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TRAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON TRANSPORT

LE COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 23 novembre 1999

• 0902

[Traduction]

Le président (M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.)): Bonjour chers collègues. En cette 25e séance, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous procédons à une étude sur l'avenir de l'industrie aérienne au Canada.

Nous accueillons aujourd'hui M. Fazal Bhimji, le président de l'Association canadienne du contrôle du trafic aérien. Bienvenue, monsieur Bhimji. Nous aimerions vous écouter nous parler de votre organisation pendant 10 à 12 minutes, après quoi nous passerons aux questions.

M. Fazal Bhimji (président, Association canadienne du contrôle du trafic aérien): Merci beaucoup.

Bonjour, mesdames et messieurs.

L'Association canadienne du contrôle du trafic aérien vous remercie de nous donner l'occasion de vous faire un exposé.

Notre association a eu 40 ans cette année. Au départ, il s'agissait d'une organisation qui s'occupait de la sécurité de l'industrie aérienne au Canada. En 1967, nous sommes aussi devenus agent de négociation des contrôleurs du trafic aérien au Canada. Nus existons donc depuis assez longtemps, et notre vocation de départ, avant de négocier au nom des contrôleurs, a été la sécurité.

On peut considérer la crise actuelle soit comme une crise, soit comme un défi et une ouverture pour le Canada. Depuis plusieurs années, on essaie de régler les problèmes de fond de l'industrie au moyen de palliatifs, sans guère de succès. La conjoncture actuelle, même si elle est grave, donne aux législateurs et aux parties prenantes une deuxième occasion de guérir cette industrie malade.

Naturellement, de notre point de vue, quelle que soit la décision qui sera prise, il faudra garantir le maintien ou même l'amélioration des conditions de sécurité que nous connaissons actuellement. En définitive, quelle que soit cette solution, il faudra réponde aux aspirations du public, des parties prenantes de l'industrie aérienne et des employés des compagnies aériennes.

La situation est grave. La question n'est pas de savoir qui doit en porter la responsabilité. Si l'on ne s'attaque pas vraiment au problème, on n'aura que des palliatifs à court terme.

Notre association ne se prononce pas sur la question de savoir s'il doit y avoir une ou deux compagnies aériennes. Ce qui nous préoccupe, ce sont les retombées de la décision.

• 0905

La déréglementation totale a déclenché une concurrence sauvage et meurtrière. On a vu des avions volés plus qu'à moitié vides et des compagnies proposées des rabais colossaux pour essayer de remplir leurs avions. Le problème a été aggravé par le fait que le contrôle du trafic aérien n'a pas pu suivre la demande. Les retards entraînés par le maintien au sol des avions pour des raisons de sécurité se sont traduits par des pertes de profit pour toutes les compagnies aériennes.

Si l'on prévoit par exemple soixante décollages en une heure, il y a forcément des retards inhérents au système. Il est impossible de répondre à cette demande, en tout cas pas avec les effectifs insuffisants dont nous disposons actuellement.

Parallèlement à cela, on ordonne à nos membres, parfois contre leur volonté, de faire énormément d'heures supplémentaires parce qu'il n'y a pas suffisamment de personnel. Cela nous inquiète bien sûr énormément sur le plan de la sécurité. Il arrive que des contrôleurs soient obligés de travailler jusqu'à 16 heures consécutives, et il est arrivé qu'on leur dise qu'ils seraient mis à pied ou sanctionnés s'ils n'étaient pas capables de fonctionner à plein capacité pendant toute cette période.

Il y a une vieille blague qu'on raconte dans le secteur de l'aviation: comment parvient-on à avoir une petite fortune dans l'aviation? En en ayant une grosse au départ. Nous n'avons aucune envie de continuer à contribuer à ce genre de politique nuisible aux compagnies aériennes.

Nous avons plusieurs préoccupations. En premier lieu, nous souhaitons que soit maintenue notre souveraineté sur une compagnie aérienne au Canada. Nous devons être sûrs que la compagnie restera toujours canadienne. Il faut protéger les consommateurs et les emplois des Canadiens.

Notre deuxième sujet de préoccupation, c'est qu'il arrive très fréquemment qu'on embarque dans un avion et qu'on apprenne qu'il est retardé à cause de la tour de contrôle. Ces retards sont en fait très souvent dus à des problèmes d'horaire, et ils nuisent à l'industrie. Nous pensons que cette étude vous donne l'occasion d'examiner les méthodes de programmation de ces horaires pour faire en sorte que la solution qui sera adoptée en définitive contribue à réduire le plus possible ces retards.

Nous souhaitons la présence d'une compagnie aérienne qui soit la propriété de Canadiens. Le Canada, qui est le plus vaste pays du monde, dépend étroitement des transports aériens. Nous avons absolument besoin d'un bon réseau de transport et de communication.

Nos ancêtres étaient parfaitement conscients de cette nécessité lorsqu'ils ont décidé de relier les deux extrémités du pays par un chemin de fer national. Aujourd'hui, ce sont les liaisons aériennes qui nous permettent de relier les extrémités de notre pays. Qu'il s'agisse de transport de voyageurs ou de marchandises, l'aviation est considérée comme un lien vital non seulement pour le bien-être des Canadiens mais pour la santé de notre économie.

L'aviation est essentielle pour le Canada plus que pour tout autre pays au monde. Il faut donc que les Canadiens conservent le contrôle de ce service vital. Il est essentiel de maintenir notre souveraineté dans ce domaine, surtout quand le Canada participe à des efforts d'aide humanitaire ou autres. Nous devons être en mesure d'invoquer des intérêts supérieurs pour compléter au besoin les efforts militaires par des interventions de l'aviation civile. Pour pouvoir le faire, il est absolument indispensable que nous soyons propriétaires et maîtres de nos compagnies aériennes.

En ce qui concerne la protection des consommateurs, nous nous associons à ceux qui ont déjà exprimé une mise en garde contre les risques de tarifs abusifs dans le cas où nous n'aurions plus qu'une seule compagnie nationale. Il suffit de regarder le coût des billets d'avion dans le cas des localités desservies par une seule des grandes compagnies aériennes pour comprendre qu'il s'agit d'une inquiétude bien légitime pour les habitants de ces collectivités.

Au cours de mes voyages à travers tout le pays, j'ai souvent entendu des gens dire que cela coûtait moins cher d'aller en Europe que de voyager à l'intérieur du Canada. Le coût n'est qu'un des aspects de la question; il y a aussi le type et la fréquence du service assuré auprès des petites et moyennes localités. Au fil des ans, on a supprimé la desserte aérienne de nombreuses localités.

Cette tendance va-t-elle s'accélérer? Ceux qui prédisent que la concurrence au niveau des opérateurs et des compagnies aériennes de taille moyenne nous permettra de conserver des tarifs raisonnables nous demandent en fait de croire aveuglement à une thèse qui n'est nullement prouvée jusqu'à présent. En fait, il est probable que les voyageurs d'affaires ne choisiront pas les transporteurs moyens qui ne desserviront pas toutes les destinations auxquelles ils veulent se rendre. Ce qui compte pour eux, c'est ce qui est le plus pratique.

L'aviation alimente de nombreux emplois dérivés. Il y a aussi les emplois dans le secteur de l'alimentation, des loisirs, des finances et des biens de consommation. Dans toutes ces affaires, il est absolument fondamental de veiller à préserver les emplois des Canadiens. L'aviation a des répercussions sur tous les secteurs de l'économie, et il faut protéger ces emplois occupés par des Canadiens.

On a estimé à 5 000 le nombre de pertes d'emploi. À notre avis, si l'on tient compte des répercussions secondaires, le chiffre devra être nettement plus élevé.

En ce qui concerne les horaires, le problème vient en partie de la concurrence des grandes compagnies aériennes qui volent pratiquement aile dans aile. Dès qu'un avion décolle, il y en a un bleu dans son cisaille, et réciproquement, ce qui fait qu'il y a énormément de capacité inexploitée. Si vous examinez les horaires, vous constaterez aussi qu'à certains moments, il est matériellement impossible de faire décoller tous les avions prévus dans le créneau horaire en question.

• 0910

Par exemple, il est impossible d'avoir cinq ou six départs de l'aéroport Pearson à 8 heures du matin. Il y a donc automatiquement des retards dans les horaires des compagnies aériennes, et ces retards ne sont absolument pas les prétendus retards entraînés par le contrôle du trafic aérien dont on parle. Pour compenser cela, les compagnies prévoient parfois un coussin de plusieurs minutes dans les horaires qu'elles publient. Par exemple, le vol Toronto-Ottawa est plus long qu'il n'était autrefois. Jetez simplement un coup d'oeil sur les horaires.

Si l'on réglementait cet aspect de la question, non seulement on éviterait aux avions des attentes sur la piste extrêmement coûteuses pour les compagnies, mais on atténuerait aussi des problèmes que comme celui de la rage de l'air et de la capacité du système.

Nous recommandons que le gouvernement intervienne activement pour obvier à toutes les conséquences négatives et mitiger tous effets négatifs de son action ou de son inaction. La sécurité ne doit pas être compromise.

En définitive, l'industrie des lignes aérienne doit devenir plus viable, et la protection des consommateurs et des employés doit être conçue comme une priorité qui doit se traduire par des mesures concrètes et à long terme.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bhimji, pour votre exposé.

Chers collègues, nous allons maintenant passer aux questions, mais je veux seulement vous rappeler que M. Bhimji a abordé des questions qui cadrent dans le mandat de notre comité. Il nous est arrivé dans le passé que des témoins nous imposent délibérément des préoccupations qui ne sont pas de notre ressort. C'est bien beau, mais parfois, ces questions peuvent être abordées ailleurs.

Par exemple, la sécurité est un facteur très important, mais les questions soulevées à ce sujet auraient avantage à être discutées plutôt devant le Bureau de la sécurité des transports.

La présidence apprécierait donc grandement que vous vous en teniez dans vos questions au mandat du comité.

Nous allons commencer en donnant la parole à Val Meredith.

Mme Val Meredith (Surrey-Sud—White Rock—Langley, Réf.): Après avoir entendu cela, je ne sais plus trop quelles questions je devrais poser, mais je vais parler des créneaux horaires.

Vous avez soulevé des questions que vous connaissez à titre de contrôleur du trafic aérien, par exemple la question des créneaux. Vous semblez croire que la façon dont on procède actuellement impose un stress supplémentaire, puisqu'il peut y avoir cinq ou six départs en même temps à un aéroport donné. Comment procéderiez-vous pour ouvrir de nouveaux créneaux à l'intention de nouveaux transporteurs qui s'intéressent à un marché?

M. Fazal Bhimji: Nous essayons de fournir un service aux gens sur la base du premier arrivé, premier servi. Nous ne nous mêlons pas de choisir entre l'un et l'autre. Nous croyons que ce n'est pas notre rôle.

Ce sont vraiment les compagnies aériennes qui doivent s'entendre là-dessus. Si elles ne le font pas, et dans les cas où le système est vraiment entravé par leur incapacité à s'entendre, il y aurait place pour une tierce partie qui interviendrait comme médiateur ou pour distribuer les créneaux. Quant à savoir comment cela se ferait en pratique, je crois que c'est à l'autorité réglementaire d'en décider.

Mme Val Meredith: Si un tout nouveau transporteur qui essaie de s'implanter sur le marché arrivait à l'aéroport Pearson et voulait faire décoller son avion au même moment que d'autres appareils, est-ce que vous le lui permettriez, même si ce transporteur n'avait pas d'arrangement avec l'aéroport pour l'octroi d'un créneau?

M. Fazal Bhimji: C'est ainsi que nous travaillons. Nous n'attribuons pas de créneaux, en tant que contrôleurs. À mesure que les appareils roulent vers la piste, nous les prenons en charge l'un après l'autre, premier arrivé, premier servi.

Mme Val Meredith: À votre connaissance, y a-t-il un règlement quelconque qui empêcherait quelqu'un de prendre place ainsi sur le marché, en faisant simplement rouler son avion sur l'aire de roulage?

M. Fazal Bhimji: Non, il n'y a rien actuellement. Dans les aéroports très occupés, nous avons des règles qui excluent l'aviation générale. Les responsables doivent téléphoner à l'avance et s'assurer que la capacité est suffisante pour accepter ce type d'appareil. Mais en ce qui concerne les horaires, nous ne nous en mêlons pas du tout.

Mme Val Meredith: Mais vous ne pouvez pas imaginer un contrôleur aérien qui dirait à un nouveau transporteur: non, je suis désolé, nous n'avons pas la capacité voulue pour nous occuper de vos appareils.

M. Fazal Bhimji: Non. Nous essayons de ne pas nous mêler du tout de cet aspect.

Mme Val Meredith: Bien.

• 0915

Vous semblez dire qu'il faut restructurer l'industrie aérienne. Du point de vue des contrôleurs du trafic aérien, estimez-vous que vous feriez partie de cette restructuration, ou bien pensez-vous que le système dans lequel vous travaillez fonctionne bien? Faut-il envisager de restructurer le contrôle du trafic aérien?

M. Fazal Bhimji: Je pense que nous avons assurément un rôle à jouer et des conseils à donner à cet égard. Je vais vous donner un exemple. Récemment, à Vancouver, on a redessiné une partie de l'aire de stationnement, et personne n'a pensé à demander l'avis des contrôleurs. Or, on n'a pas agrandi suffisamment la surface bétonnée, de sorte que lorsqu'un avion quitte la porte, il n'y a pas assez de place pour faire passer des avions derrière pour les déplacer d'un bout à l'autre de l'aéroport. C'est ainsi qu'à chaque fois qu'un appareil doit reculer pour quitter la porte, l'aéroport est totalement paralysé.

Les gens ne pensent pas toujours à nous consulter alors même que nous pourrions les aider. Au sujet de la capacité du système, il y a des considérations dont il faut tenir compte, comme la turbulence en fonction du poids, qui nous empêche de faire décoller plus qu'un certain nombre d'appareils d'une piste donnée en une heure. Nous pourrions donner des conseils là-dessus. Quant à savoir si nous sommes l'un des intervenants clés, je laisse au comité le soin d'en décider, mais nous pouvons assurément faire notre part pour que tout fonctionne plus rondement pour tout le monde.

Mme Val Meredith: On dirait quasiment que votre expertise et vos suggestions seraient nécessaires au moment de la construction des aéroports, par opposition à leur gestion.

M. Fazal Bhimji: En effet, nous sommes plutôt des conseillers techniques que des gestionnaires de compagnie aérienne.

Mme Val Meredith: Vous avez évoqué les attentes de votre organisation pour ce qui est de répondre à la demande croissante de services aériens. Votre association ne relève-t-elle pas de l'Office des transports du Canada pour ce qui est de savoir quand vous pouvez travailler seize heures d'affilée?

M. Fazal Bhimji: En fait, c'était l'un des éléments de notre dernière série de négociations, mais en fin de comptes, nous n'avons pas réussi à nous entendre là-dessus. Comme vous le savez peut-être, des pressions ont été exercées pour accélérer la conclusion d'une entente et nous avons donc formé un comité mixte avec Transports Canada, nous-mêmes et NAV CANADA pour essayer d'élaborer des recommandations pour la réglementation des heures de travail des contrôleurs. En Grande-Bretagne, par exemple, on réglemente déjà ces heures de travail, mais au Canada, il n'y aucun règlement là-dessus. Notre association croit très fermement que le temps est venu d'examiner cette question.

Mme Val Meredith: Merci beaucoup.

Le président: Merci, Val.

Monsieur Fontana, allez-y.

M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie, monsieur Bhimji, pour votre exposé au nom de l'ACCTA.

Je vous félicite d'avoir traité de certaines questions que nous devons nous-mêmes nous poser, au sujet des consommateurs et de leur place dans tout ce casse-tête. Après tout, si ce n'était du public voyageur, vous n'auriez pas d'emploi, les compagnies aériennes n'auraient pas d'employés, personne n'aurait rien. Je pense donc qu'il est juste de dire que les consommateurs doivent être pris en compte.

Il est aussi regrettable, monsieur le président, que NAV CANADA ait choisi de ne pas témoigner, parce que l'une des questions qui fait problème est justement le prix des services.

Peut-être pourriez-vous éclairer ma lanterne. Il me semble, d'après certaines démarches faites par les compagnies aériennes, les aéroports, de nouveaux arrivants sur le marché, etc, que les frais sont un élément important de l'équation. Comme vous l'avez dit, monsieur Bhimji, les consommateurs se méfient quelque peu des politiques des compagnies aériennes en matière d'établissement des prix, mais nous savons bien que l'un des facteurs qui influe sur les prix, ce sont les tarifs pratiqués par NAV CANADA qui, au bout du compte, sont payés par les consommateurs. Les petits transporteurs régionaux jouent un rôle important dans les projets de voyage des Canadiens, et les petites compagnies régionales et indépendantes qui servent les petites localités de notre pays sont essentielles, sinon les gens n'auraient plus accès aux moyens de transport. Par conséquent, les frais imposés par NAV CANADA sont un facteur très important dans un environnement concurrentiel.

Vous possédez en partie NAV CANADA, ou tout au moins vous avez un siège au conseil. Or les frais de NAV CANADA, les frais d'aéroport, les frais des compagnies aériennes et tout le reste, tout cela influe sur le montant que paie le consommateur. Vous avez probablement discuté à votre conseil de l'équation entre les frais de NAV CAN et les prix à la consommation. Pouvez-vous nous en parler?

• 0920

L'une des raisons pour lesquelles nous avons adopté le système de NAV CANADA pour remplacer le système gouvernemental, c'était pour supprimer la taxe sur le transport aérien et transférer les frais aux usagers, dans l'espoir que les consommateurs seraient avantagés par cette restructuration de la navigation aérienne. Je me demande si vous avez une opinion à propos de la place que vous occupez dans tout ce casse-tête relativement aux prix.

M. Fazal Bhimji: En fait, j'ai une observation avant de répondre à votre question.

Je suis vraiment content de vous entendre parler du consommateur en tant qu'utilisateur final et en tant que client, parce que je pense que NAV CANADA a encore un peu de travail à faire dans ce domaine. Ils semblent s'imaginer que ce sont les compagnies aériennes qui sont les clients. Nous croyons très fermement que c'est la personne qui paie le billet qui est le client. Je vous remercie de l'avoir précisé.

Au sujet de toute la question des frais, je n'ai pas souvent l'occasion de dire que dans tel ou tel domaines, NAV CANADA fait du bon travail, mais dans ce cas-ci, je pense qu'ils ont fait un travail extraordinaire. Ils ont abaissé les frais à plus d'une reprise depuis le transfert en 1996. Nos frais sont plus que comparables. Si l'on compare avec ce qui se fait ailleurs dans le monde, ils sont parmi les plus bas, en dépit du fait que nous devons servir un territoire beaucoup plus grand que d'autres pays. Si vous examinez le montant de l'ancienne taxe sur les billets d'avion, en comparaison des frais qu'on impose aujourd'hui pour les services de navigation aérienne, ils n'en représentent qu'une fraction.

Le problème, c'est qu'à chaque fois que NAV CANADA a réduit les frais, le prix des billets n'a pas baissé parallèlement. En fait, les prix n'ont pas bougé ou bien ils ont légèrement augmenté. Il nous semble donc, en tant qu'association, que les compagnies aériennes ou bien subissent des pressions financières dans d'autres domaines, par exemple les taxes sur le carburant, les taxes d'aéroport, etc, qui les frappent aussi de plein fouet, ou bien elles empochent une partie de cet argent qu'elles économisent.

M. Joe Fontana: Dans ce cas suggérez-vous qu'on mette en place un système de billetterie beaucoup plus transparent? Cela pose toute la question de la transparence et de la responsabilité. Dans un tel système, il serait clairement indiqué sur le billet, à l'intention du client, à combien s'élèvent les frais payés par la compagnie aérienne, de manière que si la compagnie réalise des gains d'efficacité et fait baisser ses coûts, le client pourrait dire: ah, ah, les compagnies aériennes ne nous en font pas profiter. Si je comprends bien, vous faites payer ces frais aux compagnies aériennes et les compagnies les transmettent aux clients. Vous connaissez le montant de ces frais. Il y a sûrement le moyen de déterminer si les frais diminuent et si le consommateur en profite.

Je sais que pour vous, cela ne fait aucune différence que l'écho sur votre écran radar soit un 747 ou un Dash 8, parce qu'en fin de compte, vous devez faire diligence et amener cet avion à bon port de toute manière. Mais il n'en demeure pas moins que le petit transporteur régional qui amène des gens de Rimouski, de Colombie- Britannique ou de London, en Ontario, paie une fraction disproportionnée des frais de navigation aérienne par rapport à ce que l'on paie pour un 747, parce que les frais ne sont pas calculés par passager, mais plutôt en fonction du poids, etc. J'ai entendu dire que les petits transporteurs régionaux qui ont des Dash 8 paient une portion importante des frais de navigation aérienne en comparaison des 747.

Monsieur Bhimji, je suis content que vous ayez parlé du client, mais en toute franchise, je dois vous dire que j'entends des clients dire qu'ils ont été retardés à cause de gestes de la part des contrôleurs. Les clients veulent du service aussi. Mais je dois vous dire qu'on me rapporte toutes sortes d'excuses invoquées pour expliquer pourquoi l'avion n'a pas décollé à temps; c'est à cause des contrôleurs, à cause de la grève du zèle...

Le président: Joe, je dois vous demander de poser votre question.

M. Joe Fontana: Je veux simplement m'assurer que vous comprenez que certains de vos gestes ont des répercussions sur le client et sur son degré de satisfaction.

M. Fazal Bhimji: Je discerne trois points dans votre intervention. Premièrement, pour ce qui est de la transparence du prix des billets, les frais de NAV CANADA sont déjà indiqués sur le billet et nous serions d'accord pour y ajouter tous autres coûts qui permettraient aux consommateurs de savoir clairement ce qu'on fait de leur argent. Nous sommes absolument en faveur de cela.

Je fais seulement observer que depuis le tout début, ces frais sont indiqués sur les billets. Chez NAV CANADA, nous avons réduit les frais de plus de 150 millions de dollars depuis deux ans, mais le prix du billet est demeuré le même. Il doit donc y avoir moyen de garantir que le prix véritable soit indiqué sur le billet. C'était le premier point.

• 0925

Au sujet des frais à payer selon le type d'appareil, le barème a été établi sur une certaine période. Si un exploitant donné est mécontent des frais qu'on lui fait payer, il y a un processus en place pour en appeler. Par conséquent, les petits transporteurs qui exploitent de petits appareils sont tout à fait les bienvenus s'ils veulent recourir à ce processus pour faire valoir leurs causes.

Au sujet des gestes des contrôleurs, personne n'est jamais venu me demander ce qui s'est passé dans une situation donnée à Toronto, et je peux vous dire qu'il est arrivé que l'employeur se soit rendu coupable de contrevérités au sujet de ce qui se passe à Pearson. C'est un fait que nous avons des contrôleurs qui travaillent neuf jours consécutifs suivis d'un seul jour de congé, et qui travaillent souvent des quarts de douze et de seize heures. Il est physiquement impossible de remplir toutes les cases de l'horaire de travail avec les effectifs que nous avons. Il en résulte des retards.

Je serai ravi de rencontrer quiconque a été retardé pour quelque raison que ce soit à Pearson. Je vais vous laisser ma carte et l'on pourrait avoir un petit entretien à ce sujet.

Le président: Merci, monsieur Bhimji.

Monsieur Guimond.

[Français]

M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Monsieur Bhimji, lorsque le ministre Collenette a témoigné devant nous le 26 octobre dernier, il nous a livré certains éléments d'une politique-cadre, qui devrait à mon avis présider au dépôt d'un projet de loi avant l'ajournement des Fêtes.

Un des éléments de cette politique-cadre a trait à la protection des consommateurs et à celle des employés. À la dernière page de votre présentation, aussi bien dans la version française qu'anglaise, au chapitre «Recommandations», vous dites:

    La protection des consommateurs et des employés: une priorité qui appelle des mesures concrètes et non de simples promesses.

Pour aider ce comité à élaborer des recommandations pertinentes et intelligentes, pourriez-vous nous décrire ce que vous entendez par des mesures concrètes? Pourriez-vous nous donner des exemples de mesures concrètes qu'on devrait retrouver dans la future loi en ce qui a trait à la protection des consommateurs et des employés?

[Traduction]

M. Fazal Bhimji: Des choses concrètes, comme par exemple le fait qu'il faut à mon avis faire une étude pour établir, premièrement, comment l'on perçoit les choses, car il arrive que la perception soit la réalité... Il est certain que les gens des petites villes ont l'impression de payer un tarif beaucoup plus élevé que nécessaire. S'ils n'ont pas raison, si c'est effectivement ce qu'il en coûte pour fournir un service à cette localité, alors il faut qu'il y ait un mécanisme quelconque permettant de donner des garanties aux gens à ce sujet.

Il faut que ce soit l'un ou l'autre. Ou bien ils font payer un juste prix à cet endroit et pressurent les clients ailleurs, ou bien ils baissent les prix artificiellement pour essayer d'évincer une autre compagnie aérienne de la desserte des grandes villes, ou bien ils font payer trop cher dans les petites villes. Il faut trouver le moyen de garantir aux habitants des petites villes qu'on les traite équitablement.

[Français]

M. Michel Guimond: On sait qu'on s'oriente potentiellement vers un transporteur dit dominant. Lors de ses remarques préliminaires, le président nous avait demandé d'essayer de ne pas trop faire porter nos questions sur la sécurité puisque de telles questions devaient plutôt être adressées au Bureau de la sécurité des transports. Je rappellerai toutefois à notre président que lors de la présentation de sa politique-cadre, le ministre nous a dit que la sécurité demeurait la priorité numéro 1 de Transports Canada. De toute façon, c'est toujours la déclaration fourre-tout, à savoir que tout le monde est pour la vertu et que tout le monde devrait mener une bonne vie sur cette terre. Bien que le président ne veuille pas qu'on vous questionne trop là-dessus, j'aimerais bien vous questionner sur les réductions à NAV CANADA qui ont lourdement affecté la sécurité au niveau des régions. Je vais essayer de tourner ma question autrement.

• 0930

Pensez-vous que l'arrivée d'un transporteur dominant ainsi qu'une certaine fusion au niveau des compagnies régionales pourraient affecter la sécurité des voyageurs ou qu'au contraire, cette structure d'offre de services aériens n'aura aucune incidence directe sur la sécurité aérienne au Canada?

[Traduction]

M. Fazal Bhimji: Comme je l'ai dit au début de notre exposé, nous sommes restés neutres sur la question de savoir s'il doit y avoir un ou deux transporteurs aériens.

Sur la question de la sécurité, je sais, et je parle au nom de nos membres, que nous ferons tout en notre pouvoir pour nous assurer que le système demeure sûr. Je ne me sens pas qualifié pour répondre à la question que vous posez, à savoir si une fusion améliorerait ou empirerait les choses, mais je sais qu'il n'est pas dans l'intérêt de qui que ce soit dans toute la communauté de l'aviation d'avoir un système qui ne serait pas sûr.

M. Michel Guimond: Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Guimond, pour votre intervention.

Stan Dromisky, vous avez la parole.

M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

À l'intention de notre auditoire, monsieur Bhimji, pourriez- vous nous dire pour qui vous travaillez?

M. Fazal Bhimji: Je travaille pour NAV CANADA, compagnie privée qui fournit les services de navigation aérienne, y compris le contrôle du trafic aérien. J'ai toutefois pris un congé de deux ans pour occuper le poste de président de l'Association canadienne du contrôle du trafic aérien.

M. Stan Dromisky: Merci beaucoup.

Maintenant, dirigeons-nous vers la tour de contrôle. À quel moment intervenez-vous quand un avion s'approche? Est-ce quand il est à 100 milles, à 200 milles, à 300 milles, ou bien à cinq milles de distance?

M. Fazal Bhimji: Ça dépend vraiment du type de vol. Il y a des vols dont nous sommes responsables à partir du moment où l'avion quitte la porte au point du départ jusqu'au moment où l'avion roule dans l'aire de trafic à destination; normalement, ces vols se font selon les règles de vol aux instruments. Nous sommes responsables de ce vol dès l'instant où l'avion recule pour quitter la porte d'embarquement. D'autres avions, dans les régions éloignées, peuvent voler dans un espace aérien non contrôlé; dans ce cas, nous assumons la responsabilité de l'appareil à partir du moment où il pénètre dans l'espace aérien contrôlé. Cela dépend donc de l'endroit et du type de vol.

M. Stan Dromisky: Prenons un exemple dans le nord-ouest de l'Ontario. Les transporteurs régionaux ont beaucoup de vols court- courrier, allant d'une ville à l'autre. Contrôlez-vous les vols de ces transporteurs régionaux qui font des sauts entre aéroports?

M. Fazal Bhimji: Oui, nous les contrôlons. Nos membres appartiennent à deux catégories. Il y a ceux qui travaillent dans les tours de contrôle; ce sont ceux que le grand public connaît le mieux. Normalement, ils sont responsables d'un appareil dans la fourchette de 5 000 pieds d'altitude et dans un rayon de cinq milles de l'aéroport. Mais il y aussi des contrôleurs qui travaillent devant un écran radar et qui guident l'appareil qui est en route entre deux aéroports. Nous sommes donc constamment en communication avec un avion pendant tout son trajet. Il est certain que pour tous les vols réguliers, nous fournissons un service pendant toute la durée du vol.

M. Stan Dromisky: J'en reviens à cette région du pays. On sait qu'en fait de communication directe entre les contrôleurs de NAV CANADA qui sont dans la tour de contrôle et les pilotes, la fréquence la plus élevée se situe dans cette région du pays, il n'y a aucun doute là-dessus. Pourtant, je m'inquiète beaucoup de ce que NAV CANADA envisage de faire, en termes de diminution et d'élimination de certains services et d'utilisation de machines dernier cri qui permettront de transférer les responsabilités d'un centre comme Thunder Bay à un autre centre comme Winnipeg, étant donné qu'il y a beaucoup d'accidents. La plupart des accidents qui surviennent dans le nord-ouest de l'Ontario et ailleurs au Canada ont des causes humaines et non pas mécaniques.

Quelles sont vos préoccupations en tant qu'organisation au sujet de cette centralisation ou décentralisation, selon le nom qu'on veut bien donner à cette pratique, qui consiste à transférer des services d'un centre à un autre et à demander à des gens qui travaillent peut-être 12 ou 16 heures pendant neuf jours d'affilée, disons à Winnipeg, de s'occuper de tout le nord-ouest de l'Ontario?

M. Fazal Bhimji: Je ne sais trop si vous faites allusion à un projet précis ou bien à une philosophie générale. Vous pourriez peut-être me donner des précisions, parce qu'il y a des projets actuellement en voie de réalisation.

M. Stan Dromisky: Oui, je sais. NAV CANADA envisage de déménager des services d'une localité à l'autre et je me demande quelles en seront les conséquences.

M. Fazal Bhimji: Si vous parlez du concept de centre d'information de vol, c'est une autre association qui est en cause. Je ne sais pas exactement quelle position ils ont adoptée et je préférerais donc m'abstenir de commenter.

• 0935

M. Stan Dromisky: Très bien, je comprends.

Pouvez-vous me parler de la langue utilisée pour communiquer avec les pilotes qui arrivent, que ce soit des vols transfrontaliers, étrangers, ou même intérieurs?

M. Fazal Bhimji: Cela n'a pas posé de problème pour nous. Nous fournissons un service bilingue partout au Québec et dans la région de la capitale nationale, mais partout ailleurs, c'est l'anglais qui est la langue de l'aviation.

M. Stan Dromisky: Même au Québec.

M. Fazal Bhimji: Nous devons nous assurer de fournir le service dans les deux langues dans cette province, comme on nous l'a demandé.

M. Stan Dromisky: Très bien.

Quand un avion arrive, un grand transporteur a-t-il priorité pour l'atterrissage sur un petit biplace, par exemple?

M. Fazal Bhimji: Je pense qu'en fait, c'est justement la raison pour laquelle il est nécessaire d'avoir des contrôleurs du trafic aérien, parce qu'ils voudraient certainement qu'il en soit ainsi. Mais nous essayons toujours de fournir le service sur la base du premier arrivé, premier servi, parce que même s'il en coûte plus cher pour faire voler un Dash 8 qu'un petit 150 ayant à son bord un élève pilote, et nous comprenons fort bien cet argument, il n'en demeure pas moins que ce pilote qui apprend à piloter paye 100 $ l'heure pour louer cet avion et payer l'instructeur. Cela représente probablement un pourcentage important de son budget.

M. Stan Dromisky: Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Dromisky.

Madame Desjarlais.

Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Merci, monsieur Bhimji. C'est certainement un aspect clé de la restructuration, car il n'y a aucun doute à mon avis que ce qui touche l'industrie aérienne dans un domaine aura au bout du compte des répercussions sur le prix payé par le consommateur.

Je ne sais pas si vous pouvez répondre à cette question, mais je vais la poser quand même. Si l'on se retrouvait avec un seul transporteur aérien, cela réduirait-il les revenus de NAV CAN? Il faudrait peut-être plutôt poser la question à NAV CAN, mais puisqu'ils ne viennent pas... Cela réduirait-il les revenus de NAV CAN, ce qui risquerait de créer des problèmes, compte tenu de leurs dépenses d'exploitation?

M. Fazal Bhimji: Je pense que notre situation financière est bonne. Et même s'il n'y avait qu'une seule compagnie aérienne, je ne vois pas comment cela pourrait entraîner une réduction de 50 p. 100. Il y aura une légère baisse et des répercussions sur la situation financière, c'est indéniable, mais je ne crois pas que ce serait aussi important qu'on pourrait l'imaginer.

Mme Bev Desjarlais: Je tiens compte aussi de ce que vous avez dit au sujet des raisons qu'on donne pour expliquer les retards; en tant que passagers, nous avons tendance à accepter toutes ces raisons qu'on nous donne et c'est parfois parce que des avions arrivent ou sont en attente à une attitude de vol plus élevée... Mais j'ai trouvé aussi très intéressant de vous entendre dire qu'il peut arriver que cinq avions soient censés partir à 20 heures de Pearson et que l'on ne peut pas les faire décoller tous en même temps. Normalement, combien d'appareils peut-on suivre en même temps?

M. Fazal Bhimji: Je pourrais peut-être vous donner des explications là-dessus.

Pour des raisons de sécurité, quand un avion décolle derrière un gros porteur comme un 747, il faut attendre trois minutes avant de l'autoriser à décoller, parce qu'un appareil de cette taille déplace tellement d'air qu'il se produit un phénomène que l'on appelle les «tourbillons d'extrémité d'ailes» causés par un afflux d'air pour combler le vide derrière l'avion en déplacement, et ces tourbillons sont assez forts pour nuire aux manoeuvres d'un avion volant à basse vitesse, et cela devient dangereux.

Par conséquent, si cinq avions doivent tous partir à 20 heures, le dernier partira à 20 h 15; c'est ce qui limite le nombre d'appareils que l'on peut faire décoller.

Mme Bev Desjarlais: Cela s'applique-t-il seulement aux petits avions...?

M. Fazal Bhimji: Non. Même les gros avions doivent être retardés. Le délai entre deux gros porteurs peut être plus court. On peut le raccourcir en certaines circonstances, mais il y a toujours un délai.

Mme Bev Desjarlais: Est-ce que de telles règles sont en vigueur dans tous les pays? C'est inévitable?

M. Fazal Bhimji: Oui, absolument.

Mme Bev Desjarlais: J'ai trouvé très inquiétant de vous entendre dire qu'il y a des contrôleurs du trafic aérien qui travaillent 16 heures par jour, parfois neuf jours d'affilée. Si nous ne mettons pas en place des contrôles quelconques, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'un accident devient inévitable. Je ne peux pas imaginer quelqu'un travailler neuf jours de suite pendant 16 heures par jour. Je suis curieuse de savoir combien de cas on a recensés de contrôleurs du trafic aérien qui travaillent 16 heures, ne serait-ce que cinq jours, ou même deux ou trois jours d'affilée.

M. Fazal Bhimji: Cela arrive constamment dans les grandes villes, tout le temps. Le week-end dernier, j'étais à Victoria pour assister à une réunion du conseil d'administration, et l'un des administrateurs m'a montré son horaire: il a trois jours de congé en décembre.

• 0940

Mme Bev Desjarlais: Je compare souvent les contrôleurs du trafic aérien à ce que je considère un emploi très ardu et stressant, celui de chirurgien. En fait, je pense avoir lu à un moment donné que les contrôleurs du trafic aérien ont l'emploi le plus stressant de tous. Mais je les compare aux chirurgiens. Il y a des vols qui arrivent et qui partent. Je me demande souvent ce que les gens diraient s'ils savaient que le chirurgien qui s'apprête à les opérer vient d'opérer 16 heures par jour pendant cinq jours de suite. Je me demande dans quelle mesure cela serait sûr.

J'apprécie vos observations. Lorsque vous dites qu'il faut mettre en place certaines mesures de contrôle, nous devrions vous croire et voir à ce que cette question soit également examinée.

Merci.

M. Fazal Bhimji: Merci.

Le président: Merci, Bev.

Bill Casey, s'il vous plaît.

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Merci.

Bonjour. J'ai quelques questions à vous poser, tout d'abord une petite question sur l'écrasement des deux petits avions à Vancouver. Ces avions se trouvaient-ils dans la zone de contrôle de la circulation aérienne? Qu'est-il arrivé?

M. Fazal Bhimji: Je ne connais pas tous les détails de cette affaire. Je sais que le pilote d'un des aéronefs était parti de Langley et qu'il parlait à l'un de nos contrôleurs, mais il avait reçu le feu vert parce qu'il était en train de quitter l'espace aérien contrôlé. Je n'en sais pas davantage. Je crois savoir que l'écrasement s'est produit dans une zone aérienne non contrôlée.

M. Bill Casey: D'accord. Pour revenir à notre sujet, certains nous ont dit, au cours de nos audiences, que si un transporteur dominant contrôlait des sociétés comme Air Canada, Canadien, une société de vols à rabais et un transporteur régional, ce transporteur dominant pourrait exercer une influence trop grande sur NAV CANADA. Qu'en pensez-vous? NAV CANADA est censée offrir ses services à toutes les sociétés. Croyez-vous qu'un transporteur dominant exercerait une trop grande influence?

M. Fazal Bhimji: Cela dépendra en grande partie du conseil d'administration de NAV CANADA. Lorsque NAV CANADA a été mise sur pied, l'une des entreprises d'experts-conseils avait fait une mise en garde—je crois qu'il s'agissait de Young and Wiltshire—, disant qu'il faudrait éviter que les sociétés de transport aérien exercent une trop grande influence au sein du conseil d'administration, car il y aurait là un conflit d'intérêts évident.

Personnellement, j'estime que c'est déjà la cas. Il faut évaluer quelle influence les sociétés aériennes exercent sur le conseil d'administration de NAV CANADA.

M. Bill Casey: Vous croyez que c'est déjà la cas...

M. Fazal Bhimji: En effet.

M. Bill Casey: D'aucuns diront que ce sera encore pire, dans ce cas.

M. Fazal Bhimji: C'est bien vrai.

M. Bill Casey: Dans vos observations, vous avez dit qu'il était important que nous conservions le contrôle et la propriété de nos sociétés aériennes. Que pensez-vous de la limite de 25 p. 100 sur la propriété étrangère qui s'applique à toutes les sociétés aériennes canadiennes?

M. Fazal Bhimji: Je n'ai pas d'opinion à ce sujet. Nous n'avons pas discuté de pourcentage particulier dans notre conseil d'administration.

M. Bill Casey: Et la limite de 10 p. 100 d'Air Canada? Qu'en pensez-vous?

M. Fazal Bhimji: Je suis désolé, mais je ne suis pas en mesure de répondre à cette question.

M. Bill Casey: Passons à un autre sujet. En tant que client, je paie aux sociétés aériennes 7,50 $ pour voyager de Moncton à Montréal et de nouveau 7,50 $ pour le trajet de Montréal à Ottawa. D'une façon générale, ces montants sont-ils équivalents à ce que NAV CANADA fait payer aux sociétés aériennes? Et ces sociétés aériennes font-elles un profit ou sont-elles déficitaires, en ce qui concerne ces frais?

M. Fazal Bhimji: Comme je l'ai dit, ces frais ont été de 7,50 $ dès leur création. Je suppose qu'à cette époque, cela correspondait exactement à ce qui était versé à NAV CANADA. Je doute que ce soit le cas à l'heure actuelle, puisque les frais ont diminué à deux reprises depuis et que les clients paient toujours le même montant. Personne n'a démontré que les frais étaient maintenant de 7,40 $ au lieu de 7,50 $. Je me demande donc pourquoi les frais que paient les clients n'ont pas été réduits en conséquence.

M. Bill Casey: Les frais ont été réduits de 90 millions de dollars au printemps, je crois, et ensuite d'un autre 170 millions de dollars, ou alors les deux montants étaient combinés.

M. Fazal Bhimji: Cela semble assez juste.

M. Bill Casey: Au cours de l'année dernière, on a dit que certaines tours de contrôle aérien étaient loin de correspondre aux normes. Croyez-vous qu'il vaudrait mieux reconstruire, améliorer ou remplacer ces tours plutôt que de rembourser l'argent, à l'heure actuelle?

M. Fazal Bhimji: Tout à fait. Il était prématuré d'alléger ces frais, qui étaient déjà les plus faibles au monde. Si nous en sommes rendus à cette étape, il vaudrait mieux réinvestir l'argent dans l'infrastructure, dans le système que nous avons.

Certaines tours sont très mal en point. Par exemple, le tour de Springbank, qui fait partie des prochaines tours à reconstruire, il y a un problème d'infiltration d'eau. Lorsqu'il pleut, il pleut à l'intérieur de la tour. L'eau s'infiltre par les fenêtres. Les mouches y constituent également un problème important, il y en a tellement dans les fenêtres qu'elles empiètent les unes sur les autres.

• 0945

M. Bill Casey: Je suis allé dans cette tour, et si jamais il y avait un incendie... Cela m'a frappé.

M. Fazal Bhimji: C'est un vrai piège à feu.

M. Bill Casey: Les occupants n'auraient aucun espoir de s'en sortir.

M. Fazal Bhimji: Oui, vous avez tout à fait raison. Il y a donc beaucoup de travail à faire. Si les exploitants de la tour ont entrepris certains de ces travaux, ce n'est pas par bienveillance, c'est parce qu'on leur a tordu le bras.

M. Bill Casey: Merci.

M. Fazal Bhimji: Merci.

Le président: Merci, monsieur Casey.

Monsieur Bailey, s'il vous plaît.

M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Merci, monsieur le président.

Merci, monsieur, d'être venu nous rencontrer. Je trouve votre témoignage plus utile que certains d'autres témoins que nous avons entendus. Je vous félicite donc de votre présentation, que vous avez faite en dépit de la mauvaise toux contre laquelle vous luttez.

Nous avons entendu hier soir un groupe qui oeuvre dans la domaine de la sécurité. Ces membres nous ont présenté une déclaration de droits. Si je me souviens bien, ce groupe n'a pas mentionné le grand sujet dont vous avez parlé, monsieur, c'est-à-dire le nombre d'heures de travail. À mon avis, c'est là l'un des plus grands facteurs en matière de sécurité.

Je trouve vos propos très étonnants, surtout qu'à l'échelle nationale et internationale, les camionneurs doivent tenir des registres et prouver pendant combien d'heures ils ont conduit. Il y a eu tout un débat au Canada sur les heures supplémentaires que doivent travailler les infirmiers et infirmières. Bev a mentionné que les médecins devaient également faire des heures supplémentaires parce qu'ils ne sont pas assez nombreux. Lorsque j'entends parler du nombre d'heures que les gens doivent faire dans votre métier et tout ce que l'on exige de vous, il me semble qu'on en est à l'extrême limite en matière de sécurité. Je ne suis pas certain que cela rassurerait les voyageurs qui font leur premier vol ou ceux qui prennent rarement l'avion.

Que fait votre association pour ramener à un nombre raisonnable les heures de travail dans un métier aussi stressant que le vôtre?

M. Fazal Bhimji: Comme je l'ai dit, nous avons un comité tripartite. Ce comité se réunira pour la première fois le 20 décembre et il produira, je l'espère, des propositions de règlement. Mais en fait, nous nous sentons parfois bien impuissants lorsque que nous faisons ce genre de recommandation.

L'un des plus grands problèmes, c'est le temps supplémentaire obligatoire. Dans un métier où la sécurité est aussi importante, j'estime que cela devrait être interdit. Si un employé ne se sent pas suffisamment bien pour faire du temps supplémentaire, personne ne devrait avoir le droit de l'obliger à travailler à plein régime, sous peine d'être renvoyé s'il refuse. C'est pourtant ce qui se fait. J'ai vu des employés travailler six périodes supplémentaires au cours d'un mois et se faire renvoyer parce qu'ils n'en faisaient pas assez. À mon avis, c'est déjà bien trop.

Il faut donc que quelqu'un examine cette question, quelqu'un d'autre que les deux parties, c'est-à-dire NAV CANADA et l'ACCTA. Il faut que quelqu'un d'autre fasse la surveillance.

M. Roy Bailey: Vous avez dit précédemment que dans certaines régions, les services ont été éliminés. Ont-ils été totalement éliminés?

M. Fazal Bhimji: Dans certaines régions, ils ont été changés. Au lieu d'offrir un service de contrôle de la circulation aérienne, on offre maintenant un service d'information de vol. C'est un peu comme remplacer les feux de circulation par des panneaux d'arrêt. Dans un service de contrôle, le contrôleur peut vous interdire quelque chose. Dans un service de conseils, le pilote a le droit de ne pas tenir compte de ce qui lui est dit, puisqu'au lieu de lui interdire de voler, on lui donne simplement des renseignements sur les autres appareils en vol. Les services ont donc été modifiés. Dans d'autres endroits, le service a par contre été éliminé.

M. Roy Bailey: Dans les petits centres?

M. Fazal Bhimji: C'est exact.

M. Roy Bailey: Voici ma dernière question: Vous avez dit que des retards sont pris en compte dans les calculs et vous avez dit que c'est pour la sécurité de l'aéronef. Mais dans votre exposé, il y a une page qui m'intéresse particulièrement. À la page intitulée «Emplois», vous mentionnez que votre association préserve des emplois au Canada. Vous dites que l'estimation de 5 000 emplois est très modeste et qu'il y a presque autant d'emplois indirects. D'après vous, s'il y avait un transporteur dominant, ces emplois seraient-ils perdus?

• 0950

M. Fazal Bhimji: C'est ce que nous croyons, puisque d'après ce qu'ont rapporté les médias, même Air Canada avoue qu'il y aura des réductions d'effectifs. On ne parle plus de 5 000 emplois, comme on l'avait fait dans l'offre précédente, mais dans les faits, le chiffre sera plus grand que les estimations. Nous avons discuté avec d'autres syndicats du secteur du transport aérien et nous croyons que leurs chiffres sont plus près de la vérité; ils dépassent les 5 000.

Le président: Merci, monsieur Bailey.

Monsieur Sekora, s'il vous plaît.

M. Lou Sekora (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Lib.): Merci beaucoup.

Je ne sais pas si on vous a déjà posé la question, puisque j'étais à une autre réunion de comité. Je sais que les contrôleurs aériens font un travail difficile. Je prends l'avion pour venir à Ottawa et me rendre ailleurs, au Canada et à l'étranger. Les contrôleurs aériens ont-ils leur mot à dire au sujet des files d'attente sur les pistes?

Par exemple, je prends souvent l'avion le dimanche après-midi, à 14 h 05. Notre avion est le 14e, le 15e ou le 16e dans la file d'attente sur la piste. S'il faut attendre trois quarts d'heure sur la piste avant de décoller, pourquoi ne pas modifier l'heure du vol? La situation est la même pour les voyageurs qui se rendent à Victoria, sur l'île de Vancouver. À partir de Vancouver, c'est un vol de 10 minutes, mais il faut parfois attendre de 35 à 40 minutes sur la piste avant de décoller.

Les représentants des sociétés aériennes, les contrôleurs et les gens de l'industrie discutent-ils des moyens de rationaliser ces situations, afin d'éviter des choses aussi stupides?

M. Fazal Bhimji: Si l'effectif est suffisant, selon ce que l'employeur estime suffisant, nous ne pouvons pas empêcher un avion de quitter la porte d'embarquement. La société aérienne est la seule qui peut décider de retarder un départ. Elle a des horaires à respecter et les retards peuvent être très coûteux car si l'avion n'arrive pas à destination à l'heure prévue, des voyageurs peuvent rater leur correspondance et cela entraîne des frais additionnels pour la société aérienne.

Ce n'est pas nous qui disons aux sociétés aériennes que les avions doivent rester à la porte d'embarquement ou la quitter à une heure donnée. Cela se fait toutefois dans d'autres pays. Les créneaux sont déterminés en fonction de l'heure où les avions doivent quitter la porte d'embarquement. Cela ne nous est possible ici que si nous manquons gravement de personnel et que cela peut nuire à la sécurité. Nous pouvons dans un tel cas appliquer un programme de délai au sol qui nous permet de limiter le nombre des départs et des arrivées à l'aéroport.

M. Lou Sekora: Cela ne répond pas vraiment à ma question.

M. Fazal Bhimji: D'accord, mais expliquez-moi votre question.

M. Lou Sekora: D'accord. Pour moi, c'est vraiment très simple. Supposons que l'avion quitte la porte d'embarquement à 14 h 05, soit à l'heure fixée pour le départ, et qu'il soit au 16e rang sur la piste. Les contrôleurs aériens ne disent-ils pas que c'est idiot? Si tous les avions partent à 14 h 05, vous devriez peut-être dire aux personnes en charge des horaires de décaler les vols de cinq minutes, peut-être, afin qu'ils ne quittent pas tous les portes d'embarquement simultanément, de façon à faciliter les décollages.

Ensuite, une fois qu'on a décollé, le pilote annonce: «Mesdames et messieurs, nous atterrirons à Ottawa dans quatre heures.» Mais vous avez dû attendre trois quarts d'heure avant le décollage.

M. Fazal Bhimji: Oui, tout à fait, nous voudrions justement que vous examiniez ce genre de problème. Vous pouvez prendre des mesures pour garantir qu'on examine aussi les horaires pour éviter de tels retards. Nous serions bien d'accord là-dessus.

M. Lou Sekora: Merci beaucoup. Ce sont les principales choses qui me préoccupaient. Merci.

Le président: Nous aurons une dernière question de Val Meredith et une de M. Casey, après quoi nous devrons passer au témoin suivant. Une question chacun, s'il vous plaît.

Mme Val Meredith: Ma question porte sur la technologie et découle de celle qu'a posée M. Dromisky au sujet de l'espace aérien contrôlé plutôt que non contrôlé.

Il y a 20 ans, quand je prenais l'avion, la plus grande partie des cieux au Canada n'était pas contrôlée. Est-ce à cause de la technologie que cela a changé? Et la technologie qu'on utilise à NAV CANADA est-elle adaptée au XXIe siècle?

M. Fazal Bhimji: Tout d'abord, à cause de la superficie du Canada et du fait que bon nombre de régions sont peu peuplées, nous avons effectivement beaucoup d'espaces aériens non contrôlés au Canada, plus que n'importe où ailleurs dans le monde, et ce n'est pas étonnant. Je ne pense pas que la proportion de l'espace contrôlé et de l'espace non contrôlé doive nous inquiéter.

Pour ce qui est du reste de la question... Je m'excuse, mais pouvez-vous me rappeler de quoi il s'agissait?

Mme Val Meredith: Notre technologie est-elle ce qu'il y a de mieux?

M. Fazal Bhimji: Pas tout à fait. Dans certaines tours, le matériel est désuet, par exemple, mais NAV CANADA s'efforce de résoudre ces problèmes. Nous avons un projet appelé le SCACCA ou Système canadien automatisé de contrôle de la circulation aérienne. Il y a eu, bien sûr, des retards et des dépassements de coût, mais ce système doit malgré tout entrer en fonctionnement et, d'après ce qu'on nous a dit, il sera à la fine pointe. Nous avons bien hâte d'avoir ce matériel.

• 0955

Mme Val Meredith: Merci.

Le président: Monsieur Casey.

M. Bill Casey: En parlant des consommateurs, vous avez dit tantôt que, selon vous, les transporteurs régionaux ne vont pas assurer la concurrence. D'après vous, qu'est-ce qui serait préférable: les transporteurs régionaux devraient-ils être séparés du transporteur dominant ou devraient-ils en faire partie?

M. Fazal Bhimji: Il importe qu'ils en soient séparés parce que, tant que la ligne aérienne dominante a une grande part de propriété dans les transporteurs régionaux, elle pourra leur imposer les services à assurer, le prix des billets, et ainsi de suite. Nous préconisons certainement qu'il y ait séparation.

Le président: Merci, monsieur Casey.

Monsieur Bhimji, merci de votre exposé et merci d'avoir répondu à nos questions.

Nous allons suspendre la séance cinq minutes pendant que les nouveaux témoins s'installent.

• 0956




• 1005

Le président: Nous reprenons nos audiences. Nos témoins suivants représentent l'Association des gens de l'air du Québec. Il s'agit de Serge Martel, président, et d'Antonin Alain, vice- président.

Messieurs, soyez les bienvenus au Comité permanent des transports. Si vous pouvez faire votre exposé dans l'espace de 10 ou 12 minutes, nous pourrons passer aux questions. Merci beaucoup.

M. Serge Martel (président, Association des gens de l'air du Québec): Merci, monsieur le président.

[Français]

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous vous remercions de bien vouloir nous entendre dans le cadre des travaux du Comité parlementaire des transports sur le devenir de l'industrie du transport aérien au Canada.

L'Association des gens de l'air du Québec est un organisme à but non lucratif regroupant des gens du domaine de l'aviation au Québec désireux de promouvoir le fait français en aviation.

Nous comptons parmi nos membres des pilotes, des techniciens d'entretien, des contrôleurs aériens, des agents de bord, ainsi que plusieurs personnes oeuvrant dans la gestion de compagnies aériennes.

Notre intervention comprendra deux volets principaux: le premier portera sur la pertinence d'avoir un seul transporteur national, tandis que le second traitera de l'application de la Loi sur les langues officielles dans le domaine du transport aérien au Canada.

L'Association des gens de l'air a suivi avec attention les interventions publiques portant sur cette question. La situation actuelle de crise est provoquée par les problèmes financiers de Canadien. Il faut se rappeler que cette compagnie croule sous une dette de plus de 3 milliards de dollars résultant de fusions mal gérées.

La flotte d'aéronefs est vieille, augmentant du coup les dépenses en carburant et entretien. Canadien doit subir l'impact négatif de son association avec AMR, qui lui coûte plus de 200 millions de dollars par an en frais de services divers. Les liaisons de l'alliance Oneworld entre le Canada et les États-Unis sont assurées en grande partie par American Airlines et ses filiales régionales, éliminant du coup une bonne source de revenus pour Canadien.

Nous constatons qu'Air Canada a eu un avantage marqué sur sa concurrente au plan financier. En effet, lors de la privatisation de l'ancienne société d'État, le gouvernement canadien a épongé une partie de la dette accumulée de celle-ci. Tout le monde sait qu'il est beaucoup plus facile de joindre les deux bouts du budget lorsqu'on n'est pas tenu d'effectuer les paiements sur l'hypothèque de la demeure familiale.

Les problèmes de Canadien n'ont aucun lien avec la taille relativement petite du marché intérieur canadien. À titre d'exemple, l'Australie compte deux transporteurs intérieurs majeurs affichant une santé financière adéquate. Dans ce pays, les distances entre les localités sont similaires à ce qu'on trouve au Canada et la population y est inférieure en nombre à celle du Canada. Il nous semble que la taille du marché n'est pas un facteur important dans la présente crise.

Un monopole sur le transport aérien ne va bénéficier qu'aux actionnaires de cette compagnie. Il est donc normal que les directions de Canadien et d'Air Canada prêchent en faveur de cette option.

Les petites communautés seront desservies uniquement selon des critères de rentabilité, qui entraveront la libre circulation des personnes et des biens. En effet, il est plus rentable de faire passer par les aéroports de ces localités un avion plus imposant sur une base sporadique que d'assurer un service continu avec des aéronefs de moindre taille.

Il nous semble inutile de disserter à fond sur les impacts pécuniaires que subira le public voyageur canadien.

Nous pouvons compter parmi les perdants toutes les entreprises reliées au transport aérien, que ce soit les agences de voyage, les fournisseurs de biens et services, les aéroports ou toutes les compagnies dépendant du transport aérien pour leurs opérations.

Le ministre des Transports devra réglementer ce domaine sur une base continue afin de prévenir les graves inconvénients découlant du monopole. Cet exercice de réglementation, pour être efficace, devra aborder des domaines variés et nombreux que la tarification, la desserte minimale pour les petites communautés, les relations de travail, le droit de grève et de lock-out, ainsi que la limitation des rabais limitant la montée d'un concurrent éventuel. Cet exercice de réglementation devra être très rigoureux et s'inscrira en faux contre la libéralisation des échanges économiques qui prévaut actuellement dans notre société.

• 1010

Les employés y perdront, puisque la direction pourra faire la pluie et le beau temps en termes de relations de travail. Les relations de travail devront être légiférées sur une base continue afin de prévenir une grève qui pourrait bloquer l'ensemble du domaine du transport aérien. Les voyageurs n'auront aucune alternative de transport rapide face à un tel événement. De plus, la lenteur notoire du Conseil canadien des relations du travail augure mal pour l'avenir. À titre d'exemple, la cause impliquant la corporation Intair et ses employés a été présentée à ce tribunal en 1986 et la décision a été rendue le 25 février 1997. Tout récemment, M. Paul Lordon, président du CCRT, déclarait à Hull le 16 septembre 1999, lors d'une conférence sur les services fédéraux de médiation et de conciliation, que le nouveau conseil réglait les dossiers 50 p. 100 plus rapidement que par le passé. Pourtant, quelques jours plus tard, le conseil reportait de 90 jours une décision attendue le 30 septembre 1999 sur une cause inscrite en 1996.

La lenteur de ce processus interminable transforme en otages les parties en cause. Ces exemples illustrent bien le titre d'un article paru dans le New Brunswick Telegraph le 22 juillet 1999: «When justice delayed is justice denied».

Force nous est de constater que l'option du transporteur national unique ne serait pas à l'avantage du Canada et de ses citoyens. La présente situation, avec deux transporteurs nationaux, demeure, selon nous, la meilleure solution.

En effet, la concurrence entre ces deux transporteurs est la meilleure garantie d'une fixation adéquate du prix des billets et d'un service convenable pour les petites communautés. De plus, les relations de travail au sein des compagnies ne subiraient pas les contrecoups liés à une situation de monopole. Une situation à deux transporteurs nationaux préviendrait la fermeture complète de notre système de transport aérien en cas de conflit de travail. Rappelons-nous la cohue occasionnée par la grève des pilotes d'Air Canada en septembre 1998.

Comment garantir qu'il y aura un autre joueur qu'Air Canada sur la patinoire? Il faudrait trouver une façon d'aider Canadien à sortir de son bourbier financier ou encore favoriser l'essor de nouveaux joueurs sur le plan national. Certaines compagnies régionales ou de vols nolisés affichent un bon potentiel à cet égard. Ceci serait une meilleure solution qu'une situation de monopole. Nous comprenons mal que le ministre des Transports ait lancé aussi facilement la serviette après les déboires d'Onex en cour.

Enfin, nous avons tous été témoins, dans les derniers mois, de l'affrontement entre Air Canada, Onex et le ministre des Transports du Canada, affrontement qui a pris les allures d'une vraie campagne électorale. Les promesses et les chiffres ont fusé de toutes parts. Nous comprenons que le temps presse, mais il serait plus que temps de connaître les impacts réels d'une fusion des deux transporteurs importants au pays.

C'est pourquoi nous aimons bien la solution qu'a proposée M. Jean Chrétien le 12 septembre 1992 à Vancouver et qu'a rapportée le Vancouver Sun. Lors d'un discours portant sur une éventuelle fusion entre Air Canada et Canadien, le premier ministre avait fustigé la création éventuelle de monopoles et opté plutôt pour la création d'un comité d'experts en vue de conseiller le gouvernement sur cette question. Après sept années d'attente, il serait très à propos de passer de la parole aux actes. Le transport aérien est primordial au Canada. Cette industrie mérite mieux que des décisions prises à la sauvette.

Au chapitre de la Loi sur les langues officielles, dressons d'abord un portrait de la situation actuelle. Selon la loi qui a privatisé Air Canada, cette société est tenue de se conformer aux dispositions de la Loi sur les langues officielles. Néanmoins, Air Canada conteste actuellement auprès de la Cour fédérale une éventuelle application de cette loi dans les activités de ses transporteurs régionaux.

Du côté de Canadien, il n'existe aucune obligation législative d'assurer un service dans les deux langues officielles, que ce soit pour ses activités propres ou celles de ses transporteurs régionaux. Lors de la présentation que la commissaire aux langues officielles vous a faite le 2 novembre dernier, elle a dressé un portrait adéquat des enjeux reliés à cette question, qu'il s'agisse du respect minimal dû à une clientèle ou encore de l'importance de la dualité linguistique canadienne. La commissaire a dit que les parties IV, IX et X de la Loi sur les langues officielles devaient continuer de s'appliquer à Air Canada ainsi qu'à ses transporteurs régionaux et autres filiales.

• 1015

La déclaration du sous-ministre des Transports, M. Louis Ranger, rapportée par l'Association de la presse francophone, nous a fait l'effet d'une douche froide. Ce dernier a souligné qu'il n'était pas dans les intentions du ministère des Transports d'assujettir les nouveaux transporteurs régionaux à la Loi sur les langues officielles. Cette déclaration est inacceptable et constitue un affront aux francophones du Canada. Transposer cette intention en état de fait créerait un grand tort à l'unité canadienne. Nous recommandons à tout ministre fédéral des Transports de consulter la ministre du Patrimoine sur cette question avant de passer à l'action.

Concernant la Loi sur les langues officielles, nous souscrivons à la position de la commissaire aux langues officielles. Comme l'a mentionné celle-ci, il y a une question de respect de la clientèle.

Nous croyons toutefois que la Partie V de la loi, qui traite de la langue de travail, ainsi que la Partie VI, qui porte sur la participation des Canadiens d'expression française et anglaise, devraient être imposées à Air Canada et à ses transporteurs régionaux. Trente ans après la promulgation de la loi, cette mesure d'équité revêt un caractère urgent.

Nous croyons en fait que tous les transporteurs à caractère national, ainsi que leurs transporteurs régionaux, devraient se soumettre aux exigences des parties IV, V, VI, IX et X de la loi.

Un autre problème subsiste avec la Loi sur les langues officielles, à savoir son manque de pouvoir coercitif. Nous souhaitons que le gouvernement lui ajoute un peu de mordant. Une autre possibilité pour le gouvernement canadien serait d'ajouter aux critères déterminant l'attribution des routes internationales le respect de la Loi sur les langues officielles par le transporteur voulant exploiter ces routes. Le ministre Collenette voulait se servir de cette carotte pour limiter les excès reliés à un éventuel monopole. Pourquoi ne pas s'en servir pour favoriser le respect des langues officielles?

L'Association des gens de l'air du Québec tient à vous remercier de l'attention que vous avez portée à ses commentaires et de votre invitation à participer à ce forum. Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Martel, je vous remercie de votre exposé qui était tout à fait pertinent vu la question qu'étudie le comité. Il est bien évident que vous y avez travaillé longuement et nous vous sommes reconnaissants de l'avoir fait.

Pendant la première partie de votre exposé, vous avez mentionné l'importance de la politique des deux lignes aériennes et de la nécessité d'aider l'autre ligne aérienne, soit Canadien International, à faire ce qu'il faut pour rester en affaires. Votre association a-t-elle discuté de la règle des 10 p. 100 pour la propriété individuelle et de la règle des 25 p. 100 pour l'investissement étranger? Quelles sont vos conclusions là-dessus?

M. Serge Martel: Oui, nous avons parlé de la règle des 10 p. 100 et de la règle des 25 p. 100. Nous ne les abordons pas dans cet exposé-ci, mais nous en avons déjà parlé ailleurs. Nous jugeons que la règle des 10 p. 100 dans le cas d'Air Canada représentait une bonne limite. On devrait faire la même chose pour tout autre transporteur national pour éviter que quelqu'un puisse contrôler ces transporteurs.

En ce qui concerne la règle de propriété de 25 p. 100, c'est assez difficile pour un transporteur étranger de ne pas vouloir profiter de cette règle, sauf peut-être s'il s'agit d'un transporteur outre-mer. Si l'on relevait la limite de 25 p. 100, il y aurait probablement mainmise sur les compagnies aériennes. Je ne songe pas seulement à AMR, mais tout transporteur américain serait sans doute porté à lorgner les liaisons intéressantes que Canadien ou Air Canada exploiteraient aux États-Unis. Nous recommandons donc qu'on ne modifie pas ces règles.

• 1020

Le président: Merci, monsieur Martel.

Madame Meredith, à vous.

Mme Val Meredith: Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Martel.

J'ai examiné votre mémoire et écouté votre exposé avec intérêt. Vous avez dit que, selon vous, la taille du marché ne représente pas un facteur majeur dans la crise actuelle. Si le marché peut tolérer deux transporteurs, pourquoi l'un d'eux éprouve-t-il de la difficulté à l'heure actuelle?

M. Serge Martel: Comme je l'ai déjà dit, Canadien s'est mise dans cette situation à cause de ses problèmes financiers et de toutes les fusions qui ont eu lieu pendant les années 80. Après ces fusions, il y a eu une baisse du marché au début des années 90. Comment en sommes-nous arrivés là? Je pense que la situation de cet été vient du fait que le Parlement a jugé bon d'invoquer l'article 47.

Mme Val Meredith: Voulez-vous dire que le fait que le gouvernement ait invoqué l'article 47 est ce qui a provoqué la crise?

M. Serge Martel: Nous ne pensons pas que le gouvernement l'ait provoquée de propos délibéré. Je pense que ses intentions étaient probablement bonnes. Il croyait sans doute que c'était la meilleure solution pour régler la crise. Mais la situation a évolué de façon tout à fait différente.

Mme Val Meredith: Mais vous reconnaissez qu'il y avait une crise avant que le gouvernement n'intervienne et prenne la décision que nous connaissons. J'en reviens donc à la même question. Pourquoi sommes-nous dans la situation actuelle s'il y a de la place pour deux lignes aériennes sur le marché canadien?

Air Canada a une dette plus lourde que Canadien. N'allons pas croire que nous avons au moins une ligne aérienne solide et sans dette. Vous avez reconnu que, quand on a privatisé Air Canada, le gouvernement et les contribuables canadiens ont plus ou moins amorti la dette de la ligne aérienne pour qu'elle puisse devenir concurrentielle. La situation a changé. D'après le président d'Air Canada et d'autres, Air Canada a elle-même une dette relativement lourde.

Je rappelle tous ces faits parce que, d'après votre exposé, vous appuyez la politique de deux lignes aériennes. Si une telle politique peut être appliquée, que doit-on faire pour que ce soit rentable? Vous dites que la taille du marché n'est pas un facteur important. Qu'est-ce qui est important? Que devons-nous faire pour restructurer l'industrie?

M. Serge Martel: Nous préférerions de toute évidence la politique de deux lignes aériennes, mais ce n'est pas nécessairement ce qui va arriver. Une façon de sortir Canadien du pétrin serait que le gouvernement ou une entreprise privée quelconque lui injecte des fonds. Par ailleurs, nous pensons vraiment que la concurrence a été avantageuse pour les employés, les consommateurs et les petites collectivités.

À propos des aspects financiers, vous avez parlé de la dette d'Air Canada et de celle de Canadien. Canadien devrait faire un examen de conscience en songeant à la fermeture de la base à Montréal, par exemple. Canadien a quitté tout l'est du Canada, c'est-à-dire le Québec et les Maritimes. Peut-on attribuer cette décision à la baisse de son facteur de charge? Si elle était restée sur le marché, elle aurait peut-être réussi un peu mieux.

Mme Val Meredith: Si nous conservions la politique des deux compagnies aériennes, le gouvernement devrait-il réglementer la répartition du marché entre les deux compagnies? Le gouvernement devrait-il exercer un contrôle pour vérifier si le marché intérieur est bien partagé? Faudrait-il fixer une limite à la capacité utilisée sur le marché par les deux compagnies aériennes? Comment, selon vous, le gouvernement doit-il réorganiser le système pour surveiller ce que certains appellent les pratiques d'éviction qui empêchent le marché d'être assez important pour permettre à deux transporteurs d'être rentables?

• 1025

M. Serge Martel: Je pense que vous parlez de réglementer à nouveau l'industrie dans certains domaines. À l'heure actuelle, par le biais de l'Office des transport du Canada, certaines liaisons sont déjà attribuées à des transporteurs précis. Je pense à l'Asie pour Canadien et à l'Europe pour Air Canada. La réglementation existe déjà. Nous savons qu'Air Canada aimerait obtenir des liaisons vers l'Asie, et il y a donc déjà une certaine réglementation en vigueur dans ce domaine. S'il faut rétablir la réglementation pour protéger les emplois et sauver une compagnie aérienne tout en favorisant la concurrence, je pense que nous devrions le faire.

Mme Val Meredith: Merci.

Le président: Merci, madame Meredith.

Monsieur Dromisky.

M. Stan Dromisky: Merci beaucoup, monsieur le président.

Ma question fait suite à celle de Mme Meredith au sujet de la déréglementation par opposition à la réglementation. À vous entendre, je suppose que vous demandez au gouvernement de proposer un plan visant à mettre fin à un secteur de l'aviation déréglementé et à adopter une foule de règlements en vue de surveiller le transporteur principal ainsi que tous les transporteurs régionaux, qu'ils fassent partie d'une alliance ou qu'ils soient affiliés au transporteur dominant ou encore qu'ils soient indépendants. On ne peut pas adopter tous ces règlements qui ne s'appliquent qu'à un monopole ou uniquement aux transporteurs régionaux qui y sont affiliés. Ces règles et règlements devront s'appliquer à tous les intervenants, ce qui m'inquiète vraiment.

Voyons un peu le modèle qu'Air Canada propose d'adopter à l'heure actuelle. À votre avis, cela résoudra-t-il un bon nombre de vos préoccupations, qui n'auront probablement plus lieu d'être si l'on met en vigueur ce modèle au service des consommateurs au Canada?

M. Serge Martel: Êtes-vous en train de parler de la proposition d'Air Canada?

M. Stan Dromisky: Oui, c'est cela.

M. Serge Martel: Très bien. Tout d'abord, vous m'avez parlé des règlements s'appliquant à un monopole. La proposition d'Air Canada correspond en fait à la création d'un monopole au Canada. Il faut bien l'admettre, il y aura un monopole si Air Canada rachète Canadien. Que va-t-elle en faire? Seul le temps nous le dira. Si Air Canada détient un monopole, le gouvernement devra réglementer à nouveau le système pour protéger les consommateurs canadiens.

La solution proposée par Onex était exactement la même. Nous sommes confrontés à un monopole. C'est vrai, nous souhaiterions qu'il y ait deux transporteurs concurrents. Toutefois, si le monopole est la seule solution, vous, mesdames et messieurs les députés, devrez sans doute adopter une loi très impopulaire pour empêcher les conflits de travail ou les pratiques d'éviction.

S'il y a un autre transporteur qui veut assurer une liaison entre Montréal et Toronto, par exemple, mais qu'il n'a pas la structure voulue pour assurer d'autres liaisons et essaye de le faire en offrant des tarifs faibles, il est vraisemblable que le gros transporteur ne laissera pas cette petite compagnie entrer sur le marché.

M. Stan Dromisky: J'aimerais vous poser une question au sujet de la Loi sur les langues officielles.

• 1030

Bon nombre de transporteurs régionaux exploitent des petits avions de transport de passagers, mais sans agent de bord. On utilise donc des bandes pour les consignes. Même lorsqu'il y a un agent de bord, on présente une bande enregistrée aux passagers. Celle-ci donne toutes les consignes de sécurité, etc., aux passagers juste avant le décollage. La plupart du temps, ces bandes sont présentées dans un ordre très précis quant à la langue.

Or, je connais les règlements qui découlent de la loi. Il y a des transporteurs qui desservent le Grand Nord. Par exemple, lorsque la grande majorité des passagers à bord des avions parlent un dialecte tiré de l'ojibway et du cri qu'on appelle l'ojicri, la bande enregistrée devrait présenter les consignes d'abord en ojicri et non en anglais ou français suivi de l'autre langue. Qu'en pensez-vous? Est-ce possible?

M. Serge Martel: En toute franchise, je ne suis pas allé dans l'Arctique depuis 1988. Nous présentons les consignes de sécurité aux passagers en anglais et en français, dans le nord du Québec, et en anglais dans les Territoires du Nord-Ouest.

Je conviens que lorsque la grande majorité des passagers à bord d'un avion parlent cri ou inuktitut, le transporteur devrait s'assurer que les bandes enregistrées dans ces langues sont à bord de l'avion. Il est certain que cela améliorera les conditions de sécurité.

Par exemple, à l'époque où la compagnie Canadian North faisait la ligne Montréal-Frobisher—je pense que c'était aux environs de 1985 ou 1986—, la compagnie a commencé à recruter des agents de bord qui parlaient l'inuktitut pour faire les consignes de sécurité à bord et assurer le service. Il en va de même pour First Air dans le Grand Nord. Chaque fois que possible, ces compagnies comptent parmi leur personnel des agents de bord inuits.

Le président: Merci, monsieur Dromisky.

Monsieur Guimond.

[Français]

M. Michel Guimond: Messieurs Martel et Alain, je vous remercie de votre présentation et je vous félicite d'avoir soumis un document dans les deux langues officielles du Canada. Certaines sociétés ou organisations autrement plus fortunées que vous ne sont pas capables de trouver le temps ou l'argent pour faire traduire le mémoire qu'ils nous soumettent. Je me rappelle, entre autres, que Canadien Pacifique, dont l'actif est de plusieurs milliards de dollars, n'avait pas trouvé le temps de nous fournir une version française de son exposé.

J'arrive à la question des langues officielles. Le ministre Collenette a témoigné devant nous le 26 octobre dernier. Dans la présentation de sa politique-cadre, il a dit:

    La dualité linguistique du Canada fait partie intégrante de son identité. Compte tenu de la culture et des valeurs uniques du Canada, il va de soi que les Canadiens puissent compter sur le transporteur national

—sur le transporteur national—

    pour être servis dans l'une ou l'autre des langues officielles.

Et il nous mentionne en caractères gras:

    Le gouvernement s'assurera que la Loi sur les langues officielles continue de s'appliquer dans le cas d'Air Canada ou d'un éventuel transporteur dominant et que la loi soit effectivement mise en oeuvre.

Mais la question demeure entière quant aux transporteurs régionaux. Les commentaires de M. Ranger n'ont rien de rassurant.

Je pense que la position de votre association est claire et rejoint la demande de la commissaire aux langues officielles.

Dans votre présentation, vous dites que la commissaire a dressé un portrait adéquat des enjeux. Sans vouloir argumenter sur le sens de chacun des mots, peut-on dire que le choix du terme «adéquat» montre que vous êtes pleinement d'accord sur la demande ou la recommandation que fait la commissaire aux langues officielles au gouvernement, et que celle-ci correspond entièrement à vos préoccupations?

M. Serge Martel: En fait, la commissaire aux langues officielles avait parlé de la partie IV, qui traite de la langue des communications avec les usagers, ainsi que des parties IX et X.

• 1035

L'Association des gens de l'air, comme nous l'avons dit dans notre mémoire, estime que la partie V sur la langue de travail doit s'appliquer dans les zones désignées. Il faut en effet se rendre à l'évidence: on ne peut avoir ces services partout au Canada. Ainsi, à Toronto ou à Vancouver, la langue de travail ne sera probablement pas le français. Nous croyons qu'il est important de l'inclure au moins et peut-être d'y apporter des modifications.

La partie VI est aussi très importante pour les Gens de l'air. Comme vous le savez, le premier argument qui a motivé la mise sur pied de l'Association des gens de l'air a été le droit d'utiliser la langue française dans les communications aériennes. Le deuxième objectif de notre association est de voir aux intérêts socioéconomiques de la communauté francophone. Même si nous sommes les Gens de l'air du Québec, nous avons toujours voulu parler de la société francophone dans son sens large, de tous les francophones au Canada.

Donc, la partie VI prévoit spécifiquement la participation équitable des Canadiens d'expression française et anglaise dans les industries qui sont assujetties à la Loi sur les langues officielles. Le rapport du commissaire aux langues officielles de 1997 fait état, d'ailleurs, de la proportion des francophones et des anglophones. On y voit que dans la majorité des ministères fédéraux, sauf peut-être ceux de l'Ouest où on sait que la clientèle est uniquement ou spécifiquement anglophone, la proportion est quand même acceptable.

Par contre, l'industrie aérienne n'a pas suivi la même tendance. Même si Air Canada, par exemple, est assujettie à la loi, la représentation des francophones y est de 17 p. 100. C'est le chiffre que donne le rapport de 1997. On croit que la partie VI devrait absolument être ajoutée et qu'elle revêt une importance capitale.

M. Michel Guimond: Je reviendrai sur cette question au deuxième tour.

Par rapport aux propositions qui ont été faites, aussi bien celle d'Onex, qui prévoyait une amalgamation des transporteurs régionaux, que celle d'Air Canada, qui prévoit un tel regroupement, M. Deluce et M. Lizotte ont suggéré la semaine dernière la création d'un nouveau Regco. Êtes-vous d'avis que notre comité, dans le rapport final qu'il va déposer au Parlement, devrait demander que la Loi sur les langues officielles s'applique à un nouveau transporteur régional qui pourrait être issu d'une fusion d'Air Canada et Canadien?

M. Serge Martel: Très certainement, monsieur Guimond. Vous avez totalement raison. On se doit, par respect pour les communautés francophones, d'avoir une loi qui impose aux transporteurs régionaux le respect de la Loi sur les langues officielles. Pourquoi? Parce qu'il y a des communautés francophones partout au Canada. Il n'y a pas des francophones qu'au Québec; ce n'est pas un ghetto. Il y a d'autres francophones. Il y en a dans les Maritimes, au Manitoba, en Saskatchewan, en Colombie-Britannique; il y en a partout.

Donc, nous croyons qu'il est tout à fait normal et même impératif que le gouvernement définisse immédiatement les règles du jeu concernant un éventuel transporteur régional dominant. Il ne faut pas oublier que, s'il y a un transporteur national dominant, il y aura aussi un transporteur régional dominant.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Guimond.

Monsieur Sekora.

M. Lou Sekora: Merci, monsieur le président.

Après avoir écouté votre exposé, j'en ai déduit que vous teniez absolument à ce qu'on maintienne la règle des 10 p. 100. Est-ce que je me trompe?

M. Serge Martel: En effet, c'est ce que nous souhaitons.

• 1040

M. Lou Sekora: Très bien. Vous avez ensuite parlé de l'injection de fonds par un entrepreneur privé. Comment faire les deux? Dites-le moi, parce que je pense que c'est impossible. Si l'on maintient le plafond de 10 p. 100, il sera impossible d'obtenir une injection de fonds de la part d'entrepreneurs à moins que le gouvernement n'intervienne et renfloue la compagnie.

M. Serge Martel: Je pense que le gouvernement a participé au capital d'Air Canada pendant de nombreuses années. Canadien est une compagnie indépendante depuis déjà un certain temps. Serait-il possible, grâce à des allégements fiscaux, à des mesures législatives ou à une injection de fonds, de sauver cette compagnie?

M. Lou Sekora: Vous êtes donc en train de nous dire...

M. Serge Martel: Mais—car il y a un mais—si vous investissez dans la compagnie, obligez Canadien à respecter la Loi sur les langues officielles.

M. Lou Sekora: Oui, je comprends, mais je suis un peu perplexe. En réalité, vous nous dites d'une part que la règle des 10 p. 100 devrait être maintenue, mais que le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle sur le plan financier, soit en prêtant de l'argent à la compagnie, soit en la renflouant, ou autre. C'est une subvention et je ne pense pas que les contribuables canadiens—vous aurez du mal à trouver une seule personne qui souhaite voir le gouvernement fédéral renflouer une compagnie aérienne de quelque façon que ce soit.

Que se passe-t-il si nous la renflouons? Je serais entièrement contre cette idée, mais disons que ce soit le cas. Nous serons là dans un an, six mois ou deux ans à vous poser la même question. Que direz-vous alors? D'après vous, les mêmes problèmes ne se poseront- ils pas? À moins de dire aux deux compagnies aériennes: Voilà tout l'argent dont vous avez besoin, nous allons vous renflouer complètement, vous n'aurez rien à rembourser, ne pensez-vous pas que, un jour ou l'autre, pour une raison ou une autre, les compagnies vont se trouver à nouveau en difficulté?

M. Serge Martel: Cela dépend de la façon dont elles sont gérées.

M. Lou Sekora: C'est exact. Vous demandez donc au gouvernement fédéral de les gérer également pour qu'elles ne se trouvent pas dans ce genre de pétrin. D'après moi—je suis tout à fait contre. L'argent du secteur privé, d'accord, autant que vous voulez, à condition que cela reste aux mains des Canadiens; mais je dois vous dire que, pour ce qui est d'un renflouement par le gouvernement fédéral, je suis tout à fait contre.

En ce qui concerne la langue, je me déplace souvent dans les différentes régions du pays, et je constate que le service est offert en anglais et en français, ce qui est très bien d'après moi. Je trouve que c'est une excellente façon de faire, et on pourrait offrir aussi le service dans d'autres langues pour tenir compte de la clientèle que nous transportons. Si toutefois vous dites que ce devrait être l'anglais ou le français uniquement, je ne suis pas d'accord. Je trouve qu'il faudrait que ce soit un mélange.

M. Serge Martel: Oui, je suis d'accord, mais comme vous l'avez vu dans notre exposé, nous avons aussi proposé autre chose. Nous avons proposé de privilégier certains transporteurs régionaux qui ne feraient pas partie d'Air Canada pour qu'ils puissent établir des correspondances avec des affréteurs qui seraient prêts à se lier avec eux. Il semble aussi, d'après l'exposé de Regco, qu'il y aurait un affréteur qui serait prêt à reprendre le flambeau de Canadien. Un projet comme celui-là serait avantageux. Nous avons aussi proposé une autre solution.

M. Lou Sekora: Ainsi, vous parlez surtout du Québec. Dites-moi ceci. Je suis allé au Québec bien des fois, mais c'était simplement pour des visites de quelques jours, après quoi je repartais. Dites- moi, quelle est la langue que les compagnies aériennes utilisent—est-ce uniquement le français, ou utilisent-elles l'anglais et le français?

M. Serge Martel: Elles utilisent l'anglais et le français, monsieur—ou plutôt le français et l'anglais.

M. Lou Sekora: Oui, j'imagine que ce serait le français en premier et l'anglais ensuite au Québec, et c'est très bien.

M. Serge Martel: Mais nous utilisons les deux.

M. Lou Sekora: Mais vous utilisez les deux, d'accord. Et vos transporteurs régionaux, quelle langue utilisent-ils—les deux langues?

M. Serge Martel: Les deux.

Le président: Merci, monsieur Sekora.

Madame Bev Desjarlais, vous avez la parole.

Mme Bev Desjarlais: Je voudrais enchaîner sur ce que disait en fait M. Dromisky, car il a posé la question au sujet d'un autre exposé, et j'ai peut-être mal compris. Si je me trompe, n'hésitez pas à poser la question à nouveau, Stan.

Si j'ai bien compris sa question, il se demandait s'il serait acceptable d'utiliser une autre langue que le français ou l'anglais en premier, comme l'ojicri. Le fait d'utiliser l'ojicri ou le cri avant le français ou l'anglais poserait-il un problème important pour quelqu'un?

• 1045

M. Serge Martel: Nous ne voyons aucun inconvénient à utiliser la langue de l'endroit où le service est offert. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit ici, mais uniquement de l'utilisation des deux langues officielles.

Mme Bev Desjarlais: D'accord.

M. Serge Martel: Il ne s'agit que de ces deux-là.

Mme Bev Desjarlais: Oui.

M. Serge Martel: Malheureusement, certaines compagnies aériennes ne respectent même pas cette règle-là.

Mme Bev Desjarlais: Je tiens à bien faire remarquer que, d'après mon expérience, les deux langues sont généralement utilisées, et ce dans des régions du Canada où le français n'est pas nécessairement très présent. Le français est utilisé même dans ces régions-là d'après mon expérience. Si donc il y a des régions où nous pouvons encourager l'utilisation des deux langues, je ne vois rien de mal à cela.

J'ai une autre question: Depuis combien de temps votre organisation est-elle en place? Je vous demande pardon si vous avez donné cette information au début. J'ai raté le début de votre exposé.

M. Serge Martel: L'Association des gens de l'air a été créée en 1975. L'association fêtera cette année son 25e anniversaire. Elle a pris son envol, vous vous en souviendrez sûrement, parce qu'à l'époque nous n'avions pas le droit de parler français pour les communications air-air ou air-sol. C'est ainsi que l'association a vu le jour.

Mme Bev Desjarlais: Très bien. Ainsi, partout, même au Québec, on vous interdisait d'utiliser le français?

M. Serge Martel: Non. En fait, nous pouvions à l'époque utiliser le français au Québec pour les communications aéronautiques, mais depuis... Ottawa a maintenant un service bilingue, depuis 1994-1995, je crois, et peut-être même depuis avant cela. À Ottawa et à tous les aéroports du Québec, on peut voler selon les règles de vol aux instruments, IFR, et on peut voler au-dessus du territoire québécois en se servant du français si on le veut.

Mme Bev Desjarlais: Dans la première partie de votre exposé, vous parlez de promouvoir l'utilisation du français dans le secteur aéronautique. Voulez-vous parler du secteur aéronautique national, international, québécois, ou du secteur aéronautique dans des régions où le français est prédominant?

M. Serge Martel: J'estime que la Loi sur les langues officielles devrait s'appliquer à Vancouver aussi bien qu'à St. John's. M. Claude Taylor a présenté un exposé devant le comité mixte des Communes et du Sénat en 1991, où il disait que les Canadiens français se déplacent maintenant beaucoup plus fréquemment au Canada et que le service bilingue devrait donc être offert sur chacun des vols d'Air Canada. C'est ce qu'il avait dit au Sénat à l'époque.

Nous sommes d'avis que la Loi sur les langues officielles ne s'applique pas uniquement au Québec, mais à l'ensemble du Canada, et j'estime qu'elle devrait s'appliquer dans le Canada tout entier.

Mme Bev Desjarlais: Ainsi, ce que vous voudriez, peu importe que nous ayons une Loi sur Air Canada ou autre chose, c'est qu'un mécanisme soit mis en place pour assurer l'utilisation des deux langues officielles sur tout le territoire.

M. Serge Martel: Je crois que le problème tient au fait que la loi existe, mais qu'elle n'a pas de dent. Il lui faut des dents. Je donne généralement l'exemple du policier qui arrête la personne qui brûle un feu rouge, mais qui se contente de lui donner un avertissement. La personne est pressée, alors que va-t-elle faire au prochain feu rouge? Elle brûlera sans doute ce feu rouge-là aussi. Il n'existe pas de mesure coercitive pour assurer l'application de la loi

C'est pourquoi nous disons que tout transporteur national doit respecter la loi et l'appliquer. Une des mesures coercitives qui permettrait d'assurer le respect de la loi serait le contrôle des liaisons internationales—je vous assure que les compagnies aériennes y tiennent à ces liaisons internationales.

Mme Bev Desjarlais: Merci.

Le président: Merci, Bev.

Monsieur Casey, vous avez la parole.

M. Bill Casey: Merci.

Merci de votre présence ici aujourd'hui. Si je me souviens bien, vous êtes pilote. Vous étiez là aux réunions du comité ad hoc. Vous y avez présenté un exposé.

M. Serge Martel: Oui, je suis pilote.

M. Bill Casey: Vous êtes pilote à l'emploi de quelle compagnie?

M. Serge Martel: D'Air Nova.

M. Bill Casey: Avez-vous suivi le dossier du dessaisissement des transporteurs régionaux? Si nous nous retrouvons avec un seul transporteur dominant, le transporteur dominant devrait-il se dessaisir des transporteurs régionaux ou devrait-il les conserver comme partie de ses opérations?

M. Serge Martel: Cette question arrive en plein dans le mille.

Pardonnez-moi l'expression, mais je crois que c'est celle qui convient.

M. Bill Casey: En effet, je dirais même que c'est peut-être le million.

• 1050

M. Serge Martel: Il faut voir quelles sont les tendances dans le secteur. Si vous avez lu le Globe and Mail le mois dernier, vous aurez remarqué un article dans le cahier des affaires, où l'on disait que Delta Airlines venait d'acheter COMAIR, qui était un transporteur régional à l'époque. Je crois que Delta avait 30 p. 100 des actions, et elle a acheté le reste.

La tendance dans le monde, aux États-Unis en tout cas, est à la disparition des transporteurs régionaux; on cherche à les intégrer aux grandes compagnies. Voyez ce qui s'est passé dans le cas de Lufthansa et de son transporteur d'apport, par exemple. C'était la même chose.

M. Bill Casey: Mais vous dites que ce n'est pas une bonne chose?

M. Serge Martel: C'est une bonne chose.

M. Bill Casey: Est-ce une bonne chose?

M. Serge Martel: Je crois que c'est une bonne chose. J'ai lu le mémoire de Regco.

M. Bill Casey: Très bien.

M. Serge Martel: Ainsi, on se retrouvera avec un monopole sur le plan du service national et un monopole aussi sur le plan du service régional. Après avoir lu les propos et les huit conditions, je dois vous dire que si ces conditions sont agréées, je commencerai à croire au Père Noël, et je saurai de manière certaine qu'il vit à Ottawa.

M. Bill Casey: Vous avez dit, tout à l'heure dans votre exposé, que vous préférez qu'il y ait deux compagnies aériennes. S'il n'y en a plus qu'une... Le Bureau de la concurrence dit que le dessaisissement assurerait la concurrence. Vous êtes à l'emploi d'Air Nova, qui ne ferait donc plus partie d'Air Canada s'il y avait dessaisissement. Le Bureau de la concurrence a dit qu'en l'absence d'une deuxième compagnie aérienne, le dessaisissement assurerait la concurrence, mais vous contestez cette affirmation.

M. Serge Martel: Voyez quelle est la tendance, comme je l'ai dit tout à l'heure. Le transporteur de correspondance doit avoir des liens étroits avec le transporteur national.

M. Bill Casey: Le transporteur d'apport, n'est-ce-pas?

M. Serge Martel: Je ne pense pas que le Canada puisse échapper à cette tendance. Quel serait l'avantage pour un client comme vous, par exemple, de prendre un transporteur plutôt qu'un autre? Quel serait le meilleur...? Nous ne sommes pas sûrs qu'un système à deux transporteurs régionaux et un transporteur national fonctionnerait vraiment.

M. Bill Casey: Si nous revenons à la politique des deux lignes aériennes, qui est celle que préfèrent la plupart des consommateurs... Ils préféreraient avoir deux lignes aériennes qui se feraient concurrence. Sinon, il faudra une réglementation à tout casser. C'est ou bien la réglementation ou bien la concurrence. Si personne ne propose de créer une deuxième ligne aérienne, que pouvons-nous faire pour favoriser cette solution?

M. Serge Martel: Vous avez retranché une des possibilités que nous décrivons dans notre document, qui consisterait à venir à la rescousse des Lignes aériennes Canadien. Il faudrait sans doute que le sauvetage se fasse selon certains critères. C'est pourquoi nous recommandons vivement au gouvernement de songer un peu plus à cette possibilité au lieu de s'empresser de prendre une décision—peut- être mettre sur pied un conseil d'experts. À la Chambre de commerce de Montréal, un spécialiste de l'université McGill nous a présenté une multitude de scénarios. Je ne sais pas si l'on a entendu ces gens-là ici, mais ce serait...

Le président: Oui.

M. Serge Martel: Oui?

Ce serait avantageux, il me semble, pour le Canada d'étudier à tout le moins cette possibilité. Si l'on n'a pas d'autre choix que d'opter pour un monopole, soit, mais il faudra réglementer et s'assurer de ne rien oublier.

M. Bill Casey: Exactement.

Certains de nos témoins disent que ce n'est pas l'industrie aérienne canadienne qui est en état de crise, mais simplement les Lignes aériennes Canadien. Êtes-vous d'accord avec eux? L'industrie aérienne canadienne telle qu'elle est structurée à l'heure actuelle est-elle en état de crise et devrait-elle être changée en profondeur? Ou s'agit-il simplement d'une compagnie aérienne qui éprouve des problèmes financiers?

• 1055

M. Serge Martel: Je crois que les Lignes aériennes Canadien ont des problèmes financiers. C'est ce qui a déclenché toute cette affaire, tout ce drame que nous vivons depuis le 24 août...

M. Bill Casey: Depuis le 13.

M. Serge Martel: Excusez-moi... depuis le 13 août.

M. Bill Casey: Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Casey.

Monsieur Guimond, vous serez le dernier.

[Français]

M. Michel Guimond: Pour revenir à la question de M. Dromisky, reprise par Mme Desjarlais, je dirai que ce n'est qu'une question d'opinion. Si vous prenez un vol entre Vancouver et Hong Kong, les annonces concernant la sécurité vont se faire dans quatre langues: en anglais, en français, en chinois et en mandarin. Donc, on ira jusqu'à utiliser quatre, huit ou même dix langues en fonction de la clientèle parce que le but d'une annonce concernant la sécurité est d'émettre un message qui sera compris par les passagers.

Cela introduit la question que j'adresse au témoin. Êtes-vous d'avis que dans le rapport que ce comité aura à déposer, si on demande que les transporteurs régionaux soient soumis à la Loi sur les langues officielles, il devra aussi être question de la maîtrise de cette langue aux fins d'adapter les messages aux événements qui surviennent à bord? Je m'explique.

Vous serez d'accord avec moi que le rôle premier d'un agent de bord, contrairement à ce que plusieurs peuvent croire au Canada, n'est pas d'assurer les services de restauration. Le but premier de la présence d'un agent de bord n'est pas la distribution de sandwiches et de boissons. S'il y a des agents de bord dans les avions, c'est d'abord pour assurer la sécurité des passagers.

Ensuite, je ne sais pas si vous avez pu écouter la rediffusion de la cassette, mais c'est un exemple que j'ai donné à la commissaire aux langues officielles. Au cours d'un vol de Canadian Regional Airlines effectué entre Toronto et Québec par un Fokker F28, un voyant lumineux indiquait que le train avant n'était pas sorti. Le pilote a donc demandé à l'agent de bord, avant que la tour de contrôle puisse lui confirmer si le train d'atterrissage était en position ou non, d'entreprendre les procédures s'appliquant en cas d'atterrissage d'urgence.

Aussi incroyable que cela puisse sembler, l'agent de bord n'a pas été capable de s'adresser aux passagers en français pour leur dire d'enlever leurs souliers, de retirer leurs prothèses dentaires, d'adopter la position foetale parce qu'on allait devoir... C'est le passager du siège 1-C qui a dû traduire les instructions s'adressant à tous les passagers. Je pense que cela est totalement inadmissible et qu'un ruban de cassette ne peut donner ces instructions.

J'aimerais avoir vos commentaires.

M. Serge Martel: Je vais d'abord faire une remarque. C'était un vol de Québec vers Montréal, et une plainte a été déposée, je crois. Les Gens de l'air ont été saisis de cette plainte il y a quelque temps par le plaignant. Comme on le sait, Canadian Regional Airlines n'est pas soumise à la Loi sur les langues officielles. C'est un exemple d'une situation qui aurait pu être grave.

Comme on le sait, plusieurs des passagers de cet appareil ne parlaient pas anglais. Tous les ordres concernant la sécurité ont été donnés en anglais seulement. Les Gens de l'air sont d'avis que la sécurité est un facteur important à considérer par rapport à l'application de la Loi sur les langues officielles. Ce n'est pas seulement une question de respect.

Dans un avion, quand il se présente une situation d'urgence, les passagers sont souvent beaucoup plus nerveux que les membres de l'équipage, lesquels sont quand même mieux préparés. À ce moment-là, la compréhension d'une langue seconde peut même être inhibée; les gens peuvent ne pas comprendre les instructions données pour leur sécurité. Donc, je crois qu'il serait important d'inclure dans cette loi-là, même en pensant à la sécurité, l'utilisation des deux langues officielles.

Il est certain qu'on ne peut pas utiliser les langues de toutes les communautés ethniques qui se trouvent au Canada, mais on ne peut oublier qu'il y a deux langues officielles au Canada, qui sont l'anglais et le français. Nous croyons qu'il serait recommandable de les utiliser pour des raisons de sécurité.

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La même plainte portait sur un autre point. La plainte a d'abord été adressée au commissaire Goldbloom, il y a un an et quelques jours. M. Goldbloom, lui, l'a renvoyée au ministère des Transports étant donné que Canadian Regional Airlines n'était pas soumise à la Loi sur les langues officielles. Or, le plaignant n'a toujours pas reçu de réponse du ministère des Transports.

M. Michel Guimond: Monsieur Martel, je veux vous remercier. Je veux vous remercier aussi de ce que je perçois dans vos propos, à savoir que vous voulez aussi que 1,5 million de francophones hors Québec puissent recevoir des services dans leur langue. Merci.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Guimond. Vous avez soulevé un excellent point.

Monsieur Martel et monsieur Alain—M. Alain n'a pas eu une matinée trop difficile, mais c'est lui qui a fait tout le travail dans les coulisses—merci, messieurs, pour votre témoignage. Je le répète, votre témoignage nous sera très utile. Nous vous sommes reconnaissants pour votre exposé et pour les réponses que vous avez fournies à nos questions.

Collègues, la séance est levée. Nous reprenons cet après-midi à 15 h 30.