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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 22 février 2000

• 1105

[Traduction]

Le vice-président (M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.)): Je crois avoir suffisamment cogné du maillet; je ne le ferai pas entendre de nouveau.

La séance est ouverte. Nous accueillons les représentants de l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires, de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, de l'Association canadienne des administrateurs et des administratrices scolaires, et de la Fédération canadienne foyer- école.

J'indique aux témoins que chaque groupe dispose de dix minutes que vous pouvez vous partager comme bon vous semble. Je suis assez généreux, et je ne vous interromprai pas au beau milieu d'une phrase. Toutefois, lorsque je vous donnerai le signal, je vous prierais de passer à la conclusion de vos remarques.

Je demanderais aux témoins de prendre la parole dans l'ordre dans lequel ils figurent sur notre liste, ce qui signifie que l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires prendra la parole en premier. Je vous prierais de vous présenter. Vous avez dix minutes.

Mme Kathy LeGrow (présidente, Association canadienne des commissions/conseils scolaires): Bonjour, monsieur. Nous avons pu nous organiser avant de venir, et l'ordre sur lequel nous nous sommes entendus n'est pas le même que celui de votre liste. Si vous le permettez, je céderai immédiatement la parole à Dan Wiseman ou à Ross Donaldson, les représentants de l'Association canadienne des administrateurs et des administratrices scolaires, qui commenceront nos remarques liminaires. Merci.

M. Ross Donaldson (surintendant, Conseil scolaire du district d'Ottawa—Carleton, Association canadienne des administrateurs et des administratrices scolaires): Merci beaucoup, monsieur le président, et bonjour.

Pour commencer, j'aimerais d'abord vous présenter brièvement ceux qui m'accompagnent. De l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires, Kathy LeGrow et Marie Pierce. De la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, Marilies Rettig et Damian Solomon. De la Fédération canadienne foyer-école, Joyce Eynon. Et de l'Association canadienne des administrateurs et des administratrices scolaires, moi-même, Ross Donaldson, et M. Dan Wiseman. Je crois vous avoir présenté tout le monde.

Comme nous l'avons indiqué plus tôt, certains membres de notre groupe aborderont divers aspects de notre mémoire. Nous vous remercions de nous donner l'occasion de témoigner dans le cadre de votre examen du projet de loi C-3. Nous sommes ici ce matin à titre d'éducateurs, d'administrateurs, de parents et de conseillers scolaires pour traiter de la façon dont la nouvelle Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents influera sur le système d'enseignement de la maternelle à la 12e année au Canada. Étant donné que la plupart des jeunes contrevenants sont d'âge scolaire, les décisions touchant leurs cas auront une incidence directe sur notre mandat, qui est de créer un milieu scolaire sûr et compatissant.

Nous nous préoccupons en tout premier lieu de la sécurité des élèves et du personnel dans nos écoles. Légalement et moralement, il nous incombe de veiller à la sécurité de nos écoles. Les enseignants, les conseillers scolaires, les parents et les administrateurs, de concert avec des partenaires des services sociaux, participent à la prévention de la délinquance juvénile, au dépistage précoce des jeunes susceptibles de commettre des infractions et à la réadaptation des contrevenants et contrevenantes.

• 1110

Dans l'ensemble, l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires, la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, l'Association canadienne des administrateurs et des administratrices scolaires et la Fédération canadienne foyer-école appuient l'orientation adoptée par le gouvernement dans la LSJPA. Nous estimons que le projet de loi C-3 constitue un juste équilibre entre la protection de la collectivité et les droits des adolescentes et des adolescents.

Notre mémoire se fonde sur les remarques et les renseignements dont nous ont fait part nos membres à l'échelle du pays. Il traduit leurs expériences en classe, dans les écoles et dans les collectivités. Nos observations plus particulières et nos recommandations cibleront les parties de la LSJPA touchant les déclarations de principes, la perspective communautaire, l'accès à l'information et l'âge limite.

C'est un privilège pour moi que de vous faire part de nos remarques sur les déclarations de principes. Nos associations collaborent en matière de justice pénale depuis plusieurs années. Nous avons assisté à l'évolution de la Loi sur les jeunes contrevenants et nous accueillons favorablement l'approche intégrée qu'adopte le gouvernement en matière de justice pour les adolescents.

La LSJPA est seulement un élément d'une stratégie globale mettant l'accent sur la prévention, l'intervention précoce et la réadaptation. Bien que les jeunes doivent être tenus responsables de leurs actes, la société est mieux protégée par des mesures communautaires et multidisciplinaires de prévention et de réadaptation qui reconnaissent le rôle du système d'éducation. À notre avis, le rôle des parents et du système d'éducation est crucial.

Manifestement, nos associations appuient les déclarations du préambule qui précisent que l'objectif global de protection de la société peut mieux se réaliser au moyen d'un système de justice pénale pour les adolescents qui impose le respect, favorise les responsabilités par la prise de mesures offrant des perspectives positives, ainsi que la réadaptation et la réinsertion sociale. Nous appuyons aussi fermement les principes énoncés à l'article 3, paragraphe (1), selon lesquels le système de justice pénale pour les jeunes, doit être distinct de celui pour les adultes. Il doit mettre l'accent sur une responsabilité juste et proportionnelle, la prise de mesures procédurales supplémentaires pour assurer la protection des jeunes et doit favoriser la réparation des dommages causés à la victime et à la collectivité.

Bien sûr, il faut mettre tout cela en perspective et comprendre que la capacité communautaire rétrécit, car le filet de sécurité rétrécit à mesure que s'agrandissent les mailles du filet. Nous devons aussi comprendre que notre capacité interne d'aider les élèves est directement proportionnelle à la réduction des fonds qui appuient cette capacité. Enfin, nous devons assurer l'identification, l'intervention et le traitement précoces, et comprendre que cela nécessite beaucoup de ressources humaines et que c'est coûteux.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Je rappelle aux témoins que nous devrons partir à 10 h 35. Nous n'avons pas le choix. Nous sommes comme des chiens de Pavlov. Dès que la cloche se met à sonner, nous partons pour aller voter. Si vous pouviez terminer votre témoignage d'ici là, ce serait formidable. Nous pourrions tenir la période de questions dès notre retour. Merci.

Mme Joyce Eynon (présidente, Fédération canadienne foyer-école): Le premier sujet dont nous aimerions vous toucher quelques mots est un élément clé, soit la perspective communautaire. On n'insistera jamais trop sur l'importance de la concertation en matière de prévention, d'intervention précoce et de réadaptation.

De compétence fédérale, le projet de loi C-3 sera toutefois appliqué par les provinces et les territoires. Les paliers fédéral, provinciaux et locaux doivent collaborer pour faire face au problème de la criminalité chez les jeunes et de sa prévention. La prévention du crime relève essentiellement de la collectivité.

Nos associations appuient les programmes communautaires innovateurs de prévention et de réadaptation. Elles prônent également une augmentation des fonds de lancement du gouvernement pour les programmes communautaires intégrés qui reconnaissent le rôle du système d'éducation. La réduction du financement et la rareté des ressources, réalité incontournable, rappellent le besoin d'unir les services de prévention, de dépistage précoce et de réadaptation. Cette concertation suppose également la mise en commun de l'information entre les divers partenaires.

• 1115

Il existe déjà, dans un certain nombre de collectivités du pays, des programmes innovateurs de prévention et de réduction de la criminalité chez les jeunes. Ainsi, des écoles collaborent avec des organismes de santé communautaire, de justice et de services à la famille. Des collectivités offrent des programmes d'aide parentale aux familles à faible revenu et aux groupes marginalisés dans les écoles. Le programme Parents Assist Learning and Schooling, PALS, qui existe depuis 1995, offre des ateliers à tous les parents, dans les écoles et dans toute la collectivité. Des ateliers traitant des adolescents et adolescentes en difficulté pourraient s'ajouter au programme.

Des programmes de tutorat par les camarades stimulent le développement de l'estime de soi en aidant les enfants plus jeunes à renforcer leurs compétences. Des programmes d'éducation sur la justice applicable aux jeunes sont offerts dans les écoles. Il existe des programmes de sensibilisation communautaire qui portent sur la nature intergénérationnelle des problèmes reliés à la toxicomanie. Un éventail de programmes scolaires est offert aux élèves pour les aider à développer toutes leurs compétences. Des programmes d'action communautaire ont été conçus par les élèves qui fréquentent irrégulièrement l'école ou qui tirent de l'arrière dans leurs études.

Il ne fait pas de doute que ces programmes et d'autres initiatives qui donnent des résultats pourraient servir de modèle pour la création de programmes dans les collectivités du pays. Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle en veillant à ce que l'information sur les programmes exemplaires soit colligée et mise en commun.

Voici notre première recommandation: que le gouvernement fédéral affecte des fonds à la création d'une base de données de programmes communautaires d'intervention innovateurs qui rendrait facilement accessible aux personnes et aux groupes intéressés l'information sur les programmes fructueux. Nous sommes d'avis que de nombreux articles du projet de loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et adolescentes appuieront et amélioreront ces activités.

Mme Marilies Rettig (présidente, Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants): Merci. Je m'appelle Marilies Rettig. Je suis présidente de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants. Nous représentons les associations d'enseignants de toutes les provinces et de tous les territoires, soit 240 000 enseignants à l'échelle du pays.

Ce qui est tout aussi important, c'est que je suis ici ce matin comme membre d'un groupe d'intervenants du milieu de l'éducation, un groupe représentatif des organismes décisionnels et des fédérations de la communauté enseignante qui ont décidé d'adopter une position commune relativement à ce projet de loi.

Nous reconnaissons l'importance de l'intégration et de la réinsertion dans le système d'éducation publique comme élément important de toute stratégie de réadaptation. Mais nous devons reconnaître que certaines conditions sont absolument essentielles à l'efficacité de cette stratégie. J'aborderai brièvement deux de ces conditions.

D'abord et avant tout, une approche intégrée et efficace est nécessaire. Deuxièmement, il faut des ressources suffisantes pour mettre en oeuvre efficacement cette approche.

Le plus important message que je puisse vous communiquer au nom des enseignants, c'est que les écoles ne peuvent réussir isolément: les conseils scolaires ne peuvent réaliser cela isolément. Si nous voulons une réinsertion efficace des jeunes contrevenants dans le système scolaire, il faut que cela se fasse dans le cadre d'un partenariat communautaire, un partenariat regroupant les parents, les organismes sociaux et de justice et la communauté enseignante. C'est l'un des plus importants messages que nous voulons vous communiquer en ce qui concerne l'intégration et la réinsertion des jeunes contrevenants.

Nous devons nous assurer que nous adoptons une approche intégrée en matière de réinsertion des jeunes contrevenants, mais aussi que cette approche communautaire et intégrée soit évidente dès la petite enfance. L'intervention précoce est une stratégie absolument cruciale si nous ne voulons pas nous contenter de composer avec les jeunes contrevenants une fois qu'ils ont commis leurs crimes, mais plutôt tenter de prévenir la perpétration d'infractions criminelles par les adolescents.

À cette fin, je vous renvoie au Plan d'action national pour les enfants, qui est tout à fait compatible avec ce genre de stratégie communautaire intégrée. À toutes les étapes, pendant la petite enfance, l'enfance ou les années scolaires, nous devons chercher des stratégies qui permettent à chaque enfant de réaliser son plein potentiel. Cela suppose que nous, la collectivité et la société, adoptions l'approche la plus complète possible.

• 1120

Par conséquent, nous appuyons l'augmentation des mesures extrajudiciaires prévues par le projet de loi. Nous vous donnons plus de détails à ce sujet dans notre mémoire.

Deuxièmement, j'aimerais aborder brièvement la question des ressources, rubrique intitulée «Des ressources insuffisantes» dans notre mémoire. Nous avons constaté que, un peu partout au pays, on a considérablement réduit les programmes qu'offrent les conseils scolaires aux adolescents en difficulté et aux jeunes contrevenants.

Nous avons assisté aux mêmes compressions dans les écoles; on renvoie des jeunes dans les écoles alors que celles-ci n'ont pas les ressources nécessaires pour composer avec eux. Il est absolument nécessaire que nous nous penchions sur le financement et sur les ressources dont disposent les écoles et le milieu scolaire, mais aussi le milieu communautaire. À cette fin, nous avons une deuxième recommandation à vous faire.

Nous recommandons que le gouvernement fédéral, dans le cadre de sa responsabilité en matière de prévention de la délinquance juvénile et de réadaptation des jeunes contrevenants et contrevenantes, augmente sensiblement ses crédits pour des programmes communautaires intégrés et innovateurs de prévention et de réadaptation qui reconnaissent le rôle de partenaire du système d'éducation dans le processus.

Mme Kathy LeGrow: Merci.

L'Association canadienne des commissions/conseils scolaires représente plus de 400 conseils scolaires dans tout le pays, c'est-à-dire environ cinq millions de jeunes.

Je tiens à vous parler de l'accès à l'information, question très importante pour les conseils scolaires et le personnel des écoles dans tout le Canada. L'accès à l'information sur les jeunes contrevenants et contrevenantes est au coeur de nos préoccupations. Les conseils et commissions scolaires doivent avoir accès à cette information pour assurer la sécurité des élèves et du personnel et pour aider à la réadaptation des jeunes.

Nous appuyons l'élargissement des raisons pour lesquelles les personnes déléguées à la jeunesse ont le droit de communiquer à un représentant ou à une représentante d'une école, d'un conseil ou d'une commission scolaire des renseignements contenus dans un dossier, selon les dispositions de l'article 124, paragraphes (5) et (6). Des modifications législatives adoptées en 1995, par le projet de loi C-37, prévoyaient que des renseignements pouvaient être transmis à l'école pour garantir le respect de certaines ordonnances, notamment en matière de probation, et pour assurer la sécurité du personnel, des élèves et d'autres personnes. Le projet de loi C-3 ajoute les mots «favoriser la réadaptation de l'adolescent». On élimine ainsi un gros obstacle à l'amélioration de l'intégration des services offerts aux adolescentes et aux adolescents.

Il existe toutefois une différence entre ce qui est prévu dans la loi et ce qui se passe dans la pratique. Depuis l'adoption du projet de loi C-37 en décembre 1995, c'est avec plus ou moins de succès que les conseils et les commissions scolaires ont pu être tenus informés, en particulier dans les situations de garde en milieu ouvert. Il faut reconnaître que le directeur provincial, la déléguée à la jeunesse, l'agent de la paix ou toute autre personne offrant des services à des jeunes sont obligés de communiquer ces renseignements aux écoles et aux conseils et commissions scolaires. Je songe en particulier aux enfants à qui on ordonne de retourner à l'école sans que l'école connaisse leur dossier.

Notre troisième recommandation porte sur les paragraphes 124(5) et (6). Nous désirons qu'ils soient amendés afin qu'ils précisent l'exigence de communiquer des renseignements à la représentante ou au représentant désigné d'un conseil ou d'une commission scolaire ou d'une école s'il est nécessaire de le faire pour assurer le respect de la loi, pour garantir la sécurité du personnel, des élèves ou d'autres personnes, ou pour favoriser la réadaptation de l'adolescente ou de l'adolescent.

Il est également nécessaire que le ministère de la Justice joue un rôle plus actif en veillant à ce que les autorités judiciaires soient conscientes du droit des conseils et commissions scolaires d'obtenir des renseignements sur les jeunes contrevenants et contrevenantes. À cet égard, nous avons constaté d'énormes différences dans le fonctionnement du ministère de la Justice selon les différentes régions du pays.

L'ACCCS a publié au début de 1996 le guide intitulé Protocole et lignes directrices: Partage de l'information par les responsables scolaires et le personnel s'occupant des jeunes contrevenants et contrevenantes, pour faire en sorte que les conseils et commissions scolaires reçoivent l'information qu'ils demandent et dans le but de reconnaître et d'accepter les responsabilités de la confidentialité associées à la communication des renseignements. À mesure que la loi changera, nous avons l'intention de continuer à informer les conseils scolaires sur la façon adéquate d'obtenir ces renseignements du ministère de la Justice et de les conserver.

Le deuxième point que nous tenons à soulever est celui de l'âge limite. Les plages d'âge proposées dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents nous amènent un certain nombre de préoccupations. Nous admettons que la tentative de régler ces problèmes en abaissant les âges minimum et maximum dans la loi n'est pas la solution la plus efficace. Il faudra prendre les mesures nécessaires dans nombre de domaines, notamment en ce qui concerne les lois provinciales et la réaffectation des ressources.

• 1125

Il importe de régler deux problèmes fondamentaux dans le cas des enfants de moins de 12 ans qui commettent des infractions.

Le premier porte sur des dispositions et l'application inconséquente des lois provinciales applicables aux jeunes de moins de 12 ans.

Le deuxième a trait au fait que les jeunes doivent répondre de leurs actes délictueux et en comprendre parfaitement les conséquences.

Par conséquent, notre quatrième recommandation est que le gouvernement fédéral, de concert avec les gouvernements provinciaux, élabore un manuel de référence clair et concis sur les dispositions législatives provinciales actuelles qui s'appliquent aux jeunes de moins de 12 ans commettant des actes délictueux.

Les jeunes doivent comprendre clairement les conséquences précises de leurs actes délictueux. Il faut mettre en place un processus clairement défini et accepté d'un commun accord pour composer avec les enfants de moins de 12 ans qui commettent des infractions.

Notre cinquième recommandation, par conséquent, est que le gouvernement fédéral, de concert avec ses partenaires provinciaux, se penche sur diverses solutions pour composer, d'une manière conséquente, avec les enfants de moins de 12 ans qui commettent des infractions aux termes de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.

Je cède maintenant la parole à Joyce, qui va conclure.

Mme Joyce Eynon: Je me rends compte que je ne me suis pas présentée au début. Je suis la présidente de la Fédération canadienne foyer-école, qui constitue la voix de millions de parents dans le milieu de l'éducation au Canada.

Je vais maintenant passer aux conclusions.

Comme nous l'avons déjà mentionné, la majorité des jeunes contrevenants et contrevenantes sont d'âge scolaire. Les écoles doivent s'occuper des enfants qui commettent des infractions ou qui ont des problèmes pouvant leur attirer des ennuis avec la justice plus tard. De même, nous devons veiller à ce que les écoles soient des lieux sûrs pour l'apprentissage et l'enseignement. En tant que partenaires clés dans le processus, nous reconnaissons que le dépistage précoce de ces enfants est impératif. Les ressources pour aider au dépistage précoce et au traitement approprié de ces enfants doivent être disponibles.

Il importe de mettre de l'avant un certain nombre d'initiatives pour répondre de manière acceptable aux préoccupations concernant la prévention et le traitement des enfants à risque, notamment les jeunes contrevenants et contrevenantes. Il faut réagir rapidement aux infractions commises par l'enfant et y apporter prestement des solutions. L'enfant doit savoir que ses actes entraînent des conséquences.

Deuxièmement, les gouvernements fédéral et provinciaux doivent soutenir les collectivités dans l'élaboration et l'établissement de programmes intégrés de dépistage précoce, de prévention et de traitement. Des protocoles communautaires doivent être élaborés et des solutions communautaires doivent être mises en oeuvre.

Troisièmement, il faut répartir équitablement et d'une autre manière les fonds fédéraux et provinciaux dans le but de garantir des ressources pour la prévention et la réadaptation. Nous devons savoir qu'une réadaptation et un traitement appropriés seront offerts dès que des enfants à risque élevé sont dépistés. Il faut mettre au point diverses solutions d'intervention.

Il est impérieux d'informer la population. Des renseignements concrets et équilibrés sur la nature et la fréquences des actes délictueux commis par des jeunes doivent être colligés et diffusés au sein de la population. Dans le but de neutraliser la perception négative du public face à la délinquance juvénile, il faut présenter ces faits avec clarté, en évitant le style incendiaire, pour bien faire comprendre l'importance des infractions commises par les jeunes.

Il faut élaborer des instruments de communication qui expliquent clairement l'application de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents lorsque des jeunes commettent des infractions, et les rendre disponibles.

On n'insistera jamais assez sur l'importance d'avoir une stratégie globale de diffusion de l'information s'adressant à tous les partenaires, en particulier les parents. Nos associations sont disposées à collaborer avec le gouvernement fédéral pour faire en sorte que nos membres respectifs soient informés en temps utile et de manière satisfaisante des modifications apportées à la loi sur le système de justice pour les jeunes.

Nous appuyons donc le projet du gouvernement fédéral de mise en oeuvre progressive de la nouvelle loi afin qu'il y ait suffisamment de temps pour répondre à ces préoccupations.

Voilà, nous avons fini avant d'avoir besoin de partir.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Et nous vous en sommes très reconnaissants.

Nous devons y aller, mais nous reviendrons dès que notre directeur d'école nous y autorisera.

• 1129




• 1258

Le vice-président (M. Ivan Grose): Je remercie infiniment nos témoins de leur patience. Nous allons maintenant mener les choses rondement. Je pense qu'il nous manque une personne, mais... D'accord.

Monsieur Cadman, vous avez sept minutes, ou peut-être un peu plus.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Je vous remercie, monsieur le président. Je serai bref, car je pense que nos pauvres témoins sont ici depuis assez longtemps. Je tiens d'ailleurs à les remercier d'être venus et d'avoir supporté stoïquement cet aspect de notre travail quotidien.

J'ai une brève question au sujet de votre troisième recommandation, où vous dites que la communication de renseignements est nécessaire pour assurer le respect de la loi, pour garantir la sécurité du personnel, des élèves ou d'autres personnes, et pour favoriser la réadaptation. Dois-je comprendre que, d'après vous, il faudrait vous informer de presque tout? Chacun des points que vous mentionnez aurait quelque chose à voir avec un jeune contrevenant réintégrant l'école. C'est très large.

Mme Kathy LeGrow: Oui, je vous remercie. Je vais profiter de l'occasion qui m'est donnée pour répondre.

Je crois que tout incident pouvant avoir des répercussions sur la sécurité des étudiants et du personnel est important au sein d'une école. Cependant il faut respecter la vie privée de chacun. Je tiens à préciser que, pour cette recommandation, nous avons suivi le libellé du projet de loi. En réalité, ce sur quoi nous voulons insister le plus, c'est la promotion de la réadaptation du jeune.

En effet, c'est en cela que nous pouvons nous montrer le plus utiles, par notre aide et notre soutien tôt dans le processus. Également, le partage de l'information permet une intervention beaucoup plus précoce. Quand on reconnaît rapidement des difficultés de comportement chez un enfant, quand on peut intervenir plus tôt, avec l'aide d'autres systèmes, on peut s'attendre à de meilleurs résultats à long terme.

M. Chuck Cadman: Très bien. Y a-t-il d'autres commentaires?

• 1300

Mme Marilies Rettig: Parce qu'il s'agit d'une préoccupation très importante, exprimée par des enseignants partout au pays, j'aimerais ajouter qu'il existe des différences bien réelles quant aux renseignements qui sont divulgués entre les différentes régions du pays. Il y a un certain manque de cohérence.

Je crois que la solution doit comporter deux volets. Tout d'abord, celui que Kathy a déjà mentionné, au sujet de la sécurité et de la sûreté des particuliers et des autres étudiants qui nous sont confiés. Le deuxième volet concernerait plutôt la conception de programmes destinés aux jeunes qui présentent des problèmes. Il s'agirait de programmes d'intervention qui feraient en sorte que les ressources appropriées seraient disponibles en classe, en ce qui a trait à l'enseignement, mais également à l'extérieur de la classe. Il s'agirait alors d'autres ressources.

M. Chuck Cadman: Y a-t-il d'autres commentaires?

Pour faire suite à vos propos, j'aimerais savoir si vous suggérez que seule l'administration d'une école soit au courant des problèmes, ou que les enseignants, dans les salles de classe, aient accès à cette information. J'ai parlé à des enseignants qui aimeraient bien être mis au courant du fait qu'ils ont une jeune personne dans leur classe qui présente des prédispositions à la violence, juste au cas où un simple regard de travers pourrait déclencher chez elle une réaction violente.

Mme Marilies Rettig: Je pense qu'il faudrait transmettre les renseignements à tous les niveaux, du personnel du conseil scolaire, qui conçoit les interventions plus globales, à l'administration d'une école, certainement, et même aux enseignants. C'est ce qu'ont dit des enseignants dans tout le pays, des gens qui travaillent à la base, et qui n'ont pu obtenir ce genre de renseignements que cinq ou six mois après avoir reçu l'étudiant en question dans leur classe.

Mme Kathy LeGrow: J'aimerais ajouter qu'il faut cependant respecter le principe du besoin de connaître, parce que le respect de la vie privée est également important. Les renseignements en question ne devraient être connus que des gens qui interviendraient directement auprès de l'étudiant, ou que des gens en position d'autorité à l'école, ou au sein du système d'éducation.

M. Chuck Cadman: Dans votre cinquième recommandation, vous demandez que le gouvernement fédéral et ses partenaires provinciaux se penchent sur diverses solutions pour composer avec les enfants de moins de 12 ans qui commettent des infractions. Avez-vous des suggestions à faire à cet égard? Vous dites que les gens devraient se parler, mais vous-même, avez-vous des suggestions à faire sur le traitement qu'on devrait accorder aux jeunes contrevenants de moins de 12 ans?

Mme Kathy LeGrow: Comme je l'ai dit plus tôt, nous croyons qu'une identification rapide des problèmes est le rôle le plus important qu'une école et ses partenaires communautaires peuvent jouer dans la prévention du crime plus tard dans la vie du jeune. Si nous sommes en mesure d'identifier, dès leur jeune âge, des jeunes qui pourraient s'engager dans une forme d'activité criminelle, surtout des activités violentes, si l'on peut, dès ce jeune âge, répondre à leurs besoins et à leurs préoccupations, alors nous avons une meilleure chance de prévenir le crime plus tard.

Je sais que nous travaillons, à l'heure actuelle, avec le ministère de la Justice du gouvernement fédéral. Nous étudions les programmes existants qui permettent d'identifier les jeunes posant des problèmes et de répondre à leurs besoins. Nous voulons faire connaître les résultats de cet examen dans tout le pays, et nous recherchons également des approches novatrices pour identifier ces jeunes.

M. Damian Solomon (directeur adjoint, Services de développement professionnel, Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants): Je voudrais ajouter quelque chose et insister sur ce que disait Kathy à propos des interventions rapides. Nous avons en effet constaté que beaucoup des jeunes qui ont adopté des comportements criminels étaient au départ des élèves chez lesquels on n'avait peut-être pas décelé un problème d'apprentissage ou qui avaient d'autres problèmes qui n'ont pas été découverts par l'école ou leurs parents, faute simplement de ressources ou de temps. Je crois que nous pénalisons encore davantage ces enfants si nous leur faisons abandonner l'école sans nous occuper de leur handicap ou de leurs problèmes. Ce sont là les jeunes qui, si on ne fait rien pour eux, tendent à adopter des comportements qui plus tard posent des problèmes beaucoup plus graves.

Le dépistage et l'intervention rapides sont donc vraiment essentiels. Ces jeunes ne sont pas énormément nombreux; nous avons des statistiques du ministère de la Statistique indiquant qu'environ 1,5 p. 100 seulement des incidents signalés par la police sont le fait de jeunes de moins de 12 ans. Mais aussi peu nombreux soient-ils, il est important de ne pas laisser ces jeunes adopter ces comportements parce qu'ils ne reçoivent pas le traitement qu'ils devraient recevoir et parce que la situation empire évidemment et qu'ils deviennent une charge pour la société, commettent des crimes plus graves et sont parfois gardés à vue, ce qui coûte à l'État beaucoup plus que d'assurer le traitement voulu au bon moment.

• 1305

M. Chuck Cadman: J'aurais une dernière question à ce sujet. Nous avons entendu des témoignages de différentes personnes, et notamment du professeur Bala, qui dit que les jeunes de moins de 12 ans et jusqu'à 10 ans devraient être assujettis au système de justice pénale pour les adolescents. On parle d'un mécanisme similaire à la demande de transfert: en ce sens que si l'infraction commise est jugée suffisamment grave, on présente au tribunal une demande pour qu'une personne aussi jeune puisse entrer dans le système, non pas pour être emprisonnée, mais pour obtenir l'aide dont elle a de toute évidence besoin. Je me demandais seulement si vous aviez un avis là-dessus.

Mme Marie Pierce (directrice générale, Association canadienne des commissions/conseils scolaires): Nous ne sommes pas favorables aux mesures qui criminalisent les jeunes pour qu'ils obtiennent les services dont ils ont besoin. Si l'on veut s'occuper de leurs besoins, il est préférable d'envisager les autres modèles qui existent dans le secteur des services sociaux ainsi que des modèles et mécanismes qui reposent sur la collaboration.

Si l'on croit que la seule façon de répondre à leurs besoins est de les criminaliser, nous ne sommes pas d'accord. Nous estimons qu'il existe d'autres genres de ressources pour les aider sans avoir recours au système de justice pénale.

M. Chuck Cadman: Sans criminalisation, comment peut-on responsabiliser les jeunes, faire comprendre aux jeunes de moins de 12 ans qui commettent des actes de violence particulièrement vicieux que ce n'est pas acceptable?

Mme Marie Pierce: Nous voulons justement nous assurer qu'ils sont tenus responsables de leurs actes. C'est pourquoi nous recommandons d'envisager certaines autres méthodes: afin de s'assurer qu'ils bénéficient des services dont ils ont besoin, mais également qu'ils reconnaissent et qu'on leur dise que ce qu'ils ont fait n'est pas acceptable et entraîne des conséquences.

Trop souvent, en effet, les enfants de moins de 12 ans pensent que s'ils font quelque chose, il n'arrivera rien. Or, il existe des mesures que l'on peut envisager dans le cadre de services sociaux et d'autres mécanismes pour assurer que leurs actes entraînent des conséquences. Nous ne sommes pas d'accord toutefois pour qu'ils soient couverts par le système de justice pénale pour les adolescents.

M. Chuck Cadman: Quelqu'un d'autre?

Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci, monsieur Cadman.

Monsieur McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président. Je n'en reviens pas, M. MacKay n'est pas passé avant moi.

Les témoins ont parlé tout à l'heure de la politique de tolérance zéro dans le système en matière d'éducation. Je suppose que tout le monde sait ce que cela veut dire. Au risque de déformer un peu les choses, mais pour les présenter peut-être de façon plus provocante, il semble y avoir quelque chose de tout à fait problématique: que cela aurait poussé davantage les jeunes vers le crime, puisque ce système oblige la police à porter une accusation et à sortir le jeune de l'école. Cela ne leur semble pas bon.

J'aimerais avoir vos commentaires, en tant qu'éducateurs qui ont vu fonctionner le système de tolérance zéro depuis quelques années. Est-ce que vous trouvez que du point de vue éducatif, c'est un bon système? Deuxièmement, dans la négative, devrait-on l'atténuer jusqu'à 1 ou 2 p. 100?

Mme Marilies Rettig: Si vous me le permettez, je vais donner le contexte général, puis je demanderai à mes collègues de vous préciser quelle est la politique de la commission ou du conseil scolaire.

Il est évident que la tolérance zéro prend diverses formes dans la pratique, et même dans l'interprétation. Le problème que nous voyons à la tolérance zéro—et chacun des groupes représentés ici est d'accord—c'est que cela risque d'entraîner une réaction extrême à un problème mineur. Il est tout à fait essentiel de prévoir des conséquences pour les élèves qui ont un comportement inapproprié et tout à fait inapproprié, mais il faut que les réactions et conséquences soient appropriées face aux actions des élèves.

Je demanderais aux autres de donner des exemples précis.

M. Dan Wiseman (chef, Travail social, Conseil scolaire du district d'Ottawa—Carleton; Association canadienne des administrateurs et des administratrices scolaires): Du point de vue administratif, dans la vie courante, je dirais que la tolérance zéro est un concept qui est mal compris et tend à tout englober et à justifier des réactions extrêmes et disproportionnées par rapport à ce qui s'est passé.

Si c'est un principe que nous devons tous respecter, notamment les jeunes, selon lequel la violence est inacceptable, qu'on ne peut la justifier, que l'on ne dit pas: «Que voulez-vous, ce sont des garçons!» pour dire que c'est normal et qu'il n'y a pas de problème... Si la tolérance zéro consiste à dire que ce n'est pas normal et que nous allons réagir de façon appropriée, tant en ce qui concerne l'intéressé, et notamment la victime et la famille, que la société afin que le message passe dans le milieu scolaire et dans la population, c'est une bonne chose.

• 1310

Pour nous, la question est de savoir comment prévoir des conséquences qui ne dérangent pas le processus d'apprentissage. En particulier pour les jeunes de moins de 12 ans. Nous pensons qu'il y a des possibilités d'apprentissage quand les jeunes acceptent les conséquences de leurs actes, et que cela n'est pas mutuellement exclusif.

Je crois donc que la tolérance zéro nous permet de faire passer un message, non seulement aux enfants, mais également aux adultes. Cela peut donc être efficace, si c'est bien compris et si cela permet de faire comprendre qu'il n'y a qu'un seul type de violence. Qu'il n'y en a pas d'autre. Que la violence ne peut pas être bonne et mauvaise. Que la violence, c'est de la violence. Dans ce sens, le principe de tolérance zéro est utile.

M. John McKay: Pensez-vous que ce projet de loi va dans ce sens ou empêche ce genre de chose?

M. Dan Wiseman: Comme l'ont dit mes collègues, je pense que le projet de loi dans son ensemble renforce la politique générale selon laquelle il faut appliquer un certain nombre de principes fondamentaux à une démarche multidisciplinaire interactive, qu'il s'agit de traiter chaque enfant selon ses besoins en prévoyant des conséquences et des ressources différentes. Nous avons dit que lorsqu'il n'y a pas les ressources voulues, on tend à recourir à des solutions extrêmes et ainsi à utiliser ce concept de façon inappropriée.

Dans ce cas, je crois donc que cela doit s'appliquer simultanément, et pour ceux d'entre nous qui travaillent quotidiennement avec des enfants dans les écoles, ce projet de loi est très important pour assurer une certaine cohérence dans la démarche et le respect de certains principes.

M. John McKay: Pensez-vous que les éducateurs puissent avoir plus qu'un rôle interactif avec la police dans la déjudiciarisation discrétionnaire prévue dans ce projet de loi?

M. Dan Wiseman: Oui, certainement. Je parlerai d'Ottawa—Carleton, puisque c'est notre région. Avant 1990, il y avait cinq agents qui travaillaient avec Elmer, l'éléphant de sécurité. On s'en souvient tous. Nous avons maintenant près de 40 agents qui travaillent dans les écoles. Et en très peu de temps, dans tout le pays, les agents et associations de police se sont rendu compte que la meilleure utilisation de leurs ressources pour ce qui est des jeunes et des problèmes avec les jeunes est de travailler en partenariat avec les écoles.

Donc, lorsque nous voyons la police, le personnel scolaire et d'autres professionnels de la santé mentale collaborer tout de suite dans une école, parce que nous avons la possibilité de le faire, une audience captive, c'est une chance rare que d'autres institutions ne semblent pas avoir au pays. Les résultats sont immédiats, pertinents et extrêmement multidisciplinaires parce que tout peut se faire en même temps.

Les ressources existent donc, et la réaction, pour être efficace, peut varier selon la gravité ou les circonstances de l'acte, selon les désirs et les préférences des administrateurs et des parents, qui ont la possibilité de décider ensemble.

Dernière chose à ce sujet, je crois que c'est la raison pour laquelle les écoles offrent le mécanisme qui permettrait de fusionner un certain nombre des principes énoncés dans ce projet de loi. En fait, pour ce qui est plus généralement de gérer les enfants et de leur donner ce dont ils ont besoin, c'est une façon d'intervenir tôt et de façon appropriée.

M. John McKay: Je voudrais revenir sur la question des ressources, parce que vous en parlez beaucoup.

Il est tout à fait évident qu'en tant qu'éducateurs vous savez très bien que c'est la province qui finance l'éducation, et c'est normal. La contribution du gouvernement fédéral est habituellement incluse dans le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, c'est ce qui est important, et je le sais pour l'Ontario, où cela représente environ 10 p. 100 du budget. Mais c'est en fait un chèque en blanc. Le gouvernement n'a pas grand contrôle de l'utilisation de cet argent.

Par ailleurs, le gouvernement fédéral applique directement l'argent à un aspect du système, habituellement l'application d'une peine. Et l'on se propose de porter ce budget à quelque 50 millions de dollars par an.

Ces négociations se poursuivent, et j'aimerais savoir comment vous pensez que se déroulent ces négociations. Quels conseils donneriez-vous au gouvernement fédéral, qui s'est engagé à augmenter ces montants du fait de son rôle dans le système de justice pour les adolescents?

Mme Kathy LeGrow: L'Association canadienne des commissions/conseils scolaires a entrepris d'exercer des pressions très fortes au palier national pour toutes ces questions qui nous préoccupent en tant que pays, telles que la pauvreté chez les enfants et la justice pour les adolescents. Nous en avons parlé à un certain nombre de députés. Nous sommes conscients de ce que vous venez de dire, à savoir que le gouvernement fédéral n'a pas toujours dépensé dans les provinces comme le voudraient les députés; tant s'en faut.

• 1315

Nous devenons maintenant très actifs au niveau provincial avec les organismes auxquels nous sommes associés. Par conséquent, chacune de nos associations provinciales, par exemple, a rencontré ses ministres de l'Éducation, de la Santé et des Services communautaires pour discuter du Programme d'action national pour les enfants. Nous continuerons d'exercer des pressions sur la scène provinciale. Des pressions s'exercent donc sur les provinces pour qu'elles fournissent le genre de programmes qui répondront aux besoins de nos enfants. Nous voulons nous-mêmes pouvoir jouer un rôle en ce qui concerne l'utilisation qui sera faite des fonds fédéraux investis dans la jeunesse dans le cadre de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.

Nous nous engageons à exercer très activement des pressions, et pas seulement de la part des commissions ou conseils scolaires. Vous avez devant vous des gens qui représentent un vaste secteur de la société, qui sont devenus très actifs sur la scène politique et qui ont la possibilité d'exercer de fortes pressions sur les gouvernements provinciaux pour veiller à ce que l'argent qu'ils reçoivent soit dépensé de façon à répondre aux besoins des enfants que nous desservons.

Mme Marilies Rettig: Et nous avons certainement une structure semblable à l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires, en ce sens qu'en tant que membre de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, nous avons derrière nous les fédérations des organisations provinciales et territoriales de tout le pays. Nous avons certainement fait les mêmes progrès en ce qui concerne le programme d'action pour les enfants et les pressions qu'il faut exercer sur les gouvernements provinciaux pour qu'ils établissent les bonnes priorités. Et c'est du côté des programmes et des programmes d'intervention que doivent être ces priorités.

Nous réussirons si nous agissons en tant que regroupement, en tant qu'enseignants et commissions scolaires, et surtout en tant que parents, dans le contexte provincial, et même au niveau des commissions scolaires locales et du contexte communautaire, afin que les provinces se rendent compte des priorités et voient où se trouvent les solutions. La solution consiste à investir dans ce genre de programmes d'intervention.

Le message que nous avons transmis en ce qui concerne le Programme d'action national pour les enfants, c'est l'importance de l'union sociale et de son utilisation pour assurer une coopération entre le gouvernement fédéral et les provinces.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Vous pouvez poser une question de plus, si vous le désirez.

M. John McKay: J'ai une dernière question assez controversée. J'en ai discuté avec vous plus tôt, et on pouvait lire en manchette ce matin dans le National Post que le système d'éducation ne réussit pas aux garçons selon les experts. Nous avons ici un groupe d'experts, et il se trouve que ce sont surtout les garçons qui ont affaire au système de justice pour les adolescents. La thèse de cet article est que les garçons bénéficieraient davantage d'un relèvement des normes et d'un peu plus de concurrence. C'est sans doute vrai aussi pour les filles. L'approche féministe de l'éducation qui se fonde sur la coopération ne motive pas les garçons.

Je me demande si le système d'éducation ne présente pas certains aspects pernicieux qui, à certains égards, créent une sous-catégorie d'enfants qui ont maille à partir avec la justice, et je me demande s'il s'agit là d'une observation valide.

Je vois que personne ne désire répondre.

Une voix: Qui veut répondre?

Mme Kathy LeGrow: En tant que femme, je ne voudrais pas qu'on m'accuse d'aborder ces questions dans un esprit féministe. Je ne suis pas d'accord avec la façon dont cet article est formulé. Personnellement, je peux vous dire qu'une commission scolaire que je présidais a décidé d'employer dans ses écoles secondaires de premier cycle des enseignants du primaire parce qu'elle a constaté que le soutien émotif qu'ils apportaient était beaucoup plus utile pour faire face à ces enfants en pleine croissance que les enseignants spécialisés dans une matière, et cela a donné de bons résultats. C'est une conclusion purement subjective de ma part.

Mais je crois que, comme ma collègue Marie l'a dit tout à l'heure, si les statistiques progressent d'un côté, il faut qu'elles diminuent de l'autre. Si les filles réussissent mieux à l'école, cela veut dire que les garçons réussissent moins bien.

• 1320

Mais je vais céder la parole à mes collègues.

M. Damian Solomon: C'est un renversement ironique de la situation, car il y a quelques années on s'inquiétait beaucoup de ce que les filles ne réussissaient pas aussi bien qu'elles le pouvaient dans des matières comme les mathématiques et les sciences, car dans les grandes classes elles se sentaient intimidées par la présence des garçons. On disait aussi que les filles n'avaient même pas la chance de prendre la parole en classe aussi souvent que leurs condisciples du sexe masculin. Bien entendu, étant très sensible à toutes ces questions, je pense que nous avons constaté de grandes améliorations dans la façon dont les classes sont gérées.

Je crois que Kathy a fait valoir un bon argument. En aidant les jeunes filles à prendre davantage confiance en elles, nous avons vu leur rendement s'améliorer. Nous savons que les garçons parviennent à maturité plus tard que les filles, mais il se peut que nous constations maintenant que leur rendement est moins bon. Je ne suis pas certain de la nature de cet écart, et il faudrait que j'examine ces statistiques de plus près pour voir dans quelle mesure elles sont valides. Ce que nous constatons parfois en surface n'est pas toujours aussi exact qu'on le prétend, surtout si nous nous contentons de croire ce que rapportent les médias.

M. John McKay: J'ai une dernière question.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Allez-y.

M. John McKay: Malheureusement, la politique publique a toujours des conséquences inattendues. Il s'agit de voir ici si en repensant la politique d'éducation dans une optique, disons, plus féministe, vous avez marginalisé les garçons et si cela ne conduit pas à la marginalisation de ceux dont nous parlons, à savoir les enfants qui sont dans le système de justice pénale pour les adolescents. C'est juste une idée que je lance. Je ne suis pas du tout convaincu que ce soit vrai, mais je me demande si les experts en éducation qui sont ici se sont demandé si le système d'éducation n'avait pas pour conséquence imprévue de marginaliser les garçons, ce qui crée une sous-catégorie de population qui est marginalisée.

Mme Marilies Rettig: En deux mots, je dirais que la clé de l'éducation est de fournir un environnement dans lequel chaque enfant pourra réaliser son plein potentiel. On a certainement mis l'accent sur les fillettes qui n'atteignaient pas ce potentiel et on a cherché à en établir les raisons. Je viens de passer brièvement en revue les résultats du rapport des indicateurs pancanadiens de Statistique Canada-CMEC qui montrent que les filles ont mieux fait en mathématiques et en sciences. Je ne me souviens pas d'avoir lu que les résultats des garçons avaient beaucoup baissé; en fait, ils sont à peu près semblables. C'est simplement que les filles commencent à atteindre ce seuil, ce qui est une bonne chose, car cela veut dire que les enfants atteignent leur plein potentiel.

Pour ce qui est de la marginalisation de certains groupes d'élèves, je sais que les fédérations d'enseignants ont discuté de la féminisation accrue de la profession. Cela n'a rien à voir avec le programme scolaire, et je ne suis pas d'accord pour dire que le programme scolaire a été féminisé.

Nous constatons que d'après les tendances et les statistiques, même si 70 p. 100 des enseignants sont des femmes, ce pourcentage est en augmentation aux niveaux primaire et secondaire. Nous examinons comment donner davantage de modèles de comportement aux garçons et avoir davantage d'enseignants du sexe masculin au primaire. Au niveau de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants et des autres organisations des diverses régions, nous nous penchons précisément sur cette question.

Nous effectuons également une analyse plus intensive de l'offre et de la demande et nous étudions la démographie pour voir si nous attirons à la fois des hommes et des femmes dans la profession et, dans la négative, quels sont les obstacles. Savons- nous garder les hommes dans la profession? Dans la négative, quels sont les obstacles qui nous en empêchent? C'est une étude vraiment cruciale qu'il faut mener, car il est absolument essentiel que les deux modèles de comportement soient présents. S'ils sont là, cela permettra à chaque enfant de réaliser son plein potentiel et d'obtenir le genre de socialisation qui doit se faire à tous les niveaux, surtout au primaire.

M. John McKay: C'est donc un argument en faveur d'un programme d'embauche préférentielle.

Mme Marilies Rettig: Non, je n'ai pas dit cela. Il s'agit de faire des recherches et d'examiner la situation.

Quelqu'un a peut-être quelque chose à ajouter.

• 1325

M. Dan Wiseman: Je parlerais moins de la répartition des enseignants des deux sexes que de la marginalisation des enfants. Je dirais seulement qu'il est très important pour le Canada de se pencher sur le risque de marginaliser d'importants groupes d'enfants. Voilà pourquoi je crois et nous croyons que votre initiative est d'une importance cruciale pour une question de leadership. Je dirais seulement qu'en ce qui concerne vos collègues au niveau provincial, tout ce qui nous apporterait une stratégie cohérente et complète pour tous les enfants devrait s'attaquer à certains problèmes de marginalisation et se pencher sur la façon dont nous traitons les garçons et les filles. Personne ici ne sera surpris d'apprendre que nous les traitons différemment. Il s'agit donc là de questions très graves, auxquelles nous devons nous attaquer, que ce soit comme parents ou à d'autres titres.

L'idée de génération perdue n'est pas répandue au Canada. C'est pourtant une réalité imminente. Nos enfants ont besoin que nous examinions cette question dans le secteur de l'éducation, mais aussi au niveau des législateurs et des autres intervenants, afin de ramener dans le système les ressources de base dont nous avons besoin. Je vous rappelle à tous quel est l'enjeu. Les risques sont élevés, mais les avantages seront grands.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci.

Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: Monsieur le président, une question est souvent revenue lorsque je parlais aux étudiants, surtout au niveau du secondaire du premier et deuxième cycles, et le problème est devenu si grave que des parents ont amené leurs enfants dans mon bureau pour en discuter. Lorsque des enfants sont victimes d'intimidation ou de harcèlement à l'école ou lorsqu'un jeune a été reconnu coupable de tels agissements, souvent c'est lui qui retourne à l'école tandis que la victime déménage. C'est un grave problème. La victime quitte la commission scolaire, va dans une autre école ou étudie à la maison. Dans tous les cas, le coupable retourne en classe tandis que la victime doit déménager.

Avez-vous une opinion sur la façon dont il faudrait s'attaquer à ce problème? Comment faites-vous? Nous avons eu un cas très grave d'agression sexuelle en Alberta dont vous avez certainement discuté.

M. Ross Donaldson: En tant que surintendant d'un conseil scolaire chargé d'assurer la sécurité dans les écoles de mon district, pour que la situation dont je vous parlais ne se reproduise pas, voici selon moi les choses à faire.

Nous travaillons en collaboration avec divers organismes communautaires. Nous nous réunissons une fois par semaine pour discuter du genre de cas dont vous parlez. Quand nous examinons la situation sur une base hebdomadaire, nous cherchons tout d'abord à nous occuper de la victime. Ensuite, nous veillons à placer le coupable dans un milieu où il pourra réussir sur le plan scolaire sans exercer d'influence négative sur ses camarades de classe. Nous avons donc procédé à l'inverse de la situation dont vous parlez.

Mme Marilies Rettig: C'est ce que j'ai constaté également ailleurs. Mais cela montre la nécessité de rechercher les meilleurs modèles à suivre et de les appliquer de façon suivie afin d'assurer la sécurité de l'enfant qui a été victime de tels agissements, et de faire en sorte que l'autre jeune soit placé dans un environnement où il pourra réussir. C'est là qu'interviennent certains programmes novateurs mis en place un peu partout, tels que les programmes d'éducation alternative, les écoles alternatives, le placement d'un enfant dans une autre école ou dans un programme spécial d'encadrement par les pairs, ou autres programmes de ce genre. Il faut certainement examiner les meilleurs modèles à suivre et les appliquer de façon cohérente.

Mme Kathy LeGrow: Il s'agit également de voir si le milieu scolaire est au courant ou non de certaines de ces infractions.

À propos du cas dont vous avez parlé et qui s'est produit à Edmonton, je ne pense pas que le milieu scolaire était au courant de la situation avant que les familles n'en parlent. Dans notre mémoire, nous faisons allusion à l'accès à l'information, ce qui indique combien il est important pour nous d'avoir accès à ce genre d'information.

• 1330

Il y a aussi la question des ressources. Dans ma province, Terre-Neuve, un jeune d'une petite localité isolée, âgé de 13 ans, a été reconnu coupable d'agression sexuelle avec violence. Il a été condamné à retourner à l'école, ce qui était souvent le cas, surtout pour un jeune de 13 ans il y a deux ans, et la seule école où il pouvait aller était celle que fréquentait la victime.

Quelle était donc la solution pour la commission scolaire? Elle a enfreint la loi, étant donné qu'elle a décidé de ne pas éduquer cet enfant alors qu'elle doit éduquer tous les enfants qui lui sont confiés. Elle n'avait pas les ressources voulues pour faire instruire cet enfant à la maison. Personne n'a contesté sa décision. Elle aurait pu être traduite devant les tribunaux, mais on s'est sans doute rendu compte que dans ces circonstances elle n'avait pas d'autre choix.

C'est sans doute un exemple assez extrême, mais les ressources sont essentielles pour répondre aux besoins de certains de ces enfants. Si l'on n'a pas d'autre milieu où les placer, que faire d'eux? Si le système de justice n'est pas bien représenté dans les petites régions rurales—et c'est certainement le cas un peu partout—quelles ressources allons-nous devoir mettre en place pour répondre aux besoins de ces jeunes?

M. Chuck Cadman: Je suppose que nous nous trouvons dans la situation classique où vous avez d'une part les droits de la victime et d'autre part ceux du coupable. Qui l'emporte? Si le coupable ne peut pas être envoyé dans une autre école alors que la victime ne peut pas retourner dans cette école, qui a la priorité?

Mme Kathy LeGrow: Comme Ross l'a dit, je crois, dans sa région, et j'espère que tel sera le principe suivi partout, les besoins de la victime doivent l'emporter sur ceux du coupable. Telle doit être la règle. Mais ce n'est pas toujours le cas en pratique.

M. Chuck Cadman: C'est pourquoi j'ai posé la question.

Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci.

Monsieur Maloney, avez-vous une question?

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Monsieur Wiseman, en ce qui concerne la tolérance zéro, qui décide d'appeler la police? Est-ce le directeur, un membre de la commission scolaire ou un membre du personnel? Qui prend cette décision?

Vous avez également laissé entendre que... [Note de la rédaction: Difficultés techniques]... autre que la tolérance zéro. Il y a peut-être plusieurs degrés. Comment votre personnel ou quelqu'un d'autre, prend-il une décision éclairée? S'il s'agit d'une bataille dans la cour de l'école, pourquoi n'appelez-vous pas la police? Si quelqu'un se fait pousser dans le vestiaire ou taper sur la tête avec un crayon ou une chaise, cela dépend-il du degré de violence? Pourriez-vous me dire ce que vous entendez par «tolérance zéro»?

M. Dan Wiseman: Si j'ai laissé entendre qu'il y avait divers degrés, c'est davantage pour ce qui est de la réponse. Ce que nous considérons comme une tolérance zéro est une réponse qui peut être une simple intervention de l'enseignant entre deux jeunes âgés de six ans dans la cour d'école, mais il s'agit d'envoyer un message, y compris lorsqu'un acte criminel est commis.

Je ne peux pas dire ce qui se passe ailleurs, mais en Ontario les circonstances dans lesquelles nous devons appeler la police sont bien précisées. Certains incidents peuvent être réglés à l'école par un enseignant ou le directeur. S'il s'agit d'un crime grave—et je veux parler bien entendu de violence, d'extorsion, d'actes criminels graves—nous sommes obligés d'appeler la police. Bien entendu, c'est ce qui se fait dans la plupart des commissions scolaires.

C'est pour cela que les rapports avec la police revêtent tant d'importance, parce qu'en fin de compte nous devons gérer... Même si on prévoit une enquête, ou si l'on a joint la police par téléphone, cela ne mènera pas nécessairement à une inculpation, ainsi que vous le savez sans doute. Cela ouvre toutefois la porte à toute une série de conséquences relevant de la résolution en matière pénale, comme la médiation ou le cercle de détermination de la peine auquel on peut recourir avant l'inculpation.

Par conséquent, jusqu'à un certain point, on peut dire qu'il y a une certaine latitude, après quoi le mécanisme régulier s'enclenche, et les conséquences se déroulent au gré des circonstances, jusqu'à l'inculpation, le traitement des victimes et toutes les choses qui en font partie. L'enjeu ici à mon avis est de considérer les choses en séquence plutôt que de vouloir «gérer» tous les événements à la fois, car cela constitue un message important à l'intention de la victime.

M. John Maloney: J'ai une autre question à poser au sujet des renseignements à fournir aux écoles. Il a été dit ici ce matin que si nous ouvrons trop le processus, il risquera de stigmatiser l'enfant concerné, même auprès des enseignants. On considérera peut-être ce dernier comme un mauvais élément, et sa réadaptation et sa réinsertion sociales pourraient être compromises à l'école parce qu'il aura été étiqueté, même par des enseignants. Est-ce bien cela? Qu'avez-vous observé à cet égard?

• 1335

Mme Marilies Rettig: En tant qu'enseignante depuis déjà quelques années et à en juger d'après les renseignements que j'ai obtenus d'autres enseignants de partout au pays, les renseignements ne sont pas transmis. Les enseignants ne sont pas mis au courant de la situation d'étudiants délinquants, même dans le cas où de contrevenants violents à qui ils enseignent. C'est ce que j'entends le plus souvent.

Je conviens tout à fait qu'il faut éviter de stigmatiser ou d'étiqueter les étudiants. Cela dit, il faut fournir les renseignements susceptibles d'aider les enseignants à créer un milieu sûr pour tous les étudiants et propice au meilleur apprentissage possible pour l'enfant qui a eu ce genre de problème.

En conséquence, et ici je répéterai les observations faites par Kathy un peu plus tôt, il faut renseigner le personnel du conseil scolaire et de l'école, au cas par cas, et quant à moi, j'estime que l'enseignant ayant l'enfant en difficulté dans son programme scolaire doit être mis au courant de ce genre de chose.

Il y a certainement lieu de respecter la confidentialité. Nous n'envisageons pas d'étendre davantage le cercle des initiés. Nous ne communiquerions pas ce genre de renseignement lors de réunions du personnel ou même lors d'une réunion de tous les enseignants; mais celui qui enseigne à l'enfant en difficulté devrait certainement être mis au courant.

M. John Maloney: Allez-y, Marie.

Mme Marie Pierce: Il y a une autre remarque à faire ici. Il y a quelques années, lorsqu'on nous a donné le droit d'avoir accès à certains de ces renseignements, comme conseils scolaires, nous nous sommes vraiment donné beaucoup de mal pour concevoir des projets de protocoles et de politiques pour savoir quoi faire lorsqu'on nous donnerait ces renseignements-là; on saurait alors qu'il existe des politiques claires au sein des conseils scolaires, et qu'ils établissent qui a accès aux renseignements, dans quelles circonstances, et qu'on en respecterait aussi la nature confidentielle. Nous étions donc conscients de notre obligation de renseigner nos employés de façon appropriée et d'adapter ces protocoles.

Dans les nouvelles dispositions de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, qui élargit les circonstances dans lesquelles on peut obtenir des renseignements, nous nous sommes également engagés à entreprendre de nouveau de telles initiatives. Nous tenons d'ailleurs des réunions de concertation partout au pays auprès de représentants de l'éducation. Nous leur expliquons les dispositions actuelles en soulignant ce qui va et ne va pas en ce a trait à l'accès à l'information, et leur demandons ce que les conseils scolaires devraient modifier dans leurs protocoles et leurs politiques.

Nous sommes très sensibilisés aux questions d'accès à l'information et à la nécessité de trouver le juste milieu entre, d'une part, le besoin de savoir et, d'autre part, la confidentialité. Mais il faut reconnaître qu'à moins d'avoir des services à l'interne et des protocoles appropriés, il pourrait être très difficile de gérer la situation, tout en remplissant nos obligations. Nous sommes très sensibles à toutes ces dispositions et nous sommes engagés à en tenir compte.

M. John Maloney: Vous parlez de services à l'interne appropriés. Existe-t-il des programmes de formation à l'intention des enseignants pour les aider à faire face à des enfants à problèmes ou est-ce que l'on ne forme de façon particulière que les enseignants travaillant dans des écoles où l'incidence de cas de ce genre est plus élevée? Ou est-ce encore que les enseignants de ces écoles doivent apprendre sur le tas?

Mme Kathy LeGrow: Il est évident que l'argent se faisant rare partout, beaucoup de conseils scolaires ont réduit, voire éliminé complètement, leur budget en vue du perfectionnement professionnel. Il est vrai que certaines écoles, qui sont situées dans des zones bien particulières plus que dans d'autres zones, comptent plus d'élèves à problèmes. Cela peut être considéré soit comme une occasion à saisir soit comme une difficulté. Je pense que c'est les deux. Si tous les élèves à problèmes se trouvent dans une école, cela permet d'attaquer la difficulté de front. Toutefois, quand ils fréquentent tous la même école, cela peut potentiellement exacerber le problème.

La difficulté, pour ce qui est de former les enseignants, se situe au niveau des ressources. J'imagine qu'on les forme à l'université. On les forme également sur place dans les écoles mêmes, mais ce genre de formation n'est pas aussi stricte, ni même généralement suffisante, en termes de temps et de ressources.

M. John Maloney: Dois-je comprendre que la diminution des ressources empêchera ou limitera l'intervention précoce, et que le problème s'en trouvera donc exacerbé?

Mme Kathy LeGrow: Comme le disaient nos collègues plus tôt, le filet de sécurité social se rétrécit et les trous s'agrandissent, faute de ressources. Tout le monde le sait au Canada. Nous avons essayé de faire plus avec moins, ce qui a entraîné des lacunes dans le système.

Il ne faut pas uniquement s'en remettre au réseau scolaire pour combler les besoins de ces enfants; c'est un problème de société. Si nous regroupons nos ressources, il devrait être possible d'agir efficacement du point de vue financier. Je ne parle pas uniquement d'un regroupement au niveau de la collectivité, mais aussi au niveau local, municipal, provincial et fédéral. Si nous pouvions tout regrouper et cibler les enfants qui ont besoin d'être aidés et sur lesquels doivent porter nos efforts, je crois qu'il serait possible, en fin de compte, de faire plus avec moins d'argent, dans la mesure où nous partageons le même objectif.

• 1340

M. John Maloney: Madame Rettig, vouliez-vous ajouter quelque chose? Monsieur Donaldson aussi?

Mme Marilies Rettig: Je voulais rappeler que les choses varient énormément d'un endroit à l'autre. Ce qu'il y a en commun partout, c'est le manque de perfectionnement professionnel. En effet, s'il y a un secteur dans lequel les provinces ont sabré, c'est celui du perfectionnement professionnel.

Je connais des fédérations dans différentes provinces qui ont offert à leurs enseignants des cours d'été en gestion de classe, en intervention auprès des élèves, en intervention et médiation par les pairs, notamment. Mais il est essentiel que nos efforts soient déployés de façon plus globale, pour pouvoir offrir aux enseignants de partout au Canada des programmes cohérents et des services sur place.

Je souscris aussi à ce que disait Kathy LeGrow: notre stratégie ne devrait pas cibler uniquement les enseignants; il faut aussi faire appel à l'ensemble de la collectivité.

M. John Maloney: Monsieur Donaldson.

M. Ross Donaldson: Prenons comme exemple les ressources strictement municipales: il y a deux ans, il existait 27 unités de soutien qui s'occupaient de gestion du comportement et de soutien des enfants ayant eu des démêlés avec le système judiciaire. Cette année, il n'y en a plus que huit. M. Wiseman pourra me corriger, mais j'ai l'impression que l'année prochaine, il n'y en aura plus du tout, faute de fonds.

À titre d'information, dans le district que je représente, deux dixièmes de un pour cent de la population auraient besoin d'être pris en charge par ce type d'unité de soutien, et c'est pourquoi je souscris à ce qu'on vous a dit plus tôt. Il faut abandonner la stratégie par silos et, pour rester dans le domaine agricole, revenir peut-être aux bons vieux élévateurs à grains qui sont en train de disparaître. Nous n'avons pas de silos de maïs, de silos d'orge ou de silos de blé. Ils sont tous au même endroit et on y peut avoir accès au fur et à mesure des besoins.

Ce qui nous inquiète grandement, c'est qu'on puisse nous demander désormais de prendre en main des adolescents qui ont eu maille à partir avec le système judiciaire, pour les aider à se réadapter, mais sans que nous puissions compter sur des systèmes de soutien. Nous réitérons qu'à notre avis, tout financement futur de ce programme devra être ciblé, et particulièrement à l'échelle provinciale.

En effet, si comme le craignait M. McKay, le fédéral envoyait un chèque en blanc, cela ne donnerait rien: les fonds doivent être ciblés au palier provincial et à mon avis, utilisés en vue d'une intervention précoce. Comme on le signalait plus tôt en parlant de l'intimidation, les études que nous avons faites confirment que si nous lançons des programmes qui s'appliquent de façon continue du jardin d'enfants à la 12e année en vue de lutter contre l'intimidation et ses répercussions—on parle d'«intimidation» aux niveaux inférieurs, de «taquinerie» aux niveaux moyens et de «harcèlement» aux niveaux supérieurs et dans le milieu de travail—cela devrait nous permettre, à mon avis, de transformer la société pour le mieux. J'en suis fermement convaincu, de la même façon que je suis convaincu que si nous pouvons cibler les jeunes qui vivent dans la pauvreté et dans l'abus dès les premières années, depuis le préscolaire jusqu'au début du secondaire, nous pourrons réduire le nombre de jeunes qui auront des démêlés avec la justice. Ce sont mes 35 années d'expérience avec des jeunes à problèmes dans plusieurs écoles qui me permettent de l'affirmer.

M. John Maloney: Merci de ce bon conseil.

Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: Monsieur le président, je digresse un peu du projet de loi dont nous sommes saisis, mais je suis curieux de savoir quelque chose au sujet des suspensions. Lorsqu'un incident se déroule dans une école et qu'il justifie une suspension, pour avoir parlé à certains jeunes et à beaucoup d'enseignants, il semble que la suspension ne soit pas une punition très constructive. En effet, la suspension vous oblige d'habitude à sortir l'enfant de l'école pendant une certaine période, ce qui le pousse souvent à traîner comme il le souhaite dans les rues ou près des dépanneurs, parce que ses parents sont tous deux au travail. Ce n'est certainement pas ce que l'on souhaite voir arriver.

Dans une des écoles de ma circonscription—mais je ne sais pas si on le fait encore aujourd'hui—les suspensions avaient l'habitude de se passer à l'intérieur de l'école. Tous les élèves suspendus étaient envoyés pour la durée de la suspension dans une salle où ils étaient surveillés et où ils devaient faire leurs devoirs. Que pensez-vous de cela?

• 1345

Les retirer de l'école me semble aller à l'encontre du but recherché. Même lorsqu'un incident justifie la suspension, il saute aux yeux que c'est inefficace de le renvoyer chez lui, sans surveillance. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Mme Marilies Rettig: Je commencerai, et mon collègue enchaînera.

Je conviens que dans certains cas, les élèves doivent être retirés du milieu, particulièrement dans les cas de violence, ou d'agression, notamment. Mais les suspensions en milieu scolaire existent, et nous constatons qu'elles sont très efficaces, et couronnées de succès, à l'élémentaire et au secondaire. Évidemment, il faut pour cela disposer de ressources à l'interne et de personnel sur place qui puisse faciliter ces suspensions au sein de l'établissement scolaire.

Il est impératif que nous songions à différentes stratégies d'intervention, plutôt que d'en rester à des attitudes tranchées comme: «Tu t'es rendu coupable de tel geste, c'est fini. Tu es renvoyé», surtout dans les quartiers où il existe d'autres problèmes, qui deviendront plus aigus, pour le jeune qui subit la sanction, parce qu'il devra les subir hors du contexte scolaire.

Je serai très heureuse de vous entendre à ce sujet.

M. Dan Wiseman: La question constitue certainement un dilemme pour chacun d'entre nous. J'aimerais utiliser une analogie. Dans le cas des décrocheurs, il y a un problème de ressources. Quand les écoles et la communauté n'ont plus aucune option, parfois la seule chose qui reste à faire c'est de quitter l'école, tout comme, parfois, la seule chose qui reste à faire dans les cas disciplinaires, c'est de renvoyer l'élève. Qu'il s'agisse d'une mesure valable ou non, elle devient la seule option disponible.

Quand on se penche sur la question des décrocheurs, comme nous l'avons fait en Ontario après le rapport Radwanski—nous avons créé de nouvelles façons de nous acquitter de nos tâches, dans un milieu qui nécessite beaucoup de ressources, de gens, et d'options. On a pu ainsi faire baisser le taux de décrochage. Ce n'est pas bien sorcier. Quand on dispose d'un certain nombre d'options, on peut répondre aux besoins des enfants. C'est efficace, peu onéreux, et, à long terme, c'est avantageux.

Il en va de même pour les suspensions. Lorsqu'on dispose d'un certain éventail d'options—des programmes en milieu scolaire, des programmes différents pour les étudiants qui ne parviennent pas à s'adapter à l'école secondaire ordinaire—, on peut faire face à différentes situations. Dans un contexte où les ressources diminuent, à la fois au sein du milieu de l'éducation et ailleurs, alors les options, la souplesse dont dispose un directeur d'école, et par conséquent, le genre de décisions qu'il peut prendre, sont tout simplement plus limitées. Ce n'est pas nécessairement justifiable quand on pense à l'intérêt des enfants, des familles, et quand on songe à l'intérêt à long terme de la communauté, mais il s'agit alors de la seule option.

Mes collègues ici présents essaient de changer cet état de choses. Cependant, cela demande beaucoup de travail et c'est cher. Il en coûte pourtant beaucoup moins que de tourner tout bonnement le dos au problème. Il s'agit d'un continuum. Je crois que la même analyse structurelle peut s'appliquer aux suspensions et aux décrochages, et les résultats sont tout à fait évidents. Ils ne devraient aucunement nous surprendre.

M. Ross Donaldson: Une fois encore, mon expérience de directeur de cinq écoles secondaires différentes, au cours de ma carrière, ainsi que l'expérience que j'ai acquise à mon présent poste, me portent à croire que la suspension est efficace dans la mesure où elle n'est pas répétée. Dans certains cas, cette mesure sonne un réveil, parce que lorsque l'étudiant revient, grâce aux ressources disponibles dans le cadre de sa réinsertion en milieu scolaire, on peut chercher à remédier à quelques-unes des causes fondamentales du problème. Par contre, une suite de suspensions devient tout à fait stérile.

Il faut ici songer au problème du—et j'ai toujours de la difficulté à prononcer ce mot—récidive. Il a trop de syllabes.

Des voix: Oh, oh!

M. Chuck Cadman: Je vous remercie.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Je vous remercie également.

Monsieur McKay.

M. John McKay: On dirait bien que je vais poser la dernière question.

Passons à la recommandation 3, dans laquelle vous dites que les paragraphes 124(5) et 125(6) devraient être modifiés pour qu'ils précisent l'exigence de communiquer des renseignements. Je lis ici le paragraphe 124(5), qui dit: «Le directeur provincial ou le délégué à la jeunesse peut communiquer à quiconque des renseignements...». Est-ce que vous proposez qu'on dise plutôt «doit communiquer des renseignements»?

Mme Marie Pierce: C'est bien cela.

M. John McKay: Très bien. Et parle-t-on de la même chose au sujet du paragraphe 124(6)? Désirez-vous qu'on remplace «peut communiquer» par «doit communiquer des renseignements contenus dans un dossier tenu en application des articles 113 à 115 à un professionnel ou à toute autre personne chargée de surveiller l'adolescent...»? S'agit-il de la même proposition?

Mme Marie Pierce: C'est exact.

M. John McKay: Très bien, je vous remercie.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Est-ce tout, monsieur McKay?

M. John McKay: C'est tout, trois petites questions.

Le vice-président (M. Ivan Grose): C'est la fin des questions. Vous voyez? Ça n'a pas fait mal du tout, n'est-ce pas?

En passant, je suis heureux de voir un pédagogue qui ne peut pas prononcer «récidive» lui non plus.

Des voix: Oh, oh!

Le vice-président (M. Ivan Grose): Parfois je suis obligé de dire: «Vous savez, ces types qui se font toujours attraper».

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Je tiens à vous adresser nos remerciements les plus chaleureux, parce que je sais que nous vous avons donné beaucoup de fil à retordre, et je m'en excuse. Si cela peut vous consoler, en vous couchant ce soir, vous pourrez toujours vous dire que nous serons probablement encore en train de voter.

Des voix: Oh, oh!

M. Dan Wiseman: Nous suivrons vos exploits à la chaîne parlementaire.

Le vice-président (M. Ivan Grose): Merci encore.

La séance est levée.