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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 31 mai 2000

• 1903

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Bienvenue à tout le monde. Je déclare la séance ouverte. Comme vous le savez, nous sommes saisis du projet de loi C-213, loi de 1999 visant à encourager la construction navale.

Nous allons entendre plusieurs représentants de différentes organisations et, afin que l'enchaînement soit bien clair, je vais vous indiquer l'ordre qu'on m'a communiqué, après quoi vous pourrez me dire si vous voulez en changer.

Nous commencerons par M. Antoine Dubé, après quoi nous passerons à M. Morrison de l'Association des armateurs canadiens. M. Dubé nous fera également lecture du mémoire présenté par le gouvernement du Québec, représenté par Jacques Gagnon et Jean-François Gauvin. Nous entendrons ensuite Les Holloway, Richard Gauvin, M. Chernecki et Peter Cairns. Ça va?

Un témoin: Oui.

Le président: Je tiens bien sûr à souhaiter également la bienvenue à la Fédération des travailleurs de la construction navale-TCA, représentée par Philippe Tremblay, directeur des services, Fédération de la métallurgie Inc., CSN, et par George MacPherson, Shipyard General Workers' Federation of B.C. Bienvenue aussi à Richard Beaupré, Richard Bertrand et Alan Thoms de l'Association de la construction navale du Canada. J'espère n'avoir oublié personne.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): M. Tremblay n'est pas là. C'est M. Gauvin qui est là.

[Traduction]

Le président: Oui, mais j'ai également mentionné votre nom.

[Français]

M. Antoine Dubé: M. Gauvin est ici; c'est M. Tremblay qui n'y est pas.

[Traduction]

Le président: Vous pouvez commencer, Monsieur Dubé. Soyez le bienvenu.

[Français]

M. Antoine Dubé: Merci, monsieur le président. C'est la première fois que j'ai le rôle de témoin. Ça change un peu le point de vue.

• 1905

Je vous remercie d'avoir permis qu'on avance la tenue de cette séance du comité consacrée à cette étude initialement fixée aux 14 et 15 juin. L'audition des témoins a lieu ce soir plutôt qu'à ces dates, comme il avait d'abord été prévu.

Je n'ai pas de mémoire à présenter, car mon mémoire, chers collègues et chers témoins, c'est mon projet de loi. Je pourrais mieux dire «votre» projet de loi. En effet, il contient trois mesures qui s'inspirent des demandes de l'Association de la construction navale du Canada, demandes que véhicule l'association depuis 1996. Elles ont été légèrement modifiées, mais elles sont appuyées par une coalition syndicale dont M. Holloway est le porte-parole ce soir. Je vous le présenterai. C'est donc presque un projet de loi collectif.

Je signale que je suis très heureux et que j'ai même été surpris, à l'époque, que 146 députés membres de tous les partis, y compris du Parti libéral majoritaire, aient voté en sa faveur. Cela ne s'est pas produit souvent dans l'histoire parlementaire. Si cela s'est produit, cela signifie que la majorité des gens sont d'accord pour qu'il existe une loi visant à encourager la construction navale.

L'objectif de ce projet de loi, qui comporte trois mesures, est évidemment «de promouvoir la construction navale au Canada et de rendre les chantiers maritimes canadiens plus concurrentiels», non pas entre eux, mais vis-à-vis des chantiers navals dans le reste du monde. On les rend concurrentiels:

      a) par l'établissement d'un programme selon lequel un maximum de 87,5 % des sommes empruntées par une entreprise auprès d'institutions financières pour l'achat d'un navire commercial qui sera construit dans un chantier naval situé au Canada,...

et selon certaines autres modalités. Je pense que les témoins en parleront parce que nous n'avons que cinq minutes.

      b) en modifiant les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu ou ses règlements afin de rendre plus avantageuses les règles fiscales du crédit-bail qui s'appliquent à l'égard de l'achat d'un navire construit dans un chantier naval situé au Canada;

      c)...en modifiant les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu ou ses règlements afin d'accorder un crédit d'impôt remboursable pour une partie des coûts liés à la construction ou au carénage d'un navire commercial dans un chantier naval situé au Canada ou à la conversion d'un navire dans ce chantier:

Cela s'applique évidemment:

        (i) au propriétaire du navire dans le cas de la construction d'un navire canadien,

        (ii) au propriétaire du chantier naval dans le cas de la construction d'un navire étranger.

Les gens de l'association et de la coalition syndicale en parleront. Évidemment, comme je suis un député de l'opposition, je ne peux pas être trop précis quant aux dispositions financières. Normalement, un projet à incidence financière est présenté par un membre du gouvernement. Cependant, mon projet de loi a été jugé non seulement acceptable mais aussi votable, ce qui n'est pas toujours le cas des projets de loi privés.

Je parle un peu fort, monsieur Plamondon?

M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ): Non, vous parlez trop vite.

M. Antoine Dubé: Je parle trop vite. Je vais donc ralentir.

Le projet de loi a été jugé votable et il a été adopté en deuxième lecture. Monsieur le président, je souhaite qu'il soit aussi adopté en troisième lecture avant la fin de la session en cours si on le veut et si les gens s'entendent assez rapidement là-dessus. Je sais que l'étude article par article est prévue pour le 7 juin. Je voudrais toutefois vous signaler tout de suite que s'il y avait moyen que ce soit avant la prochaine session, étant donné l'urgence de tout cela...

Il y a toujours des rumeurs d'élection à la fin de la troisième année d'un mandat. Les élections pourraient être déclenchées n'importe quand. Vous n'y croyez pas, mais je vous dis qu'il ne faut pas prendre de chance à cet égard. Je suppose qu'il y a des considérations électorales en jeu. C'est surtout à cause de l'urgence de la situation, car actuellement, les chantiers maritimes au Canada en arrachent. Ils en arrachent depuis une dizaine d'années, mais ils en arrachent encore davantage maintenant.

J'ai fourni une liste qui se trouve quelque part dans le dossier. Elle ne comporte pas tous les chantiers navals du Canada, mais vous en avez une liste. Elle est évidemment écrite en français. C'est un relevé que j'ai fait faire le 15 avril dernier dans ces chantiers.

• 1910

Évidemment, c'est variable. Il peut y avoir eu une augmentation depuis ce temps-là. J'avais relevé 2 756 emplois dans les principaux chantiers canadiens au 15 avril. Il semble que la situation se soit quelque peu améliorée depuis.

Monsieur le président, je voudrais maintenant porter à votre attention un document préparé par MM. Jacques-R. Gagnon et Jean-François Gauvin du ministère de l'Industrie du Québec, qui n'ont pas pu venir ce soir. Je ne vous présenterai pas le document à leur place, mais je vous invite à lui porter une attention toute particulière.

Si vous le voulez bien, je vous signalerai, parmi les recommandations qui se trouvent à la page 6, celle qui dit ceci:

    La stratégie poursuivie par le gouvernement canadien au cours des dernières années, qui vise à convaincre les autres pays à renoncer à aider leur secteur naval...

Ces pays le font par le biais de subventions. Ou encore, on demande aux États-Unis, par exemple, de renoncer à leurs mesures protectionnistes.

Malgré ces bonnes intentions, la situation n'a pas vraiment changé et pendant ce temps-là, les chantiers navals canadiens se trouvent dans la pire des situations, c'est-à-dire sans subventions ni mesures protectionnistes à l'exception du tarif douanier de 25 p. 100.

Soit dit en passant, ce tarif ne s'applique pas aux navires américains qui empruntent la voie maritime du Saint-Laurent, comme le rappelaient aujourd'hui les gens de l'industrie maritime. De plus, ils sont exemptés des frais de déglaçage et d'aide à la navigation alors qu'on demande maintenant à l'industrie maritime de contribuer à ces coûts.

C'est pourquoi on dit que l'industrie maritime et le domaine de la construction navale se trouvent dans la pire des positions. Finalement, on rend la chose plus facile aux Américains qu'à nous-mêmes, ce qui est assez extraordinaire.

J'ai insisté pour qu'il y ait des témoins du gouvernement du Québec surtout pour le crédit d'impôt. Je sais qu'il y a ici des Québécois forts en finance. À cause du double régime de taxation, les profits générés par le crédit d'impôt québécois consenti aux chantiers navals québécois sont taxés par le gouvernement fédéral. Peut-être n'est-ce pas volontaire, mais c'est tout de même l'effet qui est produit. Il est insensé qu'un gouvernement cherche à aider une industrie par un programme dont l'effet est amoindri par l'autre gouvernement. Ce sont là essentiellement les commentaires des gens du gouvernement du Québec.

Il y a aussi quelques pages extraites d'une étude réalisée par le Comité permanent de l'industrie, dont je suis membre, qui s'intitule Productivité et Innovation. Vous remarquerez particulièrement deux des recommandations qu'elle contient. La recommandation n° 20 se lit ainsi:

      Que le gouvernement du Canada tente d'obtenir que la loi américaine dite Jones Act soit abrogée ou qu'elle soit modifiée de manière à faire exception pour les navires construits ou réparés au Canada ou dont l'équipage est canadien.

La recommandation n° 30, quant à elle, se lit comme suit:

      Que le gouvernement du Canada consulte tous les acteurs de l'industrie de la construction navale en vue d'adopter des politiques industrielles nouvelles ou modifiées susceptibles d'aider les constructeurs de navires à accaparer des créneaux sur les marchés étrangers.

L'autre jour, quand j'ai demandé qu'on avance à aujourd'hui l'audition des témoins, vous souhaitiez avoir un avis du Comité de l'industrie. Je soumets celui-ci à votre attention. Quel meilleur avis pourrait-on avoir qui aille dans ce sens-là?

Enfin, les autres documents sont des discours que j'ai prononcés en Chambre relativement à ce projet de loi. Je ne recommencerai pas, monsieur le président. J'ai bon espoir que les gens qui sont ici vont défendre avec vigueur et avec beaucoup d'efficacité l'objet de leurs préoccupations. J'ai voulu, par ce projet de loi, répondre à leurs préoccupations.

• 1915

Je dois préciser que je n'ai pas pu inclure dans le projet de loi, et vous le comprendrez bien, ce qui a trait au Jones Act, parce que ce n'est pas une loi canadienne qui peut modifier une loi américaine. Cela doit plutôt se faire par négociation. Mais je tenais quand même à souligner ce point.

Monsieur le président, accepterez-vous les questions après chaque présentation ou seulement après que tous les témoins se seront exprimés?

[Traduction]

Le président: Non, je préfère que vous restiez là où vous êtes. Nous allons donc attendre jusqu'à la fin si cela convient à tout le monde? Vous pourrez revenir ensuite. Vous pourrez poser des questions après.

[Français]

M. Antoine Dubé: Est-ce que mon collègue Plamondon peut rester encore un moment?

[Traduction]

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Puis-je poser une question pour obtenir une précision?

Le président: De quoi s'agit-il, monsieur Szabo?

[Français]

M. Louis Plamondon: Il me reste encore 15 minutes.

[Traduction]

M. Paul Szabo: C'est juste pour obtenir une précision à propos du projet de loi.

[Français]

M. Antoine Dubé: Il n'y a pas de problème.

[Traduction]

Le président: Ne vous inquiétez pas, monsieur Szabo, vous pouvez également poser des questions.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Pourquoi limiter le financement à 87,5 % en vertu du programme que vous recommandez? Pourquoi une telle limite?

[Français]

M. Antoine Dubé: Le pourcentage pourrait être plus élevé, mais il s'inspire du programme américain qui existe depuis les années 1930, je pense, et qu'on appelle le Titre XI. Il ne faut pas penser qu'il est si élevé que cela, parce que la SEE a elle-même a un programme prévoyant un pourcentage de 80 p. 100, limité cependant aux exportations. Évidemment, on parle ici d'ouvrir à....

[Traduction]

M. Paul Szabo: Par ailleurs, pour ce qui est du taux d'intérêt et des conditions de remboursement des garanties de prêt, on trouve l'expression «comparable à». Avec quoi fait-on cette comparaison, puisqu'il est question d'un taux d'intérêt comparable. Cela revient-il à dire que les grandes sociétés ayant une excellente cote de crédit emprunteraient au taux préférentiel? Recommandez- vous qu'elles aient droit aux meilleurs taux financiers?

[Français]

M. Antoine Dubé: C'est ce que cela veut dire. Au fond, cela veut dire aussi autre chose. Comme vous le savez, la politique industrielle du gouvernement canadien et du ministre de l'Industrie considère quatre secteurs comme étant prioritaires: l'aérospatiale, les communications, les biotechnologies, et j'en oublie un. De mémoire, il y en a quatre. Finalement, nous demandons au gouvernement de reconnaître que le domaine de la construction navale a la même importance, parce que nous soutenons qu'il fait aussi partie de la haute technologie.

[Traduction]

M. Paul Szabo: Merci. J'aurais des questions à poser sur la loi elle-même, mais j'ai pour l'instant obtenu les précisions que je voulais.

Le président: Avez-vous fini de poser des questions à M. Dubé ou lui en poserez-vous d'autres par la suite?

M. Paul Szabo: Il faudrait peut-être qu'il se rende disponible plus tard.

Le président: Parfait.

Vous avez une question pour M. Dubé, monsieur Herron?

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Non, pas pour l'instant. Antoine et moi-même avons souvent discuté de cette question au cours des 18 derniers mois et je n'ai rien à lui demander pour l'instant.

Le président: Bien.

Monsieur Dubé, vous pouvez reprendre votre siège, si vous le désirez.

[Français]

M. Antoine Dubé: M. Herron me donne l'occasion de dire que Mme Wayne et plusieurs autres collègues qui ont des chantiers navals dans leur circonscription—c'est aussi le cas de M. Earle—m'ont facilité les choses, étant évidemment extrêmement intéressés eux-mêmes par la question.

Je veux aussi remercier M. Lastewka. Dans sa circonscription, on m'a facilité les choses pendant mes visites. Je remercie tous ces collègues et évidemment les 146 qui ont voté en faveur du projet de loi en deuxième lecture. Je les prie d'être conséquents et de faire de même en troisième lecture.

[Traduction]

Le président: Très bien.

Nous allons maintenant entendre M. Morrison de l'Association des armateurs canadiens. Bienvenue, monsieur Morrison.

M. Donald N. Morrison (président, Association des armateurs canadiens): Merci, monsieur le président.

Au nom des compagnies membres de l'Association des armateurs canadiens (AAC), je vous remercie de nous avoir invités à vous faire cette communication aujourd'hui.

La construction navale est une industrie importante au Canada. Elle revêt un très grand intérêt pour les armateurs canadiens—qui peuvent s'enorgueillir d'un brillant passé en matière d'investissement dans la construction de navires commerciaux au Canada et au plan de leur exploitation.

• 1920

[Français]

Nous voulons tout particulièrement remercier M. Dubé, qui a préparé le projet de loi présenté devant le comité ce soir. J'ai eu la chance de rencontrer à plusieurs reprises M. Dubé afin de discuter de certains dossiers relatifs au transport maritime. M. Dubé a une excellente compréhension des enjeux de notre industrie maritime et s'engage à y trouver des solutions telles que ce projet de loi.

Dans le cas de la construction navale, il est facile de trouver des excuses telles que la surcapacité ou encore la protection des marchés étrangers qui conduisent au déclin de l'industrie canadienne. M. Dubé propose des solutions et nous le félicitons de prendre cette initiative.

[Traduction]

Nous savons qu'il y a beaucoup travaillé et nous sommes heureux de voir qu'il est parvenu à le pousser aussi loin.

L'Association des armateurs canadiens représente des compagnies qui exploitent des navires commerciaux battant pavillon canadien. L'Association compte neuf membres qui exploitent 87 navires—presque tous construits au Canada. En 1999, les vaisseaux de l'AAC ont transporté plus de 73 millions de tonnes de fret sur les Grands Lacs et la Voie navigable du Saint-Laurent, le long de la côte est du Canada et dans l'Arctique canadien. Le Canada est un pays maritime entouré par trois océans et bénéficiant d'un accès privilégié aux Grands Lacs et à la Voie navigable du Saint-Laurent, une des voies navigables intérieures les plus importantes du monde.

Monsieur le président, vous-même et plusieurs des membres du comité nous avez entendu longuement parler, cet après-midi, des difficultés que nous éprouvons actuellement au sein de notre industrie et je ne voudrais pas revenir là-dessus. Les personnes intéressées pourront toujours consulter le procès-verbal de la réunion de cet après-midi et, afin de gagner du temps, je n'entends pas revenir sur toutes ces questions ce soir. Je me contenterai d'aborder certains des problèmes les plus importants.

Au Canada, le transport maritime contribue à l'économie 40 000 emplois et quelque 2 milliards de dollars par an. Le réseau constitué par les Grands Lacs et la Voie navigable du Saint- Laurent, où se déroulent la plupart des activités de l'AAC, est un pilier de l'économie nord-américaine. Cette activité commerciale se chiffre à plus de 6 milliards de dollars par an et génère plus de 65 000 emplois directs, au bénéfice des économies canadiennes et américaines.

Comme dans le cas des autres segments du secteur des transports du Canada, la qualité de notre infrastructure a une importance critique pour la productivité et la compétitivité—et les navires sont l'actif clé de l'infrastructure maritime.

[Français]

Le renouvellement de la flotte des navires commerciaux canadiens est parmi les enjeux les plus urgents auxquels font face les armateurs canadiens. L'âge moyen des navires canadiens qui naviguent sur les Grands Lacs et la voie maritime du Saint-Laurent est de 27 ans.

[Traduction]

Ils ont déjà, en moyenne, 27 ans.

[Français]

Les vraquiers de la flotte qui transporte d'importants volumes de minerai de fer ou de grains sont en moyenne âgés de 29 ans.

[Traduction]

Et même plus.

Une grande partie de la flotte sous pavillon canadien a besoin d'être remplacée—vraquiers, navires auto-déchargeurs et navires- citernes. La difficulté relève de facteurs économiques propres au commerce maritime. Les chargeurs qui dépendent de la flotte canadienne opèrent sur des marchés internationaux compétitifs qui sont parvenus à maturité. Au nombre de ces chargeurs figurent les producteurs d'acier, les céréaliers, ainsi que les producteurs de houille et de minerai de fer. Leurs marchés, en plus d'être farouchement concurrentiels, sont affectés par les subventions octroyés à l'étranger (dans le cas des grains), les ventes au rabais (dans le cas de l'acier) et les fortes oscillations qui caractérisent le commerce international des marchandises.

Les chargeurs finissent par payer une partie du coût du remplacement des navires et de leur entretien à travers les taux de fret. Conscients que ces industries se battent pour maintenir leur part du marché international, nos membres se montrent réticents à relever les frais de transport des marchandises jusqu'aux marchés.

À l'heure actuelle, les investissements nécessaires pour remplacer les navires ne sont tout simplement pas envisageables, malgré le besoin pressant d'une nouvelle infrastructure. Et pourtant, il existe de bonnes raisons d'appuyer le renouvellement de la flotte.

Plusieurs grandes industries du Canada—celles auxquelles je viens de faire allusion—dépendent du transport maritime et disposent de très peu de solutions de rechange abordables. Par conséquent, c'est la compétitivité des principales industries de notre économie qui est en jeu. Le transport maritime est plus sûr et plus respectueux de l'environnement que les autres solutions. Les routes canadiennes sont déjà congestionnées par les poids- lourds et leur sécurité pose un problème de plus en plus préoccupant à la population.

Du point de vue écologique, le transport maritime mérite qu'on lui accorde une plus grande attention. Prenons l'exemple des émissions de gaz à effet de serre. Une récente étude globale du gouvernement canadien et de l'industrie du transport, menée pour donner suite aux engagements internationaux du Canada visant la réduction des émissions de gaz à effet de serre, a conclu que seulement 0,2 % de ces émissions de polluants étaient générées par le transport maritime. Le service de marchandises ferroviaire est responsable de 3,9 % et les routiers, de 27,2 % de ces émissions. Par conséquent, si le trafic maritime actuel était détourné vers d'autres modes de transport, la question des émissions de polluants au Canada prendrait une autre ampleur.

Une infrastructure de transport maritime commercial renouvelée offre un plus grand nombre d'options aux chargeurs canadiens et une plus grande flexibilité.

[Français]

Le projet de loi proposé par M. Dubé fournit des solutions concrètes et pratiques à la crise de la construction navale au Canada. Si elles sont mises en application, ces mesures aideront à créer un environnement propice aux investissements provenant des armateurs et ainsi au renouvellement de la flotte de navires canadiens.

Étendre le crédit garanti par le gouvernement du Canada à 87,5 p. 100 comparativement au niveau actuel de 80 p. 100 permettrait à l'industrie canadienne de se tailler une place dans l'arène avec les États-Unis.

[Traduction]

M. Dubé vous a déjà expliqué que le fait d'adopter une garantie de 87,5 % nous placerait sur un pied d'égalité avec les Américains.

• 1925

Actuellement, la réglementation relative aux contrats de location restreint substantiellement l'application des déductions pour amortissement à la location d'un navire canadien. Les armateurs seraient plus portés à offrir des contrats de location et auraient ainsi plus de marge de manoeuvre, si le traitement fiscal de cette transaction était amélioré, comme le propose M. Dubé dans son projet de loi.

Le plus important, à nos yeux, et la disposition la plus importante des trois est celle concernant le crédit d'impôt remboursable à l'achat de navires construits au Canada. Cela pourrait contribuer substantiellement au renouvellement de la flotte, en relançant la construction dans les chantiers canadiens. Un tel crédit d'impôt contribuerait à résoudre le problème économique qui a, jusqu'à maintenant, rendu impossible tout investissement dans la construction de nouveaux navires canadiens.

Enfin, je pense qu'il vaut la peine de souligner que le transport, au Canada et dans le monde, a toujours nécessité des partenariats entre les secteurs public et privé et des investissements dans les infrastructures de la part des gouvernements. Les chemins de fer canadiens étendent leurs activités grâce à un environnement réglementaire attractif et ce sont les dépenses publiques consacrées aux infrastructures routières qui rendent le transport routier possible. Au début des années 60, un climat fiscal propice aux investissements a été le facteur déterminant dans la construction des navires qui constituent la flotte canadienne actuelle. Et à son tour, elle a été, pendant 30 ans, le moteur du transport commercial.

[Français]

Nous appuyons l'initiative de M. Dubé: créer un environnement fiscal pour la construction navale pour aider à rebâtir la construction navale canadienne et le secteur de réparation, et améliorer le secteur du service maritime par le renouvellement de la flotte domestique.

Le projet de loi C-213 ne fait pas que fournir les solutions, mais est également un stimulateur important pour engager les discussions lors de forums tels que celui-ci sur les dossiers qui doivent être étudiés et éclaircis dans les plus brefs délais.

[Traduction]

Quant à moi, je dirais que c'est l'élément le plus important du projet de loi de M. Dubé.

L'instauration d'un nouveau régime dans le secteur de la construction navale aura des effets non seulement là où sont implantées les installations de construction et de réparation des navires, mais aussi dans toutes les régions qui ont un lien avec le réseau de transport constitué par les Grands Lacs et la Voie navigable du Saint-Laurent.

Encore une fois merci d'avoir demandé l'avis de l'AAC à propos de ce projet de loi. Quant à nous, ce débat sur le projet de loi est un point de départ important pour les discussions très sérieuses que nous allons devoir mener à propos de cette industrie capitale pour le Canada, sans égard d'ailleurs à l'issu qu'on réserve à ce projet de loi.

Personnellement, je tiens à dire que, même si ce projet de loi ne devient jamais loi sous sa forme actuelle, il conviendrait d'en permettre l'application par le biais de pouvoirs réglementaires prévus ailleurs dans la loi actuelle. Ainsi, le ministre de l'industrie, par exemple, aurait les pouvoirs voulus pour mettre en oeuvre certaines des dispositions qu'il renferme. Tel qu'il se présente à l'heure actuelle, ce projet de loi, même s'il était loi, pourrait ne pas aller suffisamment loin. Le gouvernement n'aurait pas la possibilité de faire appliquer la loi sauf si on lui conférait certains pouvoirs réglementaires. Nous nous en remettons pour cela aux avocats et à ceux qui savent rédiger les lois, mais nous tenions à le préciser. On a vu récemment plusieurs lois qui renferment des dispositions grâce auxquelles le gouvernement a les pouvoirs voulus d'intervenir par voie de règlement.

Merci beaucoup de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant vous.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Morrison.

Nous allons maintenant passer à la Fédération des travailleurs de la construction navale, en commençant par M. Holloway.

M. Les Holloway (directeur général, Fédération des travailleurs de la construction navale-TCA): Merci, monsieur le président.

Je vais m'appuyer sur le document que nous vous avons fait remettre. Celui-ci a reçu l'appui de notre fédération, qui fait partie du syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile, de la Fédération de la métallurgie hors Québec de même que de la Shipyard General Worker's Federation de la Colombie-Britannique.

Je tiens d'abord à vous dire à quel point nous sommes heureux de comparaître devant vous. Je vais profiter de cette occasion pour remercier officiellement les députés qui ont appuyé le projet de loi en deuxième lecture à la Chambre des communes. Nous encouragerons bien sûr l'adoption de ce projet de loi au Parlement et nous aimerions qu'il devienne loi pour que nous puissions aider cette industrie.

Je tiens aussi à saluer les nombreux travailleurs et représentants de syndicats de chantiers navals qui ont fait le déplacement jusqu'ici et qui sont assis derrière moi. Ils représentent presque toutes les provinces où il y a des chantiers navals.

Pour commencer, je vous invite à ouvrir notre document à la page 7, c'est-à-dire la dernière page. Je vais vous lire une citation d'un rapport de votre comité, déposé à l'occasion du processus de consultation budgétaire auquel nous avons participé. Voici ce qu'on peut lire:

    Nous reconnaissons le rôle important que joue cette industrie dans les diverses régions du pays ainsi que dans le système mondial du commerce et du transport. C'est pourquoi nous exhortons le gouvernement fédéral à examiner, en collaboration avec les provinces, la situation de la construction navale au Canada et les moyens pour elle de relever les défis sur la scène internationale.

• 1930

Eh bien, je suis venu vous dire que l'occasion est venue pour vous de faire quelque chose à cet égard, quelque chose de très important pour les travailleurs qui sont assis derrière moi et pour ceux qui représentent les milliers de travailleurs des chantiers navals qui ont perdu leurs emplois.

Comment la situation a-t-elle évolué depuis notre dernière comparution devant votre comité? L'un des plus grands chantiers navals du Canada, l'une des meilleures installations qui a construit des navires de classe internationale—je veux parler des chantiers de Saint John—est fermé. C'est une situation très triste pour ce lieu de travail qui, il y a quelques années à peine, employait encore 3 000 personnes. Il y a aussi le chantier naval de East Isle sur l'Île-du-Prince-Édouard, qui a dû fermer parce qu'il ne peut plus exporter de remorqueurs vers les États-Unis, malgré la qualité de son produit, parce que le marché est maintenant fermé au Canada. Pourtant, en vertu de l'ALENA, les États-Unis peuvent exporter au Canada autant de remorqueurs en franchises de douane qu'ils le veulent.

Pour ce qui est de l'emploi, sachez qu'il ne reste plus qu'une centaine de travailleurs dans les chantiers de Halifax où l'on en comptait avant plus de 1 100. À Marystown, à Terre-Neuve, il ne reste plus que 40 à 50 employés, contre 1 000 auparavant. Nos confrères et nos consoeurs du Québec subissent le même sort. Mais quelqu'un d'autre vous en parlera. Aux dernières nouvelles, il restait moins de 100 travailleurs là-bas. En Colombie-Britannique, la dégringolade continue. Ainsi, la situation dans l'industrie de la construction navale s'apparente à une crise dont une nation maritime comme la nôtre ne peut être fière.

Je me propose de vous entretenir de trois questions en particulier. La première est celle de la surcapacité de production. Je tiens à vous en parler parce que celle-ci revient sans arrêt sur la table. On nous la sert comme excuse pour ne rien faire en faveur de cette industrie très importante. Eh bien, je tiens à dire à votre comité que la surcapacité n'est certainement pas un problème dont nous devrions nous préoccuper. Les pays asiatiques ont artificiellement créé une industrie qui est complètement déphasée par rapport aux réalités de ce monde.

Plutôt que d'évoquer la surcapacité pour nous dire qu'il ne faut rien faire, nous devrions nous concentrer sur ce que nous avons fait de bien au Canada pour créer une industrie viable et prospère en nous concentrant sur la part de marché mondial et de marché intérieur que nous devrions posséder pour nous assurer que cette industrie demeure dynamique et puisse connaître une certaine croissance.

L'autre question que je veux aborder est celle de la mondialisation. À l'heure où l'on nous demande d'être compétitifs sur les marchés internationaux, on se refuse à codifier les réalités en fonction desquelles nous devons livrer concurrence aux autres. Les réalités actuelles sont telles que personne n'applique les règles du jeu dans cette industrie, et comme notre pays respecte toujours les règles du jeu, il est évident que nous ne pouvons pas concurrencer les autres.

Le gouvernement ne cesse de nous répéter que nous devons être compétitifs, mais il ne prend pas acte de ces réalités. Quand on nous dit que si l'on fait quelque chose pour les chantiers maritimes, il faudra forcément le faire pour d'autres industries, j'en conclus que nous nous lançons sur les marchés internationaux sans vraiment comprendre comment il faut prendre part au jeu. Il nous faut forcément prendre en compte les réalités auxquelles telle ou telle industrie peut se trouver confrontée. Or, la construction navale est très différente des autres secteurs d'activité. Il faut forcément admettre que les réalités de la concurrence sont différentes si l'on veut trouver les réponses aux problèmes auxquels l'industrie se trouve confrontée.

Un bon exemple de ce genre de problème est le programme de financement de clients canadiens en vertu du Title XI. La SEE accorde un financement de 80 % pour une période de 12 ans au titre des exportations seulement. Aucun financement n'est prévu pour le marché intérieur. Aux États-Unis, comme nous le savons, il est possible de faire financer à hauteur de 85,5 % le coût d'un navire et de l'amortir sur 25 ans. Grâce au Merchant Marine Act de 1920 et au Jones Act, les Américains jouissent d'un plein accès à notre marché, mais nous n'avons pas d'accès au leur.

• 1935

Voilà les réalités mondiales dont je veux parler et auxquelles notre nation est confrontée. Il est injuste et insensé de dire que notre industrie maritime canadienne doit être compétitive si on ne lui permet pas de bénéficier de règles du jeu équitables.

Pour terminer, je poserai une question: voulons-nous vraiment d'une industrie de la construction maritime au Canada? Voilà la véritable question. Hier soir, j'ai regardé les nouvelles à la télévision. Le réseau de télévision Atlantique a passé un reportage de 10 minutes sur les chantiers navals dans la région. J'ai entendu le ministre John Manley déclarer quelque chose du genre: «Est-ce que le Canada veut se tourner vers les industries de l'avenir ou s'intéresser à la construction navale?»

Eh bien, demandons-nous justement si la construction navale ne peut pas être une industrie de l'avenir. La plupart d'entre nous avons appris, en entendant le dernier exposé, que plus de 75 % des marchandises produites dans le monde se retrouvent à un moment ou à un autre au fond d'un navire pour être livrées quelque part dans le monde. La forme de transport la plus économique est précisément le transport maritime. C'est la forme de transport la plus écologique qui soit à l'heure actuelle. Il s'agit aussi d'une industrie de haute technologie. Je ne vois pas-là une industrie rétrograde, mais bien une industrie de l'avenir, une industrie dont toute nation voudra se doter.

Je vais maintenant vous lire un passage de mon document avant de terminer et de donner l'occasion à mes homologues assis à mes côtés de vous faire part de leurs remarques.

En page 5, nous demandons au gouvernement du Canada:

a) de mettre sur pied un programme amélioré de prêt et de financement des exportations, semblable au programme Title XI des États-Unis, afin de permettre aux armateurs et aux chantiers navals d'obtenir un financement à long terme assorti de conditions et de garanties de crédit intéressantes, dont les chantiers navals canadiens pourront se prévaloir tant pour les navires exportés que pour ceux produits pour le Canada;

b) d'exclure les nouveaux navires construits dans les chantiers maritimes canadiens des dispositions actuelles du règlement sur la location-vente de Revenu Canada;

c) d'accorder un crédit d'impôt remboursable aux armateurs ou aux constructeurs de navires canadiens qui confient à un chantier naval canadien la tâche de bâtir un navire, de le convertir, d'en faire la révision majeure à mi-vie ou de le réarmer complètement;

[Français]

M. Antoine Dubé: Pourrait-il ralentir un peu pour que l'interprète puisse suivre?

[Traduction]

M. Les Holloway: J'essayais de faire entrer tout ça en cinq minutes.

Le président: Il faut aller plus doucement.

M. Les Holloway: Très bien.

d) d'éliminer les aspects asymétriques de l'ALENA qui permettent aux États-Unis de vendre en franchises au Canada des navires neufs ou usagés, alors que les Canadiens n'ont pas accès au marché américain;

e) de chercher à mettre en oeuvre une clause sociale internationale régissant les normes du travail dans l'industrie de la construction maritime;

f) d'envisager d'autres mesures visant à accroître le contenu canadien dans la construction maritime pour les futurs projets d'exploitation pétrolière au large;

g) de commencer à réinvestir dans l'infrastructure côtière canadienne qui est délabrée (notamment dans les installations de la Garde côtière, les quais et les ports et les autres actifs publics côtiers), ce qui donnerait lieu à une demande supplémentaire et permettrait de hausser les niveaux d'emploi dans l'industrie de la construction maritime et dans les industries connexes.

Toutes ces propositions s'inscrivent dans le cadre de politiques déjà existantes, c'est-à-dire:

a) le tarif de 25 % actuellement imposé sur les importations hors- ALENA;

b) l'engagement du gouvernement canadien de recourir exclusivement à des constructeurs maritimes nationaux pour le renouvellement, la réparation et la révision de sa flotte,

c) les actuelles dispositions relatives à la déduction pour amortissement,

d) Le crédit d'impôt accordé au titre de la recherche et du développement ainsi que le Programme de partenariats technologiques Canada.

Pour conclure, sachez que nous sommes tout à fait en faveur du projet de loi C-213, loi visant à encourager la construction navale. Elle constitue l'amorce des trois grands éléments d'une politique canadienne dans ce domaine. Nous exhortons ce comité à recommander au Parlement que ce projet de loi devienne loi et donc à le présenter en Chambre en tant que tel. Je m'en remets maintenant à vos questions.

[Français]

Le président: Monsieur Gauvin.

M. Richard Gauvin (président, Syndicat des travailleurs du Chantier maritime de Lauzon, Fédération des travailleurs de la construction navale (TCA)): Je vous remercie de nous donner l'occasion de faire cette présentation. On l'a d'ailleurs déjà faite au tout début, il y a quelques mois.

• 1940

Vous comprendrez l'importance d'agir dans ce dossier. Pour nous, c'est maintenant ou jamais. À la suite des récentes mises à pied, l'industrie canadienne de la construction navale entre dans une phase cruciale de son histoire, une phase qui peut s'avérer terminale.

Notre gouvernement a l'autorité fiscale et politique de mettre de l'avant des mesures essentielles garantissant l'avenir du secteur de la construction navale canadienne et de ce qu'elle représente en termes d'emplois, d'industrie de haute technologie dotée d'une importance régionale et stratégique et de composantes centrales à notre souveraineté nationale. La passivité face à cette situation aurait des conséquences négatives profondes et durables.

Monsieur le président, pourquoi est-il important d'agir? C'est à cause d'un niveau d'emploi très bas dans l'ensemble des chantiers maritimes du Canada. C'est aussi à cause de l'impact socioéconomique sur l'ensemble des travailleurs et des familles et de l'impact économique sur l'ensemble des régions touchées.

Pour toutes ces raisons, nous appuyons le projet de loi présenté par M. Dubé. Il est clair que nous souhaitons un dénouement positif dans les plus brefs délais pour l'ensemble de ces facteurs.

[Traduction]

Le président: Nous allons maintenant entendre Robert Chernecki.

M. Robert Chernecki (assistant du président, Travailleurs canadiens de l'automobile; Fédération des travailleurs de la construction navale): Merci, monsieur le président.

Je tiens évidemment à me faire l'écho de mes homologues pour féliciter Antoine Dubé à propos de ce projet de loi et féliciter également tous ceux qui ont appuyé ce document en deuxième lecture. Comme on juge sur pièce, dit-on, nous verrons en troisième lecture où se situent les députés de notre grand Parlement. Je puis vous garantir que les Canadiens vont suivre cela de très près, surtout au Québec et dans l'Atlantique parce qu'il est essentiel, pour assurer la pérennité d'un grand nombre de collectivités de ces régions-là, d'assurer la survie de l'industrie de la construction navale et donc la survie des armateurs et des associations qui gravitent autour d'elle.

Je suis offusqué par certains propos de M. Manley. Je commence à en avoir assez de le voir sillonner le pays, drapé dans l'unifolié, racontant à qui veut l'entendre qu'on ne peut être concurrentiel dans cette industrie, qu'elle n'a pas de marché, qu'elle n'a pas d'avenir. J'aimerais qu'il explique aux Canadiens, aux gens de l'Atlantique et aux Québécois pourquoi il est tellement opposé à l'idée de nous accorder des subventions alors que tous les autres pays le font pour cette industrie. Il se doit de fournir une réponse. Il doit aux travailleurs de leur répondre, notamment à ceux du chantier naval de Saint John.

À force de devoir expliquer sans cesse aux gens pourquoi M. Manley est opposé à cette industrie, je commence à me sentir un peu mal à l'aise. Je ne le comprends pas et je ne le comprendrai jamais.

Regardez ce qui se passe en Inde, l'un des pays de tête dans cette industrie. Les propriétaires et les constructeurs de navire peuvent prétendre toucher des subventions à hauteur de 30 %. En Europe, on parle de 7 à 16 %. Les Suédois viennent juste de remettre en oeuvre une subvention de 9 %. En Australie, la subvention est de 5 %. Nous n'allons pas nous départir ainsi du Jones Act. Nous avons même une bien meilleure chance d'éliminer la TPS que le Jones Act.

Des voix: Oh, oh!

M. Robert Chernecki: Tout ce que je peux vous dire, c'est cela. Un grand nombre de Canadiens suivent la chose de près et nous nous attendons à ce que le gouvernement agisse de façon responsable vis-à-vis de ce projet de loi. Nous pensons qu'il le fera. De plus en plus de gens sont sensibles aux arguments de notre syndicat ainsi qu'à ceux des employeurs et des députés; de plus en plus de gens comprennent plus clairement ce problème. Nous ne demandons pas de subventionner sur le dos des contribuables une industrie qui se porte déjà bien. Ce n'est pas du tout le cas.

Si les gens voulaient vraiment examiner ce qui se passe dans cette industrie, de façon honnête, et visiter les chantiers navals... s'ils voulaient bien se salir un peu les mains, ils verraient ce qui se passe. Allez donc jeter un coup d'oeil dans les chantiers navals du pays. Ce sont des chantiers de première classe, de haute technologie où l'on trouve d'incroyables ressources en matériel et en personnel.

Le problème pour nous est fort simple. Vous savez tous, ou du moins vous devriez tous le savoir, que nous avons comparu devant tous les comités qui ont bien voulu nous accueillir un peu partout au pays.

• 1945

Enfin, un député du Québec et un grand nombre de députés des autres partis, comme Elsie Wayne et des députés du NPD nous ont écoutés et ont compris le problème. Enfin, on nous propose quelque chose. Nous ne demandons pas de cadeaux au gouvernement. Voilà un projet de loi fort bien pensé que vous pouvez accepter et que ce gouvernement peut accepter sans risquer de donner l'impression qu'il se porte au secours de notre industrie.

Je terminerai en vous disant ceci: Vous avez là un projet de loi qui va remettre des gens au travail dans l'industrie de la construction maritime. Nous tous, dans cette salle, savons que pour chaque emploi que vous créerez, il y en aura trois ou quatre autres qui viendront s'ajouter. Ce n'est pas un projet de loi qui a pour objet de verser de grosses subventions à une industrie. Ce n'est pas ce que nous y voyons et ce n'est pas non plus ce que nous réclamons. Tout ce que nous voulons, c'est que le gouvernement assume sa responsabilité et admette que de telles dispositions existent dans d'autres pays et qu'il nous faut trouver une façon de faire la même chose.

Nous préférerions avoir du travail. Nous préférerions que nos chantiers navals fonctionnent, plutôt que de recevoir des chèques de l'assurance-emploi ou du bien-être social. D'ailleurs, le coût que représente cette forme d'assistance pour le gouvernement, dans toutes les collectivités spécialisées dans la construction navale, est largement supérieur à celui que représenterait un investissement dans cette importante industrie au Canada.

Je vais conclure. Je tiens à dire que notre syndicat joue un rôle important au Canada et dans toutes les provinces où nous sommes présents. Notre président, Buzz Hargrove, aurait aimé être là ce soir pour vous parler, mais il n'a pas pu se dégager de ses obligations. Il voulait bien sûr vous saluer et vous rappeler que, pour lui, ce dossier est crucial.

Encore une fois, cet exposé a l'appui de trois syndicats, de plusieurs employeurs, de deux associations et, nous en sommes convaincus, de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes. Je vous encourage à faire tout ce que vous pouvez pour continuer de servir cette industrie et pour faire adopter ce projet de loi.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Chernecki.

Nous allons maintenant entendre M. Peter Cairns, président de l'Association de la construction navale du Canada.

M. Peter Cairns (président, Association de la construction navale du Canada): Merci, monsieur.

Bonsoir, mesdames et messieurs.

L'industrie de la construction navale se réjouit de l'occasion qui lui est offerte de témoigner devant le Comité permanent des finances pour appuyer le projet de loi C-213, Loi visant à promouvoir la construction navale. Se sont joints à moi ce soir M. Richard Beaupré, président de la société Verreault Navigation et président du Conseil d'administration de notre Association, M. Richard Bertrand, vice-président directeur de la société Davie Industries, et M. Alan Thoms, président et directeur-général de la société Canadian Shipbuilding and Engineering.

L'Association de la construction navale du Canada, qui a été fondée en 1995, est un rejeton de l'Association canadienne des industries maritimes qui avait cessé ses activités l'année précédente. Notre Association s'est donnée pour mission de travailler à la promotion et au développement de la construction navale au Canada, ainsi qu'à la réparation de navires et des autres industries d'équipement et de service maritimes connexes. L'Association regroupe une majorité des grands chantiers canadiens de construction navale établis sur les côtes du Pacifique et de l'Atlantique, ainsi que sur les Grands Lacs.

Le Canada est un pays maritime. C'est un fait que l'on a souvent tendance à perdre de vue dans une vision centriste du Canada construite autour des provinces de l'Ontario et du Québec. Néanmoins, c'est une constante de notre histoire que le Canada doit assumer la responsabilité de la protection et du bien-être de zones océaniques plus vastes que sa masse continentale. La Voie maritime du Saint-Laurent et des Grands Lacs représente une route maritime d'une longueur correspondant à la largeur de l'Océan Atlantique.

On ne cesse de réviser à la hausse les estimations de réserves marines de gaz et de pétrole au large de nos côtes de l'Atlantique et l'exploration se poursuit sans relâche. À elle seule, cette industrie est en train de faire revivre l'économie terre-neuvienne. La plus importante flotte de traversiers d'Amérique du Nord dessert les collectivités insulaires de la Colombie-Britannique et notre souveraineté, dans l'Océan arctique, est de nouveau remise en question par notre voisin du sud.

Dans un avenir prévisible, on prédit que plus de 75 % des marchandises échangées à travers le monde continueront d'être transportées par voie maritime et que le transport maritime demeurera le mode de transport le plus rentable et le plus écologique de la planète.

La construction navale est reconnue comme une industrie de fabrication lourde. On est moins porté à reconnaître que c'est également une industrie de haute technologie. Les mêmes compétences de technologie de l'information qui constituent le fondement des industries de l'aérospatiale et de l'automobile représentent également les clés de voûte de l'industrie de la construction navale. En fait, le nombre de systèmes informatiques dont est équipé un navire moderne dépasse le nombre de ceux que l'on retrouve dans une automobile, un avion ou même une navette spatiale.

La construction navale joue un rôle clé au plan de la défense maritime du Canada. Les frégates canadiennes de patrouille et les navires de défense côtière de notre marine font l'envie des autres pays maritimes. Les investissements des gouvernements canadiens successifs dans notre industrie de construction navale nous ont été remboursés plusieurs fois lors de la bataille de l'Atlantique, pendant la guerre de Corée, la guerre du Golfe et nos opérations dans l'Adriatique.

• 1950

Voilà l'environnement dans lequel évolue l'industrie de la construction navale. L'industrie supporte le transport maritime et les industries de l'exploitation en mer du gaz et du pétrole dans trois océans, dans les Grands Lacs et partout dans le monde.

On s'attend à ce que le Japon, la Corée du Sud et la Chine continuent de dominer l'industrie mondiale de la construction navale. À l'heure actuelle, ces pays se partagent environ 75 % du marché mondial. En comparaison, le Canada n'est qu'un joueur insignifiant, car il ne détient que 0,04 % du marché mondial. En conséquence, les fonctionnaires fédéraux ont tendance à tenir notre industrie pour une quantité négligeable, alors que, en fait, la question n'est pas du tout de concurrencer ces pays pour accroître notre part du marché.

Comme je vous le disais il y a un instant, nous estimons que le Canada a besoin d'une industrie de construction navale moderne et viable pour pouvoir satisfaire à ses besoins maritimes intérieurs. Une prémisse fondamentale de notre argumentation est la reconnaissance du besoin, pour le Canada, d'être en mesure de faire face à la concurrence sur le marché international dans les créneaux où l'on peut faire valoir les compétences techniques et la valeur ajoutée du travail canadien.

La construction navale en est arrivée à son état actuel non pas en conséquence du jeu naturel des forces du marché, mais du fait de manipulations politiques, le plus souvent sous la forme de mesures protectionnistes et de l'octroi de subventions. Les forces libres du marché ne prévalent pas dans cette industrie. Les pays qui dominent maintenant l'industrie ont fait tout ce qu'il fallait pour y arriver. Et cette entreprise s'est partout inscrite dans le cadre d'une stratégie nationale et gouvernementale.

C'est ainsi que la Corée du Sud doit être considérée comme responsable d'une part importante de la surcapacité que l'on constate dans le secteur de la construction navale à l'échelle du globe. Une expansion déclenchée à la seule fin de dominer le marché a eu pour conséquence que la Corée s'est mise à pratiquer le dumping de navires à des prix qui n'incluent pas de marge de profit et qu'aucun autre pays ne saurait concurrencer. En 1999, les prix de navires produits en Corée ont chuté de 20 %. Tout cela n'a rien à voir avec une augmentation de la productivité.

Les chantiers de construction navale en Europe et en Amérique du Nord ont été très durement frappés. La Commission européenne menace maintenant de traîner les Coréens devant l'OMC. L'accord de l'OCDE visant à éliminer les subventions versées aux chantiers de construction navale est sérieusement compromis, car les États-Unis, le principal parrain de l'accord, se refusent maintenant à le raffiner. Il semble que divers pays aient décidé de durcir leur position sur la question des subventions. C'est ainsi que l'Allemagne a indiqué qu'elle maintiendrait son propre programme de subventions directes jusqu'en 2003. Quant aux États-Unis, ils s'en tiennent fermement au Jones Act.

Entre-temps, l'industrie canadienne de la construction navale, qui ne jouit que d'une protection toute relative, découvre que le marché américain lui demeure fermé, et ce en dépit de l'Accord de libre-échange nord-américain. Elle continue également d'être confrontée à des pratiques commerciales restrictives sur d'autres marchés, et rien ne nous permet de croire que cette situation pourrait changer dans un avenir prévisible. En même temps, les armateurs canadiens vont à l'étranger pour y faire construire des navires et bénéficier des prix subventionnés plus faibles que leur offrent nos concurrents. Les constructeurs canadiens de navires ne souhaitent pas contraindre les armateurs canadiens à faire construire leurs navires au Canada, mais ils aimeraient qu'on leur donne une occasion équitable de pouvoir faire face à la concurrence.

Le projet de loi C-213 est conçu pour aider l'industrie à lutter contre les mesures protectionnistes auxquelles elle est confrontée. Les mesures prévues par ce projet de loi ne visent pas à rivaliser avec celles qu'ont prises d'autres pays. Le projet de loi propose l'adoption de mesures d'aide dont nous estimons qu'elles sont conformes au mandat d'Industrie Canada, qui est de promouvoir et d'aider l'industrie canadienne. À notre avis, elles s'accordent également avec les mesures incitatives prises en faveur d'autres industries canadiennes de fabrication de haute technologie.

Le projet de loi C-213 propose l'adoption de trois mesures visant à promouvoir la construction navale au Canada. Les voici: mise sur pied d'un programme fournissant des garanties d'emprunt fédérales aux acheteurs de navires commerciaux construits dans des chantiers de construction navale canadiens; amendement de certaines dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu et ses règlements, dans le but de rendre plus attrayant le financement par crédit-bail de l'achat de navires construits dans des chantiers de construction navale canadiens; amendement de certaines dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu et ses règlements, dans le but d'accorder un crédit d'impôt remboursable pour une portion des coûts relatifs à la construction de navires, leur conversion ou leur remise en état dans un chantier de construction navale canadien.

L'Association de construction navale du Canada a retenu les services de KPMG, firme de consultants renommée, pour procéder à une analyse des mesures proposées dans le projet de loi C-213 et estimer l'incidence qu'auraient de telles mesures incitatives sur les commandes, les ventes, l'emploi et l'activité économique de l'industrie de la construction navale au Canada. Cette étude devrait être complétée dans une semaine et, à ce moment-là, nous en ferons parvenir copie au Comité. Bien que nous n'ayons pas encore reçu la version définitive de l'étude, nous disposons déjà de suffisamment d'informations pour révéler dès maintenant au Comité, en termes généraux, certaines des conclusions qui en découlent.

D'abord, le Programme de garantie d'emprunt, qui est surtout considéré comme un programme à l'exportation. La mise sur pied d'un Programme de garantie d'emprunt modelé sur le programme Title XI des États-Unis permettrait aux acheteurs de navires construits au Canada de bénéficier d'un financement correspondant à la durée de vie utile de l'actif. Cela rendrait la perspective d'acheter des navires construits au Canada beaucoup plus attrayante, en particulier aux yeux de propriétaires qui ont besoin d'un financement qui correspond à la valeur de l'actif lui-même. Des calculs suggèrent que cette mesure pourrait réduire de 10 à 15 % le prix concurrentiel de navires construits au Canada lorsque leur construction serait financée en vertu d'un tel programme de garantie d'emprunt.

• 1955

Viennent ensuite les dispositions de crédit-bail, que nous estimons surtout être un programme national canadien. Les acheteurs de navires construits au Canada bénéficient de la radiation rapide de la valeur de l'actif à des fins fiscales qui leur est déjà disponible en vertu des lois fiscales canadiennes. Ceci dit, les règles régissant le crédit-bail énoncées dans les règlements limitent considérablement la capacité du bailleur de bénéficier de cette déduction pour amortissement accéléré.

En conséquence, le crédit-bail ne constitue pas véritablement une option de financement de navires construits au Canada. Les propositions contenues dans le projet de loi auraient pour effet de soustraire les navires construits au Canada des règles spécifiées régissant le crédit-bail. Des calculs suggèrent que cette mesure pourrait réduire de 10 à 15 % le prix concurrentiel de navires construits au Canada, lorsque la construction en serait financée par crédit-bail.

Le crédit d'impôt remboursable. La troisième disposition prévue par le projet de loi fait écho à une disposition existant déjà sous le régime fiscal qui prévaut au Québec. Cette disposition accorderait des crédits pour une portion du coût de construction ou de radoub d'un véhicule commercial dans un chantier de construction navale situé au Canada, ou encore pour une portion du coût de conversion d'un navire dans un tel chantier naval. La disposition est conçue pour compenser certains des coûts de la courbe d'apprentissage liés à la production d'un nouveau produit.

Il y a des indications à l'effet que cette disposition permettrait de réduire d'environ 6 % les coûts d'ensemble d'une série de navires. Le comité doit prendre note du fait que nous recommandons fermement que ce crédit soit accordé au constructeur de navire, que celui-ci soit canadien ou étranger.

À la fin de 1999, 26 navires destinés à des intérêts canadiens figuraient dans les carnets de commande. De ce nombre, seize étaient en construction dans des chantiers étrangers. On peut raisonnablement supposer que, si les dispositions prévues par le projet de loi C-213 avaient été en vigueur, des chantiers canadiens auraient pu proposer un prix concurrentiel pour de quatre à six de ces navires et décrocher le contrat. Ajoutons à cela le potentiel que représente le renouvellement de la flotte des Grands Lacs et la croissance de l'industrie d'exploitation pétrolière marine sur notre côte Atlantique, et il y a tout lieu de s'attendre à ce que ces dispositions aient une incidence importante sur la croissance de l'emploi et de l'économie au Canada. Que veut-on dire par importante? Peut-on s'attendre à ce que le niveau d'emploi double tous les deux ans, tous les cinq ans, sans que le gouvernement du Canada investisse dans l'infrastructure?

Conclusion, l'industrie de la construction navale au Canada pourrait bénéficier au gouvernement fédéral en créant des emplois de technologie de pointe pour les Canadiens, et en particulier des emplois nombreux dans les régions où l'on en a le plus besoin. Elle pourrait ainsi contribuer de façon significative à l'accroissement de la richesse collective. Depuis quelque temps, l'industrie se positionne pour se faire plus concurrentielle sur le marché international. Si l'industrie et le gouvernement collaborent, il n'y a aucune raison pour que cela ne se produise pas.

Je veux rappeler que nous appuyons la demande formulée par M. Dubé, soit de passer tout de suite à l'examen article par article. Ce projet de loi est extrêmement important pour nous et mieux vaut qu'il soit adopté plus tôt que plus tard, car on ferait ainsi beaucoup d'heureux au Canada. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Cairns.

Nous allons maintenant passer aux questions parce que, d'après ma liste, je n'ai pas d'autres orateurs.

Monsieur Herron.

M. John Herron: J'aurais deux ou trois brefs commentaires à faire. Je tiens à féliciter nos témoins pour avoir indiqué où se trouvent les marchés de l'industrie canadienne de la construction maritime. Vous avez rappelé qu'il existe un marché intérieur, surtout dans les Grands Lacs, qu'il faut relancer et satisfaire.

Vous avez dit par ailleurs que nous n'avons pas intérêt à concurrencer les Japonais et les Coréens dans la construction de navires de grande taille, mais qu'il existe pour nous des marchés bien précis où nous pourrions réussir.

Je dirais à M. Cairns que nous avons un merveilleux débouché dans l'exploitation pétrolière au large, dans le cas des projets de Ben Nevis, de White Rose et de Terra Nova qu'on vient juste de découvrir. Pourriez-vous nous parler un peu des nouvelles possibilités qui s'offrent aux chantiers navals, notamment grâce à l'industrie pétrolière, et nous dire ce que vous avez appris de ceux qui possèdent les droits d'exploitation de ces champs pétrolifères?

• 2000

M. Peter Cairns: J'aimerais que mes collègues réagissent également à cet égard, si vous le permettez.

Nous avons été quasiment en communication constante avec Pétro-Canada pour la fourniture de matériel d'exploitation de pétrole et de gaz en mer. Nous excellons dans ce domaine. Nous construisons des plates-formes, des installations au large et nous construisons des navires avitailleurs, des navires de mouillage et ce genre de choses.

Le problème, en revanche, c'est que les pétroliers-navettes sont trop gros pour que nous puissions les construire dans nos chantiers navals. On ne comprend pas vraiment pourquoi ces pétroliers doivent jauger 120 000 tonneaux de port en lourd et non 80 000. On pourrait s'interroger à cet égard. En revanche, on prévoit que ces pétroliers-navettes seront plus petits dans l'avenir, qu'ils n'auront plus à faire 120 000 tonneaux de port en lourd.

Par ailleurs, on révise presque quotidiennement l'importance des réserves de pétrole et de gaz au large de la côte Atlantique. J'ai aussi entendu des rumeurs voulant que, maintenant que les revendications territoriales des Indiens sont réglées dans le Nord, de nouveaux projets de forage pourraient être entrepris dans l'Océan Arctique et cela, dirons-nous, dans un avenir relativement proche. C'est la première fois depuis cinq, six, sept, voire dix ans que j'entends qui que ce soit parler de forages dans l'Arctique canadien.

M. John Herron: Eh bien, je pense que vous êtes parvenu à nous montrer, dans vos exposés d'aujourd'hui, qu'il existe un véritable marché pour la production canadienne de...

M. Peter Cairns: Personnellement, je me demande si le gouvernement canadien veut vraiment disposer d'une industrie pétrolière et gazière qui soit canadienne.

Regardez ce que font les Norvégiens dans la Mer du Nord. Il y a 20 ans, ils se sont dotés d'une solide industrie d'exploitation pétrolière et gazière au large. Ils se sont dit: «Si vous voulez servir notre industrie, vous devrez vous installer chez nous et vous devrez contribuer à l'essor de l'industrie norvégienne».

Je ne vois rien de tel au Canada. D'ailleurs, prenez le cas d'Ibernia. La participation canadienne dans ce projet a été minime. Ibernia a été mis sur pied grâce au Royaume-Uni et à d'autres pays.

J'estime que, tant que les prix demeureront ce qu'ils sont, il faudra essayer d'intéresser les Canadiens à aller exploiter ces champs pétrolifères et gaziers au large.

M. John Herron: Une dernière remarque, très rapide, monsieur le président. Je tiens à rappeler à tous les membres du comité que les initiatives proposées dans le projet d'Antoine ne sont pas uniquement avalisées par les syndicats, par les armateurs ni par les constructeurs de navire. Elles ont reçu l'aval des dix premiers ministres provinciaux en deux occasions: lors de la conférence de Saint Andrews, en 1997, et de nouveau à Québec, en 1999.

Notre Comité des finances devrait au moins se prononcer en faveur d'une révision des dispositions sur la location-vente, qui équivalent à un stimulant fiscal. Comme il ne s'agit là en aucun cas d'une subvention, nous devrions retenir cet instrument. Je soutiens que, pour l'instant, il n'y a pas de revenu et je préfère adopter cette position que de rêver en couleur en me disant que les recettes sont importantes.

Par ailleurs, nous pourrions adopter un programme de garantie de prêt semblable au Title XI. J'aimerais savoir s'il y a d'autres exemples du genre. Je sais qu'un armateur canadien, Secunda Marine, a eu recours au programme américain des garanties de prêt Title XI pour faire construire un navire. Si nous avions un programme semblable, nous pourrions construire des navires dans les mêmes conditions au Canada. Avez-vous entendu parler d'autres cas que celui de la Secunda Marine?

M. Richard Bertrand (vice-président exécutif, Davie Industries; Association de la construction navale du Canada): Je m'appelle Richard Bertrand, des industries Davie à Québec.

Nous avons perdu un contrat portant sur deux plates-formes semi-submersibles d'un prix de 160 millions de dollars américains, à cause du programme de prêt Title XI et des conditions de financement à hauteur de 87 % avec un intérêt de 6 % sur 25 ans. Un tel contrat aurait représenté 1 300 emplois pendant deux ans et demi. Voilà un exemple où le client a décidé d'aller aux États- Unis.

• 2005

Ce même client et d'autres reviennent nous voir avec des lettres d'intention pour des chantiers semblables, mais demandent les mêmes conditions financières. Nous avons les compétences voulues. Nous venons juste de livrer la plus grosse plate-forme d'exploitation du monde, la Spirit of Columbus, au Brésil. Elle est entrée en exploitation il y a deux semaines.

Nous avons donc les connaissances et les compétences voulues. Nous avons les moyens de réussir, nous avons les connaissances techniques et tout le reste. Ce qui nous manque, ce sont des montages financiers grâce auxquels nous pourrions être concurrentiels.

M. John Herron: Merci.

Le président: Monsieur Dubé, voulez-vous poser une question?

[Français]

M. Antoine Dubé: J'aurai peut-être une question à la fin.

Le président: À la fin? Oui, bien sûr.

[Traduction]

Monsieur Earle, après quoi nous passerons à Mme Wayne.

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.

Mon intervention correspond plus à une remarque qu'à une question, mais je tiens à vous dire avant toute chose que je suis très heureux de me trouver ici ce soir et de pouvoir me prononcer en faveur de ce projet de loi. Je félicite M. Dubé pour son travail et je vous félicite, vous tous, pour le travail que vous avez fait dans ce dossier, pour faire avancer les choses. Les exposés de ce soir ont été très clairs et très précis et ils ont porté sur quelques-uns des problèmes qui sont au coeur même de ce dossier.

J'ai été heureux, Les, de vous entendre parler du problème de la surcapacité, parce que c'est un argument qu'on nous sert souvent, comme vous l'avez mentionné, alors que nous ne devrions pas trop nous y attarder. Nous devrions plutôt concentrer notre attention sur ce que nous devrions faire pour que cette industrie soit viable au Canada.

Vous avez fort bien résumé le problème en vous demandant si nous voulons effectivement d'une industrie de la construction maritime chez nous? C'est ça le fond du problème. Tout cela se ramène à une simple question de volonté politique de la part du gouvernement. Si vous considérez la majorité de ceux qui sont assis autour de cette table, sachez que vous prêchez à des convertis. Je suis sûr que la plupart d'entre nous appuyons l'idée d'une intervention et sommes conscients de la nécessité de pouvoir compter sur une industrie viable dans les régions que nous représentons et partout au pays.

En fait, je n'ai pas vraiment de questions à vous poser, parce que vous vous êtes exprimés très clairement, mais je tenais simplement à préciser, pour mémoire, que je suis favorable à ce projet de loi et à son intention. Le NPD continuera sans doute à pousser dans ce sens et à apporter son appui à la cause que vous nous avez présentée ce soir.

Le président: Merci, monsieur Earle.

Maintenant, je suis sûr qu'Elsie va avoir des questions, des commentaires et même des réponses.

Des voix: Oh, oh!

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Vous avez tout à fait raison!

D'abord et avant tout, je tiens à remercier nos invités de ce soir et, bien sûr, notre collègue M. Dubé. Nous avons collaboré étroitement avec lui et je le remercie d'ailleurs de nous avoir invités à venir nous asseoir à ses côtés lors de sa conférence de presse et même à prendre la parole.

Pour moi et pour mes électeurs de Saint John, au Nouveau- Brunswick, la construction navale représente beaucoup. C'est le gouvernement Trudeau qui, le premier, a lancé le programme de construction des frégates grâce auquel nous avons créé les chantiers navals qui existent aujourd'hui. Le gouvernement suivant nous a attribué également le programme des frégates qui est venu ensuite.

Tout le monde ne sait peut-être pas qu'en 1992, notre actuel ministre de l'Industrie—qui ne l'était pas encore à l'époque—a envoyé une lettre à M. Les Holloway dans laquelle il disait:

    Merci de m'avoir signalé par écrit que vous désirez obtenir une réponse au document de votre fédération relativement à la politique de la construction navale.

    Le document de politique que vous m'avez fait remettre est en cours d'examen par le parti et par les porte-parole concernés. Nous vous fournirons par écrit une réponse en temps et lieu.

    Soyez assuré que l'industrie de la construction navale est une priorité pour moi de même que pour mes collègues au sein de notre groupe parlementaire. Encore une fois, merci d'avoir pris le temps de m'écrire.

Cela, c'était avant l'élection de 1993.

Après cette élection, M. Manley a de nouveau écrit à Les Holloway et j'ai également copie de sa lettre. Voici ce qu'on peut y lire:

    Merci pour votre lettre du 2 février 1994 à propos du suivi des discussions de la table ronde sur les questions relatives à la construction navale, table ronde qui se déroulait à Ottawa le 27 mai 1993.

    ... Bien qu'aucune autre réunion de cette nature ne soit prévue dans l'avenir, les questions relatives à l'industrie de la construction navale demeurent importantes à mes yeux de responsable de l'Industrie. Cependant, sachez que je suis parfaitement au fait de vos propositions concernant cette industrie et que je serais très heureux de continuer à bénéficier de votre point de vue à cet égard.

C'était donc une lettre de notre ministre de l'Industrie, M. Manley.

• 2010

Comme vous le savez, monsieur le président, je me suis levé 27 fois pour réclamer une politique de la construction navale à notre ministre. Nous n'en avons toujours pas. Nous sommes le seul pays de l'OCDE à avoir conclu l'accord sur la construction navale au début des années 80 et à n'avoir pas évolué depuis. Tous les autres ont bougé. Tous les autres pays ont complètement bouleversé leur système. Voilà pourquoi nous ne pouvons pas être concurrentiels.

J'ai ici une télécopie qui m'a été envoyée aujourd'hui de l'Île-du-Prince-Édouard, du chantier naval de East Isle, à Georgetown. On y dit—il s'agit de l'Assemblée législative—que le chantier naval de East Isle, à Georgetown, jouit d'une réputation internationale dans la construction de remorqueurs de qualité, mais qu'il n'est pas en mesure de concurrencer les chantiers navals des autres pays qui sont subventionnés, raison pour laquelle il a dû fermer.

Par ailleurs, on a posé les scellés sur mon chantier naval, le plus moderne du monde.

Les et les autres vous ont parlé des retombées. Vous savez que si vous créez un emploi dans un chantier naval, comme le disait Robert, vous en créez trois ou quatre autres par répercussion? Savez-vous combien de gens ont quitté la plus grande ville de la province du Nouveau-Brunswick—ma ville—depuis 1993? Quatorze mille.

Nous nous devons d'agir pour ces gens-là. Nous nous devons de faire en sorte, pour eux, que l'industrie de la construction maritime demeure. Parce que je vais vous dire une chose: les retombées de cette industrie sur l'économie sont incroyables. Jamais, auparavant, je n'avais vu de vitrine de magasin chez moi, dans mon quartier résidentiel, masquée au papier journal. Jamais!

Nous nous devons de faire cela pour les Canadiennes et les Canadiens, pas uniquement pour ceux de Saint John et je vais vous expliquer pourquoi. Quand on crée des emplois qui ont de telles retombées, il n'y a plus personne au bien-être social. Quand on crée ce genre d'emplois, les gens travaillent dans la dignité. Et puis, on crée d'autres emplois qui contribuent à l'économie d'une façon tout à fait incroyable.

Alors, je vous le demande: Comment se fait-il que même la compagnie Irving fasse fabriquer ses plates-formes—je parle bien de la compagnie pétrolière Irving—en Asie? Parce que ça lui coûte moins cher, mais pendant ce temps, on ferme notre chantier naval.

Il est grand temps d'agir. C'est la vérité. Quand je suis allé rencontrer M. Manley, il m'a dit de m'adresser à vous. Il m'a dit, Elsie, vous devez mobiliser trois ministères, pas uniquement le mien. Il m'a demandé d'obtenir l'agrément du ministère des Finances, il m'a également demandé de m'adresser à... je veux parler du ministère de Pierre Pettigrew. Bref, il m'a dit qu'il y avait trois ministères de concernés.

[Français]

M. Antoine Dubé: Le commerce extérieur.

[Traduction]

Mme Elsie Wayne: C'est cela.

Il m'a dit qu'il fallait rassembler tout le monde et que c'était la seule condition pour avoir une politique sur la construction navale.

Cela étant, monsieur le président, il vous appartient, il nous appartient à nous tous autour de cette table, de faire une recommandation au gouvernement pour qu'il agisse dans ce sens. Plus tôt nous le ferons, plus tôt nous relancerons l'économie, de la Colombie-Britannique à Terre-Neuve en passant par l'Île-du-Prince- Édouard, le Nouveau-Brunswick, les Grands Lacs et toutes les régions concernées du pays. Ce serait la meilleure chose que vous puissiez faire pour l'économie canadienne, parce qu'il n'est pas simplement question de créer 4 000 ou 14 000 emplois à Saint John, au Nouveau-Brunswick, il est question de faire beaucoup plus, je dois vous le dire, il est question de s'intéresser également à la situation dans les Grands Lacs, en Colombie-Britannique et ailleurs.

Je tiens donc à signaler à ces messieurs que je les appuie entièrement. Je les appuie entièrement, parce qu'il y a une bonne raison à cela. Peter Cairns et Donald Morrison, qui sont deux hommes d'affaires, ne sont pas venus chercher ici des dons du gouvernement, mais ils sont venus vous dire qu'ils comptent sur nous, aujourd'hui. C'est la même chose ailleurs dans le monde. Je rentre d'Europe, de Bruxelles, et j'ai également été à St. Petersbourg, en Russie. Tous ces gens-là nous font de grands sourires et espèrent que nous n'aurons jamais de politique sur la construction navale parce qu'ils se débrouillent actuellement très bien de leur côté. Ils ne paient leurs travailleurs qu'un dollar de l'heure et, comme vous le savez, il n'est pas possible de nourrir une famille avec cela.

Alors, essayons de retrouver notre dignité au Canada. Rassemblons-nous et agissons. Nous pouvons y parvenir, monsieur le président. J'en suis certaine.

Comme je vous respecte beaucoup, je vous dirai simplement une chose: j'espère que vous allez mettre M. Manley au pas, et très vite!

Des voix: Oh, oh!

Mme Elsie Wayne: Merci beaucoup.

Le président: Vous êtes un témoin fantastique, madame Wayne.

• 2015

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.

Comme le comité doit surtout étudier le projet de loi C-213, je vais demander aux gens de l'industrie de me parler davantage des répercussions des propositions formulées dans ce projet de loi.

J'aimerais commencer par M. Beaupré. Pourriez-vous me dire, uniquement pour lancer la discussion, quelle est la valeur moyenne des contrats de construction maritime au Canada. Combien coûte un navire en moyenne?

M. Richard Beaupré (président du conseil, Association de la construction navale du Canada): Voilà une question à laquelle il est très difficile de répondre. Cela dépend du genre de navire que vous avez en tête.

M. Paul Szabo: Un navire de moyen tonnage.

M. Richard Beaupré: Pour un laquier auto-déchargeur, il en coûte sans doute quelque 65 millions de dollars canadiens.

M. Paul Szabo: 65 millions de dollars...?

M. Richard Beaupré: C'est cela.

M. Paul Szabo: Bon! Eh bien, parlons donc d'un navire de 65 millions de dollars.

Monsieur Cairns, vous avez commenté les dispositions du projet de loi et vous semblez savoir ce qui est nécessaire. À combien chiffreriez-vous ce genre d'initiative, par exemple, pour un contrat de 65 millions de dollars. Autrement dit, faudrait-il verser une aide ou prévoir une mesure de stimulation équivalente à 10 %? À 15 %? À 20 %? J'aimerais savoir le genre de programme qu'il faudrait lancer pour contribuer à la construction d'un navire de 65 millions de dollars, histoire d'avoir une idée du coût. Est-ce que quelqu'un le sait?

M. Peter Cairns: Il faudrait miser sur 10 à 15 %.

M. Paul Szabo: Donc, 10 à 15 %?

M. Peter Cairns: Mais bien sûr, si toutes les mesures étaient adoptées, cette proportion serait supérieure.

M. Paul Szabo: Reste à savoir si cette aide serait consentie au producteur ou à l'acheteur...

M. Richard Bertrand: Il s'agirait de 10 à 15 %, voire 18 %, selon la nature du produit.

M. Paul Szabo: Très bien. Supposons que ce programme soit de 20 %. Le gouvernement fédéral verserait donc une contribution d'environ 13 millions de dollars pour la construction d'un navire—13 millions de dollars.

Cela étant, monsieur Bertrand, nous voilà aux prises avec le fond du problème. Je ne sais pas si ces chiffres sont exacts, je les reprends de quelqu'un d'autre. Il est dit ici qu'entre 1983 et 1996, soit en près de 14 ans, le gouvernement du Canada a investi 1,6 milliard de dollars dans les industries Davie sous la forme de contrats, de contributions diverses et de garanties de prêt— 1,6 milliard de dollars.

Si, pour chaque navire de 65 millions de dollars, le gouvernement doit verser 13 millions de dollars en subvention, et si j'en juge par le genre d'aide qui a été consentie aux industries Davie... On se rend compte d'un seul coup que cela représente 100 navires, que les subventions consenties jusqu'ici représentent 100 navires fabriqués par la Davie. Si c'est le genre d'intervention que vous réclamez du gouvernement fédéral pour soutenir l'industrie de la construction maritime, pouvez-vous nous indiquer ce qu'a produit la Davie en 14 ans avec une aide totalisant 1,6 milliard de dollars? Combien de navires avez-vous construits durant cette période de 14 ans?

M. Richard Bertrand: Si vous me le permettez, je vais commencer par décortiquer ces 1,6 milliard de dollars. Je crois qu'en employant le terme d'assistance, on commet en quelque sorte un détournement de sens. Avec cet argent, le gouvernement du Canada a acquis trois frégates de patrouille canadienne entièrement équipées, au coût de 425 millions de dollars pièce. Cela n'a rien à voir avec un programme de subvention, mais avec un programme d'achat.

• 2020

Par ailleurs, toujours sur les 1,6 milliard de dollars, le gouvernement fédéral nous a confié le réarmement, selon les derniers cris de la technologie, de quatre destroyers de classe TRUMP construits au début des années 70 et qui devaient être dotés d'un équipement de guerre dernier cri. Toujours pour le même montant, le ministère des Transports a acheté deux gros traversiers au titre des obligations du gouvernement fédéral envers Terre- Neuve.

De plus, sur ces 1,6 milliard de dollars, il y avait des subventions et un programme d'aide à la rationalisation des chantiers, qui étaient essentiels pour nous permettre de nous adapter à l'économie internationale. Je m'inscris donc en faux contre votre suggestion selon laquelle les 1,6 milliard de dollars étaient entièrement constitués de subventions destinées à aider le chantier maritime, alors qu'en fait, sur cette somme, le gouvernement canadien a acheté du matériel pour répondre à ses besoins et à ceux des Canadiennes et des Canadiens.

M. Paul Szabo: Bien sûr, je suis d'accord avec vous.

M. Richard Bertrand: On nous a versé des subventions dans le cadre de la rationalisation de 1987. Je suis à Davie depuis cette époque, c'est-à-dire depuis 13 ans. Je ne peux pas vous parler des trois premières années de la période à laquelle vous faites allusion, mais avant que je n'entre à la Davie, l'activité y était plutôt réduite. En revanche, je peux vous parler d'autorité de ce qui s'est passé ensuite, puisque j'étais le vice-président responsable de tous ces programmes à la Davie.

M. Paul Szabo: Très bien. Ma dernière question...

M. Richard Bertrand: Je pense pouvoir affirmer que nous avons fourni au gouvernement canadien une technologie de pointe susceptible de lui permettre de répondre à ses besoins. Ce genre de compétences, et celles qu'on retrouve à Saint John et ailleurs au Canada, devraient nous permettre de donner un énorme potentiel d'exportation à ce pays et de répondre à nos propres besoins nationaux, plutôt que de recourir à la Chine ou à la Corée. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous répondre.

M. Paul Szabo: Merci. Comme mon temps est presque écoulé, je voudrais poser une dernière question. Pourriez-vous nous donner un exemple de contrat ayant été accordé à un chantier maritime américain, pour la construction d'un navire en Amérique du Nord, et nous dire quelle était la différence des soumissions entre les Canadiens et les Américains? À combien s'élevait cette différence dans les soumissions?

M. Richard Bertrand: Je vais vous donner deux exemples que j'ai vécus. D'abord, un important armateur canadien voulait faire construire trois navires-citernes pour remplacer une flotte vieillissante. Il s'est adressé à des chantiers navals canadiens et étrangers pour obtenir des devis. À Davie, nous avons fait notre soumission en nous appuyant sur les dispositions de la politique de Québec en matière de crédit fiscal, ce qui, je crois, nous a conféré un certain avantage sur les autres chantiers maritimes canadiens.

Eh bien, notre prix était de 6 % supérieur à celui de la Chine pour un produit de haut niveau. Il ne s'agissait pas du tout d'une production courante, d'un navire-citerne qu'on se contente d'assembler. Il s'agissait d'un produit de haut de gamme et non pas du genre de navire que les Coréens et les Chinois construisent à vil prix pour être compétitifs, et pour lequel ils ne dégagent quasiment aucune marge bénéficiaire.

Si, à cette époque, nous avions bénéficié d'une des mesures proposées dans le projet de loi C-213, nous aurions pu arracher le marché aux Coréens et aux Chinois. Je suis certain qu'il s'agit là d'un exemple typique, d'après ce que m'ont raconté le président du chantier naval de Saint John et d'autres, qui sont membres de notre association.

On a parlé tout à l'heure d'exploitation de ressources au large, mais on n'a pas dit que dans les cinq à six prochaines années, il faut s'attendre à des investissements de 20 à 25 milliards de dollars dans l'Est du Canada et de 33 milliards de dollars au Brésil, pays où se trouve notre dernier client.

• 2025

Pour la modernisation du Spirit of Columbus, nous avons pris part à un appel d'offre international et nous avons remporté le marché avec un prix 8 % inférieur aux autres. Si nous n'avions pas bénéficié de la politique maritime du Québec, nous n'aurions jamais pu offrir 2 600 000 heures de travail à nos employés.

M. Paul Szabo: Alors là, vous me causez un problème. La première partie du projet de loi de M. Dubé concerne les garanties de prêt, les taux et les conditions... ce que je comprends. Toutefois, les déductions pour amortissement, le crédit d'impôt remboursable et le reste, ne sont disponibles que pour l'acheteur. Ainsi, une compagnie chinoise remportant un marché ne peut bénéficier des dispositions prévues dans le projet de loi de M. Dubé.

M. Richard Bertrand: Effectivement pas, mais pour être concurrentiels nous devons pouvoir bénéficier de ces mêmes dispositions.

M. Paul Szabo: Vous avez besoin de ces avantages sur le plan du financement.

M. Richard Bertrand: Oui. De ces avantages ainsi que des autres mesures prévues dans le projet de loi.

M. Paul Szabo: Mais ces autres mesures ne sont offertes qu'à l'acheteur. Si l'acheteur est à l'étranger, il ne peut pas se prévaloir d'un crédit d'impôt remboursable au Canada.

M. Richard Bertrand: Certes, mais si vous pouvez attirer un client... Le projet de loi comporte deux mesures. En tant que membre de l'Association de la construction navale du Canada, nous suggérons que ces avantages aillent au constructeur du navire. C'est plus facile pour nous et, selon moi, c'est également plus logique.

Quoi qu'il en soit, le financement va au client mais pas au chantier naval. Si vous pouvez attirer un client en lui offrant un financement... J'ai une lettre d'intention, dans mon bureau, portant sur l'achat de deux plates-formes représentant plus de 200 millions de dollars pièce... mais il y a un piège. Je dois aider l'armateur à se faire financer. Si j'arrive à l'attirer avec un financement raisonnable, il sera heureux comme un pape. Il aura confiance dans notre capacité de production et sera un client satisfait. Cela étant, on réglera son problème et l'on créera du même coup 2 500 emplois.

M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Szabo.

Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Je dois vous dire d'entrée de jeu que j'éprouve un grand respect envers mes collègues de l'opposition, mais il se trouve que je représente une circonscription du sud de l'Ontario qui n'a rien à voir avec la construction navale. Je vais donc commencer par poser quelques questions relativement rudimentaires.

Tout d'abord, qui achète le genre de navires de la taille dont il est question dans ce projet de loi—je veux parler de navires commerciaux canadiens et de la conversion de tels navires? Par ailleurs, comment se répartit le marché entre le secteur privé et les achats gouvernementaux dans ce domaine?

M. Richard Beaupré: Il n'y a pas eu beaucoup de bâtiments construits pour le compte du gouvernement. En outre, nous n'avons construit que très peu, pour ne pas dire aucun navire commercial canadien depuis 1985.

Mme Karen Redman: Ainsi, pour en revenir à l'exemple des traversiers donné par monsieur Bertrand, il s'agit d'un contrat gouvernemental, mais diriez-vous que c'est plus là l'exception que la règle? Qu'en est-il des entreprises privées?

M. Richard Bertrand: Les achats gouvernementaux, malheureusement pour l'industrie et peut-être pour tout le monde, sont plutôt cycliques. Le gouvernement achète une frégate tous les 25 ans, quand la dernière est obsolète. Plutôt que d'acheter régulièrement des brises-glace, le gouvernement se les procure de façon cyclique. C'est une question de choix qui tient à un grand nombre de questions auxquelles je n'ai pas réponse. Toutefois, M. Beaupré a raison. Nous n'avons pas eu de demande d'acquisition depuis plusieurs années.

On sait qu'il y a certains besoins au titre des programmes gouvernementaux. Si nous obtenons l'approbation du Conseil du Trésor, nous pourrons faire les mises en chantier dans les prochaines années. Pour ce qui est de l'industrie, je ne pense pas que les besoins du marché national, qu'il s'agisse du gouvernement du Canada ou encore des exploitants et des armateurs canadiens, seront suffisants pour revenir au plein emploi chez nous. La seule exception, mentionnée par M. Morisson, tiendrait au remplacement de la flotte des laquiers qui pourrait nous occuper pendant plusieurs années à raison de quatre ou cinq navires par an, à en juger par l'état de cette flotte.

Mme Karen Redman: Comme il est question d'un marché international et donc de soumissions internationales, je ne posais pas uniquement ma question en ce qui concerne le gouvernement canadien. Je suppose que ce genre de déclaration et également vraie pour les gouvernements américain et européens. Ce sont des acteurs de moindre importance au point que vous vous intéressez certainement davantage aux projets commerciaux comme la construction de barges et de plates-formes de forage au large.

M. Richard Bertrand: Tout à fait.

• 2030

Mme Elsie Wayne: Sur un rappel au Règlement, pourrais-je préciser une chose à l'intention de ma collègue?

Le président: Allez-vous attendre que je réponde, Elsie? Allez-y.

Mme Elsie Wayne: Monsieur le président, à Saint John, la société Irving a lancé des soumissions pour plus de 75 contrats dans le monde. Nous ne pouvons pas être concurrentiels par rapport aux autres chantiers navals, parce que nous n'avons pas les mesures recommandées par M. Dubé.

Ainsi, il y a une dimension privée mais il ne faut pas oublier les retombées sur les collectivités, Paul. On récupère l'investissement par le biais des impôts et des taxes, grâce à toutes les retombées comme la création d'emploi dans les autres industries et ainsi de suite. Ainsi, tout ce que vous investissez dans cette industrie, vous le récupérez en argent sonnant et trébuchant par ailleurs.

Mme Karen Redman: Il est évident que vous êtes absolument passionné par ce dossier et je vous demanderai d'excuser mes tâtonnements.

Où les gens s'adressent-ils pour obtenir un financement?

M. Richard Bertrand: À l'exception du programme américain Title XI, dont nous avons parlé et que nous avons cité en référence—modèle contre lequel nous devons livrer concurrence—en général, les entreprises obtiennent leur financement sur les marchés internationaux. Par exemple, Mitsubishi au Japon finance même les travaux réalisés en Corée et ailleurs. Les sociétés dont le crédit est solide peuvent s'adresser à plusieurs grands établissements financiers. Toutefois, le financement dépend aussi de la cote de crédit du chantier naval, et le taux d'intérêt du prêt peut varier beaucoup en fonction de cela. Ainsi, la possibilité de se financer au meilleur taux influe directement sur la décision de confier le marché à tel ou tel chantier naval.

Tout à l'heure, il a été question des laquiers de taille moyenne. Eh bien, je suis à peu près sûr que les armateurs et les exploitants de ces navires préféreraient investir dans une nouvelle flotte et disposer de bâtiments moins exigeants sur le plan de la maintenance, et moins coûteux à exploiter que ceux dont ils disposent actuellement. Si ce n'est pas systématique, c'est souvent le cas. Or, s'ils ne le font pas, s'ils n'ont pas investi dans le renouvellement de leur flotte, c'est à cause des conditions économiques.

Mme Karen Redman: Les taux d'intérêts sont-ils fixes ou variables?

M. Richard Bertrand: Cela dépend. Il y a les deux. Les honorables représentants de l'Association des armateurs pourraient sans doute vous répondre plus précisément que moi, mais d'après ce que je sais, les deux existent.

Le dernier montage financier à cause duquel nous avons perdu un contrat portait sur deux plates-formes semi-submersibles dont le marché a été confié à la Corée. Le taux était variable et relativement élevé. Pourtant, il y a quelques mois encore, les taux proposés étaient fixes et pour des périodes de quatre ans. Donc, cela dépend, et je n'ai pas suffisamment d'expérience dans le domaine pour faire des généralisations.

Mme Karen Redman: Monsieur Morrison, voulez-vous intervenir?

M. Donald Morrison: Puis-je faire une remarque?

J'aimerais que nous mettions en perspective la taille du marché potentiel que nous représentons parce que nous avons une flotte dont les bâtiments sont âgés de 27 à 30 ans. Si nous ne remplacions que la moitié de cette flotte, c'est-à-dire 45 à 50 navires dans les cinq à dix prochaines années, nous pourrions accorder des contrats de trois à quatre milliards de dollars à l'industrie de la construction navale. Et il n'y a pas que les armateurs canadiens qui doivent changer leurs vraquiers, leurs navires-citernes et quelques-uns de leurs navires auto-déchargeurs; c'est le cas de tous les armateurs, dans le monde entier. Il faut donc envisager la possibilité de créer une synergie en collaboration avec l'industrie de la construction navale au Canada, pas uniquement pour notre flotte.

Cet après-midi, vous avez eu l'occasion d'entendre le point de vue de quelques-uns des plus gros chargeurs et armateurs du pays qui vous ont parlé de quelques cents la tonne et de ce que cela signifie pour leurs activités. Eh bien c'est la même chose sur la côte, quand il faut acheter un navire. Nous dépensons l'équivalent de quelques cents par tonne de fret pour construire un navire.

Si nous n'avons pas passé de commande récemment c'est, comme M. Bertrand vous l'a expliqué, à cause des conditions financières. Or, les choses se présenteraient sous un meilleur jour si nous pouvions recourir aux mesures proposées dans le projet de loi de M. Dubé. Nous ne pouvons pas encore chiffrer ce que représentent ces crédits d'impôt et ce que cela donnera sur le plan de la comptabilité au coût actuel, mais nous sommes sur le point d'y parvenir. Dès qu'on parle d'une diminution des coûts de 15 à 18 %, on s'approche du seuil magique où les gens commencent à être intéressés, à condition que l'on puisse supprimer une partie des coûts d'exploitation, ce qui correspond au recouvrement des coûts. Nos membres aimeraient beaucoup remplacer leur flotte et, s'ils le faisaient, ils représenteraient un marché de 3 à 4 milliards de dollars, en dollars actuels, au cours des cinq à dix prochaines années.

• 2035

Les difficultés que nous rencontrons aujourd'hui sont caractéristiques de celles constatées à Port Weller. Là bas, plutôt que de construire des navires complets, une de nos compagnies affiliées est en train de construire trois ou quatre...

M. Alan Thoms (président et directeur général, Canadian Shipbuilding and Engineering, Association de la construction navale du Canada): Cinq.

M. Donald Morrison: Donc, cinq avant-coques, conservant les systèmes de propulsion, les quartiers d'équipage et la poupe. Ce n'est pas ce qui se ferait si les conditions financières étaient plus avantageuses. Mais voilà, tel n'est pas le cas. Les gens commencent à être désespérés. Les sociétés font ce qu'elles peuvent pour améliorer leur flotte, mais le mieux serait de nous aider pour que nous puissions commencer à remplacer nos navires. Ce serait fantastique et c'est ce qu'il faut faire.

Mme Karen Redman: Nous avons reçu un document du Québec décrivant certaines des mesures adoptées par le gouvernement de cette province et je me demande si, ailleurs au Canada—par exemple en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick ou à Terre-Neuve—on a fait des choses du genre et s'il y a donc une sorte d'uniformité dans les programmes provinciaux. Est-ce que quelqu'un peut me répondre?

M. Peter Cairns: La réponse est non.

Il y a eu quelques cas rares en Nouvelle-Écosse où la province a offert pour la construction de deux navires, je crois, un programme de garantie de prêt semblable à celui proposé dans le projet de loi de M. Dubé. Toutefois, ce programme n'est pas généralisé et il n'est certainement pas offert uniformément dans l'ensemble du pays.

Il serait inquiétant que les provinces prennent les choses en main et imposent des tarifs à leur niveau au point que le terrain de jeu deviendrait inégal sur notre propre marché intérieur. Nous estimons qu'une politique nationale serait bien meilleure.

Mme Karen Redman: D'après vous, est-ce que les mesures fiscales du Québec sont efficaces?

M. Richard Bertrand: Nous sommes l'un des principaux acteurs, puisque sur les 250 millions de dollars de marché attribuables à ces politiques, nous en avons exécuté 150 à 160 millions de dollars.

C'est donc une politique très efficace, quant à moi. En trois ans et demi, bientôt quatre, le Québec aura réussi à attirer 250 millions de dollars de contrats qui nous seraient certainement passés sous le nez—je ne parlerai pas pour les autres chantiers navals, mais c'est au moins le cas de la Davie—s'il n'y avait pas eu de telles mesures. Elles nous ont permis de décrocher le contrat de modernisation de l'importante plate-forme semi-submersible réalisée dans le port de Québec, et cette première mondiale n'aurait certainement pas eu lieu au Canada si nous n'avions pas eu cette politique.

J'ai eu l'impression, en m'entretenant avec les autres propriétaires de chantier naval, que cette politique les a également aidés et qu'eux-mêmes reconnaissent qu'elle nous a permis d'attirer des marchés de 250 millions de dollars.

M. Richard Beaupré: J'aimerais ajouter une chose à ce que vient de dire M. Bertrand. Dans notre chantier naval, nous avons réalisé des contrats de quelque 40 millions de dollars. Il s'agissait de propriétaires de plates-formes de forage au large et nous avons obtenu ces marchés grâce au crédit d'impôt. Grâce à ce crédit, nous avons pu soumissionner plus bas et obtenir ces contrats qui, sinon, seraient sans doute allés ailleurs, pas au Canada, mais ailleurs dans le monde.

Le seul problème tient au fait que le gouvernement fédéral nous a imposé sur ce programme. Comme nous recevions de l'argent du gouvernement provincial, le fédéral a considéré qu'il s'agissait de revenus et il nous a imposé en conséquence. Il a ainsi un peu atténué les effets bénéfiques du programme.

Le président: Monsieur Holloway.

M. Les Holloway: À propos des deux navires qui ont été construits en Nouvelle-Écosse dans le cadre d'un programme ponctuel, je dois préciser qu'il s'agissait d'un marché de 90 millions de dollars. À cette occasion, nous avons construit deux navires avitailleurs de pointe pour les plates-formes en mer, qu'on peut considérer comme faisant partie des meilleures du monde, pour ne pas dire que ce sont les meilleures. Quant aux deux bâtiments de Secunda Marine, comme le disais John Herron, il faut savoir que la construction s'est faite dans un chantier naval du Mississippi. La compagnie a trouvé plus intéressant d'aller là-bas parce qu'elle bénéficiait du programme de financement Title XI américain.

• 2040

D'après notre expérience des deux navires qui ont été construits en Nouvelle-Écosse grâce au programme ponctuel de garantie de prêt, nous sommes convaincus que Secunda Marine aurait fait la même chose si nous lui avions offert les mêmes conditions. Bien sûr, il faudrait poser la question à ses dirigeants. Toutefois, la majorité des entreprises canadiennes envisageraient de faire construire leurs navires chez nous, moyennant de bonnes conditions financières qui les avantageraient.

Le président: Madame Leung.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai beaucoup apprécié vos exposés qui m'ont énormément appris. À plusieurs reprises, vous avez parlé du problème de la concurrence internationale dans la construction navale. Si votre situation pouvait s'améliorer grâce à ce projet de loi, pensez-vous que vous pourriez concurrencer les autres pays?

Par exemple, j'ai participé aujourd'hui même à une rencontre avec Ford Canada. C'était très intéressant. Il y a été question de trois pays. Le salaire moyen aux États-Unis dans l'industrie de l'automobile est de 65 $, au Canada il est de 40 $ et en Corée il est de 9 $. Toutefois, le Canada est en mesure d'être relativement compétitif et nous avons construit tellement de véhicules que cela se retourne même contre nous dans le cadre de l'OMC, parce que nous en avons construit plus du double.

Cela étant, je vais vous proposer l'analogie suivante: pouvez- vous concurrencer les marchés mondiaux dans le domaine de la construction maritime? Quelqu'un peut-il me répondre?

M. Richard Bertrand: Nous en sommes convaincus, madame. Nous aimons à penser que nous sommes entre deux grands contrats dans notre chantier naval, mais nous faisons des soumissions à l'échelle internationale. Nous avons remporté un contrat de modernisation d'une plate-forme de forage en mer. Nous avons remporté des contrats de construction de navires contre d'autres pays.

Bien sûr, comme vous le disiez, c'est aussi une question de salaire.

Mme Sophia Leung: Oui.

M. Richard Bertrand: Par exemple, dans notre industrie, pour faire une simple comparaison, le salaire horaire de nos employés, toutes charges confondues, est d'environ 40 à 45 $, selon le chantier naval concerné au Canada. Quand on se compare avec l'Allemagne, on se rend compte que les mêmes travailleurs spécialisés coûtent 105 à 110 $ de l'heure là-bas. Je précise qu'ils ne sont pas plus compétents que les nôtres. Au Japon, le coût horaire est de 90 à 92 $.

Vous pourrez toujours me dire que le Japon et la Corée bénéficient de meilleures économies d'échelle et d'une plus meilleure efficacité, et que ces deux pays ont investi des milliards de dollars dans leurs infrastructures. Je pense cependant que la plupart d'entre nous vous dirons que nous pouvons être concurrentiels dans certains créneaux, à condition que nous puissions nous spécialiser et nous tenir à ces spécialités. Parfois, nous manquons nos cibles de peu, même si nous essayons très fort.

Comme Mme Wayne l'a répété à maintes reprises, pour chaque contrat de réparation de navire que nous obtenons, nous faisons 10 à 12 soumissions. Pour les nouveaux bâtiments, il n'est pas inhabituel de devoir faire 25 à 30 soumissions pour obtenir un seul marché. Toutefois, on peut dire la même chose dans bien des industries manufacturières.

Nous pensons donc pouvoir être compétitifs. Parfois, la différence entre le fait d'être invité à soumissionner sur 30 contrats plutôt que sur 15 ou 16 pourrait ne tenir qu'aux mesures proposées dans ce projet de loi. Ainsi, nous ne pouvons pas faire concurrence à la Corée pour les vraquiers et les navires- citernes, et nous ne pouvons pas construire de TGTB parce que nous n'avons pas l'infrastructure voulue pour cela.

Cependant, il est incroyable de voir le genre de ségrégation qui existe au Canada entre la côte ouest et la côte est quand on considère les créneaux des uns et des autres. Il nous arrive de tous viser les mêmes marchés en matière de réparation de navire et nous nous marchons sur les pieds les uns des autres. Mais, en règle générale, nous sommes parvenus à nous spécialiser, ce qui est très intéressant et ce qui nous permet de dégager une certaine synergie. En fait, et même si ce n'est pas très connu, il faut savoir que la plupart d'entre nous se concertent pour travailler en équipe, pour se lancer dans des coentreprises, pour aborder ensemble des projets nationaux et internationaux.

Nous pensons donc pouvoir compter sur une industrie solide. Nous équipons maintenant nos navires d'une technologie qu'on ne trouve même pas à bord d'un 747. Nous pensons avoir fait énormément de progrès et tout ce dont nous avons besoin, c'est d'un petit coup de pouce pour arriver à remporter certains marchés.

• 2045

Le président: Monsieur Chernecki.

M. Robert Chernecki: Merci pour votre question, Sophia, qui est excellente. Je vais essayer d'y répondre ainsi. Je connais bien l'industrie de l'automobile, puisque j'en suis issu. Eh bien, je vais vous ramener à l'époque de Lee Iacocca, quand plus rien ne marchait à Chrysler. Tout le monde disait que cette industrie était trop bien nantie et que la qualité de ses produits était mauvaise. On a tout essayé pour s'en débarrasser en disant qu'elle ne valait pas la peine de la sauver, qu'il fallait la laisser couler, que c'était une industrie trop lourde, qui n'avait pas d'avenir pour le pays. Regardez où elle en est aujourd'hui. Voyez ce que sont parvenues à faire les sociétés de ce secteur moyennant une bonne dose de travail. L'une des initiatives qui a permis la relance a été le Pacte de l'automobile, parce que le gouvernement s'est dit: un instant, nous allons essayer de trouver un moyen de protéger cette industrie.

Aujourd'hui, comme vous l'avez si bien souligné, cette industrie est dans le viseur de l'OMC et je me permets de comparer la situation de l'automobile d'alors avec la nôtre aujourd'hui, parce que rien n'est prévu pour nous aider à nous remettre sur pied. Notre industrie a reçu un coup de main il y a plusieurs années, mais c'est maintenant chose du passé. Comme je le disais, le secteur de l'automobile était dans la même situation que l'industrie de la construction navale il y a quelques années, et voyez où elle en est aujourd'hui. Il ne fait aucun doute que moyennant des initiatives semblables à celles offertes dans d'autres pays, nous pourrions avoir une sacrée industrie. Certes, je ne sillonne pas le monde tous les jours, mais j'ai visité d'autres chantiers maritimes, j'ai vu l'équipement utilisé et j'ai vu les gens au travail, les employeurs et les employés. Si vous relanciez notre industrie au Canada, vous auriez au gouvernement fédéral un excédent nettement supérieur à celui que vous avez aujourd'hui, au point où vous vous demanderiez ce que vous pourriez bien en faire.

Mme Sophia Leung: Sachez que vous m'avez convaincue et que vous venez de gagner notre appui. Merci.

[Français]

Le président: Monsieur Dubé.

M. Antoine Dubé: Je vais faire quelques commentaires et je vais finir par une question qui va se rattacher à un possible amendement qui pourrait être de nature à satisfaire les gens de l'Association de la construction navale du Canada. C'est un amendement qui porterait sur le crédit d'impôt: à qui il va et dans quelles circonstances. Mais je vais y revenir à la fin.

Tout d'abord, je pense que M. Bertrand a bien répondu à votre question, monsieur Szabo. Il a fait des distinctions importantes. Je suis de Lévis et la même chose a été dite pour Saint-Jean. Souvent, quand on regarde les bilans financiers gouvernementaux, on voit qu'ils se résument à la plus simple expression, et certains médias, chez nous comme ailleurs, ont malheureusement alimenté cela. On ne distingue pas un contrat d'un prêt, d'une garantie de prêt et d'une subvention. C'est l'erreur classique. Tout est mis dans un même paquet et on fait le total. Je ne reproche pas à M. Szabo de l'avoir fait. C'est une bonne question et il fallait que ça se termine aujourd'hui. Je le remercie même d'avoir soulevé cela.

Donc, chaque chantier préfère la démonstration, mais j'ai maintenant deux questions. D'abord, pourquoi ai-je présenté ce projet de loi au Comité des finances? Parce que deux des trois mesures sont d'ordre fiscal et relèvent donc carrément des finances. Le programme de garantie de prêts peut viser deux ministères, celui du Commerce extérieur, par le biais de la SEE, et le ministère de l'Industrie lui-même. Mais quand on touche à deux ministères, le ministère des Finances est bien placé.

Quant à mon autre question, vous allez trouver cela curieux, mais je ne suis pas toujours très orthodoxe dans mes approches. Je voudrais défendre M. Manley. M. Manley s'est fait questionner par vous, madame Elsie Wayne, par vous, monsieur Herron, par les gens du Nouveau parti démocratique, par moi-même, etc. Parfois, à la Chambre, on interrogeait le ministre des Finances ou le ministre du Commerce extérieur, mais à chaque fois, M. Manley—vous savez comment cela fonctionne—se levait au nom du gouvernement pour répondre à nos questions. Je peux vous dire qu'il faut lire entre les lignes et je pense qu'il voudrait faire quelque chose, mais je me demande pourquoi le ministre de Finances ne répondait pas. J'ai l'impression que dans une situation inverse, où M. Manley serait le ministre des Finances, il serait d'accord avec nous. Bien sûr, il ne l'a pas dit publiquement, mais je sens qu'il est assez sympathique au projet de loi. D'ailleurs, vous avez peut-être remarqué qu'il n'a pas voté contre le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. Ça concerne le ministre des Finances, mais le ministre des Finances fait toujours répondre par M. Peterson qu'il ne le peut pas. Même si les intérêts sont en fiducie, il ne voudrait pas être perçu ainsi.

• 2050

Je veux dire à tout le monde ici, aux gens du Parti libéral comme aux autres, que tous les partis de l'opposition sont d'accord. Peut-être que l'Alliance canadienne est partagée, mais les députés disent qu'il n'y a pas de problème. Si vous adoptez le projet de loi C-213, monsieur le ministre des Finances, on ne vous reprochera pas de l'avoir fait. On va vous applaudir.

Je termine là-dessus, mais je plains un peu M. Manley, qui de fois en fois, est obligé de répondre en Chambre pour deux autres ministères qui, dans le fond, ne sont de sa compétence. Il est obligé de répondre à titre de ministre de l'Industrie.

Cependant, j'ai des critiques à l'endroit du gouvernement. Dans ses réponses, le gouvernement invoque toujours la soi-disant politique d'achats préférentiels. Dernièrement, on a acheté le fameux traversier de Terre-Neuve. Vous n'en avez pas parlé. Entre Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse, il y a un traversier usagé étranger. C'est la même chose d'ailleurs entre les Îles-de-la-Madeleine et l'Île-du-Prince-Édouard. Vous vous rappelez sûrement cela; ça s'est passé il y a trois ou quatre ans. On a dépensé une somme de 60 millions de dollars. Maintenant, il y a des gens du milieu qui se posent une question: si le gouvernement ou une société d'État achetait un traversier usagé et le faisait réparer, est-ce qu'il se soumettrait à la réglementation canadienne et est-ce qu'il paierait, comme un entrepreneur privé, un tarif douanier de 25 p. 100? C'est une bonne question, n'est-ce pas? Est-ce qu'une société d'État se soumettrait à cela? S'il s'agissait d'une société privée, totalement privée, il faudrait qu'elle le fasse, mais le gouvernement en est exempté.

Parfois, quand je parle du gouvernement, il ne s'agit pas du Parti libéral. Vous savez que le gouvernement et les sociétés d'État sont une grosse machine. Je soulève des cas d'incohérence, comme ça.

Je soulève un autre cas d'incohérence. Vous allez me dire que c'est plus petit, mais savez-vous à partir de quel genre de plans les bateaux de la Garde côtière, dont on parlait cet après-midi, sont construits? Savez-vous qui dessine ces plans? Ce sont des ingénieurs américains. Et on demande aux gens de l'Association des armateurs canadiens de payer des frais de déglaçage et d'aide à la navigation pendant que les Américains en sont exemptés. On ne fait même pas confiance aux ingénieurs et aux architectes navals canadiens pour construire de petits bateaux pour la Garde côtière. Je soulève cela en guise d'exemple.

Mme Wayne a abordé la question des retombées économiques. Je sais que la moyenne a longtemps été de 100 millions de dollars aux Industries Davie. Une année, il y a longtemps, elles ont même été de 150 millions de dollars. C'est arrivé une fois. Disons que le coût de la main-d'oeuvre correspond à la moitié de cela: 50 p. 100 de 100 millions de dollars, en moyenne. Selon les salaires versés, on a déjà calculé qu'un total de 20 millions de dollars revenait aux gouvernements en impôt fédéral et en impôt du Québec.

Prenons le programme de prêts garantis, la première mesure. Les États-Unis l'appliquent depuis 1938. Cela remonte aux années 1930. Ils n'ont fait aucune perte; c'est-à-dire qu'ils en ont fait, mais qu'ils ont été remboursés avec intérêts. Ils n'ont souffert aucune perte. C'est une mesure qui facilite les choses et qui entraîne des retombées fiscales. Et je ne parle pas de la TPS. Donc, c'est de l'argent dont le gouvernement se prive lorsqu'il n'agit pas.

Il y a aussi la question de la productivité. Je pense que j'ai passé trop vite là-dessus plus tôt. Il y a des gens qui ont dit au Comité de l'industrie que l'ensemble des grandes industries canadiennes était en perte de productivité. L'écart avec les États-Unis s'élargit au rythme de 1 p. 100 par année. On a beau penser que, pour l'instant, la faiblesse du dollar canadien nous aide pour les exportations, un jour, cela va nous jouer des tours. Il y a aussi des conséquences à cela.

L'écart continue d'augmenter, mais dans le secteur de la construction navale, depuis 10 ans, la productivité s'est accrue de 46 p. 100, comme vous pourrez le lire dans le rapport. Peut-être qu'il n'était pas assez productif, mais je souligne c'est l'une des industries qui ont le plus progressé à cet égard. Quand M. Bertrand présente ses taux, il parle du coût horaire que son entreprise demande pour construire un bateau. Pour ce qui est du coût de la main-d'oeuvre, je vous ai fourni un tableau. Il y a Taïwan et la Grèce, mais la Corée n'est pas là. Tous les autres pays ont un coût de main-d'oeuvre plus élevé, c'est-à-dire un tarif horaire plus élevé pour les employés. On est productifs et on a une bonne technologie.

• 2055

Ce sont mes commentaires de la fin, et j'arrive à la question de l'amendement. Il s'agit de l'alinéa 3(1)c), à la page 3. Je pense que tout est correct jusqu'au deux points. Ensuite on dit:

    (i) au propriétaire du navire dans le cas de la construction d'un navire canadien,

Pourquoi avais-je mis cela? C'était pour encourager nos armateurs canadiens, qui y voient des avantages directs, mais cela peut aussi se faire indirectement, parce que si le constructeur l'a, il sera en mesure de faire un bon prix à l'armateur canadien.

Le crédit d'impôt québécois est comme cela. Cela donne le même effet puisque, s'il est en mesure de vous vendre un bateau moins cher, vous aurez le même bénéfice. Évidemment, dans le cas du bateau étranger, le crédit d'impôt était là. Je sais que le temps file et qu'on avait dit qu'on siégerait jusqu'à 21 heures. Si vous deviez apporter un amendement, quel serait-il, compte tenu du fait qu'on vise tous les armateurs canadiens que vous représentez, monsieur Morrison? J'aimerais avoir votre commentaire là-dessus.

J'aimerais que vous commentiez cet amendement pour que je sache si, à première vue, il conviendrait à l'association. Si, en voulant faire le bien, je faisais le mal, je me sentirais malheureux.

[Traduction]

Le président: Vous nous avez récité tout ça dans un seul souffle.

Monsieur Bertrand.

M. Richard Bertrand: Personnellement, en tant que bénéficiaire du programme de crédit d'impôt du Québec, je vous dirais qu'il m'est beaucoup plus facile d'offrir un prix réduit à mes clients, parce qu'il faut bien reconnaître que les marchés vont au plus bas soumissionnaire et que cela me confère donc un avantage. Toutefois, comme M. Beaupré l'a dit plus tôt, cela dépend de qui paie l'impôt sur ces rentrées. Je crois que les chantiers maritimes sont disposés à le faire. De toute façon, c'est ce que je préférerais dans notre cas. Il demeure que les armateurs auront peut-être un point de vue différent.

Le président: Monsieur Morrison.

M. Don Morrison: Notre principe est le suivant: si l'on peut permettre à l'armateur de renouveler ou de compléter sa flotte, il est évident que les chantiers maritimes y gagneront. Nous nous disons que si les armateurs commencent à bénéficier de certaines dispositions, ils dépenseront leur argent et pourront se prévaloir de crédits d'impôt.

Je comprends qu'un chantier naval puisse dire...

[Français]

M. Antoine Dubé: Donc, vous ne verriez pas d'amendement. Vous seriez satisfaits de ça.

[Traduction]

M. Don Morrison: Le genre d'amendement que nous aimerions apporter concerne le niveau du crédit d'impôt remboursable. Voilà pourquoi, un peu plus, tôt je disais que le ministre de l'Industrie ou le ministre des Finances devrait pouvoir décider des mesures d'application de la loi par voie réglementaire.

S'il est question d'un crédit d'impôt de 3, 5 ou 7 %, il sera sans effet dans notre cas. En revanche, les choses seraient tout à fait différentes si l'on parlait d'un crédit d'impôt de 18 à 20 %, car il aurait une incidence sur le prix d'achat d'un navire, taxes comprises.

Le président: Merci.

Y a-t-il d'autres remarques? Monsieur Cairns.

M. Peter Cairns: Je prendrais une minute seulement, si vous me le permettez, pour préciser quelque chose à l'intention de M. Szabo. J'ai l'impression que M. Szabo craignait que le gouvernement ne dépense de l'argent, par exemple, dans le cadre du régime de garantie de prêt. Le risque que le gouvernement peut courir dans ce cas serait un défaut de remboursement. Il faut donc veiller à ce que cela ne se produise pas, c'est-à-dire qu'il faut adopter un système qui nous permette de nous affranchir de ce genre de problème.

• 2100

Prenez le cas des États-Unis, par exemple, en vertu du programme Title XI, les Américains ont financé la construction maritime à hauteur de 3 milliards de dollars depuis 1996. Il n'y a eu de défaut de paiement que pour 1,1 million de dollars. Pour bénéficier de ce programme, il faut payer un droit. Une fois les coûts d'administration déduits, il restait 47 millions de dollars, si bien qu'on peut parler d'un régime qui a rapporté de l'argent à l'administration.

M. Paul Szabo: Une garantie de prêt aurait une incidence énorme sur la capacité d'attirer un financement à coût faible.

M. Peter Cairns: C'est indéniable.

M. Paul Szabo: Et cela ne coûte rien d'autre au gouvernement qu'une garantie. S'il est solvable, il n'y a aucun problème pour cela.

Monsieur le président, je crois que nous arrivons ici au coeur du débat, c'est-à-dire à l'intention visée par M. Dubé telle qu'énoncée au paragraphe 3(1), que je vous lis:

    La présente loi a pour objet de promouvoir la construction navale au Canada et de rendre les chantiers maritimes canadiens plus concurrentiels.

Tout à l'heure, madame Wayne a parlé de mobiliser les ministères de l'Industrie, du Commerce international et des Finances, et je suis d'accord avec elle à cet égard. Ces trois ministères doivent participer à cet effort. Étant donné la sagesse démontrée par les gens de l'industrie ici, par les constructeurs et par les acheteurs de navire, je pense que votre comité devrait entendre l'avis de représentants de ces trois ministères pour savoir si, selon eux, ce projet de loi est effectivement la meilleure façon de parvenir aux objectifs énoncés et, sinon, savoir ce qu'ils proposent.

Est-on en train, par ailleurs, d'essayer de résoudre la question du destinataire du crédit d'impôt et de qui peut donner le meilleur rendement sur l'investissement? Je ne pense pas que nous ayons les compétences, à notre niveau, pour établir cela sans d'abord consulter, par exemple, le ministère des Finances quant à la formule retenue, c'est-à-dire un crédit d'impôt remboursable plutôt qu'une subvention directe pour améliorer la trésorerie de l'entreprise, puisqu'on obtient de crédits remboursables qu'après avoir rempli sa déclaration d'impôt.

Ce que je veux dire, c'est que ce projet de loi ne précise pas quelle partie de quelle loi serait visée, de combien on parlerait, ni de quel taux, etc. Pour l'instant, c'est de la devinette. Je pense que nous devrons pousser l'analyse un peu plus loin pour savoir s'il convient de poursuivre dans cette voie et s'il n'y aurait pas une façon de préciser tout cela, d'indiquer à l'industrie à combien elle peut s'attendre, peu importe où elle se trouve dans la chaîne de consommation.

Il faut dire exactement à l'industrie ce dont il retourne, et on en a parlé puisqu'on a cité des taux de 15 à 20 %, pour que nous soyons vraiment concurrentiels. Dans certains cas, la différence ne serait que de 5 ou 6 %. Je ne sais pas si une formule universelle convient dans ce cas.

Avec l'accord du comité, je recommanderais que nous demandions aux ministères concernés de nous donner des conseils, de réagir et de nous donner la possibilité de poser des questions à leurs représentants, sur ces points importants.

Enfin, je recommanderais que nous entendions l'attaché de recherche du bureau des affaires émanant des députés qui a collaboré à la rédaction de ce projet de loi avec M. Dubé. Les membres du comité reconnaîtront sans doute qu'il s'agit d'un projet de loi tout à fait unique, parce qu'il s'apparente davantage à une motion, étant donné qu'il ne précise pas les lois, les articles auxquels il se réfère ni les pourcentages, etc. Ce texte s'en remet entièrement au règlement, car on revient à dire: «Si vous adoptez ce projet de loi, le gouvernement devra adopter un règlement visant à modifier les lois concernées, afin de parvenir aux objectifs visés».

Soit dit en passant, ce projet de loi se conclut ainsi:

    Le Gouverneur en conseil ne peut, par règlement, modifier ni abroger un règlement pris en vertu de cette loi.

On tourne en rond. C'est quelque chose de très dynamique. Ça pourrait ne jamais finir. Certes, on fait preuve de beaucoup de créativité. Si cela fonctionne, vous aurez peut-être trouvé, par inadvertance, une façon d'éviter aux députés d'agoniser sur les détails d'un projet de loi. Je tiens à être absolument certain que ce projet de loi ainsi que toutes les dispositions qu'il vise pourront fonctionner dans le cadre de notre système, parce que je crains que si l'on s'en remet au Gouverneur en conseil pour modifier la loi à sa guise, nous risquons d'être exclus du processus. Le Gouverneur en conseil, c'est essentiellement la salle de réunion du Cabinet et je ne suis pas certain que cette formule aille dans l'intérêt de tout le monde.

• 2105

J'aimerais donc demander au rédacteur de ce projet de loi de nous dire si nous ne risquons pas de nous exclure du processus législatif. On ne sait pas ce qui peut arriver après avoir donné la sanction royale à un projet de loi qui n'est pas spécifique, sans compter qu'on ne pourra pas se prononcer à son égard, si ce n'est en exerçant des pressions, ce qui ne correspond sans doute pas à une bonne façon de faire des lois.

J'aimerais donc entendre le point de vue du rédacteur de ce projet de loi et savoir pourquoi il propose cette formule afin de parvenir aux objectifs fixés par M. Dubé.

Le président: Pour que les choses soient bien claires, vous désirez surtout, avant de rencontrer le rédacteur, recevoir les représentants des ministères de l'Industrie, du Commerce international et des Finances. Très bien.

[Français]

Monsieur Dubé.

M. Antoine Dubé: Je suis ici depuis sept ans. On sait comment fonctionnent les projets de loi. Ils sont habituellement présentés par le gouvernement. Je disais tout à l'heure que lorsqu'un projet de loi est présenté de façon privée par un député, qu'il soit du gouvernement ou de l'opposition... Mme Redman a elle-même présenté un projet de loi sur la concurrence et elle connaît donc le processus.

L'idée n'est pas de se substituer à un ministre ou au gouvernement, car c'est une responsabilité ministérielle. Vous avez vu que l'objectif était de donner une espèce de directive au gouvernement: faites un programme. On ne lui dit pas de faire un programme de tant de millions de dollars. Si j'avais dit 87,5 p. 100, mon projet de loi n'aurait pas été acceptable parce qu'il s'agit d'une responsabilité ministérielle. Je peux inviter à témoigner le conseiller législatif qui m'a aidé à rendre mon projet acceptable et à faire en sorte qu'on puisse procéder à son étude article par article. Il y a habituellement une séance qui précède cette étude. C'est toujours prévu ainsi.

Oui, on pourrait inviter quelqu'un du ministère des Finances. Je sais que des fonctionnaires du ministère des Finances du Canada se sont déjà penchés là-dessus. Donc, ils seraient en mesure de répondre très vite à cette invitation parce qu'ils ont suivi cette question aussi bien que moi. Si le comité les convoque, ils vont certainement venir. Je pense que leur avis est prêt.

Cependant, la séance d'aujourd'hui était nécessaire afin que vous, les législateurs de l'autre côté, et tous les autres vous rendiez compte de deux choses: l'importance des mesures et l'urgence des mesures.

Bien sûr, il faut accepter votre idée, mais je pense qu'on serait en mesure d'avoir ces avis très rapidement. Des études, on sait ce que c'est. S'il faut attendre un an de plus, il ne restera plus beaucoup de chantiers ouverts. Je ne fais pas de supplication, mais je voudrais qu'on termine.

L'étude article par article était prévue pour le 7 juin au plus tard. Ces gens pourraient expliquer chacun leur point de vue au début de la séance. D'ici ce temps-là, je demande à ceux qui proposent un amendement de nous fournir un libellé plus précis, et les législateurs trancheront dans leur sagesse.

Je suis disposé à revenir en comité n'importe quand.

[Traduction]

Le président: Monsieur Dubé, soyons bien clairs sur une chose, nous ne continuerons pas de siéger sur ce projet de loi dans un an d'ici. Nous aurons une réponse d'ici là, c'est certain. Quant à ce qu'a dit M. Szabo, qui veut inviter des représentants de certains ministères visés par ce projet de loi, je pense que c'est tout à fait raisonnable.

M. Antoine Dubé: Mais oui.

Le président: Après tout, ce n'est que la première réunion que nous tenons à ce sujet. Nous savons que les députés ont voté en Chambre pour que ce projet de loi soit soumis à une étude en comité. Nous le comprenons aussi fort bien. Toutefois, nous n'allons pas altérer la qualité de notre travail pour accélérer les choses. Il faut agir correctement. De plus, nous devons obtenir les bonnes réponses. Je me sentirais très mal si les fonctionnaires dont parle M. Szabo n'étaient pas invités à venir répondre aux questions qu'il a soulevées. Il a l'impression de devoir aller au fond de certaines choses qui le rendent peut-être mal à l'aise, à moins qu'il veuille simplement entendre des réponses avant de se prononcer. Nous allons donc devoir appliquer le processus et accorder à ce projet de loi le respect qu'il mérite.

• 2110

M. Robert Chernecki: Pourrais-je poser une question?

Le président: Oui.

M. Robert Chernecki: Quand la Chambre doit-elle ajourner pour l'été?

Le président: Cela dépend.

M. Paul Szabo: Au plus tard le 23.

M. Robert Chernecki: Au plus tard le 23. Alors, que va-t-il advenir de ce projet de loi? Je connais la réponse à cette question.

M. Paul Szabo: On y reviendra à la mi-septembre.

M. Robert Chernecki: À la mi-septembre. Mais alors, que va-t- on faire entre le 17 ou le 18 juin et la mi-septembre?

Le président: Vous savez, nous avons beaucoup de travail et ne vous gênez pas si vous voulez nous donner un coup de main.

M. Robert Chernecki: Je parle de la construction maritime. Si vous voulez construire quelques navires, nous avons deux ou trois chantiers maritimes où vous pourrez aller.

Mais je voulais savoir ce que nous allons faire et je crois que les gens méritent une réponse. Ce qui nous inquiète c'est que tout cela va être mis de côté pendant l'été, va perdre une certaine valeur aux yeux des gens et on va revenir au point de départ. Notre syndicat ne permettra pas que cela se passe. Cette question est beaucoup trop essentielle pour nous.

Le président: Mais je ne pense pas qu'il s'agisse simplement d'un problème concernant le mouvement ouvrier et je ne pense pas que vous soyez en droit de vous approprier tout ce dossier. C'est un problème qui concerne l'économie et donc la population en général.

M. Robert Chernecki: Très bien.

Le président: Vous savez, c'est...

M. Robert Chernecki: Nous avons attendu tellement longtemps...

Le président: Entendons-nous bien, c'est un dossier qui nous préoccupe...

M. Robert Chernecki: ...et c'est pour cela que nous voulons nous en emparer maintenant. Il y a peu de temps de cela, nous étions laissés à nous-mêmes...

Le président: Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Pour la gouverne de M. Chernecki, j'aimerais expliquer la façon dont fonctionne un projet de loi d'initiative parlementaire. Après un vote en seconde lecture à la Chambre, le projet de loi est confié à un comité. Le comité dispose de 60 jours de séance du Parlement pour le renvoyer à la Chambre. Après cela, il est inscrit en bas de liste sur le feuilleton des projets de loi d'initiative parlementaire, si bien qu'il faut peut-être 30 autres jours de séance du Parlement pour qu'il soit déposé en Chambre à l'étape du rapport.

Après cette étape, il est de nouveau inscrit au bas du feuilleton et, 30 jours de séance plus tard, il est soumis en troisième lecture. S'il est adopté à ce stade, il est envoyé au Sénat, qui dispose de six mois pour faire son travail, si je ne m'abuse. Le Sénat a la possibilité de tenir des audiences, de convoquer des témoins, etc., avant de...

Ainsi, même si nous commencions dès aujourd'hui en nous prononçant unanimement en faveur de ce projet de loi pour le renvoyer à la Chambre, rien ne se passerait durant l'été. Ce cycle s'étale sur plusieurs mois, dans le meilleur des cas.

M. Robert Chernecki: Je comprends fort bien la procédure parlementaire, mais ce que je voulais savoir, c'est ce qu'on va faire pendant le congé d'été. Nous réclamons des consultations à ce sujet depuis des mois, nous demandons de rassembler les intervenants, de tenir une bonne discussion sur tous ces problèmes et je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas le faire.

Avant qu'Antoine ne dépose son projet de loi, ce que nous réclamions surtout dans notre campagne, c'était de rassembler les intervenants pour tenir un véritable débat sur la question, c'est- à-dire le gouvernement, l'industrie et le monde ouvrier. J'aimerais qu'on ne perde pas cela de vue pendant la période de transition.

De toute évidence, tout le monde accueille fort bien le projet de loi M. Dubé. Cependant, je pense qu'il serait de bon ton d'avoir des échanges entre les différents intervenants pendant l'été. Pourquoi pas?

M. John Herron: Sur ce sujet, monsieur le président.

Le président: Nous ne pouvons pas le faire, monsieur Herron. Et puis, il y a aussi Wayne et M. Dubé.

M. John Herron: Très rapidement. Ce qu'on craint ici, c'est qu'il ne soit pas possible de terminer l'examen article par article de ce projet de loi avant que la Chambre n'ajourne pour l'été, mais rien n'empêcherait le comité de terminer cet examen article par article avant l'automne, avant la reprise des travaux de la Chambre, pour qu'on en ait terminé avec cette étape et qu'on puisse faire rapport à la Chambre et donc éviter d'avoir à siéger en comité pendant les quelques premières semaines de reprise des travaux.

Nous pourrions dans une certaine mesure accélérer la procédure en réglant au moins la partie de l'examen article par article pour être prêts à la reprise des travaux de la Chambre, si bien sûr nous n'arrivions pas à tout terminer d'ici le 16 juin. C'est ce que je recommande.

Le président: Vous savez, ce comité n'a pas la réputation d'être lent. Nous agissons assez rapidement et nous avons fait beaucoup de travail jusqu'ici.

• 2115

Madame Wayne.

Mme Elsie Wayne: D'après ce que je crois savoir, le ministre de l'Industrie est maintenant d'accord pour tenir des discussions à propos du problème de la construction maritime... C'est ce qu'il vient d'annoncer la semaine dernière. Ce n'est pas tombé dans l'oreille d'une sourde. Cela étant posé, je ne sais pas exactement ce qu'il a en tête, ce qu'il envisage de faire, mais je crois comprendre qu'il se propose de rencontrer les gens d'ici septembre pour s'entretenir avec eux. Je ne sais pas s'il le fera en personne ou s'il se fera représenter mais, quoi qu'il en soit, il a dit que quelque chose allait se passer, monsieur le président.

Les, êtes-vous au courant de cela?

M. Les Holloway: Oui, le processus de consultation est amorcé. J'ai ici un document qui a été remis aux intéressés et où il est question des réunions prévues avec les gouvernements provinciaux.

Une chose m'inquiète. Je suis inquiet des commentaires faits par le ministre Manley dans l'Atlantique, avant-hier, comme je le disais plus tôt, à propos de cette industrie qu'il considère comme étant finie. On dirait qu'il en revient à son vieil état d'esprit.

Nous aimerions, à l'occasion de ce processus, faire en sorte que les intervenants s'approprient le processus. Nous n'entretenons aucune réserve à propos de la consultation, s'il s'agit d'une véritable consultation. Mais d'après les remarques du ministre à certains intervenants, on sait déjà qu'il n'est pas disposé à adopter des mesures susceptibles de véritablement aider l'industrie.

Plusieurs choses dans ce rapport sont sujettes à caution et l'on dirait qu'on est en train d'essayer de se justifier. Je voulais simplement préciser que nous avons des réserves.

Par exemple, nous espérons qu'à l'occasion du processus de consultation lancé par le ministre Manley—processus qui s'inscrit dans l'esprit des recommandations contenues dans le rapport du Comité de l'industrie—celui-ci ne va pas essayer de contourner les travaux de ce comité et que nous pousserons ce projet de loi à son terme afin qu'il puisse être soumis de nouveau à la Chambre sous la forme d'une loi.

Le président: Comme tout le monde le sait, nous devons faire rapport à propos de ce projet de loi à la Chambre d'ici le 4 octobre. C'est notre date butoir. Cependant, nous aimerions pouvoir faire rapport à son sujet le plus tôt possible sans créer de problème. Nous voulons obtenir les réponses nécessaires, comme je le disais plus tôt. Nous voulons pouvoir poser des questions. Je pense que c'est juste. Je ne vois pas de problème à cela.

Monsieur MacPherson, puis M. Dubé.

M. George MacPherson (Shipyard General Worker's Federation of B.C., Fédération des travailleurs de la construction navale, TCA): Nous entretenons exactement les mêmes réserves que celles exprimées par Les. Le député vient de nous expliquer la procédure normalement suivie pour nous donner une idée du temps qui sera nécessaire. Mais j'ai l'impression, à la façon dont vous fonctionnez que, quand on intègre l'étape du Sénat, ce projet de loi ne deviendra pas loi avant une bonne année.

Sur la côte ouest, et sans doute partout ailleurs au pays, ce qui nous inquiète c'est la rumeur d'élections à l'automne. Si celle-ci se confirmait, ce projet de loi mourrait au feuilleton et il faudra tout recommencer à zéro.

Nous avons investi beaucoup de travail dans tout cela, beaucoup d'efforts et nous aimerions pouvoir accélérer ce programme, pour que les choses bougent. Pour cela, nous sommes prêts à vous rencontrer à très court préavis. Dites-nous simplement quand vous voulez nous voir, et nous serons là.

Le président: Je suis d'accord.

Monsieur Dubé.

[Français]

M. Antoine Dubé: Lorsque je suis venu au comité pour la question du délai, on avait décidé que l'étude article par article aurait lieu le 7 juin. Ce n'est pas à moi de donner des directives au comité, mais c'est cela qui avait été prévu. J'ai l'impression que les gens du ministère des Finances sont capables de donner un avis d'ici cette date.

Monsieur Szabo, ce que vous dites est vrai: le délai maximal est de cet ordre. Je ne voudrais pas rappeler de mauvais souvenirs à tout le monde, mais prenons l'exemple du projet de loi C-20. Quand le gouvernement décide d'accorder la priorité à un projet de loi, il peut le faire. J'ai même vu, dans le cas d'un projet de loi modifiant le Code criminel sur la question des groupes criminalisés, les première, deuxième et troisième lectures se faire dans la même journée. C'est vrai, mais lorsqu'il y a une volonté, il y a moyen de raccourcir les délais.

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Ce sont des conseils politiques, mais je dois dire qu'il faut faire autre chose avant de dire cela. Le gouvernement a créé une nouvelle commission touristique avant l'adoption de la loi. On est en train d'étudier le projet de loi, et cela fait un an que la commission fonctionne. J'ai étudié cet aspect et je sais qu'il est possible qu'un des ministres décide d'établir un programme avant que la loi ne soit adoptée, tout en ayant l'intention de l'officialiser par la suite. C'est possible.

Par contre, je suis conscient que dans le cas des deux autres mesures fiscales, celles portant sur le régime de crédit-bail, l'amortissement et tout ça, le ministre va les mettre en oeuvre dans son prochain budget. Je pense que c'est assez normal. Cependant, en le faisant et en donnant l'indication qu'on le fait, on envoie un signal aux gens qui ont à faire la planification ou à argumenter en vue de l'obtention de contrats. Ce n'est plus la même chose. Vous savez que cela s'en vient et vous pouvez argumenter. Vous savez qu'il faut du temps pour préparer les plans et devis et conclure la transaction. Le signal qui serait donné serait un outil de plus entre les mains des gens de l'industrie.

Tout ce qu'il faut, c'est une déclaration du ministre ou de quelqu'un au sein du gouvernement: nous avons l'intention de réaliser cela au plus vite. Déjà on met les gens dans l'esprit...

Quant aux autres dispositions, ce n'est pas anormal. Vous savez bien, monsieur Szabo, que 90 p. 100 des projets de loi donnent un pouvoir à un ministre et passent par un règlement du gouverneur en conseil.

Je ne veux pas m'étendre là-dessus parce que je sens qu'il y a une belle volonté ce soir. Je ne veux pas que ce soit de nature à diviser. Des gens ont fait une coalition. Je sens que les gens de la majorité libérale vont voter en faveur du principe, et je ne voudrais pas gâcher cela par des petits détail techniques. Je pense qu'il faut retenir que les gens souhaitent que ça se fasse rapidement.

[Traduction]

Le président: Je veux m'assurer que tout le monde comprenne bien le message de ce soir.

D'abord, les exposés étaient excellents. Vous avez fort bien défendu votre position, et de façon très éloquente puisqu'il est 21 h 30 et que nous sommes encore ici. D'ailleurs, nous avons prolongé cette réunion parce que nous estimions qu'elle était importante.

Deuxièmement, le Comité des finances a une fiche de route très claire sur cette question. Nous en avons parlé dans notre rapport de consultation pré-budgétaire, ce qui revient à dire que, pour nous, cette question mérite l'attention du gouvernement. C'est inscrit en noir sur blanc en page 88 du chapitre 3.

Toutefois, il y a la question soulevée par M. Szabo, qui est très importante en ce qui concerne le processus. Nous voulons obtenir des réponses à quelques questions fondamentales. C'est notre responsabilité de législateurs.

Par ailleurs, nous travaillerons aussi vite que possible sans compromettre la qualité de notre action. Je pense que c'est juste.

Est-ce que c'est clair?

Comme nous en arrivons au terme de notre réunion, Elsie, pourquoi ne pas nous faire vos adieux...

Des voix: Oh, oh!

Le président: Je voulais parler du mot d'adieu, du dernier mot, parce que nous espérons vous garder à la Chambre.

Des voix: Oh, oh!

Mme Elsie Wayne: Je tiens à remercier le président... Vraiment! Et je remercie tout le monde d'être venu. Nous allons continuer de travailler ensemble.

Le président: Merci beaucoup. La séance est levée.