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TRAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON TRANSPORT

LE COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 29 février 2000

• 1530

[Traduction]

Le président (M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.)): Bonjour, chers collègues. À l'occasion de cette réunion numéro 39, nous aurons, dans le cadre de notre ordre du jour, une séance d'information sur le transport du grain. En attendant le projet de loi sur les transports aériens, nous allons écouter des témoins nous parler du transport du grain; ce sera une sorte d'étude préliminaire, si vous voulez.

J'aurais simplement une demande à vous présenter. Notre témoin cet après-midi est Arthur Kroeger, le facilitateur. Il nous a apporté trois pages de notes abrégées auxquelles il va se reporter à l'occasion de son exposé. Malheureusement, elles sont rédigées dans une seule langue officielle. Enfin, je vais attendre M. Guimond, car il serait utile d'avoir...

Michel, je disais que M. Kroeger, que nous recevons aujourd'hui, n'a pas de discours à distribuer, mais qu'il a trois pages de notes dont nous pourrions nous servir pour suivre son exposé, mais elles sont seulement dans une langue officielle. Je lui ai dit qu'il fallait d'abord que je demande au comité l'autorisation de distribuer ce document dans une seule langue officielle pour aider les membres du comité à suivre son exposé. Mais naturellement, si vous voulez attendre la version traduite, nous pourrons faire traduire ce document et nous le distribuerons plus tard. Mais d'ici là, je pense que M. Kroeger aura terminé son exposé.

Vous consentez à ce que ce document soit distribué, monsieur Guimond?

[Français]

M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Monsieur le président, je vous répète que je suis fatigué d'être le censeur de la Loi sur les langues officielles au Canada. C'est toujours moi qui dois dire «oui, je suis d'accord» ou «non, je ne suis pas d'accord». Monsieur Kroeger, je dois vous dire que vous me décevez. Vous êtes un ancien haut fonctionnaire et vous avez travaillé dans l'appareil gouvernemental...

[Traduction]

Le président: Michel...

M. Michel Guimond: Je suis d'accord. Je suis d'accord. Mais je vais...

Le président: Il n'était absolument pas obligé de nous fournir ce document. Il pouvait très bien faire son exposé au micro, et nous aurions eu la traduction de ses remarques de toute façon. Je pense donc que ce n'est pas la peine de s'en prendre à M. Kroeger. En outre, il est venu à l'improviste. Mais si vous êtes d'accord, cela aidera les membres du comité.

M. Guimond est d'accord; alors je vais demander au greffier de distribuer ces notes.

Merci, chers collègues.

Madame Meredith.

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Monsieur le président, j'ai remis la semaine dernière un préavis de présentation d'une motion.

Le président: Oui.

Mme Val Meredith: Je n'en aurai pas pour longtemps. J'espère avoir l'appui de tous les membres du comité.

Cette motion est très simple. Il s'agit de demander au comité de constituer un sous-comité qui étudierait les répercussions des taxes sur le carburant dans l'industrie des transports au Canada. Il s'agirait simplement d'ouvrir un créneau qui nous permettrait d'étudier une autre question, étant donné que le comité n'aura pas d'ouverture avant bien longtemps.

Le président: Nous n'allons pas entamer cette discussion tout de suite, car je vais la reporter à la fin de notre réunion. Nous avons un témoin que nous souhaitons entendre, et nous aborderons donc cette discussion après avoir entendu son exposé et ses réponses à nos questions. Vous êtes d'accord?

Monsieur Kroeger, merci de venir témoigner au Comité des transports. Nous sommes prêts à vous écouter. Prenez votre temps, de préférence pas plus de quinze ou vingt minutes, pour nous donner la possibilité de vous poser des questions. Merci encore d'être venu nous rencontrer.

M. Arthur Kroeger (facilitateur, Manutention et transport du grain): Merci, monsieur le président.

[Français]

Avant de commencer, monsieur le président, j'aimerais dire à M. Guimond que je regrette ce fait. Je dois toutefois vous dire que je travaille seul, que je n'ai pas de bureau et que je ne bénéficie pas de services de traduction. J'ai cru que les notes que j'ai rédigées ce matin pourraient aider les membres du comité à mieux comprendre mon exposé.

[Traduction]

Monsieur le président, je pense que les membres du comité ont reçu des exemplaires de la lettre que j'ai adressée au ministre des Transports à la fin de septembre, et qui vous donne les grandes lignes de ma pensée.

En me préparant à cette comparution aujourd'hui, je me suis dit qu'il serait utile pour les membres du comité qui ne connaissent pas bien les Prairies et leurs caractéristiques bien particulières d'en parler un peu. Il s'agit ici d'une question de déréglementation du transport des grains, d'une question d'ajustement de l'économie des Prairies, et il est donc utile d'avoir une petite idée de la situation des Prairies et des problèmes qu'elles connaissent.

• 1535

Quand j'ai grandi dans les Prairies, les terres étaient distribuées aux colons à raison d'un quart de mille carré par famille. Ils se sont établis sur tout l'ensemble des Prairies. Cinq mille silos ont été construits. Il y avait des lignes de chemin de fer tous les 20 milles, avec des points de livraison à huit milles les uns des autres sur chacune des lignes est-ouest, de sorte que, quel que fût l'endroit où vous viviez, vous pouviez prendre un chariot et deux chevaux pour aller livrer votre blé au silo et être de retour à temps pour traire vos vaches le soir. Voilà pour l'origine de l'économie céréalière des Prairies.

Depuis cinq, six ou sept décennies, on assiste à une rationalisation progressive, si je puis dire, de cette économie des Prairies, où les exploitations deviennent de plus en plus grandes; il y a eu la mécanisation et l'arrivée de matériel à plus grosse capacité grâce au chemin de fer; il y a eu la disparition de nombreuses lignes secondaires; et on a vu disparaître de nombreuses petites villes et de nombreuses exploitations agricoles. Cette évolution a été très douloureuse pour beaucoup d'habitants des Prairies, et elle explique une bonne partie de ce que le comité entendra lors de ses audiences sur le transport du grain.

L'une des caractéristiques de ce transport du grain au cours du siècle écoulé, c'est que c'était une industrie extrêmement réglementée, l'un des secteurs les plus réglementés de notre économie. On contrôlait les frais d'élévation, qui étaient réglementés. En vertu du fameux tarif du pas du Nid-de-Corbeau, les taux de fret du grain ont été gelés de 1897 à 1983. L'abandon des lignes secondaires était aussi réglementé.

Tout cela a créé une économie très particulière. Ce n'était pas une économie destinée à être efficace. On voulait simplement qu'elle soit équitable, qu'elle protège les producteurs. Et cette économie a fonctionné longtemps.

Ce qui s'est passé, ce qui a entraîné la situation dont nous allons parler cet après-midi, c'est qu'au cours des dernières décennies tout ce régime, toute cette économie traditionnelle des céréales dans les Prairies, a subi toutes sortes de pressions de plus en plus fortes.

La première de ces pressions, c'était l'accroissement des coûts auxquels devaient faire face les producteurs, des coûts qui n'ont cessé d'augmenter. Quand j'étais en douzième année en Alberta, je travaillais chez mon frère, qui était concessionnaire Massey-Harris. À l'époque, une moissonneuse-batteuse Massey-Harris 21A coûtait 2 200 $, et le blé se vendait 2,50 $. Aujourd'hui, le blé se vend toujours aux alentours de 2,50 $, mais une moissonneuse-batteuse coûte environ 220 000 $.

Les producteurs ont donc subi une énorme pression du fait de cette augmentation des coûts, et il a fallu rationaliser le système, d'autant plus qu'en même temps les gouvernements traversaient une période de contraintes financières, et c'est ainsi qu'ont pris fin une bonne partie des subventions dont jouissait l'économie des Prairies.

Le président: Excusez-moi, monsieur Kroeger.

Nous avons manifestement un problème. La salle est très petite, mais nous allons faire venir d'autres chaises, et nous vous demandons un peu de patience, le temps que le greffier les fasse apporter. Merci.

Désolé, Arthur. Veuillez continuer.

M. Arthur Kroeger: Je ne me serais jamais attendu à cela.

Une voix: Moi non plus.

M. Arthur Kroeger: C'est un sujet assez spécialisé.

Une voix: Vous voyez? Vous avez tout un public.

Une voix: Exactement. Quelle foule!

Le président: Allez-y, Arthur.

M. Arthur Kroeger: Merci.

Les producteurs subissaient donc la pression de ces coûts, les gouvernements étaient liés par des contraintes budgétaires qui les forçaient à supprimer les subventions, et l'on avait constaté en outre dans divers secteurs au Canada et ailleurs que quand on déréglemente, on réalise des gains en efficacité et on obtient une réduction des coûts, et l'on se disait que c'était l'un des moyens de répondre à ces pressions.

Les États-Unis ont déréglementé les taux de fret ferroviaire en 1980. Au cours de la période qui a suivi, ces taux de fret ont diminué d'environ 40 p. 100. Il est arrivé à peu près la même chose au Canada; nous avons déréglementé un peu plus tard, mais le résultat a été le même.

• 1540

Pour en venir à la situation actuelle, ce que nous avons, c'est les résultats de plusieurs décennies de déréglementation. Le vénérable tarif du pas du Nid-de-Corbeau a disparu en 1983. En 1987, l'ensemble du secteur des transports a été massivement déréglementé. À partir de 1995, la plupart des restrictions limitant l'abandon de lignes secondaires ont été levées, et c'est aussi en 1995 que les frais d'élévation ont été déréglementés.

Le système s'est donc libéralisé progressivement, mais même dans un tel contexte le grain est demeuré nettement plus réglementé que n'importe quelle autre denrée transportée au Canada.

Nous avons donc aujourd'hui un mélange de régime commercial régi dans une certaine mesure par les forces du marché, mais qui comporte aussi une forte composante administrative. On utilise une formule complexe pour répartir les wagons. Le fonctionnement du système est régi par un certain nombre de mesures administratives plutôt que commerciales.

Tel est le coeur du débat que le comité va entendre, car certains estiment que si l'on mène à son terme la déréglementation et que l'on passe à un régime purement commercial, on améliorera considérablement l'efficacité du système et l'on réglera les problèmes d'antan.

Ce système comporte des éléments inefficaces et peut même à l'occasion se paralyser complètement. En 1993-1994, il y a eu de très gros problèmes, de même qu'en 1996-1997. Les membres du comité se souviennent sans doute que tout le système de transport dans l'Ouest a été presque complètement paralysé, en partie à cause du temps, mais pas seulement pour cela.

À la suite de ce qui s'était passé en 1996-1997, trois des ministres, M. Vanclief, M. Collenette et M. Goodale, ont rencontré la plupart des intervenants de l'industrie de l'Ouest en juillet 1997. Tous ont été d'accord pour dire qu'il n'était plus possible de maintenir le statu quo, et qu'il fallait modifier sérieusement la situation pour qu'une telle chose ne se reproduise plus.

À la suite de cette rencontre, le juge Estey a été chargé de faire une étude approfondie, qu'il a commencée en décembre 1997. Il a présenté son rapport 12 mois plus tard, en décembre 1998. En substance, ce qu'il recommandait, c'était de poursuivre la déréglementation, mais en prévoyant des dispositifs de sécurité pour les expéditeurs, pour les producteurs de grain.

En mai dernier, le ministre des Transports a annoncé que le gouvernement acceptait l'essentiel des recommandations de M. Estey. On m'a demandé de rencontrer les intervenants de l'Ouest pour voir avec eux comment mettre en place un programme de mise en oeuvre de ces recommandations, car certaines des questions étaient très complexes. Nous avons commencé notre travail en mai, et les compagnies céréalières, les représentants des producteurs, les compagnies ferroviaires et les autres intervenants de l'Ouest, y compris les administrations provinciales, ont participé très activement à ces travaux.

Comme vous aurez pu le constater en lisant le rapport que j'ai adressé au ministre des Transports, les résultats ont été mitigés. Nous avons fait beaucoup de travail technique, mais important, sur des questions telles qu'une formule de plafonnement des recettes moyennes des compagnies ferroviaires, un ensemble de nouvelles formules d'abandon des lignes secondaires, et des améliorations au régime d'arbitrage de l'offre finale—et nous pourrons revenir sur tout cela si vous le souhaitez. Tous ces progrès ont été utiles.

Nous avons aussi présenté deux modèles de rôle futur de la Commission canadienne du blé dans le domaine des transports de façon à permettre au gouvernement de ne pas partir à zéro et d'avoir en main des éléments lorsqu'il devra se prononcer. Lorsqu'il décidera de l'orientation future du système, il pourra s'appuyer sur deux modèles soigneusement mis au point.

Sur les trois grandes questions, dont nous reparlerons dans un instant, nous n'avons pas pu nous mettre d'accord. Cela n'a peut- être rien de surprenant, puisque l'Ouest a traditionnellement été profondément divisé sur ces questions, mais ces divisions se sont nettement fait sentir au cours de nos travaux de cet été, qui ont pris fin au début de septembre.

• 1545

La première de ces questions concernait le niveau du plafonnement du revenu. Le juge Estey proposait de supprimer totalement le contrôle détaillé des tarifs ferroviaires, mais de plafonner le revenu annuel moyen des compagnies ferroviaires de façon à garder une protection pour les producteurs. Si une compagnie ferroviaire voulait faire payer plus cher un service spécialisé quelconque, elle devait réduire ailleurs ses tarifs d'un montant équivalent. Le producteur était donc protégé dans la mesure où les recettes d'ensemble des compagnies ferroviaires ne pouvaient pas dépasser un certain niveau.

Ce débat a soulevé des questions techniques intéressantes. Au début, beaucoup d'intervenants disaient qu'on ne pourrait jamais trouver une formule de plafonnement des recettes des compagnies ferroviaires qui marcherait vraiment. À la fin de l'été, le travail des intervenants de l'Ouest leur a permis d'aboutir à un accord complet. Nous avions une formule de plafonnement en béton.

Nous avons élaboré un ensemble de règles grâce auxquelles on pouvait protéger les producteurs en plafonnant le revenu moyen des compagnies ferroviaires tout en leur laissant suffisamment de souplesse pour fonctionner dans des conditions normales sur le marché en fonction de leurs coûts et des services spécialisés qu'elles fournissaient, etc. C'est là un exemple de notre réussite technique tout à fait remarquable. Une fois qu'on est d'accord pour dire qu'un plafonnement des revenus marche, la question est de savoir à quel niveau on va le fixer.

Il y avait trois options. Si nous avions simplement appliqué telle quelle le recommandation du juge Estey, nous aurions dit qu'il fallait plafonner les revenus des compagnies ferroviaires à leur niveau actuel et s'en remettre à la concurrence pour les faire baisser à l'avenir.

À la demande des intervenants de l'Ouest, j'ai invité l'Office des transports du Canada à faire une rétrospective des recettes des chemins de fer depuis l'abolition de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest et des exigences d'examen des coûts supprimées en 1996. Que s'était-il passé?

Il se trouve que ces compagnies ferroviaires prospéraient en fait de plus en plus en transportant du grain, et tout le monde a donc été d'accord pour estimer qu'il fallait diminuer un peu ce plafond, en partie pour atténuer les pressions qui s'exerçaient sur les producteurs. Il y avait donc trois options: plafonner les revenus à leur niveau actuel; les réduire de 8 p. 100, et c'était ce que l'on appelait l'option B; et la troisième option, qui était beaucoup plus radicale, consistait à réduire ce plafond de revenu de 20 p. 100, à geler les recettes à ce niveau et à les faire diminuer ensuite de 3 p. 100 par réglementation en partant du principe que les compagnies de chemin de fer continueraient à réaliser des gains de productivité. Il n'a pas été possible de trouver une entente sur ces trois options.

Dans la lettre que j'ai adressée au ministre des Transports, et que les membres du comité ont sans doute pu lire, j'ai dit qu'on pouvait aller au-delà de 8 p. 100, qu'on pouvait aller jusqu'à 12 p. 100—cela fait 3,73 $ la tonne—mais qu'il ne fallait pas aller jusqu'à 20 p. 100, parce que si on allait trop loin, cela aurait un effet nuisible sur les chemins de fer. Si les compagnies ferroviaires trouvent que le transport du grain n'est pas rentable comparativement au transport d'autres denrées, elles vont investir dans le transport de ces autres denrées. Et il y a d'autres inconvénients.

J'ai donc recommandé au ministre de réduire de 12 p. 100 ce plafond, ce qui était déjà une réduction assez importante, mais de ne pas aller plus loin et de s'en remettre à la concurrence pour réaliser d'autres économies et d'autres réductions à l'avenir. Mais je recommandais de ne pas revenir à la réglementation en fonction des coûts qui a été annulée par le gouvernement en 1996.

La deuxième question, c'était la concurrence des chemins de fer. Si l'on déréglemente, il faut aussi s'assurer qu'il y a un maximum de concurrence, de manière à protéger les expéditeurs, et plus précisément les producteurs de grain. Nos interlocuteurs ont été profondément divisés sur ce sujet.

Des représentants des producteurs de grain, la Commission du blé, affirmaient qu'il fallait opter pour un régime d'accès ouvert, comme l'avait recommandé le juge Estey. Accès ouvert, cela voulait dire qu'on modifiait la loi pour permettre à n'importe qui de proposer d'exploiter une ligne ferroviaire, qui pouvait être une ligne secondaire. On pouvait très bien avoir une autre compagnie qui déciderait de concurrencer le CN et le CP.

• 1550

À l'origine de tout cela, pour revenir sur l'histoire de l'Ouest, il y a une argumentation que les membres du comité originaires des Prairies ont entendue bien des fois. C'est le vieux rêve des gens de l'Ouest qui voudraient que le gouvernement nationalise les voies du CN et du CP et en fasse un réseau public que pourrait emprunter n'importe quelle compagnie ferroviaire.

Certains au cours de nos consultations disaient qu'il fallait absolument le faire. Les compagnies ferroviaires affirmaient au contraire qu'elles souffriraient énormément d'un tel régime. Elles disaient que cela créerait une incertitude et qu'elles auraient du mal à trouver de l'argent sur les marchés des capitaux, et que les compagnies ferroviaires américaines risqueraient à ce moment-là de venir choisir sélectivement les lignes les plus intéressantes. Le comité était complètement divisé.

Vers la fin, quelques-uns des participants ont commencé à se demander si nous en savions assez sur l'accès ouvert pour avoir la conviction que ce régime donnerait les résultats annoncés. J'ai réfléchi pendant un moment, et j'ai donné mon point de vue au ministre dans la lettre que je lui ai adressée.

Ce que je disais en gros dans cette lettre, c'est qu'il fallait prendre les mesures les plus susceptibles d'accroître la concurrence, et que si cela signifiait l'accès ouvert, c'était très bien, mais que si, après avoir consulté des experts, on constatait que cela ne marcherait pas ou que cela risquerait d'avoir des effets néfastes sur les compagnies ferroviaires, à ce moment-là il fallait trouver une autre solution. De toute façon, il fallait intensifier la concurrence si l'on voulait déréglementer. Voilà pour la deuxième question.

La troisième question, la plus délicate, concernait le rôle de la Commission du blé dans le domaine des transports, car cette commission joue un rôle central dans le transport des grains de la commission, c'est-à-dire essentiellement du blé et de l'orge.

Le juge Estey recommandait que la Commission du blé ne s'occupe plus du tout de transport. C'est un organisme de commercialisation de denrées destinées à l'exportation qui doit simplement prendre livraison du grain à bord du navire, mais le transport du grain depuis l'exploitation agricole jusqu'aux silos et aux ports et le chargement des navires devraient être laissés aux compagnies céréalières et aux compagnies ferroviaires, en collaboration avec les producteurs et les exploitants de terminaux.

La Commission du blé a répondu: «Si vous supprimez notre rôle en matière de transport, nous n'allons plus pouvoir fonctionner comme organisme de commercialisation; or nous devons intervenir dans le transport.»

Nous étions donc dans l'impasse.

En fin de compte, nous avons élaboré deux modèles. Dans le premier cas, la Commission du blé restait le principal intervenant au Canada et intégrait certains éléments commerciaux dans le système. Dans ma lettre au ministre, je présente cela comme 20 p. 100 de ce que recommandait M. Estey.

Le second modèle ne représentait pas 100 p. 100 des recommandations du juge Estey, car nous avons essayé de trouver un moyen de tenir compte des objections de la Commission du blé, qui ne voulait pas qu'on entrave sa fonction de commercialisation; donc nous avons intégré dans ce deuxième modèle des éléments, qui n'étaient pas entièrement de nature commerciale, pour protéger la position de la Commission du blé.

Nous n'avons pas pu nous entendre sur ces deux modèles. Ils sont présentés tous les deux dans les documents que nous avons remis au gouvernement. J'ai examiné tout cela et, sachant que le modèle un représentait 20 p. 100 des recommandations du juge Estey, et le modèle deux 80 p. 100, par opposition à 100 p. 100 des recommandations du juge Estey, j'ai recommandé le modèle numéro deux au ministre, avec quelques nuances pour qu'il ait un caractère encore plus commercial.

Cette dernière question est extrêmement complexe, monsieur le président. Quand le comité l'abordera, je me ferai un plaisir de lui donner une explication du petit document que vous avez obtenu l'autorisation de distribuer, car j'espère que cela me permettra de vous montrer comment le système fonctionne actuellement et comment il pourrait fonctionner à l'avenir. Ce n'est pas facile à comprendre. C'est pourquoi j'ai pensé que ce document pourrait être utile au comité.

Je crois que je devrais m'arrêter là. Ceci n'est qu'un aperçu d'ensemble. Peut-être le comité veut-il approfondir certaines questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Kroeger.

Monsieur Bailey.

M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Merci, monsieur le président.

Nous nous retrouvons. Je suis heureux que vous ayez pris un peu de recul historique ici, car mes collègues me rappellent sans arrêt mon âge. J'ai vécu à cette époque où l'on amenait 60 boisseaux de grain sur un chariot tiré par des chevaux jusqu'aux silos, qui effectivement étaient espacés de huit milles les uns des autres.

• 1555

Il est un peu paradoxal que vous parliez de la croissance maintenant. Je lisais l'autre jour—et je crois que c'est un de nos amis américains qui était venu dans le sud de la Saskatchewan qui le disait—que les Canadiens construisaient des chemins de fer pour le simple plaisir. Ce n'est plus du tout une partie de plaisir, car la plupart de ces lignes dont on parlait ont disparu.

Toute cette évolution a commencé il y a quatre ans cet hiver. Je peux vous dire, monsieur Kroeger, que j'ai suivi la route qui longe ces lignes secondaires. Nous en avons déjà parlé: le problème ne venait pas entièrement des compagnies ferroviaires, mais aussi de la répartition et du placement des wagons, à l'avantage à la fois des compagnies ferroviaires et des compagnies céréalières. Tout le monde le savait. En fin de compte, on a accusé les compagnies ferroviaires, et les compagnies céréalières s'en sont tirées en douceur.

Mais après tout ce débat... C'est une question extrêmement importante dans l'Ouest canadien. C'est la question la plus grave actuellement, car le tiers—je dis bien le tiers—du prix d'un boisseau de grain sert à payer le transport. Chaque fois que je longe la ligne la plus importante, la ligne la plus productive, c'est-à-dire la voie du CP entre Estevan et Weyburn, dans ma circonscription, et que je vois un train passer, je me dis que le tiers de ce train, le tiers du produit de la vente de tout ce qu'il y a dans ces 110 wagons, va à la compagnie de chemin de fer.

À l'époque où le blé coûtait 7 $ le boisseau, qu'est-ce que c'était qu'un dollar par boisseau? C'était le septième du prix. Maintenant, c'est 3 $ de moins le boisseau, et la différence entre un tiers et la moitié, c'est un sixième. C'est une grosse question.

Alors je trouve tout de même curieux qu'à la suite du rapport Estey et de vos propres travaux... L'une des recommandations les plus fondamentales, probablement la plus fondamentale, était que cette entreprise devait être une entreprise commerciale, et que le transport du grain jusqu'au port devait être confié au producteur, aux compagnies ferroviaires et aux terminaux. Le juge Estey avait recommandé que la Commission du blé ne s'occupe pas de cela.

Par conséquent, avec tout le respect que je vous dois, je m'aperçois que vous venez maintenant, pour une raison ou une autre, mitiger quelque peu cette situation de la Commission du blé, à laquelle on disait: «Ne vous occupez pas de cela, parce que ce n'est pas votre domaine.» Or nous avons maintenant, et cela me déçoit beaucoup... En tant que Comité des transports, nous n'allons pas vraiment nous mêler de cela, puisqu'il faut d'abord que le projet de loi soit présenté.

Il y a donc eu une recommandation du ministre des Transports. En vertu de cette recommandation, qui est maintenant du domaine public, le contrôle des wagons—je ne sais pas si le projet de loi couvrira cela—est entièrement confié à la Commission du blé.

Vous ne pouvez pas lire un journal dans l'Ouest sans voir des articles où l'on se plaint de cette situation. Les exportateurs de cultures spéciales veulent pouvoir disposer de wagons. Pratiquement toutes les organisations d'agriculteurs des Prairies se plaignent d'un retour en arrière dans la répartition des wagons. La situation est différente maintenant. On supprime 110 wagons. Ces producteurs de cultures spéciales veulent pouvoir commander des wagons, et, s'ils ne peuvent pas les avoir, ces gens-là risquent de perdre leurs chemises, d'être sur la paille en un rien de temps.

Je tiens à vous dire que les producteurs de toutes ces céréales, les oléagineux, les pois, les lentilles, etc., qui ne relèvent pas du contrôle de la Commission du blé vont souffrir. Ils ont déjà souffert.

Si l'on doit présenter un projet de loi qui nous ramènera 40 ans en arrière, ce sera une triste nouvelle pour l'Ouest du Canada. Je le dis parce que je sais qu'il y a eu un rapport que le ministre et certains de ses collègues ont rédigé un rapport. J'espère que quand vous parlez du rapport, vous ne parlez pas de notre comité, car il ne s'agit absolument pas d'un rapport de notre comité.

À mon avis, tout votre travail et celui du juge Estey viennent de tomber à l'eau. D'après ce qui a transpiré du rapport—grâce à une fuite délibérée, selon moi—il semble que nous perdions un des éléments clés de votre travail et de celui du juge. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Arthur Kroeger: N'étant plus haut fonctionnaire, je ne sais pas où en sont les choses, mais d'après mes renseignements le gouvernement n'a pas encore pris de décision quant à l'avenir. Je crois savoir qu'il a reçu un rapport de la part de son caucus, mais de là à dire s'il y donnera suite ou non, je n'en sais rien.

• 1600

Le président: Je vais éclairer votre lanterne, monsieur Kroeger. Vous avez raison de dire que le conseil des ministres n'a pas encore pris de décision à ce sujet.

M. Arthur Kroeger: Ma conclusion allait tout à fait dans le sens de celle du juge Estey. À moins d'en arriver à un système plus commercial, on ne pourra pas vraiment améliorer les choses.

Certains sont d'avis—et cette opinion a été exprimée depuis la publication de mon rapport—que le seul problème dans le système actuel était dû au fait que les compagnies ferroviaires gagnaient trop d'argent et que si l'on réduisait suffisamment leurs recettes, cela résoudrait tous les autres problèmes. Les véritables problèmes inhérents au système, du moins de l'avis du juge Estey et aussi du mien, sont liés à sa nature administrative. Nous en sommes arrivés à la conclusion générale qu'il fallait s'orienter davantage vers un système commercial.

Vous avez raison de dire que dans la recommandation que j'ai formulée au ministre je n'ai pas tout à fait dit qu'il fallait que la commission prenne en charge tout le grain dès son déchargement au port. J'ai dit qu'elle devait s'en occuper à la sortie de la goulotte, mais moyennant quelques garanties, qui n'étaient pas de nature tout à fait aussi commerciale que ce que préconisait le juge Estey, dans l'espoir d'éviter que le débat sur cette question ne soit aussi polarisé, car les avis étaient vraiment partagés.

Nous avons essayé, mais en vain, de rapprocher ces points de vue contraires. Cela n'a pas marché, mais si nous avons recommandé un peu moins de 100 p. 100 par la commission au port, c'était simplement pour déclencher le processus et donner aux gens la garantie que la Commission du blé ne perdrait rien de sa capacité en matière de commercialisation. Nous recommandions de mettre à l'essai le système pendant quelques années et de passer à un système entièrement commercial si le résultat était concluant. Cette tentative de compromis a échoué, et nous avons fini par un débat très polarisé, comme vous le savez.

M. Roy Bailey: Une brève question. Vous avez parlé des lignes ferroviaires sur courte distance. J'en connais trois très bien. Une seule est en activité, et elle est apparemment au bord de la faillite. Ce n'était pas la réponse que vous attendiez du juge Estey jusqu'ici, n'est-ce pas?

M. Arthur Kroeger: Quoi que fasse le gouvernement par la suite, il essaiera sans doute de prendre des mesures qui assurent la viabilité future des lignes ferroviaires sur courte distance. Il y a des paliers dans le processus de la liberté d'accès. On peut dire... Une société de production de potasse peut dire qu'elle veut lancer une compagnie ferroviaire et l'exploiter sur les voies du CP. Un marchand de bois peut faire la même chose et expédier ses produits sur les lignes du CN. Ou encore, on peut en arriver à une définition plus restrictive et simplement faciliter l'accès des lignes ferroviaires sur courte distance aux voies du CN et du CP.

Je ne sais pas si c'est ce que voudra faire le gouvernement. Je sais qu'une ligne ferroviaire sur courte distance qui utilise les voies, jusqu'à Churchill dans le nord du Manitoba, s'oppose énergiquement à ce projet de liberté d'accès. À mon avis, du fait que cette compagnie utilise les voies du CN, ce dernier peut utiliser les siennes. Quelle que soit la décision du gouvernement, il est fort probable qu'on trouvera une façon d'accroître au maximum les chances de survie des lignes ferroviaire sur courte distance.

Le président: Merci, monsieur Bailey.

Monsieur Guimond.

[Français]

M. Michel Guimond: Monsieur Kroeger, ma préoccupation se situe surtout au niveau de l'accroissement de la manutention du grain et de l'expédition via le réseau Saint-Laurent—Grands-Lacs.

En 1996, j'étais membre d'un sous-comité du Comité des transports que présidait mon collègue Comuzzi, le député de Thunder Bay—Superior-Nord. Nous avions le mandat d'étudier la viabilité du réseau Saint-Laurent—Grands Lacs et la possibilité d'une certaine forme de commercialisation de la voie maritime, qui a depuis été réalisée.

Je me rappelle très bien d'une réunion tenue dans une salle du Valhalla Inn, à Thunder Bay, au cours de laquelle le président de la Commission canadienne du blé m'avait carrément avoué que du blé produit au Manitoba dont la destination finale était la Belgique ou le Luxembourg transitait régulièrement par le port de Vancouver et le canal de Panama. Ce trajet est une aberration. Il faudrait peut-être qu'on nous explique pourquoi on croyait que c'était la façon la plus économique de procéder.

• 1605

Je voudrais principalement vous demander s'il y aura moyen d'accroître le transport du grain par Thunder Bay et le réseau Saint-Laurent—Grands Lacs. Est-ce que ce sera encore la Commission canadienne du blé qui sera le maître d'oeuvre et qui identifiera les ports de transbordement et d'expédition?

Puisqu'il me reste du temps, je vous pose une autre question.

[Traduction]

Le président: Laissez-le répondre, Michel.

M. Michel Guimond: Très bien.

Le président: Vous pourrez poser votre deuxième question. Nous allons demander à Arthur de répondre à votre première question.

[Français]

M. Arthur Kroeger: Le vrai maître d'oeuvre est le pays qui achète le grain canadien; c'est lui qui est souverain. Lorsqu'il nous dit qu'il désire prendre son blé à Vancouver, on expédie le blé à Vancouver.

La Commission canadienne du blé n'a pas beaucoup d'influence quant au choix du port. C'est l'acheteur de grain qui est souverain et qui choisit le port. On doit toutefois reconnaître que de plus en plus, le grain est exporté à partir de Vancouver et de Prince Rupert parce que les pays qui l'achètent sont surtout des pays d'Asie, des pays d'Amérique du Sud, comme le Brésil par exemple, des pays qui sont situés à l'ouest, ou encore l'Algérie.

Depuis la Deuxième Guerre mondiale, on a assisté à d'importants changements. Auparavant, nos principaux marchés se trouvaient en Europe, mais en raison, entre autres, des importantes subventions qu'accordent les pays européens à leurs agriculteurs, ces pays importent moins de grain en provenance du Canada. Le Portugal est même devenu un pays exportateur de blé. L'influence de la Commission canadienne du blé est assez mince face à ces questions.

M. Michel Guimond: S'il y a des économies ou si le gouvernement fédéral accorde des subventions pour la manutention du grain, qui devrait en bénéficier? Les compagnies de chemin de fer ou les producteurs agricoles eux-mêmes?

Hier, dans le discours du budget—j'ai oublié mon document; je sais que ça ne vous concerne pas, puisque vous êtes rendu loin de la politique—, le gouvernement annonçait qu'il dépenserait de 240 à 250 millions de dollars en subventions pour le transport du grain. J'irai peut-être chercher la citation exacte à mon bureau. J'aimerais savoir si on revient à un deuxième tarif du Nid-de-Corbeau ou à une autre forme de subventions. Bien que je puisse comprendre qu'on tienne compte de la problématique de l'Ouest, il ne faudrait pas oublier la problématique de l'Est. Je ne veux pas faire une chicane Est-Ouest, car on a déjà assez d'autres raisons de se chicaner.

M. Arthur Kroeger: C'était une très grande question en 1981, 1982 et 1983, lorsque je travaillais avec l'honorable Jean-Luc Pepin et que nous discutions de la question du Nid-de-Corbeau.

En principe, il est préférable de donner ces subventions aux producteurs et de les laisser libres de choisir ce qui est le plus avantageux pour eux. Prendront-ils ces subventions et donneront-ils leur grain à leurs cochons, ou préféreront-ils livrer leur grain à un manufacturier? Utiliseront-ils ce grain pour réduire leurs coûts d'exploitation?

• 1610

Une certaine distorsion existait en 1983, lorsque les producteurs étaient en quelque sorte obligés de donner cet argent aux chemins de fer parce que c'était la solution la plus avantageuse. On limitait les choix possibles.

Il est préférable de remettre les subventions aux producteurs et de les laisser faire des choix basés sur des calculs commerciaux normaux. Sachant que le marché intérieur est très limité, ils feront certains choix et investiront leurs subventions là où ils pourront le plus en bénéficier.

En 1983, on a vécu d'autres problèmes. Je demeure convaincu qu'en principe, il est préférable de donner ces sommes d'argent aux producteurs et de les laisser prendre des décisions fondées sur des calculs commerciaux normaux.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Guimond.

Monsieur Proctor.

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci de votre rapport, monsieur Kroeger.

Tout au cours de l'étude entreprise par le juge Estey et ensuite par vous-même, nous avons soutenu que tout changement dans le système de transport et de manutention des céréales devrait profiter avant tout aux agriculteurs des Prairies. J'aimerais savoir quelles garanties vous pouvez donner à ces derniers que les recommandations que vous faites serviront leurs intérêts.

M. Arthur Kroeger: Il n'y a aucune garantie, seulement des probabilités. Un grand nombre d'études ont été faites qui indiquent que si l'on adopte un système plus commercial, on y gagnera. Dans le rapport Mackenzie, il était dit que l'on pourrait faire économiser de 50 à 100 millions de dollars par an aux producteurs. Selon un autre rapport de la société Sparks Companies Inc., on dit que si la Commission du blé ne s'occupe plus du transport et que le système devient plus commercial, on pourra faire économiser près de 180 millions de dollars par an aux producteurs. Il y a d'autres études qui font même des prévisions d'économies supérieures à 200 millions de dollars, voire 300 millions de dollars.

Ce sont des analyses commerciales assez techniques faites par des personnes très compétentes. On peut toujours avoir des surprises, mais je n'ai pas encore lu dans une seule de ces études que si l'on donnait suite aux recommandations du juge Estey et aux miennes, les frais des producteurs augmenteraient. Ils diminueront, mais on ne sait pas encore de combien.

M. Dick Proctor: Très bien. Dans la même veine, vos propositions visant à réduire le plafond des recettes se heurtent à une certaine opposition de la part des chemins de fer, et les agriculteurs nous disent que si l'on modifie le plafond des taux et qu'on le remplace par un plafond des recettes, cela va accélérer les abandons d'embranchements. Étant donné que la viabilité financière des sociétés ferroviaires est essentielle au transport efficace des céréales, comment pouvons-nous garantir que les chemins de fer continueront d'offrir un service de qualité à des taux concurrentiels?

M. Arthur Kroeger: Il y a deux questions en une. D'une part, l'avenir des embranchements et, d'autre part, la qualité du service offert par les chemins de fer. Il existe évidemment un rapport entre les deux.

La question des embranchements nous ramène à ce que j'ai dit dans mon allocution liminaire au sujet de l'époque où les Prairies ont été colonisées, où l'on a construit ces embranchements ainsi que les petites villes et les silos élévateurs. Et aujourd'hui, bon nombre de petites collectivités des Prairies subissent l'expérience très douloureuse de voir disparaître leur embranchement, ainsi que le silo. Elles craignent que cela ne marque la disparition de toute la ville.

Chez moi, dans l'est de l'Alberta, la moitié de l'embranchement a été repris. Il y a désormais une ligne ferroviaire sur courte distance qui assure un service entre ma ville natale et Stettler, et on se demande si elle pourra survivre. Si elle disparaît, les silos suivront, et l'avenir de toute la ville sera alors remis en question.

• 1615

Ce sont des questions graves et difficiles auxquelles se heurtent les collectivités des Prairies. La réalité, toutefois, c'est que si l'on conserve tous les silos en bois et tous les embranchements, on ne pourra pas réduire les coûts. C'est donc un compromis acceptable de dire que les gens sont prêts à accepter cette dépense pour protéger la collectivité. La plupart du temps, j'ai constaté qu'on part du principe qu'il sera possible de gagner sur les deux tableaux: conserver tous les silos en bois et tous les embranchements, et malgré cela réussir à réduire les frais des producteurs. Ce n'est pas facile.

Il va sans dire que le nombre d'embranchements existant dans les Prairies a considérablement diminué, ainsi que les silos, qui sont passés de 5 000 à environ un millier. Cette tendance va se poursuivre, d'après toutes les prévisions. La seule chose qui reste à voir, c'est à quel rythme.

Pour ce qui est de la qualité du service, la question de la concurrence des compagnies ferroviaires est évidemment l'un des plus vieux sujets de discussion dans les Prairies. À l'époque où j'étais enfant et où l'on se déplaçait en voiture tirée par des chevaux, on ne pouvait se rendre que jusqu'à la ville la plus proche—c'était une ligne du chemin de fer du Canadien Pacifique, et c'est là que l'on emmenait ses céréales. Aujourd'hui, lorsqu'on dispose d'un nombre plus restreint de lignes—elles sont beaucoup plus éloignées les unes des autres—on peut utiliser un camion à grande capacité et livrer les céréales jusqu'à la ligne du CN là- haut, où celle du CP là-bas, selon la compagnie qui vous offre le meilleur tarif. En général, le producteur ne négocie pas directement avec une compagnie ferroviaire, mais l'offre vient d'une société céréalière.

Dans la mesure où les producteurs ont le choix entre tel ou tel silo élévateur à grand débit, telle ou telle compagnie ferroviaire, ils ont plus de chances d'obtenir un service de qualité de la part des chemins de fer qu'à l'époque des voitures tirées par des chevaux. Il reste néanmoins toujours des limites. Il existe encore des expéditeurs captifs. Il subsiste des problèmes dans le système, et c'est pourquoi il faut mettre en place des choses comme l'arbitrage des offres finales et favoriser un maximum de concurrence entre les sociétés ferroviaires, que ce soit grâce à un accès accru ou à un autre moyen. De l'avis de la majorité des gens, toutefois, le système est déjà plus concurrentiel que par le passé.

M. Dick Proctor: J'ai une dernière question, si vous le permettez, monsieur le président.

Certains prétendent que les agriculteurs ont plus de possibilités grâce aux deux compagnies ferroviaires, au camionnage, etc., car ils peuvent acheminer leurs céréales sur de plus longues distances; cela répond peut-être à 75 p. 100 des besoins des agriculteurs de l'Ouest, mais il reste encore un certain groupe qui doivent aller beaucoup plus loin. Est-ce là les expéditeurs captifs dont vous parlez? Que peut-on faire pour eux?

M. Arthur Kroeger: Dans le nord-est de l'Alberta, les producteurs sont entièrement tributaires du CN.

M. Dick Proctor: Et dans le sud-ouest de la Saskatchewan?

M. Arthur Kroeger: Dans le sud-ouest de la Saskatchewan, ils sont tributaires du CP.

M. Dick Proctor: Très bien.

M. Arthur Kroeger: Dans certaines régions des Prairies, il faut parcourir de trop longues distances pour avoir accès à l'autre compagnie ferroviaire, et c'est pourquoi il faut obtenir d'autres garanties, comme un plafond des recettes des chemins de fer ou d'autres mesures semblables. Il est possible que certaines personnes aient des idées à ce sujet que ni le juge Estey ni moi n'avons eues jusqu'ici. En tout cas, il faut favoriser au maximum la concurrence dans le système, et accroître celle qui existe déjà.

M. Dick Proctor: Je vous remercie.

Le président: Monsieur Borotsik, avez-vous des questions?

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Bien sûr que oui. Merci, monsieur le président.

Monsieur Kroeger, nous sommes heureux de vous voir. Nous nous sommes rencontrés à maintes reprises ces deux derniers mois. J'ai deux questions à vous poser. En tant que fonctionnaire typique, vous avez tendance à parler indéfiniment, mais mon temps de parole est limité, monsieur Kroeger.

M. Arthur Kroeger: Je serai bref.

M. Rick Borotsik: Tout d'abord, quand M. Estey a déposé son rapport, il a dit clairement qu'il ne fallait pas en retenir uniquement certaines recommandations, car les propositions qu'il formulait formaient un ensemble homogène et indissociable.

Dans votre rapport—dans les 80 p. 100 de ce que dit M. Estey—vous avez retenu certaines propositions plutôt que d'autres. Vous avez dit que la liberté d'accès n'était pas nécessaire. Vous précisez aujourd'hui en disant que vous ne comprenez pas assez bien le système, et que de toute évidence les compagnies ferroviaires sont contre le principe de la liberté d'accès, et que tant que vous ne comprendrez pas mieux la situation et que des gens plus experts que vous en la matière n'y réfléchiront pas, il vaudrait peut-être mieux éviter d'envisager la liberté d'accès. J'aimerais vous demander d'approfondir un peu la question, car c'est justement faire un choix entre des recommandations. La concurrence, qui n'existe pas dans un système entièrement libre, ne représente qu'une partie des recommandations du rapport Estey. Qu'en pensez-vous?

M. Arthur Kroeger: Quiconque rédige un rapport se laisse généralement impressionner par l'ensemble. Il en a été de même pour moi. En fait, il est possible...

M. Rick Borotsik: Cela revient à faire un choix.

M. Arthur Kroeger: Jusqu'à un certain point, si on le fait de façon logique. Il va sans dire qu'il ne faut pas choisir un petit peu de ceci et un petit peu de cela, et retenir une autre proposition qui va tout à fait à l'encontre de certaines autres. Lorsqu'on essaie de mettre au point un programme pratique, on ne peut pas élaborer un train de mesures qui soit une véritable réussite du point de vue artistique et un véritable échec du point de vue politique.

M. Rick Borotsik: C'est un compromis.

M. Arthur Kroeger: Il faut adapter certaines choses pour qu'elles soient plus faciles à accepter par l'ensemble de la population des Prairies, et si cela exige de retenir certaines mesures plutôt que d'autres, eh bien, je n'ai pas à m'excuser d'essayer de le faire.

• 1620

M. Rick Borotsik: Je comprends ce que vous voulez dire et je suis heureux de vous avoir donné l'occasion de nous l'expliquer.

Dans votre recommandation, vous parlez d'une réduction du plafond des taux de 12 p. 100, ce qui constitue un maximum. Il y a un rapport émanant du caucus du nord et de l'ouest de l'Ontario dans lequel on parle d'une réduction allant de 18 à 20 p. 100. Vous aviez également dit que si l'on réduisait ce plafond de plus de 12 p. 100, les chemins de fer devraient voir s'il est aussi rentable de transporter cette denrée par rapport à d'autres produits.

Tout d'abord, pouvez-vous me dire quel pourcentage des activités des chemins de fer représentent les céréales? Est-ce 20 ou 24 p. 100 de leurs activités? Si l'on porte le plafond des taux à 18 ou 20 p. 100, croyez-vous honnêtement, monsieur Kroeger, que les chemins de fer feront passer le transport du grain au second rang, sans lui accorder tout l'intérêt voulu, si l'on peut dire, quant au volume transporté?

M. Arthur Kroeger: C'est possible. Tout dépend de l'importance de la réduction. Ce taux de 12 p. 100 n'est pas un chiffre magique.

M. Rick Borotsik: Tout d'abord, savez-vous quelle proportion des recettes des chemins de fer cela représente?

M. Arthur Kroeger: Sauf erreur, c'est 15 p. 100 pour le CN et près de 20 p. 100 pour le CP.

M. Rick Borotsik: C'est donc un pourcentage important, mais pas...

M. Arthur Kroeger: Ce n'est pas rien.

M. Rick Borotsik: Non, mais ce n'est pas non plus énorme. Si on impose une réduction des taux de 12 p. 100, 18 p. 100 ou 20 p. 100, elles risquent de renoncer complètement.

M. Arthur Kroeger: Entre les deux compagnies, cela représente environ 700 millions de dollars en valeur, soit...

M. Rick Borotsik: Il y a aussi de plus en plus de trafic sur l'axe nord-sud.

M. Arthur Kroeger: En effet.

M. Rick Borotsik: Les compagnies ferroviaires préféreront peut-être investir davantage sur ces axes, plutôt que sur leur ligne est-ouest, si c'était le cas.

M. Arthur Kroeger: C'est une autre question. Lorsque j'ai rédigé le rapport, j'ai fait preuve de la plus grande circonspection possible. Si on impose une réduction trop importante, il devient intéressant d'envisager d'investir dans le transport d'autres denrées. Mais il y a désormais un nouveau facteur qui entre en ligne de compte, à savoir la fusion prévue entre le CN et Burlington Northern.

M. Rick Borotsik: Vous avez parfaitement raison.

M. Arthur Kroeger: Si cette fusion va de l'avant, le CN va désormais disposer d'un univers beaucoup plus vaste pour ses investissements, car il aura désormais accès à tout le marché nord- américain. Si le transport des céréales canadiennes est très peu rentable, le CN aura beaucoup d'autres options en matière d'investissement. Et si le CP conclut avec l'Union Pacific une entente du même ordre, cela risque de se faire au détriment du grain canadien.

Le risque qui m'inquiète, c'est que les producteurs se retrouvent dans une situation encore pire si l'on réduit trop les taux.

M. Rick Borotsik: Je vais poser une dernière question très rapidement.

On a déjà parlé plus tôt de la Commission canadienne du blé, et je sais que vous vous êtes penché pendant longtemps sur ce problème. À votre avis, est-il possible d'adopter un système en vertu duquel la Commission canadienne du blé se retirerait peu à peu du système de transport des céréales, pour ne plus s'en occuper du tout au bout de trois ou cinq ans? Bien sûr, la Commission du blé ne vas pas disparaître du jour au lendemain. Est-il possible d'adopter un plan graduel de retrait?

M. Arthur Kroeger: Bien sûr, et je pense que c'est vraiment important.

On peut discuter quant à la durée de cette période de retrait progressif, mais cela représenterait une réorganisation fondamentale du système de logistique du transport du grain canadien. Il serait risqué de tout essayer de faire en même temps. Il vaut beaucoup mieux procéder par étapes. Il faudrait toutefois se lancer dans ce plan en étant convaincu d'aller jusqu'au bout, quitte à apporter des modifications au fur et à mesure. Si l'on marque des temps d'arrêt trop longs, quelqu'un pourrait être tenté de saboter le système pour prouver qu'il ne fonctionnera pas. Il faut vraiment dire que l'on va réaliser 75 p. 100 des objectifs, mais que l'on apprendra sur le terrain. Cela pourrait se faire au cours d'une période de deux ou trois ans. Ce serait une façon beaucoup plus prudente de procéder, plutôt que de tout faire d'un seul coup.

Le président: Merci, Rick.

Ovid.

M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.): Monsieur le président, compte tenu des problèmes qui se posent à l'échelle mondiale relativement à certains produits en particulier, notamment parce que d'autres pays accordent des subventions et ont en fait accru leur production, j'aimerais demander à notre témoin quelle incidence le plafond du revenu qu'il recommande aura sur les exploitations agricoles familiales. Quel montant cela représentera- t-il, et cela suffira-t-il à assurer leur survie? Ou vont-elles se trouver au bord de la faillite?

M. Arthur Kroeger: Je ne pense pas qu'on puisse résoudre le problème de revenu des céréaliers des Prairies en obligeant les sociétés ferroviaires à réduire leurs recettes. Les chemins de fer peuvent contribuer à la solution. Il y a une possibilité, car elles ont gagné plus d'argent en transportant des céréales. À mon avis, on peut donc effectivement réduire les recettes des chemins de fer et les plafonner à un niveau inférieur au niveau actuel.

• 1625

Pour vous citer un exemple, les recettes totales des chemins de fer découlant du transport des céréales sont d'environ 700 millions de dollars. Les premiers ministres Doer et Romanow sont venus à Ottawa nous dire que, pour leurs deux provinces, ils avaient besoin de 1,4 milliard de dollars. Si les compagnies ferroviaires transportaient les céréales gratuitement, selon les deux premiers ministres, il y aurait encore un problème de 700 millions de dollars. Autrement dit, les compagnies ferroviaires ne peuvent pas à elles seules résoudre le problème de revenu des producteurs, mais il est fortement souhaitable, compte tenu surtout de la situation extrêmement précaire dans laquelle se trouvent les céréaliers, qu'elles fassent leur part pour résoudre le problème en acceptant de réduire leurs recettes.

M. Ovid Jackson: J'ai aussi entendu dire par les responsables des sociétés ferroviaires que certains producteurs utilisent une plaque tournante. Ce système est apparemment beaucoup plus efficace, mais certains ont l'air sceptique. Parfois, les wagons ne sont acheminés que sur une seule ligne, et l'on n'optimise pas l'utilisation des wagons. Je suppose que cela nous ramène à la question de savoir si le système est géré convenablement et de manière efficace.

M. Arthur Kroeger: Cela nous ramène au dilemme qui existe dans les Prairies, à savoir les considérations d'ordre social et communautaire d'une part et l'efficacité du transport de l'autre.

Il ne fait aucun doute que lorsqu'on veut réduire les coûts, il faut transporter ses céréales jusqu'à un silo élévateur à grand débit qui est très efficace pour charger les trains. La façon la plus rentable de le faire, c'est de charger 25, 50 ou 100 wagons l'un après l'autre et de transporter ces céréales directement du point de chargement à la côte. Toutefois, cela signifie que l'on chargera de moins en moins de céréales à partir des silos élévateurs en bois dans les collectivités locales pour les acheminer sur les embranchements. Cela risque de nuire considérablement aux collectivités des Prairies. C'est ce qui se passe depuis de nombreuses années. Bon nombre d'entre elles ont déjà disparu, et il y en aura d'autres à l'avenir. Reste à voir combien de temps cela va prendre. Toutefois, la seule option, c'est d'acheminer les céréales de la façon la plus efficace possible si l'objectif est de réduire au minimum les coûts des producteurs.

M. Ovid Jackson: Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Calder.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Tout cela m'intéresse au plus haut point.

J'aimerais en revenir à ce que Rick disait au sujet des plafonds des recettes. Je me demande si—et je pense que ce sera sans doute le cas—les plafonds des recettes ne risquent pas de créer de grosses difficultés pour les expéditeurs situés le long des embranchements. Vous avez déjà dit que les chemins de fer seront assujettis à des revenus moyens. De toute évidence, à première vue, si leurs recettes sont plafonnées et que certaines denrées sont transportées en grande quantité par chemin de fer—par exemple, disons qu'ils transportent de la potasse ou autre produit du même genre—ils seront plus portés à accorder à ces expéditeurs de meilleures conditions qu'aux céréaliers. Est-ce un problème qui risque de se poser, à votre avis? Dans l'affirmative, comment y remédier? Comment surveiller la situation?

La concurrence est la clé du problème. Vous en avez parlé. En avez-vous discuté avec les responsables du Bureau de la concurrence? En effet, vous nous dites ici que «l'existence d'une concurrence réelle est un pré-requis fondamental à l'exploitation d'un système déréglementé». Je pense à la question du fardeau inversé. J'aimerais connaître votre avis à ce sujet, car même avec la fusion possible entre le Canadien National et Burlington Northern, cela signifie qu'une compagnie ferroviaire américaine peut exploiter ses trains n'importe où au Canada, ni plus ni moins.

La Commission du blé a déjà dit qu'elle était prête à changer de système pour assumer la responsabilité des céréales dès l'instant où elles sont chargées sur le navire. Je pense qu'elle l'a fait. Elle compte désormais parmi ses administrateurs des agriculteurs élus, et je me demande combien de temps nous devrions laisser à la commission pour mettre en place ce changement si elle est prête à le faire.

M. Arthur Kroeger: Vous m'avez posé trois questions, sauf erreur.

S'agissant du Bureau de la concurrence, je pense qu'il n'a pas vraiment de rôle à jouer à cet égard. S'il y avait un changement dans l'industrie, comme lors de la fusion entre les Lignes aériennes Canadien et Air Canada, le Bureau de la concurrence pourrait intervenir. Mais lorsque l'on a deux sociétés ferroviaires qui sont exploitées depuis longtemps, je ne pense pas que le bureau ait légalement le pouvoir de leur donner des ordres dans un sens ou dans l'autre. L'Office des transports du Canada dispose peut-être d'un tel pouvoir, mais pas le Bureau de la concurrence, à ma connaissance. Je me trompe peut-être, car je ne suis pas avocat.

Pour ce qui est du fardeau inversé, c'est l'une des questions qui se posent si l'on veut favoriser la liberté d'accès. Cela pourrait être logique, et je suis donc ouvert à toute suggestion. C'est toutefois une question complexe, et il faut faire preuve de prudence, car si l'accès devient entièrement libre, cela ne se limitera pas aux céréales ni au secteur géographique des Prairies. Il en ira de même pour le transport de toutes les denrées dans toutes les régions du pays.

• 1630

Une voix: C'est exact.

M. Arthur Kroeger: Vous parlez de la santé de tout le réseau ferroviaire national, et il faut donc agir avec prudence.

Si on en arrive à un système de libre accès, il y a des paliers. On pourrait dire que cela ne concerne que les lignes ferroviaires sur courte distance, ou aller plus loin en adoptant le rapport majoritaire du troisième groupe de travail et affirmer que l'accès sera entièrement libre et ouvert. Si quelqu'un veut exploiter ces trains sur les voies du CN, cette personne ne devra pas fournir de justification pour être autorisée à le faire; c'est au CN qu'il incombera de prouver que ce n'est pas possible. On va donc inverser le fardeau de la preuve. C'est ce qui a été recommandé.

En troisième lieu, il y avait une recommandation selon laquelle, de par la loi, on donne l'ordre à l'Office des transports du Canada de tenir compte en priorité des intérêts de l'expéditeur lorsqu'il évaluera l'intérêt public. Or, c'est aller un peu loin. On pourrait favoriser la liberté d'accès sans aller aussi loin, et il conviendrait peut-être de procéder par petits pas prudents, du moins au cours de la période d'essai, si le gouvernement optait pour cette solution.

C'est un problème très complexe, car il n'existe aucun modèle. Les chemins de fer ont dit que cela allait être ruineux pour eux, mais ils n'ont aucune expérience concrète sur laquelle se fonder. De même, les producteurs qui ont dit que cela allait leur sauver la vie n'ont aucune certitude non plus à ce sujet. Les deux parties se fondent donc sur des hypothèses, d'où la nécessité de mettre le système à l'essai et d'agir avec prudence, surtout au tout début, en attendant de voir comment les choses se passent.

La Commission canadienne du blé s'est dite prête à apporter certains changements pour rendre le système un peu plus commercial. À mon avis, son plan prévoit quand même qu'elle reste le principal intervenant dans le pays. Elle conserve la responsabilité centrale de la gestion de la plupart des aspects du système de transport, et on ne pourra pas l'obliger à rendre des comptes, ce qui constituait pourtant une des recommandations les plus importantes du juge Estey—et je partage son avis sur ce point—car c'est une des grosses lacunes du système actuel.

La Commission du blé propose de mettre en place un système de contrats. Elle passera des contrats avec les sociétés céréalières, les silos terminaux, les producteurs et les chemins de fer, mais les différentes parties prenantes ne pourront pas conclure de contrats entre elles. La société céréalière qui veut acheminer des céréales jusqu'au port de Vancouver n'a pas vraiment passé de contrat avec la compagnie ferroviaire, de sorte qu'elle ne peut exiger d'elle aucun compte. C'est la Commission du blé qui a passé le contrat avec la société ferroviaire, le silo terminal et la société céréalière. En conséquence, chacune des parties peut tenir les autres responsables en disant qu'elle a fait sa part, mais pas les autres, et qu'il n'y avait pas de contrat pour obliger l'autre partie à tenir promesse. C'est l'argument qu'on met toujours de l'avant. Par conséquent, bien des gens dans l'Ouest sont assez sceptiques quant aux améliorations que le plan de la Commission du blé représentera pour le système, améliorations que le juge Estey et moi-même jugeons essentielles si l'on veut éviter de nouvelles défaillances du système à l'avenir.

Monsieur le président, puisque nous avons parlé de la Commission canadienne du blé, je me demande si le comité accepterait de prendre quelques minutes pour parcourir les quelques pages que j'ai préparées à son intention, puisque certains députés se sont demandé quelles étaient les économies prévues. On m'a demandé si je savais de combien on parlait en termes d'économies, entre autres choses, et j'ai préparé ces notes pour que le comité comprenne mieux la situation.

Le président: Chers collègues, acceptez-vous que le témoin nous explique ces feuillets?

Des voix: Oui.

M. Arthur Kroeger: Le comité veut-il que je l'explique rapidement? La question est très complexe, et je pense que cela pourrait vous aider.

Le président: Allez-y.

M. Arthur Kroeger: J'essayerai de faire le plus rapidement possible. C'est intitulé «La logistique des céréales—Modèles de rechange».

On commence par la prémisse habituelle, qui est celle du prix international: le prix versé au producteur est donc le prix international amputé du coût du transport des céréales jusqu'au client. Le coût de transport jusqu'au client représente les frais des silos primaires, les frais de transport par rail et les frais du silo terminal. Il ne faut pas oublier non plus les frais d'entreposage, qui dépendent de la durée pendant laquelle les céréales sont entreposées dans le silo primaire, puis dans le silo terminal. Ensuite, il faut parfois y ajouter les frais de surestarie, chaque fois qu'un navire doit attendre l'arrivée des céréales au silo terminal. Enfin, on ajoute les frais de nettoyage.

• 1635

Le président: Avez-vous d'autres exemplaires de ce feuillet?

M. Arthur Kroeger: J'en ai un seul exemplaire de plus, mais je puis vous le donner.

Si l'on peut réduire tous ces fais pris collectivement, le profit net au producteur est beaucoup plus élevé. Mais comment y parvenir?

Au bas de la page 1, on vous explique comment se déplace les céréales de la Commission canadienne du blé dans le système actuel. J'aimerais reprendre toutes les étapes pour que vous compreniez mieux ce que j'entendais plus tôt par un système administré. Supposons que la Commission canadienne du blé vende des céréales à la Chine à 200 $ la tonne, ce qui n'est pas tellement exagéré par rapport aux prix actuels. La commission fait alors un appel de contrats, à la suite de quoi les producteurs sont invités à lui livrer leurs céréales. Les céréalières, telles que UGG, Agricore et Sask Pool, reçoivent donc les céréales livrées par les producteurs à leurs silos de collecte respectifs.

Ce qui frappe là-dedans, c'est que c'est la commission qui donne les déclarations d'expédition aux céréalières. La commission dit à celles-ci qu'elle veut tant de tonnes de céréales de telle catégorie et de tel contenu protéinique, et qu'elles doivent aller chercher leur produit dans telle ou telle zone. La commission alloue ensuite tant de wagons à Sask Pool, à UGG, à Agricore et à Paterson, mais sans se fonder sur des calculs commerciaux. En effet, elle peut décider, dans le cas de Sask Pool, par exemple, que celle-ci a traditionnellement occupé 25 p. 100 du marché et qu'elle obtiendra donc 25 p. 100 des wagons. Toutefois, comme son rendement de charge n'est pas aussi optimal que voulu, il faudra donc la pénaliser et ne lui accorder que 23 p. 100 des wagons.

C'est donc un système de répartition purement administratif qui ne comporte pas les caractéristiques commerciales que l'on trouve normalement.

Une fois les wagons répartis, les céréalières les chargent et les compagnies ferroviaires transportent les céréales jusqu'au port. Une fois rendues au port, toute une série de nouveaux frais sont prélevés, selon que le système fonctionne de telle ou telle façon. Inévitablement, le silo terminal devra facturer des frais pour le déplacement des céréales jusqu'au navire. Ce sont des frais fixes. Ce qui n'est pas fixé, ce sont les frais d'entreposage. À certains moments, les silos de Vancouver entreposaient 45 p. 100 plus de céréales que nécessaire. Celles-ci étaient inutilisées, car on attendait l'arrivée d'un navire. Il fallait donc payer des frais d'entreposage, frais qui étaient ensuite déduits du dernier paiement de la commission versé au producteur; par conséquent, c'était les agriculteurs qui, en bout de piste, assumaient les frais d'entreposage. Ils devaient également assumer les frais de surestarie si un navire accostait et que les céréales n'étaient pas encore arrivées.

Si les coûts de transport des céréales du silo de collecte jusqu'au navire sont élevés, la commission déduit un montant proportionnel de son paiement. Si les coûts sont moindres, la déduction est également moindre, et c'est le producteur qui en bénéficie.

Ces sept points expliquent comment fonctionne ce système non commercial et en grande partie administratif.

Passez maintenant au milieu de la deuxième page, et vous verrez ce que recommande le juge Estey: sa proposition ne diffère pas de la plupart des ententes commerciales de transport. Supposons que la commission vende des céréales à la Chine et qu'on ait besoin de 500 000 tonnes de numéro un à Vancouver d'ici une date donnée. La commission fait donc un appel d'offres, ce qui permet aux céréalières de lui offrir leurs produits à tel ou tel prix. En principe, c'est la céréalière qui offre son produit au prix le plus faible qui obtient le contrat de la commission.

Une fois que la céréalière a obtenu le contrat, elle doit trouver le produit en question chez les producteurs. Comment convaincre les producteurs de livrer leurs produits aux céréalières? On les convainc en leur offrant un prix intéressant. Toutefois, des pressions commerciales s'exercent sur la céréalière pour qu'elle réduise ses coûts le plus possible afin de pouvoir gagner l'appel d'offres de la commission. La céréalière doit quand même offrir un prix commercial intéressant à l'agriculteur pour que celui-ci trouve l'offre alléchante et lui envoie ses céréales.

Supposons, par exemple, que vous soyez la United Grain Growers et que vous ayez promis de livrer vos céréales au port de Vancouver moyennant un prix X. Vous avez déjà versé un prix Y aux producteurs, et il faut supposer qu'il y a une différence entre le prix X et le prix Y. Si vous voulez faire un peu d'argent, vous devrez réduire au minimum vos coûts, sans quoi votre soumission gagnante vous fera perdre de l'argent.

• 1640

En haut de la page trois, on vous explique comment vous pouvez réduire au minimum vos coûts. Vous voulez que les silos de collecte soient les plus rentables possible, de même que vos silos terminaux. Vous voulez également négocier de façon musclée avec les chemins de fer et leur demander un tarif d'encouragement en leur proposant de leur charger 100 wagons, ce qui pourrait être très rentable et représenter des coûts avantageux pour eux.

Ensuite, vous allez voir le CP pour lui annoncer que vous devez livrer 500 000 tonnes de céréales à Vancouver et que vous êtes disposé à les faire passer par les silos terminaux à grand débit sur la ligne du CP, selon que le CP vous offre un tarif intéressant ou pas. Le CP vous propose un tarif. Vous vous présentez ensuite chez le CN et vous lui dites que si on vous propose un meilleur tarif, vous allez plutôt utiliser les silos terminaux du CN plutôt que ceux du CP. Vous essayez d'opposer un chemin de fer à l'autre.

Si c'est vous, la céréalière, qui devez payer le tout, vous ne voudrez faire parvenir les céréales au port qu'au moment de l'arrivée du navire, dans la mesure du possible, pour que l'entreposage soit réduit au minimum. Les céréales doivent y être juste avant l'arrivée du navire, pour que vous n'ayez pas à payer de surestarie.

Vous avez là toutes les pressions commerciales qui s'exerceraient normalement dans le système de demain, mais qui n'existent pas en grande partie aujourd'hui, car vous pouvez fixer les coûts à votre guise, étant donné que c'est le producteur qui en fait les frais.

Au milieu de la page trois, on dit que le producteur peut gagner sur les deux tableaux. Le producteur peut être gagnant une première fois si la céréalière lui offre un prix alléchant, et une deuxième fois lorsque la céréalière est incitée à offrir la soumission la plus basse à la commission.

Au bas de la page trois, vous trouverez un tableau qui résume les coûts. Vous pourriez aboutir à des chiffres différents, mais ces chiffres représentent la situation actuelle et illustrent ce que pourrait être le système réformé que propose le juge Estey. Actuellement, les frais du silo de collecte, auxquels s'ajoute le nettoyage, représentent 12,77 $. Dans la colonne de droite, si vous êtes incité à le faire, vos silos peuvent être beaucoup plus rentables. À la ligne suivante, vous voyez que la différence représente quelque 5 $ dans le transport par rail, puisque vous êtes incité à négocier avec les chemins de fer. Vous pourriez donc obtenir une ristourne de 5 $. À la ligne suivante, vous avez les frais de manutention au silo terminal. Au bas de la colonne de gauche, vous constaterez que dans le système actuel le producteur obtient 137,60 $ pour une vente de 200 $ de la commission. Dans un système remodelé—il ne serait pas nécessaire de le refondre de fond en comble, car il suffirait de rendre les silos terminaux et les silos, de même que le transport par rail, plus économiques—le producteur pourrait obtenir 145 $. Si le producteur exploite deux parcelles de terre et produit 35 boisseaux à l'acre, cela représente environ 1 000 tonnes, soit 8 000 $.

Il s'agit là, sachez-le, d'économies du système. J'ai dit plus tôt, rappelez-vous, que j'avais recommandé au ministre de sabrer suffisamment dans les revenus des compagnies ferroviaires pour que cela représente une réduction de 3,73 $. Beaucoup ont dit que cela ne suffisait pas, notamment le gouvernement de la Saskatchewan et d'autres encore. Le caucus aurait proposé jusqu'à 5 $. Mais même avec ce montant, cela ne va pas jusqu'à la différence de 8 $ qui est proposée ici. Par conséquent, il importe non seulement de voir combien on peut économiser en réduisant le plafond de revenu des compagnies ferroviaires, mais également de voir quelles sont les autres économies que l'on peut faire en augmentant le rendement du système.

Voilà ce que tente d'illustrer le tableau, monsieur le président. J'espère que cela peut servir au comité.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Kroeger; cela nous aidera certainement.

À la lumière de ce que vous avez dit au sujet de la commission et de l'orientation qu'elle pourrait prendre ou ne pas prendre, je voudrait savoir quel est le sentiment des agriculteurs de l'Ouest là-dessus. D'après votre expérience et vos visites là-bas, avez- vous constaté qu'ils sont un grand nombre à apprécier le travail de la commission ou un nombre plus grand à vouloir s'en débarrasser?

M. Arthur Kroeger: L'opinion est très divergente là-dessus. Il y a une grande divergence sur la question, comme il y en a beaucoup sur le grain de l'Ouest. Je n'ai jamais vu de sujet économique dépendre autant d'opinions politiques, et c'est tout ce qu'il y a de plus vrai pour la commission.

• 1645

Le président: Quand vous parlez de divergence d'opinions, est- ce moitié-moitié ou 70 p. 100 de l'une et 30 p. 100 de l'autre, ou autre chose encore?

M. Arthur Kroeger: D'après un sondage—et MM. Borotsik et Bailey pourraient le confirmer—environ le tiers des producteurs voudraient laisser la commission telle quelle et lui laisser tous les pouvoirs qu'elle a actuellement. Un autre tiers voudraient que le système de la commission devienne optionnel, et qu'il ne soit plus obligatoire de lui livrer, par exemple, son blé. Vous auriez la possibilité de le faire, ou vous pourriez le vendre à quelqu'un d'autre. Quant au dernier tiers, ils voudraient abolir la commission.

J'ai entendu un autre sondage affirmant que le tiers des agriculteurs qui souhaitaient le statu quo est maintenant rendu à 20 p. 100, mais je ne puis le confirmer. Il y a beaucoup de controverse autour des hésitations de la commission à divulguer les résultats du dernier sondage. Il y a une grande polarisation de l'opinion. L'Ouest est encore plus polarisé aujourd'hui qu'il ne l'était il y a 16 ans, à l'époque où je me suis occupé pour la dernière fois du transport du grain. Les débats sont beaucoup plus intenses.

Le président: Merci.

Chers collègues, j'ai parcouru une première fois toute ma liste, et nous passons maintenant aux tours de cinq minutes. Veuillez limiter vos discours, ainsi que vos questions.

Monsieur Casson, vous avez droit à cinq minutes.

M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Bienvenue à M. Kroeger, que je remercie de son exposé.

L'un de vos scénarios proposait une ouverture graduelle à la concurrence pour ce qui est de la manutention du grain: on commencerait à 25 p. 100, puis on passerait à 50 et à 75 p. 100 au fil des ans, et ce, pour toutes les denrées. Quelle est la différence entre cette proposition et celle qui consiste à retirer complètement des mains de la commission la totalité d'une céréale? Avez-vous envisagé cette possibilité? Pensez-vous que cela pourrait fonctionner ou pas?

M. Arthur Kroeger: Je ne connais pas le milieu suffisamment pour pouvoir vous répondre de façon assurée. Que je sache, la commission a déjà offert à contrat le transport de l'orge de brasserie. Les résultats ont été variables, mais dans son rapport le juge Estey affirme que l'expérience n'était pas vraiment concluante.

Personne ne s'est demandé s'il était possible de le faire pour une seule denrée donnée. La difficulté, c'est que le blé domine à ce point le marché que si on décidait de le faire pour le blé, cela reviendrait à le faire pour toutes les autres céréales. Mais votre question est intéressante. Malheureusement, je ne m'y connais pas assez pour pouvoir vous répondre. Je ne sais pas s'il vaudrait mieux retirer complètement une céréale plutôt que de faire le retrait de façon progressive sur trois ans.

M. Rick Casson: Il y a deux semaines, nous étions dans l'Ouest, et nous avons assisté, tout comme vous, à la réunion de Calgary de la Western Barley Growers. On a demandé au ministre fédéral de l'Agriculture s'il était question de faire intervenir la commission au chargement du navire. Je ne me rappelle pas exactement ce qu'il a répondu, mais à son avis ce n'était pas ce vers quoi on se dirigeait. D'après lui, il fallait trouver un compromis.

J'ai eu l'impression qu'à votre avis cela pourrait être inclus dans le compromis. Si la commission n'intervient pas au chargement du navire de quelque façon que ce soit, quelle incidence cela peut- il avoir sur votre rapport et celui du juge Estey?

M. Arthur Kroeger: Ce n'est pas une question de faire tout ou rien. J'étais présent moi aussi au discours du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, et ce qu'il a dit—pour le bénéfice des autres membres du comité—, c'est que l'opinion divergeait à ce point qu'à son avis le gouvernement n'opterait pas uniquement pour la proposition du rapport du juge Estey ni uniquement pour ma proposition à moi.

Mais il est important de faire quelque chose. De plus, j'espère que, comme point de départ, on ira suffisamment loin pour que cela permette de remodeler considérablement le système. Je ne crois pas que le premier modèle, que j'ai appelé la version Estey à 20 p. 100, nous apprendra grand-chose. Le système de contrats pourrait être utile et pourrait servir à imposer quelques pénalités financières, mais je suis sceptique, car je ne crois pas qu'il pourrait réformer le système suffisamment.

J'espère que le gouvernement osera aller plus loin. Il n'est pas nécessaire d'aller à mi-chemin. Pour la gouverne des autres membres du comité, l'expression «au chargement du navire» fait partie du jargon du métier. Il s'agit de se demander si la commission doit prendre livraison du grain lorsque le train arrive à Vancouver et que le grain est déchargé dans le silo terminal ou si elle doit en prendre livraison seulement lorsqu'il est chargé à bord du navire. Tout dépend de celui qui doit assumer les frais d'entreposage.

On prétend que pour avoir un système véritablement commercial les frais de silo terminal et d'entreposage doivent faire partie du train de mesures, et la céréalière doit être incitée à minimiser l'ensemble de ses frais et à faire déplacer le grain de façon à minimiser les frais d'entreposage. Si c'est la commission qui tire les ficelles, le grain se trouve entreposé plus longtemps; c'est le producteur qui en fait les frais, et cela n'a pas la même incidence du point de vue commercial. Voilà l'alternative.

• 1650

Pardon, j'ai parlé trop longtemps, et je sais que votre temps est limité.

Le président: Monsieur Guimond, vous n'avez pas de questions?

Monsieur Proctor.

M. Dick Proctor: Merci, monsieur le président.

Dans votre feuillet intéressant que vous nous avez expliqué, monsieur Kroeger, vous dites à la page 3 que les producteurs pourraient en tirer parti deux fois; mais, en même temps, c'est une question qui a fait problème pour le groupe de travail, qui n'a pu s'entendre là-dessus. Vous avez dit plus tôt qu'il n'y avait pas de garanties dans ce bas monde, mais pouvez-vous nous donner plus d'assurances, outre le fait qu'on pourrait en retirer 8 $? Est-ce que cela aurait pu aider le groupe de travail à s'entendre?

M. Arthur Kroeger: Je ne le crois pas, car le désaccord allait plus loin que cela.

M. Dick Proctor: J'en suis sûr.

M. Arthur Kroeger: Le désaccord découlait plutôt d'une divergence dans la perception de la commission, des marchés, des forces commerciales et de l'importance à accorder à chacun. Je pourrais vous citer toutes sortes d'études, comme celles de Mackenzie, de Sparks, de Banks et de Parsons, qui en venaient toutes à cette conclusion. Et pourtant il y en a qui diront qu'il ne s'agit là que de chiffres et qu'ils ne leur font pas confiance. Quand on a une idée arrêtée, un peu d'analyse économique n'y changera rien.

M. Dick Proctor: Votre rapport a été terminé avant la fusion—c'est un euphémisme poli—du CN avec la compagnie Burlington Northern Santa Fe. Il y en a qui sont inquiets car ils ont l'impression que le CP sera désormais coincé si la fusion se concrétise—et je suppose qu'elle se fera—en tout cas au Canada. Cela vous préoccupe-t-il? Si votre rapport avait été rédigé après l'annonce du regroupement, auriez-vous conclu autre chose?

M. Arthur Kroeger: Je crois que j'aurais été encore plus circonspect face à la possibilité de baisser encore plus le plafond des revenus, et ce, pour les raisons que j'ai exposées plus tôt, à savoir que l'univers d'investissement du CN va s'élargir encore plus, et peut-être même celui du CP, selon ce qui arrivera. J'aurais hésité encore plus à accepter la proposition de faire baisser de 20 p. 100 les revenus des chemins de fer.

Il y a aussi autre chose que je n'arrive pas à déterminer, c'est-à-dire que je n'arrive pas à savoir quelles conséquences aura la fusion pour les propositions de liberté d'accès. Si le CN et Burlington Northern se mettent l'un et l'autre à circuler réciproquement sur leurs voies, le CN pourrait s'opposer moins farouchement à ce que les chemins de fer américains viennent circuler sur ses voies à lui. Mais je n'en suis pas sûr, car la question d'accès est complexe. La fusion éventuelle comporte également plusieurs inconnues. Mais voilà les deux conséquences qui me sont venues à l'esprit.

M. Dick Proctor: Merci.

Le président: Monsieur Borotsik.

M. Rick Borotsik: D'abord, comme cette question est très complexe, étant donné tous les systèmes en jeu, il faudrait être Salomon pour pouvoir trouver la solution la plus judicieuse. Vous avez raison de dire que les opinions divergent grandement. J'en suis témoin quotidiennement. Je sais que mes collègues de ce côté- ci de la table en sont également témoins quotidiennement. À parler à cinq personnes, on entend cinq réponses différentes.

Une voix: Six.

M. Rick Borotsik: Vous avez raison, six.

À mon avis, les agriculteurs se méfient des chemins de fer. Ils se méfient aussi des politiciens et des céréalières. Les agriculteurs se méfient d'un peu tout le monde, à l'exception d'eux-mêmes. J'ai oublié, les agriculteurs se méfient aussi en grand nombre de la Commission canadienne du blé. Devant toute cette méfiance, il faut tenter de trouver une solution.

Cela dit, j'ai quand même une question à l'intention de M. Kroeger. La solution est-elle le statu quo? J'ai entendu M. Kroeger dire depuis le début que cela n'en était pas une. D'après ce que j'entends chez les députés ministériels, il faudra bricoler le plafond des taux. Il faudra peut-être bricoler aussi autre chose, mais je considère pour ma part que ce bricolage revient à garder le statu quo.

Pour que le système devienne opérationnel, il faut le modifier du tout au tout, comme vous l'avez dit dans votre rapport. Suffit- il de le bricoler, ou est-ce que vous considérez que ce bricolage revient à maintenir le statu quo et qu'il faut faire plus encore? Si cela ne suffit pas, faites-le savoir, de sorte que lorsqu'on proposera sous peu des mesures législatives s'appliquant au transport lors de la campagne agricole de 2000-2001... Faites savoir à tous les intéressés que le bricolage et le statu quo ne suffisent pas.

• 1655

Le président: Et comment définissez-vous ce bricolage?

M. Murray Calder: Demandez à M. Bricole.

M. Arthur Kroeger: Je ne comprends pas pourquoi on voudrait garder le statu quo. En effet, cela reviendrait à faire payer encore et toujours aux producteurs les taux qu'ils paient actuellement, cela reviendrait à imposer aux chemins de fer un plafond, ce qui les empêcherait d'adopter une façon de faire commerciale, cela enlèverait toute imputabilité, et cela empêcherait d'avoir un système contractuel.

Je ne crois pas qu'on voudra garder le statu quo. Mais si l'on va au-delà du statu quo, sur quel front va-t-on agir? J'ai dit plus tôt que j'hésitais devant la proposition de régler le problème en réduisant tout simplement les revenus des chemins de fer. Il faut aller encore plus loin. À mon avis, et de l'avis de beaucoup de gens, il faut ajouter au système une vision commerciale. Et on ne s'entend pas sur jusqu'où il faut aller.

M. Rick Borotsik: Merci.

Vous m'avez mis sur une autre piste en répondant plus tôt à M. Calder. À mon avis, la Commission canadienne du blé ne s'est pas montrée très empressée à apporter les changements nécessaires. Elle a mentionné l'idée de faire la répartition différemment, c'est-à-dire de répartir les wagons en fonction de différentes régions. Mais lorsque j'ai parlé à ses représentants, jamais ils n'ont mentionné leur intention de commercialiser le système. Ils veulent continuer à garder la mainmise, comme ils me l'ont dit officiellement.

Êtes-vous d'accord avec ma façon de voir les choses? Il semble y avoir une certaine confusion, car certains semblent croire que la Commission canadienne du blé est prête à bouger. Pourriez-vous préciser ce qu'il en est?

M. Arthur Kroeger: La Commission canadienne du blé préfère le modèle un que j'ai proposé dans mon rapport, car il lui permet de rester en position dominante au Canada. C'est la commission qui continuerait à adjuger les contrats à toutes les autres parties. Elle continuerait à régir le système, qui comporterait moins de caractéristiques commerciales que dans le modèle deux.

L'autre difficulté qui se pose au sujet de la commission... Vous avez parlé de craintes et de méfiance. L'une des difficultés qui se posent dans l'Ouest, c'est qu'aujourd'hui beaucoup d'agriculteurs hésitent à se fier à la commission et à attendre qu'elle bouge par elle-même, volontairement. Leur attitude remonte à ce qu'ils ont vécu en 1994 et 1995. Vous vous rappellerez que j'ai expliqué que le système avait bloqué en 1993-1994.

Dans la foulée de ce blocage, il s'est créé ce que nous avons appelé le processus des cadres supérieurs. Les agents supérieurs des céréalières, de la commission et des chemins de fer se sont réunis pendant quelques mois et ont présenté un train de mesures. D'après les céréalières, la commission s'est ensuite dissociée de ce train de mesures lorsqu'il a été rendu public, avec pour résultat qu'aucune des réformes n'a vu le jour. Vous comprendrez qu'aujourd'hui, dès que l'on conseille à ces mêmes agriculteurs de faire affaire avec les chemins de fer, en leur expliquant que la commission est pleine de bonne volonté et qu'elle fera ce qu'il faut, ceux à qui j'ai parlé hésitent beaucoup à le croire.

Le président: Lou Sekora, allez-y.

M. Lou Sekora (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Lib.): Merci, monsieur le président.

Dans les années 40, en Saskatchewan, je transportais du blé avec l'aide de chevaux. Je ne savais pas que M. Bailey avait mon âge, mais ça me va.

J'ai une question. J'ai rencontré des agriculteurs et aussi des gens des chemins de fer; ce qu'ils me disent, c'est qu'il y a beaucoup de wagons qui parviennent à Vancouver remplis de blé, mais qu'ils s'immobilisent sur la voie ferrée parce qu'il n'y a pas assez d'espace d'entreposage dans les silos. Certains peuvent rester immobilisés ainsi pendant des semaines, ce qui oblige à payer l'entreposage et d'autres frais encore, et comme les navires n'arrivent pas suffisamment vite ou sont mal organisés, les wagons restent ainsi non disponibles.

On en veut, par conséquent, à la commission, et on affirme qu'elle devrait se contenter de s'occuper du blé et se retirer du domaine du transport. C'est ce qu'affirment ses détracteurs. Les agriculteurs prétendent que pendant que les wagons sont immobilisés sur les voies de chemin de fer, ils se retrouvent avec une denrée sur les bras ont déjà vendue et qu'ils aimeraient bien pouvoir la faire parvenir le plus rapidement possible sur le marché pour pouvoir obtenir leur prix. Mais lorsqu'ils sont obligés d'attendre parfois trois semaines, ou même un mois, il leur arrive de perdre des ventes et de devoir parfois baisser leur prix, tout simplement parce que la denrée ne se vend plus au même prix qu'avant. Avez- vous déjà eu vent de cette situation?

• 1700

M. Arthur Kroeger: Oui, c'est une plainte que j'ai déjà entendue. Justement, l'automne dernier, j'ai entendu parler d'un cas qui a suscité une certaine controverse: il semble que les producteurs de colza canola auraient pu conclure une vente très importante s'ils avaient réussi à mettre la main sur des wagons, car les prix étaient intéressants, et ils avaient trouvé un marché. Toutefois, d'après ce que j'ai entendu dire, la commission avait immobilisé tellement de wagons que les producteurs de colza canola n'ont pu mettre la main sur aucun d'entre eux et ont perdu la vente, au profit d'un autre pays.

Ce genre de problème se pose. Un des aspects particuliers de notre système de logistique administré, c'est que s'il y a possibilité de faire une vente parce que les prix sont exceptionnellement élevés pour une denrée qui se trouve justement dans vos silos et que vous souhaitez agir rapidement pour saisir l'occasion, que vous êtes prêt à payer plus cher pour obtenir les wagons, ce que vous feriez ordinairement, c'est impossible. Vous ne pouvez pas vous prévaloir d'une pratique commerciale normale et dire: il y a un prix supérieur, et je vais vous donner tant de plus si vous pouvez me faire parvenir les wagons d'ici mardi prochain. Le système d'attribution vous en empêche. Vous avez ce qui vous a été attribué, un point, c'est tout.

C'est un des problèmes qui préoccupent énormément et tout particulièrement les producteurs de céréales qui ne relèvent pas de la commission, et, d'une façon générale, c'est un des éléments qui rendent notre système moins efficace qu'on ne le souhaite.

M. Lou Sekora: J'ai encore une question. Il y a le Canadien National et le Canadien Pacifique qui tous deux transportent les marchandises, mais qui font également le transport des voyageurs. Que se passerait-il si l'une ou l'autre de ces sociétés décidait de consacrer telle voie au transport des marchandises et telle autre au transport des voyageurs, et ce, de façon rigide, afin d'augmenter le transport des marchandises? Il faudrait vraiment que les deux entreprises s'entendent et deviennent de bons voisins. Est-ce là une possibilité?

M. Arthur Kroeger: La concurrence entre le transport des marchandises et le transport des voyageurs ne représente plus le même problème que par le passé parce qu'il reste en fait peu de trains de voyageurs.

D'ailleurs, on me dit que l'on commence à voir notamment une rationalisation de l'utilisation des voies. Dans le canyon du Fraser, je pense que le CP et le CN se sont entendus pour utiliser un côté du canyon pour descendre vers Vancouver et l'autre côté pour en remonter. C'est le genre de rationalisation de l'utilisation des voies qui s'avère dans l'intérêt des deux sociétés ferroviaires, et c'est ce qu'elles ont fait. Il est probablement possible d'adopter cette méthode dans une plus grande mesure dans les Prairies, bien qu'au fond je ne souhaite pas que cette rationalisation aille trop loin, car une trop grande connivence entre les deux entreprises pourrait aller à l'encontre des forces de la concurrence.

M. Lou Sekora: Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Dromisky, vous aviez une question?

M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Non, j'en ai deux.

Le président: Faites vite.

M. Stan Dromisky: Oui. Continuons à parler de la concurrence.

Nous parlions des wagons-trémies il y a quelques instants, et vous avez mentionné le modèle de gestion véritable, c'est-à-dire que si vous voulez quelque chose et le voulez désespérément, vous devez être prêt à payer plus cher. J'ai assisté à une de vos rencontres dans l'Ouest du Canada. Vous y avez parlé de la confiance et du manque de confiance—même les agriculteurs ne se font pas confiance les uns les autres, sans compter que les agriculteurs ne font pas confiance aux sociétés ferroviaires ni à quiconque.

Je veux parler des sociétés ferroviaires. Dans votre modèle, qu'est-ce qui empêche une société ferroviaire de provoquer une pénurie de wagons-trémies et de vous dire à vous, l'agriculteur, le producteur: «j'ai une affaire à vous proposer. Si vous me donnez tant de plus par wagon, ou que sais-je, nous pourrions peut-être nous entendre, mais vous devrez faire concurrence à tous les autres agriculteurs qui veulent des wagons au même moment, parce qu'on a fait les récoltes et que la clientèle attend»? Qu'est-ce qui dans votre modèle empêche que cela ne se produise?

M. Arthur Kroeger: L'existence de l'autre société ferroviaire et l'existence de camions de grande capacité. Il est beaucoup plus difficile maintenant pour une société ferroviaire de rançonner un producteur, parce que les producteurs peuvent maintenant retenir les services de camions de grande capacité, quand ils n'en sont pas eux-mêmes propriétaires, comme c'est souvent le cas. Si le CN dit: «Je ne vais pas vous donner de wagons, je vais attendre que vous m'offriez plus cher», vous allez chez le CP.

• 1705

M. Stan Dromisky: Monsieur Kroeger, soyons réalistes. Je parle de grandes distances, de transporter les céréales jusqu'à Vancouver ou Thunder Bay. On ne va pas utiliser des camions pour une telle distance. C'est un mode de transport très coûteux pour ce genre de vrac lourd.

Qu'en est-il de la mise en commun des voies? Lorsque je regarde les cartes, lorsque je regarde la carte des voies du CN et du CP superposées, au Canada, c'est un réseau très compliqué, très compliqué. Or, de nombreux agriculteurs n'ont pas accès à l'autre concurrent, à l'autre voie.

Pourrait-on envisager la mise en commun des voies lorsque c'est possible? Pensez-vous que cela réduirait les coûts? Pensez- vous que cela améliorerait la concurrence? Que tous puissent utiliser les voies.

M. Arthur Kroeger: Revenons à quelque chose que j'ai dit plus tôt. Je ne voulais pas dire qu'il fallait utiliser des camions pour aller jusqu'au port. Je voulais simplement dire que cette option existait. Si le CN veut vous rançonner avec ses wagons à 20 milles au nord, vous pouvez aller 20 milles au sud chez le CP. Et maintenant, grâce aux camions de grande capacité, c'est une option tout à fait normale.

M. Stan Dromisky: En effet.

M. Arthur Kroeger: Vous pouvez opposer une société ferroviaire à l'autre. Les deux possèdent du matériel roulant parce qu'elles veulent s'en servir. Quant à l'idée qu'elles refuseraient de l'utiliser, elles peuvent essayer, mais vous pouvez toujours porter plainte au sujet du niveau de service, et je pense qu'à l'Office des transport du Canada, d'une façon ou d'une autre, on pourrait avoir recours à l'arbitrage de l'offre finale.

Vous avez des recours, mais, en dernière analyse, c'est le fait que les deux sociétés ferroviaires veulent gagner de l'argent et se font concurrence qui est votre meilleure garantie.

M. Stan Dromisky: Grâce à leurs milliers de wagons-trémies, elles peuvent gagner plus d'argent au sud de la frontière. Si la demande est plus grande au sud de la frontière, et les marges de profit supérieures, nos producteurs vont manquer de wagons. Ils seraient désavantagés, n'est-ce pas?

M. Arthur Kroeger: Tout dépend si nos sociétés ferroviaires ont le droit de transporter des céréales au sud de la frontière, ce qui pourrait bien se produire par suite de la fusion de Burlington Northern et du CN. Toutefois, le risque n'existe pas, à mon avis, actuellement. Il faudrait voir quel genre de régime existe là-bas. Je pense que le gouvernement pourrait intervenir pour empêcher le matériel roulant d'être détourné de cette façon.

J'aimerais maintenant aborder l'autre question qui a été soulevée, à savoir si les sociétés ferroviaires peuvent mettre en commun leurs voies. C'est l'essentiel de la politique de liberté d'accès.

Certains expéditeurs de vrac m'ont dit que la simple possibilité que quelqu'un puisse utiliser vos voies pour son train suffit pour maintenir les sociétés ferroviaires dans le droit chemin. En d'autres termes, une entreprise de potasse n'a pas vraiment besoin de lancer son propre service; la simple possibilité qu'elle puisse le faire encourage le CN ou le CP à ne pas se comporter de façon déraisonnable.

Voilà l'argument en faveur de la liberté d'accès. Ce n'est pas tant qu'il y aura cinq entreprises différentes qui auront des trains sur les voies du CP; c'est simplement la menace que dans un cas extrême cela puisse se produire. Voilà l'essentiel de l'argument en faveur de la liberté d'accès. L'idée a un certain mérite, mais je suis toujours un peu sur mes gardes, parce que dans une étude de l'OCDE d'il y a quelques années, on constatait que la plupart des tentatives de liberté d'accès dans le monde n'avaient pas réussi à augmenter la concurrence espérée à leur début.

Ce n'est peut-être pas définitif. Nous pouvons peut-être trouver une façon de procéder au Canada pour réussir, mais il nous faut être prudent.

Le président: Merci, monsieur Dromisky.

Monsieur Morrison suivi de MM. Comuzzi, Hubbard et Breitkreuz.

M. Lee Morrison (Cypress Hills—Grasslands, Réf.): Monsieur Kroeger, la principale plainte que j'entends constamment dans mon bureau en ce qui concerne la manutention et le transport des céréales porte sur l'attribution des wagons.

Vous affirmez dans votre petit résumé ici, numéro cinq, à la page deux, que la commission en est responsable. Ce que vous ne mentionnez pas, c'est que les compagnies céréalières n'attribuent pas leurs wagons aux silos de bois, qu'ils soient sur la voie principale ou une voie secondaire. Elles bloquent ces silos et vont même jusqu'à les encombrer d'un grand nombre de wagons chargés. Les société ferroviaires sur les voies secondaires disent: «Nous ne pouvons pas réunir suffisamment de wagons pour former un bon train, et donc nous n'allons pas aller chercher ces wagons.» Voilà la situation actuelle.

• 1710

Je ne dirais pas qu'il y a connivence entre les sociétés ferroviaires et les compagnies céréalières. Je ne dirais jamais cela. C'est très difficile pour le producteur. Ce que les producteurs craignent maintenant, c'est que si nous adoptons un système d'attribution des wagons axé sur le marché et que le GRAW, aussi inutile soit-il, disparaît, comment obtiendront-ils des wagons de producteur? Je sais que vous affirmez dans votre rapport qu'il faut maintenir ce droit aux wagons de producteur, mais comment pourrait-on appliquer cette mesure? Comment pouvons-nous obtenir des wagons de producteur si nous adoptons un système axé sur le marché?

M. Arthur Kroeger: Je ne pense pas pouvoir vous donner une réponse satisfaisante, parce que je n'ai jamais examiné suffisamment la question des wagons de producteur. C'est un des aspects les moins controversés que nous avons examinés, et donc je n'y ai pas consacré beaucoup de temps.

J'aurais pensé qu'on pourrait prévoir dans une loi future des mesures administratives qui protégeraient le principe des wagons de producteur, ce qui permettrait à l'OTC, par exemple, de surveiller ce que font les sociétés ferroviaires et de s'assurer que les producteurs qui veulent charger leurs propres wagons soient en mesure de les obtenir. Je ne sais pas si la loi actuelle le permet ou non.

L'autre aspect évidemment, c'est que j'aurais pensé que, jusqu'à un certain point, le problème des wagons qui sont là trop longtemps et la difficulté de les faire bouger viennent du manque de pénalités financières et de mesures incitatives dans le régime actuel.

Si le système était pleinement contractuel, Agricore, etc., subirait des pressions pour déplacer les wagons, les acheminer vers le silo terminal le plus rapidement possible, faire la rotation et les faire revenir, alors que maintenant cela ne coûte rien de les laisser en attente, puisqu'elle en facture le coût.

M. Lee Morrison: Permettez-moi de vous faire remarquer que si les compagnies céréalières faisaient l'objet de pressions pour transporter les céréales, elles pourraient le faire à partir des silos terminaux de l'intérieur. Elles n'ont pas à déplacer un seul wagon d'un silo-élévateur de bois, quelle que soient les pénalités. Elles peuvent tout simplement les laisser là à tout jamais, dans la mesure où elles approvisionnent leurs clients.

M. Arthur Kroeger: L'une des possibilités, c'est que plus le système deviendra commercial, plus on sera encouragé à utiliser les silos à grande capacité. Si vous voulez utiliser les silos de bois, vous finirez probablement par payer plus cher.

M. Lee Morrison: Les producteurs aimeraient éviter ces deux possibilités en chargeant leurs propres wagons. On voit quelques centaines de wagons de producteur, par train, qui quittent ma circonscription. Les producteurs tiennent énormément à procéder ainsi, à être tout à fait autonomes vis-à-vis des compagnies céréalières. Or comment est-ce possible s'ils n'obtiennent pas de wagons? Comment se procureront-ils les wagons si le système d'attribution des wagons est axé complètement sur le marché?

M. Arthur Kroeger: Nul besoin que le système soit complètement commercial. J'aurais pensé que dans tout régime législatif on pourrait avoir une disposition spéciale qui protégerait le droit des producteurs qui veulent charger leurs propres wagons, et ce, sans pénaliser tout le régime. Il s'agit d'environ 1 ou 1,5 p. 100 des déplacements totaux. On pourrait prévoir une mise de côté; on pourrait prévoir des dispositions spéciales. Cela ne nuirait pas à l'efficacité du principal système logistique de transport des céréales, tout en permettant de protéger les intérêts des producteurs.

J'aurais pensé que dans toute loi que ce comité va examiner on répondrait à ce besoin, car de nombreuses personnes attachent de l'importance aux wagons de producteur. C'est possible sans trop de difficulté.

Le président: Merci, Lee.

Pouvez-vous vous imaginer un instant que vous venez de comparer des pommes et des oranges? Si l'on prévoit quelque chose de spécial pour 2 p. 100, et nous négocions directement avec les sociétés ferroviaires pour transporter les céréales, quelles sont les chances des producteurs lorsque les wagons arrivent au port ou au silo? Quelle sera leur place dans la ligne? Et comment feront- ils face à toutes les pressions qui s'exerceront parce que les producteurs font cavalier seul?

Est-ce que nous ne compliquerons pas les choses encore plus en disant qu'il y a 2 p. 100 là et que nous allons nous en occuper, et qu'il y en a un autre 5 p. 100 ici et que nous allons nous en occuper? Nous allons laisser les producteurs s'adresser directement aux sociétés ferroviaires pour leurs wagons. Lorsque ces wagons arriveront au port, le déchargement sera différent. Les wagons devront utiliser tel ou tel silo.

• 1715

M. Arthur Kroeger: Les wagons de producteur existent depuis longtemps. Je n'ai pas entendu dire qu'ils avaient des problèmes aux silos terminaux. M. Morrison pourrait peut-être nous en dire plus à ce sujet, car il a probablement beaucoup d'expérience directe.

M. Lee Morrison: Les producteurs n'ont pas éprouvé de difficultés, mais je pense qu'il veut dire que si l'on adopte ce nouveau régime d'attribution des wagons, les gros en tireront avantage et s'en prendront aux petits pour s'assurer que ces wagons ne sont pas déchargés. Je n'y avais pas pensé, à vrai dire. À l'heure actuelle, cela fonctionne assez bien, si vous obtenez les wagons.

Le président: Merci, monsieur Morrison.

Monsieur Comuzzi, je vous en prie.

M. Joe Comuzzi (Thunder Bay—Superior-Nord, Lib.): Monsieur Kroeger, vous me donnez des frissons lorsque vous parlez de vouloir porter la concurrence à son maximum dans cette industrie. Ce comité n'est pas très ouvert à cette idée, car nous venons de vivre le fusionnement des sociétés aériennes et nous ne nous retrouvons pas avec une concurrence accrue. J'espère donc que vous allez nous suivre dans ce processus.

Nous parlons de cela depuis... Depuis combien de temps sommes- nous là?

Le président: Depuis trop longtemps.

M. Joe Comuzzi: Nous n'avons jamais réglé cette affaire. Vous et M. Estey avez conclu qu'en dernière analyse le producteur sera en meilleure position qu'il ne l'est maintenant; il va gagner plus d'argent, quelle que soit la partie du système que vous mettez en oeuvre. Essentiellement, vous et M. Estey recommandez des modifications en profondeur au système.

Nous recevons tous des appels des agriculteurs, mais je ne comprends pas le dilemme, et donc je ne vais pas aborder cet aspect. Je vais poser une question: est-ce que vous allez faire plus d'argent en dernière analyse? Je suis persuadé que c'est le cas. Vous nous assurez que le producteur fera plus d'argent, et M. Estey nous assure qu'il aura plus d'argent dans ses poches, et donc je ne vais pas me lancer dans cette discussion. J'accepte ce que vous faites.

La seule question qui reste, c'est pourquoi nous intervenons. Je ne comprends pas pourquoi nous nous intéressons au chargement des céréales ou à leur arrivée au silo. Je vous en prie, ce n'est qu'un processus. Si on veut participer au processus, pourquoi ne pas le faire entièrement, de sorte que la commission ne prenne possession du blé qu'au moment où il arrive au navire? C'est là la fin du processus, n'est-ce pas?

Vous choisirez peut-être de ne pas répondre à cette question.

M. Arthur Kroeger: Au contraire. Chose frappante, et j'ai pu le constater cet été comme à l'époque, pendant les trois années que j'ai passées avec Jean-Luc Pepin lors des discussions sur le taux du pas du Nid-de-Corbeau, l'aspect économique en l'occurrence n'est pas très compliqué. Il suffit de comprendre un cours de première année d'économie. C'est l'aspect politique, l'histoire, les attitudes de la société et la façon dont tout cela a été coloré par le populisme qui régnait dans l'Ouest, les mouvements de protestation et les ressentiments de l'Ouest. Il s'agit d'attitudes bien ancrées, et c'est ce qui aboutit à la polarisation de la situation.

Qu'on pose simplement la question au juge Estey ou à moi-même, qu'on nous demande quelle est la solution économique qui convient; la réponse ne sera pas difficile. La réponse a servi à bien des reprises, dans le cas du charbon, de la potasse, des produits forestiers, des voitures, au Canada, aux États-Unis, en Australie. La réponse ne cesse de s'imposer: la concurrence est avantageuse, la déréglementation permet d'abaisser les coûts, toutes ces constatations. Dans le cas qui nous occupe cependant, il s'agit d'attitudes bien ancrées dans les Prairies, et elles sont différentes des attitudes qui prévalent ailleurs.

M. Joe Comuzzi: Merci beaucoup de cette réponse.

Monsieur le président, ai-je le temps de poser une dernière question?

Le président: Oui.

M. Joe Comuzzi: Auriez-vous la gentillesse, quand vous donnez des exemples de ports, d'inclure Thunder Bay au lieu de citer Vancouver à tout bout de champ?

M. Arthur Kroeger: J'ai une réponse sérieuse à cette question toutefois. M. Guimond et moi-même parlions tout à l'heure de l'évolution des marchés. C'est alors que le problème de congestion frappe le plus durement à Vancouver, car Thunder Bay par le passé connaissait un excédent de capacité. Certaines des difficultés que nous rencontrons là-bas ne sont pas aussi graves... en outre, si on ajoute à cela le fait qu'il n'est pas nécessaire de traverser des montagnes enneigées qui multiplient les difficultés dans un système administré, on comprend que chez moi la subjectivité l'emporte, et je cite Vancouver, ce dont je m'excuse.

Le président: Monsieur Hubbard, allez-y.

M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci, monsieur le président.

Après vous avoir entendu, monsieur Kroeger, je me dis qu'il est regrettable que vous ne soyez pas venu au Cap-Breton, car les problèmes là-bas n'étaient pas tellement différents de ceux de l'Ouest. Les agriculteurs, quant à eux, sont venus ici la semaine dernière demander 3 milliards de dollars pour pouvoir se maintenir à flot le printemps prochain.

• 1720

Je pensais que nous allions surtout parler d'efficacité, car il s'agit bien d'efficacité si nous voulons acheminer les céréales vers les marchés, que ce soit via Thunder Bay ou via Vancouver. On a même songé à un moment à Churchill. Je suppose que ce serait encore possible.

Ce qui est triste, c'est que dans la première partie de votre exposé vous avez dit que quand vous étiez enfant, environ 1 100 boisseaux de grain permettaient d'acheter une moissonneuse- batteuse, alors que et de nos jours il faut vendre 70 000 boisseaux pour avoir l'équipement nécessaire permettant de conditionner le blé pour le marché.

Je suis de l'Est et je me demande si, quand les gens de l'Est réfléchissent à la situation, ils le font de la même façon que les gens de l'Ouest voyaient la région de l'Atlantique quand il a fallu recourir à un long processus pour régler la situation du secteur du charbon au Cap-Breton. Nous avons réfléchi alors, nous avons étudié la question, et nous avons subventionné ce secteur, nous l'avons encouragé, nous l'avons mis en valeur. Pour finir, l'année dernière nous avons décidé d'abandonner, et c'était très bon marché, comparativement à ce que les agriculteurs de l'Ouest demandent actuellement au gouvernement du Canada afin de pouvoir se maintenir à flot. En fait, la fermeture des mines de charbon va coûter au gouvernement quelque 70 millions de dollars alors qu'on parle de centaines de millions de dollars pour maintenir les agriculteurs de l'Ouest à flot.

Je suis agriculteur dans l'Est. Cela m'ennuie d'entendre dire que les agriculteurs de l'Ouest ont une perspective particulière concernant l'agriculture. Vous avez parlé des gens qui allaient livrer leur grain au marché pour ensuite rentrer à la ferme traire les vaches. Je ne pense pas qu'il y a encore beaucoup de vaches dans la plupart de ces fermes-là. Il se peut qu'il y ait des bovins de pâturage, mais, quant à moi, je faisais allusion ici à une bête qu'il faut traire en lui tirant les pis.

Monsieur Kroeger, à propos des prix des denrées rurales dans leur ensemble—et quant à vous, vous connaissez le dossier depuis longtemps—peut-on dire qu'il y a de l'espoir pour la ferme familiale dans l'Ouest?

En Alberta et en Saskatchewan, les agriculteurs essaient de cultiver des céréales. La semaine dernière j'ai parlé à quelqu'un qui possède 5 000 acres. Il m'a dit avoir besoin de 50 $ à 60 $ l'acre pour se maintenir à flot. Je lui ai répondu que cela représentait un quart de million de dollars pour l'année prochaine, mais je me demande ce qui se passera l'année suivante.

M. Arthur Kroeger: Tout d'abord, pour atténuer les problèmes des agriculteurs, l'octroi de subventions par le gouvernement constitue une solution. Abaisser les coûts de production en constitue une autre. C'est pour tenter de réduire les coûts que le juge Estey et moi-même avons préparé un rapport.

Les études que j'ai citées démontraient que l'on pourrait réduire les coûts de production de 100 millions, 200 millions, 300 millions de dollars grâce à la déréglementation du système. L'autre jour, le premier ministre du Canada et deux premiers ministres provinciaux ont annoncé des subventions de 400 millions de dollars que les deux paliers de gouvernement accordaient pour venir en aide aux agriculteurs—ce n'est pas une somme énorme, mais c'est quelque chose. Et 300 millions de dollars, ce n'est pas négligeables non plus. Ainsi, si l'on pouvait supprimer les coûts, le problème serait moins lourd.

Deuxièmement, il faut se demander ce que l'on entend par une entreprise agricole familiale. Au début de la colonisation de l'Ouest, on estimait qu'une exploitation de 160 acres, un quart de section, ce n'était pas viable. Il y a eu de plus en plus de regroupements des exploitations à cause de l'augmentation des coûts de production alors que le prix des céréales ne bougeait guère.

Dans la région où j'ai grandi, une superficie qui constituait le gagne-pain de huit familles n'a plus aujourd'hui qu'un seul exploitant. J'ai deux neveux qui sont agriculteurs dans l'est de l'Alberta, et chacun d'entre eux cultive de 5 000 à 6 000 acres de terre. On pourrait appeler cela une ferme familiale. Ce n'est pas une société.

On entend des choses effarantes—comme par exemple si la ferme familiale disparaît, les prix au supermarché vont augmenter, et il se peut qu'il y ait une pénurie d'aliments. Le regroupement des terres ne signifie pas automatiquement la constitution de sociétés exploitant de grosses fermes. En fait, je ne connais personne de mon patelin... Il y a beaucoup d'agriculteurs qui exploitent de vastes terres parce qu'ils y sont forcés pour pouvoir payer les moissonneuses-batteuses qui coûtent plus de 200 000 $.

Effectivement, après une éventuelle rationalisation de l'économie des Prairies, ce ne sont pas tous les céréaliculteurs qui pourraient survivre, mais un grand nombre y parviendraient. Sur le plan politique et social, on doit se demander jusqu'où on peut pousser le processus de rationalisation afin de créer une économie céréalière dans les Prairies, plus solide qu'elle ne l'est aujourd'hui.

Le président: Avez-vous fini, monsieur Hubbard?

• 1725

Arthur, quand vous parlez du recours à la concurrence, aux forces du marché, à la commercialisation, etc. on se dit que l'aboutissement logique, c'est que la petite exploitation familiale soit engloutie par de grandes sociétés s'adonnant à la culture de vastes terres pour garantir un retour sur l'investissement. Une exploitation de 6 000 acres représente, il est vrai, une grosse organisation familiale, mais je songe ici aux petites fermes. L'aboutissement logique de votre raisonnement m'amène à penser que si c'est le cas, toute exploitation de moins de 6 000 acres est appelée à être engloutie.

M. Arthur Kroeger: Deux choses. Si un agriculteur décide d'abandonner, il est fort possible qu'il vende sa terre à son voisin, et non pas à General Foods. Je ne connais pas de sociétés agricoles moi-même. Les gens ne cessent d'en parler. Encore une fois je veux vous parler de la région où j'ai grandi en Alberta. Les gens avec qui j'allais à l'école sont maintenant agriculteurs et exploitent de vastes terres parce qu'ils ont acheté les terres de leurs voisins au fur et à mesure que ces derniers abandonnaient l'agriculture, s'en allaient vers Edmonton ou Calgary. Cela est fréquent.

Il est absolument inutile de penser résoudre le problème de la ferme familiale en maintenant ce qui existe actuellement, une situation où il faut déduire 70 $ du prix international. Un système plus efficace permettrait peut-être de ne déduire que 50 $.

Le président: La parole est à M. Breitkreuz et ce sera tout. Nous nous occuperons ensuite de la motion de Val.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Merci, monsieur le président. J'ai une question très importante, à mon avis.

En guise de préambule, je rappelle que vous avez dit que l'aspect économique n'était pas compliqué. C'est l'aspect politique qui complique les choses. Je suis entièrement d'accord avec vous. Si le gouvernement fait ce qu'il faut en l'occurrence, les arguments économiques vont supplanter les arguments politiques, d'autant que nous traversons une crise dans le secteur agricole.

Vous avez dit qu'on ne prendrait pas de mesure à l'emporte- pièce. Il faut nous acheminer dans la bonne direction. Quelle masse critique faut-il constituer pour prouver à la population que ce système va fonctionner?

Vous avez dit plus tôt qu'il y avait divergence d'opinions. C'est la politique qui veut cela. Les producteurs ont cru les renseignements qu'on leur a donnés. Je ne pense pas que les arguments économiques leur aient été exposés assez clairement. Ils sont victimes de la propagande. Une grande part de cette propagande est diffusée par des gens qui ont un intérêt acquis et cherchent à maintenir leur contrôle et leur autorité dans le système. Je pense que vous me comprenez.

Tous les mois de janvier, j'organise une série de rencontres dans ma circonscription dont les habitants ont par le passé appuyé vigoureusement la Commission canadienne du blé. J'ai pu constater une évolution marquée au cours des derniers mois. La divergence d'opinions dont vous parliez commence à s'amenuiser. Les gens cherchent toutes les solutions possibles pour réduire leurs coûts de production. Dans ma circonscription, je ne pense pas que la Commission canadienne du blé soit défendue cette année aussi énergiquement que l'an passé.

La question centrale que je vous pose est la suivante: Quelle doit être la masse critique? Jusqu'à quel point faut-il changer les choses? Quels moyens de contrôle doit-on retirer à la Commission canadienne du blé pour prouver qu'on peut apporter des changements afin que la propagande qui est diffusée là-bas ne vienne pas annuler les bienfaits de la législation? Dans ce cheminement vers un système totalement commercial, quelle longueur doit avoir le premier pas?

M. Arthur Kroeger: C'est une question de jugement. Je pense que l'élément crucial est d'aller assez loin pour que le système comporte une véritable responsabilité de sorte que si un maillon n'est pas performant, ce ne soit pas le producteur qui en fasse les frais. Il faut que ce soit celui qui se trompe qui assume la pénalité.

Je trouve inquiétante la proposition de la Commission canadienne du blé portant qu'un système contractuel soit mis en place car c'est la commission qui détiendrait tous les contrats. Si tel est le cas, en l'absence de contrats mutuels entre les parties, c'est alors l'entreprise céréalière qui va pouvoir demander des comptes à la compagnie de chemin de fer.

• 1730

Quelle que soit la structure que l'on donnera au futur régime, il faut à tout prix que les avantages et les pénalités reviennent aux gens dont la performance sera louable ou mauvaise. Plus cet argent sera déterminant, plus les gens, par pur intérêt personnel, vont cesser de faire en sorte que les coûts grimpent.

M. Garry Breitkreuz: Voyez-vous...

M. Arthur Kroeger: C'est une réponse générale. Excusez-moi mais je pense que vous en avez saisi l'essentiel.

M. Garry Breitkreuz: Eh bien, assurément, j'en ai saisi l'essentiel.

Je trouve inquiétant qu'on mette en place des contrats tripartites et que les choses soient vagues. C'est le problème que je vois surgir, et avec ces contrats tripartites, une partie va blâmer l'autre, et je ne pense pas que cela puisse fonctionner.

M. Arthur Kroeger: Précisément, et c'est pourquoi il est capital d'instaurer dans les Prairies un système contractuel simplifié à l'extrême.

Je commencerais... On s'est demandé si on devait se débarrasser du contingentement des récoltes. Il serait peut-être avantageux de le conserver pour l'instant. On se demandait si la Commission canadienne du blé devait prendre livraison des céréales au point de remplissage. Eh bien, si on souhaite que les céréales restent dans le silo pendant les premières années, soit; ce n'est pas l'idéal mais si on doit procéder progressivement, il me semble qu'il faut commencer par passer des contrats entre les entreprises céréalières et les compagnies de chemin de fer. Ces dernières sont responsables de l'acheminement des céréales vers le port pour répondre aux besoins de la Commission canadienne du blé. Si cela fonctionne bien, le reste se mettra en place tout seul quelques années plus tard.

M. Garry Breitkreuz: J'espère que les membres du comité ont écouté très attentivement ce qui vient d'être dit.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Breitkreuz.

Monsieur Kroeger, merci beaucoup d'être venu aujourd'hui répondre à toutes nos questions.

Nous n'étudions pas ce dossier dans le but de présenter quoi que ce soit au gouvernement. Nous essayons de nous renseigner un peu avant d'examiner le projet de loi et vous nous avez été très utile. Nous ne serons pas saisis de ce projet de loi avant quelque temps, et c'est pourquoi, plus tard, nous vous inviterons peut-être de nouveau, si vous le voulez bien.

M. Arthur Kroeger: Je reviendrai volontiers, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup.

M. Arthur Kroeger: C'est un sujet compliqué qui semble l'être un peu moins désormais.

Le président: Merci.

Chers collègues, je vous demanderais de rester. Nous allons nous pencher sur la motion de Mme Meredith. Il nous faudra—je l'espère—deux minutes.

Voici ce dont nous sommes saisis. Val Meredith propose que le comité forme un sous-comité afin d'étudier l'incidence des taxes sur le carburant dans l'industrie du transport au Canada. Il y a deux choses que je souhaiterais que vous gardiez à l'esprit.

Tout d'abord, si l'on devait faire une éventuelle étude de l'incidence des taxes sur le carburant dans l'industrie du transport au Canada, on pourrait prétendre que puisqu'il s'agit de prix, il appartient au Comité de l'industrie de s'en occuper car il s'est déjà penché sur cette question. Si l'on s'en tient strictement aux taxes sur le carburant, on pourrait dire qu'il appartient probablement au Comité des finances d'en discuter. Je voudrais que vous gardiez cela à l'esprit.

Autre chose: si nous formons un sous-comité... Nous avons déjà beaucoup de pain sur la planche, par exemple la question dont nous venons de discuter—et elle est de taille—et la question des lignes aériennes, dont nous devrons nous occuper bientôt.

Val, si nous formons un sous-comité, il faudra que cinq membres du parti ministériel y siègent, car y siégeront également un représentant de chacun des partis d'opposition, c'est-à-dire quatre personnes, et pour équilibrer les choses, il faudra cinq députés du parti ministériel, dont le président. Si je m'adresse à notre whip en lui proposant de retenir cinq députés de notre parti, je ne serais pas très bien accueilli.

Val.

Mme Val Meredith: Monsieur le président, j'invoque presque le même argument, à savoir que le comité est saisi de plusieurs questions et que celle-ci, qu'on le veuille ou non, représente un enjeu très important. Il s'agit du transport de nos biens d'un bout à l'autre du pays. Selon moi, c'est une question de transport parce qu'il y va de la vie ou de la mort de ce secteur de notre économie qu'est le transport routier.

Les choses ont atteint un point de crise et dans l'opinion publique, on pense que le gouvernement et le Parlement se fichent de cette crise. Nous nous devons de faire savoir à l'industrie du transport routier que sa survie nous préoccupe et que nous sommes prêts à les écouter, à essayer de les aider à trouver une façon de garantir la survie de l'industrie du camionnage.

• 1735

Selon moi, la constitution d'un sous-comité est une solution prudente car ainsi nous ne monopolisons pas tous les membres du comité: un petit comité se penchera sur la question qui est critique.

Le président: Il y a au moins une bonne demi-douzaine de façons de répondre aux préoccupations des camionneurs. Je ne pense pas qu'un sous-comité des transports en soit une.

À la vérité, chers collègues, il s'agit de taxes, de taxes sur le carburant. Il est vrai qu'à cause de ces taxes il peut surgir des problèmes chez les camionneurs ou dans les autres modes de transport où le carburant sera plus cher, mais c'est une question de taxes. Une question de taxes doit être étudiée par le Comité des finances et non pas par le nôtre, ou ce pourrait encore être un sous-comité des finances ou un autre des comités compétents.

Mme Val Meredith: Et bien, réglons la question. Procédons au vote.

Le président: D'accord.

Mme Val Meredith: Je voudrais que ce soit un vote par appel nominal.

(La motion est rejetée par huit voix contre quatre)

Le président: Val, je crois que tous les membres du comité estiment qu'il s'agit d'une question importante, mais on est en train de considérer d'autres initiatives à cet égard...

Mme Val Meredith: Les camionneurs n'en sont pas convaincus et j'espérais leur offrir la possibilité d'exprimer leurs doléances devant un sous-comité...

Le président: Oui.

Mme Val Meredith: ... et leur fournir une tribune publique pour aborder ces questions plutôt que...

Le président: Non, mais à l'heure actuelle on étudie deux autres moyens qui permettraient d'aborder le problème, qui ne se limite pas aux camionneurs mais concerne aussi les prix du carburant dans l'ensemble, dont les taxes sur le carburant.

Mme Val Meredith: Il faudrait en informer les députés.

Le président: En fait, ils sont au courant, parce que le Comité de l'industrie...

Chers collègues, merci. La séance est levée.