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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 15 février 2000

• 0937

[Traduction]

Le président (l'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Mesdames et messieurs, la séance est ouverte. Nous entendons aujourd'hui des témoins au sujet du projet de loi C-3, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.

Avant de commencer, je vous rappelle que nous devrons probablement nous rendre à la Chambre des Communes pour voter. Je sollicite donc votre indulgence. Cela signifie toutefois que nous devons commencer immédiatement.

Nos témoins d'aujourd'hui sont Rick Prashaw, coordonnateur des communications et Rita Scott, membre du conseil d'administration. Tous deux représentent le Conseil des églises pour la justice et la criminologie. Nous entendrons également Josh Arnold, avocat de la défense au cabinet Arnold, Pizzo et McKiggan.

Voici comment nous fonctionnons. Chaque témoin dispose d'environ dix minutes pour faire son exposé, puis nous passons à une période de questions qui permet un dialogue.

J'invite donc nos premiers témoins, du Conseil des églises pour la justice et la criminologie, à prendre la parole. Merci beaucoup.

Mme Rita Scott (membre du conseil d'administration, Conseil des églises pour la justice et la criminologie): Merci, monsieur Scott.

Si vous vous demandez ce qu'est le Conseil des églises et ce qu'il fait, permettez-moi de vous présenter mon collègue Rick Prashaw, qui s'occupe des communications du Conseil. Je m'appelle Rita Scott—je ne suis pas parente avec Andy Scott—et je suis membre du conseil d'administration de Vancouver.

Le président: Vous vous êtes sentie obligée de le mentionner.

Mme Rita Scott: Comme je ne sais pas si c'est une bonne chose ou non, j'ai décidé de ne pas prendre de chance.

Vous vous demandez probablement ce que peut bien être le Conseil des églises. Eh bien, il s'agit d'un organisme national qui compte 11 églises nationales représentant 14 000 congrégations— Dieu sait combien d'âmes cela représente en tout. À toutes fins utiles, notre mandat est très vaste d'un bout à l'autre du pays. Nous nous intéressons beaucoup à la nouvelle transition de la Loi sur les jeunes contrevenants à la Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, surtout parce que nous intéressons énormément à la façon dont la justice est rendue au Canada et ce qu'elle signifie pour tous, surtout pour nos jeunes.

• 0940

Nous croyons que par le passé, on a surtout mis l'accent sur le châtiment et la vengeance, ce qui a eu tendance à isoler les personnes accusées et condamnées, qui sont étiquetées comme des «criminelles». Ce régime a créé un fossé profond entre ceux qui par suite de difficultés ont commis des erreurs de jugement en se rendant coupable d'actes qualifiés de criminels, d'une part, et leurs collectivités, d'autre part. Nous voulons parler de ce qui rapproche les communautés et les délinquants, de ce qui aide à apaiser la douleur ressentie par les victimes de ces actes et de ce qui empêche la situation de s'aggraver en creusant davantage ce fossé. L'essentiel, bien sûr, c'est à notre avis de combler ce fossé entre les délinquants et les communautés dont ils sont issus, car en fin de compte, nous appartenons tous à notre communauté.

Parce que le système de justice pénale a toujours été axé sur le châtiment, il ne tient pas compte de bon nombre des raisons d'ordre social qui poussent des jeunes à commettre des crimes. Nous sommes persuadés que pour bien intégrer les enfants dans leurs communautés, pour ressentir de l'empathie envers eux et les aider à comprendre quelles sont les conséquences de leurs actes, il faut donner aux enfants la possibilité d'être sensibiliser à ces choses et de participer au processus, tout en donnant également aux victimes d'actes criminels la possibilité de confronter les responsables de ces actes et de comprendre ce qui a pu les motiver.

Permettez-moi de parler plus particulièrement de la hantise qui existe actuellement dans tout le pays au sujet du crime, surtout en ce qui a trait aux jeunes, même si dans les faits, seule une très faible proportion d'adolescents commet des actes criminels graves. Les gens et plus particulièrement les groupes vulnérables, comme les personnes âgées, ont néanmoins tendance à croire que les adolescents sont de nos jours des hordes de criminels en maraude qui n'attendent qu'une chose: l'occasion de venir chez eux les tuer dans leurs lits, d'incendier leurs maisons, etc. Ce n'est pas une mince affaire que de réunir un jeune qui a peut-être commis un acte horrible contre un membre de sa communauté et la victime de cet acte, d'amener la victime à comprendre que ses craintes étaient peut-être mal fondées, qu'elle s'est tout simplement trouvée au mauvais endroit au mauvais moment, qu'elle avait oublié de verrouiller sa porte ou son garage, qu'elle avait laissé ses effets traîner, etc, mais en tout cas, qu'elle n'était pas personnellement ciblée. Ce sont néanmoins des choses qu'il est vraiment important de dire.

Je vais maintenant laisser la parole à Rick, qui vous donnera plus de détails sur les raisons pour lesquelles nous sommes venus témoigner devant vous aujourd'hui.

M. Rick Prashaw (coordonnateur, Communications, Conseil des églises pour la justice et la criminologie): Dans notre mémoire, nous mentionnons un certain nombre d'affaires qui ont été examinées par les tribunaux. J'en mentionnerai deux, plus particulièrement, parce qu'elles touchent certaines questions abordées dans le projet de loi, mais aussi parce qu'elles expriment les valeurs et les attitudes qui à notre avis, devraient être inhérentes aux questions liées à la justice pénale pour les adolescents, à la délinquance juvénile et aux jeunes coupables de ne pas respecter la loi.

Vous avez récemment entendu un témoin qui a participé à notre atelier de Prince Albert, en Saskatchewan. Au cours de cet atelier visant à promouvoir les collectivités saines et sûres, ce témoin discutait avec un citoyen lequel était exaspéré de certaines dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants, plus particulièrement en ce qui a trait à la partie qui empêche la publication du nom des contrevenants. Il affirmait essentiellement ce qui suit:

    Je ne peux pas comprendre pourquoi leur nom n'est pas rendu public après ce qu'ils ont fait. Je suis fier de mon nom. Il représente qui je suis. Ils devraient être fiers de leur nom aussi.

Un jeune homme qui avait été un jeune contrevenant et qui avait déjà eu affaire au système correctionnel et avait été détenu sous garde assistait à l'atelier. Il a regardé ce citoyen et a demandé la parole. Il lui a répondu:

    Je suis fier de mon nom. C'est celui que portait mon grand-père. Par contre, je ne suis pas fier de tout ce que j'ai fait. En fait, tout le monde dans ma petite ville, à mon école et dans ma rue, savait qui j'étais et ce que j'avais fait. Lorsque j'ai déménagé dans une autre collectivité, si tout le monde avait connu mon nom, je n'aurais jamais pu trouver cet emploi dans un dépanneur qui m'a aidé à reprendre ma vie en main. Je ne serais pas retourné à l'école pour recevoir l'éducation qui a aussi fait une différence. Mes parents, qui avaient déjà été suffisamment éprouvés, auraient pu être la cible de paroles et d'actes malveillants. Je vous demande donc, monsieur, pourquoi voulez-vous savoir mon nom? Est-ce pour me montrer votre sollicitude ou votre compassion ou pour m'offrir votre aide, ou bien est-ce pour me faire déménager, m'empêcher d'avoir un emploi ou de prendre un nouveau départ dans la vie? Pourquoi voulez-vous savoir mon nom?

• 0945

Je pose la même question aujourd'hui aux législateurs et à tous les Canadiens: pourquoi voulons-nous connaître le nom de ces jeunes et quelle sera notre attitude fondamentale à leur égard? Sommes-nous ici pour les aider ou pour leur nuire? Restent-ils, oui ou non, des membres de notre collectivité après avoir commis un acte criminel?

Le prophète Isaï, dans la tradition judéo-chrétienne, cite les propos de Dieu: «Dès les entrailles de ma mère il a prononcé mon nom». Nous croyons qu'il s'agit là de notre dignité ultime qui nous permet de fonder nos rapports avec autrui et de nous respecter mutuellement. Dieu n'a pas dit: «Je t'ai appelé par ton nom. Tu es un jeune contrevenant».

Nous avons maintenant l'occasion de renoncer aux étiquettes et à la recherche de boucs émissaires qui blessent et aliènent les jeunes. Cet étiquetage ne contribue d'ailleurs en rien à rendre nos collectivités plus sûres. En essayant d'être vertueux—et encore, ce n'est pas certain—peut-être nous blessons-nous davantage. Il nous faut pouvoir rejeter le blâme sur quelqu'un pour pouvoir nous sentir mieux. Traditionnellement nous avons agi ainsi envers les êtres faibles, différents de nous, ou ceux que nous ne connaissons pas ou dont nous n'avons pas besoin.

Voici la deuxième affaire judiciaire. Vous vous souvenez tous de la fusillade horrible qui a eu lieu dans une école secondaire à Taber, en Alberta, mettant en cause le révérend Dale Lang, un prêtre anglican, et sa famille. Le révérend Dale Lang et d'autres ont parcouru tout le pays depuis cette date pour parler de notre société brisée et de notre besoin de rétablissement.

Après les événements, la mère de Jason et la mère du jeune responsable de la fusillade se sont rencontrées et elles suivent leur propre chemin vers la guérison. Le magazine BC Report a cité la déclaration suivante de Mme Lang: «Lorsque nous nous sommes rencontrées (les mères), nous nous sommes étreintes. Que pouvions-nous faire d'autre?» La mère du jeune accusé a affirmé:

    «Les larmes servent à évacuer le chagrin. L'approche merveilleuse de Mme Lang et de son mari nous a permis de poursuivre notre vie. Sans cette approche, une foule en colère aurait pu nous attendre à la porte, ou lancer des pierres dans nos fenêtres. J'ai pu retourner au travail, ce que je n'aurais pas pu faire s'il y avait eu un esprit de vengeance.»

Le procureur de la Couronne de Taber, en Alberta, a déclaré à la famille Lang que chaque fois qu'un jeune tue une personne au Canada, le gouvernement reçoit des appels et des lettres réclamant le resserrement de la LJC. Grâce à l'exemple qu'a donné la famille Lang dans cette situation, personne n'a appelé.

Ces défis, ces appels en faveur d'un changement d'attitude ne sont jamais faciles et ne devraient pas être exigés ou arrachés de force à une personne. Nous apprenons que nous avons tous l'occasion de faire face douloureusement et honnêtement à la vérité de notre vie, d'être sensibles à l'égard d'autrui et de nous traiter les uns les autres de façon équitable. Certaines personnes choisissent de pardonner et se sentent libérées. Par contre, le pardon ne minimise, n'excuse ou n'efface jamais ce qui s'est passé et ne devrait jamais être obtenu de force de quelqu'un. Les collectivités qui reçoivent de l'aide pour guérir et à qui l'on offre d'autres voies que la bataille judiciaire contradictoire peuvent en fait réclamer un résultat différent.

C'est ici que nous souhaitions terminer notre exposé. Rita a déjà eu des contacts avec certains mécanismes de justice réparatrice.

Mme Rita Scott: Permettez-moi de vous raconter deux ou trois cas dont j'ai fait l'expérience dans le contexte de la justice réparatrice sous forme de groupes de consultation familiale. Tout d'abord, je dois vous dire que j'ai vécu à Fort St. John, en Colombie-Britannique, pendant deux ans. Pendant mon séjour, j'ai décidé d'examiner si cette collectivité était d'une taille suffisante ou suffisamment réceptive... si les gens seraient prêts à accepter l'idée d'accorder aux jeunes contrevenants un traitement plus holistique que ce qui s'est toujours fait dans le système judiciaire. Cela m'intéressait, car comme dans tous les tribunaux provinciaux du pays, mais sûrement en Colombie-Britannique, lorsqu'un jeune contrevenant se présente devant le tribunal, vous savez que la procédure durera probablement au moins un an. Après sa huitième comparution, si vous demandez au jeune ce qui s'est produit à l'audience, il vous dira que des gens sont venus témoigner, qu'il n'en sait trop rien mais qu'il doit y retourner. C'est à peu près tout.

J'ai rencontré les agents de la GRC. Nous avons créé un groupe. Nous avons consulté la collectivité. Nous avons entendu tous les gens de la ville qui étaient prêts à venir nous rencontrer. Nous avons tenu des lignes ouvertes radiophoniques, nous avons publié des articles dans les médias, etc. Il est clairement ressorti que la collectivité était majoritairement en faveur de ce processus de groupes de consultation familiale.

Nous avons formé des animateurs et nous avons lancé le programme. Lorsqu'un jeune commettait un acte criminel et que les policiers voulaient l'orienter vers le programme, nous amenions le jeune à une table ronde à laquelle participaient la victime ainsi que tous les membres de la famille et amis dont la victime souhaitait la présence, puis nous passions en revue ce qui s'était produit.

• 0950

Permettez-moi de vous parler d'un incident plus particulièrement. Une jeune fille dans une école secondaire avait téléphoné pour faire une alerte à la bombe dans son école. C'était une blague. Elle était avec un groupe de ses amis. Ces jeunes avaient décidé l'après-midi de faire l'école buissonnière. Ils pensaient que ce serait une bonne blague. Ce qu'ils ne savaient pas, c'est que le directeur de l'école faisait garder son enfant de quatre mois à la garderie de cette même école. Inutile de dire qu'il était mort de peur, en plus d'être déchiré parce qu'il voulait veiller à la sécurité de son enfant, aller le chercher à la garderie et le sortir de l'école mais qu'il avait aussi des responsabilités quant à la sécurité de toutes les personnes dans le bâtiment.

On a entrepris une enquête et on a identifié la coupable. Des démarches ont été faites. Le directeur de l'école secondaire souhaitait vivement que l'on procède au moyen d'un groupe de consultation familiale. Nous avons donc réuni la jeune fille, sa famille, les amis qui étaient avec elle ce jour-là, la secrétaire qui a répondu au téléphone, certains des enseignants qui étaient présents et qui avaient dû évacuer l'école, l'agent de police qui s'occupait du dossier et le directeur de l'école. Nous nous sommes tous assis en cercle. Nous avons discuté de façon organisée et sensible, mais aussi de façon très honnête.

Lorsque la jeune fille a vu le directeur en larmes décrire l'horrible dilemme auquel il avait été confronté et tout ce qu'il avait fallu faire, cela lui a causé un choc énorme. Cela ne se serait jamais produit devant un tribunal. Elle n'aurait jamais eu à dire un mot. Personne n'aurait compris ce qui s'était produit. Elle n'aurait jamais su ce qu'avait ressenti la personne à qui elle avait le plus gravement nui.

Le résultat a été formidable. Je pourrais vous décrire le travail qu'elle a fait à la garderie, les efforts qu'elle a faits pour convaincre ses collègues que des actes stupides et irréfléchis commis sur un coup de tête peuvent avoir des effets de longue durée, etc., mais je puis vous dire en tout cas que cela a été une révélation pour cette jeune fille, ainsi que pour le directeur de l'école, qui a mieux compris comment ces choses-là peuvent se produire. Ils ont eu ainsi une merveilleuse occasion de résolution et de rétablissement qui ne se serait jamais produite dans le système judiciaire.

Il y a également un autre cas qui s'est produit lorsque j'habitais à Mackenzie, juste au nord de Prince George. Il semble que j'ai passé toute ma vie dans les régions sauvages du Nord, mais ce n'est pas entièrement vrai.

Quand je vivais à Mackenzie, des jeunes ont décidé de faire la fête, une fin de semaine, alors que leurs parents n'étaient pas à la maison. Leur fille de 14 ans était à la maison, et la supervision consistait à se présenter chez un voisin. Deux de ses amis ont décidé de venir chez elle avec leurs amis et de faire un party. C'est une histoire que vous avez tous entendue déjà des millions de fois.

Ce sont deux jeunes de 14 ans et la jeune soeur de 12 ans de l'un d'eux qui ont lancé l'affaire. D'autres jeunes sont venus et il y en avait environ 30 en tout. Ils se sont tous enivrés. Durant le party, la jeune fille de 12 ans est tombée sur une table basse à plaque de verre et elle s'est coupée gravement; en fait, l'incident aurait pu être fatal. Elle saignait énormément. Quelqu'un a composé le 911 et les policiers sont arrivés. La jeune fille a été amenée à l'hôpital. L'un des policiers a essayé de s'occuper du reste du groupe. Les deux jeunes filles de 14 ans se sont ruées sur lui, à l'extérieur de la maison, et l'ont jeté par terre. Elles ont utilisé, pour l'injurier et le décrire, des termes qui vous feraient rougir.

Elles ont été amenées au détachement de police et placées dans des cellules. On a réussi à rejoindre les parents sur leur téléphone cellulaire. Ils s'étaient rendus à Prince George pour faire leurs achats de Noël. Au téléphone, ils entendaient les policiers qui leur parlaient de la réception du détachement de la GRC et en toile de fond, ils pouvaient entendre leur fille de 14 ans hurler des obscénités à partir de sa cellule.

À leur retour, ils se sont d'abord rendus à l'hôpital où ils ont dû s'occuper de leur fille de 12 ans, qui était furieuse et qui hurlait, en plus d'être complètement saoule, pendant qu'on lui faisait des points de suture pour lui sauver la vie. Ils se sont ensuite rendus au détachement pour s'occuper de leur autre fille de 14 ans. Ils l'ont entendu prononcer des mots qu'ils n'auraient jamais imaginé entendre de sa bouche.

Nous avons tenu un groupe de consultation familiale sur la proposition du juge chargé de l'affaire. Le père de ces deux filles était un bûcheron. Il travaillait dans le bois pendant des jours d'affilée, puis il revenait chez lui pendant quelques jours. Ses études se résumaient à la sixième année primaire. Il gagnait beaucoup d'argent, il avait une bonne maison et il achetait beaucoup de bonnes choses. Il traitait très bien sa famille. C'était un homme solide et vaillant.

• 0955

En cercle, nous allons discuter de tout ce qui s'était produit. Quand on a demandé au père ce qu'il en pensait, il s'est effondré. Il a dit: «Je n'arrive pas à croire ce qui m'arrive.» Il a dit ensuite à quel point il était effrayé par ce que faisait sa fille. On a ensuite demandé aux frères et soeurs plus jeunes de l'autre fille de 14 ans ce qu'ils avaient à dire. Une soeur plus jeune a dit: «Quand tu sors le vendredi soir, je ne sais jamais si je te reverrai un jour. Tu fais des choses tellement folles que je ne sais jamais si tu vas en sortir vivante.»

Ce sont des choses dont on peut discuter autour d'une table. À l'issue de cette consultation, les deux jeunes filles de 14 ans ont créé un petit groupe de travail dans leur école secondaire et elles ont ouvert un centre dans lequel les adolescents pouvaient venir librement les fins de semaine, pour éviter qu'ils aillent acheter de l'alcool et qu'ils tiennent des parties, que ce soit dans les bois ou dans des maisons dont les occupants sont absents.

La collectivité a fait de grands efforts pour lutter contre de tels comportements, et ces deux jeunes filles en ont été un élément important. Elles étaient très intelligentes et pleines d'énergie, et elles ont redressé la barre. On a demandé à la propriétaire de la maison où les événements avaient eu lieu ce qu'elle pensait de tout cela. Elle a dit: «Je veux que ces enfants reçoivent de l'aide pour qu'ils cessent de consommer de l'alcool et je veux qu'ils soient en sécurité. Je veux que tous les enfants de notre collectivité soient en sécurité.» C'est ce qu'elle voulait.

Dans ces groupes de consultation, les victimes posent constamment les questions suivantes: «Pourquoi m'avoir choisie? Pourquoi moi?» Il est important pour elles que l'accusé explique comment les choses se sont produites et je puis vous assurer que dans la plupart des cas, le choix de la victime est une pure coïncidence. Il y a eu par exemple le cas d'un jeune qui s'est rendu dans un chalet, dans les bois, et qui a causé des dégâts en arrosant le chalet avec le contenu de l'extincteur d'incendie. Lorsque le juge a établi la peine, il a déclaré: «Tu vas t'asseoir avec la victime et avec l'agent de probation et expliquer tes actes à la propriétaire de ce chalet», laquelle n'y était pas retournée parce qu'elle avait trop peur.

Il s'agissait d'un jeune garçon de 14 ans, élevé par sa mère qui travaillait le quart de minuit dans un 7-Eleven. En fin de compte, il est allé nettoyer le chalet avec la propriétaire, qui était une femme plus âgée. Le jeune garçon et sa mère se sont rapprochés de la famille de la propriétaire. Ils vont chez eux pour les vacances. Une relation s'est établie. Ce genre de rétablissement n'aurait jamais pu se produire dans le système de justice pénale.

Cela ne signifie pas pour autant que tous les actes criminels peuvent être réglés de cette façon. Mais cette solution pourrait s'appliquer à une vaste proportion des affaires dont sont saisis les tribunaux pour adolescents au Canada. Je ne dis pas qu'il faut adopter cette solution parce qu'elle coûte moins cher—même si c'est le cas, et de loin. Nous devrions l'adopter parce que c'est la bonne solution. Elle accroît la sécurité dans nos collectivités. Lorsque des personnes âgées peuvent sourire et saluer des jeunes dans un centre commercial, c'est évidemment parce qu'elles n'en ont pas peur. Ce n'est pas possible à l'heure actuelle, à cause du fossé qui s'est creusé entre les gens. Ce qu'il faut, c'est rapprocher les gens et accroître la sécurité.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

Vous avez pris plus de temps que prévu—vous êtes peut-être parente avec moi. Je vais maintenant donner la parole à M. Arnold.

M. Josh Arnold (avocat de la défense, Arnold, Pizzo et McKiggan): Merci. Je suis avocat de la défense à Halifax. J'ai été procureur de la Couronne et j'ai poursuivi des adultes et des jeunes délinquants pour tous les crimes décrits au Code criminel. Je défends maintenant les adultes et les jeunes délinquants accusés de ces mêmes crimes, du vol à l'étalage jusqu'au meurtre. J'ai défendu des causes devant tous les types de tribunaux au Canada.

Je n'ai pas de grandes théories ni de formules ésotériques à vous proposer. J'aimerais toutefois discuter de deux problèmes pratiques, vus sous l'angle de l'avocat de la défense et les avocats en exercice. Je voudrais également signaler certains bons aspects de la loi proposée.

Tout d'abord, je tiens à parler de l'article 145 du projet de loi. L'article 145 porte sur les déclarations. Il semble que ce soit une excellente disposition, sauf pour ce qui est du paragraphe 145(6).

Dans la Loi sur les jeunes délinquants actuelle, il existe une protection minimale permettant de traiter un adolescent comme un adulte pour ce qui est de recueillir les déclarations. Il ne faut pas oublier que lorsqu'une personne est arrêtée, il existe un énorme écart entre les pouvoirs de la personne qui est amenée au poste de police et ceux du policier qui essaie d'obtenir une déclaration. C'est vrai dans le cas d'un adulte vis-à-vis d'un policier, mais cet écart est encore plus grand lorsqu'il s'agit d'un adolescent et d'un policier.

• 1000

L'article 145 conférait automatiquement à l'adolescent des droits qui se trouvent érodés au paragraphe 145(6) proposé du fait que cette disposition autoriserait que soit admis en preuve une déclaration d'un adolescent même si ces droits n'ont pas été entièrement respectés. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi nous avons besoin d'une telle disposition.

Les agents de police sont formés à l'interrogatoire des prévenus, que ce soit des adolescents ou des adultes. Malgré ce que l'on peut voir à la télévision, la vaste majorité des adolescents qui enfreignent les lois sont des personnes vulnérables, faciles à contraindre, à intimider et à impressionner et, dans bien des cas, qui font tout pour attirer l'attention. Il n'est donc pas difficile, généralement, d'obtenir qu'ils fassent des déclarations, même si toutes les dispositions ne sont pas bien respectées. Dans la plupart des cas, il suffit que quelqu'un les écoute et leur demande de faire une déclaration. Pourquoi ne pas exiger que soient protégés les droits qui, selon l'article 145, doivent être respectés?

Je traite avec des policiers tous les jours, et certains se plaignent de ce que les droits conférés par la Loi sur les jeunes contrevenants sont trop complexes et trop difficiles à respecter. Je leur réponds généralement que si les policiers s'attachaient à ce que les droits des adolescents soient respectés au départ plutôt que de chercher à obtenir des déclarations, le problème ne se poserait pas.

Pourquoi les policiers trouvent-ils cela si compliqué?

Ils doivent veiller à ce que l'adolescent sache qu'il peut consulter un parent. Ce n'est pas très compliqué. Ils doivent veiller à ce que l'adolescent ait le droit d'être représenté par un avocat. Cela n'est pas très compliqué non plus. Ils doivent veiller à ce que, si l'adolescent décide de se prévaloir de ce droit de consulter un avocat ou un parent, il ait l'occasion de le faire avant de décider de faire une déclaration. Cela n'a rien de compliqué. Ils doivent veiller à ce que l'avocat ou le parent soit présent lorsque l'adolescent fait la déclaration. C'est assez simple. Et ils doivent informer l'adolescent qu'il a le droit de ne rien dire avant de faire une déclaration.

Les policiers doivent également expliquer tout cela dans des termes que l'adolescent peut comprendre, en fonction de son âge. Il n'est pas suffisant de lire ce qui est écrit sur un carton et d'espérer qu'il comprenne. Ils doivent s'assurer que le message est compris. Ils doivent veiller à ce que la déclaration soit faite de façon volontaire et si le jeune décide de renoncer à ses droits, il doit le faire soit sur bande vidéo, soit par écrit. Ce n'est pas très compliqué.

Rien de tout cela ne serait bien difficile si l'on mettait d'abord l'accent sur les droits de l'adolescent et pas seulement sur la façon de lui soutirer une déclaration. Si le respect des droits entrave l'obtention d'une déclaration, c'est un problème pour les policiers. Cela ne devrait pas être le problème de l'accusé.

L'État dispose également d'un énorme pouvoir lorsqu'une personne est arrêtée ou commet des actes contraires à ses voeux. L'adolescent se trouve confronté à tout l'argent et à tout le pouvoir des services policiers et de l'État, et il faudrait que soient établis certains droits devant être respectés obligatoirement avant qu'une déclaration puisse être jugée admissible.

Pourquoi ne pas s'assurer que le témoignage est donné par écrit, ou sur bande vidéo ou audio?

Le paragraphe 145(6) change les choses: on ne se demande plus si les droits de l'adolescent ont été respectés, mais si le policier a agi de bonne foi ou si l'infraction est grave. Si l'on considère que l'infraction est très grave ou s'il n'y a pas eu de mauvaise volonté de la part du policier, d'après mon interprétation du paragraphe 145(6), la déclaration est automatiquement admissible. Un adolescent, accusé de voies de fait, pourrait donc avoir moins de droits qu'un autre, accusé de vol à l'étalage. Il n'en va pas ainsi pour les adultes.

Si les policiers reçoivent la formation nécessaire sur les droits des accusés, et s'il y a suffisamment de ressources, il ne devrait pas y avoir de problème.

La Loi sur les jeunes contrevenants reconnaissait la vulnérabilité des adolescents devant un représentant de l'autorité, ce que ne fait pas le paragraphe 145(6).

Le deuxième aspect du projet de loi dont je voulais parler, ce sont les dispositions relatives à la mise sous garde et à la surveillance, prévues à l'article 41. Cet article prévoit que deux tiers de la peine seront purgés sous garde, et un tiers, dans la communauté. C'est à mon avis un aspect très positif de ce projet de loi. Si certains se plaignent de cet article ou de ces paragraphes, je pense que c'est faute de comprendre que les adultes et les adolescents sont traités très différemment.

• 1005

Je rencontre régulièrement des adolescents et leurs parents. Lorsqu'on me présente à un adolescent, c'est pour lui un moment difficile, nous discutons de ce que pourrait être la peine qu'on lui imposera, du temps qu'il pourrait passer sous garde. On lui explique que si on lui impose une peine de deux ans, il passera deux ans sous garde, contrairement aux adultes, qui purgeraient deux tiers ou un tiers de cette peine sous les verrous, ou quelque chose comme ça. L'adolescent comme ses parents sont très étonnés, et parfois même les policiers, qui ne comprennent pas cela, pas plus que la communauté.

La Loi sur les jeunes contrevenants ne prévoyait pas de temps d'intégration, avec soutien et surveillance, contrairement à cette disposition. Beaucoup de jeunes sont traduits devant les tribunaux et purgent une peine sous garde. S'ils viennent d'un environnement médiocre, disons, où il n'y a pas vraiment de surveillance ni de soutien parental, on leur impose une mise sous garde. À leur sortie, contrairement aux adultes, ils n'iront pas dans une maison de transition. Ils ne sont pas en libération conditionnelle; ils sont immédiatement libérés et reviennent dans l'environnement criminogène où ils vivaient auparavant.

Si cette surveillance obligatoire à la libération est mise en place, je crois que sera très positif. Les contrevenants qui, à leur sortie, ne suivraient pas à la lettre leurs conditions de libération reviendraient sous garde, jusqu'à ce qu'ils puissent être libérés de nouveau, pour voir s'ils peuvent respecter ces conditions.

Actuellement, il n'y a pas de disposition de ce genre. Pour les jeunes qui sont libérés et qui sont en probation, certains prétendent que la probation suffit, et qu'il faudrait émettre une ordonnance de probation obligatoire. Mais s'ils sont libérés et en probation, qu'ils font tous des bêtises, ou qu'ils ne suivent pas exactement les conditions de la probation, les contrevenants reviennent immédiatement sous garde. Ils sont accusés d'une autre infraction et le cycle continue. Ils peuvent attendre de six mois à un an avant d'être de nouveau devant un tribunal. Si on leur impose une mise sous garde à cause de ce bris de probation, elle peut se produire un an après le fait. S'ils sont en surveillance obligatoire, ils reviennent immédiatement sous garde, s'il y a eu des bris de condition.

Je pense que c'est une étape très positive et j'espère qu'on ne l'enlèvera pas du projet de loi.

Au sujet des infractions désignées, dans l'article des définitions du projet de loi, je vois une disposition du genre «retrait après trois prises», ou alors, après trois fautes, on vous fait un procès comme à un adulte. Cela me préoccupe fort. Cette règle semble fondée sur un sport, la base-ball, plutôt que sur le bon sens. Pourquoi a-t-on choisi le base-ball? C'est une idée américaine, pas canadienne. On aurait pu choisir quatre essais ou cinq balles, ou quelque chose d'autre.

Je ne sais pas d'où est venue l'idée des trois fautes, mais si un jeune, dans une cour d'école, en bouscule un autre pour lui voler son chapeau, il pourrait être accusé de vol qualifié avec violence. En effet, il a recouru à la force pour prendre quelque chose à un autre enfant. Le juge à son procès veut lui donner la peur de sa vie et lui dit que c'est une infraction très grave, que c'est une infraction violente et que s'il était un adulte, il serait passible de détention à perpétuité. Cette bousculade et ce vol de chapeau sont sa première prise ou faute. S'il récidive deux autres fois et qu'il tombe sur un juge qui veut en faire un exemple, tout d'un coup, il a ses trois prises et on le retire.

À bien y penser, c'est quelque chose qui pourrait avoir un effet très négatif, très rapidement, selon le milieu. Ce n'est fondé sur aucune logique; on suit, à tort peut-être, un modèle américain.

Je pense que j'arrive à la fin du temps qui m'était imparti. J'ai encore un commentaire.

On envisage d'abaisser l'âge auquel un jeune pourrait être aux prises avec le système pénal. Je pense que ce serait horrible, du moins d'un point de vue pragmatique.

Il est déjà assez difficile d'expliquer la défense de la légitime défense, déjà très compliqué aux yeux d'un adolescent de 12, 13 ou 14 ans qui vient dans votre bureau avec ses jouets, avec des soldats de plomb. Vous essayez de lui expliquer la très complexe défense de la légitime défense. Ce serait un cauchemar et, à mon avis, irréaliste, de supposer qu'un enfant de huit ou neuf ans puisse comprendre la procédure à laquelle il est mêlé.

• 1010

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Passons maintenant à nos collègues. Monsieur Cadman, vous avez sept minutes.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je remercie tous nos témoins d'être là aujourd'hui. Je crois que c'est le début d'une longue journée pour nous tous.

J'ai une question sur les informations nominatives, et sur la distinction entre l'identification et la publication. À votre avis—ma question s'adresse à tous les témoins—y a-t-il des cas où la publication, ou du moins l'identification du contrevenant devrait être possible, ou est-ce toujours exclu?

Mme Rita Scott: Si vous permettez que je réponde: la Loi sur les jeunes contrevenants permet la publication des noms, dans des conditions très précises. On l'avait certes prévue non seulement pour appréhender le contrevenant qui a commis un crime grave, mais aussi par souci de la sécurité et du bien-être de l'adolescent qui pouvait avoir commis le crime. Je pense que c'était sensé.

Mais rappelons-nous ce que disait cette jeune personne au comité: «Dans ma communauté, tout mon entourage savait qui j'étais et ce qui était arrivé». Je pense qu'il y a en général suffisamment d'information qui circule dans une communauté, au sujet d'une jeune personne, pour que si on cherche cette personne, étant donné la procédure prévue dans le cadre du système, on peut régler le problème de publication nécessaire.

On peut par exemple laisser savoir au personnel des douanes qu'on cherche une certaine personne, au cas où elle franchirait la frontière. D'autres corps policiers qui font des enquêtes peuvent être avisés, sans qu'il soit nécessaire d'en faire état dans les journaux. Il faut toujours tenir compte de la présomption d'innocence—si une erreur a été commise, on risque d'avoir causé des torts irréparables à cet adolescent.

Je pense que nous avons déjà tout ce dont nous avons besoin.

M. Chuck Cadman: Monsieur Arnold.

M. Josh Arnold: C'est toujours une question délicate. Quand c'est une question de sécurité publique, par exemple s'il y a un mandat d'arrestation et que personne ne trouve l'adolescent, il devrait y avoir un moyen d'essayer de mettre la main au collet de quelqu'un qu'on doit traduire devant les tribunaux. Toutefois, pour ce qui est de la publication du nom des personnes qui ont été condamnées pour certains crimes, je pense qu'il faut l'exclure, puisqu'une personne qui commet certains actes à 14 ou 15 ans serait alors stigmatisée à jamais. Certains estiment que ce ne devrait peut-être pas être le cas, mais je pense que nous savons tous que la personne que nous sommes à 14 ou 15 ans n'est certainement pas la même que celle que nous devenons à 35 ou 40 ans. Faut-il être marqué à vie? Je ne crois pas.

M. Chuck Cadman: Très bien. Mais pourquoi pas l'identification, plutôt que la publication? Il y a une grande différence entre les deux.

Je peux parler à Mme Scott. Je suis certain que vous êtes au courant du cas, il y a sept ans et demi à Courtenay, d'un jeune contrevenant n'ayant pas été identifié, qui avait été reconnu coupable d'une infraction sexuelle à la suite de laquelle une petite fille de six ans est décédée.

Mme Rita Scott: Non, monsieur Cadman. Au risque de dire quelque chose que vous ne voudrez peut-être pas entendre, je ne voudrais pas diminuer de quelque façon que ce soit...

M. Chuck Cadman: Je suis prêt à entendre n'importe quoi.

Mme Rita Scott: ...la gravité de cette tragédie en particulier, mais je suis plutôt portée à croire que les cas d'exception ne font pas de bonnes lois. Comme mon collègue vient de le dire, les choses qui nous suivent éternellement peuvent faire tellement de tort par rapport à ce que l'on aurait pu faire si on avait été au courant. Franchement, je pense que le tort que l'on causerait dépasserait de loin les avantages que l'on pourrait en retirer si l'on commençait à identifier.

M. Chuck Cadman: Très bien. Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup.

Je souhaite la bienvenue à mon collègue de Portneuf, l'endroit où l'on retrouve le deuxième meilleur sirop d'érable au monde, M. de Savoye.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Merci, monsieur le président, mais permettez-moi d'apporter une correction à vos propos: c'est vous qui avez le deuxième meilleur sirop d'érable au monde.

Madame et messieurs les témoins, merci d'être venus, ce matin, nous donner votre point de vue.

• 1015

La question des jeunes contrevenants est une question qui, depuis un certain temps, a pris beaucoup d'importance dans nos débats. C'est une question qui, d'une certaine manière, ne semble pas tenir compte du fait que la criminalité juvénile au Canada est à son plus bas niveau depuis nombre d'années. C'est particulièrement le cas au Québec, où la criminalité juvénile est encore plus basse que dans le reste du Canada.

Je vais exprimer un point de vue et j'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez en fonction de votre perception des choses. Lorsqu'un jeune commet un méfait, généralement, il ne songe pas aux conséquences judiciaires. D'ailleurs, bien souvent, il n'a même pas accordé de considération aux conséquences humaines. Pour cette raison, la prémisse selon laquelle un durcissement de la loi à l'endroit des jeunes contrevenants aurait pour effet d'en réduire le nombre m'apparaît fausse.

Tout le monde sait que les avocats connaissent bien la loi, mais est-ce qu'ils la respectent mieux que le commun des mortels, qui la connaît beaucoup moins bien? Je sais, monsieur Arnold, que vous connaissez bien la loi et que vous la respectez. Mais fondamentalement, ne vaudrait-il pas mieux investir dans la prévention et la réhabilitation plutôt que de durcir les lois? La position du Québec, au sujet de ce projet de loi, a été de conserver la loi actuelle, qui donne de bons résultats, et de continuer à améliorer l'investissement dans la prévention et la réhabilitation. Quelle est votre opinion à ce sujet?

[Traduction]

M. Rick Prashaw: Ma première réponse serait de dire que vous avez tout à fait raison de signaler les statistiques actuelles en matière de criminalité. Je pense que nous devons y accorder une certaine attention, pour voir les choses dans leur juste perspective et mieux éduquer la population. C'est un élément. Lorsque le taux de criminalité commence à monter en flèche, comme cela a été le cas à certaines périodes de notre histoire, sans monter vraiment en flèche, nous devons nous demander si les outils dont nous disposons à l'heure actuelle donnent de bons résultats.

Je pense que nous devons poser des questions fondamentales que vous abordez, je pense, en ce qui a trait à la prévention et à la réadaptation. La loi ne devient qu'un outil parmi tant d'autres pour assainir nos collectivités et faire en sorte qu'elles établissent des liens. Nous aimerions que la loi soit cet instrument d'éducation. Nous aimerions que ces jeunes y réfléchissent à deux fois. Parfois, ils ne réfléchissent même pas une fois avant d'agir, tout comme nous ne réfléchissions pas une seule fois, tout comme je ne réfléchissais pas à une certaine époque—je ne veux pas parler pour vous, mais je parle pour moi- même, je pensais à autre chose que la loi. Nous tentons de faire passer des messages par la loi.

Je pense que c'est Ross Hastings de l'Université d'Ottawa qui m'a été très utile. Il a dit que nous nous accrochions à cette théorie tridimensionnelle de la dissuasion et de la dénonciation. Nous voulons éduquer les gens, de sorte que nous voulons qu'ils soient tenus responsables. Nous voulons qu'ils soient responsables. Nous voulons qu'ils tirent toutes les leçons à tirer du Code criminel. Cependant, nous nous y prenons mal pour le faire, et ils ne sont pas en mesure de recevoir ces messages pour toutes sortes de raisons, notamment leur âge et les circonstances. Par conséquent, ils ne tirent pas de leçon.

C'est pourquoi je pense que ce à quoi Rita fait allusion, certains procédés de récupération qui réduisent l'écart, qui permettent une interaction humaine... lorsqu'une personne se met dans tous ses états parce qu'elle est une victime, ce qui est tout à fait normal lorsque l'on est une victime, et qu'elle veut dire ce qu'elle ressent, l'audience du tribunal est suspendue. La première réaction est de se dire en tant qu'être humain: «eh bien, nous allons suspendre l'audience maintenant pour que nous puissions tous revenir ensemble.» C'est là où un processus de réparation ouvre une porte pour laisser cette personne être humaine et pour que ces jeunes entendent. «Oh, je croyais qu'un tel avait une assurance. Ce n'est pas grave.» On leur explique que cette personne a perdu des journées et du revenu. Ils commencent à entendre et «pourquoi ma maison?»

• 1020

Je pense que j'aime beaucoup ce que j'ai observé au Québec avec votre approche. J'aime bien l'approche sociale, axée sur la prévention et la réadaptation. J'espère que nous ne devons pas considérer ce projet de loi que vous examinez comme étant la panacée pour rendre les collectivités plus saines et plus sûres.

Le président: M. Arnold ou Mme Scott aurait-il quelque chose à ajouter? Nous avons environ une minute.

Mme Rita Scott: Je voudrais tout simplement dire ceci. Malheureusement, ce que nous faisons parfois en ce qui concerne la législation visant les jeunes contrevenants, c'est que nous réagissons après-coup. C'est tout simplement ainsi que les choses se passent. Honnêtement, je crois—je suis moi aussi avocate et j'ai été agent de probation et travailleuse sociale et je suis mère. J'ai passablement d'expérience et je puis vous dire que si nous avions même une fraction des ressources dont nous avons besoin ici au pays pour lutter contre l'alcoolisme et la toxicomanie au pays, nous aurions une fraction du taux de criminalité qui existe chez les jeunes à l'heure actuelle. C'est vraiment un gros problème.

Le président: Monsieur Arnold.

M. Josh Arnold: Je peux vous assurer que la majorité des jeunes n'ont aucune idée des conséquences juridiques de leurs actes. Il y a un petit groupe de jeunes qui, je dirais, ont grandi dans des familles où il y avait de la criminalité—peut-être que leur père est allé en prison à maintes reprises—et qu'ils ont peut-être une idée de ce qu'ils risquent lorsqu'ils s'introduisent par infraction dans une maison qui n'est pas la leur. Mais la majorité des jeunes n'ont aucune idée, et la première fois qu'ils entendent parler des conséquences, ce n'est pas lorsqu'ils se font arrêter et lorsqu'ils sont mis en accusation devant le tribunal, mais lorsqu'ils s'assoient en fait avec un avocat et qu'ils se font finalement expliquer la situation dans laquelle ils se sont placés.

S'il y avait un système d'éducation en place, dans les écoles ou ailleurs, pour expliquer le genre de problèmes auxquels ils risquent d'être confrontés, cela pourrait faire une grande différence.

[Français]

Le président: Je vous remercie ainsi que M. de Savoye.

[Traduction]

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, monsieur Scott, et merci à tous pour votre exposé. M. Prashaw a comparu devant notre comité à maintes reprises et nous a exposé chaque fois un excellent point de vue, je pense, et un bon aperçu de la situation, particulièrement en ce qui a trait au modèle de justice réparatrice.

Chaque fois que nous nous penchons sur la question de savoir comment traiter les jeunes qui sont aux prises avec le système judiciaire—et je pense que le projet de loi à l'étude établit une distinction nette entre les infractions violentes et les infractions non violentes. Les deux termes qui me semblent toujours me venir à l'esprit chaque fois que j'entends l'expression «justice réparatrice» sont le ressort psychologique et les ressources—le ressort psychologique des victimes pour ce qui est de leur capacité à passer à travers ce processus car, comme vous pouvez tous le reconnaître, la plupart des victimes ne sont pas là de bon gré; elles ne veulent pas se retrouver dans cette situation. Et les ressources semblent être l'autre élément, peut-être l'élément le plus important, qui permet à ce modèle de justice réparatrice d'être efficace.

Je suis certainement d'accord pour dire que dans de nombreux cas, le processus stérile du tribunal ne fonctionne pas pour ce qui est de l'aspect humain de la guérison et de la réadaptation, non seulement de la victime mais aussi de l'accusé, car ils ne font pas vraiment face aux conséquences dans de nombreux cas, particulièrement devant le Tribunal de la jeunesse.

Avec tout le respect que je vous dois, n'êtes-vous pas d'avis que même pour les infractions relativement mineures contre la propriété, notre système judiciaire doit prévoir un élément de dissuasion? Il doit y avoir une certaine responsabilisation. Je suis franchement d'avis, pour avoir parlé tant à des jeunes qu'à des agents de probation et des personnes qui travaillent au tribunal pour adolescents—madame Scott, vous en avez fait vous- même l'expérience, en particulier en tant que mère de jeunes adolescents. J'ai l'impression que les jeunes lorsqu'ils quittent le tribunal ou le bureau de leur avocat se disent que la loi, l'ancienne loi, les protège, ne les tient pas responsable, mais les protège. À tort ou à raison, c'est l'impression que donne l'ancienne loi ici au Canada. J'aimerais tout simplement savoir ce que vous en pensez.

Mme Rita Scott: Monsieur MacKay, je peux honnêtement dire je pense que je ne connais absolument aucune preuve nulle part où la méthode dure donne de bons résultats. Lorsque vous parlez de responsabilisation, je me demande immédiatement devant qui la personne doit être responsable? Si le jeune doit parler à la personne à qui il a causé du tort, je ne vois pas de meilleure responsabilisation, y compris dans le système judiciaire.

• 1025

Personnellement, je pense que nous ne sommes pas sur la bonne voie lorsque nous disons que si nous jetons les jeunes en prison, si nous cognons plus dur, ils apprendront mieux. Je ne vois absolument pas comment cela pourrait donner de tels résultats.

M. Peter MacKay: Êtes-vous du même avis pour ce qui est des infractions violentes, notamment d'un vol avec violation de domicile où les propriétaires sont battus, ou lorsque des personnes commettent des infractions sexuelles? Croyez-vous qu'il n'y a pas... Je ne sais pas ce que vous voulez dire par «frapper». J'imagine que vous voulez parler de peines d'emprisonnement plus longues. S'il faut une peine d'emprisonnement plus longue pour protéger la société et réadapter cette personne, ne croyez-vous pas que c'est la solution qu'il faudrait adopter?

Mme Rita Scott: Que faisons-nous avec eux lorsqu'ils sont mis sous garde? Voilà vraiment la question qu'il faut se poser. Si on les isole tout simplement de leurs pairs et de leur communauté, si on leur dit qu'ils sont maintenant identifiés comme des criminels et qu'ils ont toutes ces caractéristiques odieuses, cela rend leur réadaptation beaucoup plus difficile.

Comme Josh nous l'a dit, à l'heure actuelle bon nombre de jeunes sortent de prison pour se retrouver immédiatement dans une situation à laquelle on ne leur a pas appris à faire face et à agir différemment. Encore une fois, c'est une question de ressources. Si nous voulons isoler les jeunes de la société pour leur apprendre à mieux se réadapter à celle-ci plus tard, c'est une chose, mais si c'est tout simplement pour les isoler, c'est peine perdue. Nous le savons.

M. Peter MacKay: Donc, dans votre interprétation du projet de loi... Ce que je trouve quelque peu pervers, c'est que nous nous dirigeons vers le modèle de justice réparatrice ce qui, je pense, est la bonne direction, mais en fin de compte certains de ces articles frappent durement les jeunes et les endurcissent. Sans les ressources aux termes de la loi actuelle et sans un engagement du gouvernement fédéral aux termes de ce nouveau projet de loi, sommes-nous vraiment voués à l'échec?

M. Rick Prashaw: J'ai quelques observations à faire. Je me préoccupe de cette distinction que le projet de loi établit clairement entre un crime avec violence et sans violence. Alors que l'on nous en parle lors d'assemblés publiques locales dans des sous-sols d'église ou autres, il est clair que du point de vue du Code criminel, pas qu'il soit nécessaire d'y réfléchir, il y a des infractions graves et d'autres moins graves—nous le savons—lorsque l'on cause du tort aux êtres qui nous sont chers. Mais toutes les infractions sont graves. Si on entre par effraction chez moi, c'est grave. Cela a des conséquences sur ma vie. Cela a des conséquences pour ce qui est de mon sentiment de sécurité et ma façon d'agir dans ma communauté. Si mon enfant est accusé de vol à l'étalage ou s'il se fait voler son vélo, c'est grave.

Donc, pour ce qui est du degré de gravité des infractions, je pense que nous devons tout au moins garder à l'esprit—je sais que vous devez tenir compte du Code criminel—que toutes les infractions sont graves. Ce que nous disons, c'est que l'on peut dire deux choses aux Canadiens. Je pense que de façon générale les Canadiens comprennent lorsqu'ils entendent d'une part qu'il y a ce nouveau système que l'on appelle «Justice réparatrice», et que c'est vraiment une bonne chose et que cela donnera des résultats sur le plan d'une dénonciation, de la responsabilisation de la sécurité, que cela permettra la guérison, de jouer un rôle actif mais, que ce n'est que pour les infractions moins graves, les infractions mineures, les délinquants primaires et qu'il n'y a pas d'argent pour cela. Je pense qu'il est clair que les Canadiens comprendront la situation et se diront que cela ne peut pas être acceptable.

Donc, il faut entre autres décider s'il s'agit d'une infraction grave ou non. Est-ce la bonne façon de s'y prendre? Il faut faire bien attention aux distinctions que l'on établit lorsqu'on décide à qui le système de justice réparatrice doit s'adresser et à qui il ne doit pas s'adresser.

Manifestement, il y a des questions de sécurité, comme Rita l'a dit, tant pour les particuliers que pour la collectivité. Nous ne disons pas qu'il faut laisser les gens s'en tirer sans qu'ils ne prennent leur responsabilité, mais nous craignons que certains puissent transmettre le message, intentionnellement ou non, que le processus de justice réparatrice ne fonctionne pas pour les crimes avec violence. Comme Rita et d'autres au pays en ont fait l'expérience, le degré de violence peut varier énormément. Il y a tellement de circonstances différentes, et le processus de justice réparatrice permet aux gens d'en tenir compte, d'aborder l'aspect social, le contact humain, et de prévoir réellement des conséquences graves et des messages de responsabilisation. Nous sommes en faveur de la responsabilisation. La question est de savoir comment.

Le président: Merci beaucoup, monsieur MacKay.

Monsieur Arnold, avez-vous quelque chose à ajouter? Je veux m'assurer que vous ayez votre mot à dire.

M. Josh Arnold: Oui, j'ai quelque chose à dire. Pour ce qui est des ressources, je peux dire qu'en Nouvelle-Écosse, il y a un seul établissement dans toute la Nouvelle-Écosse pour les adolescents. C'est un établissement de garde en milieu fermé. Il n'y a pas de garde en milieu ouvert et il n'y a pas de maison de transition en Nouvelle-Écosse. Je pense que c'était un problème sous le régime de la Loi sur les jeunes contrevenants, et si cette loi-ci continue dans la même veine, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de ressources au moment de la libération ni rien de ce genre, alors il y aura un problème semblable à celui qui se posait avec la Loi sur les jeunes contrevenants.

• 1030

Quant aux pénalités qui devraient être infligées, en Nouvelle- Écosse, nous sommes au beau milieu d'une importante controverse au sujet du dédommagement à verser aux personnes qui, dans leur enfance, ont été condamnées à séjourner dans un établissement appelé l'École Shelburne pour garçons, où ils ont été maltraités physiquement et sexuellement. Mon cabinet d'avocats a un certain nombre de clients qui sont passés par cet endroit, souvent pour des délits tout à fait mineurs comme le vol à l'étalage ou l'école buissonnière, ou parfois pour des crimes plus graves comme l'agression, et ils se sont vu infliger un châtiment que les victimes de crimes souhaitent peut-être infliger aux gens qui ont commis des crimes de ce genre. C'est-à-dire qu'une fois incarcérés, ils ont été frappés, ont été agressés sexuellement et, dans bien des cas, leurs geôliers pouvaient en faire à leur guise.

Si l'on examine le cheminement des gens qui ont subi ce châtiment, invariablement, ils ont tous récidivé. Toutes ces personnes sont passées par le système pour adolescents, et ensuite par le système pour adultes, et ils se sont retrouvés au pénitencier.

Il est donc évident que ce genre de châtiment ne constitue absolument pas une forme de dissuasion et que les personnes visées persistent à commettre des crimes. Il doit bien y avoir une solution différente, et la justice réparatrice semble une bonne idée.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur McKay et ensuite monsieur Saada.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci monsieur le président et je remercie aussi les témoins pour leur exposé.

Deux exemples m'ont intrigué. Le premier exemple est bien sûr celui de Taber, en Alberta. Vous serez peut-être intéressés d'apprendre que le révérend Lang viendra assister au déjeuner prière national en avril pour y faire un exposé. Ce serait peut- être une bonne idée, monsieur le président, que tous les membres du Comité de la justice assistent à ce déjeuner prière national, parce que c'est une question intéressante étant donné que le moment est particulièrement bien choisi.

L'autre exemple que vous avez donné et que je ne connaissais pas est celui de l'église de Streetsville, qui était l'église de Harold Percy. Je connais Harold et je le considère comme l'un des hommes les plus éloquents que je connaisse.

Je veux examiner cette disjonction entre, si l'on veut, les questions fondamentales mettant en cause la foi dont vous parlez et notre système de justice actuel. Franchement, monsieur Prashaw, vous avez touché du doigt le noeud de l'affaire quand vous avez dit qu'à certains moments au cours du procès, juste au moment où quelqu'un s'apprête à devenir humain, on arrête le procès pour permettre aux gens de se redonner une contenance.

M. Rick Prashaw: C'est une forme différente de justice réparatrice.

M. John McKay: Oui, nous réparons à l'envers et, franchement, c'est un bon conseil juridique. Il est évident qu'aucun avocat ne veut que son client exprime le fond de sa pensée ou ses véritables sentiments.

Je m'intéresse à votre vision, quand vous dites que deux courants philosophiques presque irréconciliables coexistent dans un projet de loi comme celui-ci. Pour reprendre l'analogie de M. MacKay, il me semble que nous nous engageons dans deux voies distinctes et je ne vois pas que le projet de loi réussisse très bien à concilier tout cela. Je serais intéressé à connaître votre point de vue général là-dessus.

M. Rick Prashaw: Au sujet de ce qui s'est passé à Strettsville, tout d'abord, en toute intégrité, je devais mentionner la dernière ligne du reportage, à savoir que nous avons tous beaucoup de chemin à parcourir. Certains n'ont pas pu assister au service ce dimanche-là parce qu'ils savaient que le jeune leur ferait des excuses. Ils ont dit très clairement à leur pasteur qu'ils seraient absents le dimanche suivant et je pense que cela ne fait que réaffirmer ce que vous dites au sujet de l'irréconciliabilité de tout cela. C'est un défi.

Cela nécessite de l'éducation et un long cheminement et l'on n'y parviendra pas à l'aide d'un outil qui claque la porte sur cette possibilité. Ce n'est pas avec ce projet de loi, le C-3, qu'on y parviendra, car il ferme la porte à la justice réparatrice ou envoie un message ambigu qui ne permettra pas aux particuliers et aux collectivités affligées d'utiliser ces processus.

• 1035

J'ai assisté à Regina à un atelier sur le concept de la collectivité en bonne santé. Donald est un excellent avocat de Saskatchewan qui a prononcé une conférence sur la justice autochtone. Il a décrit les multiples problèmes des collectivités et il a dit que celles-ci sont sur la voie de la guérison. Les Autochtones sont en train de réapprendre certaines de leurs traditions ancestrales.

Très conscient des problèmes du christianisme et du fait que nous avons contribué à créer cette situation affligeante, j'ai pris la parole et lui ai posé une question. J'ai dit que je me sentais comme un personnage du film When Harry Met Sally, quelqu'un qui est assis à la table d'à côté, au restaurant, qui voit ce qu'il y a dans l'assiette de ses voisins et qui veut la même chose. J'ai fait cette observation et j'ai demandé si je pouvais avoir la même chose. Bien sûr a-t-il dit, vous n'avez qu'à commander, c'est au menu.

Il m'a semblé que c'était un message qui m'était adressé, à moi et à bien d'autres, en ce sens que nous pouvons apprendre mutuellement. La loi est un aspect, mais elle ne devrait tout au moins pas faire obstacle ou empêcher des collectivités de se prendre en main, de jouer un rôle actif dans l'appareil judiciaire. Nous avons besoin des professionnels. Nous avons besoin du code. Nous ne voulons pas balancer tout cela, mais nous devons créer le moyen de raccourcir cette distance.

Donc, du point de vue de la foi, nous ouvrons la porte à des éléments qui peuvent sembler irréconciliables. Nous ne croyons pas qu'ils le soient, mais nous n'avons pas la naïveté de croire qu'il n'y a pas des défis immenses à relever dans nos collectivités.

Mme Rita Scott: Du point de vue du processus, peut-être devrions-nous être plus créatifs. En particulier, je mets au défi les juges des tribunaux pour adolescents et je les invite à faire preuve d'une plus grande créativité dans l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire.

Cette justice réparatrice peut intervenir à n'importe quel moment dans le processus de justice criminelle. Au lieu de se retirer du jeu pour respecter le protocole, peut-être devrions-nous nous asseoir tous autour d'une table pour poursuivre la discussion qui a été amorcée au tribunal. Nous pourrions alors déboucher sur une solution pratique et viable.

J'aimerais savoir ce que Josh en pense.

Le président: Je suppose que M. Arnold perçoit tout cela comme une sorte de dissertation naïve sur la foi.

M. Josh Arnold: Oui. Chose certaine, je n'encourage jamais l'un de mes clients à se laisser aller à ses émotions pendant un procès.

Mme Rita Scott: Peut-être pas pendant les procédures judiciaires, mais peut-être pendant une suspension?

M. Josh Arnold: Non, pas question.

M. John McKay: Voilà le dilemme.

Mme Rita Scott: Je crois toutefois qu'il y a bon nombre de juristes qui réfléchissent à tout cela. C'est le début d'un dialogue, ce n'est pas la fin.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Cadman, vous avez trois minutes, après quoi nous reviendrons à M. Saada.

M. Chuck Cadman: Sur une note anecdotique, monsieur le président, je connais au moins l'un de vos collègues de Colombie-Britannique, M. Arnold, pour ne pas le nommer, qui a laissé entendre que l'on ne devrait même pas permettre aux victimes d'être présentes au tribunal, parce qu'elles peuvent se mettre à pleurer, ce qui risque de bouleverser un jury ou de l'influencer. Heureusement, vous n'êtes pas tous comme cela. Vous ne partagez pas tous ce point de vue.

Nous avons entendu la semaine dernière un témoin qui a laissé entendre qu'aucun jeune contrevenant, aucun adolescent ne devrait jamais être traduit devant un tribunal pour adultes, peu importe le crime qu'il a commis. Je voudrais savoir ce que vous en pensez.

M. Josh Arnold: On fait face à une tâche très difficile lorsqu'il s'agit d'expliquer à un adolescent ce que signifie une peine d'incarcération à vie. Je pense cependant que pour ce qui est de certains crimes comme le meurtre au premier degré ou le meurtre au second degré, selon les circonstances qui entourent ces crimes, il n'est pas insensé de demander qu'une surveillance soit exercée sur un adolescent pendant le reste de sa vie. Tout dépend des circonstances. Cette suggestion ne me pose donc pas de gros problème.

M. Chuck Cadman: Madame Scott ou monsieur Prashaw.

Mme Rita Scott: Je ne pense pas qu'on devrait jamais imposer une peine pour adultes à un adolescent.

Vous avez donné en exemple le meurtre au premier degré. De tous les crimes régis par le Code criminel, c'est sans doute ce crime-là qu'une personne est le moins susceptible de commettre de nouveau. Le meurtre au premier degré est habituellement le résultat de certaines circonstances qui se sont produites à un moment donné et ont peu de chances de se reproduire. Je ne pense pas que ce qui est proposé soit la bonne solution dans le cas des adolescents étant donné qu'ils sont susceptibles d'évoluer et qu'on peut leur apprendre à modifier leur comportement. Cette mesure ne me semble pas logique.

• 1040

M. Chuck Cadman: Monsieur Prashaw.

M. Rick Prashaw: C'est bien.

Le président: Je vous remercie, monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: Je vous remercie.

[Français]

Le président: Monsieur Saada.

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Merci, monsieur le président.

Encore une fois, j'aimerais commencer par une remarque à l'intention de mon collègue M. de Savoye.

Je ne porte pas de jugement de valeur sur le contenu de la position par rapport à ce projet de loi, mais on dit très souvent que le Québec n'est pas d'accord et qu'il y a divergence entre le Québec et le reste du pays. D'abord, il y a des gens du Québec qui sont venus nous dire qu'ils n'étaient pas entièrement d'accord sur ce qu'on appelle le consensus et, d'autre part, en dehors du Québec, il y a des gens qui pensent exactement comme la majorité au Québec. Nous en avons eu une preuve aujourd'hui. Donc, je crois que la dichotomie entre le Québec et le reste n'est peut-être pas très utile dans les circonstances.

Monsieur Prashaw, vous avez répondu à une dernière question de M. Cadman en parlant du facteur temps. C'est une dimension qu'on ne pourra pas explorer suffisamment en trois minutes, mais qu'il faut absolument garder à l'esprit. Le temps ne signifie pas la même chose pour un jeune que pour un adulte. Pour un jeune, deux ans, ce n'est pas la même chose que pour un adulte. On élaborera plus tard sur la notion du temps.

Je suis d'accord sur la position qui a été prise quant à la publication des noms. Je ne comprends pas vraiment l'utilité d'avoir cette autorisation de publication très large.

[Traduction]

Monsieur Prashaw et madame Scott, vous avez parlé longuement notamment de groupes de consultation familiale et de justice réparatrice. Je ne me souviens pas qu'il soit fait mention dans la Loi sur les jeunes contrevenants actuelle de justice réparatrice. Le projet de loi lui en fait mention. C'est de cette façon que je comprends le sous-alinéa 3c)(iii) et les paragraphes 38(2) et 38(5) du projet de loi. J'en conclus donc que vous appuyez cette partie du projet de loi qui permettrait de recourir instamment à la justice réparatrice. Vous ai-je bien compris?

M. Rick Prashaw: Oui.

Mme Rita Scott: Oui.

M. Jacques Saada: Le projet de loi comporte également un élément tout à fait nouveau qui n'apparaissait pas dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Il reconnaît les droits de la victime. Je suppose que vous êtes aussi d'accord avec ce principe. Pensez-vous que ces deux éléments pourraient être ajoutés à la Loi sur les jeunes contrevenants au lieu de devoir faire l'objet d'un nouveau projet de loi? On nous a souvent dit qu'il suffirait d'élargir la portée de la loi. J'aimerais mieux comprendre votre position sur le projet de loi.

Mme Rita Scott: Je n'avais personnellement pas beaucoup de réserves au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants. Je crois que les difficultés qui se posaient avaient trait à l'usage qui en était fait. Il serait utile à mon avis de garder la loi telle qu'elle était mais d'y ajouter certains des changements relatifs à la justice réparatrice. La loi prévoyait déjà qu'on permette aux victimes de se faire entendre. Dans de nombreuses provinces, on permet au tribunal de prendre en compte la déclaration de la victime ou l'on permet aux victimes de témoigner lors des audiences de détermination de la peine. Comme il n'y a pas d'uniformité véritable dans ce domaine, je crois qu'il est bon que cet élément figure dans la loi. Je ne veux pas passer en revue chaque article de la Loi sur les jeunes contrevenants, mais je pense que dans l'ensemble cette loi était bonne.

M. Jacques Saada: Si vous me le permettez, j'aimerais vous poser une dernière question.

[Français]

Monsieur Arnold, j'ai écouté avec beaucoup d'attention votre présentation, comme la vôtre d'ailleurs aussi, et j'ai été particulièrement intéressé par votre allusion à la notion de «three strikes and you're out». J'ai très bien écouté, mais je dois avouer que je n'ai pas compris. Est-ce que vous pourriez m'expliquer cela?

D'après ce que je lis au paragraphe 145(6), je n'arrive pas à comprendre ce qui vous permet de tirer la conclusion que ce qui y est écrit s'apparente au modèle américain «three strikes and you're out».

• 1045

D'ailleurs, je veux dire en passant qu'on commence maintenant à parler aux États-Unis du «one strike and you're out». C'est encore autre chose.

[Traduction]

M. Josh Arnold: Le paragraphe 145(6) porte sur l'admissibilité de la déclaration. Dans l'article des définitions figure une disposition du genre «retrait après trois prises». Je pense ici à l'alinéa 2b) où l'on définit ce qu'on entend par «infraction désignée». C'est au bas de la page 3. On y lit qu'une infraction désignée comprend toute infraction dans le cas où il a été décidé en vertu du paragraphe 41(8), à au moins deux reprises, que l'adolescent a commis une infraction grave avec violence. Si un tribunal établit qu'un jeune a commis pour la troisième fois un crime grave avec violence, il peut faire l'objet d'un renvoi présomptif devant un tribunal pour adultes.

M. Jacques Saada: Vous faites plus particulièrement allusion à l'augmentation des infractions désignées qui pourraient faire l'objet d'un renvoi devant un tribunal pour adultes.

M. Josh Arnold: Oui. Le juge peut maintenant établir qu'un adolescent a commis non pas un, deux, mais trois crimes avec violence.

M. Jacques Saada: Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Monsieur de Savoye, vous avez trois minutes.

[Français]

M. Pierre de Savoye: Merci, monsieur le président. En tout respect pour mon collègue Saada, je dirai qu'il ne faut pas voir une dichotomie là où je ne faisais que citer l'expérience québécoise pour connaître la réaction des témoins. Je sais très bien que dans l'ensemble du Canada, il y a des expériences heureuses qui s'inspirent de ce qui s'est fait au Québec. J'ai siégé aux réunions du Comité de la justice où on a discuté des amendements à la Loi sur les jeunes contrevenants pendant toutes les audiences de la 35e législature. C'est donc un sujet que je connais bien. Vous avez sans doute pensé que je voulais dire autre chose que la question fondamentale que je posais. Mais je n'entame pas un débat avec vous, monsieur Saada.

Lorsque quelqu'un construit une maison et que, par la suite, il s'avère que la maison a un certain nombre de défauts, il se tourne vers le constructeur et lui demande de remettre les choses dans l'ordre. Lorsqu'on achète un véhicule automobile et qu'il n'est pas en bon état, on se tourne vers le concessionnaire ou vers le fabricant et on demande à ce que le véhicule soit remis en bon état.

Lorsqu'un enfant commet une faute, c'est sans doute parce que quelque part, les parents, les éducateurs, les travailleurs sociaux ont manqué, peut-être pas à leur devoir, mais tout au moins à l'obligation de résultats. Je n'emmène pas l'automobile en cour; je n'emmène pas la maison en cour; alors, pourquoi emmener l'enfant en cour? Est-il responsable au premier chef de son mauvais comportement? Est-ce que les parents, les oncles, les tantes, les grand frères, les éducateurs, les enseignants, les travailleurs sociaux n'ont pas aussi une responsabilité à partager?

Je reviens à ce que M. McKay mentionnait à M. Arnold. Comment concilie-t-on l'action de la cour et la réhabilitation de l'enfant? Est-ce qu'on poserait la même question dans le cas d'un enfant qui souffre de pneumonie? Autrement dit, est-ce que la cour est le bon endroit pour intervenir? Est-ce qu'on ne se donne pas l'outil qu'il ne faut pas plutôt que de se donner l'outil qu'il faudrait? C'est la question que je vous pose.

[Traduction]

Le président: M. de Savoye a l'art de poser des questions de trois minutes.

Quelqu'un veut-il répondre?

M. Rick Prashaw: Je suppose que ce serait bien si nous avions plus de maisons sur une rue et plus de voitures dans les stationnements que ce que nous avons dans notre pays et que nous pourrions aussi avoir un meilleur système de justice pénale. Rien ne remplace le fait d'acheter une maison et d'y vivre ou d'acheter une voiture et de la conduire. L'expérience concrète est toujours plus utile que la théorie. De plus en plus de Canadiens essayent différents modèles de voitures et différents types de systèmes de justice et cela leur plaît.

• 1050

Les victimes, les contrevenants et les membres de la collectivité qui ont subi les conséquences d'un crime nous racontent ce qui leur est arrivé et nous essayons de consigner leur expérience. Voici ce qu'on nous dit: «Nous aimons ceci. Cette expérience nous plaît. Nous participons au processus. Nous avons notre mot à dire. Nous pouvons poser directement des questions. On nous écoute. Je n'ai peut-être pas obtenu tout ce que je voulais, mais j'ai au moins obtenu quelque chose. Je sais que je ne pourrai jamais obtenir certaines choses. Ce qu'on m'offre me satisfait.» Le problème, c'est que cette possibilité n'est pas très souvent offerte aux gens.

Je connais quelques députés qui ont participé à des cercles et assisté à des conférences. Je vous invite à le faire. Vient un moment où il ne sert à rien de parler de ces choses. Il faut faire l'expérience du cercle de guérison et du groupe de consultation familiale...

Je me suis entretenu avec des agents de police endurcis qui ont changé leur position du tout au tout. Ils en ont assez de voir des jeunes entrer et sortir des tribunaux et ils pensaient que les groupes de consultation familiale ne pouvaient pas être efficaces. Ils ont cependant changé d'avis après en avoir fait l'expérience. Nous pourrions vous donner leurs noms. Nous avons consigné ce qu'ils nous ont dit.

Je vous incite donc à faire l'expérience de ces solutions. Nous pouvons vous mettre en contact avec des personnes qui pourront prendre les dispositions voulues à cet égard.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Je ne vois personne de ce côté qui veut poser une question. Dans ce cas, j'aimerais en poser une moi-même.

Nous pourrions nous retrouver dans 10 ans en train d'examiner la Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents comme Mme Scott a examiné la Loi sur les jeunes contrevenants. Je n'ai pas de réserves à formuler au sujet de cette loi, mais je pense qu'elle n'a cependant pas atteint ses objectifs. Je pense qu'en bout de ligne ce qui importera, ce n'est pas tant la loi elle-même, que la réaction qu'elle suscitera.

Vient toujours un moment où il faut parler des ressources dont nous disposons. Nous avons entendu beaucoup de témoins, mais en fin de compte, le succès de cette loi dépendra essentiellement des ressources dont on disposera mais aussi de la volonté avec laquelle on l'appliquera.

Il existe des infrastructures. M. Arnold a mentionné l'existence d'un établissement pour adolescents en Nouvelle-Écosse. Le Nouveau-Brunswick compte un important établissement pour adolescents où sont incarcérés la plupart du temps de 80 à 90 adolescents.

Je crois comprendre que le gouvernement fédéral s'est engagé, si le projet de loi est adopté, à trouver les ressources voulues pour en assurer le succès. Il ne suffira pas d'investir dans la construction d'établissements pour adolescents. Il va falloir réaffecter certains des fonds destinés à ces fins et d'autres et utiliser les ressources voulues pour appuyer le travail qui est fait dans les collectivités et pour mettre en oeuvre des mesures de rechange.

Les infrastructures déjà en place ne pourront, si l'on tient un compte rigoureux des dollars dépensés... Si un jour il y a moitié moins de détenus dans l'établissement de Miramichi au Nouveau-Brunswick que maintenant, ça ne voudra pas nécessairement dire qu'on affectera la moitié des crédits actuels à cette installation.

Dans vos constatations en traitant avec les provinces...—ce que vous faites, j'imagine même s'il ne s'agit pas là d'une question de rapports fédéraux-provinciaux. À mes yeux, il s'agit tout simplement de ce qui va faire fonctionner ou non le système. Estimez-vous que les gens sont disposés à mettre en oeuvre ce dont il est question dans le projet de loi, de façon à ce que la mesure donne des résultats, j'entends par là à fournir les ressources nécessaires aux services spécialisés?

Mme Rita Scott: Eh bien, monsieur Scott, je peux vous dire qu'il existe déjà plus de 40 programmes de justice réparatrice en Colombie-Britannique, et au début, bon nombre d'entre eux ne recevaient aucun soutien financier. Encore aujourd'hui, il y en a beaucoup qui reçoivent très peu de subventions. Je me hasarderai même à dire qu'il est incroyablement plus économique de mettre en oeuvre des programmes de justice réparatrice que de poursuivre les programmes actuels qui sont lourds et exigent d'énormes défenses en immobilisations. Ce n'est toutefois pas vraiment le problème.

S'il faut revenir dans 10 ans, pour établir notre bilan, alors qu'il en soit ainsi. C'est d'ailleurs ce que nous devrions faire. Si je ne m'abuse, la première Loi sur les jeunes délinquants est antérieure à 1910 et elle est demeurée en vigueur jusqu'en 1985. Cependant, entre 1985 et l'an 2000, on a assisté à une évolution sociale très différente et beaucoup plus vaste que tout ce qui s'est passé pendant les premières années d'application de la Loi sur les jeunes délinquants.

• 1055

Si nous faisons preuve d'imagination, et si nous avons la volonté d'agir—et c'est ce que j'entends dire partout—alors nous pourrons prendre les mesures qui s'imposent, et on fournira les ressources nécessaires.

Le président: Monsieur Arnold.

M. Josh Arnold: À mon avis la plus grosse difficulté c'est manifestement le fait que, si quelqu'un contrevient à la loi, alors les gens s'imaginent immédiatement qu'il ou elle doit être puni et incarcéré. On continue à résister fermement à toute tentative pour changer cette mentalité. Le plus gros obstacle à l'obtention des ressources est donc d'arriver à modifier l'attitude des gens en ce qui concerne la façon de traiter les coupables de transgression aux lois de la société.

Je ne puis donc pas vous parler de la façon dont on répartit les crédits ou dont on les réaffecte, mais je peux vous dire que quelque soit l'interlocuteur, on se heurte toujours à de la résistance à cette nouvelle orientation, à moins que tous les deux nous ne discutions longuement et de façon approfondie des résultats décevants du système actuel.

Le président: Rick.

M. Rick Prashaw: Je demanderais avec insistance qu'un programme d'éducation accompagne la mesure législative, et qu'on y affecte des crédits.

Nous nous réunissons dans des sous-sols d'église et dans les mairies pour tenir des soirées consacrées aux jeunes contrevenants, et cela attire toujours beaucoup de monde. Le début de la soirée est consacrée à ce que nous appelons «une lamentation», c'est-à-dire que nous laissons les gens dire ce qu'ils veulent au micro, nous les laissons s'exprimer ouvertement. Pendant l'heure et demie qui suit, on relate leur jeunesse et ce qui s'est alors passé. Certains d'entre eux n'aiment pas beaucoup cela. Ils se demandent ce que cela peut bien avoir à faire avec la loi sur les jeunes contrevenants, et disent qu'ils sont là pour parler de cette loi. Nous les amenons à réfléchir à ceux qui les ont aidés dans leur vie, aux ressources dont ils ont bénéficié, au carrefour de leur vie, aux bons services qu'on leur a rendus et enfin à leur expérience familiale.

Ensuite nous revenons à la réalité actuelle et parlons de jeunes, de leurs circonstances et de leur vie. Nous comptons aussi sur la présence de professionnels assis dans le coin et disposés à répondre aux questions pendant la soirée. On fait aussi venir un juge et un avocat. J'estime que l'éducation, de concert avec de bonnes lois et des ressources affectées aux deux, peuvent changer les choses.

Le président: Merci beaucoup.

La dernière question sera posée par M. MacKay.

M. Peter MacKay: Merci, monsieur Scott.

Je pense que la chose la plus importante que je retiens des exposés d'aujourd'hui est ce qu'a dit M. Arnold à propos du manque de suivi. Il est vrai qu'on insiste pour que ceux qui ont commis des infractions violentes soient incarcérés mais je pense que Mme Scott l'a très bien dit: jeter quelqu'un en prison ne le remet pas forcément dans le droit chemin. Il n'y a pas assez de ressources pour les programmes de détention en milieu ouvert et il y a un manque de suivi.

À mon avis il était très important qu'on parle de l'anomalie que comporte l'infraction désignée.

Monsieur Arnold, je voudrais vous poser une question concernant les transferts de compétence et l'admissibilité des déclarations, les conséquences du modèle de justice réparatrice. Pensez-vous—et ma question s'adresse aussi aux autres membres du groupe—que dans certains cas cela équivaut à limiter le pouvoir judiciaire discrétionnaire?

Je sais que l'activisme judiciaire préoccupe beaucoup le grand public et dans certains cas on constate que les juges mettent un bémol à la loi. Par exemple, vous avez fait allusion à une disposition, monsieur Arnold, concernant l'admissibilité des déclarations—et cette disposition reprend essentiellement le libellé de la Charte. Pensez-vous qu'on doit s'inquiéter d'une éventuelle érosion du pouvoir judiciaire discrétionnaire quand on limite l'interprétation que les juges donnent à la loi?

Vous avez donné l'exemple de l'écolier qui se fait rudoyer et à qui on vole son chapeau. Vous savez comme moi, pour avoir comparu devant eux, qu'il y a des juges dont on peut contester le jugement mais assurément, grâce à l'action de la police, de la Couronne, du juge elle ou lui, on mettra un holà à l'anomalie qui ferait qu'un enfant se retrouve en prison à la suite de la situation que vous avez décrite.

M. Josh Arnold: Et comment?

• 1100

D'une région de la province à l'autre—suivant qu'un avocat exerce en milieu urbain ou en milieu rural—on constate que ceux qui commettent exactement la même infraction dans des endroits différents sont traités différemment et les pressions de l'opinion publique semble être beaucoup plus forte dans les localités rurales qu'en milieu urbain. Mes inquiétudes sont donc fondées quand je dis que si le public exerce beaucoup de pression dans un cas donné, cela peut avoir des conséquences sur le sort de l'accusé. C'est ça l'inquiétude.

M. Peter MacKay: Je pense...

Le président: Peter, il y en d'autres qui attendent.

M. Peter MacKay: D'accord. Pour ce qui est des transferts de compétence, ou plutôt de la possibilité d'en élargir la définition, il y a des transferts du tribunal pour adolescents au tribunal pour adultes. Dans votre exposé, vous avez dit être tout à fait opposé à toutes tentatives pour abaisser l'âge de la responsabilité. Puisque l'objectif de la loi est une plus grande utilisation de la justice réparatrice et des mesures de rechange, en dehors de l'appareil judiciaire normal, pouvez-vous imaginer un système qui ferait en sorte que dans le cas d'un enfant de moins de 12 ans c'est-à-dire l'âge qui permet l'imposition de peines contraignantes, et disons donc un enfant de 10 ou 11 ans, on pourrait le transférer—et je ne veux pas dire par là de le traduire devant les tribunaux mais de lui imposer un programme de mesures de rechange, suivant une formule établie, par manque de ressources pour faire autrement?

Les dispositions de la loi le disent clairement: l'appareil judiciaire ne peut pas avoir de rôle substitutif, et cela était précisé aussi dans l'ancienne Loi sur les jeunes contrevenants. Malheureusement, il arrive que des enfants de 10 ou 11 ans soient utilisés par des plus vieux. Si tout le système est fondé sur des mesures de prévention et de rechange, ne pensez-vous pas qu'il serait bon de prévoir une disposition de transfert pour qu'un enfant aussi jeune puisse être pris en charge par le système afin qu'on puisse l'aider le plus vite possible? C'est un peu comme les preuves provenant des empreintes génétiques qui ne servent pas uniquement à prouver la culpabilité mais parfois à disculper.

M. Josh Arnold: Je pense que ce serait une très mauvaise idée que de faire intervenir le système de justice pénale dans le cas d'enfants de moins de 12 ans. J'ai lu que certains ont dit que les plus vieux utilisent les plus jeunes, qui ont l'immunité, pour commettre des crimes. Je n'ai pas rencontré de cas concrets, en tout cas pas depuis que j'exerce. Que je sache, cela ne se fait pas sauf dans les émissions de télévision américaine. Il se peut que cela existe dans d'autres régions du Canada mais je ne suis pas au courant. Si l'on rabaisse l'âge à 10 ans, et qu'il est vrai qu'un tel phénomène se produit, alors on se servira d'enfants de 6 ans ou 8 ans. Je ne pense pas que cela justifie une modification à la loi ni que des enfants de cet âge doivent être traduits devant des cours de justice pénale.

Mme Rita Scott: En fait, il y a des tas de possibilités dans d'autres systèmes, comme le système de protection de la jeunesse, le système de santé mentale, le système scolaire et d'autres moyens d'utiliser les mécanismes de justice réparatrice sans avoir à considérer la Loi sur les jeunes contrevenants ou la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. On peut faire preuve d'imagination et on l'a fait dans des tas de situations.

Le président: Merci beaucoup.

Merci, chers collègues et en particulier merci à nos témoins. Vous nous aiderez certainement beaucoup dans le parcours que nous avons entrepris.

Merci encore à tous.