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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 28 mai 2001

• 1538

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte et je vous souhaite à tous la bienvenue.

Nous avons à l'ordre du jour le projet de loi S-16, Loi modifiant la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité. M. Roy Cullen, membre de notre comité et secrétaire parlementaire auprès du ministre des Finances comparaît.

Nous allons également présenter les fonctionnaires du ministère des Finances, du ministère de la Justice, de l'Agence des douanes et du revenu du Canada et du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada.

Bienvenue, monsieur Cullen. Vous pouvez commencer.

M. Roy Cullen (secrétaire parlementaire auprès du ministre des Finances): J'allais dire qu'il faudrait cesser de se rencontrer comme cela, mais j'imagine que ce n'est pas la chose à dire, car les occasions de rencontre ne vont probablement pas manquer.

Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité. Permettez-moi de présenter les fonctionnaires qui m'accompagnent: Charles Seeto, directeur, Division du secteur financier, ministère des Finances; Yvon Carrière, avocat, Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada; Richard Lalonde, chef, Crimes financiers, ministère des Finances; Patricia Smith, directrice adjointe politique, Liaison et conformité, Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada; Stanley Cohen, avocat-conseil, Section des droits de la personne, ministère de la Justice; Paul Saint-Denis, avocat-conseil, Section de la politique du droit criminel, ministère de la Justice. Nous n'avons personne ici de l'Agence du revenu, mais nous avons des représentants de l'Agence des douanes et du revenu du Canada.

Merci de me permettre de prendre la parole devant votre comité aujourd'hui au sujet du projet de loi S-16, Loi modifiant la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité. Je ne parlerai pas longtemps pour permettre à ceux qui ont des questions de les poser.

• 1540

Les députés se rappelleront que le projet de loi C-22, qui a précédé le texte législatif sur lequel nous nous penchons aujourd'hui, a été adopté lors de la dernière législature. Ce projet de loi apportait des modifications radicales au régime canadien de lutte contre le blanchiment de capitaux, modifications qui s'imposaient. À ce moment-là, des pressions s'exerçaient sur deux fronts auprès du gouvernement en faveur de la modification et de la mise à jour du texte législatif antérieur.

[Français]

D'abord, les organismes chargés de faire observer les lois exerçaient un lobbying pour obtenir de meilleurs moyens d'observation. Ensuite, le Canada était surveillé de près à l'échelle internationale en raison des «lacunes» perçues dans son régime de lutte contre le blanchiment de capitaux.

[Traduction]

À titre de membre du G-7 et du Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux, le Canada s'était engagé à améliorer ce régime. Il était important que le Canada soit perçu par ses partenaires à l'échelle internationale comme un pays qui progresse sur ce plan, surtout que le Groupe d'action financière commençait au moment où le projet de loi a été adopté à dresser une liste publique de pays dont les mécanismes de lutte contre le blanchiment de capitaux étaient inefficaces. Le gouvernement a donc déposé le projet de loi C-22, qui instaure des mesures visant à améliorer la détection et la prévention du blanchiment d'argent et à exercer un effet dissuasif en la matière.

[Français]

Le projet de loi C-22 prévoyait la déclaration obligatoire des opérations financières douteuses et des importants mouvements transfrontaliers de devises, et il établissait le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, qui est entré en vigueur le 5 juillet 2000.

[Traduction]

Cet organisme indépendant, appelé habituellement le Centre, a pour mandat de recevoir et d'analyser les rapports et de transmettre des renseignements aux autorités chargées de l'observation des lois s'il soupçonne que ces renseignements pourraient s'appliquer à une poursuite ou à une enquête en matière de blanchiment de capitaux. Des mesures de protection prévues, appuyées par des sanctions pénales en cas d'inobservation, permettent d'exercer un contrôle rigoureux sur la collecte, l'utilisation et la communication de renseignements par le Centre. Je tiens également à signaler que le Centre est assujetti à la Loi fédérale sur la protection des renseignements personnels et à ses mécanismes de protection.

[Français]

Cela dit, quand les membres du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce ont examiné le projet de loi C-22 le printemps dernier, ils ont recommandé que certaines modifications soient apportées afin de renforcer la loi, et le gouvernement a souscrit à un certain nombre de ces recommandations.

[Traduction]

Mon collègue, le Secrétaire d'État aux institutions financières internationales, a pris devant les membres de ce comité l'engagement de modifier la loi en y incluant plusieurs de leurs suggestions. Avec le projet de loi S-16, il remplit cet engagement.

Monsieur le président, les modifications apportées au projet de loi S-16 ont trait à quatre questions particulières.

La première porte sur le processus qui permet d'invoquer le secret professionnel dans le cadre d'une vérification menée par le Centre. L'organisme est autorisé à procéder à des vérifications afin d'assurer l'observation de la loi. Dans sa forme actuelle, la loi renferme des dispositions qui s'appliquent quand le Centre procède à une vérification de conformité auprès d'un cabinet d'avocats. L'organisme doit fournir à un avocat la possibilité raisonnable d'invoquer le secret professionnel relativement aux documents qu'il a en sa possession au moment de la vérification.

[Français]

La modification instaurée dans le projet de loi S-16 concerne les documents que des personnes autres que des avocats ont en leur possession, par exemple un comptable. Elle exige que cette personne ait la possibilité raisonnable de communiquer avec un avocat de façon que celui-ci puisse invoquer le secret professionnel.

[Traduction]

La deuxième modification, monsieur le président, fait en sorte qu'aucune disposition de la loi n'empêche la Cour fédérale d'ordonner au directeur du Centre de divulguer certains renseignements exigés en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels ou de la Loi sur l'accès à l'information. Cette modification établit clairement que le recours des particuliers à la Cour fédérale est entièrement respecté, ce qui était l'intention de principe visée par le projet de loi initial, le projet de loi C-22.

La troisième mesure définit plus précisément les genres de renseignements qui peuvent être communiqués aux corps policiers et à d'autres autorités. Elle précise que le règlement qui définit ces renseignements ne peut viser que des renseignements d'identification semblables relatifs aux clients, à l'établissement et aux opérations en question.

Monsieur le président, la dernière modification prévoit que tous les rapports et les renseignements que le Centre a en sa possession doivent être détruits après un certain temps.

• 1545

[Français]

Les renseignements qui n'ont pas été communiqués aux corps policiers ou à d'autres autorités doivent être détruits par le centre après cinq ans; ceux qui ont été divulgués doivent être détruits après huit ans.

[Traduction]

Monsieur le président, le projet de loi S-16 s'appuie sur les changements radicaux qui ont été apportés au régime canadien de lutte contre le blanchiment de capitaux et qui ont été prévus dans le projet de loi C-22, et il les renforce. Ce projet de loi a été accueilli favorablement par tous les députés peu importe le parti qu'ils représentent—je vous remercie tous à ce sujet. Il répond aux besoins de notre collectivité canadienne de l'observation des lois pour ce qui est des moyens additionnels de lutte contre le crime organisé en ciblant plus efficacement le produit des activités criminelles. Il permet au Canada de s'acquitter de ses responsabilités sur la scène internationale au chapitre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et prévoit par ailleurs des mesures qui permettront d'assurer la protection des renseignements personnels. Ces quatre modifications contenues dans le projet de loi S-16 permettront de renforcer, de préciser et d'améliorer cette loi.

Monsieur le président, les fonctionnaires ici présents et moi- même sommes maintenant prêts à répondre à vos questions au sujet de ce projet de loi. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Cullen.

Nous allons maintenant passer aux questions et réponses.

Monsieur Epp.

M. Ken Epp (Elk Island, AC): Merci.

De toute évidence, il s'agit d'un projet de loi très court, qui ne comporte que quatre articles essentiellement, car il n'y a pas grand-chose que l'on puisse ajouter à ce projet de loi. J'ai toutefois une ou deux questions.

Ce Centre, est-il actuellement occupé ou non? Que fait-il? J'aimerais que ses membres m'en parlent de façon générale.

M. Roy Cullen: Certainement; peut-être pourrais-je commencer.

Tout d'abord, monsieur Epp, ce projet de loi est court, car il modifie le projet de loi C-22, qui a été adopté lors de la dernière législature. Il s'agit donc de quatre modifications, le projet de loi lui-même n'étant de toute façon pas volumineux.

Le Centre a embauché plusieurs personnes, jusqu'à concurrence de 70, si je ne me trompe pas. Il dispose de matériel informatique et les logiciels sont actuellement mis à l'essai. En règle générale donc, le Centre s'organise. L'ébauche des règlements et des directives a paru dans La Gazette et des observations ont été faites à cet égard. Ce processus a pris fin à la mi-mai et le Centre revoit maintenant l'ébauche des règlements et des directives. Tout est bien amorcé.

Madame Smith, voudriez-vous décrire de façon plus précise à M. Epp et aux membres du comité la situation actuelle?

Mme Patricia Smith (directrice adjointe politique, Liaison et conformité, Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada): Merci.

Je crois que vous avez à peu près tout dit. Jusqu'à présent, nous nous sommes occupés de l'aménagement de nos bureaux. L'accent a été mis sur la dotation et nous avons embauché 78 personnes, dont 27 proviennent du secteur privé. Nous sommes en train de faire l'acquisition de notre technologie de l'information. Nous avons travaillé avec les Finances pour l'élaboration des règlements et nous avons également fait paraître des directives à leur sujet pour aider les entreprises à comprendre notre mode de fonctionnement.

M. Ken Epp: J'ai une question à propos de la façon dont vous fonctionnez. Travaillez-vous de manière isolée, ou travaillez-vous avez Postes Canada, avec le SCMLC? Travaillez-vous avec le SCRS ou avec des agences aux États-Unis, ou travaillez-vous de manière isolée? Peut-être ne voulez-vous même pas répondre à ces questions, car elles sont confidentielles.

M. Roy Cullen: Le Centre est indépendant du gouvernement. Un régime de rapports est mis en place pour que les intermédiaires financiers fassent rapport de certaines opérations. Le Centre a pour objet de s'occuper des activités de blanchiment de capitaux et tout autre objectif est secondaire. Par conséquent, si des opérations semblent être suspectes et qu'elles semblent peut-être exiger un suivi, certaines informations de base, des informations très ciblées, seraient transmises à la GRC. Si, à partir de la collecte de renseignements auprès des organismes d'application de la loi à l'étranger et d'autres sources, la GRC croit que les opérations justifient un examen plus approfondi, elle contacte, si elle le souhaite, un juge pour obtenir une ordonnance d'informations supplémentaires; le Centre, à partir de cette ordonnance judiciaire, fournit alors ces informations.

Par conséquent, le Centre est censé être assez indépendant. Il a une mission principale à remplir et c'est ce qui retient son attention. Il est parfaitement au courant des préoccupations des Canadiens en matière de protection des renseignements personnels.

• 1550

M. Ken Epp: Pour résumer, il s'agit essentiellement d'un organisme qui met son nez partout et qui cherche de l'information pour d'autres organismes d'application de la loi et non pour lui- même uniquement.

M. Roy Cullen: Je ne suis pas sûr de vouloir accepter les expressions que vous utilisez, monsieur Epp. Mettre son nez partout...

M. Ken Epp: Vous observez les opérations et vous surveillez les échanges de capitaux, si j'ai bien compris. Si quelque chose paraît suspect, vous devez, j'imagine, commencer par communiquer avec d'autres organismes d'application de la loi, si vous n'avez pas vous-même le mandat de poursuivre ces gens-là.

M. Roy Cullen: Faisons un peu marche arrière et observons l'intention du projet de loi initial, ainsi que la façon dont il est promulgué; certaines opérations, par définition, doivent faire l'objet d'un rapport, lorsqu'elles dépassent un certain montant. Il y a aussi la catégorie des opérations suspectes, expression définie dans les directives. Si elles sont suspectes au niveau de l'intermédiaire financier, les détails doivent également être fournis au Centre.

Le Centre appliquerait alors certaines méthodes à ces données. Peut-être quelqu'un d'autre voudra-t-il donner plus de précisions à ce sujet, mais il reste que si tout indique qu'une tendance semble se dégager ou si le Centre dispose d'autres informations connexes—et s'il est d'avis que cela justifie un suivi ou, à tout le moins, un examen par la GRC—comme je l'ai dit plus tôt, il communiquerait certaines informations de base à la GRC. Le Centre lui-même n'est toutefois pas un organisme d'application de la loi.

M. Ken Epp: Que se passe-t-il donc précisément au Centre?

Il s'agit de bien comprendre les choses au départ, monsieur le président, et j'espère que cela ne vous dérange pas.

La semaine dernière, j'ai reçu un chèque d'un million de dollars et ma banque m'a dit: merci beaucoup, nous allons nous en occuper. Cela doit faire l'objet d'un rapport, n'est-ce pas?

M. Roy Cullen: Si vous l'avez déposé.

Une voix: Pas un chèque.

M. Ken Epp: Oui, je l'ai simplement déposé dans mon compte. Ne doit-il pas faire l'objet d'un rapport?

M. Roy Cullen: Pas s'il s'agit d'un chèque.

M. Ken Epp: Vraiment. C'est une bonne information—nous nous en tenons aux chèques, c'est tout.

M. Roy Cullen: Richard.

M. Richard Lalonde (chef, Crimes financiers, ministère des Finances): Pour répondre brièvement, je dirais que l'institution financière ne serait pas tenue de faire rapport de cette opération au Centre à moins, bien sûr, qu'elle n'ait un motif raisonnable de soupçonner qu'elle est reliée au blanchiment de capitaux. En pareil cas, elle est obligée de faire rapport de cette opération.

M. Ken Epp: Monsieur le président, je dois passer à d'autres questions, mais permettez-moi de dire aux fins du compte rendu que c'était une situation hypothétique—je n'ai pas en fait reçu une telle somme.

M. Roy Cullen: J'allais dire que vous pourriez nous inviter à dîner.

M. Ken Epp: Sait-on jamais. Vous pouvez aller vérifier—en règle générale, j'ai plutôt tendance à être à découvert.

J'aimerais poser une question au sujet du privilège du secret professionnel. Si un comptable souhaite invoquer le privilège du secret professionnel, pourquoi lui dire d'aller consulter un avocat au lieu de lui donner le droit d'invoquer le même genre de privilège du secret professionnel que celui qu'un avocat peut actuellement invoquer? De toute évidence, il s'agit d'une modification visant à donner plus de travail aux avocats. Pourquoi ne pas simplement donner directement ce pouvoir aux comptables?

M. Roy Cullen: À mon avis, cette modification vise à fournir une garantie supplémentaire, étant donné qu'elle permet d'invoquer le privilège du secret professionnel de l'avocat. D'après le libellé précédent de la loi, si le Centre demandait à un intermédiaire financier, par exemple, de procéder à une vérification de conformité auprès d'un cabinet d'avocats, l'avocat, s'il le souhaitait, pouvait invoquer le privilège du secret professionnel de l'avocat. De nos jours toutefois, comptables et avocats travaillent en relation très étroite. En fait, cela ne se limite pas nécessairement aux comptables, l'avocat ayant pu avoir donné à d'autres professionnels ou à d'autres personnes, à des experts-conseils, etc., des informations qui devraient être assujetties au privilège du secret professionnel de l'avocat.

Si, par exemple, vous allez chez votre comptable, que vous vous rendez compte que les informations qu'il détient proviennent de l'avocat et qu'elles peuvent être visées par le privilège du secret professionnel de l'avocat, il faudrait avoir le temps de téléphoner à l'avocat pour le préciser; en d'autres termes, cette modification donne la possibilité de le faire.

• 1555

M. Ken Epp: Il me semble donc que cette modification donne une protection supplémentaire considérable à une personne faisant l'objet d'une enquête, personne qui, en fait, peut être coupable et qui s'en sortira indemne. Est-ce bien cela? Cette modification améliore la protection dont jouit «l'accusé», et je mets cela entre guillemets.

M. Roy Cullen: Le privilège du secret professionnel de l'avocat est une règle juridique qui existe depuis longtemps. Cette modification permet de faire en sorte qu'une personne dispose de suffisamment de temps pour exercer les droits conférés à tous dans un bureau de comptables ou d'experts conseils.

Quelqu'un veut-il ajouter autre chose à ce sujet?

M. Stanley Cohen (avocat-conseil, Section des droits de la personne, Service spécialisé de consultations juridiques, Secteur des activités juridiques, ministère de la Justice): Permettez-moi d'essayer de répondre à cette question jusqu'à un certain point.

Mon travail consiste à donner des conseils au sujet de la Charte des droits dans la mesure où elle s'applique à cette loi et d'indiquer là où des écueils peuvent surgir, au cas où la loi irait trop loin.

Le privilège du secret professionnel de l'avocat est protégé par la loi en vertu de l'article 11; l'ajout que vous avez ici n'étend pas ce privilège de manière considérable. Toutefois, depuis longtemps le privilège du secret professionnel de l'avocat est considéré comme relativement unique en ce qui a trait à l'information qui doit bénéficier de ce genre de protection de la part des tribunaux.

La relation qui doit jouir de ce genre de protection de la part des tribunaux est considérée fondamentale pour la protection du système judiciaire dans son ensemble. Pour ce qui est des autres sortes de relations, on peut dire qu'elles doivent être respectées tant que c'est nécessaire ou possible, mais elles ne jouissent pas nécessairement du même degré de protection que celui dont jouit la relation d'avocat à client. Il existe bien d'autres genres de relations et d'échanges confidentiels qui peuvent, en common law, jouir d'un certain degré de protection, sans toutefois jouir du genre de protection inscrit dans notre loi en ce qui concerne le privilège du secret professionnel de l'avocat.

On pourrait s'étendre sur la nécessité de ce privilège, mais il vise essentiellement à faire en sorte que les personnes qui ont affaire au régime pénal—et plus particulièrement à la procédure judiciaire—sont en mesure de parler en toute confiance à ceux qui leur donnent des conseils juridiques. Il est devenu nécessaire de le reconnaître et, par cette loi, de l'étendre—c'est du moins ce qu'on nous a incités à faire—de manière à englober d'autres personnes qui détiennent essentiellement des informations ou des documents dans le contexte d'une enquête ou d'une analyse juridique.

Il s'agit donc simplement d'englober les comptables et d'autres personnes qui détiennent des informations dans le contexte d'une demande d'analyse de ces informations, demande faite par des avocats et d'autres personnes. Cela permet simplement de donner la possibilité à ces personnes, si elles ont affaire à un enquêteur ou à un inspecteur, de contacter un avocat qui peut affirmer ce privilège du secret professionnel au nom d'un client. Ce n'est en fait qu'une mesure mineure.

M. Roy Cullen: Permettez-moi d'ajouter, monsieur Epp, que si un avocat ou un comptable invoquait ce privilège, les documents seraient scellés, si je comprends bien, et ce serait à un juge de décider s'ils sont assujettis ou non au privilège du secret professionnel de l'avocat. Ce n'est pas parce qu'on le demande qu'on l'obtient nécessairement. On ne peut pas simplement se cacher derrière le privilège du secret professionnel de l'avocat pour faciliter les choses. Il faut pouvoir convaincre un juge qu'il s'agit en fait d'une question de privilège du secret professionnel de l'avocat qui, comme l'a dit M. Cohen, est une mesure de protection qui existe depuis longtemps et dont jouissent tous les Canadiens.

M. Ken Epp: Il me semble que tous ceux qui pratiquent le blanchiment de capitaux...il y a manifestement des gens qui le font, sinon, votre présence ici, de même que l'existence de cette agence, ne seraient pas justifiées; votre rôle est de les cerner et de les arrêter. J'ai l'impression que le message qu'on envoie ici, c'est que tous ces gens devraient confier la tenue de leurs livres à des experts qui détiennent un diplôme non seulement en comptabilité, mais aussi en droit. De cette façon, ils seraient bien protégés. C'est le message qu'on envoie.

M. Roy Cullen: Je tiens à préciser qu'il est question ici de vérifications de conformité. Ce sont elles qui permettent d'établir qu'un intermédiaire financier ne respecte peut-être pas les exigences relatives aux déclarations. C'est en examinant les dossiers en vue d'établir si un intermédiaire financier se conforme ou non à la loi qu'ils vont découvrir des renseignements. C'est à ce moment-là que le processus serait déclenché.

• 1600

Oui, monsieur Saint-Denis.

M. Paul Saint-Denis (avocat-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, Bureau du sous-ministre adjoint, Secteur des politiques, ministère de la Justice): J'aimerais ajouter une précision. Les renseignements que possède un avocat ne seraient pas tous nécessairement visés par le secret professionnel. Seuls des renseignements de nature très précise peuvent jouir d'une protection.

Le fait que vous invoquiez le secret professionnel à l'égard d'un document ne signifie pas nécessairement que le privilège s'étend à celui-ci. Voilà pourquoi les renseignements ou les documents en question sont mis sous scellé. Ils sont ensuite remis à un juge, qui va décider si les documents visés bénéficient ou non de ce privilège. Dans la négative, les documents sont remis aux autorités compétentes, aux fins d'examen.

M. Ken Epp: Merci.

Le président: Monsieur Dubé.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): J'ai le même genre de préoccupation que M. Epp quant à l'article 4 et au secret professionnel. Je me demande à qui profiterait la modification apportée.

J'ai bien aimé la réponse de M. Cullen à ce propos, mais j'aimerais lui demander où on peut retrouver cela dans la loi. C'est plus l'esprit de la loi, dites-vous, et monsieur a abondé dans le même sens. Il y a sûrement, pour refuser l'objection d'un avocat ou d'un autre conseiller, des critères autres que l'argument voulant que tout ne soit pas confidentiel. Je ne suis ni un spécialiste ni un avocat, mais je ne trouve rien dans la loi qui donne cette souplesse-là.

M. Roy Cullen: Y a-t-il quelqu'un qui peut indiquer l'article du projet de loi où il est question des mesures dont nous parlions?

M. Yvon Carrière (avocat, Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada): La portée du secret professionnel n'est pas définie dans le projet de loi. C'est le common law qui, au cours des années, a développé une série de critères pour dire quand un document est couvert par le secret professionnel et quand il ne l'est pas. Par exemple, les tribunaux ont dit que dès qu'un avocat est impliqué dans des mesures illégales, dès qu'il participe au crime, le secret professionnel ne s'applique absolument pas.

C'est une jurisprudence qui évolue avec le temps, et c'est un peu pour cela qu'il est impossible de la codifier à un moment donné. Les tribunaux, eux, ont certainement des critères très définis pour savoir si un document est couvert ou non par le secret professionnel.

M. Antoine Dubé: On dit qu'on veut étendre cela aux comptables ou autres professionnels. Pourriez-vous me donner un exemple d'autres professionnels qui pourraient bénéficier de cela?

M. Yvon Carrière: Par exemple, si je fais face à des accusations en vertu du Code criminel, je vais voir mon avocat et je lui demande de m'aider à préparer une défense. Si la cause porte sur une faillite frauduleuse, mon avocat, qui n'est pas un expert dans les questions de comptabilité ou de faillite, va peut-être consulter un syndic de la faillite et lui demander de l'aide pour préparer ma cause. Dans ce cas-là, l'expert en faillite va obtenir de mon avocat des documents que j'ai remis à celui-ci. Dans ce cas-là, il y a possibilité que le secret professionnel qui était attaché à ces documents-là entre les mains de l'avocat suive les documents dans les mains de l'expert en faillite. Dans un tel cas, l'expert en faillite pourrait contacter l'avocat afin de lui demander de réclamer le secret professionnel.

• 1605

M. Antoine Dubé: Mais il y a toujours un lien avec l'avocat. Le service de première ligne, si on peut dire, se transige toujours par l'avocat, peu importe le conseiller.

M. Yvon Carrière: Le secret professionnel est quelque chose que l'accusé ou le client de l'avocat peut réclamer, mais il le fait normalement par l'intermédiaire de son avocat. Qu'on me corrige si je me trompe, mais il n'y a pas de secret professionnel autre que dans les limites du conseil juridique ou de la défense à une accusation.

M. Antoine Dubé: Au Québec, beaucoup de professionnels ont une certaine forme de secret professionnel, comme les médecins, les psychologues et toute une série de spécialistes. C'est pour cela que je m'inquiète beaucoup de la portée qu'on pourrait donner à cela. C'est presque sans fin.

M. Paul Saint-Denis: Si vous me le permettez, le secret professionnel, en ce qui concerne... [Note de la rédaction: difficultés techniques].

Comme l'a indiqué M. Cohen, cela jouit d'une position unique dans notre droit. C'est sûr que dans d'autres professions, il existe des relations confidentielles, de nature parfois secrète, mais aucune de ces professions ne jouit du même degré de protection que le secret professionnel entre un client et son avocat. Avec l'article 4 du projet de loi S-16, on étend la portée du secret professionnel qui pourrait se rattacher à un document, de façon à ce que, lorsque le document est dans les mains d'une personne autre qu'un avocat, cette personne puisse soulever la possibilité que ce document bénéficie du secret professionnel.

Dans le cas du syndic, que mon collègue a cité en exemple, ou dans le cas d'un comptable qui fait du travail pour un avocat, le syndic ou le comptable pourra lui-même soulever la possibilité qu'il existe, dans le cas de ce document, un secret professionnel entre l'avocat qui lui a demandé de faire le travail pour lui et le client qui est représenté par l'avocat. Bien sûr, dans ce cas-ci, ce n'est pas le syndic qui bénéficie du secret professionnel juridique comme tel, non plus que le comptable. C'est un peu par la bande, si vous voulez. C'est une façon d'étendre un peu la portée du secret professionnel dans la mesure où des documents qui sont dans les mains d'autrui pourraient bénéficier de cette protection.

M. Antoine Dubé: [Note de la rédaction: inaudible].

M. Roy Cullen: Dans l'article 64 de l'ancien projet de loi C-22, on décrit le processus du secret professionnel, les définitions et toutes sortes d'autres choses. C'est bien décrit là.

M. Antoine Dubé: Le lien avec l'avocat?

M. Roy Cullen: Oui.

M. Antoine Dubé: Toujours par l'intermédiaire de l'avocat?

M. Roy Cullen: Oui.

M. Antoine Dubé: Voici une question particulière. Au Québec, on a ceux qu'on appelle les notaires. Je sais que c'est appliqué un peu différemment. Dans le cas d'un notaire, qui est un homme de loi, comment fonctionnerait ce processus?

M. Paul Saint-Denis: Dans l'ancien projet de loi C-22, on a une définition de «conseiller juridique» et on y retrouve une référence spécifique aux notaires du Québec. On y dit:

    « conseiller juridique » Dans la province de Québec, un avocat ou un notaire et, dans les autres provinces, un barrister ou un solicitor.

On couvre donc la situation des notaires au Québec.

[Traduction]

M. Stanley Cohen: Il y a un élément fondamental qui se dégage de vos questions, et c'est celui-ci: on a l'impression que les gens pourraient, dans une certaine mesure, chercher à se retrancher derrière les avocats et ainsi profiter du système.

Je tiens à préciser que les conseils que fournissent les avocats sur des questions non visées par le secret professionnel ne sont pas protégés. Ce n'est là qu'une exception parmi d'autres.

• 1610

En effet, il y a au moins trois autres exceptions bien connues qui s'ajoutent à celle-ci, et elles sont toutes importantes. Il y a d'abord l'exception relative aux «nouveaux crimes». Selon la règle établie, la confidentialité des communications entre un avocat et son client ne peut être assurée quand ces communications sont de nature criminelle ou sont faites dans le but d'obtenir un avis juridique sur la perpétration d'un crime. Ces communications ne jouissent pas du privilège du secret professionnel, ce qui veut dire qu'une personne ne peut se retrancher derrière un avocat, et qu'un avocat ne peut participer à la perpétration d'un crime.

Il y a aussi l'exception relative à la «défense pleine et entière», qui s'applique quand le respect des règles établies aurait pour effet d'empêcher un accusé de présenter une réponse et défense complète. Ce problème se pose quand les tribunaux sont saisis d'une affaire et que la personne doit obtenir de l'information pour établir son innocence. Dans ces circonstances, le privilège doit céder le pas devant la nécessité de faire une défense complète. On qualifie parfois celle-ci d'exception relative à «l'innocence de l'accusé».

Il y a enfin l'exception relative à la «sécurité publique». Elle est invoquée quand la sécurité du public est en jeu et qu'il y a un danger imminent de mort ou de blessures graves. Dans ce cas- ci, le privilège peut également être écarté.

Le secret professionnel ne devrait donc pas être perçu comme un obstacle absolu que ne peuvent franchir ni les tribunaux ni les autorités chargées de l'application de la loi.

Je pense que cela répond à la préoccupation plus vaste concernant le rôle des avocats. Habituellement, les avocats tiennent à être assujettis à une surveillance et à une réglementation serrées. Ce qui nous intéresse avant tout, ce sont les circonstances où un avocat agit comme un avocat et non comme un homme d'affaires ou un intermédiaire. Les vérificateurs peuvent, dans ces cas-là, demander de voir n'importe quel dossier pour déterminer si les exigences en matière de déclaration ont été respectées ou non.

Le président: Merci.

Comme il n'y a pas d'autres questions, nous allons procéder à l'étude article par article du projet de loi.

J'invite les témoins à rester à leur place.

Monsieur Cullen, vous pourriez peut-être vous installer de l'autre côté.

M. Roy Cullen: C'est ce que je vais faire.

(Les articles 1 à 4 inclusivement sont adoptés)

Le président: Le titre est-il adopté?

Des voix: Oui.

Le président: Le projet de loi est-il adopté?

Des voix: Oui.

Le président: Puis-je faire rapport du projet de loi à la Chambre?

Des voix: Oui.

Le président: Merci.

Au nom du comité, je voudrais remercier les fonctionnaires, comme toujours, pour leur excellent travail et leur expertise. Nous vous en sommes reconnaissants.

Et nous remercions bien entendu tous ceux qui ont collaboré à ce dossier, des attachés de recherche jusqu'au greffier.

Je tiens à vous rappeler, rapidement, que nous avons demain deux réunions. La deuxième peut être annulée, puisque nous pouvons rencontrer les fonctionnaires plus tard, si vous êtes d'accord.

M. Ken Epp: Allons-nous discuter de que nous allons faire avec ce projet de loi?

Le président: Nous pouvons le faire demain, après la réunion, si vous voulez.

M. Ken Epp: D'accord.

Le président: Donc, la réunion de demain après-midi est annulée, mais nous allons émettre un avis à ce sujet. Nous allons nous réunir demain matin. Les fonctionnaires peuvent, au besoin, nous rencontrer à ce moment-là.

La séance est levée. Merci beaucoup.

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