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TRAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON TRANSPORT

LE COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 28 octobre 1999

• 1533

[Traduction]

Le président (M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.)): Bon après-midi, chers collègues.

Le comité accueille le professeur Rod E. White. Il est à l'École d'administration Richard Ivey de l'université Western Ontario. Il fera un exposé à notre comité cet après-midi.

Monsieur White, bienvenue. Il nous tarde de vous entendre.

Chers collègues, le changement d'horaire est en partie de ma faute. M. White devait témoigner plus tard, mais nous avions un trou à combler, alors M. White a aimablement accepté de venir cet après-midi. Son texte n'est qu'en anglais, il ne sera remis aux membres que lorsqu'il aura été traduit. Bien sûr, il y aura interprétation pendant que M. White va nous lire son texte, je vous invite donc à vous servir de vos écouteurs. Comme je l'ai dit, il faudra seulement attendre un peu pour obtenir la traduction.

[Français]

M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): J'invoque le Règlement, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Oui, monsieur Guimond.

[Français]

M. Michel Guimond: Je vous rappellerai, monsieur le président, que les règles que nous avons adoptées pas plus tard que la semaine dernière au sujet des documents déposés par les témoins ne précisaient pas, contrairement à ce que vous avez dit, que les documents seraient de toute façon traduits lorsque les témoins livreraient leur présentation. On avait dit que chaque personne qui témoignait devant nous devait avoir un document dans les deux langues officielles du beau pays qu'est le Canada, comme vous le dites.

Je vous demanderais de demander le consentement unanime au cas où le témoin voudrait...

Ah! Je pense m'être fourvoyé. Il n'a pas déposé son document parce qu'il est seulement en anglais. D'accord.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Guimond.

Monsieur White, allez-y. Nous vous donnons entre 10 et 12 minutes pour que nous puissions vous poser des questions.

M. Rod E. White (professeur, témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président.

• 1535

Je remercie le comité de m'avoir invité aujourd'hui. Je n'ai pas eu le temps de faire traduire mon texte, et je vous en demande pardon. La situation évolue tellement rapidement qu'hier soir encore, je travaillais à mon texte.

Vous trouverez peut-être utile que je vous dise quelques mots au sujet de ma formation et de ma connaissance de l'industrie du transport aérien. Je suis professeur à l'École d'administration Richard Ivey de l'Université Western Ontario où j'enseigne et fais des recherches sur les stratégies d'affaires. J'ai commencé à m'intéresser à l'industrie du transport aérien il y a une quinzaine d'années de cela, au moment même où cette industrie allait s'engager dans le mouvement de déréglementation. À l'époque, un collègue et moi-même avons pensé qu'il serait instructif d'étudier les stratégies qu'emploieraient les lignes aériennes pour s'adapter à ce changement important dans leur environnement. Étant donné que notre école avait des liens avec Rhys Eyton, qui était alors PDG de Pacific Western Airlines, nous l'avons pressenti et lui avons demandé si la PWA accepterait de participer à l'étude de cas que nous menions. Il a donné son consentement, et en 1985, nous avons publié une étude de cas qui décrivait la position et les options stratégiques de PWA à cette époque, texte qui était également assorti d'une note décrivant en termes plus généraux l'industrie canadienne du transport aérien.

L'industrie ayant évolué, nous avons récrit et mis à jour ces textes à quelques reprises. La PWA, qui est devenue plus tard Lignes aériennes Canadien, a participé à tout ce processus. La version la plus récente de ce texte a été publiée en 1996. J'ai étudié les stratégies de Canadien, d'Air Canada et de l'industrie de manière plus générale pendant tout ce temps. Je serai heureux de communiquer au comité et à son personnel tous les textes que l'École d'administration Ivey a publiés sur l'industrie du transport aérien. C'est une histoire intéressante et riche de renseignements à maints égards.

Je m'intéresse plus particulièrement à la stratégie d'affaires et aux mesures stratégiques que ces entreprises ont épousées, et à la manière dont ces mesures influencent leur rendement et l'évolution de leur industrie. Les stratégies d'Air Canada et de Canadien se sont révélées fascinantes au cours des années qui ont suivi la déréglementation de l'industrie du transport aérien.

Pendant le reste de mon exposé, je me propose de passer en revue certaines des stratégies antérieures des principaux acteurs pour faire la genèse et le bilan de la situation actuelle et tenter des promotions. Je serai heureux de répondre ensuite à vos questions.

Le Canada pourrait se retrouver demain devant un transporteur aérien dominant dans le secteur du trafic voyageurs à horaire fixe. Ce transporteur dominant pourrait être le groupe Air Canada ou le groupe Onex-Canadien, mais dès qu'il sera formé, il disposera d'un monopole à toutes fins utiles.

Cette situation était-elle inévitable? Aurait-on pu anticiper le cours des choses et par conséquent éviter ce résultat? Je crois que la réponse à cette question est non. Ce n'était pas inévitable. En effet, tout cela est le résultat des mesures et des choix stratégiques des grandes lignes aériennes dont il est question, essentiellement Air Canada et Canadien. Ce sont elles qui ont décidé de s'engager dans une concurrence soutenue qui nous a donné la situation que nous avons aujourd'hui. La politique gouvernementale n'est nullement en cause. Tout cela résulte des décisions que ces lignes aériennes ont prises. Elles auraient pu faire d'autres choix qui auraient donné un résultat différent et peut-être plus acceptable.

Au milieu des années 80, lorsque le gouvernement du jour a déréglementé l'industrie du transport aérien, on n'aurait pas pu prévoir qu'on aboutirait au résultat que nous avons aujourd'hui. Pour comprendre cela, il serait utile de passer en revue quelques grandes décisions stratégiques qui ont été prises. Après la déréglementation de 1986, Pacific Western Airlines a négocié l'achat de Canadian Pacific Airlines, qui comprenait à l'époque Eastern Provincial Airways, Nordair et Québecair dans l'est du Canada. En combinant la force régionale de PWA dans l'Ouest et les liaisons transcontinentales de CP, ce groupe, qui a pris le nom de Lignes aériennes Canadien International, est devenu un rival d'Air Canada sur tous ses circuits intérieurs. Par la suite, Canadien a fait l'acquisition de Wardair et certaines de ses liaisons transatlantiques, ce qui lui permettait de concurrencer Air Canada sur son territoire international, qui était des plus lucratifs. Canadien a décidé de faire concurrence à Air Canada sur presque tous les fronts. Elle aurait pu décider d'agir autrement. Est-ce que Canadien pensait qu'Air Canada ne réagirait pas? Est-ce qu'Air Canada allait céder sa position dominante à Canadien sans se battre? Il était tout à fait prévisible qu'Air Canada se défende.

Soit dit en passant, on note avec intérêt qu'en 1986, avant l'acquisition de Canadian Pacific Airlines qui lui permettait de faire concurrence directement avec Air Canada, PWA était l'alliée d'Air Canada dans l'Ouest canadien. PWA était le réseau subsidiaire d'Air Canada dans l'Ouest. À l'époque, PWA et Air Canada négociaient en fait une transaction qui, si elle avait été conclue, aurait fait de PWA le réseau subsidiaire national d'Air Canada. PWA aurait eu des aéronefs à fuselage étroit dans toutes les régions du pays et aurait alimenté les circuits transcontinentaux et internationaux des gros porteurs d'Air Canada. Ces négociations ont connu une fin abrupte quand Pacific Western a fait l'acquisition de Canadian Pacific Airlines. Il ne fait aucun doute qu'Air Canada a éprouvé un certain ressentiment à l'égard de son ancien allié qui est devenu son principal concurrent.

• 1540

Air Canada n'a pas réagi immédiatement à la concurrence soudaine de Canadien International. Elle avait d'autres priorités à l'époque, dont la plus importante était sa privatisation, laquelle a fort bien réussi. Air Canada a émergé du processus de privatisation en bonne santé financière, et elle était disposée à faire usage de sa force nouvelle pour attaquer Canadien sur tous les fronts, même si sa rentabilité et le prix de ses actions en ont souffert. Air Canada a ajouté des aéronefs et augmenté sa capacité sur tous les plans, surtout dans l'Ouest canadien, le berceau de Canadien.

Air Canada a fini également par prendre pied sur certains circuits lucratifs de la voie transpacifique, une région du monde où Canadien était traditionnellement le seul transporteur du Canada. En conséquence, le coefficient de charge d'Air Canada a baissé de presque 10 points de pourcentage pendant ce temps. Ses profits étaient minimes, mais sa stratégie marchait. Canadien diminuait sa capacité pour tenter vainement d'augmenter son coefficient de charge et sa rentabilité, mais Canadien perdait sans cesse du terrain.

Lignes aériennes Canadien International, ayant engagé de gros moyens financiers dans son acquisition de Canadien Pacific et ensuite de Wardair, perdait encore plus d'argent qu'Air Canada. Au milieu des années 90, Canadien était de toute évidence aux abois, et a supplié Air Canada de cesser d'augmenter sa capacité. Canadien est même allée jusqu'à demander au gouvernement de l'époque de réglementer de nouveau l'industrie du transport aérien. Le gouvernement n'a rien fait, et Air Canada a poursuivi son attaque contre Canadien. Ce que nous avons aujourd'hui est le résultat des décisions prises par ces lignes aériennes au cours de ces quelque 12 dernières années.

Nous avons ici deux rivaux qui ont décidé de ne pas s'entendre sur un équilibre stable et concurrentiel. On aurait pu éviter ce résultat. On aurait pu faire autrement. PWA et Canadien ont décidé de constituer une ligne aérienne surendettée et de faire concurrence à Air Canada sur tous les fronts. Air Canada a décidé d'augmenter sa capacité et ses circuits, et de pousser Canadien à la faillite, même si Canadien a réclamé à maintes reprises une entente et même si les profits d'Air Canada étaient anémiques au mieux.

Si les deux rivaux avaient fait des choix différents, nous aurions aujourd'hui une situation très différente. C'est particulièrement vrai de la décision d'Air Canada de livrer une concurrence féroce à Canadien au cours des six ou sept dernières années. Si Air Canada avait décidé de tempérer son ardeur combative et de permettre à Canadien de survivre, l'industrie aurait aujourd'hui deux transporteurs viables et Air Canada aurait pu être plus rentable, et le prix de ses actions serait plus élevé. En ce sens, l'on peut dire qu'Air Canada a pratiqué une stratégie d'éviction. Les mesures qu'elle a prises lui ont permis de mener son concurrent à la faillite.

Il ne fait aucun doute qu'Air Canada a été surprise lorsque Canadien a refusé une mort tranquille et la session de ses circuits internationaux à Air Canada à prix d'aubaine. En collaboration avec Onex, Canadien a préféré organiser ce qui constitue une prise de contrôle inversée d'Air Canada.

L'on peut tirer plusieurs leçons de cette histoire. Je ferai état d'une ou deux d'entre elles pour le bénéfice du comité.

Premièrement, il y a cette règle qui limite à 10 p. 100 la part que l'on peut posséder dans Air Canada. On parle beaucoup de cela. Cette règle a peut-être indirectement aggravé les difficultés de Canadien. Si Air Canada avait été entre les mains d'un gros actionnaire qui aurait pu exercer davantage de contrôle sur la direction d'Air Canada, la rentabilité et l'appréciation des actions auraient peut-être été des priorités plus élevées. La direction d'Air Canada aurait peut-être accordé moins d'importance à l'expansion de sa capacité, à la concurrence accrue et à l'écrasement de Canadien. Des actionnaires disposant de gros blocs d'actions sont mieux en mesure de faire valoir les intérêts des actionnaires auprès de la direction. Dans ce cas-ci, je crois que les intérêts des actionnaires et l'intérêt public auraient mieux coïncidé.

Je n'ai jamais compris pourquoi le gouvernement a imposé cette limite à la propriété de certaines entreprises commerciales. Quand une seule entreprise dans une industrie est protégée par la loi contre toute prise de contrôle, les chances ne sont pas égales sur le marché. Qui souffrirait d'un assouplissement de la règle des 10 p. 100? Sûrement pas les actionnaires existants d'Air Canada. En outre, quand on empêche un gros actionnaire d'exercer son influence, cette influence est conférée de facto à la direction de l'entreprise. Pour ce qui est de contrôler la direction d'une entreprise, y a-t-il mieux qu'un gros actionnaire? On peut donc faire valoir ici que la règle des 10 p. 100 n'a pas profité aux actionnaires ni au maintien d'une concurrence dans l'industrie canadienne du transport aérien.

• 1545

Deuxièmement, j'aimerais parler du contrôle canadien. Comme on le voit dans cette industrie avec ses alliances et ses contrats de service entre transporteurs, la notion de contrôle devient fort vague. On a beaucoup parlé de la relation qui existe entre American Airlines et Canadien. Dans une large mesure, leur relation est une relation commerciale tout à fait normale: il ne s'agit que de bonnes pratiques d'affaires entre deux partenaires transfrontaliers.

Cette relation a commencé à se compliquer en 1992. À l'époque, Air Canada a refusé de fusionner avec Canadien, et Canadien—qui même alors était en sérieuses difficultés financières—a négocié un accord de financement avec American Airlines. Naturellement, American Airlines a négocié à la dure, et Canadien n'a pu obtenir son financement qu'à la condition de conclure divers contrats de service. Mais sans l'injection de capital d'American Airlines, Canadien se serait encore une fois retrouvé devant la faillite.

Aurait-il été dans l'intérêt public à l'époque d'interdire l'injection de capital d'American Airlines de crainte qu'elle ne compromette le contrôle canadien? Le contrôle canadien est peut- être un principe souhaitable. Mais en pratique, c'est très difficile à réaliser. Si votre comité décide d'adhérer à ce principe, je crois qu'il aura énormément de mal à définir dans la loi ce qui constitue un contrôle canadien réel.

Troisièmement, je tiens à faire valoir que, de manière générale, les stratégies des entreprises évoluent lentement. On constate une certaine constance dans les stratégies de Canadien, et en particulier, d'Air Canada. Cette constance se reflète dans les propositions que les rivaux ont faites. Je comprends qu'il n'appartient pas à votre comité d'étudier ces propositions; cependant, vous trouverez peut-être utile de jeter un coup d'oeil sur les stratégies qui s'expriment dans les propositions de ces deux grands rivaux.

Le gouvernement a beau imposer des conditions, les parties en cause seront naturellement plus enclines à se conformer à celles qui répondent le mieux à leurs stratégies.

Cela dit, je signale au comité que mon évaluation ne se fonde que sur des données qui sont du domaine public. Je n'ai eu aucun contact direct avec les parties en cause.

Je vais commencer par le premier des cinq principes, l'interdiction des prix d'éviction. À ma connaissance, Air Canada ne s'est pas engagée à stabiliser les prix si jamais elle a gain de cause. C'est compréhensible étant donné qu'elle entend conserver le gros des capacités des deux lignes aériennes fusionnées, et ce n'est qu'en augmentant les tarifs qu'elle pourra générer la liquidité et les profits qu'il lui faut pour payer cette fusion. Dans ses déclarations publiques, Onex a donné une certaine assurance relativement à la stabilité des prix mais elle n'a pas dit comment elle donnerait suite à cet engagement.

Il faut considérer non seulement le prix des services mais aussi l'offre. Le prix n'a aucune importance si le service n'est pas offert au moment et au lieu opportuns. Pour les lignes aériennes, l'offre se mesure en termes de capacité et de coefficient de charge.

Pour ce qui est de la capacité ou du coefficient de charge, la proposition d'Onex exige une restructuration tous azimuts du système—c'est-à-dire la réduction des services qu'elle considère inutiles—, ce qui augmenterait ainsi le coefficient de charge et, partant, la rentabilité de la ligne aérienne fusionnée. Cependant, Onex a également indiqué qu'elle maintiendra l'accès existant aux localités desservies dans le système de transport aérien actuel. Ces promesses sont tout à fait conformes à la stratégie que pratiquait Canadien avant la proposition de fusion. Air Canada a déclaré qu'elle rationaliserait le système, mais il semble qu'elle entend réduire sa capacité aussi radicalement qu'Onex. Il y a un lien direct entre l'emploi et la capacité; par conséquent, la proposition d'Air Canada suscitera moins de réductions au niveau de l'emploi.

La récente lettre du Bureau de la concurrence au ministre des Transports fait état de diverses exigences qui seraient faites au transporteur dominant né de la fusion pour stimuler la concurrence. Ce rapport est très bien fait, et il devrait constituer la pierre angulaire de l'étude de votre comité. À ma connaissance, aucun des deux rivaux n'a indiqué qu'il était disposé à adhérer volontairement à ces dispositions.

Si l'on croit la proposition d'Onex, il en résulterait un seul transporteur dominant, et tous les services seraient consolidés sous la bannière d'Air Canada. De toute évidence, un tel transporteur pourrait se servir de sa force pour dominer une bonne part de l'industrie. Cependant, il existerait encore des créneaux pour les transporteurs à tarif modique comme WestJet. Air Canada a proposé de maintenir les marques de commerce d'Air Canada et de Canadien, et d'ajouter un nouveau transporteur à tarif modique à Hamilton. À mon avis, cette proposition pourrait avoir pour effet de nuire encore plus à la concurrence que si on avait un transporteur dominant à pavillon unique. Ces trois pavillons donneraient au consommateur l'illusion du choix, mais ce sont des pavillons qui pourraient en fait se positionner et se coordonner de telle manière à décourager toute concurrence tout en maximisant les prix et les recettes. Si l'on en juge d'après la conduite antérieure d'Air Canada, cette proposition nous autorise à douter sérieusement de la volonté d'Air Canada d'encourager une concurrence saine.

• 1550

En résumé, mon examen fait état des points forts et des points faibles relatifs des deux propositions rivales et de la manière dont elles se conformeraient aux cinq principes énoncés par le ministre des Transports.

De manière générale, je crois que la réintroduction de la concurrence dans l'industrie canadienne du transport aérien est ce qu'il y a de plus essentiel.

Un effort concerté visant à abaisser les obstacles à l'entrée dans cette industrie présenterait deux avantages. Premièrement, cela empêcherait tout transporteur dominant nouvellement formé d'augmenter les prix ou de réduire les services. Deuxièmement, de nouveaux joueurs pourraient prendre pied dans l'industrie, réintroduire la concurrence et réduire la nécessité de réglementer ce transporteur dominant. On ne peut pas garantir l'entrée de nouveaux concurrents, mais il faut l'encourager.

À l'heure actuelle, on ne sait pas lequel de ces deux rivaux est le plus disposé à encourager la concurrence et la mise en oeuvre des solutions précises que propose le Bureau de la concurrence. Si votre comité peut clarifier les intentions des parties en cause, le gouvernement du Canada sera mieux en mesure de juger quelle proposition répond le mieux aux intérêts des Canadiens.

Je remercie le président et les honorables membres du comité d'avoir accepté de m'écouter. J'espère que vous avez trouvé mes remarques utiles, et je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le professeur. En effet, vos remarques nous ont beaucoup éclairés.

Nous allons maintenant passer aux questions de mes collègues. Je donne la parole à Mme Val Meredith.

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Merci, monsieur le président, et merci à vous monsieur le professeur.

Ce portrait historique était intéressant. C'est à se demander si l'on va en voir la fin un jour? Votre rappel historique prouve que cette férocité concurrentielle ne date pas d'hier. Si l'on considère ces propositions de fusion, que ce soit celle d'Air Canada ou celle d'Onex, on voit qu'il s'agit de mélanger deux cultures de deux lignes aériennes différentes et de faire travailler des gens ensemble pour le bien du public voyageur. Pensez-vous qu'il sera possible au bout du compte pour ces deux entreprises de fusionner leurs organisations et de fonder une seule compagnie dont les employés n'auront qu'un seul but et sauront travailler ensemble?

M. Rod White: Je pense que ce sera tout un défi pour la direction, quelle qu'elle soit, de cette entité fusionnée. Mais l'histoire, encore là, prouve que ce sera possible. J'espère ne pas ennuyer le comité en m'appuyant un peu trop sur l'histoire, mais Canadien, avec la fusion de Wardair, par exemple, a éprouvé beaucoup de difficultés à assurer une cohésion entre les employés de ces deux lignes aériennes. C'est donc un défi considérable pour la direction. Je pense que c'est faisable, mais ce sera difficile.

Mme Val Meredith: Ça fait, je ne sais pas, un mois, un mois et demi ou deux mois, qu'on entend dire que Canadien se retrouve dans cette situation aujourd'hui à cause de ses propres décisions. Dans le contexte de votre rappel historique, diriez-vous que c'est exact, que Canadien n'a que ce qu'elle mérite?

M. Rod White: Je déteste répondre en universitaire qui dit oui et non, d'un côté ceci et de l'autre côté cela, mais quand on regarde la stratégie dont Canadien s'est dotée dès le début, on constate qu'elle est partie de l'hypothèse qu'elle pouvait faire directement concurrence à Air Canada et l'emporter. On voit aujourd'hui que cette hypothèse était fausse.

Cependant, je ne sais pas si cela excuse le comportement subséquent d'Air Canada, dans la mesure où c'est elle qui a poussé la rivalité, la concurrence, entre les deux lignes aériennes, jusqu'à sa limite extrême. On aurait admis cela si au cours de cette période, Air Canada avait été rentable et si le prix de ses actions avait augmenté. Ce n'était pas le cas. Elle n'a pas su faire concurrence avec... Elle a su faire concurrence à Canadien; mais elle n'a pas su faire cela et au même moment donner à ses actionnaires le rendement qu'ils attendaient.

Mme Val Meredith: Dites-moi s'il y a ailleurs dans le monde d'autres pays où des lignes aériennes se sont fait concurrence et ont abouti à ce même résultat.

M. Rod White: En fait, l'expérience américaine démontre que des lignes aériennes ont su se faire concurrence et atteindre un équilibre raisonnablement stable et rentable.

Chose certaine, les États-Unis ont connu la déréglementation avant le Canada. Après la déréglementation, son industrie a connu des moments très instables, mais elle a su en fait, grâce à diverses opérations stratégiques, que je serai heureux de vous expliquer si tel est votre souhait, créer une dynamique entre les concurrents qui a débouché sur un équilibre concurrentiel, mais rentable. Il y a des différences notables entre le Canada et les États-Unis, mais le fait est que l'industrie américaine s'en est sortie.

• 1555

Mme Val Meredith: Le Canada est fort semblable à l'Australie au niveau de la population et des distances que doivent parcourir les transporteurs aériens. Pourtant, que je sache, l'Australie a deux lignes aériennes concurrentielles qui sont rentables toutes les deux. Comment font-elles pour y arriver, contrairement à nous?

M. Rod White: On voit ici les différences dans les attributs stratégiques. Il y a plusieurs explications possibles à cela. L'une d'entre elles tient, très franchement, à l'animosité entre les deux transporteurs. Ils sont à couteaux tirés et ni l'un ni l'autre ne veut que l'autre survive et fasse des profits.

Mme Val Meredith: Vous dites donc que c'est attribuable à l'animosité qui existe dans l'industrie du transport aérien du Canada, et pas en Australie.

M. Rod White: Depuis qu'Air Canada a su récemment imposer sa loi à son rival, c'est elle qui a mené les choses où elles en sont. Canadien, je crois que c'est en 1993, par la voix de Rhys Eyton et de la presse d'ailleurs, a demandé à Air Canada de diminuer sa capacité. S'étant butée à un refus, elle a ensuite demandé au gouvernement de réglementer de nouveau l'industrie, et cette nouvelle réglementation aurait eu pour effet de limiter les capacités et de permettre aux deux transporteurs d'être rentables.

Mme Val Meredith: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, madame Meredith.

Monsieur Fontana, s'il vous plaît.

M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je tiens moi aussi à vous féliciter pour votre exposé, Rod, vous qui êtes d'une faculté célèbre de London, en Ontario—l'une des meilleures du monde, n'est-ce pas, Rod?

M. Joe Comuzzi (Thunder Bay—Superior-Nord, Lib.): Entre Hamilton et London.

M. Joe Fontana: À vrai dire, j'aurais aimé entendre cet exposé au début de nos travaux parce que ce rappel historique de ce qui s'est passé entre les deux lignes aériennes nous aurait permis de mieux interroger MM. Benson et Milton.

J'ai beaucoup aimé le portrait que vous présentez des deux offres pour ce qui est de leur rapport avec l'intérêt public que nous essayons de protéger ici. Pour ce qui est des cinq principes, vous nous avez fort bien montré ce qui inspire la proposition d'Onex et celle d'Air Canada, et nous avons bien vu les effets que ces propositions auront sur les prix et les services ainsi que sur les employés et le contrôle canadien. J'ai bien aimé. Il se peut que nous vous réinvitions parce qu'au moment où nous nous parlons, la proposition d'Onex évolue, et j'ai donc la certitude que d'ici le 8 novembre, Air Canada va bouger aussi.

Ça doit être pas mal embrouillé pour les actionnaires. Mais je dois dire franchement que les actionnaires qui achètent des actions d'Air Canada ou de Canadien ne m'intéressent pas. Je m'intéresse aux actionnaires que sont les Canadiens, qui s'en remettent essentiellement à nous pour garantir qu'ils auront des prix et une concurrence équitables, que les employés seront protégés, et surtout que les régions périphériques seront desservies.

Vous dites que cela va constituer en fait un monopole, si ces deux lignes aériennes fusionnent. Dites-moi si, dans la vraie vie, un monopole effectif peut vraiment garantir des prix équitables, parce que les Canadiens en ont vraiment assez des tarifs aériens qui sont déjà élevés; de la concurrence; et de la capacité, particulièrement pour les transporteurs régionaux ou les régions de notre pays. Et est-ce qu'un monopole peut vraiment protéger ces emplois? À moins d'avoir des garanties blindées dans une loi, comment un monopole effectif peut-il garantir le maintien des emplois?

M. Rod White: C'est d'ailleurs le mandat du comité. On ne peut demander à une entreprise en situation de monopole de ne pas profiter de cette situation.

Cela étant dit, on peut demander aux deux compétiteurs de se prononcer sur des questions d'intérêt public. Quels principes seraient plus susceptibles de les amener à agir de manière volontaire, et dans quelle mesure?

• 1600

Les Canadiens et leur gouvernement doivent ensuite pouvoir faire le suivi des positions exprimées. On ne peut se fier uniquement aux bonnes intentions, ou aux intentions déclarées du transporteur principal fusionné, pour la mise en oeuvre des positions exprimées.

M. Joe Fontana: Alors en plus des engagements pris par une entreprise envers les actionnaires de l'autre, il doit y avoir une autre étape, celle des engagements visant les cinq points d'intérêt public, qui doivent faire l'objet d'un accord comportant des obligations, conclu avec les Canadiens ou avec le gouvernement du Canada. On y prévoirait une stabilisation ou une réduction des prix, une garantie de service pour certaines régions, des garanties d'emploi pour les personnes touchées, soit les employés de Canadien ou d'Air Canada. Vous dites que le gouvernement a besoin de garanties.

M. Rod White: Oui. Je ne connais pas les différents pouvoirs conférés par la loi aux entités en jeu, mais le transporteur dominant devrait certainement prendre des engagements et il doit y avoir un mécanisme permettant de s'assurer qu'ils sont respectés.

M. Joe Fontana: Vous avez parlé de la règle des 10 p. 100, que nous examinons. Vous avez dit que cette règle n'était pas utile, dans le cadre actuel, et qu'on aurait tort de conserver une limite de 10 p. 100 des actions par actionnaire.

M. Rod White: Oui. Ce n'était pas nécessairement une bonne politique publique, à l'époque de la privatisation d'Air Canada. D'ailleurs, comme je le soulignais dans mon exposé, cela peut avoir contribué aux problèmes des Lignes aériennes Canadien, puisque si Air Canada avait eu un actionnaire dominant, la rentabilité et la valeur des actions auraient été des facteurs plus importants que ce qu'on voit maintenant, dans la bataille intense et très compétitive avec Canadien.

M. Joe Fontana: Je suis content que vous parliez du contrôle canadien, puisque ce n'est pas une bonne façon de décrire la chose. Nous avons essayé de définir ce que serait un contrôle canadien effectif, puisqu'il est possible d'avoir un investissement étranger considérable, comme on nous l'a dit. Même dans la proposition d'Air Canada, l'alliance américaine met en jeu 900 millions de dollars, sans rien vouloir en échange. Elle ne veut pas de biens, elle ne veut rien du tout. C'est bien. De la même façon, quelqu'un d'autre—American Airlines, par exemple—aurait pu, plus tard, aider Canadien en lui accordant toutes sortes de choses de ce genre, pour accroître sa solidité.

Il y a la règle des 25 p. 100. Je sais que le gouvernement, ou du moins le ministre, prétend qu'il n'y en a pas. Si l'on élaborait de nouvelles politiques, pensez-vous que cette règle des 25 p. 100 visant la propriété étrangère...? On devrait peut-être l'appeler autrement. On pourrait parler d'investissements étrangers dans des entreprises appartenant à des Canadiens. Le Bureau de la concurrence a parlé de faire passer cette proportion de 25 p. 100 à 49 p. 100. Le gouvernement pourrait le faire tout de suite. Que pensez-vous de la règle des 25 p. 100 pour la propriété étrangère? Quel pourcentage de propriété étrangère ou d'investissement étranger peut-on permettre, tout en conservant un contrôle canadien? C'est essentiellement ce que nous voulons faire.

M. Rod White: Ce cas montre bien qu'il est difficile d'associer la participation dans l'entreprise et son contrôle. D'ailleurs, dans ces entreprises mondiales—je parle des alliances mondiales entre transporteurs aériens—, il y a tellement de types de relations qui vont au-delà de la participation financière que le contrôle effectif peut être exercé dans le cadre de ces autres types de relations. Les contrats de service et d'entretien et ce genre d'accords permettent une forme de contrôle substantiel qui n'a rien à voir avec la participation financière. Il est donc difficile de définir ce qu'est le contrôle et je ne pense pas qu'on puisse dire simplement qu'un nombre de parts puisse servir de définition.

M. Joe Fontana: Dans ce cas, est-il important d'avoir une règle de 25 p. 100 ou une règle quelconque relative au nombre de parts, si au bout du compte, c'est une entreprise canadienne, qu'on puisse définir comme entreprise canadienne, d'une façon ou d'une autre? Pourriez-vous nous éclairer sur la façon d'y arriver? Vous dites essentiellement que la règle des 25 p. 100 est ridicule ou inutile, puisqu'une emprise peut être exercée non pas en fonction du nombre de parts, mais en fonction de la dette, notamment.

M. Rod White: En pratique, il est très difficile d'instaurer des mécanismes qui permettraient de limiter la mainmise de participants étrangers dans cette industrie. C'est comme ça, en pratique. Ce serait très difficile.

Le président: Merci, monsieur Fontana.

Monsieur White, pouvez-vous penser à quelques façons d'y arriver sans cette règle des 25 p. 100?

M. Rod White: Désolé, monsieur le président. Des façons...

• 1605

Le président: Vous dites qu'au lieu de la règle des 25 p. 100, il y aurait d'autres façons de garantir un contrôle canadien. Pourriez-vous nous en donner des exemples?

M. Rod White: Il y a d'autres façons pour les entités étrangères d'exercer une emprise sur les lignes aériennes canadiennes. Le problème en fait, c'est qu'il y a tant de façons pour elles d'exercer cette emprise, que si le Parlement voulait les limiter, il lui faudrait essentiellement s'immiscer dans les petits détails des contrats commerciaux signés par des lignes aériennes canadiennes avec, dans la plupart des cas, leurs partenaires d'alliances mondiales.

Le président: Peut-être ai-je mal compris. Nous parlons de la règle des 25 p. 100 dont M. Fontana dit qu'elle protège, qu'elle donne le contrôle des lignes aériennes à des Canadiens. Vous dites à M. Fontana que la règle des 25 p. 100 n'est pas nécessaire et qu'il y a d'autres moyens de tenir les commandes des lignes aériennes, en dehors de cette règle de 25 p. 100.

M. Joe Fontana: De ne pas avoir le contrôle.

Le président: Ou de ne pas avoir le contrôle.

M. Rod White: Je suis désolé s'il y a eu méprise au sujet des parties dont nous parlions.

Le président: Merci, monsieur White.

Monsieur Guimond, s'il vous plaît.

[Français]

M. Michel Guimond: Professeur White, j'aimerais vous remercier de votre présentation. J'accorde beaucoup de crédibilité à votre témoignage parce qu'en votre qualité de professeur d'université, vous n'êtes pas rémunéré par Canadien, Air Canada ou Onex. Vous êtes ce qu'on appelle habituellement devant les tribunaux un témoin expert.

J'aimerais avoir votre opinion sur le sujet suivant. On parle de la fusion de deux compagnies importantes au Canada, qui comptent, d'une part, 17 000 employés et, d'autre part, 20 000 ou 22 000 employés, selon les chiffres. Ce n'est pas une fusion de deux travailleurs autonomes ou de deux travailleurs indépendants qui décident de travailler ensemble sous une même raison sociale. C'est une fusion importante.

Tout à l'heure, à 14 h 55, le président d'Onex, dans une contre-proposition qu'il faisait, soulignait qu'à son avis, on devait procéder rapidement et que le gouvernement ne devait pas soumettre sa proposition à l'examen du Bureau de la concurrence si elle était acceptée par les actionnaires d'Air Canada. Professeur White, à titre de citoyen canadien et à titre de témoin expert, vous comprenez très bien ce qu'Onex demande. Onex demande une certaine forme de fast track.

[Traduction]

Le président: Monsieur Guimond, une petite correction...

[Français]

M. Michel Guimond: Oui.

[Traduction]

Le président: ... la proposition, une fois acceptée par les actionnaires, sera examinée par le Bureau de la concurrence et l'Office des transports du Canada. C'est ce qu'a dit le ministre.

[Français]

M. Michel Guimond: M. Schwartz a demandé le fast track. Il a demandé que les choses soient examinées rapidement au Bureau de la concurrence.

[Traduction]

Le président: Il peut dire ce qu'il veut, mais le ministre a déclaré qu'il y aurait un examen complet par le Bureau de la concurrence de même que par l'OTC.

[Français]

M. Michel Guimond: En tout cas, quel est le rôle du Bureau de la concurrence? Estimez-vous que, pour une transaction aussi importante que celle-là, le Bureau de la concurrence devrait jouer son rôle de façon efficace? Vous avez vu mardi que le ministre pense à s'arroger des pouvoirs extraordinaires de réglementation et de dépôt de projets de loi qui pourraient diluer ou affecter le rôle du Bureau de la concurrence. Les consommateurs du Canada doivent-ils s'assurer que le Bureau de la concurrence puisse jouer pleinement et efficacement son rôle?

[Traduction]

M. Rod White: Les propositions qui ont été faites créent réellement un transporteur monopoliste pour le service voyageurs régulier au Canada. C'est pourquoi elles devraient faire l'objet d'un examen approfondi par le gouvernement du Canada et par ses organismes.

• 1610

La promotion de la concurrence devrait à mon avis être l'un des principes essentiels à considérer. Si nous avons cinq principes, celui-ci devrait avoir la priorité. Il revient au ministre, au Parlement et à votre comité de choisir la marche à suivre par le gouvernement pour cet examen.

[Français]

M. Michel Guimond: Professeur White, en répondant à une autre question, vous avez donné l'exemple de US Airways qui avait fusionné, si ma mémoire est bonne, avec Piedmont Airlines. Prenons l'exemple des pilotes. Est-ce que les deux groupes de pilotes étaient syndiqués auprès de la même organisation syndicale? Je devine la réponse, mais je vais vous expliquer où je veux en venir.

Entrevoyez-vous certaines difficultés—vous en avez un peu parlé—quant à la fusion des listes d'ancienneté lors d'une éventuelle fusion de Canadien et d'Air Canada, particulièrement au niveau des pilotes? D'une part, les pilotes d'Air Canada sont syndiqués auprès de l'APAC. Leur convention collective comporte des dispositions très claires précisant qu'en cas de fusion, les nouveaux pilotes seront inscrits au bas de la liste d'ancienneté. D'autre part, les pilotes de Canadien sont syndiqués auprès de CALPA. Prévoyez-vous des problèmes quand viendra le moment de fusionner les listes d'ancienneté?

[Traduction]

M. Rod White: Je vous signale que je suis spécialiste des stratégies et non des relations de travail. Je crois toutefois qu'on peut régler ce problème. Dans l'ensemble, il y aura certainement des problèmes, mais ils ne sont pas impossibles à régler. Dans la mesure où les parties en cause prennent des engagements envers les actionnaires—comme on le voit de plus en plus, elles clarifient leurs positions sur les politiques pour le gouvernement du Canada et pour ce comité—, je crois qu'elles négocient aussi avec les syndicats. Ce faisant, les parties trouveront des solutions, sinon optimales, du moins acceptables pour tous, pour les questions dont vous avez parlé, comme l'ancienneté relative et les listes d'ancienneté. Ce genre de questions surgit toujours en cas de fusion, mais ce n'est pas un problème insurmontable.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Guimond.

Monsieur Comuzzi, s'il vous plaît.

M. Joe Comuzzi: Merci, monsieur le président.

Monsieur White, j'ai été très impressionné par votre exposé et plus particulièrement par votre façon de faire le point pour vous. Comme quelqu'un l'a dit plus tôt, le contexte historique nous aurait beaucoup aidés au cours des deux ou trois derniers jours dans l'évaluation que nous essayons de faire. Je ne sais pas très bien encore ce que nous essayons de faire, mais nous y viendrons bien un jour.

Je n'accepte pas cette idée qu'on nous répète souvent, soit qu'on finira par avoir un transporteur dominant. Lorsque j'entends «transporteur dominant veut dire monopole», il n'y a pas... Je crois que vous en avez parlé.

Je suis encore optimiste. Il faudra bien un jour que Canadien et Air Canada, les deux lignes aériennes du Canada qui sont censées agir dans l'intérêt de tous les Canadiens, se parlent pour s'entendre, sans ingérence de la part du gouvernement ou de tierces parties.

Cela étant dit, vous avez omis une question: s'il devait y avoir un transporteur dominant—et il doit y avoir de la concurrence dans l'industrie aérienne—, le cabotage pourrait être une solution permettant la concurrence au sein du réseau aérien canadien. J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet.

• 1615

M. Rod White: Au sujet du cabotage, il y a beaucoup de questions connexes. La plus importante est peut-être celle de la réciprocité, et c'est une question qu'on a déjà soulevée devant le comité. Si on donne aux transporteurs aériens l'accès au Canada sans que les transporteurs canadiens aient un accès réciproque aux États-Unis, on n'a pas une position de négociation enviable, s'il s'agit de négocier des ententes d'échange de services internationaux. Je pense que c'est le principal problème.

À mon avis, un transporteur dominant au Canada, né de la fusion des Lignes aériennes Canadien et d'Air Canada, pourrait probablement survivre même si des droits de cabotage complets étaient accordés, en ayant un accès réciproque aux États-Unis.

M. Joe Comuzzi: La réciprocité serait donc le critère servant à analyser...

M. Rod White: Sans la réciprocité, les transporteurs canadiens seraient désavantagés, puisque les transporteurs américains auraient des droits de cabotage au Canada alors que notre transporteur, le transporteur canadien dominant, n'aurait pas l'accès réciproque aux États-Unis. La réciprocité prend alors beaucoup d'importance.

M. Joe Comuzzi: Merci.

Une dernière question, monsieur le président, d'un ordre plus philosophique. C'est ce que nous faisons à l'école, n'est-ce pas?

On nous a parlé de réciprocité, ainsi que de l'acquisition de liaisons internationales pour les deux principaux transporteurs. Pour ce qui nous intéresse, si nous, en tant que gouvernement, accordons ce que j'appellerais le privilège d'aller dans certains secteurs, un privilège négocié par le gouvernement du Canada, et que ce privilège n'est plus utilisé ou ne peut plus l'être, devrait-il alors, puisqu'il a été donné par les Canadiens, revenir aux Canadiens? Devrait-il plutôt être vendu sur le marché, ouvertement? Je parle de la générosité gouvernementale.

M. Rod White: Oui, c'est une question intéressante de droits de propriété. Je répondrais que si le gouvernement a vendu ces droits au départ, ils sont la propriété de l'acheteur. Comme le gouvernement les a donnés gratuitement, on peut se demander s'ils doivent lui revenir, comme vous disiez, ou s'ils étaient sans valeur, ou de valeur minime, lorsqu'ils ont été offerts à cette partie.

Je pense qu'il faudrait examiner chaque cas séparément. Nous parlons de liaisons internationales. Pendant les premières années, les transporteurs aériens sont souvent prêts à essuyer des pertes, pour séduire le marché. Quelle était la valeur de ces droits lorsque le gouvernement les a offerts aux transporteurs? C'est une question intéressante. Si le gouvernement leur avait demandé de payer pour ces liaisons, s'il y avait eu un appel d'offres et un marché pour elles, nous pourrions répondre à la question, mais ce n'est pas le cas.

Le président: Merci, monsieur Comuzzi.

Madame Desjarlais, s'il vous plaît.

Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): J'aimerais formuler un commentaire puis poser quelques questions.

Vous dites que ce qui s'est produit était imprévisible. Que je sache, pourtant, le genre de scénario que nous voyons aujourd'hui avait été prévu par bon nombre de personnes et de groupes, au moment de la déréglementation.

Vous avez aussi signalé qu'il y avait eu beaucoup de confrontations entre les deux lignes aériennes, pendant une bonne période de temps, et que le gouvernement a choisi de ne rien faire. Quel type de mesures aurait-il pu prendre à l'époque?

M. Rod White: C'est une question très délicate. Vous parlez de la nature de relations concurrentielles entre deux entreprises; on comprendra que le gouvernement hésite à intervenir dans ce genre de situation.

Mme Bev Desjarlais: J'aimerais connaître votre opinion. Vous avez dit que le gouvernement n'avait rien fait officiellement.

M. Rod White: C'est exact.

Mme Bev Desjarlais: Quel type de mesures aurait-il donc pu prendre, à votre avis, dans cette situation?

M. Rod White: Il aurait pu faire comprendre des choses à Air Canada, et a peut-être essayé de le faire. Il faut savoir que dans ce contexte, que je sache, le gouvernement n'a pas beaucoup de pouvoirs qu'il puisse exercer directement. Je dirais—et j'ai bien dit d'ailleurs—qu'Air Canada avait adopté des pratiques abusives, mais je ne crois pas que cela puisse faire l'objet de poursuites en vertu de nos lois sur la concurrence. Le gouvernement a donc du mal à trouver des mesures à prendre.

• 1620

Mes commentaires se rapportaient particulièrement à la demande faite à l'époque par les Lignes aériennes Canadien pour le rétablissement des règlements. Il aurait s'agit là d'une décision importante et précipitée de la part du gouvernement.

Mme Bev Desjarlais: Vous avez aussi déclaré que le retour de la réglementation aurait assuré la rentabilité des deux lignes aériennes et je me demande bien pourquoi on continue d'en discuter. Si on a des craintes pour la concurrence lorsqu'il n'y a qu'une seule ligne aérienne, vous avez déclaré, avec la sagesse qui découle de vos connaissances, qu'un retour de la réglementation garantirait la rentabilité des deux lignes aériennes. Nous avons aussi entendu des témoins qui affirment, au contraire, que la déréglementation était la solution, et parmi eux, le Bureau de la concurrence, qui estime que la position des Lignes aériennes Canadien témoigne de sa réussite.

M. Rod White: Puis-je répondre?

Dans mon exposé, je voulais faire comprendre que ces entreprises ont fait des choix qui ont donné le résultat actuel et qu'elles auraient pu faire d'autres choix. Je pense que le comité doit maintenant se demander si nous allons récompenser ce genre de comportements des entreprises qui ont eu pour résultat la situation actuelle. À cause d'eux, nous sommes maintenant devant le fait accompli: il y aura un monopole. Je crois que le Parlement doit réfléchir très soigneusement à la question, puisqu'en récompensant un comportement anticoncurrentiel, on l'encourage. Le rétablissement de la réglementation ou la réglementation d'un transporteur dominant pourrait être une des solutions stratégiques pour le gouvernement, et il sera peut-être obligé de l'envisager, étant donné les circonstances actuelles, mais les choses auraient pu être bien différentes.

Mme Bev Desjarlais: Mais ce n'est pas ce qui s'est passé, et la situation a duré des années, au point qu'on y a investi de l'argent, que les employés ont accepté des compressions salariales, et que nous vivons avec angoisse la situation actuelle, simplement parce qu'on a dit que la déréglementation était une panacée. Si un retour de la réglementation nous permettait d'imposer à tous les transporteurs quels qu'ils soient, pas seulement les transporteurs dominants, des règles qu'ils doivent respecter s'ils ne veulent pas subir de conséquences, pourquoi ne le faisons-nous pas? Pourquoi risquons-nous d'avoir un transporteur aérien en situation de monopole, si on peut l'éviter?

Le président: Le reste du monde a un transporteur aérien en situation de monopole.

Mme Bev Desjarlais: Non, je comprends le commentaire de ce monsieur...

Le président: Silence. Un peu de discipline: posez votre question au témoin, et votre tour sera terminé.

Mme Bev Desjarlais: Bien, voici ma question: Pourquoi ne pouvions-nous l'envisager? Pourquoi ne pas envisager le rétablissement de la réglementation?

M. Rod White: Je pense que le retour de la réglementation doit être envisagé avec l'émergence d'un transporteur dominant. La structure de cette nouvelle réglementation est une question intéressante en soi, que le gouvernement et le Parlement du Canada décident ou non de réglementer le transporteur dominant né de ce processus ou qu'il choisisse d'imposer la réglementation à l'ensemble du secteur.

Le président: Merci, monsieur White.

Monsieur Dromisky, s'il vous plaît.

M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Ce que vous avez dit au sujet de la concurrence m'intéresse beaucoup, monsieur White: vous disiez que c'était prioritaire. Pourtant, voici deux entreprises qui se sont livré une réelle concurrence pendant quelques années, une concurrence qui nous a menés dans le pétrin actuel.

On pourrait avoir un monopole dominant, puis une autre entreprise pourrait faire son chemin petit à petit, et être concurrentielle. Tôt ou tard, l'entreprise dominante, ou l'une d'entre elles, celle qui réussit le mieux, détruira l'autre, et nous nous retrouverons exactement au même point qu'aujourd'hui. C'est un cercle vicieux, n'est-ce pas? Rien ne l'arrêtera, à moins qu'une loi soit adoptée pour éviter ce genre de destruction cyclique qu'apporte la concurrence entre deux principaux transporteurs.

Le ministre a énoncé cinq principes que vous connaissez puisque vous en avez parlé. Vous donnez la priorité à la concurrence, mais les autres m'intéressent beaucoup aussi, surtout les tarifs pour les consommateurs.

• 1625

En vous écoutant, j'ai compris que les deux propositions avaient leurs points faibles. Des faiblesses que nous n'avons pas vues parce que le comité n'a pas posé les bonnes questions aux représentants des deux entreprises, qui ont eux-mêmes évité de nous présenter certains renseignements et un point de vue différent se rapportant à ces cinq principes dont vous nous avez parlé aujourd'hui.

Je suis donc assez mal à l'aise. Je me dis: «Dromisky, ne leur fait pas confiance». Peut-être qu'il faut chercher encore beaucoup plus d'informations pour avoir un portrait complet de ce que propose vraiment chacune de ces entreprises à nous-mêmes et au public canadien.

Étant donné ce que vous avez dit et ce que tout le monde dit, j'ai l'impression... Je sais que vous avez suivi de près ce dossier. Est-ce qu'il y a du vrai là-dedans?

M. Rod White: Vous dites?

M. Stan Dromisky: Pensez-vous qu'il y a du vrai dans ce que j'ai dit?

M. Rod White: Je comprends bien vos observations. Les déclarations faites par les deux entreprises étaient, du moins au départ, et on le comprend, surtout à l'intention des actionnaires. Mais il faut aussi tenir compte de l'intérêt public et des cinq principes qui ont été énoncés. On peut raisonnablement s'attendre à ce qu'ils se prononcent au sujet de ce qu'ils feront des cinq principes. Et dans une certaine mesure, c'est ce qu'ils font. Mais si le comité peut clarifier davantage ces principes, cela donnerait un coup de pouce au processus, parce qu'il serait souhaitable que les entreprises dont nous parlons soient prêtes à traiter de ces principes de manière volontaire. Il faudrait aussi qu'elles réfléchissent à la façon dont on pourra faire le suivi et l'application de ces principes.

Le Parlement doit donc en décider, mais je crois qu'il est important que les entreprises compétitrices, les parties en cause, se prononcent sur ces questions et ces principes.

M. Stan Dromisky: Je suis préoccupé, monsieur White... Je ne suis pas conseiller juridique en entreprise. Je sais qu'il y a toutes sortes de règles à respecter dans ce milieu et que s'il y a un monopole, on peut en fonction de ses propres raisonnements et de ses propres codes trouver moyen de dire: «Désolé, mais il faudra annuler les vols vers ces cinq localités. Voici les faits. Nous ne pouvons conserver ces vols.» Et nous ne pouvons rien faire. Les affaires sont les affaires. Pourquoi envoyer un avion dans cette localité simplement parce que le chef de la direction de l'une des compagnies aériennes a dit qu'il fallait envoyer un avion dans chaque localité qui a actuellement les services? Un jour ou l'autre, il pourrait bien n'y avoir qu'un ou deux passagers par semaine, et on nous dira: «Tant pis, on ne peut plus garder ce vol». Pourtant, cette décision sera contraire à ce qu'on nous aura affirmé et à ce que nous avons accepté comme l'honnête vérité.

M. Rod White: Pour répondre à votre question, je crois que les parties en cause réagissent à l'intérêt public selon la définition qu'en ont donné votre comité et le ministre des Transports. Il serait toutefois souhaitable qu'ils précisent cette notion et qu'ils fournissent une certaine orientation, des idées tenant compte de leur perspective, pour arriver à appliquer ce principe, puisque l'application pourra poser un problème.

Comme je l'ai déjà dit, je ne crois pas qu'on puisse se fier seulement... Comme vous l'avez dit, les situations peuvent changer et les parties expliqueront pourquoi il est nécessaire de modifier l'accord. Tout accord conclu entre le transporteur dominant et le gouvernement du Canada pour protéger l'intérêt public devra contenir une disposition prévoyant des modalités de révision, car les choses ne sont pas immuables. Cet accord devra toutefois établir un juste milieu entre l'intérêt public et l'intérêt commercial de ce transporteur prédominant. En réalité, il s'agit d'un retour à la réglementation.

Le président: Merci, monsieur White.

Monsieur Casey, s'il vous plaît.

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Vous dites que ce sont les décisions commerciales des sociétés qui nous ont menés à la situation actuelle et le ministre dit qu'il laissera la décision au marché. C'est intéressant. Je ne saurais dire toutefois si c'est de bon augure ou non.

• 1630

Il semble y avoir deux enjeux principaux. D'une part, la politique publique pour desservir le pays et d'autre part, les décisions commerciales. Il semble que ce sont les décisions commerciales qui régissent la politique publique. Ce devrait être le contraire, à mon avis. Il faudrait d'abord établir la politique publique et les positions ou autres transactions devraient être adaptées de façon à respecter cette politique. Dans les faits, c'est le contraire: les promoteurs établissent la politique publique, ou encore la politique publique est adaptée aux voeux des promoteurs.

Qu'en pensez-vous? Lequel devrait venir en premier? Le principe puis la proposition, ou la proposition puis le principe?

M. Rod White: C'est une question intéressante à laquelle j'ai d'ailleurs personnellement réfléchi. Vous avez raison: d'après la démarche proposée, il semble que les actionnaires décideront de la proposition qu'ils préfèrent et que le gouvernement du Canada devra ensuite décider si cette proposition respecte l'intérêt public.

Lorsqu'on propose la création d'un monopole—et dans ce cas-ci il y a deux offres pour former ce monopole—, on peut dire qu'il faudrait accorder la primauté à l'intérêt des Canadiens. Les représentants du gouvernement devraient choisir laquelle des deux propositions correspond le mieux à l'intérêt public, puis les actionnaires décideraient s'ils sont d'accord.

Je le dis avec une certaine réticence, puisque je suis professeur dans une école de commerce et que cela va à l'encontre de mon inclination naturelle.

Ce qui est particulier, dans ce cas-ci, c'est que nous avons deux promoteurs qui veulent tous les deux créer un transporteur dominant, un monopole de fait. Il faudrait d'abord protéger l'intérêt public, avant de protéger l'intérêt des actionnaires.

M. Bill Casey: Le problème, c'est que lorsqu'on parle aux représentants des deux sociétés aériennes, ils manifestent un très vif intérêt lorsqu'on parle de Heathrow, de Rome et de Tokyo, un intérêt moyen lorsqu'on parle de Chicago et de Los Angeles et une absence totale d'intérêt lorsqu'on parle de Halifax ou de St-Jean, Terre-Neuve. C'est pourtant une question d'intérêt public et il faudrait qu'il y ait une politique publique.

En fait, si l'on s'en remettait aux forces du marché, je ne crois pas qu'il y aurait beaucoup de transport aérien régional. J'ai l'impression que cela n'intéresse pas les sociétés aériennes. Elles offrent ce service parce qu'elles n'ont pas le choix. Je n'ose pas imaginer ce qui se passerait s'il fallait s'en remettre entièrement aux décisions commerciales.

M. Rod White: Je vous ferai remarquer qu'aux États-Unis, l'un des transporteurs les plus prospères est la Southwest Airlines. Cette société n'offre pas de vol vers Tokyo, non plus que vers Rome ou vers Heathrow. Et pourtant, d'après les profits qu'elle réalise et la valeur croissante de ses actions, c'est la société aérienne la plus florissante des États-Unis, dans les quinze dernières années.

Dans une certaine mesure, il est plus flatteur pour l'ego d'un gestionnaire de diriger un transporteur international qu'un transporteur national même très prospère, comme Southwest.

M. Bill Casey: Je suis entièrement d'accord avec vous. On peut tirer de nombreux parallèles avec ce que font les banques au Canada. Elles ne s'intéressent plus aux petites succursales. Comme vous l'avez sans doute lu dans les annonces récentes, elles vont fermer des petites succursales dans les petites collectivités. Mais elles veulent faire concurrence sur le marché mondial, et c'est en grande partie une question de personnages.

J'aimerais revenir à un élément que vous avez mentionné. À l'heure actuelle, nous ne nous intéressons qu'à la possibilité d'un transporteur dominant. Mais vous avez dit précédemment qu'il y a d'autres solutions. Quelles sont-elles? Si le gouvernement vous donnait carte blanche pour déterminer la structure la mieux adaptée pour l'aviation au Canada, que feriez-vous? Quelle serait votre politique?

M. Rod White: Il est difficile de répondre à cette question, puisque nous n'avons pas carte blanche.

M. Bill Casey: Mais en supposant que ce soit le cas, que feriez-vous?

M. Rod White: Vous devriez d'abord m'expliquer ce que vous entendez par «carte blanche».

M. Bill Casey: Eh bien, supposons qu'aucune proposition n'ait été faite. Nous sommes dans la situation actuelle—une société aérienne en difficulté et l'autre relativement prospère—, mais nous disposons d'une année pour régler le problème, et non de 90 jours. Quelle stratégie serait la mieux adaptée pour protéger l'intérêt public et les intérêts commerciaux? Y aurait-il deux sociétés aériennes? N'y en aurait-il qu'une? Y aurait-il cession régionale des sociétés aériennes, ou autre chose?

• 1635

M. Rod White: Il devrait y avoir une concurrence quelconque, si nous pouvions résoudre le problème de cette façon. On peut voir la chose sous bien des angles, mais on ne peut pas vraiment parler de concurrence efficace entre une société faible et endettée, comme Canadien, et une société plus forte, comme Air Canada. Air Canada pourrait, si elle le voulait, acculer Canadien à la faillite. Pour avoir une concurrence efficace, il faudrait avoir au moins deux sociétés viables et plus fortes.

Je ne vois pas très bien comment nous pourrions créer ce genre de concurrence avec ce que nous avons maintenant. Toutefois, le Bureau de la concurrence a, dans la lettre qu'il a envoyée au ministre, énoncé certains principes qui, avec le temps, permettraient de rétablir la concurrence.

Il serait même concevable d'aller plus loin encore que ce que propose le Bureau de la concurrence à certains égards. Air Canada a proposé de conserver la société aérienne Canadien et de l'exploiter comme une société distincte. Puisque c'est elle qui à bien des égards a provoqué la situation actuelle, serait-il envisageable d'obliger Air Canada à redynamiser la société Canadien sur une période cinq ans pour en faire après cette période un concurrent distinct?

Cela poserait sans doute de nombreuses difficultés, mais c'est une possibilité. Dans un tel cas, on demanderait à Air Canada de protéger l'intérêt public en recréant un concurrent et un climat de concurrence.

M. Bill Casey: Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Casey.

Cher collègues, c'est mon tour.

Monsieur White, je tire un double message de vos propos. Si je me rappelle bien, vous avez dit dans votre exposé que les Américains ont déréglementé le transport aérien et que cela a posé certaines difficultés. Vous dites également que nous accusons un retard important par rapport aux États-Unis dans la déréglementation du transport aérien et que, maintenant que les choses ont retrouvé leur place, il y a aux États-Unis une bonne concurrence dans ce secteur, un équilibre entre les intervenants qui se portent tous bien. C'est ce que vous avez dit, n'est-ce pas?

M. Rod White: Je n'irais pas jusqu'à dire qu'ils se portent tous bien.

Le président: La plupart, en tout cas.

M. Rod White: Mais l'industrie est...

Le président: Il y en a plus de deux qui se portent bien.

M. Rod White: C'est vrai.

Le président: Très bien.

Mais dans vos réponses aux questions de Mme Desjarlais, qui préconise clairement un retour à la réglementation de l'industrie, vous avez dit que vous souhaitez plutôt l'inverse. Le gouvernement du Canada devrait examiner une transaction qui relève foncièrement du secteur privé et élaborer une transaction pour le secteur privé dont décideraient ensuite les actionnaires. Les actionnaires pourraient décider qu'ils acceptent ou qu'ils rejettent la transaction proposée par le gouvernement.

Mais quelqu'un devra payer la facture. Dans une industrie à nouveau réglementée, on pourrait demander à une société aérienne d'offrir une liaison entre Halifax et Terre-Neuve, mais comme il s'agit d'une société privée, elle doit prendre ses décisions en fonction de considérations économiques. Si elle décide que cette liaison n'est pas rentable, elle refusera d'offrir le service. Elle dira au gouvernement qu'elle est bien d'accord pour que le transport aérien soit à nouveau réglementé et pour offrir le service de Halifax à Terre-Neuve, mais que le billet sera de 860 $. Elle offrira le service, mais c'est le client qui paiera.

Je ne crois pas que le gouvernement et les contribuables canadiens soient encore intéressés à subventionner des sociétés aériennes privées au Canada. Les contribuables demandent aux sociétés de trouver les meilleures solutions possible puisque le gouvernement du Canada examinera ensuite ces solutions pour dire si elles conviennent ou s'il faut accorder une plus grande protection aux employés, offrir un meilleur contrôle, etc.

Pourquoi n'existe-t-il pas une solution pour exiger d'une société aérienne en situation de monopole ou d'un transporteur dominant—je suis persuadé qu'il y aura beaucoup de concurrence et je préfère donc parler de transporteur dominant plutôt que de monopole... En fin de compte, c'est le gouvernement fédéral qui a le gros bout du bâton car c'est lui qui autorisera ou non le transporteur dominant à exploiter des liaisons vers Singapour ou vers d'autres destinations internationales.

• 1640

Puisqu'à l'heure actuelle il n'y a qu'une société aérienne, et non deux, cela signifie que le transporteur dominant pourra exploiter toutes ces liaisons internationales—et remplir allégrement ses coffres. Si ce transporteur gagne beaucoup d'argent, il est alors en mesure de subventionner le service entre Halifax et Terre-Neuve. N'est-ce pas une possibilité?

M. Rod White: C'est de cette façon que la réglementation fonctionnait avant 1985, je crois. Il y avait des ententes avec les transporteurs qui offraient des vols internationaux et des vols nationaux ou qui exploitaient des liaisons lucratives au Canada, afin qu'ils offrent également leurs services vers les destinations canadiennes moins lucratives. Il y avait en effet un interfinancement entre liaisons lucratives et non lucratives, en fonction de critères purement économiques.

Ce genre de principe mène en fait au retour de la réglementation, puisqu'on ne laisse plus les transporteurs décider des liaisons qu'ils exploiteront en fonction de la concurrence ou d'un libre choix. Il s'agit de négocier quelles liaisons lucratives seront consenties en contrepartie de services vers des destinations non lucratives. La réglementation antérieure ne s'appliquait pas seulement aux liaisons internationales mais aussi aux liaisons nationales plus lucratives.

Je ne sais pas si cela répond à votre question, monsieur le président.

Le président: Je vais avoir besoin de précisions, de vous et d'autres également, sur ce qui constitue un règlement et ce qui constitue une obligation contractuelle entre le gouvernement et la société aérienne qui sera le seul transporteur.

Merci, monsieur White.

Monsieur Fontana.

M. Joe Fontana: Merci, monsieur le président.

Monsieur White, l'ultime paradoxe ne serait-il pas que les deux sociétés qui existent sous le régime de la politique actuelle—une politique gouvernementale qui existe depuis bon nombre d'années, qui a été appliquée par deux gouvernements et qui donnait de bons résultats, à mon avis, jusqu'à ce que les forces du marché et le comportement des deux sociétés nous mènent à la situation actuelle—se réunissent pour n'en former qu'une et que le gouvernement, dans un revirement, décide qu'il faille de nouveau en avoir deux?

Joe Comuzzi l'a dit avant vous. En fait, parmi les critères appliqués par le Bureau de la concurrence pour évaluer l'offre ultime, celle qui est acceptée par les actionnaires puis présentée au gouvernement, il est un peu question de cession des transporteurs régionaux ou de l'équipement en surplus aux nouveaux arrivés sur le marché, etc.

Nous allons devoir examiner cette politique publique, car comme l'a si bien dit Bill Casey, comme bon nombre d'entre nous, il faut d'abord qu'il y ait une politique publique, ensuite on voit venir.

Permettez-moi de revenir à cette question de la carte blanche. Notre marge de manoeuvre actuelle est-elle trop faible? Qu'il s'agisse d'un transporteur dominant ou d'un monopole, nous nous retrouverons en fin de compte avec un transporteur plutôt que deux. Il y aura toujours des transporteurs régionaux et des sociétés de transport à rabais et il y aura toujours des créneaux commerciaux ici et là. Mais si l'on suppose que ce transporteur dominant sera en fait en situation de monopole, comme vous l'avez dit et comme certains d'entre nous le croient, comment pourrons-nous avoir une concurrence suffisante qui décidera, en fin de compte, des prix et des services? Comment pourrons-nous avoir cette concurrence si la marge de manoeuvre est si faible?

Vous avez abordé la question du cabotage avec Joe et vous avez dit qu'il serait évidemment ridicule d'accepter un cabotage unilatéral. L'accord «Ciel ouvert» a été conçu de façon à être mutuellement profitable et en fin de compte, les Canadiens en retirent peut-être davantage que les Américains, puisqu'ils occupent 60 p. 100 de ce marché «Ciel ouvert».

Pourquoi serait-il impossible de négocier un accord réciproque pour le cabotage? De cette façon, le marché ne se limiterait pas seulement au Canada mais couvrirait toute l'Amérique du Nord, ce qui permettrait d'obtenir une concurrence au Canada. Les consommateurs en bénéficieraient. Des voyageurs de London, en Ontario... Je me trompe peut-être, mais je ne suis pas d'accord avec vous. Ce que les Canadiens veulent, à mon avis, ce sont de bons prix. Peu leur importe de voler sur Air Canada, sur Canadien, sur Northwest, sur Southwest, sur United ou sur American. Ils s'en fichent pas mal s'ils peuvent avoir des services dans leurs collectivités et que les billets coûtent moins cher.

• 1645

Je vais vous demander de compléter la réponse que vous avez faite à Joe sur le cabotage, mais dans l'optique de la concurrence. Si le terme «cabotage» provoque l'hystérie générale, parlons alors d'un autre genre d'accord, par exemple la coprésidence d'un organisme quelconque, ou un marché nord-américain, par opposition à un marché uniquement canadien, dans lequel les clients seraient rois, plutôt que les actionnaires. Je suis inquiet de voir que l'on essaie de défendre les intérêts des actionnaires plutôt que ceux des vrais actionnaires, c'est-à-dire le public canadien, qui réclame des services et des prix à peu près raisonnables.

M. Rod White: À mon avis, le cabotage illimité—c'est-à-dire un cabotage illimité réciproque—serait souhaitable. Cela favoriserait la concurrence. Comme vous l'avez dit, le client serait roi dans un tel régime.

Je ne sais pas quelles opinions le comité a demandées au sujet de l'actuel...

M. Joe Fontana: On nous a dit d'éviter cette question à tout prix...

Des voix: Oh, oh!

M. Joe Fontana: ... mais nous allons l'examiner et en parler néanmoins.

M. Rod White: Très bien. Je comprends. Mais si vous voulez poser des questions à ce sujet, vous devriez peut-être vérifier ce qu'il en est auprès des autorités intéressées qui négocient, dans ce cas-ci, avec les autorités américaines du transport. Il y a bien longtemps que je n'ai pas traité de cette question, mais la dernière fois, je crois savoir que les deux parties étaient intéressées à discuter du cabotage—chacune pour leurs propres raisons. En fait, le cabotage avec les transporteurs européens est un enjeu important pour les États-Unis et je ne suis pas certain que les Américains voudront résoudre cette question avec le Canada tant qu'ils ne l'auront pas réglée avec les Européens.

M. Joe Fontana: Mais il existe une autre forme de cabotage. Je vais vous l'expliquer.

Supposons que quelqu'un veuille se rendre à sa destination au plus bas prix possible et, peut-être, aussi rapidement que possible. Supposons, par exemple, que vous partiez de Toronto pour aller à Los Angeles. Vous pouvez prendre un vol de Toronto jusqu'à Chicago et acheter un autre billet, de Chicago pour Los Angeles, plutôt que de partir d'un aéroport canadien, comme Toronto, pour aller directement à Los Angeles. Certains voyageurs le font, mais ils doivent acheter deux billets, puisqu'il est illégal d'acheter un seul billet pour deux transporteurs afin de voyager à un meilleur prix.

Cela se fait, mais de façon détournée. Je ne sais pas si c'est très fréquent, mais cela se produit, n'est-ce pas?

Le président: Mais le cabotage n'est pas international. Le cabotage dont nous parlons et qui nous préoccupe c'est celui qui se fait lorsqu'une société américaine arrive au Canada et transporte des passagers de Vancouver vers Toronto ou de Toronto vers Montréal, pour s'en retourner ensuite chez lui.

M. Joe Fontana: Oui, mais la réciproque est vraie. Un transporteur canadien qui se rend en Floride ou ailleurs pourrait faire la même chose.

M. Rod White: Je dirai seulement que quelle que soit la forme de cabotage, qu'il s'agisse d'un cabotage à part entière ou d'un cabotage modifié, l'essentiel, c'est qu'il y ait réciprocité entre le Canada et les États-Unis.

M. Joe Fontana: C'est bien certain, et je ne suis pas suffisamment stupide pour croire que nous pourrions être les seuls à le faire.

M. Rod White: Ce que je propose au comité, c'est qu'il demande à son personnel d'examiner quelles ont été les dernières discussions à ce sujet entre le Canada et les États-Unis. Je soupçonne que ces discussions ne sont pas très avancées.

Le président: Merci, monsieur Fontana. Nous avons beaucoup de retard.

Val.

Mme Val Meredith: Je n'aurais jamais cru que je serais un jour d'accord avec Joe Fontana, mais quels que soient les modes de transport, ce dont nous discutons, c'est de la notion de frontière perméable. Il est donc à propos de discuter du cabotage et d'un marché continental, puisque c'est ce que l'on commence à envisager pour les différents modes de transport.

Permettez-moi de revenir à la question de la compétitivité, des sociétés aériennes régionales et de la garantie de l'offre de service. J'ai vécu 15 ans dans le nord de l'Alberta, où on a essayé d'établir un service aérien régulier. Cela n'a pas marché. Les gens n'étaient pas prêts à en payer les frais.

Il n'aurait pas été possible d'exiger que le service soit offert à cette collectivité car ça n'aurait pas été une bonne décision commerciale et ça n'aurait pas été raisonnable. Il n'y avait tout simplement pas suffisamment de voyageurs pour alimenter des vols nolisés ou des vols réguliers.

Mais il existait d'autres possibilités. D'autres transporteurs étaient prêts à offrir le service sur ce marché. WestJet, par exemple, est une bonne illustration de ce que des sociétés aériennes peu coûteuses peuvent exploiter des marchés qui sont ouverts, lorsque les gens ont besoin des services.

• 1650

Lorsqu'il y a un transporteur dominant, il faut se demander comment on peut empêcher ce transporteur de reproduire ce qui s'est fait par le passé, comme vous l'avez dit, d'agir comme prédateur—vous avez parlé de l'ego des gestionnaires, je crois—pour éviter de nous retrouver dans la même situation. Un transporteur dominant peut laisser une société dont les coûts sont moins élevés développer le marché et une fois que le marché est développé et que la demande est en place, le transporteur dominant se l'approprie. Il faut éviter ces situations.

Permettez-moi de revenir à ce que nous a dit le commissaire de la concurrence. Il a dit qu'il y avait trois éléments dans le retour à la réglementation.

Le premier de ces éléments est d'ordre contractuel. Dans les négociations au sujet de cette nouvelle société aérienne fusionnée, il faudrait imposer certaines obligations contractuelles. Le deuxième élément était une politique et le troisième était d'ordre législatif.

En ce qui concerne le réglementation, il nous a dit que le gouvernement doit être moins prêt à exercer son pouvoir de réglementation, doit éviter d'accroître le pouvoir décisionnel des autorités aéroportuaires ou de ceux qui attribuent les portes—les postes d'atterrissage, si vous voulez—aux aéroports et ainsi de suite.

Quand il a parlé de réglementation, il préconisait donc que le gouvernement se retire encore plus de cet aspect. Est-ce aussi ce que vous préconisez, ou préconisez-vous que le gouvernement intervienne davantage, qu'on revienne en arrière, et que le gouvernement réglemente l'industrie comme il le faisait au début des années 70 et dans les années 80?

M. Rod White: Si nous nous retrouvons avec un transporteur dominant, je crois qu'il faudra inévitablement une nouvelle réglementation de l'industrie afin de protéger les consommateurs sur le plan de la tarification et dans la mesure où la politique gouvernementale sera en cause, de même que l'accès au système du transport aérien des collectivités. Ce sont là autant de facteurs qui conduiraient à une nouvelle réglementation efficace s'appliquant à tout le moins au transporteur dominant.

Mme Val Meredith: Cela pourrait se faire par voie contractuelle plutôt que par voie législative?

M. Rod White: La voie que suivra le gouvernement du Canada pour instituer cette nouvelle réglementation est une des questions sur lesquelles votre comité doit justement se prononcer.

Mme Val Meredith: D'accord.

Le président: Monsieur Hubbard.

M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Monsieur le président, j'écoutais Joe, et je me demandais si nous ne portons pas des oeillères. Il me semble que la vision que nous avons du transport aérien au Canada suppose automatiquement qu'il faille se déplacer dans un aéronef qui soit la propriété d'une entreprise canadienne. Quand nous allumons la télévision, cependant, sur 50 chaînes qui sont offertes à nous, il y en a peut-être 10 ou 12 qui sont canadiennes.

Sur la porte là-bas, Bill, nous avons... Nous sommes le Comité des transports.

J'ai vérifié aujourd'hui ce qu'il en coûte pour se rendre en avion d'Ottawa jusqu'à l'aéroport de l'île de Toronto, comparativement à ce qu'il en coûte pour se rendre à Toronto avec VIA Rail. Il en coûte 250 $ aller-retour pour se rendre à Toronto en train, et le trajet est d'environ quatre heures. Le vol aller-retour entre Ottawa et l'aéroport de l'île de Toronto coûte plus de 600 $. Le prix est donc un facteur important.

Beaucoup d'entre nous ont fait allusion à ce que coûte le transport des voyageurs. Je n'ai pas vu votre curriculum vitae, et je ne sais pas si vos connaissances se limitent au transport aérien, mais quand on aborde la chose du point de vue des voyageurs, du transport des personnes...

Il y a quelques années de cela, le comité a étudié le dossier TGV, Michel.

Portons-nous des oeillères quand il s'agit de déterminer quels sont les objectifs du gouvernement relativement aux services qu'il convient d'offrir au public voyageur au Canada? Pourriez-vous me dire ce que vous en pensez?

M. Rod White: Je ne suis pas spécialiste du transport ferroviaire, de sorte que, quand il s'agit de comparer le transport aérien et le transport ferroviaire, la question qu'il faut se poser, à mon avis, est de savoir qui pourrait construire ce réseau ferroviaire à grande vitesse et si le réseau serait rentable, compte tenu de toutes les dépenses liées à sa mise en place. Il y a diverses raisons qui expliquent pourquoi il n'en coûte que 250 $ pour voyager par train et qu'il en coûte plus pour voyager par avion. Il y a notamment le coût relatif des deux systèmes. Il y a aussi la dynamique de la concurrence.

Si nous avions une entreprise comme WestJet qui offrait le service entre Ottawa et l'aéroport de l'île, il n'en coûterait peut-être pas 600 $. Le prix serait peut-être beaucoup moins élevé que cela.

• 1655

M. Charles Hubbard: Vous dites donc qu'il y a un problème, du moins ici, dans le Canada central, du fait qu'il n'y a pas suffisamment de concurrence dans le domaine du transport aérien.

Mon autre question concerne les transporteurs régionaux. Avez-vous examiné le cas des déplacements de Bill vers Halifax ou Moncton, ou de mes déplacements vers le nord-est du Nouveau-Brunswick? Le service régional au Canada pourra-t-il s'autofinancer, ou y a-t-il des routes internationales ou de grandes routes intérieures qui servent à financer le service régional?

M. Rod White: Je ne suis au courant d'aucune étude publique d'envergure qui a été réalisée au Canada, mais on estime généralement dans l'industrie que les routes internationales sont plus profitables que les routes intérieures. Il y aurait donc un certain degré d'interfinancement.

Le président: Merci, monsieur Hubbard.

Monsieur Guimond, vous avez la parole.

[Français]

M. Michel Guimond: Professeur White, tout à l'heure, à une question que je vous posais sur la fusion des listes d'ancienneté, vous m'avez répondu que vous n'étiez pas un expert en relations industrielles. Je n'aurai peut-être pas plus de chance avec cette question-ci, mais je vais quand même la poser. Elle concerne les pertes d'emplois annoncées par les deux compagnies.

D'une part, le président d'Air Canada nous disait cette semaine qu'il y aurait 2 500 pertes d'emplois. D'autre part, le président d'Onex nous confirmera probablement mardi prochain, lors de son témoignage, qu'il y aura 5 000 pertes d'emplois si sa proposition est acceptée, comme il le souligne allègrement dans ses tournées de charme. Doit-on croire ces chiffres qui sont annoncés? Croyez-vous que la vision d'Air Canada et celle d'Onex sont réalistes au niveau des pertes d'emplois?

[Traduction]

M. Rod White: Je suppose que les deux parties ont fait leurs calculs et que les différences que vous constatez ne reflètent en fait que les différences dans les stratégies qu'elles mettront en place pour la nouvelle ligne aérienne fusionnée, pour le transporteur dominant qui sortira de tout cela.

Les deux transporteurs doivent finalement y trouver leur compte. Tous deux assumeront d'importantes obligations financières supplémentaires, et d'une façon ou d'une autre, ils devront s'assurer d'une rentabilité et de liquidités suffisantes pour s'acquitter de ces obligations et pour assurer à leurs actionnaires un rendement sur leur investissement.

La différence entre les deux propositions à cet égard semble être que celle d'Onex vise une restructuration plus en profondeur—une réduction plus radicale des services redondants, comme dit Onex. Onex supprimerait donc essentiellement une part plus importante de la capacité du système et espère que les recettes au bout du compte demeureront à peu près les mêmes. Elle réduirait la capacité de façon sélective, et la capacité a bien sûr une incidence sur l'emploi. Elle réduirait la capacité et réduirait l'emploi de façon plus radicale que ce que semble proposer Air Canada.

Air Canada propose de garder la marque Air Canada intacte, et je suppose qu'elle se propose aussi, dans une certaine mesure, de garder intact le système d'Air Canada de même que la marque et le système des Lignes aériennes Canadien. En outre, Air Canada propose le lancement de ce transporteur bon marché qui aurait son siège à Hamilton. Ce faisant, elle pourrait conserver une plus grande part de la capacité du système.

La question qui se pose alors est de savoir comment elle va pouvoir payer tout cela? L'autre variable dont il faut tenir compte, c'est celle des tarifs. Pour que la proposition soit rentable, il faudrait, je suppose, que les tarifs moyens augmentent, même chez le compétiteur bon marché, et je crois savoir ce qui motive Air Canada à faire cela. En moyenne, cependant, les recettes devront augmenter.

M. Michel Guimond: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Guimond.

Monsieur Johnston, vous avez la parole.

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je tiens à remercier le professeur pour son exposé et je le remercie aussi d'avoir bien voulu modifier son emploi du temps pour venir nous rencontrer.

Il a été beaucoup question de l'émergence d'un transporteur dominant d'une part et de la concurrence d'autre part, mais, dans votre exposé, vous m'avez semblé dire que c'était justement à cause de la concurrence que Canadien se trouvait maintenant dans cette situation peu enviable. S'il n'y avait pas eu cet affrontement entre Canadien et Air Canada, je suppose qu'il n'y aurait eu d'autre choix qu'une certaine collusion entre les deux transporteurs, et nous ne voulons certainement pas de cela.

• 1700

Ce que nous disons finalement, c'est que si un transporteur dominant s'était manifesté en 1988, ou l'année où la déréglementation a eu lieu, nous nous serions retrouvés dans la situation dans laquelle nous nous retrouverons sans doute dans six mois. Ne peut-on pas conclure qu'il s'agit simplement d'une progression normale des choses? Un des deux transporteurs serait devenu dominant à cette époque s'il n'y avait pas eu cette concurrence entre les deux. Nous nous inquiétons maintenant de nous retrouver avec un transporteur dominant, et nous sommes toujours préoccupés par la question de la concurrence.

Nous nous retrouvons donc dans l'impasse, et ce sont les forces du marché qui nous permettront d'en sortir. Les forces du marché ne nous auraient-elles par permis d'en sortir en 1988, ou je ne sais trop en quelle année, si les deux ne s'étaient pas affrontés directement?

M. Rod White: Les nombres sont toutefois très petits: il n'y a que deux principaux protagonistes. Les marchés sont généralement constitués d'un plus grand nombre de protagonistes.

Dans le cas qui nous occupe, nous savons quelles sont les mesures qui ont été prises par les protagonistes, les stratégies qu'ils ont suivies et qui ont mené au résultat que nous connaissons aujourd'hui. Aurait-il pu en être autrement? Je crois que oui.

Il n'est pas impensable qu'on puisse en arriver à un équilibre rentable entre les deux protagonistes. La concurrence ne signifie pas qu'il n'y a qu'un des protagonistes qui survit à la fin de la bataille, si vous voulez. Il s'agit d'une relation permanente, on peut se positionner de diverses façons, et il est possible que plusieurs compétiteurs puissent survivre. C'est ce qui se passe dans la plupart des industries. La plupart d'entre elles arrivent à réaliser un équilibre compétitif stable. Celle-ci n'y est pas parvenu, à cause des choix qui ont été faits par les protagonistes.

M. Dale Johnston: Ainsi, il ne fait aucun doute que nous sommes en situation concurrentielle en ce moment. J'ai vu dans le Globe and Mail d'aujourd'hui qu'on peut avoir un billet aller-retour Vancouver-Ottawa pour 349 $ plus taxes. Je rentre à Edmonton ce soir sur un vol qui m'a coûté 339 $ aller-retour. Le prix total du billet aller-retour, avec toutes les taxes est de 360 $. S'agit- il là de prix d'éviction?

M. Rod White: Je ne peux pas me prononcer sur ces prix-là en particulier et vous dire si ce sont des prix d'éviction. Tout compte fait—et cela répondra peut-être à votre question—nous avons trop de concurrence.

M. Dale Johnston: C'est justement où je voulais en venir.

M. Rod White: Il ne m'est pas facile de dire cela, mais il arrive que les protagonistes d'une industrie soient trop compétitifs les uns par rapport aux autres.

La plupart des industries ont des mesures en place qui empêchent que cela ne se produise. J'ai notamment parlé de la règle des 10 p. 100. Mettons qu'Air Canada ait des actionnaires plus militants qui diraient: «Ce que nous voulons, ce sont des bénéfices. Nous ne nous occupons pas d'essayer d'arracher un autre point de pourcentage de part du marché aux Lignes aériennes Canadien. Occupons-nous plutôt de faire augmenter les bénéfices d'Air Canada.» Nous aurions alors un équilibre compétitif stable et deux protagonistes rentables au lieu de la situation que nous avons aujourd'hui.

C'est dans cette optique que le problème structurel tient en quelque sorte à l'action gouvernementale; le Parlement peut exercer son influence sur ce qui se passe dans une situation comme celle- là.

Le président: La dernière intervenante sera Bev Desjarlais.

Mme Bev Desjarlais: Vos propos au sujet de la concurrence excessive évoquent pour moi les combats de gladiateurs, où il faut se battre jusqu'à la mort pour pouvoir gagner. C'est ce qui se passe dans le secteur du transport aérien.

Vous avez dit que la règle des 10 p. 100 a sans doute eu pour effet d'éliminer la concurrence. Vous avez toutefois indiqué que, quand il est arrivé sur le marché, Canadien est allé sur toutes les routes que desservait Air Canada, et Air Canada a ensuite riposté. Je n'ai donc pas eu l'impression qu'Air Canada avait en fait décoché le premier coup. Vous ai-je mal entendu, n'avez-vous pas indiqué que, dès le début, Canadien a voulu desservir toutes les routes qui existaient déjà?

M. Rod White: C'est bien ce qui s'est passé dans le cas des Lignes aériennes Canadien et de leur précurseur, Pacific Western.

• 1705

Mme Bev Desjarlais: D'accord. Je vous signale que, pour moi, la règle des 10 p. 100 a pour but d'assurer une large participation publique. Certains seront peut-être très surpris de l'apprendre, mais les actionnaires ne considèrent pas tous leurs actions uniquement comme un moyen de gagner de l'argent, mais ils y voient une source de fierté... ils considèrent qu'ils font partie de leur ligne aérienne nationale, qui offre un service au public et qui contribue à l'existence d'une industrie du transport aérien stable.

Je ne cherche pas à contredire ce que vous disiez au sujet de la règle des 10 p. 100 qui, d'après vous, est à l'origine du problème, puisqu'elle a amené Canadien à faire ce qu'il a fait. J'estime que vous nous avez amené à voir les choses sous un autre angle. Je n'ai pas trouvé complètement farfelue votre idée selon laquelle le mieux serait peut-être de permettre à Air Canada de s'occuper de Canadien et de le laisser réintégrer le marché comme compétiteur, et je tiens à vous remercier de nous avoir présenté une optique différente. C'est précisément ce que le Comité des transports veut savoir, à mon avis, c'est-à-dire s'il y a d'autres possibilités que nous pourrions envisager et qui ne se traduiraient pas par l'émergence d'un transporteur dominant ou d'un transporteur qui aurait le monopole, mais qui contribueraient plutôt à une situation de concurrence équitable.

Enfin, je vais parler de la question des subventions, simplement parce que M. Keyes l'a soulevée, et je tiens à préciser que nous sommes catégoriquement opposés aux subventions. J'ai peut- être mal entendu un de vos honorables collègues du Comité des transports—je ne suis pas sûre du nom de sa circonscription—, M. Jackson, mais je crois l'avoir entendu dire à la Chambre aujourd'hui qu'il faudrait qu'il y ait des subventions dans certains cas. Je voulais tout simplement remettre les pendules à l'heure et indiquer que ce n'est même pas moi qui ai évoqué la possibilité qu'il faille accorder des subventions, mais bien un des représentants du gouvernement.

Le président: Je vous souhaite bonne chance à tous les deux.

Monsieur White, j'ai encore une question pour vous. Je dois dire que nous ne réinventons certainement pas la roue ici. Il existe des exemples partout au monde—en Grande-Bretagne, en Allemagne avec Lufthansa, en France avec Air France. Il y a plusieurs exemples d'un seul transporteur dominant qui dessert les routes internationales tandis qu'une autre compagnie sur l'île, disons, en Grande-Bretagne, ou en France, offre le service à l'intérieur du pays. Avez-vous examiné ces exemples?

M. Rod White: Si un transporteur dominant devait émerger de ce processus, on pourrait certainement lui demander ou exiger qu'il forme une ligne aérienne nationale, et avoir en même temps un seul transporteur de pavillon international. Cela ne résoudra pas le problème de l'unique transporteur national dominant et les problèmes de monopole inhérents à l'environnement national. Les routes internationales sont différentes. Dans une certaine mesure, elles sont encore réglementées et les autres compagnies de pavillon sont en lice sur ces routes.

À bien des égards, il s'agit de voir quels rapports peuvent exister entre ce transporteur national et le transporteur international dans cet environnement d'alliances globales. Cela pourrait certainement être une proposition praticable. Dans l'ensemble, cela pourrait être une meilleure structure, mais cela ne réglera pas tous les problèmes, surtout le problème d'un seul transporteur dominant national.

Le président: Monsieur White, je vous remercie de votre exposé. Il était rafraîchissant, stimulant, et je suis certain que mes collègues—ils vous ont d'ailleurs déjà dit que l'exposé leur a plu. Donc, je vous remercie beaucoup.

Chers collègues, nous allons reprendre nos travaux lundi. Merci.

M. Joe Comuzzi: Une petite chose, monsieur le président. Hier, j'ai demandé qu'on obtienne un exemplaire de la lettre ou du document du ministre des Transports.

Le président: C'est en cours.

M. Joe Comuzzi: Pourriez-vous nous en dire davantage? Je sais déjà que la demande est en cours.

Le président: Je ne m'occupe pas de cette demande. C'est la greffière qui s'en occupe...

M. Joe Comuzzi: Où en sommes-nous?

Le président: ... et elle a fait la demande.

La greffière du comité: J'ai transmis la demande.

M. Joe Comuzzi: Quand?

La greffière: Ce matin.

M. Joe Comuzzi: Pourriez-vous vous renseigner pour savoir...

La greffière: Quand?

M. Joe Comuzzi: ... quand elle sera fournie et nous en faire part par la suite? Je voudrais la recevoir d'ici lundi, avant les audiences.

Le président: Vous connaissez probablement le ministre des Transports mieux que Guyanne le connaît. Vous pourriez lui dire tout simplement qu'il nous faut ces documents.

M. Joe Comuzzi: Je ne crois pas.

Le président: Ou vous pourriez tout simplement menacer de mentionner son nom à chaque séance d'ici l'Halloween.

• 1710

La greffière: Monsieur Comuzzi, si la lettre n'est qu'en une seule langue, il me faudra la faire traduire avant de la distribuer, mais je peux en envoyer un exemplaire à votre bureau.

Le président: La séance est levée.