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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 31 octobre 1996

.1104

[Traduction]

La présidente: Bonjour tout le monde.

Nous allons commencer ce matin par entendre le Vancouver Family Court Youth Justice Committee. Nous accueillons Lisa Martz, Patsy George, Charlotte Gottschau et Jim Siemens. Charlotte et Jim sont les coprésidents.

Je vous souhaite la bienvenue. Je sais que vous avez un mémoire à nous présenter. Nous serons heureux d'en prendre connaissance et nous vous poserons ensuite des questions.

Mme Lisa Martz (Vancouver Family Court Youth Justice Committee): Je suis prête en fait à commencer la première, madame la présidente.

Tout d'abord, bonjour tout le monde.

[Français]

Bienvenue à Vancouver. C'est merveilleux que le soleil soit présent pour votre visite.

[Traduction]

Nous sommes membres du Vancouver Family Court Youth Justice Committee, nous sommes en quelque sorte un groupe d'intérêt spécial. Nous avons remis un mémoire au comité l'année dernière et Jim Siemens, qui en est le principal auteur, est ici avec nous aujourd'hui.

.1105

Toutefois, nous avons pensé ce matin venir vous parler chacun d'un ou deux sujets qui nous tiennent particulièrement à coeur parmi la liste de ceux qui figurent dans le document faisant état de votre mandat. Je vais commencer.

Je vais juste vous expliquer ce qui m'amène en fait à cette table aujourd'hui. Je suis une avocate de Vancouver. J'ai l'habitude de représenter, en tant qu'avocate de la défense, des jeunes contrevenants devant le tribunal pour adolescents, et plus particulièrement des groupes de jeunes contrevenants, des jeunes qui sont placés sous la garde du ministère des Services sociaux ici et des enfants confiés aux soins des organismes de services sociaux. Voilà quels sont mes jeunes clients. Ce qui a dicté en deuxième lieu mon attitude vis-à-vis des jeunes contrevenants, c'est mon expérience aux côtés du juge Thomas Gove lorsque j'ai travaillé pour le compte de l'enquête Gove sur la protection des enfants, de sorte que j'intéresse aux jeunes pris en charge par les services sociaux.

Il y a trois sujets que je voudrais exposer ce matin devant le comité. Le premier d'entre eux, c'est que je suis personnellement très préoccupée, en tant qu'avocate, par ce que je considère en quelque sorte comme un détournement injustifié de l'attention sur la Loi sur les jeunes contrevenants. En tant qu'avocate et qu'intervenante devant le tribunal de la jeunesse, je fais probablement partie des rares Canadiens qui ont effectivement lu la Loi sur les jeunes contrevenants d'un bout à l'autre. J'ai toujours pensé que la plupart des gens seraient bien étonnés de voir à quel point cette loi contient en fait très peu de choses.

Le Canadien moyen n'est pas un juriste. Il n'a pas besoin de lire les lois. J'ai dû le faire, cela fait partie de ma fonction. La Loi sur les jeunes contrevenants pose un certain nombre de principes importants en mandatant des tribunaux distincts et en prévoyant le recours à des installations de garde distinctes. Pour le reste, elle contient avant tout des dispositions d'ordre procédural et, à mon avis, il faut que le public le sache. Le problème des jeunes et de la criminalité des jeunes est très préoccupant, mais cela va bien plus loin que la Loi sur les jeunes contrevenants elle-même.

J'ai peur que le gouvernement et que le personnel politique légitiment l'hypothèse faite par la population, qui considère que tout le mal vient de la Loi sur les jeunes contrevenants, et je suis surprise de voir que même votre comité, dans son mandat, parle de «révision globale de la Loi sur les jeunes contrevenants». Parallèlement, le document qui fait état du mandat de votre comité aborde clairement des questions qui vont bien plus loin que la loi elle-même. J'ai peur que le débat ne se limite à la loi alors que ce n'est de toute évidence que l'un des éléments qui fait partie d'un tout. C'est un sujet qui me tient particulièrement à coeur.

La deuxième chose que je tiens à dire, c'est tout simplement que sur la foi de mon expérience devant le tribunal de la jeunesse et de mon travail auprès des jeunes, je peux dire que je n'ai jamais constaté que des peines plus sévères, et plus particulièrement des peines de prison, étaient dissuasives pour les jeunes. Les jeunes qui sont le plus susceptible d'une récidive... Je m'occupais des jeunes qui présentent le plus de risque de poursuivre une carrière criminelle et de commettre de multiples infractions. Les jeunes que je représentais étaient des drogués et des personnes psychologiquement dérangées. Ils n'avaient pas de vie familiale stable. Ils ne bénéficiaient pas d'un appui ou d'un modèle cohérent chez eux. Ils étaient soumis à des influences terriblement négatives. Nombre d'entre eux étaient, comme on le dit, «à la rue».

Le problème même de ces jeunes c'est qu'ils ne peuvent pas se rendre compte que leurs actions ont des conséquences. Ils ne peuvent pas planifier leur vie. Ils ne peuvent pas s'organiser. Ils ne peuvent pas se sortir de leur mauvaise passe. Par conséquent, les décisions du tribunal et les menaces de sanction ne les touchent pas. Ces enfants n'ont tout simplement aucun contrôle sur eux-mêmes ou sur leur vie. Ce qui se passe, donc, c'est qu'inévitablement ils désobéissent aux ordonnances des tribunaux et ils se retrouvent enfermés.

J'ai pu faire de première main l'expérience de la porte tambour dont on entend tellement parler. Un jeune va commencer par commettre une infraction mineure contre la propriété. Un juge bien pensant et bien intentionné du tribunal de la jeunesse lui dit alors qu'il va lui imposer un couvre-feu pour qu'il n'ait plus ce genre de démêlés avec la justice. Il ne pourra plus voler des voitures en pleine nuit si le juge lui intime l'ordre de rentrer chez lui avant 22 heures. C'est une réaction légitime lorsqu'on est un parent. Le problème, c'est qu'il y a des jeunes qui ont des vies qui ne les incitent pas à respecter ce genre d'obligations. Ils se mettent à désobéir aux ordonnances des tribunaux. Ils reviennent plusieurs fois devant le tribunal et finalement, le juge du tribunal pour adolescents, qui voit que ces ordonnances restent sans effet, se sent obligé de mettre ces jeunes en prison.

Je crains fort que ce système parte d'une hypothèse qui soit fausse pour nombre de jeunes. La menace des sanctions n'atteint pas beaucoup de jeunes, certainement pas ceux à qui j'ai affaire.

Si, lorsqu'ils sont jetés en prison, la peine et l'emprisonnement font effectivement une différence - et en tant qu'avocate de la défense, je dois à regret admettre que c'est parfois le cas - à mon avis ce n'est pas en raison du caractère punitif de la prison. C'est en raison des ressources qu'ils peuvent y trouver.

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L'établissement pour les jeunes qui se trouve ici s'appelle le Centre de détention des jeunes de Willingdon. Il y a des psychologues qui travaillent auprès de cet établissement. Il y a aussi des conseillers en matière de drogues et d'alcool.

Les jeunes qui ont en fait tiré avantage de leur séjour en prison l'ont fait parce qu'ils sont entrés en relations avec ces gens. Ils bénéficiaient par ailleurs d'un environnement sûr et bien structuré. C'est ce qui leur a été bénéfique, ce n'est pas la sanction et le châtiment.

Je passe maintenant au dernier point que je voulais aborder ce matin pour être sûre de laisser à mes amis et à mes collègues le temps de dire ce qu'ils ont à dire.

Je crains fort que dans notre système, tel qu'il est conçu à l'heure actuelle, les peines d'emprisonnement soient bien souvent inutiles ou aient des effets contraires à ce qui est souhaité. J'ai pu voir qu'il avait des effets contraires à ce qui était souhaité dans le cas des jeunes et des contrevenants n'ayant commis que des infractions mineures parce qu'il les plonge dans une sous-culture criminelle plus rapidement et plus profondément qu'ils ne l'auraient fait autrement. C'est une chose que j'ai vue.

Quant au phénomène que j'ai mentionné tout à l'heure, qui fait que des jeunes n'ayant commis que des infractions mineures se retrouvent en prison, nous savons bien, certes, que la Loi sur les jeunes contrevenants présume que les auteurs d'une première infraction ne doivent évidemment pas aller en prison. Toutefois, de très jeunes contrevenants, qui ne présentent certainement aucun risque pour la sécurité, se retrouvent souvent en prison parce qu'ils n'ont pas réussi à obéir aux ordonnances que leur ont imposées les tribunaux.

Ils se retrouvent en prison. Ils adoptent le comportement des jeunes qui s'y trouvent déjà et la collectivité des jeunes devient la leur. Ils adoptent ses valeurs et ses objectifs. Ces jeunes deviennent leurs amis. J'ai donc bien l'impression que les peines d'emprisonnement ont exactement des effets contraires à ceux que nous voudrions pour certaines jeunes.

Le deuxième volet de mon argument, c'est que les peines d'emprisonnement peuvent être purgées en pure perte. Dans les cas où elles s'avèrent utiles, la période passée en prison exerce un effet sur le jeune concerné, stabilisant plus particulièrement les jeunes drogués. Pendant tout ce temps, ils évitent au moins d'être exposés aux drogues et ils se désintoxiquent pendant un certain temps, ce qui leur donne la possibilité de redresser leur vie. Il arrive que pour la première fois ces enfants puissent aller régulièrement à l'école ou suivre une thérapie.

Dans notre système, évidemment tel que j'ai pu le voir fonctionner ici à Vancouver, nous avons des enfants qui ont tiré profit du temps passé en prison mais qui, une fois libérés, sont replongés immédiatement dans le cadre dysfonctionnel qui les a menés en prison au départ. Nous ne disposons tout simplement pas ici des ressources devant leur permettre de faire cette transition, même s'il est clair que le moment de la libération est un moment crucial pour les jeunes. C'est à ce moment-là que tout peut basculer. Un bon comportement en prison est une chose; un bon comportement au sein de la société, voilà ce que nous cherchons à obtenir. Pourtant, des décisions sont prises, au moment même où nous nous parlons, pour réduire les ressources disponibles à ce moment crucial.

Notre comité n'ignore pas que le centre local de détention des jeunes a récemment réduit le nombre de travailleurs intervenant au moment de la libération, des travailleurs dont la fonction est d'aider ces enfants à organiser leur vie après leur libération. Je dis dans mon mémoire que c'est là une fausse économie dont les conséquences sont très graves. Notre société dépense des sommes énormes pour les besoins de l'incarcération, que nous gaspillons ensuite parce que nous ne voulons pas faire des dépenses bien moindres pour engager du personnel tel que les travailleurs chargés de superviser les enfants une fois qu'ils ont été libérés au sein de la collectivité.

Je pense qu'il est évident pour tout le monde que la réhabilitation des jeunes contrevenants est le meilleur moyen de protéger la société. C'est l'un des grands principes que pose la Loi sur les jeunes contrevenants et avec lequel tout le monde ne peut qu'être d'accord à mon avis. Je dis cependant dans mon mémoire que l'on trahit véritablement la confiance du public lorsque la phase de réhabilitation qui s'ouvre une fois qu'un jeune a fini de purger sa peine d'emprisonnement après avoir coûté d'importantes sommes aux pouvoirs publics s'interrompt brutalement dès que ce jeune est libéré au sein de la collectivité.

Si nous devons donc continuer à insister autant pour que les jeunes qui n'ont pas respecté la loi soient incarcérés, il nous faut engager davantage de ressources lors de la phase de transition correspondant à leur libération au sein de la collectivité.

Je pourrais en discuter toute la matinée, mais ce ne serait pas juste. Voilà tout ce que j'avais à dire ce matin. Je vais maintenant passer la parole à ma collègue, Patsy George.

Mme Patsy George (Vancouver Family Court Youth Justice Committee): Merci. Notre comité constate avec inquiétude que certains groupes de notre société au Canada, qui s'efforcent de trouver des solutions, proposent différents changements à la Loi sur les jeunes contrevenants et à son application. Nous tenons à nous opposer avec la dernière énergie à l'idée selon laquelle il convient, par des moyens légaux, de tenir les parents responsables du comportement de leurs enfants.

Nous savons bien que la situation sociale et psychologique de certains parents semble les empêcher de bien tenir leur rôle. Nous considérons qu'il s'agit là d'un problème qui relève des services de l'aide à l'enfance et non de la responsabilité du fait d'autrui.

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Lorsqu'un parent irresponsable ou tout autre adulte semble promouvoir ou encourager un comportement délinquant des jeunes, nous croyons savoir qu'il existe un droit civil offrant à la population la protection dont elle a besoin.

De plus, il nous apparaît contradictoire que les parents soient tenus responsables des infractions commises par les jeunes alors que la Loi sur les jeunes contrevenants a pour but de tenir les jeunes responsables de leurs propres actions. Plutôt que de blâmer les parents ou de les tenir juridiquement responsables du fait d'autrui, nous recommandons fortement que l'on encourage et que l'on renforce les mesures d'intervention auprès des familles des jeunes contrevenants.

Nous pouvons vous citer un exemple de ce qui s'est passé ici en Colombie-Britannique. Il y a dans notre province 26 localités dans lesquelles les parents des jeunes en difficulté ou ayant un comportement délinquant se réunissent en groupe pour s'entraider, se faire conseiller ou trouver des ressources leur permettant de mettre en oeuvre les moyens les plus efficaces pour repenser leur vie familiale, résoudre leurs problèmes ensemble, partager les responsabilités devant mener au changement et s'impliquer dans leur quartier.

Ce programme, qui est patronné par les Boys and Girls Clubs de la Colombie-Britannique, nous montre bien que lorsqu'ils bénéficient d'un appui et lorsqu'on leur en donne la possibilité, les parents peuvent ensemble prendre à leur compte la recherche de solutions. Plus de la moitié des familles qui ont participé à ce programme ont indiqué que leur adolescent ou leur adolescente avait eu des démêlés avec la justice avant de participer au programme. Après avoir suivi le programme pendant neuf mois, 74 p. 100 des parents et plus ont fait état de changements significatifs les concernant et concernant par ailleurs le comportement de leurs adolescents.

L'évaluation de ce programme est terminée et elle doit être communiquée dans les prochains jours. Nous nous organiserons pour que votre comité ait une copie de ce rapport. Ce n'est qu'un exemple et je suis sûr qu'il y en a d'autres, non pas simplement dans notre province, mais aussi dans d'autres régions du pays.

Je vous remercie.

Mme Charlotte Gottschau (Vancouver Family Court Youth Justice Committee): Je suis une avocate spécialisée dans les questions familiales, mais je m'occupe surtout des causes de divorce. Je ne travaille pas spécialement auprès des jeunes. Je me suis mis au droit familial tard dans la vie, et il semble d'ailleurs que je fasse tout en retard dans la vie; je suis capricorne.

En 1976, avant l'adoption de la Loi sur les jeunes contrevenants, alors que la Loi sur les jeunes délinquants était encore en vigueur, j'ai reçu une affectation en tant qu'agente de probation, toute nouvelle mais ayant déjà atteint l'âge de la maturité, dans une petite ville de l'intérieur de la Colombie- Britannique. L'ère du magistrat sans formation juridique venait juste de se terminer et ce dernier était remplacé par un tribunal de circuit, comportant un juge ayant une formation juridique et un avocat de la Couronne. La GRC et la police n'étaient plus les responsables des poursuites.

L'agent de probation qui m'avait précédé était un alcoolique qui s'ignorait. Il était le seul agent de probation dans la ville et faisait preuve de discrimination envers les jeunes en les expédiant en grand nombre dans les cellules pour jeunes de la grande ville de Burnaby sur la côte. Il passait son temps à boire avec les policiers.

À mon arrivée, j'étais une toute nouvelle agente de probation; j'étais tout feu tout flamme et pleine d'énergie. J'ai mis sur pied des programmes de substitution à la prison des jeunes, notamment des services de travail communautaire, des programmes de jeunes travailleurs et un programme de sensibilisation sur les risques de conduite en état d'ivresse.

J'ai eu le sentiment qu'il me fallait protéger ces jeunes parce que personne d'autre ne semblait le faire, que ce soit le système d'administration de la justice, la collectivité ou même les parents. Il me semblait que le système vivait sur le dos des jeunes contrevenants. Il vivait sur le dos des jeunes à problèmes, les châtiait et s'efforçait de les jeter en prison.

Aucun adulte ne semblait se rappeler ses folies de jeunesse, les erreurs qu'il avait pu commettre auparavant: actes de vandalisme lors de l'Halloween, rodéos-automobile, vol à l'étalage, vol de véhicules et de produits alimentaires. Ces adultes ne s'arrêtaient pas un instant sur le fait que ces actes seraient aujourd'hui considérés comme des délits graves et que si on les avait inculpés à l'époque, eux aussi auraient été qualifiés de délinquants et on ne se serait pas contenté de dire qu'il faut que la jeunesse se passe.

Au cours des deux années qui ont suivi, j'ai recommandé des mesures extrajudiciaires pour tous les jeunes qui m'ont été présentés. Aucun jeune n'a été traduit devant le tribunal de la jeunesse. J'ai parlé à leurs parents, j'ai organisé des programmes de substitution à la prison, j'ai conféré avec les victimes mais je n'ai jamais véritablement organisé de rencontres de conciliation entre les victimes et les contrevenants. La police, même si nous en plaisantions ensemble, était quelque peu dérangée par le fait qu'aucun des jeunes qui m'était présenté n'était traduit devant un tribunal.

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Compte tenu de sa réaction, j'ai donc pris rendez-vous avez l'avocat régional de la Couronne, qui se trouvait dans la ville voisine à deux heures de là. Il m'a conseillé de me mettre à traduire ces jeunes devant les tribunaux, mais en les faisant accompagner par un avocat. C'est une chose qui n'avait jamais été faite auparavant, et je parle de la Loi sur les jeunes délinquants.

J'ai donc suivi son conseil et je me suis aperçue que, finalement, même si l'avocat était le plus mauvais qui soit, aucun de ces enfants n'était reconnu coupable parce que la police n'avait fourni jusqu'alors que des éléments de preuve par ouï-dire.

Par conséquent, lorsque les jeunes étaient traduits devant notre système de justice - à l'époque la LJD était encore en vigueur - l'intervention des avocats a eu un effet positif, celui d'améliorer la qualité des enquêtes de police et de réduire le nombre de jeunes inculpés. L'inconvénient, qui est toujours vrai aujourd'hui même si nous avons la Loi sur les jeunes contrevenants, c'est que les jeunes se rendaient compte de l'hypocrisie du système et se mettaient à le mépriser. Ils avaient l'impression que les avocats mentaient pour les sortir d'affaire. Ces jeunes ne comprenaient pas pour quelle raison ils avaient réagi ainsi ou pourquoi ils s'étaient ainsi fait remarquer au sein de leur collectivité. Ils ne le comprenaient pas parce que leurs parents se disputaient constamment ou les battaient. Ils étaient en colère et se défoulaient d'une autre manière. Ils avaient l'impression que lorsqu'un avocat les défendait devant le tribunal, il mentait. C'est toujours ce qu'ils pensent.

Ces enfants voyaient des jeunes êtres sanctionnés plus sévèrement que des adultes pour la même infraction. Des jeunes sans abri étaient mis en prison parce qu'on ne savait pas quoi faire d'eux. Cela se passait avant qu'il y ait un procès et des plaidoiries. On les jetait en prison et l'on rédigeait alors un rapport pour savoir ce qu'il fallait faire d'eux. Pourtant, les adultes sans abri ne sont pas jetés en prison pour le seul fait d'être sans abri.

On met en prison des jeunes parce qu'ils n'ont pas respecté leur couvre-feu. On ne le fait pas pour des adultes. Je vous rappelle qu'aujourd'hui il y a si peu de places en prison que même les jeunes contrevenants ne sont pas emprisonnés aussi souvent. Lorsqu'un jeune est condamné à un an de prison, il doit purger cette peine d'un an. Un adulte ne va faire que quatre mois s'il se tient bien. C'est une attitude totalement hypocrite. Nous traitons nos jeunes bien plus durement que nous le faisons pour nos adultes.

La police se sert des lois criminalisant les drogues pour harceler et inculper certains jeunes alors qu'elle ne le ferait pas aussi facilement pour un adulte. Là encore, l'hypocrisie des lois sur les drogues dépasse tout ce que l'on peut imaginer. Par conséquent, parce qu'ils sont traînés devant les tribunaux, les jeunes apprennent à argumenter et à contester l'autorité.

Nous nous attendons à ce que nos jeunes nous respectent et respectent nos biens si précieux, mais nous n'avons jamais respecté nos jeunes. Les jeunes suivent notre exemple. Nous ne leur avons jamais donné un modèle respectable à suivre. Nous voulons mettre en prison nos jeunes pour des périodes de longue durée, à perpétuité, parce qu'ils ont tué des adultes. Combien d'adultes sont emprisonnés à perpétuité parce qu'ils ont tué leurs enfants? Je n'en connais pas. L'enfant se demande qui va le défendre alors que ce sont les adultes que l'on défend. Voilà le genre d'hypocrisie dont se rendent compte les jeunes.

Que voulons-nous apprendre à nos enfants? Si nous recourons à l'affrontement au sein d'un tribunal, nous apprenons à nos enfants à recourir à l'affrontement. Regardez notre société actuelle. Il y a les batailles entre les syndicats et les directions. Il y a l'escalade des guerres de la drogue. Il y a une politique et des médias polarisés. Notre société est empreinte de colère et de vengeance.

En recourant à un système de justice axé sur la réhabilitation, à un modèle de pardon et de réconciliation avec la victime intégré au sein de la collectivité, comme celui que l'on emploie en Afrique du Sud aujourd'hui, nous apprendrons à nos jeunes à se sentir précieux, à être de bons citoyens et nous contribuerons à penser les plaies de notre société.

Je vous remercie.

La présidente: Merci.

Monsieur Siemens.

M. Jim Siemens (coprésident, Vancouver Family Court Youth Justice Committee): Bonjour.

En consultant le feuillet dans lequel vous faites état des différentes questions dont vous voulez que nous discutions aujourd'hui, il m'est apparu très difficile de couvrir tous les sujets devant être traités. J'ai donc pensé venir vous parler des mesures extrajudiciaires, telles que je les concevais.

.1125

Comme je suis arrivé ici très tôt, je suis allé marcher. J'ai demandé à mon compagnon de marche ce qu'il pensait de la justice pénale, des jeunes et de la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est un homme qui a environ 45 ans. Alors que nous marchions dans la pénombre, il m'a parlé de sa jeunesse et de l'habitude qu'il avait prise de voler dans le magasin local de la Compagnie de la Baie d'Hudson. Il a fini par être appréhendé. On l'a saisi sur le fait. Il m'a dit avoir le sentiment que c'était finalement ce qu'il cherchait. Il savait qu'il finirait par être pris et qu'il se passerait quelque chose. Il appartenait à une famille très nombreuse de Winnipeg. On l'a fait venir dans le bureau et l'on a appelé la police.

Il a eu la chance de tomber sur un très bon agent de police, un homme très attentionné qui connaissait par ailleurs la famille. Cet agent lui a parlé et s'est mis en relations avec lui. Il lui a fait restituer ce qu'il avait pris à la Compagnie de la Baie d'Hudson. Il a peut-être passé quatre ou cinq heures par semaine avec ce jeune et lui a expliqué ce qu'était la criminalité et comment il fallait mener sa vie. Ce jeune s'est senti véritablement reconnu par quelqu'un. Il a eu le sentiment qu'il était une personne importante au sein de la collectivité et que les gens se préoccupaient effectivement de son sort.

Il n'a jamais récidivé. Avec le recul, il considère aujourd'hui que c'est le projet le plus salvateur que quelqu'un ait jamais entrepris pour son compte. Il s'est mis à mieux se comporter et a eu bien moins de problème.

En Colombie-Britannique, nous avons un certain nombre de collectivités qui expérimentent des mesures extrajudiciaires pour les jeunes dans le cas d'une première infraction. Je me suis intéressé tout particulièrement à celles qui sont mises en place à Burns Lake, the Kootenays, Richmond et Maple Ridge. Tout le monde collabore, le contrevenant, la Couronne, la police, les services de probation et la société, pour mettre en place des moyens de contrôle et fournir un encadrement aux jeunes contrevenants.

Le contrevenant doit assumer la responsabilité de ses actions. On lui en explique les conséquences. Cela se fait immédiatement, dans les 14 jours de la perpétration de l'infraction. Un mentor est affecté aux jeunes au sein de la collectivité. Ce dernier doit assumer les conséquences de ses actes. S'il y a de l'argent à rembourser, la collectivité intervient et des emplois sont fournis par les différentes entreprises. Lorsque le jeune a terminé son travail au sein de l'entreprise, on lui fournit une recommandation si le travail a été bien fait. Le mentor lui signe sa décharge et il est libre d'aller où il veut.

Mais bien souvent ce n'est pas ainsi que ça se passe. Le mentor, qui est à ce moment-là en relations avec la famille et avec le jeune, poursuit bien souvent son action et devient l'ami et la personne chargée de maintenir ce jeune dans le droit chemin.

Le programme administré à Maple Ridge a un taux de réussite de 93 p. 100. Cela signifie que 93 p. 100 des jeunes qui se sont retrouvés devant le comité ne récidivent pas dans un délai d'un à deux ans.

Nous estimons que chaque fois qu'un jeune est traduit devant les tribunaux et qu'il est condamné à une peine d'emprisonnement, il en coûte plus de 100 000$ à la société. Le recours à un autre modèle, celui des mesures extrajudiciaires pour les jeunes, représente une économie considérable en temps, en argent et en ressources humaines.

Je vous remercie.

La présidente: Merci.

Monsieur St-Laurent.

.1130

[Français]

M. St-Laurent (Manicouagan): D'abord, merci de vous être déplacés et d'être venus nous faire part de vos témoignages. Nous en avons tellement besoin.

Madame Martz, votre allocution est intéressante. Il y a déjà trois ans, nous étions élus au Parlement. Les premiers discours que je prononçais, à la lumière de l'expérience personnelle que j'avais acquise lorsque je travaillais auparavant dans un centre de détention, avançaient que le système d'incarcération actuel est absolument désuet et dépassé. Il a peut-être été jadis bon, mais il est dépassé, tant au niveau de la hiérarchie qu'au niveau des résultats. Les résultats obtenus ne sont pas vraiment ceux que l'on recherche.

Selon mon évaluation personnelle et mon expérience, et puisque le Bloc québécois m'a confié la responsabilité de ce dossier, j'ai estimé à plus ou moins 80 p. 100 le taux de récidive des gens qui se trouvent dans un pénitencier à l'heure actuelle; c'est-à-dire que 80 p. 100 des gens qui s'y trouvent ont déjà fait de la prison auparavant. C'est ainsi que je calcule le taux de récidive dans les prisons du pays.

Statistique Canada ou d'autres sources ne livrent pas les mêmes chiffres puisque les calculs ne sont pas faits de la même façon. Entre autres, et c'est important de le dire, certaines données évaluent le taux de récidive à 38 ou 39 p. 100. Ce n'est pas exact, puisque ces calculs ne tiennent compte que d'une période de six mois suivant la période de probation. Si un individu a récidivé au cours de cette période, on l'inscrit parmi ces 38 p. 100. Mais si six mois et une semaine plus tard, il fait un vol de banque, il n'est pas comptabilisé en tant que récidiviste. À mon avis, c'est fausser les données pour des calculs que j'appelle politiques.

Nous avons dépassé cette étape. Notre comité cherche bien sincèrement à trouver des solutions de rechange à l'incarcération. Moi, j'y crois et j'y crois de cette manière-là. C'est pourquoi votre intervention, madame Martz, est très intéressante.

Quelles solutions avez-vous explorées, un peu comme nous qui nous promenons - je ne devrais pas dire nous promener parce que ça comporte une tangente un peu amusante - , qui travaillons et nous déplaçons partout au pays pour faire de la recherche, rencontrer des gens comme vous qui avez du vécu et des solutions à apporter et essayer de trouver des solutions de rechange pour ensuite écrire au ministre pour lui dire ce qu'il faudrait faire.

Avez-vous, avec les moyens dont vous disposez et ou selon le territoire que vous couvrez, fait de petites recherches ou des analyses? Avez-vous rencontré des gens qui ont pu vous dire qu'il existait une solution pour faire chuter le taux de récidive à 10 p. 100? Vous en avez aussi parlé un petit peu, madame Gottschan. Est-ce que vous avez fait des recherches qui pourraient nous faire avancer dans notre travail aujourd'hui?

Mme Martz: Je m'excuse, mais je vais répondre en anglais; cela m'est plus facile.

M. St-Laurent: Je vous en prie; il n'y a aucun problème.

[Traduction]

Mme Martz: Je n'ai certes rien fait personnellement qui puisse être qualifié de recherche, monsieur St-Laurent. Je fais simplement état de mon expérience en tant qu'avocate auprès de la cour pendant une période de huit mois, période pendant laquelle j'ai fait exclusivement ce travail. Lorsque je travaillais auprès des jeunes, il m'est apparu clairement que la seule chance de les toucher véritablement était de les mettre en relations avec des personnes attentionnées et qualifiées.

Il y avait de nombreux jeunes qui faisaient constamment des séjours en prison. Il s'agissait véritablement d'une porte-tambour. On se prononçait sur un chef d'inculpation. Ils étaient condamnés à faire un séjour au centre de détention pour les jeunes. Ils purgeaient leurs trois mois. Si je marquais sur mon calendrier la date de leur libération, je savais qu'ils seraient de retour quelques jours ou quelques semaines plus tard parce qu'ils étaient pris dans cet engrenage.

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Les jeunes que je représentais, parce qu'ils étaient dans le circuit des services sociaux, avaient effectivement accès à des services. Chaque jeune avait à son service un travailleur social. Certains jeunes rencontraient en tête-à-tête des travailleurs sociaux, qui constituaient pour eux un modèle positif. C'était généralement des personnes jeunes qui consacraient un certain temps à des loisirs en leur compagnie dans un but thérapeutique afin de les éloigner des mauvaises influences. Certains de ces jeunes avaient aussi des conseillers en matière d'abus de drogue et d'alcool.

Dans certains cas, j'ai vu là une corrélation. Le temps passé avec ces professionnels s'est mis à donner des résultats. Le jeune réagissait bien, mais inévitablement les problèmes venaient du fait que ces contacts étaient très limités.

Le travailleur s'occupant personnellement d'un jeune le rencontrait une ou deux fois par semaine. Le conseiller en matière de drogue et d'alcool le rencontrait une fois par semaine. Il était tout simplement impossible pour ces personnes qualifiées et ces travailleurs acharnés de faire véritablement des progrès ou de changer véritablement le cours de la vie de ces jeunes.

Il m'a toujours semblé que si l'on pouvait prendre ces jeunes et, au lieu de les expédier au CDJ, au centre de détention des jeunes, dans ce cadre faussé en raison de la façon dont il est structuré... On les bouscule toute la journée, on les oblige à aller à l'école; ils prennent un certain nombre de bonnes habitudes mais il n'y a aucune raison qu'ils acquièrent les moyens de poursuivre ce mode de vie responsable une fois libérés au sein de la collectivité.

Il faudrait peut-être que l'on prévoie une forme d'intervention déterminée de ce type au sein de la collectivité, dans un cadre qui leur donnerait les moyens d'apprendre à se débrouiller eux-mêmes - à se lever le matin, à aller d'eux-mêmes à l'école. Il est évident que ces jeunes ont besoin d'aide.

Je veux dire par là que le contact humain avec des personnes qualifiées fait toute la différence. Il n'est pas nécessaire que ce soit au sein d'un établissement. En réalité, l'établissement ne fait pas progresser les enfants et n'aide pas notre société parce que c'est un cadre artificiel. Il faut que cela ait lieu au sein de la collectivité si l'on veut remettre les jeunes dans le droit chemin. C'est ce que je pense.

[Français]

M. St-Laurent: J'ai bien aimé cette approche un peu plus humaine. C'est donner un peu plus du côté humain de la judiciarisation.

La prochaine question s'adresse à Mme George.

On a rencontré quelques personnes qui se refusent à admettre que la judiciarisation des jeunes contrevenants n'est pas uniquement l'affaire du système de justice. Tout le monde est conscient que c'est l'affaire de tous et chacun d'entre nous dans la société et que, depuis quelques années, on a plutôt eu tendance à s'en laver les mains. On manquait un peu de sens des responsabilités. Ce n'est pas un défaut; c'est juste une façon dont la vie nous a fait tourner qui nous a menés vers ces aspects-là.

Mais aujourd'hui, on se rencontre un peu plus, et les intervenants qui nous font face nous rappellent cet aspect-là. Ils nous demandent pourquoi on éloigne les enfants des parents lorsque l'enfant a un problème. C'est ça qui se produit finalement quand le jeune vole du chocolat dans un dépanneur. Souvent, ce n'est pas parce qu'il a faim et qu'il a vraiment besoin de chocolat. Il y a un autre gros problème derrière cela, sur lequel on ne travaille pas assez.

Je dis pas assez, parce qu'il y a des endroits où on y travaille. Au Québec, il y a des endroits où ça fonctionne vraiment bien. Il y aurait lieu de prendre des exemples à partir de là, mais ce qui s'applique au Québec n'est pas nécessairement applicable ici. Il y a des questions de mentalité et de culture.

Il y a des choses qui fonctionnent très bien aussi dans le Nord. On arrive du Yukon. On est allés aussi à Whitehorse et on a vu d'autres endroits comme Iqaluit, où il y a des cercles de détermination de la peine qui fonctionnent bien, qui donnent des résultats surprenants.

C'est peut-être une culture qui ne peut pas s'appliquer ici. Peut-être qu'on devrait en prendre des morceaux et l'appliquer ici.

Madame George, vous sembliez plus prête à répondre à ce genre de questions, mais ça peut être aussi Mme Gottschan.

Est-ce que vous pensez, par exemple, que les parents devraient être plus présents?

Je vais même mêler à ma question les propos de M. Siemens.

.1140

Il dit avoir connu quelqu'un qui a eu la grande chance de connaître un policier bienveillant. Plutôt que de faire un travail strictement répressif, le policier a fait un travail de consultant, il s'est tourné vers la famille, etc.

Il me semble qu'on pourrait voir là une solution intéressante. S'il y avait récidive, pas seulement une, mais deux ou trois fois, et selon la gravité du crime, la justice pourrait entrer en scène, la justice qu'on connaît aujourd'hui, mais améliorée, bien sûr. À ce moment-là, le parent aurait un meilleur rôle à jouer. Il se sentirait plus important et non écarté du système. Le policier se sentirait comme un membre de la société plutôt que comme un méchant homme en uniforme qui fait un méchant travail. Cela coûterait un peu moins cher à tout le monde, et on obtiendrait de meilleurs résultats.

[Traduction]

Mme George: Je commencerais par dire que le soin de veiller au bien-être des enfants et des jeunes incombe à la collectivité et non pas simplement aux parents. Nous sommes tous concernés lorsqu'il nous faut oeuvrer ensemble à l'amélioration de la situation dans nos quartiers et au sein de nos collectivités pour que les enfants puissent être élevés en toute sécurité.

La seule solution qui nous paraît la bonne consiste à faire participer non seulement l'enfant ou le jeune concerné, mais aussi les parents, les gardiens et tous ceux d'entre nous qui ont cette responsabilité au sein de la collectivité. C'est pourquoi notre comité part du principe que les programmes faisant appel à des mesures extrajudiciaires impliquent non seulement les parents du contrevenant mais aussi les autres membres de la collectivité, qui ont tout intérêt eux aussi à ce que l'on trouve une solution qui donne de bons résultats. Il faut aussi que le jeune puisse bénéficier de certains appuis et que certaines solutions soient élaborées conjointement.

Tout ce qui a trait à l'intervention d'un mentor et à la concertation entre les gens, non seulement pour contrôler le comportement de l'enfant mais aussi pour apporter un soutien à la famille concernée, c'est la clé. En ce qui me concerne, c'est de là qu'il faut partir. C'est une responsabilité de la collectivité.

Je vais vous citer un exemple en particulier. Dans 26 localités de la Colombie-Britannique, quelque 500 parents se réunissent toutes les semaines, 10 ou 15 d'entre eux dans chacun des groupes. La majorité d'entre eux, 78 p. 100, ont indiqué qu'ils s'étaient déjà adressés à cinq ou six sources différentes pour trouver de l'aide pour eux-mêmes et pour leurs enfants. Cela veut dire en ce qui me concerne que la majorité des parents cherchent à changer leur propre vie et celle de leurs enfants. La question est de savoir si des services appropriés sont disponibles au sein de nos collectivités.

Il m'apparaît que si nous nous y mettons ensemble et si nous considérons qu'il s'agit là d'une responsabilité collective, plutôt que d'abandonner à leur sort ces individus et leurs familles, nous parviendrons à des résultats.

La présidente: Quelqu'un d'autre a une observation à faire? Monsieur Siemens.

M. Siemens: Le modèle dont je vous parle aujourd'hui, le programme permettant d'appliquer des mesures de substitution à Ridge Meadows, part du principe que tous les intervenants, la victime, les parents, le système judiciaire, les services de probation, doit s'impliquer pour que les mesures extrajudiciaires réussissent.

Je ne sais pas pourquoi M. St-Laurent a l'impression que les mesures extrajudiciaires ne sont pas une réussite. Partout où on les a essayées, le taux de réussite se situe entre 75 et 90 p. 100 lorsqu'il s'agit d'empêcher les récidives dans un délai d'un à deux ans. Il semble que lorsqu'on examine la chose, ce programme semble avoir beaucoup de succès.

.1145

Il y a un autre programme que j'ai examiné à Richmond. Il a été mis sur pied par la police et des psychologues interviennent auprès de jeunes contrevenants parfois violents qui, bien souvent, proviennent de foyers violents. Il y a là une relation permanente qui s'instaure parfois pendant deux ou trois ans, sans que l'on fixe de délai. Elle peut se poursuivre indéfiniment s'il en ait besoin. Le taux de réussite, là encore, est phénoménal lorsqu'on cherche à éviter la prison aux jeunes et à les empêcher de récidiver.

Je comprends ce que vous nous dites. Il est peut-être important de considérer non seulement les auteurs d'une première infraction mais aussi le comportement des contrevenants sur un certain nombre d'années, éventuellement pendant toute leur adolescence. Je n'y vois aucune difficulté. Toutefois, les modèles que l'on a généralement considérés jusqu'à présent s'adressaient à des auteurs d'une première infraction.

Vous nous demandez si nous avons fait des recherches à ce sujet. Nous n'avons pas fait de recherches au sens traditionnel du terme, mais nous avons parlé aux juges, aux procureurs de la Couronne, aux agents de police, aux gardiens dans les centres de détention des jeunes, aux parents, aux médecins et aux infirmières. Nous avons conversé avec pratiquement tous ceux qui sont en contact avec les jeunes et nous leur avons demandé leur sentiment.

Pratiquement tous sont mécontents du fonctionnement du système judiciaire qui s'applique aux jeunes. Il doit y avoir de meilleurs moyens d'agir. Le seul qui nous semble fonctionner est celui des mesures extrajudiciaires pour les auteurs d'une première infraction, l'intervention en permanence d'un mentor devant avoir du succès.

Je vous remercie.

La présidente: Merci, monsieur St-Laurent.

Monsieur Ramsay, vous disposez de 10 minutes.

M. Ramsay (Crowfoot): Merci, madame la présidente. Je tiens à remercier nos témoins d'être venus ce matin et d'avoir exposé la situation aux membres du comité.

Nous avons sillonné le Canada. Nous avons entendu de nombreux intervenants. Nous avons rendu visite à de nombreux établissements, qu'il s'agisse d'une garde en milieu fermé ou en milieu ouvert. Nous avons parlé aux jeunes contrevenants à l'intérieur de ces établissements. Je pense qu'il nous faut retirer de l'argent en bout de chaîne pour l'investir au départ - au niveau de la prévention et de la détection précoce - mais ce n'est pas du ressort du système d'administration de la justice.

Les problèmes que rencontrent les jeunes, à mon humble avis, viennent d'un manque d'amour et de soins qui leur sont indispensables. Autrement dit, ils ont besoin d'une sécurité affective. Ils ont besoin d'une sécurité physique. Ils ont des besoins sur tous ces plans, sur le plan intellectuel et autres, tout au long de leur croissance. Si les parents ne leur donnent pas ce dont ils ont besoin, ils éprouvent toutes ces difficultés. Je ne sais pas comment l'on peut y remédier.

Le système d'administration de la justice se charge de protéger la société lorsqu'il y a une cassure et que l'on n'a pas réussi à répondre aux besoins de ces enfants. Ils réagissent alors avec colère, haine, peur ou autre, mais la plupart de ceux avec qui j'ai pu parler alors que nous avons sillonné le pays savaient faire la différence entre le bien et le mal. Ils savaient que ce qu'ils faisaient était mal. Comment adopter une loi pour que les parents aiment leur enfant?

Laissez-moi vous citer un passage du rapport Jasmin:

La dernière observation m'a stupéfait. On nous dit:

J'ai toujours pensé que c'était le contraire. Que dire alors des familles monoparentales - des mères qui élèvent seules leurs enfants? Cela nous révèle tellement de choses qui ne relèvent pas de la justice. Si la justice est conçue avant tout pour protéger la société, pour faire en sorte que l'on prononce une sanction juste et équitable en cas d'infraction contre les personnes ou contre la propriété, pour servir d'élément de dissuasion et pour tenir compte des possibilités de réhabilitation de l'individu, que peut-on faire de plus, d'un point de vue de la justice?

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Je regarde les programmes que l'on a conçus et je suis très intéressé, M. Siemens, par ce programme qui permet, pour une raison ou pour une autre, d'appliquer des mesures extrajudiciaires qui ont du succès pendant au moins un an. C'est donc le cas pour 93 p. 100 des enfants qui passent par votre programme. C'est un signe très encourageant.

Nous avons vu d'autres programmes remarquables. Ils prennent en charge les jeunes, leur donnent des soins, l'amour et le sens des responsabilités qui leur ont en quelque sorte manqués au sein de leur famille. L'exemple que vous donnez au sujet de l'agent de police est caractéristique. Ce jeune a compris quelque chose, ou encore il a bénéficié des soins et de l'attention que lui a prodiguée cet agent de police sur une courte période, et c'est justement ce dont il avait besoin.

Nous avons toutefois parlé à de jeunes contrevenants qui nous disent simplement que la réhabilitation dont se chargent au sein du programme des personnes véritablement concernées n'est qu'un leurre. Nous avons demandé aux jeunes adultes qui se trouvent dans les établissements si les moyens de réhabilitation qui leur étaient fournis leur servaient à quelque chose. Ils nous ont dit bien clairement que lorsqu'ils étaient prêts à ce qu'on les aide, c'était très bien et cela les aidait mais que lorsqu'ils n'en avaient cure, ce n'était pas la peine d'y penser, ils n'en retiraient aucun profit. En lisant mes notes, je peux voir de nombreux commentaires de ce type.

Je voudrais aborder un autre sujet et j'aimerais avoir vos commentaires. Nous avons vu d'excellents programmes conçus par des gens motivés comme vous à changer le système. Il n'en reste pas moins que lorsque le gouvernement dépense 100 000$ pour incarcérer un jeune contrevenant, on aime à penser que quelqu'un tire profit de ces 100 000$.

Nous avons ce que j'appellerais une industrie de la justice pénale en pleine expansion avec des gens qui ont puissamment intérêt à ce que l'on maintienne le statu quo. Ainsi, si l'on réduisait de moitié le nombre de jeunes contrevenants pris en charge par le système, il y aurait de nombreuses personnes qui perdraient leur emploi. On aurait besoin de moins de juges, d'avocats et de procureurs de la Couronne, et de moins de gens éventuellement dans les programmes de réhabilitation.

Nous sommes allés dans une petite localité du Yukon où l'on nous a dit que la société était dysfonctionnelle. Les responsables sont là-bas en quête de 50 000$, pas plus, pour mettre en oeuvre un programme devant aider leurs enfants, et savez-vous combien va dépenser cette semaine le contribuable pour la Colombie-Britannique et le Yukon? Nous allons dépenser plus de 80 000$.

Je dis donc qu'il y a une véritable bataille en raison des obstacles qui s'opposent au changement, parce qu'il y a des institutions puissantes au sein du système d'administration de la justice qui vont lutter pour s'opposer au changement. Il y a des gens comme Charlotte qui ont du coeur et qui aimeraient que l'on procède à ces changements. Vous nous avez dit que vous aviez travaillé au sein du système et que vous aviez pu constater qu'il y avait des obstacles et qu'il fallait changer les mentalités. On ne peut pas tout changer du jour au lendemain. On ne peut pas dire demain ce sera différent en se retournant dans son lit. Il faut que les choses se fassent progressivement et les gens doivent y mettre du leur.

Au bout du compte, il faut que le système d'administration de la justice protège la société, protège votre enfant et le mien et protège nos biens. Vous avez parlé de nos biens si précieux et j'ai cru y voir une certaine forme d'ironie, mais notre bien le plus précieux, c'est notre corps. Le violeur qui se sert du corps d'autrui prend son bien le plus précieux.

Je pense donc que la responsabilité du système judiciaire ne doit pas être confondue avec la responsabilité des autres programmes sociaux, des programmes de prévention et de détection précoces qui doivent être mis en oeuvre au niveau des provinces et des territoires et non pas simplement au plan fédéral. Je ne pense pas que quelqu'un puisse être contre cela, mais nous n'en avons pas moins des devoirs et des responsabilités.

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Que doit-on faire du jeune contrevenant qui est une bombe à retardement, qui a purgé sa peine, qui doit être réinséré dans la société et qui n'a rien retiré des programmes de réhabilitation qui ont été mis à sa disposition? Que faire alors?

Avec les adultes, nous voyons la même chose. Un journal m'a appelé ce matin pour me parler d'une mort causée par un détenu ayant bénéficié d'une libération conditionnelle anticipée.

Avez-vous des commentaires à faire sur tous les problèmes que je viens d'évoquer?

La présidente: Madame Gottschau.

Mme Gottschau: Lorsque vous nous dites que le système judiciaire doit protéger la société, la question que je me pose, c'est comment définir la société. Nos enfants font partie de la société. On parle comme si les enfants étaient ailleurs. Nous devons protéger nos enfants et il faut bien que le système judiciaire en tienne compte si l'on veut en revenir véritablement au premier principe.

Vous nous dites que nos corps sont notre bien le plus précieux, mais je pense plutôt que ce sont nos enfants. Nous ne considérons pas nos enfants comme des ressources précieuses, sur lesquelles nous devons nous appuyer pour bâtir notre société lorsque nous ne serons plus là.

Ce que j'aimerais dire aussi, c'est que si l'on revient en arrière, dans les années cinquante - peut-être est-ce à cause de la guerre et des anciens combattants qui à leur retour avaient plus de maturité et allaient à l'université - on nous a appris à déléguer nos responsabilités aux spécialistes. Les parents avaient appris à s'adresser à la police. On nous avait appris à aller voir des médecins, des avocats, n'importe qui plutôt que de faire confiance à nous-mêmes et à notre collectivité.

Je pense qu'en raison du fait que nous avons moins d'argent à l'heure actuelle, notre société reprend une part de ses responsabilités, et c'est certainement le cas dans le secteur de la santé. Vos audiences en sont un autre exemple et je pense que probablement leur objet est ou devrait être de nous amener à nous demander en tant que collectivité, comme l'a dit Patsy, et en tant que parents, ce que nous pouvons faire pour assumer à nouveau notre responsabilité d'élever et d'éduquer nos enfants.

La loi empêche nos enfants d'occuper très tôt un emploi. J'avais pour travail de remettre en place les quilles dans un salon de quilles. C'est une chose qui ne se fait plus aujourd'hui parce qu'il y a probablement un syndicat et en outre parce qu'on considère qu'il y a des risques. J'avais des billets de théâtre et je faisais toutes sortes de choses lorsque j'étais jeune.

Que peuvent faire les enfants maintenant? S'il a la chance d'avoir un parent auquel ses propres parents ont appris à encourager les enfants et à ne pas les critiquer tout le temps, tout se passera alors très bien. Je pense que notre société et que notre système judiciaire doivent aussi protéger les enfants.

La présidente: Merci. Monsieur Siemens.

M. Siemens: Il est certain que la famille et que les pères, comme vous nous le dites, sont terriblement importants lorsqu'il s'agit d'élever un jeune, mais je crois qu'il ne faut pas oublier que la collectivité a son mot à dire. Tout ne dépend pas nécessairement du couple qui fait le maximum pour ses enfants. Il faut que la collectivité participe. Lorsqu'il y a des mères qui élèvent seules leurs enfants, par exemple, là encore la collectivité doit s'impliquer et il doit y avoir des gens qui s'intéressent au bien-être de ces enfants, de ces personnes si précieuses.

Dans les modèles dont je vous ai parlé, dans le cas par exemple de Ridge Meadows, on tient compte de cela aussi. Les parents sont impliqués au sein de ce programme, et bien souvent ce sont des mères qui élèvent seules leurs enfants. Toutefois, il y a aussi des gens de la collectivité, des hommes et des femmes qui servent de mentor à ces jeunes et qui veillent à ce qu'ils voient autre chose, à ce qu'ils prennent des habitudes nouvelles et à ce qu'ils apprennent que le fait d'exceller a du bon.

Les enfants veulent toujours faire un bon travail. S'ils se destinent à une carrière criminelle, ils veulent être de bons criminels. S'ils apprennent par contre à être de bons citoyens et à prendre part en tant que citoyens à ce qui se passe dans leur collectivité, ils n'en seront que meilleurs. Ils seront meilleurs à l'école, ils seront meilleurs dans leur foyer et ils transmettront les qualités qu'on leur a enseignées.

Dans le cadre du programme de Ridge Meadows, que je ne me lasse pas de mentionner, ils travaillent dans des magasins et des entreprises de la collectivité. Ils remboursent ce qu'ils ont pris et ils s'occupent de programmes pour les jeunes handicapés qui veulent organiser une fête pour l'Halloween. C'est ce qu'ils font cette semaine. Ces gens sont impliqués dans ce genre d'activités.

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Ce ne sont pas simplement une ou deux personnes qui sont impliquées. Il y a 130 cas qui ont été traités par le comité à Ridge Meadows et le taux de réussite est de 93 p. 100. Cela représente des économies considérables sur le plan financier et humain. Comme vous le dites, ces 100 000$ vont quelque part et servent à quelque chose. Je pense que dans ce cas ils resservent plusieurs fois afin d'injecter des fonds dans le système, de faire en sorte qu'il fonctionne, de l'étendre et de l'améliorer.

Nous avons un problème en ce moment en Colombie-Britannique alors que le gouvernement nous dit que notre société va tellement mal qu'il faut doubler le taux d'occupation, mettre les détenus deux par deux dans toutes les cellules parce que nous ne voulons pas construire de nouvelles prisons. Il y a cependant tous ces adolescents qui passent à l'acte. Il faut que la collectivité soit présente.

Je vous remercie.

La présidente: Merci monsieur Siemens. Madame George.

Mme George: J'aimerais vous répondre à un ou deux points en particulier, Monsieur Ramsay. Vous nous avez parlé de l'importance des relations entre les adultes et les enfants, entre les parents et les enfants, et vous êtes parti alors du principe qu'il y avait là en quelque sorte un manque et qu'il suffirait que ce manque disparaisse pour que nous n'ayons plus de problème.

Je pense qu'il nous faut faire bien attention de ne pas blâmer à nouveau les parents. J'ai quelque 30 ans d'expérience en tant que travailleuse sociale dans de nombreuses régions du pays et je peux vous dire que nombre de jeunes dont nous parlons proviennent de familles qui vivent dans la pauvreté depuis plus d'une génération. Ce sont là des parents qui luttent contre le chômage, contre l'absence de logement à un coût abordable et contre un certain nombre d'autres facteurs qui exercent une grande pression sur quelque 25 à 30 p. 100 de notre population dans notre pays.

Il me semble qu'il nous faut aussi régler ces questions sans nous demander constamment si les parents sont personnellement aptes à donner de l'amour et des soins. Je vous dirais que cette aptitude est influencée par les conditions sociales et affectives que connaissent ces gens. En tant que responsable élu, vous avez aussi la responsabilité de remédier à ces problèmes.

Je tiens aussi à faire observer que depuis trop longtemps nous cloisonnons nos responsabilités au sein de la collectivité, que ce soit à différents paliers du gouvernement ou dans différents ministères. Il nous apparaît de plus en plus évident que si nous n'intégrons pas les services, les programmes et les politiques, non seulement entre les différents ministères, mais aussi entre les différents paliers de gouvernement, autrement dit au niveau de l'ensemble de notre société, nous ne réussirons pas en fait à régler ces questions.

Je m'inquiète lorsque je vous entends dire que ce que nous recommandons ne relève pas nécessairement du mandat de votre comité. Il me semble que vous faites partie intégrante du gouvernement du Canada et de la collectivité canadienne et il nous faut donc tous ensemble nous atteler à la tâche si nous voulons régler ces questions. Si nous agissons en rang dispersé, les familles fragiles resteront fragiles.

La présidente: Merci, Mme George.

Madame Martz, j'ai bien envie de vous demander de commenter les observations faites par M. Ramsay au sujet de l'industrie de la justice pénale, puisque vous en faites partie.

Mme Martz: Il y a une chose qui m'a frappé, et je crois que Patsy en a déjà parlé. Je conviens bien volontiers qu'il y a des limites à ce que peut faire le système d'administration de la justice. Je n'ai aucune difficulté à accepter l'opinion de ceux qui disent que nombre des jeunes à risque dont nous parlons devraient être pris en charge par d'autres systèmes. Je suis par contre tout à fait d'accord avec Patsy lorsqu'elle nous dit que nous nous sommes fourvoyés en permettant à différents ministères gouvernementaux de protéger leur pré carré. Nous gaspillons beaucoup d'argent et beaucoup d'énergie de cette façon.

Je pense aussi que lorsqu'un délit est commis dans notre système actuel, il est inévitable que le jeune va être traduit en justice et qu'une inculpation va être prononcée. Je suis convaincu qu'il y a des moyens de faire participer les jeunes à des programmes positifs comme ceux dont nous avons parlé ce matin, dans le cadre du système judiciaire. Les juges veulent toujours avoir une possibilité de choix. Les jeunes commencent généralement par une ordonnance de mise à l'épreuve. Le champ des possibilités est illimité lorsqu'il s'agit de donner des choix au juge du tribunal pour adolescents afin de diriger un jeune sur certains programmes.

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Jim nous parle des programmes instituant des mesures extrajudiciaires au sein de la collectivité en faisant appel au volontariat. À l'autre bout de l'échelle, on pourrait avoir des programmes intégrés au sein de la collectivité pour lesquels la participation serait ordonnée par les tribunaux. Les juges que j'ai rencontrés seraient ravis d'avoir davantage de choix lorsqu'ils doivent décider du sort des enfants qui leur sont présentés.

La présidente: Merci, Mme Martz. Monsieur Gallaway.

M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Merci, madame la présidente. Je remercie les témoins de leur exposé de ce matin.

C'est notre avant-dernier jour d'audiences et l'opération a pris du temps. Je pense qu'en grande partie ce que nous avons entendu ce matin nous ramène à la question du début, à savoir à quoi nous sert la Loi sur les jeunes contrevenants? J'ai entendu de nombreuses explications ce matin.

Mme Gottschau, vous nous avez longuement expliqué pour quelles raisons les enfants étaient cyniques et ce qui faisait toute l'hypocrisie de notre système dans la façon dont nous traitons les enfants qui n'ont aucun démêlé avec la société ou avec la loi.

Je pense à toute cette procédure et à ce qui semble se profiler dans un an à la suite de cette révision. On a pu lire dans des articles de presse que certains membres de notre comité s'étaient déjà fait une opinion au sujet de ce qui allait advenir à la suite de cette procédure. Je ne suis pas encore suffisamment détaché des réalités de notre société pour ne pas me rendre compte qu'il y a aussi un parti politique qui a proposé l'abrogation de la Loi sur les jeunes contrevenants et sa réintégration au sein de l'ancien Code criminel et qui nous dit que les enfants sont en fait des membres de la société et qu'ils sont adultes, quel que soit leur âge, dès qu'ils entrent en conflit avec la société. Je me demande donc en fait qui s'est déjà fait une opinion à l'avance.

Pour être juste, je dois reconnaître que Mme Gottschau a exposé en partie les raisons pour lesquelles il convenait de traiter séparément les enfants, mais j'aimerais que l'un d'entre vous me dise en quoi il estime que la Loi sur les jeunes contrevenants est nécessaire. Il se peut aussi que vous partiez du principe contraire et que vous jugiez que la Loi sur les jeunes contrevenants n'est pas nécessaire ou qu'il y a une autre dimension qui intervient et qu'il s'agit en fait d'une question d'aide à l'enfance qu'il conviendrait en réalité d'aborder au niveau de la famille ou de la collectivité. Je reconnais que c'est très vaste. C'est jeudi et il est tôt.

Mme Gottschau: Vous avez absolument raison. Je n'aimerais certes pas que les jeunes contrevenants relèvent des dispositions du Code criminel. Le Code criminel lui-même est un peu vieillot et quelque peu hypocrite.

À l'heure actuelle, notre société est fortement en proie à la colère et à la vengeance et nous avons donc de nombreux jeunes et de nombreux adultes qui sont en piètre état. Mon espoir, je pense, c'est que nous nous occupions véritablement des enfants dans le cadre de programmes communautaires pour que nous commencions la guérison par nos jeunes. Nous avons cependant besoin d'une Loi sur les jeunes contrevenants ou d'un autre texte de ce type.

Comme nous l'a dit Mme Martin, cette loi permet sur tous les plans de régler les problèmes posés par les jeunes qui sont des délinquants confirmés et ceux qui ne le sont pas encore. Simplement, lorsqu'une chose est mise par écrit, les gens ont tendance à l'utiliser davantage. C'est la difficulté.

M. Gallaway: Merci.

La présidente: Monsieur Siemens.

M. Siemens: Merci. Je pense que la Loi sur les jeunes contrevenants avait pour objet de reconnaître que ces jeunes avaient besoin d'une place spéciale au sein d'un système d'administration de la justice et, dans une large mesure, c'est ce qui est arrivé. Nous nous sommes dits que jusqu'à 17 ans ils devaient pouvoir bénéficier d'un statut spécial et être traités différemment.

Si vous décidiez de vous débarrasser de la Loi sur les jeunes contrevenants, j'espère que vous adopteriez le modèle qui a cours en Suède depuis quelques années et qui empêche dans tous les cas que ceux qu'on appelle des jeunes contrevenants puissent être traduits devant des tribunaux. Ils sont considérés comme des jeunes à risque et ils sont traités en tant que tels jusqu'à ce qu'ils aient 17 ou 18 ans. Ils sont alors pris en charge par d'autres organismes au sein de la collectivité. Je crois que dans une large mesure ce modèle a eu du succès.

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Si nous ne pouvons envisager un système axé véritablement sur les soins et intégré au sein de la collectivité, je pense alors qu'il nous faut maintenir la Loi sur les jeunes contrevenants avec les mécanismes de protection qui s'y trouvent. L'un de ces mécanismes de protection fait que l'on ne peut arbitrairement traduire un jeune devant un tribunal pour adultes; il faut pour cela passer devant un juge. Il y a donc là une meilleure protection; un fonctionnaire ne peut pas prendre la décision de référer un jeune à la justice pénale telle que nous la connaissons à l'heure actuelle pour les adultes. Je pense qu'il nous faut conserver cette loi en attendant de trouver une meilleure solution.

Mme Martz: Monsieur Gallaway, votre question me donne l'occasion d'en revenir à mon thème favori, qui est de dire que ce n'est pas en fait la Loi sur les jeunes contrevenants qui est le plus important.

Je pense que les gens oublient que les jeunes sont inculpés au titre des dispositions du Code criminel. Le Code criminel continue à s'appliquer aux jeunes. La Loi sur les jeunes contrevenants ne fait que mandater le recours à un tribunal, à des juges et à un établissement distincts. Certaines protections sont prévues sur le plan de la procédure, la plupart d'entre elles s'apparentant au type de protection dont bénéficient les adultes, avec des modifications dans certains cas. Il y a des dispositions spéciales qui ont trait aux droits des jeunes, à la façon dont on doit leur faire connaître leurs droits. On s'efforce simplement dans ce texte de tenir compte de leur jeune âge et de la nécessité de leur expliquer certaines choses.

À mon sens, il y a rien de sensationnel dans la Loi sur les jeunes contrevenants à l'exception du fait que des plafonds sont prévus. Les peines maximales sont différentes et tous les regards convergent sur ce point. Je pense que la moyenne des gens, si on leur demande s'ils souhaitent qu'un jeune de 13 ans soit jeté dans la même prison qu'un criminel endurci de 55 ans ayant un casier judiciaire faisant état d'une kyrielle d'infractions violentes, vous diront évidemment que non. Je ne vois personne qui puisse considérer qu'il s'agit là d'une bonne solution.

Je suis bien déçue lorsque je vois que le débat est axé sur la nécessité d'abroger ou de conserver la Loi sur les jeunes contrevenants. Je pense que la plupart des principes qui la sous- tendent sont à notre époque largement acceptés par la plupart des Canadiens lorsqu'ils comprennent bien de quoi il en retourne.

La présidente: Merci, Madame Martz.

Je tiens à tous vous remercier. Vous avez alimenté le débat de manière très éloquente et nous sommes très heureux de vous avoir eu parmi nous.

Nous allons faire une petite pause en attendant que nos prochains témoins se préparent.

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La présidente: Mes chers collègues, nous pourrions peut-être reprendre nos places. Je vous rappelle à l'ordre. Nous avons besoin d'une stricte discipline au sein de ce comité. Je vais vous envoyer dans un camp d'entraînement parlementaire pendant une semaine.

Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Union des municipalités de la Colombie-Britannique, Gillian Trumper, mairesse de Port Alberni, Colombie-Britannique; Steve Wallace, maire de Quesnel; enfin, Ken Vance, analyste principal des politiques.

Bienvenus. Je pense que vous avez un exposé à nous présenter avant que nous passions aux questions.

J'avertis mes collègues qu'une question a pris neuf minutes et 49 secondes. Nous ne sommes pas là pour disserter, nous sommes là pour écouter. Ne l'oubliez pas.

Allez-y.

Mme Gillian Trumper (présidente, Union des municipalités de la Colombie-Britannique): Merci de nous avoir donné l'occasion de comparaître. Je vous souhaite la bienvenue en Colombie-Britannique et à Vancouver.

Je suis à la fois présidente de l'UMCB et mairesse de la ville de Port Alberni, sur l'île de Vancouver, pour ceux qui ne connaissent pas la région. Steve Wallace est le premier vice-président de l'UMCB et il est maire de la ville de Quesnel, où vous êtes allés hier. Il est aussi président du comité des services de protection et de la justice de l'UMCB. Ken Vance est notre analyste principal des politiques.

L'UMCB représente les 179 gouvernements locaux de la Colombie- Britannique, 151 municipalités et 28 districts régionaux. Sa principale fonction est de représenter les gouvernements locaux dans leurs relations avec la province et avec le gouvernement fédéral. Elle élabore principalement ses politiques lors de son assemblée annuelle, qui a lieu en septembre, chaque année. Entre deux assemblées, le conseil d'administration et les différents comités s'occupent des affaires courantes ou des questions urgentes.

.1225

Je vais aborder les différentes questions dont nous aimerions discuter au sujet du système d'administration de la justice pour les jeunes. Je vais résumer brièvement le document sur les jeunes contrevenants qui a été entériné par les gouvernements locaux lors de notre assemblée de septembre. Il s'intitule Hope for the Future: A New Approach to Young Offenders, et je pense que j'en ai une copie. Quoi qu'il en soit, nous vous l'avons fait parvenir.

Je m'en tiendrai à deux sujets traités dans ce document - la nécessité du changement et la démarche visant à sécuriser la collectivité que propose l'UMCB. L'UMCB propose une nouvelle façon de traiter la question des jeunes contrevenants, les changements devant être intégrés à la Loi sur les jeunes contrevenants et aux programmes qui s'y rattachent. Nous préconisons que cette nouvelle démarche soit axée sur les besoins de la collectivité, sur les besoins de la victime et sur les besoins des jeunes.

Nous avons besoin de cette nouvelle démarche car le mécanisme actuel ne semble pas bien fonctionner. Aujourd'hui, les coûts de la criminalité augmentent et la collectivité est de plus en plus inquiète. On estime que les dépenses consacrées aux services de police, aux tribunaux, à l'aide juridique et aux services correctionnels se sont élevées à 9,7 milliards de dollars en 1993- 1994 - soit une augmentation de 13 p. 100 en dollars constants depuis 1988 - et que le coût total de la criminalité pourrait bien s'élever à 46 milliards de dollars par an. Les tendances actuelles nous laissent penser que ces coûts vont augmenter à mesure que nous entrerons dans le XXIe siècle.

On a de plus en plus l'impression au sein des collectivités que la criminalité est à la hausse et que la population n'est pas en sécurité. Les sondages successifs nous révèlent que 50 p. 100 des Canadiens estiment être moins en sécurité qu'il y a cinq ans et que 48 p. 100 d'entre eux considèrent que les crimes violents augmentent.

Chez les jeunes, les tendances sont les suivantes aux yeux de la collectivité. Les jeunes qui commettent des actes de violence ou qui font partie de bandes sont de plus en plus jeunes, et nombre d'entre eux sont encore à l'école élémentaire. Les commissions scolaires font état d'une hausse des agressions verbales et physiques à l'encontre des enseignants. La possession d'armes, notamment de couteaux, par des jeunes, est en augmentation, et nombre de jeunes estiment avoir besoin d'armes pour assurer leur protection. La violence chez les jeunes est devenue dans certains cas plus intense, plus aveugle et plus acharnée, souvent sans qu'il y ait eu vraiment de plan prémédité de faire mal à la victime et sans aucun signe de véritable provocation. En réalité, on ne sait pas vraiment si la criminalité est à la hausse et si nos collectivités ne sont plus en sécurité. C'est toutefois ainsi que la situation est perçue par de nombreuses personnes et il nous faut en tenir compte.

La Loi sur les jeunes contrevenants a généralement sous-estimé la responsabilité des contrevenants en ne les rendant pas suffisamment comptables de leurs actions. Elle n'a pas pris en compte les victimes en traitant la question de la criminalité et elle ne s'est pas préoccupée des craintes de la collectivité ou du rôle que cette dernière était susceptible de jouer pour lutter contre celle-ci. On a eu tendance à axer la Loi sur les jeunes contrevenants sur les besoins institutionnels du système d'administration de la justice plutôt que sur les individus en cause et sur les tragédies personnelles. Il en est résulté une accumulation des dossiers devant la justice et l'incapacité de celle-ci à s'occuper en temps utile et efficacement des besoins de la collectivité, des victimes et des jeunes. Sous sa forme actuelle, la Loi sur les jeunes contrevenants n'offre pas les ressources financières et les outils devant permettre de réhabiliter les contrevenants et elle n'offre pas la possibilité de réagir dans les meilleurs délais pour sanctionner les contrevenants comme il se doit.

Sur le plan de la sécurité de la collectivité, l'UMCB propose une démarche en deux temps qui est axée sur la sécurité de la collectivité et sur les conséquences de la criminalité. Il s'agit d'essayer de trouver un équilibre entre les besoins de la société et ceux de chacun des individus qui en sont membres. Cette démarche vise à s'assurer que la collectivité bénéficie des services devant lui permettre d'aider les jeunes ayant des difficultés tout en exigeant par la même occasion que les jeunes et leurs parents soient tenus responsables des actes commis contre la collectivité.

La première démarche s'appuie sur l'élaboration d'une infrastructure sociale. L'élaboration d'une infrastructure sociale vise à s'assurer que la collectivité dispose des outils, ou des moyens d'acquérir ces outils, de manière à pouvoir réagir efficacement. Nous vous signalons que les collectivités locales n'ont pas les moyens d'entreprendre uniquement cette démarche sans le soutien financier et l'aide des programmes de la province et du gouvernement fédéral.

Les ressources devant permettre d'adopter cette nouvelle démarche devront être prélevées sur les 9,7 milliards de dollars que nous consacrons à l'heure actuelle au système d'administration de la justice, y compris les 100 000$ que nous coûte chaque année chacun des jeunes que nous emprisonnons. Les besoins de financement devront être assurés à long terme.

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Nous proposons que la Loi sur les jeunes contrevenants soit axée sur le développement social et sur la prévention de la criminalité. On pourrait par exemple mettre en place dans le cadre de ce mécanisme des programmes pour les jeunes à risque, des cours de consultation familiale et parentale, des programmes pour les jeunes et des mesures se substituant aux sentences.

Je vais m'attarder un instant sur les grandes lignes de deux programmes de déjudiciarisation qui ont été mis en place en Colombie-Britannique - à Maple Ridge et à Sparwood. Je sais que vous en avez entendu parler un peu plus tôt. Selon nous, il conviendrait de promouvoir et d'encourager à l'avenir le développement de programmes de ce type dans le cadre de la Loi sur les jeunes contrevenants. Ces deux programmes montrent bien toute l'importance du rôle joué par la collectivité pour réduire la criminalité.

Le programme de Maple Ridge a été lancé au milieu de l'année 1994. Ses objectifs étaient les suivants: traiter rapidement des chefs d'accusation, faire mieux comprendre au jeune les répercussions de ses agissements sur la victime, lui faire savoir, à lui et à sa famille, que la collectivité dans son ensemble se préoccupe de sa conduite, prévoir une indemnisation le cas échéant, assurer un suivi individuel, faire participer la collectivité à la solution et s'assurer au bout du compte que le jeune ne perde pas sa propre estime.

Cette collectivité a mis sur pied un comité sur les questions de la jeunesse. Ce comité doit impliquer l'ensemble de la collectivité dans la lutte contre la criminalité chez les jeunes - clubs sociaux, entreprises, églises, etc. Le comité collabore directement avec l'avocat de la Couronne, l'agent de probation local et la GRC. C'est en fonction du dossier que l'avocat de la Couronne détermine dans quelle mesure un jeune va être renvoyé devant le comité sur les questions de la jeunesse. Seuls les auteurs d'une première infraction non violente sont admis à bénéficier de ce programme de déjudiciarisation.

En mettant en oeuvre ce programme, la collectivité voulait diligenter les affaires mettant en cause des jeunes contrevenants, libérer du temps pour que les tribunaux puissent traiter tout aussi rapidement les affaires mettant en cause les contrevenants ayant commis une infraction plus grave, faire économiser de l'argent aux contribuables, aider les parents et les familles ayant des problèmes et resserrer les liens de la collectivité en comptant sur les vieilles amitiés et sur l'esprit de participation.

Pour l'instant, ce programme a ramené à 15 jours au lieu de 30 jours et plus auparavant le délai de passage en justice des affaires impliquant de jeunes contrevenants. Pendant la courte durée de son application, ce programme a eu un taux de réussite de 95 p. 100.

Quant au programme de Sparwood, il a été lancé en 1995 et il a huit objectifs: éloigner les jeunes contrevenants des circuits judiciaires traditionnels; donner aux victimes la possibilité de prendre part activement à la procédure visant à obtenir une réparation; prévoir une indemnisation, le cas échéant, en cas de préjudice matériel ou corporel; faire prendre conscience aux contrevenants des conséquences de leurs actes; dans le cadre de cette prise de conscience des conséquences des actes commis, impliquer la famille et les amis proches du jeune qui a commis des actes répréhensibles; impliquer la victime, sa famille et ses amis proches, le cas échéant, dans le cadre du processus visant à remédier aux conséquences des actes répréhensibles commis par les jeunes; enfin, jeter les bases du rétablissement progressif de la confiance entre toutes les personnes concernées par l'infraction commise par le jeune.

Ce programme en particulier a été lancé par un agent de la GRC à Sparwood. C'est une procédure en deux étapes. Lors de la première étape, l'agent chargé de l'enquête est incité, dans les cas appropriés et lorsque l'affaire est mineure, à régler sans formalités la question avec le jeune, après avoir consulté la victime.

Dans les cas les plus graves, la deuxième étape implique la tenue d'une «rencontre devant amener une solution». Cette rencontre a pour but d'étudier les répercussions de l'incident sur toutes les personnes en cause et de déterminer la sanction qui s'impose.

Ces deux programmes insistent sur la nécessité de faire participer la collectivité à la lutte contre la criminalité, de tenir compte des préoccupations de la victime et de faire en sorte que les jeunes assument la responsabilité de leurs propres actions et soient tenus responsables de leurs conséquences.

Ces deux programmes prennent acte de la dimension humaine de la criminalité - la tragédie personnelle - et de la nécessité pour la collectivité de jouer un rôle en rétablissant la paix et l'harmonie.

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Nous croyons savoir que la GRC, qui fournit des services de police à une grande partie de la province, s'est mise à appliquer le modèle de Sparwood dans un certain nombre d'autres localités de la Colombie-Britannique. Notre propre localité envisage l'adoption de ce programme.

Je vais maintenant donner la parole au maire Steve Wallace, qui va vous exposer le deuxième volet de la proposition de l'UMCB en ce qui a trait aux jeunes contrevenants.

M. Steve Wallace (premier vice-président, Comité des services de protection et de la justice, Union des municipalités de la Colombie-Britannique): Je remercie la mairesse Trumper et les membres du comité de m'avoir donné l'occasion de comparaître.

J'insisterai sur deux points, tout d'abord la nécessité de s'assurer que la collectivité est protégée et que l'on tient compte des besoins des victimes.

Il y a tout d'abord l'infrastructure en matière de sécurité. En développant cette infrastructure, on s'assure que les tribunaux accordent davantage de poids dans leurs décisions à la protection de la collectivité. Idéalement, c'est l'infrastructure sociale qui nous évite d'avoir à recourir aussi souvent à des mesures supplémentaires. Toutefois, lorsqu'un délit est perpétré, surtout lorsqu'il s'agit d'un crime grave, l'infrastructure en matière de sécurité va protéger la collectivité.

Cette infrastructure a pour objet avant tout de s'occuper des jeunes récidivistes et de ceux qui ont commis des crimes violents.

La tolérance zéro: nous proposons que dans le cadre de cette politique, on reconnaisse clairement dans la Loi sur les jeunes contrevenants la nécessité de traduire directement devant les tribunaux les jeunes coupables d'un crime violent. L'anonymat des jeunes contrevenants doit être supprimé lorsqu'un crime violent se produit et la collectivité doit pouvoir en connaître le responsable, qu'il s'agisse d'un adolescent ou d'un adulte.

Nous reconnaissons que cette façon de faire présente certains risques puisque, dans certains cas, les agissements peuvent en être glorifiés, notamment lorsque le délinquant fait partie d'une bande. Parfois aussi, elle peut avoir des répercussions négatives sur les autres membres de la famille du jeune contrevenant. Nous proposons toutefois cette solution pour deux raisons.

Il y a tout d'abord la question essentielle de la sécurité du public et de la nécessité de faire en sorte que la collectivité soit tenue au courant de l'existence éventuelle en son sein de délinquant dangereux afin qu'elle puisse prendre des précautions. En second lieu, il s'agit de prévoir un élément de dissuasion pour les autres jeunes en leur faisant savoir que leurs agissements ne sont pas acceptables.

L'opprobre de la société a pendant longtemps constitué un moyen de lutter contre les comportements inacceptables au sein de la collectivité, avec de bons résultats. Le fait de révéler le nom des jeunes contrevenants aura peut-être quelques répercussions négatives, mais il peut avoir des effets positifs en ce sens que la collectivité pourra éventuellement apporter un meilleur appui à la famille, cette dernière étant davantage incitée à prendre conscience plus tôt de ses problèmes.

Pour ce qui est des crimes violents, il faut que la Loi sur les jeunes contrevenants s'applique aux jeunes de 10 ans et plus. Nous avons proposé que l'on rabaisse à 10 ans la limite d'âge qui est jusqu'à présent de 12 ans en matière de crimes violents, ceci afin de tenir compte du fait que les jeunes acquièrent plus vite aujourd'hui de la maturité que par le passé.

Sur la question de l'indemnisation des victimes par les jeunes et (ou) par les parents de ces derniers en cas de délits contre la propriété, notre organisation propose que lorsqu'un jeune a endommagé ou volé un bien, on cherche avant tout à s'assurer que toutes les dépenses encourues par la victime sont remboursées. Il faut que la Loi sur les jeunes contrevenants précise clairement que le jeune et (ou) le parent ou le gardien sont directement responsables de tous les frais entraînés par le délit et que cela s'applique quel que soit l'âge du contrevenant.

Nous proposons que l'on se dote dans la Loi sur les jeunes contrevenants des moyens de s'assurer que les frais des victimes sont bien pris en compte. Ainsi, le remboursement du coût d'une fenêtre cassée, d'un appareil stéréo volé ou d'une voiture endommagée ne doit pas être simplement négocié entre la victime et sa compagnie d'assurance. Il faut que la fenêtre soit remise en état, l'appareil stéréo remplacé, la voiture réparée, etc.

Sur la question de la responsabilité directe des jeunes et (ou) de leurs parents en cas d'agissements criminels, nous proposons que les jeunes soient tenus d'assumer la responsabilité de leurs actions et, le cas échéant, de suivre un traitement obligatoire.

Il faut que l'on se donne les moyens dans la Loi sur les jeunes contrevenants d'imposer la charge de la preuve au jeune contrevenant, qui devra démontrer pour quelle raison il ne devrait pas être tenu de suivre un traitement contre la toxicomanie ou l'alcoolisme s'il éprouve des difficultés. Il ne faudrait pas en faire une question relevant des droits de la personne, mais plutôt une question liée à la sécurité de la collectivité.

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Il faut tenir les parents et les tuteurs responsables des actes des enfants dont ils ont la charge. Si les parents ou les tuteurs ont commis une faute dans la surveillance ou l'éducation de leurs enfants, ils devraient être tenus responsables de leurs actes. Il faut que la Loi sur les jeunes contrevenants offre des mécanismes qui permettent de mettre en jeu la responsabilité des parents ou du tuteur - dans le cas où l'enfant est pupille de l'État - et de les obliger à démontrer qu'ils ont surveillé correctement l'enfant et qu'ils ne sont donc pas responsables de ses actes.

La peine devrait refléter l'infraction. Il faut que la Loi sur les jeunes contrevenants traite les jeunes qui sont traduits devant les tribunaux qui commettent des infractions en série de façon à démontrer clairement que la collectivité juge tout à fait inacceptable ce genre de comportement et que la sécurité de la collectivité est l'objectif principal.

Nous affirmons également qu'avec une telle politique les tribunaux devraient attacher une grande importance à l'effet qu'a eu l'infraction sur la victime, lorsqu'ils s'apprêtent à imposer une sentence aux jeunes auteurs de ces infractions. Les tribunaux doivent tenir compte de l'effet du crime sur la collectivité.

En conclusion - c'est une conclusion d'une page; nous sommes un gouvernement nous aussi - je ferais remarquer que de nos jours la population s'inquiète de plus en plus de la criminalité et de l'insécurité. Les changements à la Loi sur les jeunes contrevenants et aux programmes connexes que propose notre groupe tentent d'instaurer un équilibre entre les besoins de la collectivité, ceux de la victime et ceux des adolescents.

Cette approche reflète les valeurs et les devoirs de tous les membres de la collectivité et elle est axée sur la sécurité de la collectivité et sur la nécessité d'aider les victimes et de leur reconnaître un rôle. C'est une approche qui est axée sur la nécessité de faire comprendre aux adolescents qu'ils sont responsables de leurs actes et doivent en assumer les conséquences. C'est une approche qui donne des résultats, comme le démontrent les programmes qui existent actuellement en Colombie-Britannique, à Maple Ridge et à Sparwood.

Maple Ridge et Sparwood sont des collectivités qui jouent un rôle extrêmement important. La première est située dans la région intérieure et l'autre dans le lower mainland, l'une a une population très dense, et l'autre, pas.

L'UMCB propose une démarche à deux volets qui vise, premièrement, le développement de l'infrastructure sociale dont a besoin la collectivité pour s'attaquer aux problèmes auxquels font face les jeunes en danger et leur famille et, deuxièmement, la création d'une infrastructure sécuritaire conçue pour protéger la collectivité contre les activités criminelles. Cette approche s'accompagnerait d'une intégration des programmes de service social, d'éducation, de santé et de justice offerts dans la collectivité en vue de renforcer la sécurité de la collectivité et exigera pour sa mise en oeuvre que les gouvernements fédéral et provinciaux s'engagent à fournir un financement à long terme.

Les ressources qu'il faudrait consacrer à la collectivité pour mettre en oeuvre une approche pluridisciplinaire au problème de la criminalité des jeunes proviendraient des 9,7 milliards de dollars que nous dépensons annuellement pour le système de justice et l'incarcération des adolescents. En fait, cette approche permettrait d'épargner de l'argent.

J'insiste là-dessus, une telle approche permettrait avec le temps d'épargner l'argent des contribuables. Les ressources seraient utilisées de façon positive pour prévenir le crime et non pour réagir négativement à celui-ci; les tribunaux exerceraient le rôle qui devait être le leur au départ, à savoir punir les contrevenants lorsqu'ils compromettent la sécurité de la population.

Avec cette nouvelle approche, l'objectif de la Loi sur les jeunes contrevenants et le message qui serait donné à la population seraient le suivant: l'importance du rôle de la collectivité dans la préservation et la restauration de la paix; le rôle de la victime sur le choix des mesures prises à l'égard du contrevenant; le contrevenant doit réparer le préjudice qu'il a causé; l'importance du rôle de la famille; le rôle des adolescents qui doivent comprendre et assumer la responsabilité de leurs actes; le rôle essentiel que joue le système de justice pour veiller à ce que le contrevenant soit jugé rapidement.

Avec la proposition de l'UMCB, la Loi sur les jeunes contrevenants viserait à favoriser la sécurité de la population, à accélérer l'administration de la justice et à renforcer la responsabilité des jeunes.

Merci de votre indulgence.

La présidente: Merci.

Monsieur St-Laurent, vous avez sept minutes.

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[Français]

M. St-Laurent: Mes questions seront d'abord techniques. Les chiffres de la Colombie-Britannique que vous avez inclus dans votre mémoire, c'est-à-dire 9,7 millions de dollars, 13 p. 100, 46 millions de dollars, 100 000$, etc., d'où viennent-ils? Ce sont des chiffres qui concernent toute la Colombie-Britannique?

M. Wallace: Oui.

M. St-Laurent: On peut aussi vous donner de l'information. On n'est pas ici seulement pour écouter.

Vous dites que, selon un certain sondage que vous avez fait, le taux de criminalité baisse au pays, mais les crimes sont cependant plus violents. Quant aux crimes mineurs, il y en a de moins en moins. Toutefois, le taux de criminalité est à la baisse.

Vous dites également qu'on est maintenant plus au courant des crimes qui se commettent, etc. C'est relativement normal parce que les médias ont quand même des choses à relater. Ils ne sont pas tenus de garder le silence.

Vous, qui êtes de l'Union des municipalités, c'est l'argent attribué aux corps policiers municipaux qui est l'une de vos grosses préoccupations. Plusieurs personnes en parlent et nous aussi, on en parle et on s'interroge. On voit que le rôle des policiers est un peu moins répressif, un peu plus axé vers la prévention.

Il y en a même qui voient le rôle du policier un peu comme celui d'un conseiller qui, lorsqu'il voit un jeune en train de commettre ses premiers larcins, tentera de le conduire chez ses parents et d'entreprendre une espèce de processus de counselling.

Mais cela veut dire que pendant qu'il est dans la maison, assis avec une famille, en train de faire un bon travail, il n'est pas sur la route en train de surveiller les excès de vitesse et de faire son travail conventionnel tel qu'on l'entend aujourd'hui.

On lui fait jouer un autre rôle et cela va nécessiter des fonds supplémentaires des municipalités, parce que, comme vous l'avez dit, les gens exigent maintenant que les crimes soient résolus et que la société soit mieux protégée.

À long terme, ce nouveau rôle portera des fruits. Donc, l'Union des municipalités a-t-elle pensé aux répercussions financières de ce nouveau rôle qu'on veut faire jouer aux policiers? Ou dites-vous carrément: «On va confier cela à quelqu'un d'autre et, quant au policier, on lui fera jouer son rôle conventionnel»?

[Traduction]

Mme Trumper: M. St-Laurent, vous avez parlé de l'évolution du rôle de la police et cela a beaucoup à voir avec la police communautaire. Il y a des choses dont vous avez parlé, comme ramener l'adolescent chez lui au lieu de réagir de façon traditionnelle, qui se font déjà. Il existe en Colombie-Britannique un vaste mouvement favorable à la police communautaire, qui fait beaucoup de choses de ce genre.

Oui, je reconnais parfaitement que, si les services de police s'occupent de toutes ces choses dont nous venons de parler pour les adolescents, le reste de la société va demander ce qu'ils font lorsqu'il y a quelque chose qui arrive et qu'ils sont en train d'exécuter d'autres tâches. Nous disons, et nous le croyons, qu'il ne devrait pas y avoir que la police qui s'occupe de cela. Les services policiers devraient travailler en collaboration avec d'autres organismes pour fournir ces services aux adolescents. Ce qui se produit en fait est que, bien souvent, ces différents services travaillent de façon isolée, et leur action à l'égard des adolescents manque de cohésion.

.1250

[Français]

M. Wallace: À Montréal, dans les quartiers Notre-Dame-de-Grâce et Côte-des-Neiges, le programme est très bon. La Colombie-Britannique, et ma ville, Quesnel, demandent le même programme qu'au Québec et à Montréal. C'est un programme extraordinaire.

Notre ville a de l'argent pour financer ce programme, ce que la province n'a pas.

M. St-Laurent: Vous dites que vous voulez implanter ce programme dans votre municipalité, Quesnel, que vous avez l'argent nécessaire, mais que la province n'en a pas. Autrement dit, la province n'a pas embarqué dans l'expérience. C'est cela que vous venez de me dire?

M. Wallace: Oui. Nous avons une réserve de cinq millions de dollars. Nous avons donc demandé qu'on implante chez nous le programme de Montréal, celui de Sparwood et celui de Maple Ridge.

M. St-Laurent: Je ne connais pas les programmes de Sparwood et de Maple Ridge, mais je présume que c'est le même que celui de Montréal à peu de choses près?

M. Wallace: Non. À Montréal, c'est un programme du service de la police, tandis qu'à Sparwood et Maple Ridge, c'est un programme communautaire.

M. St-Laurent: Quant aux victimes, comment voyez-vous leur participation? Que devrait-on inclure dans un texte de loi pour faire en sorte qu'on tienne compte des victimes? Qu'est-ce que la loi devrait prévoir à cet égard?

Il faut bien s'entendre là-dessus. Le but ne serait pas d'obliger les victimes à faire quelque chose en plus d'être victimes. Mais il y a des victimes qui voudront sans doute être consultées pour certaines choses, pas seulement en ce qui a trait au dédommagement financier.

Je ne parle pas seulement du viol, ce que j'appelle la façon la plus sauvage de tuer une personne. Je parle de la victime, par exemple, qui revient d'une vacance et qui trouve sa maison dévalisée. Elle n'est pas violée physiquement, mais elle se sent brimée. On se sent faible dans des situations comme celle-là.

.1255

Comment voyez-vous le rôle de la victime dans des situations non extrêmes? On ne parle pas de meurtres et de viols, mais de biens, par exemple. Devrait-on consulter les victimes plus souvent? Devrait-on davantage tenir compte des victimes dans le processus de dédommagement? Y a-t-il des domaines où, finalement, on se sent bien là-dedans?

On aura beau inventer le système qu'on voudra, on aura toujours besoin, quelque part, d'une prison. À quel endroit voyez-vous la prison? À quel moment du processus la voyez-vous? On sait tous que, telle qu'on la connaît, la prison est, à toutes fins pratiques, inutile. C'est un stationnement pour les indésirables, mais il en faudra toujours quelques-unes.

[Traduction]

Mme Trumper: Je vais uniquement répondre à la première question. Pour en revenir à votre question au sujet de l'origine de ces chiffres, je peux vous dire qu'ils viennent du Conseil national de la prévention du crime et qu'ils sont de mars 1996.

Quant à votre question au sujet des victimes, je pourrais dire que le programme de Maple Ridge a bien cet effet. Je peux vous parler d'un événement particulier.

Voilà ce qu'ils font avec les délinquants primaires. Je crois que c'est sur eux que doit porter l'essentiel de nos efforts. À moins que la victime ne la souhaite pas - car il y a des crimes qui sont très douloureux pour la victime - celle-ci est présente lorsque l'adolescent est amené devant ce comité.

Il y avait une affaire - c'était à Sparwood - où il s'agissait d'un magasin de chaussures. L'adolescent avait soit volé, soit endommagé quelque chose. Il a rencontré le propriétaire du magasin. Le propriétaire a demandé au jeune de venir le samedi matin de telle heure à telle heure pour travailler dans son magasin. Il était prêt à le faire. Le comité a accepté cet arrangement pour une période qui était, je crois, de six mois. Une période de ce genre. Ce jeune homme a fait les petits travaux que le propriétaire du magasin ne pouvait ou n'avait pas le temps de faire.

À la fin de cette période, le jeune avait si bien fait qu'il avait complètement changé et il a été embauché à temps partiel pour travailler les fins de semaine dans ce magasin. Nous y avons mis du temps, le propriétaire du magasin a également mis de son temps et il s'est rendu compte que, s'il voulait vraiment participer à ce processus, il fallait qu'il fasse quelque chose pour ce jeune homme.

Il arrive souvent que la victime souhaite participer à la solution. Je ne sais pas comment l'on peut prévoir ce genre de choses dans la loi mais c'est à cela qu'il faut penser.

Il survient parfois d'autres difficultés - je peux vous le dire parce que je l'ai vécu - je pense à un cas de vandalisme. Il y a eu un cas où l'on avait endommagé des bâtiments scolaires et nous voulions que l'adolescent effectue les réparations ou quelque chose du genre. Mais le syndicat est intervenu et a déclaré que c'était à ses membres de faire ce travail.

Il n'a pas été facile de régler cela mais nous y sommes parvenus. Nous leur avons montré que tout le monde en profiterait si le jeune faisait quelque chose au lieu d'aller devant le tribunal et faire toutes ces choses. Il faut que le jeune répare le dommage qu'il a causé. Il est difficile d'inscrire ce genre de choses dans la loi. Je le reconnais parfaitement.

Vouliez-vous parler des prisons?

M. Wallace: La prison serait réservée aux récidivistes ou aux contrevenants violents. Lorsque la collectivité participe au processus, on constate que les peines que s'imposent les jeunes sont souvent plus sévères que celles que leur aurait fixé le tribunal.

Les liens qui s'établissent et la façon dont le programme est offert - lorsque je parle des liens, il s'agit des liens entre la victime et le contrevenant ou la famille de la victime et celle du contrevenant - représentent un aspect important du processus de guérison.

.1300

La première fois que j'ai examiné ce programme, je peux vous dire franchement que je n'ai pas beaucoup aimé ce que j'y ai trouvé. Il ne me plaisait pas beaucoup.

Son grand avantage est qu'il donne de bons résultats dans 95 p. 100 des cas. Sur les 40 ou 50 jeunes qui ont participé à ce programme, il n'y en a que deux qui aient récidivé. Les chances de succès sont donc très élevées, c'est pourquoi nous appuyons ce programme.

M. Ramsay: Je ne me souviens pas avoir déjà entendu un exposé aussi équilibré que le vôtre. Nous avons entendu toutes sortes d'exposés dont certains privilégiaient la réhabilitation des jeunes contrevenants et d'autres, une plus grande sévérité pour protéger la société. Votre approche me paraît très équilibrée et dans l'ensemble, je suis favorable à vos recommandations.

Voilà ce que j'aimerais vous demander. Vous prétendez représenter 179 gouvernements locaux de la Colombie-Britannique. Cela représente tous les gouvernements locaux qui comprennent 150 municipalités et 28 districts régionaux. J'aimerais savoir dans quelle mesure les gens de la Colombie-Britannique ont participé à la préparation de votre mémoire et de vos recommandations.

M. Wallace: Le comité travaille sur cette question depuis trois ans. Nous avons tenu des réunions communautaires dans toutes les régions de la Colombie-Britannique où des crimes violents avaient été commis. Ces rapports nous ont été transmis en personne, qu'il s'agisse de représentants élus, de membres du personnel ou de gens comme Chuck Cadman, dont le fils, Jesse Cadman, a été tué au cours d'un incident violent. Nous avons entendu plusieurs personnes qui ont vécu ce genre de situation. Nous avons également entendu des représentants du système de justice, et de probation ainsi que des collectivités. Nous avons également tenu trois assemblées au cours desquelles un certain nombre de questions ont été abordées.

Mais notre dernière assemblée s'est penchée sur cette question particulière. Nous avons décidé de mettre de côté pour une période d'un an six de nos sept priorités pour centrer tous nos efforts sur celle-ci.

C'est pourquoi toutes les villes, tous les villages et les districts régionaux de la Colombie-Britannique, qu'il s'agisse de la ville de Vancouver ou du village de Telkwa, ont participé à cette étude. C'est pourquoi cette étude est si globale et si équilibrée. Cela nous paraît parfaitement logique. Encore une fois, l'Union of British Columbia Municipalities regroupe tous les gouvernements municipaux de cette province.

M. Ramsay: Merci. Les membres du comité peuvent-ils donc considérer que ce mémoire reflète l'opinion de la majorité des citoyens de la Colombie-Britannique?

M. Wallace: Il y avait près de 125 représentants qui ont assisté à la dernière session, pour peaufiner le mémoire. Il n'y a pas eu une seule personne dans cette assemblée qui se soit opposée à ce que nous allions vous présenter. Habituellement, je n'aime pas beaucoup utiliser l'expression «considérer», mais pas dans ce cas- ci. J'estime que si quelqu'un venait dire qu'il s'opposait à nos recommandations, je dirais que cette personne est très minoritaire.

M. Ramsay: Vous avez mentionné que le programme de Sparwood avait été mis sur pied par un agent de la GRC. S'agissait-il d'un agent à la retraite ou en service actif? Comment s'appelait-il?

Mme Trumper: C'est un membre actif de la GRC qui a déménagé à Sparwood. Je ne connais pas son nom. Nous pourrions vous le communiquer. C'est en fait lui qui nous a présenté cet exposé.

M. Wallace: C'est un sergent et son nom commence par un B.

M. Ramsay: C'est tout ce que j'ai comme question, madame la présidente.

M. Maloney (Erie): J'aimerais faire quelques commentaires et aborder la question de l'infrastructure et de la sécurité.

La plupart de ces enfants et de ces parents viennent de familles à faible revenu. Comment tenir compte de ce fait lorsqu'il s'agit d'indemniser la victime pour ce qu'ont fait l'enfant et ses parents? Comment imposer une indemnité et donc un fardeau financier à des gens qui n'ont tout simplement pas les moyens? Disons qu'ils sont des assistés sociaux.

.1305

M. Wallace: L'indemnisation choisie n'est pas de nature financière dans la plupart des cas où les gens n'ont pas d'argent. Nous nous sommes rendu compte que lorsque l'on place dans la même pièce la victime et le contrevenant, quelquefois seuls, ils arrivent à s'entendre sur un arrangement, quels que soient les obstacles. Il peut s'agir de travail ou de donner son temps pour de l'argent. Cela peut se résumer à un simple «Excusez-moi» donné en public ou en privé.

Nous constatons que nos idées traditionnelles sur les façons de résoudre les conflits entre le contrevenant et la victime ne correspondent pas à la réalité. Ces séances sont bien souvent chargées d'émotions. Dans la plupart des cas, elles consistent simplement à donner à la victime et au contrevenant l'occasion de dire vraiment ce qu'ils pensent et d'avoir le sentiment de mettre un terme à quelque chose.

Je vais le répéter. La plupart du temps, le contrevenant s'impose une peine beaucoup plus forte que celle qu'il mérite. La plupart du temps, c'est la victime qui ramène la peine à un niveau qui lui paraît raisonnable et honorable.

M. Maloney: Je veux faire porter mes commentaires sur la question de la responsabilité des parents à l'égard des infractions commises par leurs enfants. Comment pensez-vous que cela pourrait se faire?

M. Wallace: Nous avons éprouvé certaines difficultés avec cette question, tant en comité que pendant notre assemblée.

J'ai assisté à votre dernier exposé. Je peux vous dire que lorsque cela est possible, lorsque l'unité familiale est intacte et que le gouvernement provincial exerce la tutelle à l'égard d'un enfant, il faut prévoir un mécanisme d'indemnisation ou de dédommagement.

Nous pensons que le dédommagement vient mettre un terme au processus. En ce sens, chaque situation est différente. Lorsqu'on laisse la victime et l'accusé régler la question ensemble, ils arrivent à des solutions auxquelles nous n'aurions même pas pensé. Voilà comment nous suggérons de régler ce problème.

Obliger les parents ou le tuteur à indemniser la victime ne donnera pas toujours de bons résultats. Il arrive souvent que l'indemnisation ne soit pas la solution, parce que les parents ou les contrevenants ont mis un terme à cette relation familiale.

N'oubliez pas que nous parlons de délinquants primaires. Nous parlons de déjudiciarisation. Nous ne parlons pas de contrevenants violents ou de récidivistes. Nous pensons que nous avons une excellente chance de réhabiliter les délinquants primaires en insistant sur l'indemnisation et la participation de la famille.

M. Maloney: Cela nous amène ainsi aux peines. Pourriez-vous préciser un peu ce que vous entendez lorsque vous dites que la peine doit refléter l'infraction, son effet sur la collectivité et les besoins de la victime?

M. Wallace: Là encore, d'après notre comité et ce que nous avons appris lors de notre assemblée, la déjudiciarisation est peut-être un moyen de libérer le système judiciaire. Je sais que lorsque vous avez posé cette question, vous pensiez peut-être au système judiciaire mais ce n'est pas à cela que nous pensions. Nous pensons à une autre façon de traiter les délinquants primaires et, avec quelques exceptions, même les délinquants secondaires. Cela a déjà été fait mais assez rarement. Voilà comment nous voyons la chose. Nous n'envisageons pas du tout de confier ces cas au système judiciaire. Nous le réservons pour les récidivistes et les contrevenants violents.

M. Maloney: Et que faire avec les contrevenants violents et les récidivistes? Allons-nous les abandonner? Allons-nous les enfermer et jeter la clé? Qu'allons-nous faire de ces jeunes?

M. Wallace: Notre comité estime que la Loi sur les jeunes contrevenants ne devrait pas permettre aux contrevenants et aux récidivistes violents de refuser de l'aide, qu'elle soit psychologique ou autre. Ces contrevenants ne devraient pas pouvoir refuser certaines mesures, qu'elle soit comme je l'ai dit psychologiques, physiques ou autres, qui pourraient favoriser leur réadaptation sociale.

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M. Maloney: Vous êtes partisan de la ligne dure lorsqu'il s'agit de la sécurité. Par contre, vous êtes plus nuancé lorsqu'il s'agit des aspects sociaux. Ces deux types d'approche sont-ils compatibles?

M. Wallace: Nous sommes partisans de la ligne dure - et lorsque je dis cela, je parle au nom de tous nos membres - lorsque nous disons que les contrevenants violents et les récidivistes ne seront pas autorisés à refuser de l'aide. Nous choisissons une ligne plus douce pour le programme de déjudiciarisation. C'est ce qui nous paraît logique.

Cela semble relever de la schizophrénie si l'on y voit une façon de traiter tous les adolescents d'un même groupe d'âge mais ce n'est pas ce que nous disons; nous faisons une distinction. La ligne dure est par ici, la ligne douce par là. La déjudiciarisation est par là et les violents et les récidivistes par ici.

Nous pensons que cela donnera des résultats. Nous vous avons donné deux exemples - il en existe beaucoup d'autres - qui montrent que cette méthode donne des résultats.

M. Maloney: Pour ce qui est de la ligne dure, de la nécessité d'imposer un traitement, vous dites qu'ils n'ont pas le droit de s'y soustraire. Est-ce la seule approche que vous conseillez à l'égard des enfants difficiles?

M. Wallace: Notre comité et notre assemblée estiment que, lorsque les gens reçoivent, que ce soit de façon volontaire ou forcée, une aide adaptée à leurs besoins, c'est un pas dans la bonne direction.

Nous ne connaissons pas la réponse. Nous faisons simplement des suggestions. Nous aimerions que vous adoptiez des lois et essayiez quelque chose de différent parce que la loi actuelle ne donne pas les résultats escomptés.

M. Maloney: Merci, madame la présidente.

La présidente: Madame Trumper, vous vouliez ajouter quelque chose?

Mme Trumper: Nous avons trouvé le nom: le sergent Jake Bouwman. Vous avez raison, c'est un B.

J'aimerais ajouter un commentaire à la discussion qui a porté sur la participation des membres de la structure familiale. Il y a une chose que l'UMCB a constaté, c'est qu'il existe tellement de familles dysfonctionnelles à l'heure actuelle qu'il arrive que ces enfants ne vivent même pas avec un de leurs parents biologiques. C'est un problème très grave.

C'est pourquoi nous envisageons des programmes comme ceux-ci qui amènent la collectivité à participer. Il s'agit de fournir un appui à une personne en difficulté. Pour la première fois, cet enfant ou cet adolescent reçoit l'aide et l'appui dont il a besoin. Il y a beaucoup d'enfants qui ne reçoivent aucun appui à la maison. Il est très facile de parler de l'unité familiale qui fonctionne comme s'il y avait deux parents. Il faut penser aux parents célibataires qui font ce qu'ils peuvent. Mais il y a beaucoup d'enfants qui n'ont même pas ça, cela est regrettable.

La présidente: Je voulais poser quelques brèves questions pour obtenir certaines précisions. La première concerne la question de la publication. L'autre porte sur l'abaissement de l'âge limite, sujet sur lequel personne ne vous a vraiment posé de questions.

Pour ce qui est de la publication, d'après ce que vous avez dit, vous parlez de publier les noms dans le cas des crimes violents et particulièrement graves. Je comprends la nuance mais avez-vous pensé à la possibilité que la publication de l'identité de l'accusé révèle celle de la victime? C'est une difficulté qui n'est pas nouvelle, en particulier dans les cas d'agression sexuelle où la victime ne souhaite pas que cela se sache, parce qu'elle est gênée et pour d'autres raisons. Recommandez-vous de laisser cette question au juge pour qu'il émette des lignes directrices dans ce domaine ou avez-vous des éléments de réponse?

M. Wallace: Dans l'ensemble, je suis d'accord avec vous mais je viens d'une petite ville. Il importe peu que vous l'on publie ou non le nom de la personne parce que...

La présidente: Non, parce que vous connaissez tout le monde.

M. Wallace: ...je vais le savoir de toute façon. Le système semble donc fonctionner non parce qu'il a été conçu de cette façon mais par hasard, dans les petites collectivités. Il y a toujours un réseau de communication informel qui protège la petite collectivité. Cela fonctionnerait également dans les grandes villes comme Vancouver, si on pouvait les répartir en quartiers plus petits.

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Mais je suis d'accord avec vous. Lorsqu'il y a ce genre de choses bizarres qui se passent, il faut que le juge bénéficie d'une discrétion absolue, cela lui est nécessaire.

La présidente: Pour ce qui est de l'application, vous recommandez donc d'accorder au juge cette latitude, tout en l'obligeant à tenir compte de certains facteurs avant de prendre sa décision.

M. Wallace: C'est exact.

La présidente: Très bien. Maintenant venons-en à la limite d'âge inférieure, qui est une question très controversée. Vous souriez; je vois que vous en êtes conscient. Voilà ma question, et c'est toujours la même.

Prenons comme hypothèse, pour le moment, que cela n'est pas le cas dans toutes les provinces. Je ne sais si c'est le cas en C.-B. mais dans certaines provinces, comme le Québec et l'Ontario, les services de protection de l'enfance peuvent intervenir à l'égard des enfants. Pour ces services, un enfant a besoin de protection - ou je crois qu'au Yukon, on parle de besoin d'assistance - lorsqu'il a adopté un comportement qui serait criminel si l'enfant avait l'âge de la responsabilité pénale.

Par exemple, lorsqu'un enfant de 10 ans commet une série de vols d'automobiles en Ontario, au Québec ou au Yukon, cela permet aux services de protection de la jeunesse d'intervenir. Ils auraient alors à décider - et je tiens à être tout à fait clair sur ce point - si les parents ont les moyens et la capacité de prendre des mesures pour donner à cet enfant l'assistance ou la thérapie dont il a besoin, selon la gravité du cas.

Là où je ne comprends plus, c'est quand on commence à dire qu'il faut déclencher une intervention pénale à l'égard d'un enfant de 10 ans qui a commis certains types d'infractions. Je me demande vraiment ce que cela peut apporter.

Lorsque j'ai posé la question au procureur général du Manitoba, elle a finalement reconnu qu'il fallait parfois fonder notre réaction à l'enfant sur son comportement et non pas sur le fait qu'il est coupable ou non. Cela veut dire qu'elle a finalement admis que c'est simplement parce que les gens demandent une approche pénale et non pas parce que cette approche donne de bons résultats.

Je vais me faire l'avocat du diable et vous dire que vous avez des services de protection de la jeunesse en Colombie-Britannique et vous n'avez qu'à leur demander d'intervenir. De toute façon, c'est la province qui va finalement devoir ouvrir sa bourse. C'est elle qui va être obligée de financer les mesures que l'on prend à l'égard d'un enfant de 10 ans, ce serait donc à elle de définir comment elle va aborder le problème.

Je vous renvoie donc la balle et j'aimerais savoir ce que vous allez en faire. C'est peut-être tout à fait en dehors de votre mandat. Je sais que vous êtes lié par les discussions que vous avez eues et que cela dépasse peut-être votre mandat.

M. Wallace: Eh bien, si vous avez suivi ce qui se passe en Colombie-Britannique pour ce qui est des services de protection de l'enfance, vous savez que ces services...

La présidente: Oui.

M. Wallace: ...ont connu des bouleversements. L'affaire Matthew Vaudreuil est juste une de celles qui ont fait les manchettes nationales.

Mais j'aurais deux remarques à faire à ce sujet. Tout d'abord, je dirais que le sentiment général des personnes qui étaient réunies - et je ne me souviens pas que quelqu'un en particulier ait abordé cette question - était qu'il fallait abaisser l'âge limite. Nous ne savons pas si 10 ans est la limite à retenir mais les représentants municipaux élus de la Colombie-Britannique estiment que la situation évolue trop rapidement, qu'il y a de plus en plus de crimes, que les jeunes commettent des infractions de plus en plus tôt et qu'il nous faut réagir.

On pourrait prendre la chose à la légère et dire que le nombre est peut-être le premier nombre à deux chiffres que l'on apprend lorsque l'on commence à compter. Pour être un peu plus sérieux, je dirais que c'est un nombre qui permettrait d'intervenir à l'égard de certains contrevenants d'habitude à Vancouver, en particulier avec les jeunes voleurs de voiture dont on a beaucoup parlé, contre qui personne ne peut faire quoi que ce soit. Cela permettrait donc d'intervenir dans le genre de cas qui a fait les manchettes et cela contenterait une bonne partie de la population qui demande que l'on fasse quelque chose.

J'aimerais que l'on essaie cela. J'aimerais que l'on envisage d'adopter l'âge de 10 ans, avec une réserve, comme vous l'avez suggéré, pour tenir compte de la gravité et peut-être, du caractère répétitif des infractions commises. Lorsqu'un jeune de 11 ans vient de voler sa 58e voiture ce mois-ci et que les gens disent qu'on ne peut rien faire, c'est peut-être que les lois provinciales ne s'appliquent pas à ce genre de cas.

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Cela va dans le même sens qu'un autre aspect que je tenais à aborder, et qui l'a été par d'autres mais pas dans le mémoire. Lorsqu'on parle de 17 ans comme étant l'âge maximum des jeunes contrevenants, il faut reconnaître que le fait d'être responsable comme un adulte doit s'accompagner des droits dont bénéficie l'adulte. Si on laisse ces jeunes-là conduire à 16 ans, il faudrait peut-être se demander s'il ne serait pas bon de leur faire assumer la responsabilité des adultes, avec les mêmes droits que pour les adultes. Je vous mentionne cela en passant; cela ne figure pas dans le mémoire.

Il y a donc un délai d'un an pour que le jeune assume la même responsabilité que les adultes, et pour qu'il soit traité de la même façon qu'eux pour ce qui est des infractions et des accusations. Il semble y avoir un délai d'un an, en particulier en Colombie-Britannique, entre le moment où ils obtiennent leur permis de conduire et exercent ainsi la même responsabilité qu'un adulte et le moment où ils sont véritablement responsables comme les adultes, à 17 ans.

Mme Trumper: J'aimerais revenir sur la question de l'âge de 10 ans. Comme l'a fait remarquer le maire Wallace, cela touche une question qui nous a été signalée de nombreuses fois.

Hier encore, j'avais un directeur dans mon bureau qui me parlait de l'école primaire, des problèmes qu'on y rencontre, et de la façon dont il lutte contre les drogues, lorsqu'un enfant de l'école primaire vend toutes sortes de choses dans la cour d'école.

Nous essayons de rappeler qu'avant c'était à l'école secondaire, à l'école secondaire de premier cycle que cela se passait et que maintenant, c'est à l'école primaire. C'est un aspect sur lequel nous essayons d'attirer l'attention, le fait que les enfants commencent à commettre des crimes graves ou du moins s'engagent sur cette voie à un âge de plus en plus jeune, ce qui est extrêmement inquiétant.

La présidente: Je crois que d'autres ont cerné ce problème. C'est une question difficile pour nous.

Mme Torsney va... Heureusement qu'il y a le contrôle des armes à feu parce que j'aurais aimé lui refuser la parole mais je crois que je vais lui laisser poser une brève question.

Mme Torsney (Burlington): Une petite question seulement.

La présidente: Bien sûr.

Mme Torsney: Puisque vous avez parlé de la responsabilité des adultes, j'aimerais savoir quelle est la position de l'UMCB sur la question d'accorder aux jeunes de 16 ans le droit de vote aux prochaines élections municipales.

Des voix: Oh, oh!

M. Wallace: Cela relève du gouvernement provincial.

Mme Torsney: Mais quelle est votre position sur cette question?

M. Wallace: Notre position consiste à demander au gouvernement provincial de prendre une décision. L'âge actuel est de 18 ans. S'ils veulent abaisser cet âge, qu'ils le fassent. Pour ce qui est du droit de votre, s'il n'en tenait qu'à moi, je laisserais tout le monde voter.

La présidente: Je vous remercie. Je dois dire que votre exposé était excellent, très bien pensé et que nous apprécions votre contribution, même si tout le monde n'est pas forcément complètement d'accord avec vous. Merci.

Nous allons nous arrêter un instant pour donner le temps à notre témoin suivant de prendre place. Nous sommes obligés de prendre de petites pauses parce qu'il faut faire des kilomètres pour...

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La présidente: Veuillez prendre place, chers collègues.

Nous allons maintenant entendre MM. Daniel Préfontaine et Yvon Dandurand, qui ont quitté Ottawa pour nos terres bénies, et qui représentent le International Centre for Criminal Law Reform and Criminal Justice Policy.

Je vous souhaite la bienvenue.

M. Daniel C. Préfontaine (directeur, International Centre for Criminal Law Reform and Criminal Justice Policy): Bonjour. Merci.

La présidente: Je sais que vous souhaitez présenter des commentaires et nous vous poserons ensuite des questions.

M. Préfontaine: Merci beaucoup. C'est véritablement un plaisir pour M. Dandurand et moi de pouvoir vous rencontrer et vous communiquer des éléments d'information que nous accumulons depuis de nombreuses années.

J'aimerais signaler, dès le départ, que nous n'avons pas préparé de mémoire, ce que nous faisons habituellement, pour la simple raison que nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour le faire. Cela n'empêche pas que nous soyons, bien entendu, parfaitement disposés à aider le comité.

Si vous souhaitez que nous fassions d'autres recherches pour vous, en particulier en tant qu'institut affilié aux Nations unies, et grâce à nos liens avec des organismes comme les Nations unies à Vienne, la commission sur la criminalité et la division...

Je tiens à vous préciser, dès le départ, que nous n'allons pas aujourd'hui vous présenter des recommandations mais plutôt vous faire part de certaines conclusions auxquelles nous sommes arrivés au sujet de l'intérêt qu'offrent les normes internationales, et de l'expérience d'autres pays dans le domaine de la justice pour les jeunes.

Comme pour le reste, ce n'est pas un problème isolé. Il est relié à toutes sortes de préoccupations internationales. Ensuite, les États membres des Nations unies doivent les examiner dans leur contexte national.

Je vais vous dire quelques mots du International Centre. Je vous ai remis une brochure et notre rapport annuel. Le centre est un organisme à but non lucratif qui jouit de l'appui d'un certain nombre de partenaires. Il regroupe, notamment, l'Université de la Colombie-Britannique en tant qu'institution, l'Université Simon Fraser, une société internationale, la Société internationale pour la réforme du droit pénal; quelque 300 juristes et autres professionnels de l'administration de la justice de 32 pays; le gouvernement du Canada, qui nous appuie indirectement financièrement et en nous envoyant des spécialistes lorsque c'est ce qu'exigent nos programmes bilatéraux; il y a aussi le gouvernement de la Colombie-Britannique, en particulier le ministère du Procureur général.

Il a également des fondations qui appuient nos travaux mais nous sommes un organisme indépendant, à but non lucratif, affilié aux Nations unies avec tout un réseau d'instituts qui aident les Nations unies à mettre en oeuvre des normes, fournissent des conseils et une assistance technique et qui aident divers pays à modifier leur système de justice et à changer la façon dont ils l'administrent.

Voilà ce que je voulais dire au sujet du centre; nous aimerions attirer votre attention sur les normes internationales. Au cas où vous n'auriez pas encore eu l'occasion de les examiner, nous vous recommandons fortement de demander à vos recherchistes de le faire et d'inviter le ministère de la Justice et d'autres ministères, ainsi que les gouvernements provinciaux qui sont concernés par ces normes, à vous en communiquer l'essentiel.

Je vais donc vous en parler un peu aujourd'hui, au cas où cela n'aurait pas été fait. Je crois qu'en tant que International Centre for Criminal Law Reform and Criminal Justice Policy, il est tout à fait approprié que nous le fassions.

De quelles normes parlons-nous? Eh bien, il existe un certain nombre d'instruments. Je suis sûr que vous en connaissez un certain nombre: tout d'abord, il y a la Déclaration des droits de l'enfant de 1959, deuxièmement, l'ensemble de Règles minima des Nations unies concernant l'administration de la justice pour mineurs, également appelé les Règles de Beijing, parce qu'elles ont été rédigées à Beijing au milieu des années 1980, et qu'elles ont été officiellement ratifiées en 1985; il y a les Règles des Nations unies pour la protection des mineurs privés de leur liberté qui découlent de travaux effectués par l'assemblée générale qui les a adoptées en 1990; il y a enfin les Principes directeurs des Nations unies concernant la prévention de la délinquance juvénile, qu'on appelle les Principes directeurs de Riyad.

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Voilà des documents de base. Ils décrivent ce que les États membres des Nations unies devraient faire s'ils veulent agir correctement et être considérés comme des membres et des citoyens respectés de la communauté internationale.

Cela dit, en tant que pays, il faut mettre ces normes en vigueur, il faut faire l'effort de le faire, en adoptant des lois comme la Loi sur les jeunes contrevenants et les différentes lois provinciales en matière de protection de l'enfance et des adolescents et, plus particulièrement, dans l'administration au jour le jour de ces lois.

Il y a également là un instrument important qui est plus large, la Convention relative aux droits de l'enfant. J'attire votre attention sur les articles 37 et 40.

Je signale également que Multiculturalisme et Citoyenneté Canada a publié des choses très intéressantes au sujet de la Convention relative aux droits de l'enfant. Je vous donnerais bien ma copie mais c'est la seule que j'ai et je suis sûr que vous pouvez vous la procurer. Mais si vous ne l'avez pas encore fait, je vous recommande d'examiner...

La présidente: Cela est fait.

M. Préfontaine: Très bien. Je parle en particulier des articles 37 et 40. On y décrit aussi les mesures que nous devrions prendre et ils reprennent les règles auxquelles j'ai fait allusion.

Je vais vous laisser une excellente publication préparée par un groupe d'experts des Nations unies, dont fait partie M. Dandurand, à titre de représentant du International Centre. Ce groupe d'experts a examiné ce que devaient faire les États membres pour respecter les normes minima et les principes directeurs. Je vous en laisse une copie; je l'ai en double.

Il existe un certain nombre d'articles qui traitent de ce dont nous parlons. Je vais donc déposer cela - je ne sais pas comment vous procédez - à titre de pièce et je vous le laisse. Je vais le remettre à votre greffier ou à l'un de vos recherchistes.

La présidente: Merci.

M. Préfontaine: Si cela ne vous fait rien, je tiens à vous dire de vous reporter à la page 93, où l'on parle des normes en matière de justice pour les jeunes et de ce que veulent dire ces différentes règles et normes lorsqu'il s'agit de les mettre en oeuvre dans le quotidien. On parle de tout, du fait qu'il faut placer les adolescents à l'écart des adultes... Et je dois vous dire que l'on retrouve dans la Loi sur les jeunes contrevenants des choses qui ont été adoptées par la suite dans ces règles.

De quoi parlais-je? Il ne faut pas oublier que la Loi sur les jeunes contrevenants est le fruit d'un processus qui a commencé en fait, en 1961, au moment où John Diefenbaker a demandé que l'on fasse cette étude de la Loi sur les jeunes délinquants, et qui a finalement duré jusqu'en 1982, avec l'apparition de la Loi actuelle sur les jeunes contrevenants, et les modifications qui lui ont été apportées par la suite.

En 1985, lorsque la délégation canadienne se trouvait à Milan, nous disions déjà qu'il fallait proposer certaines choses qui devraient être reprises par les Nations unies pour qu'elles deviennent des règles minima en matière d'administration de la justice pour les mineurs.

Il faut éviter d'amener les gens à dire que nous avons adopté certaines dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants parce que la Charte nous obligeait à le faire. Eh bien, la Charte reprend en fait ce qui se trouvait déjà dans la Loi sur les jeunes contrevenants en 1982. J'ai cru bon d'apporter cette précision, parce que c'est une chose que l'on oublie parfois.

Évidemment, les normes dont je parle font partie de normes plus vastes. Je crois qu'il faut également examiner la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Il faut également examiner la Déclaration des principes fondamentaux en matière de justice à l'égard des victimes de crime et d'abus de pouvoir, et plusieurs autres instruments, comme l'ensemble de Règles minima sur le traitement des détenus.

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Je vais également vous remettre une liste des normes adoptées par les Nations unies en matière de prévention du crime et de justice pénale. On y retrouve toutes ces choses et je crois qu'il serait bon que vous en examiniez certains aspects, pour que vos travaux s'inscrivent dans un contexte plus large. On ne peut pas étudier cette question de façon isolée en disant qu'il s'agit uniquement de la Loi sur les jeunes contrevenants ou de l'ensemble de règles minima concernant l'administration de la justice pour mineurs.

Il faut également examiner les autres documents pour découvrir les rapports qui existent entre eux. Bien sûr, c'est ce que vous faites déjà et je ne veux pas jouer au professeur ici, mais il me paraît important de vous le mentionner puisque notre rôle, en tant que centre international, est d'essayer de mettre en oeuvre ces ensembles de règles minima et d'essayer de faciliter cette mise en oeuvre.

Le Canada a, bien sûr, un très bon dossier - il est même meilleur que très bon, si je peux m'exprimer ainsi - en tant que pays appliquant ces normes, et en fait, il a produit plusieurs rapports. Si vous ne vous êtes pas encore procuré certains rapports du Canada, je vous suggère d'en examiner deux ou trois, en particulier, qui sont très instructifs sur ce que nous avons réussi à faire dans la communauté internationale, dans le contexte international, pour ce qui est de la mise en oeuvre et des pratiques aux niveaux provincial et territorial.

Il y a un rapport... je ne me souviens pas s'il a été publié. Il y avait celui de 1988 qui avait été préparé par le ministère de la Justice. C'était le rapport du Canada sur la mise en oeuvre des règles de Beijing, les règles de 1985 sur l'administration de la justice pour mineurs. Il y a eu un autre rapport depuis, mais cela fait un moment que je suis parti et je n'ai pas réussi à savoir quand il avait été publié.

Il y a un autre rapport plus récent qui est également très utile. C'est le rapport du Canada de juillet 1994 au Comité sur la Convention relative aux droits de l'enfant. Ce rapport traite, je crois, d'un bon nombre d'aspects que vous examinez également, la prévention, l'éducation, les écoles, la collectivité, et le genre d'infrastructure qu'il faut avoir pour pouvoir appliquer les lois.

Je dois dire que dans la plupart des pays que nous étudions, les lois paraissent toujours excellentes et elles sont habituellement bien conçues. C'est lorsque l'on examine la façon dont elles sont mises en oeuvre qu'apparaissent les problèmes, en particulier, dans les États fédérés où il y a des difficultés dans certaines régions, et dans notre pays, d'une province à l'autre, à cause des différences dont il faut tenir compte dans notre fédération.

Nous avons eu l'occasion d'examiner les rapports officiels de 58 pays qui ont été présentés au Comité des Nations unies sur les droits de l'enfant et mon collègue, le professeur Dandurand, va vous en parler dans un instant.

La plupart de ces rapports demandent, notamment, que l'on conserve le critère de l'intérêt de l'enfant et ils accordent à la protection des droits de l'enfant la première place. Il y a des exceptions, et il y en a quelques-unes dans la Loi sur les jeunes contrevenants, dans les dispositions en matière de renvoi, où c'est la protection du public qui doit l'emporter, selon les dernières modifications. Cela est conforme. Ce n'est pas incompatible parce qu'il existe une certaine souplesse qui permet de tenir compte de la diversité des sociétés et des situations.

Là encore, sur la question de l'âge minimum et de l'âge maximum, ces normes indiquent qu'ils ne devraient pas être supérieurs à 18 ans, mais il est nécessaire de prévoir des exceptions pour tenir compte de certains problèmes et des différents types d'infractions.

Je devrais sans doute m'arrêter ici. Je vais donner la parole à mon collègue qui pourra vous donner une idée des recherches et de la synthèse qu'il a effectuées depuis ces dernières années.

M. Yvon Dandurand (conseiller, International Centre for Criminal Law Reform and Criminal Justice Policy): Merci. Je crois qu'il y a des gens dans divers pays qui recherchent dans les normes internationales une solution possible à leurs problèmes, tout comme il y a de nombreux Canadiens à l'heure actuelle qui voient dans les travaux de votre comité et du Parlement du Canada quelque chose d'important, parce qu'il y a beaucoup de gens qui espèrent que le cadre législatif permettra de régler leurs problèmes.

En pratique, comme vient de le mentionner Daniel Préfontaine, si l'on regarde en détail ce qui se passe dans la plupart des autres pays, qu'ils soient développés ou non, ce n'est pas tant la rédaction de la loi qui fait problème, même si elle reflète parfois des compromis délicats entre divers groupes d'intérêt, mais plutôt sa mise en oeuvre. Je crois que c'est là le dénominateur commun que l'on retrouve partout, et c'est pourquoi vous aurez sans doute remarqué qu'au niveau international... qu'il s'agisse de l'ONU ou du niveau régional - l'OAS, le Commonwealth, la Francophonie ou d'autres regroupements - vous aurez remarqué que l'on consacre moins de temps à l'élaboration de nouvelles normes qu'aux efforts déployés pour les mettre en oeuvre, que ce soit dans le domaine de la justice pour les victimes du crime, celui de la justice pour les jeunes ou de la justice pénale, en général.

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Daniel a parlé des normes internationales mais il faut reconnaître qu'il s'agit là dans l'ensemble de normes minima et que si on les examine, il est difficile d'en tirer des directives concrètes. On nous chapitre, si je peux m'exprimer ainsi, au sujet des choses qu'un État ne devrait pas faire. La raison d'être de ces règles est qu'elles tentent d'empêcher les abus de pouvoir et de protéger les droits des adolescents.

Il existe toutefois une exception notable et j'aimerais attirer votre attention sur les Principes directeurs de Riyad. Cela est quelque peu différent parce que les Principes directeurs de Riyad adoptés en décembre 1990 offrent, en fait, des conseils. Il ne s'agit pas de véritables normes mais de conseils.

Je vous suggère, en particulier, d'examiner la partie I de ces Principes directeurs, qui traite des principes fondamentaux dont devrait s'inspirer l'action de l'État dans le domaine de la prévention du crime, conformément à l'esprit de cette déclaration. On trouvera des phrases comme «tous les programmes de prévention devraient viser le bien-être des jeunes depuis leur petite enfance». La priorité est donc l'enfant. Vous y trouvez des expressions comme «il conviendrait d'adopter une orientation axée sur l'enfant». Ou encore «l'intervention officielle doit avoir pour but principal l'intérêt de l'enfant et être guidée par les principes d'équité et de justice».

Notons toutefois que cette approche, qui se retrouve certes dans les Principes directeurs de Riyad, ne fait toutefois pas l'objet d'un consensus parfait au sein de la communauté internationale. Il existe un rapport plus récent qui a été préparé par un groupe d'experts des Nations unies sur les enfants et les mineurs en détention qui reflète une approche tout à fait différente, puisqu'elle privilégie non pas l'enfant mais les droits de celui-ci. Ces experts soutiennent que pour déterminer ce qui va dans le sens du bien-être de l'enfant, il ne faut pas tant de tenir compte de ses besoins et de son intérêt que de ses droits. Avec une telle conception, il arrive bien souvent qu'il faille sacrifier l'enfant et ses besoins pour protéger ses droits.

Bien sûr, il est toujours difficile pour une société, quelle qu'elle soit, de choisir une approche, parce que cela implique des compromis difficiles, mais je crois qu'il existe un consensus de plus en plus large, que l'on retrouve, je dirais, dans de nombreux pays et dans la communauté internationale, sur l'idée que si nous voulons obtenir des résultats, il faut que nos interventions dans le domaine de la justice pour les jeunes soient centrées sur l'enfant et non pas sur l'incident. Il est vrai que, selon la tradition du droit pénal, l'important est l'incident, le crime, mais si on prend le temps d'y réfléchir, on constate que ces deux approches comportent des ramifications très importantes.

Je sais que votre comité va bien sûr examiner, entre autres, la valeur des principes que l'on retrouve dans la loi. On pourrait mentionner qu'il en existe un grand nombre et qu'il est parfois difficile de savoir comment concilier tous ces différents principes. Il serait peut-être toutefois préférable de se demander non pas si nous avons adopté les bons principes directeurs mais si nous avons donné une orientation claire à notre action.

Si l'on compare les énoncés que l'on retrouve dans notre Loi sur les jeunes contrevenants avec ce que l'on peut trouver, par exemple, dans une loi comparable en Nouvelle-Zélande, on constate que, dans les lois d'autres pays, la Nouvelle-Zélande par exemple, on précise très clairement quel doit être le sens de l'intervention. La loi énonce clairement, par exemple, que la lutte contre la criminalité n'entre pas dans les objectifs du système de justice pour les jeunes; la lutte contre la criminalité relève de la société, de la famille, de toutes sortes d'institutions. Mais ce que peut faire le système de justice pénale, ou notre système ou nos services officiels, est d'apporter une réponse appropriée, une réponse qui pourra faire comprendre à l'enfant ce que veut dire la responsabilité et lui démontrera comment nous souhaiterions que les gens se comportent les uns avec les autres.

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Si l'on examine ces normes - je vais être bref, je sais que nous avons pris beaucoup de temps - qui portent sur les sujets qu'examine le comité, vous noterez que les règles minima ne parlent pas beaucoup de l'âge minimum ou de l'âge de la responsabilité pénale, et cela s'explique principalement parce que les pays n'ont pu s'entendre sur le choix de l'âge minimum.

Si le comité ne possède pas déjà cette information, nous pourrions vous remettre des documents concernant les âges minimum et maximum en vigueur actuellement dans la plupart des pays européens. Cela est tiré d'un rapport que nous ont envoyé nos instituts affiliés, HEUNI à Helsinki, et nous pourrions également laisser ces documents au comité.

L'autre question est celle de l'âge maximum.

M. Préfontaine: Je me demande si je peux ajouter que vous avez constaté qu'il n'y a que très peu de pays qui ait choisi un âge inférieur à 12 ans. Lorsque l'âge choisi est de 10 ans, il y a un critère, et lorsque l'âge est encore plus bas, on utilise un critère encore plus détaillé pour déterminer si l'enfant a atteint l'âge de discernement. Nous allons vous remettre ces renseignements et vous allez constater que l'âge est habituellement fixé à 12, 13 ou 14 ans.

Il y a toutefois des exceptions. Le Royaume-Uni a, par exemple, adopté une structure 10-14 ans. Une autre est la Suisse qui a choisi les âges de 7 et 15 ans ainsi qu'une façon très différente de concevoir cette question.

On ne peut donc dire que cela n'est pas possible. Il faut toutefois examiner la chose dans le contexte de la Charte, comme vous le savez.

M. Dandurand: Lorsqu'on examine l'expérience des autres pays, on constate que l'âge est un facteur qui soulève de nombreux problèmes. On constate que tous les pays ont eu du mal à trancher cette question. Ils ont tous apporté leur propre réponse mais l'âge constitue en fait un critère très imprécis mais qui nous permet néanmoins de déterminer le genre de réponse que notre société souhaite fournir au problème de la criminalité.

Cela est vrai pour l'âge minimum, et c'est pourquoi il n'y a pas de consensus. Il n'y a toujours pas de consensus au sein de la communauté internationale sur la question de l'âge minimum.

Il en va de même pour l'âge maximum. Pour ce qui est de l'âge maximum, la convention énonce qu'aux fins de la convention, est un enfant toute personne de moins de 18 ans; il n'empêche que si l'on examine les divers systèmes de justice pénale, on constate que l'âge maximum varie de façon considérable.

On retrouve même des variations dans le même pays. Nous avons une copie d'une enquête qui a été faite, vous ne le devinerez pas, par la National Rifle Association, même si ce document contient une liste fort utile des lois de 50 États et du district de Columbia prévoyant la renonciation à certains droits. C'est également un document que nous pourrons vous laisser. Il permet de constater que ce pays n'a pas des idées très claires sur l'âge maximum qu'il faudrait fixer. Lorsqu'on compare les différents États, on devine, et c'est du moins ce que je crois, que toutes les assemblées législatives ont éprouvé des difficultés avec ces questions.

Si l'âge est un aspect aussi problématique, et Daniel a fait allusion au fait que de nombreux pays choisissent maintenant un système un peu hybride où l'âge est un critère mais uniquement dans le cas de certaines infractions et à certaines conditions. Si l'âge devient un critère assorti de conditions, que devrait-on choisir?

Eh bien, il y a beaucoup de gens qui demandent de plus en plus que l'on se base sur la gravité de l'infraction et c'est quelque chose que nous empruntons au système pour adultes. Lorsque l'infraction est grave, elle est traitée de telle façon. Si elle ne l'est pas, on la traite différemment. Cela découle également de l'idée d'après laquelle le système a pour rôle de répondre à l'infraction et non à la personne. Vous voyez que le fait d'appliquer ou non le critère de la gravité au lieu du critère de l'âge montre que l'on hésite entre une approche axée sur l'infraction et une approche axée sur l'individu.

Il y a quelque chose qui doit être dite et qui commence à apparaître dans les études et les rapports auxquels nous avons accès. Si l'on choisit la gravité de l'infraction, cela a tendance à rassurer la population mais c'est un critère très dangereux lorsqu'on l'applique à des jeunes contrevenants.

Pourquoi cela? Eh bien, lorsqu'il s'agit de jeunes contrevenants, le facteur qui paraît déterminer les chances de récidive est la nature de la réaction au premier incident - que celui-ci soit grave ou non, peu importe, c'est la façon dont on réagit au premier incident. Tous les parents le savent. Ce n'est pas le fait que l'enfant ait pris de l'argent dans le porte-monnaie de sa mère. Peu importe qu'il ait pris 50¢ ou 50$; c'est le fait que c'était la première fois et le comportement qu'adoptera cet enfant à l'avenir sera principalement influencé par cette réaction initiale.

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C'est pourquoi il me semble qu'affirmer que nous devrions fonder notre action principalement sur la gravité de l'infraction va à l'encontre de tout ce que nous savons au sujet du comportement et de l'éducation des enfants et de la façon de leur enseigner à accepter la responsabilité de leurs actes.

Les normes internationales couvrent de nombreux autres sujets. Si je peux en aborder quelques-uns rapidement avant de terminer je parlerais du respect de la vie privée. La norme qu'énonce l'article 8 de l'ensemble des règles minima est très claire. Cette disposition énonce:

Et le deuxième paragraphe se lit ainsi:

Dans l'ensemble, nous respectons cette norme mais le comité sera peut-être surpris d'apprendre que nous sommes un des rares pays à le faire. Il y a en fait de nombreux pays qui nous considèrent comme un modèle, comme quelque chose qu'ils aimeraient imiter s'ils le pouvaient.

La difficulté que soulève la question du respect de la vie privée, comme vous l'avez remarqué à la lecture de ces normes, est que la vie privée est principalement définie par rapport à la publication de renseignements concernant l'adolescent. Il faut tenir compte d'un autre aspect à savoir dans quelle mesure le respect de la vie privée - disposition d'une loi particulière - va empêcher la collectivité de se mobiliser pour prendre des mesures efficaces à l'égard du contrevenant.

Je sais que cette question a reçu un début de réponse au Canada par le biais des modifications qui ont été apportées assez récemment à la loi mais le problème demeure. Il demeure parce que, si nous sommes tous d'accord pour reconnaître que le défi porte principalement sur la mise en oeuvre de la loi et sur sa pleine application, qu'est-ce qui fait obstacle à cette mise en oeuvre intégrale?

Le premier obstacle, ce sont bien entendu les ressources. La plupart des pays, non seulement le Canada mais beaucoup d'autres, considèrent que l'intervention doit venir des collectivités et ces pays espèrent que les ressources communautaires et non les ressources gouvernementales vont donner des résultats.

Si l'on veut mobiliser les collectivités, il est évident qu'il faut une certaine communication entre les personnes qui seront appelées à jouer un rôle dans ce domaine. Dans la mesure où les dispositions actuelles en matière de protection de la vie privée interdisent pratiquement la communication entre les intervenants, cela peut créer un problème.

J'aimerais soulever un dernier point au sujet de la vie privée et j'aimerais revenir sur l'affirmation qu'a fait le témoin précédent qui parlait du fait que, dans les petites collectivités, les gens savaient fort bien qui faisait quoi.

Mais ce qu'on oublie souvent, c'est que les gens ne connaissent pas la décision qui a été prise. Ils savent effectivement que quelqu'un a commis une infraction. Ils savent que le jeune a été pris par la police. Ils savent également que l'enfant a été relâché le même jour. Mais habituellement, ils ne connaissent pas la décision qui a été prise, ce qui leur donne l'impression qu'on n'a rien fait.

Je vous promets que ce sera mon dernier commentaire. Je voudrais revenir sur la question de la précocité de l'intervention pour vous dire que, lorsque nous avons examiné les documents en notre possession, nous avons été fort impressionnés par le mémoire qui a déjà été présenté au comité par le Conseil national de la prévention du crime. Lorsqu'on examine ce mémoire et qu'on le compare à ce que propose des groupes semblables dans d'autres pays, on constate que les propositions mises de l'avant par ce comité du Conseil national de la prévention du crime figurent parmi les plus prometteuses.

Lorsque nous avons examiné cette question, nous avons noté que l'on insiste sur l'importance d'intervenir de façon précoce et certains Canadiens y voient là une excuse ou une raison de recourir au système de justice pénale pour intervenir à un âge plus précoce. Nous tenons à préciser qu'il n'est pas nécessaire d'avoir recours au système de justice pénale pour intervenir efficacement auprès des très jeunes mais qu'il faut bien savoir ce que l'on essaie de faire.

On a effectué l'année dernière une étude en Colombie- Britannique sur les chiffres dont nous parlons. Cette étude a été effectuée par le Avison Research Group. À l'aide de données fournies par les services policiers, les auteurs de l'étude ont examiné les cas signalés à la police concernant des enfants de moins de 12 ans.

D'après les données de la police, on a évalué à 3 500 le nombre de ces cas pour 1994. De ce nombre, 729 mettaient en jeu l'article 15 de la nouvelle Loi de la Colombie-Britannique sur les services communautaires, la famille et l'enfance et aurait dû normalement amener les policiers à signaler ces enfants au directeur de la protection de la jeunesse.

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Ce groupe représente 22 p. 100. Il y a des gens qui diront occupons-nous de ce groupe de 22 p. 100 qui ont commis une infraction grave. Je crois que cela serait une erreur parce que les autres, qui représentent 75 p. 100 ou presque, vont se retrouver dans le système de justice pour les jeunes, si l'on ne s'occupe pas, avant l'âge de 12 ans, de tous ces jeunes qui ont été signalés à la police.

Avec le système actuel, lorsque l'infraction est de peu de gravité, nous ne faisons rien. C'est également à peu près de cette façon que nous utilisons la Loi sur les jeunes contrevenants. Je ne dis pas que l'intervention doit prendre la forme d'une punition mais je dis que chacun de ces crimes est une chose grave. Si cela n'était pas le cas, nous n'en aurions pas fait un crime. Mais il me paraît grave de laisser entendre à des enfants, qu'ils aient moins ou plus de 12 ans, que leur comportement est grave mais pas suffisamment grave pour que nous fassions quelque chose.

Je termine ici. Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur St-Laurent, avez-vous des questions?

[Français]

M. St-Laurent: Sur le rôle des prisons, comment voyez-vous l'incarcération actuelle, d'après les recherches et le travail que vous faites? Est-ce qu'il y a lieu de garder les prisons comme elles sont actuellement, avec leur peu d'efficacité, ou faut-il carrément se tourner vers une autre option un peu plus moderne qui réponde mieux aux besoins actuels?

M. Dandurand: Je présume que vous parlez des prisons pour adultes?

M. St-Laurent: Oui, naturellement.

M. Dandurand: Le Centre international pour la réforme du droit criminel et de la justice criminelle est impliqué depuis bientôt deux années dans un projet international de modernisation des systèmes correctionnels à travers le monde. Partout dans le monde, on se penche davantage sur la question des alternatives à l'incarcération.

Évidemment, lorsqu'on regarde les statistiques en surface, le Canada apparaît comme un des pays qui utilisent l'emprisonnement le plus souvent. Mais parfois ces statistiques-là peuvent comporter un certains biais étant donné la façon dont elles sont recueillies.

Je répondrai à votre question par un «oui»: utiliser nos prisons autrement est une priorité. C'est une priorité aussi pour une autre raison: elles sont coûteuses et il y aurait moyen d'affecter ces ressources à d'autres modèles plus prometteurs.

M. St-Laurent: Quelle est votre opinion sur l'âge minimum? Vous avez sans doute des données là-dessus. Actuellement, c'est 12 ans. Est-ce qu'on devrait aller plus bas ou est-ce que c'est suffisant?

M. Dandurand: Entre 10 et 14 ans, le problème n'est pas tellement la barrière qu'on va mettre entre les deux, mais plutôt un problème de coordination entre les services de protection de l'enfance et les services de justice pour les mineurs.

Il est possible, dans les deux cas, de réagir au comportement du jeune d'une manière qui est tout à fait adéquate. À mon avis, la loi est adéquate dans le moment.

Il y a la question de savoir si dans certains cas, comme un meurtre, la loi ne doit pas inclure un drapeau rouge pour signifier aux intervenants qu'il s'agit d'une question qui nécessite plus d'attention que les comportements criminels plus habituels.

Je pars de la prémisse que commettre des crimes mineurs est un comportement normal chez la plupart des enfants. Ce n'est pas une perspective que tout le monde partage, mais si on regarde les données internationales sur la criminalité révélée, on se rend compte qu'il est normal, dans une population, de trouver que 30, 40 ou 50 p. 100 des jeunes ont été impliqués au moins une fois dans un comportement que la société définit comme un comportement criminel sérieux.

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Si on part de cette prémisse-là, on en tient compte au moment de notre réponse. La question qui se pose est celle de savoir si l'on répond de façon adéquate lorsque ces comportements normaux se présentent. Très souvent, malheureusement, on n'y répond pas de la bonne façon parce qu'on a tendance à considérer que le premier comportement n'est pas important ou qu'il n'est pas important si le crime est jugé peu sérieux. En termes d'éducation, la première manifestation du comportement est absolument cruciale. La première réponse est cruciale.

M. St-Laurent: Vous avez parlé de la coordination des services comme d'une solution alternative intéressante, parce que dans le fond, vous voulez dire qu'il y a un défaut dans cette coordination.

M. Dandurand: Un énorme défaut, et cela a déjà été porté à l'attention de ce comité, en opposant la réponse qui peut être offerte dans ce domaine-là au Québec et en Colombie-Britannique.

Il y a des signes intéressants en Colombie-Britannique depuis la création, il y a quelques semaines, d'une nouveau ministère de l'enfant et de la famille qui, nous dit-on, mettra au point une approche intégrée. Pour l'instant, c'est une promesse puisque le ministère a été créé il y a seulement quelques semaines.

À mon avis, c'est un signe très prometteur, à condition que le gouvernement provincial procède à l'implantation de cette loi-là dans une deuxième étape, non seulement au niveau de l'intégration des services à Victoria, mais aussi au niveau des communautés.

La deuxième étape de l'implantation serait une décentralisation, et j'ai l'impression que l'approche québécoise peut servir de modèle à plusieurs autres provinces.

M. St-Laurent: Je vous remercie beaucoup.

M. Préfontaine: Moins de 2 p. 100 des infractions sont commises par les enfants de moins de 12 ans.

À un moment donné, il faut regarder le tout dans le contexte du nombre et aussi de l'infraction. Si elle très grave, on ne peut pas se permettre de continuer d'avoir recours à la Loi sur la protection de la jeunesse ou à la Loi de la protection de l'enfant dans les différentes provinces.

La Loi sur la protection de la jeunesse du Québec fait un travail extraordinaire. On tente de coordonner les services pour traiter le problème de l'enfant dans son ensemble.

[Traduction]

La présidente: J'aimerais demander aux gens qui participent à nos débats et qui sont dans la salle de désactiver leur téléphone cellulaire. Il est très désagréable pour un témoin d'entendre une sonnerie de téléphone cellulaire dans cette salle. Cela est mentionné sur la porte. Merci.

Monsieur Ramsay, vous avez sept minutes.

M. Ramsay: Merci, madame la présidente.

J'aimerais remercier nos invités et nos témoins de ce matin des exposés qu'ils nous ont présentés. J'ai trouvé vos propos très intéressants et je pense qu'ils seront fort utiles à notre comité.

On nous a souvent dit au cours de nos audiences dans toutes les différentes régions du Canada qu'il fallait responsabiliser les collectivités, les collectivités de base, et accorder davantage de ressources et de pouvoirs à la base. Nous avons entendu les derniers témoins, qui représentent les gouvernements locaux de la Colombie-Britannique, nous présenter non seulement un exposé très équilibré mais nous parler de programmes qui donnent d'excellents résultats dans la province.

Plutôt qu'aller chercher des idées à l'extérieur du Canada pour savoir comment réagir au problème de la délinquance des jeunes, certains éléments indiquent qu'il faudrait aller aussi dans la direction contraire. Comme nous l'ont déclaré d'autres témoins du dernier panel, peu importe le programme, ce sont les résultats qui comptent.

Je suis de cet avis. Pour moi, ce n'est pas le programme qui est important, ce sont les résultats.

.1415

C'est pourquoi j'aimerais vous demander si, dans une perspective internationale, vous connaissez des pays qui ont réussi à réduire le taux de la criminalité ou si vous avez des exemples de groupes au sein de sociétés qui y ont réussi? Comme vous le savez, il y a au Canada les colonies Hutterites qui obtiennent d'excellents résultats, au moins sur le plan de la criminalité.

En tant que policier, je me souviens qu'il y avait des familles chinoises dans les petites collectivités et qu'ils ne commettaient jamais de crime; je ne me souviens pas avoir jamais reçu de plainte à leur sujet.

Avez-vous des exemples internationaux qui donnent de bons résultats et dont nous pourrions nous inspirer? Vous pourriez peut- être nous laisser des documents sur cette question. Nous pourrions les examiner et voir si cela pourrait s'appliquer à notre situation.

M. Dandurand: Malheureusement, je ne crois pas qu'il existe d'exemples déterminants. Il est vrai que, dans beaucoup de pays, on est à la recherche de programmes de ce genre. Bien sûr, l'on peut toujours rechercher des exemples de programmes qui donnent de bons résultats dans les petites collectivités ou dans des secteurs particuliers de la collectivité; cela ne veut pas dire qu'on peut s'en inspirer pour construire des modèles qui vont être efficaces dans des secteurs ruraux ou urbains complexes.

Je n'en ai pas parlé parce que cela ne fait pas vraiment partie du contexte international mais je participe également à un projet local ici à Abbotsford, qu'on appelle le Abbotsford Community Sentencing Project. Je vous en parle parce que cela me paraît instructif. Je suis parfaitement d'accord avec vous, monsieur, lorsque vous dites que ce n'est pas de Vienne, de New York ou d'ailleurs que viendra la volonté de changer; il faudra que cela vienne des collectivités.

Dans le cas d'Abbotsford - et les gens qui s'occupent de Maple Ridge ou d'autres programmes vous diront la même chose - on a sous-estimé le temps qu'il faut pour mettre au point ce genre de choses. Lorsque l'on veut adopter une approche différente au niveau communautaire, il faut être prêt à faire un investissement à long terme dans cette collectivité.

Dans le cas d'Abbotsford, il a fallu une année entière de consultation au sein de la collectivité et entre les divers acteurs - tant officiels qu'informels - pour s'entendre sur une méthode. Il faut donc être prêt à investir à long terme. Je ne crois pas que l'on fasse grand-chose pour appuyer ces collectivités.

Je pense que ce qui est bon pour la communauté chinoise dont vous avez parlé, peut peut-être donner de bons résultats dans une collectivité du Nord, ou dans une petite collectivité italienne près de Montréal, mais peut-être pas pour Abbotsford ou Chilliwack. Je crois qu'il s'agit principalement de donner aux collectivités les moyens de découvrir la nature de leur problème auquel elles font face et de choisir les solutions.

J'ai récemment participé à titre de personne-ressource au groupe d'Abbotsford et j'ai constaté qu'il n'existait en fait aucunes ressources pour cette initiative. Tous ont été obligés - tous les participants au projet, depuis les juges jusqu'aux poursuivants, tout le monde - de prendre leurs samedis et leurs dimanches et de tenir des réunions dans des sous-sols, il n'y avait pratiquement aucunes ressources pour ce projet.

Ce projet soulève beaucoup d'enthousiasme mais lorsqu'une collectivité décide de faire les choses différemment, lorsqu'elle se rend compte qu'il doit exister de meilleures solutions, elle devrait pouvoir bénéficier d'un peu d'aide, d'un peu d'appui, pour rendre tout cela possible.

Il y a un aspect qui m'a beaucoup intéressé. Je ne sais pas si le comité a déjà vu cela, mais je viens de finir de lire le deuxième livre de Rupert Ross sur le retour aux enseignements, dans lequel il décrit l'expérience des collectivités autochtones. Il lance un avertissement qui me paraît important: lorsqu'on parle de responsabiliser les collectivités, il faut faire une différence entre une responsabilisation qui vise à punir et une qui vise à introduire des changements.

Il arrive que, dans certaines collectivités, lorsqu'on leur dit qu'elles vont avoir davantage de pouvoirs, qu'elles vont avoir un rôle à jouer, elles se disent, oh enfin, nous allons pouvoir faire ce que nous voulons vraiment et nous allons être finalement en mesure de réprimer la criminalité comme nous le souhaitons. C'est ce qui prend tant de temps à développer. On est obligé de faire beaucoup de travail de développement avec la collectivité, pour l'aider à cerner l'origine de ses problèmes avant de lui confier ce pouvoir.

Je sais qu'il existe des modèles comme les tribunaux communautaires qui sont très populaires, non seulement pour ce qui est des cercles de détermination de la peine mais également aux États-Unis et dans d'autres pays, mais c'est une épée à deux tranchants.

.1420

M. Ramsay: Oui, je comprends cela.

La présidente: Il vous reste 30 secondes.

M. Ramsay: Eh bien, je vais donc terminer. L'immense majorité des exposés que nous ont livrés les représentants des collectivités insistent sur la nécessité de protéger les enfants. On ne peut donc dire que le côté répression ait été surreprésenté, j'ai plutôt le sentiment que, d'après ce que j'ai entendu s'il y a effectivement un déséquilibre, ce serait plutôt en faveur des enfants.

Je tiens à vous remercier, mon temps est écoulé.

M. Préfontaine: Pourrais-je vous répondre sur le plan de l'information. Il existe une publication récente - que nous vous proposons et nous l'enverrons au comité - qui provient du bureau de la justice pour les jeunes et de la prévention de la délinquance du Bureau des programmes de justice du ministère de la Justice des États-Unis.

On trouve dans cette publication toute une série d'exemples d'initiatives - qui semble donner des résultats, même si cela n'est peut-être pas le bon terme - qui ont été lancées, y compris des programmes d'intervention fort intéressants au Massachusetts et au Vermont, dans la partie est des États-Unis. Ces initiatives abordent toute cette question en adoptant une approche communautaire.

Nous allons donc leur demander de vous l'envoyer ou nous communiquerons avec votre recherchiste et il vous l'obtiendra.

M. Ramsay: Merci.

La présidente: Merci.

Madame Torsney, vous avez sept minutes.

Mme Torsney: Merci. Le début de votre exposé m'a beaucoup intéressé parce que vous décriviez le contexte dans lequel on pouvait examiner les exemples internationaux et nos responsabilités en tant qu'acteur international important. Pour ce qui est de la définition de ces normes, il est évident que la façon dont nous les précisons, que ce soit plus ou moins strictement que la norme internationale, va influencer cette dernière.

Ce que je cherche à faire ici est de trouver des moyens pour qu'il y ait moins de victimes et moins de crimes de commis. De sorte que quand j'examine certains de ces documents, je les trouve fort intéressants, mais je ne suis pas toujours très sûre de bien comprendre ce qu'ils veulent dire.

J'écoutais des personnes venant de toutes les régions du pays, en particulier ici en Colombie-Britannique et au Yukon, et je me pose des questions sur ces problèmes, sur le rang que nous occupons sur le plan international. Il y a un certain nombre de choses qui m'inquiètent beaucoup comme, par exemple, le taux d'incarcération des adolescents. Bien évidemment, la norme doit être déformée vers le haut, compte tenu du fait que nous occupons la deuxième place au monde pour ce qui est du taux d'incarcération des adolescents et donc, par le fait qu'il n'existe pas autant de programmes de mesures de rechange pour les adolescents qu'il devrait y en avoir.

La criminalisation et l'incarcération des jeunes autochtones canadiens est un phénomène plus qu'extraordinaire. Cela a des effets dévastateurs sur la collectivité et je crois que c'est une tache pour le Canada.

Enfin, nous avons entendu hier plusieurs représentants d'établissements qui nous ont dit, nous faisons de bonnes choses, nous introduisons un certain contrôle, nous offrons des services d'orientation, nous luttons contre certains problèmes mais lorsque les enfants quittent l'institution, il n'y a rien pour les aider. Et oui, c'est pour cela qu'il y a beaucoup de récidive, parce qu'on ne leur offre aucun appui. Je veux savoir ce que vous répondez à cela.

Le dernier point - pour que je puisse vous redonner la parole - est le fait que nous avons entendu de nombreux groupes nous proposer exactement ce dont vous avez parlé, c'est-à-dire qu'il faut viser avant tous les enfants et non pas l'infraction qui a été commise. Mais en fait, la plupart des groupes qui préconisent une modification de l'âge, proposent de changer l'âge lorsque l'infraction est particulièrement grave.

Je me demande pourquoi cela ne leur fait pas comprendre que les services sociaux ont manqué le but, que nous avons abandonné des enfants qui sont beaucoup plus jeunes. Pour ces enfants, la première infraction, ce n'est pas le 57e vol de voiture. C'est plutôt mal se conduire à l'école, c'est un comportement inapproprié, c'est en fait cette pièce de 5¢ qu'ils ont prise dans le porte-monnaie de leur mère mais personne ne s'en est aperçu, personne n'a réagi à cela comme il fallait.

À part le système de justice, il faut commencer à intervenir beaucoup plus tôt, il faut prendre des mesures beaucoup mieux adaptées à nos adolescents, et empêcher que ces victimes soient à leur tour victimisées par la collectivité.

Le reste du temps est maintenant à vous.

M. Préfontaine: Je veux simplement dire quelques mots au sujet de la loi et de la structure de la loi en vigueur aux paliers fédéral, provincial et territorial. Si vous considérez la loi comme un moyen de régir les rapports entre les membres de notre société et comme instrument à utiliser quand des personnes ne respectent pas les normes et les règles, alors je crois que la Loi sur les jeunes contrevenants, en tant qu'élément du cadre législatif fédéral, est parvenue à instaurer un équilibre.

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Il faudra continuer à l'améliorer; c'est le cas pour toutes les lois. Il ne faut pas se faire d'illusion, les lois ne sont pas éternelles, mais vous êtes parvenus à un équilibre en ce qui concerne l'objectif de la loi. Cette loi reflète les aspects généraux les plus importants, c'est-à-dire la façon dont nous considérons que les enfants doivent être élevés, le genre de principes que nous voulons leur inculquer et la façon dont nous voulons vivre en paix au sein de notre société.

Mon collègue pourrait vous répondre beaucoup mieux que moi, car je m'intéresse surtout au cadre juridique. Je crois que vous avez un cadre solide, tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial. Il faudra peut-être l'ajuster encore un peu, mais là n'est pas la question.

M. Dandurand: Vous abordez plusieurs questions. Ce n'est pas une coïncidence si la majorité des Canadiens sont mécontents du système actuel; il doit y avoir quelque chose qui ne va pas.

Qu'est-ce que vous examinez? Vous parlez de prisons, d'incarcération des jeunes, n'est-ce pas? Si vous discutez avec des juges et des procureurs, par exemple, ils vous diront que dans bien des cas il n'y a pas d'autre solution. Une grande partie de la question a donc trait aux solutions de rechange.

Nous dressons de longues listes de principes, de critères, de tous les éléments de ce genre dont le juge doit tenir compte, et tout ça doit s'harmoniser lorsque le juge tire une peine de son chapeau. Si vous regardez bien dans le chapeau, il n'y a que deux ou trois options véritables dans la collectivité. Il y a la probation - la dernière fois que j'ai consulté les statistiques pour le Canada, près des trois quarts des adolescents, au moment du prononcé de la peine, étaient la probation - et puis il y a la prison.

Bien sûr, nous sommes un peu embêtés lorsque nous comparons notre taux d'incarcération à celui d'autres pays, mais la liberté surveillée ne vaut pas mieux. Regardez ce qui se passe lorsqu'un adolescent est placé en liberté surveillée. Souvent, c'est comme si aucune mesure n'avait été prise. Vous devez vous prêter à tout cela, à ce processus complexe dans lequel interviennent les droits, les avocats et l'aide juridique, quoi que ce soit, pour finir par être mis en probation.

Si vous vous postez à la porte du palais de justice quand les adolescents en sortent, quelle sera à votre avis la phrase que vous entendrez le plus souvent? C'est une blague. C'est ce que vous entendrez, et c'est une opinion pratiquement unanime. On peut la prédire. Vous savez que l'adolescent qui sort ainsi du tribunal va dire que c'est une blague. Évidemment, bien des gens vont nous dire que si c'est une blague, il faut remettre les pendules à l'heure. Il faut que la peine soit plus sévère. C'est ce que disent bien des gens, mais ce n'est pas la solution.

Le problème, c'est que bien des gens ont un mouvement de recul quand on parle d'intervention précoce. Pourquoi? Parce que la réponse, jusqu'à maintenant, n'a strictement rien donné. On nous demande d'au moins protéger les jeunes de moins de 12 ans, parce que si on commence à leur nuire comme on nuit aux jeunes de 12 à 18 ans, il vaudrait mieux s'abstenir.

En Colombie-Britannique, 3 500 enfants auront des démêlés avec les services policiers avant l'âge de 12 ans. On peut se dire que si l'on ne fait pas face à la musique à ce moment-là, on aura un problème sur les bras lorsque ces jeunes auront entre 12 et 18 ans et qu'on peut s'attendre à les revoir encore à l'âge adulte. Je crois donc qu'il est parfaitement logique de recourir à l'intervention précoce, à condition de définir clairement notre but et ce que nous cherchons à réaliser.

Il est peut-être possible que le Parlement, à Ottawa, parvienne à définir un but, mais de façon plus réaliste, comme le suggérait précédemment un membre du comité, la question de ce que nous cherchons à réaliser à l'intérieur du cadre juridique sera sans doute résolue au niveau communautaire.

Je veux ajouter quelque chose au sujet de l'intervention précoce, et je me fonde non pas tant sur mon expérience internationale que sur les travaux réalisés à l'échelle locale. Je sais que le comité se penchera sur la question de la responsabilité parentale. Eh bien, si vous songez à l'intervention précoce...

J'ai eu l'occasion d'examiner une centaine de cas de jeunes contrevenants qui étaient pratiquement des professionnels du crime. Je les ai étudiés, puis j'ai fait appel à ma propre expérience, à l'époque où je travaillais dans le système de justice pour les jeunes, et je ne suis pas parvenu à me souvenir d'un seul cas où les parents, quel que soit leur degré d'incompétence, n'avaient pas demandé de l'aide au moins une fois, sinon quinze fois. Souvent, ils se tournaient vers les conseillers scolaires. Malheureusement, il n'y a plus de conseillers scolaires. Nous éliminons de plus en plus ces postes.

Les services sociaux n'ont rien à offrir. On me téléphone, à l'université, pour me demande où trouver des services de counselling gratuits, de l'aide gratuite. C'est impossible à trouver. Je n'ai pas de réponse à proposer à ces gens.

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Alors si on parle de responsabilité et d'intervention précoce, il y a une solution très simple. Écoutez les parents. Écoutez les enseignants. Ils savent quel enfant est en danger. Ils peuvent vous le dire. Le problème, c'est la pénurie de ressources.

Nous affectons une grande partie de nos ressources aux prisons et à la probation. Pourtant nous savons que ces deux mesures ne sont pas efficaces. De quelle façon est-ce que nous pouvons réorienter ou redéployer nos ressources? À mon avis, il ne faut pas chercher à le faire à partir d'un service central, mais plutôt donner aux collectivités la possibilité de définir leurs propres priorités et de doubler, concrètement, leurs ressources. La plupart des collectivités ont des ressources inexploitées qu'elles peuvent utiliser si on les mobilise. N'est-ce pas?

Mme Torsney: Tout ce que vous n'avez pas abordé dans votre réponse, c'est la question des jeunes Autochtones et notre performance à cet égard en comparaison du reste du monde.

M. Préfontaine: Nous n'avons pas, dans le cadre de notre projet sur la justice autochtone, examiné les chiffres, mais nous savons qu'en comparaison de la Nouvelle-Zélande, de l'Australie et des États-Unis, le Canada semble, pour une raison quelconque, dans certaines régions, à peu près sur le même pied que l'Australie.

En Nouvelle-Zélande, on a commencé à s'attaquer au problème grâce à un programme innovateur baptisé ``conférences familiales''. On fait intervenir non seulement la famille, mais aussi la victime, les services policiers et les représentants de la collectivité. Le juge réunit toutes ces personnes et déclare: «Nous avons un problème, il vaut mieux essayer de le régler ici, et de quelle façon pouvons-nous le régler?» Cette solution semble donner de bons résultats en Nouvelle-Zélande.

En juillet 1995, nous nous sommes réunis, six pays différents qui éprouvaient des difficultés en matière de justice autochtone et qui cherchaient à les régler, à mettre en commun leur expérience. Bien des gens veulent maintenant examiner de plus près les conférences familiales. Je crois que la Direction de la justice autochtone au ministère de la Justice y a affecté certains membres de son personnel, avec l'appui de quelques collectivités autochtones. Elle semble toutefois prudente; elle croit que ce n'est peut-être pas la solution qui nous convient. Quelque chose d'autre pourrait donner de bons résultats, y compris les cercles de détermination de la peine ou une approche axée sur la prévention, pas après le fait. Il faudra s'attaquer à tous les problèmes persistants de notre pays et de nos collectivités - les taux élevés de pauvreté et élevés de chômage, les faiblesses du système d'éducation, les problèmes de santé, etc., tout ce que nous connaissons très bien.

L'autre question qui se rattache à cet aspect est celle de la responsabilité civile et pénale des parents quant aux infractions perpétrées par leurs enfants. Si vous n'avez demandé à personne de vous parler de cette question - ce qui m'étonnerait - je pense que vous pourriez examiner le modèle de la Nouvelle-Zélande et, pour ce qui est des aspects juridiques, bien faire la distinction entre la responsabilité civile par opposition à la responsabilité pénale et à la responsabilité individuelle quand vous parlez de responsabilité délictuelle, question que nous, avocats, connaissons très bien dans notre système.

Vous voudrez peut-être examiner les lois adoptées dans 50 États américains où les parents sont responsables, sur le plan civil, de certains des actes posés par leurs enfants. Vous voudrez peut-être examiner la loi sur les conseils scolaires de la Colombie-Britannique, qui précise que le conseil scolaire peut poursuivre les parents en cas de vandalisme. Si je ne me trompe pas, une ville ou municipalité a touché 700 000$ auprès des parents, en compensation de dommages causés par les enfants aux biens des écoles.

Il y a aussi toute la question de la responsabilité du fait d'autrui, au civil et au pénal. Je crois qu'il serait intéressant de faire quelques recherches sur ce qui se fait en Nouvelle-Zélande et en Australie. Dans ces pays, si un enfant de moins de 14 ans commet une infraction, le tribunal peut devoir décider s'il convient de condamner les parents aux frais et dépens. Je n'ai pas eu l'occasion d'examiner nos dispositions en matière de restitution, mais je crois que la chose serait possible en vertu de la loi actuelle sur les jeunes contrevenants. Je ne sais pas si cela poserait des difficultés.

Vous devriez toutefois veiller à ne pas attribuer la responsabilité pénale individuelle à la personne. En vertu des lois sur la protection de la jeunesses et de certaines lois régissant les commissions scolaires, il serait peut-être possible de faire... quoi, vous reprochez aux parents les crimes de leurs enfants? Est- ce que vous n'essayez pas plutôt d'obtenir compensation pour une partie des dommages que vous avez subis? C'est l'idée de l'indemnisation, et c'est lié à l'ensemble du problème.

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Mme Torsney: Ciel! si j'étais parmi ces parents qui ont demandé de l'aide une fois ou quinze fois pour mon enfant et qu'on vienne me demander de payer à la commission scolaire les dommages causés par mon enfant, je serais furieuse. J'essayerais sans doute de vous coincer pour avoir mal surveillé mon enfant - je ferais une demande reconventionnelle.

M. Dandurand: Je ne crois pas que Daniel proposait de s'engager sur cette voie. Il tentait simplement de présenter quelques suggestions. Pour ce qui est de l'utilité d'une telle mesure, la dernière fois que nous en avons parlé, à moins qu'il ait changé d'avis, nous avons convenu que nous étions tout à fait satisfaits de la position adoptée par le Conseil de la prévention du crime, c'est-à-dire qu'il faut parler de la responsabilité des parents, mais qu'il ne sert à rien d'en faire des boucs émissaires. Il faut plutôt prendre des mesures pour les aider à agir de façon responsable, ne pas supposer qu'ils n'ont pas... parce que, concrètement, ce n'est pas le cas. La plupart des parents, même les incompétents, ont fait leur possible.

Si nous voulons parler de responsabilité - et la question se pose sur le plan de la protection de l'enfance dans la province - , il faut se demander si les gens qui sont censés offrir ces services doivent être tenus responsables, les commissions scolaires, par exemple, les directeurs d'école, les enseignants, les conseillers, ceux qui n'ont pas prêté assistance et qui ne sont pas intervenus.

Je ne crois donc pas que ce soit une solution que nous tenons à promouvoir, mais si vous voulez examiner la question, elle présente quelques aspects intéressants.

M. Préfontaine: C'est exact. Je suis heureux que vous ayez réagi de la façon dont vous l'avez fait.

Notre intention, ici, c'est de vous fournir de l'information au sujet de ce qui se fait ailleurs, pas de vous dire ce que nous vous recommandons de faire. Au contraire, s'il fallait en venir à cela, je soulèverais certainement moi-même des objections à cette approche. Quant à ce qui vous intéresse, mon opinion au sujet de l'opportunité de tenir les parents responsables n'a aucune pertinence. C'est un exemple de ce qui se fait ailleurs, pour ce qui est de la personne qui doit payer par opposition à la personne que l'on doit punir, ce genre de questions, qui s'inscrivent dans le continuum politique.

Vous contenteriez certainement tout un segment de la population, je crois, si vous disiez qu'il faut s'attaquer aux parents et les faire payer parce que c'est de leur faute si notre société a des problèmes. C'est un argument qu'on présente parfois. Je m'abstiendrai de me prononcer sur sa valeur.

La présidente: Merci beaucoup de votre témoignage. Nous vous en sommes fort reconnaissants. Nous vous remercions aussi des documents que vous nous avez apportés.

M. Préfontaine: Merci.

La présidente: Nous allons nous interrompre quelques minutes.

.1437

.1446

La présidente: Nous reprenons les délibérations. Lorsque j'exerçais le droit, son honneur le juge McMahon faisait souvent allusion à mes retards. Je semble avoir le même problème dans ma vie politique.

Je souhaite la bienvenue à Mme Bennett, qui représente l'Association du Barreau canadien.

Je crois savoir que vous avez un mémoire à déposer.

Mme Elizabeth Bennett (vice-présidente, Section nationale du droit pénal, Association du Barreau canadien): L'Association du Barreau canadien est heureuse de pouvoir participer à cet examen.

La Section nationale du droit pénal de l'ABC regroupe des procureurs et des avocats de la défense de tout le pays. Le mémoire sur les jeunes contrevenants que nous vous transmettrons la semaine prochaine, du moins je l'espère, a été rédigé de concert avec des avocats des diverses régions du pays et comprend surtout des contributions des Territoires du Nord-Ouest, de la Colombie- Britannique, du Manitoba et de l'Ontario.

Pour vous aider à situer mon intervention, je dois vous dire que j'ai exercé 12 ans à titre de procureur et deux ans à titre d'avocat de la défense. Je travaille maintenant au ministère du Procureur général de la Colombie-Britannique, où j'occupe les fonctions de conseiller juridique principal en matière d'appel. Il y a donc plus de dix ans que je ne suis pas descendue dans les tranchées, si je peux me permettre d'utiliser cette expression. J'ai toutefois eu l'occasion de participer à la poursuite et à la défense de jeunes contrevenants. Avant de faire du droit, j'ai travaillé dans une maison pour jeunes contrevenants, ce que nous appelons maintenant un établissement de garde en milieu ouvert, à Langley, en Colombie-Britannique; j'y étais conseillère.

Par conséquent, je ne peux peut-être pas répondre à des questions détaillées au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants - ce n'est pas actuellement le secteur où j'exerce - mais je vais certainement tenter d'y répondre du mieux que je le pourrai, compte tenu du mémoire que je vous soumettrai et de l'expérience que j'ai acquise.

Je devrais aussi vous dire que je suis mère et instructeur de hockey, je suis donc fort active au niveau de la base, même si ce n'est pas nécessairement dans le cadre du système pénal.

Pour examiner la Loi sur les jeunes contrevenants, comme nous le soutenons dans notre mémoire, le comité doit tenir compte du débat public très émotif suscité par quelques affaires sensationnelles qui ont impliqué des jeunes contrevenants. Nous reconnaissons qu'il faut empêcher les jeunes contrevenants de commettre des crimes graves et accompagnés de violence. Toutefois, la colère de la population face à des gestes isolés, si horribles soient-ils, ne devrait pas être considérée comme la preuve qu'il est rendre la loi plus sévère.

Le droit reconnaît depuis longtemps la nécessité de traiter les jeunes contrevenants différemment des adultes. Toute modification de la Loi sur les jeunes contrevenants devrait, à notre avis, respecter ces principes.

La criminalité chez les jeunes a de nombreuses causes. Le recours à la Loi sur les jeunes contrevenants comme panacée est une solution attrayante, mais à court terme. À long terme, il faut amener les jeunes contrevenants à reprendre leur vie en main et à devenir des membres productifs de la société. Pour ce faire, il faut procéder à une analyse des causes profondes qui contribuent à la criminalité chez les jeunes. Un simple changement des lois touchant les jeunes dans le système pénal n'entraînera aucune réduction du taux de criminalité. D'après l'Association du Barreau, nous devons aussi modifier la façon dont le système de justice traite les adolescents.

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Le gouvernement semble déterminé à apporter des changements. Le premier examen avait trait au resserrement des peines dans le cas de crimes accompagnés de violence. Dans notre mémoire, nous proposons de faire porter le deuxième examen sur la réinsertion sociale.

La Loi sur les jeunes contrevenants adoptée en juillet 1982 était la conséquence, comme vous le savez tous, de plus de 20 ans de délibérations sur le réaménagement du système de justice pour les jeunes. Cet important remaniement a été accueilli par le système de justice pour les jeunes au Canada comme une révolution qui remplaçait le modèle d'aide à l'enfance appliqué dans l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants.

Il y a un an, j'ai assisté à une conférence internationale sur la criminalité chez les jeunes. La transition entre le modèle axé sur la protection de l'enfance et le modèle de justice actuel est déjà en cours dans de nombreux pays. Ces pays adoptent maintenant un modèle de justice réparatrice dont je parlerai plus en détail dans quelques instants. Je crois qu'un grand nombre des mémoires qui vous ont été présentés et nombre des groupes que vous avez entendus ont aussi abordé la question de la justice réparatrice.

Le mandat relatif à l'examen porte sur cinq ou six points: la nature et l'ampleur de la criminalité chez les jeunes et la présence des jeunes dans les milieux criminels; les connaissances et les attitudes de la population à l'égard de la criminalité chez les jeunes; la Loi sur les jeunes contrevenants et le système de justice pour les jeunes; la Loi sur les jeunes contrevenants en elle-même, y compris l'examen des questions sous-jacentes assujetties aux dispositions actuelles de la loi; les solutions qui peuvent remplacer les mesures législatives pour lutter contre la criminalité chez les jeunes, notamment la façon dont le gouvernement pourrait mieux prévenir la criminalité chez les jeunes en s'attaquant aux causes sous-jacentes que sont la pauvreté, la violence familiale et les toxicomanies; les relations entre les services d'aide à la jeunesse et les jeunes contrevenants; les préoccupations particulières en ce qui concerne les jeunes Autochtones.

La phase deux porte sur un examen des questions de justice pour les jeunes qui dépassent la simple Loi sur les jeunes contrevenants. Elle manifeste la reconnaissance du fait que nombre des problèmes pour lesquels les jeunes ont des démêlés avec la justice ne sont pas d'ordre purement pénal. Pour régler les problèmes des adolescents qui ont maille à partir avec le système judiciaire, il faut adopter une approche globale, aider ces jeunes à devenir des adultes. Notre association se réjouit de l'approche et de la perspective interdisciplinaires adoptées dans le cadre de la présente consultation. En tant qu'avocats, en raison de notre expérience particulière, nous mettrons l'accent sur les aspects juridiques de la discussion.

Pour ce qui est de la nature et de l'ampleur de la criminalité chez les jeunes, à notre avis, les données de Statistique Canada ne confirment pas l'hypothèse que la criminalité chez les jeunes est en hausse depuis quelques années. Les rapports de Statistique Canada semblent indiquer que la criminalité chez les jeunes est, dans le pire des scénarios, stable sinon en recul.

Pour ce qui est plus particulièrement des homicides, un psychiatre, Jeff Brooke, directeur du Queen Street Mental Health Centre, dans un article intitulé «Kids who Kill», a conclu qu'il n'y a pas d'épidémie d'homicides et qu'il n'y en avait jamais eu depuis que nous tenons des statistiques. Le nombre de jeunes entre 12 et 17 ans accusés d'homicide au Canada en 1992 est à peu près le même qu'en 1985, en 1968 et en 1957. Les données n'appuient pas les rapports des médias, qui prétendent que la criminalité est galopante chez les jeunes au Canada.

Pour ce qui est des connaissances et des attitudes de la population à l'égard de la criminalité chez les jeunes, les infractions commises par de jeunes contrevenants sont parfois aussi spectaculaires que certaines affaires isolées qui attirent beaucoup l'attention des médias. Plutôt que de se tourner vers les exceptions, il est plus utile d'adopter la perspective plus large des problèmes de la jeunesse que nous proposent les personnes qui travaillent régulièrement auprès des jeunes, dont les enseignants, les travailleurs des services à la jeunesse, les spécialistes des services d'aide à l'enfance, les médecins, les conseillers, les agents de police et de probation ainsi que les avocats qui représentent et poursuivent les adolescents devant les tribunaux. Comme les intervenants qui m'ont précédée l'ont indiqué, les enseignants peuvent souvent repérer, dès le jardin, les enfants qui vont éprouver des difficultés.

L'enseignante de mon fils, qui enseigne depuis 27 ans, m'a dit qu'elle avait plus de ressources à sa disposition pour aider les enfants problèmes il y a 20 ans qu'aujourd'hui.

Nous sommes aussi favorables à l'inclusion d'adolescents dans le processus de consultation, car ces jeunes peuvent nous parler de leur expérience de la Loi sur les jeunes contrevenants et de leurs réactions à son égard. J'aimerais aussi ajouter les personnes qui oeuvrent auprès des jeunes dans les collectivités - par exemple, des représentants des petites ligues sportives et des animateurs de théâtre pour enfants - . Ces personnes ont des contacts avec les enfants avant qu'ils ne commettent des infractions. Leurs opinions et leurs idées en ce qui concerne la prévention du crime peuvent être utiles.

Les connaissances et les attitudes de la population doivent être façonnées par des déclarations et des initiatives gouvernementales claires. Le gouvernement a la responsabilité d'éduquer la population au sujet de l'efficacité et du rôle de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il doit aussi sensibiliser les citoyens au sujet des nombreux défis auxquels les jeunes sont confrontés bien avant d'avoir maille à partir avec le système de justice pour les jeunes.

.1455

Les ressources gouvernementales devraient être utilisées de telle sorte que l'attitude de la population face à la criminalité chez les jeunes découle non pas des exagérations véhiculées par les médias, mais bien de données réalistes et concrètes qui donnent une idée juste de l'importance de l'activité criminelle des adolescents et du type de délits commis par les adolescents.

Pour citer le ministre de la Justice, l'honorable Allan Rock, nous ne pouvons pas fonder la loi sur des préjugés. Cela ne touche pas que les jeunes contrevenants; c'est un principe qui s'applique à toute modification envisagée, en particulier dans le domaine du droit pénal.

Je suis consciente du fait que le temps nous est compté et que vous accusez un certain retard sur votre horaire. Si vous me le permettez, je vais donc passer immédiatement à ce qui me semble le point central de notre témoignage, à un aspect au sujet duquel l'opinion de l'Association du Barreau peut être utile au comité.

Compte tenu de mon expérience personnelle de la défense de jeunes contrevenants et d'une affaire très récente à laquelle j'ai été mêlée et qui touchait un renvoi, j'aimerais souligner qu'il est urgent d'allouer des ressources pour les jeunes contrevenants atteints de maladies mentales.

L'affaire à laquelle j'ai été mêlée est maintenant devant le tribunal. Je ne peux donc pas vous donner beaucoup de détails à son sujet. En l'occurrence, la seule raison de transférer l'adolescent était pour qu'il puisse être supervisé pendant une plus longue période - pas placé sous garde, mais supervisé - pour qu'il prenne ses médicaments. Il s'agit d'un adolescent qui a commis une infraction grave. Personne n'a été blessé, heureusement, mais c'est un véritable miracle.

L'intéressé souffre de maladie mentale. Tous les psychiatres appelés par la défense et par la Couronne ont déclaré que s'il prenait ses médicaments il était beaucoup moins susceptible de présenter une menace pour la société.

La question que je veux personnellement vous poser a trait à ces jeunes contrevenants atteints de maladies mentales. Il n'y a tout simplement pas de ressources pour eux.

J'aimerais parler de certaines solutions de rechange à l'incarcération des jeunes contrevenants. De l'avis de l'Association du Barreau, nous devons mettre moins d'enfants en prison, mais pour y parvenir et pour protéger tout de même la collectivité, il nous faut des solutions de rechange. Je veux développer un peu, et peut-être même y répondre, la question que M. Ramsay a soulevée précédemment au sujet d'autres programmes qui semblent donner de bons résultats.

M. Préfontaine a brièvement parlé du projet de la Nouvelle- Zélande en matière de counselling et de groupes familiaux. J'ai eu l'occasion de discuter de counselling de groupe familial avec le juge Michael Brown, principal juge du tribunal pour adolescents en Nouvelle-Zélande. Le juge Brown est un Maori. Si le counselling de groupe familial a été mis au point, c'est grâce à lui et à d'autres personnes qui voulaient régler le problème des jeunes aborigènes en Nouvelle-Zélande.

D'après ce que m'en a dit le juge Brown, le système donne de bons résultats en Nouvelle-Zélande. Depuis 1989, le taux de récidive a chuté, non seulement pour les jeunes contrevenants mais aussi pour le groupe suivant, celui des 18 à 21 ans. C'est donc un système progressif qui semble vraiment efficace. En fait, dans un territoire, un des juges du tribunal pour adolescents remplit maintenant des fonctions régulières, car il n'y a plus assez de travail au tribunal pour adolescents. Il me semble que c'est un élément important.

Le counselling de groupe familial est devenu possible grâce à l'instauration de la Loi sur la protection des enfants, des adolescents et de leurs familles, qui a pris effet en 1989 en Nouvelle-Zélande. Les conférences de groupe familial sont une tribune centralisée de prise de décisions. Elles sont réservées aux affaires les plus graves soumises au système de justice pour les jeunes, y compris les affaires qui relèvent du tribunal pour adolescents. Elles constituent aussi un mécanisme essentiel à la déjudiciarisation et elles permettent aux intéressés, aux familles et aux victimes de participer aux décisions.

Dans ce modèle, aucune dénonciation n'est présentée au tribunal avant qu'une conférence de groupe familial n'ait eu lieu. Si le contrevenant a été appréhendé, le tribunal doit renvoyer l'affaire devant un juge pour adolescents afin qu'une conférence familiale soit convoquée avant l'inscription d'un plaidoyer, à moins qu'il s'agisse d'un acte purement criminel ou que l'adolescent, sur les conseils d'un avocat, ait l'intention de plaider non coupable. C'est évidemment un système qui fonctionne seulement dans les cas où l'accusé reconnaît sa culpabilité. Si le contrevenant plaide coupable, la conférence familiale peut décider d'une solution de rechange à la judiciarisation.

.1500

Pour la conférence familiale, l'ensemble de la famille se réunit, y compris des membres de la famille étendue, en particulier, s'il s'agit de Maoris. Les victimes sont aussi convoquées. Il y a entre 50 et 83 p. 100 des victimes qui se présentent effectivement à ces conférences. D'après le juge Brown, le seul fait qu'une victime se présente constitue un immense progrès par rapport au système actuel, où les victimes sont écartées du processus.

La famille peut délibérer en privé après la conférence, négocier un accord avec le jeune contrevenant puis revenir à la conférence pour proposer un plan. Si on s'entend sur une mesure de rechange, le tribunal pour adolescents tente de convaincre le procureur d'accepter la décision. S'il est impossible d'en arriver à un accord, l'affaire est renvoyée devant le tribunal et suit son cours.

Le système judiciaire ne cède donc pas le contrôle du processus. La conférence a lieu à l'extérieur du système judiciaire, ce qui est un peu différent de nos cercles de détermination de la peine.

La conférence familiale est divisée en trois étapes: mise en commun de l'information, délibérations en privé et formulation de recommandations, puis décisions et plans. La question est ensuite renvoyée au tribunal pour adolescents, qui décide s'il convient de mettre en oeuvre la recommandation.

Plusieurs options s'offrent au tribunal pour adolescents. Outre les décisions standard, le tribunal peut ordonner la supervision avec ou sans condition, avec ou sans maximum, etc.; la supervision communautaire; de courtes périodes d'incarcération ou de supervision assorties d'exigences en matière de résidence. Ce sont toutes là des options que nos juges peuvent évidemment exercer en vertu de la loi actuelle.

En outre, diverses personnes ou organisations peuvent être chargées d'administrer l'option, ce qui permet aux responsables tribaux et culturels de surveiller les jeunes avec les ressources fournies par le ministère des Affaires sociales. Le système veille à ce que les jeunes contrevenants entendent le point de vue des victimes au sujet du crime et assument la responsabilité de leurs actes. Il fait participer l'adolescent et sa famille au règlement de la question.

J'ai entendu cet été un avocat du Botswana qui disait que les services policiers avaient officieusement adopté un modèle similaire au Botswana. Les membres de la famille du contrevenant, la victime et des travailleurs sociaux participent au processus, et les agents des services sociaux font office de médiateurs. La réussite du processus dépend dans une large mesure de la victime, qui doit accepter de participer et s'abstenir de déposer des accusations. Souvent, l'affaire est réglée si le contrevenant reconnaît le préjudice qu'il a causé, présente des excuses et offre un dédommagement. Cela se fait au Botswana, on applique une justice réparatrice.

J'aimerais vous lire très rapidement un passage d'une lettre adressée au juge Brown à la suite du suicide par pendaison d'un jeune homme incarcéré. La partie de la lettre que je vais vous lire touche, à mon avis, de nombreuses préoccupations soulevées non seulement en Nouvelle-Zélande ou ailleurs dans le monde, mais aussi au Canada:

- Qu'est-ce que Damion, un enfant de dix-sept ans, faisait dans une prison du mont Eden?

- Pourquoi avons-nous dépensé tant d'énergie pour lui permettre de prendre un nouveau départ si ce bon travail ne peut aucunement être continué dans le cadre de programmes de suivi appropriés?

- Pourquoi continuons-nous à reprocher aux enfants les circonstances de leur naissance et de leur éducation? Personne ne choisit sa famille.

- Que pouvons-nous faire, vers quoi pouvons-nous nous tourner, pour mettre fin à ce terrible carnage? (Je ne parle pas seulement des décès, mais aussi des vies gâchées.)

L'auteur de cette lettre a assisté avec son mari aux funérailles de Damion. Elle et son mari, Eric, avaient rencontré Damion au cours d'une conférence familiale. Son mari avait été victime de l'agression brutale commise par le jeune homme et deux complices.

C'est l'un des résultats des conférences familiales: les victimes ont des contacts avec les jeunes contrevenants. Elles prennent conscience non seulement du préjudice qu'on leur a fait subir, mais aussi de la cause profonde de ce préjudice. Le juge Brown m'a dit que ce n'est pas inhabituel en Nouvelle-Zélande. Les victimes là-bas participent souvent au processus de réadaptation des contrevenants qui leur ont fait du tort.

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Une des grandes préoccupations que m'ont soumises des spécialistes du domaine au sujet de systèmes similaires au Canada est la formation des facilitateurs. Si nous devons adopter un tel système, les facilitateurs doivent être adéquatement formés et se sentir capables d'évoluer dans des circonstances et des situations très difficiles.

Le système de la Nouvelle-Zélande est axé sur la communauté aborigène. Au Canada, nous avons une préoccupation au moins aussi grande en ce qui concerne la situation défavorisée de nombreux jeunes Autochtones et leur présence en trop grand nombre dans le système de justice pénale.

Le système pénal, d'après la Commission royale sur les peuples autochtones, a fait le plus grand tort aux Autochtones. Il n'a pas su respecter les différences culturelles, il n'a pas su corriger les préjudices évidents et systémiques contre les Autochtones et il n'a pas su accorder aux Autochtones la place qui leur revient dans l'élaboration et la prestation des services. Il ne faut plus tolérer cet état de chose.

En raison de leur âge et de leur vulnérabilité, les jeunes Autochtones qui ont des démêlés avec le système de justice pénale éprouvent plus de difficultés que leurs équivalents adultes. Une des grandes lacunes du système, c'est que les jeunes contrevenants autochtones sont souvent placés sous garde très loin de leur collectivité d'origine.

Les jeunes Autochtones sont souvent arrachés à leurs familles, à leurs anciens et à leurs collectivités à un moment où ils sont particulièrement vulnérables. Des solutions culturellement adaptées aux jeunes contrevenants autochtones et élaborées en collaboration avec les Autochtones doivent être intégrées à toute révision de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Vous devez, je crois, entendre le témoignage des représentants des collectivités autochtones. Je ne peux pas en dire beaucoup plus quant à ce qui doit être fait pour ces citoyens de notre pays.

Pour terminer, la Section nationale du droit pénal est d'avis qu'il faut incarcérer les jeunes contrevenants seulement pour les infractions les plus graves et les plus violentes et que notre système de justice pour les jeunes doit être axé sur le traitement et la réinsertion sociale.

Le gouvernement devrait allouer des ressources adéquates pour régler les problèmes des jeunes Canadiens, pour veiller à ce que leurs besoins spéciaux soient satisfaits avant que le système de justice pour les jeunes n'intervienne. Le modèle interdisciplinaire de prestation de services à la jeunesse devrait constituer une priorité. Des modèles de rechange en matière de justice, axés le plus possible sur la prévention de la criminalité chez les jeunes devraient être mis en oeuvre par le gouvernement du Canada.

Enfin, pour résumer, nous croyons que le système de justice pour les jeunes doit mieux répondre aux besoins spéciaux des jeunes contrevenants autochtones.

Merci beaucoup, madame la présidente, mesdames et messieurs, d'avoir bien voulu nous écouter.

La présidente: Merci beaucoup. Monsieur St-Laurent, vous avez sept minutes.

[Français]

M. St-Laurent: Vous travaillez avec les jeunes d'une équipe de hockey. C'est très louable.

Vous devez, en tant que mère de famille engagée dans la société, savoir à quel point les enfants sont au courant de la loi qui les concerne. Est-ce qu'ils ont peur? Est-ce qu'ils savent qu'en commettant un crime, il se produira tel ou tel événement? Vous connaissez un peu la lumière que je veux jeter sur cette question.

[Traduction]

Mme Bennett: Merci. D'après mon expérience, les jeunes contrevenants ont peur la première fois qu'ils sont arrêtés par les services policiers. Ils ont peur la première fois qu'ils sont pris en train de commettre un vol à l'étalage. La première comparution devant le tribunal pour adolescents est terrifiante. Le premier séjour dans un centre de détention pour les jeunes est une mesure de dissuasion très efficace, à condition que la peine soit courte et infligée sans retard.

Il y a quelques années, une jeune cliente qui venait d'une famille très à l'aise a passé une fin de semaine dans un centre de détention pour les jeunes après avoir allumé un incendie. Elle était dans un foyer collectif depuis un an. Ses parents avaient perdu toute emprise sur elle depuis déjà quelque temps. L'expérience l'a suffisamment effrayée pour lui enlever tout désir de retourner dans cet établissement. J'ai vu son père, il y a deux jours, il m'a déclaré qu'elle n'avait commis aucune autre infraction depuis.

Toutefois, je pense qu'une fois que les enfants entrent dans le système et s'y adaptent, l'effet dissuasif de l'incarcération diminue très rapidement. Je ne connais pas la réponse à votre question.

[Français]

M. St-Laurent: Oui, exactement.

.1510

Est-ce que, selon vous, la divulgation des noms des jeunes contrevenants qui commettent des infractions mineures ou majeures pourrait avoir un quelconque effet dissuasif sur les enfants?

Vous travaillez auprès des enfants. Vous les dirigez dans une équipe de hockey. Vous êtes en mesure de savoir, peut-être mieux qu'une autre personne, à quel point, pour un jeune, le fait de divulguer un nom peut être l'élément qui va le dissuader de commettre un crime ou le valoriser face au geste qu'il vient de poser.

Quelle est votre opinion là-dessus?

[Traduction]

Mme Bennett: Je crois que la publication des noms aurait un effet contraire, elle n'empêcherait pas la perpétration d'autres infractions. J'adopte en quelque sorte les théories sur l'étiquetage - une fois que vous avez étiqueté quelqu'un comme criminel, les gens ne traitent plus cette personne de la même manière. Lorsque les enseignants savent que certains jeunes ont commis des infractions, si mineures soient-elles, ils réagissent différemment. Les membres de la collectivité réagissent différemment. À mon avis, ce n'est pas la façon de prévenir la criminalité. C'est pourquoi la publication des noms m'inquiète, je crains la réaction de la collectivité. Nous essayons d'écarter cette mesure.

Est-ce qu'ils deviennent des héros? J'imagine que dans certains milieux c'est une chose dont on peut se vanter. La publication des noms semble très efficace dans le cas d'adultes accusés de conduite avec facultés affaiblies. Sinon, je ne suis pas certaine que cela contribue beaucoup à prévenir la criminalité chez les jeunes.

Je ne sais pas si c'est utile, c'est simplement mon opinion.

[Français]

M. St-Laurent: Dans votre travail, votre métier, votre profession, on vous prépare aux lois. Quand on vous prépare à plaider, c'est la plupart du temps pour défendre des adultes, j'imagine.

Avec un enfant, l'approche est différente, et la façon de le traiter devrait aussi l'être, mais elle ne l'est pas. Quand le client est un enfant, j'imagine que pour la majorité des procureurs de la défense entre autres, c'est un client au même titre qu'un adulte.

Est-ce que la formation des avocats devrait être modifiée de sorte que, pour un jeune contrevenant, on obéisse à des règles un peu plus souples, plus versées vers l'aspect social avant de se rendre au tribunal?

On disait qu'il fallait changer l'approche du policier qui donne toujours des contraventions ou qui, aussitôt que le «flo» a volé une tablette de chocolat, le prend et l'amène devant le tribunal avant d'aller le conduire chez sa mère. Maintenant, on pense plutôt que le policier devrait d'abord aller le conduire chez ses parents la première fois. La deuxième fois peut-être...

Est-ce que l'avocat ne devrait pas avoir la même formation, la même approche?

[Traduction]

Mme Bennett: J'y ai déjà pensé autrefois, pour certains jeunes contrevenants. Je crois que la réponse de l'avocat est, malheureusement, fonction de l'avocat qui est désigné pour défendre le jeune contrevenant. Je crois que de nombreux avocats de la défense utilisent les modèles dont vous parlez en ce sens qu'ils ne cherchent pas nécessairement à obtenir un acquittement quoi qu'il arrive, parce que ce n'est pas toujours la meilleure solution.

De fait, lorsque j'étais stagiaire, je travaillais pour un avocat très estimé dans les milieux de la défense et qui considérait qu'il ne convenait pas toujours de défendre jusqu'au bout les jeunes contrevenants. Il vaut parfois mieux que l'intéressé reconnaisse sa responsabilité, s'il a effectivement commis l'infraction, et qu'il reprenne sa vie en main.

Je suis donc d'accord avec vous, et je parle en mon nom personnel car je ne suis pas certaine que l'Association du Barreau canadien adopte cette position. Je crois que c'est une approche plus valable pour la défense des adolescents. Évidemment, si l'accusé nie sa culpabilité, vous devez appliquer la procédure habituelle. Nous ne voulons pas que de jeunes contrevenants innocents soient condamnés simplement parce que c'est plus commode ou mieux pour eux.

.1515

Je ne sais pas ce que le Parlement pourrait faire au sujet de cela. Je crois que c'est quelque chose qui doit être réglé plutôt au niveau communautaire. C'est ce que font de nombreux avocats respectés. Je conviens avec vous que cela dépend malheureusement de la personne qui est là.

La présidente: Merci.

Monsieur Ramsay, vous avez sept minutes.

M. Ramsay: Merci, madame la présidente.

J'aimerais vous remercier de votre témoignage devant le comité, aujourd'hui. Vous êtes entraîneur de hockey.

Mme Bennett: C'est un aspect intéressant de ma personnalité. Je suis entraîneur de hockey. Je suis un entraîneur qualifié.

M. Ramsay: Très bien.

Mme Bennett: Je n'ai pas grandi à Vancouver. C'est ça le problème.

M. Ramsay: Seriez-vous en faveur de l'élimination des pénalités pour les jeunes joueurs de hockey?

Mme Bennett: L'élimination des pénalités?

M. Ramsay: Oui.

Mme Bennett: Dans l'association du hockey amateur de la côte du Pacifique, il n'y a pas de pénalités pour les jeunes de 6 et 7 ans, sauf en cas de placage ou de charge au bâton. C'est à la discrétion de l'arbitre.

Les parents sont aussi sur la glace. Souvent, on se contente de parler avec les enfants, de leur dire que leur conduite n'est pas acceptable ou que leur entraîneur risque de les renvoyer sur le banc. Sinon, ils vont au banc des punitions et ils pleurent. C'est inévitable.

Les pénalités sont appliquées aux jeunes de 8 et 9 ans. Elles sont infligées normalement. Ce n'est que pour les enfants de 6 et 7 ans qu'on adopte une approche moins officielle. À 8 ou 9 ans, les enfants savent qu'ils ne sont pas censés frapper quelqu'un avec leur bâton.

M. Ramsay: Pourquoi infliger des pénalités à un enfant de 8 ou 9 ans?

Mme Bennett: Pourquoi dois-je l'envoyer au banc des punitions pendant deux minutes?

M. Ramsay: Oui. Pourquoi les pénaliser pour avoir enfreint une règle? Pourquoi agir ainsi?

Mme Bennett: Il faut qu'ils assument rapidement les conséquences d'un comportement inapproprié.

M. Ramsay: Croyez-vous qu'ils comprennent, à cet âge, ce qu'ils font et que c'était mal?

Mme Bennett: Certains oui et d'autres pas. Souvent, ils lèvent les bras au ciel parce qu'ils ne comprennent pas pourquoi une pénalité a été infligée. Souvent, l'entraîneur ou un parent intervient alors. Lorsque je dirige les enfants, je demande à un parent de s'asseoir au banc des punitions et d'expliquer à l'enfant pourquoi la punition a été infligée. Cela leur montre aussi un aspect particulier de l'arbitrage, ils apprennent que les arbitres ne peuvent pas toujours tout voir.

M. Ramsay: En effet, les joueurs de la Ligue nationale lèvent eux aussi les bras au ciel lorsqu'ils ont une punition et ils protestent parce qu'ils ne croient pas avoir enfreint les règles.

Je ne sais pas si cette comparaison est équitable. J'ai discuté de tout ce domaine de la justice et des punitions avec quelqu'un. Nous en sommes venus à parler du hockey, et j'ai pensé proposer cette comparaison. Je ne sais pas si elle est vraiment valable, mais je distingue certaines similarités.

Si on sait, à 8 ou 9 ans, qu'il est interdit de faire trébucher quelqu'un ou de faire une charge au bâton ou une attaque avec le bâton, on comprend dans une certaine mesure le bien et le mal. Évidemment, si nous parlons de vol de voitures et d'autres infractions de ce genre perpétrés par des enfants de moins de 12 ans, je suppose que ces enfants savent aussi que ce qu'ils font est mal.

En ce qui concerne la réduction de l'âge minimum, nous voulons protéger la société autant que les intérêts de l'enfant. Croyez- vous que vous avez le pouvoir d'intervenir pendant une partie de hockey?

Si un enfant de 11 ans vole une voiture, croyez-vous que la loi permet adéquatement d'intervenir, compte tenu de l'intérêt de l'enfant et des impératifs liés à la protection de la société? Croyez-vous que la loi offre une base adéquate à cet égard?

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Mme Bennett: Le parallèle que vous proposez... Une punition au hockey dure deux minutes. Le pire qui puisse se produire, c'est qu'il y aura avantage numérique et qu'un but sera marqué.

Dans votre famille, si votre enfant fait quelque chose de mal, les parents, en principe, prendront rapidement les mesures qui s'imposent. La meilleure comparaison que je puisse faire avec la façon dont nous traitons les enfants - et je sais que je ne réponds pas directement à votre question, mais j'y viendrai - à mon avis, c'est que dans les deux cas l'intervention doit être rapide. On tarde à intervenir dans le cas des jeunes contrevenants; c'est là le problème. Il faut réagir rapidement, qu'il s'agisse de déjudiciarisation ou d'une autre mesure.

Pour répondre à votre question en ce qui concerne la réduction de l'âge minimum, l'Association du Barreau est d'avis que 12 ans convient très bien. Nous reconnaissons tous, je crois, que de nombreux enfants comprennent la notion du bien et du mal. Les enfants de 8 ou 9 ans savent qu'ils ne sont pas censés voler de voitures, du moins je l'espère. Malheureusement, tout dépend du contexte dans lequel ils ont été élevés.

Au cours de la conférence internationale à laquelle j'ai assisté, les enquêteurs et les avocats qui avaient mené l'affaire Bulger étaient présents et nous ont montré des photos. J'ai donc vu, concrètement, ce qu'un enfant de 10 ans peut faire. J'ai une bonne idée de la gravité des dommages que les enfants peuvent causer.

Toutefois, à mon avis, lorsque vous amenez des jeunes dans le système pénal, vous faites deux choses. Premièrement, vous les exposez pour la première fois au système pénal. À 10 ans ou à 11 ans, ils ne comprennent pas nécessairement le système, ils ne comprennent pas nécessairement ce qu'est un juge, une prison ou la déjudiciarisation, et leurs premières impressions sont extrêmement importantes.

La première impression reçue dans le système pénal, c'est-à- dire, au bout du compte, la peine infligée, n'est valable que si l'enfant est vraiment en mesure de comprendre la gravité de ce qui s'est passé. Il faut faire une distinction entre la capacité de juger de ce qui est bien et de ce qui est mal et la capacité de comprendre la gravité d'un acte que l'on a posé. Je crois que cela fait partie de la distinction.

Si vous songez à réduire l'âge minimum, par exemple, je peux vous dire qu'en Nouvelle-Zélande cet âge est fixé à 10 ans, mais seulement dans les cas de meurtre. En tant que membre du barreau et que citoyenne, je n'aimerais pas beaucoup que l'on ramène cet âge à moins de 12 ans, dans la mesure où nos collectivités offrent un cadre à ces enfants qui volent des voitures, qui s'introduisent par effraction et qui commettent des crimes violents.

M. Ramsay: Si je peux me permettre, vous n'avez pas répondu à ma question.

Mme Bennett: Je suis désolée, je croyais l'avoir fait.

M. Ramsay: Je vous demandais si vous croyiez qu'il y a une base juridique, lorsque quelque chose comme cela se produit, lorsqu'un crime est commis par quelqu'un qui a moins de 12 ans, une base juridique, donc, pour l'intervention. Existe-t-il une base juridique adéquate permettant d'intervenir?

Mme Bennett: Je n'ai peut-être pas bien compris...

La présidente: Monsieur Ramsay, votre temps est écoulé. Je crois que M. Ramsay faisait allusion à la loi sur la protection de l'enfance en Colombie-Britannique.

Mme Bennett: La protection de l'enfance - en effet, les services de protection de l'enfance peuvent intervenir en Colombie- Britannique. Ils peuvent le faire et ils le font; c'est ce que je crois comprendre.

M. Ramsay: Croyez-vous que ce soit adéquat?

Mme Bennett: C'est adéquat. Heureusement, nous n'avons jamais eu de cas d'enfants de moins de 12 ans qui avaient commis des crimes horribles, du moins rien qui ait fait la une des journaux. À mon avis, si ce n'est pas adéquat, alors c'est le système que nous devrions modifier.

M. Ramsay: Merci.

Mme Bennett: Merci. Je suis désolée, je n'avais pas compris votre question. Je m'en excuse.

La présidente: Madame Torsney.

Mme Torsney: Pour conclure cet aspect de la discussion, le système pénal n'est pas le seul système en place dans nos collectivités. Il y a aussi les services sociaux, le système de santé, d'autres services qui peuvent être aussi indiqués et peut- être plus efficaces pour imposer des conséquences et habiliter ou, dans certains cas, réhabiliter certains jeunes. Est-ce exact?

Mme Bennett: Tout à fait.

Mme Torsney: D'après votre expérience auprès des enfants qui volent des voitures et des enfants qui commettent des crimes graves contre la personne, s'agit-il des premiers gestes coupables qu'ils aient posés?

Mme Bennett: Non. Vous n'étiez peut-être pas ici quand j'ai dit que, d'après mon expérience, les enseignants au jardin d'enfance sont le plus en mesure de repérer les enfants qui éprouveront des difficultés.

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Il y a deux ans, je suis intervenue dans une affaire qui était portée en appel. Je représentais la Couronne et j'ai demandé une peine de 22 ans pour un très jeune homme. Ce jeune homme avait été expulsé du jardin d'enfance parce qu'il avait attaqué son enseignant.

Mme Torsney: N'éprouvez-vous pas de la frustration...? Je m'excuse de ne pas avoir assisté à votre exposé...

Mme Bennett: Je suis désolée. Ce n'était pas un reproche.

Mme Torsney: ...mais je vais certainement lire votre mémoire.

La présidente: Elle avait des difficultés au jardin d'enfance, sa fiche de présence n'était pas très bonne.

Mme Torsney: Non, mais on m'a envoyée dans le couloir en première année, et j'ai très mal pris la chose. J'ai été victime d'une injustice, j'essayais de faire taire les autres enfants.

Ce qui est particulièrement irritant, surtout lorsque l'on rencontre les gens ici, en Colombie-Britannique, c'est que tous reconnaissent la pénurie de ressources et le fait que cette pénurie nous empêche d'aider à l'extérieur les jeunes une fois remis en liberté. Il ne faut pas confondre un comportement acceptable dans un établissement et un comportement acceptable au sein de la collectivité. La récidive fait problème, surtout dans les cas où il n'y a tout simplement pas de ressources pour aider certains de ces enfants.

N'est-ce pas irritant, parfois, de constater qu'il aurait dû y avoir des réactions précédemment - dans le cas de votre jardin d'enfance, par exemple - et d'autres façons d'aborder le problème des jeunes sans recourir au système juridique?

Mme Bennett: Tout à fait. À mon avis, lorsque les enfants arrivent dans le système de justice, ce sont déjà, en général, des récidivistes. Il faut accorder plus d'importance à la prévention, et il existe toutes sortes de façons de procéder. Il y a 900 joueurs de hockey dans l'association dont je fais partie. Il y a 400 enfants inscrits sur la liste d'attente; ils voudraient jouer au hockey. Nous n'avons pas assez de patinoires. C'est inconcevable, je le sais, pour les gens de l'est du Canada.

Mme Torsney: C'est un problème chez moi aussi, croyez-le ou non.

La présidente: J'en suis certaine.

Mme Bennett: C'est un exemple très simple de prévention.

Le gouvernement a fait circuler il y a quelques années un document qui établissait une corrélation entre la qualité des activités préscolaires et l'absence de comportements délinquants chez les enfants. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a réagi dans ma collectivité. Il a mis en place un programme préscolaire de qualité auquel participent les parents. J'ai constaté l'autre soir que mes enfants en avaient fait partie, mais nous avons maintenant bien dépassé ce stade.

L'inscription dans tous ces programmes diminue. Il est nécessaire de prévoir des programmes préscolaires dans les collectivités. Il y a beaucoup d'enfants, mais l'inscription diminue parce que les parents ne peuvent pas ou ne veulent pas prendre le temps d'y participer. C'est peut-être que la collectivité devrait fournir plus de soutien, parce que les deux parents travaillent ou pour d'autres raisons. Il existe des initiatives qui méritent d'être appuyées. Je me rends bien compte que ce ne sont pas des initiatives qui relèvent du gouvernement fédéral, mais le gouvernement fédéral peut collaborer avec les provinces et les municipalités pour que ce genre de services soit offert à la jeunesse.

J'ai souligné précédemment la grande pénurie d'installations pour les enfants qui éprouvent des problèmes de santé mentale. C'est un grave problème.

Mme Torsney: Il me paraît étrange que tous aient remarqué votre intervention dans les milieux du hockey. Ce que je dis souvent dans ma collectivité, lorsque j'assiste à des parties de hockey ou que je traite avec les associations, c'est que ces organisations font un excellent travail pour empêcher les jeunes d'avoir des démêlés avec le système pénal et qu'il est très important d'occuper les enfants. Évidemment, compte tenu de ce que les médias ont publié récemment au sujet de ce qui se passe dans le hockey majeur...

Mme Bennett: J'espère qu'ils n'ont pas regardé The Fifth Estate récemment.

Mme Torsney: ...je ne suis pas certaine que toutes les leçons tirées du hockey soient nécessairement appropriées. Le sport offre certainement des possibilités pour ceux qui y participent, du moins dans la mesure où on parle des attitudes de certains garçons à l'égard des femmes... C'est vraiment une question à laquelle ceux qui oeuvrent dans le domaine du sport, dans le cadre d'une association, doivent s'attaquer. Mais c'est une autre question.

Mme Bennett: J'ai regardé cette émission, l'autre soir. J'ai grandi à Sault Ste. Marie, j'ai donc été un peu choquée qu'on y traite surtout des Greyhounds du Sault. Je ne peux parler que de notre association et de la Colombie-Britannique. Il n'y a pas assez d'intérêt pour former une ligue de hockey féminin. Nous avons donc des filles qui jouent au hockey dans notre association. Elles n'ont pas, à ce que je sache, été mal traitées par les autres joueurs. C'est peut-être parce que c'est un groupe plus jeune, mais j'espère que les contacts avec ces jeunes filles et ces femmes continueront d'être bons lorsque tous auront grandi. Nous avons des femmes instructeurs et nous avons des femmes qui oeuvrent au sein de la ligue de hockey mineur. Je crois que c'est un aspect positif.

Mme Torsney: Je voulais aussi parler - et la question s'est présentée dans ma collectivité - du fait que, parfois, les familles aisées devraient assumer les coûts de défense de leurs enfants devant les tribunaux plutôt que de compter sur l'aide juridique. Ils porteraient alors plus attention à certaines des questions auxquelles leurs enfants sont confrontés. Croyez-vous que ce soit un message approprié à transmettre aux parents, ou met-on encore une fois l'accent sur le fait que certains enfants ne peuvent être tenus responsables? Je crois qu'il y a des messages contradictoires pour tout ce qui concerne la responsabilité parentale. Je me demande ce que vous en pensez.

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Mme Bennett: D'après ce que je sais, les jeunes contrevenants se présentent devant le tribunal et un avocat est désigné seulement si l'intéressé n'est pas accompagné de son propre avocat. Je crois que cela vaut dans les deux cas. Lorsque je suis intervenue pour la fille d'une famille aisée, je n'étais pas rémunérée par l'aide juridique. Je crois que de nombreux parents préfèrent sans doute cette solution. Malheureusement, bien sûr, certains parents refusent de payer les honoraires d'un avocat pour leurs enfants.

Je ne connais pas la réponse, mais je crois que si les parents en ont les moyens, ils devraient payer les frais d'avocat. Je ne comprends pas pourquoi l'aide juridique devrait être responsable, compte tenu de la crise actuelle dans ce secteur. Mais je ne suis pas certaine de ce qu'il faut faire si les parents refusent de payer. Je préfère encore que l'aide juridique soit mise à contribution pour défendre un enfant que de voir cet enfant non représenté par un avocat.

Mme Torsney: Je ne sais pas si j'ai encore du temps. Non, je n'en ai plus. Je voulais simplement dire qu'on nous a présenté un certain nombre d'exemples où le système était difficile à comprendre pour les jeunes. Ils savaient qu'ils avaient commis ces actes, mais on leur disait de plaider non coupable parce que l'accusation était mal formulée. L'information donnée aux adolescents est vraiment un aspect auquel le barreau, lui aussi, doit s'attaquer.

La présidente: J'aimerais aborder quelques questions, parce que nous accueillons l'Association du Barreau canadien et parce que ce que vous avez dit s'oppose à ce qu'un de nos collègues a déclaré au sujet des interventions intéressées de l'industrie de la justice. Si nous appliquions tout ce que vous proposez et si tout allait bien, vous n'auriez plus rien à faire.

Cela dit, est-ce que l'Association du Barreau a examiné les problèmes dont nous ont parlé les centres de traitement et les centres pour jeunes contrevenants? Le problème est le suivant. Très souvent, les peines ne sont pas assez longues pour que les professionnels aient le temps d'intervenir. J'aimerais vous dire que j'ai été procureur et avocate de la défense dans une vie antérieure. J'ai souvent éprouvé beaucoup de frustration des deux côtés de la clôture. Si vous défendez des enfants qui ont de graves problèmes et que vous parvenez à les faire entrer dans le système pour qu'ils reçoivent enfin un peu d'aide, on ne leur inflige qu'une peine de deux ou trois mois. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, ils entrent dans le système et ils en sortent.

Faut-il que nous modifions ce paradigme? À titre d'avocate, je suis presque gênée de le dire, mais faudrait-il pouvoir indiquer aux tribunaux qu'il n'est pas mal d'imposer des peines plus longues? Pouvons-nous dire aux tribunaux qu'il vaut mieux donner une peine plus longue si l'intéressé a besoin d'aide?

Mme Bennett: Je suis dans la profession depuis suffisamment de temps pour avoir exercé le droit à l'époque de la Loi sur les jeunes délinquants?

La présidente: Moi aussi.

Mme Bennett: Pourtant, nous avons toutes deux l'air...

La présidente: Oui, je sais. Nous avons l'air très jeunes.

Mme Bennett: Lorsque la Loi sur la libération conditionnelle a été adoptée, dans les années 50, les juges ont commencé par donner des peines plus longues pour que le traitement ait le temps de faire effet, si je peux m'exprimer ainsi. Alors au lieu d'une peine de deux ans, ils infligeaient une peine de cinq ans, pour qu'il y ait une période de libération conditionnelle. Je suis certaine que vous le savez, les tribunaux ont toujours affirmé qu'on ne pouvait imposer une peine plus longue que prévu simplement aux fins de traitement. Ce n'est pas acceptable. Vous devez respecter les principes de la proportionnalité de la peine de la rétribution et de l'adaptation de la peine au crime commis. Il faut dire que c'est le modèle appliqué aux adultes.

En Colombie-Britannique, d'après moi - et je me base uniquement sur les appels qui sont portés devant la Cour d'appel lorsque les jeunes contrevenants considèrent que la peine infligée est trop longue - c'est que si on a recommandé une peine d'une certaine durée à des fins de traitement, le tribunal la maintient souvent, à condition qu'elle ne soit pas vraiment exagérée. En raison de la disposition relative à l'examen, dans la Loi sur les jeunes contrevenants, on peut retourner devant le tribunal pour adolescents aux fins de révision, et si des progrès appropriés ou suffisants ont été réalisés la peine peut être réduite.

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Peut-être que si l'on intégrait une disposition de ce genre, on pourrait parvenir à nos fins - c'est-à-dire qu'il faudrait prévoir un système quelconque pour imposer des peines plus longues à des fins de traitement, à condition qu'il existe un processus de révision très simple. De la sorte, si le traitement est efficace, le jeune contrevenant peut être ramené devant le tribunal aux fins de révision.

Le problème, bien sûr, c'est que si le traitement n'est pas efficace ou si le jeune contrevenant refuse d'y participer et qu'il ne représente pas nécessairement un danger pour la société mais plutôt un inconvénient, vous risquez de faire condamner quelqu'un à une peine de trois ans pour vol de voiture, ce qui n'est pas nécessairement indiqué.

Par ailleurs, il faudrait aussi prévoir une forme de libération conditionnelle... La Loi sur les jeunes contrevenants ne prévoit ni libération conditionnelle ni de remise de peine ni rien de ce genre. C'est peut-être une autre façon d'aborder la question du traitement.

La présidente: Parce que vous avez tant d'expérience comme procureur et que vous travaillez au niveau des appels, j'aimerais vous poser encore deux questions sur des sujets qui reviennent souvent mais dont l'on n'a pas souvent l'occasion de discuter avec quelqu'un. L'une concerne la violation, en particulier la violation des conditions de libération.

Pour ce qui est des jeunes Autochtones - qui représentent, d'après ce que je sais, une préoccupation particulière de tous les membres du comité et d'autres intervenants - on nous dit que souvent pour deux ou trois infractions substantielles il y a 10 ou 15 transgressions. Il y a quelques jours, nous étions avec quelques jeunes Autochtones à Whitehorse, et j'ai posé la question... Je ne me souviens pas exactement du contexte, mais nous étions dans un établissement pour jeunes contrevenants.

Nous en avons parlé, et les jeunes nous ont dit que s'il fallait choisir entre descendre en ville à 22 heures pour s'amuser un peu, au risque de se faire pincer, et rester chez eux, ils préféraient encore aller s'amuser sans s'inquiéter du fait qu'ils pouvaient être renvoyés en prison. Ce qui préoccupe leurs jeunes cerveaux, c'est le fait de pouvoir aller en ville et acheter de la bière ou s'amuser un peu avec leurs amis.

C'est ce que j'ai aussi constaté à titre d'avocate. Peut-on régler cette question rapidement et efficacement? Y a-t-il une procédure administrative que l'on puisse appliquer? Y a-t-il une façon de sortir du cadre du droit pénal et de demeurer juste?

Mme Bennett: On impose des ordonnances de probation très strictes à des jeunes qui traversent une période de révolte - il semble que la violation des conditions de libération soit une réaction pratiquement normale. En soi, cela pose un problème. Nous ne devrions peut-être pas autant insister sur les conditions. Essayons d'établir des conditions qui soient acceptables aux jeunes, en premier lieu. C'est un aspect.

À l'opposé, le Parlement a récemment proposé un régime de peines avec sursis pour les adultes. Le sursis s'applique dans les cas où un adulte devrait normalement être condamné à une peine de prison, mais parce que l'infraction ne fait pas courir de risque à la collectivité, plutôt que l'emprisonnement, une peine avec sursis est prononcée. Si l'intéressé viole les conditions du sursis, il n'a pas droit à une audience. Il n'est pas accusé de violation des conditions. Il est ramené immédiatement devant le tribunal et doit purger le reste de sa peine.

Personne ne sait quels résultats concrets attendre de ce régime qui est entré en vigueur le 3 septembre. Mais dans de tels cas, il faut assurer une réponse très rapide lorsque vous donnez une chance à la personne et qu'elle ne respecte pas les conditions.

Je ne propose pas que nous renvoyions tous ceux qui enfreignent les conditions du sursis en prison - pas pour l'instant. Mais il faut prévoir des moyens pour assurer la supervision, en particulier dans les collectivités autochtones. Souvent, la supervision et confiée aux anciens. La collectivité peut peut-être trouver une façon de punir rapidement le jeune contrevenant en cas de non-respect des conditions dans la collectivité.

Par exemple, dans le cadre d'une conférence familiale, on peut convenir entre autres que le jeune contrevenant s'engagera, en cas de violation, à faire automatiquement 200 heures de plus de service communautaire, à nettoyer des toilettes, quelque chose comme ça.

Je crois donc qu'il y a plusieurs façons d'aborder le problème, en particulier dans le cadre d'un système de déjudiciarisation. Il ne faut pas nécessairement une ordonnance du tribunal. On peut préférer une condition d'une ordonnance de probation, que le jeune contrevenant a contribué à définir et qu'il accepte. C'est peut-être une façon de s'attaquer au problème d'un côté et de prévoir les conséquences de l'autre.

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Je ne sais pas si cela vous est utile.

La présidente: Vous avez beaucoup d'expérience comme avocate au criminel. Je vais donc vous demander ce que vous pensez de l'article 56 de la Loi sur les jeunes contrevenants. Cet article assure une certaine protection pour les jeunes en ce qui concerne les déclarations. On nous a peu parlé de cet article, mais un ou deux services de police, à moins qu'il ne s'agisse des chefs de police - je ne me souviens pas exactement - nous ont affirmé que l'article 56 était trop exigeant à l'égard des policiers.

Je vais vous dire ce que j'en sais, puis je vous demanderai votre opinion. J'ai exercé le droit pendant neuf ans dans le cadre de la Loi sur les jeunes contrevenants et je n'ai eu connaissance que d'un seul cas où une infraction à l'article 56 avait entraîné le rejet de l'accusation. Dans ce cas, un enfant détenu pendant 20 minutes avait demandé à un agent de la GRC la permission de parler à son père. L'agent avait refusé, puis il avait menti au tribunal à ce sujet. Il a été contredit par le témoignage de son partenaire. C'est le seul cas dont j'ai eu connaissance.

Avez-vous vu des accusations rejetées à cause de l'article 56? Considérez-vous que l'article 56 pose un problème? Est-ce que vous convenez avec moi - je sais que je vous presse un peu ici - qu'un bon policier peut facilement respecter l'article 56 s'il utilise une liste de contrôle?

Mme Bennett: Je vais vous donner deux points de vue. Vous parlez d'accusations rejetées, le 22 novembre je dois plaider devant la Cour d'appel précisément pour cette raison. La défense a allègue qu'il y a eu violation de l'article 56. Si la déclaration est écartée, l'enfant sera acquitté d'une accusation grave.

Il y a évidemment deux points de vue, et je ne peux parler au nom de l'ensemble du barreau pour l'instant. Je peux seulement vous dire ce que j'en sais, vous parler de ma propre expérience. Les procureurs de ma province présentent rarement de déclarations à cause de l'article 56. Je crois que le ministère du Procureur général doit comparaître devant vous demain. Ses représentants vous donneront une meilleure idée de la façon dont le système fonctionne. D'après ce que je sais, les procureurs ne se donnent même pas la peine de présenter de déclaration.

La présidente: Est-ce qu'on obtient quand même des condamnations?

Mme Bennett: S'ils ne pensent pas présenter la déclaration, ils ne déposent pas d'accusations. Alors en effet, on peut encore obtenir une condamnation sans déclaration, mais parfois la déclaration est la seule preuve. Si c'est une infraction très grave, il faut quand même intenter une poursuite.

Cela dit, il faut considérer l'autre point de vue. Vous l'avez exposé avec éloquence. L'article 56 est un article très important qui protège les droits du jeune contrevenant. S'ils sont bien informés et s'ils y mettent de la bonne volonté, les policiers devraient en général pouvoir respecter l'article 56. Le problème, dans les grandes villes, évidemment, c'est que vous ne savez jamais si vous allez arrêter un jeune contrevenant. Si le service compte 1 000 policiers, l'agent qui procède à l'arrestation d'un contrevenant peut n'avoir jamais eu l'occasion d'appliquer l'article 56 auparavant. C'est toutefois une question de formation plutôt que de fond.

En effet, l'article 56 pose des problèmes, mais je ne suis pas certaine que la loi soit à l'origine de ces problèmes.

La présidente: Merci beaucoup. Je sais que vous allez déposer un mémoire. Je voudrais simplement vous demander, si vous en avez l'occasion, d'y aborder la question de l'article 56. Si l'Association du Barreau pouvait le faire, cela nous serait fort utile. Je suis toutefois consciente que vous avez une échéance à respecter.

Mme Bennett: Je me demande si le mémoire n'a pas déjà été déposé.

La présidente: Oh, très bien.

Mme Bennett: S'il ne l'a pas été, nous allons le reprendre, mais on nous a aussi dit que vous le vouliez d'ici le 8 novembre.

La présidente: Des échéances, toujours et encore.

Mme Bennett: Il faut le déposer pour qu'il soit traduit, etc. Si le 8 novembre est une échéance ferme, il est peut-être trop tard. Je vais faire ce que je peux.

La présidente: Très bien, merci. C'est simplement que votre organisation est une excellente source d'information au sujet de cet article. Même si personne ne pose de question à ce sujet, je crains que quelqu'un le fasse plus tard.

Mme Bennett: Merci beaucoup.

La présidente: La séance est levée. Nous reprendrons les

délibérations à 13h30.

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