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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 19 octobre 2000

• 1612

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Bienvenue à tous.

Comme vous le savez, l'ordre du jour est l'examen du projet de loi C-38, Loi constituant l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et modifiant certaines lois relatives aux institutions financières.

C'est un plaisir pour nous de recevoir aujourd'hui les organisations suivantes: la Coalition canadienne pour le réinvestissement communautaire, représentée par son président, M. Duff Conacher; l'Institut canadien des actuaires, représenté par M. Rick Neugebauer; Power Financial Corporation, représentée par M. Ted Johnson, vice-président, avocat général et secrétaire; le Conseil canadien du commerce de détail, MM. Peter Woolford et Ken Morrison; nous accueillons aussi l'Institut canadien des actuaires, M. David J. Oakden, président, et Morris W. Chambers. Voilà la liste pour aujourd'hui.

Nous allons commencer par M. Woolford.

M. Peter Woolford (vice-président, Relations gouvernementales et développement des politiques, Conseil canadien du commerce de détail): Merci, monsieur le président. C'est un plaisir pour nous d'être ici. Je remercie tout particulièrement le bureau de la greffière qui nous a beaucoup aidés à prendre les dispositions nécessaires pour aujourd'hui.

Je suis accompagné de M. Ken Morrison, consultant auprès du Conseil canadien du commerce de détail. Il est l'expert-conseil qui nous a beaucoup aidés à préparer notre mémoire.

Nous comparaissons aujourd'hui au nom du Conseil canadien du commerce de détail. Nous sommes la voix du commerce de détail au pays. Nous représentons environ 8 500 détaillants d'un bout à l'autre du pays. Ils comptent pour environ les deux tiers de toutes les ventes au détail effectuées au Canada. Dans ce secteur, nous représentons des commerces de toute taille—grands, moyens et petits—dans tous les domaines et sous toutes les formes dans un grand nombre de localités différentes. À 90 p. 100, nos adhérents sont des marchands indépendants et c'est de leur point de vue que je voudrais formuler mes observations d'aujourd'hui au sujet du projet de loi C-38.

J'aborderai quatre aspects du texte: le système des paiements, l'Agence de la consommation en matière financière, la fermeture des succursales et l'examen des fusions.

Je tiens à souligner auprès des membres du comité l'importance pour les détaillants d'avoir accès à des services financiers soumis à la concurrence dans leur localité.

Dans un mémoire précédent, nous avions recensé en quelques pages les diverses interactions d'un détaillant avec son établissement financier qui doivent se faire en personne et j'ai demandé à la greffière de les distribuer aux membres du comité. Il n'est pas nécessaire de les consulter longuement pour constater le large éventail de contacts quotidiens entre le détaillant et son établissement financier.

Ce qu'il faut retenir, c'est que toutes ces opérations sont essentielles à la marche quotidienne d'un commerce de détail, qui se trouve en graves difficultés s'il ne peut pas les effectuer facilement.

Malheureusement la liste n'existe qu'en anglais, mais si les députés francophones se présentent je pourrai en discuter avec eux en français.

J'aimerais maintenant parler du système des paiements. Les détaillants sont l'un des groupes de participants les plus nombreux au système de paiements. Comme ils comptent parmi les principaux intéressés, les détaillants souhaitent un rôle plus important dans la structuration et le fonctionnement de ce système. Nous appuyons vigoureusement la proposition faite dans la loi de prévoir trois membres indépendants au conseil d'administration de l'Agence et de formaliser le rôle du Comité consultatif des intervenants. Notre conseil est représenté à ce comité depuis quelque temps déjà par M. Morrison.

• 1615

Nous estimons que l'un des membres indépendants du conseil de l'Agence devrait être un représentant du secteur du détail, à l'image du rôle que nous jouons dans le système des paiements.

Comme d'autres témoins et groupes l'ont suggéré, nous estimons aussi que les membres du Comité consultatif des intervenants, à titre de principaux intéressés, devraient pouvoir siéger au conseil de l'Association canadienne des paiements. Notre rôle dans les paiements et la nature des paiements que nous traitons nous poussent à réclamer que les transactions au moyen de Visa et de MasterCard soient incluses dans la définition du système des paiements. Ce sont des formes majeures de paiement, surtout bien sûr pour nos membres, qui sont en pleine évolution, et font l'objet d'un examen dans de nombreux pays. L'ACP est sans doute le meilleur lieu pour tenir ce dialogue.

En ce qui concerne l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, nous estimons que sa création est une mesure positive qui favorisera la concurrence et la sensibilité aux besoins des consommateurs dans le secteur des services financiers. Comme beaucoup d'autres associations essentiellement consommatrices de services financiers, nous accueillons avec satisfaction toute mesure propice à un accroissement de la concurrence. Nous aimerions toutefois que le mandat de l'Agence englobe les pratiques de prêt des institutions financières aux petites entreprises. Celles-ci restent en effet une source de nombreuses difficultés et de préoccupations pour nos membres. Lorsque les petites entreprises ont maille à partir avec les établissements financiers, elles sont tout aussi démunies que le particulier.

Nos membres nous signalent également que la centralisation du pouvoir de décision dans les centres régionaux et la fermeture de succursales ou la suppression de certains services dans les succursales conduisent à une détérioration du service. Nos membres, en tant que consommateurs de services, méritent mieux.

Passant maintenant tout naturellement à la question des fermetures de succursales et de la suppression de services, j'aimerais rappeler aux membres du comité que dans beaucoup de commerces indépendants, il n'y a qu'un seul employé pour assurer le service. Lorsque les opérations bancaires doivent être effectuées pendant les heures de bureau, la personne doit se précipiter à la banque. Vous verrez souvent un panneau sur la porte qui dit «de retour dans cinq minutes». Cela signifie que je suis parti à la banque. Passe encore si la banque est proche et c'est une façon de dire aux consommateurs de patienter et que le marchand sera de retour sous peu. Mais si les services ne sont pas disponibles sur-le-champ—et cela peut être vrai aussi bien en milieu urbain que rural—les conséquences peuvent être très graves pour le marchand. Pour pouvoir faire ses opérations bancaires, il doit faire venir une autre personne au magasin pour s'occuper de la boutique pendant son absence, parfois pour une durée assez longue, pour s'occuper de ses finances. Pour cette raison, nous recommandons que lors de l'examen d'une fermeture proposée de succursale, on examine également la suppression de services, surtout commerciaux, à la succursale de l'endroit.

En ce qui concerne l'examen des fusions, ici aussi nous recommandons un léger élargissement du mandat. Nous sommes en faveur de lignes directrices pour l'examen des fusions, mais nous estimons que l'examen devrait englober toute entente négociée entre une institution financière et le Bureau de la concurrence.

Voilà qui met fin à l'exposé du Conseil canadien du commerce de détail. Nous serons heureux de répondre à vos questions en temps voulu.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Woolford.

Nous entendrons maintenant M. Conacher de la Coalition pour le réinvestissement communautaire. Je vous souhaite la bienvenue.

M. Duff Conacher (président, coordonnateur de démocratie en surveillance, Coalition canadienne pour le réinvestissement communautaire): Merci beaucoup de l'invitation. Je suis très heureux de voir ici tant de membres du comité prendre au sérieux le témoignage que je vais faire aujourd'hui et consacrer leur temps et leur attention à écouter le point de vue de plus de 3 millions de citoyens. Je ne manquerai pas de rappeler à la centaine de groupes de la Coalition au pays le dévouement des membres du comité.

Le président: Les recommandations sont faites en votre nom lorsque nous publions le rapport.

M. Duff Conacher: Oui. J'ai remis au comité un récapitulatif des amendements du projet de loi par rapport aux recommandations de la coalition ainsi que trois de nos rapports récents. J'en ai apporté un autre exemplaire aujourd'hui pour m'assurer qu'il sera annexé au compte rendu. J'ai aussi remis aujourd'hui une synthèse de nos principales préoccupations au sujet des modifications qui se trouvent dans le projet de loi.

En ce qui concerne le réinvestissement dans la communauté et les comptes que doivent rendre les institutions financières, nous craignons que les déclarations annuelles soient définies par voie de règlement essentiellement en secret et que celles-ci ne soient pas suffisamment détaillées pour permettre aux citoyens d'expliquer la piètre qualité du service. Les déclarations doivent comprendre des renseignements très détaillés sur chaque succursale ou, dans le cas d'une grande ville comptant plusieurs succursales de la même institution situées à proximité les unes des autres, le bilan des services à la population, des prêts et des investissements de chaque succursale dans le voisinage.

• 1620

Pour que ces déclarations servent à quelque chose, il faut que le comité recommande que les règlements qui définissent en quoi elles doivent consister reprennent le plus possible ce qui est prévu dans la Community Reinvestment Act American. En outre, comme le prévoit la loi américaine, nous estimons que le gouvernement fédéral doit évaluer ces déclarations et coter la performance de chaque institution financière au regard du service offert à chaque localité et pénaliser les institutions dont la cote est mauvaise ainsi que les forcer à prendre les mesures correctives qui s'imposent.

Comme l'a fait remarquer le Comité des banques du Sénat dans son examen du rapport du groupe de travail à l'automne de 1998 et dans son rapport publié en décembre 1998, les déclarations ne constitueront qu'un exercice de relations publiques par les institutions financières à moins d'être très détaillées et de faire l'objet d'un examen et d'un classement comme on le fait, je le répète, aux États-Unis depuis plus de 20 ans pour 8 000 institutions financières.

En ce qui concerne la protection du consommateur, j'aimerais parler dans un premier temps de l'accès aux services bancaires. La réglementation doit prévoir le droit absolu d'ouvrir un compte en banque. Nous sommes très préoccupés par les échappatoires qui semblent exister au niveau de ce droit. Après avoir discuté de l'ébauche des règlements avec les fonctionnaires du ministère des Finances, il nous semble que ceux-ci seront conçus de façon à garder une échappatoire très importante qui fera en sorte que le droit d'ouvrir un compte ne sera pas universel. En effet, les banques pourront refuser n'importe qui, déterminant, de façon arbitraire, si une personne est coupable de fraude en présentant ses pièces d'identité à la banque. Par conséquent, nous pensons qu'il existera une politique secrète que les banques ne divulgueront jamais et dans laquelle on dira aux caissiers de déterminer, de façon arbitraire, si le client est une personne à faible revenu, auquel cas la banque refusera de servir cette personne qu'on accusera alors de fraude. Quand je dis qu'on l'accusera, je veux dire simplement qu'on dira: «Je regrette, je pense que vous êtes coupable de fraude, je ne vais pas vous ouvrir un compte». Les caissiers auront ce pouvoir d'après ce que nous ont dit les fonctionnaires.

Nous pensons avoir trouvé une façon de mettre fin à cet abus que nous avons nous-mêmes comme de nombreux autres groupes très bien documenté. Si l'employé à la succursale a l'impression que l'éventuel client présente une fausse pièce d'identité ou veut ouvrir un compte à des fins frauduleuses, cet employé devrait être obligé d'ouvrir le compte, créant ainsi la preuve qu'il y a fraude; il devrait ensuite communiquer avec la police pour signaler la fraude. Si la police arrive à démontrer qu'il y a fraude, alors l'institution financière pourrait fermer le compte, mais seulement dans ces circonstances particulières. Si vous laissez cette échappatoire—et j'ai l'impression que vous n'avez pas grand-chose à dire puisque les fonctionnaires du ministère des Finances ont déjà pris leur décision—si vous ne recommandez pas très fortement d'éliminer cette échappatoire, alors ce problème des banques qui refusent arbitrairement des clients à faible revenu continuera à exister et l'on continuera à bafouer les droits de nombreux Canadiens de cette façon.

De même, pour ce qui est d'encaisser et de retenir des chèques, le droit de déposer et d'encaisser des chèques doit être clairement établi. Tout comme dans de l'une ouverture d'un compte, nous croyons qu'on doit accorder ce droit dans toutes les succursales de toutes les institutions financières, y compris les sociétés de fiducie. Nous savons que vous devez collaborer avec les gouvernements provinciaux pour inclure les sociétés de fiducie, et nous espérons que le gouvernement procédera avec diligence pour que ces sociétés soient également visées par ces exigences.

En outre, comme aux États-Unis, on devrait exiger que tout détenteur d'un compte ait accès à ses dépôts, sous forme de chèque, dans certains délais. Aux États-Unis, des normes à cet égard existent depuis plusieurs années. Rien n'empêcherait le Canada d'adopter des normes semblables. L'Association canadienne des paiements ne résoudra pas ce problème. Tout ce qu'elle fait, c'est établir des normes en ce qui concerne la compensation des chèques, ce qui ne donne pas aux gens le droit d'avoir ces chèques. Le gouvernement s'est simplement engagé à exiger que les institutions financières expliquent leurs politiques de retenue à leurs clients. Je regrette, mais la plupart des clients seront très déçus de cette explication quand on dit, si les banques faisaient preuve d'honnêteté: «Arbitrairement, nous pouvons retenir les chèques à notre guise. Si votre revenu est faible, nous allons vous traiter tout particulièrement de façon arbitraire car nous ne voulons pas de votre clientèle». Il faut donc que ce droit existe clairement.

• 1625

En ce qui concerne la fermeture de succursales, on doit entreprendre un examen complet afin de s'assurer que les institutions ne ferment pas de succursales de façon arbitraire. L'examen devrait exiger, dans tous les cas—et pas seulement dans les cas prévus dans le projet de loi, mais dans tous les cas—que la succursale donne un avis complet, y compris les coordonnées de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et de l'ombudsman, de façon à ce que l'on puisse communiquer avec les deux organismes si on a l'impression de ne pas avoir été consulté. Il faut prévoir une consultation exhaustive et exiger que la succursale divulgue son état de profits et pertes et ses revenus nets au cours des cinq années précédentes.

Les banques ont toutes cette information. Elles prétendent fermer des succursales parce que celles-ci ne sont pas rentables, pourtant, et dans tous les cas que nous avons étudiés, les banques ont refusé de faire connaître leurs résultats. S'il est juste que les succursales perdent de l'argent, que les banques soient tenues de le prouver. Autrement, c'est leur ouvrir la porte pour d'autres abus. Si les banques tentent de prétendre, comme elles l'ont fait, que les Canadiens ne veulent pas de succursale à service complet, elles mentent tout simplement, car tous les sondages effectués, y compris celui que vous avez vu dans le The Globe and Mail, publié récemment dans un encart spécial sur les services financiers par The Acumen Research Group à London en Ontario, démontrent le contraire. Du point de vue de la fidélisation, Acumen a constaté que les services bancaires téléphoniques venaient au cinquième rang et les services bancaires sur l'Internet au troisième rang parmi les raisons qui font choisir une institution financière en particulier.

Il est clair que ce que les banques veulent, c'est promouvoir le libre-service bancaire et transférer tous les frais de fonctionnement aux clients—les gens doivent avoir leurs propres machines bancaires à domicile, que ce soit un ordinateur ou un téléphone, payer tous ces coûts, et se faire saigner à blanc en frais bancaires. Voilà ce que veulent les banques. Elles tentent de faire avaler ça aux Canadiens, et le gouvernement doit intervenir, dans l'intérêt public, et vraiment protéger les consommateurs de cette effronterie des banques. Les consommateurs n'en veulent clairement pas, et si vous tenez compte des désirs de la majorité des Canadiens, vous allez resserrer cette réglementation.

En ce qui concerne la transparence et la divulgation, nous sommes très inquiets du fait que le gouvernement s'est engagé à maintenir l'utilisation de codes volontaires que plusieurs sondages ont révélé inopérants tout simplement parce qu'ils sont volontaires. Il n'y a pas de pénalité si une institution financière ne tient pas compte de ces codes. Il faut donc inscrire dans la loi des règles de transparence et de divulgation.

L'ombudsman des services financiers, pour être efficace, doit détenir des pouvoirs exécutoires. Puisque les banques ont démontré qu'elles ne sont pas sensibles à la persuasion, cessons cette comédie et créons enfin un endroit où les gens peuvent téléphoner, où leurs plaintes seront examinées et traitées.

Outre l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, nous croyons qu'il faut créer une organisation de protection du consommateur en matière financière. J'ai déjà parlé de cette idée avant. Il n'en coûtera rien au gouvernement. Il n'en coûtera rien aux institutions financières. Il s'agirait simplement d'envoyer un feuillet d'une page avec les encarts que les banques expédient déjà à leurs clients dans lequel on inviterait les gens à se joindre à une organisation de protection du consommateur, financée par les consommateurs, axée sur les consommateurs, vouée à aider les consommateurs. Cette organisation ferait d'une certaine façon contrepoids au marché ainsi qu'aux groupes de pression. Nous ne serons donc plus seuls avec quelques petits groupes de consommateurs à faire face à 100 lobbyistes travaillant pour les banques à plein temps, et aux 15 millions de dollars qu'ils consacrent chaque année à la publicité, sans compter les 30 millions et plus qu'ils auraient consacrés à promouvoir les fusions et évidemment, le million de dollars et plus qu'ils donnent aux partis politiques chaque année en vue d'influencer indûment les politiciens. Des organisations de protection du consommateur en matière financière feraient contrepoids au marché.

En ce qui concerne la reddition de comptes, les amendes prévues actuellement dans la Loi sur les banques ne sont tout simplement pas adéquates. La plupart des institutions assujetties à la Loi sur les banques et aux autres lois qui touchent les institutions financières ont des milliards en revenus annuels. L'amende maximale est de 100 000 $. Comme les risques de se faire prendre ne sont pas de 100 p. 100, toute banque ou institution financière calculera qu'au bout du compte, en multipliant ce risque, de un sur mille peut-être, par l'amende maximale, l'amende ne représentera vraiment que 100 $, si bien qu'elle continuera à duper ses clients.

• 1630

Dans le domaine des fusions, des prises de contrôle et autres problèmes de propriété et de contrôle, nous estimons qu'il n'y a pas lieu de relever les niveaux d'actionnariat des grandes banques, car une augmentation permettrait, à notre avis, à quelques actionnaires, notamment à des actionnaires étrangers, de prendre le contrôle d'une grande banque en choisissant ses directeurs et ses cadres. Nous sommes également hostiles à la structure de la société de portefeuille, car elle permettrait aux banques et autres institutions financières de s'arranger pour échapper à la réglementation.

En ce qui concerne les banques étrangères, d'après nos constatations, leur présence au Canada n'est pas très significative du point de vue des parts de marché, ni même du niveau d'activités. Nous pensons que les barrières doivent être maintenues afin que la souveraineté économique du Canada ne soit pas menacée par des institutions financières étrangères qui prendraient le contrôle de notre secteur des services financiers, en particulier dans le secteur bancaire.

Enfin, dans le domaine des fusions, nous préconisons un moratoire sur l'expansion des pouvoirs des banques dans quelque secteur que ce soit. Le moratoire porterait notamment sur les pouvoirs de vendre de nouveaux produits ou services. Il faudrait également un moratoire sur toutes les fusions ou les prises de contrôle jusqu'à ce que la banque ait prouvé qu'elle mérite de prendre de l'expansion. Comme aux États-Unis, le processus de révision de la fusion devrait tenir compte de la situation actuelle de l'institution financière en matière de prêt et d'investissement et, comme je l'ai dit tout à l'heure, son bilan en la matière devrait être révisé périodiquement. Des résultats insuffisants devraient justifier un refus de la fusion ou de la prise de contrôle. Mais il faudrait imposer un moratoire le temps de disposer de déclarations annuelles très détaillées et de procéder à une analyse de la cote de ces états, et si les banques prouvent qu'elles desservent équitablement leur clientèle—actuellement, les éléments disponibles indiquent que de nombreux Canadiens ne sont pas bien servis—et que d'autres éléments sont pris en compte, on pourra alors autoriser la poursuite des fusions et des prises de contrôle.

Si le processus de révision des fusions ne s'applique qu'aux fusions de banques, il ne sera utilisé qu'une fois ou deux au Canada avant de disparaître. Le processus de révision des fusions devrait figurer dans la loi. Actuellement, nous n'avons qu'un communiqué sur des lignes directrices, dont nous ignorons les effets juridiques. La loi ne donne aucune indication sur les critères appliqués dans la révision des fusions. Ces critères devraient être stipulés en détail dans la loi. Encore une fois, si le processus ne s'applique qu'aux fusions de banques, tout le monde perd son temps. Il devrait s'appliquer à toute prise de contrôle d'une banque sur une société quelconque, que le Bureau de la concurrence soit tenu d'intervenir ou non. Aux États-Unis, une banque ne peut même pas ouvrir une succursale sans faire l'objet d'une révision aux termes de la Community Reinvestment Act, et nous pensons qu'il faudrait mettre en place le même système au Canada, pour la simple raison qu'on ne doit pas laisser une institution bancaire offrir un mauvais service à sa clientèle, ni lui permettre de prendre de l'expansion, ce qui ne ferait que grossir la clientèle de ses mauvais services.

Voilà ce que nous voulions vous dire aujourd'hui. J'ai présenté ce résumé de nos préoccupations essentielles de façon que tous les députés en disposent lors de la prochaine révision du projet de loi, qui portera alors un autre numéro en février.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Conacher.

Nous allons maintenant entendre M. David Oakden, de l'Institut canadien des actuaires.

M. David J. Oakden (président, Institut canadien des actuaires): Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie au nom de l'Institut de me permettre de vous faire part aujourd'hui de notre point de vue sur le projet de loi C-38. Je suis accompagné de Moe Chambers, président du Groupe de travail de l'Institut sur la législation en matière d'assurance, et de M. Rick Neugebauer, notre directeur exécutif. M. Chambers est également ancien président de l'Institut.

L'Institut canadien des actuaires, en anglais CIA, à ne pas confondre avec cet autre organisme du pays voisin—nous aimons à nous considérer comme la CIA qui agit intelligemment—est l'organisme d'autoréglementation de la profession actuarielle au Canada et représente plus de 2 000 actuaires qualifiés pour pratiquer ici. L'Institut exige de ses membres les plus hauts niveaux d'intégrité personnelle, tels que codifiés dans ses principes directeurs et ses règles de conduite professionnelle. Nos membres peuvent s'appuyer sur des normes de pratique professionnelle d'application obligatoire, ainsi que sur un cadre de discipline professionnelle bien établi.

Nous prenons ces questions très au sérieux parce que la sauvegarde des intérêts financiers du grand public, envers qui nous avons notre première obligation, représente un aspect essentiel de notre activité. La Loi sur les sociétés d'assurances de 1992 reconnaît cette obligation en confiant aux actuaires la responsabilité de la protection des prestations promises par les sociétés d'assurances. Les lois canadiennes sur les pensions imposent également aux actuaires des responsabilités similaires.

• 1635

Je voudrais maintenant inviter Moe Chambers à présenter notre point de vue sur le projet de loi C-38.

Le président: Merci. Allez-y.

M. Morris W. Chambers (président, Groupe de travail sur la législation en matière d'assurance, Institut canadien des actuaires): Merci.

Monsieur le président, nous sommes globalement satisfaits de l'orientation générale du projet de loi C-38 qui préserve la sécurité et la santé du secteur financier canadien tout en créant une structure réglementaire favorable à la stimulation de la concurrence au sein de ce secteur.

Comme j'ai l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui, j'aimerais mettre l'accent sur une fonction particulière qui incombe aux actuaires dans le secteur des assurances aux termes des articles 368 et 369 de la Loi sur les sociétés d'assurances. Nous estimons qu'en créant dans les autres éléments du secteur des services financiers des postes dont les titulaires assumeraient des fonctions semblables, le gouvernement atteindrait plus facilement son objectif de protection de la sécurité et de la santé du secteur des services financiers, compte tenu, en particulier, de la grande rapidité du changement dans ce secteur.

Je commencerai par vous donner un bref aperçu des différents éléments des articles 368 et 369 de la loi, qui complètent les efforts du Bureau du surintendant des institutions financières en matière de surveillance et de réglementation. L'article 368 exige que l'actuaire d'une compagnie d'assurances rencontre au moins une fois par an le conseil d'administration de la société pour lui faire rapport de sa situation financière et de ses prévisions quant à l'état de ses finances pour l'avenir. Pour remplir ce mandat, l'Institut canadien des actuaires a mis au point, à la fin des années 80, une technique maintenant connue sous le nom d'Évaluation dynamique de la suffisance du capital, dont les actuaires se servent pour préparer leurs rapports sur les perspectives financières de la société. À notre connaissance, le surintendant est très satisfait de cette technique et de sa contribution à une bonne réglementation des assurances au Canada.

Pour l'essentiel, l'évaluation dynamique de la suffisance du capital comporte la mise au point d'un modèle financier représentatif de la société, grâce auquel la société est mise à l'épreuve par la projection sur le modèle de différents scénarios négatifs plausibles pour l'avenir. Cette technique est suffisamment souple pour être adaptable à toutes les institutions financières, et non pas uniquement aux compagnies d'assurances.

L'article 369 de la loi exige que l'actuaire d'une société d'assurances—et à ce propos, toutes les compagnies d'assurances sont tenues, aux termes de la loi, d'avoir un actuaire désigné—présente un rapport écrit au premier dirigeant et au directeur financier au sujet de toute action ou de toute situation qui risque d'avoir des effets négatifs importants sur la situation financière de la société et nécessite un redressement. Les membres du conseil d'administration de la société doivent recevoir chacun un exemplaire de ce rapport. En outre, si l'actuaire juge que les mesures de redressement nécessaires n'ont pas été prises, il doit également transmettre un exemplaire de son rapport au surintendant et en aviser le conseil d'administration. Ce modèle de gestion du risque s'est révélé très efficace dans le secteur des assurances au Canada, et nous estimons que l'ensemble du secteur des services financiers profiterait également de sa mise en oeuvre.

Je m'empresse d'ajouter que nous ne préconisons pas la désignation d'un actuaire dans les institutions de dépôt. Nous souhaitons plutôt que chaque institution de dépôt soit obligée par la loi de désigner une personne qui sera responsable du contrôle et de l'analyse des différents risques auxquels l'institution s'expose. Cependant, cette personne devra être membre d'une profession soumise à des normes précises, à des règles de conduite professionnelle et à une procédure disciplinaire efficace de façon qu'elle puisse jouer correctement son rôle. Évidemment, la loi devra la protéger des pressions indues et des influences importunes.

L'Institut canadien des actuaires recommande que le projet de loi C-38 soit doté d'une disposition visant à étendre cette règle de surveillance au-delà des compagnies d'assurances pour s'appliquer aux autres institutions du secteur des services financiers, et cela pour les raisons suivantes: d'abord, le rythme du changement dans le secteur des services financiers est plus rapide que jamais, ce dont témoigne la forte tendance à la convergence dans le secteur. Des compagnies d'assurances possèdent des institutions de dépôt. Les grandes banques sont en train d'acquérir des compagnies de fiducie, des maisons de courtage et des compagnies d'assurances, en plus de lancer leurs propres services d'assurance et de courtage à commission réduite. Il est évident que les quatre piliers traditionnels du secteur des services financiers ne sont plus les silos indépendants qu'ils étaient avant. Le Canada n'est pas le seul pays touché par ce phénomène. La même chose est en train de se produire, ou s'est déjà produite, dans de nombreux autres pays et sur le plan multinational.

• 1640

Étant donné cette tendance à la convergence, nous croyons qu'il faut adopter une approche uniforme en matière de gestion des risques. Il nous semble un peu absurde qu'une compagnie d'assurances autonome ou une compagnie d'assurances qui possède d'autres institutions financières doive régulièrement subir ces tests de résilience, qui agissent comme un système d'alerte rapide, mais qu'une institution financière qui possède une compagnie d'assurances ne soit pas tenue de prendre la même précaution.

Deuxième raison, la convergence au sein du secteur financier crée aussi des institutions financières qui sont beaucoup plus grandes que celles qui existaient il y a à peine dix ans. À la suite des fusions, les clients qui faisaient affaire avec des institutions financières distinctes pour obtenir des services bancaires, de gestion des actifs, d'achat d'actions et d'achat de polices d'assurance peuvent maintenant dans certains cas obtenir tous ces produits et services du même groupe de compagnies. De ce fait, les enjeux sont d'autant plus grands si une de ces institutions connaît des difficultés financières.

Comme la vaste majorité des Canadiens font affaire aux six principales institutions financières au Canada, soit directement, soit par l'intermédiaire de l'une de leurs filiales, la sécurité et la solidité du secteur des services financiers sont surtout liées à la santé de ces quelques institutions. Par conséquent, il est essentiel que ces grandes institutions restent solvables et stables. Il devrait y avoir un individu nommé au sein d'une institution financière, un peu comme l'actuaire désigné, pour donner l'alerte concernant d'éventuelles difficultés financières.

Troisièmement, les mesures prévues dans le projet de loi C-38 qui visent à promouvoir une plus grande concurrence dans le secteur des services financiers au Canada, jointes à l'adoption récente d'une loi qui permet aux banques étrangères d'exercer leurs activités au Canada sans avoir de filiale canadienne, pourraient inciter de nombreuses petites banques à offrir leurs services au Canada. Ces institutions n'auront peut-être pas existé assez longtemps pour qu'on puisse juger de leur stabilité. Pour cette raison, cette exigence concernant un poste de suivi du risque, au moins pour les opérations canadiennes, peut mieux garantir la solvabilité de ces institutions financières, et ainsi instiller la confiance dans notre secteur des services financiers.

Avec l'adoption de la Loi sur les sociétés d'assurances en 1992, le Canada est devenu un chef de file de l'administration de l'industrie des assurances moderne. Étant donné les récents développements survenus sur le plan international dans le domaine de la surveillance et de la comptabilité en la matière, d'autres pays veulent faire comme le Canada. Nous croyons que l'adoption de notre proposition concernant les institutions de dépôt fera en sorte que le Canada pourra demeurer un chef de file concernant les lois sur les services financiers. Notre but premier, et le vôtre aussi, est de préserver la sécurité et la solidité du secteur des services financiers du Canada.

M. David Oakden: Pour conclure, nous sommes satisfaits des mesures prises par le gouvernement afin de réformer le secteur des services financiers au Canada. En tant qu'actuaires, nous sommes résolus à nous assurer que le secteur financier canadien est dynamique, innovateur et sécuritaire, et que le grand public continue d'avoir hautement confiance dans les institutions financières du Canada. Notre recommandation concernant la création d'un rôle professionnel de suivi du risque dans tous les domaines du secteur des services financiers aiderait le gouvernement à atteindre son but de garantir la sécurité et la solidité du secteur.

Merci du temps que vous nous consacrez. Nous serons heureux de répondre à toutes vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Oakden et monsieur Chambers.

Nous allons maintenant donner la parole à M. Ted Johnson, vice-président de Power Financial Corporation.

Me Edward Johnson (vice-président, avocat principal et secrétaire, Power Financial Corporation): Merci, monsieur le président, merci d'être ici en cette journée où je sais que c'est difficile et très chargé pour tous les députés. Je dois dire que je vous suis reconnaissant d'avoir permis que cette audience ait lieu.

Tout d'abord, je vais tout de suite vous dire que Jim Burns, le président de la Great-West Life et le vice-président du conseil de Power Financial, qui avait prévu de m'accompagner, ne pourra malheureusement pas être des nôtres, pour des raisons familiales et médicales à la fois. Je vais donc faire ça tout seul.

• 1645

Vous trouverez dans les documents qui ont été mis à votre disposition un exemplaire du mémoire; en réalité c'est un extrait d'un mémoire que nous avons déjà présenté à ce comité il y a deux ans sur la question des services d'assurance au détail. Nous avons également joint une lettre adressée au comité, et par laquelle nous déclarions ne pas demander à comparaître et ne pas avoir l'intention de le faire, et vous trouverez peut-être aussi un résumé des différents points que je vais aborder aujourd'hui.

Power Corporation, pour vous présenter un peu les choses, est propriétaire de la Great-West Life et de London Life, qui sont toutes les deux, bien sûr, des sociétés d'assurances relevant de la compétence fédérale, et qui sont, à elles deux, le plus grand fournisseur de services d'assurance sur le marché canadien, avec Investors Group, qui est le fonds de placement et l'organisme consultatif en matière de finances le plus important au Canada.

Comme je le disais, nous n'avions pas prévu de comparaître, mais après avoir lu quelques témoignages relatifs au moins à une question bien particulière, j'ai le sentiment, nous avons eu le sentiment qu'il fallait répondre. Pour mémoire, et avant de passer à cette réponse que je vais vous donner, j'aimerais faire remarquer que M. Burns et moi-même avons comparu à plusieurs reprises devant le comité depuis au moins 15 ans maintenant, sur des questions ou textes législatifs traitant de propriété, de fusion et d'acquisition, et de la réglementation afférente, du pouvoir des institutions financières, de l'information de la clientèle et de la protection des renseignements personnels.

Nous espérons ardemment, comme nombre d'entre vous, que ce projet de loi est effectivement la dernière touche apportée à ce long travail de réforme. Il y a eu des consultations approfondies du marché, des consommateurs et des membres du secteur considéré au fil des ans. Très souvent on est parvenu à des compromis. La politique de toute évidence—et notamment son volet législatif—est l'art du possible. Nous pensons que le gouvernement, par ce projet de loi, a réussi à tenir compte de façon équilibrée d'un certain nombre d'intérêts en présence.

Tout d'abord, et c'est une priorité pour nous, nous vous exhortons à adopter rapidement ce projet de loi, car toute incertitude qui pèse sur l'avenir de la réglementation de notre secteur nuit aux intérêts de tous.

Cela dit, notre mémoire est bref. Nous sommes ici pour répondre à un certain nombre de commentaires de divers témoins qui nous ont précédés au comité, et qui se sont faits les avocats de l'entrée des banques sur le marché de l'assurance, dans leurs succursales et en utilisant leur masse d'information sur la clientèle.

Permettez-moi, si vous voulez, d'ajouter deux ou trois choses.

Tout d'abord, il est important de bien comprendre quelles sont les tailles relatives du secteur bancaire et de celle des assurances. Les actifs au Canada de la Banque Royale sont à peu près équivalents aux actifs réunis de tout le secteur canadien de l'assurance-vie. C'est donc David et Goliath. Il ne s'agit pas d'un combat loyal entre des joueurs qui seraient à égalité.

Deuxièmement, il est bien important de se défaire du mythe selon lequel on aurait interdit aux banques le secteur de l'assurance-vie. Ce secteur leur est ouvert. Les réformes de 1992 leur permettaient d'acheter ou de créer des sociétés d'assurances. De ce fait, elles ont toute latitude pour concurrencer, à armes égales, les autres acteurs du secteur. Comment se fait-il, alors, qu'elles n'ont acheté aucune société d'assurances, qu'elles n'ont en quelque sorte pas voulu profiter de ce que la loi leur permettait? Eh bien, parce que la loi et la réglementation du secteur des assurances ne les autorisent pas à exploiter leurs bases de données-clients pour profiler leurs produits d'assurance en fonction d'un marché, et notamment de celui de la clientèle citadine de la classe moyenne et des tranches supérieures de celle-ci, ainsi que des petits et moyens employeurs. C'est-à-dire qu'elles n'ont pas pu écrémer le marché, voilà pourquoi elles n'y sont pas entrées en créant de nouvelles filiales, et en tout cas pas de façon substantielle.

Cela m'amène à notre troisième point, soit que la vente au détail d'assurance par les banques n'est qu'un écran de fumée. Ce qu'on veut dire par là en réalité, c'est la vente d'assurance par une filiale qui transférerait de l'information sur ses clients. Selon nous, cela n'a pas grand-chose à voir avec un accroissement de la concurrence et ferait beaucoup plus pour permettre à la banque de rester rentable. Les banques doivent acquérir de nouveaux secteurs de service pour maintenir le rendement des capitaux propres. Les possibilités d'acquisition de nouveaux genres de services commencent à se faire rares.

Contrairement à l'industrie de l'assurance-vie, l'industrie bancaire du Canada constitue un oligopole, vu qu'il y a peu de concurrents importants. Les banques n'ont pas prouvé jusqu'ici, et je mets qui que ce soit au défi de le prouver, qu'elles réduisent leurs prix ou créent de la concurrence quand elles se lancent sur un nouveau marché ou acquièrent un nouveau pouvoir. Bien au contraire. Nous avons constaté dans le passé que, quand les banques se lancent dans un nouveau secteur, elles parviennent à le dominer rapidement, par exemple comme ce fut le cas du secteur des valeurs mobilières à la fin des années 80 et de l'industrie fiduciaire au début des années 90. Elles dominent maintenant presque entièrement ces deux secteurs. Il reste peu ou pas du tout de participants indépendants qui jouent un rôle clé sur le marché.

• 1650

Bien entendu, les prix ont tendance à augmenter. Par exemple, l'écart entre les CPG et les hypothèques s'est élargi une fois que les grandes banques à charte du Canada ont eu pris l'industrie fiduciaire en main. En 1998, nous le signalions au comité dans notre mémoire, qui comprenait aussi une étude menée pour notre compte à un prix assez élevé, soit dit en passant, par un groupe de consultants indépendant, le Bain Consulting Group.

Les prix ont aussi augmenté dans l'industrie des valeurs mobilières. Une fois que les banques ont eu acquis le contrôle sur ce secteur, les commissions de placement ont augmenté et la possibilité d'achats fermes véritables est disparue une fois que l'industrie a été reprise par les grandes banques.

Enfin, les profits produits par cet oligopole ne sont pas transmis aux consommateurs. C'est ce qu'on a constaté dans le passé. Rien ne montre non plus que les banques étrangères, dans les pays qui permettent aux banques de vendre de l'assurance, ont baissé les prix. Prenons, par exemple, l'étude du groupe Tilinghast pour l'ACCAP. Tilinghast a examiné le marché britannique et il a conclu que, sous le régime d'assurance bancaire du Royaume-Uni, les primes d'assurance-vie imposées par les banques pour des produits semblables étaient parmi les plus coûteuses par opposition aux primes imposées par les compagnies d'assurances du Royaume-Uni.

Si vous me le permettez, je voudrais dissiper un autre mythe mis de l'avant par les partisans de la vente d'assurance par les banques, en l'occurrence le mythe voulant que les prix de l'assurance soient trop élevés au Canada et que l'industrie s'enrichit à cause de cela. Nous connaissons bien l'industrie de l'assurance-vie du Canada à Power Financial. C'est une industrie très compétitive et je vous en donne un exemple: le secteur de l'assurance-vie collective. Il n'y a tout simplement pas moyen de réduire les prix à moins que les banques veuillent fixer des prix abusifs et vendre moins cher que leurs coûts. Pourtant, elles nous répètent constamment que si nous leur permettons de se lancer sur ce marché, elles réduiront les prix et couperont dans le gras.

Si vous me le permettez, je vous rappellerai l'expérience récente de la Banque de Commerce dans le secteur de l'assurance tout risque. Elle a essayé de se lancer dans ce secteur, n'a pas pu réaliser de profits en rivalisant d'égal à égal avec le reste de l'industrie et elle a dû s'en retirer.

J'aimerais répondre brièvement à quelques affirmations précises. Je ne voudrais pas rater cette occasion de commenter le tableau à la page 21 du mémoire présenté par l'Association des banquiers canadiens visant à montrer qu'il y a asymétrie entre les pouvoirs commerciaux des banques et ceux des compagnies d'assurance-vie. Je signale que le tableau ne dit pas tout. Par exemple, le pouvoir de recevoir des dépôts de la SADC, c'est-à-dire des dépôts assurés par le gouvernement, est un pouvoir fondamental des banques. C'est pour cela que la plupart des particuliers et des entreprises, surtout les PME, font affaire avec une banque. Les banques ont ce pouvoir que n'ont pas les compagnies d'assurances, mais on a oublié de l'inclure dans la liste des pouvoirs bancaires énumérés dans le tableau.

L'ACCAP a préparé un tableau très constructif et utile qui explique bien la situation et que le comité pourrait se procurer.

Soit dit en passant, l'un des représentants des banques vous a dit que seulement 47 p. 100 des Canadiens ont de l'assurance-vie. C'est faux. Cela ne tient pas compte du fait que des millions de Canadiens sont visés par un régime d'assurance-vie collective de l'employeur.

Je dois ajouter ici que l'ABC a cité le rapport du groupe de travail MacKay. Il y a un passage important dans les documents de recherche présentés par les experts-conseils qui ont travaillé pour le groupe de travail MacKay et je voudrais en citer un passage, que vous pourrez trouver aussi sur le site Web du groupe de travail MacKay.

    Même si les répondants ont indiqué préférer avoir le choix

... un petit à-côté: si vous demandez aux gens s'ils veulent le choix, ils vont bien sûr vous répondre oui...

    une majorité d'entre eux (56 p. 100) craignent également que les banques utilisent à mauvais escient tous les renseignements personnels et de crédit qu'elles posséderaient s'il leur était permis de vendre directement de l'assurance dans leurs succursales.

• 1655

Nous partageons les inquiétudes du public à ce sujet. Nous nous inquiétons tout particulièrement de la possibilité de coercition. Je sais que nous avons maintenant une loi à ce sujet à laquelle votre comité a travaillé avec beaucoup de succès, mais il n'y a pas assez d'avocats pour rédiger les lois qu'il faudrait pour empêcher la vente coercitive par les prêteurs. Aucun protecteur des consommateurs au Bureau de la concurrence ne peut empêcher une telle chose.

Nos grandes banques à charte possèdent énormément de renseignements sur leurs clients et elles obtiennent la plus grande partie de ces renseignements en leur capacité quasi fiduciaire de prêteur. Elles veulent utiliser ces renseignements de façon anticompétitive pour éliminer la concurrence dans le domaine de l'assurance, prendre le secteur en main et réaliser des bénéfices oligopolistiques. C'est vraiment là-dessus que porte le débat sur l'assurance. Selon nous, c'est de la mise en marché d'éviction. Une fois que les sociétés d'assurances seront éliminées, les banques transmettront-elles leurs bénéfices oligopolistiques aux consommateurs? Fourniront-elles des services d'assurance partout dans le pays? Nous en doutons. Si l'on attend d'obtenir la réponse inévitable à cette question, ce sera trop tard pour que les décisionnaires reviennent en arrière.

Il y a donc trois questions à poser: Le Canada est-il prêt à courir le risque que la vente d'assurance par les banques ne crée plus de concurrence et fasse baisser les prix? Sommes-nous prêts à compromettre et à bouleverser considérablement le système actuel de commercialisation, qui compte plus de 45 000 agents et courtiers répartis dans toutes les régions du pays et dont la plupart emploient d'autres travailleurs? À première vue, de 150 000 à 200 000 personnes travaillent dans le système actuel. Voulons-nous concentrer toute notre industrie des services financiers, y compris le secteur de l'assurance, le seul à ne pas être dominé par les banques pour l'instant, entre les mains des six grandes banques à charte? Voilà les questions que les décisionnaires doivent se poser s'ils songent à permettre aux banques de vendre de l'assurance au Canada.

Selon nous, cette question a déjà été réglée. Le résultat a été clair en 1996 quand le ministre des Finances a déclaré à la Chambre des communes que les banques ne recevraient pas des pouvoirs supplémentaires pour vendre de l'assurance. Le bien-fondé de cette décision a été confirmé en 1998 par le rapport du comité Ianno. Le chapitre 9 du rapport explique clairement pourquoi il ne faut pas revenir là-dessus.

Je vous remercie de m'avoir donné cette occasion de mettre les choses au point. Je vous prie encore une fois d'adopter le projet de loi le plus rapidement possible.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Johnson.

Monsieur Epp, vous avez tout le temps qu'il vous faut.

M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): C'est ce qu'on dirait. Nous pouvons peut-être nous partager une partie du temps disponible. Vous avez certainement des questions à poser.

Je remercie les témoins d'être venus. Je leur en suis vraiment reconnaissant. Je pourrais peut-être m'excuser au nom de mes collègues, même si je n'y suis pas vraiment obligé comme ils représentent d'autres partis. Sans vouloir me montrer partisan, cependant, il aurait été bon qu'ils puissent entendre vos commentaires. Néanmoins, ceux-ci font partie du compte rendu et les autres membres du comité pourront les lire plus tard.

J'ai plusieurs questions à poser. Je vais commencer par M. Johnson. Nous allons procéder dans l'ordre inverse des témoignages. D'après ce que je crois comprendre, le projet de loi C-38 n'élargit pas la capacité des banques de vendre des assurances, alors pourquoi vous préoccupe-t-il tellement?

M. Edward Johnson: Merci. Je suis ici simplement parce que d'autres sont venus avant moi faire certaines déclarations et essayer de rouvrir ce débat, et nous avons jugé qu'il était important de rectifier le tir. Vous avez raison, le projet de loi reste muet sur la question. Encore une fois, toute la question a été traitée. Néanmoins, comme on a pu le constater au cours du dernier demi-siècle, avec chaque nouvelle révision des lois importantes sur les services financiers, l'industrie bancaire fait des démarches pour obtenir de nouveaux pouvoirs. Elle a rouvert cette question, alors qu'elle avait été clairement réglée, pour essayer de poser un jalon pour l'avenir, et nous estimons qu'il ne faut pas laisser passer cela.

M. Ken Epp: Bon. Vous êtes donc là en tant qu'antidote aux interventions d'autres personnes auprès de ce comité, et vous avez peur que notre comité apporte certaines modifications à ce projet de loi avant de le renvoyer à la Chambre.

• 1700

M. Edward Johnson: Franchement, ce n'est pas cela qui m'inquiète. Je ne pense pas que cela risque d'arriver.

M. Ken Epp: Vous voulez simplement renforcer notre détermination.

M. Edward Johnson: Il y a des choses qui ont été dites publiquement et nous estimons qu'il faut y répondre. Pour paraphraser Bernard Shaw, à chaque mémoire répondra un mémoire jusqu'à la fin des temps.

M. Ken Epp: Je conviens effectivement qu'il ne faudrait pas rouvrir cette question, mais il y a pourtant une question brûlante que je pose toujours, surtout à mes amis du secteur de l'assurance, car beaucoup d'entre eux sont venus me dire: «Assurez-vous de ne pas donner cela aux banques sinon je perds mon travail». Je comprends leur inquiétude. Mais je me pose des questions au sujet des sociétés d'assurances, et je ne pense pas simplement à l'assurance-vie, qui est naturellement un des principaux éléments, mais aussi à l'assurance responsabilité, à l'assurance accident, à l'assurance automobile. Je crois qu'il y a un gaspillage colossal de ressources humaines chaque année au Canada, avec des gens qui remplissent des milliers et des milliers de formulaires... envoyez-nous une facture et nous allons renouveler votre paiement. Pour l'assurance-vie, ce n'est pas le cas car c'est généralement une prime annuelle ou mensuelle, mais c'est le cas pour l'assurance automobile.

Il y a donc des milliers de gens qui remplissent constamment tous ces formulaires. Il doit y avoir moyen de faire mieux. Si quelqu'un arrive en disant: «Voilà, j'ai un meilleur produit qui me dispense de toute cette main-d'oeuvre, de toute cette énorme hiérarchie du monde de l'assurance, avec tous ces gens du secteur de l'assurance qui prennent leur retraite sur des bateaux de croisière»... je sais bien que c'est un organisme du gouvernement qui fait les manchettes actuellement, mais nous savons bien que les sociétés d'assurances le font aussi. En fait, un de mes amis qui travaille dans ce secteur est assez fier de dire que sa société organise ces sessions annuelles de motivation dans une île des mers du Sud, et qu'il peut emmener sa femme avec lui. Je lui dis: «Tu sais, tu me critiques de faire cela en tant que député aux frais du public, mais tu le fais à mes propres frais parce que ce sont mes primes qui payent ton voyage».

Il y a donc des inefficacités de ce côté, et j'aimerais bien avoir la réponse du point de vue des consommateurs.

Je me suis demandé aussi ce qui se passerait si quelqu'un disait: «Je vais organiser une société d'assurances sans toute cette hiérarchie de personnel; je vais simplement avoir un site Internet et les gens pourront s'inscrire, me donner leur numéro de carte de crédit et hop, ils seront assurés»? Je parie qu'on pourrait l'avoir pour le dixième du prix. Je ne sais pas. Malheureusement, nos amis actuaires sont partis.

M. Morris Chambers: Non, nous sommes là.

M. Ken Epp: Oh, pardon. Peut-être les actuaires pourraient-ils nous donner une idée du montant des primes d'assurance qui sert vraiment à couvrir les pertes. Que répondez-vous à cela?

M. Edward Johnson: Je vais répondre le premier, si vous me le permettez. Je ne peux pas parler au nom de l'industrie de l'assurance accident, et il serait présomptueux de ma part d'essayer même de parler au nom de l'industrie de l'assurance-vie. Nous sommes actionnaires, mais nous ne sommes pas des participants au jour le jour de cette industrie.

Néanmoins, si je peux essayer de dire quelques mots sur la paperasserie et la fameuse efficacité administrative, je dirais que notre industrie au Canada—et je peux vous donner l'exemple de nos propres sociétés—a beaucoup progressé en matière d'efficacité sur ce plan au cours des dix dernières années. Nous nous occupons uniquement d'assurance-vie, pas d'assurance accident. Il y a eu énormément d'investissements dans le domaine du traitement des données, et j'espère que les clients de nos sociétés ont constaté que le fardeau de paperasserie avait considérablement diminué.

Est-ce parfait? Avons-nous supprimé tout ce qui n'allait pas? Je ne pense pas, mais je crois que nous sommes sur l'asymptote qui nous en rapproche, et je suis sûr que vous pourrez constater que nous sommes aussi bons, sinon meilleurs, que n'importe quelle autre organisation de taille comparable dans n'importe quelle industrie qui s'adresse à des particuliers.

En ce qui concerne les croisières et les autres primes, etc., qui sont octroyées au personnel, vous pourrez constater qu'en proportion du total des dépenses, ce sont des coûts minimes. C'est une forme d'indemnisation. Cela fait partie des primes de rendement. Dans n'importe quelle industrie, les gens qui font des ventes directes et qui sont en contact direct avec le public... Franchement, dans tous les pays, et vous pourrez constater la même chose aux États-Unis ou en Europe, on offre ce genre de primes au rendement aux employés. Cela peut être une prime en espèces ou en nature, par exemple un séjour dans une station touristique ou une croisière.

• 1705

Je n'ai pas participé à ce genre de choses, mais j'ai l'impression que c'est un moyen très efficace de faire passer l'information. On organise des séances de discussion décontractées où l'on rassemble tous les vendeurs, les planificateurs financiers, et où ils s'informent les uns les autres de leurs problèmes. Ils profitent chacun de l'expérience des autres. Il est difficile de chiffrer la valeur de ce genre d'exercice. Les administrateurs et les comptables ne peuvent pas quantifier ce montant, mais c'est un moyen extraordinairement efficace de fournir de manière officieuse aux employés des informations qui vont les aider énormément à travailler de façon efficace et à atteindre leur cible sur le marché.

Malheureusement, je ne suis pas en mesure de vous dire quelle est le pourcentage des coûts de commercialisation par rapport à l'ensemble des coûts totaux. Nous avons étudié ces chiffres en 1998, mais je ne me souviens pas. Nous les avions examinés lorsque nous avons comparu devant votre comité en 1998 et nous avions longuement discuté pour savoir si le système de commercialisation des assurances était efficace. Malgré tout ce que disent tous ceux qui voudraient bien s'implanter dans ce secteur et reprendre cette activité, il n'y a pas beaucoup de marge pour dégraisser ce secteur.

M. Ken Epp: Bon. J'aimerais aussi interroger les autres témoins. J'imagine que nos amis du Conseil canadien du commerce de détail ont dû partir prendre un avion. En fait, j'en suis sûr, et nous leur pardonnons. J'aurais bien voulu leur poser quelques questions.

Monsieur Conacher, je ne sais pas comment vous poser la question, mais vous n'avez pas l'air d'être très satisfait des banques. C'est l'impression que j'ai eue. Je me demande sur quelles données vous vous appuyez pour arriver à cette conclusion. Je ne suis pas là pour défendre les banques, ne vous méprenez pas, mais dans l'ensemble, l'expérience que j'en ai eue a été assez raisonnable, bien que je ne traite pas vraiment avec les banques puisque je suis membre d'une coopérative de crédit.

Je pense que nos électeurs se plaignent plus des banques que de la poste, ce qui montre bien à quel point les choses ont changé en 25 ans. Toutefois vous avez des idées préconçues, vous pensez que le seul but des banques est de profiter des gens. Vous ne mâchez pas vos mots. J'ai noté une de vos observations. Vous avez dit que les banques continueraient à duper leurs clients. Les banques n'ont vraiment rien à gagner à avoir une telle réputation, qu'est-ce qui peut vous faire penser cela? Sur quelles données vous fondez-vous?

M. Duff Conacher: Pour commencer, nous avons fait un sondage dont j'ai soumis les résultats au comité. Nous avons contacté 103 succursales de sept institutions financières, surtout des banques, mais également des compagnies de fiducie. Nous leur avons posé des questions sur ce code volontaire qui a été négocié en 1997 au sujet de l'accès aux services bancaires. C'était un code destiné à protéger les citoyens à faible revenu et à leur permettre d'ouvrir un compte et de toucher des chèques. Eh bien, 96 p. 100 des succursales des banques et des compagnies de fiducie n'ont pas respecté ce code. C'est de l'abus. On refuse des clients de façon arbitraire, et on va même jusqu'à dire aux gens: «Seuls les professionnels peuvent ouvrir un compte ici» ou bien «Pendant les six premiers mois, nous allons bloquer automatiquement tous les chèques que vous déposez pendant 30 jours». Or, vous devez le savoir, l'Association canadienne des paiements a constaté que 99 p. 100 des chèques étaient compensés la nuit suivante. Cela n'empêche pas les banques de bloquer les chèques pendant 30 jours. C'est certainement de l'abus.

Pendant que nous en sommes aux abus commis par les banques, je suis heureux que vous ayez parlé des taux d'intérêt des cartes de crédit, car c'est certainement un bon exemple. D'après le dernier rapport d'Industrie Canada, publié en juillet 2000, les taux d'intérêt des cartes de crédit sont de loin supérieurs au taux préférentiel de la Banque du Canada. Le projet de loi ne fait rien pour rectifier ce problème. C'est une lacune majeure. Je suis sûr que les actuaires seront de mon avis quand je dis que le projet de loi devrait exiger des banques certaines choses qui ne sont pas actuellement exigées.

• 1710

Premièrement, les banques sont autorisées à déclarer toutes leurs opérations étrangères globalement. Elles n'ont pas besoin de donner des détails pays par pays. Par conséquent, nous ne savons pas où les banques investissent, et il est fort possible qu'elles perdent de l'argent dans de nombreux pays, quitte à compenser en nous imposant ici des frais de service et des taux d'intérêt excessifs sur les cartes de crédit. Beaucoup d'autres compagnies sont tenues de donner des détails, mais pas les banques. La plupart des compagnies doivent déclarer leurs profits et leurs pertes pays par pays, mais les banques ne le font pas.

Vous pourrez le constater dans n'importe quel rapport annuel sur les opérations nationales et étrangères. Dans la catégorie nationale, rien n'oblige les banques à donner des chiffres à part pour la division des cartes de crédit, les opérations bancaires électroniques, ou n'importe quelle autre division, qu'il s'agisse de succursales, téléphones, Internet, ou d'opérations électroniques. À cause de cela, nous ne savons pas quelle est la marge bénéficiaire dans chacune des divisions. Je suis absolument certain que si ces détails étaient exigés—et ce serait normal, et c'est d'ailleurs une chose que nous avons demandée au surintendant et également à l'ICCA, puisque ensemble, ils arrêtent les directives sur le contenu des rapports annuels des banques—si cela était exigé, si on demandait aux banques de déclarer leurs profits, leurs pertes et leur marge bénéficiaire pour toutes ces divisions et pour les différents pays où elles opèrent, on s'apercevrait qu'elles dupent leurs clients. Dans plusieurs de ces divisions, on constaterait que leur marge bénéficiaire va de 50 à 100 p. 100, ce qui est certainement un abus.

Voilà donc la situation, et également le fait qu'elles refusent arbitrairement des clients.

Encore plus récemment, un sondage du Centre pour la défense de l'intérêt public, dont vous avez entendu parler plus tôt, a démontré ce que les banques cherchaient véritablement. Il y a également le groupe Option consommateurs qui a effectué un sondage sur la fermeture des succursales dont vous avez dû entendre parler. Il est certain que la plupart des succursales fermées se trouvaient dans des quartiers défavorisés dans les régions rurales, mais surtout dans les quartiers à faible revenu. C'est une tendance qui se maintient depuis 20 ans. Là encore, c'est une forme d'abus. Vous voyez, quand je dis que les banques commettent des abus, c'est sur la base de leurs actes.

Je suis d'accord avec vous, elles n'ont pas intérêt à le faire. On l'a vu quand quatre d'entre elles ont essayé de fusionner en deux entités. Les Canadiens ont eu une réaction viscérale, parce qu'ils se sont rendu compte que c'était une manifestation supplémentaire des abus commis par les banques: tout ce qu'elles veulent, c'est devenir plus importantes, plus rentables, et offrir le moins de services possible. Elles n'ont vraiment pas intérêt à faire cela.

Cela dit, je ne pense pas qu'il existe un seul banquier qui comprenne la notion de responsabilité sociale des compagnies. S'ils comprenaient cette notion, ils auraient accepté d'insérer le feuillet d'une page que nous leur demandions d'envoyer à leurs clients dans leur courrier normal, et c'est une chose que nous avons demandée à toutes les banques et également à l'ABC. Cela ne leur aurait rien coûté, et cela aurait permis à leurs clients de se regrouper très facilement en une organisation des consommateurs de services financiers qui aurait pu représenter les consommateurs sur la scène nationale et qui aurait été financée et dirigée uniquement par les consommateurs. Cela avait été recommandé par le groupe de travail MacKay et également par le Comité des finances de la Chambre des communes dans son rapport de décembre 1998 auquel le Comité sénatorial des banques s'était associé. C'est la seule recommandation du rapport MacKay qui n'ait pas eu de suite.

Le gouvernement n'aurait rien eu à faire et n'importe quel dirigeant de banque possédant le moindre sens de ses responsabilités aurait approuvé cela automatiquement. En effet, ils auraient vu à quel point ils ont intérêt à avoir une organisation de consommateurs bien organisée, bien financée, une organisation qui aurait pu canaliser toutes les plaintes des consommateurs au sujet des banques et les transmettre. Cela leur aurait permis de mieux donner suite à ces plaintes et de mieux servir leurs clients.

Voilà donc la raison pour laquelle je ne mâche pas mes mots. C'est tout à fait justifié, et les Canadiens sont d'accord.

M. Ken Epp: C'est très intéressant.

Le président: Puis-je revenir à ma première question?

M. Ken Epp: Certainement, nous partageons.

Le président: Monsieur Conacher, c'est une question d'ordre philosophique: est-ce que vous considérez que les banques sont des entreprises privées ou bien des services publics?

M. Duff Conacher: Si on considère les privilèges, les subventions et les protections dont bénéficient les banques depuis 30 ans, surtout depuis qu'elles sont officiellement protégées de la concurrence étrangère, il faut conclure qu'elles se rapprochent beaucoup plus d'un service public. C'est notre argent. En fait, c'est une ressource naturelle, et il se trouve simplement qu'elle a été créée par des êtres humains. Mais après tout, c'est une ressource que nous créons nous-mêmes, de la même façon que nous avons des rivières, des arbres et des ressources minérales dans le sol. Les banques exploitent cette ressource et l'utilisent à leur propre avantage.

Toute la structure protège les banques de la concurrence étrangère et leur assure une place privilégiée. Chaque fois qu'elles ont voulu s'ingérer dans un secteur, on les a autorisées à le faire, à l'exception de la vente d'assurance dans leurs succursales.

• 1715

Le rachat du secteur des compagnies de fiducie a été financé, dans une large mesure, par les contribuables. D'après Peter Cook, un journaliste du Globe and Mail, cela a coûté 40 milliards de dollars à l'économie canadienne. Il y a eu une subvention directe de 4 milliards de dollars de la Société d'assurance-dépôts au moment de ce rachat.

Ainsi, si vous faites le bilan, vous constatez qu'il ne s'agit pas d'un monopole, car il ne s'agit pas d'une seule compagnie, comme c'est le cas de nombreux autres services publics, mais il s'agit certainement d'un oligopole réglementé qui contrôle le marché dans tous les secteurs où il est présent. La structure réglementaire maintient ce contrôle sans vraiment exiger qu'on lui rende des comptes en échange. Ceci est une première tentative, puisqu'on avait déjà tenté de réglementer les frais de service en 1992, mais sans grand succès, une première tentative pour donner des droits aux consommateurs financiers et des responsabilités aux institutions financières et pour officialiser ces mesures dans la Loi sur les banques. Or, cela ne sera même pas adopté, et comme je l'ai déjà dit, le projet de loi constitue seulement un cadre, et d'après ce que le ministère des Finances a annoncé, les règlements devraient laisser toutes sortes d'échappatoires aux banques. Voilà que finalement on tente d'exiger que les banques rendent des comptes, mais selon toute probabilité, elles auront toutes sortes de moyens pour échapper à ces obligations.

Alors quand on compare ce secteur à celui des services publics, on constate beaucoup de similitudes: le pouvoir, le manque de réglementation et la capacité générale de duper des clients. C'est pour cette raison que s'il fallait les situer dans une gamme allant des services publics aux sociétés entièrement privées, à notre avis, elles seraient beaucoup plus proches de la première catégorie. Et le gouvernement devrait les traiter en conséquence. Où peuvent-elles aller? De quoi avez-vous peur? Elles ne vont pas prendre l'avion pour aller s'installer dans un autre pays. Elles ont besoin de notre argent pour exister. Les gens ne vont pas placer leur argent dans une banque qui n'a ni succursales ni siège social. Alors elles n'ont nulle part où aller. Il faut les réglementer. Obligez-les à servir la population de façon convenable et efficace. C'est ce qu'ont fait les États-Unis voilà plus de 20 ans pour le plus grand bien de toutes les collectivités américaines et il est grand temps que le gouvernement canadien fasse de même.

Le président: Vous ne préconisez tout de même pas l'adoption d'un système bancaire américain, n'est-ce pas, car dans ce cas il faudrait aussi accepter les faillites qui en découlent?

M. Duff Conacher: Nous avons déjà eu les faillites. Les faillites de notre secteur des sociétés fiduciaires représentent le même coût par habitant pour notre économie que la faillite du secteur des caisses d'épargne et de crédit aux États-Unis, toute proportions gardées. Il y a eu la faillite des caisses d'épargne et de crédit à cause d'un manque de réglementation qui a encouragé la fraude. Non, je ne préconise pas un manque de réglementation qui encourage la fraude. Je propose plutôt une réglementation qui encourage nos banques à bien servir la population comme c'est le cas aux États-Unis, le coeur même du capitalisme, depuis plus de 20 ans avec la Community Reinvestment Act. C'est un exemple concluant et si seulement le gouvernement était prêt à l'examiner, il s'en rendrait compte. Deux cents maires républicains ont écrit une lettre au Congrès à majorité républicaine en 1994, qui était sur le point d'éliminer les dispositions clés de cette loi pour leur dire, «Si vous videz cette loi de sa substance, vous allez en faire autant à nos villes car il est inconcevable que les fonds publics parviennent à remplacer le niveau de financement privé exigé par la Community Reinvestment Act pour nos collectivités locales.» C'était donc une mise en garde contre l'élimination de la Community Reinvestment Act. C'était donc une initiative de 200 maires républicains sous la direction du chef du Parti républicain Newt Gingrich pour défendre la Community Reinvestment Act.

Je vous conseille donc d'examiner cette loi. Je sais que Jim Peterson s'est rendu à Chicago et qu'il en est revenu très impressionné en 1996. Mais pas suffisamment impressionné, semble-t-il. Vous n'avez pas fait suffisamment. Si ce projet de loi est adopté, les banques vont continuer à berner leurs clients à moins que vous ne recommandiez fortement de supprimer au moyen des règlements les échappatoires que les fonctionnaires du ministère des Finances veulent conserver.

Le président: Monsieur Epp.

M. Ken Epp: Le projet de loi C-38 comporte une disposition précise qui oblige les banques à offrir un compte à frais modiques.

M. Duff Conacher: Non.

M. Ken Epp: Mais si, la disposition est écrite noir sur blanc.

M. Duff Conacher: Non. Je pense qu'on va appliquer une politique secrète. Ainsi, les personnes qui ont l'air d'être de situation modeste vont devoir présenter leurs pièces d'identité et on leur dira qu'elles sont frauduleuses ou bien qu'elles veulent ouvrir un compte pour des raisons frauduleuses. Les fonctionnaires du ministère des Finances nous ont précisément expliqué que ce genre de réponse sera autorisée. La caissière va leur dire qu'elle est désolée mais qu'elle ne peut pas leur ouvrir de compte.

M. Ken Epp: Ça alors. Ça va être très intéressant. Étant donné votre mise en garde, il va falloir sans doute surveiller la situation.

M. Duff Conacher: Vous ne pourrez pas le faire. Cela se fait par règlements. Si vous voulez créer un droit clair, vous devez l'inclure dans la loi. Si on procède par voie de réglementation, alors les fonctionnaires du ministère des Finances ont l'intention de conserver ces échappatoires. Ils nous l'ont dit. Nous avons eu une réunion le 19 septembre et ils nous ont dit qu'un caissier pouvait refuser une demande s'il soupçonnait qu'il s'agissait de fraude.

• 1720

M. Ken Epp: Ce serait quand même raisonnable. Si quelqu'un veut faire affaire avec moi—je ne suis pas banquier, mais disons que j'ai un autre type d'entreprise, et qu'il veut m'impliquer dans une affaire où je vais me faire avoir...

M. Duff Conacher: Vous ne vous ferez pas avoir.

M. Ken Epp: ...j'ai le droit de dire «Hey, je ne veux pas faire affaire avec vous». Donc, lorsqu'on soupçonne qu'il y a fraude—et je suis d'accord avec ce que vous avez dit, alors on a l'obligation de signaler ce cas à la police et de faire enquête.

M. Duff Conacher: Donc ouvrez le compte...

M. Ken Epp: Cela me paraît satisfaisant.

M. Duff Conacher: C'est la solution, obligez-les...

M. Ken Epp: Mais il ne faut pas partir du principe que les banques vont systématiquement dire à la personne qui se présente «Très bien, nous ne pouvons pas faire d'argent avec vous; par conséquent, nous allons simplement dire 'Vous devez être un fraudeur' et vous n'avez pas le droit d'ouvrir un compte».

M. Duff Conacher: Pourquoi 96 p. 100 des banques ont-elles refusé d'ouvrir des comptes et violé un code d'autoréglementation? Nous sommes allés dans les succursales bancaires. J'ai participé moi-même à certains aspects du sondage. Les réponses données étaient complètement arbitraires.

Je vous ai donné la solution, et je suis heureux de constater que vous l'approuvez. Exigez des banques qu'elles ouvrent le compte. Cela permet de créer la preuve de la fraude. Exigez qu'elles fassent une copie de la pièce d'identité. Puis elles peuvent alors signaler le cas à la police. La police fera enquête. Si la police n'arrive pas à prouver qu'il y a eu fraude, alors le compte restera ouvert. Si la police constate qu'il y a eu fraude, alors le compte sera fermé. Cela permettrait de combler cette lacune. Retirez simplement au caissier ou à la caissière le pouvoir de prendre une décision discrétionnaire. Il ne faut plus que les caissiers ou les caissières de banque aient la possibilité de prendre ce genre de décision parce qu'ils en abusent.

M. Ken Epp: C'est vraiment difficile à imaginer, mais si j'étais un jeune criminel, je vous applaudirais parce que désormais je peux aller chez des personnes âgées, qui n'entendent pas très bien, je peux me glisser chez elles à leur insu ou je peux même prendre le courrier dans leur boîte aux lettres et mettre la main sur le chèque du gouvernement de cette personne âgée et, selon ce que vous préconisez—vous préconisez que l'on élimine les échappatoires. Vous voulez...

M. Duff Conacher: Non, je ne veux pas qu'on élimine les échappatoires.

M. Ken Epp: Mais si quelqu'un...

M. Duff Conacher: Je veux simplement que l'on réglemente les échappatoires.

M. Ken Epp: Vous-même ainsi que d'autres groupes avez comparu devant nous et avez dit que les chèques du gouvernement, parce qu'ils présentent peu de risques, devraient être encaissés immédiatement. Ils présentent peu de risques bien entendu pour les banques parce que les chèques du gouvernement sont toujours sûrs, qu'il s'agisse du gouvernement provincial, municipal ou fédéral. Je n'ai jamais entendu dire qu'un chèque du gouvernement était sans provision. Mais le problème est le suivant: que se passe-t-il si la personne qui encaisse le chèque n'est pas celle qu'elle prétend être? Il faudrait qu'il existe un moyen de vérifier son identité.

M. Duff Conacher: D'accord. Quelqu'un peut voler le chèque. S'il vole aussi les pièces d'identité d'une personne âgée, et qu'il s'agit d'un jeune criminel, comme vous l'avez dit, je doute qu'il arrive à tromper le caissier ou la caissière de la banque avec cette pièce d'identité.

M. Ken Epp: Autrement dit, vous exigeriez une pièce d'identité avec photo pour ceux qui veulent bénéficier de ces privilèges à la banque.

M. Duff Conacher: Pour les chèques du gouvernement? Non, que l'on fasse simplement une photocopie de la pièce d'identité. La banque dispose d'une garantie complète si le chèque est encaissé de façon frauduleuse. Faites une photocopie de la pièce d'identité et il n'y aura pas de problème. On sera ainsi protégé de la fraude. On pourra retrouver la personne qui a encaissé le chèque...

M. Ken Epp: Je pense que c'est un peu plus compliqué que...

M. Duff Conacher: De toute façon, aujourd'hui la plupart de ces chèques font l'objet d'un virement automatique.

M. Ken Epp: Ce service existe, mais...

M. Duff Conacher: Oui. Un fort pourcentage de gens utilisent en fait ce service.

M. Ken Epp: ...beaucoup d'aînés ne l'aiment pas.

M. Duff Conacher: Non, mais beaucoup d'entre eux l'utilisent. C'est surtout au moment de l'ouverture d'un compte que je crains que l'on prenne ce genre de décision arbitraire à propos de l'existence de fraude. Si vous n'avez pas de compte, vous ne pouvez pas établir votre cote de solvabilité. Si vous ne pouvez pas établir de cote de solvabilité, vous ne pourrez jamais sortir du cycle de la pauvreté, parce que personne ne vous prêtera jamais d'argent pour en sortir.

M. Ken Epp: En fait, je pense qu'emprunter de l'argent permet de sortir du cycle de la pauvreté. C'est du moins ce que j'ai constaté.

Quoi qu'il en soit, j'ai une question pour les actuaires. Nous pourrions discuter pendant des heures, Duff, et je vous remercie de vos commentaires.

Les actuaires nous disent que ce qu'ils veulent, c'est davantage d'emplois pour leurs—je le dis simplement pour lancer la discussion, d'accord? Ils veulent plus d'emplois pour les actuaires. Il existe une société d'actuaires et il y a des actuaires au chômage, donc ajoutons au projet de loi C-38 des dispositions obligeant chaque institution financière à retenir les services d'un actuaire pour améliorer la sécurité de l'institution financière. En théorie, cela semble une assez bonne chose. Bien entendu, je plaisante lorsque je dis que vous voulez des emplois.

Je n'arrive pas vraiment à comprendre comment vous pensez pouvoir améliorer la sécurité de la plupart des institutions financières. De toute évidence, vous avez un très grand rôle à jouer au niveau de l'assurance et des rentes pour ce qui est des investissements futurs, de la retraite et ainsi de suite. C'est votre raison d'être. Mais comment pouvez-vous garantir qu'une banque ou une autre institution financière qui investit dans une entreprise quelconque disons, à Singapour, fait un investissement sûr? Comment pouvez-vous en évaluer le risque?

• 1725

M. Morris Chambers: Tout d'abord, j'ai tâché de bien préciser que nous ne préconisons pas la création d'un poste d'actuaire désigné pour les banques. Franchement, c'est ce que j'aurais dit il y a cinq ans, mais plus aujourd'hui car il est insensé de s'attendre à ce que le milieu des actuaires au Canada puisse fournir les ressources pour pouvoir faire ce travail correctement. Je crois que les compétences que les actuaires possèdent peuvent dans certains cas permettre de remplir le rôle qui est nécessaire. Mais nous ne sommes pas en train de parler d'envoyer des actuaires travailler dans des banques. Nous sommes en train de parler de créer un poste dans les banques qui consiste à surveiller les activités de la banque et à évaluer continuellement les risques qu'elle prend. De toute évidence, à ce stade, il faut que le titulaire de ce poste sache comment fonctionne les banques. Il n'y a pas beaucoup d'actuaires qui savent comment fonctionne les banques.

Pour situer les choses dans une perspective légèrement différente, la Loi sur les sociétés d'assurances exige que chaque société d'assurances désigne un actuaire. Pour être un actuaire désigné, vous devez être un actuaire titulaire de l'Institut canadien des actuaires. Cela ne veut pas dire que tous les actuaires titulaires de l'Institut canadien des actuaires sont admissibles au poste d'actuaire désigné d'une société d'assurances. Cela exige des compétences très particulières et de longues années d'expérience auprès de sociétés d'assurances. Après 42 ans dans une société, je ne prétendrai pas être la personne toute indiquée pour devenir l'actuaire désigné de la société pour laquelle je travaille. Je dois avouer qu'il ne faut pas avoir froid aux yeux pour faire ce genre de travail.

Mais nous considérons que toutes les institutions financières ont besoin de quelqu'un qui puisse jouer ce rôle. Je le répète, nous n'avons pas dit qu'il doit s'agir d'un actuaire. Il pourrait s'agir de quelqu'un qui sait évaluer le risque; qui sait élaborer des modèles d'affaires, surtout des modèles d'entreprises financières; qui peut préparer des projections et en particulier qui peut déterminer les effets réciproques des divers éléments de risque dans la préparation de scénarios futurs. Si les taux d'intérêt diminuent, comment cela influera-t-il sur les retraits? Si les taux d'intérêt augmentent, comment cela influera-t-il sur les retraits? Vous pourriez penser que cela se traduira par de fortes rentrées d'argent. Pas forcément. Cela pourrait se traduire par une importante diminution du montant des dépôts qui seront réinvestis ailleurs. C'est le genre de situations dont nous parlons.

Nous ajoutons qu'il est important que cette personne soit un professionnel régi par un code de conduite reposant sur l'intérêt public. Cette personne doit pouvoir faire l'objet de sanctions disciplinaires si elle ne se conforme pas à son code de conduite. Il importe donc que le titulaire du poste soit tenu de se conformer à des normes de manière à ce que les mêmes méthodes soient utilisées d'un secteur à l'autre.

M. Ken Epp: Très bien.

J'ai une question que je vous adresse à tous. J'ai l'impression que les Canadiens font en grande majorité confiance aux institutions financières canadiennes. On ne peut pas dire que les gens s'inquiètent beaucoup de la viabilité de nos banques, de nos caisses d'épargne et de crédit et de nos sociétés d'assurances. Très peu de personnes m'ont exprimé des craintes à cet égard. Or, le projet de loi C-38 propose la création de deux organismes distincts: l'agence et l'ombudsman. À ces deux organismes s'ajoute le Bureau du surintendant des institutions financières qui, si je ne m'abuse, monsieur le président, va continuer ses activités. Le projet de loi C-38 ne démantèle pas ce bureau. Chaque banque possède un ombudsman et l'Association des banquiers canadiens compte aussi le sien. M. Duff Conacher nous dit aujourd'hui que nous avons besoin d'un organisme de protection des consommateurs dotés d'un pouvoir solide. Pourquoi avoir tous ces organismes pour assurer la protection des consommateurs quand ces derniers s'inquiètent si peu de la viabilité des institutions financières?

• 1730

M. Morris Chambers: Je suis heureux que les institutions financières canadiennes donnent l'impression d'être solides parce que c'est chez elles que j'ai investi mon argent.

M. Conacher aborde une autre question. M. Conacher parle des services qui sont offerts ou qui ne sont pas offerts aux simples particuliers, clients des institutions financières. Il s'agit de la protection des gens et non pas de la façon dont ils sont traités. On veut que leur argent soit en toute sécurité et que les institutions financières continuent à être solvables. Oui, je crois que les institutions financières canadiennes sont solides. Même si la conjoncture économique est bonne depuis au moins dix ans, certaines institutions financières ont quand même fait faillite dans les années 80, comme vous le savez, et cette situation pourrait se reproduire.

Vous avez mentionné le fait que le Bureau du surintendant des institutions financières est là pour réglementer les activités des banques. C'est juste, et ce bureau fait un excellent travail. Il réglemente également les activités des sociétés d'assurances. Je suis cependant sûr que le BSIF appuie le rôle que jouent les actuaires désignés dans les sociétés d'assurances. Je suis sûr que le bureau appuie l'idée qu'une personne soit nommée pour jouer un rôle comparable auprès des autres institutions financières puisque ce rôle doit compléter celui du bureau.

M. Ken Epp: Très bien. Quelqu'un d'autre voudrait-il répondre à la question?

M. Edward Johnson: Je n'ai pas grand chose à ajouter. Je pense que vous avez très bien résumé la situation.

Comme vous l'avez souligné, certaines institutions financières à capital largement réparti ont connu des faillites spectaculaires à la fin des années 80. Il faudra pouvoir affecter à la réglementation des institutions financières une armée de fonctionnaires pour pouvoir prévenir ce genre de faillites.

D'autres facteurs jouent cependant sur le marché, et notamment la discipline du marché et surtout la discipline de l'actionnaire majoritaire. Les institutions qui ont fait faillite ne possédaient pas d'actionnaire majoritaire dont l'argent était en jeu. Voilà un autre facteur qui contribue souvent à assurer une gestion prudente. De nombreux facteurs entrent en ligne de compte et il n'y en a pas un qui puisse à lui seul assurer la discipline nécessaire.

J'aimerais cependant ajouter que le secteur des institutions financières canadiennes est considéré comme étant parmi les secteurs financiers les mieux gérés et le plus prudemment réglementés.

M. Duff Conacher: Dans deux articles qui ont fait beaucoup parler d'eux, le surintendant a récemment sonné l'alarme au sujet des investissements à risque élevé consentis par les banques. Si les Canadiens font tellement confiance aux banques, c'est qu'ils ne savent pas vraiment ce qu'elles font avec leur argent. Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous ne savons absolument pas combien d'argent les banques perdent dans chaque pays où elles investissent des fonds parce qu'elles ne sont pas tenues, aux termes des lignes directrices du Bureau du surintendant des institutions financières, de divulguer ce renseignement ni de dire dans quel pays elles ont investi ou si ces investissements sont rentables.

• 1735

Je suis très surpris que les actionnaires n'aient pas réclamé que les banques leur divulguent l'état de leurs investissements pays par pays. Je me demande aussi comment le surintendant peut vraiment faire son travail aujourd'hui compte tenu du fait qu'un seul courtier ou un seul vendeur d'émissions ou de produits de base peut mettre en péril l'ensemble des investissements d'une banque. Je pense que la plupart des Canadiens ne sont pas au courant de cette situation et ne se rendent pas compte qu'à certains moments... Je suis sûr que certaines de nos institutions se trouvent actuellement dans une situation précaire parce qu'elles ont fait des investissements comportant des risques très élevés, et si cela se savait, tous les déposants voudraient évidemment retirer leur argent de ces institutions. Voilà pourquoi certains renseignements ne sont jamais divulgués. Pour essayer de maîtriser la situation, le surintendant fait de temps à autre des déclarations publiques et doit, je suis sûr, rencontrer la haute direction des institutions visées. Beaucoup de changements ont été apportés à la réglementation en 1997 pour permettre l'intervention du surintendant au moment opportun.

On peut comparer cela au prix que le marché est prêt à payer. Les banques peuvent maintenant facturer des frais de service élevés à leurs clients parce que ceux-ci ne savent pas à quel point les frais de service et les taux d'intérêt demandés sur les cartes de crédit sont exorbitants. Si nous connaissions la marge bénéficiaire sur les frais de service et les cartes de crédit, les banques seraient obligées de réduire les frais imposés à leurs clients étant donné que ceux-ci seraient scandalisés de savoir à quel point on profite d'eux. Si les gens savaient aussi à quel point certaines banques prennent des risques avec leur argent, ils s'inquiéteraient davantage. Si l'une des grandes banques devait faire faillite, la SADC aurait beaucoup de mal à verser 60 000 $ à chacun de ses clients.

J'insiste sur le fait que les consommateurs et les actionnaires ont le droit de savoir ce qu'il en est. Les règlements comportent d'importantes lacunes. Comme les consommateurs ne savent pas à quoi s'en tenir, ils ne s'inquiètent pas.

M. Ken Epp: J'aimerais demander aux actuaires si le système d'assurance-dépôts au Canada est sûr? Quelle question!

M. Morris Chambers: Effectivement, quelle question à poser. Je ne pense pas honnêtement pouvoir vous donner une réponse satisfaisante. Je ne me risquerai pas à répondre à cette question. Je ne connais pas suffisamment le sujet. Je présume que David ne le connaît pas suffisamment non plus.

M. Ken Epp: Je vous signale un fait intéressant. Une très grande banque européenne a fait faillite essentiellement parce que l'un des employés avait détourné des fonds. Je ne sais pas si les actuaires y changeraient quoi que ce soit. J'en doute.

M. Morris Chambers: Puis-je rapidement réfuter l'affirmation voulant qu'on réclame des actuaires dans les banques? Nous demandons quelqu'un qui évaluera les risques. Certains actuaires pourraient sans doute faire le travail. L'important, c'est que quelqu'un protège les...

M. Ken Epp: Détenteurs de police.

M. Morris Chambers: Non, les déposants.

Je ne peux pas m'empêcher de prêcher pour ma paroisse.

M. Ken Epp: Très bien.

Monsieur le président, j'ai fini de poser mes questions.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

M. Ken Epp: J'aurai encore beaucoup de choses à dire à Duff, mais je dois m'arrêter.

Le président: Je suis sûr que vous pourrez en parler en dînant ce soir.

Au nom des membres du comité, je vous remercie beaucoup.

Avant de nous quitter, j'ai un commentaire à faire au sujet des rumeurs lancées à tout moment par M. Epp au sujet du déclenchement possible des élections.

M. Ken Epp: J'allais demander aux actuaires de nous en prédire le résultat.

M. Morris Chambers: Nous ne nous occupons pas des jeux de hasard.

Une voix: Et le résultat des parties de base-ball?

Le président: Je tiens à souligner que le secteur des services financiers a fait preuve d'une grande patience pendant ces quatre dernières années qu'il nous a fallu pour finaliser le projet de loi C-38. Si, effectivement, il va y avoir des élections—bien qu'on me dise toujours de ne jamais tenir compte de situations hypothétiques, je vais le faire quand même—je crois fermement que le gouvernement devrait faire de ce projet de loi une priorité, puisqu'il est très important. Comme plusieurs l'ont dit, il mérite d'être adopté rapidement.

Nous ne savons pas si notre comité reviendra ici pour siéger...

M. Ken Epp: Le premier ministre a plus ou moins annoncé des élections.

Le président: ...mais je crois qu'en tant que député j'aimerais vraiment insister pour que ce projet de loi soit traité en priorité.

Monsieur Epp, un dernier commentaire?

M. Ken Epp: Tout simplement pour dire que le premier ministre, a pour ainsi dire annoncé à la Chambre aujourd'hui qu'il y aura des élections, donc c'est certain.

• 1740

Je suis du même avis que notre président. Nous avons aussi l'intention d'accélérer ce projet de loi, lorsque nous serons au pouvoir.

Le président: Eh bien, nous n'attendrons pas longtemps.

La séance est levée.