Écosse, il y a quelques mois. Alors que nous étions très sceptiques à l'entrée, nous en sommes sortis éclairés et impressionnés à tous égards. Cet établissement, ses programmes et les opinions de son directeur, M. Bill Lonar, pourraient contribuer de manière précieuse au succès de votre étude. Toutefois, nous avons été troublés par ce qu'on nous a dit du surpeuplement de l'établissement. Si je me souviens bien, il s'y trouvait 140 adolescents début 1995, alors qu'il ne devrait normalement y en avoir que 120.

5. Responsabilité des parents. Surtout dans les cas de négligence, d'abus ou d'incitation à un comportement criminel, l'un des parents ou les deux devraient être passibles d'accusations en même temps que l'adolescent.

6. On devrait envisager la possibilité de tenir des procès avec jury, ce que réclame l'opinion publique.

7. Abolition de l'exemption pour les moins de 12 ans. Nous croyons sincèrement que cela ne fait qu'encourager des délinquants à forcer des enfants à commettre des actes criminels puisqu'ils savent que les enfants ne peuvent pas être punis.

8. Enseigner les valeurs familiales et les compétences sociales à l'école. Comme le disait le directeur de Waterville lors de notre visite, quand les jeunes arrivent à nos portes, c'est qu'il y a quelque chose qui s'est très mal passé. Il est alors trop tard.

9. Création d'une catégorie de jeunes délinquants dangereux, assortie d'une privation de remise en liberté en cas d'absence de remords ou en cas de comportement violent ou menaçant.

10. Abolir le principe des peines simultanées. Au fond, la tentative de meurtre de ma soeur et les souffrances physiques qui lui ont été infligées n'ont eu aucune valeur pour la justice puisque la peine n'a pas été alourdie à ce titre. Le procureur de la Couronne nous a dit que c'était parce que deux personnes avaient été agressées pendant le même incident. À mes yeux, c'est complètement ridicule. C'est comme si l'on donnait une prime au tueur: si vous tuez une personne, vous allez payer pour celle-là, mais toutes les suivantes seront gratuites.

11. Finalement, et c'est peut-être le plus important, il faut donner plus de latitude aux juges pour fixer la peine. Lorsqu'il a annoncé la peine infligée à l'assassin de mon beau-frère, le juge a déclaré qu'il n'avait perçu aucun remords et que l'on ne pouvait s'attendre à ce que la peine qu'il allait infliger semble juste à la famille de la victime.

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Il est temps d'adopter une nouvelle législation pour donner plus de latitude aux juges en matière de sentence, en supposant qu'ils feront leur travail correctement. De toutes façons, si un juge se trompe, on peut toujours interjeter appel; par contre, si la loi est laxiste alors qu'un crime terrible a été commis, on ne peut pas la changer. Nous récompensons certains des meilleurs esprits de notre pays en leur donnant accès à la magistrature, mais nous les privons ensuite de la possibilité de faire ce qui est juste et nécessaire. Je vous implore de donner aux juges le pouvoir de rendre vraiment la justice.

En conclusion, je voudrais inviter votre comité à réfléchir à une dernière chose. Chaque fois qu'on me parle de la mort de John, on dit que c'est bien triste pour Reta, pour la famille de John et pour la collectivité locale, mais il ne faudrait pas oublier que la chose la plus importante est que John Jarvis a perdu la vie sans aucune raison.

Je sais bien que son cas est loin d'être unique, mais je crois aussi que Reta a fait preuve d'un courage hors du commun dans la campagne qu'elle a menée pour essayer de protéger les autres familles contre ce genre d'horreur, précisément parce que c'est ce que John Charles Jarvis aurait voulu.

Voilà pourquoi je n'ai aucune hésitation à m'adresser à vous. Un homme tranquille et bon a perdu la vie, et son épouse a perdu tout ce pourquoi elle vivait - pour rien. La seule chose que Reta, sa famille et ses amis pensent pouvoir faire, c'est d'oeuvrer à une refonte complète des dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants concernant les crimes commis avec violence, et de le faire au nom de John.

En conséquence, je vous invite à désigner officiellement «amendement Jarvis» les modifications que vous apporterez à la Loi. Vous comprendrez que cela seul pourrait donner un sens à une perte de vie qui, sinon, n'en aurait aucun.

Nous attendrons avec beaucoup d'intérêt l'annonce de ces modifications et je vous remercie à nouveau d'avoir pris la peine de m'écouter.

La présidente: Merci. Madame Venne.

[Français]

Mme Venne (Saint-Hubert): Bonjour, monsieur. J'ai peut-être manqué quelque chose quelque part, mais quelle a été la sentence?

[Traduction]

M. Spears: En fait, la peine complète infligée par le juge comprenait trois ans d'incarcération en milieu fermé puis deux ans en milieu ouvert. Selon les informations que nous avons reçues depuis l'incarcération de cet adolescent, il se peut que ces deux dernières années soient également transformées en une peine d'incarcération en milieu fermé, s'il ne témoigne d'aucun remords. En outre, il a fait l'objet d'une ordonnance lui interdisant de posséder une arme à feu pendant 60 ans.

[Français]

M. Venne: Selon vous, quelle aurait dû être la sentence?

[Traduction]

M. Spears: J'espère qu'il y aura un jour un référendum à ce sujet mais ma soeur et moi-même ne sommes pas très préoccupés par le vol par effraction - et l'opinion publique non plus. Les crimes commis contre les biens font partie d'une catégorie de crimes à l'égard desquels on peut être plus disposés à pardonner.

Quand on parle de ce que j'appelle des crimes d'adultes, comme le meurtre, le viol et les affaires de drogue pouvant entraîner la mort, il faut infliger les mêmes peines qu'aux adultes, de l'ordre de 15 à 25 ans. Je ne pense pas qu'il suffise de mettre ce genre de criminel en prison pendant 3 à 5 ans pour avoir l'assurance qu'il ne récidivera pas. Or, notre souci primordial devrait être la sécurité publique.

[Français]

Mme Venne: Si je comprends bien, vous ne croyez pas à la réhabilitation. Hier nous sommes allés visiter Waterville et nous avons parlé avec le directeur et des jeunes.

.1225

Le directeur, entre autres, nous a bien dit qu'on ne devrait pas construire d'autres centres comme celui-là. Selon lui, en 1996, ce n'est plus la façon de procéder. Il est très près du milieu et il voit les effets de cette incarcération. Il nous disait qu'il devrait y avoir d'autres façons de réhabiliter les jeunes.

Donc, malheureusement, si vous ne croyez pas à la réhabilitation d'un jeune de 13 ans, on devra arrêter la discussion parce que moi, j'y crois.

[Traduction]

M. Spears: Je ne voudrais pas vous donner l'impression que je ne crois pas aux possibilités de réadaptation. Je n'étais pas présent lorsque M. Lonar s'est adressé à vous mais je suppose qu'il parlait plus de manière générale que de telle ou telle personne incarcérée dans son établissement.

Je voudrais que l'on s'intéresse avant tout aux gens qui commettent des crimes contre la personne et qui tuent. Certes, quiconque peut se réhabiliter, même un criminel. J'affirme cependant qu'il me parait difficile de croire qu'on peut garantir la sécurité du public après seulement 3 à 5 années d'incarcération. J'ai la ferme conviction que la population canadienne tient à ce qu'on assure d'abord la sécurité publique.

La présidente: Monsieur Ramsay, vous avez dix minutes.

M. Ramsay (Crowfoot): Merci, madame la présidente.

Je vous remercie d'être venu nous parler de cette pénible histoire, M. Spears.

Il me semble de plus en plus évident, au cours de ces audiences, que nous devons faire plus pour éviter que les jeunes contrevenants n'entrent dans le système. Nous savons qu'il y a certains programmes efficaces à ce sujet, mais M. Lonar lui-même conviendrait qu'il y aura toujours certains délinquants sur qui les programmes de traitement n'auront aucun effet.

À mon avis, la refonte de la Loi sur les jeunes contrevenants devrait faire partie d'une action comprenant deux volets. Le premier serait de consacrer plus de ressources aux programmes de prévention. Le deuxième comprendrait les mesures éventuelles concernant les 5 p. 100 à 8 p. 100 environ de jeunes qui seront responsables du meurtre de 40 à 42 personnes - si l'on en croit les statistiques - dans les douze prochains mois. Que pourrions-nous faire, du point de vue législatif, pour protéger la société contre cela?

On discute depuis longtemps des effets dissuasifs de peines plus lourdes, mais certains pensent que ces effets n'existent pas. Qu'est-ce qui aurait pu arrêter ce jeune homme? Quelle loi aurions-nous pu adopter qui l'aurait empêché de faire ce qu'il a fait? Comme nous n'avons pu l'empêcher d'agir, que pourrions-nous faire après coup pour protéger le public contre lui?

Voilà les questions dont nous sommes saisis. Même si l'on estime que ce jeune peut être réhabilité en trois, cinq ou six ans, la peine qui lui a été infligée est-elle juste et équitable, considérant le meurtre qu'il a commis, avec préméditation? Voilà la question que je me pose. Qu'est-ce qu'une peine juste et équitable, pas seulement pour un jeune contrevenant mais aussi pour un adulte qui prend délibérément et avec préméditation une vie innocente? Est-ce 15 ans, comme le dit l'article 745? Ou est-ce plutôt 25 ans? Ou, pour les adultes, est-ce le rétablissement de la peine capitale, comme bien des gens le disent?

.1230

Étant donné que vous êtes particulièrement sensible à la question, du fait des événements que vous nous avez relatés, que recommanderiez-vous? Il ne s'agit pas ici uniquement d'une question de réhabilitation mais aussi d'une question de sanction juste et équitable aux yeux de la société. En fait, si tous les experts nous disaient que le criminel est réhabilité dès le lendemain de son incarcération et qu'il n'y a aucun risque qu'il récidive, devrait-on le libérer dès le lendemain?

M. Spears: Je vois mal comment on pourrait donner une telle garantie à la population. Certes, je ne recommande aucunement que l'on enferme les gens dans de sombres cachots en ne les en faisant sortir qu'une heure par jour pour les battre. Ce n'est pas ce que je dis.

Comme je l'indiquais dans mon mémoire, j'ai été favorablement impressionné par l'établissement de Waterville et par les efforts que l'on y fait. Même si les jeunes qui y sont détenus passent la journée en salle de classe, ils savent parfaitement bien, à la tombée de la nuit, qu'ils sont en prison.

Cela dit, je n'ai aucune hésitation à répondre fermement non lorsque vous me demandez si une peine de trois, cinq ou six ans est suffisante. Permettez-moi de faire une analogie. Bien des psychologues affirment que la plupart des gens ne pensent aucunement aux répercussions éventuelles de leur crime avant de le commettre. Si je vous disais que j'ai une voiture de 10 ans à vendre pour 25 000 $, vous refuseriez de me l'acheter, non?

C'est la même chose ici. Si la peine était suffisamment lourde, il se peut fort bien que la plupart des criminels n'en tiendraient pas compte avant de commettre leur acte mais, si seulement un sur dix reculait parce qu'il sait que le prix à payer sera trop lourd, nous aurions sauvé une vie sur dix et cela seul vaudrait la peine. Je crois qu'il faut imposer des peines plus lourdes.

Je ne veux pas dire que c'est ce que feront les juges dans chaque cas. Je dis simplement qu'il faut leur donner plus de latitude à cet égard. Dans le cas du meurtre de mon beau-frère, si le juge avait considéré qu'une peine de trois ans était adéquate, je l'aurais acceptée. Laissons-lui cependant la possibilité, s'il estime que le coupable est allé beaucoup trop loin et qu'il est important d'assurer la sécurité publique, de commencer avec une peine de 15 ans en laissant au criminel le soin de prouver qu'il mérite d'être libéré plus tôt.

Je voudrais faire une remarque personnelle. Je ne voudrais pas laisser entendre que le juge a outrepassé ses pouvoirs mais je me souviens fort bien, lorsqu'il a prononcé la sentence, qu'il s'est tourné vers ma soeur et qu'il a dit qu'il lui était impossible d'infliger une peine qui pourrait lui donner satisfaction. J'ai alors eu l'impression qu'il s'excusait de ne pas pouvoir faire ce qui lui semblait légitime. C'est-à-dire infliger une peine plus lourde.

M. Ramsay: Lorsqu'il n'y a aucun signe de remords, je suppose qu'il faudrait en tenir compte, avec d'autres indicateurs, pour parvenir à la conclusion que la personne constitue toujours une menace pour la société, au bout de cinq ou six ans. Seriez-vous favorable à une réforme de la Loi permettant que l'on continue l'incarcération d'un criminel, jeune ou adulte, si des indices permettent de penser qu'il continue d'être une menace pour la société?

.1235

M. Spears: Absolument. C'est précisément ce que nous envisagions en recommandant la création d'une catégorie de jeunes contrevenants dangereux. Cela nous paraît important.

À Waterville, j'ai été fort impressionné par M. Lonar. Je crois que des gens comme lui seraient parfaitement en mesure de porter ce jugement, avec l'aide de leurs équipes de psychologues. J'ai vraiment la conviction que des gens comme lui devraient avoir plus leur mot à dire à ce sujet. Il me parait très important de créer cette catégorie de contrevenants dangereux.

M. Ramsay: Je lui ai posé cette question. À ce moment-là, je ne savais pas que le jeune criminel dont vous parlez était incarcéré dans son établissement. En partant, je lui ai demandé s'il pensait qu'une peine de trois ans était suffisante en cas de meurtre. Il a un peu hésité avant de répondre mais il a finalement dit qu'il serait prêt à accepter des peines plus lourdes pour le très petit pourcentage de jeunes qui commettent des crimes extrêmement violents, à condition que l'on consacre plus de ressources dans d'autres domaines pour essayer d'éviter que ces jeunes n'entrent dans le système. Voilà l'avis de quelqu'un qui oeuvre depuis longtemps dans le système.

M. Spears: Je comprends que l'on puisse envisager une telle solution à long terme mais il est bien évident qu'il faudra au moins 10 ou 15 ans pour que des investissements de cette nature produisent les résultats attendus. Entre-temps, on continuera d'assister à des crimes de ce genre parce que les adolescents responsables n'auront pas eu le temps de changer. Je crois qu'il faut prévoir quelque chose qui protège la population en attendant.

La présidente: Afin d'éviter toute confusion, je tiens à préciser que l'on a apporté des modifications aux peines prévues dans la Loi sur les jeunes contrevenants, par le truchement du projet de loi C-37. Donc, certaines des peines qui étaient prévues il y a trois ans en cas de meurtre ne sont plus applicables aujourd'hui.

M. Spears: Je le sais bien, mais ma soeur et moi-même aimerions que ces peines soient encore plus lourdes.

La présidente: Très bien. Je tenais simplement à le préciser.

M. Gallaway.

M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Je vous remercie, monsieur Spears, d'être venu témoigner aujourd'hui. Je sais que cela doit vous être difficile.

Vous vivez dans cette collectivité? Je parle ici de la petite collectivité...

M. Spears: Non.

M. Gallaway: Dans sa lettre, le médecin parle d'une collectivité petite, pauvre et isolée.

M. Spears: Incontestablement. Je crois qu'il n'y a que 60 à 70 habitants.

M. Gallaway: Donc, tout le monde se connaît...

M. Spears: Bien sûr. Et tout le monde connaît le coupable. Vous comprendrez que le fait que l'on sache qu'il sera peut-être de retour en 1999 suscite beaucoup d'inquiétude.

M. Gallaway: Autrement dit, le fait de connaître le criminel ne contribue aucunement à protéger le public. Cela ne fait que susciter son inquiétude.

M. Spears: Oui, mais je pense qu'il est important... Supposons que cela se soit produit dans une grande ville et que le coupable emménage dans un appartement voisin du mien. À mon avis, je devrais avoir le droit de le savoir, pour décider éventuellement de déménager. Cela devrait être mon choix.

M. Gallaway: Je comprends ce que vous dites.

Ce jeune contrevenant a été décrit dans un article de Maclean's comme n'ayant absolument aucun remords. Selon le psychiatre qui s'est occupé de lui pendant l'incarcération, ses problèmes sont beaucoup plus profonds. Aurait-on pu faire quoi que ce soit pour prévenir ce crime horrible? Je parle ici de ce cas très particulier.

M. Spears: D'après tout ce que j'ai lu et tout ce que j'ai entendu dire dans la collectivité, et je ne voudrais pas rapporter de ragots, il me semble tout à fait évident qu'il a fait face à des problèmes familiaux extrêmement profonds.

.1240

Comme je le disais plus tôt, je crois qu'il faudrait mettre plus l'accent sur l'enseignement des valeurs sociales à l'école. Monsieur Lonar m'a expliqué certains des programmes mis en oeuvre dans son établissement à cet égard, et je crois que l'on pourrait s'en inspirer pour l'enseignement public. Je suis d'accord avec cela.

Laissez-moi toutefois répéter qu'alourdir les peines pourrait changer la situation. Je ne veux pas dire que ce serait automatique mais, si cela arrivait dans seulement un cas sur dix, cela en vaudrait la peine.

M. Gallaway: Croyez-vous qu'une peine plus lourde aurait pu avoir une incidence sur cet enfant?

M. Spears: Oui, je le crois.

M. Gallaway: Vous recommandez que l'on abolisse l'exemption des moins de 12 ans. Vous dites en effet que cela encourage les délinquants à forcer des enfants à commettre des crimes, en sachant parfaitement qu'ils ne pourront pas être punis. Je suppose que vous parlez alors d'enfants de moins de 12 ans que l'on force à commettre des actes criminels.

M. Spears: Ce n'est pas tout à fait ce que je dis. Souvenez-vous du cas des deux enfants qui ont tué un bébé en Angleterre. À mon avis, il est parfaitement effrayant que tout ce que la police peut faire, dans le cas d'un enfant de 7 ans qui commet un meurtre, c'est d'aller voir les parents pour leur dire que leur enfant a bien mal agi. C'est absolument effrayant.

M. Gallaway: J'aimerais poursuivre sur cette question. Si je prenais un membre de votre famille en otage et que je vous forçais à piller une banque, ne croyez-vous pas qu'il serait étrange que l'on vous accuse de vol à main armée ou simplement de vol?

M. Spears: Si j'étais trouvé coupable de vol alors que j'aurais agi sous la coercition?

M. Gallaway: Oui.

M. Spears: Mais j'espère que je pourrai invoquer cela pour ma défense et que je serai libéré. Honnêtement, je n'en sais rien. Je ne me suis jamais posé la question.

M. Gallaway: Croyez-vous que des enfants - je pense à des enfants de moins de 12 ans - agissant sous la coercition d'une personne plus âgée devraient quand même être punis?

M. Spears: Je dis que si l'on supprime cette exemption... Il n'est peut-être pas juste de parler ici de coercition. Il s'agit plutôt du fait qu'ils agissent ensemble. Je parle du cas d'un adolescent qui ferait commettre un crime à un enfant de moins de 12 ans parce qu'il sait que celui-ci ne pourra pas être sanctionné aussi sévèrement. Si cette disposition n'est pas modifiée, je crains que l'on ne puisse pas punir les enfants plus jeunes, quelles que soient les circonstances de leur crime. Je parlais de coercition uniquement pour vous donner un exemple.

J'ai entendu dire qu'on envisageait d'abaisser la limite à 10 ans, mais cela ne veut-il pas dire qu'un enfant de 11 ans pourrait faire commettre son crime par un enfant de 9 ans?

M. Gallaway: Je vis à proximité de la ville de Détroit où il y a des quartiers d'une pauvreté extrême. Il y a récemment eu là-bas le cas terrible d'un enfant de 12 ans ou de 13 ans qui a mis le feu à une maison, apparemment de manière délibérée, ce qui a causé la mort de plusieurs enfants. Ce qui me semble important, c'est que cet enfant se trouvait dans la maison sans aucune surveillance des parents. Seriez-vous prêts à l'accuser de meurtre?

M. Spears: Oui. Puis-je vous expliquer pourquoi?

M. Gallaway: Oui.

M. Spears: Encore une fois, je ne le ferais pas par vengeance ni par méchanceté mais simplement pour assurer la sécurité du public. Sinon, si nous ne faisons rien, que fera-t-il la prochaine fois?

M. Gallaway: Dans ce cas particulier, l'enfant était chargé de surveiller les autres, et il y a eu apparemment un degré assez extrême de ressentiment, mais le parent n'était pas présent. Porteriez-vous également des accusations contre le parent?

M. Spears: S'il s'agit de négligence, ce qui est évident ici, je pense qu'il devrait être inculpé en même temps que l'enfant.

M. Gallaway: En agissant ainsi, nous ferions entrer dans le système de justice pénale toute une série de problèmes sociaux. Dans le cas que je viens de mentionner, qui s'est produit dans un quartier de pauvreté extrême, les enfants vivent dans une négligence inimaginable. On pourrait probablement parler de conditions de vie du tiers monde mais c'est peut-être encore pire.

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Dans le cas d'une ville comme Détroit, qui regroupe 7 millions d'habitants, croyez-vous qu'enfermer l'enfant de 12 ans qui a mis le feu à cette maison dans des circonstances horribles, aurait un effet dissuasif sur les autres enfants de 12 ans? Nous parlons ici de millions de gens.

M. Spears: Pas nécessairement. Ce que je veux dire, c'est que j'espère que cet enfant aurait réfléchi avant de commettre son acte s'il avait su qu'il aurait été passible d'une peine plus lourde.

M. Gallaway: Croyez-vous que les autres enfants liront les journaux pour connaître la peine qui aura été infligée à cet enfant de 12 ans?

M. Spears: Quand je parle à mes propres enfants, de 11 ans et de 9 ans, je suis étonné par toutes les choses qu'ils savent dont je n'avais aucune idée à leur âge.

À mon époque, on disait que l'ignorance de la loi n'était pas une excuse. Je ne vois pas pourquoi cela devrait changer.

M. Gallaway: On va donc appliquer cette loi à des enfants de 10 ans?

M. Spears: Oui, s'ils commettent des crimes extrêmement violents. Oui, nous le devons s'ils commettent un meurtre.

M. Gallaway: Je ne crois pas que vous ayez répondu à ma question, cependant. Dans le cas dont je parle, croyez-vous que la peine aurait un effet dissuasif sur les autres? Autrement dit, croyez-vous que le fait que la loi soit appliquée rigoureusement à des enfants de 11 ans ou de 12 ans puisse avoir un effet dissuasif sur d'autres enfants de 11 ans ou de 12 ans?

M. Spears: S'ils le savent, je crois que ce serait possible. Je le répète, si cela ne fait que sauver une vie sur dix, ça en vaut la peine.

M. Gallaway: Évidemment, si l'on pouvait supposer que la peine a un effet dissuasif sur les jeunes contrevenants, il y a certains membres du comité qui seraient probablement d'accord avec vous. Je ne prétends pas m'exprimer au nom des autres mais je me demande si l'on peut vraiment croire que cet effet existe. Comment le vérifier?

M. Spears: Je ne dis pas qu'on peut le prouver dans chaque cas. Je dis simplement...

M. Gallaway: Pourriez-vous me donner des exemples, alors?

M. Spears: Je dis simplement que si le juge avait une plus grande marge de manoeuvre... Il ne faut pas se placer sur un plan tellement général que l'on élimine toute possibilité d'infliger la peine qui convient en cas de crime extrêmement grave.

M. Gallaway: Revenons au cas particulier. Je suppose que l'enfant a été élevé dans un foyer que l'on pourrait qualifier de dysfonctionnel - et je ne suis pas sûr de savoir ce que ce mot veut dire. Disons qu'il y avait beaucoup de problèmes dans cette famille.

M. Spears: Ça me semble probable.

La présidente: M. Gallaway, vos dix minutes sont terminées.

Madame Venne, pour cinq minutes.

[Français]

Mme Venne: Je n'ai qu'une question. Votre recommandation numéro 6 dit:

[Traduction]

Il faudrait envisager de tenir des procès avec jury, comme le réclame l'opinion publique.

[Français]

J'aimerais savoir ce que cela apporterait de plus à un jeune de 13 ans et à la société en général. Je ne vois pas à quoi vous voulez en venir avec cette recommandation-là. Pouvez-vous me l'expliquer?

[Traduction]

M. Spears: Comme je l'ai déjà dit en réponse à une question précédente, j'aimerais qu'il y ait une sorte de référendum à ce sujet, bien que je n'en voie aucun à l'horizon. Je crois qu'il faudrait permettre à l'opinion publique de s'exprimer.

J'ai lu des études où l'on disait que la population réclame ces changements à cor et à cri. Dans bien des cas, j'ai l'impression qu'on ne l'écoute pas.

La présidente: Si vous me permettez d'apporter une autre précision, la Charte des droits et libertés prévoit la tenue d'un procès avec jury pour toute infraction pour laquelle on est passible d'une peine de plus de cinq ans, ce qui veut dire qu'un jeune contrevenant ayant commis un meurtre a droit à un procès avec jury.

M. Spears: Les choses ont donc changé.

La présidente: C'est vrai.

M. Spears: Faut-il cependant faire une demande spéciale à ce sujet?

La présidente: Non, pas dans le cas d'un meurtre.

M. Spears: C'est donc automatique.

.1250

La présidente: Veuillez m'excuser, quelqu'un qui connaît cela mieux que moi vient de me corriger. C'est simplement une option. Quoi qu'il en soit, je ne veux pas entrer dans le débat. Si vous le voulez, nous pourrons en reparler plus tard.

Madame Clancy, vous avez cinq minutes.

Mme Clancy (Halifax): Merci beaucoup, madame la présidente.

Laissez-moi d'abord vous dire, M. Spears, en mon propre nom et au nom des habitants de ma circonscription, que nous avons été absolument atterrés par la tragédie que votre soeur, votre famille et vous-même avez vécue.

Cela dit, j'ai quelques réserves sur vos recommandations. Je ne veux aucunement remettre en cause votre argumentation mais simplement attirer votre attention sur le fait que l'on a toujours beaucoup hésité, tant sur le plan des politiques que sur le plan du droit pénal, à laisser les victimes influer sur le processus législatif lui-même. Cela ne veut pas dire que les citoyens et les victimes n'ont pas le droit d'exprimer leur opinion, et c'est précisément pour cela que vous êtes ici aujourd'hui et que l'on a prévu le système des déclarations de la victime, pendant les procès.

Je sais que vous n'êtes aucunement inspiré par la vengeance et je ne conteste absolument pas vos motifs. En revanche - et il se peut fort bien que mes remarques ici soient strictement sans effet mais je crois devoir les formuler - il ne faut pas oublier que nous devons adopter des lois qui doivent s'appliquer à tous les jeunes contrevenants qui doivent passer en justice. Il est donc très difficile de formuler les lois strictement en fonction de telle ou telle catégorie d'infractions, car il peut fort bien y avoir d'autres infractions pour lesquelles la même législation ne serait pas aussi adéquate. Si on limite trop la marge de manoeuvre du tribunal, on risque d'exacerber d'autres problèmes.

Si je comprends bien, vous avez dit pendant que je me trouvais à l'extérieur de la salle - et je m'en excuse mais j'ai dû m'absenter un instant - que vous n'étiez pas satisfait des derniers amendements destinés à alourdir les peines. Pourriez-vous donc me dire à nouveau, très brièvement, quelle peine aurait été adéquate dans ce cas particulier - c'est-à-dire dans un cas de meurtre?

M. Spears: Vous voulez savoir quelle peine aurait été adéquate?

Mme Clancy: Pas dans votre cas particulier, je ne pense pas que ce serait juste de vous poser cette question. Répondez-moi aussi subjectivement que possible.

M. Spears: Comme je l'ai dit, il me paraît indispensable d'accorder plus de latitude au juge dans les cas de meurtre, de viol ou de crime extrêmement violent. Comme je l'ai dit au sujet de ma soeur, comme ses blessures ont été infligées dans le contexte du même acte...

Mme Clancy: Je sais. Je sais ce que vous pensez des peines simultanées. Ce n'est pas nécessairement l'objet de ma question. Je veux simplement vous aider à présenter vos arguments.

M. Spears: Je voulais seulement dire que...

Mme Clancy: D'après vous, quelle devrait être la peine maximale? À l'heure actuelle, pour un criminel de moins de 18 ans, la peine maximale est de 10 ans, ce qui est déjà fort long. Quel devrait être le maximum, à votre avis?

M. Spears: À mon avis - et vous étiez peut-être à l'extérieur quand j'en ai parlé - je crois que, dans le cas d'un crime d'adulte, la peine devrait être la même.

Mme Clancy: Nous devrions donc avoir la possibilité de porter l'affaire devant un tribunal pour adultes?

M. Spears: Seulement pour certains âges. Dans le cas dont je vous ai parlé, le criminel avait 13 ans. Il était à trois semaines de son quatorzième anniversaire. Je sais qu'on ne devrait pas parler de cas particulier mais c'est un peu inévitable. Nous aurions pu demander à ce qu'il soit traduit devant un tribunal pour adultes. Cela dit, la limite est peut-être difficile à établir mais, selon moi, en cas de meurtre, il faut faire quelque chose.

Mme Clancy: Très bien. Merci beaucoup.

La présidente: Vos cinq minutes sont terminées.

.1255

Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: Je ne pense pas avoir beaucoup d'autres questions à poser à ce témoin, madame la présidente.

Je vous remercie à nouveau de nous avoir adressé vos recommandations. Nous les examinerons attentivement.

Il y a des gens qui pensent que les peines de prison ne servent à rien. Mais j'estime qu'il faut assurer la sécurité du public. Si le jeune homme dont nous parlons constitue toujours une menace pour la société, selon ceux qui l'examineront, après avoir purgé cinq ou six ans de détention fermée et ouverte, que ferons-nous?

M. Spears: S'il y avait une catégorie de délinquants dangereux, les gens qui s'en occupent en prison et qui les connaissent bien pourraient décider de ne pas autoriser leur libération s'ils estimaient que celle-ci n'est pas justifiée.

M. Ramsay: Je vais prendre un peu plus de temps que je ne pensais, madame la présidente.

Dans le système actuel, les détenus coupables de certaines infractions, mais pas d'actes criminels très graves, avec violence, sont automatiquement remis en liberté après avoir purgé les deux tiers de leur peine. Monsieur Auger, premier suspect dans l'affaire du meurtre de Mélanie Carpenter, avait bénéficié de cette disposition.

Cela montre que notre système ne tient pas compte des risques que ces gens représentent pour la société, tout au moins lorsqu'il s'agit d'adultes, et cela fait des victimes. On libère les gens trop tôt et ça fait des morts.

M. Spears: Si vous me permettez d'intervenir, vous parlez en ce moment de gens qui constituent une menace, alors que je parlais de gens qui ont déjà commis un meurtre. C'est une distinction importante.

M. Ramsay: Certes, et cela se justifie d'autant plus que nous envisagions de modifier la Loi de façon à permettre aux autorités de prendre des mesures pour protéger la société.

Je fais cette remarque dans le contexte global de la tâche qui nous incombe, étant donné que nous allons devoir tenir compte de toutes les préoccupations qui ont été exprimées, en faisant preuve de responsabilité.

Je vous remercie à nouveau d'être venu témoigner.

M. Spears: Je sais bien que ces questions ne sont pas faciles à résoudre. Ce n'est pas noir et blanc. J'estime cependant que la Loi actuelle est trop limitative dans la mesure où elle nous amène à infliger des peines d'incarcération relativement courtes, sans que l'on puisse contrôler le moment de la mise en liberté.

M. Ramsay: Donc, vous recommandez que l'on accorde plus de latitude aux tribunaux en matière de sentences?

M. Spears: Oui.

M. Ramsay: Autrement dit, sans fixer de minimum ni de maximum?

M. Spears: Je n'irais pas jusque là. Je le répète, j'estime clairement que certaines peines doivent être alourdies. Peut-être devrait-on prévoir 25 ans. Je ne sais pas.

M. Ramsay: Accepteriez-vous cependant que cet enfant de 13 ans dont nous parlions, qui aurait été condamné à une peine de 25 ans, puisse être admissible à la libération conditionnelle si l'on estime qu'il est réhabilité, au bout de 10 ou 12 ans?

M. Spears: Certainement. Je voudrais cependant ajouter une chose. J'ai assisté à une audience de libération conditionnelle... Je sais qu'on ne doit pas se fonder sur des cas particuliers mais, cette fois-là, l'avocat de la défense a dit que l'on devrait envisager de remettre ce détenu en liberté, au bout d'un an, parce qu'il faisait des études en prison et qu'il était très studieux.

Je tiens toutefois à préciser que certains détenus passent ont plus d'attention personnelle de leurs professeurs que mes propres enfants.

Voilà peut-être pourquoi ce détenu faisait de bonnes études. Dieu merci, le juge a répondu que, puisqu'il étudiait si bien en prison, c'est là qu'il allait continuer.

La présidente: Merci, monsieur Ramsay.

Je vous remercie beaucoup de nous avoir exposé votre opinion et celle de votre soeur. Vous avez fort bien exposé votre point de vue.

.1300

Pendant sa révision de la Loi sur les jeunes contrevenants, le comité s'efforce de recueillir l'opinion des victimes et d'associations de défense des victimes. Certains témoignages sont parfois difficiles à entendre mais je sais fort bien qu'ils sont sans doute encore plus difficiles à donner.

M. Spears: Je pensais qu'il était important de présenter ce point de vue.

La présidente: Je suis d'accord. Nous sommes sensibles à la situation très difficile dans laquelle vous vous trouvez et je tiens à vous assurer que nous examinerons très attentivement vos recommandations.

M. Spears: J'ai dit plus tôt que Reta serait prête à témoigner devant votre comité, à Ottawa ou ailleurs. Je crois qu'elle serait tout à fait prête également à payer ses propres frais de déplacement.

La présidente: Si nous la convoquons, ce ne sera pas nécessaire. J'ai vu qu'elle a fait cette proposition dans sa lettre et nous allons y réfléchir. Dites-lui que nous lui souhaitons bonne chance.

M. Spears: Merci.

La présidente: Nous allons faire une courte pause.

.1301

.1306

La présidente: Nous allons maintenant reprendre nos travaux avec le Comité de coordination de l'Atlantique sur la prévention du crime et la sécurité des collectivités, présidé parM. Herb Chapman. Nous accueillons en même temps Diane Barnes, de l'Île-du-Prince-Édouard, que nous avons déjà rencontrée, Cal Cole, de Terre-Neuve, et Lou McGinn, de Services correctionnels Canada au Nouveau-Brunswick.

Je vous remercie de votre présence. Nous avons environ une heure. Comme vous avez assisté au début de nos travaux, vous savez que vous pouvez faire une déclaration liminaire, après quoi nous vous poserons des questions.

M. Herb Chapman (président, Atlantic Coordinating Committee on Crime Prevention and Community Safety): Je vais lire la majeure partie de notre mémoire, après quoi Diane et Lou apporteront de précisions.

Bon après-midi, madame la présidente. Nous nous adressons à vous au nom du Comité de coordination de l'Atlantique sur la prévention du crime et la sécurité des collectivités. Nous sommes heureux d'avoir la possibilité de venir vous parler du travail tout à fait particulier de notre comité et des méthodes novatrices que nous appliquons pour lutter contre la criminalité dans les provinces maritimes.

Notre comité existe depuis plus de dix ans et se compose de représentants gouvernementaux et non gouvernementaux des quatre provinces maritimes, de représentants de Services correctionnels Canada, du ministère du Solliciteur général, et du secrétariat du Conseil national de prévention du crime.

Je tiens à préciser d'emblée que notre mémoire ne reflète pas nécessairement l'opinion des ministères ou organismes que nous représentons.

Nous vous avons adressé il y a quelques mois des exemplaires du document-cadre dans lequel nous exposions nos plans pour l'avenir. Fruit d'un travail de planification stratégique que nous avons effectué il y a deux ans, ce document énonce des objectifs concrets que s'est fixé notre comité.

Avant de produire ce document, notre comité avait déjà pris l'engagement absolu de promouvoir des principes et stratégies de prévention du crime dans toute la région. Nous avons donc appuyé la création de sociétés ou d'associations de prévention de la criminalité à l'échelle provinciale et, par le truchement de ces entités provinciales, à l'échelle communautaire.

Nous sommes fermement convaincus que la criminalité est un problème communautaire, appelant une réaction communautaire. Nous faisons la promotion de mesures de prévention du crime et de renforcement de la sécurité communautaire lors d'une conférence annuelle que nous tenons chaque printemps. Cette année, qui marque notre dixième année d'existence, nous avons transformé notre conférence régionale en une conférence nationale axée sur la sécurité des collectivités locales. Pour votre information, nous avons apporté des exemplaires de la brochure que nous avons produite pour notre conférence nationale de prévention du crime.

La présidente: Je dois vous dire que nous avons également reçu des brochures de l'Île-du-Prince-Édouard. Vous êtes des gens très actifs.

M. Chapman: Nous espérons que certains d'entre vous viendrez à notre conférence.

Considérant le mandat de votre comité, nous avons l'intention d'aborder en particulier deux questions relevant du premier thème, la criminalité chez les jeunes. Ces deux questions sont les mesures de prévention et les mesures de dissuasion. Nous allons également aborder une question relevant du deuxième thème, le système judiciaire pour la jeunesse, c'est à dire les mécanismes de déjudiciarisation.

Bien que notre comité mette l'accent sur de nombreuses questions reliées à la prévention du crime et à la sécurité communautaire, nous considérons que notre axe d'intervention principal doit être la prévention de la criminalité par le truchement du développement social, ce qui débouche évidemment sur l'intervention précoce et les mesures de justice concernant les jeunes.

Il y a bien des raisons pour lesquelles des jeunes peuvent avoir des démêlés avec la justice, et c'est pourquoi notre action concernant la criminalité des jeunes doit être exhaustive. Il n'est pas possible de résoudre tous ces problèmes en ayant simplement recours à des mesures législatives et à l'appareil de justice pénale. Il faut en effet avoir également recours à la coopération des collectivités et, à l'intérieur de celles-ci, des divers groupes d'intérêt. Nous avons tous un rôle à jouer. À certains égards, nous sommes tous partiellement responsables de la criminalité qui règne dans notre société et nous avons tous quelque chose à faire pour rehausser la sécurité.

.1310

Nous avons tous un rôle à jouer pour assurer la sécurité des collectivités. Nous estimons que les collectivités dont les membres sont bien intégrés sont plus sécuritaires que celles qui isolent et marginalisent certains de leurs membres.

Notre comité de coordination, qui collabore avec les provinces et les collectivités de la région de l'Atlantique, appuie tout changement visant à faire participer les jeunes à la recherche de solutions aux problèmes de criminalité. À cette fin, nous profitons de nos conférences annuelles pour mettre en relief certaines initiatives efficaces, et nous nous efforçons de dégager des ressources pour répondre aux besoins de la jeunesse.

La première mesure consiste à créer un centre de ressources à l'intention des jeunes. Nous faisons cela en collaboration avec nos partenaires provinciaux et avec le Conseil national de prévention du crime, et nous sommes heureux que les quatre représentants de l'Atlantique du Conseil national de prévention du crime soient des membres spéciaux de notre comité.

Nous appuyons les mesures prises pour éviter que les jeunes entrent dans le système judiciaire, telles que la déjudiciarisation, les rencontres familiales et l'éducation par les pairs. Nous croyons que les jeunes sont parfaitement conscients des problèmes de criminalité et qu'ils peuvent être nos partenaires pour assurer la sécurité des collectivités.

On trouve dans notre région des exemples excellents de jeunes qui ont trouvé des solutions novatrices, sous le leadership et avec l'appui d'adultes.

À Terre-Neuve, on a mis sur pied des comités de justice des jeunes qui permettent à de simples citoyens de collaborer avec les jeunes qui ont des démêlés avec la justice. De même, il existe actuellement un programme de prévention du vandalisme que dirige un adolescent. Au Nouveau-Brunswick, le projet Anti-violence, anti-racisme, placé sous le leadership d'un agent de la GRC, regroupe plus de 12 jeunes qui oeuvrent à l'échelle locale.

À l'Île-du-Prince-Édouard, un programme résidentiel communautaire permet à la collectivité de contribuer à l'application des mesures de justice concernant les jeunes. En Nouvelle-Écosse, il y a à Yarmouth un programme dans le cadre duquel plus de cinquante jeunes assurent la sécurité de personnes âgées ainsi que la sécurité autour des édifices publics le soir d'Halloween. À Dartmouth, des jeunes s'occupent d'un programme de vérifications de sécurité communautaire.

Nous pourrions vous fournir bien des détails sur ces initiatives si vous le souhaitez. Les exemples dont je viens de vous parler sont destinés à vous montrer qu'il y a des jeunes qui réagissent de manière positive et proactive aux problèmes de sécurité. Ils ont l'énergie et la créativité voulues mais nous devons leur montrer que nous croyons en ce qu'ils font.

Nous pensons que certains de ces programmes ont été dans une certaine mesure inspirés et encouragés par notre comité, essentiellement par le truchement de notre conférence annuelle. Cette conférence permet à des agents de police et à des citoyens de discuter de ces questions afin de chercher des solutions concrètes.

Notre comité est unique, à plusieurs égards. Premièrement, il existe depuis plus de 10 ans et, bien que sa composition ait changé et que le nombre de ses membres ait augmenté, il n'a pas dévié de son objectif central.

Deuxièmement, il est unique de par la diversité des partenariats qu'il a établis, non seulement avec les gouvernements provinciaux et fédéral mais aussi avec des collectivités locales et avec le Conseil national de prévention du crime.

Troisièmement, le comité est remarquable de par la motivation de tous ses membres, résolus à chercher ensemble des consensus sur des questions cruciales.

Quatrièmement, les neuf ateliers régionaux que nous avons organisés et qui ont eu des effets positifs dans bien des collectivités de la région sont devenus un atelier national sur un thème commun, la sécurité communautaire. Nous sommes ainsi parvenus à faire partager par beaucoup de collectivités canadiennes notre principe fondamental voulant que les collectivités qui ont la volonté de survivre et de contribuer au bien-être de leurs membres sont des collectivités plus sécuritaires. Cela ressort d'ailleurs parfaitement bien du thème de notre dixième conférence annuelle: «L'esprit communautaire, c'est la sécurité».

Nos conférences ont débouché sur des activités remarquables au cours des années. Nous avons beaucoup appris les uns des autres, et certaines initiatives efficaces lancées dans une province ou dans une région ont été reprises par d'autres. Lors d'une de nos premières conférences, à la fin des années 1980, l'association terre-neuvienne de prévention du crime avait organisé un atelier auquel participaient des citoyens d'Antigonish, en Nouvelle-Écosse. Après l'atelier, ceux-ci sont retournés chez eux et ont mis sur pied un groupe d'action communautaire qui est devenu un modèle pour beaucoup d'autres collectivités de la Nouvelle-Écosse.

Lors de notre conférence de 1994, des représentants de diverses collectivités du Nouveau-Brunswick ont été assez motivés pour mettre sur pied leur propre association provinciale de prévention du crime. À notre avis, cette démarche axée sur l'éducation et sur la motivation est une méthode efficace pour rehausser la sécurité au niveau local.

.1315

Je vais maintenant donner la parole à Diane.

Mme Diane Barnes (membre, Atlantic Coordinating Committee on Crime Prevention and Community Safety): Bon après-midi. Je voudrais dire quelques mots d'une initiative récente de notre comité dont Herb vient de parler. C'est un exemple du travail que nous faisons avec les collectivités locales pour qu'elles assument elles-mêmes la responsabilité de leur sécurité, sans dépendre complètement de l'appareil judiciaire.

Le Comité de coordination de l'Atlantique joue plusieurs rôles différents. Il conseille les gouvernements, il assure la liaison avec le Conseil national mais, et c'est peut-être l'une de ses fonctions les plus efficaces, il joue aussi le rôle de groupe de ressources et de consultation sur les questions de prévention du crime, de sécurité collective et de justice communautaire.

Dans ce contexte, l'un de ses objectifs a été de mettre sur pied un centre d'information et de documentation, ce dont nous nous occupons actuellement à l'Île-du-Prince-Édouard. Il s'agira du Centre de prévention du crime de l'Atlantique.

L'association de documentation juridique communautaire de l'Île-du-Prince-Édouard, qui collabore avec le Comité de coordination de l'Atlantique, a eu la chance d'acquérir toute la documentation de prévention du crime et de sécurité communautaire de l'ancien bureau régional du ministère du Solliciteur général. L'association va donc exploiter ce Centre avec l'appui du gouvernement provincial de l'Île-du-Prince-Édouard, en coopération avec le Comité de coordination de l'Atlantique. Voilà un autre exemple de collaboration efficace entre les instances gouvernementales et les collectivités de la région de l'Atlantique.

La création de ce centre est destinée à diffuser des informations sur la prévention du crime, la sécurité communautaire et les questions connexes, de manière accessible et conviviale. Les associations de prévention du crime, les groupes de sensibilisation et les simples citoyens ont besoin des meilleures informations possibles sur ce qu'ils peuvent faire pour assurer la sécurité de leurs collectivités et sur ce qui se passe dans leur région.

Le centre répondra à ces besoins. À terme, nous espérons ouvrir au moins une annexe dans chaque province de l'Atlantique, toutes étant reliées à une excellente base de données.

Le Centre de prévention du crime de l'Atlantique permettra de promouvoir un climat de coopération et de planification conjointe entre les divers paliers de gouvernement et les collectivités. Outre les services d'information, il offrira des services de consultation aux groupes communautaires, aux organismes de bénévolat et aux autres ministères provinciaux sur des questions telles que l'élaboration de projets, le développement communautaire, le changement organisationnel et l'établissement d'objectifs.

En résumé, le centre est destiné à appuyer les gens qui veulent oeuvrer ensemble à la prévention du crime et à la sécurité des collectivités. Il permettra d'appuyer les organismes communautaires qui oeuvrent avec les jeunes et les familles pour essayer de résoudre les problèmes qui sont souvent à l'origine des démêlés que peuvent connaître les jeunes avec la justice.

Le Comité de coordination de l'Atlantique a besoin d'un appui soutenu de tous les paliers de gouvernement. Nous sommes reconnaissants aux gouvernements provinciaux et fédéral qui nous ont déjà accordé leur appui. Nous avons besoin de leur leadership et de leur soutien pour développer l'action communautaire sur les questions de justice.

La présidente: Lou.

M. Lou McGinn (Membre, Atlantic Coordinating Committee on Crime prevention and Community Safety): Bon après-midi, madame la présidente. Je m'adresse à vous à titre de représentant de Services correctionnels Canada et du Comité de coordination.

Le ministère des Services correctionnels du Canada appuie la prévention du crime et participe activement à plusieurs initiatives visant à rehausser la sécurité des collectivités, dans l'intérêt des jeunes de la région de l'Atlantique. Depuis six ans, mon ministère participe à la planification, au financement et à l'envoi de délégués à ces conférences annuelles de prévention du crime qui se tiennent à l'Île-du-Prince-Édouard. Les jeunes ont toujours joué un rôle important à ce sujet en participant aux conférences.

Je tiens à réitérer que notre comité de coordination est tout à fait unique au Canada. Comme on l'a déjà dit, il comprend les quatre représentants provinciaux au premier Conseil national de prévention du crime du Canada. Il comprend par ailleurs un représentant de chacune des quatre associations provinciales de prévention du crime, ainsi qu'une petite représentation des bureaucrates fédéraux et provinciaux, qui jouent un rôle consultatif. Le secrétariat du Conseil national de prévention du crime et Services correctionnels Canada accordent une aide financière modeste au comité de coordination pour lui permettre de se réunir une fois par trimestre.

.1320

Lors d'une récente conférence internationale sur la prévention du crime organisée par le Canada, qui s'est tenue à Vancouver au début du mois, un délégué d'Afrique du Sud a cité un proverbe africain selon lequel «il faut tout un village pour élever un enfant». Lors des audiences que vous allez tenir dans tout le pays au sujet de la criminalité chez les jeunes, je vous inviterais à mentionner ce proverbe à vos interlocuteurs. Il faut que tous les paliers de gouvernement s'associent pour encourager les collectivités locales à assumer la responsabilité d'élever leurs enfants.

Je dois vous dire aussi, puisque vous êtes élus fédéraux, qu'il est grand temps que le gouvernement fédéral confie à un ou plusieurs ministères le rôle de chef de file pour la prévention du crime. La justice et les jeunes, c'est avant tout une question de prévention, notamment du crime.

Je tiens aussi à dire que, même si vous avez plein de bonnes intentions, vous interprétez souvent fort mal les préoccupations de la population au sujet des jeunes. Êtes-vous sûrs que la population tient vraiment à ce que les crimes graves et particulièrement violents soient jugés devant un tribunal pour adultes, ou ne pensez-vous pas qu'il est préférable, s'il est vrai qu'il faut tout un village pour élever un enfant, de faire un plus gros effort de compréhension des jeunes et d'assumer nos responsabilités comme membres de la société?

Merci.

M. Cal Cole (membre, Atlantic Coordinating Committee on Crime Prevention and Community Safety): Madame la présidente, je n'ai pas préparé de mémoire. Je voudrais simplement dire qu'il ne faut pas ignorer les aspects positifs de la Loi sur les jeunes contrevenants. Je sais que d'aucuns estiment que les peines sont trop légères, comme le disait l'intervenant précédent, mais cela ne doit pas nous cacher les bons éléments de la Loi. Je songe en particulier au programme de déjudiciarisation.

Nous avons à Terre-Neuve un programme que je pense être efficace, mis en oeuvre dans une cinquantaine de régions, et je crois que les mesures de déjudiciarisation sont efficaces, bien qu'il soit parfois difficile d'en juger avec exactitude. Il me paraît néanmoins important de tenir compte de cet aspect, et pas seulement de la longueur des peines d'incarcération.

La présidente: Très bien. Il nous reste pas mal de temps et nous allons donc donner dix minutes pour le premier tour.

M. Ramsay: Vous ne me donnez pas vingt minutes, puisque madame Venne est partie?

La présidente: Non.

Mme Clancy: À moins que vous n'adhériez au Bloc.

M. Ramsay: Je ne relève pas ce commentaire.

Je vous remercie de comparaître devant notre comité. Je voudrais consacrer quelques instants à l'examen détaillé de vos objectifs. Vous en avez déjà parlé un peu mais, comme vous le savez, la question qui nous est posée est de savoir s'il faut modifier les lois fondant les pouvoirs des tribunaux et de la police, dans le but de les limiter ou de les étendre.

Quand vous dites que le gouvernement devrait être le chef de file en matière de prévention du crime, voulez-vous parler d'une action après coup ou avant?

M. McGinn: Je parle essentiellement de prévention.

M. Ramsay: Quelles recommandations pouvez-vous adresser au comité en ce qui concerne l'accroissement des ressources dans ce domaine? Je sais que les membres du comité seront généralement d'accord avec vous, s'il est bien vrai que notre objectif primordial est de commencer à réduire le nombre de jeunes... Nous n'éliminerons jamais complètement la criminalité mais nous pouvons commencer à la réduire.

.1325

D'après vous, quelles mesures pourrait prendre le gouvernement pour agir avant que des crimes ne soient commis, c'est-à-dire pour appliquer ses ressources en amont du système?

M. McGinn: L'une des premières choses qui me viennent à l'esprit est la déjudiciarisation. Il s'agit, lorsqu'un jeune a commis une infraction, de ne pas s'adresser immédiatement aux tribunaux mais de permettre à la collectivité de participer à la recherche d'une solution qui soit acceptable à la victime, à la collectivité et à l'accusé.

M. Ramsay: Mais il s'agit là d'une action «après coup». Si l'on veut intervenir avant, on doit se pencher, par exemple, sur le fait qu'il existerait apparemment un lien entre l'analphabétisme et la criminalité des jeunes. Je songe ici aux jeunes qui ne réussissent pas à faire des études, qui n'arrivent pas à suivre, qui ont des difficultés et qui finissent par commettre des bêtises. Selon certains analystes, il y en a au moins une proportion parmi eux qui finissent par commettre des crimes.

M. McGinn: Oui.

M. Ramsay: Bien. Je reviens sans cesse sur ce phénomène parce que j'ai été tellement impressionné par le programme dont on nous a parlé à Sydney Mines. Là-bas, on a fait en sorte que des jeunes qui avaient décroché de l'école et qui n'avaient pas encore commis d'acte criminel puissent réintégrer le système. On a mis sur pied un programme éducatif adapté à leurs besoins particuliers.

Cela a produit des résultats absolument remarquables, selon des jeunes qui sont venus témoigner devant notre comité. Par exemple, une jeune fille fait aujourd'hui de la poésie, ce qu'elle n'aurait jamais pu imaginer auparavant. D'autres nous ont dit combien leur vie avait changé depuis leur participation au programme. Pour la première fois, ils avaient été en contact avec un enseignant qui les écoutait, les comprenait et les aimait, c'est-à-dire qui témoignait à leur égard d'un souci qu'ils n'avaient jamais constaté dans le réseau d'enseignement traditionnel. Voilà le genre de programme que je serais tout à fait disposé à appuyer sur le plan financier.

Je reviens donc à ma question. Puisque vous parlez du rôle du gouvernement fédéral en matière de prévention du crime, c'est de ce genre de choses que nous devons discuter. Certes, cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas s'occuper des jeunes une fois qu'ils sont tombés dans l'appareil judiciaire, étant donné qu'une très grande proportion, peut-être plus de 90 p. 100, pourront tirer profit de programmes de réhabilitation.

Il y a par contre un très petit pourcentage de criminels très violents, semblables à celui dont parlait M. Spears, pour lesquels il faut envisager d'autres méthodes. Quoi qu'il en soit, j'aimerais savoir à quels programmes nous devrions consacrer nos ressources, si nous voulons faire de la prévention. Nous dépensons aujourd'hui 10 milliards de dollars en aval du système judiciaire. Laissons cela de côté et parlons plutôt de l'amont, c'est-à-dire de ce que l'on peut faire en matière d'éducation, par exemple, avant que les jeunes ne soient happés par l'appareil judiciaire.

Dans quel secteur devrions-nous mettre sur pied des programmes pour empêcher les jeunes d'entrer dans le système?

M. McGinn: Je suis certainement d'accord avec vous. Je travaille depuis 30 ans auprès de gens qui ont commis des infractions aux lois fédérales. C'est pour cette raison que j'ai décidé, il y a deux ou trois ans, d'adhérer à tous les organismes possibles qui veulent agir en amont du système. J'appuie donc certainement vos commentaires.

De manière générale, j'estime que les programmes doivent être axés sur la collectivité. Nous devons aider le public à comprendre et à assumer de nouveau ses responsabilités.

.1330

Je suis sûr que Herb pourra vous donner des précisions là-dessus.

M. Chapman: L'un des programmes qui ont connu beaucoup de succès est le programme Bon départ, à Moncton. C'est un programme qui permet d'aider les familles qui vont avoir un enfant, depuis la grossesse jusqu'à ce que l'enfant ait six... À notre conférence, par exemple, nous organisons un atelier sur le syndrome de l'alcool foetal. Nous savons en effet que les problèmes qu'ont certains enfants peuvent remonter à la grossesse, à cause du comportement de la mère, des habitudes alimentaires, etc. Nous croyons donc qu'il est possible d'intervenir à cette étape.

Nous participions l'autre jour à une consultation sur l'Initiative d'intervention dans la petite enfance, du Conseil national de prévention du crime. Nous y avons entendu des discussions intéressantes sur la tendance que l'on a à reprocher aux parents les problèmes de leurs enfants. Le fait est que l'on est bien souvent porté à ne pas aider les parents lorsqu'on veut faire de la prévention du crime, alors que c'est très important pour qu'ils arrivent à élever leurs enfants et à les socialiser correctement.

Je connais bien le programme de Sydney Mines dont vous parliez. Il y en a d'autres dans diverses régions de la Nouvelle-Écosse où l'on essaye de concevoir des programmes d'enseignement individuels pour les enfants qui ne parviennent pas à s'intégrer au système scolaire. On fait donc beaucoup de choses dans ce domaine et il faut les appuyer.

Il est particulièrement encourageant de voir les gens commencer à former des partenariats. Comme je travaille au ministère de la Justice, je fais partie de beaucoup de comités s'occupant de problèmes d'éducation, de services sociaux et de santé. Or, nous constatons de plus en plus que la criminalité n'est pas un problème ponctuel, c'est un problème qui concerne tout le monde. L'intervention exige donc non seulement la participation de nombreux partenaires gouvernementaux mais aussi des collectivités elles-mêmes. Je constate que l'on cesse peu à peu de faire des choses pour les jeunes criminels, et que l'on commence à faire plus de choses avec eux. Même la mère qui a beaucoup de difficultés à élever ses enfants doit comprendre qu'elle a un potentiel incontestable et que nous pouvons l'aider. Si nous plaçons les gens dans une situation de dépendance...

Je pense qu'il faut renverser le processus et comprendre que tout enfant, même potentiellement délinquant, a quelque chose à offrir, à condition qu'il soit motivé. C'est précisément ce que nous essayons de faire quand nous disons qu'il faut travailler avec les jeunes pour les intégrer à la solution plutôt qu'au problème.

À Yarmouth, où le professeur de droit a commencé à aller travailler avec des jeunes pour protéger des personnes âgées, certains de ces jeunes étaient des délinquants caractérisés. Ils étaient sur le point d'avoir un comportement de criminel. Or, quand ils ont constaté qu'ils pouvaient satisfaire certains de leurs besoins en aidant les autres, ça les a transformés. Nous ne parlons pas ici de psychopathes ou de sociopathes mais d'enfants relativement moyens qui peuvent aussi bien évoluer dans un sens que dans l'autre. J'appuie les programmes qui permettent aussi d'aider cette catégorie.

M. Cole: Il ne faut pas oublier que la police joue un rôle très important dans ce contexte. Je puis dire que la GRC a fait des progrès considérables à ce chapitre au cours des années, même s'il y a encore beaucoup de policiers qui terminent leur programme de formation en ayant conservé une attitude négative à l'égard des criminels. Il y en a toujours qui ne sont pas vraiment branchés sur l'action préventive.

À mon avis, l'action communautaire devrait faire partie de tout le programme de formation des agents de police, qu'il s'agisse de la GRC, de la police municipale ou de la police provinciale. Nous devons tous collaborer. Herb parlait tout à l'heure de collectivités au sein de nos collectivités, et la police en est une. Elle doit déployer plus d'efforts en faveur d'une prévention proactive de la criminalité, en travaillant avec nous et avec les jeunes.

.1335

La présidente: Merci. Madame Clancy.

Mme Clancy: Je vous ai peut-être mal compris mais je dois dire que vous m'avez inquiétée en parlant tout à l'heure des «politiciens», comme si nous venions tous du même moule.

Je sais que vous êtes arrivés dans cette salle à temps pour entendre M. Spears. Je peux peut-être ajouter que je ne suis pas l'un des membres permanents du comité. Je suis simplement de passage parce que le comité se trouve aujourd'hui dans ma circonscription. Quoi qu'il en soit, j'ai eu l'impression que votre interprétation du mandat du comité était, si je puis m'exprimer ainsi, qu'il faut jeter le bébé avec l'eau du bain.

Je tiens à ce qu'il soit parfaitement clair à vos yeux que, même si je ne puis m'exprimer pour tous les membres du comité, bon nombre d'entre nous, surtout du gouvernement, partageons sans réserve les idées que vous avez exprimées en matière de prévention, de déjudiciarisation, de maintien de la limite d'âge, etc. Et ce sont des idées qui ont aussi été présentées de manière très éloquente plus tôt dans la journée par d'autres organismes, notamment par la Youth Alternative Society, l'Association d'aide juridique de la Nouvelle-Écosse, et d'autres.

Je vous invite donc, sans vouloir vous offenser, à prendre note de cette remarque et à me corriger si j'ai mal interprété ce que vous avez dit.

M. McGinn: Je n'avais aucunement l'intention de vous laisser une impression négative. En fait, j'ai le plus grand respect pour le gouvernement fédéral concernant ce qu'il fait depuis plusieurs années, par exemple en matière de violence familiale.

Mme Clancy: Qu'aviez-vous dit exactement? Si je me souviens bien, vous avez dit que «les politiciens interprètent très mal». Ne me regardez pas ainsi, je vous ai fort bien interprété.

M. Gallaway: Je voulais dire que les politiciens ont très mal interprété...

M. McGinn: Vous avez fréquemment une idée fausse de l'opinion de la population à l'égard de la jeunesse.

Mme Clancy: Très bien. D'où sortez-vous cela? Qu'est-ce qui vous porte à dire ça?

M. McGinn: La presse en général.

Mme Clancy: Non. Arrêtez, monsieur McGinn. Je ne suis pas journaliste, je suis politicienne, je suis députée fédérale.

M. McGinn: Je sais bien. Ce que je voulais dire, c'est que les politiciens doivent être plus sensibles aux préoccupations que leur adresse la collectivité, et que nous allons toujours les aider à se former l'image la plus exacte possible de la situation, quelle qu'elle soit. En règle générale, cependant, je pense que les politiciens se font une idée fausse de l'opinion publique, peut-être parce qu'ils ne vont pas au fond des choses.

Mme Clancy: Restons sur ce sujet. Donnez-moi votre exemple.

M. McGinn: Par exemple, des groupes de pression recommandent fréquemment que l'on inflige des peines d'incarcération plus longues aux jeunes qui commettent des crimes avec violence. On dit que la population s'attend à ce qu'on en mette plus en prison. Pour ma part, j'ai mentionné le proverbe africain précisément pour remettre cette idée en question. Croyez-vous que la population souhaite vraiment que les jeunes soient incarcérés pendant plus longtemps ou ne pensez-vous pas plutôt qu'elle a besoin d'aide pour mieux comprendre ses responsabilités?

Mme Clancy: Vous faites manifestement allusion aux modifications qui ont récemment été adoptées pour allonger les peines. Je dois vous dire que j'ai appuyé ces modifications et que je les appuie encore. Je ne suis pas d'accord pour qu'on abaisse l'âge, et je soupçonne que la plupart de mes collègues partageaient mon avis puisque la disposition pertinente n'a pas été modifiée. Quoi qu'il en soit, si nous avons fait erreur à cet égard - ce que je ne suis certainement pas prête à reconnaître - je dois dire que vous en avez peut-être fait une aussi grave en laissant entendre que nous n'écoutons pas la population et ne la consultons pas.

L'exercice auquel nous participons aujourd'hui, qui est très exhaustif et qui est aussi épuisant, surtout pour les membres permanents du comité, qui voyagent d'un bout à l'autre du pays, vise précisément à recueillir l'opinion de gens comme vous. Le rôle du législateur - et je ne voudrais pas commencer un cours magistral là-dessus, bien que j'aie le sentiment que c'est ce que je suis déjà en train de faire - est d'essayer de trouver un juste équilibre, c'est-à-dire ce qu'un homme merveilleux appelé Pierre Trudeau appelait «le milieu radical» de l'opinion publique canadienne. Cela dit, même si nous faisons le plus d'efforts possibles pour prendre le pouls de la population, je conviens qu'il peut nous arriver de faire des erreurs, tout comme vous.

.1340

M. McGinn: Absolument. J'accepte votre remarque.

Mme Clancy: Bien. Merci, madame la présidente.

La présidente: Monsieur Wells.

M. Wells (South Shore): Je n'ai que quelques remarques à faire. Je regrette tout d'abord d'avoir manqué une partie de votre exposé, celle du milieu, mais je puis vous dire que j'ai déjà lu votre mémoire.

La plupart de vos commentaires ont porté sur la prévention, et je crois pouvoir dire que nous sommes tous d'accord sur son importance globale. Par contre, en ce qui concerne la Loi elle-même, quelles modifications précises devrions-nous y apporter, d'après vous?

M. Cole: Il me semble que l'enfant seul est rendu responsable de tout ce qu'il fait, sans qu'on lui donne la moindre possibilité - non, je suppose qu'il a des possibilités au sein de sa famille. Quoi qu'il en soit, on enlève la responsabilité aux parents. Personnellement, j'estime que je devrais avoir légalement le droit, si j'ai un enfant de 13 ans... Vous allez peut-être dire que j'ai ce droit légal, à titre de parent. Mais, si je ne me trompe, la décision à prendre au sujet de cet enfant relève de la responsabilité de l'enfant.

Par exemple, si l'enfant a le choix de passer en justice ou de s'intégrer à un programme de déjudiciarisation, c'est lui-même qui prend la décision, pas moi, le parent. Or, à titre de parent -

M. Wells: Si je ne me trompe, le parent doit être informé à toutes les étapes du processus.

M. Cole: Certes, il doit être informé, mais c'est l'enfant seul qui a le plein pouvoir de prendre la décision.

M. Wells: Comment devrions-nous donc modifier la Loi?

M. Cole: Je n'en suis pas certain mais j'estime que le parent devrait jouer un rôle plus important lorsqu'il s'agit d'appliquer la Loi sur les jeunes contrevenants à des enfants relativement jeunes.

M. Wells: Pensez-vous que les parents devraient être tenus responsables, sur le plan civil ou sur le plan pénal, des actes de leurs enfants? Iriez-vous jusque là?

M. Cole: Non, je n'irais pas jusque là.

M. Wells: Quelle est donc l'étape intermédiaire, du point de vue civil ou pénal?

M. Cole: Je ne suis pas sûr qu'il y ait une position intermédiaire mais, à l'heure actuelle, le parent n'a strictement rien à dire sur le fait que son enfant passera en justice ou sera intégré à un programme de déjudiciarisation.

M. Wells: Est-ce vrai? Est-ce la bonne interprétation de la Loi?

La présidente: Je ne crois pas.

M. Wells: Moi non plus.

La présidente: Si vous me permettez, je peux vous aider.

M. Wells: C'est ce que j'espérais.

La présidente: À titre d'ancien procureur ayant eu à appliquer cette Loi, je puis vous dire que les parents sont toujours informés. Mon expérience, au moins dans le comté d'Essex en Ontario et dans d'autres juridictions où j'ai exercé, est que la famille participe toujours au processus de décision si elle le souhaite. S'il s'agit d'appliquer des mesures de remplacement, le parent qui le veut a toujours son mot à dire. Le problème est que certains parents ou tuteurs ne veulent pas intervenir.

M. Cole: Je crois cependant que, s'il y a désaccord entre l'enfant et le parent, c'est l'enfant lui-même qui décide.

La présidente: Selon mon expérience, qui est relativement vaste, en tout cas en Ontario, on ne peut interdire aux parents de participer au processus s'ils ont répondu aux avis qui leur ont été adressés - et on doit toujours leur en adresser. En dernière analyse, d'ailleurs, ce n'est pas l'enfant qui décide, c'est le juge. L'enfant a fort peu de choses à dire sur la décision qui sera prise s'il est trouvé coupable. Évidemment, s'il est innocenté, il n'y a pas de décision à prendre.

.1345

M. Wells: Si l'affaire n'est pas portée devant un juge, c'est-à-dire qu'elle est traitée uniquement dans le cadre d'un programme de mesures de remplacement, je pense que le parent devrait avoir son mot à dire s'il le souhaite. À mon avis, c'est là l'essentiel. Que faire cependant lorsque le parent s'en moque? C'est cela qui cause problème. Nous avons entendu des témoignages frappants de parents de l'Île-du-Prince-Édouard qui nous ont permis de voir le problème sous un angle bien différent. Il s'agissait d'excellents parents dont les enfants se sont simplement joints à de mauvais groupes, ce qui les a fait chuter.

Quoi qu'il en soit, tout cela est fort intéressant mais j'aimerais savoir quelles propositions concrètes peuvent faire les personnes qui se disent insatisfaites de la Loi. La plupart des gens affirment que ce n'est pas la Loi qui fait problème, c'est le reste. Pour le moment, je voudrais que l'on se concentre sur la Loi.

M. Chapman: Je me suis occupé pendant longtemps de mesures de remplacement et je sais fort bien qu'il est dit dans la Loi que l'agent de police doit orienter l'enfant, si cela se justifie, vers un programme de remplacement. À mon époque, cela n'arrivait pas souvent. Je sais que le problème vient en partie de la formation que reçoivent les agents de police, à qui l'on n'apprend pas assez bien les détails de la déjudiciarisation.

Ce qui arrive le plus souvent, c'est que les «bons» enfants, ceux qui sont polis et qui coopèrent, bénéficient des mesures de remplacement. Les autres, qui n'ont pas appris à être polis, se retrouvent dans l'appareil judiciaire. Peut-être pourrait-on envisager de renforcer les dispositions de la Loi pour que le recours aux mesures de remplacement soit une vraie option.

M. Wells: Vous auriez dû venir ce matin, lorsque nous parlions des mesures de remplacement, car ce n'est pas le message que nous ont donné les témoins.

M. Chapman: Vous ont-ils dit qu'il y avait trop d'enfants qui bénéficiaient des mesures de remplacement?

M. Wells: Non, le problème n'est pas de savoir s'il y en a trop ou trop peu. Ils semblaient faire état de succès relativement satisfaisants avec les enfants qui leur étaient envoyés. Il y en a cependant peut-être beaucoup qui auraient pu bénéficier de ces mesures mais qui n'ont pas été orientés de cette manière...

M. Chapman: Je faisais partie du service de libération conditionnelle lorsque nous nous occupions de mesures de remplacement et je dois vous dire que nous connaissions d'excellents résultats. Cela dit, il faut bien comprendre que les enfants qui bénéficient des ces mesures étaient généralement des enfants de la classe moyenne.

M. Wells: Ce sont en général ceux qui ont commis des crimes de moindre gravité. Ils semblent certainement obtenir plus...

M. Chapman: Mais un enfant qui a mauvais esprit ne sera pas orienté vers les mesures de remplacement, même s'il n'a fait que voler un article de 2 $. Voilà fondamentalement le problème.

La présidente: Nous avons largement dépassé le temps qui était prévu mais, si vous me le permettez, j'ajouterai que cela peut également varier d'une juridiction à l'autre. Autrement dit, votre expérience en Nouvelle-Écosse est peut-être bien différente de ce qui se fait ailleurs.

M. Ramsay.

M. Ramsay: Je voudrais poursuivre sur le sujet de M. Wells.

En vertu de l'ancienne loi sur les jeunes délinquants, la police et les tribunaux avaient le pouvoir de juger des contrevenants aussi jeunes que 7 à 8 ans. Évidemment, cela a changé en 1984.

Ayant été agent de police pendant 14 ans, je puis vous dire que mes collègues et moi-même faisions notre possible pour que les jeunes n'entrent pas dans le système. Nous faisions cela parce que nous savions que cela ne leur ferait aucun bien, mais nous avions les outils nécessaires pour être très efficaces, je pense. Par exemple, nous avions le pouvoir d'embarquer un jeune de moins de 12 ans qui circulait dans une voiture volée. Le système nous donnait le pouvoir de lui faire une offre qu'il ne pouvait pas refuser. Nous lui disions: «Écoute, nous allons devoir en parler à tes parents et tu vas devoir payer les pots cassés, ou alors tu peux essayer d'indemniser la victime». Si nous pouvions régler l'affaire entre le contrevenant et la victime à la satisfaction des deux familles, quel aurait été l'intérêt de traîner le jeune devant un tribunal?

Nous avions l'habitude de résoudre ce genre de problèmes de manière officieuse. Ce n'est plus possible aujourd'hui. En outre, M. Cole, quand vous dites que les familles devraient avoir plus d'autorité, je dois vous dire que les parents ne restaient jamais en dehors du processus. Même si l'enfant devait passer devant un tribunal pour jeunes délinquants, les parents ou le tuteur étaient tenus de comparaître. Et, selon ma propre expérience, si le juge avait la possibilité de laisser les parents prendre la décision, c'est-à-dire s'il était convaincu que les parents étaient des gens responsables, c'est ce qu'il faisait.

.1350

Quand on parle d'abaisser l'âge - et je recommanderais pour ma part que l'on n'aille pas en dessous de 10 ans - il faut se demander ce qu'on pourrait faire avec un délinquant de moins de 10 ans. Que faire avec un jeune de 10 ans qui vole une voiture et qui circule sur l'autoroute à 100 milles à l'heure? Si la police l'arrête, que peut-elle faire? Comment peut-elle protéger la société? Quels sont ses pouvoirs législatifs à cet égard? Je sais que ces cas sont rares mais ils existent.

Voilà pourquoi je vous demande ce qu'il y aurait de mal à retourner complètement à l'ancien système, mais en abaissant l'âge des jeunes que la police serait autorisée à arrêter, afin de les ramener devant leurs parents et, éventuellement, de les orienter vers un programme de remplacement. Qu'y aurait-il de mal à cela, d'après vous?

Mme Barnes: La police n'a-t-elle pas aujourd'hui le pouvoir de renvoyer l'enfant devant un organisme de service social?

M. Ramsay: Si, mais, avec la Loi sur les jeunes contrevenants, a-t-elle même le droit de l'arrêter et de le ramener chez lui?

Mme Barnes: À mon avis, oui. J'avais l'impression qu'elle pouvait le confier à un organisme de service social et qu'il y aurait une sorte de mécanisme de dissuasion qui entrerait en jeu.

M. Ramsay: Je n'étais pas député lorsque la Loi sur les jeunes contrevenants a été adoptée mais je puis vous dire que les agents de police à qui j'en ai parlé ont beaucoup de problèmes avec les droits de l'enfant. S'ils arrêtent un enfant, ils doivent faire très attention à ne pas enfreindre ses droits. Évidemment, cela limite ce qu'ils pourraient faire dans son intérêt.

Il y a certainement des infractions qui devraient faire l'objet de poursuites pénales. Cependant, pour la grande majorité des jeunes contrevenants, il serait préférable d'agir en dehors du système, et c'est à cela que servent les mesures de remplacement.

Je ne verrais rien de mal à ramener l'âge à 10 ans, dans l'intérêt de la sécurité publique. Et je ne pense pas que cela ferait entrer beaucoup plus d'enfants dans le système judiciaire. Par contre, cela donnerait aux pouvoirs publics de meilleurs outils pour protéger la société autant que les enfants.

En ce qui concerne la divulgation des noms, je me demande qui aurait intérêt à connaître le nom d'un enfant qui a cassé une fenêtre ou qui a volé le vélo d'un voisin. Par contre, lorsqu'il s'agit de contrevenants dangereux, par exemple, d'enfants qui font du trafic de drogue, ne serait-il pas dans l'intérêt de la société de connaître le nom des coupables, de façon à ce que les gens puissent protéger leurs propres enfants pour qu'ils n'entrent pas en contact avec eux?

La grand-mère de Sylvain Leduc nous a dit que les adultes qui ont assassiné son petit-fils avaient demandé à des adolescents d'aller chercher ce dernier et les deux filles.

Y aurait-il quoi que ce soit de mal, pour des crimes aussi graves, à dévoiler les noms? Je sais qu'une telle action, dans l'intérêt de la société, ne devrait être prise qu'en tenant compte aussi des possibilités de réhabilitation des coupables. Cela dit, j'entends trop souvent parler de gens, et je dis cela sans vouloir vous offenser, qui choisissent d'office l'argument de la protection ou l'argument de la réhabilitation, alors que j'estime qu'il faut essayer de trouver un équilibre entre les deux.

.1355

J'aimerais que les juges aient le droit de suspendre les dispositions interdisant de divulguer les noms s'ils estiment qu'il y va de l'intérêt de la collectivité. Certes, l'enfant devra alors vivre avec l'étiquette qui lui aura été apposée, ou avec cette stigmatisation, mais c'est sans doute inévitable.

D'ailleurs, l'interdiction de divulguer les noms n'a pas de sens quand on parle de cercles sentenciels, où c'est toute la collectivité qui prend la décision. Dans un tel cas, en effet, l'identité de la victime est parfaitement connue de tout le monde.

La présidente: Monsieur Ramsay, j'aimerais donner une chance aux autres.

M. Gallaway: Vous avez dit tout à l'heure, monsieur Chapman, que la marginalisation des citoyens ne rend pas les collectivités plus sûres. Cela étant, je voudrais vous poser une question sur ce que vient de dire M. Ramsay au sujet de la divulgation des noms des jeunes contrevenants. Cela concorde-t-il avec ce que vous pensez de la marginalisation?

M. Chapman: Je suis encore en train de penser à ce que j'aurais pu dire à M. Ramsay si j'avais eu un moment de réflexion.

Quoi qu'il en soit, mon expérience m'a montré que les gens qui ont un comportement antisocial l'ont parce qu'ils ne pensent pas pouvoir être des membres créatifs de la société. S'ils ne parviennent pas à satisfaire leurs besoins de cette manière, ils essaient de les satisfaire autrement. Donc, si l'on est isolé ou marginalisé...

Le problème, quand on parle de réinsertion des contrevenants, c'est que l'on estime que la collectivité a le devoir de reprendre en son sein les délinquants qui ont purgé leur peine, sinon ils risquent d'être marginalisés. De toute façon, il faut bien qu'ils vivent quelque part? Ils ne vont quand même pas aller vivre sur la planète Mars! Il est donc évident que les collectivités doivent aider les contrevenants à réintégrer la société.

Mais ce n'est pas seulement un problème de réinsertion, il y a aussi des choses comme le racisme. Il s'agit, au fond, de la manière dont on traite les handicapés, dont on traite les gens qui sont différents, d'une manière ou d'une autre. Plus on les marginalise, plus ils se sentent exclus, et plus ils ont tendance à réagir de manière violente...

M. Gallaway: En vous fondant sur votre expérience, croyez-vous que traîner des jeunes de 10 ans devant les tribunaux soit une solution adéquate? Ne pensez-vous pas plutôt qu'il faut aborder le problème du point de vue des services sociaux?

M. Chapman: Je crois qu'il faut renforcer la législation sociale de façon à ce qu'on puisse prendre des mesures plus efficaces.

Je suis en train de penser à ceci: si l'on abaisse l'âge à 10 ans, finirons-nous par demander qu'il soit abaissé à 8 ans lorsqu'on aura constaté qu'il y a des contrevenants de 8 ans? Et après, irons-nous jusqu'à 6 ans? Y a-t-il une limite en deçà de laquelle on doit considérer que la personne ne peut pas concevoir d'intention criminelle? Nous savons que les jeunes enfants sont facilement influençables. Si un adolescent de 18 ans fait faire quelque chose de mal à un enfant de 10 ans, lequel des deux doit être tenu responsable? Tous les deux ont en tout cas besoin d'être réorientés.

Quelqu'un racontait l'autre jour l'histoire d'un enfant qui était en deuxième année et qui se comportait toujours très mal. À l'école, l'enseignant l'envoyait «au coin» quand il faisait quelque chose de mal. Cependant, c'était devenu tellement fréquent que, dès que l'enfant arrivait à l'école, il allait immédiatement au coin, de lui-même. Maintenant, il se trouve au coin ultime, à Dorchester.

Si l'on donne aux enfants, dès le plus jeune âge, l'idée qu'ils sont mauvais, ils aboutissent au tribunal. C'est la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est l'enfant de 10 ans que l'on traite comme un criminel. On peut dire tout ce qu'on veut de la Loi sur les jeunes contrevenants, il n'en reste pas moins que c'est en l'appliquant que la société dit à certains de ses jeunes qu'ils sont très mauvais.

C'est cela qui m'inquiète si l'on abaisse l'âge. C'est tout le processus de socialisation qui est en jeu. Ces jeunes vont se retrouver avec d'autres délinquants. L'idée de regrouper tous les délinquants au même endroit est absolument ridicule, et c'est pourtant ce qu'on fait dans les prisons. On met tous les mauvais ensemble, comme ça ils apprennent tous les uns des autres. Ça n'a aucun sens. Et ça en aurait encore moins si on faisait la même chose avec des enfants de plus en plus jeunes.

.1400

M. Gallaway: Une dernière question. Vous représentez des organismes de prévention du crime des provinces maritimes - je devrais inclure Terre-Neuve. Veuillez m'excuser, je ne viens que de l'Ontario.

Y a-t-il eu une baisse de la criminalité des jeunes dans les collectivités où il y a des groupes de prévention du crime?

M. Chapman: C'est très difficile à dire.

M. Gallaway: Avez-vous des indices quelconques à ce sujet?

M. Cole: Je me suis laissé dire récemment que la population de certains de nos centres de détention de jeunes a diminué mais je ne sais pas si cela résulte de la prévention du crime, du recours à des mesures de remplacement ou d'autre chose. Je ne sais pas qui peut s'en dire responsable.

M. Wells: Évidemment, il y a aussi une diminution de la population totale de votre province.

M. Cole: Oui, tout le monde s'en va en Ontario - tout le monde y va d'ailleurs depuis des années.

Il se peut que ce que vous dites s'explique par les programmes de prévention du crime ou par le recours à des mesures de remplacement. Je sais qu'il y a dans ma région des collectivités qui ont toujours eu des problèmes de jeune délinquance. Depuis quelques années, on constate que la situation s'est un peu améliorée mais je ne sais pas à quoi c'est dû.

M. Chapman: À Yarmouth, où il y a un programme de sécurité collective, il y avait autrefois beaucoup d'actes de vandalisme le soir d'Halloween. Depuis quatre ans, soit depuis le lancement de ce programme, il n'y en a pas eu un seul cas - pas un. Ce programme a eu un effet spectaculaire.

La présidente: Merci, monsieur Gallaway.

Je tiens à vous remercier tous d'être venus partager votre expérience avec nous. Je vous souhaite beaucoup de succès pour votre conférence.

Nous allons faire une pause de quelques minutes pour mettre la main sur le témoin suivant.

.1402

.1410

La présidente: Nous reprenons la séance avec l'honorable Jane Barry, solliciteur général du Nouveau-Brunswick.

Je vous souhaite la bienvenue et je vous donne tout de suite la parole.

L'honorable Jane Barry (solliciteur général, gouvernement du Nouveau-Brunswick): Je tiens d'abord à vous remercier d'avoir invité des représentants du gouvernement du Nouveau-Brunswick. Je suis très heureuse de pouvoir m'adresser à vous, et aussi de revoir certains visages connus. Mary Clancy et moi étions à l'école ensemble, au Sacré-Coeur de Halifax.

J'ai eu la possibilité de lire les mémoires de certains des témoins que vous avez déjà entendus ou que vous allez entendre. Je dois dire que c'est fort impressionnant. Ayant déjà fait le même travail que vous, autrefois, je sais qu'au bout d'un moment tous les témoignages risquent de se confondre dans votre esprit. C'est pourquoi j'ai apporté avec moi quelques diapositives, dans l'espoir que cela vous permettra de mieux vous souvenir de ce que j'ai dit. C'est une méthode que ma mère utilisait lorsqu'elle enseignait: on se souvient mieux de ce qu'on voit.

Je suppose que vous devez être fatigués mais je dois vous dire que je suis heureuse de m'adresser à vous. Nous attachons beaucoup d'importance à nos jeunes, et c'est ce principe qui fonde toute notre action. Je suis sûre qu'on vous dit la même chose partout. Quoi qu'il en soit, nous attachons beaucoup d'importance aux programmes de réhabilitation des jeunes délinquants.

Je précise que je suis accompagnée de Brenda Thomas, qui est analyste de politiques au sein de mon ministère.

Je voudrais vous parler un peu de mon expérience personnelle. Certes, je ne suis ni avocate ni experte en justice pénale. Je suis mère de cinq enfants et j'oeuvre depuis des années au sein d'organisations communautaires. J'ai aussi fait un peu de consultation informelle, auprès d'organismes de police et de juges pour la jeunesse. Je suis également allée parler à des jeunes délinquants dans notre établissement de détention. Je dois dire que j'ai fait cela dans le passé mais que je l'ai aussi fait plus récemment dans le but explicite de recueillir des informations concrètes en vue de cette comparution. En effet, comment parler de la situation des jeunes délinquants sans leur demander leur avis à eux aussi?

Vous constaterez également, d'après mon témoignage, que mes positions ont été influencées par les fonctions que j'exerçais antérieurement au sein du gouvernement du Nouveau-Brunswick - puisque je suis élue depuis déjà neuf ans - comme ministre responsable des services à la petite enfance. J'ai la ferme conviction que ce qui arrive à un enfant dans son plus jeune âge influence son comportement dans toute la vie. Voilà pourquoi vous m'entendrez parler d'intervention précoce et de mesures de prévention, que nous jugeons très importantes.

.1415

Nous avons clairement mis l'accent sur l'intervention précoce. Nous tenons à ce que les enfants restent à l'école. De manière générale, la province attribue de plus en plus de responsabilités aux collectivités, que ce soit en matière de services de santé mentale ou de services sociaux. Comme je vais le dire dans quelques instants - je vous ai apporté un exemplaire de ce document. Il y a environ une semaine et demie, nous avons annoncé une réorientation profonde de la politique du ministère du Solliciteur général vers les services correctionnels communautaires. Nous essayons de rééquilibrer nos ressources et nos efforts en faisant plus de choses au palier communautaire. Et nous pensons que cela est conforme à l'orientation de certaines modifications législatives apportées par le gouvernement du Canada. En outre, nous faisons cela parce que nous ne sommes pas du tout convaincus que ce que nous faisions dans le passé était très efficace.

Quand je suis entrée dans la salle, je vous ai entendu parler de mesures de remplacement. Je puis vous dire que nous y avons recours depuis un certain temps déjà, qu'il s'agisse d'amendes, de restitution, de services communautaires et de détention en milieu ouvert. Nous pensons que c'est efficace.

[Français]

La province a l'intention d'améliorer encore les programmes communautaires, de se concentrer sur les besoins de chaque contrevenant et de faire en sorte que la garde en milieu fermé ne soit utilisée que pour un petit nombre de jeunes violents dont on n'a pas le contrôle et qui ont besoin d'un milieu structuré.

[Traduction]

Pour nous, la détention en milieu fermé ne doit être que le dernier recours absolu. Nous essayons plutôt d'adopter une démarche pluridisciplinaire. Autrement dit, notre ministère n'agit pas isolément des autres. Certes, nous sommes responsables de l'administration de la justice et des poursuites, mais nous collaborons aussi étroitement avec la santé, les services communautaires et les services de santé mentale.

Je tiens à dire d'emblée que nous appuyons les principes qui fondent la Loi sur les jeunes contrevenants.

Nous voulons vous montrer... J'ai apporté quelques graphiques dont vous trouverez un exemplaire dans votre documentation.

Je pense qu'il est utile de voir comment sont traités les jeunes contrevenants. Soixante-dix-huit pour cent passent devant les tribunaux, la portion rouge du graphique correspondant aux mesures de remplacement. En 1994-1995, cela représentait 836 jeunes, soit près de 22 p. 100 du total.

Si nous examinons de manière plus détaillée cette partie bleue, nous voyons que 23 p. 100 sont détenus en milieu fermé, les autres étant traités en milieu communautaire ouvert ou dans le cadre d'autres types de programmes. La catégorie «autres» correspond à ceux qui ne sont pas coupables, qui sont complètement exonérés, dont l'affaire est pendante, etc.

Pour l'année en question, le nombre de jeunes détenus en milieu fermé a baissé de 6 p. 100 et le nombre de ceux traités à l'échelle communautaire a augmenté de 5 p. 100.

Parlons maintenant du taux d'incarcération. Je n'ai pas apporté de graphique pertinent avec moi mais je pense qu'il est très important de souligner que le Canada est le deuxième pays au monde en ce qui concerne le taux d'incarcération. C'est une information que je communique souvent, surtout quand on parle de modifier les lois appliquées aux adultes, car la population n'en est généralement pas consciente. Rares sont ceux qui savent que nous arrivons tout juste après les États-Unis.

Après ça, je dis généralement à mes interlocuteurs que j'aurais besoin de 5 fois plus de ça pour représenter le taux d'incarcération des États-Unis, dont nous savons bien sûr que le taux de succès n'est pas très bon. Cela montre que la détention n'est probablement pas un mécanisme de dissuasion efficace.

Je précise en passant que le taux de criminalité au Nouveau-Brunswick, représenté par cette partie bleue, est sensiblement inférieur à la moyenne nationale, d'environ 20 p. 100. Par contre, et c'est assez intéressant, quand nous parlons des adultes, nous avons un taux de condamnation à des peines de prison qui est de 20 p. 100 plus élevé.

M. Wells: Est-ce le pourcentage des délinquants ou des accusations? Quel est le pourcentage à ce sujet?

Mme Brenda Thomas (analyste supérieure de politiques, Politique ministérielle et planification, ministère du Solliciteur général du gouvernement du Nouveau-Brunswick): Il s'agit ici des contrevenants. Autrement dit, 23 p. 100 de tous les jeunes qui passent en justice sont détenus en milieu fermé.

.1420

M. Wells: Je voulais parler de l'acétate que vous venez d'enlever.

Mme Thomas: Il s'agissait des accusations.

M. Wells: Vous parlez de 2 916 contrevenants, mais il pourrait s'agir de multiples motifs d'inculpation.

Mme Barry: En effet, un contrevenant peut être accusé d'avoir commis plus d'une infraction.

Mme Thomas: C'est cela. En 1994-1995, environ 2 900 jeunes sont passés devant un tribunal de la jeunesse.

Mme Barry: L'acétate qui suit vous donnera une idée du genre d'infractions qui ont été commises cette année-là. Vous voyez que les crimes avec violence ont été plus nombreux, bien que leur proportion reste au demeurant minime.

L'argument principal que nous voudrions vous présenter est qu'il devrait y avoir un système séparé de justice pour les jeunes. À l'heure actuelle, nous avons deux établissements de détention fermée, ce qui oblige à détenir les jeunes dans le même établissement que les adultes. C'est une mesure strictement temporaire. Nous planifions actuellement la construction d'un nouvel établissement de détention fermée, l'autre étant dépassé. Nous sommes fermement en faveur d'établissements séparés.

Je voudrais parler maintenant des services d'intervention précoce et de prévention, de la nécessité de mettre sur pied des programmes communautaires et du fait que les jeunes qui commettent des actes de violence ont besoin d'un milieu structuré. Je voudrais consacrer quelques minutes à la nécessité d'éduquer la population sur la Loi sur les jeunes contrevenants, et je terminerai en parlant du partage des coûts.

[Français]

Le Nouveau-Brunswick appuie vigoureusement l'utilisation d'un système judiciaire distinct pour les jeunes ainsi que le maintien de l'âge minimal à 12 ans et de l'âge maximal à 17 ans inclusivement.

[Traduction]

J'ai entendu votre question sur la limite d'âge. Notre réponse est semblable à celle que vous avez reçue: nous ne sommes pas favorables à l'abaissement de la limite d'âge en dessous de 12 ans et nous pensons que ces jeunes devraient être confiés aux services communautaires.

En ce qui concerne l'intervention précoce, je ne saurais trop souligner son importance, laquelle est reliée à l'importance générale des premières années, du point de vue de l'épanouissement de l'enfant. La modification récemment apportée à la déclaration de principes de la Loi sur les jeunes contrevenants est une mesure positive de prise en considération des facteurs sociaux, et nous sommes extrêmement favorables à la prévention du crime. Je voyais hier soir encore des chiffres indiquant le montant disproportionné que l'on consacre aux établissements de détention par rapport aux activités de prévention.

Il y a au Nouveau-Brunswick une soixantaine d'organismes qui s'occupent de prévention. Nous avons récemment signé un protocole d'entente en vertu duquel les fruits du crime seront consacrés à la prévention. De fait, je recommande qu'une partie des fruits des actes criminels soient consacrés à des programmes d'intervention précoce, dans un but de prévention. Je crois que ce serait parfaitement légitime.

Notre ministère de la Santé - je vous ai dit tout à l'heure que j'ai travaillé pour les services d'aide à l'enfance - s'occupe depuis trois ans de ce qu'on appelle l'Initiative de la petite enfance, qui va de la grossesse jusqu'à l'âge de cinq ans. Il s'agit d'un service à point d'accès unique exploité par le réseau de santé publique. L'objectif est de venir en aide aux parents à risque. Nous aimerions pouvoir en faire bénéficier tout le monde mais nos ressources sont limitées.

C'est un programme à très long terme car, si nous commençons notre intervention avant la naissance de l'enfant, il faudra très longtemps pour savoir si cela a eu des effets positifs. Nous espérons que tel sera le cas. Nous ferons en temps opportun une évaluation de ce programme pour en mesurer l'efficacité. L'Institut canadien des recherches avancées et le Centre d'études sur les enfants à risque ont déjà dit que le Nouveau-Brunswick était un chef de file à cet égard. Nous pensons que cet effort vaut la peine. C'est un programme auquel nous consacrons 5,9 millions de dollars par an.

Je voudrais parler un instant de violence familiale. Certes, je ne suis pas experte en la matière mais le Nouveau-Brunswick a l'intention de s'intéresser de plus près à cette question, ce qu'il a déjà commencé à faire. Nous avons créé un poste de ministre de la Famille, ce qui nous a valu les éloges des Nations Unies. Il y a à peine une semaine, cette ministre a fait une déclaration très importante sur la violence familiale, dans le but de mieux sensibiliser la population.

.1425

Nous avons une fondation, la Fondation Muriel McQueen-Ferguson pour la prévention de la violence familiale.

Ma position à ce sujet est la suivante: si on examine les antécédents des contrevenants, jeunes ou adultes, on trouve souvent la violence familiale comme fil conducteur. Ce sont souvent des gens qui ont été agressés. C'est un phénomène extrêmement fréquent qui, dans bien des cas, mène à diverses formes d'assuétude puis, bien sûr, à des actes criminels.

S'il y a une chose que je voudrais laisser dans votre esprit aujourd'hui, c'est ma conviction que la violence familiale est un problème extrêmement grave et répandu dans notre société. Plus nous ferons d'efforts pour le résoudre et le prévenir, mieux nous nous porterons tous.

Je vais vous faire part de mon expérience relativement limitée dans ce secteur. Nous avons mis sur pied un programme d'indemnisation des victimes d'actes criminels dont le gouvernement fédéral partageait il y a quelques années les coûts.

Comme j'étais chargée d'approuver les dépenses relatives à certains des dossiers, j'ai voulu examiner la question en détail. Nous recevons environ 400 demandes d'indemnisation par an.

Ce qui est absolument frappant, c'est le nombre de ces personnes qui ont été victimes d'abus et de violence au sein de leur famille. Croyez-moi, les gens n'ont aucune idée de l'ampleur du problème.

Je voudrais maintenant parler un instant du Conseil de prévention du crime de l'Atlantique.

Nous mettons fortement l'accent au Nouveau-Brunswick sur l'action communautaire de la police comme mesure de prévention. En fait, je crois que nous avons été des leaders sur le plan de l'action communautaire de la GRC. C'est à ce niveau que nous faisons usage de la technologie.

Les agents emmènent leurs ordinateurs portables avec eux, dans leur véhicule, ce qui leur permet de décharger directement les informations pertinentes. De cette manière, ils sont passés de 50 formulaires à 13.

Alors qu'ils consacraient autrefois plus de la moitié de leur temps à des tâches administratives, ils peuvent aujourd'hui en consacrer beaucoup plus à l'action communautaire, sur le terrain. La province a été répartie en 11 districts de police et nous avons réalisé à peu près 50 p. 100 de la réforme.

Il y a aujourd'hui des gens de tout le pays qui viennent examiner notre système de districts de police, et nous sommes très heureux de l'action de la GRC à cet égard. N'oubliez pas que nous lui demandons d'entreprendre cette réforme alors même que nous l'obligeons, en vertu de notre contrat provincial, à éviter les augmentations. La GRC fait preuve d'une excellente coopération à cet égard.

L'autre domaine dans lequel nous avons de plus en plus recours à la technologie - le projet est sur le point d'être lancé - est notre projet de justice intégrée. C'est un projet qui sera mis en oeuvre en collaboration avec le ministère de la Justice et avec le secteur privé.

Nous pensons que tout notre système de justice pénale sera transformé en quatre ans. L'informatique nous permettra de suivre le cas de chaque accusé, dès sa première comparution devant le tribunal et jusqu'à sa mise en libération définitive, en passant par toutes les étapes intermédiaires.

Grâce à la technologie, nous allons transformer radicalement notre système. En participant à l'élaboration du logiciel et à l'acquisition du savoir-faire, le secteur privé profitera des retombées de ce partenariat. Les études préliminaires à ce sujet ont commencé il y a un peu plus d'un an.

Nous pensons qu'il s'agit là d'une mesure très importante et nous sommes satisfaits d'avoir emprunté l'autoroute de l'information. Nous tenons à prouver que cela peut marcher.

Je parlais tout à l'heure de risques et de besoins. Avec la réorientation de nos services correctionnels communautaires, nous bénéficierons d'un processus plus structuré d'évaluation des risques et des besoins, autant pour les jeunes que pour les adultes.

Nous avons l'intention de chiffrer très précisément les besoins et les risques de chaque contrevenant.

Dans nos programmes communautaires, nous n'allons tenir compte que des individus à faible risque. Ils devront toujours purger une partie de leur peine dans un établissement, mais ce sera une partie moins longue. La majeure partie de leur peine sera purgée au sein de la collectivité, étant donné que nous pourrons les intégrer à des programmes spéciaux lorsque nous aurons évalué attentivement leurs besoins.

.1430

Je voudrais vous donner maintenant quelques exemples de programmes: toxicomanie, gestion de la colère, violence conjugale, empathie avec les victimes, préparation à la vie, préparation à l'emploi et prévention de la récidive.

Je vous ai entendu parler de cercles sentenciels. Nous en avons eu notre premier exemple, au Nouveau-Brunswick, il y a quelques semaines. Je pense que le concept de justice réparatrice est très valable si l'on veut essayer de trouver des solutions donnant satisfaction aux victimes.

En discutant récemment avec des jeunes - mais je suppose qu'il ne faut pas généraliser ce qu'ils m'ont dit - j'ai constaté qu'ils trouvent très utiles les programmes de gestion de la colère et d'estime de soi.

Ils m'ont appris une autre chose, que je savais probablement déjà, puisque nous faisons depuis deux ans des enquêtes auprès des jeunes en détention fermée. Nous avons constaté que plus des deux tiers avaient été victimes d'agression et que plus des deux tiers étaient également toxicomanes. C'est là un problème sous-jacent très important pour nos jeunes, et pas seulement pour ceux qui sont en détention fermée.

Chacun des jeunes contrevenants avec qui j'ai discuté l'autre jour était toxicomane. Je me trouvais en fait dans ma propre collectivité - certains d'entre eux venaient de la région de Saint John où je réside - et cela m'a vraiment désolée...

Je sais, grâce à mes enfants - non pas que cela les concerne - que la consommation d'alcool est très répandue dans les écoles du secondaire. J'espérais toutefois que l'usage de drogue n'était pas aussi fréquent que ces jeunes délinquants me l'ont dit.

D'après eux, la moitié des enfants d'une certaine école secondaire sont drogués. À l'heure du déjeuner, ils s'en vont et ils...

J'étais vraiment choquée lorsqu'un jeune m'a dit que la consommation de cocaïne était très fréquente dans une école secondaire rurale de la vallée du fleuve Saint-Jean, au nord de la province.

Ce n'est pas le genre de nouvelles que l'on souhaite apprendre. Nous savons cependant que la toxicomanie est très répandue et c'est pourquoi, dans le cadre de notre nouvelle orientation communautaire, nous allons consacrer une partie de notre budget à l'ouverture d'un centre destiné aux jeunes toxicomanes, en nous inspirant de la Fondation du Portage, du Québec.

On a récemment lancé un programme destiné aux jeunes contrevenants de Saint-Jean, inspiré du modèle de soutien par les pairs. Il s'agit en fait d'établir une sorte de communauté thérapeutique. Les principes sont fortement axés sur la discipline, mais on a aussi recours au renforcement positif grâce à des rencontres en groupe trois fois par jour. Cette influence des pairs semble être fort efficace.

J'ai connu il y a un peu plus d'un an l'une des périodes les plus difficiles de ma vie en politique. Je venais de prendre connaissance du cas d'un jeune qui avait été placé en détention fermée, et nous venions juste de terminer l'enquête Miller, qui a coûté plusieurs millions de dollars, au sujet des abus commis pendant plus d'une décennie dans l'un de nos établissements de détention de jeunes.

Nous pensions être sur la bonne voie mais nous avons appris que bon nombre de sévices avaient été commis contre les jeunes de cet établissement. Aucune accusation n'a jamais été portée contre le personnel mais, comme nous venions tout juste de sortir de l'expérience terrible de l'enquête Miller, je n'ai pas pu m'empêcher d'intervenir devant l'assemblée législative pour dire que la même chose continuait de se faire.

On se dit alors - je ne voudrais pas vous faire perdre votre temps mais je pense que ça pourrait vous être utile...

Nous venions d'apprendre que des enfants, dans cet établissement, avaient été privés de repas. On se dit alors: comment cela peut-il encore se produire?

Il y avait les jeunes conseillers, qui étaient sur place, et nous percevions un comportement très coercitif. Quoi qu'il en soit, comme nous nous trouvions dans cet établissement, nous avons pris notre repas à la même table que les autres.

Et certains jeunes prenaient le repas des autres en les menaçant de rétorsion. Et si quelqu'un demandait à certains pourquoi ils n'avaient pas mangé, ils disaient simplement qu'ils n'avaient pas faim. Si on leur demandait pourquoi ils avaient un bleu sur le bras, ils répondaient qu'ils étaient tombés dans la salle de gymnastique. Il y avait dans cet établissement une atmosphère horrible, et personne ne voulait dénoncer personne.

Même lorsque nous avons envoyé notre personnel sur place, il lui a été très difficile d'aller au fond des choses. Quoi qu'il en soit, nous y sommes finalement arrivés et nous avons fait sortir certains jeunes de l'établissement pour les emmener à Saint-Jean. L'expérience a été très pénible pour tout le monde mais ils sont maintenant là bas depuis près d'un an.

Nous avons donc lancé ce programme du Portage, axé sur le soutien des pairs. La même chose se fait d'ailleurs également aux États-Unis, dans des établissements pour adultes et dans d'autres pour les jeunes.

.1435

J'ai donc demandé aux enfants détenus dans ces établissements ce qu'ils feraient si quelqu'un commençait à les battre et qu'ils ne voulaient pas le dénoncer. Ils m'ont dit qu'ils soumettraient le problème au groupe.

Je dois dire que nous fondons beaucoup d'espoir sur ce programme. Si le succès se confirme, nous allons l'étendre au nouvel établissement. C'est le même principe d'un autre programme du Portage concernant les jeunes toxicomanes. Certains seront des jeunes délinquants mais d'autres pas.

Je vous donne ces informations dans l'espoir qu'elles vous seront utiles. Il y aura aussi un service accessible au public.

Comme je l'ai dit, nous espérons ouvrir l'an prochain un nouvel établissement de détention fermée. Ce n'est pas parce que nous y tenons absolument - puisque nous avançons vers une orientation communautaire - mais nous avons conclu que le public n'est pas encore prêt à l'instauration d'un système complètement communautaire.

Nous croyons avoir encore besoin d'un établissement de détention des jeunes délinquants pour assurer la protection de la société. Le nouvel établissement aura à peu près la même taille que l'ancien. Nous espérons que nos prévisions s'avéreront exactes.

Nous n'avons pas eu de tel établissement au Nouveau-Brunswick depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants et nous allons essayer d'offrir les meilleurs programmes possibles en matière de réhabilitation, d'éducation et de traitement.

L'établissement permettra d'accueillir une centaine de délinquants, dans plusieurs bâtiments séparés. Comme je l'ai dit, j'ai visité probablement au moins une demi-douzaine d'établissements de détention de jeunes au Canada et aux États-Unis. Nous espérons que l'établissement nous donnera la masse critique nécessaire pour répondre aux besoins, tout en préservant la séparation des jeunes. Ils ne vont même pas manger ensemble. Nous avons eu tout un débat là-dessus.

J'ai entendu quelqu'un dire que, si les jeunes ne connaissent pas tous les sales coups qu'ils peuvent faire avant d'entrer dans un établissement de détention, il est certain qu'ils les connaissent en sortant. J'espère que nous échapperons à ce type de problème avec le nouvel établissement.

Il y aura un comité consultatif représentant la population générale du Nouveau-Brunswick, qui s'occupera de sensibilisation des jeunes, de formation académique et professionnelle individualisée, etc. Voilà le résultat.

Je voudrais mentionner aussi que 52 p. 100 des jeunes en détention fermée sont détenus parce qu'ils ont enfreint les conditions de leur libération conditionnelle. C'est une statistique intéressante.

Si vous allez là-bas, vous obtiendrez un peu plus d'informations sur les antécédents de jeunes contrevenants.

Grâce aux divers graphiques de Brenda, vous pourrez constater qu'il y a en fait très peu de différences du point de vue du niveau d'éducation et de l'âge. Vous avez vu plus tôt la nature des infractions pour lesquelles les jeunes ont été incarcérés ou condamnés. Comme je l'ai dit, les antécédents sont caractérisés par la violence, la toxicomanie, les retards scolaires - généralement pour les garçons - et très fréquemment la quasi-absence de soutien familial.

Le gouvernement provincial est en faveur d'une limite d'âge à 18 ans, pas à 16 comme le recommandent certains. Nous tenons cependant à mentionner aussi qu'il y a certains jeunes, de 16 ans et de 17 ans, dont nous ne savons pas vraiment quoi faire. Nous allons donc recommander que l'on modifie la Loi pour que ces jeunes, qui ne semblent pas répondre aux programmes, puissent être traités comme des adultes. Nous avons récemment eu un cas de ce genre.

Pour certains d'entre eux, la situation est extrêmement difficile. Nous ne savons pas vraiment quoi faire.

En ce qui concerne le problème de maturité, je voudrais vous faire part des discussions que j'ai eues avec les jeunes délinquants. C'est très intéressant.

Pratiquement tous ont commencé à enfreindre la loi dès l'âge de 11 ans ou de 12 ans. La plupart de ceux à qui j'ai parlé avaient 15, 16 ou 17 ans. Certes, tous ne vont probablement pas s'en sortir de manière idéale, puisqu'ils ont eu des antécédents horribles, mais eux-mêmes reconnaissent qu'ils ont beaucoup mûri et qu'ils ne réagissent plus aujourd'hui de la même manière.

J'ai demandé à plusieurs d'entre eux s'ils se seraient comportés différemment s'ils avaient su qu'ils risquaient de se faire infliger une peine plus lourde. Je leur ai demandé s'ils avaient réfléchi au fait qu'ils risquaient de passer de nombreux mois ou années en prison.

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Les réactions ont été partagées. Certains ont dit qu'ils auraient peut-être agi différemment mais la plupart ont reconnu qu'ils n'y avaient jamais pensé. En fait, ils avaient agi de manière impulsive. Je pense que la maturité est un facteur à prendre en considération, et c'est pourquoi l'âge de 18 ans me semble logique.

Au risque de me répéter, je recommande que l'on envisage de modifier la Loi sur les jeunes contrevenants de façon à permettre le transfert dans des établissements pour adultes de certains jeunes de 16 et de 17 ans dont le nombre, je l'espère, restera minime.

Je crois que M. Ramsay voulait me poser une question sur les facteurs qui contribuent à la délinquance des jeunes. L'une des choses que j'ai apprises en parlant aux jeunes délinquants, et que j'avais de toute façon l'intention de mentionner...

Je discute avec pas mal de mères qui m'appellent chez moi, à toute heure du jour ou de la nuit.

Des voix: Oh!

Mme Barry: Je n'en suis pas mécontente parce que cela me permet d'obtenir des points de vue différents.

C'est ainsi que j'apprends que certains jeunes font partie d'une bande qui est contrôlée par tel ou tel personnage de 35 ans. Ils commettent des vols par effraction, il les fait boire, il leur donne de la drogue.

Je ne sais pas quelle est la solution parce que je ne suis pas avocate et que je n'ai pas toutes les réponses. De toute façon, même quand on sait de qui il s'agit, les agences de police n'arrivent pas toujours à les appréhender.

Il semble que les adultes jouent un rôle important dans la criminalité des jeunes. En effet, les adultes savent très bien que les peines qui seront infligées seront moins lourdes, et c'est pour cela que les jeunes sont leur proie.

Si vous pouviez trouver des solutions à ce problème, dans votre grande sagesse, j'en serais ravie. Peut-être y en a-t-il, je ne sais pas.

J'aimerais maintenant consacrer quelques instants... J'ai été très heureuse de te revoir, Mary.

Mme Clancy: Ta mère serait fière de toi!

Mme Barry: Je voudrais parler de l'éducation du public. C'est très simple, tout le monde pense être expert quand il s'agit de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Tout le monde! Il y a un animateur de radio à Saint-Jean qui fait des déclarations à l'emporte-pièce à ce sujet alors que je suis prête à parier n'importe quoi qu'il n'a aucune idée de ce qu'il y a dans la Loi.

Voici un exemple. L'autre jour, dans une émission de radio, on faisait un sondage téléphonique sur la question suivante: la Loi sur les jeunes contrevenants est-elle assez sévère?

Évidemment, toutes sortes de gens ont téléphoné pour dire que non mais, si on leur demandait ce qu'il y a dans la Loi, je suis sûre qu'ils répondraient qu'ils n'en savent rien.

Je vais vous donner un autre exemple. Il y a deux mois, un crime horrible a été commis dans la région. Quatre jeunes et un adulte sont entrés par effraction dans une maison d'une région rurale de l'extérieur de Fredericton. La mère était enceinte de 9 mois et elle s'est avancée dans l'allée au moment où la bande s'enfuyait. Elle et son mari venaient juste de rentrer chez eux alors que les contrevenants étaient encore là.

Ces derniers n'ont pas hésité à la frapper et à la tirer sous la voiture. Son enfant est né peu après et, heureusement, il est en bonne santé. Naturellement, les gens sont montés sur leurs grands chevaux en disant qu'il fallait faire quelque chose au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Aucun de ces jeunes n'avait de casier judiciaire et, ce qui confirme ce que je vous disais au sujet de l'influence des adultes, celui qui les menait avait de drôles d'antécédents.

Quels que soient les changements que l'on apporte à la Loi sur les jeunes contrevenants, ça ne changera rien à la situation de ces jeunes car ils n'ont jamais eu de démêlés avec la justice auparavant. On ne peut donc pas généraliser.

Je recommanderais le lancement d'une campagne nationale impliquant les jeunes, les familles, les professionnels et les collectivités.

Je voudrais conclure en parlant du partage des coûts. En avril 1985, il y avait un mécanisme de partage des coûts à égalité avec le gouvernement fédéral en ce qui concerne la Loi sur les jeunes contrevenants. L'accord est arrivé à expiration en 1988-1989, et les montants ont ensuite été gelés.

La dernière entente est arrivée à expiration il y a à peine un mois et nous sommes reconnaissants au gouvernement fédéral de la contribution qu'il nous a apportée. Il s'agit de 4,6 millions de dollars. Toutefois, pour 1994-1995, nos coûts se sont élevés à 11,2 millions de dollars. Si l'on calcule la somme que l'on aurait pu obtenir, dans l'ancien système, elle aurait été de quelque 4,58 millions de dollars de plus.

Nous savons que le gouvernement du Canada fait face à des difficultés financières, tout comme celui du Nouveau-Brunswick.

.1445

Je ne suis pas experte sur la Constitution mais j'essaie de me mettre à votre place. Il y a quelques années, j'ai présidé des audiences sur l'accord constitutionnel et je me souviens fort bien de ce que vous pensiez. Certes, en vertu de la Constitution, c'est le gouvernement du Canada qui adopte les lois et ce sont les provinces qui les appliquent. Si vous apportiez des modifications législatives aboutissant à allonger les peines de prison, ou à envoyer un plus grand nombre de jeunes en prison, cela nous causerait beaucoup de difficultés à l'échelle provinciale car nous nous orientons de plus en plus vers des systèmes communautaires. Cela n'empêche pas, comme je l'ai dit plus tôt, qu'il y a quand même des jeunes qui devront être incarcérés, nous ne le contestons pas.

Nous espérons que le gouvernement rétablira l'entente qui existait auparavant. Les négociations sont en cours et nous en parlerons lors de la rencontre des ministres, au mois de mai. Pour le moment, je tiens à vous dire, le plus fermement possible, que nous apprécierions beaucoup le rétablissement du mécanisme de partage des coûts.

En conclusion, nous recommandons le maintien d'un système judiciaire pour les jeunes, étant donné qu'il faut que les jeunes contrevenants rendent compte de leurs actes, mais nous pensons qu'il faut mettre l'accent sur la prévention. J'ai également fait une recommandation sur les fruits de la criminalité, ainsi que sur la continuation d'un système de justice communautaire pour les jeunes, en ayant le moins recours possible à la détention en milieu fermé. L'approche interdisciplinaire...

Je voudrais prendre une minute pour vous faire part de mon expérience personnelle. L'un des juges du tribunal pour les jeunes me disait qu'il est obligé de condamner les jeunes à la détention en milieu fermé pour pouvoir obtenir une évaluation psychologique. Or, disait-il, pourquoi devrais-je l'envoyer en prison? Il devrait m'être possible de lui imposer une peine de détention en milieu ouvert.

Neuf fois sur dix, l'évaluation a déjà été faite mais les organismes responsables ne partagent pas les informations. C'est même le cas entre les ministères provinciaux! Je ne m'adresse peut-être pas au bon organisme, je n'en sais rien, mais nous pensons que cette approche interdisciplinaire et le partage des informations, que nous espérons améliorer avec notre système de justice intégrée, sont extrêmement importants.

Je rappelle ce que je vous disais au sujet des cas exceptionnels de transfert dans des établissements pour adultes, de la stratégie d'éducation du public et des engagements de financement. Nous sommes convaincus que les jeunes sont une ressource que nous n'avons pas le droit de gaspiller et que chaque jeune, qu'il soit ou non en conflit avec la justice, a besoin de notre soutien et de notre attention.

Cela met fin à mon exposé. Merci de votre attention.

La présidente: Merci, madame la ministre. Il nous reste un peu de temps.

Monsieur Ramsay, vous avez cinq minutes.

M. Ramsay: Je vous remercie d'être venue jusqu'ici pour faire votre exposé. J'y suis très sensible.

Hélas, nous n'avons jamais assez de temps pour discuter comme nous le voudrions avec les témoins. C'est peut-être parce que je pose trop de questions. Quoi qu'il en soit, puisque je n'ai que cinq minutes, j'aimerais vous demander si vous pensez qu'il y a encore dans le Code criminel une disposition concernant les personnes qui contribuent à la délinquance d'un mineur.

Personnellement, je n'en suis pas convaincu mais la présidente me dit que cette disposition existe toujours. Je n'ai pas réussi à la trouver. Si elle est là, puisque vous êtes le solliciteur général de votre province, pourriez-vous me donner une idée du nombre d'accusations qui ont été portées contre des adultes ayant contribué à l'exécution de crimes par des jeunes? S'il y a une disposition du Code criminel à ce sujet, vous connaissez sans doute le nombre de personnes qui ont été accusées à ce titre. Pourriez-vous donc me dire ce qu'il en est exactement pour votre province?

.1450

Mme Barry: Je suis incapable de vous donner un chiffre ou une statistique à ce sujet. Je n'ai pas les données pertinentes avec moi. Mon enquête informelle auprès des jeunes contrevenants remonte à quelques jours à peine et je n'ai donc pas fait beaucoup de recherches là-dessus.

Mon assistante, Brenda, qui connaît bien la situation, estime que cette disposition existe peut-être encore mais qu'elle n'est pas invoquée ou appliquée. Personnellement, je puis vous dire que je ne me souviens pas de la dernière fois où j'ai vu une accusation de ce genre, mais je ne suis peut-être pas la bonne personne à qui poser la question.

M. Ramsay: Vous indiquez cependant dans votre mémoire que vous êtes favorable à ce type de disposition.

Mme Barry: Absolument. C'est quand des mères m'en ont parlé au téléphone et quand j'ai discuté avec ces jeunes que j'ai compris que c'était un problème réel. C'est donc une question dont nous devrions discuter au sein de notre ministère, étant donné que c'est nous qui sommes chargés des poursuites.

M. Ramsay: Selon un ancien cadre supérieur de Services correctionnels Canada, tous les contrevenants actuellement incarcérés et qui n'ont pas commis d'acte violent devraient être libérés. Cela représenterait à peu près 80 p. 100 des détenus des établissements provinciaux du Canada. Que pensez-vous de cette idée?

Mme Barry: À notre avis, il n'est pas nécessaire d'envoyer en prison autant de contrevenants à faible risque que nous le faisons aujourd'hui, et c'est précisément pourquoi je vous ai parlé du rééquilibrage de notre politique annoncé il y a une semaine et demie. Cependant, puisque je parle de rééquilibrage, cela veut dire que nous n'allons pas ouvrir les portes pour tout le monde.

Notre objectif est de fermer environ 25 p. 100 des places dans nos établissements provinciaux au cours des trois prochaines années. Nous allons utiliser notre nouvel outil d'évaluation des risques pour voir qui peut être détenu dans la collectivité et qui ne peut pas l'être.

Je voudrais faire une analogie avec le système de santé. Je ne sais pas quelle est la situation en Saskatchewan mais je pense que la province a apporté des changements assez radicaux à son système, si je ne me trompe pas. En ce qui nous concerne, nous avons réussi à fermer des lits d'hôpital non pas parce qu'il y a moins de gens qui tombent malades mais parce que nous réussissons à leur donner des soins efficaces sur une période moins longue. Dans certains cas, les patients entrent à l'hôpital pour faire certains examens et ils peuvent rentrer chez eux plus rapidement. Il y a également certaines opérations chirurgicales qui permettent au patient de quitter plus rapidement l'hôpital. Autrement dit, le nombre total de patients est peut-être le même mais le nombre de lits dont on a besoin pendant l'année est moins élevé. C'est un peu la même chose que nous voulons faire dans le système correctionnel.

M. Ramsay: Merci. Vous avez aussi parlé de violence familiale. Seriez-vous en faveur du traitement obligatoire des conjoints abusifs?

Il arrive souvent que des plaintes soient adressées à la police mais que l'épouse ne veuille pas porter d'accusation. Dans de telles circonstances, seriez-vous d'accord pour que l'on oblige le conjoint abusif à se faire traiter ou à consulter des spécialistes?

Mme Barry: Je pense que oui. On ne m'a jamais posé la question auparavant mais je crois que ce serait possible de l'exiger.

M. Ramsay: J'ai connu des femmes agressées qui ont refusé de porter des accusations parce que leur conjoint perdait son agressivité lorsqu'il avait cuvé son vin, jusqu'à ce que ça recommence évidemment. Si ces personnes n'apprennent pas à maîtriser leur colère, elles continuent de se comporter de manière agressive et ce sont finalement les enfants qui en pâtissent ultérieurement.

J'ai donc l'intention de poser cette question à vos collègues des autres provinces, lorsque nous les rencontrerons ou par écrit. J'espère que notre comité s'efforcera d'obtenir l'appui des solliciteurs généraux et des procureurs généraux du pays en faveur d'une telle modification législative.

.1455

Mme Barry: Puis-je ajouter quelque chose, madame la présidente? Dans notre province, les organismes de police ont le devoir de porter des accusations dans de telles circonstances. Nous ne nous en remettons pas aux victimes. Évidemment, cela ne marche quand même pas toujours.

Nous avons également pris d'autres initiatives avec la police, en ce qui concerne les femmes. À l'heure actuelle, la proportion de femmes dans les organismes de police est très faible, à peine plus de 5 p. 100, et je crois que c'est probablement aussi un facteur.

La présidente: Monsieur Gallaway.

M. Gallaway: Merci, madame la ministre. Vous aviez absolument raison au sujet de vos acétates.

Il y a quelque chose qui m'a beaucoup frappé - surtout depuis que nous avons visité l'établissement de Sydney Mines - au sujet de la corrélation entre le niveau de scolarité et la criminalité. Il s'agit du fait que 56 p. 100 des dépenses que vous consacrez à vos jeunes délinquants sont axées sur la détention en milieu fermé alors que, si l'on examine le profil psychologique de ces jeunes, on constate que 63 p. 100 d'entre eux ont deux années de retard du point de vue scolaire.

Certes, il y a beaucoup d'autres facteurs communs entre tous ces délinquants, mais c'est celui-là qui m'a frappé. Quand on rencontre une personne, il est bien difficile de savoir quels sont ses problèmes mais, pour les pouvoirs publics, il est très facile de voir, en consultant les dossiers, si la personne a pris du retard sur le plan scolaire.

Existe-t-il au Nouveau-Brunswick un programme directement axé sur les jeunes qui prennent du retard scolaire ou qui décrochent?

Mme Barry: Comme j'ai été conseillère scolaire pendant quatre ans, je puis vous dire qu'il existe plusieurs programmes de cette nature dans différents districts scolaires. Nous avons de plus en plus recours à l'informatique pour aider les jeunes qui décrochent du système et ceux qui ne s'y intègrent pas parce qu'ils sont trop âgés - et un certain nombre sont évidemment de jeunes contrevenants. Le système nous permet de les faire travailler à leur propre rythme, et cela semble très efficace, même avec les adultes. Et nous avons bien d'autres programmes pour aider les jeunes à trouver du travail.

Il y en a un autre que j'aimerais mentionner, même s'il n'est pas directement relié, c'est un programme de partenariat avec le gouvernement fédéral qui s'appelle «Le Nouveau-Brunswick au travail». Dans le cadre de ce programme, nous donnions deux années d'éducation, de formation et d'expérience professionnelle aux gens qui étaient tributaires d'un programme de soutien du revenu. Or, nous avons découvert qu'il ne suffisait pas de les envoyer à l'école. Ce sont des gens qui faisaient face à de multiples problèmes d'ordre social, ce qui compliquait leur participation à la population active. Il fallait donc une intervention beaucoup plus globalisante.

Donc, s'il est vrai que certains ont peut-être pris du retard sur le plan scolaire, il ne faut pas oublier qu'il y a aussi beaucoup d'autres facteurs qui entrent en jeu.

Brenda, vous pouvez ajouter quelque chose si vous le voulez.

Mme Thomas: Le cas du Nouveau-Brunswick est assez particulier dans la mesure où nous avons adopté une démarche multidisciplinaire. Dans notre établissement de détention en milieu fermé, d'où proviennent les données, c'est notre ministère de l'éducation qui exploite un programme scolaire à part entière et ce sera probablement la même chose avec notre école professionnelle et notre nouveau centre de la jeunesse. C'est une école agréée qui permet aux jeunes d'obtenir un diplôme reconnu. Ceux qui ont du retard lorsqu'ils arrivent à l'établissement sont orientés vers un programme de scolarisation individuel qui est agréé par le ministère de l'Éducation. De cette manière, lorsqu'ils sont libérés et qu'ils rentrent dans leur collectivité, ils peuvent réintégrer le système scolaire. Comme nous avons un contrat avec le ministère de l'Éducation, il n'y a pas de problème de transition.

Nous avons également mis en oeuvre une initiative fédérale-provinciale, le projet «Reste à l'école», dans le cadre de notre programme d'Excellence en éducation, et les jeunes contrevenants sont l'un des groupes visés. Les fonds consacrés à ce programme n'ont pas été renouvelés mais la province continue son action dans ce domaine par d'autres moyens.

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Mme Barry: D'après ce que j'ai vu, les écoles ne tiennent pas particulièrement à récupérer ces enfants, qui leur posent de sérieux problèmes de discipline. Songez qu'ils ont passé plusieurs mois en détention, après quoi ils ont peut-être été placés en détention ouverte puis ils sont retournés dans leur collectivité d'origine. Tout cela ne peut manquer de les perturber. Voilà d'ailleurs pourquoi il serait bien préférable d'essayer de les maintenir dans leur collectivité d'origine dès le départ.

M. Gallaway: Selon d'autres statistiques et d'autres renseignements issus des tribunaux pour la jeunesse... c'est juste une impression que j'ai... j'ai été porté à croire que la consommation de drogue et d'alcool est un problème très sérieux. Or, je constate que les infractions à la Loi sur les stupéfiants représentent 2 p. 100 des cas, la conduite en état d'ivresse, 1 p. 100, et les infractions aux lois provinciales... et je vais supposer qu'il s'agit dans tous les cas d'alcoolisme...

Mme Thomas: De conduite en état d'ivresse, dans certains cas.

M. Gallaway: Très bien. Cela dit, même si l'on suppose qu'il s'agit dans tous les cas de consommation d'alcool, cela ne fait que 20 p. 100. Je crois que c'est une information très utile.

Mme Barry: Pour ce qui est des crimes contre la propriété, je suppose qu'il s'agit dans tous les cas de vols commis pour acheter de la drogue. Peut-être pas dans tous les cas mais dans une très grande majorité.

La présidente: Merci, monsieur Gallaway.

Madame la ministre, merci beaucoup d'être venue nous communiquer ces informations. Nous avons beaucoup apprécié votre témoignage.

Mme Barry: Merci et bonne chance pour la suite de vos audiences.

La présidente: Merci. Vous nous avez donné beaucoup de matière à réflexion.

La séance est levée.

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