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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 044 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 6 février 2024

[Enregistrement électronique]

  (1545)  

[Français]

     J'ouvre maintenant la séance.
    Avant de commencer, j'aimerais dire quelques mots concernant un incident survenu à la fin de la réunion de la semaine passée. En mon nom personnel et au nom de tous les membres de ce comité, nous présentons nos excuses à notre aimable collègue Alexis Brunelle‑Duceppe. Un tel incident ne se répétera plus jamais. Nous présentons également nos excuses à tous les interprètes. Ce qui est arrivé ne se répétera plus jamais.
    J'aimerais aussi demander à tous les membres de ce comité d'éviter les conservations croisées.

[Traduction]

    Les conversations parallèles sont inacceptables et ne sont pas permises en vertu des règles de ce comité. Elles ne seront pas tolérées. Mon message s'adresse d'abord à tous les membres du Comité, y compris moi-même. Je vous prierais de respecter les règles du Comité.

[Français]

    Bienvenue à la 44e réunion du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.
    Aujourd'hui, nous commençons notre étude sur la détention de Jimmy Lai à Hong Kong.
    Nous tiendrons une deuxième réunion la semaine prochaine. À la fin de la réunion d'aujourd'hui, nous prendrons quelques minutes pour en discuter.
    Pour garantir le bon déroulement de la réunion, j'aimerais transmettre certaines consignes aux témoins et aux députés.
    Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Si vous participez à la réunion par vidéoconférence au moyen de l'application Zoom, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
    En ce qui concerne l'interprétation, pour ceux qui participent par l'entremise de l'application Zoom, vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais ou le français. Pour ceux qui sont dans la salle, vous pouvez utiliser votre oreillette et choisir le canal désiré.
    Conformément à notre motion de régie interne concernant les tests de son, je souhaite informer le Sous-comité que tous les témoins ont effectué les tests requis avant la réunion.
     Maintenant, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins qui se sont joints à nous aujourd'hui.
    Nous accueillons, à titre personnel, M. Sébastien Lai, qui participe par vidéoconférence. De Doughty Street Chambers, de l'équipe juridique de M. Lai, nous avons Mme Caoilfhionn Gallaher, avocate, et M. Jonathan Price, avocat.
    De l'Alliance interparlementaire sur la Chine, nous recevons M. Luke de Pulford, cofondateur et directeur général, ainsi que Mme Chung Ching Kwong, analyste principale, qui comparaît à titre personnel.
    Enfin, de Hong Kong Watch, nous accueillons Mme Katherine Leung, conseillère politique.
    Je vous remercie toutes et tous d'être des nôtres aujourd'hui. Vous disposez d'un maximum de cinq minutes pour vos remarques, après quoi nous passerons aux questions des membres du Sous-comité. Je vous ferai signe quand il vous restera une minute au chronomètre.
    Bienvenue, monsieur Lai. Vous avez la parole pendant cinq minutes. Vous pouvez commencer.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Chers députés, je suis très reconnaissant de pouvoir témoigner devant vous à propos du procès fantoche entamé de mon père. Avant de commencer, je tiens à vous remercier d'avoir adopté la motion de consentement unanime demandant la libération de mon père.
    Hong Kong est un test décisif de la façon dont la Chine perçoit les valeurs du monde libre. Depuis des années, Hong Kong est une ville à double statut. Ses institutions étaient autrefois fondées sur la primauté du droit bien que sous le régime autocratique de Pékin. On espérait que la Chine finirait par adopter les systèmes de Hong Kong et accorder des libertés civiles à ses citoyens. Au lieu de cela, de nombreux membres des élites chinoises et hongkongaises détiennent aujourd'hui des passeports étrangers afin d'être protégés par ces libertés dans les pays libres, qui sont réprimées chez elles.
    À l'opposé, mon père a choisi de rester à Hong Kong et de ne pas tourner le dos aux principes qu'il défend depuis plus de 30 ans et qui sous-tendent la liberté et la démocratie. Mon père a aujourd'hui 76 ans et doit payer le prix pour avoir fait ce qu'il fallait. Il fait présentement face à un procès fantoche qui pourrait le mener en prison pour le restant de ses jours.
    Mon père fait présentement l'objet d'accusations forgées de toutes pièces en vertu d'une loi sur la sécurité nationale conçue pour faire taire tous les dissidents. Depuis le massacre de la place Tiananmen en 1989, mon père a été l'un des critiques les plus virulents du régime communiste chinois. Il a fondé l'Apple Daily, un journal qui diffusait la vérité face au pouvoir et qui est devenu un phare pour le mouvement prodémocratie de la ville. Pour cette raison, les autorités de Hong Kong tentent aujourd'hui de présenter mon père, éditeur de journaux, comme un dangereux traître, en l'accusant de collusion avec des forces étrangères et de sédition.
    Le procès devrait durer 80 jours. Il se déroule sans jury, mais avec un groupe de trois juges triés sur le volet par le chef de l'exécutif de la ville. La semaine dernière, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la torture a demandé l'ouverture d'une enquête à la suite d'allégations voulant que les preuves de l'un des témoins de la poursuite aient été obtenues sous la torture. Malgré tout cela, les autorités de Hong Kong continuent d'insister sur le fait que la ville respecte toujours la primauté du droit et que son système judiciaire demeure indépendant. Or, le procès de mon père prouve le contraire.
    Les autorités de Hong Kong répriment effrontément les libertés fondamentales de ses citoyens tout en mentant au monde entier. Elles prétendent respecter la primauté du droit. Elles le font en partant du principe que des pays démocratiques comme le Canada fermeront les yeux en raison de la taille de l'économie chinoise. Les autorités s'appuient également sur la confiance que leur accordent les juges de pays démocratiques, dont le Canada, qui continuent de siéger au tribunal de dernière instance de la ville.
    Le procès fantoche de mon père est une perversion flagrante du système judiciaire de Hong Kong visant à persécuter l'un des plus ardents défenseurs de la démocratie. Le Canada a le pouvoir de demander des comptes à la ville pour avoir arraché ces libertés à son peuple. La poursuite de la démocratie n'est pas un crime. En tant que fils, j'espère que vous pourrez m'aider à sauver mon père.
    Merci.

  (1550)  

    Merci, monsieur Lai.

[Français]

    Madame Gallagher, vous avez maintenant la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je dirige l'équipe juridique internationale de Jimmy Lai et de son fils, Sébastien Lai, que vous venez d'entendre. Je travaille avec mon collègue, Jonathan Price, qui m'accompagne aujourd'hui.
    On dit souvent que les journalistes ne veulent pas devenir l'histoire, mais c'est ce qu'est devenu Jimmy Lai, et cette histoire mérite d'être entendue. Vous venez de l'entendre de la bouche de son fils. Il s'agit de l'histoire d'un homme d'affaires prospère et autodidacte qui, en 1989, tellement affecté par le carnage de la place Tiananmen, a décidé de tout risquer pour dire la vérité face au pouvoir et pour s'opposer aux violations des droits de la personne et à la corruption du PCC à Pékin.
    J'aimerais souligner trois thèmes à propos de la détention de Jimmy Lai dans mes remarques liminaires.
    Je qualifierais le premier thème de « guerre juridique », car Jimmy Lai a été pris pour cible pendant des décennies simplement parce qu'il faisait son travail. Cependant, ce n'est qu'au cours des quatre dernières années qu'il a été emprisonné et que l'Apple Daily, son journal, a été fermé, les presses d'imprimerie réduites au silence. En effet, il fait l'objet de harcèlement judiciaire et d'une avalanche d'affaires fallacieuses destinées à le faire taire depuis 2020. Les autorités utilisent la loi comme arme. Ne vous méprenez pas: il s'agit bel et bien d'une guerre juridique.
    C'est une chose que M. Price et moi voyons de plus en plus souvent dans les États autoritaires dans le cadre de notre travail. Au lieu de se contenter d'utiliser les outils juridiques traditionnels, tels que les lois sur la diffamation, la cybercriminalité ou le terrorisme, pour faire taire leurs détracteurs, les États recourent désormais à un large éventail d'autres lois pour tenter de réduire leurs citoyens au silence, telles que les lois réglementaires sur la fraude fiscale. Le cas de M. Lai est un exemple paradigmatique de cette tactique autoritaire. Il a été condamné dans le cadre de quatre procédures pénales à la suite d'une participation pacifique à des manifestations et à une veillée sur la place Tiananmen, ainsi que dans le cadre d'une affaire de fraude totalement bidon concernant la violation d'un bail.
    Cela dit, l'arme juridique principale et la plus connue à laquelle il est confronté est la loi controversée sur la sécurité nationale imposée par Pékin en juin 2020. Les autorités utilisent désormais la LSN de concert avec une loi sur la sédition datant de l'ère coloniale pour tenter de faire taire les critiques. Ces armes juridiques leur ont permis de saccager des bibliothèques à la recherche de livres indésirables, d'emprisonner des étudiants qui avaient aimé des messages sur les médias sociaux et même de condamner des auteurs de livres pour enfants racontant l'histoire d'un troupeau de moutons résistant à la tyrannie d'une meute de loups. Il s'agit d'un déclin dramatique des libertés dans une ville qui a une longue et fière histoire de jouissance de libertés inaccessibles en Chine continentale.
    Le procès de Jimmy Lai convoqué en vertu de la LSN et de la loi sur la sédition met aujourd'hui tout cela à nu. Chaque jour du procès, de nouvelles allégations ridicules apparaissent. Je n'en donnerai qu'un exemple: la semaine dernière, la poursuite a fait grand cas du fait que le journal Apple Daily avait couvert presque tous les jours le Mouvement des parapluies. Un journal qui rapporte des nouvelles: c'est ça l'allégation.
    En réalité, voici ce dont Jimmy Lai semble être accusé: complot en vue de commettre des actes de journalisme, complot en vue de soulever des questions relatives aux droits de la personne auprès d'organisations de défense des droits de la personne telles que Hong Kong Watch, et complot en vue de soulever des questions politiques auprès de politiciens, y compris des membres de l'IPAC. Soyons francs: il ne s'agit pas de crimes. Ce sont plutôt des actions protégées par le droit international, qui font écho aux protections accordées au Canada par l'article 2 de la Charte. Ces actions devraient également rester protégées par la Déclaration commune sino-britannique.
    Le deuxième thème que je souhaite mettre en lumière est la répression transnationale. Il s'agit d'une tendance très préoccupante des autorités de Hong Kong et de la Chine. Elles ne se contentent plus de faire ce qu'elles peuvent pour faire taire les critiques à l'intérieur de leurs propres frontières; elles essaient désormais d'utiliser le bras long de l'État pour les faire taire, peu importe où ils se trouvent dans le monde. Pour ce faire, elles recourent bien entendu à toutes sortes de menaces et d'actions, y compris des postes de police secrets à l'étranger et des primes sur la tête d'individus dans le monde entier. John Lee les a décrits comme des « rats de rues » à traquer. Je sais parfaitement que la RPC a imposé des sanctions à des politiciens canadiens en 2021, y compris au sein de ce comité, pour avoir osé parler des violations des droits de la personne.
    Ceux qui soutiennent Jimmy Lai font maintenant l'objet de menaces transnationales. Cela comprend Sébastien Lai, un fils qui s'exprime au nom de son père, et nous, membres de son équipe juridique internationale. On nous cible pour avoir osé soulever des questions sur les violations des droits de la personne devant des organisations onusiennes. Diverses personnes ont également été qualifiées de façon scandaleuse de co‑conspirateurs présumés dans le procès, y compris Luke de Pulford, qui est assis à côté de moi, et Bill Browder. Le message qui nous est adressé est clair: nous devrions abandonner Jimmy Lai à son sort. Or, nous ne nous laisserons pas intimider et nous savons que c'est également le cas de ce sous-comité.

  (1555)  

    Le troisième thème que j'aimerais aborder rapidement est celui de la différence entre Hong Kong et d'autres régimes autoritaires. Nous entendons parler des problèmes que j'ai soulevés dans d'autres pays, comme l'Iran, le Myanmar, le Bélarus et la Russie. La différence avec Hong Kong, cela dit, c'est que la ville continue à maintenir un paravent de primauté du droit, une façade de respect des procédures et de maintien du statu quo.
    Nous avons tous vu les vidéos de Hongkongais pleurant sous la pluie en veillant devant les bureaux de l'Apple Daily le dernier soir de son impression, faisant briller les lumières de leurs téléphones intelligents en guise de bougies de fortune. Cette image poignante a ensuite été immortalisée sur la dernière couverture. Nous avons tous vu des Hongkongais faire la file pour acheter la dernière parution de l'Apple Daily, réalisant que le dernier journal qui disait la vérité sur le pouvoir du PCC était en train de mourir, et avec lui, une partie de Hong Kong.
    Aujourd'hui, Hong Kong est une baie de promesses brisées. C'est la seule capitale financière à détenir des centaines de prisonniers politiques. Comme l'a si bien dit le membre du Congrès américain Mike Gallagher, les banquiers portent des bandeaux dorés lorsqu'ils regardent le port de Victoria.
    Ce ne sont pas que les banquiers, cela dit. Tous ceux qui croient que Hong Kong respecte encore la primauté du droit devraient s'attarder à ce qui s'y passe et à ce qui arrive à Jimmy Lai.

[Français]

     Excusez-moi, madame Gallagher. Vous avez dépassé votre temps de parole, mais je vais demander aux membres du Comité s'ils sont d'accord pour vous laisser plus de temps.
    Des voix: D'accord.
    Le président: Veuillez poursuivre.

[Traduction]

    Je m'excuse. Je n'ai pas vu l'avis d'une minute.
    La rapporteuse spéciale des Nations unies sur la torture a clairement exprimé de graves préoccupations la semaine dernière à propos du procès de Jimmy Lai à la suite d'allégations crédibles et rendues publiques voulant qu'un témoin clé de la poursuite, Andy Li, ait été torturé en Chine continentale et que son témoignage contre Jimmy Lai ait été obtenu sous la contrainte.
    Tous ceux qui continuent à soutenir ce régime tyrannique devraient réévaluer leur position urgemment.
    Jimmy Lai a tout risqué en 1989 en entrant dans le monde des médias pour dire la vérité face au pouvoir. Il est resté à Hong Kong après la rétrocession. Il est resté après 2019. Il a défendu la vérité et ses concitoyens de Hong Kong, et nous devons maintenant le défendre à notre tour.
    Merci.

  (1600)  

[Français]

    Merci, madame Gallagher.
    Maintenant, j'invite M. Luke de Pulford, de l'Alliance interparlementaire sur la Chine, à prendre la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    C'est un privilège de comparaître devant votre comité à titre de témoin et de pouvoir consigner dans le hansard la vérité sur ce qui arrive à Jimmy Lai.
    Monsieur le président, il y a quelques années à peine, le système juridique de Hong Kong était respecté à l'international. Aujourd'hui, je pense qu'il est juste de le décrire comme un outil de l'exécutif et une arme occasionnelle de persécution politique. À mon avis, aucun cas n'illustre mieux la descente de Hong Kong que celui de Jimmy Lai.
    Trois aspects du procès de M. Lai sont emblématiques du déclin vers l'autoritarisme de Hong Kong.
    Premièrement, le gouvernement se livre à une caractérisation malveillante de Jimmy Lai en construisant à son sujet un récit qu'il sait être faux grâce à l'aide et à la complicité de la poursuite et des forces de l'ordre.
    Deuxièmement, on s'appuie sur des témoignages forcés pour obtenir ce récit.
    Troisièmement, on tente d'incriminer des ressortissants étrangers et de les rendre responsables de l'agitation de 2019 à Hong Kong.
    En ce qui concerne le premier point de la fausse caractérisation malveillante, voici la vérité pure et simple de l'affaire de M. Lai: il n'est qu'un personnage dans un récit fabriqué de toutes pièces. Aucun crime n'a été commis, comme vous l'a si bien dit l'avocate de la Couronne Caoilfhionn Gallagher. Voici à quoi se résume l'affaire: Pékin a besoin d'un cerveau à blâmer pour le mouvement prodémocratie de 2019 à Hong Kong et Jimmy Lai est le mieux placé pour ce faire. Voilà tout. M. Lai a été choisi pour porter le joug du « cerveau responsable » de ce mouvement et de tout ce qui l'entoure, ce qui est tragique pour la famille Lai.
    C'est faux, bien sûr. Pékin sait que c'est faux. Les procureurs de l'affaire aussi. C'est évidemment faux sur la base des preuves disponibles. Cette affaire est si manifestement fausse que la poursuite doit se tourner vers des témoignages forcés pour la faire passer pour vraie. En réalité, il existe très peu de preuves permettant de relier Jimmy Lai au mouvement démocratique de Hong Kong, qui était principalement mené par des jeunes. Toutefois, il est toujours possible de trouver des preuves dans les États où le système juridique s'est déjà montré disposé à céder face au pouvoir exécutif.
    C'est là que l'histoire tragique d'Andy Li entre dans cette farce.
    Andy Li, connu de certains membres du Comité, a été arrêté en vertu de la Loi sur la sécurité nationale en 2020 pour avoir, entre autres, travaillé avec des politiciens étrangers à Hong Kong. Peu après, il a tenté de fuir à Taïwan avec 11 autres personnes. Ils ont tous été appréhendés dans les eaux chinoises et emmenés à la prison de Shenzhen en Chine, où les choses ont très mal tourné pour eux, en particulier pour M. Li.
    Le Washington Post a rapporté les faits suivants le mois dernier, après une enquête d'un an:
La plupart d'entre eux n'ont pas été maltraités physiquement, mais sept personnes connaissant bien les conditions de vie dans le centre ont déclaré que l'on entendait « constamment » des cris provenant d'une cellule en particulier: celle de M. Li.
    Depuis son séjour à Shenzhen, M. Li a comparu à titre de témoin clé dans le procès de Jimmy Lai, ce qui n'a surpris personne. Cependant, même son témoignage n'est pas suffisant. Si M. Lai a été de connivence avec des forces étrangères, il faut pouvoir en identifier. C'est pourquoi je suis cité comme co‑conspirateur avec M. Lai pour le troisième chef d'accusation de concert avec Bill Browder, fondateur de Global Magnitsky Justice, et ma collègue japonaise Shiori Kanno. Ce chef d'accusation est celui de « complot avec des forces étrangères en vue de porter atteinte à la sécurité nationale ». Ils essaient de prétendre que des forces étrangères — nous, en l'occurrence — ont été en quelque sorte mandatées par M. Lai pour porter atteinte à la sécurité nationale de Hong Kong.
    Monsieur le président, j'éprouve une certaine satisfaction à pouvoir dire à votre comité et à d'autres que ces allégations de collusion ne constitueraient pas un crime dans un État normal, où il n'y aurait pas lieu d'en avoir honte. Cela dit, ces allégations sont fausses. Jimmy Lai n'a rien à voir avec la création ou les activités de l'IPAC. Je le sais, car j'ai tout supervisé de A à Z. Si j'avais eu l'occasion de témoigner dans cette procédure fantoche dans laquelle je suis cité, mais à laquelle je n'ai jamais été convoqué, voici ce que j'aurais dit: « tout cela n'est qu'invention ou amplification de demi-vérités pour satisfaire l'obsession quelque peu étrange de Pékin pour un récit de cerveau responsable ».
    Je terminerai par ceci: dans de telles situations, il est tentant de pardonner à ceux qui acceptent les excès de l'autoritarisme en les qualifiant d'« idiots utiles ». Cependant, j'estime que cela implique une approche passive. Je trouve qu'il s'agit d'une description bien trop généreuse des personnes impliquées dans cette affaire. La poursuite dans le cas de M. Lai, menée par Anthony Chau et Ivan Cheung, n'a pas été passive. Ces hommes se mobilisent activement et sont d'une connivence enthousiaste avec le gouvernement pour persécuter Jimmy Lai. La conduite de Chau et Cheung jette l'opprobre sur la profession juridique à Hong Kong, détruisant ainsi l'héritage de nombreux avocats de meilleure qualité les ayant précédés. Ils ont réduit la primauté du droit à néant, qui avait été durement acquise par des hommes et des femmes plus courageux et plus attachés à leurs principes.
    Je crois avoir dépassé mon temps de parole, monsieur le président.
    Merci.

  (1605)  

[Français]

     J'invite maintenant Mme Chung Ching Kwong, analyste principale de l'Alliance interparlementaire sur la Chine, à prendre la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Permettez-moi d'exprimer ma gratitude au Comité pour son engagement à défendre les droits de la personne partout dans le monde.
    J'aimerais attirer votre attention sur les droits et la dignité des prisonniers qui sont gravement menacés. La détention de Jimmy Lai n'est que la pointe de l'iceberg.
    En ce moment même, il y a plus de 1 000 prisonniers politiques comme Jimmy Lai à Hong Kong. Le nombre de personnes en détention provisoire, qui ne sont pas condamnées, est passé à une moyenne quotidienne de 2 600 en 2022 — un sommet en 10 ans.
    Des rapports et des témoignages révèlent que les prisonniers politiques sont particulièrement vulnérables, qu'ils vivent dans des conditions difficiles et qu'ils subissent des pressions psychologiques. J'ai cherché à documenter les mauvais traitements infligés aux personnes en détention à Hong Kong, j'ai interviewé d'anciens détenus et j'ai compilé des renseignements crédibles.
    Dans bien des cas, les témoignages sont difficiles à vérifier. L'information que je vais vous présenter ne comprend que les témoignages rapportés dans des sources crédibles de médias hongkongais, ou que j'ai recueillis moi-même auprès de personnes disant avoir subi de la maltraitance. Si cela peut vous être utile, je me ferai un plaisir de vous révéler les sources sous le sceau de la confidentialité.
    Une victime qui a refusé d'être nommée a été battue par un membre du personnel au point où l'un de ses testicules a éclaté. Alors qu'il faisait des pompes en guise de punition, un membre du personnel correctionnel a frappé son bas-ventre à maintes reprises, lui infligeant ainsi des dommages permanents.
    Pas plus tard que le mois dernier, un incident a fait couler beaucoup d'encre: un agent correctionnel a poignardé un détenu de 18 ans dans l'anus avec un bâton en bois, ce qui a perforé son rectum. La victime devra utiliser une stomie pour le reste de ses jours. L'affaire a été dévoilée au grand jour par des militants, et des poursuites criminelles ont été intentées contre l'employé accusé.
    Parmi les autres mauvais traitements infligés aux détenus qui sont largement rapportés, mentionnons le fait d'être battu, de se faire appliquer de la pâte de menthe aux organes génitaux, d'être obligé de ramper comme un chien et de manger sans ustensiles, de manger des matières fécales et de boire de l'urine, etc. Il est également fréquent qu'on tienne à leur égard des propos déshumanisants axés sur leurs convictions politiques. « Racaille d'émeute » et « cafards » sont des mots couramment employés.
    Je mentionne ces cas pour souligner que les mauvais traitements sont monnaie courante dans les établissements carcéraux de Hong Kong. Si l'on tient compte du fait que le seul crime de la plupart des accusés est d'avoir fait campagne pour la démocratie, les sévices semblent d'autant plus flagrants.
    Il existe des mécanismes pour interjeter appel et porter plainte, mais ils mènent rarement à une reddition de comptes.
    Au cours de l'incarcération, les détenus peuvent déposer une plainte auprès d'un juge de paix pendant l'examen et déposer une plainte auprès du directeur d'établissement ou directement au bureau de l'ombudsman. Or, aucun de ces canaux ne mènera à une enquête indépendante parce que le comité des plaintes est une organisation interne dont tous les membres sont nommés par le commissaire du service correctionnel.
    L'an dernier, le nombre de plaintes reçues par un juge de paix s'est élevé à 42, un creux historique. La plupart des plaintes ont été renvoyées au ministère du Service correctionnel à des fins d'enquête, mais aucune d'entre elles n'a été traitée plus en détail. Certaines ont été abandonnées.
    Si un détenu ose porter plainte, il risque des représailles, c'est‑à‑dire d'être placé en isolement cellulaire. De 2015 à 2019, de 2 905 à 3 181 prisonniers ont été condamnés chaque année à l'isolement en guise de punition.
    L'isolement cellulaire prolongé peut être considéré comme de la torture. Selon l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus des Nations unies, il devrait être interdit de détenir une personne en isolement cellulaire pendant plus de 15 jours. Or, on rapporte que des prisonniers politiques sont restés en isolement pendant plus d'un mois. Ils reçoivent cette punition pour diverses raisons: par exemple, ils peuvent avoir en leur possession un morceau de pain ou un paquet de chocolats supplémentaire, ou encore un stylo.
    Je le répète: ces affirmations sont largement diffusées dans des médias crédibles à Hong Kong, mais surtout en chinois.
    Par exemple, Chow Hang‑tung, militante et avocate des droits de la personne, a été détenue en isolement cellulaire sept fois pendant neuf mois consécutifs. Voici les motifs lui ayant valu ce châtiment: elle a fait une grève de la faim à l'anniversaire du massacre du 4 juin, elle s'est défendue devant les tribunaux, elle s'est vu décerner un prix des droits de la personne et elle a reçu trop de lettres.
    Une amie, Nicole Chung, a été placée en isolement cellulaire en guise de représailles parce qu'elle a demandé un examen judiciaire pour contester l'entente sexiste selon laquelle les détenues doivent porter des pantalons toute la journée, peu importe les conditions météorologiques, alors que les détenus de sexe masculin ont d'autres options.
    Une autre amie proche, Gwyneth Ho, a également été placée en isolement cellulaire à plusieurs reprises pour avoir dit au tribunal des propos que le personnel correctionnel a jugés répréhensibles.
    J'ai expliqué en détail, du mieux que je peux, ce que subissent ces détenus, en me fondant sur des sources crédibles, mais j'aimerais vous lancer un appel direct aujourd'hui.

  (1610)  

    À mes yeux, ce ne sont pas simplement des gens courageux qui se battent pour la démocratie à des milliers de kilomètres. Ce sont mes très proches amis qui souffrent parce que la communauté internationale n'a pas tenu sa promesse envers Hong Kong.
    Je suis consciente du leadership dont le Canada a fait preuve sur la scène internationale pour lutter contre les violations des droits de la personne ou pour offrir un foyer à ceux qui en ont besoin. En tant qu'amie de détenus, en tant que Hongkongaise, je vous demande d'incarner ce leadership une fois de plus, alors que tant d'autres se sont montrés réticents.
    Merci.

[Français]

     Merci, madame Kwong.
    Madame Katherine Leung, conseillère politique, je vous invite à prendre la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je m'appelle Katherine Leung et je suis conseillère politique pour Hong Kong Watch Canada.
    Je comparais devant le Comité aujourd'hui pour transmettre un message central: je demande au Canada de demander la libération inconditionnelle et immédiate de Jimmy Lai, âgé de 76 ans, fondateur d'Apple Daily, autrefois le journal prodémocratie le plus en vue de Hong Kong.
    Pendant mon temps de parole, je vais aborder les interventions que le Canada devrait effectuer, les mesures que nous avons prises et que nous n'avons pas su prendre, et les prochaines mesures que le Canada devrait prendre pour réaffirmer son engagement à l'égard des droits de la personne à l'étranger et pour défendre la cause de M. Lai.
    Les accusations portées contre Jimmy Lai ne sont pas le reflet d'un comportement criminel de sa part, mais de la façon dont Hong Kong, sous la direction du gouvernement de Pékin, bafoue les droits et libertés fondamentaux.
    Permettez-moi de répéter que les allégations contre Jimmy Lai ne sont pas fondées, qu'elles sont motivées par des considérations politiques et qu'elles témoignent d'une tendance généralisée à réduire au silence les dissidents et à restreindre la liberté de la presse dans la région.
    La semaine dernière, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la torture a signalé que les preuves fournies par un témoin clé de la poursuite dans le procès de M. Lai, Andy Li, avaient été obtenues par la torture. Parmi les autres témoins de la poursuite, mentionnons d'anciens employés d'Apple Daily, dont Cheung Kim‑hung, qui a accusé M. Lai de « véhiculer une image négative du Parti communiste chinois dans l'espoir d'obtenir le soutien financier et politique du lectorat américain. »
    En janvier, le nombre de témoins de la poursuite dans l'affaire Lai est passé de 60 à 14 sans explication. C'est très inhabituel, et ce revirement soulève d'autres préoccupations concernant l'équité et la politisation du procès de M. Lai.
    Le Parlement canadien a manifesté un solide appui pour Jimmy Lai. Au début de son procès, en décembre 2023, la Chambre et le Sénat ont adopté à l'unanimité des motions demandant aux autorités de Hong Kong de libérer Jimmy Lai et de cesser de le poursuivre, ainsi que d'autres personnes, en vertu de la Loi sur la sécurité nationale. Bien que nous accueillions très favorablement ces initiatives du Parlement, il importe de souligner que le gouvernement du Canada n'a pas encore demandé publiquement sa libération.
    Cela dit, j'exhorte le gouvernement du Canada et ses ministres à réaliser la volonté du Parlement et à demander la libération inconditionnelle et immédiate de Jimmy Lai. Un tel geste cadrerait avec l'engagement historique du Canada d'être un champion des droits de la personne et un défenseur des principes démocratiques. Le cas de Jimmy Lai ne devrait pas être traité différemment. Cette demande s'inscrirait également dans la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique, qui préconise de lutter contre les comportements qui sapent les normes internationales, comme la détention arbitraire.
    Jimmy Lai est un citoyen britannique emprisonné à Hong Kong pour avoir exercé des droits enchâssés dans la Loi fondamentale de Hong Kong, la mini constitution de la région fondée sur les principes énoncés dans la Déclaration conjointe sino-britannique.
    Nos alliés ont pris des mesures que le Canada n'a pas adoptées. Les gouvernements américain et britannique ont exhorté les autorités de Hong Kong à libérer Jimmy Lai. Le Canada devrait exercer des pressions diplomatiques sur le gouvernement chinois, de concert avec ses alliés, et démontrer clairement son engagement indéfectible à l'égard des droits de la personne et de la primauté du droit dans la région.
    Il est également important de noter que le Canada n'a imposé aucune sanction aux dirigeants de Hong Kong. Les États-Unis ont sanctionné 25 représentants, tant du gouvernement de Hong Kong que du Congrès national du peuple de Chine, pour avoir « miné l'autonomie de Hong Kong et limité la liberté d'expression ou de réunion des citoyens de Hong Kong. »
    J'exhorte le gouvernement du Canada à envisager sérieusement le recours à des sanctions, en particulier contre le chef de l'exécutif de Hong Kong, John Lee, comme outil pour tenir le gouvernement de Hong Kong responsable de ses violations des droits de la personne, y compris celles contre Jimmy Lai. Nous nous sommes dotés d'un régime de sanctions découlant de la loi de Magnitski. Il est important que nous l'utilisions.
    En conclusion, j'exhorte le gouvernement canadien à se joindre rapidement à son Parlement pour demander la libération immédiate et inconditionnelle de Jimmy Lai, ainsi que de tous les prisonniers politiques à Hong Kong. Le gouvernement canadien devrait également imposer des sanctions à John Lee et à d'autres représentants de Hong Kong qui sont complices du démantèlement de l'indépendance de l'appareil judiciaire et de la primauté du droit à Hong Kong.
    Il faut agir maintenant, avant la fin du procès de M. Lai et avant une peine d'emprisonnement qui pourrait signifier sa mort en prison.
    Merci.

  (1615)  

[Français]

    Merci, madame Leung.
    Je remercie tout le monde de leur présence et de leurs commentaires.
    Nous passons maintenant aux questions des membres du Sous-comité. Pour le premier tour, j'invite M. Genuis à prendre la parole pour sept minutes.

[Traduction]

    Je tiens à remercier tous les témoins de leurs témoignages percutants.
    Je tiens particulièrement à vous remercier, monsieur Sébastien Lai, d'avoir partagé votre histoire et votre expérience intenses et d'avoir transformé votre chagrin personnel en un moment d'activisme pour la justice et la liberté. Votre père est un véritable héros pour moi. J'ai eu l'honneur de le rencontrer à Hong Kong en 2017. Il m'a beaucoup marqué, non seulement pour ce pour quoi il se battait, mais aussi pour sa personnalité, pour le type de personne qu'il était et qu'il est encore.
    Si vous êtes à l'aise de le faire, j'aimerais que vous nous décriviez un peu son état actuel, son état d'esprit et la façon dont il réagit à la situation.
    Merci beaucoup de vos bons mots.
    Je n'ai pas pu retourner à Hong Kong au cours des trois dernières années parce que, comme je dénonce la situation au nom de mon père, je risquerais malheureusement d'être moi aussi emprisonné.
    D'après ce que je comprends, toute personne de 76 ans en isolement cellulaire depuis trois ans verrait sa santé psychologique et physique ébranlée. Il demeure cependant fort et il sait que, au bout du compte, il fait la bonne chose.
    J'aime bien raconter cette histoire. Lorsqu'il a été arrêté pour la première fois, on l'a détenu pendant un jour ou deux avant de le libérer. Quelqu'un lui a dit: « Écoutez, monsieur Lai, vos actions en valaient-elles la peine, sachant que vous pourriez être arrêté de nouveau et passer le reste de votre vie en prison? La cause en valait-elle la peine? » Il a répondu: « Alors que j'étais allongé sur le plancher froid de la prison et que j'avais beaucoup de temps pour réfléchir, j'ai pensé aux 30 dernières années et je me suis demandé si je changerais quoi que ce soit au passé. » Il a souri et conclu: « Je ne changerais rien. »
    Il garde sa force.
    Je sais que votre père est aussi un homme de foi profonde. Je suis persuadé que c'est également une grande source de force pour lui.
    Oui, c'est une énorme source de force.
    Merci.
    Monsieur Pulford, je serai transparent: comme vous le savez, je suis l'un des coprésidents de l'Inter-Parliamentary Alliance on China, ou IPAC. Je pense que je dois le préciser avant de poser ma question.
    Je me demande si vous pourriez nous décrire un peu plus en quoi consiste l'IPAC et pourquoi elle est ciblée par les autorités hongkongaises dans le cadre de ces poursuites malveillantes.
    Merci beaucoup, effectivement.
    Oui. L'Inter-Parliamentary Alliance on China, ou IPAC, est un groupe international multipartite de législateurs représentant maintenant 35 pays, toutes les idéologies politiques et toutes les régions géographiques. Le groupe se penche sur la Chine et, comme vous le savez, monsieur Genuis, il tente d'établir une sorte de consensus sur la Chine du point de vue de législateurs démocratiques.
    C'est une initiative qui ne plaît pas à Pékin. Quiconque travaille avec des membres de l'IPAC dans le monde sera perçu comme une personne pactisant avec des forces étrangères dans le contexte de la Loi sur la sécurité nationale. En effet, les activités de l'IPAC enquiquinent Pékin depuis le tout premier jour.
    Ce n'est que tout récemment que l'initiative s'est répercutée en conséquences juridiques pour certaines des personnes impliquées au sein de l'IPAC. Hélas, Shiori Kanno et moi, qui travaillons pour l'IPAC, avons été désignés comme conspirateurs dans le procès de M. Lai. Je crois que Bill Browder a été nommé au procès, seulement parce qu'il a donné une séance d'information à des politiciens japonais au sein de l'IPAC. Je pense que c'est la seule raison pour laquelle il est mêlé au procès. J'ai l'impression que nous sommes en quelque sorte devenus une cible, malheureusement.
    Merci.

  (1620)  

    Je pense que cette grande colère que vous avez suscitée fait honneur à votre travail et à celui d'autres législateurs de l'IPAC. Comme l'a dit Winston Churchill, votre ancien premier ministre: « Vous avez des ennemis? Bien. Cela signifie que vous avez combattu pour quelque chose [...] »
    Ma question porte sur la présence d'une ancienne juge de la Cour suprême du Canada, Beverley McLachlin, à la Cour d'appel final de Hong Kong.
    M. Sébastien Lai a déjà critiqué son maintien en poste. Dans un article du Globe and Mail, elle a répondu que « la Cour fait un travail remarquable pour aider à maintenir les droits de la population, dans la mesure où la loi le permet, à Hong Kong. »
    Je me demande si un des témoins souhaite réagir à ce sentiment exprimé par une ancienne juge canadienne.
    Merci, monsieur Genuis.
    Je dirais que tout juge étranger qui siège encore à la Cour d'appel final à Hong Kong aurait déjà dû quitter ses fonctions. En effet, leur présence à la Cour d'appel final donne une fausse légitimité à la prétendue primauté du droit. Ils ne font que maintenir l'image selon laquelle la primauté du droit pourrait exister dans le système, tant du côté pénal que commercial.
    Il est tout simplement faux d'affirmer que le fait que des juges étrangers continuent de siéger à la Cour assure quelque peu la primauté du droit à Hong Kong. Il suffit de penser au nombre de juges étrangers qui ont entendu des causes liées à la Loi sur la sécurité nationale. Rappelez-vous que les actifs de Jimmy Lai ont été gelés simplement parce qu'il n'avait pas encore été condamné, mais il a été accusé en vertu de la Loi sur la sécurité nationale.
    Il est évident que la primauté du droit est complètement absente, tant du côté de la sécurité nationale que du côté commercial. Je suis d'avis que tous les juges étrangers auraient déjà dû quitter la Cour.
    Dans les 30 secondes qu'il me reste, quelqu'un d'autre veut‑il intervenir sur la question des fonctions que la juge McLachlin continue d'exercer?
    Puis‑je dire une chose à ce sujet?
    Le problème, dans le cas d'un juge étranger qui siège à Hong Kong, aujourd'hui, c'est qu'il donne un vernis de respectabilité à un système qui, sous l'édifice de la primauté du droit, a été dissous. Il n'y a plus rien; il n'y a qu'une façade, comme les juges étrangers. Bien entendu, il y a encore des salles d'audience. Ils portent toujours la toge.
    Sans vouloir manquer de respect à Beverley McLachlin, j'ai bien peur qu'elle ne fasse maintenant partie de cette façade. Elle contribue à l'apparence de primauté du droit, mais sur le fond, sa contribution n'est pas très importante, même si elle aimerait le penser. Elle fait probablement plus de tort que de bien, même si je suis convaincu que sa contribution personnelle est tout à fait excellente. Cependant, c'est cette apparence, ce vernis qui, à notre avis, cause des dommages.

[Français]

     Merci, monsieur Genuis.
    Madame Damoff, vous avez maintenant la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Est-ce bien cinq minutes?

  (1625)  

     Pardon, vous disposez de sept minutes, madame Damoff.

[Traduction]

    Très bien.
    Je remercie tous nos témoins d'être ici aujourd'hui.
    Monsieur Lai, merci beaucoup de votre présence et de votre témoignage qui, j'en suis certaine, est très difficile pour vous.
    Je veux axer mes questions sur la liberté de la presse, car elle constitue, comme nous le savons tous, un pilier fondamental d'une saine démocratie. Je me demande si vous pourriez parler du paysage médiatique local à Hong Kong, de la place qu'occupe Apple Media dans tout cela et, peut-être, de la façon dont cette entreprise s'est distinguée de ses concurrents. À quoi ressemble le paysage, maintenant qu'Apple Daily ne peut plus publier?
    Je ne sais pas qui veut répondre à cette question.
    Je peux répondre.
    Allez‑y, monsieur Lai.
    Je me demandais si quelqu'un d'autre avait quelque chose à ajouter.
    Mon père disait toujours que la peur est l'arme la moins chère qu'un régime autocratique puisse utiliser contre son peuple. Dans le paysage médiatique actuel de Hong Kong, c'est tout à fait vrai. Essentiellement, tous les médias locaux ont été réduits au silence, de sorte que le gouvernement s'est approprié les médias en langue cantonaise en exploitant avec grand fracas les poursuites et la persécution de l'Apple Daily et de ses journalistes.
    Par exemple, ils ont envoyé 500 policiers faire une descente policière à l'Apple Daily. Imaginez 500 policiers qui font irruption dans la salle de rédaction, empêchent les gens de travailler et saisissent les portables et les disques durs. Cela fait écho à Idi Amin, qui a dit: « Je peux garantir la liberté d'expression, mais je ne peux pas garantir la liberté après l'expression. ».
    Je pense aussi que cela témoigne du travail qu'accomplissait l'Apple Daily auparavant et de son courage dans la défense de ses convictions, même lorsque c'est devenu très difficile.
    Voilà comment l'Apple Daily s'est distingué dès sa fondation. C'était un journal qui osait dire la vérité aux détenteurs du pouvoir et qui ne craignait pas de critiquer les politiciens et les élites. Évidemment, en agissant ainsi, il a toujours été une épine au pied du PCC et du gouvernement hongkongais. L'adoption de la loi sur la sécurité nationale a enfin donné aux autorités l'arme dont elles avaient besoin pour réprimer l'Apple Daily et d'autres militants et manifestants prodémocratie.
    Puis‑je aussi ajouter quelque chose? Merci.
    La première chose à dire, je suppose, c'est que le déclin de la liberté de la presse à Hong Kong a été très rapide et précipité. Si vous regardez, par exemple, le classement de Reporters sans frontières, vous verrez qu'il y a 10 ans, Hong Kong était le bastion de la liberté d'expression dans la région et figurait en bonne position au classement. Aujourd'hui, dans le classement le plus récent, celui de 2023, Hong Kong est reléguée au 140e rang mondial, vers le bas du classement. Cela reflète ce qui s'est passé après le démantèlement très soudain d'un paysage médiatique auparavant très dynamique.
    Les cas de Jimmy Lai et de l'Apple Daily sont symptomatiques d'un déclin plus prononcé. Nous voyons ce qui s'est passé dans le cas du site Stand News, par exemple. À cela s'ajoutent les cas des correspondants étrangers qui se sont vu refuser un visa pour avoir fait des reportages qui déplaisaient aux autorités. Nous examinons aussi le cas de certains médias comme RTHK — autrefois connu pour ses reportages d'enquête audacieux —, qui a maintenant des dirigeants progouvernementaux.
    Nous avons vu ce paysage médiatique être complètement et profondément transformé en très peu de temps.
    Il convient aussi de souligner que ces derniers mois, nous avons constaté à plusieurs reprises, lorsque les rapporteurs spéciaux de l'ONU ou la Coalition pour la liberté des médias ont émis des critiques... Pendant la période des Fêtes, 24 pays de la Coalition pour la liberté des médias ont publié une déclaration très forte — et nous sommes reconnaissants que le Canada soit l'un des 24 pays signataires — pour exprimer leurs préoccupations au sujet du déclin de la liberté des médias à Hong Kong. La réponse très prétentieuse des autorités était que la liberté de la presse se porte à merveille et est plus florissante que jamais à Hong Kong.
    Bien franchement, c'est essayer de faire passer des vessies pour des lanternes. Cela ne tient pas la route. Les autorités ont continuellement tenté de faire valoir que le paysage médiatique demeure dynamique, comme elles prétendent que la primauté du droit existe toujours. C'est carrément faux.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais beaucoup entendre les représentants de Reporters sans frontières dans le cadre de notre étude. Merci beaucoup de cette réponse.
    Selon vous, quelle incidence l'Apple Daily a‑t‑il eue sur la vie quotidienne des Hongkongais au cours de ses 26 années d'existence?
    D'aussi loin que je me souvienne d'avoir lu un journal, étant une Hongkongaise qui a grandi à Hong Kong, je lisais l'Apple Daily. C'était ma routine quotidienne. Je fouillais dans la mallette de mon père, j'en sortais le journal, qui était trop grand pour moi à l'époque, je m'agenouillais sur le sol et je commençais à le lire. Cela m'a fait connaître la politique publique et le milieu politique à Hong Kong. C'est alors que j'ai pris connaissance de certains enjeux, comme le massacre du 4 juin ou les revendications pour un suffrage universel à Hong Kong.
    L'approche journalistique des tabloïds a certes fait l'objet de critiques, mais les tabloïds font partie intégrante de la vie des Hongkongais. De manière générale, qu'on aime l'Apple Daily ou non, c'était le seul tabloïd imprimé de la ville favorable à la démocratie. Lorsqu'il y avait un important mouvement social, l'Apple Daily était toujours là pour parler du problème et essayer d'approfondir toutes les questions.
    Lorsque j'étais jeune militante, les journalistes de l'Apple Daily appuyaient toujours les campagnes menées par de nombreux militants. Je dirais que c'était très important.
    Aujourd'hui, beaucoup de journalistes de l'Apple Daily sont au chômage ou peinent à réintégrer l'industrie des médias dans d'autres pays.

  (1630)  

[Français]

     Merci, madame Damoff.

[Traduction]

    Votre temps est écoulé.

[Français]

    Maintenant, j'invite M. Alexis Brunelle‑Duceppe à prendre la parole pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins présents aujourd'hui.
    Monsieur Lai, je vous remercie tout spécialement et je suis ravi de vous revoir, même si c'est par vidéoconférence. Je ne perdrai pas trop de temps afin que nous puissions discuter le plus possible et que nos analystes nous concoctent quelque chose de solide à la suite de nos rencontres.
    J'aimerais savoir à quelles difficultés vous avez fait face dans le cadre de votre campagne pour faire libérer votre père, quelles qu'elles soient.
    Est-ce que cela vous dérange si je parle en anglais?
    Vous pouvez parler sans problème en anglais ou en français.
    D'accord, merci.

[Traduction]

    Sur le plan personnel, les risques sont liés au retour à Hong Kong et aussi à ce que je peux dire ou non au sujet de mon père. En fin de compte, il est emprisonné depuis trois ans, et la question de savoir quel crime il a commis ou non a toujours été très ambiguë.
    Ces quatre dernières années, le gouvernement de Hong Kong a vraiment montré que les règles du jeu sont complètement nouvelles. Qui aurait pensé que le gouvernement de Hong Kong mettrait la tête des gens à prix? Personnellement, ma tête n'est pas mise à prix, mais pour revenir sur les propos de Mme Gallagher, nous avons maintenant affaire à un gouvernement qui, sciemment, est tout à fait disposé à user de son pouvoir pour réprimer toute dissidence, et même toute critique à l'étranger.
    Le risque auquel je suis exposé est assez simple: je ne peux pas retourner à Hong Kong parce que je pourrais me faire arrêter. Je répète ce que mon père a dit: l'idée, c'est d'utiliser la peur pour réprimer les gens à Hong Kong et à l'étranger.

[Français]

     Dans ce cas, à quel point le procès de votre père est-il important pour la démocratie et la liberté de presse à Hong Kong?

[Traduction]

    Le procès est extrêmement important, parce que mon père représente différents éléments de la société et, étant donné la façon dont il a été persécuté... ou poursuivi, il représente la presse libre dans ce procès. Ce qu'il représente, c'est aussi quelqu'un qui a appuyé le mouvement prodémocratie et qui a tout sacrifié pour cette cause, un homme d'affaires et un éditeur. Toutes les fonctions qu'il a exercées sont au banc des accusés. Il est impossible de le jeter en prison et d'affirmer en même temps que la presse est toujours libre, car ce qu'il a fait, c'est simplement de publier la vérité, qui est prodémocratie et critique à l'égard du gouvernement. D'une certaine manière, étant donné la façon dont mon père est traité, Hong Kong se trouve à mettre au banc des accusés les valeurs que sont la liberté de la presse, la liberté d'expression et la primauté du droit.

[Français]

    Je vais m'adresser à l'équipe juridique de M. Jimmy Lai. À quel point serait-il important que le Canada agisse dans le dossier? Le Canada peut-il faire quelque chose qui vous aiderait légalement ou est-ce que son geste ne serait utile que sur le plan médiatique? Si le Canada décide d'agir, quelle est la meilleure mesure qu'il pourrait prendre?

  (1635)  

[Traduction]

    Permettez-moi d'abord de vous remercier personnellement pour la probité morale et le leadership dont vous avez fait preuve concernant la motion de consentement unanime en décembre. Nous vous en sommes extrêmement reconnaissants, et nous sommes aussi reconnaissants envers toutes les personnes qui ont été des chefs de file sur cette question.
    Pour donner un exemple très concret, les deux résolutions adoptées par les deux chambres du Parlement canadien avant Noël ont directement contribué à nous permettre, à M. Lai et nous, de rencontrer la ministre britannique des Affaires étrangères pour la première fois, rencontre que nous demandions depuis 18 mois. Nous avions fait une demande auprès de Mme Liz Truss et de M. James Cleverly, mais elle était restée sans réponse. Finalement, lord Cameron a rencontré M. Lai dans les jours qui ont suivi les mesures prises par le Canada. Ce n'est pas seulement important en soi, mais cela a entraîné une réaction en chaîne qui nous a permis d'obtenir plus de soutien. Le Parlement canadien, le Parlement européen, le gouvernement américain, le gouvernement du Royaume-Uni et quatre experts de l'ONU ont demandé la libération immédiate et inconditionnelle de M. Jimmy Lai. Cela ne pourrait être plus important.
    Pourquoi? Parce que nous ne pensons pas, pour toutes les raisons mentionnées par M. de Pulford dans son puissant témoignage, que M. Jimmy Lai aura droit à un procès équitable à Hong Kong. Il a été poursuivi en vertu d'une loi qui ne devrait pas exister, dans un système profondément injuste, dans un endroit où le chef de la sécurité nationale s'est vanté d'avoir un taux de condamnation de 100 %. Voilà pourquoi il est impératif de nous assurer que cette affaire se règle à l'échelle internationale, car il n'y aura pas de solution adéquate à Hong Kong.

[Français]

    Monsieur de Pulford, vous avez un réseau assez impressionnant de parlementaires dans 35 pays. Je vais vous poser une question un peu semblable à celle que je viens de poser à l'équipe juridique. À quel point les parlementaires qui sont membres de votre réseau peuvent-ils constater une mesure prise par le Canada et s'en inspirer pour la reproduire dans leur propre Parlement? Est-ce possible, selon vous?

[Traduction]

    Je pense que la vérité, pour une raison ou une autre, c'est que les services diplomatiques du Groupe des cinq, notamment, sont très réticents à faire quoi que ce soit pour exiger que la Chine rende compte de ses actions, quelles qu'elles soient. Il faut beaucoup de pression, de pression parlementaire, pour que cela arrive. Dans tous les cas où j'ai vu des mesures gouvernementales contre la Chine — ce qui inclut la persécution des Ouïghours dans le nord-ouest de la Chine et de nombreux autres exemples, y compris Hong Kong —, il a fallu une forte pression du public et des parlementaires pour accomplir quoi que ce soit.
    Ce que vous avez fait exerce une grande influence, évidemment, mais cela n'a pas été assez pour parvenir à une reddition de comptes, car nos gouvernements n'ont toujours pas pris de mesures en ce sens.

[Français]

     Merci, monsieur Brunelle‑Duceppe.
    Monsieur Johns, vous avez maintenant la parole pour sept minutes.

[Traduction]

    Premièrement, à l'instar de tous les membres du Comité, je tiens à remercier M. Lai. Je vous salue, ainsi que votre famille et votre père. Je vous remercie du courage dont vous avez fait preuve en cette période très difficile et je vous remercie de votre leadership aussi. Je tiens à remercier tous les témoins de leur travail extrêmement important pour les droits de la personne, la justice, la liberté et la démocratie.
    Je vais simplement poursuivre dans la veine des questions de mon collègue, M. Brunelle-Duceppe.
    Il y a les motions adoptées à la Chambre et au Sénat demandant la libération de M. Lai. Nous avons vu les Américains et les Britanniques... Je pense que Mme Gallagher a souligné leur rôle, leur bravoure et le courage dont ils ont fait preuve.
    Monsieur de Pulford, vous avez parlé du Groupe des cinq, de résistance et de réticence, mais certains membres sont passés à l’action et ont adopté une position plus ferme. D'où vient la réticence, au Canada? Qu'avez-vous tiré des conversations que vous avez eues, et quelles sont vos constatations? Monsieur de Pulford, vous pourriez commencer à répondre à cela, car nous constatons que d'autres pays du Groupe des cinq ont bougé et ont adopté une position plus audacieuse.
    Je ne veux pas tenir des propos déplacés. Je viens du Royaume-Uni, et je ne veux pas sembler trop injuste à l'égard d'Affaires mondiales Canada, d'autant plus que le ministère s'est montré très déterminé et avant-gardiste pour de nombreuses positions stratégiques.
    Je dirais que je trouve que le Royaume-Uni a été très lent à agir dans le cas de M. Jimmy Lai. Il n'a été déclaré citoyen britannique que très récemment, alors qu'il l'a toujours été. Il a fallu beaucoup de pression pour obtenir cette déclaration, et la rencontre avec le secrétaire britannique aux Affaires étrangères a eu lieu très récemment.
    En outre, puisque le Royaume-Uni et la Chine étaient les deux détenteurs d'obligations en vertu de la Déclaration conjointe sino-britannique, le Royaume-Uni avait plus d'intérêts en jeu, mais cela n'excuse pas d'autres gouvernements de leur manque de fermeté. J'espère simplement que le Canada emboîtera le pas, ce qu'il fera, je pense, si la pression est suffisante, du moins je l'espère.

  (1640)  

    Madame Leung, vous pourriez peut-être ajouter quelque chose, étant donné que vous comprenez la dynamique en jeu. Vous avez observé ce qu'ont fait les Américains en adoptant une approche un peu plus courageuse. Selon vous, qu'est-ce que le Canada devrait et pourrait faire? En quoi est‑il si important que le gouvernement du Canada demande la libération de M. Lai?
    À ce jour, le gouvernement du Canada n'a pas demandé la libération de M. Jimmy Lai. Le ministère des Affaires mondiales a indiqué qu'il surveille les procès, mais ce n'est pas assez. Nous devons adopter une position ferme et condamner la persécution politique, ce que l'on peut difficilement qualifier de « procès ». Ce qui arrive à M. Jimmy Lai est de la pure persécution politique et une suppression flagrante des libertés fondamentales.
    Le Canada a toujours défendu les droits de la personne, y compris à Hong Kong. Il y a 300 000 Canadiens à Hong Kong et 500 000 Hongkongais au Canada. Notre enjeu, c'est aussi la relation entre les peuples. Il y a toujours un risque que les Canadiens à Hong Kong fassent l'objet du même type de persécution — même si ce ne serait peut-être pas avec la même ampleur ou la même visibilité — si nous continuons de laisser la situation perdurer sans rien dire.
    Le Royaume-Uni et les États-Unis ont tous deux demandé la libération de M. Jimmy Lai. La déclaration du Royaume-Uni a été faite par M. David Cameron. La déclaration américaine est venue du département d'État. Le Canada a adopté une résolution au Parlement, mais notre gouvernement n'a pas pris position. Je pense qu'il est important que nous exprimions clairement notre position sur la question et, aussi, que nous prenions l'initiative à cet égard.
    Quelles autres mesures le gouvernement pourrait‑il prendre, au‑delà de dénoncer la situation? Quels efforts pourrait‑il déployer auprès de la communauté internationale? Pouvez-vous également nous parler des craintes éprouvées par les 500 000 Canadiens qui se trouvent à Hong Kong et de l'effet que cette affaire a sur eux?
    Selon moi, le gouvernement du Canada doit absolument imposer des sanctions aux dirigeants hongkongais. Nous avons un régime de sanctions découlant de la loi de Magnitski, et pourtant, pour des raisons qui m'échappent, aucune sanction n'a été prise contre la Chine en vertu de ce régime.
    Les États-Unis ont infligé des sanctions à 25 dirigeants; il faut que nous fassions de même. Des gens comme le chef de l'exécutif de Hong Kong, John Lee, jouent un rôle direct dans les violations des droits de la personne — y compris à l'égard de Jimmy Lai —, dans les actes de torture perpétrés pour obtenir des aveux, et plus encore.
    Je devrais ajouter que le gouvernement de Hong Kong reçoit ses ordres de Pékin. Par conséquent, la stratégie que nous emploierons envers la République populaire de Chine aura une incidence directe sur la situation relative aux droits de la personne à Hong Kong.
    Merci.
    Madame Gallagher, pour faire suite aux observations de Mme Leung concernant les sanctions, nous avons parlé de John Lee.
    Madame Gallagher, pouvez-vous nommer d'autres personnes qui devraient être frappées de sanctions en vertu de la loi de Magnitski? Le Canada dispose d'un cadre législatif à cet effet.
    Puis‑je vous fournir une réponse sur les sanctions plus tard? Je dois m'informer.
    M. Gord Johns: Certainement.
    Mme Caoilfhionn Gallagher: Puis‑je ajouter quelque chose au sujet des autres mesures que le Canada pourrait prendre?
    Nous appuyons sans réserve les observations de Mme Leung. Je dirais qu'il y a trois mesures principales.
    D'abord, évidemment, le gouvernement doit demander clairement la libération immédiate de Jimmy Lai. Il doit le faire publiquement, ainsi que par l'intermédiaire de ses relations bilatérales avec les dirigeants de la Chine et de Hong Kong.
    Ensuite, nous demandons au Canada de profiter de tribunes multilatérales pour attirer l'attention sur cette affaire et sur ses implications. Au cours des prochaines semaines, la rapporteuse spéciale sur la torture présentera son rapport annuel au Conseil des droits de l'homme des Nations unies. Nous nous attendons à ce que le Canada soulève ses profondes préoccupations concernant Andy Li et Jimmy Lai lorsqu'il aura l'occasion de prendre la parole durant les discussions sur la torture. D'après nous, ce serait une erreur de se taire.
    Finalement, pour ajouter à ce que Mme Leung a dit, à l'heure actuelle, il y a 300 000 Canadiens à Hong Kong, et plus de 200 entreprises canadiennes. L'histoire de Jimmy Lai doit nous inciter à la prudence. En un mot, c'est l'histoire d'un vol d'entreprise parrainé par l'État. Les activités d'une entreprise médiatique incroyablement prospère ont été interrompues par ordre de l'exécutif. En vertu des lois actuelles relatives à la sécurité nationale et à la sédition, toute entreprise canadienne pourrait subir le même sort si l'un de ses employés aime un gazouillis qui déplaît aux autorités, s'il émet des propos controversés ou s'il s'oppose aux autorités. C'est extrêmement inquiétant pour l'ensemble des entreprises canadiennes et des citoyens canadiens qui se trouvent à Hong Kong en ce moment. Le gouvernement canadien doit se porter à leur défense.

  (1645)  

[Français]

     Merci.
    Merci, monsieur Johns.
    Nous passons maintenant à notre deuxième tour de table et j'inviterais M. Ehsassi à prendre la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie M. Lai, ainsi que tous les témoins ici présents. Je vous suis très reconnaissant pour les efforts remarquables que vous déployez depuis de nombreuses années.
    Permettez-moi également d'exprimer ma grande admiration pour M. Lai. C'est un véritable modèle de courage, un individu qui défend ses principes. L'image de l'arrestation de M. Lai est à jamais gravée dans ma mémoire, tout comme sa détermination et sa volonté de défendre les principes de liberté de presse et de primauté du droit.
    Ma première question est pour M. de Pulford ou Mme Gallagher.
    Vous avez affirmé que le Royaume‑Uni avait reconnu récemment que M. Lai détient la citoyenneté britannique. Je soupçonne que c'est en partie parce que le Royaume‑Uni voulait démentir les accusations non fondées selon lesquelles M. Lai conspirerait avec des gouvernements étrangers. La bonne nouvelle, c'est que sa citoyenneté britannique est maintenant reconnue.
    Aujourd'hui, le gouvernement britannique prend‑il la défense de M. Lai de quelque façon que ce soit? Quelles sont vos attentes par rapport au gouvernement britannique?
    Je serai très bref.
    J'ai eu une réunion avec le ministre britannique à ce sujet il y a quelques jours parce que mon nom figurait sur la liste des complices. Je lui ai demandé d'intervenir vigoureusement. Comme beaucoup de pays, le Royaume‑Uni hésite à prendre des mesures qui risqueraient de provoquer une forte réaction de la part de Pékin. Malheureusement, c'est devenu une contrainte.
    Nous aimerions que le gouvernement britannique impose des sanctions aux personnes impliquées en modifiant l'avis relatif aux risques commerciaux. Les États‑Unis sont touchés de beaucoup moins près que le Royaume‑Uni, et pourtant, comme on vous l'a déjà dit, ils ont infligé des sanctions à 25 personnes. Sur ce plan, le Royaume‑Uni accuse un retard.
    Je cède la parole à Mme Gallagher.
    Merci beaucoup pour la question.
    Trop souvent, les prisonniers politiques doivent se battre sur deux fronts. En plus de livrer bataille contre le pays qui les détient, ils doivent faire des pieds et des mains pour que leur propre gouvernement se porte à leur défense. Malheureusement, Sébastien Lai, Jimmy Lai et nous avons dû attendre longtemps avant que le gouvernement du Royaume‑Uni prenne la défense de Jimmy Lai, un ressortissant britannique. Nous sommes très reconnaissants envers lord Cameron pour ce qu'il a fait et pour le profond changement qui s'opère actuellement. Je le répète, le Canada a joué un rôle déterminant dans ce dossier avant Noël. C'est une très bonne chose, mais maintenant, il doit absolument user de son influence.
    L'une de nos grandes préoccupations, c'est que le gouvernement britannique continue à tenir un double discours. Lorsqu'il est question de droits de la personne et de politique étrangère, il soulève l'affaire de Jimmy Lai, mais lorsqu'il est question de commerce et d'économie, il n'en parle pas. À maintes occasions, des ministres des Affaires étrangères ont exprimé des préoccupations par rapport à Jimmy Lai, aux droits de la personne et aux libertés civiles à Hong Kong, mais immédiatement après, des envoyés commerciaux et des ministres du Commerce se sont rendus sur place en faisant comme si tout se passait normalement. Nous trouvons cela très préoccupant.
    Je devrais ajouter que nous avons la même préoccupation à l'égard du Canada. D'un côté, nous avons vu le langage ferme que la Coalition pour la liberté des médias a employé dans la déclaration qu'elle a publiée pendant les Fêtes — elle n'est pas allée jusqu'à demander la libération de Jimmy Lai, mais elle a dénoncé la situation —; de l'autre, les entreprises canadiennes reçoivent toujours le message que tout se passe normalement et que c'est un endroit sûr où faire des affaires. Voilà pourquoi il est important d'émettre un avis relatif aux risques commerciaux, comme M. de Pulford l'a recommandé.
    Le gouvernement américain met en garde les entreprises américaines: il les avertit qu'en faisant des affaires à Hong Kong, elles s'exposent à des risques importants; elles exposent également leurs employés et leurs proches à des risques importants. Pourquoi le Canada et le Royaume‑Uni ne font-ils pas de même? Nous discutons aussi avec l'Union européenne pour tenter de comprendre pourquoi elle n'a pas émis d'avis semblable. Tous continuent à agir comme si nous étions toujours en 2015, mais nous sommes en 2024. Le paysage est complètement différent. Il faut avertir les entreprises des risques.
    Vous avez tout à fait raison.
    Madame Gallagher, monsieur Price, je comprends que vous utilisez tous les outils juridiques à votre disposition, mais il a seulement été question de la rapporteuse spéciale sur la torture, qui a publié une déclaration sur un des individus, M. Andy Li, à qui l'on aurait soutiré des aveux. Y a‑t‑il d'autres rapporteurs spéciaux ou instances de l'ONU qu'il faudrait tenter de convaincre de durcir le ton?

  (1650)  

    Merci, monsieur Ehsassi.
    Pouvez-vous répondre brièvement, s'il vous plaît?
    Oui. Je pourrai donner plus de détails plus tard.
    En bref, nous attendons la réponse du Groupe de travail sur la détention arbitraire, qui a soulevé des préoccupations directement auprès de la Chine l'an dernier. Quatre rapporteurs spéciaux ont demandé la libération de Jimmy Lai. C'est sans précédent. Je peux vous fournir les détails de chacun des quatre rapporteurs spéciaux. Nous sommes reconnaissants aux Nations unies pour le soutien qu'elles nous ont fourni jusqu'à maintenant. C'est très important que le Canada insiste là‑dessus durant la session du Conseil des droits de l'homme qui aura lieu en mars. Ce sera l'occasion de nous soutenir et d'appuyer les quatre rapporteurs spéciaux qui ont réclamé la libération de Jimmy Lai.

[Français]

     Merci, madame.
    Maintenant, j'invite M. Majumdar à prendre la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Monsieur Lai, je suis ravi de vous voir. Je vous remercie de vous joindre à nous virtuellement. Je sais que le chef de l'opposition, M. Pierre Poilievre, a été très impressionné par les témoignages que vous avez présentés, vous et votre équipe, durant la réunion de décembre. Vous êtes une force de la nature; je vous remercie.
    Ma question s'adresse à vous et à votre équipe d'avocats. Pourquoi Jimmy Lai a‑t‑il été ciblé? Pourquoi fait‑il si peur au Parti communiste chinois?
    Mon père a montré qu'il y avait d'autres possibilités. Au moyen d'Apple Daily, il a montré qu'il était possible de présenter l'actualité sans se soumettre au gouvernement et sans lécher les bottes des élites. Il a aussi montré qu'il était possible de diriger une entreprise prospère à Hong Kong sans courber l'échine devant la Chine. Cela n'a pas plu au gouvernement, qui n'aimait pas que quelqu'un soit capable de lui résister et d'échapper à son emprise. C'est ce que mon père a fait pendant 30 ans.
    Par ailleurs, la population de Hong Kong a montré que les valeurs de liberté lui tiennent vraiment à cœur. Deux millions de personnes ont participé à une manifestation pour la démocratie. C'est l'équivalent de 20 à 30 % de la population hongkongaise. Pouvez-vous imaginer une telle chose ailleurs? Ce serait absolument fou. Or c'est ce qu'était Hong Kong, et je crois que dans le cœur de la population, cela n'a pas changé. C'est à cela que le gouvernement s'en prend.
    Mon père représente un amalgame de tout cela, lui qui est arrivé clandestinement à Hong Kong il y a près de 60 ans et qui lutte aujourd'hui pour sa patrie et son droit à la liberté.
    Si vous me permettez, j'aimerais ajouter que pour Hong Kong et la Chine, les enjeux sont importants. Ils ont choisi de s'attaquer à la plus grosse cible possible, même s'il y en avait des plus riches.
    Comme M. Lai l'a dit, il y a des hommes plus riches à Hong Kong, mais le gouvernement chinois n'a pas eu à s'en prendre à eux parce qu'ils avaient déjà courbé l'échine. Pour sa part, Jimmy Lai est un esprit libre qui incarne l'indépendance, la liberté d'expression et la liberté de manifester. Cet homme extraordinaire personnifie toutes ces valeurs. Le gouvernement s'est donc dit que s'il réussissait à se défaire de lui au moyen d'une loi sur la sécurité nationale, il enverrait du même coup un message très clair à toutes sortes de groupes hongkongais, comme ceux qui revendiquent la liberté d'expression, la liberté de commercer ou la liberté de manifester pacifiquement. Le gouvernement pourrait l'empêcher de faire tout cela à la fois.
    Comme vous le savez, le taux de condamnation lié à la Loi sur la sécurité nationale est de 100 %. La réussite du gouvernement est donc pratiquement assurée; elle est inévitable. S'il le cible au moyen de la Loi sur la sécurité nationale... N'oubliez pas qu'il a déjà été reconnu coupable d'infractions en vertu de la Loi fondamentale, des infractions liées à la liberté de manifester pacifiquement et à la liberté d'expression.
    La Loi sur la sécurité nationale a été introduite en 2020 pour qu'il soit possible de conclure qu'une personne comme Jimmy Lai représente une menace pour la sécurité nationale. Or rien n'est plus faux.
    Jimmy Lai défendait la sécurité nationale de Hong Kong. Ce n'était pas un radical. Il cherchait à maintenir le statu quo. Les radicaux, ce sont les autoritaristes chinois qui s'infiltrent par le nord. Ce sont eux qui veulent transformer le mode de vie à Hong Kong, et non les personnes comme Jimmy Lai. Voilà pourquoi la Loi sur la sécurité nationale est si pernicieuse et pourquoi le gouvernement cible Jimmy Lai.

  (1655)  

    Je vous remercie pour votre réponse très éclairante.
    Il me reste une minute pour poser une question à la représentante de Hong Kong Watch sur les mesures que le Canada peut prendre.
    Comme vous le savez, j'ai été conseiller auprès du gouvernement Harper avant que la population canadienne nous donne notre congé. Je suis Apple Daily quotidiennement depuis.
    Vous recommandez d'imposer des sanctions à des invididus. À qui pensez-vous exactement et pourquoi?
    Je vous remercie pour la question. J'ai une liste de quatre dirigeants hongkongais qui détiennent des biens au Canada et qui participent directement à l'application de la Loi sur la sécurité nationale ou qui la soutiennent.
    D'abord, il y a Wong Kam-sing, secrétaire à l'Environnement. Sa femme et lui détiennent une propriété à Vancouver. À titre de membre du conseil exécutif, il soutient publiquement la Loi sur la sécurité nationale et il compte parmi les responsables de son application.
    Ensuite, il y a Andre Lam Siu‑lo et Kennedy Wong Ying‑ho. Tous deux sont membres du conseil législatif réservé aux patriotes et ils possèdent des biens au Canada.
    Il y a aussi Eliza Chan, qui est membre non officielle du conseil exécutif. Elle est propriétaire de deux appartements à Toronto. Elle fait partie du cabinet du chef de l'exécutif, John Lee, et elle appuie publiquement la Loi sur la sécurité nationale.
    Je souligne qu'il ne s'agit que des personnes dont nous avons connaissance. Nous n'avons aucune façon de savoir qui d'autre possède des biens au Canada. Nous exhortons le gouvernement du Canada à effectuer une vérification des liens financiers et personnels qu'entretiennent les dirigeants hongkongais et leurs conjoints ou conjointes avec le Canada, y compris, bien entendu, le chef de l'exécutif et les membres de son cabinet.
    Merci.
    Merci, monsieur Majumdar.

[Français]

     Monsieur Brunelle‑Duceppe, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Avec ironie, je salue les quatre dernières personnes qui viennent d'être nommées. C'est de l'humour québécois.
    Monsieur Lai, qu'est-ce qui arriverait si quelqu'un à Hong Kong affichait son soutien envers votre père? Est-ce que c'est possible, premièrement? Est-ce que les gens oseraient le faire? Si quelqu'un osait le faire, qu'est-ce qui lui arriverait, selon vous?

[Traduction]

    Comme la connexion n'est pas très bonne, je n'ai pas entendu toute la question. Avez-vous demandé s'il était possible d'afficher ouvertement son soutien envers mon père à Hong Kong? Oui.
    Ce serait extrêmement difficile d'afficher ouvertement son soutien envers mon père ou envers la démocratie à Hong Kong. Le climat actuel est dur à décrire. Je dirai simplement que toutes les libertés dont jouissait la population hongkongaise et qu'elle tenait pour acquises sont maintenant chose du passé. À un moment donné, il était même risqué de tenir une feuille de papier blanche.
    Je vous donne aussi l'exemple de la veillée aux chandelles en mémoire des victimes de Tiananmen. Elle n'a pas eu lieu l'année dernière. Hong Kong était le seul territoire appartenant à la Chine où il était toujours possible de rendre hommage aux personnes décédées sur la place Tiananmen. Maintenant, ce n'est plus possible.
    À mes yeux, cela en dit long sur la situation actuelle à Hong Kong.

[Français]

     Cela m'amène à poser une question à la représentante de Hong Kong Watch.
    Il y a tout de même une grande communauté canadienne d'origine hongkongaise, ici, au Canada. On a parlé plus tôt de répression transnationale. Est-ce que ça peut être ici aussi une source de préoccupation pour les personnes qui souhaitent afficher leur soutien à Jimmy Lai?

[Traduction]

     Merci pour la question.
    Le risque existe à cent pour cent. Certaines personnes m'ont relaté leur expérience. Des membres de la communauté m'ont dit que pendant qu'ils assistaient à un événement où le nom « Hong Konger » était visible, des individus sont sortis de chez eux pour les prendre en photo. Ce n'est là que la pointe de l'iceberg.
    J'ai entendu parler de Hongkongais qui sont venus au Canada pour échapper à la persécution politique. Après avoir participé à un rassemblement prodémocratie au Canada, ils sont retournés chez eux avec des dépliants, des autocollants et des affiches portant des inscriptions prodémocratie et ont mis ces articles dans la chambre qu'ils louaient. Le propriétaire les a évincés en invoquant d'autres raisons.
    Une des personnes expulsées a découvert plus tard que le propriétaire était un membre important du Département du travail du front uni. Cet épisode s'est produit en sol canadien.
    En plus des éléments connus de l'ingérence étrangère, comme les postes de police à l'étranger ou l'intimidation commise à l'endroit des membres de la communauté, ces situations font partie de la réalité des Hongkongais au Canada, comme c'est le cas pour les Ouïghours, les Tibétains, les membres du Falun Gong et d'autres groupes dissidents qui sont venus au Canada en quête de liberté, mais qui ont découvert qu'ils n'étaient pas hors de portée des tentacules du Parti communiste.
    J'exhorte le gouvernement à se pencher plus sérieusement sur les répercussions de la répression transnationale dans la communauté.

  (1700)  

[Français]

    Si des citoyens canadiens d'origine hongkongaise subissent au Canada de la répression transnationale parce qu'ils affichent leur soutien à Jimmy Lai, c'est une raison de plus pour que le gouvernement canadien agisse dans le dossier de Jimmy Lai.
    Madame Gallagher, vous avez parlé dans votre allocution de menaces envers votre propre équipe juridique. En quoi consistaient ces menaces?

[Traduction]

    Merci pour la question.
    Je soutiens entièrement ce que vient de dire Mme Leung sur la gravité de la situation.
    Sébastien Lai et nous, les avocats qui défendent la cause de son père, avons fait face à toute une série de menaces. Lorsque M. Lai a osé prononcer un discours devant les Nations unies l'an dernier, il a été stoppé par la Chine. Les autorités de Hong Kong ont diffusé une déclaration officielle à son sujet et sur notre équipe. À de multiples reprises, les médias d'État chinois m'ont qualifiée d'« élément anti-chinois notoire ».
    Le plus inquiétant, c'est que mes collègues et moi-même — les membres féminins de l'équipe davantage que M. Price — avons été mises sous surveillance dans le but de nous intimider, au Royaume‑Uni et ailleurs dans le monde. Nous nous en sommes aperçus dans l'édifice des Nations unies à Genève. Une enquête des services de sécurité genevois a conclu que des agents de l'État nous suivaient à la trace. C'est très intimidant.
    J'ai reçu à maintes reprises des menaces de viol et des menaces de mort. On a aussi menacé de me démembrer et de faire la même chose à mes enfants. Ces menaces sont toujours proférées les jours où se déroulent des étapes importantes des procédures. Les jours où je m'apprête à présenter une preuve ou un témoignage, par exemple, je m'aperçois qu'on a tenté à plusieurs reprises de pirater mes comptes bancaires et mes courriels. Des menaces sont adressées aux membres de ma famille et à moi-même. Les médias d'État diffusent des critiques à mon endroit. Il arrive aussi assez souvent que des déclarations officielles me concernant soient publiées.
    Aujourd'hui, nous ne parlons pas de moi ou de mon équipe. Nous nous préoccupons de Jimmy Lai, 76 ans, qui est emprisonné parce qu'il est journaliste et militant prodémocratie.
    Chaque fois que ces menaces injustifiées planent sur ma famille, les membres de mon équipe ou moi-même, ou chaque fois que Sébastien Lai est visé une énième fois, nous saisissons la pleine mesure de ce qu'ils sont prêts à faire pour condamner Jimmy Lai. Toutes les ressources qu'ils investissent pour intimider les personnes qui interviennent publiquement en faveur du militant — un fils qui se porte à la défense de son père ou un avocat qui interjette appel aux Nations unies — dénotent à quel point ils veulent réduire Jimmy Lai au silence.

[Français]

    Je n'ai pas eu l'occasion de remercier tous les témoins, plus particulièrement M. Lai, de leur présence aujourd'hui.
    C'était mon dernier tour de parole. Merci infiniment d'avoir été des nôtres dans le cadre de cette étude importante.
    J'inviterais M. Gord Johns à prendre la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Merci.
    Je reviens à Mme Kwong.
    Vous avez parlé des échecs de la communauté internationale.
    Pourriez-vous nous dire ce que devrait faire le comité international — y compris le Canada — pour aider à faire bouger les choses et à contrebalancer cet échec? Pourriez-vous expliciter un peu cet aspect?
     Des promesses ont été faites à Hong Kong, notamment dans la Déclaration conjointe sino-britannique. Ce traité enregistré au répertoire des Nations unies devrait être protégé par les Conventions de Vienne — la loi qui régit le traité —, mais le Royaume‑Uni n'a même pas soulevé d'objection. Aucun des pays impliqués dans ce mécanisme du droit international n'a fait quoi que ce soit au sujet des violations du traité.
    Mme Leung, M. Gallagher et M. de Pulford ont mentionné une foule de mesures qui pourraient être prises. J'ajouterais qu'il faut presser le Canada de chercher une solution en collaboration avec des alliés comme le Royaume‑Uni, les États‑Unis et les gouvernements d'autres pays pour contrer le rejet unilatéral de la double nationalité par Pékin qui impose de manière invasive la citoyenneté chinoise à tous les ressortissants chinois, y compris à ceux qui ont déjà renoncé à leur citoyenneté chinoise ou aux enfants de ceux qui sont nés à l'extérieur de la Chine. Les autorités refusent à ces personnes l'accès aux services consulaires en soutenant que ce sont des citoyens chinois avant d'être des citoyens canadiens ou britanniques. Cette politique cause beaucoup de problèmes à Hong Kong. Je suis certaine que le gouvernement canadien est confronté aux mêmes problèmes, non seulement dans le contexte de Hong Kong, mais aussi dans le contexte des prisonniers en Chine qui se sont vu refuser l'accès aux services consulaires. Nous ne pouvons pas plier l'échine et laisser Pékin bloquer l'accès aux services et aux droits consulaires.
    En même temps, je suis entièrement d'accord avec tout ce que les autres témoins ont mentionné. Tellement de choses pourraient être faites, dont l'imposition de sanctions, mais il faut aussi aborder la question des prisonniers politiques et la situation de Hong Kong et de la Chine lors de toutes les rencontres bilatérales ou multilatérales. Il est notoire que le gouvernement chinois et le gouvernement de la région administrative spéciale de Hong Kong quittent les négociations ou les conversations lorsque ces dossiers sont abordés, mais voilà exactement les raisons pour lesquelles il faut insister pour tenir ces conversations. Ils ne peuvent pas refuser de parler de certaines choses seulement parce que ces thèmes leur déplaisent et qu'ils ont fait quelque chose de mal.

  (1705)  

    Monsieur Lai, voulez-vous ajouter quelque chose, vous qui militez vigoureusement, il va sans dire, pour la libération de votre père et qui discutez avec les gouvernements un peu partout dans le monde? Pourriez-vous parler des mesures courageuses prises par certains gouvernements et de ce que nous pouvons faire au Canada pour défendre la cause de votre père?
    Je suis désolé. La question s'adressait-elle à moi? J'ai perdu la connexion. Je n'ai pas entendu les trois à cinq dernières minutes.
    M'entendez-vous à présent?
    Le son est très mauvais. Je suis désolé. Je ne sais pas quel est le problème. Le son a soudainement... Je suis vraiment désolé.
    Nous pouvons répondre à la question.
    Vous pouvez répondre, mais je vous prierais de le faire rapidement, car j'aurais aussi une question très brève pour Mme Leung.
    Mon collègue pourrait lui envoyer la question par message texte — nous pouvons communiquer directement avec lui par messagerie — si vous le souhaitez. Nous serions heureux de répondre, mais si vous voulez utiliser votre temps pour... Très bien.
    D'abord et avant tout, le nom de Jimmy Lai devrait être sur les lèvres des ambassadeurs canadiens partout dans le monde lors de tous les échanges avec la Chine. Il faut adopter cette attitude, car il est capital que le Canada prenne la défense de Jimmy Lai et soulève les problèmes dont nous sommes saisis aujourd'hui non seulement lors des discussions sur les droits de la personne, mais aussi chaque fois que la délégation chinoise se rend à Davos ou encore lorsqu'elle était présente à Genève pour l'Examen périodique universel.
    Ces thèmes doivent être abordés lors des discussions sur le commerce, car la Chine et Hong Kong tiennent vraiment à ce que cette dernière demeure un centre d'investissement, un endroit sécuritaire où conduire des affaires. Il est primordial que le Canada et d'autres États aux vues similaires envoient à ces parties le message qu'aussi longtemps que Jimmy Lai — une figure de la trempe de Nelson Mandela — sera derrière les barreaux et que la loi sur la sécurité nationale sera appliquée de cette manière, celles‑ci ne pourront pas atteindre l'objectif stratégique consistant à faire de Hong Kong un centre d'investissement international assez attrayant pour que les entreprises y restent et y retournent. Voilà le point qu'il faut faire comprendre.
    Monsieur le président, me reste‑t‑il une minute? Je voudrais seulement...

[Français]

     Il vous reste 20 secondes.

[Traduction]

    Madame Leung, pourriez-vous souligner l'importance des sanctions et d'autres mesures que le Canada devrait imposer?
    Veuillez fournir une réponse courte.
    Le Canada a imposé des sanctions contre des États qui ne respectent pas les droits de la personne. Il devrait faire la même chose pour Hong Kong.

[Français]

    Merci, monsieur Johns.
    Nous avons assez de temps pour un autre tour de questions de quatre minutes par membre.
    Madame Vandenbeld, vous avez la parole pour quatre minutes.

[Traduction]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je ne sais pas si vous pouvez nous entendre, monsieur Lai, mais je voudrais vous remercier, vous et votre père. Merci de votre courage et de votre persévérance incroyables, et de votre témoignage devant le Comité aujourd'hui.
    Ces remerciements valent pour tous les témoins qui sont parmi nous. Merci beaucoup de votre témoignage et de votre courage.
    Madame Gallagher, je vais revenir sur un commentaire que vous avez fait, que j'ai trouvé frappant. Vous avez dit que les régimes autoritaires apprenaient les uns des autres et qu'ils reproduisaient certaines tactiques.
    La militarisation de la loi et le harcèlement judiciaire sous forme de procédures fallacieuses dont vous parliez me rappelle un peu la persécution dont est victime Maria Ressa, aux Philippines, et d'autres personnes ailleurs dans le monde.
    Pourriez-vous nous parler un peu plus de ces tendances des États autoritaires à emprunter aux méthodes utilisées ailleurs et à les retransmettre à leur tour?

  (1710)  

    Merci beaucoup.
     Merci de mentionner le cas de Maria Ressa. Maria Ressa est ma cliente. Cette lauréate du prix Nobel est prise pour cible aux Philippines pour avoir osé tenir tête aux pouvoirs en place. Son histoire et celle de Jimmy Lai se recoupent en plusieurs points. Dans les deux cas, les tactiques ne visaient pas seulement un journaliste, mais des réseaux et des écosystèmes médiatiques entiers tels que le Apple Daily à Hong Kong et le Rappler aux Philippines. Les mêmes tactiques ont été déployées au Guatémala contre José Rubén Zamora, fondateur et propriétaire du elPeriódico, journal qui, à l'instar du Apple Daily, défend la démocratie et les droits de la personne et combat la corruption. Au Pakistan, Mir Shakil‑ur‑Rahman, propriétaire et fondateur de Geo TV, a subi le même sort.
    Une tendance qui s'incruste est la guerre juridique. Une tactique de plus en plus prisée est l'utilisation de règlements et de lois sur la fraude contre des journalistes et des propriétaires de médias. En effet, si une poursuite est intentée, par exemple, en vertu d'une loi contre la diffamation concernant un article de journalisme d'intérêt public, une bonne partie de la population croira instinctivement que quelque chose ne va pas. En entendant Maria Ressa se faire accuser de manière entièrement frauduleuse d'évasion fiscale, ou Jimmy Lai se faire traiter de fraudeur, certaines personnes seront amenées à penser qu'il n'y a pas de fumée sans feu. Cette tactique est employée parce qu'elle porte atteinte non seulement au message, mais aussi au messager. Elle est observée depuis quelques années par les experts des Nations unies, les organismes non gouvernementaux — tels que Citizens for Public Justice et Reporters sans frontières — et les avocats comme nous qui travaillent sur le terrain.
    Pourtant, aucune réponse organisée n'est mise en œuvre à ce jour. Le Canada démontre un vrai leadership sur la liberté de la presse par le truchement de la Coalition pour la liberté des médias et d'autres groupes. Il est temps, selon nous, d'admettre que les ennemis de la liberté de la presse sont organisés. Nous devons nous mobiliser nous aussi. Il est grand temps de prendre acte des différentes tendances et tactiques et de mettre au point des moyens de les déjouer.
    Je suis ravie que vous ayez mentionné la Coalition pour la liberté des médias parce que comme vous l'avez dit, le Canada est un chef de file dans le domaine.
    Y aurait‑il un moyen de désamorcer ces tactiques et de les exposer au grand jour? Je pense que les témoignages livrés aujourd'hui sont une façon de dévoiler les stratagèmes déployés contre les journalistes pour museler les médias libres.
    Je crois fermement que le soleil est le meilleur désinfectant. Il est très important de faire ressortir les tactiques et de les désigner comme telles. Je suis très reconnaissante au Sous-comité de se prêter à cet exercice aujourd'hui. Grâce au pouvoir parlementaire, vous pouvez aussi mettre en lumière ces stratagèmes dans un communiqué ou au moyen d'autres canaux tels que des déclarations de députés, des résolutions ou des motions.
    Je pense que la Coalition pour la liberté des médias serait un bon véhicule. Le hic, toutefois, est la lenteur des processus en raison entre autres du grand nombre d'États membres, comme en fait foi la déclaration diffusée en décembre dernier. C'est très bien d'avoir 24 États signataires. Par contre, c'est aussi se condamner à adopter le plus bas dénominateur commun. Les passages les plus controversés ou les plus musclés sont retirés pour rallier le plus grand nombre possible de signataires.
    Il y a d'autres avenues possibles et je serais ravie d'en discuter plus en détail. Ces tendances s'enracinent. Nous devons nous outiller pour les combattre.
    Une mesure très concrète que peut prendre le Canada... Souvent, dans les cas comme ceux‑ci — cela est survenu à un stade antérieur de l'affaire Jimmy Lai — la surveillance des tribunaux se concentre uniquement sur les affaires de diffamation ou sur les affaires liées à la loi sur la sécurité nationale. Nous devons demander aux États pourquoi ils ne se penchent pas sur les affaires liées aux manifestations ou aux fausses accusations de fraude. Nous avons consacré du travail sur ces cas. Habituellement, l'attention se porte sur les cas emblématiques traités au moyen d'instruments juridiques traditionnels, et non pas sur les autres. Ces choses doivent changer.
     Merci, madame Vandenbeld.

[Français]

     J'invite M. Genuis à prendre la parole pour quatre minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Madame Gallagher, nous allons devoir vous réinviter à témoigner pour que vous nous en disiez plus sur les autres cas importants sur lesquels vous travaillez. Je pense que ce serait très instructif.
    J'aimerais toutefois me concentrer, pendant mon dernier temps de parole, sur certaines recommandations formulées à l'intention du gouvernement du Canada concernant les procédures judiciaires du cas de Jimmy Lai. Il ressort des témoignages que nous avons entendus aujourd'hui le désir manifeste que la ministre Joly fasse au nom du gouvernement une déclaration pour demander la libération de Jimmy Lai. Ce souhait était très clair.
    Des recommandations ont été formulées sur l'imposition de sanctions contre les persécuteurs de M. Lai. Voilà un autre point important à retenir.
    Un volet qui n'a pas été soulevé — mais je sais que vous avez travaillé sur ce dossier, madame Leung — est l'immigration. Actuellement, des personnes impliquées dans le mouvement démocratique à Hong Kong qui sont visées par des accusations fallacieuses associées à ce mouvement ont de la difficulté à venir au Canada parce que les dispositions pénales des lois canadiennes sur l'immigration ne tiennent pas compte du contexte de certaines des accusations portées. Je vais vous demander de nous expliquer en une minute en quoi consiste votre travail à cet égard.
    La lutte contre l'ingérence étrangère et contre la répression transnationale est un des éléments du tableau. L'oppression se manifeste au‑delà des frontières de Hong Kong. Certains témoins en ont parlé, mais j'aimerais que vous nous en disiez plus sur les mécanismes juridiques internationaux qui pourraient être utilisés à la suite des violations du droit international commises par les autorités hongkongaises, notamment la décision de faire fi de la Déclaration conjointe sino-britannique. Il existe peut-être aussi d'autres mécanismes du droit international qui pourraient être enclenchés.
    Madame Leung, vous pourriez peut-être, en 30 secondes, parler de votre travail sur les questions d'immigration. Je vais ensuite m'adresser aux avocats pour discuter des mécanismes internationaux.

  (1715)  

    Merci de la question.
    En ce qui concerne l'immigration, il y a un obstacle auquel se sont heurtés de nombreux Hongkongais qui viennent de sortir de prison ou qui ont été inculpés mais pas condamnés, et c'est l'exigence d'un certificat de police. C'est un problème, car lorsque vous demandez un certificat de police à la police de Hong Kong, vous lui signalez que vous avez l'intention de quitter le territoire. Il se peut qu'elle vous place à nouveau en détention avant votre départ ou qu'elle vous inscrive sur une sorte de liste de surveillance. Nous savons également que les personnes qui quittent Hong Kong ont du mal à transférer leur argent de Hong Kong vers les territoires d'outre-mer, ce qui constitue également une préoccupation.
    Le problème avec le certificat de police est que, même si on peut l'obtenir, certaines condamnations ont une équivalence en droit canadien. Par exemple, le port d'une arme dangereuse, lorsque l'arme en question est un parapluie, un pointeur au laser ou un stylo, peut sembler à un agent d'IRCC comme une infraction légitime, mais ce n'est pas le cas.
    J'ai parlé à de nombreux députés et fonctionnaires d'IRCC, et ils m'ont assuré que les Hongkongais qui ont une raison légitime de croire que leur persécution est d'ordre politique ont une solution et ne doivent pas présenter de certificat de police s'ils le précisent clairement dans leur demande. Toutefois, peu de Hongkongais sont au courant de cette possibilité, ce qui représente une difficulté.
    Merci.
    Je vais m'adresser à l'équipe juridique pour connaître les mécanismes juridiques internationaux précis que le Canada pourrait être amené à déclencher.
    Merci.
    La première chose que nous dirions est qu'avec le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire, le Canada peut apporter son soutien en écrivant et en déposant un dossier auprès de ce groupe de travail pour faire part de ses préoccupations concernant la détention arbitraire de Jimmy Lai. C'est une démarche que nous accueillerions favorablement et pour laquelle nous demanderions du soutien.
    Le deuxième point et le troisième point concernent la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la torture et la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la lutte antiterroriste. La rapporteuse spéciale des Nations unies sur la torture, Mme Alice Edwards, présentera son rapport annuel, je crois, le 12 mars à Genève. Le Canada dispose d'un temps de parole dans le cadre du dialogue interactif ce jour‑là. Nous pensons tout d'abord que le Canada devrait exprimer publiquement ses préoccupations concernant le recours à des preuves obtenues sous la torture et à l'absence d'enquête. Pour être clair, dès qu'on a un soupçon crédible et raisonnable qu'il y a eu recours à la torture, en vertu du droit international, un État a l'obligation d'enquêter sur cette affaire.
    Le 17 décembre, le Washington Post a publié un article très détaillé. La journaliste Shibani Mahtani a conclu, après un an d'enquête, qu'Andy Li avait été torturé et que les preuves qu'il avait fournies contre Jimmy Lai avaient été obtenues sous la contrainte. La Chine n'a absolument rien fait à ce sujet.
    Mme Alice Edwards a écrit à la Chine pour lui demander pourquoi il n'y a pas eu d'enquête, ce qu'elle fait à ce sujet et pourquoi elle s'appuie sur cet homme dans le procès de Jimmy Lai. Aucune réponse n'a encore été reçue. Elle s'est exprimée publiquement à ce sujet. Le Canada devrait la soutenir à cet égard. Nous n'avons encore vu aucun État soutenir Mme Alice Edwards dans la déclaration qu'elle a faite la semaine dernière. Il est impératif que les États le fassent le plus rapidement possible, et nous nous attendons certainement à ce qu'ils le fassent publiquement le 12 mars.
    Le dernier point concerne la rapporteuse spéciale sur la lutte antiterroriste. La loi sur la sécurité nationale est une mauvaise utilisation de la loi antiterroriste, de par sa nature même. Le Canada l'a dit dans d'autres tribunes. Il devrait le dire aux Nations unies, haut et fort, lorsque la rapporteuse présentera son rapport annuel, ce qui, je pense, se fera également le 12 mars.
    Je pense que tous les regards devraient être tournés vers ce que fera le Canada à Genève à la mi‑mars en ce qui concerne ces questions. Il existe des mécanismes internationaux qui peuvent être utilisés — il y aura une occasion dans les cinq prochaines semaines.

  (1720)  

    Merci, madame.

[Français]

     J'invite maintenant M. Brunelle‑Duceppe à prendre la parole pour quatre minutes.
    Je vous remercie de m'autoriser à poser une autre série de questions, monsieur le président.
    Madame Leung, sachez que nous essayons d'aborder le sujet au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Nous en avons parlé un peu, mais ce n'est pas encore réglé. En ce qui a trait aux certificats de police à Hong Kong, vous avez en moi un allié. Nous continuons à travailler là-dessus.
    Monsieur de Pulford, les démocraties, dont le Canada, ont tendance à adopter un certain comportement quand il est question de la Chine. Si le procès de Jimmy Lai avait lieu dans un autre pays, la demande de libération aurait probablement déjà été faite par le Canada. Or, c'est avec la Chine que nous faisons affaire. On observe que ce comportement est adopté dans plusieurs dossiers, non seulement par le Canada, mais par plusieurs autres démocraties dans le monde, chaque fois qu'il est question de la Chine.
     Quelle en est la raison, selon vous, et que peut-on faire pour mettre fin à ce comportement?

[Traduction]

    Je pense que certains membres de l'administration canadienne pourraient légitimement invoquer l'excuse selon laquelle si le Royaume-Uni n'agit pas en tant que principal détenteur de droits dans le cadre de la Déclaration conjointe sino-britannique avec la Chine, pourquoi devrait‑il le faire? J'ai entendu cet argument.
    En réalité, comme l'a dit à juste titre Chung Ching, il s'agit d'un traité lancé aux Nations unies, ce qui signifie que les responsables sont en fait nous tous, y compris le Canada, et je pense donc que vous avez raison de souligner ce point.
    Il y a une chose qui n'a pas été mentionnée, mais que le Canada pourrait certainement faire. Hong Kong, étrangement, reste partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ou PIRDCP, qui dispose d'un mécanisme de règlement des différends. N'importe quel pays peut déposer une plainte en vertu du PIRDCP, et le Canada devrait le faire. Il pourrait le faire. Cela pourrait entraîner le retrait de la Chine du PIRDCP, ce que je considère comme assez probable. Mais ce n'est pas une raison pour ne pas le faire. Une plainte déposée au titre du PIRDCP est quelque chose que les pays peuvent certainement faire pour prendre les devants.
    Merci.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur de Pulford.
    Monsieur Lai, c'est vrai, cette fois, c'est la dernière fois que j'interviens. S'il y a une dernière chose que vous aimeriez dire au Comité, vous avez carte blanche. Dites ce que vous avez à dire, ce que vous voulez exprimer. Je vous laisse le champ libre.
    Merci beaucoup, monsieur Brunelle‑Duceppe.

[Traduction]

    Tout d'abord, je tiens à tous vous remercier encore une fois. Ce qui s'est passé à Hong Kong et ce qui se passe avec mon père est, je crois, une histoire d'espoir. C'est l'espoir que tous les peuples soient attirés par la liberté, les libertés que vous avez au Canada. Il y a ce faux discours sur l'opposition entre l'Est et l'Ouest, sur le fait que ces libertés sont toutes des valeurs occidentales. Il est facile de constater que ce n'est pas vrai. Si vous regardez les passeports de tous les élites et de leurs enfants, ils ont tous des passeports britanniques, canadiens ou australiens.
    Nous avons un gouvernement qui dit une chose et en fait une autre. Nous devons montrer à ces gens, au gouvernement de Hong Kong et au gouvernement chinois, que les libertés dont nous jouissons en Occident sont des libertés que nous sommes prêts à défendre, d'une part, et qu'il ne s'agit pas d'une liberté qui s'échange comme une monnaie, d'autre part. C'est aussi un droit de la personne.
    Je suis incroyablement ému et reconnaissant que vous souteniez mon père et que vous fassiez vraiment honneur aux valeurs démocratiques qui sous-tendent le Canada. J'espère que vous continuerez d'agir de la sorte. Je tenais simplement à vous remercier tous chaleureusement une fois de plus.

[Français]

    Merci, monsieur Brunelle‑Duceppe.
    Je cède maintenant la parole à M. Gord Johns pour quatre minutes.

[Traduction]

    Monsieur Lai, y a‑t‑il quelque chose que vous n'avez pas entendu — et je sais que vous avez participé à la conversation — que vous aimeriez ajouter, que vous aimeriez demander au Canada, à ce comité et aux Canadiens, pour qu'ils contribuent à soutenir la libération de votre père afin de veiller à ce que cette situation ne se reproduise pas?

  (1725)  

    Y a‑t‑il quelque chose que j'aimerais ajouter? Pas particulièrement. Je pense que tout ce qui a été dit était très complet et que de nombreux points intéressants ont été soulevés. Je n'ai rien à ajouter, mais je vais y réfléchir, et si j'ai quelque chose à ajouter, je vous l'enverrai, si vous êtes d'accord.
    Oui, sans problème. Merci, monsieur Lai.
    Merci, monsieur.
    Madame Gallagher, vous avez parlé du Conseil des droits de l'homme et de l'importance de la réunion à venir du Conseil des droits de l'homme des Nations unies. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce que le Canada pourrait faire pour jouer un rôle de premier plan?
    La prochaine séance du Conseil des droits de l'homme se penchera sur quatre sujets en rapport avec ce dont nous avons parlé aujourd'hui. Les plus importants sont probablement la torture et la lutte contre le terrorisme, mais il y a aussi le rapporteur spécial sur les rassemblements pacifiques, qui présentera également son rapport annuel, et la rapporteuse spéciale sur les défenseurs des droits de la personne, qui se penchera sur la question de la répression transnationale des détracteurs des États autoritaires et sur le bras long de l'État qui s'étend, comme nous l'avons vu en Chine. Ce sont là quatre occasions pour le Canada de s'exprimer sur ces questions.
    Comme nous l'avons vu récemment, dans le cadre de l'Examen périodique universel de la Chine, 161 États se sont exprimés. Le Canada a fait part de ses préoccupations en matière de droits de la personne. Nous lui en sommes reconnaissants, mais nous avons vu une véritable organisation avec des voix favorables à la Chine et tout un éventail d'États qui ont fait des déclarations passe-partout et ont louangé la Chine de diverses manières.
    Il faut une plus grande organisation avec les États qui sont préoccupés par les questions que nous avons soulevées aujourd'hui. Les 24 pays qui ont signé une déclaration de la Coalition pour la liberté des médias exprimant leurs inquiétudes au sujet du cas de Jimmy Lai et de la liberté des médias à Hong Kong devraient veiller à s'organiser avant la séance du Conseil des droits de l'homme. Nous pensons que c'est l'occasion pour le Canada de faire preuve d'un véritable leadership et de mettre en lumière ces enjeux.
    Très concrètement, ce qu'ils peuvent faire, dans un premier temps, c'est s'assurer qu'au cours des cinq semaines précédant la séance du Conseil des droits de l'homme, ils s'engagent avec d'autres États pour voir ce qu'ils font et veiller à ce que ces questions soient mises en lumière.
    Deuxièmement, ils devraient se préparer à s'engager bilatéralement avec une délégation chinoise lorsqu'ils seront à Genève. C'est l'occasion d'échanger bilatéralement, de soulever ces préoccupations et d'insister sur les messages dont nous avons parlé.
    Troisièmement, dans le temps qu'ils diposent, qui est encore plus court que le temps dont nous disposons ici — ils ont généralement deux minutes et demie —, ils devraient publiquement mettre en lumière ces enjeux et cette affaire et s'assurer que la communauté international se fait entendre haut et fort et que la Chine l'entend.
    Nous savons que la Chine réagit à ce qui se passe au Conseil des droits de l'homme. Nous l'avons constaté dans d'autres cas. Nous l'avons vu exercer un véritable effet de levier. Nous avons également vu le Canada obtenir la libération de prisonniers politiques dans d'autres circonstances. Il est grand temps que la communauté internationale fasse tout en son pouvoir pour garantir la libération de Jimmy Lai avant que ce Britannique ne meure derrière les barreaux pour avoir été un journaliste et un militant de la démocratie.
    Madame Leung, il me reste environ 30 secondes si vous voulez ajouter quelque chose.
    Merci.
    Je réitère l'importance pour le Canada de montrer à la Chine et à Hong Kong que leurs violations des droits de la personne ont des conséquences. Tout d'abord, en ce qui concerne les sanctions, comme je l'ai mentionné à maintes reprises, nous devons leur montrer qu'ils ne peuvent pas s'en tirer en mettant des gens en prison pour des raisons inventées dans bien des cas et, dans d'autres cas, lorsqu'ils exercent des droits qu'ils ont, dans le cas de Hong Kong.
    Une autre chose que je voudrais souligner est que le Canada doit également exhorter les entreprises canadiennes à réfléchir soigneusement à la question de savoir si elles veulent continuer à faire des affaires avec Hong Kong. Un centre financier international n'est pas un endroit où l'on peut être jeté derrière les barreaux pour avoir dit ce qu'il ne fallait pas. Hong Kong se détériore. Son environnement commercial se détériore, et le moment de se retirer était hier.
    Merci.

[Français]

     Merci beaucoup, madame Leung.
    Chers invités, je vous remercie de vos témoignages et de votre participation à notre étude sur la détention de Jimmy Lai à Hong Kong. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer pour nous faire part de votre expertise sur cet important sujet. Si vous avez des informations supplémentaires à faire parvenir au Sous-comité, veuillez contacter le greffier. Merci beaucoup.
    Membres du Sous-comité, nous allons maintenant faire une pause de deux ou trois minutes avant de discuter de la prochaine réunion. Cette réunion sera une réunion spéciale visant à finaliser l'étude de notre rapport.

  (1730)  


  (1730)  

[Traduction]

    Je demande le silence, je vous prie.

[Français]

     Chers membres du Sous-comité, avant de terminer, j'aimerais obtenir vos commentaires sur la planification d'une réunion supplémentaire pour examiner notre projet de rapport.
    Monsieur Johns, la parole est à vous.

[Traduction]

    À la lumière des discussions que j'ai eues avec différents membres et de ce que j'ai vu dans le rapport jusqu'à présent, je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de désaccords. Serait‑il possible de reporter cette question à la prochaine réunion et de disposer d'une demi-heure supplémentaire? Nous n'aurions ainsi pas à réunir tout le monde pour une réunion entière. Ce n'est qu'une suggestion.

  (1735)  

[Français]

    Madame Damoff, la parole est vous.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je souscris à ce que M. Johns vient de dire. J'avais demandé si nous pouvions tenir une réunion supplémentaire avec quelques témoins à ce sujet. Je me demande si nous pourrions consacrer une heure à ces témoins supplémentaires et terminer le rapport dans la deuxième heure. Je ne pense pas que cela prendra une heure entière, mais je ne veux pas non plus que ce soit précipité.
    D'accord. Nous avons une autre option.

[Français]

    Nous pouvons aussi prolonger la deuxième réunion d'une heure afin de terminer le rapport. C'est à vous de décider. Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Monsieur Genuis.
    Si les membres sont d'accord, pourquoi ne pas consacrer une heure et demie aux témoins et une heure à la conclusion du rapport? Qui sait? Nous n'en aurons peut-être pas besoin, mais cela semble être une façon raisonnable de trouver un juste milieu.
    J'approuve certainement ce que M. Genuis a dit, mais je me demande simplement, en ce qui concerne les témoins de cette étude, si nous avons encore la possibilité de soumettre quelques noms. En fait, je ne veux soumettre qu'un seul nom.
    Une voix: Non.
    M. Ali Ehsassi: Oh, oh!
    Merci, monsieur le président.
    J'ai déjà invité des témoins, à partir des listes qui ont été soumises. Un groupe de six personnes est en train de se constituer, mais si certaines d'entre elles déclinent l'invitation, il y aura des places disponibles.
    Vous pouvez m'envoyer des noms additionnels. Si vous souhaitez retirer de la liste des noms que vous avez déjà soumis, vous pouvez également le faire.
    Je vous remercie.
    Si vous vous souvenez bien, j'ai évoqué le nom de cette organisation lorsque nous en avons discuté la semaine dernière, mais je ne vous ai pas officiellement soumis de nom.
    D'accord. Quel était le nom de l'organisation?
    C'est une organisation canadienne pour la liberté d'expression. Le nom m'échappe pour l'instant, mais je peux vous l'envoyer par courriel.
    Vous parliez d'Échange international de la liberté d'expression, ou IFEX. Malheureusement, les gens de cette organisation m'ont envoyé un courriel pendant la réunion pour refuser la demande — elle avait été soumise par un autre membre. Ils ne sont pas disponibles la semaine prochaine, mais ils ont été invités.
    C'est donc sans importance maintenant. Merci

[Français]

    Ceci met fin à la réunion. Merci à vous tous et toutes.
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