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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 3 novembre 1999

• 1535

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Bonjour. La séance est ouverte. Je souhaite la bienvenue à toutes les personnes ici présentes cet après-midi alors que nous allons entendre des témoins conformément au mandat de notre comité permanent.

Vous n'ignorez pas que nous avons repris hier nos consultations prébudgétaires. Le ministre des Finances nous a présenté à London une mise à jour économique et financière pour l'année 1999. Vous le savez, ces consultations prébudgétaires doivent nous permettre de savoir quels sont les priorités et les points de vue de la population canadienne concernant la façon d'affecter les excédents budgétaires prévus pour les cinq prochaines années.

Cela nous donnera par la même occasion la possibilité de faire des recommandations au ministre des Finances en prévision du budget 2000, qui sera le premier budget du millénaire. Pour cette simple raison, il aura une dimension historique et nous devons absolument considérer ces consultations comme un pas important pour l'avenir des Canadiens.

Voici la liste des organisations qui vont témoigner, suivies du nom de leurs représentants: pour représenter la Fédération canadienne de l'agriculture, nous avons son président, Bob Friesen et sa directrice générale, Sally Rutherford. Pour représenter l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques, nous avons Richard Paton, son président-directeur général, et David J. Shearing, son directeur principal, développement économique. Au nom de l'Institut pour la protection des cultures, nous allons entendre Charles D. Milne, son vice-président aux affaires gouvernementales. Pour représenter la Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Canada, nous avons son président, Jim Facette et son chef du conseil d'administration, John D. Redfern. Pour représenter l'Association canadienne de la construction, nous accueillons son président, M. Michael Butt; son président des finances, Katia Strongolos, ainsi que M. Michael Atkinson.

Vous savez probablement que vous disposez de sept à dix minutes pour faire votre exposé. Nous passerons ensuite aux questions.

Le premier exposé va être présenté par M. Bob Friesen, qui représente la Fédération canadienne de l'agriculture. Soyez le bienvenu.

M. Bob Friesen (président, Fédération canadienne de l'agriculture): Merci, monsieur le président. Merci de votre invitation. C'est avec plaisir que je vous ai entendu dire au début de votre intervention que vous envisagiez un excédent budgétaire de 95 milliards de dollars, parce que la Fédération canadienne de l'agriculture ne manque pas d'idées sur la façon dont on pourrait les dépenser.

Vous savez certainement que la Fédération canadienne de l'agriculture représente quelque 200 000 agriculteurs à l'échelle du Canada. La diversité est considérable en notre sein que ce soit sur le plan de la production agricole ou de la géographie, de sorte qu'il nous est toujours très difficile d'arrêter une politique agricole, mais j'ai le plaisir de vous annoncer que nos membres font de leur mieux pour parvenir à un consensus et présenter des projets très structurés en matière de politiques agricoles.

Nous vous avons présenté un mémoire, et vous pouvez prendre connaissance en le lisant d'un certain nombre de nos projets visant à remettre entre les mains des producteurs davantage d'argent d'une façon que je juge assez novatrice. Nous parlons dans ce mémoire de l'indemnisation des dégâts causés aux récoltes. Nous parlons des crédits d'impôt à la recherche. Nous parlons des déductions pour amortissement liées aux mesures environnementales. Nous parlons de la taxe sur les émissions de gaz carbonique, qui ne devrait pas à notre avis être imposée aux agriculteurs tant que les pays qui sont nos concurrents directs n'en font pas autant. Nous parlons de l'exonération des gains en capital, qui est d'une grande importance pour les agriculteurs, surtout à une époque comme la nôtre où la vente des produits agricoles procure bien peu d'argent et où la seule augmentation de richesse qu'enregistre l'agriculteur correspond éventuellement à une augmentation de la valeur de sa ferme. Nous évoquons aussi les questions des REER, de la réforme de la TPS et des garderies.

Ces grands thèmes ayant été évoqués très rapidement, je vous invite à lire très attentivement notre mémoire et à bien prendre en compte ces différents projets, mais auparavant je tiens absolument à consacrer ce qui me reste des sept minutes qui me sont imparties à vous parler des revenus agricoles et de la crise qui les touche.

• 1540

Vous n'ignorez certainement pas que les quatre facteurs qui ont créé la terrible situation dans laquelle se trouvent les agriculteurs aujourd'hui sont les suivants.

Tout d'abord, les aides agricoles ont diminué de 60 p. 100. Considérez les chiffres. En 1992, les agriculteurs recevaient 3,7 milliards de dollars. En 1998, même en tenant compte du programme d'aide en cas de catastrophe des revenus agricoles, le montant de l'aide se situait entre 1,2 et 1,3 milliard de dollars. Faites le calcul, vous verrez que sur les sept dernières années, ce sont quelque 14 ou 15 milliards de dollars que la réduction du déficit a coûté aux exploitations agricoles. Il faut qu'on leur en restitue une partie.

Il y a eu un deuxième facteur, qui est la baisse de 40 à 60 p. 100 du prix de certaines denrées.

Le coût des facteurs de production des exploitations agricoles a progressé. Cela englobe, bien entendu, une augmentation de 28 p. 100 du recouvrement des coûts subie par les agriculteurs ces dernières années.

Il y a eu aussi, bien évidemment, les catastrophes naturelles que l'on a enregistré au Canada, qu'il s'agisse de la grêle ayant touché les pomiculteurs de la Colombie-Britannique, des inondations au Manitoba et en Saskatchewan, de la sécheresse dans la vallée de l'Annapolis ou d'autres caprices de la nature dans différentes régions.

Ce sont là les quatre facteurs que les agriculteurs peuvent le moins contrôler et c'est pourquoi ils se sentent si impuissants. Il y a aussi les facteurs qui risquent d'entraîner une désintégration de l'infrastructure agricole, du milieu rural et des campagnes.

Le pays s'est doté d'une Équipe Canada chargée de développer les marchés à l'exportation et d'augmenter la production intérieure, et nous estimons que le moment est venu de nous doter d'une Équipe Canada chargée d'aider les agriculteurs à traverser cette phase particulièrement critique. La situation financière de certains de nos agriculteurs s'apparente aujourd'hui à celle qu'on a connue lors de la grande dépression des années 30. De toute évidence, il nous faut faire quelque chose.

Vous n'ignorez certainement pas que notre pays s'est doté il y a quelque temps d'un programme d'aide en cas de catastrophe des revenus agricoles. Vous savez aussi probablement que nous avons présenté des recommandations au ministre de l'Agriculture de façon à obtenir de très importantes modifications à ce programme. Nous n'avons aucune raison de penser que le Cabinet ne nous donnera pas satisfaction, car nous sommes convaincus qu'il est sensible au triste sort qu'il est fait aux agriculteurs, qu'il comprend leur situation et qu'il viendra à leur rescousse.

Il n'en reste pas moins qu'au bout du compte, même si l'on apporte des modifications très importantes à la conception de l'ACRA, modifications qui nous apparaissent indispensables, et même si l'on trouve suffisamment d'argent pour payer les factures de 1998 et de 1999, il y aura encore des producteurs qui seront laissés pour compte. Il faudra alors qu'à ce moment-là les gouvernements prennent la peine de répertorier cette catégorie de producteurs et s'assurent qu'eux aussi bénéficient d'une indemnisation suffisante.

Vous avez pris connaissance de nombreux chiffres qui ont été avancés ces deux derniers jours, et en fait toute la dernière semaine, et nous avons aujourd'hui de nouvelles prévisions de revenu. Nous considérons qu'il ne faut pas que le gouvernement perde son temps en vaines polémiques au sujet de ces chiffres. Il doit consacrer tout son temps et toute son énergie à la recherche de solutions.

Nous avons proposé certaines solutions et nous continuerons à nous attacher en priorité aux solutions plutôt qu'aux chiffres. Ces chiffres ne sont que des ajustements comptables qui consistent à déplacer les stocks, à diminuer les frais et à augmenter les revenus pour 1999 pour ensuite diminuer les revenus prévus et augmenter les frais pour l'an 2000. L'année 1999 apparaît ainsi sous un jour plus favorable, mais l'année 2000 apparaît pire que prévu. Nous devons nous en tenir aux vraies questions et aux véritables solutions.

La question des transports qui s'est posée dans l'Ouest nous montre bien ce que l'on pourrait faire pour aider les agriculteurs sans verser de crédits supplémentaires dans le cadre des programmes de protection. On réalise à l'heure actuelle 180 millions de dollars de gains de rendement dans les chemins de fer qui devraient être reversés aux agriculteurs. Si ces 180 millions de dollars revenaient aux producteurs de l'Ouest au titre du transport de leurs céréales destinées à l'exportation, c'est autant d'argent que l'on n'aurait pas à leur verser à l'avenir dans le cadre des programmes de protection des revenus. Ce n'est là qu'un exemple.

Dans le cadre des programmes de protection des revenus à long terme, il faut que notre gouvernement ait confiance dans l'agriculture. Il faut qu'il verse suffisamment d'argent au titre de ces programmes pour aider nos agriculteurs.

Vous allez me poser la question, pourquoi toute cette aide?

Tout d'abord, nous avons besoin de fournir cette aide parce que nos agriculteurs sont aujourd'hui plus vulnérables que jamais, surtout avec le développement des exportations. À l'heure actuelle, nos agriculteurs exercent essentiellement leur concurrence sur le marché mondial aux prix mondiaux. Ils en sont devenus d'autant plus vulnérables et cela a entraîné une plus grande fluctuation de leur revenu.

• 1545

Ensuite, si les agriculteurs se retrouvent à nouveau dans la même situation qu'aujourd'hui, les retombées seront bien pires qu'une simple disparition des exploitations agricoles. Nous verrons disparaître des petites entreprises dans nos campagnes, nous y perdrons des employés et, de manière générale, notre infrastructure rurale en souffrira, ce qui est tout aussi grave. Ce ne sont pas les agriculteurs mis en faillite qui font vivre les petites épiceries ou qui construisent des hôtels de ville. L'enjeu est important là aussi.

Le secteur agricole et agroalimentaire canadien a un chiffre d'affaires annuel de 85 milliards de dollars, soit près de 9 p. 100 du PIB. C'est suffisamment important pour que l'on s'y intéresse de près. Si nos exploitations agricoles fermaient leurs portes, nous perdrions le bénéfice de ces 85 milliards de dollars.

En troisième lieu, nos producteurs sont de plus en plus en concurrence avec les trésors publics d'autres pays. Il faut que les aides nationales soient équitables. Le gouvernement se doit d'harmoniser sa politique financière avec sa politique commerciale. S'il accepte que d'autres pays accordent des aides nationales en toute impunité, il faut que notre gouvernement fournisse lui aussi ce genre de crédits.

Nous nous penchons sur l'avenir d'un secteur de l'agroalimentaire d'une valeur de 85 milliards de dollars, mais surtout, nous nous penchons sur l'avenir de l'économie rurale et du monde rural. C'est pourquoi il est très important que le gouvernement se dote d'une Équipe Canada chargée d'aider nos agriculteurs dans cette passe très difficile.

Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Friesen.

Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques, Richard Paton, son président-directeur général, et David J. Shearing.

Soyez les bienvenus.

M. Richard Paton (président-directeur général, Association canadienne des fabricants de produits chimiques): Merci, monsieur le président, de nous avoir invités à prendre la parole ici.

J'aimerais tout d'abord faire mes compliments au comité car j'ai eu l'occasion de lire l'année dernière son rapport sur la productivité, qui était de grande qualité et qui nous donnait un très bon aperçu de la façon dont on pouvait envisager notre budget et l'orientation de l'économie.

Avec la présentation budgétaire faite hier par M. Martin, votre comité a la chance historique de pouvoir discuter de toute l'orientation que va prendre la gestion des excédents à l'avenir, ce qui aura des répercussions importantes sur le programme de votre gouvernement, sur ses dépenses d'ensemble, et surtout sur le développement économique de notre pays.

Je vous ai vu nombreux hier qui écoutiez cette déclaration à la télévision. J'étais devant mon poste en tant que simple téléspectateur. J'avais déjà une déclaration toute prête et je me suis dit: «Que vais-je bien pouvoir en faire?», parce que j'entendais M. Martin faire de nombreuses observations intéressantes. Je vais donc vous exposer la situation de notre secteur dans ses grandes lignes mais aussi commenter cette déclaration en partant du point de vue de notre secteur.

Pour commencer, notre secteur regroupe 75 entreprises dans tout le Canada. Certains des membres de votre comité—MM. Cullen, Gallaway et Monte Solberg—les connaissent très bien, mais ce n'est peut-être pas le cas pour tout le monde. Notre chiffre d'affaires annuel est d'environ 15 milliards de dollars au sein d'une industrie chimique plus large, dont le chiffre d'affaires est de quelque 30 milliards de dollars. Nos entreprises sont implantées sur 160 sites et dans plus de 100 localités du pays.

Nous sommes ce que l'on peut appeler une industrie clé, en ce sens qu'elle est fortement axée sur les connaissances. De toutes les industries chimiques, c'est probablement celle qui est le plus axée sur les connaissances au sein de l'OCDE.

Nous sommes très fortement tributaires de la R-D des produits. Nombre de nos produits, comme le nylon et bien d'autres parmi ceux que nous utilisons, sont le fruit des recherches effectuées il y a 10 ou 20 ans.

Notre rôle est crucial pour tous les secteurs de l'économie. Nous fabriquons les produits qui entrent dans la fabrication des automobiles, les textiles, des produits de consommation et des pâtes et papiers, ce qui fait aussi intervenir les transports routiers et ferroviaires. Nous jouons un rôle clé dans l'économie et nous faisons partie des secteurs que M. Martin a qualifié de secteurs d'innovation. C'est dans ce cadre que se situent certaines de mes observations.

Vous trouverez une documentation dans un beau classeur bleu qui fait état de nos réalisations en matière de compétitivité et qui analyse les points faibles, les points forts et les éléments neutres de chacun des secteurs de notre industrie au sein de l'économie canadienne et en relation avec le gouvernement canadien.

Vous y trouverez un document qualifié de document «clé». Vous verrez par ailleurs dans ce document que nous considérons être l'un des chefs de file dans le monde pour ce qui est des responsabilités vis-à-vis de l'environnement après l'adoption de ce que nous avons qualifié de programme de gestion responsable, qui a été adopté par 45 pays.

• 1550

Nous oeuvrons constamment en collaboration avec le gouvernement pour nous assurer que le régime de réglementation en place est propre à améliorer notre rendement à la fois sur le plan écologique et économique. Nous considérons que tout le monde y gagnera si les gouvernements adoptent des lois et des politiques mesurées et se dotent d'un cadre de réglementation assurant un équilibre en fonction du rendement économique.

C'est dans ce cadre que je vais commenter l'exposé de M. Martin.

Tout d'abord, nous avons été très satisfaits de voir que le ministre soulignait l'importance de la réduction de la dette et de constater que la gestion financière était considérée comme un pilier important de la croissance économique. Notre secteur ne peut pas manquer d'être d'accord. Je pense qu'il serait surprenant qu'un seul secteur économique puisse être en désaccord.

Nous sommes d'accord avec le ministre pour dire que le fardeau de la dette doit être allégé, aussi bien en chiffres absolus qu'en pourcentage du PIB. M. Martin a indiqué clairement qu'il fallait que la dette continue à baisser d'une année sur l'autre.

Toutefois, on ne nous a pas encore présenté de plan de réduction de la dette. Étant donné que selon ce qu'a déclaré le ministre, sur chaque dollar de dépenses fédérales, 27c. correspondent au remboursement de la dette, nous estimons, même si ce chiffre est moins élevé qu'auparavant, qu'il convient dans le prochain budget de nous doter d'un plan précisant clairement de quelle façon nous comptons abaisser le niveau de la dette. Il est probable qu'il faudrait le ramener au-dessous de 50 p. 100 du PIB.

En second lieu, c'est aussi avec satisfaction que nous avons constaté que l'on mettait fortement l'accent sur la réduction des impôts. C'est avec une satisfaction particulière que j'ai entendu dire au ministre qu'il allait s'attaquer à la réduction des impôts avec le même zèle qu'il a entrepris de réduire le déficit. J'ai oeuvré au sein du gouvernement en tant que membre du Conseil du Trésor pendant la période au cours de laquelle nous avons réduit le déficit et je sais avec quel zèle nous nous sommes attelés à cette tâche à l'époque.

Nous sommes aussi très heureux de constater que le ministre a jugé importante la réforme de l'impôt sur les entreprises. Je ne me souviens pas qu'une telle déclaration ait été faite depuis deux ans. En dépit du rapport Mintz, il semble que la réforme de l'impôt sur les entreprises ait été perdue de vue du fait de la nécessité de réduire l'impôt général sur le revenu pour les catégories des revenus faibles et moyens.

Bien d'autres propositions excellentes ont été faites en matière de réduction d'impôt par la Chambre de commerce et d'autres intervenants. Je considère qu'elles sont très sensées et qu'elles méritent d'être étudiées sérieusement. Le CCCE a lui aussi fait un excellent travail à ce sujet.

Notre association considère qu'il est temps de se résoudre délibérément à réduire les impôts. La fiscalité élevée gêne l'innovation et la productivité et pose de gros problèmes aux entreprises qui cherchent à garder leur personnel et à attirer des gens prêts à travailler au Canada.

Mesdames et messieurs les députés, voilà trois fois, je pense, que je comparais devant votre comité et, à ma connaissance, l'ACFPC n'avait encore jamais parlé de l'impôt sur le revenu des particuliers. Ce n'était pas un problème pour nous.

Toutefois, nous constatons aujourd'hui qu'il est très difficile de garder nos employés au Canada ou de les rapatrier. Je discutais l'autre jour avec un dirigeant d'entreprise qui m'a dit: «Richard, les gens que nous aurons le plus de mal à faire travailler chez nous sont les anciens résidents canadiens; ils ne reviendront pas.» Ils connaissent notre fiscalité. Ils ne reviendront pas pour travailler dans nos entreprises. Nous sommes des sociétés mondialisées; nous avons besoin que les gens se déplacent. C'est un problème très difficile pour nous tous.

Donc, en dépit des bonnes paroles concernant la réduction de la fiscalité et, on peut l'espérer, du fait que l'on va s'atteler à cette tâche avec le même zèle que pour la réduction du déficit, pour l'instant, nous n'avons encore rien vu venir. Le gouvernement s'est payé de mots, mais il n'en a pas moins conservé la surtaxe de 5 p. 100. Il n'a pas remédié au problème de l'indexation, de sorte que les recettes fiscales continuent à augmenter avec les revenus. Il a réduit l'AC très progressivement tout en augmentant les taux de cotisation au RPC. Je ne suis donc pas sûr que les Canadiens aient véritablement constaté un grand changement dans leur fiscalité—et ce n'est certainement pas le cas pour ce qui est du montant effectif de leur paie hebdomadaire. Il est grand temps d'envisager sérieusement une réduction d'impôt.

Dans le cadre de la réforme fiscale, il nous apparaît que la réforme de l'impôt sur les entreprises doit suivre celle de l'impôt sur les particuliers, et nous aimerions que l'on nous dise clairement dans ce budget ce que le gouvernement entend faire pour réformer la fiscalité des entreprises et les moyens qu'il compte employer pour ce faire. Sans que l'on entre nécessairement dans tous les détails, nous aimerions que l'on prenne des engagements clairs et qu'éventuellement le budget 2001 se fixe comme objectif une certaine réforme de l'impôt sur les entreprises.

Nous sommes convaincus que la réforme de l'impôt sur les entreprises n'est pas un «avantage» pour les sociétés. J'ai aujourd'hui à mes côtés Dave Shearing, avec lequel nous avons procédé à de nombreuses simulations fiscales en compagnie d'autres associations. Non seulement une réforme de la fiscalité des entreprises donnerait naissance à une économie plus productive et davantage concurrentielle, mais il est probable en outre qu'elle donnerait lieu à davantage de croissance et d'emplois dont profiterait la population canadienne.

• 1555

Je pense donc que le gouvernement, l'économie et la population canadienne ont tout à y gagner. La réduction de la dette, couplée à une réforme de l'impôt sur les particuliers, renforcerait la confiance des investisseurs et assurerait le maintien de faibles taux d'intérêt. La réforme de la fiscalité des entreprises attirerait les investissements, créerait des emplois et nous aiderait à être concurrentiels.

Il y a un certain nombre de choses dont je n'ai pas entendu parler dans l'exposé d'hier. Cela m'a inquiété. Je sais que Charles Milne, qui est ici présent, vous parlera lui aussi de l'une d'entre elles. Je n'ai pas entendu dire un mot de la réforme de la réglementation ni du recouvrement des coûts.

Certes, j'ai bien vu le mot «réglementation» dans les diapositives, mais ce mot ne figurait pas dans le texte. J'espère que cela n'est pas le signe de l'importance que l'on accorde à la chose. Je dois avouer cependant que c'est la première fois depuis un certain nombre de budgets que j'entends parler de réforme de la réglementation et c'est donc avec plaisir que j'ai vu au moins mentionner la chose, même si ce n'était que dans les diapositives.

Notre secteur étant axé sur l'innovation et sur la connaissance et étant donné que nous avons affaire à de grandes industries qui font d'énormes investissements et qui traitent de questions environnementales complexes, nombre de nos activités sont visées par la réglementation. Nous sortons d'un débat extrêmement difficile au sujet de la LCPE. La question des changements climatiques est tout à fait d'actualité dans notre secteur. Il y a aussi de nombreuses questions liées à la santé. De toute part, on presse le gouvernement d'intervenir davantage: d'imposer plus de normes, de lois et de règlements.

Si le gouvernement n'y prend garde, alors même qu'il injecte des crédits ou qu'il subventionne des investissements dans des secteurs comme la R-D, s'efforçant d'améliorer la qualification de notre population et de faire le nécessaire pour réduire les impôts et la dette, il va multiplier les réglementations, qui bloquent l'innovation, la productivité, la croissance et l'investissement. Je considère donc qu'il est très important que le gouvernement accorde la même priorité à la réforme de la réglementation que celle qu'il a accordée à d'autres secteurs.

Certains d'entre vous se rappelleront peut-être qu'en 1992 le ministre de l'époque, M. Mazankowski, avait annoncé un certain nombre de révisions de la réglementation. Votre comité avait réexaminé en détail les questions de la compétitivité et de la réglementation et présenté quelques excellentes recommandations. Là encore, il faudrait peut-être que votre comité se penche sur la question. Ce serait certainement aussi une très bonne chose que le gouvernement s'y intéresse davantage.

Il en est de même du recouvrement des coûts. C'est une question qui préoccupe beaucoup les entreprises. Je pense que vous allez entendre tout à l'heure à ce sujet la coalition qui l'a étudiée en profondeur. Avec Charlie, je suis membre de cette coalition.

La question du recouvrement des coûts préoccupe sérieusement les entreprises. Ce n'est pas parce que nous ne voulons pas les payer; c'est parce que la façon dont la politique est mise en oeuvre a des conséquences très pernicieuses sur l'innovation, l'investissement et l'emploi.

Je vais vous donner rapidement quelques chiffres. À l'heure actuelle, on parle de quelque 1,67 milliard de dollars au titre du recouvrement des coûts pour les entreprises. Nous avons procédé à une étude indépendante approfondie. Nous estimons que les retombées de ce coût sur la production économique sont de 2,6 milliards de dollars. Cela entraîne une diminution de 1,37 milliard de dollars du PIB et une perte de 23 000 emplois. Tout cela en contrepartie de recettes nettes de 270 millions de dollars pour le gouvernement. Autrement dit, le recouvrement des coûts se fait à perte pour le gouvernement. Nous disposons des modèles correspondants et la coalition vous démontrera que cette analyse de la situation est juste.

Pourtant, rien n'a été dit dans le dernier budget du recouvrement des coûts. Le ministre chargé du Conseil du Trésor à l'époque, M. Massé, nous avait promis que l'on procéderait à une étude et à un réexamen. Aucun réexamen n'a été effectué ni entrepris. Aucun consultant n'a été engagé. Rien n'a été fait au sujet du recouvrement des coûts, absolument rien, ce qui me fait penser que soit le Conseil du Trésor, soit le gouvernement, se désintéresse de la question. Je ne cesse pas de m'étonner qu'une question qui revêt une telle importance pour les entreprises, qui remet en cause l'innovation et l'emploi et qui rapporte si peu d'argent au budget, fasse l'objet d'un tel manque d'intérêt de la part du gouvernement.

Il est probable que la situation ne changera que si votre comité envoie un message très clair au gouvernement. À mon avis, c'est uniquement si l'on mentionne expressément dans le budget que la question va être réexaminée et que l'on s'engage à faire quelque chose qu'il y a quelque espoir de voir la question être réglée un jour.

Pour finir, je considère que le cadre d'intervention présenté hier par M. Martin est très équilibré. Notre secteur n'en continue pas moins à s'inquiéter au sujet des dépenses. Nous entendons parler de nombreux projets—y compris de la part de certains intervenants qui sont ici aujourd'hui—réclamant davantage de dépenses, ce qui pourrait vite nous replonger dans la même situation qu'en 1994, ce que l'on veut éviter.

• 1600

Je demanderai au comité d'appliquer une règle de base chaque fois qu'on lui présente un projet de dépenses. En réduisant la dette, on obtient un rendement automatique sur son investissement, comme le prouve le fait aujourd'hui que 27c, sur chaque dollar de notre budget, correspondent au service de la dette, contre 30c. environ auparavant. C'est là un rendement immédiat sur notre investissement qui profite aux Canadiens. Si l'on réduit les impôts, je pense que l'on obtient aussi un rendement sur son investissement. Il en résultera davantage de croissance, plus d'innovation et un plus grand nombre d'investissements. Toutes les dépenses que nous engageons, quel que soit leur intérêt, doivent dans une certaine mesure se conformer à ces critères rigoureux. Il nous faut nous demander sérieusement si ces dépenses procurent le même rendement qu'une réduction de la dette ou des impôts.

Il est très facile pour les gouvernements—je le sais, j'ai travaillé pour le gouvernement pendant 23 ans—de donner satisfaction aux nombreux groupes qui veulent que l'on dépense davantage d'argent, mais très rapidement ces dépenses nous placent d'elles-mêmes dans une situation qui fait que notre économie n'innove plus, ne produit plus, les recettes fiscales étant loin d'être assurées parce que plus personne ne travaille ou parce que les gens n'ont plus d'argent à dépenser.

Je vous invite donc à réexaminer d'un oeil critique le projet présenté par M. Martin, qui comporte à mon avis un certain nombre de points très positifs, mais qui a aussi certaines lacunes. Il y a des lacunes sur les questions du recouvrement des coûts et de la réforme de la réglementation, et j'aimerais qu'on nous présente un plan de réduction de la dette ainsi qu'un plan résolu et déterminé de réduction des impôts.

Je vous remercie.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant entendre M. Charles Milne, qui représente l'Institut pour la protection des cultures.

M. Charles D. Milne (vice-président, Affaires gouvernementales, Institut pour la protection des cultures): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.

L'Institut pour la protection des cultures se félicite de pouvoir témoigner aujourd'hui devant votre comité. Je dois vous dire que le texte de mon discours que je vous ai distribué aujourd'hui s'écarte quelque peu du mémoire que vous avez dû recevoir un peu plus tôt. Nous exposons plus en détail certaines questions que j'ai abordées dans mon mémoire et je vous exposerai par ailleurs dans ses grandes lignes le problème du recouvrement des coûts qu'a mentionné Richard Paton.

Je vais vous dire en quelques mots qui nous sommes. L'Institut pour la protection des cultures est une association commerciale à but non lucratif qui représente les concepteurs, les fabricants et les distributeurs des procédés scientifiques relatifs à la vie végétale ayant des applications dans les secteurs de l'agriculture, de l'exploitation forestière et de la lutte antiparasitaire. Notre institut, qui a été créé en 1952, est considéré comme le porte- parole de notre industrie et comme une source d'information sur les produits destinés à la protection des cultures.

Le chiffre d'affaires de notre secteur s'élève à environ 1,4 milliard de dollars au Canada. Nos membres tirent partie des connaissances scientifiques dans le secteur traditionnel de la chimie ainsi qu'en biotechnologie pour concevoir les produits qu'ils fabriquent et qu'ils vendent. Notre secteur met des techniques de protection des cultures à la disposition des agriculteurs canadiens. L'accès aux nouvelles techniques qui font leur apparition est fondamental si l'on veut améliorer la production agricole. La clé, si l'on veut pouvoir accéder aux nouvelles techniques, c'est de disposer d'un mécanisme de réglementation adapté et efficace.

Nous sommes un secteur fortement réglementé. Les membres de l'institut ont directement participé au recouvrement des coûts en 1995, date à laquelle la réglementation de notre industrie a été regroupée sous l'égide de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire créée au sein de Santé Canada. Notre secteur a reconnu que le principe du recouvrement des coûts, même si cela représentait un changement important et coûteux, s'imposait comme une nouvelle réalité de l'époque. Toutefois, lorsqu'on verse de l'argent, on s'attend à un certain résultat. Pour l'instant, notre secteur constate que le recouvrement des coûts ne donne pas les résultats prévus.

Je considère cependant qu'il y a là un objectif que l'on peut atteindre. Comme l'a souligné le dernier discours du Trône et comme l'a rappelé hier le ministre des Finances dans sa mise à jour, la priorité est d'attirer les investissements en R-D. On peut y parvenir en garantissant l'excellence des mécanismes de réglementation du Canada. En nous dotant de la réglementation la plus respectée et la plus efficace au monde, nous attirerons les promoteurs des techniques de pointe. D'autres pays, de par leur taille, feront toujours de l'ombre aux marchés canadiens, mais le Canada pourrait devenir un centre de découvertes mondiales s'il prenait l'initiative de mettre en place des mécanismes d'enregistrement rapide des techniques qui soient respectés dans le monde entier.

Notre secteur s'est regroupé avec d'autres en fonction d'intérêts communs—ce que Richard a mentionné un peu plus tôt. Nous avons été guidés par la volonté d'améliorer l'application du recouvrement des coûts au sein du gouvernement fédéral. Nous avons créé un forum ayant pris le nom de Coalition des entreprises pour le recouvrement des coûts, qui regroupe diverses entreprises et associations industrielles canadiennes bien connues.

• 1605

Au début de l'année, le forum a produit une étude très complète de l'application de la politique de recouvrement des coûts par le gouvernement fédéral. Vous devez être nombreux à la connaître. Elle s'intitule: Where Does the Buck Stop?. Cette étude pose à la base le principe que dans leur majorité, les entreprises canadiennes acceptent de payer au titre du recouvrement des coûts des frais raisonnables étant entendu qu'elles reçoivent quelque chose en contrepartie de cet argent, que le régime est équitable, que le gouvernement s'engage à améliorer les services et que des mécanismes appropriés soient en place pour garantir la responsabilité et la transparence du système.

En réponse à cette étude, comme l'a indiqué Richard Paton, le président du Conseil du Trésor nous a écrit en février dernier pour nous dire que le gouvernement, sous la direction du Conseil du Trésor, allait procéder à un réexamen de la politique de recouvrement des coûts en vue d'apporter les correctifs nécessaires. Toutefois, on n'a pas fait grand-chose jusqu'à présent pour mettre en route ce réexamen et trouver certaines solutions aux problèmes.

Nous estimons qu'il y a une solution. Il est impératif que le Conseil du Trésor procède à un réexamen pour que l'on puisse contrôler la politique, remédier aux problèmes existants et rendre compte à l'avenir des frais payés. Dans cette optique, la coalition a défini certaines conditions de ce réexamen ainsi que des normes d'application. Nous demandons au Conseil du Trésor de se servir de ces documents pour entreprendre la tâche importante qui consiste à réexaminer le recouvrement des coûts afin de déterminer si les principes consistant à faire payer l'usager sont appliqués partout et si le rendement du système est bon. Il est indispensable de procéder à ce réexamen si l'on veut favoriser la croissance économique grâce à une bonne réglementation.

Nous avons remis au greffier du comité une copie de ce mandat et des critères d'application. Je tiens à remercier le comité de son attention et je lui demande d'inciter le Conseil du Trésor à entreprendre cette étude importante et de faire en sorte que le recouvrement des coûts donne de bons résultats, car c'est le pas le plus important sur la voie d'une bonne réglementation. Je le répète, une bonne réglementation est le meilleur garant de la croissance économique.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci, monsieur Milne.

Nous allons maintenant entendre le président de la Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Canada, Jim Facette. Soyez le bienvenu.

M. Jim Facette (président, Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Canada): Monsieur le président, si vous me le permettez, je vais laisser la parole à mon président du conseil, John Redfern. Je vous remercie.

Le président: Monsieur Redfern.

M. John D. Redfern (président, Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Canada): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui.

Depuis sa création en 1991, la CRIC participe aux consultations prébudgétaires. Nous sommes heureux d'y participer à nouveau en insistant sur la nécessité de continuer à mettre en oeuvre un plan à long terme devant répondre aux besoins du Canada en matière d'infrastructures.

Nous nous félicitons de voir que le gouvernement s'est intéressé aux infrastructures dans le discours du Trône. La CRIC appuie, et d'ailleurs préconise, les investissements effectués en matière d'adduction d'eau et la construction de routes et d'autoroutes utiles et présentant toutes les garanties de sécurité. On ne nous a pas encore donné de définition précise des infrastructures physiques. Nous considérons qu'il s'agit avant tout des réseaux d'adduction d'eau, des routes et des autoroutes. Notre présentation portera avant tout sur la nécessité de nous doter d'un programme routier national.

Le comité a choisi cette année d'articuler les consultations prébudgétaires autour de cinq grands thèmes: le mécanisme d'élaboration du budget, les dégrèvements et la réforme fiscale, l'infrastructure sociale, la nouvelle économie et la productivité. Nos observations porteront avant tout sur la question de la productivité.

Un gouvernement qui veut promouvoir une meilleure qualité de vie au Canada grâce à la croissance économique se doit de doter le pays de l'infrastructure indispensable. Notre large coalition, qui représente collectivement tous les secteurs de l'économie, s'inquiète fortement de la dégradation du réseau routier national du Canada et des effets pernicieux qui en résultent sur la croissance économique, la création d'emploi et la productivité dans notre pays. Les conséquences, qu'elles soient relevées dans la pratique ou qu'elles ressortent des études, sont claires: l'investissement au Canada dans un réseau routier national procurera aux gouvernements un rendement positif sur leur investissement, épargnera des vies, améliorera la productivité et contribuera à la croissance économique.

Le rapport Le réseau routier national: Mise à jour concernant l'état et les besoins d'investissements, rédigé conjointement par le gouvernement fédéral et par les provinces, a renforcé ces arguments. Il a par ailleurs confirmé ce que dit la CRIC depuis des années, que si nous ne nous attelons pas à la tâche dès maintenant, le coût de la rénovation du réseau routier national du Canada sera de plus en plus élevé.

• 1610

Cette mise à jour a montré qu'en dépit des investissements effectués avant tout par les gouvernements provinciaux, l'état du réseau routier national a empiré depuis 1988. L'estimation des coûts est passée de 13 milliards de dollars à 17 milliards de dollars du fait de cette négligence. L'étude conjointe révèle par ailleurs que la construction de nouvelles routes est nécessaire, la grande priorité étant de doubler de nombreux tronçons.

Lorsque l'administration libérale actuelle était dans l'opposition, le groupe de travail libéral sur les infrastructures a reconnu l'importance des grandes routes pour notre pays. Il avait recommandé que le gouvernement fédéral s'engage à rénover et à étendre le réseau routier transcanadien. Les réflexions de ce groupe d'étude sont toujours valables aujourd'hui.

Les répercussions économiques d'un mauvais réseau routier sont considérables. Les études nous révèlent que la productivité d'une région dépend très fortement de son réseau de transport. La congestion du trafic entraîne une augmentation du coût du transport des produits, ce qui ralentit la compétitivité de l'industrie. Un réseau routier en mauvais état a des effets pernicieux sur le tourisme, secteur important de l'économie canadienne.

En 1997, le Comité des transports de la Chambre des communes est parvenu au même type de conclusion. Il a déclaré dans son rapport qu'un réseau routier efficace et concurrentiel était l'un des attributs essentiels d'une économie en bonne santé. L'importance d'un réseau de transport routier concurrentiel et offrant toutes les garanties de sécurité pour le commerce et le tourisme n'est plus à prouver.

Monsieur le président, nous soulignons dans le mémoire détaillé que nous avons remis au comité que ce type d'investissement procure automatiquement un rendement intéressant, que ce soit pour le tourisme, en termes de vies sauvées, sur le plan de la productivité ou pour ce qui est de l'unité du pays ou du commerce.

Nombre d'accords bilatéraux en vigueur sont venus à échéance. Alors même qu'elles versent 1 milliard de dollars par an à Ottawa en taxes sur l'essence, les quatre provinces de l'Ouest ne reçoivent plus de crédits d'investissements routiers. Même si Ottawa reçoit plus de 1,5 milliard de dollars en taxes d'essence, Transports Canada n'a plus d'accords bilatéraux avec l'Ontario.

La CRIC recommande que le gouvernement fédéral adopte un programme routier national à long terme et supervise la rénovation et l'extension, si nécessaire, du réseau routier national du Canada.

Tous les partis sont en faveur d'un programme routier national, ce qui s'est traduit récemment par deux motions présentées à titre personnel par des députés, une par M. Roger Gallaway, l'autre par M. Bill Casey, chacune avec une formulation légèrement différente mais portant sur le même thème. Le Canada a besoin d'un plan et de ressources nationales pour remédier à la forte dégradation de notre réseau routier national. Nous croyons savoir qu'aux termes de la procédure de la Chambre, la motion de M. Casey, portant la référence M-102, va suivre son cours et pourrait aujourd'hui être retenue à titre de motion devant faire l'objet d'un vote à la Chambre des communes.

La CRIC se félicite du fait que cette question va être étudiée comme il se doit par les députés de la Chambre. Nous incitons tous les membres du Parlement à appuyer cette motion lorsqu'on en viendra au vote.

Vous avez pu constater que nous nous référions dans notre mémoire à une réunion des parties prenantes du réseau routier national qui était présidée par le président du groupe parlementaire libéral de l'époque, Joe Fontana, et par la CRIC. L'annexe de notre mémoire fait état des participants, parmi lesquels les ministres Martin et Collenette, des larges appuis rencontrés ainsi que de certains domaines d'intervention.

La CRIC a obtenu sur cette question de nombreux appuis, notamment de la part de la Chambre de commerce du Canada, du Conseil canadien des chefs d'entreprises, de l'Alliance des fabricants et des exportateurs du Canada, de l'Association canadienne de l'automobile, de l'Institut Van Horne, de l'Association de l'industrie touristique du Canada, de l'Association canadienne du ciment Portland, de l'Association canadienne de la construction et de l'Association des ingénieurs- conseils du Canada.

Les États-Unis, notre principal partenaire commercial, ont pris des engagements fermes en faveur de leur infrastructure des transports. La Transportation Equity Act for the 21st century, appelée aussi TEA-21, qui fait suite à la loi ISTEA de 1990 dotée de plusieurs milliards de dollars, va donner lieu à des investissements de 217 milliards de dollars dans l'infrastructure des transports. Sur ce total, 175 milliards de dollars vont être investis dans le seul réseau routier.

Dans un article du Wall Street Journal daté du 8 juillet 1998, des économistes nous disent que: «le plan sur six ans pourrait entraîner des retombées de plus de 450 milliards de dollars des États-Unis en termes d'activités économiques». Par ailleurs: «les énormes retombées de ce programme pourraient représenter dans la pratique plus du double de son prix...» les travaux publics ont tendance à créer une activité économique encore plus grande que les autres types (d'investissements) du gouvernement.

Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, on demande souvent à la CRIC comment faire pour payer un programme routier national et s'il est possible de recourir à des partenariats entre le public et le privé. Nous répondons avant tout qu'il convient que le gouvernement fédéral joue le rôle d'un chef de file et s'engage dans un programme à long terme. Pour avoir un réseau national, il nous faut prendre l'initiative à l'échelle nationale.

• 1615

Le Comité permanent des transports appuie cette orientation. Dans son rapport de 1997, le comité a déclaré qu'il fallait que le gouvernement fédéral, en collaboration avec les provinces, prenne des engagements de financement à long terme, garantis et durables en vue de la rénovation et de l'entretien du réseau routier national.

De son côté, le comité libéral sur le prix de l'essence a recommandé en juin 1998 qu'une action conjointe soit menée par le gouvernement fédéral et les provinces en accordant la grande priorité à la remise en état du réseau routier national du Canada et que l'on mette en place une formule appropriée de partage des coûts ainsi que des partenariats entre le public et le privé de façon à procéder dans les meilleurs délais aux réparations.

Enfin, dans son étude sur la manutention et le transport des céréales, l'honorable Willard Estey a recommandé que le gouvernement fédéral collabore avec les provinces en vue d'affecter une partie des énormes recettes tirées de la taxe sur les carburants à la construction, à l'entretien et à la réparation des routes.

Quant à la participation du secteur privé à la remise en état des 25 000 kilomètres du réseau routier national existant, nous jugeons qu'elle va être limitée. Dans un rapport présenté au conseil des ministres chargé des transports et de la sécurité routière, un groupe de travail qui s'est penché sur la faisabilité des partenariats entre le secteur public et le secteur privé a révélé que nombre d'analystes financiers étaient préoccupés par les attentes irréalistes des partisans de cette formule concernant la portée et les possibilités d'application de partenariats entre le public et le privé au Canada. Quelles que soient leurs possibilités d'application, nous considérons cependant qu'on ne peut les envisager que lorsque l'on a besoin de construire de nouvelles grandes routes offrant une solution de rechange sans péage.

La qualité du réseau routier canadien influe sur les décisions prises par les entreprises concernant leur implantation, leurs investissements, les modes de production, les liens entre fournisseurs et clients, la localisation et la disponibilité des stocks, ainsi que l'accès à la main-d'oeuvre. Un plan à long terme du type de celui que préconise le rapport de révision de la politique routière nationale ainsi que Transports Canada permettrait de mener à bien la remise en état de notre réseau routier national avec un maximum d'efficacité et favoriserait la croissance économique.

Voilà qui termine mon exposé, monsieur le président. Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Redfern.

Nous allons maintenant entendre M. Michael Butt, qui est le président de l'Association canadienne de la construction.

M. Michael Butt (président, Association canadienne de la construction): Merci, monsieur le président.

Je suis l'actuel président du conseil d'administration de l'Association canadienne de la construction. C'est le poste bénévole à l'échelon le plus élevé de l'ACC. Dans la vie active, je suis président de Buttcon Limited, un entrepreneur général de construction chargé de projets de gestion et de conception ayant son siège à Toronto. Je suis aussi administrateur d'Armbro Enterprises Inc., un gros entrepreneur en construction routière de l'Ontario qui est associé à la Canadian Highways International Corporation, la société qui a construit l'autoroute à péage 407. Je suis administrateur de Strait Crossing Group Inc., qui a construit la liaison fixe entre l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau- Brunswick, et à mes heures perdues je suis président de l'Administration aéroportuaire de la communauté urbaine de Toronto.

J'ai aujourd'hui à mes côtés le chef de la direction de l'ACC, son président, Michael Atkinson.

Monsieur le président, l'Association canadienne de la construction représente une industrie qui, selon Revenu Canada, regroupe plus de 200 000 entreprises employant près de 800 000 Canadiens, soit environ 6 p. 100 de la main-d'oeuvre totale du Canada. L'industrie de la construction verse chaque année plus de 25 milliards de dollars en salaires au Canada et plus de 14 milliards de dollars d'impôts au gouvernement. À ce titre, on peut dire que nous sommes plus touchés que la plupart des autres secteurs par les politiques financières et fiscales du gouvernement fédéral. Nous sommes heureux de pouvoir vous faire connaître rapidement notre point de vue sur ce que nous considérons comme devant être les grandes priorités du prochain budget fédéral.

Nous vous avons remis une copie de notre mémoire et nous n'entrerons donc pas dans tous les détails. Nous nous contenterons d'en exposer les grandes lignes et nous examinerons éventuellement ces détails en répondant à vos questions.

Mike.

M. Michael Atkinson (président, Association canadienne de la construction): Merci, Michael.

Lorsqu'il a lancé ses convocations aux témoins, votre comité, monsieur le président, leur a demandé d'aborder cinq grands thèmes. Notre mémoire s'efforce de répondre aux questions soulevées dans chacun de ces domaines.

Concernant le processus d'élaboration des budgets, le comité nous demande s'il convient que le gouvernement fédéral se fixe des objectifs à long terme en matière de réduction de la dette. C'est aussi tout à fait notre avis. Il conviendrait que les objectifs de réduction de la dette soient fixés sur une période supérieure à deux ans et nous ne manquons pas de nous féliciter du fait que le ministre Martin en ait pris acte hier dans sa déclaration.

• 1620

Nous incitons fortement le gouvernement à s'engager aussi résolument dans la réduction de la dette qu'il l'a fait pour éliminer le déficit. Pour y parvenir, il faudra évidemment que les versements annuels effectués au titre de la réduction de la dette ne se limitent pas à la partie non utilisée de la provision annuelle prévue dans le budget en cas d'urgence, qu'elle se monte à 3 ou 4 milliards de dollars.

Le comité a par ailleurs demandé aux témoins de traiter de la réduction de la fiscalité. L'ACC considère bien entendu que les Canadiens sont trop imposés et qu'il convient de réduire à la fois l'impôt sur le revenu des particuliers et celui des entreprises. La meilleure référence en l'espèce est la suivante:

    Nous devons baisser les impôts le plus rapidement possible. Les impôts peuvent être un facteur lié à la productivité. Ils peuvent être un facteur contribuant à l'exode des cerveaux. Mais nous n'avons pas besoin de ces raisons pour le faire.

C'était là une déclaration faite en juin 1999 par l'honorable Paul Martin, ministre des Finances.

Nous avons défini des domaines précis de notre fiscalité sur lesquels nous jugeons qu'il convient de se pencher. Nous vous demandons d'examiner avec le plus grand soin notre analyse du report d'impôt pour les petites entreprises. Le seuil fixé à 200 000 $ pour les entreprises en activité n'est pas indexé et il n'a pas été relevé depuis 1982. L'inflation a entamé la valeur de ce dégrèvement fiscal pour les petites entreprises canadiennes. Je pense qu'il est important de souligner, au sujet de cette mesure en particulier, qu'il s'agit d'un report d'impôt.

Dans un autre domaine de la fiscalité, l'ACC demande par ailleurs que l'on réduise fortement les primes d'assurance-emploi. Il faut qu'une partie de l'excédent de la caisse d'AE, qui se monte actuellement à 21 milliards de dollars, soit restituée aux entreprises et aux employés qui y ont cotisé avant même que l'on envisage toute nouvelle affectation des crédits de l'AE. C'est avec plaisir que nous accueillons l'annonce faite aujourd'hui d'une diminution de 15c. des cotisations des employés pour l'an 2000, mais nous ne serons pleinement satisfaits que s'il ne s'agit là que d'un premier pas sur la voie de réductions majeures et si l'excédent ne sert pas à financer de nouveaux programmes.

Je vais maintenant redonner la parole au président Butt.

M. Michael Butt: Votre comité a demandé aux témoins de lui dire ce que peut faire le Canada pour renforcer davantage son infrastructure sociale, améliorer le niveau de vie de sa population et augmenter la productivité. Vous venez d'entendre la réponse donnée par nos amis de la Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Canada, et je ne m'étendrai donc pas sur le sujet. Je me contenterai de dire, toutefois, que la façon la plus logique et la plus sage de garantir à l'avenir la prospérité économique et le bien-être social de la population canadienne est de faire en sorte que tous les Canadiens investissent dans leurs infrastructures.

En l'absence de routes, d'aéroports et de ports modernes, efficaces et offrant toutes les garanties de sécurité, notre économie axée sur l'exportation ne peut pas prospérer. Nous ne pourrons pas donner aux Canadiens un cadre de vie offrant toutes les garanties de sécurité et de santé si nous n'assurons pas la rénovation et l'entretien de nos installations d'égouts et d'adduction d'eau et si nous n'aménageons pas nos bâtiments pour qu'ils soient écologiques. Notre nation ne pourra pas garantir de bonnes conditions sociales à tous ses citoyens si nous n'assurons pas la modernisation et l'entretien de nos écoles, de nos résidences pour les personnes âgées, de nos hôpitaux et de nos installations de santé.

Nous n'avons pas le choix de remédier ou non au déficit de notre pays en matière d'infrastructures. C'est une tâche indispensable, non seulement pour la santé économique future du Canada mais aussi pour son bien-être social. Il ne s'agit pas de savoir si le Canada doit investir ou non dans ses infrastructures, mais de se demander quand il va le faire et à quel prix. Plus nous attendons, et plus la décision va être coûteuse, non seulement en frais de construction, mais aussi sur le plan de notre bien-être social et de notre niveau de vie.

Merci, monsieur le président, de nous avoir donné l'occasion de vous faire connaître le point de vue de nos 20 000 membres au Canada. Nous nous ferons un plaisir de répondre par la suite à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Butt et monsieur Atkinson. Nous allons maintenant passer aux questions. Chaque intervenant disposera de sept minutes.

Monsieur Casson.

• 1625

M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.): Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier chacun d'entre vous d'être venu ici aujourd'hui nous présenter d'excellents exposés et nous faire d'excellentes propositions concernant les solutions qui s'offrent à notre pays.

J'ai pris acte, monsieur Butt, de ce que vous faisiez pendant vos heures perdues et j'espère que vous aurez suffisamment de temps libre pour vous occuper de cet aéroport.

Je m'en tiendrai à quelques considérations. Je considère que certains des retards pris dans l'entretien de nos infrastructures ces dernières années dans notre pays posent d'énormes problèmes pour nos établissements publics, qu'il s'agisse des universités, des hôpitaux, des usines de traitement des eaux usées, des usines d'épuration d'eau ou des grandes routes. C'est une chose à laquelle il convient de remédier parce que le montant des dépenses qui ne sont que reportées a pris une ampleur inimaginable.

J'aimerais adresser ma question à M. Friesen, de la FCA. Il a mentionné dans son mémoire un certain nombre de remèdes qu'il convient d'apporter à la question agricole. Je pense que tous les mémoires évoquent plus ou moins la question des frais d'utilisation et de recouvrement des coûts qui ont été mis en place et sur lesquels il convient de se pencher. M. Milne a fait à ce sujet un certain nombre de propositions intéressantes. Si des frais d'utilisation ou de recouvrement des coûts n'ont absolument aucun lien avec le service fourni ou le coût véritable de l'activité, quel est alors leur rôle?

Monsieur Friesen, nous avons beaucoup entendu parler ces derniers temps de l'agriculture et de la crise dans laquelle elle se trouve. Nous luttons contre des difficultés à court terme et à long terme. Nous luttons contre les subventions européennes et le protectionnisme des États-Unis. Le prix de nos denrées est au plus bas. La situation de nos collectivités agricoles est tout à fait catastrophique.

Vous avez mentionné le programme de protection sociale à long terme. J'aimerais que vous nous en disiez davantage et que vous nous expliquiez en quoi il devrait consister à votre avis et comment il nous faut le structurer pour qu'il soit en place et produise ses effets lorsque nous subirons ces graves retournements de conjoncture. Comment le faire accepter par tous les Canadiens, dans les villes comme dans les campagnes? Comment faire pour qu'il puisse prendre en charge des situations comme celle qui est la nôtre actuellement?

Merci, monsieur le président.

M. Bob Friesen: Je vous remercie.

Je répondrai tout d'abord à votre question en vous disant que nous avons exposé dans notre mémoire un certain nombre de principes susceptibles d'aider les agriculteurs à obtenir un meilleur rendement. L'un des membres de mon organisation m'a dit il y a quelque temps que dans la mesure où l'on donne aux agriculteurs les moyens de réaliser une bonne performance, ils n'ont pas besoin de filet de protection. Ce n'est que lorsqu'on exige des opérateurs qu'ils fassent de la voltige sur un trapèze qu'on a besoin de leur installer un filet de protection. Il est évident que les agriculteurs préféreraient gagner exclusivement leur vie sur le marché et ne pas avoir à bénéficier de toutes ces mesures incitatives dont on parle.

Quant au filet de protection à long terme, nous considérons qu'il comporte quatre piliers très importants.

Il y a tout d'abord le CSRN, qui est compte de stabilisation des revenus nets visant à lisser les légères fluctuations des revenus se situant, disons, dans une fourchette de référence de 70 à 100 p. 100.

En second lieu, nous jugeons avoir besoin de bons programmes d'assurance-récolte pour remédier aux catastrophes naturelles qui nous frappent.

Troisièmement, il nous faut des programmes d'accompagnement pour que les provinces aient la possibilité d'adopter les mesures de protection qui relèvent de leur compétence.

Nous avons besoin aussi de ce que l'on peut appeler une troisième ligne de défense constituée par le programme d'aide en cas de catastrophe des revenus agricoles. Nous ne le qualifierons pas de programme de stabilisation ou de garantie des revenus. Il a pour but de soutenir les revenus des agriculteurs lorsque tout s'écroule autour d'eux.

Bien entendu, le programme actuel ACRA n'est pas un programme richement doté; il n'agit qu'à concurrence de 70 p. 100. En passant, si vous avez besoin d'un signe de la dégradation de la situation au Canada, l'ACRA est un bon révélateur. Les fonds de l'ACRA s'élèvent à 1,5 milliard de dollars et il apparaît qu'ils vont être épuisés en 1998 et en 1999—alors que ce programme n'agit qu'à concurrence de 70 p. 100 des revenus. Cela nous permet de bien mesurer tous les besoins qui se font sentir.

Nous considérons qu'en présence de ces quatre piliers et de crédits suffisants pour défrayer toutes les mesures correspondantes, il sera possible d'aider convenablement les agriculteurs lors de ces périodes très difficiles.

• 1630

Ce que ne fera jamais le mécanisme de protection actuel—ce n'est certainement pas le cas aujourd'hui et nous ne savons pas encore exactement ce que nous ferons à ce sujet—c'est apporter une indemnisation suffisante aux agriculteurs pour compenser les problèmes de revenu enregistrés au Canada. Le filet de protection, tel qu'il se présente jusqu'ici, est un outil de gestion des risques, ce n'est pas une garantie de revenu. Indépendamment donc de la gestion des risques et des crédits dont on a besoin pour se doter des outils nécessaires, si les revenus subissent une crise grave, il faudra que l'argent versé provienne d'un mécanisme se situant en dehors du filet de sécurité.

M. Rick Casson: En plus de ce filet de sécurité à long terme, envisagez-vous une certaine forme d'assurance, l'agriculteur versant des cotisations et quelqu'un d'autre fournissant une aide? Comment procéder?

M. Bob Friesen: C'est bien entendu ce que fait le CSRN à l'heure actuelle, mais nous constatons aujourd'hui qu'en réalité tout l'argent correspondant à l'année 1998 a été retiré du CSRN, et très vraisemblablement celui de 1999, ce qui fait que le compte CSRN va être à sec puisque bien entendu le CSRN a été prévu pour pallier de légères fluctuations.

Dans le cadre d'un programme de soutien des revenus en cas de catastrophe, nous considérons que l'on doit avoir prévu suffisamment d'argent pour que les agriculteurs puissent attendre que la conjoncture se rétablisse. On devrait pouvoir faire suffisamment confiance au secteur agricole pour aider les agriculteurs au cours de cette période et faire en sorte qu'une fois que la conjoncture agricole est rétablie, tous les fonds versés au titre du programme de soutien des revenus en cas de catastrophe puissent s'accumuler. Les bonnes années, ce fonds pourra grossir. On peut alors espérer—les perspectives ne sont pas très bonnes pour les trois prochaines années, mais il faut espérer—que le moment viendra où l'agriculture sera viable, ce qui fait que les agriculteurs n'auront plus à recourir au programme de soutien des revenus en cas de catastrophe. Les crédits pourront alors s'accumuler au sein de ce fonds.

J'aimerais ajouter une dernière chose. Cela a trait en partie aux nouvelles prévisions de revenu publiées aujourd'hui par Agriculture Canada. La FCA s'est très résolument opposée ces dernières années à ce que les revenus réalisés en dehors de la ferme soient la condition de la réussite dans l'agriculture. Nous ne voyons aucun inconvénient à ce que des agriculteurs travaillent en dehors de leur ferme, mais ces derniers ne devraient pas avoir à travailler à l'extérieur pour compenser leurs coûts de production ou défrayer leurs factures agricoles.

Le comble, c'est qu'on nous dit en note dans ce rapport au sujet des nouvelles prévisions de revenu que les chiffres sont sous-estimés parce qu'ils ne tiennent pas compte des économies et des revenus réalisés en dehors de la ferme. Cela revient à dire aux fonctionnaires fédéraux et provinciaux qu'il leur faut accepter une réduction de salaire de 60 p. 100 parce qu'ils ont la possibilité d'aller mettre de l'essence dans leur automobile l'après-midi, parce que leur conjoint travaille et qu'ils disposent du salaire correspondant ou parce qu'ils ont pendant 15 ans accumulé de l'argent dans un compte d'épargne dont ils peuvent se servir. En ce qui nous concerne, cet argument n'est tout simplement pas valable.

Il faut que l'agriculture soit viable en elle-même, les mesures de protection des revenus devant ensuite aider les agriculteurs à franchir les mauvaises passes, après quoi on aurait moins à retirer d'argent de ces fonds.

Le président: Merci, monsieur Friesen.

Merci, monsieur Casson.

[Français]

Monsieur Desrochers.

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): J'aimerais moi aussi remercier chacun des panélistes pour leur présentation.

Puisque j'en suis à ma première participation en tant que membre du Comité des finances, je me permettrai de faire un court préambule et de préciser que, si hier le Bloc québécois n'était pas à London, c'est parce que nous étions tous ici pour participer à un important vote. Soyez assuré, monsieur le président, que le Bloc québécois va continuer à suivre attentivement les travaux du Comité des finances.

Le Bloc québécois espère que le ministre Paul Martin aura une meilleure écoute que dans le passé. Depuis que je participe aux travaux de ce comité, j'ai remarqué que le ministre avait beaucoup de difficulté à entendre les revendications des provinces, particulièrement celles qui émanent du Québec.

J'exprime également le voeu, monsieur le président, que les grandes lignes du rapport de 1999 de ce comité demeurent confidentielles jusqu'à leur dépôt officiel à la Chambre des commune et qu'on ne les retrouve pas, encore une fois, dans les médias deux ou trois jours avant leur dépôt, ce qu'avait largement déploré la majorité des partis de l'opposition.

Mon préambule est maintenant terminé et j'aimerais adresser ma question à M. Friesen. Hier, le ministre Martin a parlé de milliards, de milliards et de milliards de dollars. Nous savons tous qu'une importante crise agricole persiste un peu partout, particulièrement dans l'Ouest canadien, et que l'incertitude règne dans le monde agricole face aux négociations qui vont débuter à l'OMC.

• 1635

Dans un contexte où le gouvernement fédéral dispose déjà de milliards de dollars, est-ce qu'il ne serait pas préférable qu'il agisse immédiatement au lieu d'attendre au prochain budget, et même à l'an 2001, avant de poser des gestes pour aider l'industrie agricole?

[Traduction]

M. Bob Friesen: Oui, il lui faut agir immédiatement et nous avons été frustrés cette année par la lenteur de la procédure.

Vous savez pertinemment qu'il y a deux semaines le gouvernement des États-Unis a autorisé le versement de 8,7 milliards de dollars de crédits supplémentaires au titre de l'aide nationale apportée à ses agriculteurs. Hier, nous avons entendu dire que cet argent va commencer à être versé la semaine prochaine. Il lui a donc fallu trois semaines pour entamer le versement de ces 8,7 milliards de dollars. La situation devient de toute évidence urgente et nos agriculteurs ont besoin de cet argent rapidement.

Je dois reconnaître que l'on retire de l'argent du CSRN, cela apporte une certaine aide, et je dois dire aussi que des crédits sont fournis par l'entremise de l'ACRA. Toutefois, il a fallu attendre longtemps ces versements. Nous espérons que l'administration fera en sorte d'accélérer les choses.

Là encore, je suis totalement d'accord avec vous: il nous faut davantage d'argent et il nous faut pouvoir mieux préciser quels sont les producteurs dans le besoin, ce qui ne se limite pas simplement à ceux qui sont visés par les programmes actuels, parce que comme je l'ai dit tout à l'heure, il y a une terrible dégradation des revenus à laquelle on ne peut pas simplement remédier dans le cadre des programmes de sécurité des revenus.

Vous avez mentionné l'OMC, et cela fait aussi partie de la réponse à la question précédente. L'une des difficultés, c'est qu'en concevant le programme de protection des revenus, nous avons été fortement limités par l'annexe 2 de l'Accord sur l'agriculture. Nous avons pris du retard pour être sûrs que le programme que nous concevions recevait le feu vert du GATT.

Vous allez me demander pourquoi nous avons pris tant de précautions. C'est parce que nous ne sommes qu'un très petit intervenant comparativement aux États-Unis et que nous ne pouvons pas nous permettre d'être l'objet d'un recours commercial de la part de ces derniers. Les États-Unis disposent d'un programme qui leur permet de dépenser des milliards de dollars, programme qui bénéficie d'un feu vert, de sorte qu'il n'entraîne aucune mesure de rétorsion.

Je dois dire aussi que si notre gouvernement disposait de l'argent nécessaire—et nous en avons parlé la semaine dernière au sein du Comité consultatif national sur la protection du revenu—il pourrait saupoudrer arbitrairement 20 milliards de dollars à l'échelle du Canada tout en bénéficiant du feu vert du GATT. C'est à cause de nos politiques financières et des contraintes imposées par les règles de l'OMC que nous n'avons pas réussi à définir un programme pleinement satisfaisant pour tout le monde et devant permettre d'indemniser convenablement les agriculteurs.

Ce sont les contraintes imposées par les règles de l'OMC et nos propres impératifs financiers qui, dans une large mesure, nous ont empêchés de mettre sur pied ce que j'appellerais un programme définitif. Nous espérons améliorer les choses prochainement et nous envisageons par ailleurs certains changements lors de la prochaine négociation.

[Français]

M. Odina Desrochers: Monsieur Facette, je partage le point de vue que vous exprimez dans votre mémoire au sujet de l'état plutôt pitoyable du réseau routier. Vous savez sans doute qu'un programme d'infrastructures tripartite, où intervenaient les paliers fédéral, provincial et municipal, a déjà existé et a très bien fonctionné et qu'il confiait la question de la main-d'oeuvre aux provinces. Dans le cadre de la reconduction de l'aide du gouvernement fédéral pour l'amélioration des infrastructures routières, aimeriez-vous qu'on reprenne la même formule ou si vous préféreriez en suggérer une nouvelle qui serait encore plus efficace?

M. Jim Facette: Merci beaucoup, monsieur Desrochers. Bien que les routes canadiennes aient jusqu'ici plus ou moins relevé de la compétence des provinces, il existe un débat à savoir qui devrait contrôler les routes nationales. Plusieurs municipalités n'ont aucune responsabilité face à l'entretien des routes nationales. Je crois que la meilleure approche serait probablement la mise en oeuvre d'un plan à l'échelle nationale qui serait administré conjointement par le gouvernement fédéral et les provinces. Mais si on jugeait qu'il est opportun que les municipalités participent à la réalisation de ce plan, elles devraient être impliquées dans une certaine mesure.

M. Odina Desrochers: Merci, monsieur le président.

• 1640

[Traduction]

Le président: Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président. Merci, messieurs.

J'aimerais commencer par le groupe qui s'intéresse au réseau routier, la Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Canada. Je m'adresse à John et à Jim.

Le discours du Trône évoque l'appui devant être apporté à une certaine forme de programme sur les infrastructures. On a discuté des possibilités de partenariats entre le public et le privé et, j'imagine, du principe consistant à associer aux crédits fédéraux des investissements effectués par les provinces et le secteur privé.

John, vous nous avez dit dans votre commentaire que les partenariats entre le public et le privé ne semblent pas devoir présenter une grande portée ou offrir un grand potentiel. Comment va donc pouvoir faire notre gouvernement fédéral pour donner un effet multiplicateur aux crédits fédéraux accompagnés des crédits provinciaux sous la forme de certaines ententes de versements annuels autres que les simples crédits fédéraux et provinciaux versés automatiquement chaque année, si nous n'autorisons pas certains péages devant permettre de rentabiliser les fonds susceptibles d'être levés, comme cela se fait aux États-Unis? Vous pourriez peut-être nous décrire ce que l'on fait aux États-Unis et la façon dont on conserve les fonds sans avoir... Je sais que vous allez probablement nous dire qu'il nous faut y consacrer les recettes tirées des taxes sur l'essence, mais je tiens à ce que l'on soit un peu plus précis parce que nous savons quelles sont les difficultés que cela entraîne. Comment obtenir un effet de levier pour les crédits fédéraux, provinciaux et privés si les possibilités de recourir aux péages ou à l'affectation précise des taxes semblent limitées? Comment créer cette rente annuelle que l'on semble avoir obtenue aux États-Unis et pourquoi les péages ne peuvent-ils pas fonctionner au Canada alors qu'ils fonctionnent aux États-Unis?

M. Jim Facette: Je vous remercie de votre question. Il faut s'y arrêter longuement et il n'est pas facile d'y répondre, mais j'essaierai de faire de mon mieux en 30 secondes au plus.

Vous avez mentionné qu'aux États-Unis il y a un fonds spécialement affecté à cet effet, ce qui est le cas. Au Canada, les difficultés, lorsqu'on veut entretenir les 25 000 kilomètres du réseau national actuel, viennent du fait que pour l'essentiel, nombre de tronçons peuvent être considérés comme des voies à faible circulation qui n'ont pas le même trafic que la 401, sur laquelle s'appuie l'autoroute 407, et qu'ils n'ont pas nécessairement non plus le même trafic que les routes de Vancouver. Que faire alors lorsqu'on cherche à structurer dans les circonstances un partenariat entre le public et le privé?

Lors d'une réunion organisée par le président du Comité des transports de l'époque, M. Alcock—je crois que c'était tout juste il y a deux ans—et lors de la rencontre des parties prenantes coprésidée par M. Fontana en avril de l'année dernière, les financiers ont déclaré qu'il fallait essentiellement que deux conditions soient réunies: la première, c'est que les projets aient une portée suffisamment large pour être viables; la deuxième, c'est qu'il faut envisager de regrouper certaines routes, en l'occurrence certaines voies à faible trafic avec d'autres à forte circulation en procédant comme on l'a fait en Angleterre en adaptant, j'imagine, la situation au Canada, sous une forme que l'on peut qualifier de péage détourné.

J'hésite à employer le terme de «péage» parce que l'on croit comprendre qu'un péage détourné consiste à imposer directement des frais d'utilisation aux usagers de la route déjà existante. Le péage détourné, ce n'est pas ça. Au Royaume-Uni, on a pour l'essentiel pu dire à un consortium privé qu'il lui appartenait de prendre soin d'un réseau routier et de l'entretenir conformément à certaines règles établies et qu'en contrepartie le propriétaire, à savoir le gouvernement, lui reverserait un certain montant par véhicule utilisant ce réseau, ou en fonction de tout autre critère d'utilisation, chaque trimestre ou chaque année.

Au Canada, toutefois, c'est le volume du trafic qui fait problème. On a besoin de gros volumes. Par conséquent, selon la version canadienne, que certains financiers ont examiné, pour l'essentiel le propriétaire, ou encore le gouvernement fédéral ou la province—et l'on a discuté de la possibilité de recourir à une administration routière nationale chargée d'assumer ce genre de rôle—consentira au consortium un versement annuel ou trimestriel pour qu'il se charge de cette tâche. Le consortium privé assumerait alors la responsabilité de l'entretien et de la rénovation de ce réseau routier, aussi bien les voies principales que celles que l'on qualifie de secondaires, et il recevra un paiement annuel à ce titre. Voilà comment on pourrait opérer au Canada un péage détourné.

M. Roy Cullen: Bien entendu, le péage détourné serait en fait une façon d'amortir le coût pour les pouvoirs publics.

Je sais que la question est complexe, mais on est dans un domaine précis. Si vous avez une idée de la façon dont on pourrait structurer les choses—en s'adressant éventuellement à votre attention, monsieur le président—il pourrait être utile que vous nous fassiez connaître votre point de vue pour donner suite à cette séance.

M. Jim Facette: Je me ferais un plaisir de vous fournir quelque chose plus tard.

M. Roy Cullen: Très bien, je vous remercie.

Le président: C'est tout?

M. Roy Cullen: C'est tout.

Le président: Voulez-vous partager le temps qui vous est imparti avec M. Szabo?

M. Roy Cullen: Oui, bien sûr.

Le président: La décision vous appartient, monsieur Cullen.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur Atkinson, je crois que c'est vous qui nous avez parlé de la caisse d'AE, de l'excédent de 21 milliards de dollars qui s'y trouve en théorie. On peut dire que j'ai eu bien du mal à comprendre ce qu'il y avait exactement là-dessous. Vous n'ignorez pas que cet argent n'entre pas dans les caisses de l'État, il reste là et il est englobé dans l'excédent ou le déficit budgétaire de chacun des exercices.

• 1645

Vous recommandez qu'il faut avant toute chose supprimer cet excédent théorique. Je crois que c'est ce que vous avez préconisé. Pouvez-vous nous préciser les choses?

M. Michael Atkinson: Il a été demandé de le réduire de manière significative. Je crois que nous visons dans notre mémoire un objectif de 2 $ de cotisations pour les employés. Vous êtes donc sur la bonne voie.

M. Paul Szabo: Vous parliez cependant des 21 milliards de dollars. N'avez-vous pas déclaré qu'avant que l'on décide de verser toute nouvelle prestation...

M. Michael Atkinson: Nous voulons une réduction significative. Selon notre définition, cela consiste à ramener les cotisations des employés à 2 $ avant que le programme soit bonifié. Nous ne proposons donc pas que l'on résorbe cet excédent de 21 milliards de dollars. Nous comprenons qu'il faut que l'on dispose d'un excédent si la conjoncture venait à s'aggraver. Nous aimerions cependant que l'on procède à une réduction significative, en ramenant les cotisations autour de 2 $, avant que l'on puisse procéder à une bonification quelconque du programme.

L'une des raisons qui explique cette attitude—je considère que c'est extrêmement important et je suis heureux que vous ayez soulevé la question—c'est le fait que lorsque ce programme a été modifié il y a quelques années pour que seuls cotisent les employeurs et les employés, pour l'essentiel, le gouvernement fédéral ne cotisant désormais plus que dans ce cadre, et que l'on a élargi le programme aux activités de formation dites de perfectionnement—cela s'est fait sous le gouvernement conservateur—les groupements professionnels comme le nôtre y étaient fermement opposés. Nous considérions qu'il s'agissait là d'une affectation non traditionnelle des crédits de ce qui était alors la caisse d'AC.

Nous avons finalement donné notre accord lorsque le gouvernement a accepté d'accorder un droit de regard aux employés et aux employeurs pour ce qui est des dépenses consacrées aux activités de perfectionnement par cette caisse. Il en est résulté la création de ce que l'on a appelé la Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre. Voilà quels étaient les objectifs. Ces crédits devaient servir à financer certains programmes de formation au sein de notre secteur, l'apprentissage, etc.

Pour résumer, le gouvernement a annoncé il n'y a pas très longtemps qu'il allait réduire les crédits consacrés au perfectionnement de la main-d'oeuvre et à l'apprentissage. Il n'a pourtant pas restitué l'argent correspondant aux employeurs et aux employés, dont les cotisations ont augmenté au cours des années 80 lorsqu'on a bonifié le programme afin d'englober le perfectionnement.

Si donc nous voulons que l'on procède à des réductions avant que le programme soit bonifié, c'est parce que nous avons peur qu'on nous refasse le même coup et que l'argent perçu sous prétexte que l'on a instauré certains programmes, comme vous le faites remarquer très pertinemment, soit alors affecté à d'autres usages.

M. Paul Szabo: Très bien.

En quelques mots, monsieur Paton, j'ai bien apprécié votre exposé. Je trouve que le principe en est très sain: arrêtez d'intervenir et laissez-nous tranquilles.

La population canadienne veut certainement que l'on discute largement des réductions d'impôt et des moyens d'y parvenir. Bien évidemment, il suffit simplement de savoir se retreindre sur le plan financier et de le faire à bon escient d'une façon que le ministre qualifie de durable; les dégrèvements fiscaux produiront indéfiniment leur effet.

Je pense que nous avons besoin qu'on nous donne une idée, sachant que ces mesures vont être prises à terme, de la façon... En rapprochant cette mesure des préoccupations touchant la fuite des cerveaux, etc., compte tenu du fait qu'il y a un peu plus de 14 millions de personnes qui au Canada paient des impôts, chaque fois que l'on remet 100 $ dans la poche de chacun d'entre elles, il va nous en coûter 1,4 milliard de dollars de notre excédent budgétaire.

Combien de centaines de dollars va-t-il falloir remettre aux contribuables pour que cela ait un effet quelconque compte tenu des préoccupations que vous avez exprimées?

M. Richard Paton: C'est une excellente question. Vous savez, le problème est nouveau pour nous et je ne pense pas que je puisse vous répondre. Normalement, sur toute question de ce genre, il nous faut élaborer un modèle fiscal. Nous pouvons prendre l'impôt sur les entreprises et vous dire quelles en sont les retombées, mais là nous n'en sommes pas encore arrivés au point...

M. Paul Szabo: Nous sommes placés devant le même dilemme étant donné que 100 $ ne feront pas l'affaire, qu'avec 500 $ je ne changerai probablement pas mon mode de vie, ma façon de dépenser, etc., et même si avec 1 000 $ on commence à s'approcher du compte, cela fait déjà un total de 14 milliards de dollars qui va s'appliquer année après année.

M. Richard Paton: J'ai déjà travaillé sur les budgets et je vous comprends parfaitement.

• 1650

M. Paul Szabo: Étant donné que toutes les mesures d'application générale sont onéreuses, nous le savons tous, le ministre a proposé que l'on cible certaines catégories les premières années afin d'obtenir un effet de levier. Qu'en pensez- vous?

M. Richard Paton: Il ne s'agit en fait que d'une première impression étant donné que notre association ne s'est pas penchée sur la question, mais j'ai commencé à en parler à nos entreprises. Dans la première entreprise avec laquelle j'ai parlé, on m'a dit qu'une première analyse montrait que dans les catégories de revenus les plus faibles—jusqu'à 70 000 $ ou 80 000 $, disons—la situation n'était pas trop mauvaise comparativement à celle des États-Unis. Les facteurs liés à l'assurance-santé et aux prestations interviennent.

En réalité, nos programmes sociaux sont bien structurés, même s'ils ont été quelque peu rognés ces dernières années. C'est entre les catégories moyennes et supérieures de revenus que le fardeau commence à peser. Malheureusement, les salaires sont relativement élevés dans notre secteur. Nous avons de nombreuses personnes qualifiées. La moyenne se situe aux environs de 55 000 $, mais cela signifie que bien des gens dépassent les 80 000 $.

C'est donc une question intéressante. Je pense que la réponse pourra être très différente selon le niveau de revenu.

Je pense aussi que les gens ont l'impression que les impôts ne baissent jamais même s'il y a un léger mouvement vers la baisse. Le simple fait que le gouvernement parle d'un plan sur cinq ans pourrait avoir un effet. La population va se dire que l'on envisage au moins une baisse sur une certaine période.

Ce qui m'inquiète en fait, même si certaines d'entre elles ont de faibles revenus, ce sont les personnes jeunes et mobiles qui n'ont pas tendance à se préoccuper des pensions et à considérer l'assurance-santé comme un avantage. Elles se disent tout simplement qu'elles peuvent gagner davantage d'argent ailleurs et décident de s'expatrier. C'est dans leurs poches qu'elles veulent avoir l'argent. Elles veulent pouvoir disposer de cet argent comme elles l'entendent et ne pas avoir les mains liées.

Si vous rapprochez cela des propos de M. Martin, on est au coeur de notre économie axée sur l'innovation. C'est au coeur de l'esprit d'entreprise.

L'année prochaine, je ferai davantage de travaux sur la question...

M. Paul Szabo: Lorsque vous aurez une réponse, recontactez- nous. Nous vous en serons reconnaissants.

M. Richard Paton: Oui. Il faudrait peut-être que M. Martin et son personnel fassent quelques recherches à ce sujet.

Le président: Sur cette question des dégrèvements fiscaux, on insiste beaucoup sur le principe consistant à faire en sorte que chacun puisse disposer de davantage d'argent. L'argument est bon, mais je pense que l'on ne met pas assez l'accent sur le fait qu'en réduisant les impôts on fait prendre conscience à la population canadienne, à ceux qui veulent prendre des risques, qui veulent épargner, qui sont prêts à prendre des initiatives dans leur travail, qu'on se soucie d'eux. Je considère que nous, les politiciens, et d'autres encore, ne tiennent pas suffisamment compte de cette réalité, qui est très importante.

Pour ce qui est du montant, alors que je suis d'accord avec M. Szabo pour dire que 100 $ ne vont pas faire grand-chose pour changer la vie des gens, je ne pense pas pour autant que l'un d'entre nous soit prêt à préconiser dans sa politique des augmentations d'impôt de 100 $. Il est donc justifié de se pencher sur la question.

Ce sont là simplement les observations que je voulais faire. Je pense que l'on considère parfois les réductions d'impôt indépendamment du montant. Je vous avoue aussi qu'il nous faut lancer un premier message aux individus. C'est tout aussi important.

M. Richard Paton: J'aimerais dire une chose ici. Combien d'entre vous, autour de cette table, avez déjà entendu quelqu'un dire: «Pourquoi gagnerais-je plus d'argent puisque l'impôt va tout simplement me le prendre?»

Le président: Aucun d'entre nous, mais...

Des voix: Oh, oh!

M. Richard Paton: Je l'ai entendu dire par de nombreuses personnes ces deux dernières années.

M. John Redfern: Il ne faut pas négliger l'effet psychologique. Je considère que votre premier pas sera finalement d'avoir inversé une tendance—plus de nouvelles taxes, de taxes supplémentaires, de surtaxe. Je pense qu'il vous faut voir alors à long terme...

M. Richard Paton: Je suis d'accord, l'effet psychologique est important.

M. John Redfern: ... et chacun se dit alors qu'il vivait jusqu'à présent dans un monde au sein duquel les impôts augmentaient, mais que désormais ils vont baisser. Je pense que c'est tout aussi important que le montant.

M. Richard Paton: Je vais peut-être me remettre à travailler.

• 1655

Le président: Monsieur Pillitteri, puis M. Brison.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président. J'ai une question qui comporte deux volets. Le premier s'adresse à M. Friesen et le second à M. Milne.

Monsieur Friesen, vous avez déclaré à propos du filet de sécurité que l'on commençait à manquer d'argent au sein du CSRN. En tant qu'agriculteur, je participe personnellement depuis des années au CSRN et j'ai commencé au début des années 90 alors que nous avons eu quelques bonnes années dans l'agriculture. Cela arrive de temps en temps, mais pas très souvent. Le gouvernement fédéral a pratiquement cotisé à part égale au sein du programme du CSRN.

Compte tenu de ce que vous venez de dire, j'aimerais savoir si vous disposez des chiffres. Combien de cotisants ont fait des prélèvements dans leur compte de CSRN? Comment se fait-il que l'on manque d'argent alors que le gouvernement fédéral cotise à part égale?

M. Bob Friesen: Vous avez dû entendre tout le bruit que l'on a fait il y a quelque temps au sujet des 2,8 milliards de dollars qui se trouvaient dans les comptes de CSRN alors qu'on se demandait pour quelle raison les producteurs ne se servaient pas de cet argent pour remédier à leurs difficultés. Pour commencer, une bonne partie des cotisations des producteurs sont la contrepartie d'un endettement. Les producteurs ont pris l'habitude à la fin de l'année de cotiser au maximum à leur CSRN même s'ils n'ont toujours pas remboursé leur marge de crédit. Qu'ils empruntent de l'argent ou qu'ils se servent des liquidités disponibles, ils n'en sont pas moins endettés en contrepartie.

Si l'on retirait tout l'argent correspondant à 1998, cela donnerait un montant de 1,8 milliard de dollars. On nous dit que pour 1999 la situation va être pire. Si l'on retire les 1,1 milliard de dollars et quelques correspondant à 1999, il restera très peu d'argent dans les comptes et il est évident que cela ne sera pas suffisant pour financer une autre année comme celles que nous avons connues en 1998 et en 1999.

M. Gary Pillitteri: Toutefois, vous ne connaissez pas le pourcentage exact d'argent retiré par les agriculteurs au sein de ce CSRN. Il est certain qu'il y a des agriculteurs qui n'y touchent même pas.

M. Bob Friesen: Le chiffre correspond à ces 1,1 milliard de dollars. Quant à l'argent qui a été retiré, nous avons les chiffres et je ne manquerai pas de vous les donner. Je les ai consultés il y a quelques jours, mais je ne me souviens plus exactement du montant.

M. Gary Pillitteri: Suite à l'intervention de M. Milne concernant précisément le recouvrement des coûts en matière agricole, sommes-nous loin de ce que font nos homologues en Europe et aux États-Unis? Quelles sont les mesures qu'ils ont mis en place? S'agit-il plutôt d'un appui apporté directement par le gouvernement sans aucun recouvrement des coûts pour les produits chimiques?

M. Charles Milne: Je puis vous fournir ce chiffre mais je ne l'ai pas en tête. Comme je l'ai dit dans mon exposé, ce n'est pas tant le prix du recouvrement des coûts qui nous préoccupe mais la contrepartie qui s'y attache. Qu'obtenons-nous en contrepartie? Je sais que je ne réponds pas à votre question, mais le problème est là.

M. Gary Pillitteri: À titre de suivi, simplement sur la question des petites cultures, est-ce que le Canada est placé sur le même pied? Est-ce que nous employons la technologie dont disposent les Américains pour nous placer sur le même pied ou est- ce que nous continuons à faire toutes nos recherches au Canada en matière de produits chimiques et de protection des récoltes? Tirons-nous au contraire parti des recherches effectuées par nos homologues, aux États-Unis par exemple?

M. Charles Milne: Bien souvent, ces techniques sont mises au point à la suite de recherches effectuées au plan mondial. Certaines se font au Canada, d'autres aux États-Unis, d'autres encore en Europe, etc. Lorsque ces recherches ont débouché sur un nouveau produit, la difficulté est de les faire homologuer dans notre pays. En règle générale, nous ne sommes pas aussi à jour que nos principaux concurrents, les États-Unis, lorsqu'il s'agit d'adopter ces technologies. Ainsi que vous le signalez, c'est parfois très décevant, surtout lorsque les recherches correspondantes ont éventuellement été faites au Canada. Il n'en reste pas moins que lorsqu'il s'agit de les mettre à la disposition des agriculteurs, qui doivent être compétitifs au niveau mondial, bien souvent nous sommes en retard, surtout en ce qui a trait aux petites cultures.

• 1700

M. Gary Pillitteri: Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Pillitteri.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de vos exposés. Ce serait magnifique si nous pouvions accorder 10 minutes à chacun des intervenants pour nous pencher sur toutes les questions que vous avez soulevées.

Pour commencer, monsieur Friesen, je représente la vallée de l'Annapolis, et il est bon d'entendre quelqu'un comme vous, qui représentez une organisation nationale, reconnaître l'importance de l'agriculture dans les Maritimes. On a tendance à penser à Ottawa que tout ce qui n'est pas cultivé dans l'Ouest n'est pas de l'agriculture. Toutefois, certaines de ces questions agricoles, et vous avez mentionné précisément la sécheresse, ont une grande importance.

Si j'ai bien compris, le programme du CSRN prend en compte 70 p. 100 des gains des quatre dernières années, ou s'agit-il des huit dernières années?

M. Bob Friesen: Pour l'ACRA, c'est 70 p. 100 de la moyenne des trois dernières années.

M. Scott Brison: C'est une question qui préoccupe particulièrement les agriculteurs de la vallée de l'Annapolis étant donné que ces trois dernières années nous avons subi les pires conditions de sécheresse que nous ayons enregistré depuis 80 ans. Nous attirons simplement votre attention sur cette réalité et nous aimerions que vous nous aidiez, en tant qu'organisation nationale, à faire en sorte que l'on prenne conscience de cette particularité.

M. Bob Friesen: Voilà un certain temps que cela fait partie de nos attributions. J'ai dit tout à l'heure que lorsqu'on aura comblé les déficits et réorganisé le système, il restera encore des producteurs laissés pour compte, et ce sont justement ceux pour lesquels les critères de référence sont très faibles en raison de l'intervention d'une sécheresse ou de toute autre condition affectant les récoltes qui ne sont pas indemnisées par l'assurance- récolte. La période de référence a été choisie du fait des impératifs imposés par l'annexe 2 de l'Accord sur l'agriculture au sein de l'OMC. Le problème est toutefois bien pris en compte dans nos milieux et nous allons continuer à nous en occuper.

M. Scott Brison: Sur la question des travailleurs saisonniers et des changements apportés à l'AE, l'une des conséquences imprévues a été la véritable pénurie de main-d'oeuvre agricole. Ce fut par exemple un gros problème pour les producteurs de fruits, certains d'entre eux ayant dû l'année dernière laisser de nombreux fruits dans les champs. La question est donc importante.

Monsieur Paton, sur la question de la fuite des cerveaux, que vous avez évoquée avec M. Szabo, et pour ce qui est de savoir ce que l'on pourrait obtenir avec une réduction fiscale de 100 $, un dégrèvement fiscal non négligeable pourrait en fait donner d'excellents résultats si nous l'appliquions précisément aux personnes les plus touchées par ce phénomène, reconnaissant ainsi qu'il est important pour le Canada et pour sa future croissance de les garder chez nous. On a évoqué à maintes reprises la question des gains en capital, notamment lorsqu'on sait à quel point les sociétés axées sur la croissance font appel aux gains en capital pour rémunérer leur personnel.

Par ailleurs, étant donné que le seuil de la tranche supérieure d'imposition se situe aux environs de 60 000 $ au Canada, contre l'équivalent de 420 000 $ canadiens aux États-Unis, cela n'incite pas vraiment les gens à rester. On pourrait effectivement le modifier. On pourrait par exemple porter ce seuil de 60 000 $ à 90 000 $, et le seuil de 29 000 $ à 40 000 $, ce qui nous coûterait environ 5 milliards de dollars par année. Voilà quelques-uns des changements que l'on pourrait envisager. Enfin, il y a la surtaxe de 5 p. 100, qui procure environ 583 millions de dollars par an de recettes. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cela.

Je vous signale en passant, sur la question de l'imposition des gains en capital, que lorsqu'on a procédé à des réductions dans d'autres pays, on a pu constater qu'il n'y avait pratiquement pas d'effet sur les recettes en raison de l'augmentation des activités. J'aimerais connaître votre avis sur ces questions.

M. Richard Paton: Même si politiquement ce n'est pas facile à faire étant donné que l'on donne l'impression d'aider une catégorie privilégiée de la population, je pense que toutes les études nous démontrent que l'imposition des gains en capital ne fait effectivement pas augmenter les recettes et que l'on retirerait des avantages d'une réforme.

• 1705

Je sais que la surtaxe irrite fortement nombre des membres de mon association. Comme vous l'avez indiqué tout à l'heure au sujet de l'AE, la surtaxe a été mise en place pour régler le déficit et l'on peut se demander ce qu'elle fait encore là aujourd'hui que le déficit a disparu. D'un point de vue psychologique, comme l'a indiqué John et le président, c'est bien dur à accepter, parce que j'estime qu'on laisse ainsi entendre au simple citoyen que le gouvernement cherche absolument à l'imposer, et il est bien difficile de comprendre pourquoi on n'a pas encore procédé à une réduction aussi évidente.

Laissez-moi vous raconter une anecdote parce que malheureusement, comme l'a indiqué tout à l'heure M. Szabo, contrairement à ce qui se passe dans bien d'autres domaines, nous n'avons pas beaucoup d'éléments de preuve en la matière. Nous avons une entreprise dont les ventes se font à 80 p. 100 aux États-Unis et dont le personnel chargé des ventes vend la plupart des produits aux États-Unis. Je parlais récemment au président de cette entreprise, qui m'a dit: «J'ai bien des difficultés avec mes vendeurs.» Je lui ai demandé où était le problème et il m'a répondu: «Eh bien, ils vont aux États-Unis et parlent là-bas aux autres vendeurs, qui vendent le même produit aux mêmes entreprises, et ils comparent leurs revenus. Ils se rendent compte qu'ils gagnent deux fois moins que les vendeurs des États-Unis. Après avoir calculé l'impôt sur le revenu et déduit leur hypothèque, ce qui représente un montant énorme lorsqu'on y pense, ils viennent ensuite me demander, puisqu'ils font 80 p. 100 de leurs ventes aux États-Unis, pour quelle raison je ne les installe pas là-bas.

Voilà donc la dynamique que l'on retrouve tous les jours au sein des entreprises. Par conséquent, pour répondre à votre question, je pense que les réformes que vous suggérez revêtiraient une énorme importance. Je ne sais pas si nous pouvons nous les permettre. Ce serait là des changements énormes apportés aux tranches d'imposition, mais les résultats seraient spectaculaires.

M. Scott Brison: Il en coûterait quelque 6 milliards de dollars de recettes par année si l'on effectuait ces changements, ce qui nous inciterait à renoncer à un bon nombre de nouveaux programmes de dépenses.

M. Richard Paton: Une grande partie de cet argent reviendrait sous la forme d'une accélération de la croissance et davantage...

M. Scott Brison: Effectivement.

La lourdeur de la réglementation a été évoquée par plusieurs d'entre vous et j'aimerais vous faire part d'une idée. J'ai d'ailleurs rédigé une proposition de loi à cet effet. On pourrait adopter un budget pour la réglementation, si vous voulez, un budget sur la paperasserie. Dans la pratique, tout nouveau règlement—et le gouvernement fédéral en adopte entre 600 et 1 000 chaque année—devrait s'accompagner d'une étude de coût englobant le coût de mise en place, le coût d'administration et surtout, ce troisième point est le plus important, le coût entraîné par le respect de la réglementation. Une fois par an, parallèlement au budget des dépenses, un budget de la réglementation serait déposé à la Chambre des communes afin d'être débattu. Les parlementaires pourraient ainsi mieux contrôler le budget s'appliquant à la réglementation et jouer un plus grand rôle à ce sujet.

L'une des façons de voir la chose, c'est que la réglementation s'apparente de très près à un impôt en ce sens qu'un bureaucrate va pouvoir dire par exemple à un ministre ou à un politicien qu'il serait bon que toutes les pelouses du Canada disposent de gicleurs automatiques et que l'une des façons d'y parvenir serait d'augmenter l'impôt pour que le gouvernement puisse installer des gicleurs sur toutes les pelouses du Canada, l'autre façon étant d'adopter une réglementation obligeant tous les Canadiens à installer des gicleurs sur leur pelouse. Il n'en reste pas moins que d'une façon ou d'une autre on impose l'affectation de ressources rares et de fonds publics pour obéir à des lubies bureaucratiques ou politiques.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de ce genre d'initiative, si la chose est possible et si cela contribuerait à enrayer la prolifération des règlements au Canada.

Le président: Il ne parle pas ici des gicleurs installés sur les pelouses.

M. Scott Brison: Non, nous ne parlons pas des gicleurs.

M. Richard Paton: Je suis très familiarisé avec le principe de votre budget lié à la réglementation, parce que j'ai été chargé pendant cinq ans de la politique réglementaire au sein du Conseil du Trésor. Je sais que c'est un principe qu'ont envisagé les Américains. Je pense que c'est un moyen complexe de traiter la question.

D'un autre côté, alors que je travaille aujourd'hui dans le secteur privé et que j'ai pu voir les difficultés rencontrées par des gens comme Charlie à la fois avec la réglementation et le recouvrement des coûts, je suis davantage attiré par l'idée consistant à imposer une certaine discipline financière à la réglementation, parce que l'on a très fortement tendance, comme vous le laissez entendre, à ne pas voir le coût imposé à l'économie par la réglementation. On le voit dans de nombreux projets de loi. Nombre de régimes réglementaires sont terriblement inefficaces et portent un grave préjudice aux entreprises. Il y a des études d'impact de la réglementation, qui sont élaborées bien entendu par le gouvernement. Généralement, elles ne sont pas très bonnes. Elles sont souvent effectuées par des gens qui n'ont aucune notion de l'économie ou de l'entreprise, de sorte que l'on apprécie en réalité très mal les répercussions sur les entreprises. Nombre de petites entreprises sont handicapées par ces réglementations.

• 1710

En dernière analyse, il faudrait peut-être que le gouvernement se mette à envisager tout ce qui est susceptible d'entraîner une meilleure discipline. S'il apparaît qu'un budget de la réglementation est l'un des moyens d'y parvenir, il faudrait peut- être que le gouvernement se mette à envisager ce genre de mesures.

Le président: Merci, monsieur Brison.

Monsieur Harris.

M. Richard M. Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Merci, monsieur le président, et merci messieurs de vos exposés.

Monsieur Paton, vous nous demandez pourquoi nous conservons des mesures comme les surtaxes ou la dérive des tranches d'imposition. Je peux probablement vous en donner les raisons, même si je ne suis pas le gouvernement et si je suis sûr qu'il aimerait donner sa propre réponse. Je pense que c'est probablement parce que ce genre de mesure lui convient, c'est une première chose, et ensuite parce que c'est quelqu'un d'autre qui les a instaurées, ce qui fait qu'il a le sentiment de pouvoir éviter toute critique.

J'aimerais poser une question à M. Atkinson et éventuellement à vous, monsieur Paton. Elle porte précisément sur les salariés des catégories moyennes et moyennes-supérieures de revenus, qui sont certainement les plus nombreuses dans vos deux secteurs. Il s'agit non seulement du groupe de contribuables qui versent le plus d'argent dans les coffres du gouvernement au titre de l'impôt sur les particuliers, c'est en outre le principal groupe qui dépense de l'argent sur notre marché.

Pour une raison étrange, d'aussi loin que je m'en souvienne, il apparaît que sur le plan de la fiscalité, les gouvernements ont toujours nié l'importance de ces salariés. Dans une large mesure, je pense que l'on pourrait presque accuser les gouvernements de discrimination envers ces personnes, qui travaillent beaucoup, qui s'efforcent de faire vivre une famille et qui tirent parti des promotions offertes par leur entreprise. Elles suivent des cours de formation supplémentaires pour pouvoir garantir leur emploi, mais en matière d'impôt on ne leur fait aucun cadeau.

Vous avez mentionné les discussions qui ont cours dans certains cas d'un côté et de l'autre de la frontière. À votre avis, pourquoi le gouvernement—vous pourriez peut-être me répondre tous deux rapidement—continue à se désintéresser de ce groupe très nombreux et très important de contribuables dans notre pays?

M. Michael Atkinson: Je pense qu'une partie du problème vient du fait qu'il est très facile de chercher à percevoir des recettes supplémentaires dans le cadre d'un régime qui, comme vous l'avez indiqué, perpétue largement les situations acquises.

J'en reviens à titre d'exemple à la caisse d'assurance- chômage. Le groupe le plus durement touché par le retrait du gouvernement du financement de la mise en valeur du marché de la main-d'oeuvre, et qui a perdu toute possibilité d'accès au fonds qu'il avait contribué à constituer, ce sont les jeunes hommes et les jeunes femmes qui suivent en salle de classe les cours correspondant à leur formation dans le cadre des programmes d'apprentissage.

Ce sont des personnes qui, pour améliorer leur qualification et acquérir une compétence dans leur domaine, suivent des cours venant compléter leur formation sur le lieu de l'emploi. Ces personnes ne sont pas au chômage; elles versent en fait des primes d'AE pendant qu'elles travaillent, etc., mais elles bénéficient d'un congé temporaire, si vous voulez, pour reprendre leurs études.

Avant que l'on apporte ce changement, ces personnes bénéficiaient d'un financement pendant la période d'attente normale de deux semaines, et les provinces qui dispensaient finalement la formation ne leur faisaient pas vraiment payer de frais de scolarité ou de droits pour s'inscrire dans ces écoles. Il s'agit ici de personnes qui sont dans la vingtaine, qui ont suivi trois ou quatre années d'enseignement ou de formation pour parvenir à ce point et qui sont déjà passées par la formation préalable à l'apprentissage. Ce ne sont donc pas de tout jeunes gens; ils ont de jeunes familles, etc.

• 1715

Alors que leurs primes D'AE ont été augmentées de façon—c'est ce qu'ils pensaient—à ce qu'ils puissent compléter leur formation, améliorer leur situation dans la vie, tout leur a été retiré sans que leurs primes d'AE baissent, ce qui a constitué un double coup dur. Ensuite les provinces, pour compenser leurs pertes de recettes, ont imposé des frais de scolarité sur les cours correspondant à leur formation.

Dans une telle situation, je considère donc que l'on apporte des changements, des rafistolages, sans que l'on tienne compte véritablement des répercussions que cela entraîne en fin de compte sur les personnes concernées.

Je suis heureux que vous ayez mentionné la dérive des tranches d'imposition, parce qu'il est inutile de s'occuper de ces tranches si elles ne sont pas par ailleurs fixes. Ce ne serait alors qu'un emplâtre sur une jambe de bois. Si vous voulez voir ce qui se passe lorsqu'on n'indexe pas certaines mesures ou incitatifs fiscaux, considérez ce que nous disons dans notre mémoire de la prétendue mesure incitative s'appliquant à l'impôt des petites entreprises. Le seul fixé à 200 000 $ pour les revenus tirés des activités des entreprises n'a pas bougé depuis 1982. Toute incitation qui pouvait en résulter alors pour les petites entreprises a depuis longtemps disparu.

Le président: Merci, monsieur Harris.

M. Richard Paton: Je vais m'efforcer de vous répondre.

Je pense que cela pourrait venir du fait qu'il est plus facile de percevoir les recettes. Je dois vous dire cependant que j'ai un certain nombre d'amis qui sont dentistes ou consultants et qui ne paient pas leurs impôts comme les salariés qui reçoivent toutes les deux semaines un chèque comportant une déduction d'impôt. Au bout du compte, ils les paient par gros montants, mensuellement ou tous les deux ou trois mois. Lorsqu'il leur faut payer, ces gens sont absolument outrés et parmi eux se trouvent les catégories de contribuables au sujet desquels on peut sérieusement s'inquiéter si l'on veut garantir la bonne marche de la fiscalité au Canada.

Il ne reste plus beaucoup en fait de possibilités de dégrèvements fiscaux et je ne suis donc pas sûr que cela touche uniquement les salariés. Je pense que tous les Canadiens sont touchés à peu près également. Il n'y a pas de traitement différent selon les gens.

Le président: Si notre principal objectif était de faire en sorte que le Canada soit le meilleur pays au monde pour les investisseurs et les entrepreneurs... Par là j'entends que je suis convaincu que lorsque dans un pays on augmente la productivité cela se traduit par une augmentation des revenus et des possibilités offertes. Tout ce que nous avons indiqué dans notre rapport est conforme pour l'essentiel à ma philosophie s'appliquant aux orientations que doit prendre notre pays.

Si vous replacez cela dans un contexte mondial, vous devez vous poser la question suivante: est-ce cela que nous voulons réaliser? Puis vous devez vous demander dans quels secteurs nous sommes concurrentiels et dans quels secteurs nous ne le sommes pas. On peut s'inquiéter, par exemple, au sujet de l'impôt sur le revenu des particuliers. On peut s'inquiéter des dépenses de R-D comparativement à ce que font d'autres pays. Puis, bien entendu, il y a l'AE, ce que l'on appelle les impôts ou les charges sur la masse salariale.

Je suis d'accord avec vous, à un moment donné je pense que les dépenses consacrées aux activités de perfectionnement et autres étaient assez élevées et se montaient à plusieurs milliards de dollars alors qu'aujourd'hui il n'y en a plus et qu'en outre il faut bien voir que le gouvernement ne verse plus sa part. Pourtant, je lis dans les rapports effectuant des comparaisons internationales que nous sommes très concurrentiels pour ce qui est des charges appliquées à la masse salariale. Il y a bien des confusions au sujet de l'existence de tel ou tel fonds ou du fait qu'il soit intégré ou non à l'ensemble des comptes de l'État. Cette question présente bien des particularités qui sont sources de confusion.

La question que je me pose est la suivante: Est-ce que notre gouvernement va considérer que l'argent de la caisse d'AC est versé directement dans les comptes de l'État et que pour l'essentiel il s'agit là du prix à payer pour exercer une activité commerciale, qu'il faut payer une charge sur la masse salariale? Voilà le montant que doivent payer et les prestations que peuvent toucher tous ceux qui au Canada travaillent au sein d'une entreprise, en tant qu'employeurs ou qu'employés. Pour en finir avec ce débat qui consiste à savoir si l'excédent se monte à 21 ou à 25 milliards de dollars, si en réalité nous sommes concurrentiels au niveau des charges sur la masse salariale—et c'est le cas selon les études que j'ai pu lire—bien entendu, nous devons nous poser la question suivante... si nous sommes concurrentiels au niveau des charges sur la masse salariale et non en ce qui a trait aux impôts sur le revenu, il faut donc s'occuper en priorité des impôts sur le revenu.

• 1720

Monsieur Atkinson, vous avez fait des commentaires au sujet de l'AE.

M. Michael Atkinson: Il y a une réponse toute simple à cette question, monsieur le président. Si les choses doivent se passer ainsi, ne parlons pas de caisse d'assurance-emploi; appelons-la par son nom.

Le président: Je ne dis pas que les choses vont se passer ainsi. Je me demande simplement si vous estimez qu'elles seraient plus claires de cette manière?

M. Michael Atkinson: Je pense que le problème se rattache à ce que nous a dit tout à l'heure M. Redfern au sujet de l'environnement, des perceptions, etc. Il faut bien voir que nombre de Canadiens ont le sentiment que le fonds de l'AE est un compte séparé—qu'on y verse de l'argent perçu dans un but précis auprès des employeurs et des employés et affecté précisément dans un tel but. Par conséquent, lorsque les primes augmentent pour financer un déficit ou pour créer davantage de programmes, la population canadienne s'attend, à tort il faut croire, à ce que cet argent soit utilisé précisément dans le but prévu à l'origine.

Lorsqu'elle s'aperçoit finalement qu'il ne s'agit pas là d'un excédent, qu'une recette fiscale est une recette fiscale et, qu'elle soit perçue de cette manière, à la pompe d'essence ou de toute autre manière, elle est placée avec tout le reste pour être dépensée, j'ai l'impression qu'elle en est agacée et irritée. Elle a le sentiment que ce n'est pas ce qu'on lui avait dit ou ce que lui avait laissé entendre un gouvernement précédent, que ces versements devaient être affectés au programme qui était censé être prévu. Quand nous constatons aujourd'hui que cet argent est versé dans un trou sans fond et peut être affecté à n'importe quelle dépense, nous la trouvons saumâtre.

Vous savez, nous n'avons pas vraiment eu notre mot à dire au départ lorsque ces montants ont augmenté. Nous aurions peut-être été d'accord parce que nous pensions que l'argent allait être utilisé dans ce but, mais lorsqu'on le siphonne ou qu'on l'affecte à d'autres dépenses, le procédé nous apparaît quelque peu cavalier.

Je considère que si c'est le prix à payer pour être employé ou employeur au Canada, qu'on appelle les choses par leur nom. Parlons de taxe sur l'emploi ou de toute autre chose de ce type. Il suffit que le gouvernement nous dise clairement pour quelle raison il perçoit l'argent au départ—voilà à quoi nous allons l'affecter, il va tout simplement être intégré à l'ensemble des comptes de la nation et servir à défrayer toutes les dépenses jugées utiles par nous ou par la population canadienne—nous n'y voyons pas d'inconvénient, mais appelons les choses par leur nom.

À mon avis, le problème est là. Vous savez, ces jeunes apprentis dont je vous parlais tout à l'heure, lorsqu'on leur a demandé de verser davantage d'argent dans la caisse d'AE, ils ont pensé que cela allait les aider à compléter leur formation, à se perfectionner sur le plan professionnel, etc. Voilà selon eux à quoi devait servir cet argent.

Le président: D'autres commentaires?

Si notre pays s'est fixé des objectifs clairs qui sont de créer les conditions nous permettant d'augmenter notre richesse—je ne pense pas que quelqu'un puisse s'opposer à cet objectif—et si l'on en vient à reconnaître que nos impôts sur la masse salariale sont concurrentiels et qu'il faut mettre la priorité ailleurs... Je sais qu'il y a une question de perception, une dimension psychologique, je suis tout à fait convaincu que les effets psychologiques des décisions prises par les gouvernements ont une grande importance pour la croissance d'un pays. Toutefois, qu'en pensez-vous? Que faire pour écarter les difficultés que nous pose l'AE?

M. Richard Paton: Je relève avec un grand intérêt que vous mettez en parallèle les impôts sur la masse salariale, sur les entreprises—si l'on décide d'ajouter les entreprises—et sur le revenu. Une analyse rapide nous fait dire que nous sommes plus ou moins dans le coup en matière d'impôts sur la masse salariale et sur les entreprises; nous ne nous écartons pas terriblement des États-Unis. Pour ce qui est de l'impôt sur le revenu, nous en sommes loin. Bien entendu, tout dépend de l'État considéré, parce que certains États n'ont même pas d'impôt. Tout dépend évidemment du fait qu'il s'agisse ou non de gains en capital, mais de toute façon nous sommes loin du compte. Je pense donc que cela devrait nous permettre de fixer nos priorités, du moins à court terme.

Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?

Au nom du comité, je vous remercie. Comme vous l'avez probablement remarqué, si nous devions suivre toutes les recommandations qui nous ont été faites, nous dépenserions ce soir une bonne quantité de dollars. Je veux faire comprendre par là qu'il faut malheureusement tenir compte de la réalité suivante lorsqu'on élabore des budgets: il faut faire des compromis. Des compromis doivent être faits constamment et c'est aussi le cas ce soir. Nous allons faire des heureux et d'autres qui le seront moins. Nous nous efforcerons d'adopter un point de vue équilibré. Vous le savez certainement, c'est là le programme du gouvernement ainsi que celui de notre comité.

• 1725

Je vous remercie de votre participation, mais je tiens aussi à vous faire savoir très clairement que cette volonté de produire de la richesse pour améliorer le niveau de vie de la population tient à coeur notre comité, et cela depuis un certain nombre d'années. C'est plus ou moins l'enjeu de nos délibérations de cette année.

Nous allons faire une pause de 33 minutes. Nous reviendrons ensuite.

• 1726




• 1803

Le président: Eh bien, nous allons reprendre la séance. Je souhaite la bienvenue à tout le monde.

Comme vous le savez, notre comité—le Comité des finances—se livre à des consultations prébudgétaires. Plusieurs d'entre vous ont d'ailleurs déjà comparu devant nous. Vous aurez chacun sept à dix minutes environ pour faire votre exposé après quoi nous passerons à une période de question.

Je suis très heureux de présenter maintenant les membres de ce nouveau groupe de témoins. De la Low Impact Renewable Energy Coalition, nous accueillons M. Frederick Gallagher, qui est directeur général de Vision Quest Windelectric Inc. et directeur de l'Association canadienne d'énergie éolienne; nous accueillons également M. Jeff Passmore, vice-président exécutif d'Iogen Inc., et vice-président de l'Association canadienne des carburants renouvelables.

M. Colin Isaacs, président du Comité national de la politique et président de Contemporary Information Analysis représente l'Association canadienne des industries de l'environnement, et il est accompagné de Mme Rebecca Last, directrice des programmes et des politiques de l'association.

Au nom de l'Association canadienne des pâtes et papiers, nous entendrons M. Steve Stinson, directeur, Questions de finances et d'affaires.

Nous avons aussi M. Stephen Pope, président sortant de la Société d'énergie solaire du Canada Inc.

Le représentant du Pembina Institute for Appropriate Development est Matthew Bramley, analyste principal des politiques, Climate Change Program.

Enfin, nous entendrons M. John Bennett, directeur, Atmosphère et énergie au Sierra Club du Canada et M. Rick Finlay, Enquête pollution, au nom du Réseau d'action face aux changements climatiques Canada.

Soyez les bienvenus. Inutile de vous préciser que nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire. Vous allez très certainement nous aider dans notre tâche parce que nous avons un grand défi à relever, celui de cerner le contenu du budget de l'an 2000. Nous comptons sur vous pour nous guider et ainsi nous aider à réaliser les meilleurs investissements possibles dans le budget en question.

Eh bien, nous allons tout de suite commencer par MM. Gallagher et Passmore de la Low Impact Renewable Energy Coalition. Qui va commencer?

M. Frederick M. Gallagher (représentant, Low Impact Renewable Energy Coalition): Monsieur Gallagher.

Le président: Bienvenue, monsieur Gallagher.

M. Frederick Gallagher: Merci beaucoup.

• 1805

Merci, mesdames et messieurs, de nous avoir invité à prendre la parole devant vous ce soir. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de vous parler d'un certain nombre de possibilités et de problèmes propres à notre industrie.

Pour commencer, je vais vous donner un bref aperçu de ce qu'est le secteur des énergies renouvelables écologiques, afin que vous le compreniez un peu mieux.

Sachez, tout d'abord, qu'il est composé des associations de l'énergie renouvelable qui représentent l'éventail des sources d'énergie dites écologiques, c'est-à-dire n'ayant qu'un faible impact sur l'environnement et ne donnant pas lieu à un avantage environnemental au prix d'une dégradation ailleurs. En outre, les sources d'énergie que nous représentons pourraient donner lieu à des avantages immédiats sur le plan de l'environnement, par exemple, sous la forme d'une réduction de la pollution atmosphérique ou d'une diminution des toxines et des émissions de gaz à effet de serre, sans pénalité économique.

Sachez qu'au nombre de ces technologies on retrouve l'énergie solaire, l'énergie éolienne, les centrales hydroélectriques au fil de l'eau, l'énergie de la terre et tous les combustibles verts... autant de sources qui sont définies dans le Programme de choix environnemental d'Environnement Canada.

Notre coalition se compose de plusieurs organismes: l'Association canadienne d'énergie éolienne; la Société d'énergie solaire du Canada Inc.; la Earth Energy Society of Canada; l'Association canadienne d'énergie solaire et l'Association canadienne des carburants renouvelables. En outre, la coalition est appuyée par une série d'associations indépendantes productrices d'énergie, situées un peu partout au Canada, mais surtout en Alberta, en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique.

Sachez que nous représentons également des milliers de petites entreprises canadiennes qui sont résolument engagées dans ce débat sur le changement climatique et sur l'avenir énergétique du Canada.

La coalition a pour mandat de représenter le point de vue uniforme de cet ensemble d'industries afin de communiquer le plus précisément possible les grandes propositions que nous avons à formuler et à exprimer les grands problèmes auxquels se heurte le secteur de l'industrie.

Nous voulons présenter ce que nous croyons être des solutions économiques et particulièrement intéressantes pour réduire les émissions, solutions qui devraient permettre aux gouvernements d'agir immédiatement. Il y a d'ailleurs lieu de souligner quelques aspects importants à propos de ces possibilités.

Selon nous, le plus important est de parvenir à une croissance sans passif. Nous voulons bien sûr parler de l'important engagement international que le Canada a pris dans le cadre de l'accord de Kyoto. De nombreuses industries et associations au Canada ont associé cet engagement à une véritable catastrophe économique. Nous croyons que, loin d'être une catastrophe économique, il s'agit plutôt d'une occasion offerte à notre pays de développer des ressources qu'il n'a pas encore exploitées et dont il dispose en grandes quantités.

Nous voulons parler de la façon dont la population peut prendre part au débat, dont le consommateur peut commencer à faire des choix, des choix sains, des choix qui lui permette de se distinguer sur le plan de l'environnement, dans ses choix quotidiens de sources d'énergie.

Nous avons pour principe d'utiliser les instruments du marché pour attirer les investissements canadiens et intéresser les Canadiens et les Canadiennes à participer à la formulation de ces solutions.

Mesdames et messieurs, je suis un homme d'affaires. J'ai passé plus de dix ans dans l'industrie pétrolière et gazière et cinq ans dans le secteur où j'évolue actuellement. Je considère que ce secteur est très prometteur pour le Canada et pour les Canadiens, un peu comme le Pacte de l'automobile l'a été pour nous il y a bien des années.

Pour répondre aux principaux thèmes soulevés par le comité permanent, nous allons essayer de formuler nos suggestions en suivant les lignes de conduites que vous avez dressées, afin de vous aider à comprendre quelles pourraient être, justement, les répercussions de nos recommandations sur ces divers aspects.

Je me propose de vous entretenir surtout de réforme et d'allégements fiscaux, car je n'ai pas grand chose à dire sur le premier point.

S'agissant donc de réforme et d'allégements fiscaux, nous voulons que de telles mesures profitent à ceux et à celles qui font des choix appropriés sur le plan économique, c'est-à-dire qui optent pour des solutions durables, pour des sources d'énergie écologiques, qui font des choix allant dans le sens de l'efficacité énergétique et de l'amélioration de l'efficacité énergétique. À cette fin, nous recommandons que le gouvernement adopte un ensemble de dispositions fiscales visant à stimuler la consommation d'énergie renouvelable, pour que le consommateur et le gouvernement puissent tous deux en profiter.

• 1810

Nous demandons aussi de réduire les obstacles à la concurrence attribuables à notre régime fiscal. À l'heure actuelle, plusieurs règles de ce régime fiscal ont été arrêtées sans qu'on tienne compte des différentes formes d'énergie. Résultat: on constate d'importantes différences entre les régimes fiscaux concernant les combustibles fossiles et ceux qui concernent l'industrie des énergies renouvelables.

En outre, dans le secteur de l'énergie renouvelable, on constate d'importantes disparités sur le plan de l'équité de traitement des entreprises entre celles qui disposent d'importants revenus imposables mais qui peuvent se prévaloir des amortissements actuellement prévus, et les petites entreprises, en phase de croissance, qui ne réalisent pas de bénéfices, qui n'ont donc rien à amortir et qui ne profitent pas de ce genre d'avantages.

Donc, sur le chapitre de la réforme des allégements fiscaux, nous estimons qu'il est surtout question d'offrir des allégements fiscaux et d'apporter des réformes dans les domaines qui encourageront un développement approprié et durable.

Pour ce qui est de l'infrastructure sociale, nous nous sommes intéressés à nos diverses technologies et nous sommes demandés comment les mettre à profit. Il est ici question de réduire les coûts de la santé qui sont la cause même de nos difficultés dans ce domaine. Nous croyons qu'il serait possible de réaliser d'importantes économies dans ce secteur, surtout en réduisant les précurseurs du smog, et cela sans égard au problème des gaz à effet de serre. Ce n'est d'ailleurs pas tout, puisque dans notre étude—et je crois que vous en avez tous reçu un exemplaire—nous chiffrons les économies que l'on pourrait réaliser sur ce plan.

Pour ce qui est de l'infrastructure sociale, sachez que l'industrie de l'écologique est particulièrement porteuse sur le plan des débouchés d'emplois, tant pour la main-d'oeuvre qualifiée que pour la main-d'oeuvre non qualifiée.

Je vais maintenant passer à votre autre thème, celui de la nouvelle économie. Nous estimons que le Canada est en mesure de soutenir la concurrence des autres pays. Nous sommes convaincus que le marché intérieur des énergies écologiques renouvelables permettra à l'industrie canadienne de se doter d'une excellente capacité de fabrication pour ce genre d'installations, ici, au Canada. En outre, nous pourrons ainsi commencer à nous doter d'une industrie compétitive grâce à laquelle nous pourrons produire une énergie électrique à partir de ressources renouvelables, au plus bas prix possible.

Je veux aussi vous parler très brièvement de l'industrie éolienne à laquelle j'appartiens, et plus particulièrement des installations que nous sommes en train de monter. Il faut savoir que c'est une des industries de l'énergie qui connaît actuellement la plus forte croissance au monde, puisqu'elle progresse à raison de 40 p. 100 par an. D'ici 2020, selon une étude sur l'énergie éolienne en Europe, cette forme d'énergie pourrait représenter environ 10 p. 100 de la capacité mondiale et enregistrer un chiffre d'affaires de quelque 150 milliards de dollars par an.

À l'heure actuelle, deux pays dominent essentiellement dans ce secteur: l'Allemagne et le Danemark. Nous croyons qu'il existe d'importants débouchés sur le plan manufacturier pour le Canada, parce que nous disposons d'une importante technologie manufacturière, que nous avons la capacité voulue et que nous pouvons compter sur une main-d'oeuvre active très efficace et peu chère, comparativement à celle de ces deux autres pays.

Je vais maintenant céder la parole à Jeff Passmore qui va brièvement vous parler de l'incidence de la nouvelle économie sur certains des autres secteurs de l'énergie renouvelable au Canada.

M. Jeff Passmore (représentant, Low Impact Renewable Energy Coalition): Merci, Fred.

Je tiens à remercier le président et ce comité d'être venus entendre notre exposé.

Mes remarques concerneront essentiellement le point quatre, celui de la nouvelle économie. Je vous ai fait remettre deux documents: une brochure de la compagnie Ford intitulée «Fueling the Future with Ford—The Ethanol Way» et un récent article de la revue Foreign Affairs intitulé «The New Petroleum».

• 1815

Mon message sera simple. Il existe des opportunités, sur le plan économique, qui sont associées aux obligations du Canada en matière d'environnement, surtout pour ce qui est des obligations de Kyoto. On trouve maintenant des automobiles, comme les véhicules montrés ici, c'est-à-dire la Ford Taurus et la camionnette Ford Ranger—d'ailleurs General Motors, Volvo, Volkswagen et d'autres fabricants d'automobiles en ont de semblables—il existe donc des véhicules qui peuvent fonctionner avec des mélanges faits à 80 p. 100 d'éthanol et à 15 p. 100 d'essence. Ces voitures-là existent donc maintenant.

Le gouvernement fédéral dispose d'un instrument, la Loi sur les carburants de remplacement, selon lequel, d'ici 2004, 75 p. 100 des véhicules du gouvernement du Canada devraient fonctionner grâce à des combustibles de remplacement si les coûts et si la faisabilité opérationnelle ne sont pas des obstacles. Le message que j'ai donc à adresser au Comité des finances aujourd'hui est le suivant. D'abord, il faut inciter le gouvernement fédéral à appliquer sa Loi sur les carburants de remplacement parce que, étant donné que ces véhicules existent, on ne peut plus invoquer les problèmes de coûts et de faisabilité opérationnelle pour ne pas aller de l'avant. Pour ces véhicules l'ajout de l'option éthanol représente 200 $, ce qui n'est certainement pas un obstacle à mes yeux pour des véhicules coûtant 25 000 $.

Deuxièmement, le gouvernement dispose de ce qu'on appelle le Programme national sur l'éthanol de la biomasse, qui a été mis en oeuvre en 1994-1995. Ce programme est arrivé à terme le 31 décembre 1998, mais j'incite le gouvernement à le renouveler et à en étendre la période d'application. Les budgets avaient été réservés pour cela, mais ils n'ont jamais servi parce que l'industrie de l'éthanol, à l'époque, n'était pas prête à profiter de la marge de crédit qui lui était proposée pour construire des usines d'éthanol et que, malheureusement, les banquiers canadiens sont prudents à l'excès et qu'ils veulent toutes sortes de garanties avant de vous prêter de l'argent pour construire une usine.

Troisièmement, et sans vous commander d'aucune façon, j'inviterais le ministère et les membres de ce comité à envisager d'autres options, comme une quantité minimale d'éthanol dans les mélanges à faible teneur ou l'octroi de crédits d'impôt à la production semblables à ceux offerts aux États-Unis, ou encore le recours à d'autres instruments commerciaux. Tout à l'heure, Fred vous a parlé d'instruments axés sur le marché et il vous a dit que nous nous réjouissons de cette approche. Je confirme cela si les signaux du marché sont bons, autrement dit, si l'on tient compte des externalités dans le prix.

Comme je le disais, je voulais parler essentiellement de la nouvelle économie et je vous répète que l'écologie présente d'énormes possibilités sur le plan économique. Nous n'avons pas à négocier d'échanges avec des pays économiquement faibles pour respecter nos engagements sur le plan de l'environnement.

Le président: Merci, monsieur Passmore. Merci, monsieur Gallagher.

Nous allons maintenant entendre M. Colin Isaacs et Mme Rebecca Last de l'Association canadienne des industries de l'environnement. Bienvenue à vous deux.

M. Colin Isaacs (président, Comité national de politique, président de Contemporary Information Analysis, Association canadienne des industries de l'environnement): Merci beaucoup, monsieur le président, merci aussi aux membres du comité. Je suis très heureux de me trouver parmi vous ce soir.

Je dois vous transmettre les excuses de notre président, M. Chris Henderson, qui n'a pu se rendre à votre invitation car il souffre d'une pneumonie. Je suis le président du Comité de la politique nationale, comité qui a en fait préparé le mémoire que nous vous avons soumis et je suis heureux de pouvoir vous le commenter.

Nos membres sont enchantés, je pourrais même dire ravis, du discours du trône et de ce qu'on y dit à propos de l'environnement. Pour notre part, nous y avons dénombré 22 engagements touchant à l'environnement, beaucoup plus que ce qu'en contenait le précédent. Nous avons maintenant hâte de voir le budget qui donnera forme à ces engagements.

Nous sommes une association de l'industrie. Nous représentons plus de 5 000 compagnies au Canada qui fabriquent des technologies et offrent des services permettant de faire face aux défis environnementaux auxquels notre planète est confrontée. Ces défis ne se résoudront pas par le biais de la seule discussion: ils exigent des actions, des actions fondamentales dans la façon dont nous planifions et faisons fonctionner notre économie et notre société. Tout comme ce gouvernement, nous sommes fermement engagés envers les principes de développement durable qui profitent à l'économie, à l'environnement et à notre société.

Il y a quinze ans, le Canada était un pays phare dans le domaine de la gestion de l'environnement et du développement durable. Depuis, nous avons dérapé. Nous n'occupons plus la position de tête et nous ne sommes peut-être même plus parmi les cinq premiers. Pour reprendre les rênes dans le domaine du développement durable, notre gouvernement va devoir faire preuve de leadership. Pour cela, il devra d'abord et avant tout favoriser le développement durable dans la planification économique.

• 1820

Nous ne proposons pas de nouveaux règlements qui entraveraient la croissance économique. Nous ne sommes pas favorables à une augmentation massive des dépenses gouvernementales dans le domaine de l'environnement et nous ne sommes certainement pas favorables à l'engagement de milliers de fonctionnaires pour étudier une politique environnementale et faire des recherches dans le domaine. Dans le mémoire que nous vous avons soumis, nous proposons une solution orientée vers le secteur privé. Nous proposons des initiatives budgétaires fédérales visant à encourager la R-D dans le sens de technologies écologiquement efficaces grâce auxquelles nous exploiterons au mieux nos ressources. Nous proposons que le gouvernement fédéral fasse la preuve des avantages que présentent les technologies de l'environnement dans le cadre de son Programme des approvisionnements écologiques.

De plus, sachez que nous appuyons le Programme national des infrastructures environnementales proposé par la Fédération canadienne des municipalités.

Nous proposons que le gouvernement fédéral stimule les occasions d'affaire dans le cadre du Programme de changement climatique pour nous aider à transformer le Canada en un pays davantage productif et compétitif et à nous aider à atteindre les objectifs du Protocole de Kyoto.

Nous proposons d'augmenter et d'améliorer les investissements fédéraux au service de l'expansion et de la promotion des exportations en environnement.

Nous proposons de mettre à contribution les entreprises et les consommateurs pour qu'ils travaillent ensemble à la protection de la santé des générations à venir grâce à un projet portant sur l'assainissement de l'habitat.

Sous la houlette du gouvernement, nos industries environnementales, en partenariat avec le milieu universitaire, pourront redonner au Canada sa place de chef de file mondial dans le domaine de l'environnement et du développement durable.

Notre mémoire vous fournit davantage de détails à ces divers propos. Nous serons heureux de répondre à vos questions et nous avons hâte de confirmer que le budget de 2000 traduira les mêmes engagements envers l'environnement et le développement durable que le discours du trône.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Isaacs.

Nous allons maintenant entendre M. Steve Stinson, directeur, Questions de finances et d'affaires, de l'Association canadienne des pâtes et papiers. Bienvenue, monsieur Stinson.

M. Steve Stinson (directeur, Questions de finances et d'affaires, Association canadienne des pâtes et papiers): Merci. Une fois de plus, l'Association canadienne des pâtes et papiers se réjouit d'avoir l'occasion de participer à ces consultations prébudgétaires.

Pour commencer, je souhaite vous donner un bref historique de ce que nous sommes, vous parler de nos adhérents et de l'industrie forestière canadienne. Les membres de l'Association canadienne des pâtes et papiers représentent l'essentiel de la production de pâtes et papiers au Canada et la moitié de la production des produits du bois. L'industrie forestière demeure l'une des plus importantes au Canada, même si elle est quelque peu négligée. C'est elle qui contribue le plus, et de loin, à l'équilibre de la balance commerciale canadienne et qui assure plus d'un million d'emplois directs et indirects à l'échelle du pays, dont la plupart dans des régions éloignées. Qui plus est, c'est une industrie de haute technologie et un gros acheteur de technologie qui a toujours représenté plus du quart des dépenses d'immobilisation réalisées par le secteur manufacturier dans la machinerie et l'équipement. Cela étant, la réussite de l'industrie sylvicole canadienne est étroitement liée à celle de la soit disant «nouvelle économie» du Canada, si l'on peut faire une telle distinction.

L'industrie des produits forestiers canadiens évolue sur un marché mondial très compétitif. Les trois quarts de sa production sont destinés à l'exportation. Ainsi, l'effet des politiques gouvernementales sur la compétitivité internationale de cette industrie préoccupe nos membres au plus haut point.

Dans notre déposition de septembre, dont le mémoire, je l'espère, vous a été distribué, nous formulons quatre grandes recommandations sur le plan de la politique économique en général et sur celui de la politique budgétaire en particulier.

D'abord, étant donné que l'économie canadienne est très axée sur l'exportation, il est essentiel que notre système fiscal soit compétitif à l'échelle internationale. De plus en plus, les entreprises, mais aussi les Canadiennes et les Canadiens, s'entendent pour dire que notre fardeau fiscal est trop lourd. En effet, force est de constater que ce fardeau empêche l'économie canadienne de parvenir à son plein potentiel. Cela étant, il importe de réduire sensiblement les taxes et impôts fédéraux, pour les particuliers et les entreprises. Qui plus est, cette réduction est de plus en plus faisable.

Toutefois, c'est à la réduction des impôts personnels qu'il faudra accorder la plus grande priorité. Les taux marginaux élevés empêchent non seulement les entreprises canadiennes d'attirer et de retenir du personnel compétent dans les fonctions administratives de ses sièges sociaux au Canada, mais ces mêmes impôts élevés poussent les coûts des capitaux à la hausse. En effet, les industries très capitalistiques, comme dans les pâtes et papiers, sont accablées d'un désavantage compétitif important sur la scène internationale.

D'ailleurs, dans l'étude de Price-Waterhouse-Coopers, dont nous parlons dans notre mémoire, il est dit que les différences dans les impôts personnels représenteraient la quasi-totalité des 11 p. 100 d'écart entre le Canada et les États-Unis, sur le plan des taux d'imposition des investissements dans la production de papier.

• 1825

Pour ce qui est des entreprises canadiennes, il ne faut surtout pas oublier qu'elles souffrent d'écarts fiscaux encore plus important par rapport à ce qui se fait dans d'autres pays, comme la Finlande, le Brésil, le Japon et l'Indonésie. Avec un taux de 73 p. 100, les entreprises canadiennes de pâtes et papiers ploient sous des taux qui sont près de deux fois plus élevés que ceux de leurs concurrents brésiliens et indonésiens.

Je dois par ailleurs ajouter que, quand le temps viendra de s'attaquer à la fiscalité des entreprises, nous devrons veiller à faire preuve de prudence. Je sais que de plus en plus de gens pensent, surtout depuis le dépôt du rapport du Comité Mintz, que le secteur des services est désavantagé. Eh bien, nous devrons nous montrer très prudents dans notre analyse du régime fiscal et veiller à prendre en compte l'ensemble de la situation et pas uniquement celle du fédéral.

Si l'on peut toujours prouver que certains éléments du régime fiscal favorisent les industries des ressources naturelles de même que le secteur manufacturier, dans l'ensemble, nos chiffres montrent que l'industrie forestière est taxée à près de 70 p. 100. Ce constat est différent de celui de l'étude de Price-Waterhouse- Coopers qui tient également compte des impôts personnels. Même le secteur bancaire qui affirme être le secteur le plus lourdement imposé, n'est soumis qu'à des taux de l'ordre de 55 p. 100. Nous devrons donc nous montrer très prudents dans la façon dont nous prendrons nos décisions dans ce domaine.

Notre deuxième recommandation concerne le processus budgétaire. S'il y a lieu de féliciter le gouvernement fédéral parce qu'il est parvenu à équilibrer les finances nationales, il faut tout de même signaler qu'il n'a pas encore fini de mettre de l'ordre dans nos finances en général.

Ce qui nous préoccupe le plus, maintenant que le budget fédéral est équilibré, c'est qu'on augmente irrévocablement la part des dépenses, bien au-delà de ce qui était prévu dans le budget des dépenses des années précédentes. Certes, comme l'a décrit hier le ministre des Finances, M. Martin, dans sa mise à jour économique, l'adoption d'un plan quinquennal ne peut qu'aider, mais il faudra prendre grand soin à ne pas dépasser les sommes prévues dans le budget des dépenses, au titre de l'utilisation projetée des excédents.

Pour résumer brièvement notre troisième recommandation, je dirais qu'il faut laisser agir les marchés. Les gouvernements doivent apprendre à résister à la tentation d'être les principaux acteurs de toutes les grandes décisions économiques au Canada. La tendance du gouvernement à reconsidérer systématiquement les grandes décisions du secteur privé en matière d'investissement, qu'il soit question de fermer une papeterie devenue non concurrentielle ou d'investir dans une région plutôt qu'une autre, explique en grande partie notre retard sur le plan de la productivité.

Enfin, nous tenons à inciter le gouvernement à adopter une approche plus globale en matière de politique gouvernementale et de politique économique en particulier. À bien des égards, l'économie est comme un écosystème, en ce sens que tous les éléments qui la composent sont inextricablement liés. Dès lors, le sort d'une industrie des pâtes et papiers a un effet sur celui de la nouvelle économie du Canada.

En tant qu'industrie la plus capitalistique du Canada, nous sommes aussi l'un des plus importants consommateurs si ce n'est le plus gros consommateur de technologies de l'environnement et de contrôles des procédés. La réussite de nos fournisseurs sur les marchés mondiaux dépend largement de la capacité d'investissement de l'industrie des pâtes et papiers dans des technologies de pointe. Le lourd fardeau fiscal qui nous afflige depuis dix ans et notre faible marge de profit réduisent considérablement notre contribution.

Pour conclure, je dirais que nous espérons que l'industrie canadienne des pâtes et papiers pourra continuer à jouer un rôle déterminant dans le développement économique du Canada dans les années à venir. On peut affirmer, sans trop faire preuve d'imagination, que nous sommes une industrie traditionnelle. Avec l'importante croissance de l'Internet et la prolifération des nouvelles technologies de l'information, on assiste à une augmentation de la demande de produits de pâtes et de papier. Mais pour miser sur ces tendances, il faudra aligner le fardeau fiscal des Canadiens sur celui de nos concurrents. Si notre industrie veut pouvoir attirer des investissements, il faudra qu'elle demeure compétitive.

À cette fin, le gouvernement devra prendre soin de ne pas se lancer dans de nouveaux projets de dépenses qui risqueraient de l'empêcher d'effectuer d'importantes réductions fiscales.

Une industrie forestière qui se porte bien ne peut être qu'une bonne chose pour l'économie et pour le niveau de vie des Canadiens, de même que pour les hommes, les femmes et les collectivités qui dépendent de notre secteur.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Stinson.

Nous allons maintenant entendre M. Stephen Pope qui représente la Société d'énergie solaire du Canada Inc.

M. Stephen Pope (président sortant, Société d'énergie solaire du Canada Inc.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Bonjour, mesdames et messieurs.

La Société d'énergie solaire du Canada est un organisme bénévole dont les adhérents, qui appartiennent au milieu universitaire, à l'industrie et au grand public, sont tous intéressés à trouver des façons plus durables de conduire nos vies, sur un plan écologique.

• 1830

Comme nous avons contribué à la rédaction du document de la Low Impact Renewable Energy Coalition (LIREC), nous ne vous avons pas fourni de mémoire à part, mais nous aimerions tout de même renforcer certains aspects que M. Gallagher a abordés et vous en dire plus long sur l'énergie solaire.

L'énergie solaire regroupe en fait tout un ensemble de technologies. On en dénombre environ sept groupes, dont quatre ont particulièrement bien réussi dans le contexte canadien: l'électricité photovoltaïque; le chauffage de l'air par l'énergie solaire; le chauffage de l'eau par l'énergie solaire et le solaire passif. Ce dernier secteur est très intéressant parce qu'il correspond à une technologie qui réalise le lien entre deux: celle de l'efficacité énergétique dans le domaine de la construction et celle de l'énergie renouvelable sous la forme d'une exploitation de l'énergie solaire par l'installation d'éléments de construction destinés à cette fin.

Pour reprendre les thèmes proposés par le comité, à commencer par le point numéro deux qui celui de la réforme et des allégements fiscaux, sachez qu'en ce qui concerne la Société d'énergie solaire du Canada Inc., il est très important de récompenser les mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à décourager toutes les mesures négatives à cet égard.

Comme la technologie solaire est locale par nature, nous estimons que le mieux est d'accorder un crédit fiscal à la consommation. Étant donné le caractère local des systèmes solaires, le consommateur achète de l'électricité écologique produite par le vent ou la biomasse. De plus, il faudrait accorder des crédits fiscaux pour des dispositifs comme les fenêtres à haut rendement pour le solaire passif. Par ailleurs, si l'on parvient à démontrer de façon raisonnable que les fabricants intègrent, dans leur conception, les avantages du solaire passif au niveau de la répartition des masses au sein d'un bâtiment, il serait peut-être même justifié d'accorder des crédits fiscaux au titre du travail de conception.

Parlons maintenant de l'infrastructure sociale. Les débouchés d'emploi sont excellents, comme le signale le document de LIREC: 36 emplois par million de dollars consacrés à l'efficacité énergétique et 12 par million de dollars consacrés à l'énergie renouvelable. Pour ce qui est du solaire, les chiffres correspondent. En l'absence d'un haut niveau d'efficacité énergétique dans la construction—tant pour ce qui concerne la construction résidentielle que la construction commerciale—le solaire ne peut fonctionner. Ainsi, lorsqu'on achète solaire, on se trouve en fait à acheter l'efficacité énergétique ainsi qu'une bonne compréhension de la façon dont le soleil va chauffer votre bâtiment.

Dans un monde fonctionnant au solaire, la nouvelle économie sera très diversifiée sur le plan énergétique. Comme je le disais, il existe quatre technologies solaires qui fonctionnent très bien au Canada. En outre, il existe toute une diversité d'autres énergies renouvelables qui donnent des résultats plus ou moins probants, selon l'application qu'on en fait et la région où l'on se trouve. Cette économie de l'énergie distribuée dépendra d'une production également distribuée. Cela a une incidence considérable sur l'électricité vendue au détail et sur la déréglementation de cette industrie.

Enfin, étant donné la distribution ou le caractère distribué de la production d'énergie, les industries de service devront être largement réparties sur l'ensemble du territoire afin de se conformer à ce modèle de distribution. L'énergie renouvelable présente un autre avantage. Étant donné son caractère très localisé, surtout dans le cas du solaire, il est nécessaire, dans chaque région, de pouvoir compter sur des gens comprenant la façon dont le matériel doit être entretenu, la façon d'intégrer de nouvelles technologies et la façon de l'entretenir. La diversification du bassin d'emplois montre bien que la croissance ne s'accompagne pas d'un passif.

L'efficacité énergétique et l'énergie solaire contribuent au genre de progrès auquel nous avons assisté, par exemple, grâce au Programme de la maison R-2000, au Programme des bâtiments commerciaux performants C-2000 et au Programme de la maison performante. Tous ces programmes ont fait la preuve des importants avantages sur le plan énergétique que présentent les équipements, la construction et le savoir actuels, ainsi que les techniques de fabrication canadiennes. Eh bien, il y a lieu d'apporter son soutien à tout cela.

En dernier lieu, la Société d'énergie solaire du Canada Inc. demande que le ministère des Finances suive le modèle des divers ministères fédéraux en matière de reddition des comptes pour la mise au point de programmes et nous demandons qu'il s'assure que l'on suit bien les orientations appropriées. Les programmes ne devraient pas être inutilement amputés par le ministère des Finances. Il y a lieu d'élaborer et de promouvoir ce genre de programmes, surtout ceux qui sont destinés à appuyer l'énergie renouvelable. Pour l'instant, trop peu de gens y adhèrent.

• 1835

Le président: Merci beaucoup, monsieur Pope.

Nous allons maintenant entendre M. Matthew Bramley. Bienvenue monsieur.

M. Matthew Bramley (analyste principal des politiques, Climate Change Program, Pembina Institute for Appropriate Development): Merci, monsieur le président.

Je représente donc le Pembina Institute for Appropriate Development, qui est un organisme de recherche, de défense et de consultation sans but lucratif. Nous avons participé à neuf des 16 tables permanentes de concertation du processus de consultation nationale sur le changement climatique.

[Français]

Je voudrais commencer en vous montrant l'acétate qui démontre le défi que doit relever le Canada pour ses émanations de gaz à effet de serre et respecter les engagements qu'il a pris à Kyoto.

Nous suivons une courbe qui monte et qui continue de monter. Selon les projections de Ressources naturelles Canada, afin de respecter les engagements pris à Kyoto, nous devrons, d'ici à l'an 2010 environ, réussir à effectuer une nette diminution. Il faudra suivre cette courbe-ci plutôt que de continuer à accroître nos émanations.

[Traduction]

J'aimerais que vous ne perdiez pas cela de vue car vous aurez ainsi une idée de l'urgence qu'il y a, pour le Canada, de respecter les engagements pris à Kyoto. Jusqu'ici, aucune mesure importante n'a été adoptée pour réduire suffisamment les émissions pour parvenir aux objectifs de 2008 à 2012.

Je vais brièvement vous entretenir des quatre dispositions proposées dans le train de mesures présenté du Réseau d'action face aux changements climatiques. Le Pembina Institute a d'ailleurs apporté sa contribution à ces quatre mesures. Il s'agit des quatre premières apparaissant dans ce document dont, je crois, vous avez tous reçu copie.

La première mesure consiste à faire le ménage, au Canada, dans le dossier du changement climatique, en adoptant une double approche. D'abord, réduire le niveau d'utilisation énergétique des bâtiments du gouvernement fédéral. Deuxièmement, stimuler le marché pour favoriser l'avènement de l'énergie renouvelable en fixant au gouvernement fédéral un objectif en matière d'achat d'énergie renouvelable.

Pour la première proposition, nous sommes partis du principe que le gouvernement fédéral dépense environ 800 millions de dollars par an en énergie, dans ses différents bâtiments. Les études donnent à penser qu'il pourrait économiser 160 millions de dollars et nous proposons, pour cela, d'augmenter de 5 millions de dollars le budget accordé à l'initiative fédérale dans le secteur du bâtiment afin de moderniser la moitié des surfaces à bureau du gouvernement fédéral d'ici 2005. Cette somme de 5 millions de dollars permettrait essentiellement d'augmenter les effectifs et d'accroître la capacité de l'initiative fédérale dans le secteur du bâtiment pour aider les ministères fédéraux à réaliser une réhabilitation thermique de leurs bâtiments.

La deuxième partie de cette première mesure consisterait à consacrer 20 p. 100 des achats du gouvernement fédéral d'électricité à l'énergie renouvelable, d'ici 2005. Nous avons évalué ce coût à 18 millions de dollars. Encore une fois, il faut voir cela dans le contexte des économies possibles de 160 millions de dollars grâce à une meilleure efficacité énergétique dans les immeubles fédéraux.

La deuxième partie de ce premier volet—c'est-à-dire, l'achat par le gouvernement de 20 p. 100 de son énergie sous la forme de sources renouvelables d'ici 2005—permettrait de stimuler une partie des industries dont vous avez déjà entendu certains représentants. Par exemple, l'Allemagne compte 30 fois plus d'installations à énergie éolienne que le Canada. Il est temps que notre pays commence à combler cet écart. Nous avons estimé que cette mesure pourrait créer plus de 12 000 emplois chez nous.

La deuxième des quatre mesures consisterait à stimuler la pénétration commerciale de produits efficaces sur les plans énergétiques et écologiques, qui n'occupent actuellement pas une part importante du marché, par l'octroi de subventions à la consommation. Il est question ici de produits comme les maisons R-2000, par exemple, ou de l'achat, par le consommateur, de produits verts disponibles auprès de leurs services publics ou encore d'appareils ménagers et d'automobiles à haut rendement énergétique.

• 1840

Il est ici question de cibler des produits dépassant, disons, de 30 p. 100 les normes habituelles en matière d'économie d'énergie. On peut comparer cela à l'initiative qu'avait proposée il y a deux ou trois ans l'administration Clinton, soit l'initiative des technologies liées au changement climatique pour laquelle on avait prévu une enveloppe de 3,6 milliards de dollars en cinq ans sous la forme de stimulants fiscaux. L'administration Clinton est en train de donner suite à ce projet et nous estimons qu'un entreprise du genre serait, pour le Canada, une bonne façon de commencer à réaliser certains projets pour combler l'écart qui nous sépare des objectifs de Kyoto.

La troisième mesure consiste à nous doter d'une capacité, à acquérir un certain savoir, à financer la recherche pour élaborer les instruments économiques nécessaires et acquérir une connaissance en matière de développement durable dans les années à venir. Il faut entreprendre des recherches, au Canada, sur les autres façons d'évaluer les progrès humains et le développement humain—autrement que par le truchement du produit national brut—pour se fonder sur l'évaluation des services environnementaux, l'évaluation de la valeur du cycle de vie et les instruments fiscaux écologiques. Nous proposons à cet égard la création d'un Centre de recherche ou d'un réseau de centres qui coûterait quelque 5 millions à 10 millions de dollars par an si l'on se fie sur d'autres programmes semblables déjà existants. Le gouvernement américain, l'OCDE et l'Union européenne se sont déjà lancés dans ce genre d'exercice et il est grand temps que le Canada rattrape son retard sur ce plan également.

La quatrième mesure, que je vais vous décrire brièvement, nous permettrait de réaliser la plus forte réduction de gaz à effet de serre et de stimuler l'investissement dans l'efficacité énergétique des bâtiments commerciaux et institutionnels au Canada. On compte environ 430 000 bâtiments du genre sur l'ensemble du territoire.

Les économies potentielles d'énergie grâce à l'amélioration de l'efficacité, pour se limiter uniquement à la coquille des bâtiments, pourraient représenter 30 à 60 p. 100 de la totalité de l'énergie consommée. Le potentiel est donc énorme. Le Toronto Better Buildings Partnership est un merveilleux exemple de ce qu'il est possible de faire. Le Programme a déjà permis de réhabiliter 150 bâtiments et Toronto peut récupérer près de 25 p. 100 de son investissement par an.

Notre idée est de créer un fonds qui permettait de prêter aux propriétaires de bâtiments commerciaux désireux de réhabiliter leurs immeubles sur le plan thermique et, bien sûr, de récupérer les économies en découlant. Nous estimons qu'un tel programme pourrait coûter dans les 5 millions de dollars par an et qu'il pourrait exiger une première mise de fonds, sous la forme de capitaux de démarrage, de 75 millions de dollars grâce auxquels il serait possible d'obtenir les prêts nécessaires auprès d'institutions prêteuses privées. Grâce à ce programme, nous pensons qu'il serait possible de réhabiliter 80 p. 100 des immeubles institutionnels et commerciaux au Canada et de réduire de 14 mégatonnes l'écart qui nous sépare encore de notre objectif de 185 mégatonnes. Toutes ces données ont été recueillies par les tables de concertation sur les immeubles et les municipalités, dans le cadre du processus national de consultation sur le changement climatique.

Pour terminer, je dirais que jusqu'à présent nous n'avons adopté que des mesures très timides en matière de réduction des émissions. Le temps presse et le budget de l'an 2000 pourrait être le moment idéal d'annoncer des mesures qui nous permettront de combler l'écart nous séparant de nos objectifs. Ces mesures que je viens de vous décrire et les cinq autres qui s'inscrivent dans le train de mesures du Réseau d'action face aux changements climatiques Canada ne sont qu'un début, mais il y a lieu d'agir sans tarder et je vous félicite d'ailleurs de l'attention que vous apportez à ce dossier.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bramley.

Nous allons maintenant entendre M. John Bennett et M. Rich Finlay du Réseau d'action face aux changements climatiques Canada. Bienvenue messieurs.

M. John Bennett (directeur, Atmosphère et énergie, Sierra Club du Canada, Réseau d'action face aux changements climatiques Canada): Merci beaucoup, monsieur le président, merci mesdames et messieurs du comité de nous avoir invités.

Le Réseau d'action face aux changements climatiques Canada compte plus de 100 adhérents répartis dans toutes les provinces et dans la plupart des territoires au Canada. Il s'agit essentiellement de groupes environnementaux mais nous comptons également des particuliers qui ont tous un point en commun: ils comprennent fort bien que ce dont il est question ici n'a pas pour seul objet d'infléchir la courbe d'un graphique; nous parlons d'une expérience planétaire qui échappe à tout contrôle et qu'on ne pourrait guère comparer qu'à une guerre nucléaire globale par l'ampleur de ses répercussions sur l'humanité.

Ainsi, s'agissant des mesures dont on a entendu parler ce soir, et Matthew a absolument raison, nous ne demandons pas grand chose par rapport à ce qu'il faudrait faire. Toutefois, nous voulons nous assurer, du moins en ce qui concerne le réseau que je représente, que nous formulons les mêmes recommandations pratiques afin que le gouvernement commence à agir.

• 1845

Il y a dix ans, à Toronto, lors de la Conférence mondiale sur l'Atmosphère en évolution, organisée par le gouvernement du Canada, des scientifiques sont venus nous dire qu'il nous fallait faire quelque chose à cet égard, que nous devions réduire nos émissions de CO2. Or, aujourd'hui, voilà que ces mêmes émissions sont plus élevées que jamais dans l'histoire de la planète. À l'ère de la préindustrialisation, l'atmosphère comportait 275 parties de dioxyde de carbone par million et l'on en trouve maintenant 360 parties par million. Si l'on ne fait rien d'ici l'an 2000, nous en dénombrerons plus de 550 parties par million.

Si cela devait arriver, nous assisterions à la mort d'une grande partie de la forêt tropicale brésilienne. Nous assisterions à des déplacements de populations... 94 millions de personnes par an à cause des inondations dans le monde entier. D'ailleurs, nous avons déjà vu ce que peuvent donner des inondations chez nous, au Québec et au Manitoba.

Nous avons aussi observé une augmentation de la fréquence et de la gravité des désastres à l'échelle partout dans le monde entre 1986 et 1995. Selon l'Institut de réassurance de Munich, les coûts des désastres d'origine météorologique ont atteint un sommet en 1998, avec plus de 92 milliards de dollars, soit une augmentation de 50 p. 100 par rapport à 1996. Les pertes dues aux catastrophes naturelles au cours des années 80 n'auront été que de 78 milliards de dollars.

Je voulais simplement replacer le tout en contexte, avant que nous ne parlions des mesures que nous proposons, car c'est pour cela que nous sommes ici. Nous sommes confrontés à l'enjeu environnemental le plus important qui nous ait jamais été donné d'affronter. Si nous voulons pouvoir léguer quelque chose à nos enfants, il nous faut faire quelque chose pour réduire nos émissions.

Cela dit, je vais laisser la parole à Rick Finlay d'Enquête pollution, qui va vous parler des cinq autres propositions.

M. Rick Finlay (Réseau d'action face aux changements climatiques Canada): Merci, monsieur le président. Comme on vient de vous l'indiquer, Matthew Bramley vous a parlé des quatre premières mesures et je vais vous parler des cinq dernières qui se retrouvent donc dans notre mémoire.

La mesure du numéro cinq est décrite comme étant un fonds pour les modes de transport de remplacement. Nous recommandons que tout futur programme de dépenses dans les infrastructures du gouvernement fédéral comprenne un volet destiné aux infrastructures de transport durable. Ce volet pourrait être rattaché à la proposition des programmes d'infrastructure sur la qualité de la vie, de la Fédération canadienne des municipalités, et aller dans le sens de cette proposition. Comme les mesures qui seraient financées dans cette grande catégorie sont décrites dans notre mémoire, je ne vous en dirai pas plus à ce sujet.

La sixième mesure consiste à mettre un terme aux subventions accordées à l'industrie nucléaire canadienne. Nous estimons qu'il faut mettre cette industrie sur un pied d'égalité avec les autres sources d'énergie, ce qui revient à dire qu'il faut suspendre toute forme d'aide fiscale ou toute subvention fédérale accordée au programme nucléaire. Enfin, et c'est peut-être tout aussi important, nous voulons prêcher en faveur de l'adoption d'un système de pratiques de gestion et de pratiques comptables solides dans l'industrie nucléaire. Il serait question d'adopter une approche prenant en compte la totalité des coûts, de façon indépendante, pour examiner la contribution de l'industrie nucléaire canadienne dans ce dossier.

Notre septième recommandation concerne les systèmes d'énergie de district. Nous décrivons ici une approche suivant laquelle on pourrait mettre en oeuvre, dans des collectivités, des installations de chauffage et de climatisation centralisées afin de disposer de systèmes plus efficaces et plus rentables. C'est sans doute là une mesure très importante au titre de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. De plus, nous avons constaté que près de 23 projets sont presque prêts au Canada et qu'il suffirait d'un petit incitatif pour qu'ils voient le jour. Le cas échéant, ils permettraient de créer quelque 7 000 emplois dans le domaine de la construction et 2 500 emplois permanents.

La huitième mesure est intitulée «Initiatives à l'intention des producteurs d'énergie renouvelable». À cet égard, nous souhaiterions la création d'un fonds fédéral de l'énergie renouvelable destiné à aider l'industrie privée à l'étape de la commercialisation de technologies s'adressant à de nouveaux marchés. Ce fonds servirait à appuyer un grand nombre d'autres mesures dont d'autres témoins vous ont parlé aujourd'hui, sur le plan de l'énergie renouvelable et des sources d'énergie de remplacement.

• 1850

Enfin, nous estimons que la mise sur pied d'un service consultatif communautaire sur la réhabilitation thermique des maisons constituerait un excellent investissement. Ce genre de service existe déjà dans un grand nombre de collectivités au Canada sous la bannière de l'initiative écocommunautaire. Nous pensons que de modestes investissements de l'ordre de 5 à 6 millions de dollars pourraient donner lieu à d'intéressants résultats dans ce domaine. Nous pourrions ainsi créer près de 2 000 emplois et réduire très nettement les émissions de gaz à effet de serre.

Cela étant, j'en ai terminé avec le mémoire de ResACC.

D'ailleurs, monsieur le président, si vous me permettez de laisser ce mémoire de côté pour un instant, je souhaiterais simplement rappeler au comité, en ma qualité de porte-parole d'Enquête pollution, l'importance de l'initiative portant sur l'exemption des transports dont il a été, je suis sûr, question à maintes reprises. Si cette initiative pouvait être appuyée, elle s'avérerait être un indicateur très efficace et très clair de l'engagement du gouvernement fédéral. Je crois qu'on devrait la prendre pleinement en compte dans le cadre de ce débat.

Le président: Merci, monsieur Bennett. Merci aussi à vous, monsieur Finlay.

Nous allons maintenant passer aux questions. Nous allons tenir des séries de cinq minutes, à commencer par M. Forseth.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Puisque je n'ai que cinq minutes, je vais poser ma question à M. Steve Stinson de l'Association canadienne des pâtes et papiers.

À la page 6 de votre mémoire, on peut lire:

    [...] la demande de papier va continuer de croître pendant une bonne partie du prochain siècle. Cependant, afin de miser sur ces tendances, il faudra ramener le fardeau fiscal des Canadiens au niveau de celui de nos concurrents pour que l'industrie puisse attirer les investissements dont elle a besoin et ainsi demeurer compétitive dans un secteur capitalistique et hautement technologique. Pour cela, le gouvernement devra veiller à ne pas se lancer dans de nouvelles dépenses qui entraveraient sa capacité de réduire sensiblement le fardeau fiscal total.

Quelle déclaration! Dites-moi dans quelle mesure cela vous concerne. Après cela, vous pourrez nous donner deux ou trois autres exemples. Nous sommes conscients de ne pas pouvoir régler tous les problèmes financiers du Canada lors de cette seule réunion, mais vous pourriez peut-être nous donner un ou deux exemples d'ajustement que vous aimeriez voir inscrits au prochain budget.

M. Steve Stinson: Comme je l'ai dit dans mon exposé, je pense qu'on devrait accorder la priorité à la réduction des impôts personnels étant donné leurs incidences sur le taux d'imposition effectif global auquel est confrontée notre industrie.

Je pense que le véritable défi, dans ce cas, c'est-à-dire en ce qui concerne le processus budgétaire, consiste à équilibrer les besoins et les attentes des Canadiennes et des Canadiens avec les programmes sociaux et les services publics et de s'assurer que les programmes que nous mettons en oeuvre et que nous conservons sont offerts de la façon la plus rentable possible et qu'ils contribuent à la productivité globale de notre économie. Je pense qu'il est nécessaire d'adopter un processus qui nous permettra de faire le tri dans les programmes afin qu'un grand nombre d'entre eux ne soient pas maintenus pour le simple fait qu'ils existent déjà. Le mieux serait de retirer progressivement les programmes en place pour débloquer des fonds que l'on consacrerait à de nouveaux programmes.

Je reconnais que la position budgétaire du gouvernement fédéral a sensiblement évolué au cours des dernières années et que nous entrons dans une ère nouvelle. Eh bien, si l'on maintient les actuels niveaux d'imposition, nous pourrons dégager d'importantes sommes qu'il sera possible de consacrer à de nouveaux programmes, au remboursement de la dette ou même à la réduction des impôts. Tout ce que je veux dire, c'est qu'il faut veiller à réaliser ce genre d'équilibre et que nous devons nous assurer que notre régime fiscal est compétitif. Nous ne devons pas imposer un tel fardeau sur les entreprises canadiennes si nous voulons favoriser les investissements.

Comme je le disais, notre industrie représente environ 25 p. 100 de la totalité des investissements dans la machinerie et l'équipement, investissements qui interviennent pour beaucoup dans notre rentabilité. Dans une certaine mesure, on se rend compte que nos rendements ont été tellement faibles qu'il nous sera très difficile de réaliser à nouveau ce genre d'investissement dans l'avenir.

• 1855

M. Paul Forseth: Eh bien, nous avons autour de cette table une palette de points de vue très intéressante.

Mais revenons-en à votre industrie pour parler de ce qui constitue peut-être un nouvel obstacle empêchant l'industrie des pâtes et papiers d'adhérer à des activités acceptables sur le plan environnemental, puis parlons de vos suggestions. Aimeriez-vous retrouver dans un budget, plutôt que dans un règlement, certaines choses qui permettraient à votre industrie d'être plus soucieuse de l'environnement dans l'avenir?

M. Steve Stinson: Je crois que nous avons réalisé d'énormes progrès sur ce plan au cours des dix dernières années. Nous aurions quelques réticences à vous soumettre une liste de revendications à cette table comme le font bien d'autres associations de l'industrie. C'est qu'elles veulent essentiellement que le gouvernement intervienne pour relancer leur secteur. Personnellement, j'estime que le gouvernement doit adopter des règlements pour régir le fonctionnement de nos secteurs.

S'agissant de l'industrie des pâtes et papiers, nous avons réalisé d'énormes investissements dans les technologies environnementales au cours des cinq ou sept dernières années—investissements qui se chiffrent en milliards de dollars. Cela étant, nous avons considérablement amélioré la situation sur le plan des effluents. Je ne suis sans doute pas compétent pour vous en parler, mais j'ai entendu dire que nous avons réduit ces effluents de 95 et même 97 p. 100, selon le type. Pour ce qui est du réchauffement planétaire et des gaz à effet de serre, la conversion de la plus grande partie de notre énergie en biomasse—et nous sommes de très gros consommateurs d'énergie—nous permet aujourd'hui de nous situer au-dessous de nos niveaux de 1990.

Nous aimerions, par exemple, obtenir des crédits pour l'adoption de mesures précoces. Nous estimons qu'il ne faudrait pas se fonder sur les niveaux actuels, mais plutôt sur ceux de 1990, pour prendre acte des progrès que nous avons réalisés.

À bien des égards, les produits forestiers et l'industrie forestière font partie de la solution, parce que la forêt est un puits de carbone. Il faut s'assurer que nos forêts soient gérées de façon durable et que nous maintenons pour ne pas dire améliorons la quantité de matière ligneuse dont nous pourrons disposer dans l'avenir. Il faut également veiller à ce que le gouvernement travaille de concert avec l'industrie, éventuellement en récupérant des terres qui ne sont plus exploitées.

Cependant, il y a un hic. Si nous prenons une orientation bien déterminée dans ce sens, il faudra faire en sorte que le fardeau soit réparti sur l'ensemble de l'industrie et que les Canadiennes et les Canadiens le ressentent dans leur mode de vie. Nous devons veiller à ce que les gens soient conscients du type d'investissement en capital que nous réalisons à long terme.

Le président: Merci, monsieur Stinson.

Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen: Merci, monsieur le président.

Monsieur Stinson, pour en revenir sur la question de l'industrie forestière et du secteur canadien des pâtes et papiers, il a beaucoup été question, récemment, des tendances des prix des denrées au cours des dernières années ou des dernières décennies. En effet, le prix des commodités est à la baisse ce qui risque d'avoir un effet négatif sur le dollar canadien.

Dites-nous ce que vous en pensez. Est-ce que votre secteur s'appuie sur certaines stratégies pour faire face à ce phénomène?

M. Steve Stinson: Je ne pense pas que la tendance à la baisse à long terme, constatée dans le cas du prix réel des denrées, soit un problème important, parce qu'à bien des égards cette baisse tient au fait que l'industrie forestière au Canada et dans le reste du monde exploite beaucoup plus efficacement la ressource. Elle a recours à la technologie et produit à plus grande échelle.

Je ne vois pas vraiment ici de rapport avec la valeur du dollar canadien, sauf si nous avions un décalage par rapport aux producteurs d'autres pays. Nous avons discuté de ce que devait être notre position vis-à-vis du dollar canadien et vous seriez surpris de ce que pourraient vous dire certains des responsables financiers de nos adhérents. Ils ne sont pas très intéressés à ce que le dollar canadien baisse. Quant à nous, nous estimons que ce ne serait pas la panacée pour notre industrie.

Nous fonctionnons déjà beaucoup dans d'autres devises, puisque nous exportons la plus grande partie de ce que nous produisons. Nous sommes un secteur capitalistique et nous dépendons de sources de capitaux du monde entier. Ainsi, si les trois-quarts de notre production sont destinés aux États-Unis, nous importons aussi une grande partie de notre machinerie et de notre équipement et la valeur du dollar canadien n'est donc pas un véritable problème.

Nous sommes quelque peu préoccupés par cette politique de la négligence bénigne envers le dollar canadien. J'ai l'impression que le gouvernement a tendance à s'en servir d'excuse pour ne pas s'attaquer à des problèmes plus fondamentaux. Nous sommes une industrie très réglementée, mais nous évoluons sur des marchés mondiaux compétitifs. Une grande partie de nos facteurs coûts sont contrôlés par le gouvernement et c'est sur ce plan que nous devons travailler en collaboration avec lui pour nous attaquer au coût de la matière ligneuse et à celui de l'énergie, et pour nous assurer que nos coûts de transport demeurent concurrentiels. Ainsi, la valeur du dollar canadien n'est pas un problème en soi.

• 1900

M. Roy Cullen: Merci.

Permettez-moi de ne pas être du même avis que M. Forseth au sujet de la performance de l'industrie forestière canadienne sur le plan environnemental. Je crois effectivement que vous avez réalisé de grands progrès, mais à l'évidence il y en a encore beaucoup à faire.

Avez-vous noté une tendance sur le plan des produits de remplacement des pâtes et papiers ou des produits du bois? Il se déroule actuellement un débat sur la valeur ajoutée et sur les véritables débouchés dans le domaine. Votre industrie voit-elle des causes à la baisse générale du prix des commodités?

M. Steve Stinson: Comme je le disais, je pense que les coûts de production ont baissé dans le monde entier. Notre défi consiste maintenant à veiller à demeurer compétitifs par rapport aux producteurs étrangers.

Pour ce qui est des débouchés pour nos produits ou des menaces dont ils font l'objet, cette réalité est une constante depuis des décennies. Que ce soit pour les produits de conditionnement ou pour les produits de construction, nous sommes en concurrence avec d'autres matériaux. Par ailleurs, notre secteur a fort bien su s'adapter à ces nouvelles réalités. Étant donné l'augmentation de la demande de papier en format, certains de nos adhérents lancent sur le marché des produits de marque qu'on trouve d'ailleurs sur les étagères des Future Shop et autres magasins du genre. Pour eux, il s'agit d'un débouché.

Dans le secteur des produits de construction, nous avons trouvé des façons d'utiliser plus efficacement la matière ligneuse. Nous avons mis au point de nouveaux produits comme les panneaux de fibre de densité moyenne et d'autres qui sont fabriqués à partir d'essences qu'on n'utilisait pas auparavant. Cela permet de nous assurer qu'aucune matière ligneuse n'est gaspillée. Voilà comment nous nous adaptons.

M. Roy Cullen: Merci.

J'aurais une dernière question. Je ne veux pas d'ailleurs m'étendre sur le problème de l'industrie des pâtes et papiers, mais j'ai évolué un certain temps dans ce secteur et c'est donc un sujet qui m'est cher.

J'ai constaté, dans votre mémoire, que vous parlez du sempiternel problème des gouvernements qui veulent à tout prix soutenir des papeteries inefficaces. C'est à croire qu'on ne se débarrassera pas jamais de ce problème. Nous avons une papeterie du genre, je crois que c'est du côté de Prince Rupert. Comment s'appelle la ville déjà...?

M. Steve Stinson: Skeena.

M. Roy Cullen: C'est cela, Skeena!

Peut-on espérer parvenir corriger ce problème tant que des politiciens s'entêteront à vouloir maintenir artificiellement en vie des papeteries inefficaces? J'aimerais aussi savoir si c'est ce que vous pensez vraiment quand vous dites que le gouvernement doit simplement les laisser fermer, pour que toute papeterie inefficace sorte du système et que les autres puissent pratiquer de meilleurs tarifs?

M. Steve Stinson: Oui. Il est évident que les papeteries en difficulté vont tendre la main si on leur propose de l'argent, mais les gens se rendent compte que cela n'aide pas l'industrie à long terme. Je pense pouvoir dire que l'industrie en général est opposée à ce genre d'intervention.

Cependant, cette pratique des gouvernements au Canada n'est pas exceptionnelle. On voit la même chose ailleurs dans le monde, dans les pays développés. Dans les marchés en développement, les gouvernements interviennent pour soutenir les investissements réalisés dans cette industrie. Donc, l'intervention des gouvernements dans l'industrie est un phénomène auquel nous nous heurtons partout.

En revanche, nous avons constaté que si cette méthode permet éventuellement de sauver quelques emplois dans telle ou telle papeterie, elle ne fait qu'augmenter les risques que le problème se déplace dans une autre collectivité. Si l'on investit les rares capitaux disponibles dans une papeterie qui n'atteindra jamais un niveau de rendement optimal, on se trouve à détourner ces mêmes capitaux et à saper la productivité du secteur.

M. Roy Cullen: Merci.

Le président: Merci, monsieur Cullen.

[Français]

Madame Girard-Bujold.

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Messieurs et madame, sachez que c'est avec un immense intérêt que j'ai écouté tous vos témoignages ce soir. Nous pourrions écrire un livre sur tout ce que vous êtes venus nous dire et parler pendant toute la nuit des suggestions que vous nous avez présentées et que vous avez sans aucun doute soumises au ministre des Finances.

Vous savez que depuis 1993, le gouvernement canadien a énormément réduit les budgets du ministère de l'Environnement. Il a toutefois manifesté, dans le Discours du Trône, son intention d'investir davantage pour la protection de l'environnement.

Je tiens à souligner que le Bloc québécois a manifesté son appui aux énergies vertes. La mise en oeuvre de toutes les propositions que vous avez formulées ce soir exigerait en quelque sorte un virage à 180 degrés de la part du gouvernement s'il veut atteindre l'objectif qu'il s'était fixé pour l'an 2004 lors de la conférence de Kyoto. Malheureusement, je ne crois pas que nous soyons sur la bonne voie puisque, depuis 1990, les gaz à effet de serre ont augmenté de 20 p. 100 au Canada.

J'appuie donc votre point de vue. Si le gouvernement voulait s'engager à prendre les mesures nécessaires à l'atteinte de son objectif, il devrait, selon vous, consentir à faire des dépenses de l'ordre de 100 à 200 millions de dollars.

Comme l'indiquait plus tôt M. Bennett au sujet de ce qui se passe vraiment, vos propos ne sont pas alarmistes; ils reflètent la réalité.

Est-ce que les intervenants du gouvernement canadien ont fait preuve d'une bonne écoute face à vos propositions ou est-ce qu'ils ne vous ont accordé qu'une écoute polie? Est-il indispensable que le gouvernement se tourne vers les solutions que vous lui avez proposées?

[Traduction]

Le président: Qui veut répondre à cette question? Allez-y, monsieur Bennett.

M. John Bennett: Eh bien, nous pouvons toujours essayer de lire dans une boule de cristal, mais il n'en demeure pas moins que nous avons rencontré certains des principaux ministres et hauts fonctionnaires responsables. Ils nous ont affirmé qu'ils vont essayer de respecter les engagements de Kyoto et, dans le discours du trône, on laisse entendre que des mesures seront prises, justement pour respecter ces engagements. En fait, cela explique que nous avons formulé des propositions très modestes, d'ordre pratique, plutôt que des propositions exigeantes. Ces gens-là nous proposent la fourchette et le couteau et nous expliquent comment il va falloir s'y prendre pour parvenir à cet objectif de façon ordonnée.

Pour ce qui est des changements climatiques, il ne faut pas oublier qu'en 1938, le Canada avait une armée d'environ 25 000 hommes. Si vous demandez à un économiste si le Canada aurait pu se permettre d'avoir un million de soldats, dont un demi-million seulement en Hollande six ans plus tard, on vous aurait dit que c'était impossible. Mais voilà, cela n'a pas été impossible et, soit dit en passant, cet effort de guerre avait été entièrement remboursé en 1955 et nous nous en sommes sortis sans dette.

C'est ainsi que nous voulons aborder le changement climatique. Je dirais que l'an 2000 est une année de mobilisation et que les choses viennent juste de commencer. Nous pourrions peut-être nous contenter d'utiliser les 100 millions de dollars que nous gaspillons en énergie nucléaire pour l'investir dans les énergies renouvelables et il se pourrait que cela suffise pour amorcer la pompe.

Le président: D'autres commentaires? Monsieur Isaacs.

M. Colin Isaacs: Si vous me le permettez, j'aimerais réagir très brièvement à propos de cette question des dépenses gouvernementales pour parvenir aux objectifs de Kyoto et aux autres objectifs environnementaux. Je suis très touché par l'intérêt du député pour cette question. Notre association et nos adhérents estiment qu'il n'est pas nécessaire que le gouvernement investisse des sommes énormes à ce titre et qu'il serait possible d'autofinancer un grand nombre des initiatives nécessaires. Il existe en effet des technologies écoefficaces.

Aujourd'hui, nous nous trouvons dans une situation où le secteur privé attend simplement qu'on lui donne le signal d'intervenir. Un grand nombre de nos adhérents sont prêts à lancer des projets portant sur le changement climatique; certaines de nos entreprises sont prêtes à lancer des projets portant sur des mécanismes de développement non polluants. Toutefois, aucun investisseur ayant toute sa tête n'investira dans ce genre de projet sauf si des crédits sont accordés au titre des mesures précoces, et ils n'investiront pas tant qu'ils n'auront pas la certitude que, ce faisant, ils obtiendront des crédits ayant une certaine valeur, soit pour la compagnie qui pourra ainsi parvenir à ses objectifs, soit que ces crédits se présentent sous la forme d'un document négociable pouvant être transféré à d'autres, moyennant paiement en espèces. Nos adhérents ont besoin, le plus tôt possible, de ce genre de crédits au titre des mesures précoces, ils ont besoin qu'on leur dise que s'ils agissent tout de suite ils bénéficieront des mesures mises en place.

Cela relève du budget et donc du ministère des Finances, parce que c'est ce ministère qui doit mettre au point une toute nouvelle forme d'instrument économique, inconnu jusqu'ici chez nous et même pour dans le reste du monde. Nous avons donc besoin d'une infrastructure déterminée par le gouvernement pour que tout cela arrive, mais dès que le processus sera enclenché, le contribuable n'aura plus à engloutir des sommes énormes dans l'opération.

• 1910

Le président: Merci, monsieur Isaacs.

Monsieur Gallagher, puis M. Pope.

M. Frederick Gallagher: Je vais faire écho à ce que M. Isaac vient de déclarer, de même que M. Stinson.

Le crédit pour les mesures précoces est en fait la colle qui va tenir le tout ensemble. Nous nous sommes entretenus avec l'industrie gazière, avec l'industrie chimique et avec le secteur des pâtes et papiers. Tout le monde attend ce genre d'instrument pour que les mesures adoptées au titre des changements climatiques aient un sens.

En fait, pour aller un peu plus loin en réponse à votre question, je dirais que nous ne pensons pas nécessaire, pour le gouvernement, d'assurer un financement à très long terme. Nous sommes actuellement dans une période de transition. Nous sommes dans une sorte de no-man's land. Nous ne percevons aucun signal de l'économie pour que les gens soient incités à faire des choix intelligents en matière de changements climatiques—comme l'a dit M. Stinson à propos de son industrie—et il n'existe aucun débouché pour que l'industrie renouvelable et les autres secteurs écoefficaces effectuent ce genre d'investissements.

En attendant que nous résolvions ces problèmes et que nous surmontions ces difficultés qui consistent à mettre en oeuvre des instruments économiques comme ceux dont nous parlons ici aujourd'hui, c'est-à-dire les crédits pour mesures précoces, nous devons pouvoir compter sur des débouchés afin de nous inciter à aller de l'avant, à lancer le mouvement, pour relever les défis au plus bas prix possible en attendant que nous disposions de tous ces instruments, c'est-à-dire dans les cinq à dix prochaines années.

Le président: Merci, monsieur Gallagher.

Monsieur Pope.

M. Stephen Pope: Je tiens à réitérer l'importance de la volonté et de l'intérêt politiques dans toute cette question qui consiste à uniformiser les règles du jeu et à faire en sorte que tous les joueurs adoptent la même approche.

Pour l'instant, la structure du gouvernement fédéral dans le domaine de l'énergie penche très nettement en faveur du pétrole et du gaz, sans parler du nucléaire. Plus du tiers du ministère fédéral des Ressources naturelles s'occupe de pétrole, de gaz et de charbon. Le secteur des énergies renouvelables est très mal représenté dans cette partie de la fonction publique.

Eh bien, sauf si l'on démontre un véritable intérêt pour des programmes comme C-2000—je dois vous avouer que je travaille à contrat pour un architecte qui collabore avec Ressources naturelles Canada à cet égard—donc, sauf si l'on appuie des concepts intégrés, si l'on finance le genre de projets de démonstration mettant en valeur les entreprises du secteur privé dans le domaine des énergies renouvelables, sauf si l'on montre que l'efficacité énergétique est abordable...

Le meilleur exemple qu'on puisse donner à cet égard c'est qu'il est possible de chauffer jusqu'à 40 p. 100 de la superficie d'une maison R-2000 grâce à des dispositifs de chauffage solaire passif. À Ottawa, il en coûte entre 2 000 et 5 000 $ pour effectuer la réhabilitation thermique d'une maison selon la norme R-2000. C'est une goutte d'eau dans l'océan.

Ce n'est donc pas une question d'argent, mais bien une question de volonté politique.

Le président: M. Passmore d'abord, après quoi nous entendrons M. Brison.

M. Jeff Passmore: S'agissant des signaux que le gouvernement peut envoyer—et je vais revenir à ce sujet sur ce que je vous disais un peu plus tôt à propos du parc des véhicules du gouvernement—il faut savoir que le gouvernement exploite actuellement 2 200 véhicules par an. Il n'y a aucune raison que ces véhicules ne soient pas écoénergétiques et n'utilisent pas des combustibles verts, comme je vous le disais. Le combustible pourrait être fait à partir de résidus de produits de bois, venant des adhérents de l'association de M. Stinson. L'éthanol pourrait venir des résidus agricoles et forestiers, ce qui, soit dit en passant et selon le ministère américain de l'Énergie, permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 99 p. 100 par rapport à l'essence, pour tout un cycle de vie, c'est-à-dire le cycle de vie du carbone.

Le président: Merci, monsieur Passmore.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Monsieur Finlay, dans votre mémoire, vous recommandez qu'on mette fin aux subventions au secteur nucléaire. Vous savez que M. Chrétien soutient le point de vue contraire. Il appuie la vente de réacteurs nucléaires, qui contribuent à la réduction des émanations de gaz à effet de serre. La semaine dernière, à Bonn—vous savez qu'il y a présentement une réunion des ministres des Finances—, le Canada a proposé que les pays qui exportent des réacteurs nucléaires puissent avoir droit à des crédits d'émanations. Je suis très heureuse que vous ayez présenté cette recommandation, mais je ne sais pas si le ministre des Finances et M. Chrétien voudront acquiescer à votre demande. Merci.

• 1915

Le président: Monsieur Brison.

[Traduction]

M. Scott Brison: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie tous d'être venus ce soir nous exposer vos points de vue qui nous seront très utiles.

Je vais commencer par M. Stinson.

Vous avez parlé du rapport Mintz. J'aimerais que vous me fassiez part de vos réactions sur un point de ce rapport. Vous avez parlé de l'effet de distorsion de notre régime fiscal des sociétés, dénoncé par Jack Mintz. En fait, vous n'êtes pas d'accord avec lui à propos de cet effet de distorsion ou plus exactement vous prétendez que les distorsions auxquelles il fait allusion ne sont pas fondées. Est-ce exact?

M. Steve Stinson: Plutôt que d'analyser le régime fiscal des sociétés, j'estime qu'il faut s'intéresser au système fiscal dans sa globalité. Le Comité Mintz s'est essentiellement attardé au volet fiscal des sociétés, qui représente environ 22 à 25 p. 100 de ce que les entreprises versent au gouvernement. Il y a bien d'autres formes de paiements que les entreprises font au gouvernement, que ce soit sous la forme des frais d'utilisation des services gouvernementaux ou sous la forme d'impôts fonciers, frais qui touchent davantage les secteurs capitalistiques que les secteurs du savoir. Ces formes de contribution sont beaucoup plus lourdes pour les industries du premier genre.

En ce qui nous concerne, et quand on analyse un peu la question, je dirais que nous ne nions pas que les banques sont fortement imposées, mais leur fardeau fiscal réel représente 55 ou 56 p. 100. Or, en ce qui concerne notre industrie au cours des dix dernières années, ce fardeau fiscal a atteint 70 p. 100. Et on ne compte pas là dedans les versements faits au gouvernement au titre de l'utilisation de la matière ligneuse.

Donc, on ne vous a présenté qu'une partie de la situation. Un grand nombre des éléments du régime fiscal fédéral portent effectivement sur d'autres aspects. Voyez ce qui se passe dans les secteurs du pétrole et du gaz, par exemple. Le fédéral reconnaît que ces secteurs effectuent d'importants versements aux gouvernements provinciaux et il en tient compte dans ce qu'il leur impose.

Vous devez également vous demander—et je pense qu'il est très difficile de définir ce qu'il faut entendre par neutralité fiscale—pourquoi on a tendance à imposer moins lourdement les industries productrices de biens présentes sur les marchés internationaux que les industries des services essentiellement présentes sur les marchés intérieurs. Il y a une raison historique à cela. Tous les pays font la même chose et tous les pays essaient de se faire mutuellement concurrence.

Donc, si nous devions faire basculer le fardeau fiscal sur le secteur manufacturier plutôt que sur le secteur des services, surtout dans les industries comme la nôtre qui achètent au prix du marché, je crois que les répercussions seraient énormes. Je ne pense pas que la croissance que cela occasionnerait dans le secteur des services serait suffisante pour compenser le manque à gagner.

Cela étant, si l'on songe à l'évolution de l'économie, il est indéniable qu'on assiste à un basculement dans le sens des industries de service et je crois qu'il nous faudra repenser notre structure fiscale, mais ce serait une erreur de le faire sans tenir compte des autres aspects dont je vous ai parlé, ce serait une erreur que de simplement s'engager à niveler les règles du jeu.

M. Scott Brison: Quant à moi, je pense qu'il serait utile de tenir une réunion pour discuter de certaines de ces questions. Je ne crois pas pouvoir être complètement d'accord avec vous, mais j'aimerais avoir plus de données à ce sujet.

Il est intéressant d'avoir un tel éventail de points de vue sur les questions d'environnement et je trouve fantastique que vous comparaissiez ici, devant nous, plutôt que devant le Comité de l'environnement ou un autre comité, parce que toute analyse économique qui ferait fi des questions environnementales perdrait sa légitimité d'un point de vue économique. Il arrive trop souvent qu'on compartimente le débat avec, d'un côté, les arguments à caractère économique et, de l'autre, des arguments à caractère environnementaliste. Il est donc très utile de vous avoir ici.

Je crois que notre système fiscal est passé à côté, il y longtemps déjà, de toute cette question de la prise en compte des externalités à un moment donné, de préférence à l'étape de la production. D'aucuns s'inquiètent et s'agitent à propos de l'idée d'un impôt vert. Tout cela vient du fait que les particuliers comme les entreprises au Canada sont lourdement imposés.

• 1920

Ainsi, plutôt que de créer de nouveaux impôts, comment pourrions-nous créer des incitatifs pour réduire les impôts en particulier pour ceux et celles qui adoptent un bon comportement vis-à-vis de l'environnement? Ce sera là ma première question.

Ma deuxième question est la suivante. Dans quelle mesure avez- vous étudié les incidences du commerce sur l'environnement? Je sais qu'il est maintenant beaucoup question des négociations à l'OMC, je sais aussi que dans un récent document de l'OMC on reconnaît que le commerce a des incidences négatives et des incidences positives. Le potentiel commercial dans le domaine de l'environnement est énorme, mais il y aura également des coûts qui s'y rattacheront.

J'aimerais que vous nous disiez comment nous pourrions nous servir plus efficacement de nos leviers commerciaux au sein de l'OMC ou de toute autre tribune multilatérale...

Le président: Nous entendrons M. Gallagher, puis M. Isaacs.

M. Fred Gallagher: Eh bien, je vais répondre votre première question sur le genre d'incitatifs dont nous aurions besoin. Il y a essentiellement deux façons de s'attaquer à ce genre de problème. D'abord, réprimander les pollueurs et les industries qui ne sont pas capables de régler leurs problèmes à cet égard. Je ne pense cependant pas que cette solution soit valable sur le plan politique. Par ailleurs, il serait possible d'inciter les gens ou les industries à adopter des comportements respectueux de l'environnement. La Low Impact Renewable Energy Coalition estime que nous devrions mobiliser le consommateur dans tout ce débat. Il doit prendre acte du fait que c'est lui, en fin de compte, qui est responsable de la chaîne d'émissions aux différentes étapes de la production.

Cela étant, si le gouvernement adopte des incitatifs tels que le consommateur soit amené à faire des choix durables, que ce soit en optant pour une source d'énergie verte ou en mieux isolant son domicile ou encore en construisant des maisons davantage efficaces sur le plan thermique... Le plus important, c'est que nous commencions à faire prendre conscience à toute la société qu'il faut réduire la consommation d'énergie et qu'il faut utiliser l'énergie de façon plus durable.

M. Scott Brison: Dans quelle mesure l'étiquetage jouerait-il un rôle pour les produits permettant cela?

M. Fred Gallagher: Il est très intéressant que vous souleviez cette question. Je reviens tout juste d'une réunion de la Independent Power Producers' Society de l'Ontario. Il est beaucoup question de l'impression d'avis sur les factures d'électricité en Ontario. Plusieurs résultats de sondages très intéressants indiquent que la plupart des gens croient être alimentés en hydroélectricité. Ils sont 88 p. 100 à penser cela. Pour eux, le nucléaire ne représente que 30 p. 100. Je sais que ces deux chiffres font plus de 100 p. 100, mais sur une base statistique, il est évident que les Canadiennes et les Canadiens ne savent pas de quelle source d'énergie ils dépendent.

M. Scott Brison: Je suis de la Nouvelle-Écosse et notre électricité vient du charbon.

M. Fred Gallagher: En fait, un peu partout au Canada, les gens ont l'impression que 80 p. 100 de l'électricité est de l'hydro- électricité, ce qui est faux en Alberta et en Nouvelle-Écosse. Ce n'est vrai qu'au Manitoba, en Colombie-Britannique et au Québec.

Vous avez raison. Il est évident que nous devons commencer à informer le public canadien et il y a deux façons de s'y prendre. D'abord, l'information pure et simple, puis l'adoption de mesures d'incitation pour les amener à se rendre compte qu'ils peuvent faire de meilleurs choix.

Le président: Merci, monsieur Gallagher.

Monsieur Isaacs.

M. Colin Isaacs: Merci, monsieur le président. Je dois dire que les députés posent des questions plutôt poussées.

Un grand nombre de nos adhérents siègent au Groupe consultatif sectoriel de l'environnement du commerce international où ils aident et conseillent le gouvernement en matière d'élaboration de politiques, par exemple en ce qui concerne les négociations de l'OMC. Il convient de souligner très rapidement l'importance des exportations pour notre industrie. Son chiffre d'affaires au Canada et à l'étranger dépasse 19 milliards de dollars et, en 1997, elle contribuait pour 2,2 p. 100 au PIB du Canada. Ce sont là des chiffres de Statistique Canada.

Nous employons environ 220 000 personnes dans le secteur de l'environnement, c'est-à-dire beaucoup plus que dans ceux du pétrole, du gaz et des produits chimiques, de l'exploitation forestière et de la sylviculture, des pâtes et papiers et du textile. Il est vrai que nous sommes une industrie nouvelle et il est vrai aussi que nous sommes une industrie très diversifiée, mais nous sommes aussi un secteur industriel très important.

Nous exportons plus de un milliard de dollars par an. Nous dépendons énormément du commerce international des biens et des services et nous sommes donc tout à fait enthousiasmés par le fait qu'on envisage de libéraliser davantage tous ces secteurs, c'est-à- dire celui des produits environnementaux et celui des services dans l'environnement, en vertu du nouvel accord GATT. Nous en avons déjà parlé beaucoup et nous avons témoigné au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes.

• 1925

Le marché international des produits, des services, des processus et des technologies en environnement approcherait le milliard de dollars. Nous avons donc actuellement un millième de ce gros gâteau mondial.

Quant à nous, les possibilités de croissance sont énormes et, bien sûr, cette croissance sera fondée sur les mesures que nous prendrons ici, au Canada. Il est extrêmement difficile de vendre une chose que l'on n'a pas déjà chez soi. Ainsi, l'infrastructure fondamentale dont nous disposons ici et la nécessité d'améliorer notre performance sur le plan environnemental dans notre économie intérieure sont des éléments absolument essentiels si l'on veut que notre industrie continue de réussir sur les marchés internationaux.

Il est vrai que nous sommes très intéressés par les instruments économiques en tant que mesures de stimulation. Il y a quelques années, un comité spécial mis sur pied par le ministre des Finances, M. Paul Martin, s'était penché sur cet aspect et avait formulé certaines recommandations; quelques-unes ont été mises en oeuvre alors que d'autres sont restées lettre morte. Nous serions bien évidemment disposés à vous fournir des exemplaires du rapport en question, qui demeure un document très utile. Il s'agit d'un domaine fort complexe.

Le genre de mesures incitatives que nous sommes en train d'étudier et que d'autres pays ont adoptées, ont plutôt pour objet de réduire les exigences pour garantir la conformité; il est question d'alléger les processus d'approbation, d'effectuer moins d'inspection et d'assouplir généralement la structure réglementaire liée à l'environnement, plutôt que d'agir sur le plan de la structure financière ou du régime de fiscalisation. L'aspect le plus important, surtout en ce qui concerne le programme d'action en matière de changements climatiques, demeure l'approche économique, l'adoption des instruments et de tous les outils possibles pouvant être appliqués dans ce domaine.

Tout cela a été fort bien étudié dans le cadre du processus de consultation aux tables nationales de concertation dont d'autres vous ont parlé. Une grande partie de ce travail a été accompli et nous souhaitons que le Canada se dote des infrastructures nécessaires pour mettre en oeuvre ce genre d'instruments économiques pour s'attaquer au problème du changement climatique et pour régler les autres problèmes environnementaux.

Le président: Monsieur Passmore.

M. Jeff Passmore: J'aurais une brève suggestion d'ordre pratique à vous faire, monsieur Brison, à propos des externalités et de leurs causes. Comme Fred l'a dit, vous-mêmes, les consommateurs et moi-même agissons par le truchement de ce que nous consommons. Alors pourquoi ne pas proposer un poste, sur la feuille de déclaration de revenu personnel, récompensant la consommation de produits verts? Les gens bénéficieraient d'un crédit fiscal parce qu'ils achèteraient un certain nombre de kilowattheures d'électricité verte ou un certain nombre de litres de combustible vert. Ils obtiendraient un reçu de leur entreprise de service public ou de leur compagnie pétrolière et seraient récompensés parce qu'ils réduiraient l'incidence de leur consommation sur l'environnement. Cela pourrait s'inscrire dans le cadre de l'initiative fédérale globale destinée à prendre les rênes en main pour faire place nette, d'un côté, et pour encourager les consommateurs à s'engager, d'un autre côté.

Le président: S'il n'y a pas d'autres remarques, je vais vous remercier au nom du comité. Cette tribune a été très intéressante et soyez assurés que nous allons réfléchir sur les aspects que vous avez soulevés ce soir et que nous en tiendrons compte dans notre rapport qui devrait être déposé dans la semaine du 10 décembre 1999.

Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth: J'aurais une question supplémentaire d'ordre technique à poser.

Les débats sont consignés et il y aura un procès-verbal. Pour servir la recherche dans l'avenir, j'aimerais préciser une chose à l'intention de ceux et de celles qui se pencheront sur cette question plus tard... Vous avez parlé de crédits pour l'adoption de mesures précoces, il s'agit d'un instrument spécial nouveau et j'aimerais que vous définissiez, pour le procès-verbal, ce que vous entendez précisément par-là.

M. Colin Isaacs: Eh bien, j'en serais heureux, monsieur le président.

Dans le Protocole de Kyoto, il est question de trois types d'instruments économiques relativement aux changements climatiques. Ces instruments sont dérivés d'un mécanisme de développement non polluant, il s'agit de projets conjoints menés avec des pays en développement. En vertu de ce processus on met sur pied un certain nombre d'instruments qui peuvent être échangés à l'échelon international et à l'échelon national par les pays décidant de mettre en oeuvre de tels programmes d'échange.

• 1930

Deuxièmement, il y a la formule de la mise en oeuvre conjointe, qui correspond à des projets communs à deux pays développés et qui consiste à produire un certain nombre de crédits que les pays en question se partagent. Là aussi, un crédit pour le carbone pourra être échangé et utilisé en fin de compte pour permettre à un pays de répondre à ses engagements en vertu du Protocole de Kyoto.

Enfin, il y a les crédits internationaux produits par les nations signataires du protocole—c'est-à-dire les pays développés—grâce auxquels les pays pourront opter pour la formule la plus valable sur le plan économique afin de se plier à leurs engagements. Ainsi, le régime commercial international permettra à ces pays d'acheter des crédits à d'autres, plutôt que de se plier à toutes les exigences du Protocole de Kyoto. Toutes ces formules pourront être incorporées en tout ou en partie dans le cadre d'un programme d'échange intérieur de crédits d'émissions.

Je dois ajouter que nous sommes parfaitement conscients que certains pans de la population s'inquiètent et que les médias et la population en général comprennent mal la façon dont tous ces régimes fonctionnent. Les gens pensent qu'ils se ramènent à une simple commercialisation des crédits en matière de pollution. Eh bien, ce n'est pas le cas, parce qu'il s'agit d'échanger des crédits accordés au titre d'une réduction effective des émissions dont tous les pays de la planète pourront profiter parce que, globalement, ils atteindront les objectifs du Protocole de Kyoto.

Le Canada doit jouer un rôle quant à la mise sur pied et à la mise en oeuvre de ces régimes d'échanges internationaux si l'on veut que nos entreprises, celles qui précisément aideront le Canada à satisfaire ses engagements au bout du compte, puissent pleinement jouer leur rôle dans le système international.

Le président: Merci, monsieur Isaacs.

Nous allons passer à M. Bennett, puis à M. Finlay.

M. John Bennett: M. Isaacs vous a fort bien expliqué les mécanismes en question, mais il n'a pas répondu à votre question: qu'est-ce qu'un crédit au titre des mesures précoces?

Eh bien, en fonction du Protocole de Kyoto, la période d'engagement se situe entre 2008 et 2012. Comme M. Stinson vous l'a dit, l'industrie des pâtes et papiers a déjà dépassé les objectifs fixés pour cette période, mais elle l'a fait à partir de 1990. Comment allons-nous prendre cela en compte? Allons-nous dire que tout a débuté en 1990 ou plutôt que tout doit commencer en 2008? Quel genre de crédit va-t-on accorder à ceux qui ont agi avant que cela soit nécessaire?

C'est un des problèmes les plus difficiles à résoudre et pour lequel il est le plus difficile de parvenir à une recommandation à la table de négociation. Comment faire la distinction et comment accorder des crédits pour que les entreprises et les particuliers se sentent incités à agir avant que cela soit nécessaire? Nous devons trouver une façon de consigner cet effort et de veiller à ce que les entreprises dans cette situation bénéficient d'un crédit pour leur permettre de continuer dans ce sens.

Le président: Merci, monsieur Bennett.

Soit dit en passant, ce que vous nous avez dit, monsieur Isaacs, semblait absolument fantastique.

Des voix: Ah, ah!

Le président: Monsieur Finlay.

M. Rick Finlay: Je suis d'accord avec vous, monsieur le président. Je tenais simplement à ajouter qu'on pourrait fort bien trouver une définition de ce que les investisseurs au Canada doivent entendre par «crédit» afin qu'ils prennent des décisions commerciales pratiques, pour inscrire ce genre de projets dans leurs plans et les faire enregistrer afin de bénéficier d'un crédit au titre des réductions d'émissions qu'ils auront peut-être réalisées jusqu'ici. Toute la notion de crédit pour les mesures précoces s'articule autour de cela.

Le gouvernement fédéral pourrait tout de suite soutenir ce concept ce qui permettrait sans doute aux investisseurs de ne pas attendre et de tout de suite effectuer le genre d'investissements dont nous parlions aujourd'hui.

Le président: Merci.

Je ne répéterai pas ce que je viens de dire, mais je vais remercier M. Finlay, M. Bennett et M. Isaacs pour les autres remarques qu'ils viennent de formuler.

Merci beaucoup. La séance est levée.