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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 16 février 1995

AFFAIRES COURANTES

LOI DE 1995 SUR LA RÉVISION DES LIMITES DES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

    Projet de loi C-69. Adoption des motions de présentation et de première lecture 9693

LA LOI CANADIENNE SUR LA SANTÉ

    Projet de loi C-302. Adoption des motions portant présentation et première lecture 9693

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-303. Adoption des motions de présentation et de première lecture 9693

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

    Adoption de la motion 9694

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

ENVIRONNEMENT ET DÉVELOPPEMENT DURABLE

    La motion est proposée et adoptée 9694

PÉTITIONS

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 9694

LA VIOLENCE

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

    M. Breitkreuz (Yellowhead) 9694

UNE PIÈCE DE DEUX DOLLARS

LES DROITS DE LA PERSONNE

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

LES DROITS DE LA PERSONNE

LES GARDERIES

LES DROITS DE LA PERSONNE

    M. Harper (Simcoe-Centre) 9695

LE MARIAGE

    M. Harper (Simcoe-Centre) 9695

L'EUTHANASIE

    M. Harper (Simcoe-Centre) 9695

LE CODE CRIMINEL

    M. Harper (Simcoe-Centre) 9695

LE SUICIDE ASSISTÉ

LES DROITS DE LA PERSONNE

L'INDUSTRIE MINIÈRE

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES VOIES ET MOYENS

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

    Adoption de la motion par 130 voix contre 74 9697
    Projet de loi C-70. Adoption des motions de présentation et de première lecture 9698

LOI SUR L'ACCORD CONCERNANT LA BANDE INDIENNE DE PICTOU LANDING

    Projet de loi C-60. Étape du rapport (sans propositions d'amendement) 9698
    Motion d'approbation 9698
    Adoption de la motion 9698
    Motion de troisième lecture 9698
    Adoption de la motion; troisième lecture et adoption du projet de loi 9706

LOI SUR LES ARMES À FEU

    Projet de loi C-68. Motion de deuxième lecture 9706

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LE BUDGET

LA RÉDUCTION DU DÉFICIT

LA JOURNÉE NATIONALE DE L'ALPHABÉTISATION

LES AÉROPORTS

LA CHAMBRE DES COMMUNES

LE DRAPEAU CANADIEN

LE TRENTIÈME ANNIVERSAIRE DU DRAPEAU CANADIEN

LE PROJET DE LOI C-263

LES TRANSPORTS

LE TRENTIÈME ANNIVERSAIRE DU DRAPEAU CANADIEN

LA JOURNÉE D'ACTION EN FAVEUR DE L'ALPHABÉTISATION

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

LA CRÉATION D'EMPLOIS

LE RÉGIMENT AÉROPORTÉ

LA DÉCENNIE DE L'ALPHABÉTISATION

LES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC

    M. Lavigne (Verdun-Saint-Paul) 9724

QUESTIONS ORALES

LE FÉDÉRALISME

    M. Gauthier (Roberval) 9724
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 9724
    M. Gauthier (Roberval) 9724
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 9725
    M. Gauthier (Roberval) 9725
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 9725
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 9725
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 9725

LES FINANCES

    M. Martin (LaSalle-Émard) 9725
    M. Martin (LaSalle-Émard) 9726
    M. Martin (LaSalle-Émard) 9726

LE FÉDÉRALISME

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 9726
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 9726

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES PORTS

LA SANTÉ

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 9727
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 9727

LE GROUPE COMMUNICATION CANADA

LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL

    M. Leroux (Richmond-Wolfe) 9728
    M. Martin (LaSalle-Émard) 9728
    M. Leroux (Richmond-Wolfe) 9728
    M. Martin (LaSalle-Émard) 9728

LA SÉCURITÉ FERROVIAIRE

L'IMMIGRATION

LES LANGUES OFFICIELLES

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

LES NOMINATIONS PAR DÉCRET

LES PORTS NATIONAUX

LA FISCALITÉ

    M. Martin (LaSalle-Émard) 9731
    M. Martin (LaSalle-Émard) 9731

LES AFFAIRES AUTOCHTONES

LA STRATÉGIE DU POISSON DE FOND DE L'ATLANTIQUE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 9732

L'IMMIGRATION

LA JUSTICE

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

QUESTION DE PRIVILÈGE

LE PROJET DE LOI C-68

RECOURS AU RÈGLEMENT

L'UTILISATION D'ACCESSOIRES À LA CHAMBRE

QUESTION DE PRIVILÈGE

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS-DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR LES ARMES À FEU

    Projet de loi C-68. Reprise de l'étude de la motion de deuxième lecture 9735
    M. Hill (Prince George-Peace River) 9736
    M. Speaker (Lethbridge) 9738
    M. Hill (Prince George-Peace River) 9743
    M. Mills (Red Deer) 9752

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LA LOI SUR LA GESTION DES FINANCES PUBLIQUES

    Projet de loi C-263. Motion de deuxième lecture 9753

MOTION D'AJOURNEMENT

LA FISCALITÉ


9693


CHAMBRE DES COMMUNES

Le jeudi 16 février 1995


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

(1005)

[Traduction]

LOI DE 1995 SUR LA RÉVISION DES LIMITES DES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-69, Loi portant sur la création de commissions de délimitation des circonscriptions électorales et la révision des limites des circonscriptions électorales.

-Madame la Présidente, j'invoque le Règlement, afin d'informer la Chambre que le projet de loi qui vient d'être présenté donne suite à un ordre de la Chambre adopté mardi dernier, en conformité du paragraphe 68(6) du Règlement.

En conséquence, les travaux concernant cette mesure seront assujettis aux dispositions de l'alinéa 68(7)a) du Règlement, qui exige notamment que l'étude en deuxième lecture soit reportée au moins jusqu'au troisième jour de séance après aujourd'hui.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

[Français]

LA LOI CANADIENNE SUR LA SANTÉ

M. Bernard Patry (Pierrefonds-Dollard, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-302, intitulé Loi modifiant la Loi canadienne sur la santé (services diététiques).

-Madame la Présidente, j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui devant cette Chambre un projet de loi qui modifie la Loi canadienne sur la santé en ce qui concerne les services diététiques.

En effet, ce projet de loi vise à inclure le terme «services diététiques» dans la définition de services de santé assurés à l'intérieur de la présente Loi canadienne de la santé. Nous savons tous que la nutrition est une composante essentielle de la santé et que les diététistes canadiens sont les seuls professionnels de la santé dûment formés et habilités à faire l'évaluation de l'état nutritionnel d'une personne.

De plus, le gouvernement canadien les reconnaît comme ressources clés dans l'élaboration des politiques de santé, tels le Guide alimentaire canadien qui sert de ligne de conduite pour une santé saine. Je crois donc qu'il est important, autant pour le public que pour l'ordre des diététistes, qu'il soit officiellement reconnu et intégré à la Loi canadienne sur la santé.

(La motion est réputée adoptée, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

* * *

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): demande à présenter le projet de loi C-303, Loi modifiant le Code criminel (intoxication dangereuse).

-Madame la Présidente, j'ai le plaisir de présenter ce projet de loi. Je sais que d'autres députés ont élaboré des mesures législatives comme celle-ci. Le projet de loi a pour objet d'interdire la capacité de se dégager de la responsabilité d'une intoxication volontaire.

Les députés sont au courant de la décision rendue récemment par la Cour suprême, selon laquelle une personne ne peut être tenue responsable d'une action qu'elle a commise pendant qu'elle était sous l'effet d'une intoxication volontaire. Tous les Canadiens sont d'avis que cette décision va à l'encontre de la logique et du bon sens.

Le projet de loi, que je demande à tous les députés d'appuyer, ferait de l'intoxication criminelle une infraction distincte et garantirait que les Canadiens soient personnellement responsables de leurs actes. Ils ne pourraient plus invoquer la Charte des droits et libertés pour se dérober à cette responsabilité. La mesure législative empêcherait que d'autres innocents soient victimes de violence.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)


9694

(1010)

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, vous constaterez qu'il y a consentement unanime de la Chambre pour adopter deux motions. Je propose:

Que, nonobstant tout article du Règlement ou ordre spécial de cette Chambre, lorsque la Chambre s'ajourne le mercredi 22 février 1995, elle demeure ajournée jusqu'à 10 heures, le vendredi 24 février 1995;
Que le discours que doit prononcer le président des États-Unis, dans l'enceinte de la Chambre à 11 heures, le jeudi 23 février 1995, devant les membres du Sénat et de la Chambre des communes, de même que les allocutions de présentation et les discours qui s'y rattachent, soient imprimés en appendice aux Débats de la Chambre des communes du vendredi 24 février 1995, et fassent partie des archives de cette Chambre; et
Que les médias soient autorisés à transmettre et à enregistrer ce discours, les présentations et les remarques d'usage, conformément aux directives établies pour de telles occasions.
(La motion est adoptée.)

* * *

[Français]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

ENVIRONNEMENT ET DÉVELOPPEMENT DURABLE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.) propose:

Que deux attachés de recherche de la Bibliothèque du Parlement affectés au Comité permanent de l'environnement et du développement durable puissent se déplacer à Toronto les 19 et 20 février prochains afin de participer à une conférence du Conseil canadien des ministres de l'Environnement.
(La motion est adoptée.)

* * *

[Traduction]

PÉTITIONS

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureux de présenter aujourd'hui une pétition signée par des Canadiens et des Canadiennes du sud de l'Ontario.

Les pétitionnaires signalent à la Chambre que la sécurité publique est la grande priorité du système de justice pénale. Les mesures de contrôle actuelles visant les propriétaires d'armes à feu responsables et respectueux de la loi sont plus que suffisantes pour assurer la sécurité du public. Les mesures actuelles ou envisagées criminalisent certaines activités des amateurs d'armes à feu qui ne comportent à peu près aucune menace pour la sécurité publique et ne dénotent aucune intention criminelle.

Toutes les mesures de contrôle des armes à feu insérées dans le Code criminel du Canada devraient viser les criminels qui constituent un danger pour la population ou qui ont des intentions criminelles, et non les propriétaires d'armes à feu responsables et respectueux de la loi. Aucune mesure de contrôle des armes à feu n'a jamais réussi à empêcher des criminels de se procurer illégalement des armes à feu. Notre système de justice pénale doit veiller à punir sévèrement les criminels qui volent des armes à feu, en importent, en vendent ou en achètent illégalement ou font usage d'armes à feu pour commettre un crime.

Par conséquent, les pétitionnaires demandent au Parlement d'appuyer, premièrement, les lois qui punissent sévèrement tous les criminels violents faisant usage d'armes à feu pour commettre un crime, deuxièmement, de nouvelles dispositions du Code criminel portant sur le contrôle des armes à feu et reconnaissant et protégeant le droit des honnêtes citoyens de posséder et d'utiliser des armes à feu pour des motifs récréatifs, et enfin, des mesures législatives qui aboliront ou modifieront les contrôles existants. . .

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je rappelle aux députés qu'il est d'usage, lorsqu'ils présentent des pétitions, de ne lire que les conclusions des pétitions et non pas d'amorcer un débat.

[Français]

LA VIOLENCE

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Madame la Présidente, je désire déposer une pétition au sujet de l'abus et de la violence dans la société.

[Traduction]

Les pétitionnaires croient que la représentation inutile, à la radio et à la télévision, d'actes de violence et de traitements abusifs sous toutes leurs formes est devenue une préoccupation majeure de la population canadienne.

(1015)

Ils veulent que le gouvernement prenne les mesures pour que le CRTC puisse réglementer et réduire la représentation de la violence et, je crois, l'éliminer. Ils ajoutent que la présentation d'actes de violence n'est pas nécessaire à l'éducation et que cela nuit aux parents qui s'efforcent d'élever leurs enfants.

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Cliff Breitkreuz (Yellowhead, Réf.): Madame la Présidente, conformément à l'article 36 du Règlement, je suis heureux de présenter trois pétitions sur la législation se rapportant aux armes à feu. Deux pétitions proviennent de villes de la circonscription de Yellowhead et l'autre de l'Ontario.

Les pétitionnaires demandent notamment au Parlement d'appuyer des lois imposant des peines sévères à tous les auteurs d'actes violents qui utilisent des armes pour commettre leurs crimes. J'appuie cette demande.


9695

UNE PIÈCE DE DEUX DOLLARS

M. Jim Jordan (Leeds-Grenville, Lib.): Madame la Présidente, je veux présenter une pétition signée par 1 826 personnes. C'est une pétition assez intéressante. Elle a été lancée par Mme Ruby Stone, qui vit dans ma circonscription.

Mme Stone, ainsi que tous les pétitionnaires, se prononcent contre l'introduction d'une pièce de monnaie de 2 $. Certains députés ne le savent peut-être pas, mais on fait actuellement une étude sur l'introduction d'une pièce de 2 $. On nous impose ce genre de chose parfois subrepticement. Je sais que le gouvernement ne voudrait pas faire ainsi.

Personnellement, je pense que l'on devrait imprimer davantage de billets de 2 $, parce que lorsque l'on paie quelque chose avec un billet de 5 $, on nous remet habituellement quatre pièces de monnaie. Les gens en ont assez de transporter autant de pièces de monnaie. J'appuie la pétition.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. John O'Reilly (Victoria-Haliburton, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui pour présenter, conformément à l'article 36 du Règlement, une pétition portant les signatures de citoyens de Beaverton, Fenelon Falls, Woodville et Cannington, dans la circonscription de Victoria-Haliburton.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de s'opposer aux propositions de modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne ou à la Charte canadienne des droits et libertés visant à y insérer l'expression orientation sexuelle.

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. John Duncan (North Island-Powell River, Réf.): Madame la Présidente, je prends la parole pour présenter une pétition de la part de 78 de mes électeurs de Gold River et Campbell River, en Colombie-Britannique, qui demandent au Parlement de rejeter tout autre loi, règlement ou décret en matière de contrôle des armes à feu et de s'attaquer plutôt à l'utilisation illégale d'armes à feu par les criminels violents.

J'appuie la pétition.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby, Réf.): Madame la Présidente, j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui une pétition de la part de 25 citoyens du sud de la Colombie-Britannique, dont quelques-uns de mes électeurs de New Westminster-Burnaby.

Les pétitionnaires craignent que l'inclusion de l'orientation sexuelle parmi les motifs de distinction illicite dans la Loi canadienne sur les droits de la personne n'empiète sur les droits historiques des Canadiens tels que la liberté de religion, de conscience, d'expression et d'association. Ils demandent donc au Parlement de s'opposer aux propositions de modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne ou à la Charte canadienne des droits et libertés visant à y insérer l'expression orientation sexuelle.

M. Tony Ianno (Trinity-Spadina, Lib.): Madame la Présidente, je prends aujourd'hui la parole pour présenter plusieurs pétitions. Des électeurs de ma circonscription, celle de Trinity-Spadina, demandent au gouvernement du Canada de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne de manière que soient reconnus les droits des homosexuels et que ceux-ci aient les mêmes droits que les couples hétérosexuels.

Au nom de mes électeurs, je présente humblement ces pétitions.

LES GARDERIES

M. Tony Ianno (Trinity-Spadina, Lib.): Madame la Présidente, je prends la parole aussi au nom d'autres électeurs de Trinity-Spadina qui demandent au gouvernement de légiférer en matière de services de garde et d'appliquer une politique nationale en ce domaine qui soit un facteur d'unité et assure à tous les Canadiens des services non facultatifs, équitables et satisfaisants.

Au nom de mes électeurs, je présente humblement cette pétition.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Madame la Présidente, j'ai quatre pétitions à présenter au nom des électeurs de Simcoe-Centre. Le premier groupe de pétitionnaires demandent au gouvernement du Canada de ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne pour y insérer l'expression orientation sexuelle, car ils craignent que cela ne confère aux homosexuels les mêmes avantages et privilèges que la société reconnaît aux couples mariés.

LE MARIAGE

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Madame la Présidente, la deuxième pétition concerne la famille. Les pétitionnaires demandent au Parlement de s'opposer à tout projet de loi qui redéfinirait directement ou indirectement la famille et qui reconnaîtrait notamment les avantages consentis aux personnes mariées et aux familles à des personnes non unies par les liens du sang, du mariage ou de l'adoption, le mariage étant défini comme l'union légale entre un homme et une femme.

L'EUTHANASIE

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Madame la Présidente, la troisième pétition concerne l'euthanasie.

(1020)

Les pétitionnaires demandent que les lois actuelles concernant l'euthanasie active soient appliquées et que le Parlement n'approuve pas ou n'autorise pas l'aide ou l'encouragement au suicide ou l'euthanasie.

LE CODE CRIMINEL

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Madame la Présidente, la dernière pétition que je présente aujourd'hui concerne l'article 745 du Code criminel. Les pétitionnaires demandent au Parlement d'abroger cet article de sorte que les personnes trouvées coupables de meurtre au premier degré aient à purger en établissement carcéral la totalité de leur peine de 25 ans.

LE SUICIDE ASSISTÉ

M. John Bryden (Hamilton-Wentworth, Lib.): Madame la Présidente, je prends aujourd'hui la parole pour présenter trois pétitions. Les signataires de la première demandent que les dispositions actuelles du Code criminel qui interdisent le suicide assisté soient rigoureusement appliquées et que le Parlement n'apporte aucune modification législative qui tendrait à approuver ou à autoriser l'aide ou l'encouragement au suicide ou l'euthanasie passive ou active.


9696

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. John Bryden (Hamilton-Wentworth, Lib.): Madame la Présidente, la deuxième pétition vient d'électeurs de Hamilton-Wentworth qui pressent le Parlement de mettre un terme au traitement discriminatoire des homosexuels et de leurs relations familiales en modifiant la législation fédérale, qui permet cette inégalité de traitement, et la Loi canadienne sur les droits de la personne pour interdire la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

Madame la Présidente, les signataires de la troisième pétition demandent au Parlement de ne pas modifier le Code des droits de la personne, la Loi canadienne sur les droits de la personne ou la Charte des droits et libertés d'une manière pouvant donner l'impression que la société approuve les relations sexuelles entre personnes de même sexe ou l'homosexualité et, notamment, ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne en y insérant l'expression non définie «orientation sexuelle» parmi les motifs de distinction illicite.

L'INDUSTRIE MINIÈRE

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Madame la Présidente, j'ai l'honneur de présenter une pétition au nom des habitants des grandes localités que sont Logan Lake, Kamloops, Ashcroft, Cache Creek, Merritt et Savana. Cette pétition renferme des centaines de noms.

Les pétitionnaires font remarquer que l'industrie minière du Canada est le principal employeur de plus de 150 localités du pays, qu'elle contribue d'une manière non négligeable au PIB au chapitre des exportations et qu'elle constitue une pierre angulaire de notre avenir économique. Ils soulignent que l'industrie a proposé un plan d'action en 10 points qui améliorerait l'industrie minière du Canada.

Ils pressent le Parlement de prendre toute mesure susceptible de stimuler la création d'emplois dans ce secteur, de promouvoir l'exploration, de reconstituer les réserves minérales du pays, de soutenir les collectivités minières et, essentiellement, d'assurer la survie de l'industrie minière au Canada.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, nous répondrons aujourd'hui aux questions nos 46 et 128.

[Texte]

Question no 46-M. Chatters:

En ce qui concerne le financement par le gouvernement des bandes indiennes, des conseils tribaux et des organisations autochtones métisses, a) combien d'entre eux sont dans une situation déficitaire, b) pour chacun, quel est le montant (i) reçu au cours du dernier exercice, (ii) du déficit actuel, (iii) qu'il recevra pour le présent exercice?
M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Les ministères des Affaires indiennes et du Nord canadien et du Patrimoine canadien m'informent comme suit:

En ce qui concerne le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC):

a) À la fin de l'exercice terminé le 31 mars 1993, 159 bandes indiennes, conseils tribaux ou organisations autochtones font face à des déficits. 1-2

b) Les noms des bandes indiennes, des conseils tribaux et des organisations autochtones et leurs situations déficitaires ne peuvent pas être révélés puisque ce sont des renseignements confidentiels et de l'information financière fournie par un tiers, aux termes de l'alinéa 20(1)b) de la Loi sur l'accès à l'information.

1 Le MAINC ne verse pas de fonds aux organisations métisses. (Voir la réponse du Patrimoine canadien.)

2 Pour établir si l'organisation est déficitaire ou non, le MAINC utilise l'indicateur constitué par un rapport «déficit cumulatif sur recettes totales» supérieur à 8 p. 100 (l'équivalent des liquidités d'un mois). Les données sont captées en fonction de cet indicateur.

En ce qui concerne le ministère du Patrimoine canadien:

a) D'après les états financiers disponibles de l'année financière 1992-1993 (48 p. 100 étaient disponibles), 27 organisations étaient dans une situation de déficit.

b) Les noms des organisations et leurs situations de déficit ne peuvent pas être divulgués puisque ces renseignements sont confidentiels, étant considérés comme de l'information financière fournie par un tiers en vertu de l'alinéa 20(1)b) de la Loi sur l'accès à l'information.

Question no 128-M. Simmons:

Quelle suite donnera-t-on à la recommandation faite par le vérificateur général, dans son rapport de 1994, selon laquelle la Direction du service des glaces doit «s'assurer que son plan d'urgence peut être appliqué rapidement et avec succès», s'il y avait une interruption du programme d'information ou une panne des moyens de communication afin d'éviter des déroutements ou des perturbations de la circulation maritime entrant dans les ports canadiens ou en sortant ou, au pire, des pertes de vie et des dommages aux biens?
L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Les plates-formes de collecte de données sont disposées de manière à ce qu'elles puissent se compléter mutuellement, dans l'éventualité d'une urgence. Ces plates-formes sont munies de systèmes de transmission d'informations qui peuvent assurer la diffusion de tous les renseignements nécessaires. Les plates-formes ont été conçues et placées pour que le Programme des services des glaces puisse rester en opération, si plusieurs stations éprouvaient en même temps des difficultés à remplir leurs fonctions.

Il est fort peu probable que tous les systèmes du Programme des services des glaces tombent en panne en même temps. Dans l'éventualité d'une catastrophe, nos clients pourraient obtenir, en vertu d'un accord avec le Centre national américain sur les glaces, les renseignements de base au sujet des glaces jusqu'au rétablissement de nos opérations normales. Nous pouvons offrir le même service aux États-Unis. Au cours des années, nous avons mis au point ce plan d'entraide et il sera soumis d'ici peu à des tests.

9697

Une fois que ces tests seront terminés, un plan de soutien mutuel exhaustif sera publié pour que les Canadiens et les Canadiennes sachent exactement de quelle façon est diffusée l'information sur les glaces.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Maheu): On a répondu aux questions mentionnées par le secrétaire parlementaire.

M. Milliken: Madame la Présidente, je demande que les autres questions restent au Feuilleton.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Les autres questions restent-elles au Feuilleton?

Des voix: D'accord.

_____________________________________________


9697

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LES VOIES ET MOYENS

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales), Lib.) propose: Qu'une motion des voies et moyens visant à modifier la Loi de l'impôt sur le revenu, les Règles concernant l'application de l'impôt sur le revenu et des lois connexes, déposée à la Chambre le mardi 14 février 1995, soit adoptée.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Maheu): À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

La présidente suppléante (Mme Maheu): Convoquez les députés.

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

(Vote no 162)

POUR

Députés
Alcock
Anderson
Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre)
Baker
Bakopanos
Barnes
Beaumier
Bethel
Bodnar
Bonin
Boudria
Brown (Oakville-Milton)
Bryden
Bélair
Caccia
Calder
Campbell

Catterall
Chamberlain
Chan
Chrétien (Saint-Maurice)
Clancy
Cohen
Collins
Copps
Cowling
Crawford
Culbert
DeVillers
Dhaliwal
Dingwall
Discepola
Duhamel
Easter
Eggleton
English
Fewchuk
Finestone
Finlay
Flis
Fontana
Fry
Gagliano
Gallaway
Gerrard
Godfrey
Goodale
Graham
Gray (Windsor West)
Grose
Guarnieri
Harb
Harvard
Hickey
Hubbard
Ianno
Irwin
Jackson
Jordan
Keyes
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Lee
Lincoln
Loney
MacAulay
MacDonald
MacLaren
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Malhi
Maloney
Manley
McCormick
McGuire
McKinnon
McLellan (Edmonton Northwest)
McTeague
McWhinney
Mifflin
Milliken
Mitchell
Murphy
Murray
O'Brien
O'Reilly
Ouellet
Pagtakhan
Parrish
Patry
Payne
Peric
Peters
Peterson
Pickard (Essex-Kent)
Proud
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Ringuette-Maltais
Robichaud
Rompkey
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Serré
Shepherd
Sheridan
Simmons
Skoke
St. Denis
Steckle
Stewart (Brant)
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Torsney
Ur
Vanclief
Volpe
Walker
Wappel
Wells
Whelan
Young
Zed-130

CONTRE

Députés
Abbott
Ablonczy
Althouse
Asselin
Bachand
Bellehumeur
Benoit
Bergeron
Breitkreuz (Yellowhead)
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Bridgman
Bélisle
Caron
Cummins
Dalphond-Guiral
de Jong
de Savoye
Deshaies
Duceppe
Duncan
Epp
Forseth
Frazer
Gagnon (Québec)
Gauthier (Roberval)
Godin
Gouk
Grubel
Guay
Hanger
Hanrahan
Harper (Calgary West)


9698

Harper (Simcoe Centre)
Hayes
Hill (Macleod)
Hill (Prince George-Peace River)
Hoeppner
Jacob
Jennings
Johnston
Lalonde
Langlois
Laurin
Lebel
Leblanc (Longueuil)
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Marchand
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest)
McLaughlin
Meredith
Mills (Red Deer)
Morrison
Nunez
Paré
Penson
Picard (Drummond)
Plamondon
Pomerleau
Riis
Ringma
Sauvageau
Solberg
Speaker
Stinson
Strahl
Taylor
Thompson
Tremblay (Rosemont)
Venne
White (Fraser Valley West)
Williams-74

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Assadourian
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Bertrand
Bouchard
Brien
Brushett
Canuel
Chrétien (Frontenac)
Crête
Gaffney
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Hopkins
Valeri

(1105)

[Français]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je déclare la motion adoptée.

[Traduction]

L'hon. Douglas Peters (au nom du ministre des Finances) propose: Que le projet de loi C-70, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, les Règles concernant l'application de l'impôt sur le revenu et des lois connexes, soit lu pour la première fois et imprimé.

(La motion est adoptée, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

(1110)

LOI SUR L'ACCORD CONCERNANT LA BANDE INDIENNE DE PICTOU LANDING

La Chambre passe à l'étude du projet de loi C-60, Loi concernant l'accord conclu entre Sa Majesté du chef du Canada et la bande indienne de Pictou Landing, dont le comité a fait rapport sans propositions d'amendement.

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.) propose: Que le projet de loi soit agréé.

(La motion est adoptée.)

La présidente suppléante (Mme Maheu): Quand le projet de loi sera-t-il lu pour la troisième fois? Immédiatement, si la Chambre y consent?

Des voix: D'accord.

M. Irwin propose: Que le projet de loi soit lu pour la troisième fois et adopté.

Mme Roseanne Skoke (Central Nova, Lib.): Madame la Présidente, je vais me pencher sur le projet de loi C-60, Loi sur l'accord concernant la bande indienne de Pictou Landing, à l'étape de la troisième et dernière lecture.

En ma qualité de députée de Central Nova et au nom des Micmacs de Pictou Landing, dans ma circonscription, je remercie les députés d'avoir appuyé ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture et au comité. Je suis persuadée que les 400 Micmacs et plus qui sont touchés apprécient votre soutien, car ils pourront enfin savoir à quoi s'en tenir au juste, chose qu'ils attendent depuis bien longtemps.

Cela peut paraître une mesure législative mineure, mais elle est essentielle pour la première nation en cause et mérite donc que le Parlement l'adopte rapidement.

Le projet de loi C-60 est important pour trois raisons. Tout d'abord, il garantira qu'on se servira d'un fonds établi à cette fin en vertu de l'accord pour indemniser les membres des premières nations qui présenteront une réclamation au sujet du système de traitement des effluents de Boat Harbour. Ainsi, le gouvernement fédéral et la bande micmac de Pictou Landing seront protégés contre toute autre réclamation.

Deuxièmement, aux termes du projet de loi C-60, les Micmacs de Pictou Landing seront chargés d'administrer les sommes que le gouvernement fédéral a versées et versera aux termes de l'accord.

Troisièmement, le projet de loi C-60 confirmera que le gouvernement fédéral entend respecter ses engagements envers les autochtones, y compris ceux qu'ont pris les gouvernements précédents.

Les députés de tous les côtés doivent reconnaître que la mise en oeuvre de l'accord de règlement avec les Micmacs de Pictou Landing est déjà bien avancée. On ne nous demande pas aujourd'hui d'approuver de nouvelles dispositions ni de prendre de nouveaux engagements ou d'innover. On nous demande simplement de tenir les promesses encore en souffrance que le gouvernement du Canada a faites aux Micmacs de Pictou Landing, en Nouvelle-Écosse. Être fidèle à cet engagement, c'est très important. À telle enseigne que le gouvernement l'a consigné dans un accord.

Dans notre livre rouge, nous avons annoncé notre intention d'établir un nouveau partenariat avec les peuples autochtones. Aujourd'hui on nous demande de respecter la promesse que nous avons faite non seulement aux Micmacs de Pictou Landing, mais également à l'ensemble des peuples autochtones. Grosso modo, ce projet de loi nous demande de prendre des mesures en vue de protéger à la fois le gouvernement du Canada et la première nation contre d'autres réclamations touchant le système de traitement des effluents de Boat Harbour.

Madame la Présidente, permettez-moi d'abord de dire un mot du Boat Harbour de jadis. Imaginez quantité de poissons, de plages sablonneuses, d'embarcations voguant au milieu de pois-


9699

sons innombrables dans l'océan, ainsi que de majestueux cormorans noirs nichant à Pictou Harbour. J'espère que cette description vous rapproche, vous et mes collègues, de Pictou Landing et vous aide à mieux comprendre l'importance que revêt ce projet de loi. Quoi qu'il en soit, ce tableau que je viens d'esquisser ne correspond pas au Boat Harbour d'aujourd'hui.

(1115)

Il y a plus d'une vingtaine d'années, des effluents traités en provenance de l'usine de pâtes et papiers Scott, à Abercrombie Point, se sont répandus à Boat Harbour, soit à moins d'un demi-kilomètre de la communauté micmac de Pictou Landing. Cette fuite a eu un effet négatif considérable sur l'environnement et la qualité de vie de la réserve et des communautés environnantes du comté de Pictou.

Boat Harbour est aujourd'hui un centre de traitement des effluents industriels qu'exploite la Nouvelle-Écosse. Il dessert l'usine de papiers Kraft Scott Maritimes qui se trouve à proximité. Boat Harbour est situé non loin de Pictou Harbour, à 150 kilomètres environ au nord-est de Halifax.

On a créé l'étang de retenue de Boat Harbour en bloquant l'entrée d'un ancien estuaire de marée débouchant sur le détroit de Northumberland. Boat Harbour est actuellement entouré de terres publiques et de terres de réserve appartenant aux Micmacs de Pictou Landing.

Il convient de rappeler que la première nation n'était pas emballée à l'idée d'un système de traitement des effluents, lorsqu'elle en a entendu parler pour la première fois en 1966. Elle n'y a souscrit qu'en raison des vives pressions exercées par la Nouvelle-Écosse.

L'endiguement de Boat Harbour a eu pour effet d'élever pour toujours le niveau de l'eau et d'inonder en permanence 12 hectares de terres de réserve. L'eau même a été privée d'oxygène presque immédiatement après l'entrée en service de l'usine de traitement.

Au cours des 12 ans qui ont suivi, la première nation a fait de nombreuses démarches auprès du gouvernement de la Nouvelle-Écosse afin d'obtenir une compensation pour les dommages causés à ses terres et pour l'inondation.

Même si elle a apporté des améliorations à l'usine de traitement, la province a mis un terme aux négociations avec la première nation en 1982, en refusant de reconnaître le bien-fondé de cette réclamation. Les Micmacs de Pictou Landing se sont ensuite engagés dans le processus d'examen des revendications particulières mis sur pied par le gouvernement fédéral. En 1986, la première nation a déposé une poursuite contre le gouvernement fédéral, alléguant une violation de fiducie.

Les Micmacs ont perdu la source d'approvisionnement alimentaire que représentait Boat Harbour. Depuis les 25 dernières années, cette première nation a dû également renoncer à la chasse, à l'exploitation des ressources fauniques et à d'autres avantages dont elle bénéficiait sur une douzaine d'hectares de terres de réserve qui ont été inondées.

En raison de sa responsabilité fiduciaire à l'égard des habitants de la première nation, le gouvernement fédéral a conclu avec elle un règlement à l'amiable, évitant ainsi une bataille juridique qui aurait pu être longue et coûteuse. Il revient maintenant à la Chambre de clore ce chapitre dans les relations entre le gouvernement et les Micmacs de Pictou Landing, ce qu'elle ne devrait pas hésiter à faire.

Comme le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien l'a souligné lors de la deuxième lecture du projet de loi C-60, cette mesure législative est très simple.

Le règlement que les membres de la collectivité ont ratifié par un vote de 141 contre 25 à l'été 1993 représente un montant de 35 millions de dollars réparti de la façon suivante: un plan d'indemnisation de 20 millions comprenant un montant de huit millions qui devait être distribué parmi les membres de la première nation à titre d'indemnités individuelles. La majeure partie de cet argent a déjà été versée; 9,725 millions ont été versés dans un fonds d'indemnisation permanent afin de régler les revendications particulières des membres de la première nation au sujet du problème environnemental causé par Boat Harbour; 2,275 millions ont été affectés au soutien de projets qui profiteraient à la première nation, notamment la construction d'un centre de loisirs polyvalent et l'établissement d'un programme de promotion du développement économique de Pictou Landing. Ces fonds visent à dédommager les membres de la première nation pour les conséquences générales qui ont découlé de l'installation de Boat Harbour.

Les 15 millions de dollars restants ont été versés dans un fonds fiduciaire de développement communautaire qui permettra aux membres de la première nation de s'établir ailleurs, au besoin. Ce fonds est géré par la première nation elle-même et fera en sorte qu'elle et ses membres pourront se prémunir contre toute autre conséquence sur la santé qui pourrait découler de Boat Harbour.

Ce projet de loi atteint deux principaux objectifs qui sont dans l'intérêt à la fois de la première nation, du gouvernement fédéral et du contribuable canadien. Le premier objectif est de faire en sorte que les 35 millions de dollars que l'on a convenu de verser dans le fonds de règlement constituent le plein montant dont le gouvernement du Canada sera responsable en ce qui a trait au système de traitement des effluents de Boat Harbour.

(1120)

Comme on l'a dit à la Chambre, près de 80 p. 100 de ces fonds ont déjà été transférés à la bande. De son côté, la bande a payé la majeure partie des huit millions de dollars destinés à indemniser les membres admissibles.

On se servira du fonds d'indemnisation de 9,725 millions de dollars pour régler toutes les réclamations supérieures à ce montant. Les Micmacs de Pictou Landing ont également utilisé les 2,75 millions de dollars qui avaient été versés dans le fonds d'indemnisation et de développement de la bande pour appuyer des projets qui profiteront à toute la collectivité, comme la construction d'un centre polyvalent et l'établissement d'une trousse de promotion sur le développement économique de Pictou Landing.

Ces deux initiatives et les autres qui sont entreprises par les Micmacs de Pictou Landing seront très profitables non seulement à la bande, mais aussi aux autres habitants du comté de Pictou.


9700

En vertu du projet de loi C-60, on utilisera le fonds d'indemnisation pour régler toutes les réclamations particulières qui n'ont pas encore été réglées. Ainsi, le gouvernement du Canada et la bande n'auront pas à régler ces réclamations.

Le deuxième objectif que le projet de loi nous permettra d'atteindre sera de stipuler que l'argent versé aux Micmacs de Pictou Landing en vertu de l'accord final ne sera pas considéré comme de l'argent des Indiens au sens de la Loi sur les Indiens.

C'est avantageux pour le gouvernement fédéral, car cela dégage le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien de la responsabilité de gérer cet argent. En cette période de restrictions financières, le ministère devrait éviter d'assumer des fonctions administratives qui peuvent et devraient être assumées par les premières nations.

Cette disposition du projet de loi C-60 est aussi avantageuse pour la bande parce que les Micmacs de Pictou Landing pourront contrôler complètement les fonds qui leur seront versés à titre d'indemnisation. Cela ne serait pas possible si ces fonds étaient considérés comme de l'argent des Indiens au sens de la Loi sur les Indiens.

C'est l'une des dispositions les plus importantes de ce projet de loi. J'ai dit que le gouvernement s'était engagé à s'acquitter de ses obligations envers les autochtones. Nous ne voulons pas seulement nous acquitter de nos engagements. Nous voulons bâtir un partenariat fondé sur la confiance, le respect mutuel et la participation au processus de prise de décision.

Cette disposition du projet de loi C-60 est un pas qui va nous permettre de faire de cet objectif une réalité. Comment? C'est la question que l'on peut se poser. Le fait pour les premières nations de pouvoir gérer leur propre fonds leur donne la possibilité de décider de la voie à suivre pour assurer leur propre développement économique.

Je suis sûre que les habitants de ma circonscription, les Micmacs de Pictou Landing, comme beaucoup de premières nations dans tout le pays, vont prospérer. Le gouvernement reconnaît le potentiel inexploité que représentent les peuples autochtones pour le Canada. D'une certaine manière, le projet de loi C-60 laisse entrevoir la possibilité d'exploiter ce potentiel.

Les projets lancés à la suite de cette revendication comme l'ensemble des mesures visant à promouvoir le développement économique de Pictou Landing ne sont qu'un début, un début non seulement pour la première nation, mais pour les autres collectivités du comté de Pictou et de la Nouvelle-Écosse en général.

La mise en oeuvre de l'accord concernant Boat Harbour se déroule sans problème important pour l'une ou l'autre partie. Néanmoins, l'accord de règlement exige que le Canada étudie des façons de régler le problème environnemental à Boat Harbour.

À cette fin, plusieurs ministères fédéraux tentent, avec les Micmacs de Pictou Landing et les autres parties concernées, de réhabiliter Boat Harbour.

Je tiens à faire savoir aux députés à la Chambre que le gouvernement fédéral s'est engagé à veiller à ce que les travaux d'assainissement de Boat Harbour soient conformes aux normes environnementales élevées établies par le Canada. Ce projet de loi n'aura aucune incidence sur ce processus.

En tant que partie à l'accord définitif, les Micmacs de Pictou Landing ont fait savoir qu'ils tenaient à cette mesure législative et comptaient bien qu'elle soit adoptée.

(1125)

On a rédigé la mesure législative en consultation avec la première nation pour être sûr que le projet de loi C-60 respecte cet engagement pris par le gouvernement dans le cadre de l'accord de règlement des revendications de la première nation. Les membres de cette première nation attendent maintenant la décision du Parlement. Je demande à mes collègues de prendre leur décision en pensant que l'honneur de la Couronne est en jeu.

Je prie les députés de ne pas oublier que cette mesure législative fait suite à un engagement clair et concret qu'a pris le gouvernement il y a plus d'un an, à la demande de la bande micmac de Pictou Landing. Je rappelle aux députés que la première nation a accepté de bonne foi la parole du gouvernement, malgré les difficultés qu'elle a connues au cours des 25 dernières années.

Il est temps de conclure ces travaux afin que les premières nations et le gouvernement fédéral puissent se consacrer à préparer notre avenir plutôt qu'à corriger nos erreurs passées. Nous pouvons y mettre un terme en appuyant à l'unanimité le projet de loi C-60, et c'est notre devoir de le faire.

Par conséquent, en tant que députée de Central Nova et au nom de mes électeurs de la première nation micmac, je demande aux députés d'appuyer à l'unanimité le projet de loi C-60.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Madame la Présidente, d'entrée de jeu je vous dirai que le Bloc québécois appuiera ce projet de loi. Fidèle à mon habitude, je tenterai d'expliquer un peu ce qu'est la nation micmac. Je pense qu'il est important de faire cette mise en situation parce que les Micmacs ont toujours été reconnus comme étant une nation vivant essentiellement de pêche, près des rivières, des lagunes, de la mer.

Plusieurs personnes s'interrogeront sur la signification du mot Micmac. Il y a deux significations possibles: l'une dit que c'est «un peuple et sa langue»; l'autre, que ce sont «mes parents et mes amis». Dernièrement, j'ai visité la réserve, à Restigouche, qui s'appelle Listuguj, et j'ai constaté que peu importe la signification qu'on accorde au mot Micmac, je crois que ce que j'ai vu et ce que j'ai vécu sur la réserve, dont Mme la chef Miller est d'ailleurs la digne représentante, démontre que les deux significations se rapportent très bien à ce que j'ai vécu sur cette réserve.

J'y ai vu des gens liés par une très grande amitié; la famille compose un tissu tissé très serré. C'est aussi un peuple très fier de sa langue. D'ailleurs, ils se font un devoir de mettre de l'avant la langue micmac dans les écoles. Traditionnellement, donc, ces gens sont près de leur culture et la mette bien en évidence.


9701

Les villages micmacs, dans l'histoire, se distinguent des autres parce que ce sont des habitations qui logent souvent une ou plusieurs familles, situées près des cours d'eau. L'impact du projet de loi à l'étude aujourd'hui prend toute sa signification du fait que la réserve de Pictou Landing était près d'un cours d'eau, chose primordiale. Naturellement, tout ce qui s'est passé au cours des 30 dernières années a eu une incidence directe sur le mode de vie des Micmacs. Il m'apparaissait donc important de présenter cette mise en situation.

De plus, la nation micmac a été très affectée par l'arrivée des Européens. On a assisté à une certaine dépopulation des Micmacs. Au début de la colonie, ils étaient environ 50 000; aujourd'hui, ils sont à peine 10 000 d'inscrits sur les listes. Il y a aussi eu un espèce de conflit socio-culturel parce que, pour eux, comme pour les autres nations autochtones, le contact avec les Européens n'a pas toujours été bénéfique.

Il y a eu des chocs socio-culturels qui ont fait en sorte que cette nation, comme les autres d'ailleurs, s'est retrouvée dans un état de pauvreté lamentable. Même sous la souveraineté britannique, on a tenté, à l'époque, de les convertir en agriculteurs. Mais compte tenu de leur mode de vie traditionnel, cela n'a évidemment pas réussi. On a continué nos tentatives d'intégration en les employant sur les chemins de fer et les chantiers forestiers. Finalement, on réalise que ces gens-là avaient la volonté profonde de mettre leur culture en évidence parce que cette culture a non seulement survécu jusqu'à aujourd'hui, mais est bien mise en évidence, et toutes les tentatives d'intégration ont échoué.

(1130)

Donc, cela m'apparaissait important de vous faire cette petite mise en situation parce que le projet de loi se rapporte à une nation Micmac, la communauté de Pictou Landing et ces gens-là, depuis leurs origines, vivent près des cours d'eau. Le projet de loi se rapporte à un cours d'eau spécifique qui est le Boat Harbour en question.

Le problème commence lorsque la compagnie Arbercrombie Point, la Scott Maritimes Limited Pulp and Paper Mills s'installe. On sait naturellement que les compagnies papetières ont tendance à polluer. À l'époque aussi la protection de l'environnement n'était pas aussi forte qu'aujourd'hui. Ce qui était important, c'était de créer des emplois à cet endroit qui était riche en boisés. C'est là que se traitaient l'ensemble des coupes.

Par contre, en 1965, le gouvernement provincial décide de construire une usine de traitement des effluents parce qu'on constatait qu'il y avait un danger pour les cours d'eau, du fait que la compagnie polluait ceux-ci. On s'est dit alors qu'il serait bon d'installer une usine de traitement pour tenter de régler le problème. Je dis bien tenter de régler le problème, parce que vous allez voir dans l'exposé que je vais vous faire dans les minutes qui viennent que cette tentative-là, malheureusement, a échoué, et on s'est retrouvé avec beaucoup de contaminants dans les cours d'eau.

Cette usine de traitement des eaux qui sortent de l'usine papetière s'est déversée dans une lagune de plusieurs acres, dans l'environnement immédiat de la réserve, et même sur les terrains de la réserve. Dès le départ, on peut déplorer l'inertie du gouvernement à réparer cette catastrophe écologique. Les Micmacs ont tenté pendant deux décennies, de 1965 à 1985, de régler la question à l'amiable avec les différents paliers gouvernementaux, d'une part avec le fédéral qui est fiduciaire du côté autochtone, d'autre part avec la Nouvelle-Écosse qui, elle, a la juridiction de l'environnement.

Pendant presque 20 ans, les Micmas ont tenté d'en arriver à des ententes. Devant l'inertie des gouvernements, ils ont dû se résoudre, en 1986, à intenter des poursuites contre le gouvernement.

La dégradation de l'environnement est vraiment critique à cet endroit. Dans les notes que nous détenons, on déplore même des pertes de vie causées dans la réserve à la suite de cette grande pollution.

Le gouvernement, dans une entente de principe, va proposer un règlement monétaire hors cour sur lequel la nation Pictou Landing va s'entendre avec le gouvernement. L'entente de principe est conclue en décembre 1992 et sera ratifiée au mois de juillet 1993. C'est un accord d'indemnisation afin de régler une action en justice intentée par les Micmacs, en 1986.

Le projet de loi a l'air anodin. Celui-ci ne compte que quatre articles. On peut se dire qu'il n'y a rien de compliqué, que quatre articles, cela va vite. Mon expérience parlementaire me dit que souvent ce n'est pas le nombre d'articles qui nous dit si c'est compliqué ou pas. Même à l'intérieur de ce projet de loi qui, à prime abord, paraît très anodin, qui n'a que quatre articles, on peut dénoter que l'article 4, entre autres, fait référence à une entente précise. Cette entente, je me ferai un devoir tout à l'heure de vous démontrer qu'elle a beaucoup de lacunes. Même si le projet de loi a certains mérites, comme mon honorable collègue l'a soulevé, comme l'argent qui sera versé ne le sera pas en vertu de la Loi sur les Indiens, donc la communauté comme telle pourra en disposer à sa guise.

C'est d'ailleurs probablement un des rares avantages que j'ai trouvé au projet de loi. Si on se réfère à l'entente comme telle, qui elle-même est soulevée par l'article 4, on se rend compte qu'on ne règle pas tellement la question environnementale. Je ne suis pas sûr non plus qu'on rende un immense service à la nation Pictou Landing.

Si on regarde le projet de loi comme tel, on arrive à l'article 4 qui renvoie à l'article 13, où il est dit qu'il y a un fonds d'indemnisation. Dans l'éventualité d'une poursuite à venir et des poursuites qui viendront dans les jours ou les mois prochains, on aura recours uniquement à ce fonds d'indemnisation.

(1135)

Nous, du Bloc québécois, avons jonglé avec l'idée de tenter d'aider les gens qui n'ont pas cédé leurs droits. Les gens qui ont recours à ce fonds d'indemnisation cèdent leur droit de poursuite au fédéral et en compensation, le gouvernement donne une somme de 35 millions de dollars, que je vais ventiler tout à l'heure. Mais, disons qu'au départ, on a certaines interrogations sur cet article 13, parce qu'il y a un certain nombre de personnes qui n'ont pas cédé leur droit.

Qu'est-ce qui arrive à ces personnes-là? Je vais le décrire peut-être plus longuement tout à l'heure, mais je voulais aussi


9702

remercier, avant d'aller plus loin, mes collègues du Comité permanent, qui ont ajourné la séance du comité, l'autre jour, pour me permettre d'aller enquêter à fond sur cette question qui avait été soulevée par nous. La réponse des fonctionnaires à cette question ne nous avait pas complètement satisfaits.

Cette journée-là, après la rencontre avec les fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes, on devait adopter la loi article par article, et devant mes questions et devant les réponses des fonctionnaires, j'en remercie mes collègues, on a décidé d'ajourner pour se revoir deux jours plus tard. Comble de malheur, on m'a soumis un amendement possible quelques minutes avant la séance du comité qui était tenue spécialement pour écouter l'amendement du Bloc québécois. Malheureusement, l'amendement que nous proposait le légiste n'avait pas vraiment le concept qu'on voulait cerner. Ce qui a fait en sorte que j'ai dû me présenter au comité les mains vides et m'en excuser.

Par la suite, on a examiné la possibilité de présenter un amendement à l'étape du rapport, et je n'en ai pas avisé mes collègues du comité permanent, mais on a décidé de ne pas, finalement, apporter d'amendement sur les réponses, d'une part, des fonctionnaires, les réponses supplémentaires qu'ils nous ont données et sur la base aussi des contacts que nous avons eus avec la communauté de Pictou Landing.

De prime abord, et je vais le spécifier de façon plus explicite tout à l'heure, on a certains doutes sur la capacité de certains individus qui n'ont pas cédé leurs droits d'intenter des poursuites, soit contre la compagnie, soit contre la Nouvelle-Écosse. On pourra le soulever tout à l'heure, mais je voulais quand même faire un aparté pour remercier mes collègues, parce qu'ils m'ont permis d'y aller à fond sur cette question et de travailler de façon efficace, je pense, en comité, c'est-à-dire étudier comme il faut les articles un à un et par la suite, se décider si on apporte un amendement ou non.

J'en ai touché un mot, plus tôt, mais je voudrais maintenant peut-être juste vous dire rapidement que c'est de l'argent qui va être versé en dehors de l'article 35 de la Loi sur les Indiens. Donc, la communauté de Pictou Landing va pouvoir utiliser cet argent à bon escient, sans être limitée par les dispositions de la Loi sur les Indiens.

J'arrive maintenant aux commentaires sur l'accord. Il est peut-être important de mentionner qu'il reste seulement 17 millions de dollars à verser à la communauté, donc le reste de l'argent a été versé. À cet égard, je vais peut-être débattre longuement tout à l'heure de la raison pour laquelle on présente un projet de loi, aujourd'hui, alors que tout est en marche, que tout l'argent ou presque a été versé, alors qu'on nous dit: «Maintenant, on aimerait tout simplement que vous donniez votre aval et entériniez ce projet de loi.»

Il me semble qu'il y a des choses sur le processus de négociation avec la bande, la responsabilité fiduciaire du gouvernement, la responsabilité du Bloc québécois en tant qu'opposition officielle et la responsabilité des partis de l'opposition de l'époque, qui n'ont pas été mises à contribution là-dedans. Les choses arrivent toutes ficelées, toutes emballées, et maintenant on est devant une alternative, à savoir si on doit voter pour le projet de loi ou non. Compte tenu que 95 p. 100 des gens de la communauté ont voté favorablement, on est un peu coincés.

Alors donc, naturellement, on va appuyer le projet de loi sans amendement, mais on a des choses à dire sur l'entente et je pense qu'on profite de ce discours pour les dire. Je disais plus tôt que l'entente avait été signée le 20 juillet 1993, qu'elle avait été ratifiée suite à un référendum. À l'époque, 95 p. 100 des gens se sont dits d'accord avec ça. On regardera tout à l'heure pourquoi les gens étaient d'accord. J'ai ma petite opinion personnelle là-dessus. Mais, démocratiquement, on ne peut pas attaquer l'entente comme telle, parce que lorsqu'il y a un taux de participation très élevé, de l'ordre de presque 80 p. 100, et que 95 p. 100 des gens qui ont répondu se disent favorables, c'est difficile de mettre en cause l'aspect démocratique de la question.

(1140)

De plus, selon les fonctionnaires à qui on a posé des questions, les 5 p. 100 qui restent sont des gens qui sont inscrits sur la liste des membres de la réserve mais qui n'y vivent pas. On nous a dit qu'ils pourraient rester aussi loin qu'en Californie. Il y a aussi un certain nombre de personnes souffrant d'incapacité intellectuelle qui n'ont pas pu voter parce qu'elle ne sont pas en mesure d'évaluer la portée de l'entente.

Alors, je vais balayer rapidement l'entente article par article pour émettre certains commentaires qui, entre autres, nous font douter du sérieux du gouvernement dans son intention de régler vraiment les poursuites et aussi de régler le problème fondamental de la question environnementale.

À l'article 2 de l'entente, le Canada va payer 35 millions de dollars en règlement monétaire. Cette somme doit normalement suffire au dédommagement et remplir les obligations fiduciaires du gouvernement. Trois fonds sont créés: indemnisation et développement de la bande; développement communautaire, indemnisation et développement personnel. Il y a une certaine ventilation des 35 millions sur laquelle je ne veux pas entrer, mais disons que ces trois fonds sont là. Je le répéterai tout au long de mon discours, cela nous semble insuffisant dans le contexte du gâchis environnemental actuel et des torts qui ont été causés à ces gens.

Du côté de l'environnement, je vous l'ai dit, il est clair que, depuis 1965, l'environnement a été gravement affecté par la construction du centre de traitement. Depuis 30 ans, le gouvernement a fait preuve d'inertie dans la mise en marche des installations. Il a un peu renoncé à sa responsabilité de fiduciaire à l'égard des autochones parce que ces derniers dénonçaient continuellement le traitement qu'ils subissaient et, autant du côté du gouvernement fédéral que de celui de la Nouvelle-Écosse, il n'y a pas beaucoup d'engagements concrets et d'actions concrètes pour corriger la situation.

On peut dire aussi que les effet néfastes peuvent être qualifiés de catastrophiques au moment où on se parle. Je vous ai parlé tantôt de 162 hectares. Le gouvernement reçoit maintenant la responsabilité de régler la question et la responsabilité des poursuites. Nous, on pense non seulement que le gouvernement hésite actuellement et va hésiter à prendre ces poursuites, mais qu'il va en plus prendre des poursuites éventuelles dans le cas d'un développement futur de Boat Harbour. Donc, on peut s'inter-


9703

roger sérieusement sur l'intention du gouvernement de régler vraiment la question de fond.

Le véritable problème reste le même, même avec ce projet de loi, parce que la pollution demeure là. Ce qui est proposé tout simplement, c'est qu'on déménage une partie des autochtones pour les amener ailleurs. On peut s'interroger aussi sur le type de terre que ces autochtones vont pouvoir se permettre de s'acheter avec les 35 millions de dollars. Et on nous dit que des sommes d'argent sont déjà prévues pour l'achat de ces terres. Mais est-ce qu'on va retrouver mieux du côté des autochtones? C'est une question qui, malheureusement, reste sans réponse. Je pense qu'on essaie tout simplement de dégager le gouvernement fédéral de son lien fiduciaire vis-à-vis des autochtones et qu'on essaie de se sortir d'une mauvaise posture. Il faut donc savoir si le déménagement est la façon de régler le problème.

Je sais aussi que les gouvernements du Canada et de la Nouvelle-Écosse essaient d'évaluer la fameuse question de l'environnement versus celle de l'emploi. On ne peut pas dénier que Scott Paper engendre beaucoup d'emplois en Nouvelle-Écosse. On sait aussi que ce milieu est affligé par un haut taux de chômage. Alors, avons-nous les moyens, dans le contexte actuel, de dire à cette compagnie: «Les normes seront tellement élevées, on va vous permettre tellement de poursuites qu'ils seront contraints, finalement, de fermer leurs portes et de mettre beaucoup d'employés à pied?»

Je comprends aussi qu'on est pris dans cette dynamique environnement versus emplois. Je comprends également qu'à l'époque l'emploi tenait facilement le haut du pavé face à l'environnement. Mais on sent que, depuis plusieurs années, il y a une préoccupation de plus en plus grande vers l'environnement. Donc, le débat ou la dynamique entre l'environnement et l'emploi reste entier. Et de notre côté, on comprend que le gouvernement ait décidé d'aller du côté de l'emploi plutôt que du côté de l'environnement.

(1145)

Je passe maintenant à l'article 5. On commence à comprendre l'attitude du gouvernement canadien dans le dossier avec cet article. Cette entente est survenue au mois de décembre 1992 et ratifiée en juillet 1993. Avant même la signature de l'entente, chaque membre de la bande a reçu 2 000 $. On peut donc déjà comprendre l'approche du gouvernement à l'égard de cet article.

Avant même qu'il y ait entente, avant même qu'il y ait un projet de loi, le gouvernement commence déjà à distribuer des sommes. Il faut comprendre aussi, du côté des Micmacs de cette réserve, l'état lamentable dans lequel sont ces gens-là vis-à-vis l'emploi, car presque personne ne travaille dans cette réserve. Ils sont dans un environnement extrêmement pollué et, depuis 30 ans, ils sont exténués de négocier ou de tenter de négocier avec le gouvernement. Il y a des sommes qu'ils doivent mettre dans un fonds pour intenter des poursuites et soutenir cet effort légaliste à l'encontre du gouvernement. Donc, ces gens sont dans une situation difficile, on leur présente un beau chèque de 2 000 $ et on dit: «Écoute, c'est un premier versement et, par la suite, tu en auras d'autres-probablement du même ordre-mais il y a juste une chose qu'on te demandes, c'est de céder tes droits de poursuites et tu donnes cela au gouvernement fédéral et, en échange de quoi, on te donne les 2 000 $.»

On comprend, dans l'état actuel des choses, la situation dans laquelle se trouvent ces gens-là et comment ils puissent sauter sur cette occasion pour commencer à voir un rayon de soleil et vouloir s'en sortir. Non seulement on donne un premier chèque de 2 000 $, mais lors de la signature de l'entente de principe, à la signature même, on donne également une somme supplémentaire de 1 500 $ aux individus. Mais là, on n'a pas tenu compte du processus parlementaire, car tout cela se passe en dehors de notre compréhension et de notre savoir. On n'est pas informé de cela et, devant nous, aujourd'hui, on arrive avec un projet de loi qui vient un peu entériner cette entente, et c'est là-dessus qu'on trouve que la démarche est questionnable.

C'est une approche que nous qualifions de paternaliste. C'est une approche où on dit: «Écoutez, on a été négligent avec vous, mais pour corriger cela, on va vous donner des sommes, et oubliez tout ce qui s'est passé. Ces sommes vont vous permettre de déménager ailleurs et nous, en tant que gouvernement, on ne s'engage pas non plus à réparer les torts faits à l'environnement. On vous garantit cependant qu'il n'y aura pas de poursuites contre vous. Les gens qui signent et qui prennent l'argent doivent signer un formulaire s'engageant à ne pas poursuivre le gouvernement, à ne pas poursuivre la Nouvelle-Écosse et à ne pas poursuivre la compagnie.» Alors, tout le monde se sauve là-dedans après le gâchis, personne ne prend ses responsabilités, et les gens ont sauté sur l'argent à cause des conditions difficiles dans lesquelles ils vivent à tous les jours.

C'est donc une approche paternaliste et on peut s'interroger sérieusement sur ce type d'approche. En résumé, les membres de la bande avaient déjà reçu des sommes, soit 2 000 $ en décembre 1991, 1 500 en décembre 1992, et ce avant même la signature de l'entente, et le gouvernement les place maintenant devant un fait accompli.

J'ai quand même négocié pendant une vingtaine d'années, c'était un de mes métiers avant que je devienne parlementaire, et c'est un processus de négociations qui est fort connu, c'est un rapport de force que l'on établit et, quand une des parties est très faible, qu'on lui promet des choses et qu'on les lui donne systématiquement, il est facile après de dire: «Maintenant, il ne te restes qu'un papier à signer et tu vas avoir réglé l'ensemble de tes problèmes.»

Tout cela s'est fait rapidement, de façon paternaliste, et en plus, on pense que toute la question environnementale n'est pas réglée. Donc, toute la démarche est questionnable.

Dans l'entente, il est prévu un délai de prescription, c'est-à-dire qu'à la signature de l'entente, l'ensemble des individus qui sont là ont un délai de prescription de deux ans pour dire qu'ils cèdent leurs droits et qu'ils auront recours à ce fameux fonds d'indemnisation, ou qu'ils ne les cèdent pas. Selon les interprétations des fonctionnaires, ces gens-là vont se retrouver de toute façon dépourvus, car il sera très difficile d'attaquer le projet de loi compte tenu du fait que l'article 13 stipule que pour tous les droits individuels, les gens vont avoir un empêchement supplémentaire d'avoir recours aux tribunaux, et c'est là-dessus que nos interrogations sont les plus grandes.

(1150)

Donc, c'est en juillet de cette année que ce délai de prescription prendra fin. Alors, les gens qui n'y ont pas eu recours auront non seulement de la difficulté à intenter une poursuite indivi-


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duelle, mais ils n'auront plus accès au fonds d'indemnisation. Ils se retrouveront les mains vides.

Il y a d'autres articles qui nous dérangent un peu. Le Canada se dégage totalement de toute obligation future ou de devoir fiduciaire envers la communauté au niveau des responsabilités émanant des risques associés aux installations. Non seulement le gouvernement dit: «Vous vous dégagez de vos responsabilités, de vos poursuites vis-à-vis l'environnement, mais à l'avenir, si la compagnie décide de polluer encore plus, le gouvernement prendra ses responsabilités et dégagera l'ensemble des individus de ces responsabilités.»

On constate non seulement que l'environnement a été atteint de façon majeure depuis près de 30 ans, mais on reconnaît que cela pourrait se produire dans l'avenir et que le Canada se dégagera totalement des responsabilités futures. C'est quand même assez grave pour l'environnement et je pense que c'est digne de mention.

L'article 7 détermine les responsabilités du chef et de son conseil au niveau de la gestion des fonds reçus. Je suis d'accord que les 35 millions ne sont pas de l'argent autochtone, mais on réalise qu'il y a certaines conditions auxquelles la bande et le chef doivent se plier. Ce n'est pas de l'argent donné sans condition, avec lequel ils feront ce qu'ils veulent.

Le gouvernement avoue dans l'article 8 que la position actuelle du Canada est qu'il n'est pas du tout évident que la situation de Boat Harbour pourra être rétablie à son état naturel, c'est-à-dire à celle d'avant 1965. On a même l'aveu du gouvernement à l'effet qu'il n'est pas certain que cela sera rétabli. Mais le Canada s'engage à explorer des manières possibles de régler le problème environnemental.

Il faut porter beaucoup d'attention à l'expression «le gouvernement explorera les manières possibles.» Il y a d'autres termes que j'aimerais porter à votre attention: «le Canada pourrait entreprendre, à sa seule discrétion, les actions raisonnables qu'il jugerait nécessaires». Si je reviens à mon réflexe de négociateur, je n'accepterais pas que soient mis dans une entente des termes aussi vagues que «à sa seule discrétion» et «des actions raisonnables», surtout que c'est le gouvernement qui décide ce qui représente des actions raisonnables.

Ce sont des trous qui existent dans l'entente. Il nous apparaît important de vous en faire part et de dire que, malheureusement, nous nous retrouvons devant un fait accompli et que cette entente-là, on doit maintenant la justifier. On ne restera pas silencieux, on va dénoncer les choses. J'espère que le gouvernement tiendra compte de ces remarques pour que dorénavant les choses se passent autrement.

À l'article 9, on parle de la création d'un comité pour étudier les questions environnementales composé de trois membres de la communauté micmaque, trois membres nommés par le Canada. Un peu plus loin, on dit aussi que le nombre pourrait augmenter avec l'accord des deux parties. Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie que, éventuellement, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse pourrait faire son entrée à ce comité; la compagnie papetière principale pourrait faire son entrée à ce comité et diluer ainsi la participation autochtone. Il y a donc une mise en garde à faire à ce sujet. Heureusement, qu'on dit qu'il faut l'accord des deux parties concernées.

Je n'ai pas de conseil à donner. Je pense que les gens sont suffisamment matures, mais personnellement, si j'étais du côté autochtone, je ferais en sorte de protéger ma participation de 50 p. 100 à ce comité et de ne pas permettre l'arrivée d'un ensemble d'autres intervenants qui dilueront ma capacité d'influencer le comité. C'est une mise en garde qu'on se doit de faire au passage.

L'article 12 précise que tous les membres ayant reçu de l'argent doivent automatiquement renoncer complètement à toute cause d'action actuelle ou éventuelle. Donc, la personne qui accepte l'argent, qui a recours au fonds d'indemnisation, renonce à tout ce qui est déjà arrivé et à tout ce qui pourrait arriver. Le danger, c'est que la compagnie Scott Paper pourrait se sentir à l'abri et qu'elle continue de polluer-je concède qu'il y a des emplois en cause-mais ce qui est difficile, cependant, c'est qu'il n'y ait pas une partie des bénéfices qui soit consacrée à l'environnement.

(1155)

Il faut quand même reconnaître que c'est une compagnie qui donne de l'emploi aux gens, même si du côté environnemental, la note est loin d'être parfaite. Je pense que cette compagnie n'a pas la note de passage. Donc, en échange d'une somme d'argent, les membres de la communauté devront à l'avenir, et cela pour toujours, renoncer à poursuivre le gouvernement fédéral, à poursuivre la Nouvelle-Écosse et à poursuivre la compagnie même.

En fait, tous les droits de poursuite sont transférés au fédéral, dans les termes que je vous ai spécifiés tout à l'heure, à la discrétion du gouvernement, avec des actions raisonnables, toujours évaluées par le gouvernement fédéral. Alors, on peut s'interroger sérieusement si le gouvernement fédéral va prendre son rôle au sérieux du côté environnemental, et de mon côté, je vous avoue que je ne discarte pas la possibilité de le signaler à ma collègue des Laurentides, la responsable du côté environnemental. Je ne discarte pas la possibilité de lui signaler qu'il y a un dossier environnemental majeur là, et je pense qu'elle devrait en prendre connaissance. Donc, je vous disais que si la compagnie décide d'augmenter sa production et décide de polluer un peu plus, c'est bien dommage, mais ce n'est presque pas possible de penser que quelqu'un peut l'arrêter, au moment où l'on se parle.

En ce qui concerne l'article 13, j'ai probablement soulevé la question avec les fonctionnaires et le fonctionnaire m'a dit que ma question n'était peut-être pas claire la première fois. Après avoir relu les bleus du comité, je me rends compte que la question était suffisamment claire et je me rends compte aussi que probablement que le fonctionnaire a changé d'idée entre temps. Mais, l'article 13 fait référence uniquement au fonds d'indemnisation. Donc, les gens qui ont cédé leur droit ont déjà eu recours au fonds d'indemnisation. Ceux qui ne l'ont pas cédé avec le délai de prescription que je vous mentionnais tout à l'heure, juillet de cette année, pourront avoir recours au fonds d'indemnisation, mais il n'y a personne qui puisse échapper au fonds d'indemnisation, selon l'interprétation des légistes, selon l'interprétation du


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ministère et, pour avoir vérifié avec la bande, les indiens aussi donnent cette interprétation.

Donc, les individus dans la bande qui ont décidé de ne pas céder leur droit vont être condamnés, éventuellement, à avoir recours au fonds d'indemnisation, ne pourront pas ou pourront avec difficulté prendre des recours contre le gouvernement, contre les différents paliers de gouvernement ou contre la compagnie. Donc, le fonds d'indemnisation est là pour régler les factures passées et futures et en dehors de ça, il n'y aura plus d'argent mis de l'avant par le gouvernement.

Donc, si on prend le raisonnement du gouvernement fédéral, lui s'est dit: «Pour régler le passé et l'avenir, je donne 35 millions de dollars et voici de quelle façon je règle ma responsabilité fiduciaire à l'égard des autochtones de Pictou Landing.» C'est un peu le résumé, je pense, de ce que le gouvernement a voulu faire. Il n'y a personne, je pense, qui va pouvoir passer à travers le fait que cette loi le prévoit comme ça, il n'y a personne qui va pouvoir dire: «Moi, je vais aller plus loin et poursuivre ma démarche davantage en intentant une poursuite personnelle, par exemple, de l'ordre de 10 millions de dollars.» Les gens vont toujours se faire ramener au fonds d'indemnisation, d'où un empêchement majeur d'avoir recours à des procédures personnelles et là-dessus, moi, à la place d'un individu qui n'a pas renoncé à ses droits, je regarderais si, du côté de la Constitution, on me permet de poursuivre.

Je sais que ça serait un empêchement supplémentaire, mais je pense que, probablement, les individus peuvent poursuivre quand même, mais la clause que je viens de vous lire va certainement être quelque chose sur quoi les procureurs de la Couronne vont compter pour ramener les gens toujours au fonds d'indemnisation.

En conclusion, il y a du positif dans l'entente. C'est de l'argent qui va échapper à la Loi sur les indiens. Cependant, sur le processus de règlement, sur le processus parlementaire, le cheminement est hautement contestable. D'une part, on a le fédéral et la province de Nouvelle-Écosse qui laissent la situation se dégrader pendant 30 ans. Le gouvernement fédéral ferme les yeux sur son rôle fiduciaire pendant 30 ans. Il intervient lorsque le gâchis est accompli et presque irréversible.

(1200)

Il donne une tentation aux autochtones en sachant qu'ils sont dans des conditions de vie misérables, il leur brandit un chèque de 2 000 $ en leur en promettant un autre de 1 500 $ s'il a une signature. Il dit à la bande: «Vous allez avoir un fonds d'indemnisation, vous allez avoir un total de 35 millions pour vous relocaliser, pour mettre de l'avant des projets.» Connaissant la condition de vie de ces gens, la tentation est tellement forte que, naturellement, je comprends parfaitement qu'ils sautent sur cette occasion. L'approche est paternaliste. Il reprend tous les droits de poursuite dans un contexte où la détermination est tellement large, la précision des termes employés est tellement floue que le gouvernement peut, à sa guise, absolument ne rien faire et laisser la situation se dégrader. Finalement il présente le projet de loi alors que tout est réglé.

Quand je vous dit que tout est réglé, c'est que l'entente a été signée, l'argent a été donné, la bande s'est déjà compromise. Tout est fait, il ne nous reste plus qu'à nous, de dire: «D'accord, on va entériner cela.»

Sur le processus de règlement, sur le processus parlementaire, nous avons de sérieuses réserves. Malheureusement on est mis devant le fait accompli. On va respecter la décision référendaire de ce groupe à 95 p. 100, de prendre l'entente telle qu'elle est, mais j'aurais une invitation à faire au gouvernement. Il serait intéressant, s'il y a d'autres règlements éventuels-et je suis sûr qu'il y en a d'autres étant donné le nombre de réserves qui existent au Canada-il faudrait qu'on respecte un processus réglementaire pour en arriver à un règlement et un processus parlementaire un petit peu plus démocratique, qu'on ne nous mette pas devant le fait accompli. On ne peut pas nous dire: Voici, tout est réglé, maitenant vous n'avez qu'à adopter le projet de loi.

Comme je l'ai dit, il a l'air bien anodin, il n'y a que quatre articles, mais c'est un projet de loi qui a des impacts et des conséquences à Pictou Landing. Je vais boucler la boucle, si on regarde la mise en situation que je vous ai présentée plus tôt, ces gens-là ont probablement toujours vécu à côté de ce cours d'eau et se retrouvent à devoir aller ailleurs, dans des terres qui, peut-être, je l'espère, avec la somme de 35 millions, vont leur permettre de retrouver leurs traditions et leur culture. Ce sont des gens qui comptent sur la pêche pour leur subsistance et leur avenir.

On peut déplorer le processus réglementaire et parlementaire mais le Bloc québécois va quand même appuyer le projet de loi dans le respect de la décision de Pictou Landing et des autochtones de cet endroit d'accepter l'entente telle qu'elle est.

[Traduction]

M. John Duncan (North Island-Powell River, Réf.): Madame la Présidente, j'ai écouté avec plaisir la députée de Central Nova, qui représente la circonscription où est installée la bande indienne de Pictou Landing. J'ai aussi apprécié le discours du député bloquiste de Saint-Jean, mais, si je n'avais entendu ni son mot d'ouverture ni sa conclusion, j'ignorerais comment il entend se prononcer.

Je suis heureux de pouvoir intervenir à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-60, Loi sur l'accord concernant la bande indienne de Pictou Landing. Cette mesure législative a dûment fait l'objet d'une étude en deuxième lecture et d'un examen attentif en comité. Je suis reconnaissant envers les fonctionnaires, qui nous ont fourni des explications convaincantes et détaillées.

Mes collègues et moi avions des réticences, surtout du fait qu'il s'agit de ratifier un accord alors que 28 millions de dollars sur le règlement de 35 millions de dollars ont déjà été versés, mais nous appuyons vraiment l'objet du projet de loi.

Permettez-moi de décrire brièvement la situation: en 1966, sans le consentement éclairé de la bande, l'État a décidé de transférer à la province de la Nouvelle-Écosse les droits de riverain qu'il possédait dans l'estuaire de marée de Boat Harbour. Ce transfert a permis à la province d'exploiter à cet endroit une installation de traitement des effluents d'une usine de pâte kraft de la compagnie Scott Industries Maritime Limited.

En juillet 1992, le gouvernement a approuvé un mandat de négocier un règlement à l'amiable de la poursuite judiciaire. Le


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règlement a été ratifié par un vote le 5 juillet 1993 et l'entente finale a été signée le 20 juillet suivant. Le gouvernement précédent était alors en place.

(1205)

Selon l'entente finale, la bande dégage le Canada de toute responsabilité à l'égard des répercussions liées au système de traitement des effluents de Boat Harbour, en contrepartie d'une indemnité versée à la bande indienne de Pictou Landing. Comme je l'ai dit précédemment, l'indemnité totale s'élève à 35 millions de dollars, dont 28 millions ont été versés à la fin d'avril 1994 et le reste doit l'être à la fin d'avril 1995.

La question qui reste dans mon esprit est la suivante: Pourquoi a-t-on mis si longtemps à présenter ce projet de loi? À ce jour, personne ne m'a donné de réponse satisfaisante.

Le projet de loi aborde deux questions fondamentales. Premièrement, on y précise que toutes les réclamations ultérieures des membres de la première nation de cette région seront réglées grâce au fonds prévu dans le projet de loi. Cela signifie qu'aucune nouvelle réclamation ne pourra être adressée à l'État. Mon parti et moi jugions qu'il était important de régler cette question. Nous sommes donc satisfaits de l'entente intervenue.

Deuxièmement, aux termes du projet de loi C-60, la bande indienne de Pictou Landing est chargée de gérer et de distribuer les sommes qui lui seront versées en vertu de l'accord et qui totalisent 35 millions de dollars. De cette somme, 20 millions de dollars serviront à régler les revendications de la bande et de ses membres, et le reste, soit 15 millions de dollars, servira à financer la réinstallation des membres de la bande si cette mesure s'impose. Lorsque l'argent aura été épuisé, la bande ne pourra plus réclamer de nouvelles indemnités financières à l'État.

Ayant traité des deux principes fondamentaux du projet de loi, permettez-moi d'ajouter que j'espère que cette somme de 20 millions de dollars permettra à la bande d'atteindre l'autonomie. Nous estimons que chaque accord signé par le gouvernement devrait, en fin de compte, accroître l'autonomie de la bande.

Le Parti réformiste appuie le règlement des revendications des autochtones. La bande de Pictou Landing a dû faire une réclamation parce que le gouvernement n'a pas assumé son obligation fiduciaire et a mal géré les terres de la réserve par l'entremise de son ministère. Ce manquement à son devoir vient d'être corrigé.

Je suis convaincu que la bande de Pictou Landing saura gérer de façon responsable les sommes qui lui sont versées en vertu de cet accord et je lui souhaite bonne chance.

La présidente suppléante (Mme Maheu): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

(1210)

LOI SUR LES ARMES À FEU

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.) propose: Que le projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

Madame la Présidente, je me permets de dire que c'est pour moi un honneur d'ouvrir le débat de deuxième lecture sur cet important projet de loi et d'exhorter la Chambre à adopter ce projet de loi en principe avant qu'il ne soit renvoyé au comité permanent pour un examen très approfondi.

Si je puis me permettre, je commencerais aujourd'hui par parler des questions de principe-objectifs, idéaux et valeurs-qui ont poussé le gouvernement à rédiger et à présenter ce projet de loi.

Le gouvernement estime que la réglementation des armes à feu devrait viser principalement à faire que le Canada demeure un pays sûr, civilisé et paisible.

Nous avons bien des raisons de respecter et d'admirer nos voisins du sud et de chérir les relations uniques que nous entretenons avec eux, mais il y a aussi des aspects du mode de vie américain que nous ne souhaitons pas adopter au Canada et en particulier la façon américaine de réglementer et d'utiliser les armes à feu.

On dit qu'il y a en circulation aux États-Unis plus de 200 millions d'armes à feu, dont des dizaines de millions d'armes de poing, qui sont visées par divers règlements, mais le contexte général est que l'utilisation privée d'armes à feu est reconnue, acceptée et même encouragée dans certains endroits, y compris pour sa protection personnelle.

Mon gouvernement et moi-même ne voulons pas cela au Canada. Nous ne voulons pas vivre dans un pays où l'on veut ou croit devoir posséder une arme à feu pour se défendre. C'est là le premier principe qui nous a guidés dans la rédaction d'un projet de loi régissant les armes à feu.

Un autre principe veut que, pour préserver le caractère sûr et paisible de notre pays, nous précisions bien que nous ne tolérerons pas et même que nous punirons sévèrement l'utilisation d'armes à feu pour la perpétration d'un crime. Ceux qui décident d'utiliser une arme pour menacer d'autres personnes, pour les voler ou les agresser doivent savoir que cette décision peut avoir de lourdes conséquences sur le reste de leur vie. Les peines doivent être inévitables et sévères.

Ceux qui font la contrebande des armes et qui vendent des armes à feu illégales, ceux qui réalisent des profits en mettant des armes entre les mains de criminels doivent savoir que cela entraîne rapidement et inévitablement des peines. C'est le deuxième principe que nous avons adopté dans la préparation des dispositions de la mesure législative sur les armes à feu.


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Le troisième principe, c'est la reconnaissance et le respect des usages légitimes des armes à feu au Canada. Nous devons reconnaître et respecter l'histoire et la tradition de la chasse au Canada, non seulement parce que c'est le passe-temps favori dans de nombreuses parties du Canada, mais également parce que c'est une activité économique très importante qui contribue directement à la prospérité de nombreuses régions. Nous devons reconnaître et respecter l'utilisation légitime des armes à feu en agriculture et à la chasse puisqu'elles sont des outils qui aident leurs propriétaires à gagner leur vie. Nous devons permettre l'usage légitime des armes à feu. Nous ne devons pas le limiter indûment.

(1215)

Nous devons également reconnaître que certaines personnes aiment collectionner des armes à feu et que d'autres aiment le tir sportif. D'ailleurs, les athlètes canadiens qui s'entraînent et excellent au tir sportif se sont illustrés sur la scène internationale. Nous devons reconnaître et respecter les intérêts des collectionneurs et des sportifs. Cependant, tout en reconnaissant et en respectant les usages légitimes des armes à feu, nous devons tenir compte des considérations de sécurité publique.

[Français]

Alors, les Canadiens ont la ferme intention de sauvegarder et de renforcer la civilité exceptionnelle qui les a toujours distingués. Le programme politique et législatif intitulé «La sécurité dans les lieux publics et privés» témoigne de l'engagement du présent gouvernement en ce sens.

[Traduction]

Voici les éléments du projet de loi C-68, que nous présentons aujourd'hui: premièrement, des mesures sévères pour contrer l'usage criminel des armes à feu; deuxièmement, des peines précises pour punir ceux qui font la contrebande des armes à feu illégales; troisièmement, des mesures générales pour délimiter ce qui constitue un usage légitime des armes à feu qui ne menace pas la sécurité publique. Pour chacun de ces éléments, l'enregistrement universel des armes à feu est une condition fondamentale de l'atteinte des objectifs que j'ai énoncés.

Je sais que l'enregistrement universel est l'aspect du projet de loi qui déplaît le plus à beaucoup de députés et à beaucoup d'autres Canadiens. Au cours des mois que j'ai passés à voyager d'un bout à l'autre du pays et à parler aux gens qui possèdent et utilisent légalement des armes à feu, beaucoup m'ont dit qu'ils n'étaient pas d'accord avec le gouvernement sur la question de l'enregistrement.

Je veux aborder directement cette question et expliquer comment l'enregistrement universel nous permettra d'atteindre certains objectifs, c'est-à-dire faire de la société canadienne une société plus paisible, répondre plus efficacement à l'utilisation des armes à feu à des fins criminelles et accroître la sécurité publique.

Je vais commencer en disant que nous vivons dans une société où tous les biens sont licenciés, enregistrés ou réglementés d'une manière ou d'une autre. Toutes les activités sont réglementées au moyen de mesures législatives ou administratives afin d'assurer le niveau d'ordre souhaitable dans une société civilisée. Dans ce contexte où les voitures, les animaux familiers et les biens de tous genres sont enregistrés de façon à pouvoir en retracer le propriétaire, l'idée d'un système d'enregistrement des armes à feu est certainement justifiée dans une société qui veut assurer un certain niveau d'ordre.

Quel est le lien entre l'enregistrement des armes à feu et les efforts des policiers en vue de lutter contre le crime et de faire de notre société un endroit plus sûr? D'après les renseignements que j'ai obtenus, d'après ce que j'ai lu et d'après les discussions que j'ai eues tant avec les agents de la paix qu'avec les amateurs d'armes à feu eux-mêmes, il semble que les criminels obtiennent leurs armes à feu sur le marché noir. Ils ne les enregistrent pas. Ils ne les achètent pas chez le marchand local, ne remplissent pas les formulaires requis, ne demandent pas d'autorisation d'acquisition d'armes à feu, ne suivent pas de cours et ne paient pas de droits. Les criminels obtiennent leurs armes à feu illégalement, sur le marché noir.

Les armes à feu vendues sur le marché noir viennent de deux sources: premièrement, les armes qui entrent au Canada en contrebande et qui sont donc ici illégalement et, deuxièmement, celles qui sont volées à leurs propriétaires légaux et revendues ensuite sur le marché noir.

(1220)

Supposons que vous voulez utiliser une arme à feu pour perpétrer un hold-up ou une agression. Il suffit de vous rendre dans une des grandes villes canadiennes et, si vous connaissez quelqu'un qui a des relations, vous pouvez acquérir illégalement une arme à feu tirée du coffre d'une voiture, à l'arrière d'un bar clandestin, ou au deuxième étage d'un certain hôtel du centre-ville ou dans une maison de banlieue, et vous en servir pour commettre un crime.

Nous devons sûrement tarir les sources d'approvisionnement pour ce marché clandestin. Nous devons sûrement réduire le nombre des armes à feu qui entrent en contrebande dans notre pays. Nous devons sûrement réduire le nombre des armes à feu volées et revendues clandestinement. Comment y réussirons-nous? Grâce à l'enregistrement.

L'enregistrement de toutes les armes à feu nous permettra en effet d'accomplir un meilleur travail aux frontières. Nous ne réussirons sans doute jamais à faire cesser complètement la contrebande des armes à feu. Il se fait 130 millions de passages frontaliers par année. Nous ne pouvons pas arrêter chaque véhicule pour en inspecter le coffre ou le compartiment à gants. Nous pouvons cependant faire un meilleur travail que par le passé, et l'enregistrement nous en donnera les moyens.

Environ 375 000 armes à feu sont entrées au Canada l'année dernière. Presque toutes les armes à feu vendues ici sont importées. Nous ignorons où elles se trouvent, ou comment elles sont arrivées chez nous. Il n'existe pas de contrôle une fois qu'elles sont entrées. Nous savons que des armes à feu sont soustraites des cargaisons qui entrent ici en toute légalité. Pas plus tard que la semaine dernière à Toronto, quelqu'un a été arrêté pour vente illégale d'armes à feu qui avaient été importées légalement.


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L'enregistrement nous permettra d'enregistrer les arrivages d'armes et d'en suivre la trace jusqu'au point de vente et entre les mains d'un légitime propriétaire. Il nous permettra de mettre fin au genre de pertes qui se produisent actuellement et de réduire le nombre de cas de gens qui vendent illégalement des armes importées légalement.

De pair avec les autres mesures que le gouvernement propose en matière de contrôles frontaliers, notamment des procédures plus rigoureuses d'inspection et d'exécution de la loi, l'enregistrement nous permettra de nous attaquer à l'une des deux principales sources d'armes à feu pour le marché criminel et clandestin.

Quant à la seconde source d'armes à feu, celles qui sont volées à leurs légitimes propriétaires, on calcule qu'environ 3 800 armes à feu ont ainsi été perdues ou volées l'année dernière au Canada. Le total cumulatif des armes à feu qui ont été volées ou perdues et non récupérées s'élève à 65 000 depuis 1974.

Qu'est-ce que cela a à voir avec l'enregistrement? Les policiers soutiennent, et cela me paraît logique, que l'enregistrement oblige les propriétaires d'armes à feu à déclarer le fait qu'ils sont propriétaires, ce qui est de nature à les aider à se sentir plus raisonnables d'appliquer les dispositions déjà en vigueur, en ce qui a trait à l'entreposage en lieu sûr. Il peut s'agir notamment du blocage de la gâchette, de la conservation des munitions dans un endroit distinct ou de la conservation des armes à feu dans une armoire verrouillée.

Si toutes ces exigences sont respectées, il y aura moins de vols d'armes à feu, par exemple lorsqu'il y a entrée par effraction et que le malfaiteur trouve un fusil appuyé contre le mur ou un revolver sur la table de nuit. Cette importante source d'armes pour les criminels sera donc limitée.

Ce n'est pas tout. L'enregistrement réduira la criminalité et aidera les services de police à lutter contre le crime dans la société canadienne en leur fournissant l'information dont ils ont souvent besoin pour faire leur travail. Permettez-moi de donner aux députés un exemple concret.

Il y a deux semaines, à Victoria, lorsque j'ai rencontré les ministres provinciaux et territoriaux de la justice, ils m'ont parlé d'un certain nombre de modifications que nous pourrions apporter au Code criminel pour le rendre plus efficace. L'une d'elles concerne le harcèlement criminel.

Une des améliorations qui ont été proposées consisterait à ajouter à l'arsenal de sanctions que les tribunaux peuvent imposer, en cas de harcèlement criminel, une ordonnance interdisant la possession d'armes à feu, car nous avons affaire dans ces cas-là à des personnes reconnues coupables d'un crime qui, trop souvent, mène à la violence.

La proposition a été faite à la rencontre des ministres, qui n'étaient pas tous d'accord à propos de l'enregistrement universel, mais la question suivante a surgi: «À supposer que nous ayons une ordonnance judiciaire interdisant à une personne de posséder des armes à feu parce qu'elle a été reconnue coupable de harcèlement criminel, comment allons-nous faire appliquer cette ordonnance? Comment saurons-nous que la personne visée a remis toutes ses armes à feu? Comment les policiers sauront-ils quelles armes à feu chercher quand ils se présenteront chez cette personne pour mettre en application l'ordonnance?»

(1225)

L'enregistrement obligatoire fournira aux policiers une base de renseignements qui les aidera à appliquer ce genre d'ordonnance souvent prise par les tribunaux, à l'endroit des personnes trouvées coupables de telles infractions.

J'ai déjà dit à la Chambre que la plupart des policiers sont en faveur de l'enregistrement universel et je mise beaucoup là-dessus. Nous pouvons ergoter sur l'opinion de certains policiers, car je sais que la question ne fait pas entièrement l'unanimité, mais depuis de nombreuses années, les chefs de police ont exercé de vigoureuses pressions pour qu'un projet de loi comme celui-ci soit adopté.

L'Association canadienne des policiers, par l'entremise de son conseil d'administration, a appuyé ces mesures. Des conseils et des corps policiers de partout au Canada nous encouragent à adopter ce projet de loi. Je sais qu'il y a des policiers qui ne partagent pas ce point de vue, mais les corps policiers sont majoritairement en faveur de ces mesures.

Des groupes de victimes, notamment le CAVEAT, nous exhortent à imposer l'enregistrement universel. Priscilla de Villiers, la présidente du CAVEAT, a perdu une fille dans une horrible tragédie. Sa fille a en effet été assassinée par un homme qui avait fait l'objet d'enquêtes policières relativement à des armes feu.

Dans l'affaire Jonathon Yeo, il y a eu enquête sur la mort de Nina de Villiers. Après avoir passé des mois à examiner les circonstances de cette affaire, le jury dans cette enquête a recommandé l'enregistrement obligatoire de toutes les armes à feu. Priscilla de Villiers a fermement appuyé cette mesure, se disant convaincue qu'elle aidera la police à lutter contre la criminalité.

La portée de cette question est encore plus vaste. L'enregistrement nous aidera à enrayer le fléau de la violence conjugale. Selon les statistiques, tous les six jours, une femme est assassinée au moyen d'une arme à feu au Canada, la plupart du temps chez elle, par quelqu'un qu'elle connaît et qui est légalement propriétaire d'une carabine ou d'un fusil. Dans pareil cas, il ne s'agit pas d'un criminel avec une arme de contrebande qui cherche à voler le magasin du coin, mais bien d'une connaissance, d'un conjoint ou d'un ami, qui l'attaque chez elle.

Qu'est-ce que cela a à voir avec l'enregistrement? De par sa nature, la violence conjugale est épisodique et va en augmentant. Généralement, à un moment ou à un autre, les tribunaux ont pris une ordonnance interdisant à l'agresseur de posséder des armes à feu. Lorsque les policiers essaient de faire respecter cette ordonnance, dans un cas de harcèlement avec menaces, par exemple, ils ne savent pas s'ils y sont parvenus ou non. Ils ne savent pas quelles armes à feu l'agresseur possède.

Quand les armes sont enregistrées, si le propriétaire de telles armes doit s'enregistrer et montrer une preuve d'enregistrement pour acheter des munitions-comme ce sera le cas-, la police saura de quelles armes il s'agit, elle pourra faire appliquer la loi et des vies seront sauvées.

Les suicides et les accidents fournissent un autre exemple. L'an dernier, des 1 400 personnes mortes par balle au Canada, 1 100 se sont suicidées. D'aucuns diront que les personnes qui


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veulent vraiment se suicider le feront quand même quels que soient les contrôles que l'on instituera. Cela ne fait pas de doute. Cependant, trop souvent, les jeunes se suicident dans un moment d'angoisse, sur un coup de tête à cause d'une peine d'amour, de difficultés à la maison ou à l'école.

Si l'accès aux armes à feu est rendu plus difficile, des vies seront sauvées. Si l'enregistrement, comme la police le pense, incite les propriétaires d'armes à entreposer en lieu sûr leurs armes à feu pour que ces actes impulsifs soient moins susceptibles de se produire, le résultat pourrait être différent.

Depuis 1970, quelque 470 enfants sont morts au Canada des suites d'accidents causés par des armes à feu. Si nous pouvons faire en sorte que les armes soient davantage entreposées en lieu sûr grâce à l'enregistrement, si l'enregistrement nous fournit un moyen nous permettant d'identifier les propriétaires d'armes à feu, de les éduquer et de les inciter à respecter la loi, des vies d'enfants pourraient être sauvées. Cela dit, quelles sont les objections contre l'enregistrement? D'aucuns prétendent qu'il coûtera trop cher, tant au gouvernement qu'aux propriétaires d'armes à feu. Examinons donc cette affirmation, d'abord en ce qui concerne le gouvernement.

(1230)

Nous avons dévoilé nos estimations du coût de la mise en oeuvre de l'enregistrement universel au cours des cinq prochaines années. Nous pensons que cela coûtera 85 millions de dollars. Nous avons également dit que nous saisirions le comité parlementaire, auquel tous les partis siègent, de détails relatifs aux calculs illustrant nos estimations et comment nous sommes arrivés à ces chiffres. Nous inviterons nos vis-à-vis à examiner nos estimations. Nous croyons bien pouvoir montrer que ces chiffres sont réalistes et exacts.

En ce qui concerne le prix à payer pour les propriétaires d'armes à feu, le système d'enregistrement que nous envisageons, si cette mesure législative est adoptée, verrait le jour l'an prochain. On accorderait un délai de cinq ans aux propriétaires d'armes à feu pour obtenir une fiche qu'ils pourraient facilement se procurer dans leur voisinage, y inscrire leurs nom et adresse et la retourner. Puis, un permis de possession d'armes à feu leur serait délivré. Au cours de la première année de la période de mise en oeuvre d'une durée de cinq ans, nous escomptons qu'il n'en coûterait rien ou, à tout le moins, une somme modique aux alentours de 10 $.

La deuxième étape de l'enregistrement, c'est-à-dire l'enregistrement des armes à feu mêmes, débuterait deux ans plus tard, au mois de janvier 1998. On demanderait de nouveau aux propriétaires d'armes à feu de remplir une fiche qu'ils pourraient se procurer près de chez eux, d'y inscrire la marque, le modèle et le numéro de série de leurs armes à feu et de nous la retourner. Nous leur délivrerions alors un certificat d'enregistrement. Ce processus s'étendrait, lui aussi, sur cinq ans et se terminerait donc en 1998. Une fois de plus, au cours de la première année de mise en oeuvre, il n'en coûterait rien, ou presque rien, peut-être la modique somme de 10 $, pour enregistrer jusqu'à 10 armes à feu.

Si nous comparons le caractère relativement peu contraignant d'un tel système-en fait, tout ce que nous demandons aux propriétaires d'armes à feu, c'est de remplir deux fiches et de les poster-aux avantages qui, selon les experts, en découleront, il semble que, tout bien pesé, l'enregistrement des armes à feu est justifié.

On dit qu'un tel système serait compliqué et mobiliserait une armée de fonctionnaires. D'après la description que je viens d'en donner, de toute évidence, c'est tout le contraire. Nous pouvons profiter du fait qu'il nous faudra concevoir et mettre en oeuvre un tel système, en collaboration avec les autorités provinciales et les groupes de propriétaires d'armes à feu, pour éliminer les irritants, réduire la paperasserie, simplifier le système et le rationaliser, afin d'atteindre simultanément tous nos objectifs.

Il est crucial, à mon avis, de se fonder sur des données réelles pour débattre la question de l'enregistrement, qui suscite des prises de position très fermes des deux côtés. Nous devons nous en tenir à la réalité de la situation et ne pas prêter l'oreille à certaines conjectures, par exemple qu'il en coûterait 100 $ pour enregistrer chaque arme à feu ou encore que cette loi serait le prélude à la confiscation de tous les fusils de chasse. Il ne faut pas prétendre que la mise en place du système coûtera 1,5 milliard de dollars.

C'est avec de telles idées que l'on fait bifurquer la discussion et que l'on effraie la population. Ce débat doit absolument porter sur des faits réels. Lorsque nous examinons les faits, il me semble que les objectifs, dont j'ai parlé au début, sont réalisables et que nous pourrons les atteindre tout en respectant l'utilisation légitime des armes à feu, sans imposer de fardeau exagéré aux propriétaires d'armes à feu. Il n'y aurait qu'à instaurer un système d'enregistrement universel, pour les raisons que j'ai déjà expliquées.

Sur le chapitre de la criminalité, la Chambre sait, d'après les déclarations qui ont été faites antérieurement, que le projet de loi prévoit une augmentation des peines pour l'usage criminel des armes à feu. Il prévoit aussi une modification de la structure du code qui empêcherait la négociation de plaidoyers dans les causes d'utilisation répréhensible d'armes à feu, car les peines seraient insérées directement dans les articles portant sur les infractions mêmes.

(1235)

J'ai discuté avec mes homologues provinciaux et territoriaux pour obtenir leur collaboration afin que les lois du Code criminel soient appliquées telles quelles par les tribunaux et que les procureurs généraux des provinces ordonnent aux procureurs de la Couronne d'imposer, dans toutes les cas où les faits le justifient, exactement les peines prévues dans la loi, afin de dissuader toute personne d'utiliser une arme à feu à des fins criminelles.

Durant l'élaboration de ce projet de loi, à la demande du premier ministre, j'ai rencontré plus de 150 organisations régionales et nationales de propriétaires et d'utilisateurs d'armes à feu. J'ai rencontré des chasseurs, des fermiers, des tireurs sur cible, des collectionneurs, des tireurs au pigeon d'argile et des athlètes qui se sont distingués et ont fait honneur au Canada aux


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Jeux olympiques et aux Jeux du Commonwealth. J'ai rencontré les membres de la Fédération de tir du Canada. J'ai rencontré les membres de toutes sortes de clubs locaux de chasse, de plein air et de vie sauvage.

Je veux que la Chambre sache que j'ai bien écouté et que j'ai appris de toutes ces rencontres. Des dispositions ont été modifiées sensiblement en fonction de ce que m'ont dit les propriétaires d'armes à feu.

Tout d'abord, la Chambre va s'apercevoir que, dans le projet de loi C-68, nous n'entendons pas seulement modifier le Code criminel pour prévoir des peines plus sévères, mais également envisager une loi tout à fait distincte, la Loi sur les armes à feu, pour s'occuper de tous les aspects de la réglementation concernant l'acquisition, l'utilisation et la possession d'armes à feu.

On veut répondre ainsi à la plainte que formulent depuis longtemps les propriétaires d'armes à feu qui s'offusquent de devoir consulter le Code criminel pour déterminer la façon dont la possession d'armes à feu est réglementée.

On m'a demandé pourquoi il était nécessaire de combiner la réglementation touchant la possession d'armes à feu et le droit criminel. Pour répondre à cette préoccupation, j'ai supprimé ces éléments du code et je les ai insérés dans un texte législatif distinct, la Loi sur les armes à feu.

D'aucuns ont proposé, dès le début, l'entreposage central des armes à feu ou l'établissement de zones urbaines d'où les armes seraient bannies. Après avoir consulté toutes les personnes intéressées, j'ai pu constater que cette proposition était impossible à mettre en pratique, et nous ne sommes pas allés plus loin.

Au départ, on a exhorté le gouvernement à interdire toutes les armes de poing. On nous a dit que les trois quarts des Canadiens et, en fait, la majorité des propriétaires d'armes à feu croyaient qu'il fallait bannir toutes les armes de poing détenues par de simples citoyens. Nous ne l'avons pas fait.

Lorsque j'ai rencontré les représentants des associations de propriétaires d'armes à feu, j'ai été très impressionné de voir avec quelle ardeur de nombreux Canadiens pratiquaient le tir sur cible. Il s'agissait de personnes hautement qualifiées et tout à fait respectueuses des lois qui prenaient leur passe-temps très au sérieux. Les Canadiens veulent continuer de pratiquer ces sports.

Ainsi, le projet de loi tient compte de cette situation et permet l'exercice de ces sports. Nous voulons, avec le temps, retirer de la circulation toutes les armes de poing ne pouvant servir au tir sur cible ou au tir sportif, ce qu'on appelle les armes du samedi soir, et interdire, immédiatement après la promulgation de la loi, leur importation et leur vente. Il s'agit des armes de poing qui, du fait de leur conception et de leurs caractéristiques, se cachent facilement, sont peu coûteuses et faciles à échanger sur le marché clandestin. Ces armes ne conviennent pas au tir sur cible à cause de leur manque de précision.

Nous avons aussi signalé clairement que les gens possédant des armes de poing prohibées pourraient les utiliser conformément aux nouvelles exigences prévues dans la loi et les échanger avec d'autres personnes dans la même catégorie. On a, de cette façon, répondu aux plaintes selon lesquelles nous faisions baisser la valeur des investissements effectués par les propriétaires.

Permettez-moi aussi de souligner que, lorsque ce projet de loi sera renvoyé au comité, à la suite du débat en deuxième lecture, je demanderai alors que le comité se penche sur des modifications précises qui pourraient être apportées à la loi. Tout d'abord, pour nous assurer de ne pas toucher indûment tous les concours sportifs comportant l'usage d'armes de poing, nous avons déjà précisé clairement que les Walther de calibre 22 et 32 utilisés par Linda Thom aux Olympiques de 1984 ne seront pas visés par l'interdiction. Nous voulons que le comité consulte l'Union internationale de tir pour savoir s'il y a d'autres armes de poing qui devraient être exemptées pour ne pas risquer de compromettre des activités sportives légitimes.

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Deuxièmement, je demanderai au comité de voir s'il y a des activités de tir à la poudre noire qui risqueraient d'être affectées par la loi. Nous n'avons nullement l'intention de restreindre de quelque façon que ce soit les reconstitutions historiques qui supposent l'utilisation des reproductions d'armes. Nous ne pensons pas avoir agi en ce sens, mais nous demanderons au comité de se pencher sur cette question et de nous faire savoir s'il sera nécessaire d'adopter des amendements de forme pour que cela soit bien clair.

Troisièmement, nous demanderons au comité d'examiner la question des reliques et objets de famille, puisque des familles et des particuliers désirent laisser à leurs descendants des armes à feu qu'ils ont acquises et qui ont une valeur historique ou sentimentale pour la famille. Nous devons respecter ce désir. Nous demanderons donc au comité de trouver une façon d'y arriver tout en tenant compte des impératifs de sécurité publique.

Je ferai également remarquer que l'obligation pour tous de faire enregistrer leurs armes à feu assurera un moyen logique de contrôler l'accès aux munitions, puisque les personnes qui voudront acheter des munitions devront prouver qu'ils ont un certificat d'enregistrement les autorisant à posséder et à utiliser une arme à feu.

Je rappelle enfin que, pendant la période de consultation, les communautés autochtones ont insisté pour que nous respections leurs droits issus des traités et leur mode de vie traditionnel et communautaire.

La loi sur les armes à feu s'appliquera aux autochtones exactement de la même manière qu'à tout le monde. Les principes sont identiques. Nous nous sommes cependant engagés à respecter les droits issus des traités. Nous croyons que le projet de loi respecte ces droits, car il n'est ni plus ni moins qu'un moyen qu'aura le gouvernement fédéral pour réglementer la chasse et d'autres activités.

Une voix: Il y a deux catégories de Canadiens.

M. Rock: Il n'y a pas deux catégories. De plus, nous croyons que la loi pourra être appliquée dans le respect des modes de vie traditionnels des autochtones et que l'administration pourra en être décentralisée et confiée à la communauté même. Nous som-


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mes déterminés à coopérer avec les communautés autochtones au Canada pour qu'il en soit ainsi.

Il survient de temps à autre des problèmes et des questions qui permettent au législateur d'un pays de définir l'avenir qu'il souhaite pour sa population. À mon avis, la réglementation des armes à feu constitue une de ces questions en ce moment. Nous avons actuellement une occasion, au nom du Parlement du Canada, de nous prononcer sur le genre de Canada que nous désirons pour nous-mêmes et pour nos enfants, sur les efforts que nous sommes prêts à faire pour préserver le pays pacifique et civilisé dont nous sommes fiers et pour montrer qui, au juste, a le contrôle des armes à feu au Canada. Est-ce que ce sont les groupes en faveur de ces armes ou les Canadiens en général?

On parle beaucoup de sondages à la Chambre. Ce ne sont pas des sondages qui ont inspiré ce projet de loi. Il repose sur les principes et les objectifs que j'ai décrits au début. Cependant, les sondages sont utiles à l'occasion pour nous rappeler le point de vue de la population sur ces questions. Il ne fait aucun doute que ces propositions reçoivent l'appui de la vaste majorité des Canadiens de toutes les régions, tant rurales qu'urbaines, car ils estiment que cette mesure législative nous offre justement une occasion de nous prononcer, comme je l'ai dit plus tôt, sur le genre de pays que nous voulons, sur l'avenir que nous désirons et sur les conditions d'acquisition et d'utilisation d'armes à feu au Canada.

Je recommande ce projet de loi à la Chambre. Je l'invite à examiner les principes dont nous parlons et lui demande de souscrire à ces principes.

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Madame la Présidente, nous sommes heureux d'avoir enfin un projet de loi sur le contrôle des armes à feu. Il était grand temps que le ministre de la Justice dépose, sous la forme d'un projet de loi, son plan d'action. Nous sommes ravis de passer des voeux pieux au vrai débat. Finies les tergiversations, les conférences, les consultations, nous voilà enfin à débattre du projet de loi C-68 qui dans son ensemble se veut innovateur.

Nous, de l'opposition officielle, sommes sensibles aux préoccupations d'une population qui s'inquiète, avec raison, de la prolifération des armes et du nombre effarant de décès causés par celles-ci.

(1245)

Nous ne critiquons pas seulement pour le plaisir de critiquer, comme voudrait le faire croire le ministre de la Justice. Nos critiques se veulent constructives. Nous appuyons, en principe, un projet de loi qui favorise un resserrement du contrôle des armes à feu.

D'entrée de jeu, j'aimerais souligner l'attitude du ministre de la Justice pendant le débat sur le contrôle des armes à feu. Il me fait toujours plaisir d'observer un politicien qui colle à ses convictions.

Cela dit, bien que je félicite le ministre de la Justice, le projet de loi C-68 n'est pas une panacée qui réglera tous les problèmes. Il pêche par omission, car ce n'est pas tant ce qui se trouve dans le projet de loi qui me préoccupe, mais ce qui ne s'y trouve pas. J'y reviendrai plus abondamment dans quelques minutes d'ailleurs.

Je ne peux passer sous silence le comportement de la minorité qui représente le lobby pro-armes. Il aura réussi à faire croire que son discours extrémiste est grandement partagé. Le lobby pro-armes de même que leurs amis réformistes calculent au poids les interventions dans ce dossier. Ils tentent de nous convaincre que, plus on parle, mieux on parle. L'accueil chaleureux qu'ils ont réservé au ministre de la Justice lors de son passage à Calgary en dit long sur leur allégeance et leur cynisme. Leur discours est ponctué de menaces de désobéissance civile, de droit sacro-saint de posséder une arme et de liberté individuelle et collective.

Ils veulent faire croire à la population qu'un projet de loi sur le contrôle des armes est l'oeuvre d'un despote comme Staline, Hitler ou Pol Pot. J'ai même reçu, à mon bureau d'Ottawa, une missive à laquelle était jointe une liste des pays où il s'était pratiqué des génocides et les dates d'entrée en vigueur d'une loi sur le contrôle des armes dans ces pays.

Ces adeptes du droit de porter des armes tentaient d'établir une corrélation entre le contrôle des armes et les génocides qui ont terni l'histoire de l'humanité. Il n'y a pas de quoi être fier. Je n'ai jamais vu pareille malhonnêteté intellectuelle. Ces individus devraient avoir honte de colporter des montruosités semblables. Oser prétendre que le génocide arménien est la conséquence directe d'une loi sur le contrôle des armes entrée en vigueur quelque 40 ans auparavant ne tient plus de l'aberration mais de la pure folie.

Je conviens que ces individus ne représentent pas la majorité de ceux qui s'opposent au contrôle des armes sous toutes ses formes. Les réformistes devraient vérifier dans leurs rangs et débusquer les extrémistes. Un grand ménage du printemps s'impose.

Je reviens au projet de loi devant nous aujourd'hui. Alors, nous l'avons décrié l'automne dernier et, aujourd'hui encore, nous dénonçons les hésitations du ministre de la Justice. Depuis le temps que le ministre nous promettait une législation sur le contrôle des armes à feu, nous attendions quelque chose de plus complet, je l'avoue.

Le ministre de la Justice a voulu rallier tout le monde en en donnant un peu à chacun. Les réformistes, le groupe de pression pro-armes et plusieurs collègues du ministre de la Justice se réjouissent de la hausse des peines minimales pour les crimes ayant été commis avec l'aide d'une arme à feu et du fait que les propriétaires actuels d'armes aient presque huit ans de grâce pour se soumettre au système d'enregistrement national que le ministre nous propose aujourd'hui.

Regardons de plus près qui doit se réjouir: les pro-armes ou les tenants d'un contrôle plus sévère des armes à feu?

Tout d'abord, le projet de loi suggère des modifications importantes au Code criminel. Au chapitre des sentences, le projet de loi augmente de un à quatre ans le nombre d'années minimales que devra purger un individu ayant commis une infraction à l'aide d'une arme à feu. L'actuel article 85 du Code criminel prévoit une peine minimale d'un an pour quiconque utilise une arme à feu en vue de commettre un acte criminel.


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Le problème que pose l'article 85 est le suivant: seulement le tiers des accusations portées en vertu de cet article résultent en une condamnation. Les procureurs au dossier se servent, la plupart du temps, de cet article lors des négociations de plaidoyers. La Couronne se satisfait du peu de condamnations, car en retour elle obtient un plaidoyer de culpabilité pour l'infraction principale, comme un vol qualifié ou une agression sexuelle.

(1250)

Le projet de loi ne règle en rien cette situation de fait. On augmente les peines minimum sans qu'il existe de mécanisme qui obligerait les procureurs à ne plus négocier de plaidoyers de culpabilité. De plus, les juges, en général, ont tendance à appliquer un principe totalisant le nombre d'années que le prévenu aura à purger. Il n'existe rien dans le projet de loi qui modifierait cette pratique.

Il y a fort à parier que ces derniers continueront de le faire et ainsi réduire le nombre d'années qu'ils imposeraient pour l'infraction principale. Dans le concret, il pourrait ne pas y avoir d'augmentation significative du nombre d'années réelles que l'individu aura à purger. Cependant, si les juges abandonnent la pratique de totaliser le nombre d'années, l'augmentation de la population carcérale pourrait créer une autre source de problèmes. J'y reviendrai d'ailleurs.

Enfin, l'article 85 est modifié par l'ajout d'une liste de dix infractions violentes auxquelles s'appliquera la disposition. Nous nous posons plusieurs questions sur le sérieux de la démarche du ministre pour dresser cette liste. On y retrouve l'homicide involontaire coupable, crime où l'intention coupable n'est pas présente. Cependant, l'infraction de voies de fait ne s'y trouve pas. Est-ce à dire que l'on punira de la même façon peu importe si la victime survit ou non à ses blessures? L'infraction de séquestration est également absente de cette liste, quoi que l'enlèvement et la prise d'otage y soient.

D'autre part, je me questionne sérieusement sur l'effet dissuasif d'une hausse de la peine minimale prévue à l'article 85. Je voudrais faire remarquer qu'un document de travail préparé par le ministère de la Justice, sur l'article 85 en particulier, et l'imposition des peines minimales, en général, conclut que dans l'ensemble le public ignore quelles infractions comportent une peine minimale obligatoire.

De plus, le même document, que le ministre de la Justice aurait dû analyser plus en profondeur, conclut également que comme moyen de dissuasion les peines minimales obligatoires ont probablement très peu d'impact sur le taux de commission d'une infraction substantielle. Le vol qualifié en est un exemple excellent. Pis encore, il semblerait que les jurys soient moins enclins à rendre un verdict de culpabilité s'ils savent que l'infraction dont est accusé le prévenu comporte une peine obligatoire.

En admettant que les juges n'appliquent pas le principe qui veut que l'on totalise le nombre d'années pour des infractions multiples, il en résultera une augmentation substantielle de la population carcérale. En effet, la peine minimale de quatre ans sera consécutive à toute autre peine imposée par le juge.

Le ministre de la Justice semble croire naïvement que les centres de détention pourront accueillir ce nombre accru de détenus. En effet, il argumente que la dissuasion que son projet de loi apporte fera baisser le nombre de crimes perpétrés à l'aide d'une arme. Il n'a aucun moyen de savoir quel sera l'impact de son projet de loi sur le nombre de condamnations futures que pourrait engendrer sa réforme.

Gardons à l'esprit qu'une chaîne est aussi forte que le plus faible de ses maillons. Si le ministre veut augmenter la peine minimale prévue à l'article 85 du Code criminel, il doit prévoir que la population carcérale se multipliera et que nous n'avons pas les infrastructures nécessaires pour accueillir ces nouveaux détenus.

La mise en garde du professeur Pierre Landreville de l'Université de Montréal mérite que l'on s'y arrête. Dans un article publié dans le journal Le Devoir du 23 décembre dernier, M. Landreville explique les dangers d'une telle législation, et je le cite: «Environ 1 500 personnes sont reconnues coupables chaque année au Québec et pourraient éventuellement écoper d'une peine minimale de quatre ans en sus de la peine pour l'infraction principale. La population des pénitenciers du Québec qui est actuellement d'environ 4 000 détenus doublerait presque dans les quatre premières années de cette mesure.»

Qui dit augmentation de la population carcérale, dit augmentation des coûts afférents.

(1255)

Est-ce que le ministre aura l'honnêteté de dire aux contribuables combien nous coûtera sa réforme, quand on sait que le coût annuel moyen pour la seule garde d'un détenu en 1992-1993 s'élevait à 56 000 $ en sécurité maximale et à 36 000 $ en sécurité moyenne? Est-ce que le lobby pro-armes peut encore se dire satisfait de l'augmentation de la peine minimale de l'article 85?

D'autre part, pour nous qui désirons un contrôle des armes à feu, pouvons-nous crier victoire? Certes non. Le projet de loi crée une loi distincte qui permet l'établissement d'un système de délivrance de permis de possession et d'utilisation d'armes à feu et un système national d'enregistrement de toutes les armes à feu. Le non-respect des dispositions sur les permis et l'enregistrement constituera une infraction en vertu du Code criminel. Le ministre de la Justice a décidé de maintenir les sanctions dans sa législation, à l'encontre des voeux de plusieurs de ses collègues libéraux.

En outre, le projet de loi C-68 crée de nouvelles infractions dans le Code criminel assorties de lourdes peines en ce qui concerne l'importation illégale et le trafic d'armes à feu. De plus, si un individu se voit condamné pour l'une des dix infractions violentes désignées, il se verra infliger, en sus de la peine minimum obligatoire, une interdiction à vie de posséder une arme à autorisation restreinte ou une arme prohibée. Jusqu'ici, tout va bien et ces dispositions sont le résultat de nos revendications.

Également, le projet de loi C-68 fait en sorte qu'il sera dorénavant interdit d'importer ou de vendre des armes de poing de calibre .25 et .32 et des armes de poing munies d'un canon de 105 millimètres ou moins. Ces interdictions visent en gros 58 p. 100 de toutes les armes de poing au pays.

Parallèlement au projet de loi C-68, le ministre de la Justice a, par décret prenant effet le 1er janvier 1995, interdit plusieurs types d'armes militaires et paramilitaires. Sont dorénavant déclarées armes prohibées 21 types d'armes militaires et paramili-


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taires comprenant plus de 200 modèles différents. Cependant, comme l'a déjà dit le ministre de la Justice, la pierre angulaire de son projet de loi est un système d'enregistrement universel qui consistera en un registre informatisé contenant les noms et les coordonnées des propriétaires d'armes, et le nombre et la description des armes qu'ils possèdent.

À la veille du nouveau budget du gouvernement libéral, les propositions du ministre de la Justice soulèvent de nombreuses questions sur les coûts d'implantation d'un système d'enregistrement national. Le ministre de la Justice déclarait le 6 décembre dernier, lors d'une visite en Alberta, que son projet coûterait au bas mot 85 millions de dollars à mettre sur pied. Il affirmait que ces coûts seraient répartis sur cinq ans et que le système générerait des revenus par la suite. Avant-hier, en conférence de presse, il se rétracte et affirme que les coûts seront amortis sur sept ans. Il a démontré à la population qu'il n'a aucune idée des coûts que son système engendrera et qui aura le fardeau de les supporter.

On ne peut plus se fier aux estimations du ministre de la Justice, malheureusement, car en plus de deux mois, il vient de rajouter deux ans d'amortissement. Dans quelques mois, devant le Comité permanent de la justice, viendra-t-il nous dire que les coûts de son projet ne seront jamais amortis?

Nous avons toujours demandé un système autofinancé. Comment le ministre de la Justice pourra-t-il financer son système? Il soutient lui-même que les détenteurs d'autorisation d'acquisition d'armes à feu n'auront pas à débourser un sou pour avoir le nouveau certificat de possession d'armes à feu. Les détenteurs actuels n'auront qu'à débourser les frais de renouvellement dans cinq ans au montant de 60 $.

Il affirme également que les nouveaux acquéreurs de certificats n'auront qu'à débourser une somme minime, aux environs de 10 $. Comment le ministre peut-il prétendre que les coûts du système seront amortis en cinq ans ou en sept ans? Tant qu'à faire, pourquoi pas dix ans?

(1300)

En attendant, il demande aux provinces de délier les cordons de leurs bourses, pour l'aider à payer la note. Il demande aux provinces de l'aider à administrer un système dont les coûts sont inconnus. Ceci veut dire que ce ne seront pas seulement les acquéreurs et les propriétaires d'armes à feu qui paieront, mais bien tous les contribuables.

Comme je l'ai dit plus tôt, aux coûts inhérents au système devront s'ajouter les coûts afférents à l'augmentation possible de la population carcérale. Le ministre de la Justice aura beau faire toutes les gymnastiques arithmétiques qu'il voudra, il n'en demeure pas moins que c'est la population au complet qui assumera les coûts de son projet de loi.

Un autre exemple flagrant du manque de rigueur quant aux calculs des coûts se trouve dans une note de service émise par le bureau du ministre de la Justice en date du 19 janvier dernier. Le bureau du ministre y indique et je cite: «Le gouvernement espère, mais ne saurait affirmer, que les personnes qui possèdent déjà une arme à feu n'auront pas à débourser de frais pour obtenir un certificat de possession d'arme à feu.»

Plus loin encore, on retrouve la phrase suivante et je la cite: «Encore une fois, le barème de frais sera graduel, en ce sens que les frais augmenteront avec le temps pour encourager l'enregistrement sans délai. Et, encore une fois, nous espérons qu'il n'y aura pas de frais durant la première année.»

Entre «espérer» et «ne saurait affirmer», le ministre dit à mots couverts qu'il ne comprend rien en mathématique. Il n'a aucune idée du montant que les contribuables ordinaires auront à payer. Il n'a aucune idée des coûts que le projet de loi C-68 engendrera et il n'a aucune idée des montants qu'auront à débourser les propriétaires d'armes à feu. Somme toute, nous exigeons des éclaircissements sur l'exercice mathématique du ministre de la Justice.

Enfin, pouvons-nous crier victoire, comme nous le demande le ministre, quand on sait que tout ce beau système ne sera vraiment fonctionnel que dans le siècle prochain? J'en doute.

Au sujet des règlements, le ministre de la Justice a raté une belle occasion de mettre en pratique ce qu'il prêche. Le Règlement sur l'entreposage, la mise en montre, la manipulation et le transport de certaines armes à feu est un fouillis législatif qu'un juriste de son ministère aurait de la difficulté à déchiffrer. Ce règlement est en vigueur depuis le 1er janvier 1993 et encore aujourd'hui, peu de gens en connaissent l'existence et encore moins en connaissent les exigences. Même les policiers, qui ont la responsabilité de l'appliquer, affirment le méconnaître.

En réponse à l'une de mes questions en Chambre, le ministre de la Justice déclarait, le 15 novembre dernier et je cite: «Je suis conscient qu'il s'agit pour nous de faire en sorte que les Canadiens comprennent les exigences relatives à l'entreposage et s'y conforment.»

J'ai eu beau analyser son plan d'action, j'ai eu beau analyser son projet de loi, nulle part ai-je trouvé une quelconque refonte du règlement en question. Pourtant, le ministre de la Justice justifie son enregistrement universel des armes en disant qu'il rendra le propriétaire d'une arme plus responsable vis-à-vis de l'entreposage et du transport. Comment pouvons-nous demander aux propriétaires d'armes d'être plus responsables et de se conformer à un règlement qu'ils ne connaissent pas ou ne comprennent pas?

Le danger d'une réglementation déficiente réside dans le fait que des armes et des munitions mal entreposées sont disponibles immédiatement pour l'individu qui cède à l'impulsion suicidaire ou violente. Quand les armes et les munitions ne sont pas immédiatement à la portée de la main, cela donne le temps nécessaire à l'individu de réfléchir et de se calmer. Les statistiques relatives aux décès causés par des armes à feu sont effarantes. En 1991, les suicides représentaient 77 p. 100 des 1 445 décès attribuables aux armes à feu. Des 732 homicides enregistrés au Canada en 1992, 246, soit 34 p. 100, ont été commis à l'aide d'une arme à feu.

La majorité des homicides au cours des dix dernières années ont été commis avec des fusils ou des carabines de chasse. Trois fois sur quatre, la conjointe victime de meurtre est abattue par une carabine ou un fusil de chasse.

(1305)

Au Québec, de 1990 à 1992, on a enregistré 1 293 décès attribuables à une décharge d'arme à feu, soit en moyenne 425


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décès annuellement. Toujours au Québec, trois décès par arme à feu sur quatre sont des suicides, pour un total d'environ 300 suicides annuellement. Ces statistiques sont incontournables.

L'enquête de la coroner Anne-Marie David, qui se tenait à Montréal au mois de novembre dernier, nous a permis de mettre en lumière les lacunes et donc les dangers que soulève une réglementation déficiente. Le rapport d'enquête de la coroner David a été rendu public le 26 janvier dernier.

Au cours des audiences, les critiques qui revenaient le plus souvent portaient sur l'incohérence de la réglementation actuelle. Le lieutenant Guy Asselin de la Sûreté du Québec est venu témoigner à l'effet que, et je le cite: «Le règlement n'est pas nécessairement clair, cela n'aide pas les gens qui doivent le faire appliquer et ceux qui veulent s'y conformer.»

Le porte-parole de l'Association des directeurs de police et de pompiers du Québec, M. Richard Côté, abondait dans le même sens et je cite un extrait de son témoignage: «. . .les policiers ne savent pas comment interpréter la loi. Il faut quasiment être spécialiste.» M. Côté a également témoigné à l'effet que la réglementation en question n'était enseignée que dans deux des neuf cégeps qui dispensent le cours de techniques policières et ceux-ci n'offrent qu'une formation de quelques heures.

Si les policiers eux-mêmes ne comprennent pas la réglementation, comment le ministre de la Justice peut-il prétendre que son projet de loi accroîtra la sécurité dans les foyers? Les policiers ne sont pas les seuls à ignorer la réglementation. Les premiers concernés, c'est-à-dire les propriétaires d'armes à feu ignorent jusqu'à l'existence même d'un règlement sur l'entreposage sécuritaire d'une arme à feu.

Un sondage Léger & Léger confirme ces constatations troublantes. Il a été effectué du 1er au 13 septembre 1994 auprès de 515 propriétaires d'armes à feu résidant au Québec. À une question portant sur la connaissance de l'existence du règlement, seulement 53 p. 100 des propriétaires croient qu'il y a une loi sur l'entreposage, 31,8 p. 100 affirment le contraire et 15,1 p. 100 sont indécis. Le moins qu'on puisse dire est qu'une refonte en profondeur et une publicité ciblée sont nécessaires autant qu'un système national d'enregistrement.

Le ministre de la Justice a oublié que quelquefois, les solutions les plus simples sont les plus efficaces. Si le gouvernement obligeait les commerçants d'armes à fournir des systèmes de verrouillage individualisés pour chaque arme vendue au pays, le problème serait pratiquement réglé.

Le ministre répète à qui veut l'entendre que l'enregistrement des propriétaires d'armes et des armes elles-mêmes se compare au permis de conduire et au certificat d'immatriculation automobile. Si le ministre avait poursuivi dans son analogie, il s'apercevrait que les automobiles sont vendues avec des systèmes de verrouillage. J'ai beau avoir un permis de conduire, cela ne veut pas dire que je pourrai, sans clé de contact, démarrer la voiture de mon voisin.

Ainsi, chaque arme vendue au pays serait munie d'un dispositif la rendant totalement inoffensive. L'obligation imposée alors au propriétaire d'arme serait de garder verrouillée l'arme en tout temps sous peine de commettre une infraction. Les collectionneurs d'armes pourraient ainsi exhiber leurs pièces de collection et la saison venue, les chasseurs pourront, à leur guise, exercer leur sport favori.

Je souscris aux recommandations du coroner David lorsque celle-ci enjoint le ministre de la Justice de «modifier le libellé du règlement sur l'entreposage, la mise en montre et le transport sécuritaire des armes à feu afin qu'il soit plus conséquent et d'une compréhension plus facile pour l'ensemble de la population.»

De même, le ministre de la Justice devrait porter une attention particulière à la recommandation qui veut que «l'on modifie le règlement afin d'obliger les commerçants à verrouiller ou à rendre inopérantes toutes les armes destinées à la vente et afin de leur interdire l'entreposage d'armes à autorisation restreinte ailleurs que dans une voûte et de ne pas permettre la livraison à un client d'une arme non munie d'un dispositif de verrouillage sécuritaire.»

(1310)

En conclusion, je considère que l'instauration d'un système national d'enregistrement est une initiative positive sous réserve des remarques que j'ai faites précédemment. Je me dois toutefois de réitérer le fait que je considère déplorable que le ministre de la Justice ait cédé au lobby pro-armes. En étalant sur huit ans l'enregistrement des propriétaires et de leurs armes, le ministre indique clairement qu'il ne veut pas d'un système implanté durant son mandat. De plus, je considère comme un net recul par rapport à son plan d'action d'autoriser la vente et l'achat d'armes de poing entre propriétaires de même type d'armes.

En dernier lieu, il semble que le ministre n'a pas encore terminé ses consultations et qu'il s'en remet maintenant au Comité permanent de la justice. Il désire que le Comité se penche sur les questions suivantes: Devrait-on permettre aux propriétaires d'armes à feu prohibées de léguer ces armes à leurs enfants? Y a-t-il des armes de poing qui pourraient être utilisées pour le tir à la cible? Pourrait-on utiliser des reproductions d'armes à feu à poudre lors de célébrations?

Le ministre aurait mieux fait d'assumer les conséquences de ses choix au lieu de faire supporter l'odieux de certaines décisions au comité parlementaire.

En terminant, nous espérons que le ministre a la latitude nécessaire pour tenir compte de nos recommandations.

[Traduction]

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Madame la Présidente, avant d'entrer dans le vif de mon intervention, je voudrais faire des observations sur certains commentaires du ministre de la Justice.

Le ministre de la Justice choisit très mal son moment pour présenter une nouvelle mesure législative sur le contrôle des armes à feu. Je dis cela parce que des tribunaux, en Alberta notamment, ont statué clairement que les décrets pris par Kim Campbell étaient invalides.


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Tant qu'on n'aura pas annulé cette décision, les décrets pris par Kim Campbell et le décret pris par le ministre, qui entrait en vigueur le 1er janvier, seront considérés comme invalides et ne seront pas appliqués. Je sais que la Colombie-Britannique a adopté la même position en ce qui concerne ces décrets. Une décision de la Cour du Banc de la Reine rend ces décrets invalides.

Nous avons demandé au ministre de la Justice s'il était prêt à attendre que cette affaire soit portée en appel et qu'une décision définitive soit rendue. Il n'a rien voulu entendre à ce sujet et maintenant, il accumule, les uns après les autres, des décrets que les tribunaux de notre pays ont déclaré invalides.

Cela signifie que toutes les mesures qui ont été prises par la police et par les tribunaux en vertu du décret pris par le gouvernement de Kim Campbell étaient illégales. Les saisies, les confiscations et la destruction d'armes sans indemnisation sont toutes considérées comme illégales.

Et elles le demeureront tant que la décision des juges n'aura pas été infirmée. Nous avons demandé au ministre de la Justice d'attendre que la confusion soit dissipée. Il n'a rien voulu entendre.

Je voudrais parler de ce que le ministre de la Justice a dit à propos de l'enregistrement des carabines et des fusils de chasse, à propos du fait qu'une personne aura simplement à aller à l'endroit approprié, dans sa collectivité, et à remplir une carte en y indiquant la marque, le modèle et le numéro de série de son arme.

J'ai dit à un vérificateur d'armes à feu de l'Alberta qu'on allait procéder ainsi. Il m'a répondu que cela n'avait aucun sens. Je lui ai demandé pourquoi. Il m'a dit qu'on ne pouvait pas enregistrer une arme qui n'avait pas été vérifiée, faute de quoi on allait avoir un système auquel on ne pourrait absolument pas se fier. Je lui ai demandé ce qu'il voulait dire. Il m'a répondu: «À moins d'avoir un inspecteur pour vérifier les caractéristiques qui permettent d'identifier une arme à feu et entrer ces données dans le système, il est impossible d'être certain de l'exactitude des renseignements.»

(1315)

Le ministre de la Justice sait aussi que beaucoup d'armes à feu portent le même numéro de série, ont les mêmes caractéristiques. La suggestion du ministre de la Justice qui prétend que cela va être facile et ne va pas coûter cher n'a aucun sens. Ce n'est pas vrai.

Je ne puis appuyer cette mesure législative sur le contrôle des armes à feu. Je ne le puis parce que l'idée maîtresse de ce projet de loi, l'enregistrement de toutes les carabines et de tous les fusils de chasse, ne permettra pas de réduire l'utilisation d'armes à feu à des fins criminelles.

Le ministre de la Justice ne nous a pas dit comment ces mesures vont permettre de réduire l'utilisation de carabines et de fusils de chasse à des fins criminelles. Les chefs de police ne nous l'ont pas dit. La Coalition pour le contrôle des armes ne nous a pas dit comment l'enregistrement des carabines et des fusils de chasse allait permettre de réduire l'utilisation de ces armes à des fins criminelles. Aucun de ceux qui sont pour l'enregistrement des carabines et des fusils de chasse ne nous l'a dit, n'a dit à la Chambre ou à quiconque comment cela va permettre de réduire l'utilisation de ces armes à des fins criminelles. Ils ne l'ont pas fait parce qu'ils en sont incapables.

Voilà 60 ans que l'on enregistre les armes de poing et que l'on en contrôle rigoureusement l'utilisation dans ce pays. Pourtant, nous assistons aujourd'hui au Canada à une augmentation de l'utilisation de ces armes à des fins criminelles. Si l'enregistrement des armes de poing n'a pas permis de réduire l'utilisation de ces armes à des fins criminelles, le ministre de la Justice peut-il dire aux Canadiens comment le fait d'enregistrer les carabines et les fusils de chasse va avoir un effet différent?

La mort à la suite de blessures infligées au moyen de fusils de chasse s'observe dans quatre cas principaux: les activités criminelles, la violence familiale, le suicide et la maladresse. Imposer un système d'enregistrement des armes à feu ne permettra nullement de réduire les décès dans les cas que je viens de citer. Ce projet de loi sur le contrôle des armes à feu ne s'attaque pas aux causes de la violence familiale et des suicides. L'enregistrement des armes à feu n'est certainement pas la solution.

Le ministre de la Justice a affirmé encore aujourd'hui à la Chambre que tous les six jours, une femme se fait tuer avec une arme à feu dans notre pays. C'est terrifiant. Si l'on ne s'attaque pas aux causes de la violence familiale, qui est à l'origine de telles statistiques, rien ne changera. Ce n'est pas l'enregistrement des armes à feu qui y changera quelque chose, et rien dans le projet de loi dont nous sommes saisis ne permet de régler le problème de la violence familiale.

L'obligation d'entreposer les armes à feu dans un endroit sûr peut réduire les suicides et les accidents, mais des règlements à cette fin sont déjà en vigueur. Je n'ai jamais rencontré personne qui s'oppose à ces règlements. C'est le simple bon sens et la population est d'accord.

Plus de 80 p. 100 des personnes consultées dans ma circonscription-Crowfoot, en Alberta-m'ont dit qu'elles ne croyaient pas que l'interdiction des armes de poing ou l'enregistrement obligatoire des carabines et des fusils de chasse permettraient de réduire l'emploi des armes à feu à des fins criminelles. La question qu'on leur a posée était: «Croyez-vous que l'enregistrement des carabines et des fusils de chasse réduirait l'emploi de ces armes à feu à des fins criminelles?» Plus de 80 p. 100 des répondants ont dit non.

L'autre question était: «Croyez-vous qu'une interdiction totale des armes de poing réduirait l'usage de ces armes à feu à des fins criminelles?» Plus de 80 p. 100 des personnes interrogées ont dit non. Par contre, 94 p. 100 d'entre elles ont dit qu'elles étaient favorables à l'imposition de peines plus sévères pour ceux qui ont commis un crime à l'aide d'une arme à feu.

Pendant l'étude du projet de loi C-68, de plus en plus de Canadiens apprendront des détails sur cette mesure et se rendront compte que ces contrôles ne feraient rien pour réduire la criminalité mais qu'ils hausseraient encore les coûts déjà énormes qu'on impose aux contribuables. Et je crois que l'opposition au projet de loi grandira. Cela me rappelle l'appui dont l'Accord de Charlottetown a bénéficié au début. Plus de 70 p. 100 des Canadiens de l'Ouest étaient disposés à l'appuyer, mais plus ils en apprenaient à son sujet, plus leur soutien s'affaiblissait.


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(1320)

Les Canadiens ont demandé à maintes reprises au gouvernement de faire quelque chose pour réduire la criminalité, de durcir la Loi sur les jeunes contrevenants, de repenser les procédures de détermination de la peine et le système de libération conditionnelle qui continue à permettre à des criminels violents de réintégrer rapidement la société. Les Canadiens ont vu d'innocentes victimes qui étaient brutalement agressées, violées et tuées par des criminels que notre système de justice pénale avait libérés parce qu'il s'intéressait davantage aux droits des criminels qu'à la protection des citoyens respectueux de la loi.

Je signale en passant que l'enregistrement des carabines et des fusils de chasse est une mesure qui s'adresse aux citoyens respectueux de la loi. Si ces citoyens négligent délibérément d'enregistrer leurs fusils de chasse ou leur arme, ils sont passibles de 10 ans de prison, ce qui est une mesure draconienne et absolument absurde. Je reviendrai sur ce point dans quelques minutes.

Les dispositions sur la détermination de la peine laissent croire que le ministre de la Justice et le gouvernement libéral veulent serrer la vis pour diminuer la criminalité, mais ce n'est qu'une apparence. Le projet de loi prévoit un minimum de quatre ans de prison pour les personnes reconnues coupables d'avoir utilisé une arme à feu à des fins criminelles. Toutefois, l'article 85 du Code criminel prévoit déjà une peine additionnelle de un à 14 ans pour l'utilisation d'une arme à feu lors de la perpétration d'une infraction. Dans certaines régions du Canada, cette mesure n'a jamais été appliquée rigoureusement.

Le ministère public a profité de son pouvoir discrétionnaire pour ne pas tenir compte de cette disposition ou s'en est servi pour négocier un plaidoyer. Peu après avoir proposé ses modifications législatives, le ministre de la Justice a admis que son projet de loi n'éliminerait pas le pouvoir discrétionnaire des procureurs de ne pas tenir compte de la nouvelle peine minimale de quatre ans ou de marchander les plaidoyers pour s'en débarrasser. Cela n'est pas assuré.

À notre avis, une telle disposition permettrait de franchir un pas dans la bonne direction. Or, elle ne serait pas nécessaire si l'article 85 était rigoureusement appliqué et elle ne servirait à rien si les procureurs de la Couronne marchandaient toujours les plaidoyers afin de se débarrasser de la nouvelle peine minimale de quatre ans.

Outre l'inapplication de l'article 85, les peines légères et les libérations conditionnelles anticipées sont des facteurs qui favorisent la violence dans la société. Qui faut-il blâmer? Je pose à la Chambre la question suivante: Les parlementaires qui ont adopté les lois, qui font en sorte qu'un grand nombre de contrevenants violents se retrouvent dans nos rues avant d'avoir purgé complètement leur peine, ne sont-ils pas responsables pour la mort de toutes les Melanie Carpenter au Canada? Ne sont-ils pas responsables d'avoir créé une situation où les droits d'un criminel priment sur ceux de la victime et de sa famille? Ne sont-ils pas responsables du fait que de plus en plus de Canadiens craignent les actes de violence?

Je veux que les Canadiens sachent que, lorsque le ministre de la Justice a eu l'occasion de se prononcer soit pour une plus grande sécurité dans la société ou pour la libération anticipée de meurtriers dans la société, il a opté pour les criminels violents plutôt que pour une société plus sûre. Le ministre de la Justice s'est opposé à l'élimination de l'article 745 du Code criminel qui accorde au contrevenant déclaré coupable de meurtre au premier degré le droit de demander une libération conditionnelle anticipée. Le ministre de la Justice s'est effectivement prononcé pour les criminels et contre l'élimination de la violence et contre les Melanie Carpenter du Canada. C'est aussi ce qu'a fait tout son caucus, à l'exception du ministre des Transports.

Comme 24 de ses collègues libéraux, le ministre des Transports a voté avec le Parti réformiste en vue d'éliminer l'article 745 qui permet la libération conditionnelle anticipée de contrevenants reconnus coupables de meurtres. Je me permets d'ajouter qu'au cours du vote, j'ai regardé du côté des bloquistes et je n'en ai pas vu un seul qui se soit opposé à la libération conditionnelle anticipée de criminels violents.

Si le ministre veut sincèrement lutter contre le crime, il devrait suivre les recommandations suivantes: prolonger les peines d'emprisonnement pour tous les crimes violents, y compris les crimes impliquant le recours à une arme à feu; mettre en oeuvre une politique de tolérance zéro à l'endroit de ceux qui commettent des crimes violents impliquant des armes à feu; garantir que des accusations soient portées pour tous les crimes impliquant une arme à feu et que les marchandages de plaidoyers soient interdits; offrir aux juges un éventail de peines possibles, y compris la suppression de la libération conditionnelle dans tous les cas de crime violent; et prévoir des peines de plus en plus sévères pour les récidivistes violents ou utilisateurs d'armes à feu.

(1325)

Tant que le ministre de la Justice ne mettra pas en oeuvre des mesures aussi strictes, il ne pourra pas dire qu'il s'attaque vraiment à la criminalité. Tant que le ministre ne nous prouvera pas que les dispositions du projet de loi relatives aux peines prévues vont vraiment empêcher les criminels d'utiliser une arme à feu pour commettre un crime, nous n'appuierons pas le projet de loi, car nous croyons savoir que c'est exactement ce que ce projet de loi devrait faire. Ce n'est pas ce qu'il va faire.

Tant que le ministre ne garantira pas absolument aux Canadiens que l'enregistrement des carabines et des fusils de chasse et la proscription de 58 p. 100 des armes de poing actuellement vendues au Canada vont réduire l'utilisation criminelle des armes à feu, nous allons combattre ce projet de loi compliqué et coûteux.

À l'instar de nombreux Canadiens, nous, réformistes, sommes en faveur d'un projet de loi sur le contrôle des armes à feu qui ait du bon sens. En fait, nous appuyons complètement tout règlement apte à rehausser la sécurité publique en réduisant l'utilisation criminelle des armes à feu. Nous disons que la loi actuelle sur le contrôle des armes à feu est une bonne loi.

Ce que le gouvernement devrait faire, c'est se concentrer sur l'utilisation criminelle des armes à feu et donner une chance au projet de loi C-17 de montrer qu'il peut résoudre ces problèmes. C'est ce que le vérificateur général a recommandé dans son rapport pour 1993, à savoir que, avant de présenter un autre projet de loi sur le contrôle des armes à feu, le gouvernement devrait analyser soigneusement l'incidence du projet de loi C-17 sur toute cette situation. À notre sens, cela n'a pas été fait et devrait être fait.

Le système d'enregistrement des carabines et des fusils de chasse et de délivrance des permis à l'égard de ces armes qui est proposé dans le projet de loi C-68 n'a tout simplement pas de


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sens. Il ne réduira pas l'utilisation criminelle de ces armes à feu. Il ne réduira pas la violence familiale ni n'empêchera le suicide.

Le ministre ne nous a pas fourni de statistiques à l'appui de l'enregistrement des carabines et des fusils de chasse. En l'absence d'une telle information, comment les Canadiens peuvent-ils être assurés que l'enregistrement universel contribuera à réduire en fait l'utilisation criminelle des armes à feu et, partant, à rendre la société plus sûre que maintenant?

Le ministre défend le projet de loi en arguant que les chefs de police l'appuient et demandent que l'on enregistre toutes les carabines et tous les fusils de chasse. Nous posons la question suivante: Pourquoi le ministre n'adopte-t-il pas aussi la position des chefs sur la peine capitale et sur l'élimination de l'article 745 du Code criminel qui autorise la libération conditionnelle anticipée des meurtriers?

Il m'apparaît évident que le ministre de la Justice ne croit pas vraiment que nous devons nous adresser aux chefs de police lorsque nous avons du mal à faire respecter la loi. Il semble que le ministre s'adresse aux chefs de police seulement lorsqu'il a besoin de leur appui pour faire adopter un projet de loi.

Nous ne pouvons nous permettre d'avoir des lois inefficaces, surtout en matière criminelle. Il nous faut des mesures judicieuses et éprouvées pour veiller à la sécurité publique.

Le ministre affirme que cette mesure législative ne coûtera que 85 millions de dollars. Toutefois, selon nos estimations, l'enregistrement d'une seule arme de poing coûterait de nos jours 82 $ et plus de 100 $ au Québec. Environ six millions de carabines et de fusils de chasse devront être enregistrés au Canada.

Si l'on prend le plus faible de ces deux coûts, on calcule que, à eux seuls, les frais d'enregistrement des armes à feu s'élèveront à 492 millions de dollars. Comme le ministre soutient que les nouveaux frais d'enregistrement d'une carabine ou d'un fusil de chasse seront de beaucoup inférieurs aux frais actuels d'enregistrement d'une arme de poing, cela signifie-t-il que le gouvernement a gaspillé l'argent des contribuables en conservant le système d'enregistrement des armes de poing? Cela signifie-t-il que l'enregistrement des fusils à canon long se fera de façon moins rigoureuse, moins minutieuse et, par conséquent, moins efficace que l'enregistrement des armes de poing?

Permettez-moi d'ajouter que le rapport de Terence Wade prouve clairement que le très coûteux système d'enregistrement des armes de poing est mauvais et quasiment inutile comme mesure de prévention criminelle. Je signale qu'il nous a été très difficile d'obtenir ce rapport auprès du ministère de la Justice.

Parlons maintenant de l'interdiction des armes de poing et des arbalètes.

(1330)

Où sont les informations et où sont les statistiques que le ministre de la Justice a utilisées pour justifier une mesure aussi draconienne? C'est ce que nous demandons. Toute personne sensée reconnaîtra certainement les statistiques qui justifient une telle mesure et réagira en conséquence. Mais nous n'avons vu aucune des statistiques sur lesquelles une grande partie de cette mesure législative est fondée.

La proposition initiale du ministre interdisait les armes de poing utilisées par les compétiteurs qui nous représentent à la Coupe du monde. Lorsqu'on a demandé au ministre à la Chambre des communes d'exempter les armes de poing de calibre 32 qui sont utilisées dans ces compétitions, il a répondu: «Certainement pas.» Toutefois, le projet de loi C-68 prévoit une exemption pour ces armes de poing, et je tiens à féliciter le ministre d'avoir reconsidéré la question.

Il est clair, cependant, que le processus de consultation du ministre présentait de sérieuses lacunes même s'il dit avoir obtenu des conseils techniques de tous les groupes intéressés. À ce sujet, au verso de l'une des brochures qui accompagnaient la proposition figurait une liste de tous les organismes et groupes que le ministre de la Justice a rencontrés au sujet des armes à feu. Il s'agissait d'une liste par province. Pour l'Alberta, huit organismes et groupes étaient énumérés.

Cependant, on m'a informé que le Nosehills Gun Club et la Provost and District Fish and Game Association n'ont jamais rencontré le ministre de la Justice, même s'ils figuraient sur la liste. En me renseignant davantage, j'ai appris que ces deux organismes ont envoyé une lettre au ministre de la Justice pour exprimer leur inquiétude au sujet de sa proposition concernant le contrôle des armes à feu. Ils ont envoyé cette lettre par l'intermédiaire de quelqu'un d'autre qui venait à Ottawa pour rencontrer le ministre de la Justice. Au moment où je leur ai parlé, ils n'avaient pas encore reçu de réponse à leur lettre.

À mon avis, l'enregistrement des carabines et des fusils de chasse ne contribuera pas à protéger les Canadiens. Si l'enregistrement des armes à feu permettait cela, alors nous n'aurions pas de problème avec les armes de poing et l'usage criminel de ces armes. Toute mesure de contrôle des armes à feu touchant les propriétaires d'armes respectueux des lois, notamment l'interdiction des armes de poing et l'enregistrement des armes à feu, donne aux criminels l'assurance que leurs victimes ont de moins en moins de moyens pour se défendre.

Il a été prouvé à maintes reprises que l'interdiction d'un produit, y compris les armes à feu, n'empêche pas les criminels de s'en procurer sur le marché noir. Les gouvernements du Canada ont constaté à maintes reprises que les interdictions et les mesures restrictives font apparaître un marché noir vers qui les gens se tournent pour obtenir ce qui est illégal et où des gens d'affaires cruels réalisent des profits faramineux.

Le projet de loi dit clairement que les Canadiens qui s'opposent si catégoriquement à l'enregistrement, et qui défieront peut-être le ministre et sa loi, ne resteront pas impunis. En vertu du projet de loi C-68, ces gens seront passibles de peines d'emprisonnement de 10 ans, soit l'équivalent de ce qui est imposé à certains meurtriers. On pense ici à M. Lortie, qui a fait irruption à l'Assemblée législative de Québec où il a tué trois personnes et en a blessé 13 autres. Il a été libéré après 10 ans d'emprisonnement. Le ministre de la Justice veut imposer la même peine à toute personne qui néglige délibérément d'enregistrer un fusil de chasse ou une carabine. C'est absurde. C'est mal. C'est déraisonnable. Cette disposition devrait être retirée immédiatement du projet de loi. J'exhorte le ministre à le faire tout de suite.

De plus, le projet de loi imposera une pénalité à ceux qui, parce qu'ils ne connaissent pas la loi, n'enregistreront pas leur arme à feu, et une autre pénalité plus sévère à ceux qui négligeront délibérément d'enregistrer leur carabine ou leur fusil de chasse.


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Le Parti réformiste croit que les mesures de contrôle actuelles sur la possession des armes à feu sont plus que suffisantes et qu'il n'est pas nécessaire d'en adopter d'autres pour assurer la sécurité publique. Nous croyons également qu'aucune mesure restreignant la possession des armes à feu n'empêchera les criminels de faire l'acquisition d'armes par des moyens illégaux.

(1335)

Conjointement avec cette réglementation, nous recommandons les mesures suivantes: décriminaliser les infractions mineures touchant l'entreposage, l'exposition, la manutention et le transport des armes à feu; décriminaliser les infractions qui constituent davantage des contraventions d'ordre administratif qu'une intention criminelle de violer la loi; assujettir tous les règlements concernant les armes à feu, y compris les décrets, à l'examen et à l'approbation du Parlement, et renoncer à donner force de loi aux décrets qui n'ont pas été d'abord soumis à l'examen des représentants élus du peuple; et enfin, simplifier le processus de renouvellement des autorisations d'acquisition d'armes à feu.

Je voudrais terminer mon intervention en citant des paroles non pas de députés de ce côté-ci de la Chambre, mais de députés d'en face. Voici donc ce que le député libéral de Kenora-Rainy River disait à la Chambre le 5 novembre 1991 au cours du débat du projet de loi C-17: «Nous nous demandons aussi ce que cela signifie pour les citoyens respectueux des lois qui ont le sentiment que cette mesure législative ne fait absolument rien pour lutter contre la criminalité, ce que nous, les parlementaires, avons le devoir de faire. Nous ne sommes pas censés imposer des restrictions rigoureuses aux citoyens qui respectent la loi et qui ne posent aucun problème. Essentiellement, nous avons laissé entendre aux citoyens respectueux des lois que nous ne leur faisons pas confiance.»

Et voici ce que le député libéral de Willowdale disait le même jour: «Il ne s'est trouvé presque personne pour dire, et certainement personne pour le démontrer, que ce sont les collectionneurs légitimes d'armes à feu et les membres de clubs de tir qui sont à l'origine du problème des décès liés à l'usage des armes à feu au Canada. Il me semble que ce projet de loi, sous sa forme actuelle, ne règle pas la question fondamentale, c'est-à-dire contrôler l'usage des armes à feu à des fins criminelles; il pénalise des gens qui ont prouvé dans le passé qu'ils font partie de la solution, et non du problème, relativement aux décès liés à l'usage des armes à feu au Canada. Ce projet de loi laisse à désirer parce qu'il est tout simplement injuste. Il y a des gens qui, au fil des ans, ont fait l'acquisition d'un certain nombre d'armes. Or, aux termes du projet de loi, ils se verront retirer bon nombre de ces armes sans recevoir aucune compensation.» Cette observation s'applique certainement à la mesure à l'étude.

Et le député ajoutait: «Il s'agit d'une forme d'expropriation sans compensation. On ne peut pas faire ça dans le cas des maisons et des voitures des gens. C'est absolument injuste. N'allons cependant pas prétendre que nous nous attaquons à la source du problème des décès liés à l'utilisation d'armes à feu au Canada et du tort que les armes peuvent causer aux Canadiens. Ce projet de loi ne va pas à la source des véritables problèmes. Par conséquent, le Parlement devra, d'ici quelques années et probablement assez rapidement, se pencher à nouveau sur ces véritables problèmes.»

Je signale au député de Willowdale que son parti est de retour au pouvoir et que, pas plus que le gouvernement précédent, il ne règle le problème. Chose certaine, il ne s'attaque pas aux causes.

Enfin, voici les propos du député de Haldimand-Norfolk: «À mon avis, le projet de loi ne fait rien d'autre que de faire croire aux Canadiens que le gouvernement tient à réglementer les armes à feu et essaie de le faire, alors qu'il n'en est rien. Ce projet de loi ne traite d'aucune de ces utilisations si ce n'est en imposant des conditions plus rigoureuses pour l'obtention d'une autorisation. Il ne s'attaque pas au vrai problème. Il donne aux Canadiens un faux sentiment de sécurité, leur faisant croire que le gouvernement lutte contre le crime, alors qu'il ne fait rien du tout. Ce projet de loi semble avoir été conçu pour désarmer, surréglementer et ruiner financièrement les honnêtes citoyens. Il transformera d'honnêtes citoyens en criminels et les punira sévèrement pour des questions de formalités administratives. Selon moi, le gouvernement encourage par ce projet de loi le trafic des armes illégales.»

Ces députés dénonçaient bien entendu le projet de loi C-17 de Kim Campbell, qui n'allait pas aussi loin que l'actuel projet menace de le faire, dans les mesures de contrainte et de confiscation d'armes imposées à des citoyens respectueux des lois.

Je me réjouis que de nombreux députés d'en face partagent les opinions exprimées de ce côté-ci et qui reposent sur le bon sens. J'espère sincèrement que ces députés continueront à exprimer ces opinions malgré les pressions qui s'exercent à l'intérieur de leur caucus.

Je conclus en disant à la Chambre qu'un gouvernement réformiste abrogerait toute loi inefficace et coûteuse comme le projet de loi C-68. C'est un engagement que je prends envers tous les Canadiens.

(1340)

M. Clifford Lincoln (secrétaire parlementaire de la vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Madame la Présidente, compte tenu de la dernière observation faite par mon collègue réformiste, je comprends pourquoi le Parti réformiste ne sera jamais porté au pouvoir. Il irait à l'encontre de la volonté de 95 p. 100 des Canadiens. J'ai bien dit 95 p. 100 des Canadiens.

Des voix: Oh, oh!

Une voix: D'après quel sondage?

M. Lincoln: Au dernier congrès biennal. . .

La présidente suppléante (Mme Maheu): À l'ordre. La parole est au député.

M. Lincoln: Ces députés pourraient au moins faire preuve de courtoisie. Même s'ils ne sont pas d'accord, ils devraient être courtois. Nous les écoutons. Nous ne partageons pas leur opinion, mais nous les écoutons.

Au dernier congrès biennal du Parti libéral qui a eu lieu en mai 1994, la commission des femmes du Parti libéral a présenté une résolution qui préconisait l'adoption de dispositions législatives garantissant un contrôle plus sévère des armes à feu au Canada. J'ai été très honoré qu'on me demande d'appuyer cette motion que notre parti a alors adoptée à l'unanimité. Le jour même, dans son allocution de clôture, le premier ministre s'est très ferme-


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ment engagé à présenter un projet de loi sur le contrôle des armes à feu.

J'aimerais citer ses paroles: «Je voudrais particulièrement remercier la commission des femmes d'avoir présenté une excellente résolution et proposé des dispositions législatives plus sévères sur les armes à feu. À mon avis, les armes à feu n'ont pas leur place dans nos rues et nos terrains de jeux et le moment est venu d'adopter des mesures encore plus sévères pour que nous atteignions notre objectif. Je demanderai au ministre de la Justice d'examiner votre résolution de très près et de rédiger un projet de loi sévère sur le contrôle des armes à feu. J'espère que tous les partis appuieront un contrôle rigoureux des armes à feu. Je sais que le Bloc québécois est en faveur du contrôle des armes à feu, et Preston Manning et le Parti réformiste parlent certainement beaucoup de la criminalité. J'espère qu'ils appuieront ces restrictions, car il est facile de parler avec fermeté. Ce que les Canadiens veulent et ce que nous devons faire, c'est agir avec fermeté.»

Je voudrais maintenant rendre un hommage particulier au ministre de la Justice. Il a été d'une patience exemplaire. Il a été à l'écoute. Il est allé dans toutes les régions du Canada et y a entendu des groupes qui voyaient d'un bon oeil l'adoption d'un projet de loi sur le contrôle des armes à feu, et d'autres qui s'y opposaient farouchement.

Il a entendu non seulement des chefs de police, mais aussi des groupes communautaires, des représentants de clubs sportifs et de tir et de nombreux citoyens canadiens ayant diverses opinions sur la question. Il vient un moment où il faut toutefois prendre des décisions.

Je le remercie du courage, de la ténacité et de la persévérance dont il a fait preuve en présentant le projet de loi C-68. Qui plus est, il nous a dit à maintes reprises que cette loi n'était qu'un élément d'une stratégie d'ensemble, que la prévention du crime n'était pas assurée uniquement par la loi sur le contrôle des armes à feu, mais qu'une série de mesures devaient être prises pour que les attitudes changent dans la société et que le crime cesse d'être une menace dans nos rues, nos villages et nos villes.

La Loi sur le contrôle des armes à feu n'est qu'un des nombreux éléments de la stratégie de prévention du crime, les autres étant la réforme de la détermination de la peine, la réforme du système de libération conditionnelle et des services correctionnels, des modifications apportées à la Loi sur les jeunes contrevenants, la création, l'an dernier, du Conseil de prévention du crime.

Fait plus important, elle comprend une réforme sociale générale. Dans le livre rouge, nous avons essayé de présenter une démarche globale en matière de réforme sociale parce que si nous ne remédions pas aux causes sociales qui sont à l'origine même du crime, nous ne pourrons jamais l'éradiquer quelles que soient les lois que nous adopterons, quelle que soit la dureté de celles-ci ou des peines de prison.

Nous devons changer les attitudes, créer un nouveau genre de société libre des causes de la criminalité, soit la pauvreté, le manque d'éducation et de perspectives d'avenir. Pour régler les problèmes sociaux, nous avons adopté une démarche globale composée non seulement d'une loi sévère sur le contrôle des armes à feu, mais encore d'une série de mesures visant à éradiquer les causes de la criminalité.

(1345)

Le projet de loi C-68 ne vise pas à punir ni à harceler les propriétaires légitimes d'armes à feu. Bien au contraire. En fait, il reconnaît le droit légitime des propriétaires d'armes à feu d'utiliser celles-ci à des fins récréatives ou dans leur travail. Il reconnaît les droits issus des traités des peuples autochtones du Canada. Par ailleurs, il reconnaît une profonde réalité, laquelle est fort simple. Les fusils sont des armes meurtrières et peuvent tuer.

Certains des opposants au contrôle des armes à feu ont essayé de décrire cette question comme un débat entre la ville et la campagne. J'estime que ce n'est pas le cas. En fait, Statistique Canada montre qu'entre 1980 et 1989, soit 10 ans, il y a eu 63 p. 100 de décès par balle de plus dans les villes de moins de 5 000 habitants que dans les villes de plus de 500 000 habitants. Ce n'est pas donc pas une question opposant la ville à la campagne. C'est un problème lié au maniement sécuritaire des armes à feu.

Les armes à feu ont des conséquences particulièrement pour les femmes. Dans les cas de violence faite aux femmes, 42 p. 100 des meurtres commis contre elles l'ont été à l'aide d'armes à feu. Sur ces armes, 80 p. 100 étaient des fusils que leurs propriétaires ont utilisés pour blesser et tuer leur femme.

Nous devons donc nous attaquer à ce problème, en prenant des mesures à long terme pour examiner les causes profondes des maux sociaux qui affligent la société et, en même temps, des mesures à court terme pour faire en sorte que le crime ne paie pas et que les armes à feu ne servent pas à tuer des êtres humains.

[Français]

À ce stade-ci, j'aimerais rendre un hommage spécial à deux jeunes femmes que je connais bien, surtout l'une d'entre elles, Heidi Rathjen et Wendy Cukier, deux jeunes femmes qui ont laissé des positions lucratives. Heidi Rathjen est ingénieure. Elles travaillent aujourd'hui de façon presque bénévole pour la cause d'une législation plus forte, plus stricte sur le contrôle des armes à feu. Et Heidi Rathjen disait dans une entrevue, récemment: «Si nous avions eu une législation plus stricte, peut-être que Marc Lépine et Valery Fabrikant n'auraient pas eu la chance de faire ce qu'ils ont fait. Si même il y avait une petite chance qu'une législation plus forte ait empêché Marc Lépine, Valery Fabrikant et tous les autres qui ont commis des crimes inutiles, horribles, de le faire, à ce moment-là, cela vaudrait le coup de cette législation, mille fois, 100 000 fois.»

Michael Hogben était une des quatre personnes qui ont été tuées par Valery Fabrikant. Michael était un de mes amis. J'ai travaillé de très près avec lui à l'Université Concordia. On travaillait ensemble sur les conférences Esther Goldenberg, et c'est à la veille des conférences Esther Goldenberg où Michael allait être le metteur en scène de ces conférences, comme il l'était chaque fois, qu'il a été tué. Je me souviens, après ses funérailles, avoir été avec Esther Goldenberg à l'appartement des Hogben. Je me souviens avoir vu là Mme Hogben, que je ne connaissais pas avant, et les deux jeunes fils Hogben et de penser qu'une personne érudite, une personne qui avait tellement à donner à la société, une personne non seulement érudite mais d'une qualité, d'une grandeur d'âme exceptionnelle, une personne que tous les gens aimaient, ses étudiants, ses confrères, avait


9720

été fauchée dans la fleur de la vie, inutilement par quelqu'un qui avait réussi à n'avoir pas seulement une seule arme à feu mais deux, sous les lois existantes.

Ce qu'il nous faut, c'est de réaliser que les armes à feu utilisées légitimement, ça va, mais que les armes à feu utilisées à de mauvaises fins causent des dommages irréparables, des dommages irréversibles.

(1350)

Comment mesurer le dommage d'une vie brisée, le cauchemar des gens qui restent dans une famille, qui vivent ce drame tous les jours et tous les soirs, qui le vivent parce qu'ils n'oublient jamais? Ce n'est pas la mort par la maladie, c'est la mort violente causée par une arme à feu. Et ça, c'est un prix qu'une société ne peut pas se payer.

Je sais que le débat sur les armes à feu est un débat controversé. Je sais que toute la question d'enregistrement est une question particulièrement controversée.

[Traduction]

Je sais que les députés réformistes ont soutenu hier, pendant la période des questions, et encore aujourd'hui, que le coût de 85 millions de dollars était trop élevé. Un des députés réformistes a dit hier que nous devrions affecter cet argent à la recherche sur le cancer ou ne pas le dépenser en premier lieu.

Je me demande si les députés du Parti réformiste ont calculé ce que coûte à la société un simple procès, l'incarcération de criminels et la surveillance policière de personnes qui ont utilisé des armes à feu. Ce coût est beaucoup plus élevé, non seulement en termes monétaires, mais également en pertes de vie.

Combien vaut une vie? Un million, deux millions, 80 millions, 85 millions de dollars? Je me demande combien valaient les vies des 14 jeunes femmes tuées à l'École polytechnique. Je me demande combien valait la vie de Michael Hogben. Ces personnes ne sont pas des statistiques. Nous ne pouvons pas mesurer leur vie en termes monétaires.

Il me semble que la société a non seulement le droit, mais le devoir de s'assurer que nous, législateurs, prenions toutes les mesures possibles pour tenter d'enrayer les maux causés par les armes à feu. Même si l'enregistrement des armes à feu n'est pas une mesure indiscutable, puisqu'elle comporte des échappatoires et que nous ne pouvons pas prouver par des statistiques qu'elle sera efficace en tout temps, si elle rend plus difficile la perpétration de crimes, alors elle vaudra la peine et l'argent aura été bien dépensé.

L'enregistrement des armes à feu améliorera certainement la surveillance de la circulation des armes à feu entre les frontières. Il aidera les services policiers à retracer les armes à feu utilisées dans des activités criminelles. En outre, il rendra le propriétaire responsable de son arme. En effet, lorsqu'une personne doit faire enregistrer un bien, qu'il s'agisse d'une automobile ou d'un bateau, elle a la responsabilité particulière de prendre soin de ce bien.

L'enregistrement sera un facteur de dissuasion très important. En fait, ce n'est pas un hasard si un plus grand nombre de collectivités, la police et toutes les institutions et les organisations communautaires de lutte au crime sont autant en faveur de l'enregistrement. C'est le cas, également, de la grande majorité des habitants de l'Alberta, d'où viennent la plupart des réformistes. C'est aussi le cas de la Colombie-Britannique, et les habitants de cette province devraient en être fiers.

Si la mesure législative sur l'enregistrement et le contrôle des armes à feu nous permettait de sauver ne serait-ce qu'une vie, je pense qu'elle en vaudrait la peine. Je sais que les députés du Bloc partagent notre avis, là-dessus, et je les en remercie. De ce côté-ci, nous espérons-en fait, nous en sommes convaincus-que si le projet de loi C-68 permet de sauver de nombreuses vies, il deviendra une mesure législative importante, non seulement parce qu'il a été présenté par des libéraux et qu'il est le fruit du travail du gouvernement et du ministre de la Justice, mais aussi parce qu'il s'agit d'une mesure législative que la société, en général, réclame et dont elle a besoin.

Aujourd'hui, nous sommes sur le point d'adopter une telle mesure. Encore une fois, je remercie le ministre de la Justice de l'avoir présentée.

(1355)

J'espère que la plupart d'entre nous représenteront le point de vue de la majorité des Canadiens et des 95 p. 100 de Québécois qui estiment qu'une mesure législative sur le contrôle des armes à feu est non seulement nécessaire, mais qu'elle aurait dû être adoptée il y a longtemps. C'est une excellente mesure législative, une mesure progressiste, et je l'appuie sans réserve.

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia, Réf.): Monsieur le Président, lorsque j'entends les affirmations des gens d'en face, que je constate la violence et la passion des propos, j'ai l'impression que cette façon d'aborder le contrôle des armes à feu est justement le genre d'approche qui effraie les Canadiens. Même si je suis en total désaccord avec le ministre de la Justice, je dois dire que ses arguments bien raisonnés n'ont pas du tout la même connotation que les déclarations du député de Lachine-Lac-Saint-Louis.

Si l'on devait prendre ses propos au sérieux, je suis convaincu que ce serait justement ce type de réflexion, d'incitation à la révolte, de soulèvement des passions qui, en bout de ligne, entraînerait la confiscation des armes appartenant à des particuliers dans notre pays. Voilà pourquoi les gens sont si inquiets.

Le député refuse de tenir compte des chiffres réels. Il affirme que l'enregistrement sera un moyen de dissuasion, comme il l'a dit lui-même. Nous n'adoptons pas des projets de loi de cette envergure simplement parce qu'il nous vient une idée à l'esprit.

Il a cité les chefs de police, mais le ministre de la Justice les a cités aussi. Je tiens à rappeler aux deux députés que, lors du dernier débat sur le contrôle des armes à feu, en 1976, les chefs de police ont présenté au Comité permanent de la justice un mémoire énonçant clairement que l'enregistrement des armes ne faciliterait absolument pas la lutte contre le crime. Que l'organisation ait. . .

Le Président: Chers collègues, il restera sept ou huit minutes après la période des questions et le secrétaire d'État pourra alors prendre la parole.

9721

[Français]

Comme il est 14 heures, conformément à l'article 30(5) du Règlement, la Chambre procédera maintenant aux déclarations des députés, conformément à l'article 31 du Règlement.

_____________________________________________


9721

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LE BUDGET

Mme Anna Terrana (Vancouver-Est, Lib.): Monsieur le Président, la présentation du budget approche à grands pas. Les Canadiens ne sont pas disposés à payer davantage d'impôts. En fait, ils font savoir à tous les ministériels qu'ils se préparent à réagir très négativement à toute augmentation d'impôts.

Cependant, ils sont prêts à se passer de certains services. Ils nous demandent de sabrer dans les services et les programmes, ainsi que d'établir un régime fiscal équitable pour que la classe moyenne ne supporte pas un fardeau injuste.

La vie n'est pas facile pour les libéraux de nos jours. Nous savons que nous devons réduire le déficit, mais nous n'ignorons pas également que notre parti a su se montrer compatissant au fil des ans et s'occuper des Canadiens dans le besoin.

Nous continuerons d'être en mesure de prendre soin de tous les Canadiens, maintenant et dans l'avenir. J'entends bien faire tout en mon pouvoir pour défendre ces valeurs fondamentales. Nous sommes conscients du fait que des choix difficiles doivent être faits pour assurer le bien-être et la prospérité du Canada.

Nous écoutons les Canadiens qui nous réclament un régime fiscal équitable, des compressions dans les services, ainsi que la suppression, dans la mesure du possible, des chevauchements. Cependant, ce qui importe surtout, c'est qu'ils veulent que les gens dans le besoin ne fassent pas les frais de cet exercice, mais en sortent gagnants.

* * *

[Français]

LA RÉDUCTION DU DÉFICIT

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, alors que, depuis un an, son inaction en matière de lutte au déficit est la cause directe de la hausse des taux d'intérêt, le ministre des Finances se vante d'être en mesure d'atteindre un déficit gigantesque de 39,7 milliards de dollars.

La stratégie du ministre est cousue de fil blanc. Pour tenter d'atteindre le déficit énorme de 39,7 milliards de dollars, il joue avec les chiffres sur le dos des chômeurs. En fait, le ministre des Finances utilise le surplus du compte d'assurance-chômage pour réduire le déficit du gouvernement.

Non seulement le ministre des Finances utilise-t-il ce surplus pour réduire le déficit de l'année courante, mais dans son dernier budget, après 11 mois sur 12 d'écoulés, il a surestimé le déficit de l'année 1993-1994 de près de 4 milliards de dollars. Tout ça pour faire croire aux gens que la situation s'améliore. En réalité, le ministre des Finances utilise toutes sortes de subterfuges pour masquer son inaction en matière de lutte au déficit.

* * *

[Traduction]

LA JOURNÉE NATIONALE DE L'ALPHABÉTISATION

M. Darrel Stinson (Okanagan-Shuswap, Réf.): Monsieur le Président, étant donné que j'ai quitté l'école trop tôt et que j'y suis retourné pour finir ma douzième année à l'âge de 28 ans, je voudrais mentionner une nouvelle étude.

On nous a déjà dit que 30 p. 100 des jeunes Canadiens quittaient l'école. L'enquête auprès des sortants qui a été réalisée en septembre 1993 montre que la situation s'améliore, puisque la proportion des jeunes de 20 ans n'ayant pas terminé leurs études secondaires est de 18 p. 100.

Si certains quittent l'école, c'est souvent parce qu'ils ont un emploi en plus. C'est surtout vrai, lorsque ces étudiants travaillent plus de 20 heures par semaine. Malgré de longues heures dans des emplois de cols bleus et dans le domaine des services, des centaines de gens de la circonscription d'Okanagan-Shuswap que je représente participent à un programme d'éducation non traditionnelle qui s'intitule «La porte ouverte». Ce programme est offert jusqu'à 21 h 30 tous les soirs de la semaine. Depuis son entrée en vigueur, il y a trois ans, les sortants ont terminé 338 cours.

La semaine dernière, j'ai eu le plaisir de prononcer un discours devant ces gens. Aujourd'hui, en cette Journée nationale de l'alphabétisation, je félicite les organisateurs du programme «La porte ouverte» et les personnes laborieuses qui en profitent pour s'assurer un meilleur avenir.

* * *

LES AÉROPORTS

M. Glen McKinnon (Brandon-Souris, Lib.): Monsieur le Président, comme la Chambre le sait, le ministre des Transports a introduit des règlements et des lignes directrices attendus depuis fort longtemps en ce qui concerne les aéroports régionaux.

Je dois préciser que j'ai participé activement à l'organisation d'une conférence sur les aéroports qui a eu lieu à Brandon, au Manitoba, les 7 et 8 février 1995. Cette conférence avait pour objectif principal de réunir les intervenants du Canada central afin de discuter des défis que représentent la possession et l'exploitation des aéroports locaux.

Je peux dire sans craindre de me tromper que la plupart des 91 participants ont quitté la conférence de Brandon sur les aéroports convaincus de la pertinence des efforts que le ministre déploie pour que notre système de transport, qui est déjà sûr et accessible, soit à coût plus abordable, mieux intégré, plus efficace et plus compétitif.

Je remercie les participants inspirés, les conférenciers bien renseignés et mon personnel à qui nous devons ce franc succès.

* * *

LA CHAMBRE DES COMMUNES

M. John Harvard (Winnipeg St. James, Lib.): Monsieur le Président, les Canadiens ont été choqués, hier, en apprenant que


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la plupart des députés du Parti réformiste n'ont pas pris le temps d'assister à la cérémonie solennelle du 30e anniversaire du drapeau du Canada. Je n'y ai vu, à vrai dire, qu'un seul réformiste.

C'est peut-être parce qu'ils voulaient rester à leur bureau pour se préparer à entonner notre hymne national à la Chambre des communes. Ou bien étaient-ils tout simplement trop occupés à se préparer à assister à une autre activité qui a eu lieu hier soir.

J'étais un des nombreux députés qui ont accepté l'invitation pour participer à la réception qu'offrait l'Association canadienne des restaurants. Ce fut une magnifique soirée au cours de laquelle on nous a servi de succulentes spécialités de toutes les provinces canadiennes.

Il y avait, mêlés à la foule, bon nombre de députés réformistes qui semblaient s'amuser ferme. Ils n'affichaient pas l'attitude moralisatrice qui est généralement leur marque de commerce. On ne décelait chez eux nulle trace du régime frugal des politiciens de la base. Ils étaient là pour manger, boire et s'amuser. Tout le monde était témoin de cela.

* * *

LE DRAPEAU CANADIEN

M. Harbance Singh Dhaliwal (Vancouver-Sud, Lib.): Monsieur le Président, nous célébrions hier le trentième anniversaire du drapeau unifolié.

Le drapeau canadien est un symbole international qui fait notre fierté et notre distinction. Il est reconnu et accueilli chaleureusement partout dans le monde. On voit des Canadiens qui voyagent à l'étranger arborer l'unifolié sur leur sac à dos et on a même vu des Américains en voyage porter le drapeau canadien.

L'unifolié nous unit d'un océan à l'autre et tous les Canadiens le partagent, malgré leurs particularités régionales.

Hier, des cérémonies de lever du drapeau, des discours et des rassemblements dans les écoles ont eu lieu un peu partout au Canada. Les Canadiens de toutes les races et confessions célèbrent le drapeau ensemble.

Je félicite les trois députés nouvellement élus pour représenter leur circonscription et le drapeau et je leur souhaite la bienvenue. Je demande à tous les députés de réfléchir à l'importance du drapeau et à sa signification pour tous les Canadiens.

* * *

[Français]

LE TRENTIÈME ANNIVERSAIRE DU DRAPEAU CANADIEN

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, le ministre du Patrimoine a tenté hier, de façon fort maladroite, de camoufler la propagande préréférendaire à laquelle se livre le gouvernement fédéral en placardant littéralement le Québec d'affiches publicitaires payées plus de un million de dollars concernant le 30e anniversaire du drapeau canadien.

(1405)

Dans le Toronto Star d'aujourd'hui, on confirme actuellement qu'il y a bel et bien plus de la moitié de ces panneaux de propagande au Québec, contrairement aux déclarations du ministre selon lesquelles seulement 30 p. 100 des panneaux publicitaires seraient installés au Québec.

Pourquoi le ministre n'avoue-t-il pas simplement le but visé par le gouvernement fédéral, en soulignant grassement cet anniversaire, c'est d'essayer, par tous les moyens, d'influencer les Québécois, à la veille du référendum et ce, en tentant de leur inculquer artificiellement un éphémère sentiment d'identité canadienne?

* * *

[Traduction]

LE PROJET DE LOI C-263

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, je rappelle aujourd'hui aux députés, au nom de mes électeurs d'Okanagan-Similkameen-Merritt, que nous discutons aujourd'hui du projet de loi C-263 que j'ai déposé à la Chambre.

Le projet de loi C-263, Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques, propose de soumettre cinq organismes d'État à l'application de la partie X de la loi. Ces organismes sont le Centre de recherches pour le développement international, la Commission canadienne du blé, le Conseil des Arts du Canada, la Société du Centre national des Arts et la Société de développement de l'industrie cinématographique canadienne.

Le projet de loi vise à obliger ces cinq organismes à rendre des comptes en autorisant le vérificateur général à effectuer tous les cinq ans des examens spéciaux, soit une vérification de leur efficience, comme il le fait régulièrement auprès des ministères de la fonction publique.

Il s'agit d'obliger ces organismes à rendre des comptes pour réduire le gaspillage et améliorer leur planification, leurs stratégies et leurs systèmes d'établissement des coûts. En somme, le projet de loi fera en sorte que ces cinq organismes d'État appliquent de bonnes méthodes de gestion.

J'encourage tous les députés à appuyer le projet de loi C-263.

* * *

LES TRANSPORTS

M. Vic Althouse (Mackenzie, NPD): Monsieur le Président, j'ai une suggestion à faire au ministre des Transports qui dit vouloir se dégager de ses obligations financières en ce qui concerne la subvention du Nid-de-Corbeau. Il veut aussi se débarrasser de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada.

Étant donné que la valeur actuelle de ses obligations financières en ce qui concerne la subvention du Nid-de-Corbeau est de l'ordre de sept à neuf milliards de dollars, une somme que le gouvernement a du mal à trouver, pourquoi le ministre n'offre-t-il pas aux agriculteurs des Prairies CN Amérique du Nord à titre d'acquittement au moins partiel de son obligation concernant la subvention du Nid-de-Corbeau?


9723

Même si la valeur nette de CN est de loin inférieure à celle que représente la subvention du Nid-de-Corbeau, ce serait cependant un premier pas afin de relier les fermes et les ports de mer d'une manière qui satisfait les besoins du Canada et ses obligations internationales en vertu du GATT.

Cela permettrait aux agriculteurs d'avoir un certain contrôle sur les coûts à l'exportation étant donné qu'ils auraient le choix de moyens pour assurer un équilibre entre des chemins de fer viables et des exploitations viables, une chose à laquelle le ministre n'a pas songé jusqu'ici.

* * *

[Français]

LE TRENTIÈME ANNIVERSAIRE DU DRAPEAU CANADIEN

M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.): Monsieur le Président, cet avec un infime honneur que je me fais le porte-parole de tous mes compatriotes du Québec pour souligner le trentième anniversaire du drapeau du Canada. Sur la scène internationale, l'unifolié est un symbole de générosité, de démocratie et de liberté. Au Canada, notre drapeau est signe de force, d'unité et de fierté.

Ces 30 dernières années ont vu le Canada se modifier profondément. Loin de subir les changements, notre pays les a modulés et adaptés afin de respecter les principes et les valeurs de tolérance, de justice et d'équité qui sont nôtres.

Les Canadiens et Canadiennes, d'un océan à l'autre, arborent notre majestueux drapeau rouge et blanc et le déploient avec orgueil. Alors que les entreprises dépensent des milliers de dollars pour développer leur marque de commerce, le Canada a la plus belle marque de commerce au monde, son unifolié.

Longue vie au drapeau! Longue vie au Canada!

* * *

[Traduction]

LA JOURNÉE D'ACTION EN FAVEUR DE L'ALPHABÉTISATION

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Monsieur le Président, c'est aujourd'hui la Journée d'action en faveur de l'alphabétisation. Depuis 1990, Année internationale de l'alphabétisation, les gouvernements, le milieu des affaires, les syndicats et les organismes bénévoles ont travaillé ensemble à la recherche de moyens pour régler le problème de l'analphabétisme.

À l'occasion de l'année internationale, la Commission canadienne pour l'Unesco s'est fixé pour objectif d'éradiquer l'analphabétisme d'ici l'an 2000.

Malgré tous les efforts, 963 millions de personnes sont encore analphabètes, 26,9 p. 100 de la population mondiale. Trente-huit pour cent des adultes au Canada ont du mal à lire les choses essentielles pour la vie quotidienne. Ce problème coûte 10 milliards de dollars par an.

[Français]

J'aimerais rendre hommage aux trois organismes de mon comté qui travaillent d'arrache-pied pour contrer l'analphabétisme. Il s'agit du Centre haïtien d'animation et d'intervention sociale, du Centre d'alphabétisation de Villeray et du Centre N-A Rivé.

La liberté passe par l'éducation. Continuons à travailler ensemble afin d'enrayer l'analphabétisme.

* * *

(1410)

[Traduction]

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

Mme Mary Clancy (Halifax, Lib.): Monsieur le Président, le 4 février dernier le Ottawa Citizen disait que certains chasseurs avaient égorgé leurs chiens ou leur avait tiré une balle à bout portant, parce qu'une fois la saison de chasse terminée, ils n'étaient plus utiles.

Récemment, la fédération des pêcheurs et chasseurs de l'Ontario répondait à cet article en disant qu'elle préconisait depuis des années l'enregistrement obligatoire des chiens de chasse. La fédération avait adopté cette position pour décourager les chasseurs d'abandonner leurs responsabilités de propriétaires de chiens et pour que les chiens perdus puissent être retournés à leur propriétaire.

Alors que nous commençons le débat sur le contrôle des armes à feu, j'invite les chasseurs qui s'opposent à l'enregistrement des armes à nous aider à créer un Canada plus sûr et non seulement d'appuyer l'enregistrement des chiens, mais aussi celui des armes car, comme les propriétaires de chiens, les propriétaires d'armes abandonnent parfois leurs responsabilités, entraînant ainsi des pertes de vie. Il nous incombe, en tant que législateurs, de décourager cela.

* * *

[Français]

LA CRÉATION D'EMPLOIS

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, le 6 février, le ministre des Finances s'est vanté qu'il y avait eu au Canada, et je cite: «la création d'au-delà de 438 000 emplois. C'est le meilleur record jamais obtenu depuis 10 ans», ajoutait-il. Malheureusement, pour les Canadiens et les Québécois, les données annuelles de Statistique Canada sont bien loin de ces chiffres. C'est plutôt 261 000 emplois qui ont été créés en 1994.

Si on compare ces chiffres avec d'autres comparables, ceux d'après la sortie de la récession du début des années 1980, c'est à une moyenne de 347 000 emplois créés par année, de 1985 à 1988, qu'il faut comparer les 261 000 emplois de l'an dernier. Il n'y a vraiment pas de quoi pavoiser.

Le ministre a d'autant moins de raisons de se vanter que, si on tient compte de l'augmentation de la population, c'est 825 000 emplois qu'il faudrait créer pour retrouver seulement les niveaux d'emploi d'avant la récession.

* * *

[Traduction]

LE RÉGIMENT AÉROPORTÉ

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, la plupart Canadiens ont été ébranlés dans leur sens de la justice quand on a annoncé le démantèlement du

9724

Régiment aéroporté. Les Canadiens croient que cette mesure est une réaction affective excessive à la diffusion de vidéos amateurs plutôt qu'une mesure raisonnable fondée sur des faits.

Un régiment entier a été traîné dans la boue parce que quelques-uns de ses membres se sont mal conduits. Les centaines d'autres membres ainsi que tous les anciens militaires de ce régiment ont été humiliés.

Les familles, les épouses, les filles et les fils des militaires qui s'associaient fièrement à ce régiment se sentent maintenant déshonorés par la fin ignoble qu'a connue cette unité. On devrait se souvenir de ce régiment pour ses effectifs professionnels, hautement motivés et ayant subi un entraînement de pointe, qui ont défendu notre souveraineté dans le Nord, inspiré le respect quand ils ont servi en Europe et au Moyen-Orient et dispensé de l'aide humanitaire sur plusieurs continents. Le gouvernement a voulu faire preuve d'autorité, mais il a pris la mauvaise décision.

Nos forces ont perdu un régiment fier et compétent, et les contribuables canadiens devront payer les importantes dépenses que cela occasionne et qui n'étaient pas nécessaires.

* * *

LA DÉCENNIE DE L'ALPHABÉTISATION

Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester, Lib.): Monsieur le Président, cette dernière décennie du XXe siècle a été déclarée Décennie de l'alphabétisation par les Nations Unies, ce qui nous donne une occasion de nous sensibiliser aux problèmes des Canadiens qui ne peuvent ni lire ni écrire.

C'est troublant de constater que près de trois millions de Canadiens ne maîtrisent même pas les rudiments de la lecture et de l'écriture. La moitié de la décennie s'est maintenant écoulée et des groupes comme le Rassemblement canadien pour l'alphabétisation et ABC Canada ont fait certaines percées.

L'apprentissage de la lecture est un atout majeur qui ouvre la porte à la créativité et à l'indépendance. Une des réalisations qui m'ont apporté le plus de satisfaction a été d'apprendre à lire à un homme. Il m'a fait suffisamment confiance pour me dévoiler cette ignorance qu'il avait toujours cachée. Après quelques mois d'efforts discrets et constants, il pouvait lire le journal sans aide. J'ai ressenti la même joie que si j'avais accompli le miracle de rendre la vue à un aveugle.

J'encourage tous ceux qui m'écoutent aujourd'hui et qui ne savent pas lire à demander de l'aide pour apprendre à lire. La lecture, c'est un des plus grands plaisirs de la vie.

* * *

[Français]

LES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC

M. Raymond Lavigne (Verdun-Saint-Paul, Lib.): Monsieur le Président, le 19 janvier dernier, le gouvernement péquiste a décidé de fermer le bureau du Québec, à Edmonton, forçant ainsi les francophones des trois provinces des Prairies et des Territoires du Nord-Ouest à chercher assistance auprès des bureaux de Vancouver et de Toronto.

(1415)

Le 27 mai 1994, le chef du Bloc québécois rendait publique sa politique à l'égard des communautés francophones et acadienne, soutenant qu'après la souveraineté le Québec renforcera le rôle de promotion de ses programmes de coopération des bureaux du Québec au Canada.

Qui a raison? Le chef du Bloc québécois qui veut augmenter l'aide, ou le gouvernement péquiste séparatiste qui ferme des bureaux et coupe des services aux francophones hors Québec?

_____________________________________________


9724

QUESTIONS ORALES

[Français]

LE FÉDÉRALISME

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Devant la Chambre de commerce du Québec métropolitain, le ministre des Affaires étrangères, dans un discours préréférendaire, a déclaré, et je le cite: «. . .personne ne va parler de statu quo au Canada. Il n'y en aura plus. Il y aura des changements majeurs. . .»

Doit-on comprendre de la déclaration du ministre des Affaires étrangères que le premier ministre a changé d'avis et que son gouvernement entend maintenant apporter des changements majeurs au fonctionnement du fédéralisme actuel, après avoir défendu jusqu'ici avec acharnement le statu quo?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le ministre du Développement des ressources humaines a entrepris des réformes importantes de l'assurance-chômage et des programmes sociaux. Qui s'oppose? Qui veut garder le statu quo?

Une voix: Le Bloc québécois.

M. Chrétien (Saint-Maurice): C'est le Bloc québécois.

Lorsque le ministre des Finances propose des changements de tous genres pour faire avancer la société, qui veut garder le statu quo? C'est toujours le Bloc québécois.

Nous avons un fédéralisme flexible, nous allons faire des ajustements, mais on n'a pas besoin, pour faire ces ajustements, de modifier la Constitution. Il faut être pratique et régler un problème à la fois pour le bonheur de tous les Canadiens.

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, soyons sérieux. Le premier ministre devrait être sérieux.

S'il est si facile de transformer le Canada par des ententes administratives, et s'il est de bonne foi, comment le premier ministre peut-il nous expliquer que 15 mois après son arrivée au pouvoir, il ne s'est pas encore rendu à la revendication unanime de tous les intervenants au Québec dans le domaine de la formation de la main-d'oeuvre? Tous les intervenants québécois de-


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mandent son retrait de ce champ de juridiction. Pourquoi, si c'est si facile et s'il est sérieux, n'a-t-il toujours pas agi? Pourquoi?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous avons fait des offres dans ce domaine au gouvernement du Québec. Nous avons fait des offres de simplification du système, comme le disait le ministre des Affaires intergouvernementales. Nous ne pouvions pas tout offrir, mais nous avons offert la moitié du pain.

Comme ces gens-là veulent garder le statu quo, ils ne veulent pas accepter quoi que ce soit. Avec les autres provinces, nous signons des accords d'harmonisation à tous les jours, avec les neuf autres provinces du Canada, sauf avec le gouvernement du Québec qui veut garder le statu quo. Nous ne créons pas le statu quo, il est de l'autre côté.

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, devrais-je rappeler au premier ministre que le premier ministre du Québec qui a refusé d'assumer l'entente avec le gouvernement libéral, c'est l'ex-premier ministre libéral du Québec, son partenaire dans le comité du non pour le référendum au Québec.

Le premier ministre aura-t-il l'honnêteté d'admettre que la manoeuvre à laquelle s'est livré son ministre des Affaires étrangères n'est qu'une tentative pour rééditer le coup du discours référendaire de Pierre Elliott Trudeau en 1980?

(1420)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, il faut croire que les Québécois ont aimé le discours de M. Trudeau, puisqu'ils ont voté à 60 p. 100 contre 40 p. 100 pour rester au Canada. Cette année, les Québécois écouteront encore les gens qui, au Québec, veulent rester au Canada. Apparemment ce soir, au bulletin d'information, on nous dira que c'est encore mieux que la dernière fois. À deux ou trois mois du référendum, ils accusent un retard d'au moins 15 points comparativement au mois de février 1980.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, ce dont les Québécois se souviendront du discours de Pierre Elliot Trudeau en 1980, c'est que les promesses n'ont pas été remplies.

Une voix: Et le rapatriement unilatéral.

M. Duceppe: Dans ce même discours du ministre des Affaires étrangères, celui-ci annonce que le gouvernement fédéral allait désormais se concentrer sur ce qui est de juridiction fédérale, reconnaissant implicitement qu'Ottawa avait multiplié les chevauchements et les dédoublements. Je le cite: «Nous allons revoir et nous allons nous consacrer à ce qui est de juridiction fédérale.»

Ma question s'adresse au premier ministre. Compte tenu que son ministre des Affaires étrangères a annoncé que le gouvernement fédéral n'interviendrait plus dans les compétences provinciales, le premier ministre peut-il nous identifier les secteurs desquels Ottawa entend se retirer?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, à plusieurs reprises nous avons offert de nous retirer des ententes sur les forêts, par exemple, et les députés du Bloc québécois se levaient à la Chambre des communes pour nous demander de continuer à donner de l'argent pour les forêts au Québec. Ils ont posé des questions.

Des voix: Oh, oh!

M. Chrétien (Saint-Maurice): C'est toujours comme ça. Ils veulent qu'on se retire, mais ils veulent qu'on paie. Eh bien, quand on va se retirer, on va se retirer. Ils veulent avoir le meilleur des deux mondes. Ils veulent que nous soyons ceux qui perçoivent les impôts et ils veulent que le Québec ait le plaisir de le dépenser. Alors, à l'avenir, on va dépenser notre argent et ils dépenseront le leur.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, si le premier ministre veut être pris au sérieux dans ses déclarations, pourrait-il nous identifier clairement les secteurs desquels il entend se retirer, ainsi que les organismes et ministères fédéraux qui seront abolis pour éliminer les dédoublements coûteux dont parlait le ministre des Affaires étrangères et d'ailleurs, ministre responsable du Québec?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, c'est ce que nous faisons tous les jours avec les autres provinces, pour essayer d'éliminer des dédoublements. Dans bien des domaines, il n'y en a pas, de dédoublement. Prenez l'impôt sur le revenu, dans toutes les autres provinces, il n'y a qu'un gouvernement qui le perçoit.

Le dédoublement est au Québec où ils ont décidé d'avoir leur ministère du Revenu sur le revenu personnel, alors qu'il n'y en a pas dans les autres provinces. Vous savez, en Ontario, il ne leur en coûte rien pour percevoir leurs impôts, parce qu'on ajoute une ligne sur notre déclaration d'impôt en Ontario, tandis que lorsqu'on est au Québec, il faut faire une autre déclaration. Ça coûte des centaines de millions de dollars pour rien. Le dédoublement vient souvent de l'autre côté.

* * *

[Traduction]

LES FINANCES

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, il y a quelques heures, la société d'évaluation de crédit Moody's a annoncé qu'elle réviserait la cote du Canada pour sa dette extérieure de même que sa cote triple A pour sa dette intérieure. En faisant cette annonce, Moody's ne fait pas que dire au Canada de se réveiller, elle sonne carrément l'alerte générale.

Le ministre des Finances reconnaîtra-t-il enfin que les marchés rejettent ses objectifs en matière de réduction du déficit comme étant insatisfaisants et que la situation du Canada relativement à la dette et au déficit est beaucoup plus grave que lui-même et le premier ministre nous ont amenés à croire?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, Moody's aurait certainement pu attendre que le gouvernement dépose son budget. Les marchés financiers verront très clairement à ce moment-là que notre


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gouvernement a tenu les engagements qu'il a pris durant la campagne électorale et dans le dernier budget.

Nous avons dit maintes et maintes fois que nous allons respecter nos obligations, que nous allons tenir nos engagements, que nous allons atteindre nos objectifs. En ce qui concerne le déficit, nous avons fait du bien meilleur travail cette année.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le ministre et les députés d'en face ne comprennent vraiment pas. Lorsqu'une des plus grandes sociétés d'évaluation de crédit au monde ne peut même pas attendre deux semaines pour voir le budget du ministre, elle se trouve à dire à ce dernier que ses objectifs sont non seulement invraisemblables, mais aussi inacceptables pour les marchés financiers. Voilà le message que cette société essaie de faire comprendre au ministre.

(1425)

Le ministre acceptera-t-il simplement le fait que ses objectifs en matière de réduction du déficit sont insatisfaisants et s'engagera-t-il à éliminer le déficit avant la fin de la présente législature, ce que demandent les marchés financiers?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, l'an dernier, au cours des mois qui ont suivi le dépôt du budget, le chef du troisième parti n'a pas cessé de répéter que nous n'atteindrions jamais nos objectifs, qu'ils étaient trop élevés, que nous n'y arriverions jamais, que le ciel était sur le point de nous tomber sur la tête et que nous étions dans un beau pétrin.

Pourquoi le chef du Parti réformiste n'a-t-il pas la décence de se lever à la Chambre aujourd'hui pour féliciter le gouvernement d'avoir réussi à faire ce qu'il nous croyait incapables de faire?

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, féliciter le ministre d'avoir atteint cet objectif serait comme féliciter un sauteur d'avoir réussi à franchir la barre lorsque celle-ci est à trois pieds.

Nous nous demandons vraiment s'il arrive parfois que le ministre et le gouvernement profitent des expériences des autres. Du point de vue financier, le gouvernement et le ministre suivent exactement la même voie que le gouvernement néo-démocrate de l'Ontario. Tout d'abord, ils nient que la situation est grave, puis ils essaient tant bien que mal de hausser les impôts pour régler le problème. Enfin, ils décident de réduire les dépenses une fois qu'il est trop tard.

Le ministre tient-il vraiment à devenir le Bob Rae de la politique fédérale?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, en octobre dernier, le gouvernement a fait une analyse très juste de la situation financière du pays, analyse qui a été approuvée par les marchés financiers, par la grande majorité des économistes et aussi par les députés réformistes qui comprennent les questions économiques. Ces derniers ont dit que notre analyse était juste. Le député est-il sur le point de nier ce que ses collègues ont dit?

Permettez-moi de dire quelque chose à la Chambre. Je sais qu'il est difficile pour le député d'accepter les bonnes nouvelles, mais je tiens quand même à lui signaler que le Canada se classe au premier rang parmi les pays du G-7 sur le plan de la croissance, de l'emploi et de la maîtrise de l'inflation.

Je peux aussi lui dire que les expéditions de produits manufacturés canadiens étaient en hausse de 1,6 p. 100 en décembre et de 12. . .

Des voix: Bravo!

* * *

[Français]

LE FÉDÉRALISME

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Ma question s'adresse au premier ministre.

L'opération prébudgétaire de relations publiques du gouvernement dans laquelle s'inscrivait le discours du ministre des Affaires étrangères tente de convaincre les Québécois que le gouvernement s'apprêterait à décentraliser le régime fédéral.

Le premier ministre reconnaîtra-t-il qu'une véritable décentralisation du régime passe par le transfert de ressources fiscales, notamment sous forme de points d'impôt qui permettent aux provinces de prendre la relève du gouvernement fédéral?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais être dans cette situation où quelqu'un percevrait des impôts à ma place, pour ne pas que j'aie à me donner la peine de les percevoir moi-même. Avec la responsabilité politique vient celle de la perception des impôts. S'ils veulent la décentralisation, très bien, seulement ils s'accommodaient fort bien du fait que nous percevions les impôts, que nous prenions le blâme pour les hausser pour ensuite leur envoyer l'argent. Dans un gouvernement responsable, il serait préférable que chacun prélève ses propres impôts. Ce serait plus clair pour tout le monde.

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, c'est justement cela qu'on demande, à savoir que le fédéral se retire de ces champs d'impôt. On va le faire, nous, notre travail.

Le premier ministre reconnaîtra-t-il que le fameux Canada transformé en profondeur qu'il annonce n'est rien d'autre qu'une supercherie qui tente de maquiller la poursuite du délestage des dépenses des programmes sociaux dans la cour des provinces?

(1430)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je vois le désarroi des bloquistes parce qu'ils s'aperçoivent que notre approche de fédéralisme flexible fonctionne très bien. S'ils connaissaient un peu l'histoire, ils sauraient qu'il y a quelques années, le gouvernement fédéral percevait plus de 60 p. 100 des impôts et encourait près de 60 p. 100 de toutes les dépenses au pays.


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Maintenant, c'est l'inverse. C'était 40 p. 100 pour les provinces, maintenant les provinces dépensent et perçoivent 60 p. 100 des impôts et nous sommes rendus à 40 p. 100 et cela va en diminuant. Cela veut donc dire qu'il y a eu un changement considérable au cours des dix dernières années sans avoir eu à modifier la Constitution.

* * *

[Traduction]

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES PORTS

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke, Réf.): Monsieur le Président, le vieux problème du favoritisme sous le gouvernement conservateur est bien connu. Voilà qu'il revient hanter les nouveaux maîtres en la matière, les libéraux.

En effet, on apprenait tout récemment qu'Arnold Masters, président de la Société canadienne des ports, aurait gonflé sa note de frais, facturé un nombre d'heures de travail déraisonnable et falsifié les procès-verbaux du conseil d'administration de la société.

Selon les toutes dernières révélations, près de 50 cadres supérieurs de sociétés de transport maritime, de Vancouver à Halifax, ont écrit au ministre des Transports réclamant la démission immédiate de M. Masters.

Quand le ministre des Transports va-t-il sévir, suivre les conseils de l'industrie du transport maritime et réclamer la démission d'Arnold Masters?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, il ne fait aucun doute qu'il s'agit là d'un grave problème.

Parce que nous essayons de prêter attention aux conseils du troisième parti présent dans cette Chambre, en cas d'accusations graves telles que celles-ci, avant de prendre les mesures extrêmes qu'il réclame, nous voulons prendre le temps nécessaire pour nous assurer que tel est bien le chemin à suivre.

Le député se rappellera que nombre de ses collègues ont dit à propos d'une autre histoire qui avait suscité beaucoup de discussions en cette enceinte que, dans une telle situation, il fallait agir avec la plus grande circonspection.

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke, Réf.): Monsieur le Président, le ministre a déjà dit qu'il attendait le rapport du Comité des transports sur l'examen de la politique en matière de transport maritime avant de passer à l'action.

Le but de cet examen est de consulter les usagers afin de déterminer quels changements ils aimeraient qu'on apporte au système portuaire en vue de le rendre plus viable. Les usagers se sont prononcés, ils réclament la tête d'Arnold Masters.

Devant l'unanimité de leur opposition, quand le ministre des Transports va-t-il se décider à passer à l'action?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, comme le député l'a indiqué, l'individu en question a été nommé par le gouvernement précédent. Il est en poste depuis plusieurs années et avant cela, il était membre du conseil d'administration. Nous savons combien il est important que Ports Canada soit efficace.

Lors des audiences du Comité permanent des transports, le député et plusieurs autres personnes ont posé des questions que nous allons prendre en considération. Je rappellerai toutefois que la Chambre a confié au Comité permanent des transports le mandat d'étudier la question du fonctionnement de Ports Canada et que ce dernier est en tain de parcourir le Canada. Les personnes qui ont écrit à ce sujet peuvent comparaître devant le comité et faire valoir directement leurs arguments.

Si le député a en sa possession d'autres renseignements qu'il aimerait révéler au public canadien, je l'invite à le faire à l'extérieur.

* * *

[Français]

LA SANTÉ

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Dénonçant la lourdeur du système, le ministre des Affaires étrangères a affirmé qu'Ottawa s'attaquera à l'élimination des chevauchements et des dédoublements. Ainsi, il consacrera ses interventions dans les secteurs qui sont de sa juridiction. Or, en vertu de la Constitution, la santé relève de la compétence des provinces.

S'il veut nous donner une preuve de sa bonne foi, le premier ministre entend-il, en toute logique, mettre fin au Forum national sur la santé dont il est le président?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, la santé est un problème complexe et nous avons une responsabilité dans ce domaine. Nous avons établi, au Canada, et cela a toujours eu l'appui de tous les Canadiens et de la grande majorité des Québécois, un service national de santé garantissant des services gratuits à tous les citoyens, et garantissant qu'il n'y aura pas deux classes d'hôpitaux au Canada et au Québec; des hôpitaux pour les riches, d'autres pour les pauvres.

Au Canada, nous avons voulu respecter la dignité de tous les malades et c'est pourquoi le gouvernement fédéral est intervenu. Le système canadien de santé est un exemple dans le monde et les Américains voudraient bien l'avoir en ce moment.

(1435)

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, doit-on comprendre du premier ministre que son pseudo nouveau Canada en matière de santé n'est rien d'autre que la volonté d'Ottawa d'obliger les provinces à respecter des normes nationales de plus en plus contraignantes, tout en mettant fin aux paiements de transfert aux provinces, les laissant seules avec le fardeau financier?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous avons décidé d'essayer d'améliorer les systèmes. Comme je le disais plus tôt, avec toutes les provinces, nous avons réussi à signer des accords pour éliminer les dédoublements. Le seul gouvernement qui ne veut pas signer d'accord pour essayer de trouver des dédoublements qui pourraient être éliminés, c'est le gouvernement du Québec, parce qu'ils veulent


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se servir du statu quo. Seulement, j'espère qu'ils vont tenir un référendum bientôt, poser une question honnête, et la question du chantage serait terminée.

* * *

[Traduction]

LE GROUPE COMMUNICATION CANADA

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, on a recommandé la privatisation du Groupe Communication Canada. Pourtant, aussi incroyable que cela paraisse, le président du Conseil du Trésor a étendu la portée de la Directive sur le réaménagement des effectifs, garantissant ainsi la protection d'emploi aux employés du GCC. Or, le ministre tente de soustraire d'autres fonctionnaires fédéraux à cette même directive.

Pourquoi le ministre étend-il la portée d'une politique pour garantir la protection d'emploi à des fonctionnaires fédéraux, alors qu'une recommandation vise justement à éliminer leur organisation?

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, comme nous l'avons déjà déclaré à la Chambre, nous procédons actuellement à une rationalisation qui exige notamment la réduction ou l'élimination de divers programmes et services que nous mettons à la disposition des Canadiens. Cette mesure s'inscrit dans nos efforts pour atteindre nos objectifs de réduction du déficit.

Il nous faudra ainsi rationaliser la fonction publique, mais nous tenons à donner un traitement juste et équitable à nos employés, qu'ils fassent partie de l'organisation en cause ou d'un autre secteur du gouvernement.

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, ma question était la suivante: Pourquoi donner à ces fonctionnaires la protection garantie par la politique sur le réaménagement des effectifs, alors que nous essayons justement de rationaliser le gouvernement?

Le président du Conseil du Trésor donnera-t-il à la Chambre l'assurance qu'il annulera la toute dernière extension de la Directive sur le réaménagement des effectifs et qu'il n'y aura aucune autre extension de cette directive, étant donné qu'il reconnaît que nous procédons à un exercice de rationalisation du gouvernement?

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, en ce qui concerne l'organisation à laquelle se rapporte précisément le député, je ne peux que répéter ce que je dis à l'ensemble des fonctionnaires.

[Français]

LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL

M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe, BQ): Monsieur le Président, dans son discours devant la Chambre de commerce du Québec métropolitain, le ministre des Affaires étrangères et responsable du Québec, a invoqué la nécessité pour le gouvernement de délaisser le développement régional pour s'orienter davantage vers l'aide à la PME.

Le ministre des Finances, responsable du développement régional au Québec, confirme-t-il l'intention de son gouvernement de se retirer du développement régional pour se consacrer uniquement à l'aide à la PME?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, c'est très clair que la meilleure façon de faire du développement régional, c'est d'aider les PME. C'est là d'où vient vraiment la grande majorité des nouveaux emplois. D'ailleurs, ce n'est pas seulement moi qui dit cela, mais ce sont vraiment les instances locales au Québec, et d'ailleurs le gouvernement provincial, la maison mère.

M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe, BQ): Je désire poser une question complémentaire, monsieur le Président. Si c'est clair, compte tenu que le Québec s'est doté d'une stratégie globale de développement régional, incluant l'aide aux entreprises, le ministre ne convient-il pas que pour éviter tout chevauchement et tout dédoublement coûteux, comme le premier ministre le dit, il doit reconnaître que le Québec soit le seul maître d'oeuvre en matière de développement régional, incluant l'aide aux entreprises?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, non seulement je ne suis pas d'accord avec l'hypothèse du député mais je peux lui dire, ayant eu des discussions avec le gouvernement du Québec, le gouvernement actuel, que le gouvernement actuel n'est pas d'accord avec l'hypothèse du député.

* * *

(1440)

LA SÉCURITÉ FERROVIAIRE

Mme Georgette Sheridan (Saskatoon-Humboldt, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports.

Hier, le ministre a déposé le rapport du Comité d'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire On Track. Le ministre peut-il nous informer quand il sera en position de répondre aux recommandations contenues dans ce rapport?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, le rapport mentionné par la députée est


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très important, assez volumineux. Je veux tout d'abord remercier les gens qui l'ont préparé. Le gouvernement est en train de préparer sa réaction aux nombreuses recommandations, dont plusieurs sont très importantes, et nous devrions être en mesure de publier la réaction du gouvernement d'ici 90 jours.

* * *

[Traduction]

L'IMMIGRATION

Mme Daphne Jennings (Mission-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, le 24 septembre dernier, une de mes électrices, Catherine Evenson, une belle jeune dame confinée à son fauteuil roulant, a été violée à son domicile. L'homme accusé de ce viol est un réfugié qui a demandé le statut de résident permanent afin de pouvoir rester au Canada.

Le ministre de l'Immigration interviendra-t-il dans cette affaire afin que cet homme n'obtienne pas le statut de résident permanent avant que le procès ait eu lieu et que le verdict ait été rendu?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, je ne connais pas les détails de cette affaire. Je remercie la députée d'avoir soulevé la question. Je lui donne ma parole que je demanderai à mes fonctionnaires d'examiner la situation.

Voilà pourquoi il serait préférable, au lieu de tenter de traiter les cas individuellement, d'appuyer le projet de loi C-44 en troisième lecture, car cette mesure législative tend à améliorer le système afin qu'on n'ait plus à entendre ce genre d'histoires d'horreur.

J'étais plutôt sidéré de constater que les réformistes, qui aiment bien se lever à la Chambre des communes pour nous rapporter ce genre de faits, n'ont pas cru bon d'appuyer le projet de loi C-44.

Mme Daphne Jennings (Mission-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, je ferai remarquer au ministre que je communique régulièrement avec son cabinet et le bureau du solliciteur général à ce sujet. Je tiens également à signaler que le projet de loi C-44 ne sera d'aucune utilité dans cette affaire.

Je voudrais remercier le ministre pour sa réponse. Je voudrais lui mentionner que la jeune dame en question et sa famille nous regardent actuellement et je demanderais au ministre de m'informer dès qu'une décision sera prise.

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai dit en réponse à la première question, je serai heureux d'étudier ce dossier. Je suis content d'apprendre que la députée a communiqué avec les fonctionnaires de mon ministère, mais comme le savent tous les députés, aucun ministre ne peut être au courant des milliers de cas qui surviennent partout au pays.

Malgré tout le respect que je lui dois, je signale à la députée que ses collègues et elle-même ont tort de croire que le projet de loi C-44 n'accroîtra pas la capacité de notre système de refouler certains indésirables et d'accueillir les réfugiés légitimes. Je demanderais à la députée et à ses collègues de revenir sur leur décision, car le projet de loi C-44 est en mesure d'aider les Canadiens et d'améliorer le système.

* * *

[Français]

LES LANGUES OFFICIELLES

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au président du Conseil du Trésor. Le commissaire aux langues officielles a déposé ce matin une étude sur les services fournis au public dans la langue officielle minoritaire, et ce, par les bureaux fédéraux désignés. On y apprend, entre autres, qu'au Québec les services en anglais sont disponibles dans 98,8 p. 100 des cas, alors que dans le reste du Canada, 28 p. 100 des bureaux désignés ne fournissent toujours pas de services en français.

Comment le président du Conseil du Trésor peut-il justifier que plus de deux ans après l'adoption d'un règlement à cet égard, il soit encore impossible pour plus d'un francophone sur quatre, à l'extérieur du Québec, d'obtenir un service fédéral dans sa langue?

[Traduction]

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, en fait, au moment même où le commissaire aux langues officielles a entrepris son étude, le Conseil du Trésor consultait les directeurs de bureau de tout le pays pour s'assurer qu'ils remplissaient bien leurs obligations conformément à la Loi sur les langues officielles.

En outre, nous avons réuni de l'information que nous avons transmise, par l'intermédiaire des journaux en langue officielle minoritaire, aux Canadiens de tout le pays afin qu'ils sachent où sont les bureaux et qui contacter pour obtenir des services dans la langue de leur choix.

(1445)

Je dirais enfin que notre gouvernement est fermement résolu à offrir aux Canadiens des services de qualité dans la langue officielle de leur choix et à remplir ses obligations conformément à la Loi sur les langues officielles.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, compte tenu de la progression inquiétante du taux d'assimilation chez les communautés francophones et acadienne au Canada, comment le ministre peut-il justifier cette lenteur du gouvernement à mettre à la disposition de ces francophones des services fédéraux dans leur langue? Le bilinguisme ne serait-il qu'une façade?

[Traduction]

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, d'après le commissaire aux langues officielles, les services sont offerts d'un bout à l'autre du pays dans 79 p. 100 des cas et, 92 p. 100 du temps, il s'agit de services de qualité.


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Ces statistiques ne nous satisfont pas. Nous ne serons vraiment satisfaits que lorsque nos objectifs conformément à la Loi sur les langues officielles seront atteints à 100 p. 100.

* * *

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Monsieur le Président, hier, le ministre de la Justice n'a pas pu ou n'a pas voulu dire comment un registre national des armes à feu pourrait réduire la criminalité. Si le ministre pouvait présenter des preuves de l'efficacité de l'enregistrement, la plupart des Canadiens l'appuieraient probablement.

Le ministre présentera-t-il à la Chambre des éléments de preuve établissant qu'un registre national des armes à feu sauvera des vies et réduira l'utilisation des armes à feu à des fins criminelles au Canada?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, si un parti a à justifier sa position sur l'enregistrement des armes à feu, c'est bien le Parti réformiste, qui se prétend le parti de la loi et de l'ordre et qui s'oppose à une mesure souhaitée par les corps policiers du Canada. Le parti qui se dit lui-même le parti du peuple s'oppose à une mesure désirée, comme le démontrent les sondages, par la grande majorité des Canadiens.

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Monsieur le Président, le ministre pourrait-il donner aux Canadiens qui se préoccupent du coût de l'enregistrement des armes à feu et qui s'inquiètent des crimes commis dans nos rues au moyen d'armes à feu les statistiques confirmant qu'un registre national sauvera des vies et réduira l'utilisation des armes à feu à des fins criminelles?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, à maintes reprises, les chefs de police du Canada nous ont dit qu'un système d'enregistrement nous aiderait à mettre fin à la contrebande d'armes illégales et nous aiderait à réduire le nombre d'armes à feu perdues ou volées chaque année et qui se retrouvent entre les mains de criminels. Ils nous ont dit à maintes reprises qu'ils ont besoin d'un système d'enregistrement pour faire appliquer les ordonnances des tribunaux interdisant à des personnes reconnues coupables de crimes violents de posséder des armes à feu. Sur cette question, je m'en remets aux paroles des chefs de police.

* * *

LES NOMINATIONS PAR DÉCRET

M. Ian Murray (Lanark-Carleton, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre chargé du Renouveau de la fonction publique.

Le ministre a annoncé aujourd'hui que des centaines de nominations par décret en conseil et par décret ministériel seront éliminées à la suite de l'examen des organismes publics. Je suis d'accord pour dire que ce remaniement des offices et commissions se faisait attendre depuis longtemps, mais je me demande s'il ne s'agit pas là uniquement de poudre aux yeux ou bien si cette initiative entraînera une véritable économie de fonds publics et contribuera à mettre fin au favoritisme politique.

M. John English (secrétaire parlementaire du président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question qui me permet de parler du rapport sur l'examen des organismes publics qui a été rendu public aujourd'hui. Des 400 commissions, offices et organismes qui ont fait l'objet de cet examen, 120 ont été touchés, dont 73 ont été dissous et 47 restructurés, ce qui a permis d'abolir pas moins de 665 postes dont les titulaires étaient nommés par décret.

Pour donner aux députés une idée de l'ampleur de cet examen, depuis que notre gouvernement a été élu, il a fait environ 700 nominations à ce genre de postes, dont 100 étaient des renouvellements de nomination. Bref, notre gouvernement a aboli plus de postes comblés par décret qu'il n'a nommé de personnes à ce genre de postes.

Nous instaurons efficacité et équité dans la fonction publique.

* * *

(1450)

[Français]

LES PORTS NATIONAUX

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports. Quarante organismes et entreprises du milieu maritime demandent au ministre des Transports de démettre de ses fonctions le président du conseil d'administration de Ports Canada, M. Arnold Masters. Or, il y a à peine quelques minutes, le ministre déclarait qu'il attendait le rapport du Comité des transports pour agir.

Comment le ministre peut-il attendre le rapport du Comité des transports pour agir dans ce dossier puisque ce Comité n'a reçu aucun mandat pour analyser le cas de M. Masters?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, c'est une révélation que l'honorable député va attendre un mandat pour soulever de telles questions. Lorsque j'ai comparu devant le Comité des transports, le député, plutôt que de s'occuper de problèmes qui affligent le système de transport un peu partout au pays et de nous proposer des solutions, s'est attardé justement à discuter du cas de M. Masters. Avec mandat ou pas, le député sait toujours où fouiller.

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Monsieur le Président, puisque M. Masters est complètement discrédité auprès de l'industrie maritime canadienne, pourquoi le ministre ne le suspend-il pas immédiatement puisque les allégations ont déjà été annoncées?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, il n'y a aucun doute que j'ai reçu une lettre signée par plusieurs intervenants dans l'industrie qui demandent qu'on remplace le monsieur en question. Cependant, les allégations, à ma connaissance, sont basées sur des propos qui jusqu'à maintenant n'ont pas été soutenus par aucune preuve qui


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permettrait de conclure à des activités criminelles ou frauduleuses.

Ce sur quoi je veux insister, c'est qu'évidemment nous sommes en train d'étudier la situation parce qu'elle est importante. Mais si le député a quelque chose de précis à nous soumettre qui nous amènerait à reconnaître un comportement inacceptable dans le cas de M. Masters pour des raisons de criminalité ou de fraude, j'apprécierais beaucoup que le député se prévale de son droit de porter de telles accusations à l'extérieur de la Chambre, plutôt que de rester ici où il est protégé.

* * *

[Traduction]

LA FISCALITÉ

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Le ministre sait pertinemment que presque tous les pays de l'OCDE imposent maintenant des droits sur les biens transmis par décès à tous ceux qui héritent de sommes supérieures à un million de dollars. Cela rapporterait des centaines de millions de dollars de recettes à un moment où les rentrées fiscales sont bien nécessaires.

Le ministre peut-il nous expliquer s'il y a une raison pour laquelle le Canada n'a pas établi de droits sur les biens transmis par décès, alors que presque tous les autres pays de l'OCDE l'ont fait?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, je répondrai littéralement à cette question et dirai pourquoi ces droits n'existent pas chez nous. Je suppose que cette question ne vise pas le budget et qu'elle constitue simplement une demande de renseignements.

Une des raisons à cela, c'est qu'il existe au Canada, mais non dans ces autres pays, des dispositions présumées relatives au gain en capital lors d'un décès, ce qui équivaut grosso modo à un droit sur les biens transmis par décès. Une autre raison, c'est que nos impôts fonciers sont beaucoup plus élevés que dans bien d'autres pays. Nous estimons que cela compense. De plus, le principal bien que possèdent la plupart des Canadiens, c'est leur résidence principale qui, comme le député le sait, n'est pas assujettie à l'impôt sur les gains en capital et qui ne serait pas assujettie non plus à une autre forme d'impôt sur la fortune.

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président, c'est pour cette raison que j'ai proposé une limite de un million de dollars qui permettrait de contourner le problème de la résidence principale.

Le ministre a dit que peu de gens pauvres se prévalent des échappatoires fiscales. À mon avis, il n'y a pas beaucoup de familles pauvres qui se prévalent des fiducies familiales. Le ministre peut-il expliquer aux députés de la Chambre des communes et à la population pourquoi un pays comme le Canada devrait maintenir dans son régime fiscal une disposition qui profite presque exclusivement aux familles les mieux nanties de notre pays?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, comme le député le sait, de nombreuses petites entreprises recourent aussi aux fiducies familiales pour garantir le transfert de l'entreprise d'une génération à l'autre. Ce qui est reproché aux fiducies familiales, c'est lorsque vraiment elles confèrent un avantage fiscal indu à ceux qui s'en prévalent. C'est une position que bien des députés de ce côté-ci de la Chambre ont fait valoir lorsqu'ils étaient dans l'opposition et qui est certainement défendable.

* * *

(1455)

LES AFFAIRES AUTOCHTONES

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Nombre d'autochtones de ma circonscription se sont dits très inquiets des conséquences que pourrait entraîner l'entente sur l'autonomie gouvernementale que le gouvernement est sur le point de conclure avec les chefs des Gitksan. Ils craignent surtout que les conseils de bande élus ne disparaissent et ne soient remplacés par un système de chef héréditaire non élu et non responsable.

Le ministre peut-il confirmer que le gouvernement fédéral ne permettra pas, ni maintenant ni dans l'avenir, l'établissement d'un tel système au Canada?

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, non, je ne peux pas.

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, si le ministre ne peut pas répondre à ma question, peut-être que le premier ministre le pourra.

Le premier ministre du Canada, en tant que chef du gouvernement, peut-il garantir que son gouvernement ne reconnaîtra jamais des gouvernements indiens non démocratiques au Canada, quels qu'ils soient?

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, je puis donner l'assurance au député que le gouvernement du Canada ne reconnaîtra jamais des gouvernements non démocratiques de quelque nature que ce soit.

* * *

LA STRATÉGIE DU POISSON DE FOND DE L'ATLANTIQUE

L'hon. Roger Simmons (Burin-Saint-Georges, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

La bonne nouvelle, c'est que 27 000 Terre-Neuviens bénéficient de l'aide de la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique. La mauvaise nouvelle, c'est que des centaines de pêcheurs et de travailleurs d'usine, qui travaillent tous depuis très longtemps dans le secteur des pêches, n'ont pas droit aux prestations. Je crois que cette situation est attribuable au processus d'appel. La rumeur veut, par exemple, que les fonctionnaires du ministère du Développement des ressources humaines rejettent 95 p. 100 des appels en deuxième instance.


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Que fait le ministre pour assurer l'équité du processus d'appel?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à remercier mon collègue et les autres députés des provinces de l'Atlantique et du Québec qui ont coopéré étroitement avec nous pour permettre aux candidats admissibles de recevoir de l'aide dans le cadre de la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique.

Nous croyons savoir que le processus d'appel éprouve des difficultés. Les plus récents renseignements révèlent qu'environ 75 p. 100 des appels sont recommandés. Mon collègue et d'autres députés m'ont cependant informé qu'il subsiste des difficultés.

Le ministre des Pêches et moi avons examiné ensemble la question et je puis donner l'assurance au député que des correctifs seront apportés au processus d'ici deux semaines.

* * *

[Français]

L'IMMIGRATION

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

Depuis 1986, un visa est exigé des ressortissants portugais pour visiter le Canada. Le Portugal est le seul pays de l'Union européenne à qui on impose cette obligation.

Le ministre qui, en 1986, déclarait que l'imposition d'un visa au Portugal rendait un mauvais service à un pays européen et un allié convient-il que cette mesure est discriminatoire et injustifiable et qu'il doit y mettre fin dans les plus brefs délais?

[Traduction]

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, je remercie mon collègue de soulever une question qui touche un important dossier. Les députés ne sont pas sans savoir que le gouvernement fédéral a déjà cru bon de supprimer les visas à l'égard de plusieurs pays.

Il y a quelques mois, nous avons mis fin à l'imposition du visa dans le cas de la Hongrie. Lorsqu'il a fait sa tournée en Amérique du Sud, le premier ministre a annoncé que les Chiliens ne seraient plus tenus de se procurer un visa. Le député connaît très bien ce pays et son peuple.

Nous procédons par étapes et devons bien admettre que cela doit aussi se faire à deux. Avant d'abolir les restrictions relatives au visa, nous voulons vérifier que notre système est respecté quant aux documents à fournir et aux visites que font les habitants de cette région du monde. Lorsqu'un pays satisfait à nos exigences, comme toujours, nous prenons des dispositions en conséquence.

(1500)

LA JUSTICE

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice. Ce matin, j'ai eu le plaisir de présenter un projet de loi d'initiative parlementaire qui aurait pour effet de modifier le Code criminel afin de faire de l'intoxication dangereuse une infraction criminelle. Les gens ne pourraient plus alors invoquer la Charte canadienne des droits et libertés pour ne pas assumer leurs responsabilités dans le cas d'une infraction commise sous l'influence de l'alcool.

Le ministre va-t-il faire de ce projet de loi une mesure d'initiative ministérielle et essayer d'obtenir l'appui de tous les partis au sujet de cette très importante préoccupation que tous les Canadiens partagent? La plupart des Canadiens n'arrivent pas à comprendre l'existence de cette échappatoire.

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de son initiative et je partage son objectif. En fait, j'étudie moi-même cette question.

Le ministère de la Justice a sa propre façon d'aborder ce problème. Je m'attends à présenter sous peu un projet de loi d'initiative ministérielle ayant le même objectif.

Le Président: Chers collègues, nous allons maintenant passer à la question habituelle sur les travaux de la Chambre. Après, j'entendrai une question de privilège et un rappel au Règlement avant de rendre ensuite une décision un peu plus tard sur une autre question de privilège.

* * *

[Français]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, je demanderais au secrétaire d'État aux Affaires parlementaires, comme c'est la coutume, de nous faire part du menu législatif pour la semaine qui vient.

L'hon. Alfonso Gagliano (secrétaire d'État (Affaires parlementaires) et leader adjoint du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, nous allons continuer à débattre le projet de loi C-68 concernant les armes à feu. Demain, nous allons entreprendre la troisième lecture du projet de loi C-59 concernant la Loi de l'impôt sur le revenu.

[Traduction]

Lundi, nous procéderons au débat, à l'étape de la troisième lecture, sur le projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants et le Code criminel et, s'il reste un peu de temps, nous reprendrons l'étude du projet de loi C-52 à l'étape du rapport.


9733

Mardi sera une journée réservée à l'opposition. Mercredi nous étudierons, à l'étape de la deuxième lecture, le projet de loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales et nous reprendrons l'étude du projet de loi C-68.

La Chambre des communes ne siégera pas comme d'habitude jeudi prochain, puisque, à 15 heures, les deux Chambres se réuniront dans cette enceinte pour écouter l'allocution que prononcera le président des États-Unis.

* * *

QUESTION DE PRIVILÈGE

LE PROJET DE LOI C-68

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Monsieur le Président, je veux intervenir au sujet d'une question de privilège et je vous remercie de me donner l'occasion de le faire aujourd'hui.

Je prends la question de privilège très au sérieux. Je siège à la Chambre depuis six ans et quelques mois et je n'ai jamais soulevé la question de privilège. Une telle intervention aurait signifié que mes droits, en tant que député, auraient été lésés ou que certaines règles de la Chambre, ou encore des gestes posés ailleurs, auraient fait obstacle à ma capacité d'exercer mes fonctions.

J'interviens aujourd'hui pour faire part de mon inquiétude, car les règles et règlements de la Chambre des communes m'ont effectivement empêché d'accomplir mes fonctions de député.

Le projet de loi C-68 sur les armes à feu, dont la Chambre est actuellement saisie, soulève un grand intérêt dans ma circonscription et ailleurs au Canada. Il a suscité une quantité phénoménale de lettres et d'appels téléphoniques au cours des derniers mois. Les Canadiens sont au courant des propositions du gouvernement depuis plusieurs mois.

Lorsque ces propositions ont été présentées aux Canadiens, j'ai reçu de nombreux appels et des tas de lettres de mes électeurs qui me demandaient de les informer sur l'évolution du dossier et de leur faire parvenir un exemplaire du projet de loi, dès que celui-ci serait imprimé et distribué à la Chambre.

J'ai établi la liste de ces électeurs et j'ai tenté d'évaluer approximativement combien de lettres je recevrais au sujet de ce projet de loi.

(1505)

D'après mes calculs, j'aurais besoin de 200 ou 300 exemplaires du projet de loi pour pouvoir les distribuer aux électeurs qui ont exprimé le désir de donner leur opinion sur cette question devant nous tous, pour qu'ils me fassent part de leurs observations et de leurs données, de sorte que je puisse bien les représenter et transmettre au ministre et au gouvernement une étude judicieuse du projet de loi.

J'ai donc communiqué avec le ministre de la Justice pour obtenir des exemplaires supplémentaires destinés à mes électeurs. Le ministère me dit que je n'ai droit qu'à quelques exemplaires.

J'ai pris contact avec le Service de distribution de la Chambre des communes, qui me dit que, le nombre de projets de loi étant limité, je ne peux en obtenir que très peu. Ce n'est que lorsque tous les députés auront reçu le peu d'exemplaires auxquels ils ont droit que je pourrai obtenir ceux qui resteront.

Finalement, ce matin, j'ai apporté aux Services des impressions un exemplaire du projet de loi, ainsi qu'une lettre et quelques coupures de presse, et leur ai demandé s'il était possible d'imprimer quelques copies pour que je puisse tenir mes électeurs informés, comme ils l'ont demandé, de la teneur de ce projet de loi important.

Les Services des impressions me disent qu'ils ne peuvent pas accéder à ma demande, car le Règlement de la Chambre précise qu'ils ne sont pas autorisés à imprimer des exemplaires d'un projet de loi s'il en existe ailleurs.

Nous avons épuisé toutes les possibilités d'obtenir des exemplaires ailleurs. Je ne voudrais pas être gêné devant mes électeurs parce que je suis incapable de leur remettre des exemplaires de projets de loi que je débats à la Chambre.

Je demande que la Chambre examine ma question de privilège et que, à tout le moins, les députés qui ont besoin d'exemplaires de ce projet de loi pour tenir leurs électeurs informés soient autorisés à en faire imprimer suffisamment pour répondre à leurs exigences.

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, même si je ne pense pas qu'il s'agisse d'une question de privilège, la question que le député a portée à l'attention de la Chambre n'en est pas moins importante.

En fait, plusieurs de mes collègues m'en ont parlé, étant donné mes fonctions de whip. À mon avis, c'est une question qui relève davantage du Bureau de régie interne. Si le député ou un autre député demandait officiellement que nous le fassions, vous, monsieur le Président, en votre qualité de président, moi et d'autres députés qui font partie du bureau pourrions examiner la question et essayer de trouver une solution.

Pour qu'il s'agisse d'une question de privilège, je suppose qu'il aurait fallu que l'on refuse au député l'accès à l'information, ce qui n'est pas le cas ici. Il y a des frais à payer, des frais assez élevés, pour obtenir des exemplaires du projet de loi. Environ 10 $ par exemplaire, me dit-on.

C'est le Bureau qui devrait examiner cette question, puisqu'il s'agit d'une dépense de la Chambre. Ce faisant, nous verrions si nous pouvons fournir aux députés, ou du moins à une partie d'entre eux, un certain nombre d'exemplaires des projets de loi pour qu'ils puissent répondre à la demande dont le député nous parle aujourd'hui et dont m'ont fait part également d'autres députés.

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président, je suis d'accord avec mon collègue. Cependant, il se peut que le Bureau de régie interne ne puisse examiner ce problème avant un certain temps. Or, il s'agit d'une question relativement urgente puisque la Chambre est actuellement saisie de cette mesure législative.


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Nos électeurs veulent savoir immédiatement de quoi il retourne dans ce projet de loi. Peut-être, monsieur le Président, pouvez-vous assurer les députés que cette question ne peut être remise indéfiniment ou même à quelques jours.

Le Président: Dans la mesure où je peux le faire, je le ferai. Ce serait un point à inscrire à l'ordre du jour. Je ne sais pas si je peux en parler au Bureau de régie interne. Je vais prendre cette question en délibéré et repasser la parole au député de Glengarry-Prescott-Russell, qui pourra peut-être répondre à cette question.

M. Boudria: Monsieur le Président, si je comprends bien, je réponds en tant que porte-parole du Bureau de régie interne. Je puis garantir à mon collègue que je m'engage à porter cette question à l'attention du bureau dès la réunion de mardi.

Le Président: Si les députés sont d'accord, nous procéderons de cette façon. Sinon, je réfléchirai à la question et en reparlerai à la Chambre.

* * *

RECOURS AU RÈGLEMENT

L'UTILISATION D'ACCESSOIRES À LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, au cours de la période des questions, le député de Kootenay-Ouest-Revelstoke a pris la parole pour poser une question.

(1510)

Je n'ai pas pu voir ce détail de mon siège, mais on m'a dit qu'on voyait clairement à la télévision que le député avait un accessoire en main. Il s'agissait plus précisément d'une affiche collée au dos de son document. Cette affiche présentait un slogan se rapportant aux manifestations récentes sur les questions d'impôt au Canada, et était nettement lisible à la télévision.

La personne qui m'a rapporté ce fait suivait les débats à la télévision dans le salon. Je n'étais pas dans le salon, mais à la Chambre, et je ne pouvais pas en être témoin moi-même de mon siège.

Je me reporte au commentaire no 501 de la sixième édition de Beauchesne, et je cite:

Les présidents n'ont jamais manqué de juger irrecevable la production à la Chambre de pièces de toute sorte. C'est ainsi qu'en 1964, au cours d'un débat sur le drapeau, la présentation des modèles proposés a été interdite. Les présidents ont également interdit la production de boîtes de céréales, de détersifs et de lait en poudre [. . .].
Le commentaire no 502 dit:

Le Président s'est opposé à la présentation à la Chambre d'échantillons de produits céréaliers: «[. . .] si nous permettions aux députés d'exhiber l'article en question, il arriverait trop souvent qu'ils veuillent étaler des poissons morts, des harengs ou des anguilles sous roche, du blé humide ou du blé en herbe.»
Cette citation d'anciens présidents montre bien qu'il s'agit là d'un manquement grave au Règlement et je demande à la présidence d'appliquer les mesures disciplinaires qui s'imposent à l'endroit du député de Kootenay-Ouest-Revelstoke.

Le Président: Il suffirait peut-être que le député nous donne une explication. Le député est à la Chambre actuellement et il pourrait peut-être nous donner une explication en quelques mots.

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke, Réf.): Monsieur le Président, si j'ai bien compris, un accessoire est un objet qui se rapporte à la question que l'on traite. Je tenais mon discours dans les mains et j'ai utilisé un morceau de carton rigide pour empêcher les pages de rouler sur elles-mêmes.

Je n'exhiberai pas cet objet de nouveau pour alimenter la colère du député, mais c'est vrai qu'on pouvait lire, au dos de ce bout de carton, un slogan contre les impôts et la dette que nous apposons sur nos mallettes et un peu partout.

Je peux comprendre que cela ait choqué le député. Je n'avais pas l'intention. . .

Des voix: Oh, oh.

Le Président: Je suis heureux que le fouet ne fasse pas partie de nos coutumes.

Je demande à tous les députés de ne pas utiliser d'accessoires. Le député nous dit qu'il a fait cela par inadvertance et je veux bien le croire sur parole.

* * *

QUESTION DE PRIVILÈGE

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS-DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le Président: Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur une question de privilège soulevée par le député d'Okanagan-Similkameen-Merritt, d'abord le 2 novembre 1994, puis de nouveau le 8 février 1995.

Le 2 novembre, le député a pris la parole et s'est plaint que, pendant la période des questions de la veille, la vice-première ministre avait manqué au secret en citant un passage d'une lettre que le député avait expédiée pour le compte d'une électrice au ministre du Patrimoine canadien. Le député a soutenu qu'en divulguant le contenu de cette lettre sans autorisation, la vice-première ministre avait porté atteinte à sa capacité de s'acquitter de ses fonctions. Il a affirmé que ses électeurs se demanderont à l'avenir si le caractère confidentiel des sujets à propos desquels ils demanderont son aide sera respecté.

La vice-première ministre a répondu que la lettre faisait partie des archives publiques du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.

Le 8 février 1995, le député a de nouveau soulevé la question de privilège pour signaler que de nouveaux renseignements s'étaient fait jour à ce même sujet. Il a expliqué que l'électrice pour laquelle il avait écrit la lettre avait reçu une lettre du gérant de la correspondance et des plaintes du CRTC. Dans cette lettre on indiquait à l'électrice qu'en vertu des dispositions de la Loi

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sur la protection des renseignements personnels, si elle n'exigeait pas le contraire, la lettre que le député avait envoyée pour elle et toute la correspondance relative à la plainte, seraient versées, au début de janvier, au dossier du titulaire de licence, lequel dossier est accessible au public.

Le député soutient maintenant que, contrairement à l'affirmation de la vice-première ministre, sa lettre n'était pas un document public quand la vice-première ministre en a cité un passage en novembre dernier. Il a, de nouveau, demandé que j'examine la question.

(1515)

[Français]

Le whip en chef du gouvernement est intervenu et a soutenu que ce qui était en cause était une question de droit et que le Président ne se prononce pas sur ces sujets. Il a aussi ajouté que si l'honorable député avait un grief contre le CRTC, il existait d'autres recours pour le faire valoir.

Permettez-moi d'aborder en premier lieu la question de savoir si la lettre expédiée par le député au ministre du Patrimoine canadien était un document public et donc susceptible d'être cité en Chambre. Le commentaire no 495(7) de la sixième édition de Beauchesne, à la page 158, est ainsi conçu et je cite:

Une lettre qui, bien qu'ayant eu originairement le caractère d'une communication personnelle, a été versée aux archives d'un ministère devient de ce fait un document public. Le ministre qui la cite au cours d'un débat doit la déposer s'il en est prié.
[Traduction]

De ce commentaire, je dois conclure que la lettre expédiée par le député au ministre était, de fait, un document public et, par conséquent, susceptible d'être citée à la Chambre.

Il ne m'appartient pas de décider si, au moment où la vice-première ministre l'a citée à la Chambre, la lettre faisait ou non partie des archives publiques du CRTC. L'application de la Loi sur la protection des renseignements personnels et des lois et politiques régissant les archives du CRTC n'est pas de ma compétence. Comme mes prédécesseurs l'ont maintes fois décidé, il n'est pas maintenant et il n'a jamais été dans les attributions du Président de trancher des questions de droit. C'est une pratique de longue date. J'attire l'attention des députés sur l'ouvrage de Bourinot, intitulé Parliamentary Procedure and Practice in the Dominion of Canada, 4e édition, 1916, à la page 180, qui signale que le Président:

. . .ne décide d'aucune question d'ordre constitutionnel ou juridique, bien qu'il soit permis de soulever une question de ce genre [. . .]sous forme de question de privilège.
Les mêmes propos sont repris dans le commentaire 168(5) de la sixième édition de Beauchesne (1989).

Quant à la question de privilège, il appartient à la Chambre de décider s'il y a eu ou non atteinte aux privilèges du député. Le Président doit être convaincu qu'il existe des éléments de preuve établissant qu'un député a été gêné dans l'exercice de ses fonctions parlementaires avant de soumettre la question à la Chambre pour décision.

Après avoir soigneusement examiné les précédents en matière de procédure et les interventions des députés, je dois conclure que, dans le cas qui nous occupe, la question de privilège ne paraît pas fondée à première vue.

Je remercie les députés de leurs interventions dans cette affaire.

_____________________________________________


9735

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LOI SUR LES ARMES À FEU

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

Le président suppléant (M. Kilger): Sauf erreur, nous n'avions pas terminé la période des questions et des réponses faisant suite à l'intervention du secrétaire parlementaire de la ministre de l'Environnement. Je crois que la parole était au député de Swift Current-Maple Creek-Assiniboia.

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia, Réf.): Monsieur le Président, je m'étais éloigné du sujet pour traiter de la volte-face politique de l'Association des chefs de police concernant l'enregistrement des armes à feu. Je voudrais toutefois revenir à l'argument que je défendais auprès du député de Lachine-Lac-Saint-Louis.

En parlant de l'enregistrement des armes à feu, ce dernier a plutôt insisté sur les causes de la violence conjugale et des suicides qui se produisent à la maison. J'ai fait des efforts, mais je n'arrive pas à comprendre comment une arme à feu enregistrée est moins mortelle que celle qui ne l'est pas. Si nous voulons venir à bout de la violence conjugale qui entraîne la mort ou du suicide au moyen des armes à feu, il n'y a qu'un seul moyen, qui consiste à désarmer totalement la population civile.

(1520)

Le député peut-il me dire si cette mesure s'inscrit dans sa vision du Canada?

M. Lincoln: Monsieur le Président, cela m'a beaucoup intéressé d'entendre le député, avant la période des questions, opposer mon style émotif et passionné au ton calme du ministre de la Justice.

Notre parti se compose de personnes qui ont des styles variés, diverses façons de s'exprimer, et même parfois des points de vue différents. C'est le propre d'un parti démocratique. Je ne vois pas pourquoi on ne devrait pas s'exprimer avec fougue. Si je le fais au sujet de cette question, c'est que les armes à feu tuent. Elles donnent la mort et elles blessent. On devrait s'efforcer le plus


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possible de se montrer prudent. Et le projet de loi C-68 est un projet de loi empreint de prudence.

Je rappelle au député qu'on estime à cinq millions le nombre des carabines et des fusils de chasse en circulation au Canada. Toutefois, personne ne sait à qui ils appartiennent. Soixante-deux mille armes à feu ont été volées au cours des 20 dernières années et n'ont jamais été retrouvées. Plus de trois milliers sont perdues chaque année et personne ne peut dire où elles sont.

Un système d'enregistrement permettra aux forces policières, qui sont chargées d'appliquer la loi, de les retracer. D'ailleurs, on enregistre les voitures et les embarcations justement pour pouvoir les retracer en cas de vol.

Voici que le Parti réformiste nous met au défi de prouver sans l'ombre d'un doute que l'enregistrement est efficace à 100 p. 100 selon les statistiques. Nous avons laissé entendre qu'il existe une foule d'opinions sur la criminalité. L'Association des chefs de police, l'Association canadienne de la police, l'Association du Barreau canadien, l'Association canadienne de justice pénale nous disent toutes que l'enregistrement permettra au moins de réduire la contrebande d'armes non enregistrées et inconnues.

Certes, il y a pire que la prudence. Ne devons-nous pas faire preuve de bon sens? Ne devons-nous pas nous montrer prudents lorsque des vies humaines sont en jeu? Nous devrions avoir à prouver que nous avons pris toutes les mesures possibles pour nous assurer que la vie est protégée.

Si l'enregistrement permet de sauver une vie-et tous les spécialistes s'entendent pour dire qu'il permettra d'en sauver beaucoup-l'enregistrement est donc possible. En tant que gouvernement, nous avons le devoir de l'assurer. Le projet de loi C-68 est attendu par la grande majorité des Canadiens. Selon le sondage Angus Reid, 88 p. 100 des Canadiens, dont une majorité dans tout le pays, favorisent l'enregistrement des armes à feu. À l'échelle provinciale, l'appui va de 69 p. 100 à 95 p. 100. Toutes les provinces de l'Ouest sont pour.

Par conséquent, le projet de loi C-68 constitue un grand pas en avant. Il reflète le désir d'une majorité de Canadiens d'un océan à l'autre. Je me réjouis qu'il ait été présenté et je vais l'appuyer avec beaucoup de conviction.

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, il est très intéressant d'entendre toutes ces belles envolées, entrecoupées d'appels au bon sens. D'ailleurs, nous voulons nous-mêmes remettre un peu de bon sens dans la législation sur le contrôle des armes à feu au Canada. Le député a mentionné qu'il y aurait, selon diverses estimations, entre cinq millions et 12 millions d'armes à feu et d'armes à long canon non enregistrées au Canada.

(1525)

Les armes de poing sont enregistrées au Canada depuis 1934, soit depuis 60 ans, et cela n'a aucunement empêché les criminels de les acquérir et de les utiliser à des fins criminelles.

Je demanderai au député de répondre brièvement à ma question, puisque le temps file. Comment l'enregistrement des armes à long canon parviendra-t-il à être plus efficace que l'enregistrement des armes de poing?

Le député a aussi déclaré que, selon certains spécialistes, le système fonctionnera et permettra de «sauver d'innombrables vies humaines». Qu'il nomme ces spécialistes. Nous aimerions bien connaître le nom de ces spécialistes qui prétendent que l'enregistrement des armes à feu permettra de sauver des vies.

M. Lincoln: Monsieur le Président, j'ai dit que cela sauverait des vies. Même si cela permettait de sauver seulement une vie, nos efforts ne seraient pas vains. Les députés d'en face ne parlent que d'armes à feu. Ils ne parlent jamais des vies humaines, bien que ce soit vraiment la raison d'être de ce projet de loi.

Le député dit que l'enregistrement des armes de poing existe depuis 1934 et n'a jamais réussi à empêcher l'utilisation de telles armes à des fins criminelles. Qu'arriverait-il s'il n'y avait aucun système d'enregistrement des armes de poing? N'y aurait-il pas plus de crimes?

Si le système d'enregistrement a besoin d'être amélioré, améliorons-le. Aujourd'hui, nous avons des ordinateurs et toutes sortes de moyens techniques qui nous permettent de mettre au point un système d'enregistrement beaucoup plus perfectionné que celui mis au point il y a de nombreuses années. Nous avons maintenant l'occasion de moderniser ce système. Nous avons tous les moyens techniques qui nous permettent de le faire. Il faudra cependant du temps pour y arriver, comme le ministre l'a prévu dans le projet de loi. Mais une fois le travail de mise au point terminé, nous aurons un système d'enregistrement moderne et perfectionné qui, espérons-le, sera accepté et respecté par tous les Canadiens. Je crois que ce sera beaucoup mieux que le système que nous avons actuellement, qui est tout à fait inefficace.

Si le système d'enregistrement des armes de poing n'est pas parfait perfectionnons-le. Mais faisons au moins un pas dans la bonne direction en adoptant ce projet de loi qui nous aidera à sauver des vies.

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole dans le cadre du débat en deuxième lecture du projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes, déposé le 14 février 1995 par le ministre de la Justice et procureur général du Canada.

Ce projet de loi, promis depuis longtemps par le gouvernement libéral et dont le dépôt a été reporté à plusieurs reprises, modifie le Code criminel et comprend une nouvelle loi sur les armes à feu. Il prévoit des sanctions sévères à l'égard des crimes commis avec des armes à feu ainsi qu'un système de délivrance de permis de possession et d'utilisation d'armes à feu et un système national d'enregistrement de toutes les armes à feu.

Ce projet de loi dense, complexe et technique, contient 132 pages, sans explications, et fait suite aux mesures que le ministre avait annoncées le 30 novembre dernier. Le retard à déposer ce projet de loi ne s'explique que par l'opposition considérable qu'il soulève parmi la députation libérale. Plus de 30 députés de ce parti voteront contre, parmi lesquels le député de Timiskaming-French River, le député de Kenora-Rainy River, et même certains ministres auraient beaucoup de réserves à l'égard de cette nouvelle législation.

J'espère que ce groupe de députés dissidents pourra s'exprimer dans cette Chambre, et nous pourrons constater à quel point la députation libérale est divisée en cette matière. Le député de Lachine-Lac-Saint-Louis, qui vient de prononcer un bon dis-


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cours, pourrait utiliser son pouvoir de persuasion pour convaincre ses collègues députés d'appuyer ce projet de loi.

(1530)

Le projet de loi C-68 prévoit plusieurs mesures, dont la mise sur pied d'un système national d'enregistrement de toutes les armes à feu; l'imposition d'une peine d'emprisonnement minimale de quatre ans pour des crimes violents commis avec une arme à feu, en plus de la prohibition à perpétuité de posséder une arme à autorisation restreinte ou une arme prohibée; l'inclusion de nouvelles infractions au Code criminel, assortie de lourdes peines au sujet de l'importation illégale et le trafic d'armes à feu; des mesures visant à resserrer les contrôles aux frontières canadiennes. Ce matin, le ministre a mentionné qu'une quantité énorme d'armes à feu est importée au Canada chaque année. Enfin, l'interdiction d'importer et de vendre des armes de poing de calibre .25 et .32 et des armes de poing munies d'un canon de 105 millimètres ou moins.

Les personnes qui ne se procureront pas de permis ou de certificat dans les délais prévus pourront être condamnées en vertu du Code criminel à une peine maximale de six mois d'emprisonnement ou à une amende pouvant atteindre 2 000 $. Le permis d'armes devra être renouvelé tous les cinq ans, au coût de 60 $. Le certificat d'enregistrement sera valide à vie à moins que l'arme ne soit vendue ou transférée. Lorsque le système sera en place, le permis sera obligatoire pour l'achat des munitions.

Le contrôle des armes à feu a suscité et continue de susciter un débat public enflammé. Ceux qui sont en faveur de ce contrôle exigent notamment une réglementation beaucoup plus sévère, l'obligation d'enregistrer toutes les armes et l'interdiction de certains types d'armes à feu.

D'autre part, l'industrie d'armes à feu est hostile à l'idée de devoir se soumettre à de nouvelles restrictions. Elle va donc intensifier ses pressions pour s'opposer férocement à ce projet de loi. Quant à nous, du Bloc québécois, nous avons toujours soutenu qu'il fallait légiférer dans ce domaine afin de mieux contrôler les armes à feu.

À mon avis, il s'agit également d'une contribution à la solution du problème de la criminalité. Je suis aussi conscient qu'un contrôle plus restrictif des armes ne peut à lui seul résoudre l'ensemble des problèmes de la criminalité. Il faut concilier le droit de la population à des mesures de protection contre la violence avec les intérêts légitimes des propriétaires d'armes à feu, notamment les adeptes de la chasse.

Il faut souligner que le ministre a su résister aux pressions du puissant lobby des armes. L'enregistrement universel des armes à feu est positif. Ceci encouragera les propriétaires à trouver des façons de les entreposer de façon sûre.

Les réactions au projet de loi, au Canada et au Québec, sont partagées. Mais je pense que la majorité du pays, y compris la population de mon comté de Bourassa, à Montréal-Nord, appuie les grandes lignes de ce projet. Je pense donc que ce projet de loi, malgré de nombreux vides et carences, représente un pas dans la bonne direction.

(1535)

Parmi les mesures que ce projet de loi contient, c'est l'enregistrement de toutes les armes à feu qui est le plus vivement contesté. Administré par la Gendarmerie royale du Canada, ce contrôle devra se faire en collaboration avec les provinces et les territoires. Nous allons surveiller la collaboration entre la GRC et le gouvernement du Québec. Au Québec, où au moins un crime avec arme à feu est commis chaque jour, la police devra renforcer ses méthodes pour combattre plus efficacement l'utilisation criminelle des armes à feu.

Dans ma province, se produisent entre 400 et 450 décès par année attribuables aux armes à feu, dont près de 300 suicides. C'est pour cette raison que, particulièrement, le milieu de la santé réclame depuis longtemps l'enregistrement de toutes les armes à feu. Il faut se rappeler qu'au Québec les armes sont enregistrées depuis 1972, mais il faut améliorer le système.

J'ai des réticences sérieuses sur plusieurs dispositions du projet de loi, notamment en ce qui concerne les procédures et les coûts d'enregistrement. Le système national d'enregistrement ne constitue pas un système autofinancé comme le Bloc québécois l'exige depuis longtemps. Le ministre de la Justice se limite à mentionner que le coût d'implantation de ce système atteindra les 85 millions étalés sur sept ans. Mais il n'indique pas d'où viennent ces chiffres et comment il a pu arriver à ce montant. De plus, à mon avis, ce coût sera beaucoup plus élevé que le calcul fait par le ministre.

D'autre part, nous considérons que le ministre et son gouvernement ont cédé aux puissants groupes de pression pro-armes en échelonnant sur huit ans l'enregistrement des propriétaires et de leurs armes.

Monsieur le Président, comme vous le savez, je suis d'origine chilienne. Je suis venu ici suite au coup d'État mené par les militaires en 1973. Le Chili était un pays paisible. Avec la dictature de Pinochet, c'était l'insécurité totale. En arrivant à Montréal, en 1974, la valeur à laquelle mon épouse, mes enfants et moi-même tenions le plus, c'était la sécurité dans les villes et dans les rues d'ici.

Cependant, j'ai été ébranlé par la tragédie du 6 décembre 1989 où 14 jeunes femmes perdaient la vie à l'École polytechnique de Montréal suite à l'assaut d'un meurtrier qui en voulait aux femmes. Marc Lépine avait utilisé un fusil Luger. Cet événement a suscité un important mouvement au Québec et au Canada en faveur d'un contrôle accru des armes à feu, de même qu'une prise de conscience de la violence quotidienne faite aux femmes dans notre société.

J'ai été touché par cet événement tragique survenu il y a cinq ans, notamment par le fait qu'une filleule à moi se trouvait à l'École polytechnique où elle étudiait mais, heureusement, elle n'a pas été atteinte par les balles.

Le projet de loi interdit de vendre toute arme à feu du type de celle qu'a utilisée Marc Lépine. Près de trois Canadiennes et Canadiens sur quatre estimaient, à cette époque, que la mort violente des 14 étudiantes de l'École polytechnique démontrait la nécessité de resserrer le contrôle sur les armes à feu.


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(1540)

Les femmes, les personnes âgées et les Québécois en général étaient et sont les trois catégories qui réclamaient le plus une action législative restrictive sur l'achat d'armes. Selon les données de Statistique Canada, au cours des années entre 1978 et 1982, le pourcentage de meurtres commis avec une arme à feu avait atteint les 37 p. 100. Sur les 6 465 crimes commis entre 1978 et 1987, on avait utilisé une arme à feu dans 33 p. 100 des cas.

Le ministre a dit, et je le cite, qu'«en moyenne, une femme succombe sous la décharge d'une arme à feu tous les six jours au Canada.» La situation est donc très grave. Cependant, à mon avis, le ministre a peur d'aller au fond du problème. Il aurait dû soumettre un projet de loi plus musclé. Il reporte au prochain siècle la limite où les propriétaires actuels d'armes à feu devront se munir d'un certificat et pour se conformer au plan d'action du ministre.

Il pèche par omission à plusieurs égards dans ce projet de loi. Le ministre de la Justice n'a pas suffisamment tenu compte de l'enquête du coroner Anne-Marie David, qui se tenait à Montréal à la fin de 1994. Une vingtaine de témoins représentant divers organismes étaient venus témoigner sur l'incohérence et le manque de clarté du règlement et les nouvelles mesures proposées par le ministre ne répondent pas à l'ensemble du problème.

L'État se doit de protéger les citoyens contre l'utilisation dangereuse et illégale d'armes à feu. Il faut améliorer la sécurité du public en réduisant l'utilisation d'armes à feu à des fins criminelles. Je pense également que l'ensemble des immigrants et des immigrantes au Canada et au Québec veulent vivre dans une société sûre et respectueuse des lois. Je pense que les Québécois et les Canadiens ne veulent pas d'un pays comme les États-Unis, en matière d'armes à feu.

Mais, je voudrais en même temps que le projet de loi respecte les intérêts légitimes des chasseurs et des agriculteurs. La chasse est une tradition de longue date. Elle constitue une activité de loisir et économique très importante pour beaucoup de Québécois et de Canadiens. Il y a des tireurs sportifs qui ont obtenu une reconnaissance internationale. Beaucoup d'autochtones chassent pour nourrir leur famille. Je n'ai rien contre les gens qui utilisent une arme pour des fins justifiées.

Je ne pense pas qu'ici, au Canada, contrairement à ce qui arrive dans d'autres pays, il faille posséder une arme à feu pour se protéger. En tout cas, je ne voudrais pas vivre dans une telle société.

[Traduction]

M. Jesse Flis (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, le député de Bourassa a déclaré qu'environ 30 députés du côté gouvernemental voteraient contre le projet de loi. Je lui conseille de refaire ses recherches parce que beaucoup des préoccupations de nos députés ont été amoindries par les dernières modifications apportées au projet de loi.

J'ai été heureux d'entendre le député dire qu'il appuiera le projet de loi parce que, comme il l'a déclaré, il était attendu depuis longtemps. Il a aussi ajouté que le projet de loi n'allait pas tout à fait assez loin.

(1545)

Pourtant, le ministre de l'Environnement et de la Faune du Québec a protesté que le projet de loi allait trop loin. Je me demande si le député peut nous donner des éclaircissements. Trouve-t-on la même division dans son parti que celle qui existe entre le député et le gouvernement du Québec?

[Français]

M. Nunez: Monsieur le Président, j'espère que la dissidence au sein de la députation libérale concernant le projet de loi C-86 n'ira pas trop loin. Je suis satisfait de vos explications, mais je pense qu'il y a des problèmes profonds au sujet de ce projet de loi dans votre groupe parlementaire.

Comme je l'ai dit, nous sommes d'accord avec les principes généraux sous-tendus dans le projet de loi. Nous sommes pour un contrôle plus accru des armes à feu, surtout au Québec, où on a vécu la tragédie de l'École polytechnique de Montréal et d'autres qui nous ont beaucoup sensibilisés à ce problème des armes à feu.

J'espère qu'au cours de la discussion au sein du Comité parlementaire de la justice, on pourra examiner d'une façon plus profonde ce projet de loi et proposer des amendements qui le rendront plus efficace, ayant plus de dents, et surtout pour qu'il puisse entrer en vigueur dans les plus brefs délais. Comme votre collègue de Lachine-Lac-Saint-Louis l'a dit tantôt sur un ton passionné, je pense que ce projet de loi est nécessaire aujourd'hui pour la société canadienne et québécoise.

[Traduction]

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, j'ai deux questions à poser au député de Bourassa.

Le député a déclaré qu'il appuyait l'idée d'interdire le mini-Ruger qui a été utilisé lors du massacre de l'École polytechnique. Je peux souscrire à cet avis et je comprends que les armes d'assaut soient rayées de la liste. Les électeurs de ma circonscription appuient aussi cette position. Cependant, une personne détraquée trouvera une arme d'une façon ou d'une autre, qu'elle soit enregistrée ou non. Le meurtrier aurait pu utiliser, par exemple, un fusil de chasse à canon scié.

Ma première question est la suivante: Comment l'enregistrement aurait-il pu empêcher le massacre?

Ma deuxième question a trait à ce que le député a dit sur l'enregistrement universel. Il a dit que c'est une bonne idée parce que cela incitera les propriétaires à entreposer leurs armes et leurs munitions de façon sécuritaire. Sous l'ancienne législature, la Chambre des communes a adopté le projet de loi C-17, qui exige que tous les Canadiens entreposent leurs armes et leur munitions de façon sécuritaire. Cela n'a pas du tout abaissé le taux de criminalité ni réduit l'usage illégal ou le mauvais usage des armes à feu par les criminels. Comment le député peut-il


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prétendre que l'enregistrement universel va faire une différence?

[Français]

M. Nunez: Monsieur le Président, naturellement, contre l'impossible nous ne pouvons rien faire. Il va y avoir, dans toute société, des personnes dérangées. Mais je pense que notre objectif et celui de la population est de réduire au minimum le risque de crimes avec arme à feu.

Je ne sais pas si l'arme utilisée par Marc Lépine était enregistrée, mais je pense que l'enregistrement des armes va aider, puisqu'on saura qui les possède. Dans le cas des personnes dérangées, j'espère qu'elles n'auront pas le droit d'obtenir un permis, un certificat pour l'utilisation d'une arme.

Je pense que l'enregistrement est essentiel pour le contrôle des armes à feu. Naturellement, si on a un système national d'enregistrement, on pourra aussi s'assurer que l'entreposage de ces armes soit plus sûr. J'espère qu'avec ce projet nous allons atteindre certains de ces objectifs, en tout cas, c'est mon souhait, malgré, encore une fois, les vides considérables, les carences appréciables dans ce projet de loi C-68.

(1550)

[Traduction]

M. Philip Mayfield (Cariboo-Chilcotin, Réf.): Monsieur le Président, je me rappelle avoir été arrêté une fois par un policier pour une inspection de routine de ma voiture. Comme il y avait un bâton de base-ball sur la banquette arrière, il m'a demandé pourquoi j'avais un bâton de base-ball dans ma voiture. Je lui ai répondu qu'avec la balle et le gant de base-ball qui se trouvaient sur le plancher de la voiture, je m'en servais pour jouer avec mes enfants. Cela se passait il y a quelques années. Il a répliqué que c'était bien, mais que si je transportais ce bâton de base-ball pour m'en servir dans le but de me défendre ou d'attaquer quelqu'un, ce serait un crime que de le garder dans ma voiture.

Il me semble que le débat devrait surtout porter sur l'intention dans laquelle on se sert d'une arme à feu ou d'une épingle à chapeau ou d'un marteau ou d'un couteau de cuisine ou de ses deux poings. Nous devrions nous attacher à l'intention, à la volonté tordue d'une personne de faire du mal. Nous ne pouvons pas mettre fin à tous les dangers. Quand on nous dit que cette mesure s'impose si nous pouvons sauver ne serait-ce qu'une vie, si c'était vrai, je l'accepterais.

Si nous nous soucions tant de sauver des vies, pourquoi le gouvernement et les Canadiens ne se préoccupent-ils pas davantage des normes techniques applicables aux appareils électriques, aux voitures, au grand nombre d'articles dont nous nous servons? Pourquoi tolérer qu'on fume? Pourquoi ne pas rendre plus sévères les restrictions en matière d'ivresse au volant? La mesure à l'étude ne constitue qu'une diversion.

Comment l'enregistrement des armes à feu, comment des restrictions accrues sur l'usage des armes à feu, comment la mesure à l'étude sur le contrôle des armes à feu remédieront-ils au mauvais usage d'armes à feu par quelqu'un qui est déterminé à faire du mal à autrui?

[Français]

M. Nunez: Monsieur le Président, je pense, comme je l'ai dit tantôt, que le système national d'enregistrement des armes va permettre un contrôle plus accru des armes, de qui possède ces armes, où ces armes vont être gardées. Je ne suis pas le seul à penser comme cela.

Dans mon comté de Bourassa, à Montréal-Nord, il y a 15 p. 100 de personnes du troisième âge. J'en ai discuté. Nous avons eu des rencontres et je leur ai demandé: Qu'est-ce que vous pensez du contrôle des armes, de ce projet de loi que le ministre de la Justice a annoncé? Toutes ces personnes âgées sont pour un contrôle accru parce qu'elles veulent sortir, aller visiter des parcs où elles soient sûres de ne pas être attaquées avec des armes ou par des gens dérangés. Nous ne sommes pas les seuls à penser comme cela.

J'ai consulté le mouvement syndical, le Congrès du travail du Canada qui représente plus de deux millions de membres au Canada, particulièrement au Québec, ils sont d'accord également avec les grandes lignes de ce projet de loi. J'ai eu des contacts avec les médecins et les gens qui s'occupent de la santé. Eux, également, demandent un contrôle accru des armes à feu au Canada. Je pense que la majorité de la population au Canada, au Québec et dans mon comté appuie les grandes lignes de ce projet de loi.

[Traduction]

M. Harbance Singh Dhaliwal (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de pouvoir aborder la question du contrôle des armes à feu. Je voudrais parler de certaines inquiétudes exprimées par le Parti réformiste et mentionner divers événements et certaines statistiques en faveur d'un contrôle des armes à feu.

(1555)

Permettez-moi tout d'abord d'expliquer pourquoi un contrôle des armes à feu est souhaitable pour le Canada. Le contrôle des armes à feu ne vise pas simplement à restreindre les armes à feu. Il vise à accroître la sécurité publique et à prévenir la criminalité.

J'ai souvent demandé à des électeurs s'ils pensaient qu'une augmentation du nombre d'armes en circulation entraînerait une hausse de la criminalité. Ils répondent toujours par l'affirmative. Plus il y aura d'armes dans nos rues, plus il y aura de crimes. Quand je leur demande s'ils croient que le fait de pouvoir aller acheter une arme dans un magasin de leur localité occasionnera une augmentation de la criminalité, ils répondent toujours par l'affirmative.

N'est-ce pas logique? S'il y a moins d'armes à feu en circulation et que le gouvernement rend l'acquisition d'une arme à feu plus difficile, n'y aura-t-il pas moins de crimes? Je pars du principe selon lequel moins il y aura d'armes en circulation et plus nous restreindrons et surveillerons l'utilisation de celles qui sont en circulation, plus notre société et nos collectivités seront sûres.

L'autre effet est d'ordre psychologique et vient du simple fait de savoir que, à titre de société, nous ne tolérons pas que les gens aient des armes. Les gens savent alors qu'il est illégal de se promener dans la rue avec une arme et qu'il existe des restrictions à cet égard. Sur le plan psychologique, cela contribuera aussi à réduire la peur dans notre société. C'est également très important.

Permettez-moi d'examiner les appuis que ce projet de loi a recueillis au Canada, que ce soit en Alberta, en Colombie-Bri-


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tannique ou partout ailleurs. Il y a énormément de personnes qui voient d'un bon oeil ce projet de loi. Ainsi, du 5 au 25 octobre 1994, Environics Research Group Limited a mené une enquête nationale auprès de Canadiens, pour savoir ce qu'ils pensaient de diverses mesures de contrôle des armes à feu. D'après cette enquête, 90 p. 100 étaient en faveur d'une loi rendant obligatoire l'enregistrement de toutes les armes à feu.

En Colombie-Britannique, 88 p. 100 des personnes interrogées appuyaient des mesures de contrôle des armes à feu rigoureuses. En Alberta, 83 p. 100 sont en faveur d'un contrôle. Presque tous les Canadiens, soit 96 p. 100 d'entre eux, souhaitent qu'on inflige des peines plus sévères à ceux qui utilisent une arme à feu lors de la perpétration d'un crime. En vertu de certaines dispositions du projet de loi, certains crimes sont aussi considérés comme étant plus graves si une arme à feu est utilisée au moment où ils sont perpétrés.

Par ailleurs, 75 p. 100 souhaitaient un accès restreint aux munitions, et 65 p. 100 étaient favorables à une loi interdisant aux civils de posséder une arme de poing.

Il y a toute une série de sondages qui ont été effectués. La liste est longue. Je pourrais probablement en mentionner bien d'autres. Une enquête récente effectuée en Alberta a révélé que 64 p. 100 des Albertains appuient le principe d'un registre national des armes à feu.

C'est un sondage réalisé par le ministre de la Justice de l'Alberta, M. Evans, dont il a lui-même admis avoir été surpris des résultats. Selon un sondage Angus-Reid réalisé l'automne dernier, 70 p. 100 des Canadiens sont favorables à ce qu'on exerce des contrôles plus stricts sur les armes à feu.

Je pourrais citer les résultats d'autres sondages encore, mais il est assez évident que les Canadiens appuient un contrôle plus sévère des armes à feu. Au nombre des partisans d'une loi plus sévère sur le contrôle des armes à feu, on trouve des groupes assez incroyables.

Par exemple, le 25 août 1994, à l'occasion de sa 89e conférence annuelle, l'Association canadienne des chefs de police a adopté six résolutions appuyant le renforcement des mesures de contrôle des armes à feu. Des maires de la Colombie-Britannique, dont certains habitent des circonscriptions de députés réformistes, ont dit être en faveur d'un contrôle plus strict des armes à feu. Dix-huit maires de la Colombie-Britannique représentant 1,7 million de personnes ont dit qu'ils étaient en faveur d'un contrôle plus strict des armes à feu. Ce sont des maires de municipalités qui ont dit cela.

Il est assez évident que toutes sortes de groupes, y compris des maires, des chefs de police et des groupes communautaires, sont en faveur d'un contrôle plus strict des armes à feu. Comme le Parti réformiste le dit toujours: «Nous sommes à l'écoute des Canadiens. Nous les écoutons et nous leur répondons.» Si les députés réformistes n'appuient pas le projet de loi, ils iront à l'encontre d'une majorité de leurs propres électeurs qui veulent qu'on exerce un contrôle plus strict sur les armes à feu.

(1600)

Je sais qu'il faut être prudent quand on cite des statistiques parce qu'elles peuvent être utilisées d'une manière trompeuse. Je voudrais néanmoins citer quelques données. Un récent sondage a révélé que des fusils étaient utilisés dans 42 p. 100 des meurtres de femmes commis par leur conjoint. Au Canada, une femme est tuée avec une arme à feu tous les six jours. Le plus souvent, cette femme est tuée chez elle et presque toujours par quelqu'un qu'elle connaît. Ce sont des données assez révélatrices.

Voici une autre donnée sur laquelle nous devrions nous pencher. Plus de 80 p. 100 des carabines et des fusils de chasse ayant tué ou blessé étaient entre les mains de propriétaires légitimes. N'est-ce pas une statistique incroyable? Les députés du troisième parti disent: «Ce sont des criminels qui commettent les crimes.» Or, on voit ici que plus de 80 p. 100 des carabines et des fusils qui ont servi à tuer ou à blesser étaient en la possession des propriétaires légitimes. Qu'est-ce à dire? Quand on sait que 80 p. 100 des carabines et des fusils, au moment du passage à l'acte, étaient manipulés par des propriétaires légitimes, le message ne saurait être plus clair. Nous devons agir!

En 1991, on a enregistré un total de 1 445 décès causés par des armes à feu. Ces décès étaient ainsi répartis: homicides, 19 p. 100; accidents, 4 p. 100; suicides, 77 p. 100. En 1992, 26 p. 100 de l'ensemble des vols ont été commis à l'aide d'une arme à feu. Cela représente une baisse graduelle, comparativement à 1977 où ce taux s'établissait à 39 p. 100. C'était avant que le Parlement n'adopte une loi plus rigoureuse sur le contrôle des armes à feu.

Ainsi donc, en adoptant une mesure plus rigoureuse, nous avions réussi à faire passer ce taux de 30 p. 100 à 26 p. 100. Les mêmes arguments étaient invoqués en 1977 quand le gouvernement libéral, par la voix du ministre Ron Basford, a fait adopter cette loi plus rigoureuse sur le contrôle des armes à feu. Ce sont les mêmes arguments qui refont surface. Or, les statistiques montrent que nous avions pris la bonne décision. Nous avons fait ce qu'il fallait faire. Dans 15 ou 20 ans, le monde dira qu'on a bien agi.

En 1992, on a enregistré 732 homicides au Canada. Sur ce nombre, 34 p. 100 ont été commis à l'aide d'une arme à feu. Autrement dit, le tiers a été commis avec des armes à feu. C'est un problème grave.

Nous pouvons nous comparer à d'autres pays sur le plan des lois sur les armes à feu. Malheureusement, nous ne disposons pas d'une étude vraiment exhaustive qui nous permette d'établir des comparaisons entre les pays qui ont des lois sévères et ceux dont les lois sont moins rigoureuses.

Nous pouvons nous appuyer sur une étude très complète qui a pris en exemple deux villes situées dans un rayon de 100 à 150 milles l'une de l'autre pour comparer les taux de criminalité. Il s'agissait des villes de Seattle et de Vancouver, soit la ville que je représente, Vancouver-Sud. On a choisi ces deux villes, car il y avait beaucoup de points semblables sur les plans de la topographie, du climat, de la population et de la diversité ethnique. Cette étude, qui s'est échelonnée de 1980 à 1986, voulait établir les liens qui existaient entre les règlements sur les armes de poing, les agressions et d'autres crimes, comme les homicides.

Ces deux villes se ressemblent de bien des façons. Je le répète, elles ont la même topographie, le même climat, un taux de scolarisation comparable et des taux de chômage et de diversité ethnique presque identiques.


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(1605)

Même si elle est semblable à Seattle de bien des façons, Vancouver a adopté une approche beaucoup plus restrictive face à la réglementation des armes de poing. Durant la période visée par l'étude, six années, je le répète, il est tout à fait pertinent de constater que ces deux villes ont eu des taux comparables de cambriolages et de vols qualifiés.

À Seattle, le taux annuel d'agressions a été légèrement supérieur à celui de Vancouver. Cependant, sept fois plus d'agressions y ont été commises à l'aide d'armes à feu. Tout cela envoie un message très clair. Malgré des taux semblables d'activités criminelles et d'agressions dans l'ensemble, il y avait beaucoup plus de chances d'être victimes d'un homicide à Seattle qu'à Vancouver. Pratiquement tout ce risque supplémentaire s'explique par le fait qu'une personne est 4,8 fois plus susceptible d'être victime d'un meurtre commis à l'aide d'une arme à feu à Seattle qu'à Vancouver. C'est très significatif.

Cette étude a conclu que, en restreignant l'accès à des armes de poing, on pouvait réduire le taux d'homicides dans une collectivité. C'était mon hypothèse de base. J'ai déclaré qu'il était logique de prévoir que, plus nous aurions d'armes en circulation, plus le taux de criminalité serait élevé et que, inversement, une réduction du nombre d'armes entraînerait une baisse de la criminalité.

C'est une façon toute simple d'aborder la question. Malheureusement, les réformistes ne voient toujours pas les choses de cette façon. Cela n'a pourtant rien de compliqué. Le Canadien moyen devrait le comprendre. Si nous laissons les gens acheter des armes comme bon leur semble, sans appliquer aucune règle, le taux de criminalité augmentera, alors que, si nous limitons l'accès aux armes à feu, ce taux baissera.

Vient ensuite le cas d'Indianapolis. Dans cette ville, on voulait arrêter les véhicules pour contrôler de façon active la circulation des armes à feu, un peu comme notre programme de lutte contre l'alcool au volant. Les autorités ont dit qu'elles allaient arrêter les automobiles dans certains secteurs où les problèmes étaient importants et qu'elles allaient les fouiller pour trouver des armes. Elles ont abordé le problème de façon proactive.

La police a fouillé de fond en comble les quartiers où la criminalité était élevée et a saisi des armes à feu illégales. Résultat: les crimes commis avec une arme à feu ont diminué de près de moitié dans ces secteurs. Les homicides et les fusillades au volant d'une voiture ont considérablement diminué. Le message est très clair.

Aux États-Unis, même s'ils disposaient de certains de ces renseignements, ils n'ont pas réussi à proposer des mesures plus sévères pour contrôler les armes à feu à cause des fortes pressions exercées pour le compte des tireurs à la carabine. Fait assez étrange, le Parti réformiste parle des groupes de pression. Il dit que c'est son sujet préféré et qu'il est contre les lobbyistes et les groupes de pression. Cependant, quand des groupes de pression l'appuient, il n'hésite pas à leur donner la main et est même prêt à coucher avec eux. C'est ce qu'il a fait avec le groupe de pression sur le contrôle des armes à feu.

On dit toujours qu'il faudrait punir les auteurs des crimes. Voici d'autres statistiques intéressantes. Quatre-vingts pour cent de tous les homicides, au Canada, mettent en cause des personnes qui se connaissent. La plupart des homicides se produisent par suite de voies de fait ou encore au cours de disputes ou d'altercations. Très peu d'entre eux arrivent au cours de la perpétration d'un vol ou d'un autre délit.

S'il y a plus d'armes à feu dans les maisons, il y aura plus d'homicides au Canada. S'il y a moins d'armes à feu dans les maisons, il y aura moins d'homicides au Canada. C'est aussi simple que ça.

(1610)

On veut également savoir combien coûtera le programme et on demande au ministre de la Justice de prouver qu'il fera baisser la criminalité. S'il fallait prouver d'avance l'efficacité des mesures de prévention de la criminalité, nous n'aurions pas beaucoup de programmes de ce genre au Canada.

De nombreux groupes importants au Canada nous ont dit que des mesures semblables devraient logiquement faire diminuer la criminalité. Les députés réformistes, eux, veulent avoir tout de suite la preuve que les programmes sont efficaces. Nous en avons déjà la preuve: il suffit de voir les résultats des lois qui ont déjà été adoptées et, notamment, le projet de loi de 1977. Nous avons là la preuve qu'un contrôle plus rigoureux des armes à feu réduit la criminalité. Nous n'avons pas besoin d'autre preuve. Le gouvernement adoptera des mesures de prévention de la criminalité chaque fois que ce sera nécessaire pour assurer la sécurité du public et réduire la criminalité.

Chaque crime qui est commis engendre des coûts ahurissants. Les députés réformistes parlaient de coûts. Peuvent-ils me dire combien coûte un crime? Quelles en sont les répercussions au sein de la famille? Et les coûts financiers pour la société? Combien coûte à une famille la perte d'un de ses membres? Les coûts financiers sont énormes: les tribunaux, le système judiciaire, les plaidoyers. L'incarcération d'un détenu coûte 60 000 $ par année.

Bien sûr, le système d'enregistrement nous coûtera quelque chose, soit environ 85 millions de dollars. Ce ne sera cependant pas une dépense, mais un investissement puisqu'il permettra de réduire la criminalité. Ce système sera un investissement parce qu'il contribuera à réduire le nombre de tragédies, qu'il s'agisse de suicides ou de meurtres. En tant que députés, nous pouvons tenter de réduire le nombre de tragédies de ce genre, et c'est la raison pour laquelle j'appuie le projet de loi.

Le Parti réformiste s'oppose vivement à toute mesure préventive pour le contrôle des armes à feu. Ses arguments visent principalement à protéger les intérêts des propriétaires d'armes à feu et non la sécurité du public. Les réformistes ne tiennent pas compte des données sur le rôle des armes à feu dans la violence familiale, les suicides et les morts accidentelles. Ils prétendent accorder une grande priorité à la prévention de la criminalité, mais ils proposent uniquement de punir les criminels une fois les victimes décédées. Notre objectif est de prévenir les pertes de vie.

Le Parti réformiste a grandement exagéré le coût de l'enregistrement des armes à feu en prétendant que le système d'enregistrement coûterait des centaines de millions de dollars. Pour réfuter toutes les objections quant à la conception et aux coûts du système, nous prenons le temps de l'élaborer très soigneusement.

Je dois féliciter le ministre de la Justice qui a eu le courage de s'attaquer à cette question et de voir à ce que tout soit bien fait. Les politiciens hésitent souvent à s'attaquer à des dossiers aussi


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délicats. Ils ne veulent pas s'engager dans des avenues où ils seront confrontés à la résistance. Le ministre avait prévu que le contrôle des armes à feu susciterait une certaine résistance. Il lui a fallu beaucoup de courage pour agir.

Grâce à la technologie moderne, le système sera beaucoup moins coûteux qu'il ne l'aurait été il y a 15 ou 20 ans. Nous croyons que ces chiffres sont exacts.

Il me reste peu de temps. Mon collègue d'Edmonton-Sud-Ouest nous a appris que, selon un sondage mené dans sa circonscription, 69 p. 100 de ses électeurs appuient la mise en place de contrôles plus sévères des armes à feu. Les Canadiens devancent les politiciens à plusieurs égards dans ce dossier. Toutefois, le gouvernement admet qu'il doit prendre cette mesure. La population canadienne nous le demande et les corps policiers nous le demandent aussi. Nous devons le faire pour nos enfants et pour nos jeunes, afin qu'ils soient moins menacés par la criminalité.

(1615)

J'ai trois enfants et je veux qu'ils vivent en toute sécurité dans leur société, qu'ils ne se sentent jamais menacés par quelqu'un qui pourrait porter une arme à feu. Je veux qu'ils forment une société plus forte. Nous ne sommes pas en faveur de l'américanisation comme certains députés du Parti réformiste. Nous voulons un pays sans danger et sans armes à feu.

Je n'ai qu'un message à transmettre aujourd'hui: tous les députés, y compris les réformistes, devraient approuver ce projet de loi et manifester leur appui au ministre. En fait, le projet de loi devrait être encore plus strict, et j'espère que nous pourrons éventuellement adopter des mesures plus sévères. Moins il y aura d'armes à feu en circulation, moins il y aura de crimes. C'est une équation des plus logiques.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, j'ai quelques questions à poser au député.

Moi aussi, j'ai passé les sept ou huit dernières semaines à visiter le pays en long et en large, et à rencontrer beaucoup de monde dans plusieurs assemblées publiques. J'ai aussi consulté les résultats de sondages. On m'a communiqué hier les résultats d'un sondage mené auprès des électeurs de Renfrew-Nipissing-Pembroke au sujet de l'enregistrement. Des 2 807 personnes consultées, 111 étaient en faveur et 2 696 étaient contre.

C'est ce qu'on a pu apprendre dans cette circonscription, dont les électeurs ont fait parvenir ce sondage à leur député. Ma question est la suivante: Permettra-t-on à ce député de représenter ses électeurs? Après tout, les sondages qu'on a faits à son intention ne vont certainement pas dans le même sens que les propos du ministre et des autres ministériels.

Les députés savent-ils que le premier ministre a reçu 200 résolutions de municipalités du Manitoba qui s'opposent à la loi sur les armes à feu? Nous n'en avons pas entendu parler, mais je sais que ces résolutions ont été envoyées au premier ministre du Canada.

Je vois des tonnes et des tonnes de pétitions qui sont déposées. J'ai moi-même réussi à augmenter la pile de plusieurs milliers de noms venant des quatre coins du Canada, parce que de toute évidence, certains députés ne veulent pas déposer ces pétitions. On m'a fait parvenir des pétitions de partout au pays. La dernière que j'ai reçue venait du Manitoba et était signée par quelque 1 400 personnes, y compris 400 ou 500 femmes qui ont signé sur du papier rose afin qu'on les distingue. Ces gens manifestaient ainsi leur opposition au projet de loi.

La députée de Burlington a assisté avec moi à une réunion tenue à Kamloops. La salle était pleine à craquer. Il devait y avoir 300 ou 350 personnes réunies à cet endroit pour demander à la députée de communiquer un message au ministre. Les participants ont mis la question aux voix et ils se sont tous prononcés contre le projet de loi sur les armes à feu.

Bon sang, quand vous voyez ce genre de chose-et personnellement je vois la même chose partout-et que vos propres électeurs vous envoient un sondage montrant que 96 p. 100 d'entre eux s'opposent à l'enregistrement des armes à feu, pouvez-vous bien me dire où vous prenez les chiffres que vous citez constamment?

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. La présidence reconnaît que la question est très polémique et que les deux côtés de la Chambre ont des opinions très arrêtées dans ce débat, mais je rappelle à tous de toujours s'adresser au Président et d'éviter de s'échanger directement des propos en employant le «vous».

M. Thompson: Monsieur le Président, je vous demande pardon. J'ai oublié pendant un moment que vous étiez là. Je ne le ferai plus. Mais comme vous dites, il est très facile de se laisser emporter.

J'ai assisté à plus de 19 assemblées publiques. J'ai moi-même interrogé des milliers de gens. Je les ai écoutés. Je ne les ai encouragés d'aucune façon. Je leur ai demandé: «Êtes-vous au courant des propositions?» «Oui.» «Êtes-vous pour?» La réponse est un «non» retentissant. Je parle ici de la masse. Je n'ai pas eu beaucoup de temps à consacrer à l'élite, contrairement à certains ministres. Je parle de la masse. Les gens n'en veulent pas. C'est clair et net.

Reportez-vous aux pétitions qui ont été déposées et dites-moi combien sont en faveur et combien sont contre. Monsieur le Président, vous serez agréablement surpris.

M. Dhaliwal: Monsieur le Président, quels que soient le jour et le sujet, je peux probablement attirer un millier de personnes dans ma circonscription. Si un réformiste vient parler dans ma circonscription, je peux rassembler un millier de personnes pour lui faire opposition à cause de la position de son parti. Ce n'est pas difficile de trouver 300 personnes qui sont contre ce projet loi.

(1620)

Toutefois, là n'est pas la question. Le fait est que, dans l'ensemble, les sondages d'opinion prouvent les uns après les autres que la majorité des Canadiens sont en faveur du contrôle des armes à feu. Il y en aura toujours qui s'y opposeront parce que ça va à l'encontre de leurs intérêts. Ce sont les marchands d'armes et les chasseurs. C'est dans leur intérêt de s'y opposer.


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Certains ont des motifs valables de s'y opposer. Je rends hommage au ministre d'avoir rencontré ces gens d'un bout à l'autre du pays et d'avoir écouté leurs doléances tout à fait légitimes. Certains habitent dans le Nord où ils chassent pour subvenir à leurs besoins. Leur fusil est essentiel à leur survie.

C'est ce qui explique les résultats des sondages qui indiquent que 15 p. 100 de la population est contre ce projet de loi. C'est ce même 15 p. 100 qui signe les pétitions, mais n'oublions pas que la population est en faveur du contrôle des armes à feu à 85 p. 100. C'est une majorité écrasante.

Lors des prochaines élections, le Parti réformiste va payer très cher de n'avoir écouté que certains Canadiens. Il sera encore plus marginalisé qu'à l'heure actuelle, s'il faut en croire les résultats d'un récent sondage. Il obtiendrait moins de sièges que ce que les conservateurs ont maintenant.

M. Darrel Stinson (Okanagan-Shuswap, Réf.): Monsieur le Président, j'ai entendu le député de l'autre côté citer des faits et des chiffres.

Vu que l'enregistrement des armes de poing est obligatoire depuis 1934, j'aimerais bien savoir de combien ont baissé les actes criminels au cours desquels on a utilisé des armes de poing? J'ai aussi entendu le député mentionner le contrôle aux frontières. Je voudrais rappeler au député que son gouvernement est celui qui était incapable d'arrêter la contrebande des cigarettes.

M. Dhaliwal: Monsieur le Président, je pense que le gouvernement a très bien réussi à arrêter la contrebande des cigarettes, et les chiffres le prouvent. Il suffit de regarder les chiffres pour le voir.

Le député n'écoutait pas, car j'ai donné un exemple. J'ai dit qu'en 1977, 39 p. 100 des vols étaient à main armée, alors qu'aujourd'hui ce chiffre est descendu à 26 p. 100. La preuve est là, et elle est flagrante. Si certains ne veulent pas la voir, nous n'y pouvons rien. Il y en a qui refusent la vérité et ne veulent pas reconnaître les preuves, notamment du côté du Parti réformiste.

Ce n'est pas notre cas. Dans 20 ans, les gens regarderont les résultats et ils verront que cette législature avait raison de faire ce qu'elle fait en ce moment. Nous allons adopter un projet de loi rigoureux, encore que, personnellement, je souhaiterais qu'il le soit encore plus. Tous les Canadiens nous approuvent, comme nous avons pu le voir lors des dernières élections partielles où les libéraux ont pris les trois sièges. Pourquoi? Parce que nous faisons ce qui doit être fait, nous écoutons les Canadiens.

Chaque fois que nous avons fait des consultations, les réformistes ont dit que c'était de la frime. Ils ne sont pas intéressés par nos consultations, alors qu'ils en réclament à cor et à cri.

Il y a des inquiétudes légitimes au sujet du contrôle des armes à feu, mais je pense que le ministre les a apaisées. C'est une excellente mesure législative. J'espère que les députés l'appuieront sans réserve, car dans 20 ans ils pourront dire qu'ils ont fait ce qu'il fallait faire.

Le président suppléant (M. Kilger): Avant de poursuivre le débat, je dois, en conformité de l'article 38 du Règlement, faire connaître à la Chambre la question qui sera soulevée ce soir à l'heure de l'ajournement: Le député de Kamloops-la fiscalité.

[Français]

Le député de Mégantic-Compton-Stanstead m'a avisé par écrit qu'il était incapable de présenter sa motion pendant l'heure réservée aux affaires émanant des députés le vendredi 17 février 1995.

[Traduction]

Il n'a pas été possible de procéder à un échange de positions sur la liste de priorité conformément à l'alinéa 94(2)a) du Règlement. Par conséquent, je demande aux greffiers au Bureau de faire retomber cet article au bas de la liste de priorité du Feuilleton.

[Français]

Conformément à l'article 94(2)b) du Règlement, l'heure réservée aux affaires émanant des députés sera donc suspendue et la Chambre poursuivra l'étude des affaires dont elle sera alors saisie.

(1625)

[Traduction]

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, je souhaiterais pouvoir dire que je me réjouis de parler aujourd'hui du projet de loi C-68, mais je crains que ce ne soit pas le cas. J'avais espéré que le ministre écoute les préoccupations de centaines de milliers, voire de millions de Canadiens que l'enregistrement des armes à feu préoccupe vivement. De toute évidence, il ne l'a pas fait et a décidé de foncer en avant.

Pour ma part, j'ai reçu des milliers de lettres de gens qui craignent que le ministre de la Justice ne confonde contrôle des armes à feu et lutte contre le crime. Tous les autres députés de la Chambre en ont certainement reçues aussi.

De plus en plus, les gens considèrent que notre système de justice n'est pas efficace. Or, le ministre de la Justice et les groupes contre les armes à feu tentent de convaincre tout le monde que, si nous multiplions les embûches pour ceux qui veulent posséder et utiliser légalement des armes à feu, les criminels auront plus de difficulté à les utiliser illégalement. J'ai des doutes là-dessus.

Notre système de justice repose sur le principe qu'on est innocent jusqu'à ce qu'on soit reconnu coupable. Nous devons nous efforcer de maintenir l'intégrité de ce système pour faire en sorte que des innocents ne soient pas privés de leurs droits pour les mauvaises raisons.

Lorsqu'un programme, quel qu'il soit, est mis sur pied, ses objectifs devraient être clairs et il faudrait trouver des moyens d'en évaluer l'efficacité. Dans le cas qui nous occupe, j'ai l'impression que le gouvernement a manifestement échoué.

Qu'est-ce que l'imposition de plus lourdes restrictions aux honnêtes citoyens a à voir avec la lutte contre le crime? Pour


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reprendre les propos du ministre, comment l'enregistrement des armes à feu peut-il faire du Canada un endroit plus sûr et plus civilisé? En 1993, le vérificateur général a déclaré que nos statistiques ne permettaient pas de déterminer si les anciennes mesures législatives sur le contrôle des armes à feu avaient eu un effet sur le mauvais usage qu'on pouvait en faire.

Les résultats d'une seule évaluation à court terme effectuée en 1983 ont servi de base à l'élaboration d'une mesure législative sur le contrôle des armes à feu encore plus sévère présentée par Kim Campbell, en 1991. Quand le projet de loi C-17 a été adopté, il n'y avait aucune preuve solide selon laquelle les nouvelles mesures législatives ou les nouveaux règlements permettraient d'atteindre les objectifs du gouvernement en ce domaine.

Le ministre de la Justice présente un projet de loi comportant des mesures très claires sur le contrôle des activités criminelles, par exemple, des peines plus rigoureuses en cas d'utilisation d'une arme à feu à des fins criminelles ou de trafic d'armes. Cependant, dans ce projet de loi, il a prévu des restrictions s'appliquant à d'honnêtes citoyens qu'il ne peut associer d'aucune façon au problème.

Je m'oppose à ce que le ministre présente du même coup des mesures contre les criminels et d'autres contre des citoyens respectueux des lois. Je m'oppose à ce qu'on laisse entendre que des Canadiens responsables soient coupables d'une faiblesse morale ou entretiennent des intentions criminelles du seul fait qu'ils possèdent une arme à feu. Je fais allusion à des mesures telles que l'enregistrement obligatoire et le pouvoir d'effectuer une perquisition ou une saisie sans mandat.

Dans certains coins de ma circonscription, il y a au moins un fusil de chasse dans chaque maison. La police aurait maintenant le droit d'effectuer des perquisitions sans mandat dans des places d'affaires, dans toutes sortes d'endroits, sauf dans une maison d'habitation. Le ministre a créé une nouvelle catégorie de criminels au Canada.

Là où j'ai grandi, dans le nord de la Colombie-Britannique, un criminel, c'est celui qui commet un acte illégal, qui agit de manière à enfreindre la loi. Ce projet de loi risque de transformer un honnête citoyen canadien en un criminel passible d'une peine d'emprisonnement de 10 ans s'il ne se conforme pas à une exigence. S'il n'enregistre pas son arme à feu de calibre 22, il risque une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 10 ans.

Dix ans, c'est la peine que Denis Lortie a reçue pour avoir tué trois personnes et en avoir blessé 13 autres à l'Assemblée nationale du Québec. Dix ans de prison est la peine maximale que réclame le ministre pour tout jeune contrevenant qui commet un meurtre au premier degré, c'est-à-dire un meurtre avec préméditation. Le ministre veut-il insinuer que les gens qui omettent d'enregistrer leurs armes à feu s'apprêtent à commettre un meurtre ou un vol de banque?

Ce projet de loi est une vraie gifle pour les propriétaires d'armes à feu respectueux de la loi. Le gouvernement affirme qu'il faut imposer aux propriétaires d'armes légales des contrôles plus sévères parce que les criminels utilisent des armes à feu volées. Peut-on prouver que l'enregistrement des armes à feu empêchera ne serait-ce qu'un seul décès? Le gouvernement en est incapable.

Si le système d'enregistrement ne vise pas à prévenir la criminalité, quel est son but? Le taux d'homicide au Canada est demeuré relativement stable au Canada au cours des 15 dernières années. Pourtant, en avril, le ministre de la Justice a réagi vivement à deux meurtres qui ont été commis à Ottawa et à Toronto et qui ont retenu l'attention du public, en laissant entrevoir la possibilité d'interdire complètement les armes à feu dans les villes. Qui pensait-il viser par cette interdiction? Les criminels?

(1630)

L'adoption de mesures plus sévères de contrôle des armes à feu dans de nombreux États américains n'a eu aucune incidence sur les crimes commis au moyen d'armes à feu. Aux États-Unis, 93 p. 100 des armes à feu utilisées par les criminels pour commettre des meurtres auraient été acquises de façon illégale. En Nouvelle-Zélande et en Australie, les autorités ont établi que l'enregistrement des armes à feu n'était d'aucun secours aux policiers. L'enregistrement semblait ne viser aucun objectif concret et n'était d'aucune utilité lorsque les policiers découvraient sur les lieux du crime une arme volée ou empruntée.

Qu'en est-il au Canada? Ici, le gouvernement ne tient pas de statistiques sur les crimes commis au moyen d'armes à feu illégales comparativement à ceux commis avec des armes à feu légales. Pourquoi? Ces statistiques ne viendraient-elles pas confirmer la position du gouvernement?

En juin dernier, j'ai demandé au ministre de la Justice de prouver aux propriétaires d'armes à feu qui respectent les lois qu'ils étaient en partie responsables de la criminalité avant d'adopter une loi encore plus rigoureuse. Nous voulons la preuve que l'imposition de restrictions encore plus sévères aux personnes qui respectent la loi empêchera les criminels de mettre la main sur des armes. J'ai posé ma question il y a huit mois et nous attendons toujours la réponse.

Les armes à usage restreint ou interdites sont déjà enregistrées. Qu'est-ce que leur enregistrement a fait pour prévenir le crime? Dans la plupart des cas où un criminel se sert d'une arme à usage restreint, donc supposément enregistrée, pour commettre un crime, le gouvernement ne sait même pas si cette arme a été achetée légalement. Il ne tient pas de dossiers. Il y a déjà 1,2 million d'armes à feu enregistrées au Canada et le gouvernement n'a pas la moindre idée du pourcentage de ces armes qui ont servi à commettre des crimes parce qu'il ne le demande pas. Il sait que des armes utilisées pour commettre des crimes ont été importées au Canada illégalement et j'appuie sans réserve l'adoption de mesures plus rigoureuses contre les contrebandiers.

Pourquoi le ministre restreint-il les droits de personnes qui ne sont pas des criminels? Tout le monde se rend déjà compte de l'hypocrisie qu'il y a à tenter de faire croire que l'enregistrement universel des armes à feu est un moyen de réduire la criminalité.

Nous savons que des milliers d'armes entrent illégalement au Canada. À quoi cela sert-il d'avoir des frontières et des lois si nous ne pouvons ou ne voulons pas les faire respecter? Si le gouvernement ne peut pas empêcher la contrebande des cigarettes, ne lui sera-t-il pas beaucoup plus difficile de s'attaquer à la contrebande des armes, pour peu qu'il décide un jour de le faire? Quand le gouvernement prendra-t-il position et donnera-t-il à la police ou à l'armée la mission de mettre fin au commerce international des armes?

J'ai rendu visite aux policiers de la région de Cornwall. Le ministre et les députés d'en face aiment bien nous dire qu'ils doivent soutenir les forces policières. Tout le monde sait que des armes passent illégalement la frontière dans la région de Cornwall, mais les policiers n'ont pas réussi à arrêter cette contreban-


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de. Lorsque j'ai demandé aux policiers pourquoi ils n'avaient pas réussi, ils m'ont répondu: «Pourquoi nous exposerions-nous au feu d'armes automatiques armés seulement de petits revolvers? Lorsque nous appréhendons des contrebandiers, nous les amenons devant les tribunaux, mais ils s'en tirent avec des peines mineures.»

Ce qu'ils m'ont fait comprendre, c'est qu'il faut être plus dur envers les personnes qui utilisent des armes à feu à des fins criminelles plutôt que d'adopter une loi instituant un système d'enregistrement inutile.

J'espère que la loi anticontrebande du gouvernement donnera de meilleurs résultats que sa campagne antitabac. J'ai cru comprendre que la consommation de cigarettes avait beaucoup augmenté depuis que le gouvernement a abaissé les taxes sur le tabac il y a un an. J'espère qu'il ne prévoit pas faire la lutte aux contrebandiers en abaissant les taxes sur les armes.

Le projet de loi C-68 prévoit des sanctions sévères contre les contrebandiers. Aux termes des articles 99 et 100 de la partie III du Code criminel, les contrebandiers d'armes se verront imposer des peines allant jusqu'à 10 ans d'emprisonnement. Je remarque aussi que l'alinéa 110v) du projet de loi sur les armes à feu dit que le gouverneur en conseil peut, par règlement, «prévoir selon quelles modalités et dans quelle mesure telles dispositions de la présente loi ou de ses règlements s'appliquent à tout peuple autochtone du Canada et adapter ces dispositions à cette application.»

On a déjà demandé et on demandera encore si cette mesure législative s'appliquera également à tous les Canadiens. La réponse du ministre embrouille plus qu'elle n'éclaire: «Oui, mais avec une certaine flexibilité à l'égard des peuples autochtones.» Qu'est-ce que cela veut dire? Les Canadiens ont besoin de savoir.

Le ministre de la Justice soutient que le gouvernement ne se trouve pas à détruire la valeur des armes de poing prohibées parce que le projet de loi C-68 crée une catégorie de propriétaires d'armes à feu à qui ces armes peuvent être vendues. Cette catégorie est définie comme étant tout propriétaire actuel d'armes de poing qui, le mardi 14 février 1994, possédait légalement une des nouvelles armes de poing prohibées. Compte tenu de la date, je me demande si le projet de loi C-68 n'était pas seulement un cadeau que le ministre voulait offrir à Wendy Cukler de la Coalition pour le contrôle des armes à l'occasion de la Saint-Valentin.

(1635)

Mais ces dispositions protègent-elles vraiment l'investissement de ces propriétaires d'armes à feu? Cette catégorie de propriétaires finira par disparaître avec le temps. De moins en moins de gens seront autorisés à acheter ces armes et, à la fin, il ne restera qu'un collectionneur passionné qui possèdera un demi-million d'armes à feu. Lorsqu'il mourra, toutes ces armes seront confisquées par l'État. Les propriétaires de ces armes à feu obtiendront-ils un juste prix pour leurs armes s'ils essaient de les vendre avant de mourir? Il n'y aura qu'une poignée de collectionneurs autorisés à les acheter. Ne venez pas me dire qu'ils auront un juste prix. Et ne venez pas me dire non plus que le marché sera stable.

L'an dernier, une jeune mère d'Edmonton, Barb Danelesko, a été sauvagement tuée par un individu qui s'était introduit chez elle. Croyez-vous qu'elle aurait pu convaincre un préposé aux armes à feu qu'elle avait besoin de protection pour elle ou pour ses enfants? Un jeune contrevenant qui vient d'être reconnu coupable de ce crime a reçu une peine d'emprisonnement de trois ans.

Aux termes du projet de loi C-68, si Mme Danelesko avait eu une arme à feu non enregistrée à sa disposition et s'en était servie pour se défendre, elle aurait été passible d'une peine d'emprisonnement de 10 ans pour avoir enfreint la loi. Où est l'équilibre? Où est la justice?

Les criminels reçoivent des peines moins sévères que celles que le ministre veut imposer aux chasseurs responsables dont le seul crime est de ne pas avoir enregistré leur fusil de chasse.

Beaucoup de gens, particulièrement les citadins, ne croient pas que la capacité de protéger son domicile et sa famille est une raison légitime pour posséder une arme à feu. C'est certainement le cas du ministre de la Justice.

Il y a moins d'un an, il a dit être venu à Ottawa avec la ferme conviction que les seules personnes qui devraient avoir des armes à feu dans ce pays sont les policiers et les soldats. Voilà qui a de quoi rassurer les millions de propriétaires responsables d'armes à feu au Canada. Avec la présentation du projet de loi C-68, le ministre fait un pas de plus pour réaliser son objectif.

Il a également déclaré qu'il ne voulait pas que les Canadiens pensent qu'ils ont besoin de se protéger eux-mêmes. Eh bien, j'ai du nouveau à lui annoncer. Étant donné que les forces policières et les tribunaux sont surchargés de travail, la plupart des Canadiens savent déjà qu'ils ont besoin de se protéger eux-mêmes.

Les armes à feu sont indispensables pour beaucoup d'habitants du nord de la Colombie-Britannique. Les agriculteurs en ont besoin contre les prédateurs. Les trappeurs et les guides s'en servent tous les jours pour leur travail. Les chasseurs s'en servent pour regarnir leur congélateurs. Bon nombre d'entre nous également croyons que nous devrions pouvoir nous servir d'armes à feu pour notre protection personnelle, pour défendre notre maison, notre famille et nos biens.

Les criminels nous rient au nez alors que nous en devenons les victimes et qu'on nous dépouille de nos libertés civiles. Voilà comment le gouvernement libéral lutte contre la violence liée à l'usage des armes à feu. Les gens ont besoin de pouvoir se défendre eux-mêmes dans les situations où la police, malgré tout son désir de le faire, n'en est pas capable.

À Edmonton, un homme qui a tiré sur un intrus dans sa propriété fait l'objet d'accusations. Les journaux traitent en victime le cambrioleur dont les projets ont été contrariés. Si nous voulons faire triompher la justice, les droits de l'innocent qui défend sa maison doivent l'emporter sur ceux du coupable qui cherche à le voler.

De nos jours, on traite les criminels en victimes et la société s'attribue la responsabilité de leur conduite. Entre-temps, les citoyens responsables assistent à un empiétement croissant sur leurs droits parce que les services policiers et les tribunaux ne peuvent suffire à la tâche.

Le gouvernement actuel essaie de convaincre les Canadiens que le contrôle des armes à feu équivaut à la lutte contre la criminalité. Il est peut-être plus facile de courir après les propriétaires d'armes à feu respectueux des lois qu'après les criminels endurcis. Je ne crois cependant pas que cela va résoudre le


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problème de la criminalité et la plupart des Canadiens ne le pensent pas non plus.

Je dois cependant reconnaître que le projet de loi comporte des éléments positifs. Si les députés d'en face veulent bien écouter, je vais en énumérer quelques-uns.

Je me réjouis, par exemple, des modifications proposées à l'article 85 concernant l'usage d'une arme à feu lors de la perpétration d'une infraction. Ses dispositions sont renforcées de manière à s'appliquer également à l'usage d'une fausse arme à feu lors d'une tentative de perpétration d'un acte criminel ou lors de la fuite subséquente. Bien que la première infraction n'entraîne qu'une peine de une à 14 années de prison, le criminel encourt pour les infractions subséquentes une peine de trois a 14 années de prison à purger consécutivement à toute autre peine liée aux mêmes faits.

Ces modifications demeureront cependant dénuées de sens si l'accusation se trouve réduite lors d'un marchandage de plaidoyer dans nos tribunaux surchargés de causes. Pour une première infraction, un criminel se voit également interdire la possession d'une arme à feu durant 10 ans. En cas de violation de l'ordonnance d'interdiction, il s'expose à une peine maximale de 10 ans de prison. On ne précise cependant pas s'il s'agit d'une peine à purger consécutivement à une autre.

(1640)

Je me demande si la peine maximum de 10 ans pour dérogation à l'ordonnance d'interdiction pourrait un jour être ajoutée à la peine maximum de 14 ans pour utilisation d'une arme afin de commettre un crime. Certains criminels réfléchiront avant d'acheter une autre arme illégale s'ils s'exposent à une peine de 24 ans pour utilisation d'une arme à feu.

Il sera inutile que nos lois prévoient des peines plus sévères si nos juges n'imposent pas ces peines de façon cohérente ou si celles-ci sont sacrifiées dans les marchandages de plaidoyer. L'imposition d'une peine minimum obligatoire pour les crimes à main armée n'aura aucun effet dissuasif si le message reçu par les criminels n'est pas cohérent.

Dans ce projet de loi, le ministre accorde aux forces de l'ordre de plus grands pouvoirs de perquisition et de saisie Les policiers doivent pouvoir intervenir dans les cas de violence familiale et saisir les armes à feu au moment où le problème n'a pas encore été maîtrisé.

Le ministre est toutefois allé beaucoup plus loin. Aux termes de l'article 117.02, un agent peut entrer sans mandat dans tous les locaux, à l'exception des maisons d'habitation, s'il soupçonne que quelqu'un n'a pas enregistré un fusil de chasse. Comment le ministre de la Justice peut-il croire que les citoyens renoncent au droit à leur vie privée en décidant de devenir propriétaires d'armes à feu?

J'attire l'attention de la Chambre sur l'article 112. Il dit que de nombreux règlements n'ont pas à être déposés devant la Chambre. Il est extrêmement troublant que d'autres règlements puissent être pris en vertu de la loi sur les armes à feu ou de la partie III du Code criminel sans que le Parlement en soit saisi.

Une poignée de fonctionnaires vont rédiger des règlements qui toucheront des millions de propriétaires d'armes, et personne n'aura à rendre de comptes, et l'entrée en vigueur ne sera précédée d'aucun examen. Je trouve inadmissible qu'une poignée de fonctionnaires puissent élaborer des règlements pouvant mener des citoyens canadiens derrière les barreaux.

Le ministre de la Justice croit que de très nombreux Canadiens appuient toutes ses propositions liées au contrôle des armes à feu, comme nous l'avons entendu à maintes reprises dans le passé et aujourd'hui. Pourquoi alors n'a-t-il pas le courage de soumettre à la Chambre toutes les ordonnances relatives à son projet de loi sur les armes à feu? Pourquoi le projet de loi C-68 établit-il aussi explicitement que des règlements peuvent être adoptés sans l'approbation du Parlement?

Mais surtout, pourquoi ne sépare-t-il pas ses nouvelles dispositions législatives concernant les propriétaires légitimes d'armes à feu des modifications qui sont proposées à la partie III du Code criminel et qui visent les criminels? Il a dit à la Chambre aujourd'hui que, s'il a établi ces propositions législatives sur les armes à feu, c'est pour apaiser les inquiétudes exprimées par des propriétaires d'armes à feu légitimes, qui estiment que certaines infractions les concernant ne devraient pas relever du Code criminel.

S'il est convaincu d'avoir autant d'appuis, il devrait avoir le courage de séparer les deux questions et de défendre chacune en toute objectivité.

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'en ai assez d'entendre les déformations flagrantes du député, qui tente d'induire la population en erreur quant à la teneur du projet de loi. Il sait parfaitement bien qu'il le fait et il devrait avoir honte.

Pour corriger cette erreur-peut-être admettra-t-il que c'est une erreur délibérée de sa part-, je lui demande de se reporter au paragraphe 92(1) du projet de loi dont la Chambre est saisie. C'est à la page 68:

Sous réserve du paragraphe (4) et de l'article 98, commet une infraction quiconque a en sa possession une arme à feu sachant qu'il n'est pas titulaire d'un permis qui l'y autorise et du certificat d'enregistrement de cette arme.
Puis, au paragraphe (3), on lit:

Quiconque commet l'infraction prévue au paragraphe (1) ou (2) est coupable d'un acte criminel passible. . .
de la peine d'emprisonnement de 10 ans dont il a parlé. Il s'agit ici d'une personne ayant commis une infraction par la possession d'une arme à feu en sachant qu'elle n'était pas titulaire du permis de ladite arme ni de son certificat d'enregistrement. Autrement dit, il s'agit de l'usage criminel d'une arme à feu.

Reportons-nous maintenant au paragraphe 91(1) du projet de loi:

Sous réserve du paragraphe (4) et de l'article 98, commet une infraction quiconque a en sa possession une arme à feu sans être titulaire à la fois d'un permis qui l'y autorise et du certificat d'enregistrement de cette arme.
Puis, au paragraphe (3), on lit:

Quiconque commet l'infraction prévue au paragraphe (1) ou (2) est coupable:
a) soit d'un acte criminel passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans;
b) soit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.


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Il sait qu'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire entraîne une peine maximale de six mois ou une amende de 2 000 $. Une telle infraction comporte aussi la possibilité d'une absolution inconditionnelle ou d'une absolution sous condition. Il sait que le propriétaire d'une arme à feu innocent qui ne fait pas enregistrer son arme sera accusé de l'infraction prévue à ce paragraphe et non de l'acte criminel passible d'une peine de 10 ans auquel il fait allusion. Il essaie de tromper le public. Il devrait s'en excuser.

(1645)

M. Hill (Prince George-Peace River): Monsieur le Président, je suis très heureux de voir que nous pouvons faire réagir vivement nos vis-à-vis.

Je maintiens ce que j'ai dit plus tôt. Il y a deux classes de citoyens, lorsque vient le temps d'enregistrer des armes à feu. Il y a ceux qui seront peut-être visés par l'article 91 et qui, pour une raison quelconque, n'en entendront pas parler. Je ne peux imaginer qui ce sera, car avant que nous en ayons fini, tout le monde sera au courant de cela. Je ne pense pas que le gouvernement puisse garder le secret plus longtemps. Le bruit se répand.

Mon collègue a tout à fait raison de dire que, en vertu de l'article 91, ceux qui, par inadvertance, n'enregistreront pas leurs armes à feu seront coupables soit d'un acte criminel passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans, soit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et pourront, dans le second cas, s'en tirer avec une simple amende, par exemple.

Cependant, l'article 92 parle des gens qui violent la loi volontairement et n'enregistrent pas leurs armes à feu. Dans ce cas-là, le gouvernement a décidé qu'une peine d'emprisonnement de 10 ans était justifiée. Je me suis entretenu avec des centaines et des centaines de propriétaires d'armes à feu dans toute ma circonscription et je voudrais préciser une chose.

En janvier, j'ai parcouru toute ma circonscription qui couvre tout le coin nord-est de la Colombie-Britannique. J'ai essayé de m'entretenir avec le plus grand nombre de gens possible. Nous avons tenu des réunions à ce sujet. Comme l'un de mes collègues l'a déclaré, je n'ai pas essayé de susciter une opposition au contrôle des armes à feu. Je me suis contenté de me rendre à ces réunions et de demander aux gens présents ce qu'ils en pensaient. Je n'ai pas eu à attendre très longtemps la réponse, car ils ont exprimé très franchement leur point de vue concernant un contrôle accru des armes à feu et, chose certaine, un nouveau processus d'enregistrement non seulement des armes à autorisation restreinte, mais également des armes à long canon.

Puis, je leur ai demandé de me dire en confidence, sans révéler leur nom, combien d'entre eux étaient prêts à enregistrer leurs armes à feu et combien allaient le faire volontairement. Or, dans mes déplacements, je n'ai rencontré personne qui était prêt à enregistrer volontairement ses armes à feu.

En vertu de l'article 92, si elles décident volontairement de ne pas enregistrer leurs armes à feu, ces personnes seront passibles d'une peine d'emprisonnement de 10 ans. C'est ce que je crois comprendre, mais je reconnais ne pas être avocat, Dieu merci.

M. Darrel Stinson (Okanagan-Shuswap, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté le discours de mon collègue et j'aimerais lui poser quelques questions.

Quelles démarches avez-vous faites pour obtenir ces données et ces statistiques? Les avez-vous obtenues du ministre de la Justice ou de son ministère? En outre, étant donné que vous demeurez dans une région rurale, combien de temps faudrait-il, selon vous, pour que les policiers se rendent chez vous en cas d'incident?

Le président suppléant (M. Kilger): Le «vous» a été employé tant de fois que j'ai l'impression d'assister à un dialogue entre deux députés pendant que les autres attendent patiemment leur tour. Je ne voudrais pas qu'on m'oublie. Veuillez vous adresser à la présidence, s'il vous plaît.

M. Stinson: Monsieur le Président, je ne veux certainement pas vous oublier.

Je vais donc, par votre intermédiaire, monsieur le Président, demander au député combien de temps les policiers mettraient à se rendre chez lui en cas d'urgence, disons s'il composait le 911, comme on peut le faire normalement dans la plupart des villes.

(1650)

M. Hill (Prince George-Peace River): Monsieur le Président, je remercie mon collègue de ses questions.

Comme je le disais dans mon discours, ce n'est tout simplement pas possible pour la police d'arriver à temps. Si nous le demandons aux policiers mêmes, ils l'avoueront aussitôt.

Malheureusement, les statistiques montrent clairement que, dans la très grande majorité des cas, lorsque la police est appelée sur les lieux d'un crime, elle arrive trop tard. Son travail consiste à faire enquête et, si possible, à appréhender l'auteur du crime. C'est ce que la police doit faire dans la plupart des cas. Il arrive, en de rares occasions, qu'elle puisse intervenir à temps pour sauver quelqu'un d'une agression, d'un viol ou d'un meurtre.

Dans mon cas, étant donné que j'habite en banlieue, j'estime que la police mettrait autour d'une demi-heure à se rendre à mon domicile, si une introduction par effraction y était commise. On constate de plus en plus que les gens ont peur. On enregistre un nombre croissant de cas où des jeunes truands s'introduisent dans les domiciles, souvent ceux de personnes âgées. Ils s'y introduisent par effraction, sans raison apparente. Souvent, les occupants sont chez eux et n'ont aucun moyen de se défendre.

Je suppose que, dans mon cas, je devrais attendre probablement une demi-heure pour que la police intervienne.

Quant à la difficulté pour moi d'obtenir des statistiques du gouvernement, je rappelais dans mon discours que, en juin dernier, j'avais demandé au ministre, pendant la période des questions, de me communiquer des statistiques qui prouveraient que les mesures actuelles de contrôle des armes à feu prévues dans le projet de loi C-17, qui n'allaient pas jusqu'à exiger leur enregistrement, avaient contribué à réduire le taux de criminalité et l'utilisation illégale d'armes à feu. Je n'ai pas obtenu de réponse.


9748

Le 28 octobre, j'ai inscrit une question au Feuilleton. Je pourrais la lire, mais ce serait très long. Elle comptait sept volets qui visaient à obtenir, pour nous et pour tous les Canadiens, du gouvernement la preuve que des armes appartenant légalement à des gens étaient utilisées pour commettre des crimes.

Je citerai un des volets de la question no 96, soit l'alinéa c). J'y fais référence à l'article 85 du Code criminel, qui a déjà force de loi. La question était la suivante: «Parmi les accusés, combien y avait-il de propriétaires légalement inscrits de l'arme à feu utilisée durant la perpétration (ou la tentative de perpétration) de l'acte criminel?» C'est une question très simple, directe, relative à une demande de preuves statistiques.

Voici la réponse que j'ai reçue au bout de trois mois, et non dans les 45 jours prescrits:

La Déclaration uniforme de la criminalité. . .
qui provient de Statistique Canada:

. . .ne contient pas de données qui permettraient d'établir le nombre d'infractions criminelles ayant été commis avec l'utilisation d'armes à feu légales. Avant 1992, l'Enquête sur l'homicide contenait des données sur les armes à feu enregistrées et non enregistrées, mais, étant donné que cette information était très rarement communiquée, soit dans 90 p. 100 des cas, on a cessé de collecter ce genre de données.
C'est ce que le gouvernement a trouvé de mieux à me fournir comme données prouvant que les armes à feu utilisées par leurs propriétaires légalement inscrits ont quelque chose à voir avec la réduction de la criminalité au Canada.

M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.): Monsieur le Président, les habitants du nord de l'Ontario possèdent une culture unique, et une partie de cette culture est la chasse et la pêche. Nickel Belt est une circonscription rurale où l'on trouve probablement plus de chasseurs et de pêcheurs que dans la plupart des circonscriptions des réformistes de l'Ouest.

Je souscris à ce projet de loi et j'ai appuyé l'enregistrement des armes à feu depuis que nous avons commencé à en parler. En fait, pendant la campagne électorale, nous avons tenu 12 débats sur cette question et j'y ai indiqué très clairement que notre politique visait à lutter contre le crime. Nous avons présenté une mesure législative qui luttera contre le crime.

Une partie fort importante de ce projet de loi porte sur la contrebande ou l'importation d'armes à feu.

(1655)

Les prochaines mesures qui suivront concernent la détermination de la peine. Le Parti réformiste voudrait qu'on envoie tout le monde en prison et qu'on jette la clé. Ce n'est pas de cette façon que nous voulons diriger le pays. La probation est une question très importante pour le gouvernement. La Loi sur les jeunes contrevenants l'est également, ainsi que le projet de loi sur les armes à feu ou sur l'enregistrement des armes à feu et des fusils.

Comment un gouvernement qui cherche sérieusement à lutter contre le crime, qui accède aux demandes de Canadiens de partout pour qu'on combatte le crime et qui veut avoir de la crédibilité peut-il dire qu'il examinera l'importation, la contrebande, la détermination de la peine, la probation, la violence familiale et la Loi sur les jeunes contrevenants, sans toutefois parler des armes à feu ou des fusils?

Comment peut-on faire confiance à un politicien qui dit que l'on va lutter contre le crime mais qu'on ne parlera pas des armes avec lesquelles on tue les gens? J'ai fait exprès de ne pas utiliser de statistiques dans mon discours.

Si j'ai décidé de ne pas utiliser de statistiques, c'est parce que je n'en avais pas besoin pour convaincre mes collègues du Bloc québécois. Il est très rare que je puisse dire que j'approuve ce qu'ils font mais aujourd'hui, ils appuient ce projet de loi.

Même s'ils disent qu'ils veulent se séparer du reste du pays-bien qu'ils n'en feront rien-, ils savent faire preuve de bon sens et de sagesse, et ils sont assez intelligents pour faire en sorte que le pays auquel ils veulent renoncer soit un pays sûr, qui continue de faire l'envie du monde entier. C'est pourquoi ils ne se sépareront pas du Canada. Ils resteront des nôtres et se féliciteront d'avoir appuyé cette mesure législative.

Je ne veux pas parler trop longtemps du Parti réformiste parce qu'il est très clair qu'il n'a pas du tout la même conception que moi du Canada. Je ne voudrais pas perdre du temps précieux, à la Chambre, pour essayer de comparer le point de vue de ces personnes qui se fichent de savoir qui a une arme à feu, qui se fichent du nombre et du type d'armes à feu en circulation, qui voudraient jeter tout le monde en prison et qui préconisent la pendaison, la peine de mort, comme moyen d'éliminer la criminalité.

Une voix: Bonne idée!

M. Bonin: Quelqu'un dit que c'est une bonne idée. C'est ça. Jamais on n'entend parler de compassion. Il faut penser aux gens, aux familles des criminels également, parce qu'elles sont aussi des victimes. On ne pense jamais aux gens. Tout est si simple.

Quand je rencontre un groupe et qu'une personne prétend avoir toutes les réponses et la solution à tous les problèmes, cela me fait toujours peur car habituellement, cette solution est très simpliste. J'en ai personnellement assez des solutions simplistes proposées par le Parti réformiste à la Chambre.

Voici des années que les gens qui représentent les Canadiens de tous les côtés de la Chambre travaillent afin de faire du Canada un pays plus sûr où la société est mieux protégée, un pays où les gens veulent venir s'établir pour contribuer à son économie et à sa prospérité.

Mes deux fils sont mariés. J'en suis très fier. Ils se sont mariés l'été dernier. La prochaine étape sera les petits-enfants. J'attends ce jour avec impatience. J'ai parlé avec fierté il y a quelques instants du nord de l'Ontario et de Nickel Belt. Pourtant, je suis inquiet pour mes petits-enfants.

J'ai apporté avec moi un article de journal, mais j'en ai des douzaines dans mon bureau de circonscription. «Un homme tire sur son ancienne amie, une mère seule, puis se suicide dans l'appartement.» Ca s'est passé dans ma circonscription. Il y en a beaucoup d'autres.


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(1700)

M. Grubel: C'était une arme de poing.

M. Bonin: J'entends une remarque. De telles histoires ne touchent pas ceux qui se moquent totalement des gens. Personnellement, ça me fait quelque chose de savoir que cette femme a été tuée d'une balle. Ca me fait quelque chose de savoir que ça arrive tous les six jours au Canada. Quand on le dit, on a droit à des remarques stupides de la part d'individus qui se moquent totalement des gens et qui nous disent: «L'arme était-elle enregistrée?» Le fait qu'une arme soit enregistrée justifie-t-il l'acte? Non, la question n'est pas là.

M. Morrison: C'est là la question.

M. Bonin: Non, la question n'est pas là. La question, c'est que pendant des années, en Ontario et au Canada, les gens pouvaient acheter des armes à condition d'avoir une autorisation d'acquisition d'armes à feu. Les gens qui n'avaient pas d'autorisation ne pouvaient pas acheter d'armes. Bien.

Ce qui est arrivé, c'est que les gens ont commencé à voir les armes d'une façon différente. Nous venons d'une culture où il y avait toujours une arme suspendue au mur. Elle venait de papa, une belle arme de poing de calibre 22, un chef-d'oeuvre dont nous voulions tous hériter.

Le problème est que les gens en ont assez des armes. Ceux qui ne s'en servent pas disent que c'est trop encombrant, que c'est trop de problèmes de posséder une carabine. Ils veulent s'en débarrasser, qu'on les en débarrasse. Les gens qui ont une autorisation peuvent l'avoir pour 20 dollars. Et c'est ainsi que l'arme passe légalement et légitimement dans les mains de la personne qui possède une autorisation. Résultat, il y a des gens dans ma circonscription qui possèdent 250 à 300 armes à feu qu'ils ont acquises de façon légale et légitime et qui ne sont pas enregistrées.

M. Morrison: Et alors?

M. Bonin: Et alors, au mois de juin quand les finissants et les finissantes de l'école secondaire fêtent leur graduation, qu'ils se retrouvent 300 jeunes dans une maison et que la chicane prend. . . Les députés trouvent ça drôle. Il s'agit d'une question grave, on parle d'êtres humains et de victimes possibles, et ils trouvent ça drôle. Quand la chicane prend et qu'on appelle la police, les policiers ne veulent pas prendre de risques. Ils nous disent qu'avant de frapper à la porte, ils veulent savoir s'il y a 300 armes à feu dans le sous-sol. Il y a des députés qui trouvent ça drôle.

Cette mesure législative n'est qu'une petite pièce d'un grand casse-tête. Tous les députés prennent leur travail au sérieux, même mes collègues du Parti réformiste. Je sais qu'ils prennent leur travail au sérieux. Je ne crois pas que leurs motivations soient les bonnes, mais je pense qu'ils y croient, qu'ils font de leur mieux.

Je prends cette question très au sérieux. Le contrôle des armes à feu est une question sérieuse. Les armes à feu, c'est sérieux. Ce n'est pas le problème le plus pressant dans ma vie. Je veux que cette question soit réglée une fois pour toutes.

Je veux pouvoir ensuite m'occuper des personnes âgées qui perdent leur capacité de s'occuper d'elles-mêmes et qui souffrent de la solitude, je veux m'occuper des toxicomanes qui meurent tout seuls dans leur coin, de ceux qui ne trouvent pas d'emploi et des enfants qui se rendent à l'école le matin avec des crampes d'estomac parce qu'ils n'ont pas déjeuné. Je veux passer à autre chose. Quand nous aborderons ces questions, j'espère que mes collègues auront autant d'énergie qu'ils en mettent maintenant à parler des armes à feu. Comme c'est un sujet intéressant!

Je veux discuter plutôt de violence familiale, du déficit et de la dette. Pour moi, si le prix à payer pour que les Canadiens continuent à former une démocratie c'est d'enregistrer ses fusils de chasse et ses armes à long canon, je suis tout à fait prêt à le faire. Je serai le premier à aller enregistrer mon arme.

Les réformistes disent que l'enregistrement n'éliminera pas tous les crimes graves et que par conséquent, nous devrions ne rien faire. Ils ne s'inquiètent pas de savoir combien d'armes les gens possèdent, ni quelle sorte d'armes sont en circulation.

(1705)

L'Association canadienne des chefs de police dit: «L'enregistrement des armes, nous en avons besoin.» L'Association des policiers dit: «Nous sommes en faveur de l'enregistrement. Cela nous aidera à faire notre travail.» Le Parti réformiste, lui, dit: «Ils ne savent pas de quoi ils parlent. Les agents de police le veulent, mais pas leurs associations.»

Le Parti réformiste a mentionné des motions présentées par des villes et des municipalités. La FCM représente toutes les municipalités du pays et elle approuve cette mesure. Mais le Parti réformiste persiste à dire: «Elle ne sait pas de quoi elle parle.» Je pourrais continuer ainsi à citer tous les groupes en faveur, mais cela prendrait entièrement mes 20 minutes.

Personne ne connaît rien à rien, sauf les quelques députés du Parti réformiste qui ne sont même pas de l'avis de la majorité de leurs électeurs.

M. Morrison: Et les 12 000 personnes qui ont manifesté à Ottawa?

M. Bonin: C'était un bon débat qui a commencé l'été dernier. Je m'en souviens très bien. Nous avons bien servi nos électeurs. Nous les avons rencontrés. Il est arrivé souvent que certains de mes électeurs aient été mal informés et qu'ils ne soient pas d'accord, mais il suffit que je les rencontre pour aplanir la situation.

L'été dernier, nous avons rencontré les premiers manifestants, voici ce qui était distribué. Il est intéressant de remarquer que les propos que l'on retrouve dans les discours des réformistes sont ceux des documents de propagande. Pure coïncidence, sans doute.

Voici comment le débat a débuté: «Avis à tous les propriétaires d'armes à feu, le ministre fédéral de la Justice, Allan Rock, veut interdire toutes les armes à feu au Canada. Contactez immédiatement votre député pour lui dire ceci: Cette décision est inacceptable. Les propriétaires d'armes à feu en ont assez d'être punis pour les crimes des malfaiteurs. Les députés qui prônent le contrôle ou l'interdiction des armes à feu et des munitions tentent de faire croire aux Canadiens qu'une telle mesure préviendra ou réduira la criminalité. L'interdiction et le contrôle des armes à


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feu ne fera rien de la sorte. Les criminels n'obéissent pas à la loi», ensuite, il a été question de sondages. Au début, quand j'ai entendu ça, j'ai dit non.

Les médias m'ont demandé si j'étais en faveur de l'interdiction de toutes les armes à feu, pistolets, carabines et autres. J'ai répondu que non, que ça faisait partie de notre culture. J'ai toujours mes fusils. Chaque année, mes frères me téléphonent et me demandent: «Raymond, est-ce que tu vas venir à la chasse avec nous cette année? Ça fait longtemps que tu n'es pas venu. Tu es tellement pris par la politique que tu n'as plus jamais le temps de venir.» Mais un jour, j'irai. Un jour, je prendrai ma retraite et je recommencerai à chasser. J'ai des fusils, je suis en règle et je serai le premier à les faire enregistrer.

Je suis allé à un débat. Les gens appelaient ça un rassemblement politique. Nous étions deux contre 1000, ou plutôt, deux contre environ 250. C'était incroyable. L'information qu'on y donnait faisait peur. Quand tout fut fini, je me suis promené dans la salle et j'ai parlé aux participants. J'ai demandé à l'un d'eux ce qu'il avait contre le projet et il m'a répondu que ça allait coûter trop cher et que ça ne marcherait jamais. Je lui ai alors posé la question suivante: «Si ça ne coûte pas trop cher et que le système est efficace, est-ce que vous l'accepteriez?» Sa réponse a été: «Oui».

L'un des organisateurs est intervenu et savez-vous ce qu'il a dit? Il a dit: «Taisez-vous donc. C'est exactement ce qu'a fait Hitler. Il a rendu l'enregistrement des armes à feu obligatoire, puis il les a toutes confisquées.» C'est la crainte qu'on leur a donnée. Il y avait notamment des personnes âgées. Ces gens s'inquiétaient du coût, parce qu'ils ont de la difficulté à joindre les deux bouts. Les organisateurs avaient semé la peur dans leur esprit en disant: «C'est ce que Hitler a fait.» J'ai entendu le nom Hitler tellement souvent, c'était effrayant.

Je soutiens toujours que le Canada compte plus de scouts et de guides que de soldats. Nous ne pouvons donc pas confisquer toutes les armes. Nous n'avons aucune intention de le faire et nous ne sommes pas en mesure de le faire.

(1710)

Nous avons continué à prendre les appels, ce qui est très difficile puisque cela exige du temps et que nous avons déjà de longues heures de travail. C'est pourtant la meilleure façon de procéder. Je préfère recevoir 100 appels téléphoniques que rencontrer 100 personnes dans une salle, parce que je sais que je peux donner les bons renseignements et poster les documents nécessaires.

Quand on éloigne ceux qui tentent d'influencer la façon de penser, les Canadiens sont des gens raisonnables qui comprennent le bon sens et ils me disent qu'il n'y a pas de problème et qu'ils vont enregistrer leurs armes à feu. C'est la réalité et le système sera économique.

Nous avons poursuivi le débat et les épouvantails ont continué de s'agiter. Nous sommes maintenant saisis d'un document. Nous en avions un avant Noël que j'ai fait parvenir à bien des gens. Certains s'opposeront toujours à tout ce que peut contenir une telle mesure. Ils ont peut-être été candidats pour le Parti réformiste, je l'ignore, mais on ne les reprendra pas. Il est impossible de leur faire entendre raison. Maintenant que nous avons ce document, je vais les appeler.

Si j'ai le temps, je les appellerai pour leur dire: «Vous êtes des tireurs sur cible et c'est votre groupe que je veux d'abord rencontrer. Je vous ai rencontrés un dimanche matin au champ de tir.» Comme le ministre, j'ai été impressionné par le sérieux de ces gens et du contrôle qu'ils exercent auprès de leurs membres. Je me souviens qu'on m'ait demandé une lettre de recommandation pour appuyer une demande d'adhésion. Ces gens effectuent des vérifications complètes. Ils m'impressionnent. À ce moment-là, on disait que nous allions confisquer toutes les armes. Les médias le rapportaient de même que le Parti réformiste.

J'ai donc dit à ces gens: «Non. Le Parti libéral ne s'en prend pas à la population, c'est pour elle qu'il agit. On nous demande de prendre des mesures et nous allons le faire pour les Canadiens.» Maintenant je les appelle et je leur demande: «Dites-moi ce qui ne va pas avec le projet de loi que nous avons déposé? Cette mesure vous empêche-t-elle de pratiquer votre sport?» L'un d'eux m'a répondu: «Qu'en est-il des armes de calibre 32?» Je lui ai répondu: «Aucun problème. En vertu du projet de loi, tous les fusils et toutes les armes et carabines utilisés dans le cadre de compétitions légitimes seront autorisés.» Les intéressés n'avaient aucune objection.

Cela dit, certains auront un problème. Lorsque je les reverrai, ils auront entendu ce que je viens de déclarer et me diront: «Ray, vous avez dit que nous n'aurions pas de problème, mais nous en avons un.» Je reconnais que certains auront des problèmes.

Avant de parler des collectionneurs, je veux mentionner que, juste avant de partir pour venir ici, j'ai vu un spectacle bien triste à la télévision, à savoir une quantité incroyable de carabines, de fusils, de grenades, de munitions, de dispositifs de lancement et de mitrailleuses qui avaient été rendus aux autorités par quelqu'un. Toute cette discussion fait réfléchir les gens. L'arsenal dont je vous parle se trouvait dans une maison privée. Cela fait peur. On ne connaît pas la personne qui gardait toutes ces armes chez elle. Pour autant que je sache, ce pourrait être mon voisin. Je ne pense pas que ce soit le cas, mais c'est certainement le voisin de quelqu'un.

J'ai communiqué avec des collectionneurs légitimes et je leur ai demandé s'ils avaient un problème. Ils n'en ont plus. Ceux-ci ont fait valoir leur point de vue d'une manière intelligente et raisonnable au ministre de la Justice, directement ou par notre entremise, et celui-ci a tenu compte de leurs préoccupations. Leurs collections peuvent maintenant être vendues à d'autres collectionneurs, par eux ou par leur succession. Certains individus vont finir par vendre les armes illégales à l'extérieur du pays, et je m'en réjouirai.

Certaines personnes m'ont dit: «Cette arme appartenait à mon arrière-grand-père». J'ai signalé ces cas au ministre de la Justice, parce que j'étais d'accord avec les intéressés, qui disaient que l'arme en question n'allait même pas servir au tir à la cible, qu'il ne s'agissait que d'un vieux fusil sans valeur ayant appartenu à leur arrière-grand-père. Nous allons maintenant trouver une façon de permettre le transfert de telles armes d'une génération à l'autre.


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(1715)

Il reste la question de l'enregistrement. C'est bien le dernier problème qui puisse encore subsister n'est-ce pas? Le ministre a répété à maintes reprises aujourd'hui que cette formalité ne coûterait pas cher. Il est même possible qu'elle ne coûte rien. En effet, l'enregistrement pourrait être gratuit et, de toute façon, son coût sera très raisonnable. Cette question touche les propriétaires d'armes à feu.

Il est difficile pour les réformistes de comprendre que je fais allusion à des personnes. Eux parlent des 85 millions parce qu'ils ne savent pas établir le lien entre une question et les personnes touchées. C'est de cela dont nous discutons aujourd'hui. Les frais d'enregistrement seront très raisonnables. Le système sera aussi très efficace.

Après les discussions et les manifestations, les groupes de défense des intérêts des propriétaires d'armes à feu n'étaient toujours pas satisfaits. Je crois savoir qu'il en était ainsi parce que beaucoup d'information erronée circulait. En leur nom, j'ai invité le ministre de la Justice à venir rencontrer dans notre région les gens qui s'opposent à son projet.

Ces gens pensaient que les députés d'arrière-ban que nous sommes n'ont pas d'influence à la Chambre des communes et ne peuvent rien faire. Pourtant, nous, les députés d'arrière-ban, avons demandé au ministre de la Justice de venir dans nos localités pour discuter avec ceux qui s'opposent à son projet. Nommez-moi un autre pays où cela est possible. Cela ne se fait même pas aux États-Unis, qui se disent pourtant démocratiques. Au Canada, c'est possible, parce que notre ministre de la Justice se préoccupe du bien-être de la population. Il a accepté l'invitation et a visité six circonscriptions.

On nous a recommandé d'inviter quatre personnes aux rencontres qui ont eu lieu dans chacune des circonscriptions. Dans mon cas, j'ai invité le président du club de tir local. Je n'ai pas tenté d'esquiver la question, n'est-ce pas? J'ai invité le président du club de tir local qui était contre le projet de loi et l'est probablement encore. Il faudra que je lui téléphone dès mon retour dans ma circonscription.

J'ai invité le président de l'association de pêche et de chasse, qui s'oppose vivement au projet de loi. Il s'est procuré une carte de membre dans ma circonscription et a assisté à l'assemblée annuelle qui avait lieu à Toronto. Nous n'avons pas tenté de l'en empêcher ou d'orienter la discussion. Non, nous l'avons accueilli parmi nous. Pour équilibrer les choses, j'ai invité le procureur de la Couronne, parce qu'il rencontre les victimes.

Mon quatrième invité était le docteur Bota, qui travaille à l'urgence de l'hôpital général de Sudbury. C'est lui qui doit traiter les victimes, parfois des adolescents. Je vous rapporte ses paroles. Les adolescents qui tentent de se suicider avec des grandes carabines qui traînent dans la maison se font sauter la moitié du visage. Le docteur Bota leur prodigue des soins pendant des heures et des heures. Il leur sauve la vie et tente de reconstruire leur visage. Ces jeunes vivent toujours. Ils sont découragés. Si nous pouvons sauver l'un d'entre eux, seulement un, cela en vaudrait la peine. Même si nous ne parvenions qu'à en sauver un tous les 100 ans, cela en vaudrait la peine.

Une seule personne. Ne vous en préoccupez pas. Voilà ce que certains me disent. C'est gênant. Les plus fanatiques jugeaient incorrectes les données de l'étude du docteur Bota, qui se fondait sur des cas vécus et avait mené une véritable étude scientifique.

Les Canadiens nous ont demandé de leur rendre un service. Ils nous ont demandé de protéger la population canadienne. Les femmes de Sudbury qui organisent une manifestation en soirée, une fois par année, afin de revendiquer leur droit de marcher dans des rues devenues trop dangereuses, nous disent: «Agissez dès maintenant.»

Je dis au ministre: faisons-le, agissons rapidement, malgré l'opposition des députés réformistes, car nous savons que la population qu'ils représentent veut, elle aussi, que nous agissions.

(1720)

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, je ne sais vraiment pas quoi répondre à cela. Cela n'a en général aucun sens.

Cependant, ce n'était pas que des bêtises. Le député a parlé de sauver une vie. On m'a raconté cette anecdote au sujet d'un couple âgé qui voyageait en voiture aux États-Unis. Ces gens-là auraient quitté l'autoroute et auraient roulé deux ou trois milles sur une petite route. Lorsqu'ils sont tombés en panne sèche, l'homme a pris un bidon et a essayé de regagner l'autoroute à pied. Il s'est perdu dans les bois et on ne l'a jamais revu, mais sa femme avait des provisions dans la maison mobile et a pu tenir le coup pendant deux semaines. C'est un chasseur qui l'a trouvée et qui lui a sauvé la vie. Une vie a été sauvée. Je suis d'accord là-dessus avec mon collègue.

Il y a deux aspects à cette argumentation et il faut les reconnaître tous les deux. Le député s'en prend certes aux réformistes, mais il ne devrait pas gaspiller ses énergies à dire ce que nous défendons et pourquoi nous contestons ce projet de loi. Il devrait s'entretenir avec les députés de l'arrière-ban de son propre parti. Il devrait peut-être mettre de l'ordre dans sa propre maison avant de dire que ce projet de loi sera efficace à 100 p. 100 et parfaitement à l'épreuve des balles. Qu'il commence par là!

Il nous dit avoir vendu son arme à feu à une personne détenant une AAAF, qui en possède plus de 200. Il nous parle d'une surprise-partie qui tourne mal à tel point qu'on doive appeler la police. On aurait cru que tout le monde dans cette histoire allait s'armer d'une carabine.

J'ai été agent de la paix pendant 14 ans et je n'ai jamais entendu rien d'aussi ridicule de toute ma vie. Même si une telle situation survenait, quelle différence cela ferait-il pour les policiers ou pour qui que ce soit d'autre que ces armes à feu soient enregistrées? Quelle différence, voulez-vous bien me le dire?

Quelle différence cela fait-il pour quelqu'un qui se suicide que l'arme utilisée soit enregistrée? Quelle différence cela fait-il pour la femme qui est abattue tous les six jours au Canada? Ce projet de loi ne s'attaque pas à la cause de la violence familiale. Il ne s'attaque pas à la cause des suicides. Et c'est pourtant ce qu'il faudrait faire.

Dites-nous, s'il vous plaît, comment l'enregistrement des armes à feu va réduire les cas de violence familiale et de suicide? Ces questions nous intéressent autant que qui que ce soit d'autre à la Chambre. Nous avons des fils et des filles, des frères et des soeurs, des oncles et des tantes. Ils ne sont pas insensibles à ces problèmes sociaux. Cela nous inquiète autant que les gens d'en face.


9752

Qu'on nous dise seulement en quoi l'enregistrement de ces 200 armes à feu va changer quelque chose! Comment va-t-il réduire le nombre des suicides et des cas de violence familiale? Comment? Je n'ai rien entendu dans toute l'allocution du député qui réponde le moindrement à cette question.

C'est ce que demandent les gens sensés. J'ai dit aux Canadiens de toutes les régions que j'ai rencontrés que j'étais prêt à renoncer à mon droit de posséder la vieille arme que je garde sous clé chez moi si cela pouvait réduire l'utilisation des armes à feu à des fins criminelles.

Mais cela ne réduirait pas la criminalité, et nous savons d'où proviennent les armes qu'utilisent les criminels. Le ministre nous l'a démontré. La saisie d'armes de contrebande effectuée par la police à Vancouver nous donne une bonne idée de la provenance de ces armes.

En tant qu'agent de la paix, je sais que nous mettons la main au collet d'environ 10 p. 100 des auteurs d'infractions. On peut donc multiplier par neuf le nombre d'armes saisies pour se faire une idée de l'ampleur de la contrebande d'armes au Canada. Nous avons une petite idée du nombre d'armes introduites illégalement au Canada.

Si des statistiques et des éléments de preuve peuvent démontrer que le projet de loi sauvera des vies, nous ne les avons pas encore vus et nous les réclamons.

(1725)

Avant que le député fasse des observations sur mon intervention, je voudrais souligner une erreur flagrante dans les statistiques présentées à la Chambre au cours du débat. En 1977, le vérificateur général a clairement indiqué dans son rapport que le nombre de crimes violents commis au moyen d'armes à feu avait commencé à diminuer avant l'adoption de la loi. Le vérificateur général a déclaré qu'il serait faux de conclure que la réduction du nombre de crimes de ce genre était entièrement attribuable à la loi de 1977, car certaines causes existaient avant cela.

Je laisse le député réfléchir là-dessus et je lui dis encore ceci: j'ai été invité dans le nord de l'Ontario et je lui conseille de bien se préparer aux prochaines élections s'il ne change pas sa position sur la question.

M. Bonin: Monsieur le Président, je relève le défi. Je me présenterai aux prochaines élections et j'appuierai ce projet de loi.

Je suis ici pour accomplir un certain travail, pour faire ce qui est dans l'intérêt des Canadiens. À la différence de mes collègues d'en face, je n'évalue pas tout ce que je fais en politique en fonction des votes que je pourrai recueillir. Je suis ici pour faire mon travail honnêtement. J'ai prêté serment. J'ai dit à mes électeurs comment j'entendais faire de la politique: je travaille pour le bien de ceux que je représente, et non pour me faire réélire.

N'est-il pas étrange que des gens qui remettent en question toutes les statistiques publiées par des sociétés reconnues, qui ont contesté tous les sondages faits par des sociétés dignes de confiance nous demandent maintenant de leur présenter des statistiques? Nous savons déjà ce qu'ils répondront: «Toutes ces statistiques sont fausses, seules les nôtres sont valables.»

Mon collègue qui a posé la question a dit qu'il avait été agent de police et qu'il n'avait jamais entendu de pareilles balivernes. Lorsque j'ai dit qu'il y avait de 250 à 300 fusils dans le sous-sol de certains de mes électeurs, c'est parce qu'un crime a été commis dans une de ces maisons. La femme a été tuée, et il y a eu suicide. Je n'invente rien. Des cas comme ceux-là nous consternent, quand nous pensons aux enfants et aux voisins. Ce ne sont pas des balivernes. Si on a ce type de policier dans la localité du député, je suis très heureux que celui-ci n'ait pas été policier dans le nord de l'Ontario. Je m'en tiendrai là.

Le président suppléant (M. Kilger): Il nous reste très peu de temps avant de passer à la prochaine étape des travaux, à 17 h 30. Je vais laisser le député de Red Deer poser une question, mais je voudrais donner autant de temps au député de Nickel Belt pour répondre. J'espère que la question sera brève pour que le député puisse répondre rapidement.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, ma question sera très brève. Je ne tenterai pas de répliquer à aucune des affirmations qu'on a faites ni de les contester. Ce que je voudrais faire cependant-et vous connaissez l'institution à laquelle je fais allusion et qui se trouve au centre de l'Alberta, entre Edmonton et Calgary-c'est mettre le ministre au défi de se présenter devant les milliers de personnes qui viendraient l'entendre exposer les faits concernant cette mesure législative sur le contrôle des armes à feu et de leur dire pourquoi ils devraient l'appuyer. Voilà une invitation ouverte au ministre pour venir expliquer les faits aux gens, qui ne manqueront pas de venir par milliers.

Je viens de présenter une pétition portant 5 000 signatures. Cela nous donne une idée de l'intérêt que l'on porte à la question. Ces gens-là veulent entendre des réponses, ils veulent qu'on leur dise la vérité et ils veulent connaître les faits.

Je mets le ministre au défi de répondre à mon invitation.

[Français]

M. Bonin: Monsieur le Président, le ministre de la Justice est allé en Alberta au moins cinq fois. J'ai peut-être induit mon collègue d'en face en erreur quand j'ai dit qu'à titre de député d'arrière-ban, j'avais demandé au ministre de venir dans mon comté, car je pense qu'il a compris que j'étais le ministre de la Justice. Il a fait erreur; c'est M. Rock qui est le ministre de la Justice, moi, je suis un député d'arrière-ban.

Je voudrais répondre à la première question, car on m'a dit que je n'y avais pas répondu. Il me demandait: Comment l'enregistrement peut aider à réduire le crime? Déjà, il y des veuves qui me téléphonent et qui me disent: J'ai des carabines ici et je ne sais pas quoi en faire. Pouvez-vous m'aider à trouver une solution? Déjà, les gens de mon comté commencent à dire: On a des carabines qu'on ne veut plus avoir ici et on veut s'en défaire.

9753

Les personnes qui ont de 200 à 300 carabines vont les sortir et les femmes vont voir à ce que les hommes s'en départissent, et vice versa, et ainsi, le problème va être réglé.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 17 h 30, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.

_____________________________________________


9753

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LA LOI SUR LA GESTION DES FINANCES PUBLIQUES

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.) propose: Que le projet de loi C-263, Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques et d'autres lois en conséquence (sociétés d'État exemptées), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Monsieur le Président, tous les députés ont reçu un message net et non équivoque lors de la dernière campagne électorale. Les électeurs ont dit qu'ils voulaient qu'on leur rende des comptes.

Tous les députés de cette Chambre ont été chargés par leurs électeurs de venir à Ottawa pour tenter de résoudre le problème de la dette qui accable notre pays. Tous les députés reconnaîtront certainement que, à titre de représentants élus de la population, nous devons nous employer à garantir que tous les secteurs d'activité du gouvernement fédéral rendent des comptes.

Les Canadiens veulent que nous trouvions des moyens qui nous permettront tous de regagner confiance dans le gouvernement. Lorsqu'il est question de programmes gouvernementaux, les électeurs de ma circonscription sont très curieux, comme bien des députés, j'en suis sûr. Ils sont comme des journalistes d'enquête. Ils posent les questions suivantes: qui, quoi, quand, où et pourquoi, et, lorsque des programmes gouvernementaux sont en cause, ils demandent toujours combien ils vont coûter. Les Canadiens veulent savoir. Ils veulent être fiers des activités et du rendement du gouvernement fédéral.

Le projet de loi C-263 est, pour tous les députés de la Chambre, une occasion de dire à leurs électeurs qu'ils ont au moins fait un petit effort collectif pour garantir que le gouvernement fédéral rende des comptes au contribuable canadien.

Je crois fermement que les députés des deux côtés de la Chambre devraient se rallier autour du projet de loi pour que nous puissions honnêtement dire que nous avons essayé de répondre aux attentes des gens qui nous ont élus.

Le projet de loi C-263 n'est pas d'application générale, dictatorial, fermé au changement ou restrictif. Il est flexible. J'ai essayé de donner l'occasion aux députés de toutes allégeances de travailler ensemble pour que, à la fin de la journée, cinq sociétés d'État aient davantage de comptes à rendre. Nous aurons le sentiment d'avoir bien travaillé et pourrons dire fièrement à nos électeurs ce que nous avons fait. En retour, nos électeurs prendront note de notre travail et auront le sentiment que nous sommes vraiment déterminés à faire du travail positif et constructif.

Comme les députés le savent, au cours de l'exercice 1993-1994, les sociétés d'État ont accusé des pertes de 57,2 millions de dollars. Le montant net de leurs emprunts au Trésor s'est élevé à 14,2 milliards de dollars. Les sociétés d'État ont reçu 4,6 milliards de dollars du gouvernement sous forme de crédits budgétaires.

Un milliard de dollars, on le dit si souvent. On en parle. Qu'est-ce qu'un milliard de dollars? C'est un montant énorme. Si on gagnait 1 $ par seconde, on serait millionnaire en 11 jours; mais il faudrait 33 ans pour devenir milliardaire.

Quand on parle de milliards de dollars, il est très important de ne pas lancer ce chiffre à tout bout de champ sans vraiment savoir de quoi il s'agit. Notre tâche à la Chambre consiste à nous assurer, au nom de nos électeurs, que tous les ministères et organismes de l'État rendent compte de chaque dollar qu'ils dépensent. J'ose croire que tous les députés veulent être en mesure de dire à leurs électeurs qu'ils sont comptables à ceux qui payent la note, les contribuables.

(1735)

Il me semble que lorsque nos électeurs nous demandent pourquoi certaines sociétés d'État ne font pas état de leur situation financière, certains députés ne peuvent pas donner de réponse satisfaisante. Les Canadiens moyens veulent voir le bilan des ministères et organismes fédéraux.

Quand les électeurs entendent parler d'une activité financée par les pouvoirs publics et se font dire qu'ils ne peuvent avoir accès aux données financières liées à cette activité, leur curiosité est piquée. Ils craignent que l'organisme en cause n'ait quelque chose à cacher.

Le vérificateur général a un rôle clé à jouer à cet égard. Dans bien des cas, dont je vais parler dans quelques instants, le vérificateur général ne s'est pas contenté de rendre publics les faits et les chiffres exacts concernant les activités et le rendement du gouvernement fédéral. Le vérificateur général a même réussi à améliorer ces activités et à accroître les niveaux de rendement en disséquant et en évaluant les organismes et ministères fédéraux.

On n'a pas à avoir honte à cause du travail qu'accomplit le vérificateur général. Les Canadiens ne s'étonnent pas qu'il fasse état du rendement médiocre de l'appareil gouvernemental et qu'il recommande des mesures correctives. Les entreprises canadiennes, grandes et petites, effectuent des vérifications de leurs activités et de leur rendement. Ces vérifications montrent souvent qu'elles sont sur la bonne voie de réaliser leurs objectifs. Elles doivent quelquefois avaler la pilule et prendre des mesures radicales pour enrayer la progression du mal que leurs vérifications ont diagnostiqué. La vie est ainsi faite. Les Canadiens s'attendent aussi à ce que leur gouvernement observe les bonnes pratiques des affaires.

On ne peut pas nier que les vérificateurs généraux ont fait du bon travail ces dernières années. Des progrès ont été accomplis.


9754

Le vérificateur général est désormais habilité à assurer le suivi de ses recommandations. C'est ainsi que, dans bien des cas, les Canadiens en ont davantage pour leur argent, grâce aux efforts que déploie le bureau du vérificateur général.

En mai 1994, les députés à la Chambre ont fait un pas de plus vers une plus grande responsabilisation en autorisant le bureau du vérificateur à se prononcer sur des questions que le vérificateur juge urgentes. Ils sont déjà allés dans le sens du projet de loi C-263 en dotant le vérificateur général d'un certain pouvoir discrétionnaire. Un assez large consensus s'était fait à ce sujet. Nous y avons vu un bon moyen d'accroître la capacité du vérificateur général de faire le travail qu'on attend de lui.

Les Canadiens veulent que leur chien de garde ait assez long de corde. Le printemps dernier, nous voulions tous lui conférer encore plus de pouvoirs, et je suis persuadé que je parle au nom de tous quand je dis que nous étions fiers de le faire.

Depuis les réformes engagées en 1984, la plupart des sociétés d'État fonctionnent dans le cadre de responsabilisation établi conformément à la partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques. Ainsi, la partie X de la loi exige trois choses de toutes les sociétés d'État.

Premièrement, produire un rapport annuel. Le rapport annuel qui vient s'ajouter aux états financiers dans le rapport du vérificateur contient notamment un énoncé de la mesure dans laquelle la société a réalisé ses objectifs pour l'exercice en question. Deuxièmement, soumettre un plan d'entreprise. Troisièmement, soumettre des sommaires budgétaires devant être déposés au Parlement.

Selon moi, ce sont là des exigences fondamentales et simples. Elles ne sont pas déraisonnables et, pourtant, nous avons un système où les sociétés ne sont pas toutes tenues d'y accéder.

Les Canadiens s'attendent à ce que leurs impôts soient dépensés en fonction de ce cadre de responsabilisation. Je le répète, lorsqu'ils entendent dire que le gouvernement dépense leur argent sans respecter les critères ci-dessus, ils deviennent méfiants et ils ont bien raison de l'être. Il serait facile d'appliquer la Loi sur la gestion des finances publiques aux sociétés d'État énumérées dans le projet de loi C-263.

Cependant, sur les 49 sociétés d'État, sept sont exemptées de l'application de la Loi sur la gestion des finances publiques. Il s'agit de la Banque du Canada, de la Société Radio-Canada, du Conseil des Arts du Canada, de la Société de développement de l'industrie cinématographique canadienne, mieux connue sous le nom de Téléfilm Canada, de la Commission canadienne du blé, du Centre de recherches pour le développement international et de la Société du Centre national des Arts. Le projet de loi C-263 placerait ces sociétés d'État sous la surveillance du vérificateur général, à l'exception de la Banque du Canada et de la Société Radio-Canada.

Pour ce qui est de la Banque du Canada, l'indépendance de la banque centrale est essentielle à la bonne administration de la politique monétaire. L'ultime responsable de la politique monétaire est le gouvernement fédéral, plus précisément le ministre des Finances et la direction de la Banque du Canada. Par ailleurs, le Gouverneur de la Banque du Canada est aussi tenu de rendre des comptes à d'autres niveaux.

(1740)

Pour ce qui est de la Société Radio-Canada, des dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques ont été incorporées dans la Loi sur la radiodiffusion en 1991. En deux mots, la SRC est déjà assujettie aux responsabilités ministérielles prévues dans le projet de loi C-263 et la Loi sur la gestion des finances publiques.

Ce dernier point est important et tous les députés à la Chambre devraient en prendre note. La SRC reçoit environ 70 p. 100 de tout le financement gouvernemental versé aux sociétés d'État exemptées de l'application de la Loi sur la gestion des finances publiques. Cela signifie que le projet de loi C-263 vient parachever le travail déjà accompli par le Parlement. Depuis 1991, la SRC s'est adaptée aux obligations de rendre des comptes prévues à la partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Les députés reconnaîtront avec moi que la SRC est, de toutes les sociétés d'État qui sont visées par une exemption dans le projet de loi C-263, celle qui a le plus insisté sur l'idée et l'importance critique d'une relation d'autonomie par rapport au gouvernement. Pourtant, elle n'a pas connu les problèmes qu'elle craignait de connaître quand elle a dû s'adapter à cette obligation de rendre des comptes. La SRC fonctionne ainsi depuis quatre ans.

Je rappelle à mes collègues que le vérificateur général vérifie déjà les comptes des cinq sociétés d'État dont il est question dans ce projet de loi. Cependant, ces vérifications ne lui permettent pas de se prononcer sur la pertinence des activités de ces sociétés, pas plus qu'elles ne lui permettent de commenter la mesure dans laquelle chacune d'elles remplit son mandat. À l'heure actuelle, ces vérifications ne nous disent pas si nous en avons pour notre argent.

On ne vérifie l'optimisation des ressources que tous les cinq ans. Ces vérifications sont différentes des vérifications annuelles car elles portent sur la gestion, les buts et les objectifs généraux. On a raison de penser que les conseils des sociétés exemptées devraient réserver un bon accueil aux vérifications sur l'optimisation des ressources. Il est possible que les membres du conseil voient ces vérifications comme un outil pouvant les aider dans leur travail et comme un bon moyen de savoir si leur société respecte bien ses responsabilités.

Au cours des recherches et des travaux que j'ai faits dans le cadre de ce projet de loi, j'ai appris des choses très intéressantes. Par exemple, peu de temps après avoir commencé à préparer ce projet de loi, j'ai reçu une lettre de Tommy Banks, un membre du comité de vérification et d'évaluation du Conseil des Arts du Canada.

Dans sa lettre, M. Banks faisait valoir les avantages des examens spéciaux que le vérificateur est invité à faire pour le Conseil des Arts du Canada tous les cinq ans, depuis 1986. Il disait que l'on considère l'examen très minutieux du vérificateur général comme un processus permanent. Pourtant, ce processus n'a toujours pas de caractère officiel. Le problème qui se pose maintenant, c'est que rien ne garantit que ces vérifications de l'optimisation des ressources seront effectuées dans un délai


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donné et obtiendront les résultats de vérifications régulières effectuées périodiquement. Il est évident que cette exigence doit être prévue dans la loi.

Cela fait maintenant 10 ans qu'on a établi le cadre de responsabilisation des sociétés d'État. Les sociétés exemptées ont eu une décennie pour examiner les répercussions que la Loi sur la gestion des finances publiques a sur l'indépendance des sociétés d'État non exemptées. Il est maintenant très probable que les sociétés d'État qui ne sont pas visées par la loi en soient venues à la conclusion que la Loi sur la gestion des finances publiques ne les menace pas vraiment. La Société Radio-Canada en est un exemple. Des dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques ont été incluses dans la nouvelle Loi sur la radiodiffusion de 1991.

Les sept sociétés d'État exemptées ne sont pas assujetties à certaines dispositions qui favorisent la bonne gestion et forcent les sociétés à rendre des comptes. En tant que telle, cette exemption est difficile à justifier en ces temps d'austérité financière. Les sociétés d'État exemptées dépendent deux fois plus, sinon davantage, des crédits budgétaires du gouvernement, du point de vue du pourcentage de l'actif total, que les sociétés non exemptées et en dépendent quatre fois plus du point de vue de l'employé.

Je crois qu'il est raisonnable de demander aux cinq sociétés d'État en question de préparer un plan d'entreprise pour que les Canadiens puissent, grâce aux rapports annuels, surveiller et évaluer leur rendement. Il arrive parfois que les objectifs des sociétés d'État énoncés dans le rapport annuel diffèrent des objectifs figurant dans le plan d'entreprise.

(1745)

Ainsi, en 1991-1992, Téléfilm Canada a consacré 90 p. 100 de son budget de films à des projets venant de Toronto et Montréal. Sur les 24 films financés en partie par Téléfilm Canada, un seul venait de l'Ouest du pays. De plus, cette année-là, Téléfilm a consacré 41 p. 100 de son budget à des films de langue française et seulement 2 p. 100 à des films de langue anglaise en provenance de l'Ouest. Nous savons que Téléfilm a des objectifs linguistiques bien stricts. Cela dit, je pense que les députés seront d'accord pour dire que cette société n'a pas réalisé ses objectifs dans le cadre de ses activités en 1991-1992.

Même si des dispositions permettent aux sociétés d'État exemptées d'inviter le vérificateur général à effectuer une étude spéciale, la vérification n'est communiquée qu'à leur conseil d'administration, et non à la Chambre. L'ennui lorsqu'on prend des dispositions administratives plutôt que législatives à l'égard des vérifications volontaires, c'est que ces ententes risquent de s'effondrer en cas de changement de l'administration ou de la politique administrative. Offrir aux sociétés l'option d'inviter le vérificateur général à procéder à une étude n'est tout simplement pas suffisant.

Par exemple, comme le Centre national des Arts demeure une des sociétés d'État canadiennes les plus entourées de secret, en 1990, le Comité des communications et de la culture de la Chambre des communes a recommandé que le vérificateur général procède à une étude spéciale de cet organisme. Les dirigeants du conseil ont sauté sur l'occasion. Pourtant, le processus était truqué. Le conseil a eu du mal à rendre le rapport public, même s'il avait promis de le faire au départ.

Trois cents jours après avoir reçu le rapport qu'il avait nié avoir reçu au départ, le conseil y a finalement répondu. Le Ottawa Citizen a qualifié cette réponse d'hilarante. Le vérificateur général avait dépeint le Centre national des Arts comme une institution incapable de bien définir ses objectifs, de préparer son avenir, de surveiller ses dépenses et de communiquer avec son conseil.

À cet égard, nous pouvons bien voir qu'inviter le vérificateur général à procéder à une étude spéciale ou à une vérification d'optimisation ne suffit pas. Si le bureau du vérificateur général entretenait régulièrement des contacts avec cette société, les objectifs de son programme ne s'éloigneraient pas de ceux qui sont énoncés dans ses rapports annuels.

Les avantages de la vérification en vaudraient le coût. L'établissement de rapports n'est pas une tâche si lourde. C'est une question de saine gestion. Des vérifications d'optimisation des ressources en valent la peine.

Un autre exemple: en 1992, le vérificateur général rapportait que les arrangements fiscaux pour les sociétés étrangères affiliées coûtaient aux Canadiens des centaines de dollars en manque à gagner. À la suite de ce rapport, les règles concernant l'imposition des sociétés étrangères affiliées ont été modifiées de sorte à veiller à ce qu'elles paient leur part.

En 1993, une autre étude a fait ressortir des versements excédentaires au titre du RPC et de la sécurité de la vieillesse d'un montant de l'ordre de 120 à 220 millions de dollars par an. À la suite de ce rapport, un plan d'action a été déposé au Comité des comptes publics pour mettre fin au problème. Le gouvernement a été en mesure d'intervenir et de présenter un plan d'action.

Vous vous demandez peut-être si les 42 autres sociétés d'État non exemptées visées par la Loi sur la gestion des finances publiques font preuve d'une plus grande responsabilité depuis l'introduction de la loi en 1984. En 1993, le vérificateur général rapportait que la gestion des sociétés d'État s'était améliorée du fait des exigences en matière de planification, de stratégie et de coûts, bref des bonnes pratiques de gestion auxquelles elles étaient tenues.

Je pense que nous sommes tous d'accord sur le fait qu'en période de restriction, les personnes qui dépensent l'argent des contribuables doivent être plus que jamais conscientes de leur comptabilité devant le public. Puisque la partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques a été si efficace dans le cas d'autres sociétés d'État, il semble raisonnable que les sociétés d'État citées dans le projet de loi C-263 y soient également assujetties.

Pour terminer, je voudrais répéter ce qu'a dit le directeur de la Société du Centre national des Arts, qui reconnait que ces améliorations étaient nécessaires pour la gestion financière de la société. Il a dit: «Étant donné les ressources limitées dont dispo-


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se la direction, arriver à changer la mentalité de cette institution qui depuis deux décennies manque totalement de responsabilité a été une tâche monumentale.»

Je demande à tous les députés de la Chambre d'appuyer le projet de loi C-263.

(1750)

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, c'est un plaisir pour moi que de prendre la parole au sujet du projet de loi présenté par le député d'Okanagan-Similkameen-Merritt.

L'objet du projet de loi est de supprimer l'exemption de l'application des sections I à IV de la partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques pour cinq sociétés d'État. Il s'agit du Conseil des Arts du Canada, de la Société de développement de l'industrie cinématographique canadienne, de la Commission canadienne du blé, du Centre de recherches pour le développement international et de la Société du Centre national des Arts.

[Français]

Ces sociétés, de même que la Banque du Canada et la Société Radio-Canada, sont exemptées en vertu de l'article 85 de la Loi sur la gestion des finances publiques. Toutes les autres sociétés d'État, soit près de 41 au total, sont assujetties à la partie X de la LGFP.

À l'étude de la partie X, on conclut à juste titre que l'objectif visé était d'appliquer, à l'égard de toutes nos sociétés d'État, un cadre de responsabilisation et de contrôle plus ou moins uniforme.

Le rôle du Parlement devait consister à tenir le gouvernement et la société d'État responsables par l'entremise du ministre compétent des deniers publics mis à la disposition de cette société.

[Traduction]

Le rôle du gouvernement semble être de fournir la coordination, la direction nécessaire et le contrôle, avec comme objectif la protection de l'investissement public et la vérification du respect de la politique.

La partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques représente un système complet de responsabilité comptable qui permet aux sociétés d'État d'adopter les systèmes et les pratiques comptables du secteur privé, tout en laissant au gouvernement et au Parlement certaines approbations majeures.

Par exemple, les plans d'entreprise des sociétés d'État sujettes à la partie X doivent être approuvés par le gouverneur en conseil. De même, le rapport annuel de ces sociétés doit être déposé au Parlement et la partie X exige qu'il contienne des indications de la façon dont la société a atteint ses objectifs.

[Français]

À la fin de chaque année civile, le président du Conseil du Trésor doit présenter au Parlement son rapport annuel sur les sociétés d'État et les autres sociétés en coparticipation du Canada. Ce rapport renferme une section qui est vérifiée par le vérificateur général et qui démontre la mesure dans laquelle les résumés des activités et les rapports annuels sont présentés conformément aux critères établis, et ce, pour chaque ministre responsable.

[Traduction]

On peut voir par cet exemple que la partie X est conçue de façon à ce que non seulement le gouvernement, mais aussi le Parlement, fassent partie intégrante de la bonne gestion financière et du système de contrôle des sociétés d'État.

Comme on l'a dit précédemment, certaines sociétés d'État sont exemptées de la partie X. La raison, même si elle ne figure nulle part de façon formelle, reflète la sensibilité particulière des relations entre le gouvernement et ces sociétés.

Par exemple, on considère que l'indépendance par rapport au gouvernement est essentielle pour le Conseil des Arts du Canada, qui doit accorder des subventions à des personnes qu'il sélectionne. Le gouvernement ne doit pas être vu comme capable d'imposer sa conception du mérite artistique. De la même façon, la liberté dont doit jouir la SRC pour la programmation et le contenu journalistique justifie l'exemption de cette société de la partie X.

Les autres sociétés exemptées, dont cinq sont mentionnées dans le projet de loi dont nous sommes saisis, sont assujetties aux dispositions relatives à l'obligation de rendre compte de leur propre loi habilitante. Par exemple, toutes ces sociétés sont tenues de déposer un rapport annuel, et celles qui comptent sur des subventions gouvernementales doivent se conformer annuellement à la procédure en vigueur pour l'affectation des crédits parlementaires.

Le projet de loi C-263 comporte deux autres éléments qui me préoccupent.

Il y a d'abord la disposition qui veut que les employés du Centre national des Arts, du Conseil des Arts du Canada et du Centre de recherches pour le développement international soient intégrés à la fonction publique. Je crois que ce serait une mauvaise décision.

La plupart des employés des sociétés d'État ne sont pas des fonctionnaires. En fait, la mesure qui établit les quatre sociétés d'État responsables des musées précise que les employés de musée ne sont pas des fonctionnaires. Nous ne voulons pas augmenter sans raison valable la taille de la fonction publique.

(1755)

Je m'inquiète aussi du fait que le projet de loi confère à ces trois sociétés le statut de mandataire de Sa Majesté. Il s'agit là d'un changement complexe sur le plan juridique, qui mérite réflexion.

Je crois qu'on a établi pour des raisons évidentes que le Centre de recherches pour le développement international n'était pas mandataire, compte tenu de son mandat et de la liberté qu'il lui faut pour choisir des domaines de recherches d'importance internationale. On ne devrait pas invoquer arbitrairement cette disposition sous prétexte de diminuer leur degré d'autonomie.

L'expérience acquise au cours des 10 dernières années donne à penser qu'il serait généralement avantageux de soumettre d'autres sociétés exemptées à un cadre de responsabilisation modifié,


9757

semblable au régime actuellement en vigueur à la SRC, qui diffère de certains autres. Je souscris à ce principe général.

Cependant, même s'il ramène ces sociétés dans la bonne direction, le projet de loi C-263 comporte des lacunes graves qui m'interdisent de l'appuyer aujourd'hui, et j'exhorte les députés à ne pas l'appuyer.

[Français]

La plus importante de ces lacunes est la suivante: on ne reconnaît pas qu'il y a lieu d'étudier en profondeur les mandats propres aux sociétés visées, en vue de l'élaboration d'un cadre de responsabilisation qui convienne, sans toutefois faire croire à une ingérence politique injustifiée dans des secteurs d'activité où il est dans l'intérêt public de conserver un certain niveau d'indépendance vis-à-vis du gouvernement.

[Traduction]

Par exemple, la partie X renferme des articles qui donnent au gouvernement le pouvoir de passer outre aux décisions prises par le conseil d'administration des sociétés d'État. Cela pourrait être interprété comme une modification fondamentale de l'approche traditionnelle à laquelle ont été fidèles les gouvernements successifs qui ont accordé aux sociétés d'État à vocation culturelle la liberté de prendre des décisions dans le domaine des arts ou de la recherche. La question a fait l'objet d'un examen approfondi lors des débats et des audiences du comité portant sur le projet de loi C-24, en mai et juin 1984.

Il y a tout lieu, à l'avenir, de chercher comment rendre plus responsables les sociétés d'État citées dans le projet de loi. Les sujets tels que la vérification, la régie des sociétés, la gestion et le contrôle financiers, la planification d'entreprise, la responsabilité parlementaire et le opérations d'emprunt sont très bien couverts dans la partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques, donnant lieu à un système qui, selon le vérificateur général, fonctionne bien. Le député l'a reconnu dans son discours.

Ce système peut probablement être modifié pour tenir compte des conditions spéciales de la majorité des sociétés d'État exemptées. Quant à savoir si la meilleure façon de procéder consiste en une série de mesures législatives modifiant la loi constitutive de chacune des sociétés d'État en question, cela reste à voir.

On m'a dit que des discussions sur la meilleure façon de parvenir à ce résultat étaient déjà en cours avec certaines de ces sociétés.

[Français]

Je ne doute pas que des efforts supplémentaires continueront d'être déployés en vue d'arriver à améliorer le cadre de responsabilisation tout en accordant le degré d'indépendance voulu à ces sociétés d'État exemptées, que les Canadiens continueront de considérer comme étant dans l'intérêt public.

[Traduction]

Je ne peux appuyer ce projet de loi tel qu'il nous est présenté et je ne peux en recommander l'adoption à la Chambre.

[Français]

M. Richard Bélisle (La Prairie, BQ): Monsieur le Président, le projet de loi C-263 vise à modifier la Loi sur la gestion des finances publiques et d'autres lois en conséquence.

Ces cinq sociétés d'État sont actuellement exemptées de cette loi, comme vous le savez bien. La Loi sur la gestion des finances publiques est une loi dont la portée est très vaste et qui touche, entre autres, à l'organisation du Conseil du Trésor, aux fonds publics, aux dépenses publiques et à la dette publique.

Cette loi a déjà été amendée 58 fois entre 1985 et 1994, soit une moyenne d'environ une fois tous les deux mois. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il y a eu un manque de constance dans la législation sur la gestion des finances publiques au cours de la dernière décennie, mais le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a eu un torrent de modifications législatives pour s'adapter à un environnement qu'on dit en évolution.

Il y a près de 50 sociétés d'État au Canada, actuellement. Le budget global de ces sociétés approche les 5 milliards de dollars et elles emploient 115 000 personnes. Leur impact économique est donc très substantiel.

(1800)

Bien que relativement autonomes dans leur gestion, ces sociétés d'État sont responsables, en dernier ressort, devant le Parlement, par l'intermédiaire de leur ministre de tutelle. Le cadre de gestion de ces société d'État établi en 1984 est régi par la partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Ces sociétés d'État doivent rendre des comptes, elles doivent établir annuellement un plan d'entreprise qu'elles doivent remettre au ministre de tutelle. Les sociétés doivent aussi établir un budget de fonctionnement qui est approuvé par le Conseil du Trésor. Elles doivent également produire un rapport annuel, c'est-à-dire des états financiers et des données statistiques requises qui précisent l'atteinte de leurs objectifs.

Enfin, chaque société doit procéder à des vérifications internes. Un examen spécial de portée plus étendue est également fait tous les cinq ans, soit un examen de vérification par le vérificateur de la société. Sept sociétés sont cependant exemptées de ces obligations prévues dans la loi.

Le projet de loi C-263 maintient l'exemption accordée à la Banque du Canada qui demeure indépendante au plan de la gestion et peut, par exemple, poursuivre sa politique monétaire quel que soit le gouvernement au pouvoir.

Le projet de loi C-263 maintient également l'exemption déjà attribuée à la Société Radio-Canada. Celle-ci est déjà soumise, de toute façon, à la reddition de comptes, c'est-à-dire vérification interne et spéciale, rapport annuel et plan d'entreprise, par le biais de la loi de la SRC qui recoupe les dispositions de la partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques.


9758

Le projet de loi C-263 a donc pour portée finalement de supprimer l'exemption de l'imputabilité et de la reddition de comptes pour les cinq sociétés suivantes: le Centre de recherche pour le développement international, la Commission canadienne du blé et trois autres sociétés oeuvrant dans le domaine des arts, soit le Conseil des arts du Canada, la Société du Centre national des arts et la Société de développement de l'industrie cinématographique canadienne.

Si ce projet de loi était adopté par cette Chambre, ces cinq sociétés seraient soumises à l'application des obligations prévues dans la loi. La principale raison de leur exemption est la nature spécifique de leur rapport avec le gouvernement. Le législateur a voulu maintenir, jusqu'à maintenant, l'indépendance de ces sociétés face au gouvernement.

En 1991, le vérificateur général observa que plusieurs sociétés exemptées s'étaient volontairement conformées aux dispositions de la loi. La moitié des sociétés exemptées s'étaient soumises d'elles-mêmes à une vérification portant sur l'optimisation des ressources. Plusieurs sociétés exemptées avaient également créé des fonctions de vérification interne et des comités de vérification au sein de leur organisation.

Une plus grande latitude au plan du contrôle de gestion peut être accordée à ces sociétés. Étendre certaines dispositions de la partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques aux cinq sociétés mentionnées ne signifie pas nécessairement que leur autonomie, ou leur indépendance, par rapport au contrôle administratif leur serait également enlevé.

Selon le vérificateur général, l'on peut uniformiser de plusieurs façons les règles afin de mieux responsabiliser les sociétés exemptées. L'une des ces façons est d'incorporer les articles de la partie X de la loi à la loi habilitante de chacune des sociétés exemptées, comme dans le cas de la Société Radio-Canada qui demeure imputable devant le Parlement, mais qui conserve une grande autonomie de gestion, n'étant pas soumise à un contrôle de gestion de la part du gouvernement.

On peut également inscrire ces sociétés à l'annexe de la Loi sur la gestion des finances publiques, mais exempter ces dernières de certaines dispositions de la même loi. Plusieurs sociétés exemptées se conforment déjà d'elles-mêmes à plusieurs règles prévues dans la loi, ce qui démontre que la crainte de contrôles administratifs trop poussés qui nuiraient à la vocation de ces cinq sociétés apparaissent surestimées.

D'autre part, nous voterons contre le projet de loi C-263 car celui-ci va trop loin au plan du contrôle de gestion de ces sociétés. Ce projet de loi veut assujettir les cinq sociétés d'État mentionnées à un encadrement serré qui touche autant à leur responsabilisation qu'au contrôle sur leur gestion.

Nous préférons pour notre part une approche plus souple, comme celle prônée par le vérificateur général qui suggère d'incorporer les obligations retenues par le législateur dans la loi habilitante de chacune de ces cinq sociétés exemptées, comme cela s'applique déjà à la Société Radio-Canada, et que nous avons déjà mentionné.

Il faudrait voir dans le cas de chaque société, après analyse, la meilleure façon de les responsabiliser et d'établir un niveau de contrôle qui respecte leur vocation et leur mission particulières. Nous voterons donc contre ce projet de loi car il octroie un même statut à toutes les sociétés gouvernementales, à l'exception de Radio-Canada et de la Banque du Canada.

(1805)

Nous favorisons, pour notre part, une reddition de comptes de la part de ces sociétés en les responsabilisant plutôt qu'en les contrôlant, comme le propose le projet de loi C-263. Nous voulons accroître cette responsabilisation, les rendre imputables devant le Parlement et permettre ainsi une meilleure évaluation de leur rendement. Nous nous opposons cependant à un contrôle tous azimuts sur la gestion de ces sociétés, dont trois exercent une action sur le développement des arts, la quatrième, comme on l'a mentionné, sur le développement agricole et la cinquième sur le développement international.

Bien encadrer l'exercice de leurs responsabilités et maintenir une latitude importante dans le contrôle de leur gestion peuvent aller de pair et favoriser la performance et le rendement de ces sociétés.

Nous nous opposons également au projet de loi tel que formulé, parce qu'il donne le pouvoir au ministre de tutelle de s'ingérer dans les orientations des sociétés à vocation culturelle. Il faut laisser une marge de manoeuvre plus étendue aux sociétés intervenant auprès de ces milieux.

Le projet de loi C-263 ne règle pas la question de l'imputabilité des sociétés d'État car, selon le vérificateur général lui-même, plusieurs sociétés non exemptées ne respectent pas ce principe de l'imputabilité, même si elles y sont assujetties. Elles ne rendent pas tous les comptes requis par la loi.

Ce projet de loi n'augmente que faiblement l'obligation de rendre des comptes de la part des sociétés de la Couronne. Il nous apparaît possible d'obliger ces sociétés d'État à mieux rendre compte de leur rendement par d'autres moyens. Pour cela, il n'est pas nécessaire de voter des lois. Les interventions du vérificateur général peuvent aider grandement à l'évaluation de ce rendement. De même, la comparution des dirigeants des sociétés devant les comités permanent de la Chambre, comme le Comité des comptes publics, afin de rendre compte de leur gestion, est un incitatif puissant à produire les rapports requis et à présenter des documents de meilleure qualité.

Nous privilégions plutôt ce type d'approche, qui nous paraît plus efficace, à une nouvelle législation.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): Avant que le député ne fasse son intervention, étant donné que le motionnaire a présenté sa motion et que les deux intervenants qui l'ont suivi se sont


9759

opposés à celle-ci, je vais me tourner vers le parti du motionnaire pour voir si quelqu'un veut parler en faveur de la motion.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt les propos du ministériel qui s'est exprimé au nom du gouvernement, ainsi que ceux du représentant du Bloc qui vient de prendre la parole.

Ce projet de loi d'initiative parlementaire vise à imposer une plus grande responsabilité comptable aux sociétés d'État. Il ne s'agit pas d'entreprises publiques mais bien de sociétés d'État. Nous avons une structure quelque peu hybride. Ces sociétés ne se servent pas de leurs propres fonds. Elles se servent de notre argent.

Comment un député qui est censé représenter les intérêts des Canadiens, en particulier le député de Kingston et les Îles, qui est le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre, peut-il dire qu'il ne peut appuyer le projet de loi dans sa forme actuelle?

La solution serait peut-être de ne pas appuyer cette mesure mais plutôt de privatiser ces sociétés. Monsieur le Président, s'il s'agissait de votre argent ou de mon argent, s'il s'agissait non pas de deniers publics mais plutôt de dollars provenant directement des poches d'un contribuable, je me demande si la perception que nous avons de nos responsabilités de député ne serait pas quelque peu différente?

Une société d'État a la chance d'être financée avec des deniers publics. Elle n'a pas à tirer du produit de son activité les fonds dont elle a besoin. Lorsque les choses vont mal, qu'une société d'État est mal administrée ou qu'elle n'a pas de plan opérationnel, celle-ci s'adresse-t-elle à des actionnaires? Non. Elle se tourne vers le gouvernement fédéral, tend la main et dit: «Nous avons besoin d'argent.»

Le problème c'est que notre pays s'appauvrit au rythme de 110 millions de dollars par jour. Comment faire comprendre aux députés d'en face qu'il faut commencer par faire des petits pas et que, si nous faisons assez de petits pas, nous finirons par arriver quelque part? Nous pouvons commencer par adopter ce projet de loi qui veut qu'on oblige cinq sociétés d'État à rendre davantage de comptes.

(1810)

Afin d'obtenir une certaine unanimité à la Chambre, l'auteur de ce projet de loi a délibérément laissé de côté certaines des sociétés d'État les plus controversées comme la SRC. Si nous réduisions le budget de la SRC d'environ 50 p. 100 demain, ce qui voudrait dire que nous pourrions consacrer beaucoup plus d'argent à la recherche sur le cancer et sur le SIDA ou, mieux encore, que nous pourrions ne pas emprunter cet argent afin de pouvoir donner plus d'emplois à nos enfants, je puis vous assurer que la SRC se concentrerait vraiment sur ce qu'elle doit faire, sur ce que nous avons les moyens de payer et sur ce que nous n'avons pas les moyens de payer. Toutefois, l'auteur de la motion a choisi de ne pas inclure la SRC parce que c'est une question controversée.

Alors, que trouvons-nous dans ce projet de loi? Le Conseil des Arts du Canada, la Société de développement de l'industrie cinématographique canadienne, le Centre de recherches pour le développement international, la Commission canadienne du blé et le Centre national des Arts.

Quoi? Le Centre national des Arts? Comment le Centre national des Arts s'est-il retrouvé là? Quand le CNA est-il devenu une société d'État? Serait-ce parce qu'il est situé à Ottawa et que c'est un organisme de plus que les Canadiens doivent subventionner?

Il serait intéressant de faire la tournée des centres des arts du pays tout entier pour voir si ce sont des sociétés d'État et s'ils puisent dans les poches des contribuables de tout le pays. Voyez-vous, j'en doute.

Qu'y a-t-il de spécial à Ottawa pour qu'on y pense que l'argent pousse dans les arbres? Ce sont des fonds publics; il n'y a donc pas de comptes à rendre.

Quiconque a été en affaires sait bien que la discipline d'une vérification comptable n'a rien de négatif ou de mauvais. Elle permet d'améliorer le fonctionnement. C'est pourquoi ces sociétés d'État devraient elles-mêmes dire: «Un instant, nous réclamons une vérification. Nous reconnaissons que nous utilisons des fonds publics.»

Pourquoi refuseraient-elles de participer? Parce qu'elles ne sont pas efficaces? Parce que ce sont des chasses gardées et qu'elles veulent faire ce qui leur chante, de la manière qui leur convient? Est-ce parce que la Commission canadienne du blé n'est pas tant une commission du blé qu'une coopérative? Parce que le Conseil des Arts du Canada est un groupe de personnes intéressées qui reçoivent des fonds publics et les distribuent à ceux à qui elles jugent bon de les donner?

Je ne veux aucunement laisser entendre que le Conseil des Arts du Canada et ceux qui en font partie agissent de façon malicieuse. Je suis sûr que, dans tout ce qu'ils font, ils ont le coeur à la bonne place. Mais, mesdames et messieurs, monsieur le Président, ce n'est pas leur argent, c'est le nôtre. Pourquoi ne surveillerions-nous pas leurs dépenses au cent près?

La Société de développement de l'industrie cinématographique canadienne a fait l'objet de débats à la Chambre ces derniers mois. Certains estiment qu'elle fait du bon travail et d'autres sont d'avis contraire. Il y en a qui disent que nous devons appuyer son action, car il y va de la culture canadienne. La plupart d'entre nous, je pense, aimons aller au cinéma de temps à autre pour voir un film qui parle de nous, pour voir quelque chose qui nous ressemble. Il se peut que certaines subventions de la Société de développement de l'industrie cinématographique canadienne soient payantes; il se peut même qu'elle réalise un bénéfice de temps à autre.


9760

(1815)

Ne serait-il pas intéressant que les cinéastes se servent de leur propre argent et qu'ils soutiennent la concurrence sur le marché mondial grâce à la qualité de leur produit? Au lieu de se reposer sur le marché national protégé par des barrières tarifaires, ils pourraient décider de faire des films que les gens partout dans le monde demanderont à voir à grands cris à cause de la qualité du scénario, de la qualité du jeu des comédiens et de la qualité de la distribution.

Voilà ce que nous devrions chercher à faire au Canada. Nous pouvons soutenir la concurrence des meilleurs dans le monde dans tous les domaines, que ce soit dans les affaires, les arts ou le cinéma. Si nous voulons conserver des sociétés d'État qui ont pour mission d'octroyer des fonds publics à des fins privées, il serait certainement logique de les garder sous surveillance.

Je voudrais conclure mes propos sur ce projet de loi, qui peut faire l'objet d'un vote, en invitant encore les députés à revenir sur leur décision initiale de ne pas appuyer le projet de loi.

Le député d'Okanagan-Similkameen-Merritt a présenté ce projet de loi à la Chambre avec l'intention expresse de s'assurer qu'il soit assez inoffensif pour être appuyé par les députés libéraux comme ceux du Bloc. Il voulait aussi montrer, ce serait un début, que les députés peuvent s'entendre pour les bonnes raisons et faire ce qui doit être fait.

C'est une tragédie que toutes les fois qu'ils prennent la parole, présentent une motion ou font autre chose à la Chambre, les députés le fassent toujours en opposition aux députés des autres partis. Les choses pourraient se passer autrement. Le bon sens, c'est le bon sens qu'on soit député libéral, réformiste ou bloquiste.

Quand nous avons l'occasion à la Chambre de nous rallier autour d'une mesure juste qui pourrait avoir pour effet d'utiliser les deniers publics plus efficacement, nous devrions saisir cette occasion et faire ce qui doit être fait pour les bonnes raisons.

M. Lyle Vanclief (secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de disposer de quelques minutes pour parler du projet de loi C-263 dont la Chambre est saisie.

Je tiens à signaler au député qui vient de prendre la parole que je ne fais pas mes observations dans un esprit de confrontation; je veux simplement parler des répercussions que ce projet de loi aurait sur la Commission canadienne du blé. Je sais que cette société d'État présente un certain intérêt pour le Parti réformiste, comme pour tous les députés d'ailleurs, notamment ceux qui portent un intérêt particulier à l'industrie de l'agroalimentaire.

Dans les prochaines minutes, j'expliquerai pourquoi ce projet de loi est parfaitement inutile et pourquoi il aurait le même effet que d'autres mesures que le Parti réformiste a reproché à des gouvernements du Canada d'avoir prises dans le passé, parce qu'elles entraînaient des chevauchements et des doubles emplois et qu'elles occasionnaient des dépenses inutiles.

La Commission canadienne du blé a été créée en 1935, à titre d'organisme de commercialisation pour les céréaliculteurs de l'Ouest. À l'époque, les agriculteurs de l'ouest du Canada voulaient un système permettant de contrôler les fluctuations de prix, de répartir équitablement les possibilités d'acheminement et de transporter les plus grands volumes de grain aux meilleurs coûts possibles.

Ce mandat n'a pas changé. La Commission canadienne du blé a toujours le même mandat qu'en 1935, c'est-à-dire celui de procurer aux agriculteurs les meilleurs bénéfices possibles pour leur blé et leur orge. C'est exactement ce que la commission fait depuis 60 ans. Elle a fait de l'excellent travail pour ce qui est de vendre le grain canadien aux meilleurs prix possibles et de remettre ensuite le plus d'argent possible aux utilisateurs de la commission, c'est-à-dire les agriculteurs de l'ouest du Canada.

Même si la Commission canadienne du blé est une société d'État, ses activités sont financées par 130 000 céréaliculteurs du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta et des régions de la Colombie-Britannique où l'on cultive le grain.

(1820)

C'est ce qui distingue cette société d'État de bien d'autres. Certaines sociétés d'État, dont la Commission canadienne du blé, ne sont pas assujetties aux dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques. Elle figure parmi les sociétés exemptées que le député d'Okanagan-Similkameen-Merritt a mentionnées cet après-midi.

Ce projet de loi aurait pour effet de supprimer cette exemption et les sociétés d'État visées par ce projet de loi seraient désormais assujetties à un tout autre système de déclarations, obéissant à des exigences nouvelles.

Ainsi, en vertu de ce projet de loi, la Commission canadienne du blé serait tenue de soumettre un plan d'entreprise au ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire pour le faire approuver par le gouverneur en conseil. La commission devrait également soumettre un budget annuel de fonctionnement et des immobilisations à l'approbation du Conseil du Trésor. Ce rapport serait ensuite inclus dans une étude effectuée par le comité parlementaire.

Enfin, un vérificateur de l'extérieur et peut-être le vérificateur général du Canada procéderaient à une vérification touchant la Commission canadienne du blé.

Les objectifs visés par ce projet de loi sont sans aucun doute louables. Je peux garantir à tout le monde que le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire et le gouvernement veulent s'assurer qu'on responsabilise la commission. À l'heure actuelle, elle rend des comptes aux agriculteurs, au gouvernement et aux contribuables.


9761

Il est essentiel de se rappeler que les opérations de la commission sont financées par les agriculteurs, plutôt que le gouvernement, et que son capital de base ne lui vient pas non plus du gouvernement. Ainsi, il convient que la commission ait une certaine responsabilité à l'égard du gouvernement, mais c'est d'abord et avant tout aux producteurs d'orge et de blé de l'Ouest qu'elle doit rendre des comptes.

Je tiens également à souligner que la commission est déjà comptable envers le gouvernement du fait de tout un éventail de dispositions dans la Loi sur la Commission canadienne du blé, une loi distincte. En fait, les garanties établies en vertu de la loi sont pratiquement les mêmes que celles contenues dans la Loi sur la gestion des finances publiques. Je voudrais donc savoir à nouveau pourquoi on devrait les répéter.

Même si elles sont là, elles sont légèrement modifiées pour tenir compte de la nature unique des activités de la commission. Ainsi, la commission doit soumettre un rapport annuel au ministre le 31 mars au plus tard. Ce rapport annuel est déposé au Parlement.

Aux termes de la Loi sur la Commission canadienne du blé, la commission doit, chaque année, faire l'objet d'une vérification de la part d'une firme de l'extérieur, ainsi que tenir ses livres à jour. La Loi sur la Commission canadienne du blé accorde également des pouvoirs d'emprunt sous réserve de l'approbation du ministre des Finances. Dans tous ces exemples, les dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques sont pratiquement identiques.

Je pourrais continuer mais ce que je veux dire, essentiellement, c'est que ce n'est pas avec le projet de loi C-263 que nous examinons aujourd'hui que l'on rendra la Commission canadienne du blé plus responsable. La principale préoccupation du gouvernement pour ce qui est de l'obligation de rendre des comptes et du processus de présentation de rapports qui s'y rattache devrait tenir à la nécessité d'être informé des dépenses qu'il pourrait être appelé à faire.

Le gouvernement n'aura à faire de dépenses que s'il y a un déficit dans le compte de mise en commun, et il n'y aura de déficit dans le compte de mise en commun que si les acomptes à la livraison que la Commission canadienne du blé verse aux agriculteurs sont fixés ou portés à des niveaux supérieurs aux niveaux des ventes de blé et d'orge. Comme le gouvernement doit approuver le niveau des acomptes à la livraison, il dispose donc déjà d'une très bonne méthode de responsabilisation dans ce secteur également.

Le projet de loi est aussi inquiétant pour une autre raison: les activités de commercialisation de la Commission canadienne du blé sont de nature extrêmement confidentielle. À l'heure actuelle, la Commission canadienne du blé est tenue de rendre des comptes au ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire en vertu de la Loi sur la Commission canadienne du blé, ce qui assure la confidentialité requise.

Le choix du moment nous inquiète aussi, parce que le ministre a déjà annoncé son intention d'amorcer un processus d'examen rigoureux de tous les aspects de la mise en marché du grain de l'Ouest et de la Commission canadienne du blé. Chacun sait que les opinions sont diamétralement opposées à ce sujet et dans les deux dossiers. Les défenseurs des positions adverses ont déjà organisé des réunions, des rassemblements et des manifestations pour faire valoir leurs points.

Avant que le gouvernement ne prenne une décision au sujet de la commission, les agriculteurs ont le droit d'étudier attentivement la situation et ils doivent ensemble déterminer quelle est la meilleure solution pour leur industrie. Le projet de loi C-263 constitue une décision importante à cet égard. Son incidence sur la Commission canadienne du blé et les céréaliculteurs de l'Ouest pourrait être retentissante.

(1825)

Il est de notre devoir d'agir équitablement dans un forum ouvert et de consulter les agriculteurs avant de prendre une décision majeure concernant l'avenir de la Commission canadienne du blé.

Nous savons ce que veut la majorité des agriculteurs. Le gouvernement ne sera disposé à approuver des modifications à la loi actuelle que lorsqu'il aura acquis la certitude que la procédure utilisée pour obtenir le point de vue des agriculteurs est juste, impartiale et équitable et que les résultats obtenus correspondent à la volonté de la majorité.

En attendant, je demande aux députés de répondre clairement et énergiquement, au sujet du projet de loi C-263, que nous ne sommes pas prêts à apporter des changements majeurs sans en comprendre les conséquences, mais surtout sans avoir consulté ceux qui sont directement touchés, les agriculteurs des Prairies.

Il reste encore beaucoup de travail à faire et beaucoup de consultations à tenir avant de prendre une décision définitive au sujet de l'avenir de la commission.

C'est pourquoi je demande aux députés de ne pas appuyer les dispositions du projet de loi C-263 relatives à la Commission canadienne du blé.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, ce dont je veux parler, à propos du projet de loi C-263, c'est de la transparence et de la responsabilité financière qui devraient caractériser ces organismes. Je voudrais parler en particulier du CRDI. On confond souvent cet organisme avec l'ACDI, ce qui est une erreur.

Dans beaucoup de discussions auxquelles j'ai participé, les Canadiens ont parlé de l'ACDI. Ils critiquent son manque d'efficacité et veulent qu'elle ait davantage à rendre compte de ses actions. Toutefois, ils mettent le CRDI dans le même sac. C'est assez injuste.

Le projet de loi réclame la responsabilité financière. Je pense que cela ne peut que servir ces organismes, car les Canadiens veulent savoir s'ils obtiennent un bon rendement de leur argent.

En vertu du système actuel, le CRDI ne fait pas l'objet de vérifications comme les autres organes de gouvernement. Il ne suit pas toutes les dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques. Par suite, il arrive que les Canadiens ne sachent pas s'ils obtiennent un bon rendement de leur argent.

En ces temps de compressions et d'austérité budgétaires, il est facile d'être convaincu de l'utilité de mettre en place un système

9762

de vérification régulière et fiable. À cet égard, je sais que cette année le CRDI a établi un budget. J'ai parlé à cet organisme et j'en ai conclu qu'il était très bien géré. Je connais un député en face qui serait d'accord avec moi là-dessus.

Si ce projet de loi était approuvé, il faudrait que le CRDI et l'ACDI soient traités séparément. Si je relis mes notes, je constate que dans la plupart des cas, les gens du CRDI à qui j'ai parlé seraient totalement d'accord. C'est ce qu'ils m'ont dit en privé. C'est une société d'État qui n'est pas obligée de faire une vérification, mais qui le fait quand même parce que cela fait partie d'une bonne gestion et qu'elle veut être responsable.

Par ailleurs, nous avons aussi le public qui dit: «Cet organisme n'est pas différent. Il s'occupe d'aide ou quelque chose du genre. Comment allez-vous le traiter? Nous devrions peut-être lui imposer les mêmes règles qu'à l'ACDI.»

Comme je le disais, ce serait une erreur totale. C'est pourquoi je recommande vivement aux députés de lire cette mesure législative d'initiative parlementaire, de se pencher sur l'objet du projet de loi C-263 et sur le fait qu'il permettrait à cet organisme d'ouvrir ses livres, de les rendre publics, et de faire ainsi preuve de responsabilité et de transparence, conformément aux attentes des Canadiens.

(1830)

Évidemment, j'aurais voulu traiter de bien d'autres aspects encore, mais le temps me manque; je conclus donc en demandant aux députés de revoir leur position à l'égard du projet de loi C-263. En ce qui concerne le CRDI, je pense que tous les députés seraient disposés à appuyer une telle mesure.

Le président suppléant (M. Kilger): L'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée. Conformément à l'article 93 du Règlement, l'article retombe au bas de la liste de priorité du Feuilleton.

_____________________________________________


9762

MOTION D'AJOURNEMENT

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

LA FISCALITÉ

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président, il suffit de regarder les diverses émissions d'actualité à la télévision et d'être un tant soit peu au courant de ce qui se passe au pays pour se rendre compte qu'il y a un genre de révolte fiscale qui gronde.

Les contribuables ont été littéralement acculés au pied du mur par notre régime fiscal actuel qui ne mérite certes pas d'être qualifié de juste, équitable, équilibré et non discriminatoire. En effet, il établit une distinction injuste entre la petite et la grosse entreprise. Il a un préjugé contre le travailleur moyen, au profit de celui des paliers supérieurs de revenu ou du contribuable extrêmement riche.

La forme que cette révolte fiscale a prise est celle de l'économie clandestine, ou parallèle. Il n'y a probablement pas une seule personne au Canada qui ne contribue pas d'une façon ou d'une autre à l'économie clandestine, sauf vous peut-être, monsieur le Président, ainsi que certains de mes collègues qui se trouvent actuellement à la Chambre.

Qui ne fait jamais d'opérations «sous la table» ni de troc? C'est de plus en plus répandu. La valeur des opérations commerciales effectuées sur le marché parallèle serait de l'ordre de 40 à 120 millions de dollars par année. Cela rend, à toutes fins utiles, impossible le remboursement de la dette nationale, tant que la confiance dans notre système n'aura pas été rétablie.

Comment arrive-t-on à ces chiffres? Pour commencer, si l'on additionne toutes les exemptions fiscales, cela fait à peu près 36 millions de dollars par année. C'était dans les journaux hier. Le Trésor accuse donc un manque à gagner de 36 milliards par année à ce chapitre. Beaucoup d'exemptions sont légitimes, mais beaucoup d'autres se classent dans la catégorie des échappatoires fiscales. Je lève mon chapeau à mon ami, le ministre des Finances pour avoir reconnu publiquement il y a quelques jours que notre régime fiscal est criblé de brèches de ce genre qu'il faut colmater. Il a également déclaré que les échappatoires ne profitent pas aux pauvres. Il est évident qu'il veut dire par là qu'elles profitent aux riches.

Quand on visite les marinas de certaines villes portuaires canadiennes, tous ces gros yachts que l'on voit, ce sont, pour ainsi dire, des déductions fiscales flottantes. Je connais des gens qui déduisent le prix d'achat de leur bateau comme frais d'affaires à des fins de représentation. Les loges dans les stades de baseball et autres grands stades sont également déductibles de l'impôt. On apprend aujourd'hui dans les nouvelles que même les services d'accompagnement peuvent aussi l'être, si l'on change le nom du métier pour celui de guide touristique ou de garde du corps.

J'ai l'impression que nous allons recevoir un tas de demandes de déductions de la part de contribuables soucieux de divertir leurs clients. Nous constaterons également qu'il y a beaucoup de visites qui se font ou beaucoup de gardes du corps qui sont embauchés. Tout cela deviendra des déductions légitimes.

Revenu Canada diffusera bientôt une circulaire où il fera le point sur cette question et où il précisera que, tant que les accompagnateurs seront des guides touristiques ou des gardes du corps, leurs services pourront être déduits. Je pourrais vous donner bien d'autres exemples, mais j'imagine que nous connaissons tous les diverses formes que peuvent prendre les déductions d'impôt.

Je voudrais poser un ou deux questions sérieuses. Le Canada est l'un des rares pays de l'OCDE qui ne prélève pas de droits de succession. Lorsque mon collègue d'en face hérite deux ou trois millions de dollars, son héritage n'est pas imposable au Canada. Nous sommes presque le seul pays occidental qui ne prélève pas ce genre d'impôt.

9763

(1835)

Même les Américains doivent payer des droits de succession. Ils considèrent aussi les gains en capital comme n'importe quel autre revenu. Autrement dit, un dollar de gains en capital est imposé aux États-Unis comme un dollar de revenu ordinaire. Mais pas au Canada. Au Canada, un dollar de gains en capital ne vaut que 75c. aux fins de l'impôt sur le revenu.

Encore une fois, le Canada est l'un des rares pays de l'OCDE à accorder automatiquement un allégement fiscal de 25 p. 100 sur tout revenu de gains en capital.

Je le répète, pourquoi accorder un allégement fiscal aux contribuables qui tirent leur revenu de gains en capital et non à ceux qui travaillent dans une station de radio, une manufacture ou une usine? Pourquoi distinguer entre ces deux genres de revenu? Pourquoi laisser des gens hériter d'énormes sommes d'argent sans même leur faire payer un sou d'impôt là-dessus? Je le répète, le Canada est un des rares pays au monde à faire cela.

Je pourrais aussi poser des questions au sujet de la disposition relative aux fiducies familiales. La pire des échappatoires fiscales. Je crois que tout le monde s'entend maintenant pour dire que s'il y a une disposition fiscale qui devrait être supprimée dans le prochain budget, c'est cette histoire de fiducies familiales. D'après les fiscalistes, cette disposition visait juste à protéger les familles canadiennes les plus riches. Faut-il que nous ayons une disposition fiscale spéciale, nous coûtant des centaines de millions de dollars, pour rendre la vie plus facile aux plus riches des Canadiens? Je crois que non.

Nous allons surveiller de très près le budget que le ministre des Finances va présenter dans quelques jours pour voir s'il supprimera du système la plus grande des échappatoires, la pire des échappatoires. S'il fait cela, alors, je crois que nous pourrons légitimement dire qu'il y a un certain équilibre dans son budget.

Par exemple, pourquoi n'imposerait-il pas les successions? Et je ne parle pas des fermes, des petites entreprises ou des maisons qui constituent un patrimoine familial, mais des legs de un, deux, trois, cinq ou 10 millions de dollars? Ces patrimoines sont imposés dans presque tous les autres pays occidentaux, mais pas au Canada.

Il y a toute une série de questions à poser sur les échappatoires. Je suis très heureux de constater que le ministre des Finances en a enfin pris conscience. Nous examinerons de très près les mesures qu'il prendra pour éliminer certaines de ces échappatoires et tenter de rendre le régime fiscal un peu plus juste.

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'essayer de répondre aux propos très verbeux du député de Kamloops. Le député, qui affectionne particulièrement l'hyperbole, a décrit de façon très exagérée les failles du régime fiscal canadien. Je suis certain qu'il l'a fait pour impressionner ses téléspectateurs à Kamloops.

On aurait cru entendre le premier ministre de l'Ontario lorsqu'il était dans l'opposition. Et nous avons tous remarqué comment ce dernier a changé de ton depuis qu'il fait partie du gouvernement. Évidemment, il a fait les pires ravages que nous ayons jamais vus de la part d'un gouvernement provincial. Je crois bien que le député de Kamloops serait d'accord avec moi s'il habitait en Ontario. Comme ce n'est pas le cas, il a raté certains des pires aspects du règne néo-démocrate dans notre province.

Les contribuables ontariens se plaignent des impôts élevés qu'ils doivent payer. Ce dont ils ne se rendent pas tout à fait compte, c'est que le gouvernement provincial les a taxés sans vergogne, en dépit d'un déficit massif et de son incapacité totale à gérer l'économie de la province.

Je suis d'accord avec mon collègue lorsqu'il affirme qu'un régime fiscal ne peut être équitable que si chacun paie sa juste part. Lorsqu'une minorité de contribuables parvient à échapper à cette obligation, c'est toute la légitimité du système qui est remise en cause.

Comme le député de Kamloops, le ministre des Finances et, bien entendu, tous les députés de son caucus tiennent à rétablir l'équité du régime fiscal. Le gouvernement a déjà pris des mesures en ce sens. Il l'a fait dans le dernier budget.

Je n'ai pas vu le député de Kamloops applaudir le ministre des Finances le jour où il a déposé le dernier budget. Je suis désolé qu'il ne l'ait pas fait. Je puis vous dire sans me tromper, monsieur le Président, et je sais que vous serez d'accord avec moi, qu'aucun de nous n'a jamais vu le député de Kamloops applaudir un budget à la Chambre.

Il y a de bonnes raisons à cela. Aucun des budgets n'a jamais été un budget du NPD. S'il y en avait eu, il les aurait sans nul doute applaudis, mais quel que soit l'autre parti qui présente le budget, même un budget irréprochable, le député dira que ce budget n'est pas équitable. Il ne parle pas des budgets de Bob Rae. S'il le faisait, il se plaindrait probablement de leur manque d'équité. Je suis désolé de ne pas pouvoir connaître ses pensées là-dessus ce soir.

Je veux rappeler, à titre d'exemple, certains éléments du budget de l'an dernier.

Le ministre des Finances a éliminé l'exonération cumulative de 100 000 $ des gains en capital, que le gouvernement précédent avait adoptée et qui profitait presque exclusivement aux contribuables à revenu élevé. La déduction pour repas d'affaires et frais de représentation a été réduite de 80 à 50 p. 100. C'est un autre élément qui était à l'avantage des contribuables à l'aise. Les grandes sociétés privées détenues par des intérêts canadiens ne sont plus admissibles aux déductions accordées aux petites entreprises, ce qui est avantageux pour ces dernières et que le député de Kamloops a oublié de souligner. Je pense que c'est important.

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On reconnaît que le régime fiscal doit être plus simple et plus équitable. Le ministre des Finances a dit à plusieurs reprises que son budget sera juste et qu'il tâchera de réduire les injustices de notre régime fiscal.

Je suis sûr que le député de Kamloops applaudira le ministre, après l'exposé budgétaire, et qu'il le remerciera pour le grand service qu'il rend aux Canadiens.

Le président suppléant (M. Kilger): La motion d'ajournement de la Chambre est adoptée d'office conformément à l'article 38 du Règlement.

Par conséquent, la Chambre s'ajourne à 10 heures demain, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 40.)