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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 2 mai 2000

• 0940

[Traduction]

Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib)): La séance est ouverte.

Ah, monsieur Bellehumeur, bon retour.

Des voix: Oh, oh!

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Je veux prendre la parole.

Le président: Pas de problème.

[Traduction]

Je céderai la parole à M. Bellehumeur en premier. Mais auparavant, étant donné que je ne reprendrai pas la parole avant un bon moment...

Des voix: Oh, oh!

Le président: ...je suis heureux de vous accueillir tous de nouveau pour l'examen, en théorie, article par article, du projet de loi C-3, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.

Bon retour à tous. J'espère que nous avons tous profité des deux semaines d'ajournement comme on nous avait conseillé de le faire. J'espère aussi que M. Bellehumeur a suivi ses propres conseils. Je suis certain qu'il a travaillé très fort à ce dossier et qu'il a pris beaucoup de notes.

Je suis heureux d'accueillir de nouveau les fonctionnaires qui ont été très patients. J'ignore quel médicament vous donne toute cette patience, mais vous devriez peut-être en prendre une dose supplémentaire.

[Français]

Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur: Monsieur le président, la motion sur laquelle je faisais des discours avant le congé pascal et dont le but était de reporter l'étude article par article du projet de loi au 2 mai 2000 est caduque. C'est pourquoi j'ai donné avis d'une motion le 12 avril dernier à 18 h 06. Je la propose maintenant et je vous la lis, monsieur le président. Elle se lit comme suit:

    Que l'examen article par article du projet de loi C-3, intitulé Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, soit reporté afin de permettre à la ministre de la Justice et procureur général du Canada de venir témoigner au comité pour expliquer ses nombreux amendements et répondre à nos questions.

Monsieur le président, comme je l'ai dit, j'ai déposé cette motion le 12 avril dernier. J'imagine que j'étais déjà inspiré par le Saint-Esprit, parce que durant les deux semaines de relâche, la ministre de la Justice a pris sa plume pour écrire aux journaux québécois afin de faire passer son message. Je pense que ma motion cadre extrêmement bien dans cette approche, puisque la ministre, de toute évidence, n'a rien compris ou est de mauvaise foi. Étant donné qu'on dit en droit que la bonne foi se présume, j'imagine qu'elle est de bonne foi. Donc, elle n'a rien compris. Il serait donc important, monsieur le président, qu'elle vienne au Comité de la justice, mais pas à la sauvette comme la dernière fois. On doit réserver un bloc d'heures important pour ce projet de loi très important afin qu'elle puisse venir nous donner des explications, mais surtout écouter les exemples qu'on donne régulièrement en comité. Je vais ressortir des mémoires au cours de cette semaine, monsieur le président. Je vais sortir des mémoires, des exemples concrets que la ministre dit ne pas avoir eus. Elle n'en a pas pris connaissance parce qu'elle demande dans sa lettre du 25 avril que le député donne des exemples de ce qu'on ne pourra pas faire au Québec avec C-3. Elle sait fort bien que ce n'est pas dans les 30 secondes qui me sont accordées lors d'une période de questions que je suis capable de lui fournir des exemples, parce que c'est très complexe. Je dis qu'elle est de mauvaise foi lorsqu'elle répond des choses semblables. Elle sait fort bien que les règles parlementaires ne nous permettent pas d'argumenter, de donner un exemple ou de prendre la parole à la Chambre des communes à la période de questions pendant plus de 30 secondes. En 30 secondes, aucun député n'est capable de donner un exemple précis d'un problème aussi complexe que celui-là.

J'imagine et j'espère que la ministre se fera un plaisir de venir en comité pour entendre ces exemples et écouter, afin qu'elle ne puisse plus répondre ce qu'elle répond. C'est épouvantable.

• 0945

Je sais que la ministre ne dira pas oui comme cela du jour au lendemain. La dernière fois qu'elle est venue en comité, il restait au moins 30 à 40 minutes avant le vote. On aurait pu continuer à lui poser des questions et, en plus, c'était à mon tour. Mais la ministre a prétexté un rendez-vous extrêmement important pour partir.

Monsieur le président, il faut que la ministre revienne et qu'on se donne un bloc important d'heures. Est-ce que c'est 20 heures? Est-ce que c'est 32 heures? Je ne le sais pas, mais c'est assez important pour que la ministre prenne beaucoup de temps pour venir écouter ce que le Québec et les autres provinces ont à lui dire, et plus précisément ce que le Québec a fait au cours des 20 dernières années et la raison pour laquelle on craint que le projet de loi C-3 ne mette un terme à ce que le Québec fait.

Monsieur le président, je disais que la ministre avait pris sa plume pour écrire un bel article. J'espère que tous les députés ont lu cet article extrêmement important de la ministre, qui a été publié dans La Presse du 25 avril dernier et dont le titre est: «Projet de loi C-3: plus de moyens pour réhabiliter les jeunes».

Je me suis demandé si on était sur la même planète parce que ce n'est pas tout à fait ce que je lis dans ce projet de loi. Ce qui me rassure et qui me fait dire que c'est moi qui suis sur la bonne planète alors que la ministre ne l'est pas, c'est que tous les intervenants du Québec avec qui j'ai communiqué à la suite de la parution de cet article m'ont donné raison. La ministre ne vit pas sur la même planète que nous, monsieur le président. J'aimerais que les gens du ministère, son secrétaire et les membres du Parti libéral la remercient. Je lui dois des remerciements. Par cette lettre, elle a su donner une nouvelle vigueur à la coalition et au consensus québécois.

Les petites menteries qui sont là-dedans sont tellement grosses qu'elles ont réveillé la coalition, qui se demandait s'il fallait continuer ou si le message avait passé à Ottawa. De toute évidence, le message n'a pas passé à Ottawa. Je vais vous dire très sincèrement que la ministre les a le plus frustrés au paragraphe que je vais vous lire:

    J'ai demandé à plusieurs reprises à ceux qui critiquent le projet de loi de fournir des exemples de pratiques ou de politiques qui ne cadrent avec le projet de loi ou qui ne pourront être améliorées. On ne m'a fourni aucun exemple.

Les membres de la coalition se sont dit que la ministre n'avait même pas pris la peine de lire leurs mémoires et qu'il n'avait servi à absolument rien qu'ils se présentent au Comité de la justice pour expliquer leur approche. Ils se sont dit: «La ministre nous rit en pleine face. Qu'est-ce qu'on peut faire?»

C'est à suivre. De toute évidence, la ministre n'a pas pris connaissance des documents extrêmement importants qu'on a entre les mains, des études très sérieuses qui ont été faites sur le projet de loi C-3 par opposition à la Loi sur les jeunes contrevenants que nous avons à l'heure actuelle et que nous appliquons très bien au Québec.

Cette lettre n'est pas passée inaperçue. J'ai hâte de voir le Barreau du Québec. J'imagine que le Barreau va répondre un jour ou l'autre parce que la ministre utilise le Barreau du Québec. De toute évidence, elle n'a pas lu le même mémoire que moi. Au cours de la journée et au cours de la semaine, je vais revenir sur différents points du mémoire du Barreau du Québec, qui est très important. La ministre ne l'a probablement pas lu de la même façon que moi. Je vais essayer de vous convaincre qu'elle doit refaire ses devoirs et revenir en comité pour écouter.

Monsieur le président, le Barreau du Québec n'a pas encore donné de réponse à la ministre. C'est mauvais signe quand j'enlève mon veston. Cependant, le Jeune Barreau du Québec a répondu à la ministre très rapidement, le mercredi 26 avril dernier.

• 0950

Son titre est très important, monsieur le président: «Jeunes contrevenants: entre l'obstination et le mépris». C'est une lettre beaucoup plus étoffée et beaucoup plus sérieuse que la précédente. Son premier paragraphe est très important. J'ose espérer que la ministre en a pris connaissance et qu'elle pourra nous donner une définition d'un dictionnaire. C'est là que tout bon juriste trouve souvent les meilleures définitions. Je me souviens que lors de procès, je prenais le Petit Larousse pour faire comprendre au juge certaines définitions. Je pense que le président de l'Association du Jeune Barreau de Montréal, M. Philippe J. Laurin, a fait la même pratique que moi et qu'il doit être du Barreau de 1986, à peu près comme moi, parce qu'il utilise cette même approche. Il dit ceci:

    Si l'on se fie à la définition du dictionnaire Larousse, une personne obstinée est une personne qui persévère dans ses actions sans vouloir rien entendre.

C'est exactement ce que Mme la ministre McLellan a choisi de faire. Elle a choisi de ne rien entendre, de dire des demi-vérités et de faire de la désinformation juridique dans les journaux. J'imagine que cela a suscité une réaction dans les officines et couloirs du palais de justice parce que j'ai également reçu d'autres lettres que je vais vous lire. C'est pour ça qu'il faut que vous la remerciiez très sincèrement de ma part. Je la remercie.

S'il y a un petit bout de mon intervention que vous devriez traduire ou porter à l'attention de la ministre, j'aimerais que ce soit celui qui suit. En tout cas, des 10 premières minutes de l'intervention du député Bellehumeur, faites-lui au moins connaître ce petit bout-là pour qu'elle comprenne:

    La différence fondamentale entre la loi actuelle et le projet de loi C-3 réside essentiellement dans l'approche privilégiée. Alors que la loi actuelle est basée sur des valeurs de rééducation et de réadaptation de l'adolescent, situant l'infraction par rapport à l'ensemble du comportement du jeune et des difficultés qu'il peut rencontrer dans sa famille, à l'école ou dans son milieu, la réforme propose plutôt une approche basée sur le degré de gravité de l'infraction et sur la punition et la dissuasion. Cette dernière approche est largement inspirée de la philosophie pénale que l'on retrouve chez les adultes.

Ce n'est pas quelque chose que je peux expliquer en 30 secondes, et la ministre le sait fort bien. Elle sait fort bien que ce n'est pas en 30 secondes qu'on est capable de démontrer la différence fondamentale entre le projet de loi C-3 et la Loi sur les jeunes contrevenants. Mais Dieu sait, cependant, que cette différence est très présente et très importante.

Lorsque la ministre dit à tous ceux qui critiquent le projet de loi de fournir des exemples pratiques, on peut lui dire que c'est là un exemple des répercussions épouvantables à long terme du projet de loi C-3. J'espère qu'elle va lire ce paragraphe très important.

Lorsqu'on dit que l'obstination de la ministre ressemble beaucoup plus à du mépris, il faut se poser d'autres questions très importantes. J'ai soulevé beaucoup de questions, mais quand elles viennent d'un député bloquiste, d'un méchant séparatiste, on prend ça avec un grain de sel, n'est-ce pas? On dit qu'il fait de la politique, que ça n'a pas de bon sens et que c'est un bon projet de loi. On fait de la désinformation, comme le fait la ministre, avec une belle photo. Elle devrait peut-être en envoyer une autre parce que cette photo n'est pas à son avantage.

Monsieur le président, la question très importante que se pose le Jeune Barreau et que j'ai posée jadis est la suivante: «Pourquoi une telle réforme devrait-elle être entreprise?» Le Jeune Barreau a fait état de la situation actuelle, souligné que c'est au Québec qu'on retrouve un des taux de criminalité les plus bas au Canada et décrit la façon dont on applique la Loi sur les jeunes contrevenants. Il se demande donc pourquoi il faut entrevoir une réforme de ce style-là. On lit:

    Nous sommes incapables de trouver quelque explication rationnelle qui pourrait justifier un changement de cap aussi radical dans le fonctionnement de la justice pénale pour adolescents.

Est-ce que ça pourrait être plus clair? Je ne le pense pas.

• 0955

    En effet, le système actuel fonctionne très bien. Si l'on se fie aux études sur la question, c'est au Québec que l'on retrouve le taux de délinquance juvénile et le taux de judiciarisation des adolescents le plus faible dans tout le Canada.

Encore une fois, ce sont des études qui ont été fournies par le ministère de la Justice fédéral. Donc, les chiffres doivent être bons.

    L'approche québécoise, qui privilégie depuis 20 ans la prévention de la criminalité des jeunes, a donc fait ses preuves, comme en témoigne également le taux élevé de réinsertion sociale chez les jeunes contrevenants.

Comme vous le voyez, le président de l'Association du Jeune Barreau de Montréal part d'une prémisse, examine ce qui se fait et fait les distinctions. Il a regardé les documents du ministère de la Justice fédéral et les statistiques et se pose la question: pourquoi modifier la Loi sur les jeunes contrevenants et pourquoi entreprendre une telle réforme? Comme il n'a pas de réponse, il regarde un peu plus loin pour voir s'il est le seul à penser de la même façon. Je cite encore:

    Depuis le dépôt du projet de loi C-3, à l'automne 1999, une vive opposition s'est manifestée au Québec. La ministre McLellan a même réussi à faire l'unanimité à l'Assemblée nationale puisque celle-ci a adopté, en décembre dernier, une motion unanime demandant au gouvernement fédéral de suspendre son projet de réforme, jugeant celle-ci aux antipodes des valeurs de réhabilitation et de prévention privilégiées au Québec. La ministre de la Justice du Québec, Mme Linda Goupil, et le critique libéral en matière de justice, M. François Ouimet, avaient alors joint leurs voix pour signifier à Ottawa leur opposition face à l'approche préconisée par Ottawa.

Le Jeune Barreau arrive à une conclusion, regarde ce qui se dit à l'extérieur et se rend compte qu'à l'Assemblée nationale, 125 députés sur 125 disent à la ministre fédérale de reculer et de ne pas aller de l'avant avec son projet de loi C-3 avant d'évaluer ses conséquences. La ministre ne l'a pas fait. Il faut voir les discours. Tout à l'heure, je pourrai parler des discours parce que je les ai. J'ai entre autres ceux des libéraux. Les libéraux sont allés très loin, peut-être même plus loin que les péquistes, pour dire que le fédéral ne devait pas aller de l'avant avec C-3. Les libéraux qui sont en face de moi m'écoutent de façon très attentive. Ils sont sûrement d'accord avec moi.

Une actuelle ministre du Cabinet libéral à Ottawa, Mme Robillard, était, à l'époque de la première tentative de modification de la Loi sur les jeunes contrevenants, qui s'appelait le projet de loi C-68, ministre de la Santé et des Services sociaux au Québec et avait écrit une lettre conjointe avec M. Lefebvre, alors ministre libéral de la Justice du Québec, pour dire à M. Allan Rock, ministre de l'époque, de ne pas aller de l'avant avec le projet de loi C-68 parce que ce projet allait à l'encontre de ce qui se faisait au Québec. Vous n'êtes pas au courant de cela?

Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible].

M. Michel Bellehumeur: D'accord. Au cours de la semaine, je vais remettre la main sur cette lettre et...

Une voix: Ce n'est pas le même...

M. Michel Bellehumeur: C'est le C-68. Non, ce n'est pas sur les armes à feu.

On va s'entendre. Le projet de loi C-3, avant de s'appeler C-3, s'appelait C-68. Est-ce exact? C'est exact. Je vais vous apporter la lettre du ministre Lefebvre et on pourra éventuellement argumenter sur cette lettre.

À l'époque, alors que les libéraux étaient au pouvoir, le Parti québécois avait même proposé une motion en vue de donner des directives à Ottawa, et les libéraux au pouvoir avaient modifié la motion des péquistes, qui étaient alors dans l'opposition. Madame Lafontaine, je vais vous en apprendre une. Je vais retrouver tout ça et vous l'apporter. Cela va me faire plaisir.

• 1000

Donc, je poursuis la lecture de l'article de M. Philippe J. Laurin. Je cite un autre passage parce que c'est important. Donc, il y a le Jeune Barreau du Québec et 125 députés sur 125 de l'Assemblée nationale—on va s'entendre là-dessus puisque j'ai la résolution devant moi—qui demandent au fédéral d'enlever ses grandes pattes du projet de loi C-3 et de faire en sorte qu'on puisse continuer, au Québec, à appliquer la Loi sur les jeunes contrevenants. Je cite un autre passage:

    Cette rare unanimité à dénoncer un projet de loi fédéral s'est également manifestée auprès des multiples intervenants sociaux, éducateurs, professeurs et policiers. Le Barreau du Québec a également exprimé, à la fin février, son opposition au projet de loi. Le juge en chef adjoint de la Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec, l'honorable Michel Jasmin, ainsi que la Coalition québécoise pour la justice des mineurs ont également critiqué sévèrement le projet de loi.

Que faut-il de plus pour faire comprendre à la ministre qu'au Québec, non seulement on a des craintes, mais on est aussi tout à fait convaincus que l'application du projet de loi C-3 va modifier la façon dont on fait les choses depuis 15 ou 20 ans? Ce n'est pas hier qu'on a entrepris d'appliquer la Loi sur les jeunes contrevenants comme on le fait. J'ai eu la chance, voilà 15 jours, de faire un petit historique. Je ne le referai pas au complet, mais je vois qu'il y a des membres du comité qui n'étaient pas là lorsque je l'ai fait. Je ferai une brève mise à jour pour que tout le monde ait les mêmes informations, le même point de départ. Je suis sûr, monsieur Saada, que vous allez vous faire un plaisir de m'écouter.

Donc, monsieur le président, la conclusion est très importante également. La ministre aurait tout avantage à lire la conclusion de la lettre ouverte du Jeune Barreau de Montréal. Encore là, ça ne s'explique pas en 30 secondes. La conclusion se lit comme suit:

    L'approche retenue par le projet de loi C-3 n'est aucunement justifiée. Pourquoi démolir l'équilibre que le Québec a réussi à établir entre la sécurité de la population et l'encadrement des jeunes délinquants? Il est primordial de conserver la marge de manoeuvre nécessaire pour remettre les jeunes dans le droit chemin, lorsqu'il est encore possible de le faire, plutôt que de les laisser sombrer dans la culture criminelle.

Une remarque qui revient souvent de la part des membres de la coalition, de la part des gens qui appliquent quotidiennement la Loi sur les jeunes contrevenants, c'est qu'avec le projet de loi C-3, il n'y a plus de différence entre les jeunes contrevenants et le tribunal pour adultes. Ce ne sont plus deux systèmes parallèles. S'il existe un petit parallèle, il devient de moins en moins grand. Quelles seront les prochaines modifications? Le gouvernement fédéral a l'habitude, depuis que je suis député ici, de modifier la Loi sur les jeunes contrevenants à tous les deux ou trois ans. Quel sera son prochain geste après le projet de loi C-3? Il s'en faut de peu pour qu'il n'abolisse carrément toute forme de justice pour adolescents au Canada. Il s'en faut de peu. Qu'il fasse encore deux ou trois amendements, et ça va y être. Il faut arrêter cela.

Je pense que le moment est venu pour la ministre de comprendre et d'arrêter de faire des modifications. Elle doit comprendre un petit peu ce qui se passe et, surtout, poser les bonnes questions aux gens qui appliquent la Loi sur les jeunes contrevenants.

Une autre personne a écrit une lettre. Il s'agit de quelqu'un que je ne connaissais pas et qui ne fait pas partie de la coalition. Au Québec, la Coalition pour la justice des mineurs regroupe 22 ou 23 organismes, mais il y a d'autres organismes qui sont peut-être moins structurés et qui ne font peut-être pas partie de grandes associations ou de quoi que ce soit. Les membres de la coalition ne peuvent pas connaître tous les gens du milieu. L'association dont je parle fait peut-être partie d'une sous-section d'une association qui est membre de la coalition, mais de toute manière, je n'avais jamais parlé à monsieur René Binet jusqu'à ce que je lise une lettre dans Le Devoir du vendredi 28 avril 2000, dont le titre est très révélateur: «Quand le voisin nous dit comment élever nos enfants...»

• 1005

Ça doit être encore quelqu'un qui ne connaît pas cela. Il ne dit pas la même chose que la ministre. Il ne doit rien comprendre à la loi. Il ne doit pas comprendre la Loi sur les jeunes contrevenants. Pourtant, c'est le président de l'Association des avocats et avocates en droit de la jeunesse de Montréal. J'ai vérifié auprès de lui, et ça fait juste 11 ans qu'il applique au quotidien la Loi sur les jeunes contrevenants et la Loi sur la protection de la jeunesse au Québec. Ça fait juste 11 ans qu'il pratique cela tous les jours. Il m'a parlé de cas qui m'ont fait lever le poil sur les bras. Pourtant, il est carrément contre l'approche préconisée par la ministre dans C-3. Il est contre toute modification de la Loi sur les jeunes contrevenants. Lorsque j'ai parlé avec lui, il m'a dit et répété que ce n'est pas la loi qui fait défaut, mais son application.

Comme le Barreau l'a dit à la page 16 de son mémoire, ce n'est pas la loi qui fait défaut, mais son application. Comme le dit le juge Jasmin au tout début de son rapport, ce n'est pas la loi qui fait défaut, mais son application. On est convaincu de cela, et je cite:

    La démarche que nous avons faite depuis deux ans et demi nous a convaincus que la Loi sur les jeunes contrevenants est une bonne loi. Nous avons d'ailleurs été frappés par le consensus qui existe dans les divers milieux d'intervention québécois à ce sujet.

Ce n'est pas la loi qui fait défaut, et tout le monde le dit.

Il y a un lettre ouverte de M. René Binet, avocat, qui est adressée à la ministre fédérale de la Justice. J'espère qu'elle va prendre le temps de lire cette lettre parce qu'elle est très importante. On y lit un paragraphe très important, qui ne s'explique pas en 30 secondes à la période des questions. Je suis persuadé que la ministre est assez professionnelle pour le savoir. Lorsqu'elle me répond des choses comme celles qu'elle m'a dites en Chambre hier, c'est là qu'elle fait de la petite politique. Je pense que ce n'est pas à la hauteur d'un ministre de la Justice. Voici ce que dit Me Binet au quatrième paragraphe de sa lettre:

    Un adolescent est une personne unique qui est en processus de formation, qui présente des besoins spéciaux qui le distinguent de l'adulte. Il faut analyser l'infraction reprochée à un adolescent dans un contexte multidisciplinaire. Il est déplorable de promouvoir une loi qui change cette approche en diminuant la distinction entre le système pénal adulte et celui appliqué aux adolescents, qui ramène de 16 à 14 ans l'âge présumé de renvoi aux tribunaux adultes.

Cela ne s'explique pas en 30 secondes, mais c'est important.

Également, en matière de sentence, avec toutes les nouvelles règles de C-3, ce n'est pas en 30 secondes qu'on sera capables de donner un exemple précis à la ministre. Il faut qu'elle vienne ici. Je suis convaincu que si elle venait témoigner et écouter ici pendant une semaine ou une semaine et demie, elle aurait une meilleure idée de la situation. Elle n'a jamais pris le temps de s'asseoir personnellement avec les membres de la coalition. Elle n'a pas pris le temps de visiter personnellement le centre pour les jeunes où M. Jasmin travaille, au palais de justice, pour voir comment ça se faisait de façon très précise. Elle n'a pas pris le temps de le faire. Il serait grand temps qu'elle le fasse, qu'elle prenne ce temps-là.

Je cite encore une fois Me Binet, qui dit:

    En matière de sentence, il faut avoir garde de privilégier le principe de l'exemplarité et la stigmatisation d'un adolescent au détriment des besoins de réhabilitation et, par conséquent, de la protection du public.

C'est une autre chose que je ne suis pas capable d'expliquer en 30 secondes. La ministre devrait venir ici, en comité, et je vais prendre le temps de lui expliquer la situation avec des exemples précis. On va sortir les mémoires. Il y a de nombreux mémoires. Je n'aurai pas le temps d'en faire le tour, à moins qu'elle décide de venir témoigner et nous entendre. Pourtant, l'exemplarité et la stigmatisation semblent constituer le nouveau jargon de la ministre dans le projet de loi C-3. C'est inquiétant.

• 1010

Il continue:

    Le processus pénal doit prendre en considération un ensemble de facteurs qui incluent la victime et l'accusé et n'a pas à sacrifier un adolescent pour satisfaire une certaine perception populaire de la sécurité.

    D'autre part, un autre faux débat est celui qui met l'accent sur l'identification du délit comme élément central devant influencer les décisions prises à l'encontre d'un jeune contrevenant, à savoir les crimes impliquant de la violence. Notre expérience basée sur le traitement de plusieurs milliers de dossiers nous permet d'affirmer que ces crimes commis par nos clients correspondent à des gestes qui doivent être situés dans la perspective dynamique intégrant des notions de développement, d'évolution et de degré de maturité, telles que reconnues par la Cour suprême dans l'arrêt J.J.M. (1993, Volume II, rapports de la Cour suprême, page 421).

De plus, tout le monde sait que cela a pris à peu près 10 ans à la Cour suprême du Canada pour vraiment identifier les balises et établir ce que la cour peut faire en conformité de l'article 3, la déclaration de principes de la Loi sur les jeunes contrevenants, et pour se pencher vraiment sur les besoins des adolescents. Cela a pris à peu près 10 ans.

Maintenant, on sait où on va. Maintenant, on a une bonne idée de l'application. On connaît les limites et on connaît également les faiblesses de la loi. Je n'ai jamais dit que la loi était une merveille du monde. C'est une loi qui mériterait peut-être que l'on modifie certaines choses au niveau des délais, mais c'est tout. Il ne faut pas faire un projet de loi de 199 articles pour cela.

Me Binet, qui a 11 ans d'expérience et qui a traité des milliers de dossiers, a, je pense, une expérience que personne n'a parmi nous qui sommes réunis autour de cette table. Et malgré tout le respect que j'ai pour la ministre de la Justice, elle n'a pas, elle non plus, cette expertise-là. Je ne connais pas tous les curriculum vitae des personnes qui travaillent au ministère de la Justice, mais je ne suis pas convaincu que tout le monde a une expérience pratique de 11 années et de milliers de dossiers, comme Me Binet et comme les membres de l'Association des avocats et avocates en droit de la jeunesse de Montréal. Ils arrivent à la conclusion que c'est faire fausse route, que c'est faire une erreur importante que de modifier la Loi sur les jeunes contrevenants.

On dit aussi dans cette lettre: «Il faut côtoyer des jeunes de près pour s'interroger et prendre conscience des mécanismes de transmission des valeurs. C'est dans ces institutions qu'il faut investir. Ce sont les vrais repères idéologiques, diffuseurs de valeurs. C'est grâce à eux si nous pouvons transmettre des valeurs et un sens civique à nos adolescents. Toutefois, ces institutions doivent survivre dans une pollution médiatique en mal de lynchages et d'analyses à courte vue. C'est lorsque ces institutions s'affaiblissent que la répression commence. Il faut faire des choix de société et la société québécoise a fait son choix, qui ne se retrouve pas dans votre projet de loi.»

C'est quand même quelqu'un qui a pris le temps d'examiner le projet de loi, qui a pris le temps de faire une analyse comparative du projet de loi C-3 et de la Loi sur les jeunes contrevenants qui arrive à cette conclusion.

Au Québec, on l'a fait, notre choix. Avant de faire notre choix, on a fait une étude extrêmement précise. J'y viendrai tout à l'heure. On a fait notre choix, et lorsque je regarde le projet de loi C-3, je ne retrouve rien des choix que les Québécois ont faits. C'est pour cela qu'il a donné un tel titre à sa lettre: «Quand le voisin nous dit comment élever nos enfants....». On fait des choix à titre de parents. On veut élever nos enfants de telle façon et le voisin va nous dire: hé, ce n'est pas comme ça; il faut que tu mettes ton enfant dans la garde-robe car il vient de faire telle chose ou de poser tel geste.

• 1015

Ce n'est pas normal.

Je cite cette lettre une dernière fois, monsieur le président, parce que je pense qu'il faut reconnaître que M. Binet a fait une étude très sérieuse et que, surtout, il se sent interpellé par la ministre de la Justice, à l'heure actuelle, avec ses amendements au projet de loi C-3. Il se sent tellement interpellé qu'il a pris le temps, malgré un programme de travail aussi important, sinon plus, que celui de chacun de nous autour de cette table, d'écrire cette lettre. Il faut être avocat dans une pratique privée pour savoir que le rôle des avocats au palais de justice exige beaucoup de travail: rencontres avec les clients; établissement des dossiers; rencontres avec les policiers; déplacements dans les établissements pour rencontrer les clients et tout le reste. Bien souvent, cela exige de travailler en soirée également. Or, M. Binet a pris son stylo et a écrit à la ministre de la Justice après la parution de sa lettre, que je qualifierais de provocatrice, et qu'on retrouve dans La Presse du 25 avril dernier. Le dernier passage que je vais citer est celui-ci:

    Mais ce qui ressort davantage de votre persistance à nous imposer votre façon de voir les choses au delà de votre projet de loi C-3, c'est votre incapacité de composer avec la mentalité québécoise d'intervention auprès des adolescents.

    Cette mentalité vous a été expliquée par le gouvernement du Québec, le ministère de la Justice, le Barreau du Québec, la Coalition québécoise pour la justice des mineurs, etc.

    La violence, c'est contraindre quelqu'un par la force. Votre attitude est de nous imposer, par la force, une loi qui touche la jeunesse québécoise, et ce, malgré nos représentations. Un autre rendez-vous manqué.

    Ce coup de force de votre gouvernement nous semble motivé par le lobbying de groupes de pression véhiculant des valeurs très différentes des nôtres.

    Ce qui nous amène à conclure que nous nous faisons dicter, voire imposer par des voisins une façon d'élever nos enfants. Des voisins insensibles à notre réalité, à nos valeurs et à nos traditions.

C'est ce qu'on appelle une lettre assez claire. Malheureusement, M. René Binet, président de l'Association des avocats et avocates en droit de la jeunesse de Montréal n'avait pas soumis un mémoire contenant tout cela. Mais il a écrit une lettre qui est, je pense, extrêmement importante et dont il faut tenir compte. Il faut l'examiner. C'est quand même quelqu'un qui a une expérience pratique extrêmement importante.

Ce matin, dans Le Devoir du mardi 2 mai, Michel Venne a pris le temps de faire un petit éditorial. Je suis persuadé que les gens du ministère ont tous vu cela, mais je ne suis pas convaincu que les députés d'en face en ont pris connaissance.

Il ne faut présumer de rien. Je sais, monsieur Saada, que vous avez lu tout cela. Le problème, cependant, c'est que j'aimerais que vous en faisiez l'écho également. Je n'entends pas cet écho.

Écho, écho, écho. C'est exact.

    Même modifié par 162 amendements, le projet de loi C-3 sur le système de justice pénale pour les adolescents reste inapproprié, mauvais pour les jeunes et menaçant pour l'approche québécoise.

Ça commence à faire beaucoup de monde au Québec qui ne veulent pas du projet de loi C-3. J'espère que vous vous rendez compte de cela. Je ne veux pas m'éterniser là-dessus, parce que c'est seulement le préambule de ce que j'ai à vous dire, mais je pense que c'est un éditorial qui mérite que je vous en cite deux paragraphes qui se retrouvent en plein centre et un dernier paragraphe qui s'adresse précisément aux députés libéraux du Québec. Les deux paragraphes que je vous cite au tout début sont les suivants:

• 1020

    Nous le répétons pour la énième fois: traiter un enfant qui commet un crime de la même manière qu'un affreux malfrat incurable, c'est promettre à ce jeune une carrière criminelle longue durée.

    Le problème fondamental de ce projet de loi, c'est qu'il prévoit que les sentences imposées à ces enfants soient proportionnelles à la gravité de l'infraction, comme on le fait dans les procès pour adultes, sans tenir compte, comme cela est possible dans le cadre actuel, de la situation du jeune, de ses difficultés économiques et sociales, de son comportement général.

Cela s'explique également difficilement en 30 secondes. On peut en faire l'énoncé rapidement, mais lorsque la ministre nous dit de lui donner des exemples concrets, il nous faut plus que 30 secondes lors d'une période de questions. La ministre le sait fort bien. C'est pourquoi je lui donne l'occasion, par ma motion, de se plier, de faire un geste important et de venir au comité afin de répondre à nos questions et de nous expliquer les affirmations qu'elle a faites. J'avais oublié de citer une de ses affirmations qui pourrait difficilement être plus provocante que cela. Elle a dit que le gouvernement du Canada s'était engagé à élaborer un projet de loi respectueux de l'approche qu'avait adoptée le Québec au cours des 15 dernières années. Oh, boy! Si elle avait voulu provoquer davantage les Québécois, elle n'aurait pas pu mieux s'y prendre. Pauvre Mme la ministre. Je ne sais pas qui lui a conseillé de faire ça, mais elle s'est trompée royalement en écrivant cela. En tout cas, il y a des coquilles dans ce texte. Elle aurait dû me l'envoyer et je l'aurais corrigé. J'aurais fait sauter une foule de paragraphes, et elle aurait été plus dans le ton parce que là, elle ne l'est pas du tout. En tout cas...

Je continue donc à vous lire l'éditorial de Michel Venne. Il s'agit d'un passage qui m'inquiète un peu plus et qui s'adresse entre autres aux députés du Québec. Il se lit comme suit:

    Si le projet de loi est adopté tel quel, nous aurons toutefois la preuve de deux phénomènes: d'une part, la montée des idéologies de droite au Canada et que veut exploiter la nouvelle Alliance réformiste-conservatrice canadienne, d'autre part, la perte d'influence du Québec sur les politiques pancanadiennes.

Comment est-ce que je réagirais si j'étais un député du Québec dans le gouvernement et que je me faisais dire cela par un éditorialiste du journal Le Devoir qui a une réputation importante et incontestée et qui connaît très bien la politique canadienne et québécoise? Qu'arriverait-il si je me faisais dire que le projet de loi C-3 sera un bel exemple qu'on pourra citer à l'avenir pour démontrer que le Québec a de moins en moins de poids sur les politiques pancanadiennes? Je vais compléter sa citation en disant que le Québec a de moins en moins de poids sur les politiques pancanadiennes, à son propre détriment face à l'Ontario et à l'Ouest canadien. Cela est inquiétant pour un député du Québec, qu'il soit de l'opposition ou du gouvernement.

Vous, les députés libéraux du Québec, vous avez avantage à lire cet éditorial-là et à constater que vous êtes en train de vous faire passer un sapin extrêmement important avec ce projet de loi C-3. Il serait temps que vous vous réveilliez et que vous demandiez à la ministre de venir témoigner ici, conformément à la motion que j'ai déposée. Il faut prendre suffisamment de temps, soit un bloc important de 25, 30 ou 35 heures, pour examiner un projet de loi aussi important que celui-là, au dire même de la ministre.

J'aurai l'occasion de répondre un peu plus tard à un autre commentaire qu'a émis la ministre dans sa lettre du 25 avril. Mais étant donné que cela ne s'explique pas en 30 secondes, je ne le ferai pas immédiatement. Je veux le faire selon un schéma que je me suis donné. C'est peut-être jeudi ou la semaine prochaine que j'aurai le temps de vous parler de ces points-là.

• 1025

Dans Le Devoir* du 25 avril, on cite un extrait de la lettre de la ministre, que je vous lis:

    Également, le projet de loi C-3 comble un bon nombre de lacunes de la Loi sur les jeunes contrevenants en rendant le système plus juste, plus efficace, offrant plus de protection pour les jeunes.

Est-ce que la ministre était sincère lorsqu'elle a écrit que le projet de loi C-3 comblait un bon nombre de lacunes de la Loi sur les jeunes contrevenants en rendant le système plus juste et plus efficace et en offrant plus de protection pour les jeunes, alors que tout le monde affirme que le projet de loi C-3 est une voie d'évitement pour faire en sorte que les tribunaux pour les jeunes traitent le plus grand nombre de jeunes possible comme des adultes? Elle prétend que cela assurera aux jeunes une plus grande protection. Est-ce en traitant les jeunes comme des adultes qu'on va les protéger? Est-ce en leur donnant des peines pour adultes qu'on va les protéger? Est-ce en multipliant les étapes qu'on va rendre cela plus efficace? Est-ce en faisant un consensus large, quasiment à l'unanimité au Québec, qu'on va rendre le système plus juste?

On dit parfois qu'on devrait se rouler la langue sept fois dans la bouche avant de parler; je serais porté à dire que la ministre aurait dû rouler son crayon sept fois avant d'écrire. Ça n'a pas de bon sens. Elle donne en plus des exemples de mesures qui accéléreront le processus et tiendront davantage compte de la présomption d'innocence. Le droit à l'avocat sera accru. Aïe! Il faut être rendu bas pour essayer de vendre son projet de loi C-3 en disant que le droit à l'avocat sera accru. N'y a-t-il pas de Charte canadienne des droits et libertés ici? Ça existe, cela. Dire que le droit à l'avocat sera accru, c'est de la foutaise; il ne sera pas plus accru qu'il ne l'était avant. Est-ce qu'on fait participer davantage les avocats? Ce sont des choses qui se font dans la pratique. Dans ces cas-là, je cite tout le temps un professeur de droit de l'Université d'Ottawa, qui était également un fiscaliste, qui disait: «Écoutez les jeunes, vous allez apprendre avec la pratique qu'on bourre les matelas et non pas les springs.» Je pense que la ministre est en train de bourrer les springs et de s'en rendre compte maintenant qu'ils lui rebondissent en pleine face.

Elle a dit que les jeunes bénéficieront du fait que le juge sera un expert dans le domaine de la justice pour les jeunes. Allô, la terre! Il y a des juges qui sont venus dire ici qu'ils ne voulaient rien savoir du projet de loi C-3. Les jeunes bénéficieront du fait que le juge sera un expert dans le domaine de la justice pour les jeunes, disait-elle. Est-ce que la ministre sous-entend que le juge Jasmin n'est pas un expert dans le domaine de la justice pour les jeunes parce qu'il applique correctement et efficacement la Loi sur les jeunes contrevenants et qu'il en a une large expertise? Si ce n'est pas de la provocation, ça, qu'est-ce? Je ne le sais pas. Est-ce que la ministre a pensé pendant cinq minutes avant de signer cette lettre-là?

Le tribunal devra attendre toute la preuve avant d'imposer une peine pour adulte, disait-elle. Eh bien, regardez donc: c'est une nouvelle donnée, ça. Que faisait-il auparavant? Est-ce qu'il attendait la moitié de la preuve avant d'imposer une peine? La question de renvoi existait auparavant.

• 1030

La ministre disait:

    la participation de la famille à toutes les étapes du processus sera encouragée et plus importante;

Ça, c'est bon. On va obliger une famille qui ne s'occupe plus de son jeune à participer davantage. La connaissez-vous, la réalité de ça? Le juge Jasmin me disait qu'il y a des jeunes qui cognent à 16 h 30 à la porte du palais de justice parce qu'ils veulent aller en-dedans, parce qu'ils n'ont pas d'endroit où aller et parce que leurs parents ne veulent pas s'occuper d'eux. Il y a des jeunes qui, après l'école, s'en vont dans des centres jeunesse parce que leurs parents ne veulent pas les voir, parce qu'ils ne s'en occupent pas.

C'est un grand avantage, monsieur le président, que de prévoir dans C-3 une meilleure participation de la famille à toutes les étapes du processus. Ce sera encouragé et ce sera plus important. Félicitations, madame la ministre! Vous avez découvert quelque chose qu'on n'avait pas vu au Québec!

Quand j'ai lu ça, je n'avais pas le goût de rire. Ce matin, je trouve ça un peu plus comique parce que c'est tellement gros, mais c'est de la désinformation. De telles choses sont indignes d'un ministre de la Justice. Il n'y a pas grand-chose de cela qui est sûr à 100 p. 100. Il y a tout le passage sur les jeunes de 14 ans. Je vais y revenir tout à l'heure. S'il y a un exemple précis dont plusieurs intervenants sont venus parler à la ministre, c'est bien celui des jeunes de 14 ans. Elle parle dans sa lettre de cette question des jeunes de 14 ans et elle ajoute que tous ceux qui contestent sa loi n'ont jamais donné d'exemples. Elle n'a rien compris, et c'est impardonnable pour une ministre de la Justice. En tout cas, soyez certains que je ne serai pas tendre avec elle dorénavant.

Pour terminer cette partie sur une note de gaieté, je dirai que je veux très sincèrement que vous remerciiez la ministre. Je préférerais la remercier personnellement lorsqu'elle viendra témoigner ici, en comité, à la suite de la motion que j'ai présentée ce matin. Je vais tenter de convaincre mes collègues d'en face qu'il faut qu'elle vienne témoigner. J'aimerais la féliciter, car elle a fait tellement de désinformation qu'on sent, au Québec, le besoin de réagir.

Il y a d'autres articles. Je sais que Manon Cornellier a fait deux papiers à ce sujet et que d'autres journalistes ont également fait des papiers sur l'offensive du fédéral à l'égard des jeunes contrevenants. Je sais qu'il y a beaucoup d'autres choses, mais je me suis limité à certains articles que je trouvais extrêmement importants. J'ose espérer que les députés d'en face vont courir pour mettre la main sur ces articles. Je n'en ai cité que des petites parties, mais ce sont des articles de contenu, qui expliquent assez bien l'approche québécoise sans aller trop dans les détails, comme je vais le faire au cours de la semaine. Je pense que cela donne un bon aperçu de la raison pour laquelle, au Québec, on ne veut pas de modification à la Loi sur les jeunes contrevenants.

Monsieur le président, dans la semaine du 10 avril, j'ai tenté d'expliquer un peu aux gens d'en face l'approche québécoise. J'ai tenté de leur démontrer pourquoi, au Québec, on ne voulait pas de cette loi. Mon objectif premier était de sensibiliser les députés libéraux d'en face, de leur faire prendre goût à la Loi sur les jeunes contrevenants et de les convaincre d'aller voir ce que le Québec faisait différemment des autres provinces.

J'ai vérifié vendredi, auprès de certains intervenants québécois, pour voir si des députés avaient pris le temps de prendre le téléphone pour communiquer avec la coalition, entre autres, avec certaines personnes qui appliquent au quotidien la Loi sur les jeunes contrevenants. J'ai vérifié pour voir si mes huit heures et demie ou neuf heures de discours que j'avais faites avant les semaines de congé avaient allumé la flamme intérieure des députés et les avaient convaincus qu'ils devaient s'informer sur ce qui se faisait au Québec à l'égard de la Loi sur les jeunes contrevenants.

• 1035

Monsieur le président, j'ai été désagréablement surpris de constater que personne n'avait pris le temps d'appeler quelqu'un de la coalition ou qui que ce soit du Québec pour voir ce qui se passe là. Malgré neuf heures de discours, personne n'a été tenté de les appeler.

De deux choses l'une: ou bien ils étaient tellement convaincus et tout était tellement clair dans leur esprit qu'ils n'ont pas senti le besoin d'aller voir sur place ce qui se fait au Québec, ou bien la ligne de parti est tellement contraignante qu'ils ont les deux bras croisés, les deux mains attachées bien serré, et qu'ils ne veulent rien faire ni surtout savoir ce qui se fait au Québec: «Hé, s'il fallait qu'au moment de voter j'aie un remords de conscience.»

Heureusement, je suis là. On disait à la dernière élection: «Le Bloc québécois est là pour vous». Je pourrais même l'appliquer aux libéraux. Une chance que je suis là pour vous, car je vais vous instruire. Je vais vous parler de ce qui se fait au Québec relativement à la Loi sur les jeunes contrevenants.

Entre parenthèses, je rappellerai un fait un peu comique, que j'ai déjà mentionné sans toutefois citer le bon paragraphe. Vous savez, quand on fait un discours sans texte, on oublie parfois des choses. Je vais vous lire un passage.

Monsieur le président, j'avais lu un passage prononcé par un conférencier baptiste lors des Jeux d'Atlanta en 1996, qui avait invité à une conférence des juges des tribunaux de la jeunesse de l'Amérique du Nord. Il y avait là des juges québécois. Ce sont eux qui m'ont remis une cassette du discours de ce baptiste américain. L'avez-vous trouvée? Vous faites signe que oui. Non. Vous vous souvenez que je l'avais cité. Très bien, je vois. Je vais vous envoyer la cassette parce que c'est très bon. Je l'ai fait traduire et imprimer pour être vraiment en mesure d'en saisir le comité.

Les Américains vivent avec leurs jeunes un peu la même problématique que nous vivons chez nous. Il y a cependant des États qui traitent leurs jeunes bien autrement que le Canada, mais d'autres États les traitent un peu comme le Québec. Ils ne vont peut-être pas nécessairement aussi loin sur le plan social. Mais certains États américains traitent les jeunes très différemment d'autres États, très différemment aussi de l'Ouest canadien ou de l'Ontario. Ils le font d'une façon qui ressemble passablement à ce que fait le Québec.

À un moment donné, avant de faire une loi, avant de voir ce qu'il faut changer, il faut se poser certaines questions. Les Américains, pas plus fous que d'autres, se sont posé certaines questions. Voici ce que le conférencier baptiste, spécialiste de l'intervention auprès des jeunes, nous dit:

    Comment se fait-il que nous en soyons rendus là? Il y a trois raisons à cela. Première: ce bordel s'explique du fait que nous essayons de résoudre un problème mal défini. Si on définit mal un problème, il va de soi que les solutions employées ne donneront pas les résultats voulus. Le problème qui nous préoccupe et auquel nous devons nous attaquer est le fait que les gens ne se rendent pas compte que l'inadaptation et la débâcle de la jeune génération ne sont pas dues essentiellement à des causes économiques, parce que si le problème était d'ordre économique, il suffirait d'y mettre de l'argent, alors que nous y avons consacré des sommes énormes en pure perte. Il ne s'agit pas d'un problème politique non plus, car si c'était le cas, on n'aurait qu'à changer le parti au pouvoir à Washington pour améliorer la situation. Nous avons pourtant échangé les républicains contre les démocrates, autrement dit les ânes pour les éléphants. Mais les choses ne se sont pas tout de même améliorées. Le problème n'est pas d'ordre sociologique.

Cela me fait un peu sourire parce qu'ici, au Canada, à l'époque du gouvernement conservateur, l'approche était similaire. On parlait de modifier la Loi sur les jeunes contrevenants, etc. Les réformistes nous disent qu'il y a problème du côté des jeunes contrevenants. S'ils prennent le pouvoir, je suis persuadé que ce sera une des premières modifications qu'ils voudront apporter. Les libéraux sont au pouvoir et ils veulent faire la même chose, soit modifier la Loi sur les jeunes contrevenants.

C'est donc vrai que ce n'est pas un problème politique parce qu'on a beau changer les ânes pour les éléphants—ici on pourrait nommer d'autres animaux familiers de la ferme québécoise—, rien ne change pour autant.

• 1040

C'était là une digression destinée à vous sensibiliser au fait que le problème que nous vivons au Canada n'est pas uniquement canadien. Au contraire, je pense que la criminalité chez les jeunes est encore plus grave chez nos amis du sud; je trouvais important de le signaler avant d'entrer dans le vif du sujet.

Les États qui ont le plus haut taux de criminalité chez les jeunes, ceux chez qui le problème est tellement grave que c'en est devenu un bordel, comme le disait le conférencier baptiste, sont les États où les jeunes sont le moins bien traités, où les lois sont le plus répressives et où le taux d'incarcération est le plus élevé. C'est dans ces États américains qu'il y a le plus grand nombre de cas problèmes et des taux de criminalité élevés.

Est-ce qu'on souhaite, au Canada, battre le taux de criminalité des Américains, dépasser le taux d'incarcération des jeunes par 100 000 habitants? Est-ce que c'est ça, l'objectif ultime du Canada? Dites-le tout de suite. On va s'entendre et on va arrêter. Si c'est là l'objectif, comme vous avez la majorité, vous allez faire ce que vous voulez. Moi, je pense que non. Dites-le surtout parce que ce sera un élément à prendre en considération lors d'un troisième référendum au Québec. Mais soyez clairs. Vous qui aimez la clarté, soyez justes et dites la vérité.

Pour ma part, je crois sincèrement que l'ensemble des Canadiens, la totalité des Québécois ne veulent pas ressembler aux Américains, ni dans la façon de traiter les jeunes, ni dans la façon de s'occuper de l'environnement, ni sur le plan économique ou social, ni sur quoi que ce soit d'autre. Je suis persuadé qu'on veut se donner des systèmes qui nous soient propres et qui nous ressemblent.

C'est ce que la ministre n'a pas compris. Je pense qu'elle américanise le système de justice pour les jeunes aux prises avec des problèmes de justice. Et ça, c'est désastreux. C'est désastreux que la ministre veuille prendre comme exemple les moins bon exemples. Tous s'entendent pour dire qu'il y en a un exemple à suivre, un très bon exemple: c'est celui du Québec.

Tout le monde s'entend là-dessus. Ce qui se fait au Québec, c'est le bon exemple à suivre. Est-ce que la ministre a pris en considération un peu de l'expertise du Québec dans son projet de loi C-3? Elle dit que oui. Elle dit que oui dans sa lettre. Elle mentionne que le gouvernement a élaboré un projet de loi respectueux de l'approche adoptée par le Québec au cours des 15 dernières années. Le problème, c'est que la ministre est la seule à le penser. Tous les experts québécois, toutes les personnes qui appliquent la loi sont d'un avis contraire. Le projet de loi C-3 s'inspire beaucoup plus par ce qui se fait ou par ce qui ne se fait pas dans l'Ouest canadien que par ce qui se fait au Québec.

Tout le monde s'entend, même les personnes qui ont écrit des lettres ouvertes dans les journaux, pour dire que ce que fait la ministre, c'est beaucoup plus écouter l'Ouest canadien, l'approche ontarienne, que le Québec. Pouvons-nous la blâmer, compte tenu qu'elle est de l'Ouest canadien? Pouvons-nous la blâmer, compte tenu qu'elle est de l'Alberta, je pense?

Selon les statistiques, il semble qu'elle a remporté ses élections, en 1997, avec 200 ou 300 voix de majorité. Avec l'arrivée de l'Alliance canadienne, qui est très à droite, avec les discours enflammés contre les jeunes qu'on entend à la Chambre de communes, devons-nous la blâmer de plier devant le lobby de l'Ouest canadien sur les jeunes contrevenants si elle désire conserver son siège dans l'Ouest canadien aux prochaines élections fédérales? Eh bien, la réponse est oui, monsieur le président. Nous devons la blâmer d'avoir cédé à la pression de l'Ouest canadien, parce qu'avant d'être députée, elle est ministre. Elle est ministre pour tout le monde, comme on est députés pour tout le monde, pas juste pour ceux qui ont voté pour elle.

• 1045

À titre de ministre, elle doit prendre en considération toutes les approches. Elle doit surtout prendre en considération l'expertise des provinces qui réussissent. Il ne faut pas qu'elle fasse du nivelage par le bas. Elle doit, à titre de ministre de la Justice, prendre en considération ce qui se fait dans les provinces qui réussissent.

À l'heure actuelle, une province a démontré hors de tout doute raisonnable que dans le domaine de la justice juvénile, dans le domaine de la justice pour les adolescents aux prises avec des problèmes de criminalité, elle réussit à appliquer correctement la Loi sur les jeunes contrevenants: c'est le Québec.

Pourquoi réussit-on au Québec alors qu'aux autres endroits, on ne réussit pas? C'est ce que la ministre n'a pas compris ou ne veut pas comprendre. On a une loi qui fonctionne bien, dont on sait qu'elle fonctionne bien quand on l'applique bien. Pourquoi vouloir modifier cette loi-là avant de faire une étude sérieuse, de réfléchir et de se demander comment il se fait qu'elle fonctionne au Québec alors qu'elle ne fonctionne pas aux autres endroits?

Comment se fait-il qu'au Québec, on ne veut pas de modification à la Loi sur les jeunes contrevenants alors que l'Ouest canadien veut une telle modification? Je ne le sais pas, mais la ministre de la Justice a la responsabilité de se pencher là-dessus pour savoir ce qui ne fonctionne pas dans la loi et qui fait en sorte que l'Ouest canadien veut des modifications et que le Québec n'en veut pas.

Est-ce la loi qui est défectueuse? Est-ce son application qui est défectueuse? Est-ce le manque d'argent? Qu'est-ce que c'est? La ministre est allée au plus facile, au plus spectaculaire, sans se poser les véritables questions et surtout les bonnes questions, et elle nous a produit le projet de loi C-3.

Est-ce que cela répond aux besoins? Non, monsieur le président. Ça répond peut-être à un lobby de l'Ouest, mais ça ne répond pas, de toute évidence, aux préoccupations québécoises. Cette loi est une mauvaise loi. Pourquoi réussit-on au Québec? Cela, je ne le dirai jamais suffisamment: au Québec, on réussit tout simplement parce qu'on a pris la Loi sur les jeunes contrevenants et qu'on l'applique. On a compris ce que voulait dire la déclaration de principes qu'on retrouve à l'article 3 de la Loi sur les jeunes contrevenants. Ce n'est pas en 30 secondes que je suis capable de donner un exemple là-dessus à la ministre. Ce n'est pas en 30 secondes qu'on peut expliquer 30 ans d'expertise québécoise. Ce n'est pas au moyen d'un seul exemple qu'on peut le voir, comme la ministre nous le répète depuis quelque temps. Elle a trouvé cette nouvelle cassette et elle le dit à chaque occasion qu'elle a, mais ça va s'user rapidement parce qu'il n'y a aucune base à cela. Si je suivais son raisonnement, je pourrais lui demander de me donner un exemple d'une chose qui justifie qu'on change la loi. Ça n'a pas de bon sens.

Chez nous, on applique la loi correctement et, surtout, on a compris ce que la déclaration de principes voulait dire. J'aimerais que la ministre vienne témoigner en comité et qu'on ne soit pas contraints par un horaire serré. J'aimerais qu'on ait suffisamment de temps devant nous. J'aimerais qu'elle vienne en comité et nous dise: «Écoutez, j'ai beaucoup d'obligations, mais même s'il faut prendre 10, 15, 20 ou 30 heures, on va revoir la loi ensemble et je vais vous écouter, monsieur Bellehumeur.»

• 1050

C'est là mon objectif de ce matin: que la ministre revienne devant le comité, qu'elle revienne témoigner pour expliquer ses nombreux amendements et répondre à nos questions. Il faut plus que 30 secondes pour cela; je suis d'accord avec elle. Mais je pense qu'elle doit le faire.

Entre autres, si elle venait, on examinerait ensemble la déclaration de principes qu'on retrouve dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Elle est très, très claire, cette déclaration de principes. On pourrait aussi voir le préambule du projet de loi C-3. Si j'en ai le temps, je vais vous faire un petit exposé sur le préambule tout à l'heure. J'ai plusieurs causes de jurisprudence qu'on va examiner ensemble. Un des arguments que j'ai déjà avancés, c'est que le préambule est bon pour la morale, rien d'autre. C'est une belle façade, mais les juges, bien souvent, ne se rendent pas jusqu'au préambule pour interpréter la loi. J'aurai des exemples à vous soumettre. Le préambule n'a pas la même force qu'un article de la loi.

Au paragraphe 3(1) de la Loi sur les jeunes contrevenants, on retrouve la déclaration de principes. Là-dessus, monsieur le président, je dirai que dans toutes les causes, dans tous les dossiers qui sont examinés, c'est cette déclaration de principes qui motive la décision ou qui motive le geste de l'enquêteur, du policier, des gardiens des centres jeunesse ou des intervenants sociaux. Il y a une partie de cette déclaration de principes qui motive et encourage tous les intervenants dans un dossier impliquant un jeune aux prises avec un problème de criminalité.

C'est cette déclaration de principes, à l'article 3, qui encourage ces gens et qui délimite un petit peu les balises qu'ils doivent respecter pour appliquer la loi correctement et pour prendre la décision qui s'impose. On lit à l'alinéa 3(1)a.1:

    a.1) les adolescents ne sauraient, dans tous les cas, être assimilés aux adultes quant à leur degré de responsabilité et aux conséquences de leurs actes; toutefois, les jeunes contrevenants doivent assumer la responsabilité de leurs délits:

Avec une pareille déclaration, quel exemple la ministre veut-elle que je lui donne pour démontrer que, si on ne retrouve pas quelque chose de semblable dans le projet de loi C-3, cela va avoir une influence à long terme et on ne retrouvera plus la teneur de cette déclaration dans les décisions des tribunaux? Faut-il que je lui fasse un dessin? Faut-il que je lui écrive un texte? Il faudrait qu'elle vienne me le dire.

Un des points sur lesquels on s'entend, la ministre et moi, c'est la complexité du problème. Effectivement, le problème est très complexe, mais ce n'est pas en faisant une loi complexe qu'on le résout. Alors, j'aimerais que la ministre vienne ici. On pourrait s'asseoir et elle pourrait nous dire ce qu'elle entend, ce qu'elle veut qu'on lui démontre. C'est difficilement vérifiable dans toutes les décisions, mais on sait que le juge qui prend une décision, l'intervenant social qui fait une intervention et le policier qui enquête ont, entre les deux oreilles, le principe selon lequel un adolescent n'est pas un adulte. Un adolescent ne peut pas avoir le même degré de responsabilité qu'un adulte et il ne peut pas être responsable des conséquences de ses gestes de la même façon qu'un adulte. Tout le monde a cela entre les deux oreilles. Mais si ce n'est plus dans la loi, on n'en tiendra plus compte lorsqu'on va prendre une décision.

• 1055

C'est difficile de faire comprendre à la ministre en 30 secondes que c'est disparu et que cela va avoir telles conséquences. C'est dans son application qu'on va avoir la preuve, hors de tout doute, du résultat des modifications apportées par le projet de loi C-3. On en a fait l'expérience: il a fallu à peu près 10 ou 12 ans à la Cour suprême avant de se pencher correctement sur la déclaration de principes et établir des balises précises sur les tenants et les aboutissants de cette déclaration de principes. Ça ne sera pas demain matin qu'on va avoir cette preuve-là. Cependant, je peux tout de suite argumenter auprès de la ministre que les juges, lorsqu'ils vont prendre une décision, n'auront plus ce texte entre les deux oreilles. Le policier n'aura pas ce texte devant les yeux s'il disparaît.

Il y a également l'alinéa c) qui est important:

    c) la situation des jeunes contrevenants requiert surveillance, discipline et encadrement; toutefois, l'état de dépendance où ils se trouvent, leur degré de développement et de maturité leur créent des besoins spéciaux qui exigent conseil et assistance;

Si on fait disparaître cet alinéa, ce sont des éléments que les juges ne prendront plus en considération. À long terme, il y aura des effets. Sinon, aussi bien dire que, peu importe la façon d'écrire une mesure législative, cela change peu de chose à son application. Ce n'est pas vrai.

Aucun juriste, aucun juge, aucune personne sensée ne va nous dire que de toute façon, ce n'est rien qu'une loi et que, quoi qu'on dise dans la loi, on l'appliquera comme on le voudra et on fera ce que l'on voudra. Ce n'est pas vrai. Faire une loi, c'est faire un cadre législatif important. Si on enlève des choses qui se sont avérées efficaces par le passé, les juges n'auront plus cela en tête.

Bien sûr, au début, il va y avoir des problèmes d'application, mais à un moment donné, les juges, qui sont des professionnels, vont appliquer la loi comme le législateur veut qu'ils l'appliquent et comme c'est leur devoir de le faire. Même s'ils ne partagent pas la teneur de la loi ou la façon dont elle est rédigée, ils sont suffisamment professionnels pour appliquer la loi. Que la ministre ne vienne pas nous dire que rien ne va changer dans la pratique au Québec alors que des grandes parties de la déclaration de principes ont été abrogées et qu'on ne les retrouve nulle part dans la nouvelle loi, ou qu'on n'en retrouve que des bribes toutes tordues afin qu'elles cadrent dans la nouvelle philosophie de la loi et qui, en fin de compte, ne veulent rien dire.

Il y a également l'alinéa c.1) de la déclaration de principes, monsieur le président:

    c.1) la protection de la société, qui est l'un des buts premiers du droit pénal applicable aux jeunes, est mieux servie par la réinsertion sociale du jeune contrevenant, chaque fois que cela est possible, et le meilleur moyen d'y parvenir est de tenir compte des besoins et des circonstances pouvant expliquer son comportement;

Vous savez, le législateur ne parle pas pour ne rien dire. C'est une règle que tout le monde connaît. Lorsque le législateur prend la peine d'insister et de répéter à plusieurs reprises que le besoin des jeunes constitue l'objectif premier d'une loi, il ne parle pas pour ne rien dire. C'est donc dire que le besoin des jeunes doit être prioritaire. Un juge, un intervenant social, un avocat de la Couronne, un avocat de la défense ou n'importe quel policier ou enquêteur a en tête cet élément-là: le besoin du jeune. Si on l'enlève, comme c'est le cas dans le projet de loi C-3, ou si on veut l'introduire avec toutes sortes de considérations, de sous-paragraphes et d'alinéas, comme c'est le cas avec les amendements, le juge, lorsqu'il prendra sa décision, aura en tête que ce n'est plus la préoccupation première.

C'est difficile, monsieur le président, de démontrer cela à la ministre en 30 secondes. C'est difficile de donner un exemple de pratiques ou de politiques qui ne cadrent pas avec le projet de loi, comme elle demande que nous le fassions. Mais toute l'approche et toutes les décisions sont inspirées de cette déclaration de principes. Enlevez la déclaration et à court ou à moyen terme, l'approche va changer. Ça ne prend pas la tête à Papineau pour comprendre cela.

• 1100

Il me semble que la ministre devrait se rendre compte que c'est dangereux de faire ce qu'elle fait. J'espère que la ministre acceptera de revenir témoigner. J'espère qu'elle posera un geste d'humilité, qu'elle reviendra, qu'elle se pliera à notre demande de revenir témoigner devant le Comité de la justice et qu'elle nous permettra de l'interroger afin qu'elle puisse expliquer comment ses amendements, entre autres, répondent aux préoccupations du Barreau du Québec, de la coalition, de l'École de criminologie et en quoi ses amendements démontrent qu'elle a entendu les demandes du Québec. Ce sera à mon tour de lui demander des exemples précis.

Lorsqu'elle reviendra, il ne faudra pas qu'on ait un encadrement serré. Il faudra qu'on ait plusieurs heures afin de lui expliquer l'approche québécoise. À ce moment-là, je reprendrai les mémoires dans lesquels on cite des exemples précis où son projet de loi C-3 ne cadre pas du tout avec les politiques du Québec relatives aux jeunes contrevenants.

C'est ici, en comité, que la ministre doit venir pour qu'on lui donne des exemples, des exemples précis. Faisons ensemble, monsieur le président, ce que j'ai fait et ce que je vais continuer de faire, parce que je n'ai vraiment pas fini. Au Québec, avant de faire quoi que ce soit et avant de réclamer quoi que ce soit du fédéral, on a examiné ce que l'on faisait chez nous. On a répondu à une question importante. L'Assemblée nationale avait mandaté un comité d'étude pour savoir comment on applique la Loi sur les jeunes contrevenants chez nous et quelle est notre politique jeunesse avant de voir s'il y avait des choses à modifier ou à réclamer.

De toute évidence, la ministre n'est pas au courant de cette étude, et j'aimerais l'en informer. J'aimerais regarder le rapport Jasmin avec la ministre, répondre aux questions et lui montrer clairement que son projet de loi est dangereux pour l'approche québécoise. J'aimerais le faire et j'espère que la ministre va entendre raison, qu'elle posera un geste généreux, un geste d'humilité ministérielle et qu'elle viendra témoigner devant le comité et faire l'étude avec nous du projet de loi C-3, tout en le comparant toujours avec ce qui se fait en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants.

La question que j'ai posée tantôt, monsieur le président, à savoir comment on applique la Loi sur les jeunes contrevenants chez nous, j'ai demandé à mes collègues d'en face de la poser dans chacune de leurs provinces. Je leur ai demandé d'appeler le ministre de la Justice ou le responsable de l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants dans leurs provinces respectives, dans les Maritimes, l'Ontario, l'Ouest canadien, et de poser la question que le juge Jasmin posait lorsqu'il se mettait dans la situation du législateur fédéral. J'ai demandé aux députés d'en face de faire cela durant le congé pascal en espérant que cela allait les éclairer, les aider.

• 1105

Je vais citer ce que le juge Jasmin a dit lors de son témoignage du 23 mars 2000:

    Vous ne vous attaquez pas au vrai problème à ce moment-là. Si j'étais législateur fédéral, je suspendrais mon projet de loi pour l'instant et je demanderais aux provinces comment elles appliquent la loi actuelle et quelles politiques jeunesse elles ont chez elles.

Si on était à la petite école, je serais tenté de demander de lever la main à mes collègues d'en face qui ont demandé à leur législature provinciale comment on appliquait la Loi sur les jeunes contrevenants dans la province et et quelles politiques jeunesse il y avait dans leur province.

Malheureusement, monsieur le président, nous ne sommes pas à la petite école et je n'aurai pas la réponse. Cependant, je sais qu'il y a eu absence totale de tentative de communication avec quelque membre que ce soit de la coalition au Québec pour savoir ce que le Québec fait différemment du reste du Canada au niveau de la Loi sur les jeunes contrevenants. Personne n'a tenté de communiquer avec quelqu'un de la coalition. S'il y en a un qui a tenté de communiquer ou qui a parlé avec quelqu'un de la coalition, qu'il se fasse entendre, qu'il se manifeste, parce que selon l'information que j'ai eue, personne n'a tenté de rejoindre les membres de la coalition.

J'imagine que c'est la même chose pour la vérification que je leur avais demandé de faire auprès des ministres de la Justice de chaque province pour savoir comment ils appliquaient chez eux la Loi sur les jeunes contrevenants et quelles étaient les politiques jeunesse chez eux. J'imagine qu'il n'y a pas de réponse à cette question-là non plus.

Monsieur le président, si la ministre venait ici, on pourrait regarder ensemble l'historique de l'application de la loi au Québec. On pourrait partir d'assez loin, parce qu'il faut partir de loin pour comprendre ce qui se fait chez nous, au Québec. On pourrait faire l'historique et regarder les différents rapports qui ont été rédigés, tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial. Elle pourrait se rendre compte qu'en 1908, une des provinces les plus proactives dans le domaine des jeunes contrevenants était l'Ontario. Elle pourrait voir que, par la suite, le Québec a dépassé l'approche ontarienne et qu'il a maintenant une expertise beaucoup plus prononcée en matière de protection de la jeunesse, de réinsertion et de réhabilitation que l'Ontario.

On pourrait voir ensemble les différents rapports, en particulier le rapport Jasmin. Le rapport Jasmin a étudié la question de façon extrêmement professionnelle et précise. Ils sont allés voir les différents intervenants. Comme je le disais la dernière fois, ils ont examiné toute la chaîne de traitement: traitement d'un dossier, traitement d'un jeune aux prises avec un problème de criminalité. Au Québec, on a exploré différentes avenues et tenté certaines choses et on a aujourd'hui beaucoup d'expertise. Le Québec a mis plusieurs années à acquérir l'expertise qu'il a aujourd'hui. Surtout, on a posé les bonnes questions aux bonnes personnes.

La composition du groupe de travail Jasmin était révélatrice. Tout le monde sera conscient de l'importance de l'étude faite par ces hommes d'une grande qualité au niveau du savoir-faire et au niveau de l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Pour ceux qui n'ont pas compris ou qui n'étaient pas là lorsque j'en ai parlé, parce qu'il y a des gens qui ne sont pas toujours présents lorsque je parle ou qui parlent en même temps que moi et me dérangent un peu, je vais reprendre ces passages que j'ai lus et qu'ils n'ont pas compris.

• 1110

Je vais vous parler des membres du groupe de travail. Le juge Michel Jasmin, juge en chef adjoint à la Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec, était président du groupe de travail. Il y avait M. Maurice Boisvert, qui était à l'époque sous-ministre adjoint à la Direction générale de la coordination régionale du ministère de la Santé et des Services sociaux. Lorsqu'ils ont eu leur mandat en 1995, je pense, mais je n'en suis pas sûr, que le ministre responsable était Mme Lucienne Robillard. Madame Lafontaine, je vais retrouver la lettre du ministre de la Santé et des Service sociaux de l'époque. Il y avait aussi Me Normand Bastien, directeur de la Division jeunesse au Centre communautaire juridique de Montréal. Il est toujours, à l'heure actuelle, le directeur de cette division-là. Les gens de cette division ne font que du droit de la jeunesse. C'est un spécialiste important au niveau de l'application quotidienne de la Loi sur les jeunes contrevenants. Soit dit en passant, Me Normand Bastien est un des membres du comité du Barreau du Québec qui a étudié le projet de loi C-3 et qui a fait le le mémoire qui a été déposé lors de l'étude en comité du projet de loi C-3. Il y avait M. Pierre Michaud, directeur général des Centres jeunesse Chaudière-Appalaches. Pourquoi M. Michaud? Tout simplement parce qu'il avait une expertise précise auprès des jeunes et pouvait apporter un élément supplémentaire à l'étude qu'on entreprenait. Il y avait Me Jean Turmel, directeur de la Direction du droit de la jeunesse au ministère de la Justice. Il est actuellement au ministère de la Justice, très près de la ministre Mme Goupil. À l'époque, il était aussi au ministère de la Justice, mais ce ministère était dirigé par un ministre libéral.

Ce n'est pas une question de politique. J'insiste sur ces éléments pour évacuer de notre discours et surtout de votre tête l'idée qu'on en fait un cheval de bataille uniquement pour des motifs politiques. S'il y a quelqu'un qui fait de la politique avec ça, c'est la ministre de la Justice. Ce n'est pas nous. Je ne fais que dire tout haut ce que tous les intervenants québécois ont dit, ont écrit et pensent.

Donc, ce groupe de travail était constitué des principales personnes que j'ai mentionnées. Qu'ont fait ces personnes? Eh bien, elles ont fait le tour du Québec. Elles ont rencontré différents groupes. Ici, je dois apporter une précision. Elles ont fait le tour du Québec, mais elles ne se sont pas promenées pendant trois ans. Il faut s'entendre. Dans le cadre de cette étude, plusieurs personnes ont fait du bénévolat parce qu'elles croyaient beaucoup à la cause. Elles ont fait énormément de travail non rémunéré, compte tenu de l'importance de la question. Les gens qui y ont travaillé avaient le feu sacré par rapport à l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Un des membres du comité me disait que pendant des semaines, après ses heures de travail normales, il lisait des mémoires, faisait des appels, rédigeait certains passages du rapport. Il revenait de la cour vers 17 ou 18 heures, il prenait une bouchée, puis il poursuivait son étude parce qu'il croyait à la cause. Aujourd'hui, il croit encore à cette cause-là. Il croit qu'il faut investir dans le jeune.

Aujourd'hui, le problème de C-3, c'est qu'on part de mauvaises prémisses. On part avec l'idée que les jeunes sont des bandits. On croit qu'il faut en finir le plus vite possible avec les jeunes qui ont un problème de justice et tenter de les mettre en-dedans. C'est faux!

• 1115

Oui, il y a des jeunes qui sont aux prises avec des problèmes de justice, mais étant donné qu'un jeune n'est pas un adulte, qu'on ne peut pas lui donner autant de responsabilités qu'à un adulte, qu'un jeune est en processus de développement, qu'un jeune n'a pas l'expérience d'un adulte, qu'on peut travailler à la façon de penser d'un jeune, qu'un jeune est en évolution constante, il faut le traiter différemment et, surtout, il faut être convaincu qu'on réussira si on investit suffisamment et si on est capable de mettre ce jeune dans le droit chemin.

Bien sûr, il faut faire un acte de foi et avoir drôlement confiance en soi-même. Au Québec, on n'a pas acquis cette confiance du jour au lendemain. On ne s'est pas réveillé un bon matin en disant: à partir de maintenant, on va traiter les jeunes différemment et on va avoir un bon taux de réussite. C'est avec les années qu'on a vu ce qu'on faisait de bien et ce qu'on faisait de mal, ce qu'on a tenté de corriger, monsieur le président.

Il faut s'arrêter et se poser les bonnes questions. Il faut faire l'analyse que j'ai faite, regarder les documents que j'ai regardés et consulter les personnes que j'ai consultées. On ne peut pas tellement se tromper au Québec. Je pense avoir consulté passablement de gens. Je pense avoir ratissé suffisamment large pour avoir vu tous les gens qui appliquent de près ou de loin la Loi sur les jeunes contrevenants.

Si la ministre fait exactement le même travail que moi durant les 15, 20, 30 ou 40 heures pendant lesquelles elle se mettra à notre disposition pour étudier en profondeur la Loi sur les jeunes contrevenants et le projet de loi C-3, je suis persuadé qu'elle arrivera aux mêmes conclusions que moi. Je suis persuadé qu'elle arrivera aux mêmes conclusions que le comité d'étude du Québec qui s'est penché sur cette question et qui a fait rapport à l'Assemblée nationale au mois de février 1995. Je suis persuadé qu'elle arrivera exactement à la même conclusion. Cette conclusion est brève mais fort importante. Je vais commencer par la conclusion pour bien vous démontrer à quelle conclusion on va arriver. Si la ministre était présente et examinait le dossier comme je l'ai examiné et regardait les rapports et les mémoires du même oeil que moi, elle arriverait à la conclusion que ce n'est pas la Loi sur les jeunes contrevenants qui fait problème, mais son application.

Le rapport Jasmin, à la page 5, arrive à la même conclusion que moi, mais dans des termes différents. Je le cite:

    La démarche que nous avons faite depuis deux ans et demi nous a convaincus que la Loi sur les jeunes contrevenants est une bonne loi. Nous avons d'ailleurs été frappés par le consensus qui existe dans les divers milieux d'intervention québécois à ce sujet.

En l'an 2000, le Barreau a une façon de dire les choses qui ressemble à la mienne. Je pense qu'on trouve cela à la page 16 du mémoire du Barreau du Québec, qui a été déposé en février 2000, et je cite:

    Le Barreau du Québec ne croit pas que ce soit la Loi sur les jeunes contrevenants qui pose problème mais plutôt son application.

• 1120

Qu'on soit un avocat, un intervenant, un juge, un fonctionnaire du ministère de la Justice ou qu'on travaille à peu près dans n'importe quel domaine où l'on applique au quotidien la Loi sur les jeunes contrevenants, plus on examine le dossier, plus on en vient à cette même conclusion: la Loi sur les jeunes contrevenants est une bonne loi. Ce n'est pas la loi qui fait défaut, mais son application. C'était vrai le 17 février 1995, au moment où on a écrit ces lignes, et c'est encore vrai aujourd'hui. On lit dans les journaux et dans les rapports, et on entend les différents intervenants québécois dire qu'il y a consensus au Québec, et même unanimité à l'Assemblée nationale, à ce sujet.

Je vous ai dit tout à l'heure que je vous parlerais de quelques petits discours qui ont été faits. Avant d'aborder le rapport Jasmin, il serait intéressant de se pencher sur la décision qu'a prise l'Assemblée nationale le 30 novembre 1999. Et si jamais la ministre venait témoigner ici et m'écouter, cela me donnerait l'occasion de lui rappeler que le mardi 30 novembre 1999 à 14 heures, une motion a été présentée à l'Assemblée nationale du Québec, puis adoptée à l'unanimité. Tous les députés, 125 députés sur 125, l'ont appuyée. Cent pour cent est un bon pourcentage et cet appui ne peut pas être beaucoup plus clair. Il y a des gens qui ont fait des discours extrêmement importants dont je citerai certains extraits.

La motion déposée à l'Assemblée nationale se lisait ainsi:

    Motion sans préavis

Cette motion a été proposée conjointement par la ministre de la Justice et le député de Marquette. Le député de Marquette est un député libéral et le critique officiel auprès de la ministre de la Justice du Québec. Il s'appelle François Ouimet.

    QUE l'Assemblée nationale demande à la ministre fédérale de la Justice de suspendre le processus d'adoption du Projet de loi C-3 afin de lui permettre de mieux évaluer l'application par les provinces des mesures prévues à la Loi sur les jeunes contrevenants et de s'assurer que le Québec puisse maintenir sa stratégie d'intervention, basée sur les besoins des jeunes et privilégiant la prévention et la réhabilitation.

Monsieur le président, dans cette motion qui stipule qu'on veut «permettre à la ministre de mieux évaluer l'application par les provinces des mesures prévues à la Loi sur les jeunes contrevenants», on retrouve exactement la même question que le juge Jasmin nous avait dit qu'il poserait aux provinces s'il était législateur. Il leur demanderait: «Comment appliquez-vous chez vous la loi actuelle et quelles sont vos politiques jeunesse?»

L'Assemblée nationale n'a pas formulé une question bizarre, très politique ou quoi que ce soit. Elle a fait son devoir et posé à la ministre de la Justice la question qu'elle devait lui poser; elle lui a demandé de suspendre l'étude du projet de loi C-3 pour qu'elle puisse évaluer ce que font les autres provinces au niveau de l'application la Loi sur les jeunes contrevenants. Et cette motion-là qui a été déposée sans préavis et conjointement par le Parti libéral du Québec et le Parti québécois a reçu l'unanimité des députés présents, y compris les députés de l'Action démocratique Québec, dont M. Mario Dumont, qui était présent et qui a voté en faveur de cette motion-là.

• 1125

Les débats de l'Assemblée nationale ont été très importants, bien que tous les députés aient été unanimes. L'Assemblée nationale a entendu de bons discours, des discours très émotifs et très structurés sur les raisons pour lesquelles le fédéral devrait suspendre l'étude du projet de loi C-3 jusqu'à ce qu'il ait obtenu des réponses aux questions qu'il pourrait poser à ceux qui appliquent la Loi sur les jeunes contrevenants dans les autres provinces.

Mme Linda Goupil, la ministre de la Justice, est intervenue le mardi 30 novembre 1999 à l'Assemblée nationale, vers 16 heures, pour dire ceci:

    L'expérience, jusqu'à maintenant, nous a démontré que, pour intervenir efficacement auprès des jeunes, il faut pouvoir intervenir rapidement. Il faut aussi pouvoir appliquer la bonne mesure au bon moment. Si le projet de loi fédéral est adopté, il faudra composer avec des délais d'audition importants et, finalement, la perspective d'une procédure complexe de libération conditionnelle. Il faudra aussi intervenir avec un arsenal de mesures qui est adapté non pas aux besoins des jeunes...

C'est important, monsieur le président, ce qu'elle a dit là. Et lorsque je vois la ministre de la Justice du Canada dire que tous les détracteurs de son projet de loi C-3 devraient lui fournir des exemples de ce qui ne cadre pas dans ce projet de loi avec l'approche québécoise, elle n'a sûrement pas discuté avec la ministre de la Justice du Québec, Mme Goupil. Elle n'a sûrement pas rencontré Mme Goupil et eu une bonne discussion avec elle. En cinq lignes ici, Mme Goupil a démontré une bonne partie de ce qui ne va pas dans ce projet de loi C-3, ainsi que démontré les modifications que nous devrions apporter à la Loi sur les jeunes contrevenants pour l'améliorer. Si on peut améliorer cette loi, c'est au niveau des délais qu'il faut le faire.

J'ai toujours dit que si on voulait améliorer la Loi sur les jeunes contrevenants, on devait modifier les dispositions relatives aux délais, parce que les délais sont très importants. Il faut que le jeune soit conscient de la gravité du geste qu'il a fait. Comment l'en rendra-t-on plus conscient? En le traitant rapidement. Lorsqu'il fait un vol, il faut qu'il sache rapidement quelles sont les conséquences de ce vol. S'il a commis un meurtre, il faut qu'il sache rapidement ce qu'en sont les conséquences. Ce n'est pas en fixant des délais d'audition plus longs, en prévoyant une procédure, des préavis ou des études, ou en multipliant les auditions qu'on fera en sorte que le jeune prendra conscience rapidement des répercussions de son geste.

On est adulte et on a les mêmes réflexes. Lorsqu'on passe sur un feu rouge ou qu'on fait un stop américain, on regarde sur le coup à gauche et à droite pour voir si les policiers étaient là. Après deux ou trois coins de rue, a-t-on oublié l'infraction qu'on a commise? Si on se fait attraper tout de suite au deuxième coin de rue par un policier et qu'on écope d'une contravention, on fera nos stops la prochaine fois. C'est la même chose pour un enfant, quoique multiplié par 100 parce que l'enfant n'a pas l'expérience et la maturité qu'a acquises un adulte. Et là, avec le projet de loi C-3, on multiplie tout ça. On prolonge les délais dans le cas de certains crimes graves, alors qu'il s'agit peut-être des cas où l'on doit intervenir le plus rapidement possible.

Et comme si ce n'était pas suffisant, on mettra en application des règles de libération conditionnelle complexes semblables à celles qu'on retrouve dans le système pour adultes. De plus, un adolescent de 14 ans qui devra purger une peine pour adulte sera enfermé dans une institution pour adolescents pendant une partie de sa peine et devra aller finir de la purger dans une prison pour adultes. Ce transfert aura lieu lorsqu'il aura atteint l'âge de 20 ans ou, dans le cas de certaines provinces, lors de son 18e anniversaire, si la province en question a des institutions où on traite les adolescents.

• 1130

Ne s'agit-il pas d'exemples que la ministre a entendus? Ce sont des exemples que j'ai entendus, moi, en comité. Ce sont des exemples que plusieurs témoins ont mentionnés. Si ça ne répond à ses questions, dites-moi en quoi le projet de loi C-3 ne va pas à l'encontre de ce que fait le Québec. Il me semble que j'ai entendu ça à plusieurs reprises. Il me semble que c'est ce qu'est venu dire le criminologue Jean Trépanier à notre comité. C'est ce que j'ai lu. Si la ministre avait lu ce que je lis, elle verrait bien qu'il y a des questions et que plusieurs éléments de son projet de loi C-3 clochent.

Lors de son discours du 30 novembre, Mme Goupil a donné un exemple très précis qu'il serait peut-être intéressant de revoir. Je vous lis la la citation:

    Prenons l'exemple, M. le Président, d'un jeune qui pourrait être reconnu coupable de trafic de drogue. Pensons que ce jeune n'a aucun antécédent judiciaire mais qu'il a été expulsé de l'école, qu'il n'y a aucun encadrement au niveau des parents et, finalement, qu'il se tient dans un milieu de gang. Il est, on pourrait dire, rebelle à toute forme d'autorité et, finalement, il fait ce qu'il veut à la maison. On peut bien dire que c'est un jeune qui est mal parti dans la vie.

    Cependant, actuellement, tel que la loi s'applique sur le terrain, elle peut ordonner la mise sous garde de cet adolescent, ce qui va permettre de l'encadrer et d'entreprendre avec ce jeune un programme de réadaptation qui est un programme qui est adapté à sa réalité à lui. Si on intervient assez tôt, il y a de bonnes chances que ce jeune échappe au cercle vicieux de la criminalité et qu'il devienne un citoyen responsable de notre société. Avec le projet de loi fédéral, cela ne sera plus possible. Pour intervenir, il faudra attendre que le jeune soit bien enfoncé dans la délinquance ou qu'il commette une infraction avec violence. En fait, il faudra attendre qu'on ne puisse plus grand-chose pour l'aider à s'en sortir.

N'est-ce pas un autre exemple dont la ministre ne semble pas avoir pris connaissance? Il me semble que si elle avait pris connaissance de ces exemples-là, elle ne chanterait pas la chanson qu'elle nous chante depuis quelques jours.

«J'ai demandé à plusieurs reprises à ceux qui critiquent le projet de loi de fournir des exemples de pratiques ou de politiques qui ne cadrent pas avec le projet de loi ou qui ne pourront être améliorées», dixit la ministre de la Justice du Canada. Il me semble que la ministre Goupil au Québec a donné un exemple. Et ça ne s'explique pas en 30 secondes. Je ne peux pas prendre seulement 30 secondes pour poser une question à la ministre. Il faut s'arrêter et étudier cette question-là. Il faut vérifier ce qu'on fait et ce qu'on ne fait pas dans telle ou telle province afin d'en venir à améliorer le système.

C'est pour cela, monsieur le président, qu'il faut que la ministre vienne témoigner devant le comité. Il faut qu'elle fasse un acte de bonne foi et d'humilité pour venir répondre à nos questions. Il faut bien qu'elle se rendre compte que les explications qu'elle a données sont soit fausses, soit insuffisantes. Je lui donne l'occasion de revenir. Si elle croit à la cause et si elle pense qu'elle a raison, qu'elle prenne le temps de venir. Si ça prend 10 heures, ça prendra 10 heures; si ça prend 20 heures, ça prendra 20 heures; si ça prend 35 heures, ça prendra 35 heures. Elle dit elle-même que c'est sans doute le projet le plus important de la 36e Législature sur lequel le Comité de la justice se sera penché. Si c'est important à ce point pour nous, ça devrait être tout aussi important pour elle, sinon plus important. C'est son projet de loi, et ce beau projet de loi va la poursuivre toute sa vie.

• 1135

Si j'étais ministre de la Justice, je viendrais le défendre et l'expliquer, et je viendrais surtout répondre à la province qui critique ce projet de loi. Je me demanderais en quoi mes amendements répondent à ce que j'ai entendu ou lu par rapport aux intervenants québécois. Si elle ne le fait pas, je serai en mesure de dire qu'elle a peur de venir ici. Si elle ne le fait pas, c'est parce qu'elle n'a pas d'explications à donner, surtout que son projet de loi ne répond pas aux revendications et aux demandes du Québec. C'est peut-être cela. Je comprendrai qu'elle refuse de venir témoigner, mais j'espère qu'elle comprendra que je ne gênerai pas pour le crier sur tous les toits.

M. Ouimet, député libéral de Marquette et critique auprès de la ministre de la Justice du Québec, dit ceci lors du débat du 30 novembre 1999:

    Merci, M. le Président. Je suis naturellement très heureux du dénouement, que nous puissions présenter ensemble une motion conjointe parce que, effectivement, je partage le point de vue de la ministre de la Justice et d'une vaste coalition qui a été mise sur pied pour contrer le projet de loi C-3 du gouvernement fédéral.

C'est un allié du Parti libéral du Canada. M. Ouimet ne fait pas campagne pour le Bloc québécois dans une élection fédérale. M. Ouimet, député de Marquette, est sur les mêmes tribunes que les libéraux québécois lorsqu'il est question de se faire élire. Cet allié dit aux députés libéraux d'en face qu'ils font fausse route:

    ...je partage le point de vue de la ministre de la Justice et d'une vaste coalition qui a été mise sur pied pour contrer le projet de loi C-3 du gouvernement fédéral.

Il poursuit un peu plus loin:

    Le projet de loi C-3 mise vraiment et porte l'accent sur davantage l'infraction commise par le jeune et la punition qu'il mérite alors que, au Québec, nos stratégies d'intervention qui ont porté fruit... Parce que le Québec a le taux de criminalité le plus bas au Canada et, je pense, en Amérique du Nord. M. le Président, au Québec, nous plaçons l'accent véritablement sur la réhabilitation et sur le besoin que les jeunes peuvent éprouver.

Est-ce que les amendements qu'on verra un peu plus tard répondront à cette question? J'en doute fort étant donné les consultations que j'ai eues avec différents intervenants, mais c'est à suivre.

M. Ouimet va un peu plus loin et dit ceci:

    Le Québec a un système qui a fait l'éloge du monde entier, et la ministre McLellan elle-même disait qu'elle s'inspirait du modèle québécois pour tenter de défendre son projet de loi C-3. Mais, manifestement, M. le Président, si la ministre McLellan pense que l'expérience québécoise en matière de jeunes contrevenants était une expérience concluante, eh bien, je pense qu'elle devrait suspendre son projet de loi C-3 afin de faire la vérification pas juste au Québec, mais à travers le pays pour bien s'assurer comment les autres provinces utilisent les moyens qui sont mis à leur disposition par la Loi sur les jeunes contrevenants.

Il dit exactement la même chose que la ministre de la Justice du Québec. Il dit exactement la même chose que le juge Jasmin, juge en chef adjoint du Tribunal de la jeunesse au Québec. Il dit la même chose que plusieurs intervenants sociaux. Il dit la même chose que les avocats de la défense et les avocats de la poursuite. Il dit la même chose que l'Association des chefs de police et des pompiers du Québec, et j'en passe.

• 1140

Avant de modifier la Loi sur les jeunes contrevenants, est-ce que la ministre pourrait interroger les provinces pour savoir comment elles appliquent la Loi sur les jeunes contrevenants sur leur territoire et quelles sont les politiques jeunesse de la province ou du territoire? C'est la question primordiale, la première question, celle qu'il faut se poser avant de tenter de modifier une loi qui fonctionne bien au Québec.

Naturellement, monsieur le président, il y a plusieurs autres députés de l'Assemblée nationale qui sont intervenus et qui ont fait des discours pour appuyer la ministre de la Justice du Québec et pour appuyer le critique de l'opposition officielle libérale, le député de Marquette, M. Ouimet, pour leur donner raison et se dire effectivement d'accord sur la motion présentée à l'Assemblée nationale demandant à la ministre de la Justice fédérale de suspendre l'étude du projet de loi C-3 jusqu'à ce qu'elle ait effectué certaines vérifications que, de toute évidence, elle n'a pas faites.

De toute évidence, la ministre ne sait pas ce qui se fait ou ne désire pas savoir ce qui se fait. Mais je donne le bénéfice du doute à la ministre; je pense qu'elle est mal informée. Elle ne sait pas ce qui se fait, tant au Québec que dans les autres provinces. Une fois qu'elle le saura, on reviendra étudier la question des jeunes contrevenants et on verra que, finalement, la Loi sur les jeunes contrevenants est la bonne loi qu'il nous faut.

Bien sûr, peut-être faudrait-il modifier certaines choses concernant les délais pour répondre encore mieux aux désirs du juge Jasmin exprimés dans son témoignage et aux désirs exprimés par certains témoins qui ont comparu devant ce comité dans leurs mémoires. Comme le disait Mme Goupil, il faut que l'intervention soit menée rapidement pour être efficace. Il faut appliquer la bonne mesure au bon moment, de même qu'aux bons jeunes.

On ne peut pas se donner une loi qui comporte des automatismes ou des lois qui imposent des punitions et une approche homogène par rapport aux jeunes. Chaque jeune est particulier. Chaque jeune a une histoire particulière. Chaque jeune a une histoire qui lui est propre et qu'il faut connaître avant de déterminer ce dont il a besoin. La Loi sur les jeunes contrevenants nous permet de faire cela, de faire du cas par cas, ce que le projet de loi C-3 ne permet pas dans le cas d'un grand nombre d'infractions.

Le plus drôle, ou le plus triste, monsieur le président, c'est que cela porte sur des infractions graves, sur lesquelles nous devons intervenir le plus rapidement possible, sur lesquelles nous devons investir le plus d'argent parce qu'elles constituent des problèmes importants et graves, tant pour le jeune que pour la société. Pour que la société soit protégée, il faut prendre ce jeune à temps, connaître son histoire, savoir ce dont il a besoin et investir chez lui pour qu'il devienne le plus tôt possible un citoyen anonyme.

Qu'est-ce que cela veut dire, un citoyen anonyme? C'est un citoyen qui pourrait se trouver dans cette salle, dont on ne connaîtrait pas du tout le passé, qui travaille, paie ses taxes et ses impôts, qui a une famille, qui a des enfants, qui a son «char», qui a sa maison et qui, surtout, n'a plus de problèmes avec la justice.

C'est ça, l'objectif qui devrait motiver la ministre, qui se trouve dans la Loi sur les jeunes contrevenants et que nous ne retrouvons pas dans le projet de loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.

• 1145

Donc, si la ministre venait rencontrer le comité, on ferait ce que je vais tenter de faire très sommairement, mais on pourrait le faire de façon très détaillée en lui présentant les arguments de chacun des intervenants. Je pourrais lui mentionner les questions que le groupe d'étude présidé par le juge Jasmin a posées aux intervenants et ses conclusions. Elle pourrait alors faire le même cheminement que j'ai fait avant de prendre position, monsieur le président.

En 1993, lorsque je suis arrivé à la Chambre des communes, je n'étais pas un spécialiste de l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants. J'avais eu à traiter des dossiers de protection de la jeunesse. J'avais pris connaissance de dossiers où des jeunes avaient des problèmes avec la justice. Mais je voyais la loi d'un autre oeil qu'aujourd'hui, tout simplement parce que j'ai beaucoup lu et beaucoup consulté. On n'a pas la science infuse, pas plus le député de Berthier—Montcalm que la ministre de la Justice du Canada. Il faut faire un geste d'humilité et reconnaître qu'on ne connaît pas tout et accepter d'apprendre ce qui se fait ailleurs afin d'améliorer le système.

Pour cela, il faut avoir d'autres objectifs que celui de se faire réélire dans sa circonscription. Il faut avoir des objectifs plus larges, plus nobles. Il y a un député chez nous qui nous disait souvent qu'il fallait faire de la politique un peu plus élevée.

J'inviterais la ministre à faire de même. Elle arriverait à la conclusion, comme j'y suis arrivé très rapidement au cours de 1994 et de 1995, lorsqu'on a étudié la question en comité entre autres, que le problème ne réside pas dans la loi mais dans son application.

Ceux qui ont fait une étude beaucoup plus exhaustive que celle que j'ai pu faire et que tous les membres du comité ont pu faire, c'est le groupe d'étude du juge Jasmin, qui a fait une étude extrêmement importante. Il a examiné plusieurs aspects de ce dossier complexe.

Monsieur le président, je répète que le système pour les jeunes contrevenants est un système complexe pour faire face à un problème complexe. Pour autant, ce n'est pas avec une loi complexe qu'on règle une problématique.

Monsieur le président, dans l'historique que j'ai fait, lorsqu'on a établi la Loi sur les jeunes contrevenants, lorsqu'on l'a adoptée au Parlement canadien en 1982, lorsqu'on l'a mise en vigueur le 2 avril 1984, vous souvenez-vous quelle avait été l'approche et quel avait été le discours québécois à cette époque? Au Québec, on avait applaudi la Loi sur les jeunes contrevenants. On était d'accord sur cette loi, tout simplement parce qu'elle donnait la marge de manoeuvre nécessaire au Québec pour qu'il puisse y glisser ce qu'il faisait déjà par l'intermédiaire de certaines lois à caractère social, c'est-à-dire la réinsertion et la réhabilitation du jeune.

La Loi sur les jeunes contrevenants permettait au Québec d'investir ou plutôt de continuer d'investir dans le jeune pour qu'il devienne le plus rapidement possible un citoyen anonyme. Et en 1981 et 1982, lors de son adoption, le Québec a applaudi la décision du gouvernement fédéral d'adopter ce projet de loi, qui n'avait aucune commune mesure avec le projet de loi C-3 de la ministre. Autant il y avait consensus au Québec en faveur de l'adoption de la Loi sur les jeunes contrevenants dans les années 1980, autant le consensus contraire existe par rapport au projet de loi C-3.

• 1150

Ce n'est pas décousu; c'est compréhensible. L'approche québécoise n'a pas changé au cours des années; au contraire, elle a toujours été maintenue. Il n'y a pas volte-face législatif dans l'approche québécoise. C'est le contraire: son approche est conforme à ce qu'elle a toujours été. La justice québécoise fait la même chose depuis le début et conserve les mêmes objectifs. Aujourd'hui, pourquoi y a-t-il un tel vent de révolte au Québec relativement au projet de loi C-3? C'est qu'on ne lui permettra plus de faire ce qu'il veut faire et surtout ce qu'il fait depuis 15 ou 20 ans.

Si la ministre n'a pas encore compris cela, elle a un sérieux problème. J'espère que quelqu'un va le lui expliquer. Je crois que la ministre a un problème actuellement en ce qui concerne la Loi sur les jeunes contrevenants. Elle ne saisit pas la problématique qui se pose au Québec.

C'est pourquoi je lui réitère l'invitation que je lui avais lancée, ou plutôt que le juge Jasmin m'avait demandé de lui lancer. N'importe quand, si la ministre veut voir ce qui se fait sur le terrain quant à l'application sur la Loi sur les jeunes contrevenants, le juge Jasmin lui ouvre les portes de son palais de justice, les portes des centres qu'il connaît, etc. Elle pourra faire une visite générale. Après cela, on parlera des mêmes choses et on pourra se comprendre. Dans le moment, quand je lis la lettre qu'elle a adressée à la population dans les pages de La Presse du 25 avril dernier, je vois bien qu'on ne parle pas de la même chose. On ne parle pas du tout du même projet de loi.

Chez nous, on dirait qu'elle est dans le champ, mais je sais qu'ici, ce ne doit pas être tellement parlementaire. Je pense qu'il faut avoir une bonne discussion, et c'est le moment. Je pense que la motion que je présente ce matin va directement dans le sens de permettre à la ministre de la Justice et procureur général du Canada de venir témoigner en comité, de venir répondre à nos questions, de venir expliquer en quoi le projet de loi C-3 prend en considération l'approche adoptée par le Québec au cours des 15 dernières années et en quoi les modifications qu'elle veut adopter répondent aux questions et aux contestations québécoises sur le projet le loi C-3.

Comment peut-elle concilier ses déclarations que le projet de loi C-3 tient compte de l'expérience du Québec des 15 dernières années avec le fait qu'elle est obligée de déposer 120 et quelques amendements pour répondre aux critiques du Québec? ll me semble qu'il y a quelque chose qui cloche dans son raisonnement, mais j'imagine qu'elle a une explication logique à donner, et j'aimerais qu'elle vienne nous expliquer cela. Si vous voulez participer à cela, ça me fera plaisir, mais on pourra ensemble, la ministre et moi, regarder toutes les étapes et regarder avec attention le rapport du juge Jasmin et des gens qui ont fait l'étude avec lui. On repassera toute la question de la délinquance, qui est un phénomène très préoccupant, comme tout le monde le sait. Tout le monde sait que la délinquance est un sujet préoccupant qu'il faut prendre au sérieux. On le sait au Québec depuis fort longtemps, et c'est pourquoi on a investi de l'argent et du temps dans ce domaine-là.

Mais autant la délinquance est importante, autant il faut regarder la délinquance avec un oeil réaliste aussi. Il ne faut pas dramatiser mais il ne faut pas simplifier non plus la problématique de la délinquance chez les jeunes. On va se rendre compte que pour faire échec à la délinquance, il faut avoir des pratiques et des politiques qui reposent sur une bonne et juste perception de la problématique. Il ne faut pas crier au loup si le loup ne se pointe pas.

• 1155

C'est ce qu'on fait depuis des années au fédéral. On a critiqué la Loi sur les jeunes contrevenants parce que c'était payant politiquement. Le meilleur des exemples de cela, c'est qu'en 1993 et en 1997, dans le fameux Livre rouge des libéraux, on disait déjà qu'il fallait modifier la Loi sur les jeunes contrevenants avant même d'avoir fait une étude quelconque ou un semblant d'étude.

Comment voulez-vous qu'on fasse une étude sérieuse en comité lorsque les conclusions du rapport ont déjà été rédigées et adoptées lors d'un congrès biennal du parti au pouvoir? À un moment donné, il faut dire la vérité. Il faut se mettre les yeux dans les bons trous et regarder la réalité en face.

Il faut en arriver à la conclusion qu'il faut se pencher sur la question de la délinquance, et la façon de régler cette question n'est pas évidente. On se rendra compte que la délinquance n'est pas si épouvantable, que le taux de criminalité n'est pas à la hausse de façon alarmante, contrairement à ce que l'on veut bien nous dire.

On pourra même revoir ensemble, la ministre et moi, lorsqu'elle viendra témoigner, les documents qu'elle a déposés au moment où elle a fait connaître ses intentions sur le projet de loi C-3. Les données statistiques qu'elle nous avait remises à cette époque-là démontrent noir sur blanc que, plutôt que de paniquer, il faut voir le problème de la délinquance et de la criminalité chez les jeunes d'un oeil un peu critique, certes, mais réaliste.

Il ne faudrait pas qu'ils s'en aillent parce qu'on n'aura pas le quorum. C'est beau, monsieur le président.

La ministre va se rendre compte que les taux de criminalité, contrairement à ce qu'on peut penser, ne sont pas à la hausse. Au contraire, ils sont à la baisse. Ce n'est pas une baisse qui permet de crier victoire. Il faut continuer à travailler fort, mais les taux de criminalité ne justifient aucunement une intervention comme celle de la ministre. Ce sont des taux de criminalité qui demanderaient peut-être de revoir certains points de la Loi sur les jeunes contrevenants afin d'améliorer les délais.

Si une intervention rapide auprès du jeune fait en sorte qu'il prend davantage conscience de son geste et qu'il récidive moins ou retourne moins dans le système, à long terme, on va réussir à obtenir de meilleurs résultats encore.

Cela ne requiert pas qu'on mette au panier 20 années d'expérience québécoise. Cela ne demande pas que l'on déchire la Loi sur les jeunes contrevenants, comme la ministre le fait, et que l'on supprime tout ce qui se faisait en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Même pour les crimes avec violence les plus graves, on se rend compte qu'il y a une baisse de 2 p. 100 par rapport à l'année précédente. Il y a une petite courbe à la baisse. Elle est petite, j'en conviens, mais il y a quand même une tendance à la baisse. Tout le monde va convenir que la criminalité est directement proportionnelle au taux de chômage, aux difficultés financières des parents et à toutes sortes d'autres choses. C'est pourquoi il faut être vigilant. Il ne faut pas baisser les bras. Il faut voir le plus possible si on est capables d'améliorer des choses qui existent déjà, mais de grâce, il ne faut pas détruire un système qui a fait ses preuves et qui fonctionne bien. C'est ce que la ministre est en train de faire avec son projet de loi C-3. J'aimerais que la ministre revienne et qu'on ait du temps pour l'interroger.

• 1200

À l'heure actuelle, monsieur le président, le système en comité ne nous permet pas d'interroger suffisamment la ministre responsable. Avec les tours de cinq minutes et ceux de trois minutes, les ministres ont le beau rôle. La ministre prend six minutes pour répondre à une question d'une minute. On ne peut pas répliquer ou quoi que ce soit.

Ensuite, la ministre nous dit de lui donner des exemples et de répondre à ses questions. Je la prends au mot. Qu'elle vienne au comité. Qu'elle se réserve une vingtaine ou une trentaine d'heures et moi, je vais être là. On va discuter tous les deux. On va se parler et on va peut-être se comprendre. Je suis persuadé qu'elle arrivera à la même conclusion que moi et les autres personnes du Québec qui sont venues témoigner. Mais pour cela, il faut qu'elle fasse un geste. Il faut qu'elle dise oui.

Avant cela, cependant, il faut que le comité décide de demander à la ministre de venir et de suspendre les travaux tant et aussi longtemps que la ministre ne viendra pas témoigner. Alors, elle n'aura pas d'autre choix que de répondre à nos questions. Si vous n'avez pas de questions à lui poser, j'en ai. Vous me laisserez faire. Je suis capable de lui poser des questions et de voir ce qu'il en est de son projet de loi sur les jeunes contrevenants. Cependant, il faut qu'elle vienne ici et on pourra voir ensemble également les mémoires et les lettres que la Commission des services juridiques du Québec a déposés en comité et qui vont à l'encontre de tout ce qu'elle a dit.

On pourra voir ce que le Conseil permanent de la jeunesse mentionne sur la Loi sur les jeunes contrevenants et sur le projet de loi C-3 de la ministre. On verra. Le Conseil permanent de la jeunesse n'est pas d'accord avec la ministre, lui non plus. On pourra peut-être voir ce que la CEQ, la Centrale de l'enseignement du Québec, dit au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants et au sujet du projet de loi C-3. On prendra le temps tous les deux, la ministre et moi, d'échanger des documents que j'ai et qu'elle n'a peut-être pas. Elle n'est peut-être pas de mauvaise foi. Elle est peut-être juste mal éclairée, mal informée. Après tout, il n'y a que quelque 150 avocats qui travaillent pour elle. Peut-être qu'elle n'a pas toutes les informations. On va collaborer avec elle.

Jean Trépanier de l'École de criminologie de l'Université de Montréal a fait un document extrêmement important. J'aimerais discuter de l'approche de Jean Trépanier. C'est un individu qui a une expérience extrêmement importante en criminologie. On pourrait peut-être parler de stigmatisation des jeunes et de mesures répressives et des conséquences de cela. On pourra peut-être voir. Peut-être a-t-elle, dans sa manche, des documents que je n'ai pas. À l'heure actuelle, elle n'a pas sorti grand-chose, si ce n'est un écran de fumée pour faire passer sa politique.

Il y a le Centre communautaire juridique de Montréal, où il y a quelques avocats qui ne font que cela. Une dizaine ou une vingtaine d'avocats travaillent avec les jeunes depuis des années. Selon moi, si on ajoute leurs années d'expérience bout à bout, ils en ont plus que le Canada a d'années d'existence. C'est à prendre en considération, cela aussi. J'aimerais faire cela avec la ministre. J'aimerais examiner cela avec elle ainsi que les lettres, le mémoire du Centre communautaire juridique de Montréal et les résolutions qu'ils ont déjà adoptées.

La Fondation québécoise pour les jeunes contrevenants est également un organisme qui a une expérience pratique, qui travaille avec les jeunes aux prises avec des problèmes de justice. Peut-être que la ministre n'a pas pris connaissance de cela ou n'a pas saisi ce qu'ils font. J'aimerais prendre le temps de lui expliquer cela de vive voix, sans être stressé par un ordre du jour quelconque. Peut-être que je réussirais à la convaincre qu'elle fait fausse route avec son projet de loi C-3.

• 1205

Mme Toutant de l'Institut Philippe-Pinel de Montréal, qui est très bien connue de certains membres du comité—je ne m'occupe pas de cela, mais il semble qu'elle partage les allégeances politiques de certains députés d'en face—ne dit pas que le projet de loi C-3 est un très bon projet de loi. J'aimerais cela recommencer à examiner le mémoire de l'Institut Philippe-Pinel avec elle et avec la ministre de la Justice et donner des exemples.

On pourrait même regarder des bandes vidéo ensemble. On a fait beaucoup d'émissions à la télévision sur le projet de loi C-3 et il y a eu des commentaires. On pourrait regarder également l'émission Le Point—je pense qu'ils avaient fait un reportage sur le système carcéral canadien—pour voir si c'est l'objectif à atteindre. Avec les motards et tout ce que l'on a vu à la télévision, ça semblait très bien. Est-ce que c'est ce que l'on veut pour les jeunes? Est-ce qu'on veut adopter pour les jeunes contrevenants le système pour adultes qui a si bien réussi au Canada?

Tout le monde est d'accord pour dire que le système carcéral pour adultes au Canada est une vraie catastrophe. C'est un échec sur toute la ligne. Est-ce là ce que l'on veut appliquer aux jeunes contrevenants? Peut-être, mais elle nous en fera la démonstration. Pour ma part, cependant, j'aimerais avoir le temps de lui faire de lui faire la démonstration qu'elle fait fausse route et citer des gens comme ceux de l'Institut Philippe-Pinel, qui ont une expertise importante dans ce domaine, qui ne travaillent pas nécessairement avec des anges, mais qui ont quand même un taux de réussite important.

On pourrait peut-être voir le mémoire de l'Association des chefs de police et des pompiers du Québec. Peut-être qu'elle n'a pas eu le temps de le lire ou de lire les résolutions qu'ils ont adoptées et les positions de ces gens-là. On pourrait peut-être voir cela ensemble, monsieur le président. Mais pour ce faire, il faut qu'elle vienne. Il faut que le comité vote pour qu'elle vienne témoigner ici, afin d'expliquer ses nombreux amendements et son approche et expliquer en quoi cela répond aux critères et aux demandes du Québec.

La Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec couvre tout le territoire québécois. Elle a des résolutions de toutes les régies régionales de la santé du Québec. Ça fait beaucoup de monde, je peux vous l'assurer. Il y a des médecins, des spécialistes, des psychologues, des psychiatres qui font partie de ces régies régionales de la santé. Il n'y a aucune voix discordante, monsieur le président. J'aimerais en discuter avec la ministre.

L'Association des centres jeunesse du Québec regroupe, elle aussi, pas mal le monde. J'aimerais qu'elle sache de qui il s'agit. Et puisqu'on n'est jamais mieux servi que par soi-même, je suis persuadé que vous, les gens du ministère, avez fait ces messages à la ministre. J'en suis persuadé, mais je suis comme Thomas. Je voudrais le lui dire moi-même afin d'être sûr que le message passe bien et, surtout, que ce soit le bon message qui passe, afin qu'il n'y ait pas de considérations particulières ou qu'un vent de l'ouest qui lui souffle les réponses et l'orientation. J'aimerais le lui dire moi-même.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a déposé un excellent mémoire. Je vais passer là-dessus très rapidement, parce que je vais y revenir. De toute évidence, la ministre ne semble pas l'avoir vu.

Le Bureau des substituts du procureur général du Québec, pour ceux qui ne le savent pas, est le bureau qui intente des poursuites contre les jeunes. Ce ne sont pas nécessairement des alliés des jeunes. Ils les poursuivent à tous les jours. Pourtant, le Bureau des substituts du procureur général du Québec dit à la ministre qu'elle fait fausse route avec son projet de loi C-3. Ce n'est sans doute pas parce qu'ils veulent protéger outre mesure les jeunes qu'ils poursuivent à tous les jours. Mais ce sont des gens qui sont suffisamment professionnels pour être capables de faire l'évaluation d'un projet de loi.

Leurs expériences quotidiennes leur démontrent que le projet de loi C-3 est mauvais. Ils doivent savoir ce qu'est la Loi sur les jeunes contrevenants: ils l'appliquent à tous les jours. Ils ne veulent pas du projet de loi C-3.

• 1210

Je ne sais plus quoi faire de vous. Faut-il que je vous fasse un dessin? Dites-le moi et je vais vous le faire tout de suite. En tout cas, si ça ne fonctionne pas avec vous, peut-être que la ministre et moi pourrions nous entendre si nous nous parlions face à face. On reverrait les mémoires et les résolutions des gens.

L'Association des CLSC et des CHSLD du Québec regroupe elle aussi pas mal de monde. Il y a des CLSC dans à peu près toutes les municipalités. Cette association couvre tout le territoire québécois et, comme député du Québec, j'ai reçu plusieurs résolutions des conseils d'administration des CLSC qui se trouvent sur mon territoire, qui me demandent de faire quelque chose, car la ministre est en train de faire adopter un projet de loi inadmissible dont on ne veut pas au Québec.

Sur papier, cela ne semble pas avoir convaincu la ministre de la Justice. Si jamais elle venait témoigner de nouveau ici et que j'avais le temps d'avoir des échanges avec elle sans que les règles ne soient trop strictes, je suis persuadé qu'on pourrait s'échanger des données et qu'elle verrait la problématique des jeunes contrevenants différemment. Comme vous pouvez le constater, j'ai bien des choses à dire. On pourrait se réserver une trentaine d'heures facilement, mais pour cela, il faut qu'elle vienne ici, monsieur le président.

Marc LeBlanc de l'école de psycho-éducation de l'Université de Montréal n'a pas, je pense, déposé de mémoire comme tel. Je n'en suis pas sûr. Il fait partie de la coalition, mais il n'a pas déposé de mémoire comme tel. Or, si la ministre vient témoigner, je vais appeler M. LeBlanc à l'Université de Montréal pour lui demander de soumettre des questions par écrit. Je suis persuadé qu'il va collaborer. En même temps, il pourrait m'envoyer une petite note que je pourrais remettre à la ministre en mains propres.

Il y a le Regroupement des organismes de justice alternative du Québec. La ministre ne sait sans doute même pas ce que fait ce regroupement au Québec. On pourrait lui expliquer cela et on pourrait lui donner un document précis. Elle verrait qu'au Québec, il y a une structure importante, que les jeunes ne sont pas laissés à eux-mêmes, qu'on investit dans le jeune, que les besoins des jeunes constituent la première priorité et qu'on ne néglige pas pour autant les autres éléments importants. Les victimes sont importantes. La protection de la société, c'est important.

Les coûts sont importants aussi. On n'est pas fous. J'aimerais parler de cela à la ministre et je suis sûr qu'après nos discussions, les députés d'en face auraient peut-être, eux aussi, des choses à dire à la ministre. Mais pour ce faire, il faut que le comité décide que la ministre doit revenir témoigner devant nous.

La Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada est un organisme qui est un peu pancanadien. Pourtant, il partage l'approche de la coalition. Est-ce que la ministre a pris connaissance de son approche? J'aimerais en discuter avec elle.

Il y a l'Association canadienne de justice pénale, également. Il serait peut-être intéressant que la ministre sache ce que dit cette association. On pourrait revoir et analyser cela ensemble.

La Société de criminologie du Québec a fait un mémoire très important, également. Je pense que c'est un des mémoires que je veux utiliser cette semaine pour tenter de vous convaincre que ce serait important que la ministre vienne témoigner ici et qu'elle vienne réfléchir à haute voix avec les membres du comité.

L'Association des avocats de la défense du Québec a un point de vue différent de tous les autres au niveau de l'intervention et tout, mais ces gens voient la problématique des jeunes contrevenants d'un oeil très intéressé et, surtout, très intéressant. Me Binet, dont je vous ai parlé plus tôt, fait partie de cette association à titre d'avocat de la défense dans une étude privée.

Pour avoir un échange avec la ministre, il faut qu'elle soit présente. C'est la raison pour laquelle je l'invite. C'est la raison pour laquelle j'aimerais qu'elle vienne.

• 1215

Je suis persuadé que vous tous en avant, vous vous dites dans votre for intérieur... Je vois dans vos visages que vous seriez intéressés, vous aussi, à ce que la ministre vienne témoigner. Quand je vous regarde, je vois que vous avez un intérêt certain face à toute cette cause-là et cela m'honore finalement de l'inviter parce que je suis l'instigateur de cette demande-là. Je suis persuadé que la ministre va se faire un plaisir de venir témoigner ici pour réentendre ce que les personnes ont à dire.

Mais le document le plus important dont j'aimerais faire le tour avec la ministre est le rapport Jasmin. Cela fait quatre ou cinq fois que je ne fais que l'effleurer et je sais que vous avez hâte que je saute dans le sujet. Le rapport Jasmin est, à mon avis, un must. Il faut que la ministre en prenne connaissance avant de faire quoi que ce soit d'autre en vue de l'adoption du projet de loi C-3.

Monsieur le président, on retrouve plusieurs éléments extrêmement importants dans ce mémoire-là. Mais pour comprendre l'analyse et les grandes orientations du rapport Jasmin, il faut avoir au préalable certaines connaissances de base, sans quoi on ne peut pas évaluer ce rapport à sa juste valeur. Je suis persuadé, puisque que vous n'êtes pas trop attentifs, que vous n'avez pas fait ce que je vous ai demandé de faire durant les deux semaines de relâche et lu ce que je vous avais demandé de lire.

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): [Note de la rédaction: Inaudible].

M. Michel Bellehumeur: C'est parce que vous en avez manqué un bout, monsieur Saada. Quand vous étiez absent, j'ai dit des choses que je ne pourrais pas répéter.

M. Jacques Saada: [Note de la rédaction: Inaudible].

M. Michel Bellehumeur: J'ai dit que si on était à la petite école, je demanderais à ceux qui ont appelé des gens de la coalition afin de savoir ce qui se fait au Québec et tout cela de lever la main. Mais on n'est pas à la petite école, et je ne le saurai jamais. Comme on n'est pas à la petite école, je ne saurai jamais non plus si vous avez demandé à chacune des législatures provinciales quelles sont ses politiques jeunesse, comme je vous avais demandé de le faire. On ne le saura jamais, mais j'ai des doutes, par exemple. Je me doute bien que vous ne l'avez pas fait. Madame Carroll, est-ce que vous avez fait ces appels? Non, d'accord.

Parmi les données de base qu'on doit avoir en tête, il y a toute la question de la délinquance, dont j'ai parlé tout à l'heure, et celle de la protection de la société. Dans le cadre de l'approche qu'on a adoptée au Québec, on a en tête la protection de la société et on dit très bien dans quelle mesure on croit qu'en investissant chez le jeune, on assure la sécurité et la protection de la société. On croit qu'en favorisant le processus d'intégration du jeune, même à court terme, on favorise la protection de la société. Ce sont des notions qu'on doit avoir en tête pour examiner de façon plus précise encore les grandes conclusions du rapport Jasmin.

On parle de l'infraction. La nature de l'infraction doit nous permettre de fixer les balises à l'intérieur desquelles les mesures éducatives et de réadaptation doivent être choisies et exécutées. Il faut avoir en tête que le type d'infraction va nécessairement influencer les mesures que nous allons prendre à l'égard d'un jeune en vue de lui permettre une meilleure éducation et une meilleure réintégration.

La responsabilité des adolescents est également une notion qu'on devrait avoir en tête et qui est présente dans l'approche qu'on préconise au Québec. L'approche québécoise est bien axée sur cela; c'est-à-dire que si on veut faire les interventions le plus rapidement possible, c'est justement pour que les jeunes prennent conscience de la responsabilité qu'ils ont par rapport à l'infraction qu'ils viennent de commettre.

Si on demande au jeune de comparaître en cour trois, quatre ou 15 jours après l'infraction, tout ce qu'il a fait et tous les détails relatifs à l'infraction qu'il a commise seront très frais dans sa mémoire. Si son procès a lieu au cours du mois qui suit et qu'on le traite sans tarder, le jeune n'a pas le temps d'oublier. Il vit intensément l'infraction qu'il a commise. Il est très conscient de sa responsabilité par rapport à l'infraction qu'il a commise et, au bout de la ligne, la responsabilité de l'adolescent est un facteur qui fait partie de la démarche qui vise à réhabiliter et réintégrer le jeune. Lorsqu'on traite le jeune rapidement et qu'on lui fait prendre conscience de sa responsabilité, on contribue à sa démarche de responsabilisation graduelle. Ce n'est pas du jour au lendemain qu'on va faire prendre conscience à un jeune de sa responsabilité, monsieur le président.

• 1220

Il faut se mettre dans le contexte et se rendre compte que les jeunes qui ont des problèmes de justice ne sont généralement pas des jeunes qui ont une vie semblable à la nôtre ou à celle de nos enfants. Ils sont souvent issus de familles divisées, de familles où il y a de la violence, de familles où le père ou la mère fait de la prostitution tandis que son conjoint vend de la coke ou je ne sais trop quoi, ou commet des vols. Il y a toutes sortes de choses. La grande majorité de la clientèle de la Loi sur les jeunes contrevenants—je ne dis pas que certains jeunes ne viennent pas d'autres milieux—est composée d'enfants qui sont nés dans des familles à risque, dans des familles à problèmes, dans des familles qui vivent sous le seuil de la pauvreté et où il y a de la misère, monsieur le président.

Chez nous, on dit souvent que la misère attire la misère, et c'est vrai. Même si on traite un jeune et qu'on investit en lui, ce ne sera pas du jour au lendemain qu'il deviendra responsable. Cependant, le fait de lui faire comprendre et assumer sa responsabilité face à l'acte qu'il a commis s'inscrit dans une démarche qui est graduelle au niveau de la responsabilité que le jeune va développer. Il faut avoir cela en tête avant même d'examiner quoi que ce soit dans l'approche ou dans le modèle québécois.

L'adolescent a des droits également, tout comme il a des obligations. C'est pour cela que ça me fait sourire lorsque je lis la lettre de la ministre en date du 25 avril dernier où elle disait que son projet de loi C-3 ferait en sorte que les jeunes seraient mieux protégés et surtout que leur droit à l'avocat serait accru. On sait que les adolescents ont des droits. On sait qu'il existe une Charte canadienne des droits et libertés, et une Charte québécoise des droits et libertés de la personne où l'on prévoit que les jeunes ont les mêmes droits qu'un adulte, y compris le droit à des avocats. Ça ne prend pas une ministre de la Justice fédéral pour nous faire penser qu'ils ont des droits, car on le sait déjà. Les auteurs du rapport Jasmin se sont penchés sur les droits des adolescents en fonction de différents éléments qu'on ne saurait négliger. Je pense qu'on oublie cela également, sinon on ne ferait pas de déclarations semblables à celles de la ministre de la Justice. Que ce soit au stade de l'enquête policière, au stade judiciaire ou au stade des mesures sociales, préventives ou autres, le jeune a des droits, et on le sait. Il faut avoir cela entre les deux oreilles pour faire une bonne évaluation.

Il y a une chose sur laquelle on n'insistera jamais suffisamment et sur laquelle ceux qui ont examiné toute la problématique des jeunes contrevenants au Québec en vue de faire rapport se sont arrêtés de façon très minutieuse. C'est toute la question des besoins des adolescents. Monsieur le président, c'est tellement important que je vais, si vous me le permettez, lire le texte qui est imprimé en caractère gras au chapitre 1.6 à la page 22 du rapport Jasmin, qui s'intitule Les jeunes contrevenants, Au nom... et au delà de la loi, et où l'on traite des besoins des adolescents.

• 1225

      Un adolescent est une personne qui est en processus de formation et d'éducation, qui présente des besoins spéciaux qui le distinguent des adultes. Les besoins à caractère éducatif viennent au premier rang de ces besoins spéciaux. La conscience de leur rôle éducatif doit orienter le travail et le comportement professionnel des personnes qui interviennent auprès des jeunes contrevenants.

      Les besoins d'un adolescent doivent contribuer à orienter le choix d'une décision parmi les options auxquelles la gravité de l'infraction donne ouverture. Ils peuvent par ailleurs justifier que l'on atténue la rigueur d'une décision que l'infraction pourrait légitimer, mais dont les conséquences seraient en contradiction avec les besoins de l'adolescent.

Ils n'ont pas inventé une nouvelle approche face aux besoins des adolescents, monsieur le président. Ce qu'on retrouve dans ce chapitre du rapport Jasmin, qui porte sur les besoins des adolescents, on le retrouve, formulé dans des mots différents, dans l'article 3 de la déclaration de principes de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il n'y a rien de nouveau. On ne fait que le mettre dans son véritable contexte et dans le sens de l'étude que nous sommes en train de faire. Il faut se reporter en 1995, au moment de la rédaction du rapport, monsieur le président.

Ils ont interrogé au sujet des besoins des jeunes...

[Traduction]

Le président: Monsieur Bellehumeur, sauf votre respect, il est maintenant 12 h 30. Il semble que vous vous apprêtez à aborder un nouveau sujet et comme je ne voudrais pas vous interrompre plus tard, il serait peut-être bon de lever la séance maintenant.

Nous reprendrons nos travaux dans cette pièce-ci à 15 h 30.