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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 6 juin 2000

• 1012

[Traduction]

Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Je déclare la séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne ouverte.

Nous devons aujourd'hui étudier la recommandation 73 de la Commission d'enquête de la province de la Nouvelle-Écosse sur la tragédie de la mine Westray.

Le personnel de soutien s'affaire pour voir si l'on doit offrir au témoin le remboursement de ses dépenses. C'est un curieux changement de situation. Nous avons Peter MacKay, député de Pictou—Antigonish—Guysborough qui est venu nous parler de sa motion.

Je souhaite la bienvenue aux visiteurs qui prendront la parole brièvement plus tard. Nous allons peut-être donner à d'autres l'occasion de comparaître devant le comité. La chose n'avait pas été prévue à l'avance, aussi devons-nous nous entendre là-dessus. Mais pour la première partie de la journée, la parole est à M. MacKay.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Je vous remercie infiniment, monsieur le président et chers collègues. Je remercie aussi toutes les personnes présentes.

Je suis très heureux d'avoir l'occasion de parler de cette motion qui a été acceptée à la Chambre des communes et qui est arrivée au comité par la procédure habituelle.

La motion d'initiative parlementaire est ainsi libellée: de l'avis de la Chambre, que le Code criminel et les autres lois pertinentes soient amendés conformément à la recommandation 73 de la Commission d'enquête de la province de la Nouvelle-Écosse sur la tragédie de la mine Westray, notamment dans le but de rendre dûment responsables de la sécurité au travail les cadres supérieurs et les directeurs des entreprises.

Je me dois de présenter aux membre du comité un bref historique, qui n'en est pas moins très important et bouleversant. Le rapport publié par la province de la Nouvelle-Écosse et rédigé par le juge Peter Richard découle d'une explosion très tragique et violente qui a eu lieu à la houillère Westray à Plymouth (Nouvelle- Écosse), le 9 mai 1992.

Cet incident, cette tragédie, a causé la mort de 26 hommes et a posé en termes très crus le problème de la sécurité au travail, non seulement dans la province de la Nouvelle-Écosse, mais également dans toute le pays.

De nombreux Néo-Écossais ont fait preuve d'un grand héroïsme. Les dragueurs de l'île du Cap-Breton et des gens de la localité comme Vernon Theriault, qui a été décoré pour sa bravoure, ont participé aux efforts de sauvetage de ces 26 hommes que l'on croyait au départ prisonniers de la mine, mais qui avaient en fait tragiquement perdu la vie.

• 1015

Je pense que la motion dont est saisi le comité est très générale. Elle découle des recommandations qui figurent dans le rapport du juge Richard et parle précisément d'amender non seulement le Code criminel du Canada, mais également toute loi fédérale qui touche la sécurité au travail. Je dirais donc à tous ceux qui sont ici rassemblés que c'est une initiative de survie, de vie et de mort, de compassion humaine que nous avons sous les yeux.

De nombreuses personnes en Nouvelle-Écosse sont encore très affectées et ont encore aujourd'hui à faire face aux conséquences de la tragédie de Plymouth. Certaines de ces personnes sont ici aujourd'hui, monsieur le président, et comme je vous l'ai dit en commençant, je demanderais le consentement unanime, vers la fin de mon exposé, pour permettre à deux de ces personnes de s'avancer pour discuter de la motion, puis je présenterai la motion au moment opportun.

Si l'on va directement au coeur de la motion, il s'agit essentiellement de prévention et, en guise de contexte, j'aimerais revenir encore une fois brièvement sur ce qui s'est passé à la suite de l'explosion du 9 mai.

Il y a eu des opérations de sauvetage immédiatement après et la mine a été fermée définitivement. Des accusations ont été portées en vertu du Nova Scotia Labour Standards Code, mais elles ont été annulées pour permettre de déposer des accusations au criminel. C'est ce qui a été fait; je n'ai pas la date exacte, mais on a déposé devant les tribunaux néo-écossais des accusations d'homicide involontaire coupable et de négligence criminelle ayant causé la mort.

J'aimerais élaborer un peu. Ces accusations ont fait l'objet d'une instance qui a suivi les diverses étapes de l'enquête préliminaire, de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, de la cour d'appel, jusqu'à la Cour suprême du Canada. Plusieurs retards et batailles de procédure ont aggravé, il me semble, la situation et ont empêché que l'on arrive aux causes profondes pour arriver à une responsabilisation quelconque et permettre aux personnes concernées de faire le deuil de cette affaire. Et des leçons très difficiles ont été tirées de ce procès.

On a essayé d'intenter des procès au civil et la province de la Nouvelle-Écosse, ainsi que le premier ministre de l'époque, Donald Cameron, se sont immédiatement employés à lancer une enquête publique qui a donné les résultats dont je vous ai parlé. Le rapport «The Westray Story: A Predictable Path to Disaster» (L'histoire de Westray: Une tragédie prévisible) a été déposé par le juge Richard en 1997. J'en ai des exemplaires et je ferai en sorte que tous les membres du comité en reçoivent car il s'agit d'un document très complet et j'ajouterais même d'une chronique très dérangeante de ce qui s'est passé dans l'affaire Westray. Dans ce rapport, on fait brièvement l'historique des démarches qui ont mené à l'ouverture de la mine et on parle de façon prémonitoire de la possibilité d'éviter ces pertes terribles et l'effet qu'elles ont eu.

Pour résumer les conclusions du juge Richard, il dit qu'il y a suffisamment de responsabilités pour que tout le monde en assume une part; à savoir les politiciens qui ont pris part au marché public initial et qui ont prévu le financement de l'entreprise aux niveaux fédéral et provincial. On parle de la mauvaise gestion des exploitants de la mine et en particulier de la possibilité de prévenir l'accident avec les inspections de sécurité de la province de la Nouvelle-Écosse et des indications précises des problèmes que posait la poussière de charbon, certains effondrements et une atmosphère générale de mauvaise ambiance de travail pour ce qui est de respecter les normes de sécurité dans la mine elle-même.

• 1020

Il s'agit, toujours pour faire l'historique, de l'un des filons de houille les plus riches, le gisement de Wimpey, d'Amérique du Nord. Avec sa réputation d'être le filon houiller le plus prospère et le plus riche venait aussi sa réputation de gisement le plus gazeux, c'est-à-dire le plus explosif en puissance à cause du méthane qui était libéré par le travail de la mine et l'extraction de la houille.

Je ne peux pas vous parler des aspects techniques du travail d'extraction, bien que je puisse ajouter, à titre personnel, que j'ai eu un emploi d'été dans cette mine lorsque j'étais étudiant pour Satellite Construction. Je suis donc descendu dans cette mine—et comme vous-même, monsieur le président—j'ai eu l'occasion de faire la tournée des mines du Canada atlantique.

C'est un projet très personnel pour plusieurs que de faire en sorte que ce problème soit traité comme il se doit. Le chemin a été long et difficile pour ceux qui ont essayé de faire avancer ce dossier. Je sais que mes collègues du Nouveau Parti démocratique ont également, en raison de leurs racines maritimes et de leur engagement envers les travailleurs et la sécurité au travail, fait des efforts semblables.

Il me semble que c'est un sujet qui est au-dessus des partis politiques et qui traite d'aspects tout à fait fondamentaux des activités humaines. C'est un sujet que j'encourage tous les membres du comité à approfondir. J'ai été très encouragé de voir qu'il recevait l'adhésion de la Chambre des communes et le hasard a voulu qu'il arrive ici, à notre porte, à un moment très important.

Nous avons la possibilité de réagir à ce rapport et la motion que je vous soumets est tirée directement du document du juge Richard. Elle ne vise pas à être nuancée ni limitée dans sa portée. Son intention est très semblable, me semble-t-il, à celle d'une motion dont est également saisie la Chambre des communes bien qu'elle n'ait pas, à ce que je crois, été officiellement tirée au sort—et on pourra me corriger si je me trompe. Le projet de loi C-259 porte précisément sur les amendements au Code criminel du Canada qui créeraient en quelque sorte une nouvelle norme que devraient respecter les entreprises, leurs directeurs et cadres supérieurs, et sur les actes et omissions qui seraient de nature criminelle lorsqu'il y a perte de vie ou risque de perdre sa vie ou un membre au travail.

J'estime que cette motion a à peu près la même intention à l'égard du Code criminel, bien qu'elle ne se limite pas à ce texte de loi, et son libellé est tiré précisément de la recommandation 73.

Elle ne se limite pas—cela va sans dire—aux exploitations minières. Elle concerne tous les lieux de travail. Elle concerne les usines de transformation du poisson; elle concerne les scieries. Bref, tous les endroits où des hommes et des femmes, et des enfants dans certains cas, sont exposés à des situations dangereuses. Il s'agit d'une tentative sincère pour accroître la norme de responsabilité de ceux qui sont chargés non seulement de surveiller ce qui se passe sur les lieux de travail, mais également de ceux qui ont lancé l'exploitation, qui sont responsables, j'imagine, de son financement et qui prennent des décisions qui peuvent paraître tout à fait anodines dans une salle de conseil d'administration, mais qui peuvent avoir des effets directs et parfois tragiques si elles font prendre les raccourcis ou si elles permettent à des situations dangereuses d'exister, du fait de certains actes ou omissions.

Et c'est là que—et je dois faire un peu marche arrière pour revenir à l'instance—si je peux m'exprimer ainsi, les choses ne vont plus. Je sais que j'ai des collègues ici qui ont autant sinon davantage d'expérience du droit, mais pour le mens rea et l'actus reus, il est parfois très difficile d'impliquer des directeurs et des cadres. La norme au civil est ce que l'on appelle «le voile de l'entreprise», qui n'existe pas nécessairement au criminel, mais c'est ce lien direct de responsabilisation et de responsabilité qui est extrêmement difficile à présenter à un tribunal judiciaire pour faire ce lien.

• 1025

Cette tentative, avec la motion et il me semble aussi avec le projet de loi, vise l'instauration d'une nouvelle norme qui permette, au sens criminel... Si nous prenons en compte les implications plus générales en vertu du Code canadien du travail, il s'agit d'une tentative pour établir un seuil plus élevé de responsabilité qui pourrait, dans un premier temps, faire trembler les fondations de l'exploitation de certaines entreprises. Mais je vous le répète, il s'agit aussi d'une tentative pour instaurer cette responsabilité directe à l'égard des travailleurs qui sont, dans de nombreux cas, placés dans des situations très dangereuses en raison de décisions qu'ils ne connaissent parfois même pas, mais qui ont un effet sur leur sécurité quotidienne et sur les travaux courants dans les champs, dans les usines et sur les lieux de travail de façon générale.

Voilà en gros le contexte. Cela a certainement des répercussions générales. La motion qui vous est soumise est rédigée de façon à nous permettre d'aller là où nous devons aller et que cela est tout à fait conforme, je le répète, à l'esprit du rapport du juge Richard.

J'ajouterais que d'autres provinces ont réagi et ont indiqué, je dirais même demandé, au gouvernement fédéral de mettre ces recommandations en application. Voilà maintenant trois ans que le rapport a été rédigé. C'est un examen très approfondi et très exhaustif qui a été réalisé. On a fait venir des centaines de témoins qui ont prié instamment le juge Richard de proposer un rapport qui montre les répercussions graves d'un manque de réaction.

L'explosion de la mine Westray a simplement servi de catalyseur pour mettre en lumière une situation qui existe dans notre pays depuis de nombreuses années, je pense. Il est triste et très gênant qu'il faille une tragédie d'une telle ampleur pour que l'attention du public et des responsables politiques se fixe sur ce problème.

Je crois savoir, comme le savent sans doute également mes collègues également, qu'il y a eu d'autres tragédies du même genre depuis, d'autres explosions de mine, des navires qui ont sombré. En fait, à peu de temps de l'explosion de la mine Westray, un navire a sombré au large de la côte néo-écossaise au niveau de Yarmouth, et des vies ont encore été perdues. Le navire avait appareillé pour se diriger vers une tempête, contre les conseils de ceux qui étaient censés en savoir plus, et encore une fois, de très nombreuses vies humaines ont été perdues alors qu'on connaissait la situation mais qu'on ne l'a pas signalée ou parce qu'on a refusé de suivre certains conseils.

J'ai parlé à des mineurs qui descendaient autrefois dans la mine. La plupart d'entre eux, pour des raisons économiques, s'acquittaient de leur travail quotidien sans signaler ce qu'ils voyaient. Il est malvenu de parler de la responsabilité qui incombe aux mineurs; c'est parfois une question très litigieuse. La plupart de ces mineurs estimaient, je crois, qu'ils ne pouvaient pas se permettre de se plaindre. Il y avait un sentiment général de crainte et de mépris.

Quant aux inspecteurs, je pense qu'aujourd'hui encore ils doivent être poursuivis par l'idée qu'une telle catastrophe aurait sans doute pu être évitée, comme cela est indiqué dans le rapport. Les cadres de la mine devront vivre avec la conscience de ce fait, mais pas nous, monsieur le président.

Nous avons ici l'occasion de faire quelque de très important et de très honorable à la mémoire non seulement de ceux qui ont perdu la vie à Westray, mais pour tous les travailleurs de notre pays. Je crois que c'est le moment voulu pour le faire.

Il est aussi intéressant de noter que les statistiques publiées dans le Globe and Mail d'aujourd'hui indiquent clairement que les Canadiens souhaitent que le gouvernement et le Parlement prennent les mesures voulues pour changer l'ambiance au travail. Ces statistiques montrent encore une fois que le sentiment public est sans doute plus avancé que nos petites intrigues parlementaires courantes et parfois que le cirque introspectif auquel chaque parti se livre.

• 1030

Nous devrions en l'occurrence être à l'écoute du public. Je crois que si nous pouvions entreprendre une étude qui nous permette de faire venir certains des témoins qui ont comparu devant la commission d'enquête pour l'affaire Westray... Nous devrions être prêts à entendre l'avis de personnes de venant de toutes les régions du pays sur cette motion et essayer avant tout de voir ce que nous pouvons faire.

Il a été suggéré—et cela nous permettra d'aller un peu plus loin—d'adopter ou du moins d'incorporer dans cette motion le projet de loi C-259 parce que l'article proposé pour le Code criminel qui figure dans le projet de loi nous aide beaucoup. Une bonne partie du travail a déjà été faite pour rédiger ce nouvel article du Code criminel.

Comme je l'ai dit au départ, nous devrions faire comparaître certaines des personnes qui ont vécu de très près cette tragédie. Il y a notamment un homme qui se trouvait dans la mine le jour précédent, quelques heures avant l'explosion, et qui devait y retourner ce soir-là. Il a joué un rôle très important dans l'opération de sauvetage en travaillant comme mineur à visage découvert avec les dragueurs. Il s'appelle Vernon Theriault. Il travaillait à la mine depuis environ sept mois. Il est soudeur de métier et travaille actuellement pour Trenton Works en Nouvelle- Écosse.

Il y a avec lui Howard Sim qui est vice-président de la Nova Scotia Federation of Labour, également soudeur, qui travaille depuis 23 ans pour Trenton Works à Trenton en Nouvelle-Écosse.

Ces deux messieurs sont ici à Ottawa pour prendre part à une tentative de sensibilisation du public à la sécurité au travail, une cause en vérité très noble.

Nous avons donc pour une fois une véritable occasion qui se présente et que nous devons saisir. J'espère vraiment que nous pourrons le faire de façon concertée, grâce à cette notion, grâce au projet de loi qui est aussi dans la machine, si j'ose dire, et pourrait faire son chemin dans la procédure parlementaire.

Monsieur le président, je serais très heureux de répondre à des questions sur des points précis de la motion, mais j'aimerais aussi garder un peu de temps pour permettre à ces messieurs de venir me rejoindre à la table afin de faire un bref exposé, avec votre permission. Je demanderais maintenant qu'on permette cela à l'unanimité.

Le président: Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Merci, monsieur le président.

Je serais prêt à appuyer cette motion, mais j'aimerais demander qu'on y apporte un amendement favorable. Nous avons ici parmi nous M. David Doorey des Métallurgistes qui a fait énormément de travail de documentation. Il est avocat aux Métallurgistes unis d'Amérique. Il y a également quelques membres du bureau des Métallurgistes qui sont présents. Je ne pense pas que M. MacKay voie des inconvénients à ce que ces messieurs se joignent à nous comme témoins également.

Ainsi, nous ne limiterions pas le nombre des témoins aux deux qui ont été mentionnés, mais nous pourrions élargir le groupe car je pense qu'ils pourraient apporter au comité des informations d'ordre technique.

Le président: Voici de quelle manière j'aimerais procéder—avec l'avis unanime des membres du comité et en tenant compte de la suggestion de M. MacKay aussi bien que celle de M. Mancini—, dès que nous aurons fini de poser des questions à M. MacKay, nous demanderons aux autres témoins de s'avancer et de faire leur exposé de la façon habituelle.

J'aimerais qu'on décide cela maintenant pour que l'on puisse gérer en conséquence nos questions et notre temps. Quelqu'un voit- il des objections aux suggestions de MM. MacKay et Mancini? Quelques membres du côté ministériel l'avait aussi proposé, je ne pense donc pas qu'il y ait d'objection.

Cela étant, lorsque M. MacKay aura terminé, nous demanderons aux autres témoins de venir à la table. Nous allons donc maintenant poser des questions à M. MacKay sur sa motion.

Je vous demande à tous de ne pas oublier que dès qu'il aura fini, nous entendrons les autres témoins sur un sujet semblable. Je vous prierais donc de régler votre conduite en conséquence.

M. Peter MacKay: Monsieur le président, j'aimerais savoir de combien de temps nous disposons dans l'ensemble car je dois aller prendre la parole à la Chambre à midi.

Le président: Normalement, le comité siège jusqu'à 12 h 30, mais...

M. Peter MacKay: Oui je sais que cette horloge n'est pas...

Le président: Cette horloge n'est pas... Selon ma montre, il est 11 heures moins 25. Nous finissons en général à 12 h 30. D'accord?

M. Peter MacKay: Très bien.

• 1035

Le président: Monsieur Abbott.

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne): Pour revenir à l'histoire de Westray, je lis à la quatrième partie du sommaire, page 52:

    pas être exagérément lourdes. Si on oublie cette règle d'or, les cadres des mines feront l'effort de la respecter, mais sans prêter attention à l'essence de la réglementation.

Je pense que la recommandation 59 porte sur le fait que les cadres ne doivent pas seulement respecter la réglementation, mais aussi son esprit, ce qui donne encore une fois du poids à votre motion.

À la page 50 du même rapport, il est dit à la recommandation 55:

    L'exécution inacceptable de leurs fonctions d'inspecteurs et d'agents de la réglementation pour la sécurité des mines de Claude White et Albert McLean, ajoutée à leur attitude au cours des audiences d'enquête, ont certainement détruit la confiance que pouvait avoir la population de la Nouvelle-Écosse dans le service d'inspection ministériel de la sécurité. En conséquence, MM. White et McLean devraient être démis de toute fonction en rapport avec l'inspection ou la réglementation de la sécurité.

Il est dit à la recommandation 56:

    rendait inefficace s'agissant de Westray semblait bien ancrée et généralisée. En conséquence, un expert-conseil indépendant, spécialiste de la sécurité, devrait évaluer le service d'inspection et son personnel.

La question, que vous avez effleurée et sur laquelle j'aimerais insister, est que je ne comprends pas les décisions qui ont été prises à la suite de la terrible catastrophe. J'aimerais savoir qui a pris la décision de permettre la submersion de la mine, ce qui a causé la destruction des preuves.

J'ai parlé avec Kenton Thiesdale qui est à la tête du groupe des familles de victimes. Je l'ai rencontré à deux reprises et j'ai également rencontré quelques victimes. Il me semble qu'il y a une question criminelle qui se pose pour la façon dont les preuves ont été détruites par la submersion. J'aimerais savoir pourquoi on a pris cette décision et qui l'a prise. Cela dépasse le cadre de la motion, mais il y a encore tellement de questions qui se posent dans cette affaire.

J'aimerais encore vous mentionner la recommandation 74 qui suit la recommandation 73 et qui est ainsi libellée:

    La province de la Nouvelle-Écosse devrait réviser sa législation en matière de la santé et de sécurité au travail et prendre toutes les mesures nécessaires pour que les cadres supérieurs et les directeurs des entreprises qui sont en activités dans la province soient tenus dûment responsables lorsque la société ne fait pas ce qu'elle doit pour que le milieu de travail soit et reste sans danger.

Cela concerne à mon avis l'enquête qui est demandée, et que j'aimerais que notre comité ou le comité voulu de la Chambre des communes entreprenne, avant de présenter les dispositions législatives d'ordre criminel. Mais j'aimerais que la Nouvelle- Écosse y prenne part car c'est elle qui a fait cette recommandation.

Il est dit au début du quatrième volume à la partie IX:

    [...] la direction de Westray a fait preuve d'un certain mépris pour la sécurité et semblait considérer les travailleurs soucieux de sécurité comme les mauviettes de l'organisation.

J'ai quelques questions sur le sujet—et je le répète, je suis pour que l'on aille de l'avant; je veux que ce soit sans équivoque. Mais il faut notamment se demander: quel lien devrait-il y avoir avec la taille de la compagnie—cinq personnes, 500 personnes, 5 000 personnes—et le cadre responsable ou le directeur général, et que se passe-t-il s'il y a chevauchement des responsabilités entre les deux?

Il y a de nombreuses questions de ce genre qu'il nous faudrait approfondir, mais ce que je voudrais en définitive, c'est que l'on fasse quelque chose, que l'on fasse avancer cette machine. Je ne puis que résumer l'affaire comme elle l'est dans le rapport d'enquête: c'est une histoire d'incompétence, de mauvaise gestion, de maladresse bureaucratique, de tromperie, d'inhumanité, de camouflage, d'apathie, d'opportunisme et d'indifférence cynique. C'est certainement l'exemple le plus notoire de toute l'histoire du Canada d'un acte nuisible perpétré en milieu de travail.

• 1040

Je suis donc tout à fait favorable à la motion voulant qu'on fasse avancer ce dossier, qu'on lance une étude afin d'arriver à la législation la plus indiquée.

M. Peter MacKay: Merci pour tout ce que vous venez de dire, monsieur Abbott. Vous avez résumé en grande partie l'essence des déclarations du juge Richard, à savoir que la chose aurait pu être évitée et que la responsabilité est partagée.

Je veux vous renvoyer brièvement au rapport. On y résume quatre points sur l'exploitation de la mine Westray proprement dite et sur son mode de fonctionnement.

Le juge dit:

    [La société] défiait les règles et les principes élémentaires des techniques d'exploitation minière sans danger [...] rejetait les normes industrielles, la réglementation provinciale, les codes de bonne pratique et le bon sens dans [son mode d'exploitation] [...] se gardait d'adopter et d'encourager vraiment une éthique de sécurité pour le travail souterrain. [...] par ces actes et attitudes, [laissait entendre que] Westray devait produire du charbon au mépris de la sécurité des travailleurs.

Il s'agit donc parfois de quelque chose d'impalpable qui se passe au travail. C'est cet esprit dont vous parlez qui fait que l'on va ignorer les pratiques de sécurité les plus élémentaires. Mais il faut aussi être juste avec ceux que cela implique, il arrive que des plaintes soient déposées et que des rapports soient faits, mais on les ignore.

C'est pourquoi je crois que cette étude, si nous l'entreprenons, devra porter essentiellement sur l'implication de toute la hiérarchie, en prévoyant des garanties qui permettent aux travailleurs de l'atelier, de la mine ou du navire de disposer d'un mécanisme qui pour signaler des choses parfois en contournant même la direction. S'ils doivent aller trouver un responsable provincial de la sécurité... il faut qu'ils aient un recours, un endroit où ils peuvent aller pour être protégés. Il est clair qu'il y a parfois des représailles lorsque des plaintes sont déposées.

Je suis très encouragé par vos paroles de soutien. Je sais que certaines personnes dans votre parti et dans d'autres partis également se sont exprimées à l'origine contre la motion. Mais au fur et à mesure que nous l'étofferons et que nous la préciserons, je suis tout à fait prêts à faire le nécessaire pour intégrer, modifier certaines choses ou ajouter des idées, sur la proposition de n'importe quel parti, à quelque échelon que ce soit, pour essayer de faire avancer ce dossier.

La formation est un autre aspect que l'on néglige parfois. Il faut faire en sorte que ceux qui sont dans des situations dangereuses, qu'il s'agisse de faire fonctionner un engin ou de travailler dans un milieu donné, de façon générale, soient suffisamment au courant de ce qu'ils sont censés faire. Je crains que bien souvent on envoie les gens au charbon sans qu'ils sachent vraiment ce qu'on attend d'eux. On leur dit simplement qu'ils seront formés sur le tas. Lorsque cela implique le risque de perdre sa vie ou un membre, c'est tout simplement inacceptable dans le milieu de travail moderne du Canada.

[Français]

Le président: Madame Guay.

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Peter, vous savez que le Bloc québécois a appuyé votre motion dans tous les sens. On est très, très sensibles à ce qui s'est passé à Westray. Au Québec, il y a aussi eu un accident mortel à la mine d'or Balmoral, en Abitibi. On a eu huit morts. Alors, il est certain qu'il faut faire quelque chose si on peut améliorer la situation et la sécurité des gens qui travaillent dans les mines. Vous pourrez compter sur notre appui.

Par contre, il faut aussi tenir compte du fait que les obligations des employeurs en matière de santé et de sécurité au travail relèvent de la compétence des provinces. Donc, il est très important que l'étude fasse en sorte que les dispositions du Code criminel complètent les dispositions des diverses loi provinciales en matière de sécurité et de santé au travail, afin que cela puisse vraiment fonctionner dans toutes les provinces au Canada.

Dernièrement, à la Chambre, on a fait l'étude en troisième lecture du projet de loi C-12, qui est une révision complète de la partie II du Code canadien du travail portant sur la santé et la sécurité au travail. Dans cette loi, on stipulait entre autres choses que pour les grosses entreprises de plus de 30 employés, on formera de nouveaux comités. Ces comités serviront à assurer que les lois sont appliquées au niveau de la santé et de la sécurité au travail. Cela n'existait pas auparavant. Maintenant, cela devient une obligation. Je ne sais pas si ce sera très efficace, mais de toute façon, il fallait apporter certaines améliorations.

• 1045

Nous, du Bloc québécois, avions aussi suggéré des amendements pour bonifier les pénalités encourues par les employeurs fautifs lors d'incidents ou d'accidents de travail dans ces entreprises.

Je ne sais pas quelle est la position du Parti conservateur à ce sujet. Il n'y avait pas de représentant du Parti conservateur à ce comité qui a siégé sur la santé et la sécurité. J'aimerais, Peter, que vous nous donniez un petit aperçu de votre vision en matière de santé et sécurité au travail et sur le projet de loi C-12.

[Traduction]

M. Peter MacKay: Sans connaître précisément le projet de loi C-12, il m'est difficile de faire le lien entre les deux. Mais je suis d'accord avec ce que vous avez dit auparavant, madame Guay, à savoir que l'approche doit être très équilibrée.

Je ne voudrais pas, je ne pense pas non plus que ce soit l'intention de quiconque au comité de l'encourager, voir quelque chose qui lierait les entreprises au point qu'elles ne puissent plus faire face à la concurrence ni faire leur travail. Mais lorsque je parle d'équilibre, pour ne rien laisser au hasard, il s'agit d'impliquer la hiérarchie pour que les cadres, et dans certains cas plus particulièrement les directeurs, qui gèrent les finances et prennent les décisions administratives qui concernent un échelon où l'on ignore parfois les principes de sécurité les plus élémentaires.

Il faut pouvoir prendre certaines décisions administratives et il faut que les entreprises soient rentables. On ne cherche pas ici à mettre en place une réglementation excessivement lourde et déraisonnable ni une bureaucratie supplémentaire. Il me semble qu'il s'agit de questions tout à fait fondamentales de vie humaine. Lorsqu'on arrive à ce niveau, la balance doit pencher en faveur de la protection des personnes qui travaillent plutôt que de peser uniquement les bénéfices.

Il est clair que les implications financières doivent être également prises en compte. Mais dans un pays civilisé moderne comme le nôtre, notre performance n'est pas vraiment la meilleure s'agissant de la sécurité au travail. Cela est clairement indiqué dans cette affaire et ça l'est également dans d'autres affaires qui se sont passées un peu partout dans le pays. Je crois que la plupart des tragédies ont eu lieu parce qu'on a préféré prendre des décisions financières plutôt que de veiller à ce que ceux qui se présentaient au travail le matin puissent accomplir leurs tâches en toute sécurité.

Je suis donc encouragé par vos paroles de soutien et je pense que votre position et vos suggestions, ainsi que la contribution de votre parti, seront très utiles à cet égard. Il ne faut pas oublier que les sociétés opèrent dans un contexte très concurrentiel, comme cela a toujours été le cas. Elles doivent viser la productivité et veiller à ce que leurs produits et leurs entreprises soient concurrentiels, mais elles doivent aussi faire en sorte que leurs employés ne soient pas tués au travail.

C'est au gouvernement qu'il incombe d'intervenir lorsqu'il est prouvé—et les preuves ne manquent pas—que cela se produit. On devrait citer davantage les chiffres réels. Je suis sûr que les membres du Nouveau Parti démocratique les ont. Dans notre pays, trois personnes sont tuées ou blessées au travail chaque jour.

Cela me rappelle l'époque où nous étudiions la législation relative à la conduite en état d'ébriété. On nous a cité des statistiques surprenantes, crues, sur les décès qui se produisaient ainsi. Pour le Code criminel, nous examinons en général les questions. Mais lorsqu'il s'agit de pertes de vies humaines et de membres, c'est là qu'il nous faut prendre un peu de recul et parfois intervenir en étant plus vigilants et plus diligents pour responsabiliser les directeurs et les dirigeants des entreprises et veiller à ce qu'ils soient au courant des implications.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Mancini.

• 1050

M. Peter Mancini: Merci, monsieur le président. Pour cette première série de questions, je donne mon temps à la députée d'Halifax, Mme McDonough.

Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je pense qu'il est bon de comprendre qu'aujourd'hui nous agissons pour répondre à l'appel urgent des survivants et des veuves des mineurs tués à Westray, de leurs collègues et de leurs familles, pour faire un travail qui garantisse qu'une tragédie comme Westray ne puisse se répéter.

Je sais que la réaction de certains va être: «Ma foi, on ne peut pas faire revenir les mineurs» ou «Est-ce seulement la vengeance qui vous pousse?» Parce que j'ai fait l'expérience éprouvante de rencontrer les familles de Westray dans les 72 heures qui ont suivi la tragédie, je dois dire que ce n'est pas du tout ce qui pousse les familles qui demandent ici justice.

Tant que je vivrai, je n'oublierai jamais les supplications de deux jeunes veuves, deux jeunes femmes qui à elles deux avaient cinq enfants de moins de dix ans: «Aidez-nous pour que nous puissions dire à nos enfants que leur père n'est pas mort en vain.»

Je crois qu'il est très important qu'on étudie cette question aujourd'hui et je veux féliciter Peter MacKay de ses initiatives. Comme il le sait trop bien, on ne peut pas vivre dans une communauté frappée par ce genre de catastrophe sans se sentir concerné, sans un certain sentiment de responsabilité qui exige que l'on fasse le nécessaire pour que la chose ne se reproduise pas.

Il y a une chose que j'aimerais dire brièvement, et je vous demanderai ensuite ce que vous en pensez, Peter, c'est que j'ai l'impression que les gens ne savent pas trop s'il est question ici d'instaurer des procédures inutilement lourdes, compliquées et coûteuses autour de la réglementation de la santé et de la sécurité qui feront qu'il sera impossible aux gens de faire leur travail et aux sociétés de fonctionner. Je crois qu'il est très important que l'on saisisse l'occasion de cette discussion, entre autres, pour dire que ce n'est pas ce que vise cette motion. C'est ne pas ce que vise le projet de loi C-259. Il s'agit de faire ce qui se fait dans notre pays—c'est-à-dire, traiter un comportement criminel selon le droit criminel. C'est ainsi qu'on traite le comportement criminel.

S'il y a une chose qui était tout à fait claire après la catastrophe de Westray, et qui a ensuite été pleinement documentée dans le rapport sur Westray, c'est qu'il y a eu un comportement d'irresponsabilité criminel de la part des échelons supérieurs de l'entreprise et de la direction de la mine.

Peter, j'aimerais que vous précisiez la chose car je crois qu'il y a confusion dans l'esprit des gens. Il s'agit ici de tenir certaines personnes responsables de leur comportement criminel. C'est ce que l'on fait dans d'autres sphères, et c'est ce que l'on parle de faire ici.

Il y a une toute petite correction que j'aimerais apporter pour que nous ayons une idée de l'ampleur du problème. Vous avez raison de parler de trois travailleurs par jour, mais il s'agit en fait de trois travailleurs par jour qui sont tués dans notre pays; 10 000 sont blessés au travail au cours d'une année, ce qui veut dire que plus de 30 personnes par jour sont blessées au travail.

Nous savons qu'il existe partout dans notre pays une réglementation de la santé et de la sécurité, mais il est clair que cela n'a pas empêché le genre de comportement criminel qu'il y a eu dans le cas de Westray.

Pourriez-nous dire ce que vous en pensez?

M. Peter MacKay: J'en serais très heureux et je vous remercie de la correction que vous avez apportée et des remarques que vous avez faites.

Vous avez certainement raison de dire que cela touche tous ceux qui vivent dans la communauté. Je suis passé en voiture près de cette mine le jour où l'explosion a eu lieu. J'habite à un mille de l'entrée de la mine Westray. On a depuis fait tomber les silos, mais on n'a certainement pas résolu, à bien des égards, le problème du deuil et des souffrances qui persistent.

Pour revenir à votre question, il s'agit essentiellement d'une attitude qui existe au sujet de la responsabilité et souvent, lorsque les poursuites se font dans le cadre du Code criminel, ce sont des actes d'omission qui deviennent des facteurs intangibles, difficiles à prouver—c'est-à-dire que quelqu'un n'a pas fait quelque chose qui a entraîné une tragédie aussi grave que Westray. On a ignoré les signes avant-coureurs. On a ignoré les obligations éthiques d'agir de façon positive pour prévenir les problèmes. C'est là qu'il est parfois...

• 1055

Il est très difficile d'essayer d'attacher une responsabilité criminelle à une chose qu'une personne n'a pas faite et je crois qu'il nous faut faire très attention lorsque nous essayons d'imputer des responsabilités aussi graves pour des actes d'omission.

C'est là qu'il devient difficile de prouver, au criminel, que la personne savait, mais il vous faut regarder l'ensemble de la structure hiérarchique de la compagnie pour attribuer les responsabilités, et voir exactement quelles connaissances les dirigeants avaient lorsqu'on essaie d'imputer ce genre de responsabilité criminelle grave. C'est ce que permet sur le plan pratique le projet de loi que votre parti a présenté.

Il pourra fort bien être nécessaire de le peaufiner et je sais, après avoir parlé à M. Mancini, que vous êtes prêts à l'accepter, mais les implications d'une non-action selon les grandes lignes que vous indiquez sont très graves. Si nous n'agissons pas en vue d'essayer d'augmenter le seuil, nous ne changerons pas les attitudes. Or, l'attitude actuellement est bien souvent très suffisante et arrogante. Il est très gênant de voir ce qui se produit lorsque des dirigeants d'entreprises prennent leurs distances et disent: «Ce n'est pas notre problème. Notre tâche consiste à faire des bénéfices, nous oeuvrons dans les salles de conseil d'administration et dans le monde stérile de la bourse de Toronto.»

Lorsque vous descendez dans une mine ou que vous allez sur le pont d'un navire ou dans un autre lieu de travail—et je ne vais pas commencer à citer des exemples car nous les connaissons tous—où quelqu'un court des risques chaque jour... il y a bien sûr la peur de perdre son emploi qui est omniprésente. Il s'agit là encore d'un autre facteur intangible, la crainte de perdre son emploi si on signale quelque chose et qu'on fait un tas d'histoires.

Et nous savons ce que cela veut dire perdre son emploi dans des régions comme le Canada atlantique, madame McDonough. Cela veut dire perdre sa maison, et perdre ses racines lorsqu'il faut aller ailleurs.

C'est donc un problème général et c'est pourquoi cette motion ne devrait pas se limiter à la modification du Code criminel, à mon avis, qui représente tout de même un élément important. Suspendre l'épée de Damoclès qu'est le Code criminel au-dessus de la tête des dirigeants de l'entreprise est utile, mais ce n'est pas le but suprême lorsqu'il s'agit d'améliorer la sécurité au travail. Cependant, cela met certainement la force de loi et les tentaculaires services gouvernementaux dans la position de changer du moins les attitudes. Si nous nous embarquons dans cette entreprise, c'est tout autant pour sensibiliser et changer les attitudes.

Le président: Merci beaucoup à tous les deux.

Madame Carroll.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci, monsieur MacKay, pour ce que vous nous avez appris ce matin.

Je me souviens encore du crissement du gravier sous les roues de la voiture de mon père au milieu de la nuit lorsque j'étais petite enfant. Je me souviens que je trouvais bizarre d'entendre sa voiture s'en aller. Sa voiture s'en allait parce qu'il avait reçu un coup de téléphone de Springhill. Il travaillait comme ingénieur civil pour une entreprise de construction et on édifiait un bâtiment à Springhill. La plupart des ouvriers avec lesquels il travaillait habitaient à proximité. C'est par inquiétude pour ses hommes qu'il est parti cette nuit-là.

C'est un souvenir qui reste très présent dans mon esprit et qui m'est revenu lorsque l'affaire Westray a commencé. J'écoute donc très attentivement ce que vous dites parce que ce que j'ai vécu fait que je m'associe aux recommandations.

Et j'ai été horrifiée d'apprendre qu'un homme concerné restait tranquillement dans son élevage de chevaux en Ontario alors qu'un procès se déroulait en Nouvelle-Écosse.

Avec ce bagage, je suis de tout coeur avec ce que vous avez fait et avec ce que Mme McDonough essaie de faire. Mais j'aurais quelques questions à vous poser.

• 1100

La recommandation du juge Richard à l'article 73 indique que le gouvernement:

    [...] par le ministère de la Justice, devrait entamer un examen de la responsabilité des cadres et des directeurs de l'entreprise pour les actes illégitimes ou de négligence de la société et devrait présenter au [...] Parlement [...] les amendements [...] nécessaires pour faire en sorte que les dirigeants et les directeurs de l'entreprise soient tenus dûment responsables [...]

Je lis sur l'ordre de renvoi que votre recommandation consiste à procéder à la modification des lois pertinentes pour réaliser ce que le juge a recommandé. Et je constate bien sûr que cela doit se faire après l'étude du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.

Ce que j'aimerais, c'est qu'on fasse du bon travail. J'admets sans hésiter qu'il est nécessaire de procéder à des changements pour faire en sorte que ce genre de dilemme ne se reproduise plus jamais. Et pas seulement dans les mines, bien que ce soit, à ma connaissance, la situation la plus connue à l'heure actuelle. Dans l'optique des décisions de politique publique que je dois prendre, j'estime toujours très important que l'on adopte les meilleures dispositions législatives possibles. J'ai donc bien entendu le conseil du juge de procéder à un examen, et je note que vous avez demandé à ce qu'il soit fait ici.

Je me demande si le projet de loi d'initiative parlementaire présenté par Mme McDonough, qui est venue nous rejoindre à la table, ne serait pas—et je vous demande une réponse—un peu prématuré étant donné la recommandation du juge et ce que vous avez soumis au comité. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Deuxièmement, il existe une responsabilité des directeurs. Mais j'imagine qu'elle est insuffisante pour l'instant. Je serais heureuse que vous me disiez pourquoi il en est ainsi.

M. Peter MacKay: Merci infiniment de vos remarques. Je vais répondre à certaines des questions que vous avez soulevées.

J'ai eu l'occasion d'examiner le projet de loi C-259 pour ce qui est de la responsabilité criminelle. Je ne dirais pas qu'il soit nécessairement prématuré, parce que je dois dire que le projet de loi C-259 ne serait pas nécessaire, pas plus que la motion, sauf votre respect, si le gouvernement avait agi de façon plus «opportune», pour reprendre l'expression de la ministre de la Justice.

L'un des facteurs qui me motive le plus, et je crois que cela devrait être le cas pour nous tous, c'est que le temps passe. Lorsqu'on entend dire que les statistiques indiquent que ce sont trois personnes qui disparaissent par jour, plus on attend avant d'agir, plus il y a de risques, plus il y a de pertes de vie, plus il y a de tragédies. Je pense donc qu'il n'y a rien de prématuré si cela nous permet d'aller vers une plus grande responsabilité des entreprises.

Ce projet de loi, comme la plupart des projets de loi, qu'ils soient d'initiative ministérielle ou parlementaire, est sans doute imparfait dans la mesure où il n'a pas encore été pesé et jaugé par notre ministère de la Justice. Cela ne veut pas dire non plus que le ministère de la Justice propose toujours des textes de loi parfaits. Dans chaque cas, il y a des implications constitutionnelles. Mais en raison de la nature complexe de la responsabilité criminelle, lorsqu'elle implique, comme nous le disions plus tôt, des actes d'omission et la prise en compte de la connaissance des choses, et ce sont sans doute les preuves les plus difficiles à établir—cette responsabilité repose sur une conscience humaine, sur des faiblesses humaines et des preuves qu'il est difficile de présenter dans un tribunal judiciaire—alors...

Mais je ne pense pas que ce projet de loi présente des défauts très graves. Je pense qu'il pourrait être nuancé et peaufiné.

Quant aux sanctions criminelles proposées, je suis sûr que le simple fait pour l'entreprise ou un dirigeant de savoir qu'il existe maintenant un article précis dans le Code criminel qui impliquera...

Je me souviens de l'instance—je travaillais dans le même bureau—et l'un des plus gros problèmes que les procureurs ont rencontrés, indépendamment de tous les obstacles dus à la procédure, de tous les retards et du lourd fardeau de présentation, venait de ce qu'ils ne pouvaient pas saisir certains éléments très subtils de preuve qui existaient et qu'il leur était impossible de présenter au tribunal les informations dont disposaient les dirigeants et les directeurs, et dans certains cas les responsables de la mine eux-mêmes. C'était tout simplement trop énorme.

• 1105

Pour revenir à la remarque de M. Abbott sur le fait de savoir si cela devrait s'appliquer de la même façon à une entreprise qui compte 500 employés qu'à celle qui en a 5 000, oui, je le crois. Il faut qu'il y ait une norme égale qui s'applique à tous.

Pour revenir à votre question qui est de savoir si dans certains cas nous devrions ou non modifier la législation provinciale... Eh bien, nous ne pouvons pas le faire mais, pour revenir à l'attitude qui prévaut, ce qu'il nous faut faire, c'est prévoir des sanctions ou une plus grande responsabilité pour ceux qui s'occupent de la gestion courante et des décisions administratives d'une entreprise.

Vous savez, les implications financières ne sont qu'une partie du tableau. Nous voulons donner à la législation, après avoir procédé à l'étude, davantage de mordant, des répercussions pour ceux qui procèdent en dehors des pratiques normales de sécurité.

Mme Aileen Carroll: Je le comprends bien et je suis d'accord. Il n'y a pas de doute que Westray ne doit plus jamais se reproduire. Tout ce que j'essaie de dire, c'est que bien que l'on puisse citer les statistiques des décès quotidiens, il serait très difficile de dire si une personne est morte du fait de sa propre négligence ou de celle de quelqu'un d'autre. Ce qui importe le plus ici, c'est d'arriver à une solution législative qui soit bien conçue, bien documentée et adaptée.

C'est tout. Je voudrais simplement être sûre que nous ne réagissons pas par réflexe car dans ce cas, on n'obtiendrait pas la meilleure politique publique. Je suis heureuse de vous avoir entendu parler d'«étude».

Merci, monsieur le président.

M. Peter MacKay: Je partage entièrement votre sentiment, mais il me faut le répéter, sept années se sont écoulées depuis Westray et trois années depuis le rapport.

Vous savez, il faut du temps pour changer les idéologies, l'éthique et l'attitude des entreprises. Il y a toujours un décalage. Même lorsque la législation sera en place, il y aura une période d'adaptation et de réaction de la part des entreprises.

Mais il s'agit de montrer l'importance et la gravité de la sécurité au travail et de faire savoir à tout le pays, à toute la population, y compris les personnes morales, qu'il y a un prix à payer. Ignorer la sécurité au travail peut avoir des répercussions et entraîner des mesures de rétorsion. C'est tout. Je ne crois pas qu'il nous faille nous attacher à une façon précise de procéder. Il y a le Code criminel, les normes du travail, la coordination avec les provinces, l'éducation—tout ça.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons passer à la deuxième série de questions. J'ai quelques noms sur ma liste. Je rappelle aux membres du comité que nous voulons aussi entendre d'autres témoins.

Je ne vois personne de l'Alliance.

Monsieur Saada.

[Français]

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): On discute ici aujourd'hui de Westray, mais c'est beaucoup plus large que cela. C'est infiniment plus large que cela.

La première question qui se pose en est une de cohérence dans la façon dont on envisage cela. Par là, je veux dire la chose suivante. Par exemple, comment peut-on, comme on l'a fait récemment—et je pense que Mme McDonough y a fait allusion il y a quelques minutes—, travailler à un resserrement du Code criminel pour s'assurer que toute forme de négligence qui aboutit à un crime soit sanctionnée et exclure de ce genre de considérations criminelles quelque chose d'aussi fondamental que les conditions de travail et la sécurité et la santé au travail?

Comment peut-on, comme pays, continuer de se battre pour qu'il y ait des conditions humanitaires décentes pour les travailleurs haïtiens en République dominicaine, par exemple, ou pour les enfants qui travaillent au Pakistan ou dans des entreprises qui fabriquent des trucs de sport et, en même temps, ne pas vouloir faire au moins la même chose chez nous afin d'assurer un minimum de sécurité à nos propres travailleurs? C'est une question de cohérence. Il faut que cela se tienne.

• 1110

Certains invoquent le fait, de façon erronée, à mon avis, qu'une culpabilité présumée est délicate. Je pense qu'il y a une différence entre le fait d'avoir une disposition dans le Code criminel qui tienne les gens responsables de leurs actes et ce qu'on appelle en anglais le due process. Il y a une différence entre responsabilité et culpabilité. Ce sont deux choses qui vont être établies à part. Donc, l'argument selon lequel l'introduction de cela dans le code constituerait un préjudice n'en est pas un qui me satisfait.

Je n'ai pas encore entendu des arguments qui iraient à l'encontre d'une initiative comme celle que vous proposez et comme celle que Mme McDonough propose. Il est évident que je souhaiterais entendre ces arguments de façon à ce que nous puissions apporter des amendements qui soient le plus adéquats possible, mais il y a une différence à faire entre l'exécution et le principe.

Sur le plan du principe, je crois qu'on n'a absolument aucun choix si on veut être cohérents par rapport à nous-mêmes. Nous devons absolument prendre des mesures qui visent non seulement à tenir responsables des gens qui ont la responsabilité de la sécurité des employés, mais aussi à transmettre le message très clair que cette responsabilité s'accompagne de mesures à prendre à un niveau très local, très régional, peu importe les entreprises. Cela ne peut pas être perçu...

[Traduction]

Cela ne peut pas être perçu comme une pieuse déclaration d'intention. Il faut une législation musclée qui serve de dissuasif en même temps que de recours.

À cet égard, il me semble que ce projet de loi, le projet de loi C-259, n'a pas encore été tiré au sort, n'est-ce pas?

Il n'a pas été tiré au sort.

J'aimerais dire simplement que s'il n'est pas tiré au sort, selon la procédure normale, le gouvernement devrait envisager de faire quelque chose.

Je sais bien ce que vous avez dit, Peter. Nous parlons souvent d'agir «sans esprit de parti» alors que nous voulons dire le contraire en réalité. Mais en l'occurrence, je pense que vous avez tout à fait raison. Je pense que cette question n'appartient pas à un parti en particulier. Elle appartient à la société canadienne et je crois que nous devrions la régler.

Je n'avais en fait pas vraiment de question à vous poser pour l'instant, mais je tenais à avoir l'occasion d'expliquer pourquoi j'ai appuyé la motion à la Chambre.

M. Peter MacKay: Merci beaucoup, monsieur Saada. Ce que vous dites m'encourage beaucoup parce qu'à avoir siégé à cette table avec vous, j'ai appris que vous aviez une très grande conscience sociale pour des questions comme celle-ci.

Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que nous devons instaurer une certaine responsabilité et qu'elle n'a pas nécessairement à venir du Code criminel uniquement.

J'étais précisément en train de revoir les articles en vigueur du code en matière de meurtre et d'homicide involontaire coupable. Nous savons tous que c'est l'acte le plus affreux que l'on puisse commettre que d'ôter la vie à une autre personne. Que vous le fassiez par intervention directe avec une arme à feu ou un couteau, que vous renversiez quelqu'un avec votre voiture ou que vous placiez sciemment une personne dans une situation ou que vous créiez une situation, par votre propre négligence, qui aboutit au même résultat, la perte de vie, il faut qu'il y ait une législation musclée, pour reprendre vos termes, qui fasse réfléchir ceux qui ont agi de la sorte.

Le projet de loi en cours d'élaboration parle aussi d'amendes, mais il y est également question d'incarcération. Nous sommes un peu limités au Canada dans ce que nous pouvons faire par voie législative pour faire passer ce message.

Je ne suis donc pas d'accord avec vous lorsque vous dites qu'on ne pourra pas le faire uniquement avec le Code criminel. Il pourrait s'agir de modifier les articles en vigueur relatifs à la négligence ou simplement de modifier l'infraction plutôt que d'en créer une nouvelle. Cela pourrait être plus complexe et créer, dans l'immédiat, plus de problèmes que cela n'en résout.

Je ne suis pas tout à fait convaincu de devoir simplement créer une nouvelle infraction criminelle. Je crois que si nous devons nous lancer dans une telle entreprise, il nous faudrait étudier les articles en vigueur pour voir s'il n'y a pas moyen de modifier les dispositions du code relatives à la négligence, et au meurtre-homicide involontaire coupable. Mais cela m'encourage beaucoup de vous entendre dire que c'est quelque chose que nous devrions faire.

• 1115

Pour finir, au sujet de votre remarque sur les actions «sans esprit de parti», je crois pouvoir dire que tout le monde autour de la table serait très heureux que le ministère de la Justice prenne l'affaire en main et si votre gouvernement est prêt à le faire, très bien, qu'il le fasse, nous l'appuierons sans réserve. Vous ne verrez aucune opposition de la part du Parti conservateur. Les autres partis pourront vous dire eux-mêmes leur sentiment.

Le président: Merci, monsieur Saada. Merci, monsieur MacKay.

Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini: Pour revenir sur votre dernière remarque et les deux questions qui l'ont précédée, je crois que nous devons le dire très clairement car la recommandation 73, telle qu'elle a été citée par Mme Carroll, indique que le ministère de la Justice devrait lancer une étude sur la responsabilité des dirigeants d'entreprise.

J'ignore si vous savez que la Commission de réforme du droit du Canada a recommandé en 1976 de modifier le Code criminel. On a mentionné Springhill. Je ne vais pas dire quand cela s'est passé puisque Mme Carroll s'en souvient bien. Il y a un certain nombre d'années que la tragédie de Westray a eu lieu.

Lorsque votre motion parle de la recommandation 73, j'imagine, à la lumière de ce qu'a dit M. Saada, qu'on ne parle pas d'une nouvelle étude. Je suppose que ce que l'on suggère, c'est que le projet de loi d'initiative parlementaire qui a été présenté et votre motion semblent indiquer clairement au ministre de la Justice que la réponse que nous souhaitons est que des dispositions législatives modifiant comme il se doit le Code criminel soient soumises pour étude à notre comité, comme cela se fait pour les autres projets de loi.

Il y a à cela un précédent. M. Cadman, qui est à la table, a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire qui a en définitive été incorporé au projet de loi C-3, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.

J'imagine donc qu'en ce qui concerne votre motion, dans la mesure où elle mentionne l'article 73, vous conviendrez avec moi que le temps des études est révolu. La Chambre est saisie du projet de loi C-259, qui n'a pas encore été tiré au sort, mais le texte existe et il y a votre motion. À la lumière de ce qu'a dit M. Saada, il conviendrait, avant les élections, de soumettre ce texte de loi au comité pour étude comme cela se fait normalement, afin que nous puissions le peaufiner pour le soumettre à la Chambre en vue de son adoption. N'est-ce pas cela?

M. Peter MacKay: Vous avez absolument raison, monsieur Mancini, et dans la recommandation 73 que j'ai incorporée à la 79, il est dit que, de l'avis de la Chambre, le Code criminel ou d'autres lois fédérales pertinentes devraient être modifiées—«devraient», c'est donc notre devoir. Nous devrions le faire maintenant.

L'étude a été faite. Il y a d'autres documents à l'appui. Il y a certainement suffisamment de raisons pour agir et l'opinion publique est d'accord. Il semble y avoir une attitude indépendante de tout esprit de parti autour de cette table et autour de cette question. Il est temps de jeter la motion dans la machine gouvernementale pour arriver à quelque chose et j'essaie simplement ici de permettre que cela se fasse.

Cette motion et votre projet de loi ont été conçus dans un effort sincère pour lancer la machine et je crois que c'est ce qui se produit. J'ai l'impression que c'est en train de se produire. C'est comme un très lourd chariot de houille une fois qu'il est lancé. Je crois que nous avons vraiment la possibilité de le faire par voie législative. De cette façon, nous pouvons changer les attitudes et par ce changement d'attitude, nous pouvons changer la situation de la sécurité au travail.

Le président: Merci, monsieur Mancini.

Une petite question.

Mme Alexa McDonough: Parce que Peter MacKay voulait savoir si le Nouveau Parti démocratique avait quelque chose à dire sur la propriété, le parrainage, que sais-je, je veux indiquer très clairement au nom du Nouveau Parti démocratique et de tous ceux qui ont travaillé si fort—les familles de Westray, les Métallurgistes, le mouvement syndical—que nous n'hésitons pas un instant à dire que si le gouvernement veut prendre tout cela en bloc pour faire avancer les choses, c'est exactement ce que nous recherchons.

• 1120

Je crois, Peter, que nous avons travaillé très fort ensemble sur ce dossier pour veiller à ce que la question soit indépendante de tout esprit de parti. Je voulais simplement ajouter que je ne vois pas ce qu'il pourrait y avoir de mieux pour redonner un peu confiance dans la capacité du Parlement de faire son travail que de nous entendre aujourd'hui, à cette séance du comité, pour dire que nous allons faire avancer le dossier.

Je dois dire qu'il est décourageant de voir que huit années se sont écoulées depuis la catastrophe de Westray; et 24 années depuis que la Commission de réforme du droit a recommandé exactement la même chose. Si nous pouvions réaliser cela au nom de la population canadienne, et plus particulièrement des travailleurs canadiens...

Permettez-moi d'ajouter rapidement autre chose. Je crois que Pat Martin, qui est le porte-parole du NPD pour le travail est horrifié de ce que Peter et moi ayons tellement sous-estimé le nombre d'accidents professionnels qui se produisent, il s'agit littéralement de centaines de milliers. Les statistiques sont vraiment alarmantes.

Je pense que si nous pouvions entendre les autres témoins pour nous aider à donner cette impulsion et arriver à une entente de tous les partis pour faire avancer ce dossier, nous sortirions tous de cette séance très soulagés.

Le président: Monsieur Maloney.

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Soyez le bienvenu, Peter. Il est clair que le projet de loi d'Alexa enverrait un message clair dans les salles de conseil d'administration de toutes les sociétés du pays.

Vous parlez de situations qui se produisent dans l'exploitation courante des mines. Sur le plan pratique, ces personnes qui sont assises dans les salles des conseils d'administration à Halifax, Montréal, Toronto et Vancouver en sont bien loin. Sont-elles si loin des opérations courantes qu'elles seraient à l'abri et que bien que le message soit lancé, il ne soit pas possible d'engager des poursuites sur le plan pratique, de les tenir responsables?

M. Peter MacKay: C'est une excellente question qui est purement d'ordre juridique et probatoire. À mon avis, cela se résume au fait que ce serait au procureur que le fardeau incomberait.

En tout premier lieu, vous savez évidemment qu'il faudrait des preuves suffisantes pour porter des accusations pour commencer. Il ne faudrait pas que ce soit au-delà de tout doute raisonnable, mais il faudrait qu'il y ait prépondérance de la preuve pour laisser entendre que certains faits ont été négligés ou ignorés. Il faudrait que l'on puisse prouver que des décisions ont contribué à rendre le milieu de travail dangereux. C'est un seuil très élevé que doit franchir la police simplement pour justifier des poursuites en premier lieu, et je ne parle pas de la preuve au-delà de tout doute raisonnable devant un tribunal judiciaire.

Il me semble qu'il y a certains exemples. Westray est sans doute le plus parlant puisqu'il s'est produit, puisqu'il y avait la connaissance de quelques petits faits au sommet de la hiérarchie et que les mesures voulues n'ont pas été prises.

Il ne suffit pas de dire qu'il y a très peu de cas où l'on réussirait à intenter un procès. Je crois qu'il nous faut un mécanisme qui serve d'exemple... Pour dissuader de façon générale et précise, il faut qu'il y ait un mécanisme—en l'occurrence, le Code criminel—qui permette, lorsque la preuve existe, d'engager des poursuites. Mais il nous faut être très prudents lorsque nous jetons ce filet. Je sais—et vous avez raison de le signaler—que certains directeurs ne vont jamais aux réunions, ne prennent jamais part aux décisions d'une société.

Je suis heureux que vous ayez soulevé ce point car à mon avis, il n'y a qu'un aspect gênant dans le projet de loi tel qu'il est actuellement rédigé, c'est celui de l'inversion du fardeau de la preuve. Il revient en quelque sorte à la personne incriminée de prouver qu'elle ne connaissait pas ces faits. Je n'y adhère pas nécessairement. Je pense que c'est un peu sujet à caution. Je sais que M. Mancini sourit en bon défenseur qu'il est. Mais en même temps, avec cette inversion du fardeau de la preuve, je crois qu'il serait d'accord avec moi pour dire que ses clients auraient beaucoup de mal à dégager leur responsabilité. Ils sont présumés coupables à moins de pouvoir prouver eux-mêmes le contraire. Si je puis me permettre, avec tout le respect qui est dû, je pense que c'est l'un des aspects du projet de loi qui pose un problème.

Mais je le répète, votre question est importante. Il faut qu'elle fasse l'objet d'une étude plus approfondie. Nous devrions entendre ce que les constitutionnalistes ont à dire. Nous devrions entendre aussi les représentants du monde des affaires. Je n'ai jamais eu l'honneur de me trouver dans l'une de ces salles de conseil d'administration, mais je sais qu'il arrive qu'on n'y soit pas au courant de certains faits.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Maloney.

• 1125

Je vais en profiter pour signaler le consensus auquel nous sommes arrivés sur cette question afin que cela figure au procès- verbal.

M. Peter MacKay: C'est très encourageant.

Le président: Je pense que nous avons monté la barre. Je crois que nous avons entamé une course au sommet; j'espère vraiment que c'est le cas. Lorsque les intervenants s'exprimaient, il y avait des hochements de tête autour de la table, de tous les côtés de la table. Le problème, c'est que nous savons tous qu'il y a un tirage au sort. Nous savons qu'une loterie présente certains risques.

Je crois qu'il est juste de dire que le gouvernement a l'occasion de réagir à ce que Mme McDonough a suggéré en disant que cette question ralliait tous les partis. J'aime le terme canadien de bipartisanisme. Nous pouvons nous enorgueillir en tant que parlementaires d'être arrivés à un consensus des membres des cinq partis politiques ici présents. Je crois aussi qu'il faut reconnaître un certain mérite au public. Il faut reconnaître le mérite à qui de droit et en l'occurrence à tous ceux qui ont fait avancer cette cause. C'est sans doute parce que je viens des Maritimes que je ne veux pas laisser passer cette occasion de signaler la chose et de bien indiquer le chemin que nous avons parcouru aujourd'hui.

Je crois que chacun peut trouver là un message. Je suis sûr que la transcription de la séance sera lue au ministère de la Justice. Parce que la transcription ne permet pas d'indiquer qu'un grand nombre de membres du gouvernement hochent la tête, je tiens à préciser qu'un grand nombre de membres du gouvernement hochent la tête.

Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini: Monsieur le président, je vois ce que vous voulez dire et je pense qu'en effet il y a une sorte de consensus. Cela dit et étant donné les remarques de M. MacKay, je crois que nous pourrions essayer d'officialiser un peu plus la chose sous forme de motion. Je serais prêt à proposer que le ministre et le ministère présentent au comité des dispositions législatives qui soient conformes à la motion 79 de M. MacKay et au projet de loi C-259 de Mme McDonough pour étude. Je serais prêt à la proposer si quelqu'un veut bien l'appuyer.

Le président: Il nous faudrait tout d'abord demander à M. MacKay de cesser de comparaître comme témoin et de devenir membre du comité pour avoir le quorum. S'il n'y a pas d'autres questions pour M. MacKay...

M. Peter MacKay: Avant cela, j'aimerais revenir sur l'idée de demander à deux personnes de venir nous faire un bref exposé en rapport avec la motion dont nous sommes saisis.

Le président: Je crois qu'un amendement favorable proposait que ce soit cinq personnes et il a été unanimement accepté. J'ai cinq noms. Nous allons le faire immédiatement après. Je vois que nous avons maintenant un certain élan. Vous avez parlé d'un chariot de houille. Continuons à le pousser.

M. Peter MacKay: J'en suis conscient et je vous remercie de vos remarques, monsieur le président. Je pense que cela va de soi. Plutôt que de construire de nouveaux monuments aux victimes d'une catastrophe, mieux vaut construire un nouveau monument législatif qui nous permettra de remédier à cette situation.

Le président: Merci beaucoup, monsieur MacKay.

Pendant que M. MacKay retourne à sa place, nous allons nous occuper de la motion. Ne serait-ce que pour la présenter, il nous faut le consentement unanime car il n'y a pas eu avis de motion.

M. Jim Abbott: Pourriez-vous nous relire la motion?

Le président: M. Abbott a demandé que M. Mancini répète la motion, mais je crois que nous n'avons pas encore accepté à l'unanimité de recevoir la motion. Pour chercher à obtenir le consentement unanime, je demanderais maintenant qu'on répète la motion.

M. Peter Mancini: Monsieur le président, je propose que le ministre et le ministère de la Justice soumettent au Comité de la justice des dispositions législatives conformes à la motion 79 de M. MacKay et au projet de loi C-259 de Mme McDonough pour étude.

Le président: Avant de demander le consentement, je dois aussi, comme le veut la procédure... Je saisis l'essence. Notre comité pourrait même faire un rapport sur la motion de M. MacKay dans lequel serait mentionné le projet de loi de Mme McDonough pour en faire un rapport du comité à la Chambre précisément, en fonction du consensus d'aujourd'hui. Je fais cette suggestion uniquement parce que c'est quelque chose que vous pourriez accepter étant donné l'élan politique que cela signalerait.

• 1130

Monsieur Abbott, puis monsieur MacKay.

M. Jim Abbott: Avant de régler la question du consentement unanime, le lien avec le projet de loi C-259, qui n'a pas été approuvé par la Chambre jusqu'ici... Je me demande si nous ne nous trompons pas sur le plan de la procédure. Autrement dit, si la motion devait être adoptée à la suite de la motion qui a déjà été acceptée à la Chambre, je serais assez sûr que l'Alliance canadienne donne son consentement unanime. Je me demande simplement si, sur le plan de la procédure, le lien avec le projet de loi C-259 ne cause pas un problème.

Le président: Merci, monsieur Abbott.

Je vais maintenant donner la parole à M. MacKay. Je ne veux pas demander le consentement tant que nous ne savons pas exactement ce que nous demandons.

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Oui, monsieur le président, je suis tout à fait pour la motion et l'amendement proposé, car je crois qu'après tout ce qui a été dit et tout ce qui est transparu ici, le fait d'avoir un mécanisme procédural qui nous permette d'obtenir ce que nous voulons tous, me semble-t-il, exige que nous fassions un pas de plus, c'est-à-dire que nous entendions des témoins, que nous fassions participer le ministère de la Justice et que l'on procède à la rédaction d'un texte législatif, que ce soit sous une forme semblable au projet de loi C-259 ou, comme je souhaitais que nous fassions quelque chose d'une portée plus générale, dans le cadre d'une étude des autres lois fédérales, comme cela est prévu dans la recommandation 73 du rapport du juge Richard.

Vous avez, je crois, suggéré que l'on fasse un rapport de ce qui a transparu jusqu'ici seulement. J'aimerais que nous fassions un pas de plus, à savoir que nous nous dotions du mécanisme pour lequel M. Mancini essaie d'obtenir l'accord unanime. Je serais tout à fait favorable aux tentatives de MM. Mancini et Abbott.

M. Peter Mancini: Je crois, monsieur le président, que si je change le libellé en le calquant davantage sur la motion 79 pour que l'on ait: «et les principes qui sous-tendent le projet de loi C-259», cela résout le problème technique que nous pourrions avoir.

Le président: Très bien.

Madame Carroll.

Mme Aileen Carroll: Je pense que M. Mancini a résolu le problème, mais n'étant pas experte en procédure... Je pense qu'étant donné que le projet de loi de Mme McDonough n'existe pas encore officiellement, lorsqu'on mentionne...

Je ne veux pas donner moins d'importance à un projet de loi qui porte ma signature, mais il pourrait être nécessaire qu'il s'attache aux principes qu'elle souhaite nous faire adopter en les intégrant en dehors du contexte d'un projet de loi.

M. Peter Mancini: Je suis donc prêt à changer le libellé de la motion, monsieur le président.

Le président: Très bien. Une dernière intervention de M. Maloney et nous allons ensuite voir si nous avons le consentement pour entendre la motion.

Monsieur Maloney.

M. John Maloney: Ce qui m'inquiète, lorsqu'on ajoute le projet de loi C-259 à votre motion, monsieur Mancini, c'est que je n'ai pas eu l'occasion d'examiner de façon approfondie le projet de loi C-259 et que j'hésiterais donc à signer un chèque en blanc sans l'avoir fait.

M. MacKay a mentionné des imperfections qu'il convient. Nous sommes d'accord sur le principe. Mais il y a un problème. Je suis certainement d'accord en principe sur ce dont il est question dans la motion 79, et peut-être même dans le projet de loi d'Alexa, mais je n'ai pas eu l'occasion de l'étudier, je ne vais donc pas signer un chèque en blanc, comme je l'ai déjà dit.

Le président: Je crois que nous voulons que tout le monde soit d'accord aujourd'hui, aussi vais-je essayer d'avoir un peu plus... Je pense que nous discutons en fait maintenant de la définition du terme «principe»...

Une voix: Oui.

Le président: ... dans la mesure où il pourrait y avoir des dispositions dans le projet de loi sur le fond desquelles nous ne serions pas d'accord.

Je pense qu'il nous faudra simplement indiquer dans le procès- verbal que M. Maloney a des réserves quant à l'interprétation de «principe».

Le principe que la motion de M. MacKay a présenté est conforme au projet de loi que Mme McDonough propose. Nous n'acceptons pas nécessairement, pour l'immédiat, le contenu de son projet de loi; là n'est pas la question. Ce que nous essayons de faire, c'est que tel qu'elle se présente, nous pouvons appuyer la motion de M. MacKay.

Puis-je l'exprimer ainsi pour le procès-verbal afin que tout le monde soit à l'aise avec ce que nous allons faire?

Madame Carroll.

Mme Aileen Carroll: Je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur le président, et je pense que cela...

Je vais apaiser M. Maloney. Par exemple, M. MacKay a parlé de l'inversion du fardeau de la preuve et c'est quelque chose qu'il nous faudra étudier. J'ai quelques réserves à ce sujet, mais cela ne m'a pas empêché de signer le projet de loi car je veux que ce projet de loi et ce qu'il essaie de réaliser se concrétise, en me disant que nous réglerons les détails plus tard. Car je l'ai dit dans mes remarques préliminaires, nous voulons les meilleures dispositions législatives possibles. C'est pour cela que nous venons à Ottawa. Si nous devons emmener un tout petit véhicule dans un lieu imposant, qu'il en soit ainsi, pour que nous puissions arriver à nos fins, c'est-à-dire avoir le meilleur projet de loi possible.

• 1135

Le président: Au plan de la procédure, je signalerais à l'attention de M. Mancini que nous ne pouvons pas exiger des choses du ministre. Nous ne pouvons que lui faire des recommandations. Il faudrait donc que l'on fasse dire au comité que nous recommandons, si cela vous va.

M. Peter Mancini: Ça me va.

Le président: Très bien.

Avons-nous le consentement unanime pour recevoir la motion? Oui.

Pouvez-vous répéter la motion, monsieur Mancini?

M. Peter Mancini: Oui, monsieur le président. Je propose que nous recommandions...

Le président: Que le comité recommande...

M. Peter Mancini: ... que le comité recommande que le ministre présente une mesure législative conforme à la motion 79 et aux principes qui sous-tendent le projet de loi C-259 et la soumette au Comité de la justice.

M. Jacques Saada: Pourriez-vous le répéter lentement, s'il vous plaît?

M. Peter Mancini: Oui, très bien. Je propose que le comité recommande au ministre et au ministère de présenter une mesure législative conforme à la motion 79 et aux principes qui sous- tendent le projet de loi C-259 et la soumette au Comité permanent de la justice.

Le président: Vous avez entendu la motion? Nous passons aux voix.

(La motion est adoptée)

Le président: Elle est adoptée à l'unanimité.

Des voix: Bravo!

Le président: Mme McDonough appréciera la remarque relative au Comité du patrimoine!

Je crois qu'il faut aussi reconnaître beaucoup de mérite au public. La présence du public, comme cela nous a été indiqué par M. MacKay et par des membres de tous les partis, a intensifié notre désir de bien faire.

Cela dit, il reste une question avant que l'on s'en aille. Il me semble, et je me trompe peut-être car le greffier me dit que mon interprétation est erronée. Le comité a l'intention de soumettre ceci à la Chambre à titre de rapport du comité?

Des voix: Oui.

Le président: Très bien. C'est ce que j'avais compris.

Le greffier me dit qu'il nous faut une motion de rapport.

M. Jacques Saada: J'en fais la proposition.

M. Jim Abbott: Je l'appuie.

Le président: Nous passons aux voix.

(La motion est adoptée)

Le président: Merci beaucoup.

Mme Aileen Carroll: Monsieur le président, le comité souhaite- t-il que nous ayons une réponse officielle du gouvernement?

Le président: Nous l'exigeons.

Mme Aileen Carroll: Non, pas nécessairement. Le souhaitons- nous?

Le président: Vous voyez, cela arrive si peu souvent.

Des voix: Oh, oh!

Le président: On me dit qu'il nous faut maintenant une motion et qu'il nous faut préciser la réponse que nous voulons du gouvernement.

Mme Aileen Carroll: J'aimerais proposer cette motion, mais j'aurais peut-être besoin de l'aide du greffier pour la rédiger comme il se doit.

Je propose donc que nous ayons la réponse du gouvernement pour...

Le greffier du comité: Il s'agit de 150 jours.

Mme Aileen Carroll: 150 jours? N'y a-t-il pas moyen de raccourcir ce délai?

Le greffier: Non, cela figure dans le Règlement.

Mme Aileen Carroll: Très bien. Je propose donc que nous demandions au gouvernement de répondre au comité dans le délai prévu de 150 jours.

[Français]

Le président: Un moment.

Mme Monique Guay: Dans les plus brefs délais.

[Traduction]

Le greffier: Nous pouvons demander, mais...

Le président: Nous pouvons en gros demander au gouvernement de le faire dans les plus brefs délais, sachant que selon le Règlement, il est tenu de le faire dans les 150 jours.

Le greffier: C'est exact.

• 1140

Le président: On me dit que tout est en règle. Nous passons donc maintenant aux voix sur cette motion.

(La motion est adoptée)

Le président: Indiquons pour le compte rendu que M. Abbott est toujours là pour le quorum.

Maintenant, étant donné que nous avons reçu plus tôt le consentement unanime, nous allons entendre...

Quelqu'un invoque-t-il le Règlement?

[Français]

M. Jacques Saada: Oui, c'est très simple. Habituellement, quand on débat d'une motion et qu'on l'adopte, on l'a dans les deux langues officielles. Là, on est partis d'une version anglaise exclusivement. J'aimerais que ceux qui le veulent reçoivent rapidement la version française afin que nous parlions tous de la même chose et que nous corrigions ce qu'il y a à corriger avant de faire notre rapport à la Chambre.

[Traduction]

Le président: Oui. Il est important de noter que parce que nous avons l'interprétation simultanée, nous pouvons recevoir une motion orale, et elle est censée être dans les deux langues officielles du fait de l'interprétation. Nous ne pouvons recevoir un avis écrit dans une seule langue.

J'ai maintenant cinq noms sur ma liste, et vous pourrez me corriger si je me trompe—Vernon Theriault, Howard Sim, David Doorey, Dennis Deveau et Lawrence McBrearty—qui ont tous demandé à comparaître. Les cinq témoins en question, si je ne me suis pas trompé, voudraient-ils s'avancer?

M. Howard Sim (vice-président général représentant les Métallurgistes, Nova Scotia Federation of Labour): Bonjour, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs. Je vais commencer car je crois avoir moins à dire.

Je m'appelle Howard Sim. Je viens du comté de Pictou. Je passe devant la mine Westray tous les jours en voiture en allant à mon travail et chaque soir à mon retour. J'ai deux très bons amis qui sont toujours là-dessous. Pour moi, cela a duré assez longtemps. Huit ans, et trois ans depuis le rapport du juge Richard. Ce qui se passe ici aujourd'hui me plaît. J'aimerais que le gouvernement au pouvoir aille de l'avant et fasse quelque chose.

Il y a quelques petites choses que j'aimerais préciser. Depuis trois ans, je me rends dans les écoles secondaires du comté de Pictou pour parler de santé et de sécurité aux jeunes qui vont recevoir leur diplôme de fin d'études. En 1998 au Canada, 58 jeunes gens de 18 à 24 ans sont morts au travail. Soixante mille accidents impliquant des jeunes de la même tranche d'âge ont été signalées pour 1998 seulement. Il est temps que nous changions certaines choses pour que quelqu'un assume la responsabilité de ce qui se passe au travail.

C'est très agréable de voir aujourd'hui tout le monde, dans cette salle, travailler et aller de l'avant pour entreprendre quelque chose. Je n'ai pas énormément de choses à dire. Mon collègue que voici a travaillé dans la mine. Il en a sans doute beaucoup plus à vous dire que moi. Je voudrais simplement préciser que je suis venu ici au nom des Métallurgistes, qui regroupent plus de 200 000 membres dans tout le pays.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Sim.

M. Lawrence McBrearty (directeur national pour le Canada, Métallurgistes unies d'Amérique au Canada): Bonjour. Je m'appelle Lawrence McBrearty. Je suis directeur national des Métallurgistes unis d'Amérique.

[Français]

Je veux vous souhaiter une bonne journée.

[Traduction]

Tout d'abord, j'aimerais féliciter le comité des efforts qu'il a fait ce matin pour arriver à un consensus. J'ai fait le lien avec les mouvements syndicaux, mais j'espère que cette entreprise aboutira. Je ne connais pas toute la procédure politique par laquelle il faut passer avant d'arriver à un débat officiel, mais je veux vous féliciter pour ce que vous avez fait.

Il y a beaucoup d'émotions dans l'exposé que je vais vous faire ce matin. Je viens du secteur minier. J'ai travaillé dans une mine. J'ai travaillé pour Noranda Mines à Murdochville. Certains d'entre vous se souviennent peut-être de la grève de 1957. J'étais très jeune, et j'étais président de mon syndicat local. J'ai dû transporter à l'extérieur du broyeur à barres—pour ceux qui savent ce que c'est, je ne prendrai pas le temps de l'expliquer—le corps de mon ami de 17 ans qui, je dois le dire, avait été tué.

• 1145

Dans son enquête, le coroner a conclu au début des années 60 à la responsabilité criminelle du personnel de maîtrise et de la compagnie en tant que personne morale. Vous pouvez imaginer que la communauté et la famille de ce jeune homme de 17 ans, qui s'était marié peu avant à une jeune fille de 16 ans, et dont la femme était enceinte au moment de l'accident, voulait que nous, c'est-à-dire le syndicat, fassions tout notre possible pour que des poursuites soient engagées.

Cela nous a été refusé parce que les entreprises étaient couvertes par l'assurance contre les accidents du travail, laquelle garantissait toutes les responsabilités que la compagnie aurait pu avoir. Deuxièmement, le ministre de la Justice de l'époque, Jérôme Choquette—et vous imaginez les événements qui se produisaient au Québec au début des années 70—nous a dit qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves pour engager des poursuites.

Maintenant que j'ai pu exprimer mes sentiments, je vais laisser cela de côté, mais je veux vous donner quelques faits. J'ai entendu dire: «Il nous faut étudier.» Je comprends l'objet et les raisons des questions, mais j'aimerais dire clairement que les faits sont maintenant connus et pas seulement pour Westray. Si on ne remonte qu'à 1981, le nombre des décès dans les entreprises, des meurtres—appelez-les comme vous voulez—étaient quatre fois plus élevés que celui des décès dus à des infractions au Code criminel au Canada. Les faits sont donc là.

Il y a des accidents qui ne devraient être que des incidents. Certains décès qui n'auraient pas dû se produire pour de nombreuses raisons, se sont produits au travail. Il faut aussi prendre en compte le fait que si je suis employé de la compagnie A et qu'un accident survient, qu'il y a décès, que je suis le collègue de la victime, je vais être interrogé par la justice, par la police, ce qui est normal. Il faut faire des enquêtes lorsqu'il y a décès. Je serai donc interrogé pour savoir si j'ai eu un rapport quelconque avec ce décès ou si j'ai des choses à dire à son sujet, et si on estime que j'étais impliqué, je serai pénalisé et je paierai le prix.

Il y a une grosse différence entre être responsable et rendre des comptes. Il faut que les gens puissent rendre des comptes. Si je conduis en état d'ébriété, que je renverse une personne avec ma voiture et que cette personne meurt, je ne l'ai pas tuée volontairement, mais j'ai enfreint la loi et je vais devoir en payer le prix, et je le paierai car notre système de justice veillera à ce que je le fasse.

• 1150

Dans le cas de Westray, tous ceux qui connaissent Westray vont vous dire qui était responsable. Il y en a qui avaient davantage de responsabilités que d'autres, à commencer par le premier ministre de la province de l'époque, les inspecteurs de la mine, les dirigeants de l'entreprise, les cadres. Cela a coûté la vie à 26 personnes et il y a encore 11 corps qui sont enterrés dans la mine. L'un de nos membres a reçu l'ordre du Canada pour son courage pendant toute cette tragédie, pour avoir essayé de sortir les corps.

Je ne crois pas que des études supplémentaires soient nécessaires. Si vous avez besoin des faits, je m'appelle Lawrence McBrearty. Je suis directeur national du syndicat. J'ai beaucoup d'amis dans le mouvement syndical et j'ai beaucoup d'amis dans les sociétés aussi. Nous vous donnerons tous les faits dont vous avez besoin.

Juste avant de venir ici, j'ai présidé au lancement du livre d'un professeur de St. Thomas University à Fredericton au Nouveau- Brunswick qui est une étude de cas du crime d'une société. Il s'agit de Westray Chronicles. Le livre coûte 25 $.

Je vais vous poser à tous une question. Si vous me promettez de lire le livre, je vais vous l'acheter. Je vous le ferai livrer par un des 12 lobbyistes, des métallurgistes, qui vont rester sur la Colline deux semaines. Mais vous devez me promettre de le lire. Si vous ne le lisez pas, je vous le ferai lire par quelqu'un, parce que je sais que vous êtes très occupés. Mais je sais que les faits sont là pour l'affaire qui nous occupe.

Des criminalistes, un peu partout au Canada, ont étudié Westray et aussi d'autres affaires.

Il y a un autre sujet que j'aimerais vous mentionner. Je ne sais pas grand-chose de la politique. Je suis seulement élu par les travailleurs. Mais on dit qu'à partir du moment où vous prenez un crayon pour voter, vous faites de la politique. J'imagine que je fais donc de la politique. Néanmoins, je peux comprendre les pressions que vous devez tous subir au Parlement, de notre part, de la part de mon syndicat, de nos membres, et aussi de la part d'autres groupes de lobbyisme représentant les sociétés.

J'imagine que c'est l'essence de la politique. Mais une chose est sûre. Il s'agit ici d'une question humaine et aussi de volonté politique. Il s'agit de faire ce qui est juste pour le pays, pour la société, et pour ceux qui viendront après nous.

Lorsque je suis entré ici ce matin—je crois que c'était ici—quelqu'un a dit que nous ne pouvions pas faire revenir ces personnes. Ce n'est certes pas possible, mais nous n'allons certainement pas les oublier et nous ne serons pas les seuls non plus.

Vous avez certainement lu les résultats d'un sondage qui a été réalisé ces dernières semaines selon lesquels 85 p. 100 des Canadiens interrogés recommandent et demandent que leur député appuie ces amendements au Code criminel. Nous pouvons vous donner une copie de l'étude.

Pour terminer, je dirais qu'il y a d'autres pays... Si nous parlons dans la société dans laquelle nous vivons, qui est une société industrialisée, de la mondialisation des échanges commerciaux, du libre-échange, du commerce, des échanges, des droits de la personne, des violations des droits de la personne, des questions féminines et du travail des enfants, je crois qu'il nous faut regarder un peu ce qui se passe ailleurs.

• 1155

Je pense que vous savez tous que le rapport 237 de la Commission sur l'homicide involontaire coupable a été présenté au Parlement au Royaume-Uni, et nous en avons une copie avec nous. Des dispositions législatives seront adoptées au Royaume-Uni pour l'homicide involontaire coupable.

L'Australie a déjà de telles dispositions, le Criminal Code Act, depuis 1995.

Je n'ai peut-être pas le nombre exact, mais j'ai ici le nombre et le nom des États américains qui ont adopté une telle modification. Vous avez sans doute lu ou entendu qu'il n'y a pas très longtemps aux États-Unis, le représentant d'une entreprise a été condamné à 17 ans de réclusion et à une amende de 5,9 millions de dollars.

À cet égard, je crois que le Canada, avec son Code criminel, est bien loin de quelques pays industrialisés avec lesquels il traite.

Pour finir, je tiens à vous féliciter et à vous demander de parler du sujet à vos collègues, à vos amis, à celui qui est assis à côté de vous à la Chambre. Je vous demande de faire tout ce qui est en votre pouvoir—car vous avez le pouvoir—pour que ces amendements soient étudiés au cours de cette session avant que la Chambre n'ajourne. Nous ne pouvons pas nous permettre en tant qu'êtres humains, en tant que personnes qui veulent agir dans notre pays, de voir se produire une nouvelle tragédie comme Westray ou d'autres accidents du travail. Si notre syndicat peut vous être d'un secours quelconque, nous serons très heureux de vous obliger.

Le président: Monsieur Theriault.

M. Vernon Theriault (métallurgiste): Je m'appelle Vernon Theriault. Je suis métallurgiste depuis 19 ans. J'ai travaillé pendant 19 ans à Trenton Works, mais à l'époque, je travaillais à Westray. Il était difficile d'avoir un travail régulier dans les années 80 jusqu'aux années 90 et j'ai donc fini par aller travailler ailleurs.

J'ai travaillé à Westray sept mois et au cours de ces sept mois, j'ai vu énormément d'erreurs commises relatives à la santé et à la sécurité. Je pourrais rester ici toute la journée à vous en parler, mais il y en a une que je tiens à vous signaler et qui s'est produite lorsque Roger Parry, du ministère du Travail, était là un jour.

Nous étions dans la galerie sud. Nous remontions la pente. Je conduisais un camion-grue et j'apportais des fournitures au front de taille. Un jour, je n'arrivais pas à remonter et le chef a demandé au bulldozer—car nous avons un bulldozer sous terre—de descendre pour me pousser. Pendant que le bulldozer était en train de me pousser pour que j'aille à l'endroit voulu, Roger faisait une tournée avec le ministère du Travail. Je ne sais plus qui était sur le tracteur, mais il s'est arrêté à côté de nous et a braillé à notre intention: «Qu'est-ce que vous foutez là avec cet engin? Sortez. Vous n'êtes pas censés être dans ce secteur.»

Nous sommes donc sortis avec l'engin et nous sommes retournés sur l'aire de départ du sommet. Quelques heures plus tard le gars est revenu, et nous a trouvés à cet endroit. Il a dit: «Redescendez et amenez ces fournitures; on en a besoin.» Il nous a donc fallu redescendre—une fois les délégués du ministère du Travail repartis.

• 1200

Moi, je n'ai rien vu là qui touche la santé et la sécurité. J'avais travaillé là sept mois et je n'avais jamais eu de réunion d'information sur la santé et la sécurité. Je n'avais aucune formation. Je ne savais rien des mines de charbon lorsque j'ai commencé. J'étais soudeur de métier. Je travaillais dans des ateliers de pneumatiques. On cherche tous des emplois pour gagner de l'argent, mais on voudrait aussi être formé.

Après l'explosion de la mine—je fais un saut dans le temps ici—j'en ai appris plus lors de l'enquête que pendant les sept mois que j'ai travaillé dans la mine. Je n'arrivais pas à croire ce que j'entendais. Si j'avais su ce que j'ai entendu au cours des journées d'enquête, je n'aurais jamais été dans la mine, je peux vous le garantir.

Le 8 mai, c'était ma dernière journée de congé. Je suis allé travailler avec l'équipe qui faisait des heures supplémentaires. C'était un vendredi. J'en suis sorti le vendredi soir. Et je peux dire que pendant que j'étais dans la mine ce vendredi-là, j'ai vu certaines choses. Il y avait du méthane. Je travaillais avec un autre gars dans les galeries. L'engin que nous utilisions était une pelle qu'on appelle le gros godet de huit pieds. Elle n'arrêtait pas de caler et le surveillant nous a dit de prendre l'autre pelle, qui n'avait pas la sécurité qui la faisait caler—parce que lorsqu'il y a beaucoup de méthane dans l'air, ça éteint le moteur.

Le gars avec qui je travaillais s'est en quelque sorte évanoui à cause de la forte présence de gaz dans l'air à cet endroit-là. Je l'ai relevé et nous sommes sortis prendre un peu d'air frais. Mais nous avons continué à travailler là parce que je ne savais rien de la sécurité dans une mine. Je n'étais pas au courant des gaz. Je ne sais trop que dire. Je n'avais aucune formation.

C'est à votre employeur ou à votre entreprise de vous former sur la santé et la sécurité, me semble-t-il. Lorsque vous prenez un emploi, c'est généralement la première chose à faire.

Mais revenons au 8 mai. Je suis donc rentré chez moi le vendredi soir et je suis allé me coucher. À 5 h 28, ma belle-soeur a appelé. J'ai répondu au téléphone et elle m'a dit: «Vern, t'es à la maison.» J'ai répondu: «Oui, pourquoi?» Elle a ajouté: «Y a les sirènes et les ambulances à la mine.» Elle habite juste en face de la mine. J'ai répondu: «Il y a eu des éboulements ces dernières semaines. C'est sans doute que quelqu'un a été enterré. C'est un éboulement.» Je lui ai simplement dit: «J'en saurai plus en allant au travail ce matin.» Le 9 mai, je reprenais mon quart de jour habituel. Je lui ai donc dit: «Je vérifierai ce qu'il en est lorsque j'irai travailler.»

Je suis retourné me coucher et me suis levé à 7 heures. J'ai mangé un bout, je me suis lavé, je me suis préparé pour aller au travail, j'ai pris ma boîte à lunch. Je suis allé en voiture jusqu'à Blue Acres en passant par la station d'essence, juste en face de la mine, et il y avait là des policiers. L'un d'eux m'a dit: «Où allez-vous?» J'ai répondu: «Je m'en vais travailler.» Il a ajouté: «Vous n'avez pas entendu? La mine a explosé à 5 h 30.» Je ne savais que dire. J'ai simplement eu l'impression que tout mon sang descendait dans mes pieds. Il a ajouté: «Eh bien, vous les gars, vous pouvez aller au garage là-bas. On a donné l'ordre aux équipes de jour d'aller là-bas au garage; nous verrons ensuite ce qui se passera.»

J'étais allé faire des heures supplémentaires le 8 mai et le 9 mai, en reprenant mon quart de jour habituel, la mine a explosé avant que j'arrive. Au lieu de retourner travailler dans la mine, on m'a envoyé avec l'équipe de sauvetage. C'est une chose terrible à vivre. Pendant cinq jours, on est descendu dans la mine pour le sauvetage. C'est vraiment une expérience affreuse. Je la revis chaque jour. Elle va sans doute me hanter jusqu'à ce que je sois moi-même sous terre dans ma caisse.

• 1205

Si je suis ici sur la Colline pour deux semaines, c'est surtout parce que je voudrais faire pression pour qu'on adopte le projet de loi afin de tenir les employeurs responsables envers leurs employés.

Il y a huit ans, j'avais trois jeunes enfants. L'un d'eux a déjà commencé à travailler et le deuxième va bientôt le faire aussi J'aimerais qu'il y ait un peu de sécurité pour mes enfants. J'imagine que tous ceux qui sont ici et qui ont des enfants ou des membres de leur famille qui travaillent aimeraient qu'il y ait une certaine sécurité au travail. Mais pour mes enfants—et lorsque je dis mes enfants, je veux dire tous les enfants du monde—ce serait bien que le lieu de travail soit sans danger; il n'est pas nécessaire de se faire tuer. On va à la guerre pour se faire tuer.

Je pourrais continuer toute la journée, mais je vais m'arrêter là.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Theriault.

[Français]

Monsieur Deveau ou monsieur Doorey.

[Traduction]

M. Dennis Deveau (représentant du personnel, Métallurgistes unis d'Amérique au Canada): Tout d'abord, je tiens à remercier tout le monde. Voilà deux semaines que je suis sur la Colline avec certains collègues, que je me promène pour avoir l'occasion de parler à bon nombre d'entre vous et à vos collègues.

C'est très agréable de voir qu'il y a une unité de vues ici aujourd'hui. Tout le monde étudie ce dossier de concert et il n'y a pas de bagarre sur telle ou telle partie. C'est très encourageant, car certains députés ont dit que bien souvent, on a du mal à s'entendre sur la Colline sur certaines choses. S'il a été utile qu'on vienne vous parler, on recommencera certainement. Merci.

Le président: Monsieur Doorey.

M. David Doorey (avocat, Bureau national, Métallurgistes unis d'Amérique au Canada): Je m'appelle David Doorey. Je suis avocat et je travaille pour les Métallurgistes unis. Je m'occupe du dossier depuis un certain temps, c'est-à-dire que j'étudie la recommandation 73 pour essayer de voir exactement ce qui fait que la législation criminelle qui existe à l'heure actuelle permet à des entreprises comme Westray Industries et à ses dirigeants d'échapper à tout après la tragédie de Westray, alors que toutes les conclusions indiquent que la catastrophe aurait pu être évitée.

Je ne vais pas faire de très longues remarques préliminaires. Je suis ici essentiellement pour répondre à certaines questions que j'ai entendues lorsque j'étais assis dans les rangées de derrière—des questions qui concernent la teneur du projet de loi. J'en resterai là et je serai prêt à répondre aux questions que l'on pourrait avoir à me poser sur le sujet.

Merci.

Le président: Merci beaucoup. Merci à tous pour votre témoignage.

Je donnerai tout d'abord la parole à M. Cadman.

M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président. Je n'ai pas vraiment de questions à poser. Je veux simplement qu'il soit dit au procès-verbal que je remercie les témoins d'avoir pris le temps de venir nous parler, surtout M. Theriault. Je crois comprendre combien cela est difficile pour lui. Encore une fois, merci beaucoup.

Le président: Madame Guay.

[Français]

Mme Monique Guay: Ce n'est pas vraiment une question, monsieur le président. Je voudrais remercier les témoins d'être ici aujourd'hui. On est très sensibles à cela. D'ailleurs, mon parti rencontrera demain le syndicat des métallurgistes. Plusieurs députés seront présents à cette rencontre et je crois qu'on en discutera à ce moment-là. Merci d'être ici.

Je pense que le travail que nous avons fait aujourd'hui, comme députés de tous les partis, est assez exceptionnel. Je n'ai jamais vu cela dans un comité. C'est la première fois que je vois un consensus aussi large et non partisan, mais vraiment non partisan. Alors, j'espère que ça ira de l'avant.

Il y a un seul point qui est très important pour moi. Pour être très honnête, je vous dirai qu'on ne pourra pas passer quelque chose à la Chambre lors de cette session-ci. Il reste à peine une semaine et demie ou deux semaines de travaux à la Chambre. Il y a un processus parlementaire que l'on doit respecter. On doit travailler avec ce système, qui n'est pas toujours efficace, j'en conviens, mais c'est ainsi que cela fonctionne.

• 1210

Par contre, je pense qu'on est quand même capables de faire avancer cette cause rapidement si on s'y met tous. Si on a la volonté d'y arriver, autant du côté du gouvernement que du côté de l'opposition, on peut faire passer quelque chose rapidement.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, madame Guay. Je ne pense pas qu'une réponse soit nécessaire.

Je préciserais que j'ai demandé au greffier de préparer le rapport pour que l'on puisse le présenter demain à la Chambre.

Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini: Monsieur le président, je laisse mon tour à Mme McDonough sur ce sujet.

Mme Alexa McDonough: Monsieur le président, je tiens aussi à remercier les cinq témoins qui ont comparu devant le comité aujourd'hui.

Je crois que nous serions tous encore plus heureux si nous pouvions dire que huit années de travail acharné de la part de la plupart des personnes qui ont comparu aujourd'hui comme témoins ont abouti et ont donné lieu aux changements qu'elles se sont efforcées d'obtenir. Nous savons que ce n'est pas le cas, mais je dois dire qu'aujourd'hui représente un jalon très important et que c'est peut-être le signe le plus prometteur que les familles de Westray, les mineurs survivants et les métallurgistes aient reçu dans cette longue bataille.

Ce que tout le monde reconnaît entre autres autour de cette table, mais que tous les Canadiens ne connaissent pas nécessairement, c'est le lien qui existe entre les Métallurgistes unis et les mineurs de Westray et leur famille. Je crois que cela mérite qu'on le mentionne dans le procès-verbal.

Lorsqu'on entend parler des choses horribles qui se sont passées sous terre à Westray, il faut comprendre que si des conditions aussi horribles ont pu exister, c'est parce que les mineurs n'étaient pas syndiqués. Ils n'étaient pas représentés par un syndicat. Ils n'étaient donc pas en mesure d'exercer les droits des travailleurs en matière de santé et de sécurité: le droit de savoir, le droit de participer aux décisions qui touchent la santé et la sécurité, le droit de refuser de faire du travail dangereux. Des mesures sévères étaient utilisées par la direction de Curragh Resources pour décourager et en fait même punir ceux qui essayaient de se syndiquer.

C'est une histoire extraordinaire d'action politique et de mouvement syndical à leur meilleur. À l'époque de la catastrophe de Westray, le 8 mai 1992, les travailleurs n'étaient pas syndiqués, mais ils avaient en fait commencé à s'organiser et avaient voté pour être représentés par les Métallurgistes unis d'Amérique. Les bulletins n'avaient pas encore été comptés.

Dans certaines situations, il arrive qu'un syndicat ou une autre organisation renonce à faire quoi que ce soit dans des circonstances semblables. Ça aurait été la fin de la mine Westray. Le chapitre aurait pu être clos. Mais au contraire, les Métallurgistes unis ont assumé à partir de ce jour-là la responsabilité de représenter ces mineurs, et j'imagine qu'il faut dire que c'est à titre posthume, et ont travaillé pour respecter les voeux des familles de Westray, pour agir à leur demande instante.

Ils ont joué un rôle important dans la bataille pour obtenir l'enquête publique exhaustive et voulue pour commencer. Ils ont beaucoup contribué à cette enquête, et le juge Richard le reconnaît dans son rapport d'enquête sur Westray. Ils ont continué jusqu'à aujourd'hui à faire avancer la cause, en intensifiant leur action politique ici sur la Colline au cours des dernières semaines.

Je saisis l'occasion pour m'assurer que ce chapitre est bien compris et que l'on rend hommage comme il se doit à cet extraordinaire partenariat qui s'est créé entre les Métallurgistes unis d'Amérique, les familles de Westray et les mineurs survivants, et les féliciter de nous avoir permis d'arriver jusqu'à ce jalon. Je crois que nous attendons tous avec impatience de célébrer le jour où nous aurons effectivement une législation applicable en matière de responsabilité criminelle pour un comportement criminel.

Le président: Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini: Merci, monsieur le président. Je serai très bref.

Étant donné l'intérêt que les membres du comité ont montré et certaines des questions qui ont été posées, des questions légitimes... Il va s'agir de compliments d'un avocat à un autre avocat, mais M. Doorey a préparé un excellent document de recherche, un document de référence pour les Métallurgistes unis d'Amérique sur ce dossier précis, en faisant une comparaison avec la législation australienne et celle d'autres pays. J'aimerais qu'il mette ce document à la disposition des membres du comité. J'espère que tandis que nous ferons avancer ce dossier, cela constituera une sorte de toile de fond pour certaines de nos délibérations. J'en ai un exemplaire, mais j'aimerais qu'il en donne aussi un aux autres membres du comité.

• 1215

M. David Doorey: Certainement. J'ai amené quelques copies, mais je peux d'autres.

M. Peter Mancini: Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Je veux remercier toutes les personnes qui ont été invitées à se présenter ici aujourd'hui, et en particulier Vernon Theriault. Je sais que c'est quelque chose qu'il revoit en esprit chaque jour. Il est très difficile de vivre avec une telle chose. Je constate aussi qu'il porte sur la poitrine la médaille de la bravoure qu'il a reçue pour ses efforts de sauvetage des mineurs emprisonnés sous terre à la suite de l'explosion.

Je veux redire simplement les sentiments qui ont été exprimés. Je crois que nous sommes arrivés à un point tout à fait central. C'est grâce aux efforts de beaucoup, vous-mêmes inclus, et j'espère sincèrement que nous allons maintenant passer à la prochaine étape, j'en suis en fait convaincu. Nous pouvons utiliser ce comité comme véhicule pour obtenir quelques-unes des modifications législatives qui sont nécessaires pour remédier aux problèmes qui découlent de la négligence et d'actes illégitimes au travail. Je vous remercie sincèrement tous.

Le président: Merci beaucoup, monsieur MacKay.

Monsieur Saada.

[Français]

M. Jacques Saada: J'aimerais commencer par apporter une petite précision, si je peux me permettre de le faire, à l'intention de Mme Guay. Vous dites que c'est la première fois qu'un comité réussit à se mettre autant d'accord.

Mme Monique Guay: J'ai dit que c'était la première que je voyais cela.

M. Jacques Saada: Je comprends. Je m'excuse.

Mme Monique Guay: C'est ma perception personnelle.

M. Jacques Saada: Je voulais quand même vous signaler—et je crois que c'est important que les gens le sachent—qu'il arrive souvent, quand on s'entend bien, que cela ne se sache pas parce que ça ne fait pas les manchettes.

Il n'y a pas très longtemps—et M. Mancini a participé au processus, tout comme M. Cadman d'ailleurs—, on avait discuté d'un projet de loi sur la protection des enfants et des personnes vulnérables face à d'anciens agresseurs sexuels, et on a réussi à se mettre tous d'accord pour promouvoir un projet de loi qui est passé très rapidement, justement parce qu'il y avait consensus. Ce n'est pas une première. C'est peut-être la chose qui est la plus stimulante dans ce qu'on peut faire autour de cette table. C'est un comité qui fonctionne très bien de façon générale.

Je voulais dire à M. Theriault que

[Traduction]

l'une des choses que je trouve personnellement, comme député, les plus difficiles à réaliser, c'est de faire en sorte de ne pas perdre de vue ce qui se passe dans la vie de tous les jours. Ici, il est si facile de s'enfermer dans une tour d'ivoire. De temps à autre, des gens comme vous viennent nous trouver et je crois que c'est essentiel. Je ne vais pas répéter tous les compliments qu'on vous a déjà faits; je veux simplement que vous sachiez que je m'y associe.

Il y a cependant une chose qui m'inquiète. Au début de mes remarques il y a un instant, j'ai fait allusion au fait que ce processus transcende Westray. Cela va beaucoup plus loin que Westray; c'est une question de conception de la société dans laquelle nous vivons. Une loi ne peut pas être rétroactive. Ce serait très difficile de rendre une loi rétroactive. En réalité, nous parlons ici de l'expérience de Westray comme le point de départ de quelque chose qui sera fait pour l'avenir et non pour le passé.

Je me devait de le préciser. Je crois que c'est une question d'intégrité. Je ne veux pas créer l'illusion que nous allons pouvoir nous occuper des responsabilités de Westray autour de cette table. Nous ne sommes pas une commission d'enquête. Je voulais simplement m'assurer que nous sommes tous sur la même longueur d'onde. Je ne voudrais pas qu'on se méprenne là-dessus.

[Français]

J'ai un dernier petit mot pour M. McBrearty. Quand on parle d'étudier, je suis d'accord avec vous si on dit qu'on n'a plus besoin d'étudier le besoin de légiférer en la matière. Ce qui reste encore à étudier, c'est la meilleure façon de le faire. Je crois que c'est clair. Il y a un processus qui est prévu pour cela. Vous savez que quand un projet de loi privé ou gouvernemental arrive à la deuxième lecture, il est automatiquement renvoyé au comité permanent qui s'occupe de cette question.

Donc, il est évident que le projet de loi, qu'il s'agisse du projet de loi C-259 ou d'un projet de loi du gouvernement, sera envoyé à ce comité pour qu'il en débatte. On va entendre des experts. On va entendre des gens qui vont venir nous dire ce qui marche et ce qui ne marche pas dans la formulation du projet de loi. C'est à cela qu'on fait allusion quand on parle d'étude. On ne fait pas allusion au principe fondamental du besoin de légiférer pour que cette situation, celle de Westray, ne se répète plus. Donc, ce qu'on a à étudier maintenant, c'est la meilleure façon de le faire.

• 1220

Monsieur le greffier, je présume que le texte de M. Doorey dont on parle est en anglais seulement.

Le greffier: Je ne l'ai pas vu.

M. Jacques Saada: En tout cas, s'il est en anglais seulement, je présume que

[Traduction]

nous en aurons une traduction avant qu'il soit distribué à tous les membres pour que nous puissions tous le prendre en considération de la même façon.

M. David Doorey: Nous le ferons traduire.

M. Lawrence McBrearty: Nos traducteurs vous enverront des copies en anglais et en français.

M. Jacques Saada: Parfait. Je ne suis pas dogmatique sur cette question. Je veux simplement m'assurer...

M. Lawrence McBrearty: Si vous en avez besoin en espagnol, nous vous le ferons parvenir en espagnol. Nous vous le ferons parvenir dans toutes les langues que vous voudrez.

M. Jacques Saada: Non, non—je voulais simplement que nous puissions tous le prendre en considération en même temps, d'accord?

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Maloney.

M. John Maloney: Monsieur Doorey, dans une entreprise industrielle, il y a différentes lignes hiérarchiques, du patron du bateau ou du chef d'équipe au contremaître ou au superviseur, au directeur de la mine ou au directeur de l'usine.

La motion M-79 de M. MacKay visait les directeurs et les dirigeants des entreprises. Le texte de loi de Mme McDonough vise les mêmes personnes, mais aussi ceux qui sont responsables des opérations courantes de l'entreprise industrielle.

Avec notre coup de filet, allons-nous viser toutes ces personnes qui constituent la hiérarchie, ou allons-nous tirer un trait quelque part? À votre avis, le projet de loi C-259 est-il suffisamment général ou l'est-il trop? Que dire des inspecteurs provinciaux qui ont peut-être aussi fermé les yeux? Je ne pense pas qu'ils soient visés par ce texte de loi. Faudrait-il envisager quelque chose d'autre?

M. David Doorey: Pour répondre à cette question, je crois qu'il faut comprendre comment s'applique la législation criminelle telle qu'elle est actuellement libellée; c'est assez compliqué. Je sais que je n'ai pas le temps de le faire maintenant, et je ne vais même pas essayer.

Mais pour répondre à votre question, ce qui est présenté dans le projet de loi, c'est que l'on prend d'abord en considération l'entreprise, pour ainsi dire. On regarde l'entreprise et on se demande s'il y a un manquement de la part de l'entreprise qui aurait pu éviter la chose. On essaie pour commencer de voir si l'entreprise elle-même est coupable d'une infraction. On dit ensuite que si l'entreprise est coupable, il faut alors voir les directeurs et les dirigeants et se demander s'ils auraient pu éviter la chose. C'est la deuxième partie.

Mais vous avez raison de dire que le projet de loi, tel qu'il est proposé, jette le filet plus loin lorsqu'il s'agit de savoir qui a pu être celui qui a commis le manquement ou celui qui a admis l'avoir commis, selon le cas. Je dis «plus loin». Il en est ainsi parce que le droit criminel actuel élaboré par les tribunaux dit que le seul moyen pour juger une entreprise coupable d'une infraction criminelle, c'est lorsqu'une seule personne haut placée—en droit, on pourrait dire «la tête dirigeante» de l'entreprise—a commis l'acte ou a ordonné qu'il soit commis.

Le problème, la raison qui fait que les entreprises ne sont jamais condamnées en vertu de la législation en vigueur, c'est qu'il arrive très rarement, surtout dans une grosse entreprise, qu'un seul individu haut placé prenne toutes les décisions et donne tous les ordres. Ces gens-là délèguent.

Ce que l'on dit dans le projet de loi, c'est que pour une infraction criminelle, il faut deux choses: il faut qu'il y ait eu commission d'un acte et deuxièmement qu'il y ait faute ou intention, un actus reus ou une mens rea, pour utiliser les expressions juridiques. Ce que l'on veut faire avec ce projet de loi, c'est s'éloigner de l'élément sur lequel insiste la législation en vigueur, à savoir le niveau dans la structure hiérarchique de la personne qui a commis l'acte, parce que cela ne nous mène nulle part. Regardons au contraire l'acte qui est commis et ensuite essayons de savoir si la société aurait pu l'éviter par d'autres voies hiérarchiques.

Le projet de loi jette donc le filet plus loin sur l'acte commis. Il établit en quelque sorte un critère de responsabilité du fait d'autrui, pour reprendre la terminologie juridique. On dit que dans l'optique du premier élément de l'infraction—l'acte—on va jeter le filet plus loin. On va dire que toute personne qui agit au nom de la société est prise dans ce filet.

• 1225

Ainsi, si vous agissez au nom de la société, on estime que l'acte est celui de la société, mais que c'est seulement la première étape. Le véritable critère, qui reste à mon avis très difficile à vérifier pour le procureur, il sera possible de le respecter alors qu'avec la législation en vigueur ça ne l'est guère... Mais cela est expliqué dans mon document et je ne vais pas l'approfondir maintenant.

Il permet donc de jeter le filet plus loin sur ceux qui ont pu commettre l'acte pour prouver l'élément actus reus du crime, mais nous arrivons alors à la partie plus difficile qui consiste à prouver un crime face à une société. Il s'agit de la partie du manquement qui est la mens rea. À cet égard, nous ne considérons plus simplement l'intention d'un employé, par exemple, qui aurait pu ne pas suivre les bonnes pratiques de santé et de sécurité. On dit en fait que l'on veut savoir pourquoi cette personne ne les a pas suivies. Si c'est une personne qui agit individuellement en violation de toutes les politiques et alors qu'on lui a demandé de faire autre chose, dans ce cas la société arrivera à se défendre. Nous n'aurons pas à intenter un procès à la société.

Ce que le projet de loi essaie en fait de faire, c'est d'éviter tous les Westray du monde... lorsque la culture d'une entreprise fait qu'à tous les niveaux on dise aux personnes qui sont aux échelons inférieurs: n'appliquez pas cette règle de santé et de sécurité, elle va nous coûter de l'argent et nous allons devoir fermer la mine pendant quelques jours. L'employé en question, qui est celui qui en fait n'agit pas en ne fermant pas la mine, par exemple, cette personne... En vertu du critère actuel, si un cadre inférieur n'agit pas, n'applique pas une règle de santé et de sécurité, il peut être tenu responsable alors que la société ne le sera pas parce que cette personne n'en est pas la tête dirigeante. La société se tire d'affaires en l'occurrence.

Ce que des commentateurs ont dit dans le monde entier, c'est que le critère actuel, qui est connu comme le «critère d'identification»... C'est un critère qui a été mis au point en Angleterre, il s'applique donc dans tout le Commonwealth. C'est pourquoi il y a en Angleterre une commission royale qui dit: «Nous voulons changer cela.» L'Australie l'a déjà fait. Notre Commission de réforme du droit l'a fait.

Si ça ne donne pas les résultats escomptés, c'est que tout ce qu'une société doit faire, c'est de déléguer les pouvoirs relatifs à la santé et à la sécurité à quelques personnes et la société, dans la plupart des cas, ne sera jamais jugée coupable, parce qu'il n'y aura plus un seul individu qui est courant de tous les faits et qui a ou n'a pas agi.

Quant à votre question sur le fait de savoir si l'on va trop loin ou pas assez, je crois qu'il faut comprendre le projet de loi pour... Je crains que tout le monde ne l'ait pas lu dans cette salle. Lorsque vous lisez le projet de loi, vous voyez que les seules personnes à qui s'en prend ce nouveau projet de loi en matière de responsabilité, sont les directeurs et les dirigeants. Il ne crée pas une nouvelle infraction pour quelqu'un qui est en dessous de ce niveau hiérarchique. Il permet à quelqu'un d'un niveau hiérarchique inférieur de commettre l'acte ou l'omission, selon le cas, mais c'est alors la politique de la société et ce sont les directeurs et les dirigeants qui peuvent régir l'application de cette politique et créer une ambiance qui encourage les cadres inférieurs à venir leur dire: «Je vais appliquer cette règle parce que si nous ne le faisons pas, nous allons avoir de gros problèmes.»

C'est donc la société d'abord. La responsabilité des directeurs et des dirigeants, à la façon dont le projet de loi est conçu, n'entre en jeu que lorsque la société elle-même a déjà été jugée coupable.

Lorsqu'on lit le projet de loi, on voit qu'il dit que lorsque «une société» a été jugée coupable d'une infraction, le directeur ou le dirigeant peut aussi être coupable, mais on prévoit en gros une défense pour les directeurs et les dirigeants. On dit qu'ils sont coupables s'ils ont effectivement autorisé la chose eux-mêmes. Ça c'est la législation actuelle. Si un directeur dit effectivement: «N'appliquez pas la loi», on peut en fait s'en prendre à lui à l'heure actuelle, mais cela ne se produit pratiquement jamais.

La deuxième partie du projet de loi va plus loin que le directeur et le dirigeant qui ordonnent en fait au cadre inférieur de ne pas appliquer la loi ou de l'enfreindre. On dit «aurait dû savoir»: «Saviez-vous ou auriez-vous dû savoir, vous le directeur, qu'il y a tout un tas de choses qui se passent dans votre entreprise?»—comme à Westray, par exemple. «Tout le monde ignore les règles de santé et de sécurité parce qu'il y a une culture de production à tout prix, on ne peut pas fermer la mine, on vous offre des emplois pour produire. Le gouvernement nous a donné de l'argent, nous allons donc engager des gens. Et la direction exige un certain nombre de tonnes par année.» Les cadres inférieurs ont peur de parler. C'est la culture qui le veut.

• 1230

La loi dit donc que si vous êtes directeur ou dirigeant et que vous saviez qu'une telle culture existait, ou que vous saviez que l'on n'appliquait pas les lois, que vous auriez dû le savoir et n'avez rien fait, alors vous êtes également responsable.

Puis on dit encore dans le projet de loi, lorsque vous avez décidé qu'un dirigeant ou un directeur donné savait ou aurait dû savoir, il faut replacer les choses dans leur contexte. Je crois que cela répond à certaines inquiétudes que l'on a exprimées autour de la table aujourd'hui. Cela permet une défense, n'est-ce pas? On dit que lorsque vous concluez qu'un dirigeant ou un directeur aurait dû savoir que ces problèmes systémiques existaient dans la société, il faut prendre en compte l'expérience, les qualifications et les fonctions du directeur en question. Ce sont donc là des moyens de défense pour le directeur qui se trouve à Vancouver et qui ne sait absolument rien du travail de la mine.

Il y aura des arguments juridiques qui seront présentés pour savoir ce que cela veut dire, s'ils auraient dû savoir quelque chose, ou quelles fonctions leur avaient été confiées, mais cela est dit ici dans le projet de loi. Il ne s'ensuivra pas automatiquement que lorsqu'une société est jugée coupable, un dirigeant va aller en prison. Ça ne fonctionnera pas comme ça. Ce sera encore difficile.

Ce projet de loi ne va pas faire que l'on mette en prison tous les directeurs et les dirigeants du pays. Ce sera encore une chose rare. Il s'agit ici des Westray du monde, où il y a un problème systémique qui permet que ce genre de choses se produise, et où personne n'agit pour y mettre un terme.

J'ai été un peu plus long que je ne le pensais.

Le président: Merci beaucoup. C'est un nouveau record.

Y a-t-il une toute petite question de ce côté? On me dit qu'il y en a une toute petite par là-bas.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): C'est une question supplémentaire à ce qui précède. Je crois que nous sommes nombreux à avoir été membres de conseils d'administration et à avoir estimé que le PDG nous donnait l'information qu'il voulait bien nous donner pour prendre la décision qu'il voulait prendre. Il y a beaucoup de travail qui se fait dans le secteur bénévole pour remédier à ce genre de choses.

Existe-t-il quelque chose comme l'obligation de faire des rapports sur la santé et la sécurité aux conseils d'administration? Il arrive qu'on ne donne que les rapports des comités que quelqu'un a demandés. Cela aurait-il été utile en l'occurrence? S'il était obligatoire de donner les rapports des comités de la santé et de la sécurité aux conseils d'administration tous les six mois, cela contribuerait-il à protéger les travailleurs dans une telle situation?

Je crains que l'on ne donne toujours pas aux conseils d'administration l'information dont ils ont besoin, à moins que les membres se rendent vraiment dans les ateliers, ce qu'ils devraient demander, à mon avis. Mais si ce n'est pas le cas, pensez-vous que nous devrions demander une telle chose?

M. Lawrence McBrearty: Je peux certainement répondre à l'un des aspects de la question mais pas au côté juridique. Mon ami que voici le fera.

Je m'occupe d'un certain nombre d'entreprises, comme vous pouvez l'imaginer, et les rapports sur la santé et la sécurité ne vont pas aux conseils d'administration. J'ajouterais même que les négociations sur les conflits de travail et les grèves n'y vont même pas. C'est pourquoi les conflits durent parfois si longtemps. Nous essayons de contacter les conseils d'administration, lorsque nous assistons aux réunions des actionnaires des entreprises chaque année. Nous l'avons fait dans un certain nombre de cas.

En réalité, si je reviens 10 ans en arrière, les entreprises locales disaient: «La santé et la sécurité, c'est notre affaire parce que nous voulons nous occuper de santé et de sécurité.» Maintenant, c'est l'affaire de tout le monde. Nous comprenons maintenant pourquoi les sociétés nous disaient: «D'accord, c'est l'affaire de tout le monde. Voulez-vous faire ceci, monsieur le syndicaliste? Allez-y, faites-le, mais vous serez pris avec les responsabilités.»

• 1235

Le problème que nous rencontrons—et il a été mentionné par d'autres intervenants aujourd'hui—, c'est que dans une situation comme celle-ci, et Westray n'est pas la seule, l'application de mesures de protection en matière de santé ou de mesures de protection contre les accidents en matière de sécurité coûtent un certain prix. Il en coûte de décider qu'un accident pourrait devenir un incident plutôt qu'un accident. Tout a un prix à l'heure actuelle; nous le savons tous.

Productivité égale bénéfices; et nous n'avons rien contre. Si vous faites des bénéfices, vous allez nous en faire profiter. Il y a aussi le coût énorme de la santé des travailleurs, tant dans le milieu de travail que dans le milieu à l'extérieur du travail dans les collectivités, qui entre dans les coûts de production. Cela affecte ma productivité, ma compétitivité, etc., aussi vais-je peut-être décider de déménager au Mexique.

Les questions de santé et de sécurité, dans la réalité, n'arrivent pas jusqu'aux conseils d'administration. Elles ne vont même pas parfois jusqu'au président de l'entreprise ou le PDG. C'est ce qui se produit dans la grande majorité des cas. On a de la chance si elles arrivent jusqu'aux cadres de l'usine.

Mme Carolyn Bennett: Le syndicat envoie-t-il une circulaire à tous les membres des conseils d'administration? Si j'étais membre d'un conseil d'administration et que je reçoive une lettre d'un syndicat qui dirait que l'on a de graves inquiétudes sur la santé et la sécurité des travailleurs à cet endroit, en tant que membre du conseil, je devrais

[Français]

faire attention, n'est-ce pas?

[Traduction]

M. Lawrence McBrearty: Nous le ferons.

Mme Carolyn Bennett: Très bien. Merci.

M. David Doorey: J'aimerais vous donner une petite réponse juridique. Vous avez fait un raisonnement hypothétique en demandant si cela serait utile. La réponse est oui, c'est évident que ce serait utile si on donnait aux conseils d'administration tous les faits.

Et cela est traité dans le projet de loi car l'une des façons qui permet d'imputer une faute à une société dans le projet de loi en question est que la direction de la compagnie—définie comme les personnes qui ont la responsabilité de prendre des décisions—n'a pas instauré les procédures et les politiques qui auraient permis de la mettre au courant des faits. Ce serait donc utile si cela figurait dans un texte législatif.

Je crois que ce projet de loi aura cet effet et c'est vraiment son intention, n'est-ce pas? Les sociétés et les conseils d'administration devront prendre le temps d'étudier le projet de loi et conclure: «Bon, il nous faut faire en sorte de ne pas avoir de problèmes systémiques.» L'une des façons d'y parvenir, c'est de veiller à ce que tous les membres du conseil d'administration connaissent les faits exacts et non les faits que le directeur de la mine pourrait cacher pour protéger son emploi. Il leur faudra donc mettre au point un système.

Mme Carolyn Bennett: S'ils sont responsables au criminel, il vaut mieux qu'ils le soient au courant.

M. David Doorey: C'est exact. L'objectif du projet de loi est de faire en sorte que ceux qui ont des pouvoirs et qui dirigent le lieu de travail adoptent les politiques voulues et instaurent les systèmes nécessaires pour que l'information soit transmise.

Le président: Merci beaucoup pour cette toute petite question en trois parties et merci infiniment à tous.

M. Lawrence McBrearty: Puis-je me permettre d'ajouter deux petites informations? Nous avons créé dans tout le pays, en relation avec chaque province, un comité qui s'appelle le CAFIM, c'est-à-dire le Conseil d'adaptation et de formation de l'industrie minière. Dans le cadre des discussions ayant entouré l'initiative minière de Yellowknife avec les principales compagnies minières du pays, notre syndicat a créé ce comité pour qu'il élabore des programmes de formation et d'adaptation dans le cas de réductions d'effectif. Nous nous attachons à l'heure actuelle à la formation. Nous avons reçu un financement assez important de DRHC.

L'autre point important que j'aimerais signaler, c'est que nous allons créer en Nouvelle-Écosse à l'emplacement de Westray ce que nous aimerions appeler un centre de formation sur la sécurité et la santé professionnelles des travailleurs pour l'industrie minière. Nous aurons pour cela besoin d'un peu d'aide politique. Mais nous ne tenons pas absolument à le limiter à l'industrie minière—il pourrait être ouvert à tout le monde. Une telle chose indiquerait bien que nous ne voulons pas oublier ce qui s'est passé là et que nous ne voulons pas que cela se reproduise.

• 1240

Nous essayons d'obtenir un peu d'aide de la province de la Nouvelle-Écosse pour cela. Les députés de la province ont travaillé fort à nos côtés sur ce dossier, mais nous n'avons pas réussi à créer ce centre pour l'instant. Dans vos délibérations, ou lorsque vous aurez des discussions internes entre députés, n'oubliez pas l'aspect de la formation. Ni d'ailleurs celui de l'adaptation qui lui est apparenté.

Merci beaucoup de nous avoir reçus.

Le président: Merci beaucoup. Je demanderais aux membres du comité, surtout aux témoins qui ont comparu, de ne pas mollir, malgré ce que nous avons vu ici plus tôt. C'était un véritable consensus du comité. En définitive, nous n'avons fait qu'une partie du chemin; il nous faut donc persister. Tous les membres du comité sauront ce que je veux dire.

Demain, j'ai l'intention de présenter le rapport au nom du comité.

[Français]

    Il est convenu—Que le Comité recommande que le ministre de la Justice et le ministère de la Justice présentent une mesure législative conforme à la motion 79 adoptée par la Chambre le 21 mars 2000 et aux principes qui sous-tendent le projet de loi C-259 et la soumettent au Comité permanent de la justice et des droits de la personne.

La séance est levée.