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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 10 avril 2002




¹ 1530
V         Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.))
V         Dr Jordan Hanley (représentant, Association canadienne de psychologie)

¹ 1535
V         Dre Cinny Bubber (représentante, Association canadienne de psychologie)
V         Le président
V         Dre Dominique Bourget (présidente, Association des psychiatres du Canada)

¹ 1540

¹ 1545

¹ 1550
V         Le président
V         M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne)
V         Dre Cinny Bubber
V         M. Chuck Cadman
V         Dre Cinny Bubber
V         M. Chuck Cadman
V          Dre Dominique Bourget
V         Dre Cinny Bubber
V          Dr Jordan Hanley
V         M. Chuck Cadman
V         Le président
V         Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.)
V         Dre Dominique Bourget

¹ 1555
V         Mme Carole-Marie Allard
V          Dr Jordan Hanley
V         Mme Carole-Marie Allard
V         Mme Allard
V          Dr Jordan Hanley
V         Mme Carole-Marie Allard
V          Dr Jordan Hanley

º 1600
V         Dre Helen  Ward (boursière en psychiatrie légale, Hôpital Royal d'Ottawa
V         Le président
V         Dre Helen Ward
V         Mme Allard
V         Le président
V         Dre Cinny Bubber
V         Mme Carole-Marie Allard
V         Dre Cinny Bubber
V         Le président
V         Dre Dominique Bourget
V         Mme Carole-Marie Allard

º 1605
V         Le président
V         Dre Dominique Bourget
V         Le président
V          Dr Jordan Hanley
V         Le président
V         M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.)

º 1610
V          Dre Dominique Bourget
V         M. John McKay
V          Dre Dominique Bourget
V         M. John McKay
V          Dre Dominique Bourget
V         M. John McKay
V          Dre Dominique Bourget
V         M. John McKay
V          Dre Dominique Bourget

º 1615
V         M. John McKay
V          Dre Dominique Bourget
V         M. John McKay
V          Dre Dominique Bourget
V         M. John McKay
V          Dre Dominique Bourget
V         M. John McKay
V          Dre Dominique Bourget
V         M. John McKay
V         Le président

º 1620
V         M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.)
V         Le président
V         M. John McKay
V          Dre Dominique Bourget
V         M. John McKay
V         Dre Helen Ward
V         Le président
V         M. Ivan Grose

º 1625
V         M. John McKay
V         M. Grose
V          Dre Dominique Bourget
V         Le président
V          Dre Dominique Bourget
V         Le président
V          Dre Dominique Bourget

º 1630
V         Le président
V          Dr Jordan Hanley
V         Le président
V         M. Peter MacKay (Pictou--Antigonish--Guysborough, PC)

º 1635
V          Dre Dominique Bourget
V          Dr Jordan Hanley

º 1640
V         Dre Cinny Bubber
V         M. Peter MacKay
V          Dr Jordan Hanley
V         Le président
V         Dre Helen Ward
V         M. Peter MacKay
V         Le président

º 1645
V         Dre Helen Ward
V         Dre Cinny Bubber
V         Le président
V         Le président
V         M. Phil Upshall (président, Société pour les troubles de l'humeur du Canada)

» 1700

» 1705

» 1710

» 1715
V         Le président
V         Son honneur le juge Edward Ormston (témoigne à titre personnel)

» 1720

» 1725

» 1730
V         Le président
V         M. Chuck Cadman

» 1735
V          Le juge Edward Ormston
V         Le président
V         M. William P. Ashdown (vice-président, Société pour les troubles de l'humeur du Canada)
V         M. Chuck Cadman

» 1740
V          Le juge Edward Ormston
V         Le président

» 1745
V         Mme Carole-Marie Allard
V         M. Phil Upshall
V         Mme Carole-Marie Allard

» 1750
V         M. Phil Upshall
V         Le président
V          Le juge Edward Ormston

» 1755
V         Mme Carole-Marie Allard
V          Le juge Edward Ormston
V         Mme Carole-Marie Allard
V          Le juge Edward Ormston
V         Mme Carole-Marie Allard
V          Le juge Edward Ormston
V         Le président
V         M. John McKay
V          Le juge Edward Ormston
V         M. John McKay

¼ 1800
V         M. Phil Upshall
V         M. John McKay
V         M. Phil Upshall
V         M. John McKay
V         M. Phil Upshall
V         M. John McKay
V         M. Phil Upshall

¼ 1805
V         M. John McKay
V         M. Phil Upshall
V         M. John McKay
V         M. Phil Upshall
V         M. John McKay
V         M. Phil Upshall
V         M. John McKay
V         M. Phil Upshall
V         Le président
V         M. John McKay
V         M. Phil Upshall

¼ 1810
V         M. John McKay
V         M. Phil Upshall
V         M. John McKay
V         Le président
V          Le juge Edward Ormston
V         M. John McKay
V          Le juge Edward Ormston
V         Le président
V         M. John McKay
V          Le juge Edward Ormston
V         M. John McKay
V          Le juge Edward Ormston

¼ 1815
V         Le président
V         M. Ivan Grose
V         Le président
V         M. Chuck Cadman
V          Le juge Edward Ormston
V         M. Chuck Cadman
V          Le juge Edward Ormston
V         M. Chuck Cadman
V         Le président
V         Mme Carole-Marie Allard
V          Le juge Edward Ormston
V         Mme Carole-Marie Allard
V          Le juge Edward Ormston
V         Mme Carole-Marie Allard
V          Le juge Edward Ormston

¼ 1820
V         Mme Allard
V          Le juge Edward Ormston
V         Le président
V          Le juge Edward Ormston
V         Le président
V          Le juge Edward Ormston
V         Le président
V         M. Chuck Cadman

¼ 1825
V         Le président
V         M. Phil Upshall
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 074 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 10 avril 2002

[Enregistrement électronique]

¹  +(1530)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Welcome. Bienvenue.

    Je déclare ouverte cette 74e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Aujourd'hui, conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre du 26 février 2002, nous poursuivons notre examen prévu par la loi des dispositions du Code criminel sur les troubles mentaux.

    De 15 h 30 à 17 heures, nous entendrons les représentants de l'Association canadienne de psychologie. De 17 heures à 18 h 30, nous recevrons le témoignage de la Mood Disorder Society of Canada et de M. le juge Ted Ormston. Un buffet sera servi à 17 heures.

    Sans plus tarder, je cède la parole à Dr Jordan Hanley et à Dr Cinny Bubber, de l'Association canadienne de psychologie, qui seront suivis de Mme Dominique Bourget, de l'Association des psychiatres du Canada, et de Mme Helen C. Ward, de l'Académie canadienne de psychiatrie légale, qui est boursière en psychiatrie légale à l'Hôpital Royal d'Ottawa.

    J'espère qu'on vous a déjà expliqué le déroulement de nos séances. Chaque organisation disposera d'une dizaine de minutes pour faire ses remarques liminaires, puis il y aura une période de questions et de discussion.

    Monsieur Hanley, vous avez la parole.

+-

    Dr Jordan Hanley (représentant, Association canadienne de psychologie): Je suis un psychologue praticien et psychologue agréé. J'aimerais d'abord remercier le comité de nous avoir invités à témoigner sur cette question très importante.

    Nous sommes essentiellement ici pour discuter du projet de loi C-30 qui remonte à février 1992 et qui a apporté des changements très importants au Code criminel du Canada. Ce projet de loi a remplacé la défense d'aliénation mentale par la non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux et a codifié l'aptitude à subir un procès; de plus, on a modifié de façon très importante les qualités de ceux réputés en mesure d'évaluer les accusés jugés inaptes ou non criminellement responsables pour cause de troubles mentaux. Plus précisément, l'article 672.1 du Code stipule que seuls les médecins sont habilités à effectuer les évaluations ordonnées par les tribunaux dans ce domaine. Nous aimerions que les psychologues soient aussi habilités à les faire pour diverses raisons.

    Les psychologues reçoivent une formation exhaustive dans l'évaluation et le traitement des troubles mentaux. De plus, la loi nous autorise à évaluer l'état mental. Déjà, en 1990, toutes les provinces s'étaient dotées d'ordres professionnels des psychologues qui réglementent notre profession et garantissent au public des services psychologiques de qualité.

    À titre de psychologues, il est très important pour nous de pouvoir administrer des tests psychologiques. Nous élaborons, administrons et interprétons ces tests; c'est une des spécialités de notre profession. Les psychologues, au Canada et aux États-Unis, ont fait un travail considérable dans la création d'outils d'évaluation tout à fait adaptés à la détermination de l'aptitude à subir un procès et de la non-responsabilité criminelle. D'ailleurs, ce sont souvent des psychologues qui enseignent aux psychiatres comment utiliser ces outils d'évaluation.

    Par conséquent, nous estimons qu'inclure les psychologues contribuerait à légitimer le processus d'évaluation, car nous pouvons ajouter aux différents genres d'évaluation celles que nous faisons à l'aide de tests psychologiques. Cela normaliserait la procédure et, comme je viens de vous le dire, ajouterait à la légitimité du processus.

¹  +-(1535)  

+-

    Dre Cinny Bubber (représentante, Association canadienne de psychologie): Nous avons constaté qu'il y a incohérence dans le Code criminel quant à celui qui est considéré comme un expert relativement aux questions de troubles mentaux. Ainsi, eu égard aux délinquants dangereux et aux rapports présentenciels, qui sont plutôt complexes et nécessitent un diagnostic et une évaluation détaillée, les psychologues et les psychiatres sont sur un pied d'égalité aux yeux du Code. De même, la Loi sur les jeunes contrevenants permet aux médecins et aux psychologues d'effectuer des évaluations et des diagnostics concernant les troubles mentaux. Il n'y a que l'article 672.1 du Code criminel qui n'autorise pas les psychologues à le faire.

    Dans le système de justice pénale, les tribunaux—surtout en Colombie-Britannique mais dans les autres provinces aussi, d'après nos connaissances des tribunaux—considèrent les rapports psychiatriques et psychologiques comme étant de qualité égale. Ce n'est donc pas la discipline qui pose un problème, mais plutôt les compétences de l'individu dans son domaine de spécialisation. Dans certains cas, d'ailleurs, on accorde davantage de poids aux rapports des psychologues en raison de leur usage de tests normalisés.

    Aux États-Unis, on a réglé cette question il y a quarante ans. Il y a quarante ans, les psychologues et les psychiatres étaient déjà jugés tout aussi en mesure les uns que les autres de faire ce genre d'évaluations et, depuis, tous les États ont modifié leurs lois en ce sens. Encore une fois, la compétence à faire ce genre d'évaluations ne relève pas de la discipline, mais plutôt des compétences du praticien.

    Les psychologues ont la compétence voulue pour évaluer, diagnostiquer et traiter les maladies mentales. En Colombie-Britannique, l'hôpital Riverview est l'établissement provincial pour le traitement des malades psychiatriques et, le plus souvent, les médecins s'en remettent aux psychologues pour ce genre de questions, qu'il s'agisse de cas relevant de la justice ou non.

    Enfin, il importe de souligner qu'il y a plus de psychologues que de psychiatres au Canada, surtout dans les régions rurales. Dans les provinces telles que le Québec, l'Alberta et Terre-Neuve, il y a quinze fois plus de psychologues que de psychiatres, ce qui signifie que très peu de psychiatres sont disponibles pour ce genre d'évaluations, alors qu'on trouve dans les collectivités des psychologues qualifiés qui ne peuvent toutefois faire ces évaluations, le Code criminel ne les y autorisant pas.

    Nous estimons donc que le rôle des psychologues devrait être accru dans les dispositions du Code criminel sur les troubles mentaux. Les psychologues ont les connaissances spécialisées et les compétences requises pour évaluer l'aptitude à subir un procès et la responsabilité criminelle, et le Code criminel devrait être modifié en conséquence.

    Merci.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Bourget, vous avez la parole.

+-

    Dre Dominique Bourget (présidente, Association des psychiatres du Canada): Je tiens d'abord à vous remercier de nous avoir invités aujourd'hui à traiter de ce sujet très important.

    Je suis psychiatre légiste à l'hôpital Royal d'Ottawa. Je vous parle aujourd'hui au nom de l'Académie canadienne de psychiatrie légale et de l'Association des psychiatres du Canada. Je suis présidente de l'ACPL et membre du conseil d'administration de l'APC.

    L'Académie canadienne de psychiatrie légale est un organe professionnel représentant les psychiatres légistes du Canada. Elle est officiellement affiliée à l'APC où elle dispense des services d'experts-conseils en psychiatrie légale. L'Académie a pour mandat de promouvoir la santé mentale au sein de la population canadienne en ce qui a trait à la psychiatrie légale. Elle fait aussi la promotion de normes en formation spécialisée et en psychiatrie légale au Canada, ainsi que de normes de pratique en psychiatrie légale, en éducation et en recherche.

    L'Association des psychiatres du Canada, l'organisme parrain de tous les psychiatres au Canada, se consacre à garantir les normes les plus élevées de pratique professionnelle dans la prestation de services psychiatriques aux Canadiens. L'APC s'est aussi engagée à attirer l'attention du public sur les attitudes et les politiques qui continuent de marginaliser les malades mentaux et qui ne répondent pas à leurs besoins. L'APC est l'un des cinq membres fondateurs de l'Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale, l'ACMSM, selon laquelle il est essentiel que le Canada adopte une stratégie nationale en matière de maladie mentale et de santé mentale et accorde davantage d'attention au pays à cette question de santé publique qu'on néglige depuis longtemps et dont vous examinez un aspect.

    Le lien entre les troubles mentaux et le comportement criminel, y compris les crimes avec violence, est bien connu. Du point de vue de la santé mentale, l'ACPL et tous les psychiatres sont très inquiets du niveau élevé de criminalisation des malades mentaux. Nous sommes fermement convaincus de l'importance de protéger les droits de ces personnes aux prises avec des troubles mentaux et ayant des démêlés avec la justice.

    Je vais souligner nos principales préoccupations et recommandations face aux questions que vous avez soulevées. Nous avons aussi un mémoire plus détaillé que nous souhaitons respectueusement présenter au comité et dont j'ai fourni un exemplaire à la greffière.

    En ce qui a trait à la question de la défense fondée sur l'article 16, voici quelques remarques. En théorie, l'article 16 garantit que tout accusé atteint de troubles mentaux qui est incapable de juger de la nature et des conséquences de ses actes ou de savoir que ses actes étaient répréhensibles ne sera pas traité comme un criminel, mais fera plutôt l'objet d'une décision faisant en sorte qu'il recevra des soins psychiatriques. Le fait que l'on ne parle plus d'aliénation mentale mais plutôt de responsabilité criminelle est considéré comme une évolution. Toutefois, on invoque la défense de troubles mentaux dans un système contradictoire où le fardeau de la preuve incombe à l'accusé et où la preuve de troubles mentaux est établie selon la prépondérance des probabilités. Il est ironique que, dans bien des cas, cela se traduise par un renversement du fardeau de la preuve: ce n'est pas la poursuite, mais l'accusé atteint de troubles mentaux et vulnérable, qui souffre d'un déséquilibre mental, a perdu contact avec la réalité, et dont les capacités cognitives, y compris le jugement, sont altérées qui doit faire cette preuve.

¹  +-(1540)  

    L'expérience a démontré que plus l'infraction est grave, moins il est probable que l'accusé aura gain de cause s'il invoque la défense de troubles mentaux, même s'il souffre d'une maladie mentale grave. En théorie, cette défense devrait toujours s'appliquer de la même façon, mais, en pratique, les tribunaux semblent se fonder sur des normes différentes. Ainsi, la défense et la poursuite citent chacune leurs experts à comparaître et le système contradictoire exige de l'accusé qu'il fasse la preuve de l'existence de troubles mentaux graves lorsqu'il s'agit d'un crime grave. Aux yeux du public, un verdict de non-responsabilité pour cause de troubles mentaux équivaut à un acquittement, ce qui n'est pas du tout le cas. Si le public était mieux informé, il comprendrait qu'il est dans son intérêt de mieux traiter les malades mentaux.

    Nous recommandons que l'on prenne soin d'éviter d'imposer le fardeau de la preuve aux accusés atteints de troubles mentaux et qu'on veille à traiter ces accusés comme il se doit, quelle que soit la gravité du crime qu'on leur reproche.

    Concernant l'aptitude à subir un procès, nous estimons nécessaire de préciser la définition de l'aptitude et de prévoir des mesures de protection pour les accusés qui décident de se défendre sans avocat. Ces dernières années, dans plusieurs cas, des accusés atteints de troubles mentaux, parfois de paranoïa grave, ont décidé d'assumer leur propre défense. Quand l'accusation est grave, quand il s'agit d'un homicide ou d'un meurtre, nous estimons que le tribunal devrait envisager la possibilité que l'accusé n'ait pas la capacité de juger du rôle de l'avocat de la défense parce qu'il souffre de paranoïa ou d'une autre maladie mentale importante.

    Nous recommandons que l'on accorde une attention toute particulière à l'aptitude à subir un procès lorsque l'accusé décide de se défendre sans avocat. Nous recommandons que, dans de tels cas, le tribunal ordonne sans délai une nouvelle évaluation de l'aptitude qui inclurait une évaluation de la capacité de l'accusé à prendre des décisions éclairées et à juger des conséquences de ses décisions, comme celles de se prévaloir des services d'un avocat, de convoquer des témoins et de témoigner, ainsi que de la capacité de l'accusé atteint de troubles mentaux d'agir dans son propre intérêt.

    S'agissant de la défense d'automatisme, du point de vue médical, tous les cas d'automatisme sans aliénation mentale découlent nécessairement d'une maladie qui altère le fonctionnement du cerveau, que ce soit l'épilepsie, l'hypoglycémie, le somnambulisme ou les traumatismes crâniens, et qui entraînent une altération transitoire de l'état mental. Tous ces cas pourraient relever de l'automatisme avec aliénation mentale ou des troubles mentaux. Il est recommandé que toutes les allégations d'automatisme relèvent des troubles mentaux et soient traitées en conséquence aux termes de l'article 16.

    En ce qui a trait à la durée maximale, cette question reste très controversée. En théorie, nous sommes d'accord avec l'idée d'une durée maximale à condition que le système de santé mentale soit en mesure de prendre en charge les accusés souffrant de troubles mentaux qui seraient remis en liberté même s'ils souffraient encore d'une maladie mentale chronique ou aiguë. Toutefois, à notre sens, la promulgation de cette modification nécessiterait une grande coordination des services et des ressources qu'il faudrait offrir à ces personnes.

    Nous recommandons que les dispositions sur la durée maximale soient réexaminées et qu'un groupe de recherche mène une étude sur les pratiques à l'échelle du pays. Nous devons aussi nous rappeler que, bien qu'elles relèvent du Code criminel, les commissions d'examen de chaque province fonctionnent de façon très différente en dépit du fait qu'elles appliquent les mêmes principes. La pratique n'est pas uniforme dans tout le pays.

¹  +-(1545)  

    Je parlerai très rapidement des autres questions, puisque je me rends compte que notre mémoire est assez touffu.

    Au sujet des dispositions sur les accusés dangereux atteints de troubles mentaux, nous avons de grandes préoccupations, y compris le fait que la désignation d'ADTM au moment du verdict ne prend certainement pas en compte la nature de la maladie, ni le pronostic, ni la réaction au traitement. Dans biens des cas, ce ne sera encore que des spéculations, au mieux, quand on prédira la dangerosité future, au moment du verdict. Cela peut être fort préjudiciable pour l'accusé malade mental. Nous recommandons donc l'abolition des dispositions sur les ADTM, ou leur modification, pour permettre que la désignation d'ADTM se fasse près de la fin de l'internement assujetti à une durée maximale, le cas échéant.

    Au sujet de la disposition sur les ordonnances de détention dans un hôpital, nous sommes certainement d'accord avec ceux qui ont affirmé que la promulgation de cette disposition aurait un effet grave sur les ressources et les services de soins en santé mentale. Il faut certainement en tenir compte. Certains de nos membres ont émis l'idée que la capacité de purger une peine était une option plus séduisante que la disposition sur l'ordonnance d'hospitalisation, étant donné que chez les contrevenants malades mentaux, l'incarcération risque d'exacerber la maladie ou de causer une rechute et qu'en outre, la maladie mentale n'est parfois diagnostiquée que plus tard, pendant l'incarcération. Le milieu carcéral est sans contredit souvent mal outillé pour identifier ces cas et bien les gérer. Le taux de suicide élevé en prison en est peut-être une conséquence. Même si le Service correctionnel est censé offrir ces soins en prison, ils ne sont souvent pas appropriés pour ceux qui ont besoin de ressources et de soins spécialisés. Nous pensons que lorsque c'est indiqué, il faut prendre des mesures pour assurer l'accès à des soins de santé mentale pendant la durée de la peine. À notre avis, il serait souhaitable d'approfondir cette question, qu'on n'a fait qu'effleurer jusqu'ici, notamment pour cerner les mécanismes et les ressources appropriés.

    Encore une fois, je vous remercie pour le temps que vous nous accordez.

¹  +-(1550)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je donne la parole à M. Cadman, pour sept minutes.

+-

    M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier les témoins d'être venus aujourd'hui.

    Ma première question s'adresse aux représentants de l'Association des psychologues. Je ne suis qu'un profane, mais vos arguments me semblent bien convaincants, pour que vous soyez partie aux décisions. Pourquoi pensez-vous avoir été mis de côté, dans le premier projet de loi?

+-

    Dre Cinny Bubber: On nous a dit que lorsque le projet de loi C-30 a été déposé en 1992, nous faisions partie des premières ébauches. Pour une raison ou pour une autre— et comme nous n'avons pas participé à la rédaction, nous ne savons pas—quelqu'un a tiré un trait et nous a exclus. C'est ce que nous avons compris. Depuis, nous attendons.

+-

    M. Chuck Cadman: Vous attendez une explication.

+-

    Dre Cinny Bubber: Nous n'avons pas reçu d'explication, et c'est pourquoi nous recommençons ces démarches aujourd'hui.

+-

    M. Chuck Cadman: Encore une fois, aux yeux d'un profane, cela semble étrange.

    Sur une toute autre question, on a proposé que les personnes jugées inaptes bénéficient d'une absolution inconditionnelle. J'aimerais savoir ce qu'en pensent les deux groupes de témoins.

+-

     Dre Dominique Bourget: Je n'en vois pas le bien-fondé. Je ne sais pas dans quel contexte on a proposé cela. Nous sommes certainement pour que la commission ait le pouvoir d'accorder une absolution inconditionnelle à un accusé jugé inapte, mais cela devrait être à la discrétion de la commission d'examen, selon certains paramètres, et non pas pour toute personne jugée inapte, qui se trouverait alors laissée à elle-même, sans ressources et sans aucune structure. Il faut présumer qu'une personne jugée inapte souffre d'une maladie grave, et qu'on doit s'en occuper.

+-

    Dre Cinny Bubber: Aux États-Unis, il y a un modèle qui permet de donner une formation aux accusés, dans le système hospitalier, pour qu'ils deviennent aptes à subir leur procès. On fait une simulation de procès pour le patient, afin qu'il apprenne les concepts de base nécessaires. Si quelqu'un reçoit une absolution inconditionnelle, rien ne pourra l'aider. On pourrait certainement faire cela au Canada. Je ne sais pas s'il y a des hôpitaux qui le font actuellement, mais c'est un service qui pourrait permettre aux accusés de recouvrer l'aptitude à subir un procès. On présume qu'une personne inapte le demeure, et on a tort, à mon avis.

+-

     Dr Jordan Hanley: En outre, pour les personnes jugées inaptes, il y a la possibilité d'un simple déficit cognitif. Des tests supplémentaires peuvent aider à cerner le genre de déficit dont il est question. Une intervention psychopédagogique pourrait peut-être combler ces lacunes et aider l'accusé. La simple absolution, surtout prématurée, n'est probablement pas la meilleure solution.

+-

    M. Chuck Cadman: Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Cadman.

    Madame Allard, vous avez sept minutes.

[Français]

+-

    Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.): Merci d'être là aujourd'hui pour témoigner. J'adresserai ma première question à Mme Bourget.

    Madame Bourget, vous avez entendu les gens d'à côté qui représentent l'Association canadienne de psychologie demander à être inclus dans les services dont on parle aujourd'hui. Est-ce que l'Association des psychiatres a pris proposition là-dessus?

+-

    Dre Dominique Bourget: En fait, notre position est certainement différente de celle des psychologues. C'est évident que nous croyons que c'est important d'avoir un rôle complémentaire et de travailler ensemble, et non les uns contre les autres, mais nous sommes d'avis que nous n'avons pas exactement le même rôle ni la même fonction.

    Il est évident, par exemple, que si on parle d'une personne ayant un désordre cognitif de l'ordre du retard mental ou de la démence ou quelque chose du genre, une évaluation psychologique peut nous fournir beaucoup de renseignements et peut certainement nous aider. Par contre, lorsqu'on a plutôt affaire à des accusés qui souffrent de troubles mentaux, il est évident que pour nous, l'acte de diagnostic du trouble mental et du traitement demeure encore un acte médical, et c'est important pour nous que les gens qui portent les diagnostics et font les traitements soient des gens qui sont habilités à pratiquer la médecine au Canada. La formation n'est pas la même et ne donne pas les mêmes capacités. Je pense que dans certains cas, le rôle complémentaire a vraiment sa place, mais je ne pense pas qu'on puisse ou qu'on doive substituer, si on veut, le médecin par le psychologue, en regard des gens qui souffrent de maladie mentale.

¹  +-(1555)  

+-

    Mme Carole-Marie Allard: J'aurais envie de demander à M. Hanley ce qu'il en pense. What do you think?

[Traduction]

+-

     Dr Jordan Hanley: Sauf le respect dû à mes collègues, je ne suis pas d'accord, et cela ne vous étonnera pas. Quand on parle de trouble mental, on a l'impression qu'on parle d'une maladie, d'une maladie physique, comme d'une appendicite ou d'une autre maladie physique. Il y a des cas où un psychiatre prescrit des médicaments, mais il y a certainement d'autres troubles mentaux pour lesquels les médicaments ne sont ni prescrits, ni particulièrement utiles. Il y a d'autres situations où des interventions psychologiques se sont révélées plus utiles que les médicaments, ou sont combinées avec des médicaments pour soulager les symptômes de ces troubles mentaux.

    Il faut vraiment parler de ce que sont les troubles mentaux, et dire s'il s'agit de maladies au sens médical. Encore une fois, je crois que dans bien des cas, même si un médicament est prescrit pour ces maladies, la cause du trouble mental n'est pas tout à fait déterminée. En outre, pour ce qui est du diagnostic, ce sont les psychologues qui ont mis au point la plupart des instruments qui servent régulièrement à poser un diagnostic pour ces troubles mentaux.

[Français]

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Vous admettez donc que vous ne pouvez pas prescrire des médicaments. Vous ne pouvez pas prescrire des médicaments, vous venez de le dire, mais un psychiatre nous disait devant ce comité que la plupart des maladies mentales peuvent se traiter, soit par des anxiolytiques ou par des... On peut souvent arriver à rétablir l'état mental d'un patient pour le rendre apte à procès, avec la médication.

+-

    Comment pouvez-vous penser qu'un traitement psychologique sans médication pourrait rendre des personnes aptes à procès dans des cas comme ceux-là? On parle de malades mentaux.

[Traduction]

+-

     Dr Jordan Hanley: Divers travaux et études ont conclu que pour certains troubles mentaux, il pouvait y avoir une amélioration, même là où les médicaments ne sont pas particulièrement efficaces. C'est le cas de la thérapie cognitivo-comportementale, dans le cas de la schizophrénie. Beaucoup considèrent que des troubles comme la schizophrénie ne peuvent être traités par des moyens purement psychologiques, mais en fait, des études ont prouvé le contraire. Des personnes atteintes de schizophrénie à long terme, réfractaires aux traitements médicamenteux, ont connu une amélioration de leurs symptômes et ont espacé les rechutes, après le début d'une thérapie psychologique.

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Et qu'est-ce que la thérapie psychologique, pour vous? Rencontrer le patient, lui parler et essayer de travailler sur son esprit?

+-

     Dr Jordan Hanley: Essentiellement, oui. Il s'agit de traiter avec lui des pensées qui ne concordent pas avec la réalité. Dans bien des cas, on a cru qu'une perspective psychologique ne pouvait être utile, mais de plus en plus, les recherches montrent que c'est possible. Dans l'étude dont je parle, il y avait un groupe de patients qui discutaient de leurs idées délirantes, de leur manque de prise sur la réalité, de ce qui les amenait à ne pas vouloir prendre les médicaments qui leur étaient prescrits. On a pu montrer que ce genre d'interventions aidaient ces malades à espacer les rechutes, sans médicament.

º  +-(1600)  

+-

    Dre Helen  Ward (boursière en psychiatrie légale, Hôpital Royal d'Ottawa: Puis-je intervenir?

+-

    Le président: Madame Ward.

+-

    Dre Helen Ward: Quand on parle de maladie mentale, en général, la question n'est pas si facile à trancher. En fait, d'après notre expérience, la grande majorité des personnes auxquelles s'appliquent les dispositions du Code criminel sur la responsabilité et bon nombre de ceux qui relèvent des dispositions du Code sur l'aptitude à subir son procès souffrent d'une forme ou d'une autre de psychose. Des recherches crédibles montrent que les thérapies psychologiques peuvent être utiles et sont certainement un bon complément, mais elles ne sauraient être le principal traitement. Celui-ci doit être médicamenteux, et je crois que personne de l'une ou l'autre discipline n'en disconviendra.

    En outre, dans le cadre du diagnostic de troubles psychotiques, il est important de tenir compte de l'aspect physique et médical de la maladie. Certains patients peuvent avoir un problème médical dont la psychose est un symptôme, et le psychologue n'est pas en mesure d'envisager toutes les possibilités, de prescrire et d'interpréter tous les tests, etc. Cela ne veut pas dire qu'ils sont inutiles. De toute évidence, ils peuvent jouer un rôle utile. En pratique, nous collaborons certainement. Mais je crois que c'est l'une des raisons des différences qu'on voit dans le Code, dans ce domaine. Les psychoses constituent certainement une bonne part des problèmes que nous voyons.

[Français]

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Merci, madame Ward.

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Bubber.

+-

    Dre Cinny Bubber: Je ne crois pas que le diagnostic, l'évaluation et le traitement des psychoses soient grandement différents dans le système judiciaire de ce qu'ils sont dans le régime civil. Dans le régime civil, les psychologues et les médecins travaillent ensemble, ce sont souvent les psychologues qui posent le diagnostic et il y a une collaboration. Rien n'empêche les psychologues de diagnostiquer les psychoses. Nous travaillons avec d'autres membres d'une équipe. Nous ne disons pas que nous travaillons isolément, pas du tout. Nous disons que nous pouvons poser un diagnostic et procéder au traitement, avec d'autres professionnels. Et les psychiatres diraient la même chose: eux aussi travaillent avec nous.

[Français]

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Je me permettrais d'ajouter qu'au criminel, la preuve est hors de tout doute raisonnable, alors qu'au civil, c'est la prépondérance de preuve. Les systèmes sont très différents, au criminel et au civil, au niveau de la preuve, si vous me permettez de faire ce commentaire.

[Traduction]

+-

    Dre Cinny Bubber: C'est vrai et les psychologues ont la formation pour en témoigner. Des universités canadiennes offrent une formation approfondie. La plupart des psychologues médico-légaux en exercice de nos jours ont au moins dix ans de formation en diagnostic et en évaluation des maladies mentales, de même que quatre ou cinq ans de formation légale précisément sur ces questions, avant même d'obtenir leur doctorat. Ensuite, il y a de la formation supplémentaire. Les psychologues qui exercent dans le système judiciaire canadien sont très bien formés et dans certains cas, plus que des psychiatres.

+-

    Le président: Madame Bourget.

[Français]

+-

    Dre Dominique Bourget: J'aimerais juste ajouter un mot pour dire que même en vertu de la Mental Health Act, partout au pays, on requiert encore que les évaluations soient faites par des psychiatres, par des médecins. Même au niveau civil, c'est clair que c'est un acte médical. Par exemple, quand on parle de critères de certification et d'évaluation de l'état mental en fonction de la dangerosité que la personne peut représentée, il faut un médecin, un psychiatre.

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Il est vrai que les psychologues envahissent de plus en plus le champ d'activité devant les cours civiles. Je pense à des dossiers d'assurance automobile ou d'accident de travail. C'est vrai que les psychologues sont maintenant... Je pense que beaucoup de juges acceptent facilement l'expertise d'un psychologue et ne réfèrent pas au psychiatre, mais nous sommes dans un degré de preuve hors de tout doute raisonnable. Je parle toujours du fait que la médication est possible quand c'est un psychiatre qui fait le traitement, alors qu'un psychologue ne peut pas prescrire de médicaments. Si on suit les progrès de la médecine en disant que les causes mentales se traitent souvent maintenant avec des médicaments...

    Je ne veux pas minimiser votre travail. J'ai fait affaire avec beaucoup de psychologues dans ma vie, dans ma pratique, et je peux vous dire que vous êtes très importants aussi, mais dans c'est aspect du Code criminel, je me demande si madame Bourget est d'accord sur vos affirmations.

º  +-(1605)  

+-

    Le président: Madame Bourget.

+-

    Dre Dominique Bourget: Certainement, comme je l'ai dit plus tôt, je suis tout à fait d'accord sur ce que disait Dr Ward un petit peu plus tôt. C'est important, quand on parle de troubles mentaux majeurs... On ne parle pas ici de névrose ou de troubles d'anxiété, on parle de gens qui sont inaptes à subir leur procès. Dans notre travail, on rencontre des gens qui ont perdu contact avec la réalité, des gens qui présentent des états délirants, des hallucinations, des symptômes psychotiques actifs.

    C'est clair que la recherche a amplement démontré que ce genre de problème, ce genre de maladie, se traite avec des médicaments antipsychotiques. Ce n'est pas vrai qu'il s'agit juste d'un trouble différent d'un trouble physique. De plus en plus, on connaît des choses sur le cerveau. On se rend contre que le cerveau est un organe et que lorsque cet organe est malade, il présente des symptômes distincts pour lesquels, lorsqu'on donne des médicaments, on est capable de voir, avec des tests diagnostiques sophistiqués, à quel endroit agissent les médicaments, quels neurotransmetteurs ils affectent, etc.

    Alors, c'est clair pour nous qu'il y a une grosse composante biologique incontournable dans les troubles psychotiques. C'est aussi clair pour nous que si on s'assoit avec la personne, parce qu'on le fait aussi parfois, et qu'on lui demande comment elle va, qu'on écoute ce qu'elle a à dire sur son délire et tout ça... Mais ce n'est pas ce qui va les rendre aptes et ce n'est pas ce qui va nécessairement nous aider à réhabiliter ces gens-là de sorte qu'ils puissent retourner dans la communauté et être capables de fonctionner.

    Nous, vraiment, nous voyons cela beaucoup plus comme un rôle complémentaire. Nous trouvons le travail d'équipe tout à fait admirable, mais dans nos équipes, la personne qui a la responsabilité ultime de faire le diagnostic et de décider du plan de soins, c'est un médecin.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Hanley.

+-

     Dr Jordan Hanley: Je pense que nous parlons ici de deux questions différentes. Nous ne voulons certainement rien enlever à l'efficacité du traitement médicamenteux de personnes qui ont, par exemple, une psychose grave. Ce dont nous parlons, c'est du diagnostic de ces troubles mentaux. Je le répète, les psychologues ont une formation approfondie dans le diagnostic des personnes souffrant de psychoses, par exemple. Nous parlons certainement aussi d'autres méthodes, s'ajoutant aux médicaments, pour améliorer leur état, mais surtout, nous vous parlons aujourd'hui de la capacité de poser un diagnostic. C'est essentiellement la raison pour laquelle nous voulons que les psychologues soient ajoutés à cet article du Code criminel.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur McKay.

+-

    M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président. Je remercie aussi les témoins d'être là.

    Madame Bourget, vous avez formulé un commentaire intéressant au sujet de l'article 16. Vous dites que le tribunal applique des normes différentes selon la gravité de l'infraction et vous avez parlé d'une étude. J'en déduis que les avocats de la défense font plus ardemment leur demande quand l'accusé atteint d'un trouble mental doit éviter les conséquences d'un crime grave, par rapport au cas où l'infraction est moins grave. Pourriez-vous nous fournir davantage d'explications? C'est une critique assez importante de l'application de cet article.

º  +-(1610)  

+-

     Dre Dominique Bourget: Ce n'est pas une critique de l'administration de la justice au Canada. Ce n'est pas ce que je voulais dire. Je ne suis pas convaincue que l'avocat de la défense soit aussi énergique dans le cas d'une personne accusée d'un crime grave, de manière à ce qu'elle soit jugée non criminellement responsable. Dans les faits, ce que nous constatons, c'est que la poursuite, souvent, ne fait pas autant d'efforts quand l'infraction est moins grave. Voilà ce que nous voulions dire.

+-

    M. John McKay: Alors j'avais compris à l'envers. C'est une question d'enthousiasme de la part du procureur. Le procureur cherche un verdict d'inaptitude ou d'aptitude à subir son procès, pour l'accusé.

+-

     Dre Dominique Bourget: Au sujet de la défense en vertu de l'article 16, le procureur est là pour prouver la culpabilité de l'accusé. Ce n'est pas la même chose que pour l'aptitude à subir son procès. À ce moment-là, il ne s'agit plus de décider de l'aptitude à subir son procès, mais de la responsabilité criminelle.

+-

    M. John McKay: Bien.

    Vous avez parlé d'une étude. Quelles en sont les conclusions?

+-

     Dre Dominique Bourget: Je ne sais pas de quelle étude vous parlez.

+-

    M. John McKay: Je croyais vous avoir entendu dire que d'après certaines études, les tribunaux se servaient de critères différents, selon la gravité de l'infraction.

+-

     Dre Dominique Bourget: Je ne connais pas d'étude sur les critères différents appliqués par les tribunaux. Dans le mémoire, qui est certainement plus approfondi que notre court exposé, que j'ai donné rapidement faute de temps, j'ai aussi parlé de l'affaire Andrea Yates, aux États-Unis, assez récente, et de la déclaration faite alors par l'American Psychiatric Association, où on a vu une expérience semblable. Au sujet de l'aptitude à subir son procès, notre préoccupation se rapporte plutôt aux personnes qui préfèrent se défendre elles-mêmes, sans l'aide d'un avocat, alors que l'évaluation de leur aptitude à subir un procès est cruciale, à notre avis.

+-

    M. John McKay: Vous avez en effet parlé de ces personnes qui préfèrent se passer d'un avocat, et dit que cela devrait être pris en considération pour évaluer leur aptitude. Mais comment formuler cela dans le Code criminel? N'est-ce pas là en fait matière à discrétion pour les juges?

+-

     Dre Dominique Bourget: Nous avons vu une situation précisément de ce genre, une évaluation d'aptitude au beau milieu d'un procès, parce que l'accusé avait décidé de renvoyer son avocat. C'est rare. Nous avons vu quelques cas, au cours des dernières années, de personnes qui ont choisi de se défendre elles-mêmes. Je me souviens bien de ces cas, parce qu'en quelques occasions, on m'a demandé d'évaluer la responsabilité criminelle de ces personnes. Pendant le procès, l'accusé, extrêmement malade, n'acceptait pas qu'on le désigne non criminellement responsable .

    Les gens ont souvent l'impression que les accusés essaient de s'en tirer à bon compte, en invoquant l'article 16. En réalité, le renvoi au régime de la commission d'examen et au système de santé mentale n'est pas toujours ce qu'ils souhaitent. Ce n'est pas facile pour eux, parce qu'ils se retrouvent dans une série de structures et de conditions qui leur sont imposées pendant des périodes prolongées. Ils doivent se soumettre à toutes sortes de conditions, y compris le traitement. Certains, atteints d'une grave maladie mentale, préfèrent passer pour des criminels, plutôt que pour des malades mentaux, à cause de la stigmatisation des troubles mentaux, dans notre société. Il faut tenir compte de tout cela.

º  +-(1615)  

+-

    M. John McKay: Si ce que vous dites est tout à fait vrai—comme il me semble, au moins du point de vue anecdotique— je ne vois pas quels changements on pourrait apporter au Code criminel pour en tenir compte. Je ne vois pas comment les formuler. Il me semble que les deux questions que vous soulevez se rapportent à l'administration de la justice et aux procédures judiciaires, plutôt qu'au libellé d'un article du Code criminel. Est-ce possible? Avez-vous songé à la façon dont vous pourriez reformuler les dispositions du Code criminel, si on vous en donnait la possibilité?

+-

     Dre Dominique Bourget: Je ne sais trop comment je reformulerais le Code. Moi, je présente le point de vue médical, le point de vue clinique. Je ne suis qu'une psychiatre. Il y a des gens qui sont mieux en mesure que moi de vous proposer un libellé. Je suis venue aujourd'hui vous faire part de nos préoccupations qui sont, je crois, importantes. Les accusés atteints de troubles mentaux graves qui ont des démêlés avec la justice connaissent de sérieux problèmes.

+-

    M. John McKay: Je suis d'accord avec vous. Je voulais seulement savoir s'il y a dans l'article 16 quelque chose de particulièrement inacceptable que notre comité pourrait proposer de modifier. Si j'ai bien compris ce que vous dites, vous n'avez pas de libellé précis à nous proposer.

+-

     Dre Dominique Bourget: Je suis certainement préoccupée par le fardeau de la preuve et l'établissement de la preuve selon la prépondérance des probabilités, par le fait qu'on impose le fardeau de la preuve à l'accusé atteint de troubles mentaux ou ayant une déficience mentale.

+-

    M. John McKay: Devrions-nous alors renverser le fardeau de la preuve?

+-

     Dre Dominique Bourget: On devrait sérieusement envisager cette possibilité.

+-

    M. John McKay: Si le fardeau de la preuve incombait non plus à la défense mais à la poursuite, devrions-nous modifier le critère d'établissement de la preuve? Devrait-on exiger que la preuve soit faite hors de tout doute raisonnable ou plutôt conserver le critère civil, la prépondérance des probabilités?

+-

     Dre Dominique Bourget: J'aimerais que la norme prévue par l'article 16 ne soit pas discriminatoire à l'égard des personnes atteintes de troubles mentaux car, actuellement, elle diffère de celle prévue dans le reste du Code et je ne suis pas certaine que ce soit une bonne chose pour les malades mentaux.

+-

    M. John McKay: Je peux continuer.

+-

    Le président: Je crois que Ivan voudrait intervenir.

º  +-(1620)  

+-

    M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Non, pas du tout. Je me contente d'essayer de vous suivre.

+-

    Le président: Ah, c'est probablement une bonne chose. Généralement, lorsque Ivan intervient, il commence par dire qu'il est perdu. S'il ne souhaite pas poser de questions, c'est qu'il n'est pas encore perdu.

    Avez-vous d'autres questions, John?

+-

    M. John McKay: Pour revenir au dernier point que vous avez soulevé, soit qu'on néglige ainsi l'accusé, qu'il y a étiquetage et discrimination, je dirais qu'il est presque inévitable qu'il y ait une certaine discrimination. Je vois mal en quoi c'est pertinent au renversement du fardeau de la preuve. De toute façon, cette personne sera étiquetée, et ça, c'est discriminatoire en soi. Il est certain que cela aura une incidence sur la vie de l'accusé. Mais si ce n'est plus une obligation pour la défense mais plutôt pour la poursuite, on peut présumer que, même si la norme reste la même, la preuve sera plus difficile à faire. Serait-ce une bonne ou une mauvaise idée?

+-

     Dre Dominique Bourget: Pour répondre d'abord à la première partie de votre question, je ne suis pas certaine de croire comme vous que l'accusé est étiqueté. Lorsqu'une personne reçoit un diagnostic de troubles mentaux, on ne devrait pas croire qu'elle a été étiquetée. On a simplement reconnu ou compris que cette personne est différente sans pour autant que ce soit nécessairement négatif ou dérogatoire. Ce n'est qu'une question de sémantique.

+-

    M. John McKay: Oui, mais la sémantique est extrêmement importante. Je comprends que vous souhaitiez que ce genre d'analyse ne soit pas négative. Il est certain que la nouvelle terminologie est bien mieux, qu'on a bien fait de supprimer l'expression «imbécilité naturelle», et les autres de ce genre. Encore une fois, si vous pouviez faire en sorte que les termes employés n'entraînent aucune stigmatisation, j'aimerais bien que vous nous indiquiez comment, car je suis certain que nous sommes tous d'accord là-dessus.

+-

    Dre Helen Ward: Le problème, ce n'est pas tant les termes qu'on emploie, qui sont bien mieux, j'en conviens, mais plutôt la stigmatisation sociétale qui s'ensuit et qui va bien au-delà du ressort du Code criminel ou même de votre comité.

    J'aimerais revenir à votre question sur la question de savoir si le renversement du fardeau de la preuve ou une nouvelle formulation de ces dispositions réglerait le problème. J'abonde dans le même sens que vous: je ne suis pas certaine que le renversement du fardeau de la preuve est la solution. Il pourrait même entraîner d'autres difficultés, car, dans le passé, c'est toujours la défense qui a eu le droit de soulever la question de la responsabilité criminelle. Nous, nous soulignons que, d'une façon ou d'une autre, il semble que la norme d'établissement de la preuve ne soit pas toujours la même. Ce n'est pas que ce soit ainsi stipulé dans le Code, mais il semble que la norme d'établissement de la preuve varie selon la gravité de l'infraction. Si l'infraction est grave, le fardeau de la preuve semble être plus grand pour la défense. Voilà le problème, compte tenu du fait que la maladie mentale, elle, ne change pas, quelle que soit l'infraction qui a été commise. Je ne crois pas qu'il y ait de solution simple à ce problème et c'est en partie pour cette raison que nous n'avons pas recommandé de libellé précis.

+-

    Le président: Merci beaucoup, John. Je m'abstiendrai de tout commentaire.

    Ivan.

+-

    M. Ivan Grose: Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai décidé d'intervenir, après tout.

    Je suis désolé d'avoir manqué vos remarques liminaires. J'étais au téléphone avec une personne qui pourrait être un cas intéressant pour l'une ou l'autre de vos disciplines.

º  +-(1625)  

+-

    M. John McKay: Était-ce un de vos électeurs?

+-

    M. Ivan Grose: Oui, et je crois qu'il a voté pour moi.

    Dans le système actuel, on ne sépare pas les détenus ayant une déficience mentale--c'est le terme que j'emploie, on pourrait peut-être parler aussi de personnes souffrant d'instabilité mentale, peu importe--des criminels ordinaires de sorte que trop souvent, les premiers sont traités comme toute personne ayant commis un crime au moment de l'imposition de la peine et qu'il y a au sein de notre système carcéral beaucoup de délinquants qui ne devraient pas y être. J'aimerais savoir si vous êtes d'accord. Pour ma part, je suis d'avis qu'il y a trop de détenus dans nos prisons qui ne reçoivent aucun traitement. Soyons honnêtes: il n'y a pas de traitement pour les malades mentaux dans les prisons. Je sais que nous prétendons qu'il y en a, mais il n'y en a pas, du moins, pas de traitement adéquat. Par conséquent, lorsque ces détenus sont remis en liberté, comme c'est le cas de la plupart des délinquants, leur état s'est probablement aggravé.

+-

     Dre Dominique Bourget: Vous avez raison. Le Dr Johann Brink et ses collaborateurs ont mené récemment une étude au Canada qui a démontré que jusqu'à un tiers des détenus dans les établissements fédéraux avaient un diagnostic de troubles psychiatriques de l'axe premier, soit la principale catégorie de diagnostic. Au sein de cette population, il y a trois fois plus de psychoses que dans le grand public, ce qui est énorme.

+-

    Le président: Madame Bubber, vous avez la parole.

+-

     Dre cinny Bubber: En fait, à cet égard, la situation s'aggrave. À l'hôpital de psychiatrie légale où je travaille en Colombie-Britannique, nous avons dû accroître le nombre de lits simplement pour accueillir les malades mentaux qui ont été accusés d'un délit comme violation de propriété, par exemple, car ils ne peuvent recevoir des soins au sein du système de santé mentale. Si la GRC ou la police peut porter une accusation contre ces personnes, elles ont accès au système et reçoivent des soins de notre part. Bien sûr, cela soulève bien des questions.

    Au sein du système carcéral, c'est encore pire, car, là, le traitement est facultatif et non obligatoire de sorte que bien des détenus ne reçoivent aucun soin. Au moins, au sein du système de psychiatrie légale, les accusés sont traités. Malheureusement, parfois, on doit leur donner leur congé, mais, dans les prisons, la plupart des détenus atteints de troubles mentaux ne reçoivent aucun traitement. À mesure que le niveau des services en santé mentale dispensés par les provinces baissera, il y aura de plus en plus de malades mentaux à prendre en charge. Notre situation sera celle qui prévaut actuellement aux États-Unis à cet égard. Je crois que le plus grand établissement psychiatrique des États-Unis, c'est la prison du comté de Los Angeles.

+-

    Le président: Madame Bourget, vous vouliez répondre?

+-

     Dre Dominique Bourget: J'ignore si vous étiez présent lorsque j'ai abordé brièvement le concept de la capacité de purger sa peine, un concept que nous commençons à peine à explorer. Cela rejoint ce que vous avez dit sur le taux élevé de détenus souffrant de troubles mentaux. J'ai mentionné une étude effectuée par Brink et d'autres qui montre que, dans toutes les catégories de diagnostic, les taux sont très élevés au moment de l'arrivée d'une personne au sein du système carcéral fédéral. Le taux est donc élevé au départ et nous savons que le milieu carcéral, où la tension est vive, peut exacerber la maladie et les risques de rechute. Nous savons aussi, d'après des études qui ont été menées par certains de mes collègues, que le diagnostic de maladie mentale n'est parfois posé que pendant l'incarcération.

    Même s'il y a des hôpitaux dans les prisons et des prisons dans les hôpitaux, ce milieu est très mal outillé pour recenser ceux qui souffrent de troubles mentaux. Ce sont souvent les gardiens ou les autres détenus qui le constatent et cette prise de conscience ne se fait pas toujours à temps. Ce milieu n'est pas non plus en mesure de bien traiter ces malades, de gérer leurs soins dans un environnement propice au traitement. Nous savons que certains malades mentaux nécessiteront un niveau élevé de ressources et de soins spécialisés, des soins de troisième niveau, par exemple. Ces soins ne sont tout simplement pas disponibles dans les prisons et les centres de détention.

    De plus, il arrive que ces accusés, parce qu'ils n'ont pas été soignés, parce qu'ils ne sont pas conscients de leur maladie ou de ce qu'ils ont fait, seront considérés comme dangereux et seront gardés en détention au-delà de la date d'expiration de la peine, de sorte que, lorsqu'ils sont remis en liberté, on n'a aucun moyen de les renvoyer au système de santé mentale. S'ils ont de la chance, ils viennent nous voir mais bon nombre d'entre nous, j'en suis certaine, n'ont pas un accès facile à ces malades qui ne sont pas eux-mêmes conscients de leur état, et c'est une véritable tragédie.

    Je le répète, je n'ai pas de solutions à vous proposer. Je suis venue simplement pour soulever ces questions. J'ignore ce que nous pouvons faire pour améliorer le système, mais il est certain qu'il y a beaucoup d'accusés qu'on n'aide pas en prolongeant leur incarcération car, s'ils peuvent être remis en liberté, ils le seront sans avoir reçu de soins. Ils ont déjà commis un crime; il se peut fort bien qu'ils récidivent.

º  +-(1630)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Hanley, vous avez la parole.

+-

     Dr Jordan Hanley: En Colombie-Britannique, depuis quelques années, des psychologues et des étudiants de deuxième et troisième cycles travaillent dans des centres de détention préventive; ainsi, à leur arrivée, les accusés participent à ce qu'on pourrait appeler une entrevue psychologique. Par la suite, à l'aide de diverses échelles de cotation et de diverses techniques, on détermine l'état mental de l'accusé avant qu'il soit envoyé à sa cellule. Dans certains cas du moins, cela donne lieu à un suivi par des psychiatres et des psychologues.

+-

    Le président: Merci.

    Je cède maintenant la parole à M. Peter MacKay.

+-

    M. Peter MacKay (Pictou--Antigonish--Guysborough, PC): Merci.

    Je remercie les témoins et je leur présente mes excuses pour être arrivé si tard et pour le petit nombre de députés présents. On vous a peut-être déjà indiqué que deux comités de la justice, dont je suis membre, siègent aujourd'hui et qu'on discute en ce moment à la Chambre d'un projet de loi en matière de justice; cela entraîne des problèmes d'horaire.

    J'aimerais vous poser quelques questions et, encore une fois, je m'excuse si on vous les a déjà posées. Tout d'abord, compte tenu de votre capacité unique à évaluer ce genre de chose, j'aimerais savoir ce que vous pensez de l'idée de prévoir une durée maximale pour l'inaptitude à subir son procès compte tenu du fait qu'il arrive souvent qu'un accusé soit jugé inapte et le reste pour une période indéterminée, parfois pour avoir commis un petit délit qui aurait entraîné une courte période d'incarcération même dans un établissement psychiatrique plutôt que carcéral. Ces accusés restent inaptes pour une période souvent beaucoup plus longue que celle de la peine qu'ils auraient purgée s'ils avaient tout simplement plaidé coupable à l'infraction de méfait ou de vol.

    Par ailleurs, d'après vous, la définition de certaines maladies prévues actuellement au Code criminel devrait-elle être précisée au-delà de ce qu'ont déjà déclaré les tribunaux ou faire l'objet d'une troisième catégorie de paramètres différents de ce qui est prévu pour l'inaptitude et la non-responsabilité criminelle. Ainsi, certaines maladies telles que les troubles dissociatifs ou de personnalités multiples et le syndrome de Gilles de La Tourette qui sont, je le reconnais, rares, ne semblent pas cadrer dans les définitions actuelles. Nous entreprenons cet examen avec sept ans de retard, alors, nous voulons nous assurer de bien faire les choses, ou de faire le mieux possible compte tenu des circonstances.

    Ma dernière question vous a probablement déjà été posée et elle vous intéresse, j'en suis certain: c'est l'état des ressources. Il s'agit pour tous les paliers de gouvernement d'établir leurs priorités. Pour ma part, je sais par expérience que l'aide juridique et, dans une certaine mesure, les services de la poursuite fonctionnent souvent comme un hôpital militaire de campagne où on doit se contenter d'expédients. J'imagine que vous êtes vous-mêmes souvent dans une telle situation. Dans ma province de la Nouvelle-Écosse, l'hôpital de psychiatrie légale est toujours rempli à capacité. Je suis certain que vous hésitez souvent à prendre des décisions que vous êtes forcés de prendre pour des raisons qui ne relèvent pas de votre formation, mais plutôt de considérations pratiques, de demande à laquelle vous ne pouvez tout simplement satisfaire.

º  +-(1635)  

+-

     Dre Dominique Bourget: Je vais tenter de répondre à toutes vos questions. J'en ai peut-être oublié une ou deux.

    En ce qui concerne la durée maximale, dans notre mémoire, nous indiquons souhaiter que les commissions d'examen aient le pouvoir d'accorder une absolution inconditionnelle à l'accusé jugé inapte lorsque rien ne prouve que cette personne constitue un risque important pour la société. J'ai donné l'exemple d'un accusé ayant un retard mental ou une atteinte cérébrale organique qui fait qu'il ne sera jamais apte à subir son procès puisqu'il n'y a aucune possibilité de traitement ou de guérison. Lorsque rien ne prouve que cet accusé constitue un risque important, la commission d'examen devrait avoir le pouvoir de le libérer inconditionnellement. Il ne sert à rien d'obliger ces personnes à revenir devant la commission d'examen chaque année puisque rien d'autre ne peut être fait pour elles. On voit des cas de ce genre.

    Pour répondre à votre question sur les maladies rares et l'opportunité de les inclure dans une troisième catégorie, j'estime que toutes ces maladies peuvent relever de l'article 16 dans son libellé actuel. Il ne m'apparaît pas nécessaire de prévoir une nouvelle catégorie dans le Code pour ces maladies. Actuellement, nous invoquons l'article 16. Ainsi, j'ai témoigné devant le tribunal dans des causes de troubles dissociatifs. Il ne fait aucun doute que cette maladie et ce diagnostic sont des troubles mentaux. À mon sens, ça ne pose aucun problème.

    Pour ce qui est des ressources, ça, c'est certainement un problème. Les représentants des provinces pourraient probablement vous en dire plus long que moi. Pour notre part, nous savons qu'on manque de ressources dans la collectivité pour bien aider les malades mentaux.

+-

     Dr Jordan Hanley: J'aimerais moi aussi parler de la question des ressources: c'est l'une des principales raisons de notre présence ici, et de notre désir d'inclusion, pour le diagnostic de l'aptitude et de la non-responsabilité criminelle. Un peu plus tôt, j'ai parlé de l'écart entre le nombre de psychologues et de psychiatres, dans les diverses provinces du pays. Dans certains endroits, comme au Québec, le rapport est de 15 psychologues pour un psychiatre. En Colombie-Britannique, c'est deux pour un. L'un des problèmes qu'on voit constamment, c'est que des psychiatres sont envoyés dans le Nord et un peu partout, dans les régions isolées, pour mener ce genre d'évaluations très coûteuses pour les contribuables, alors que des psychologues sont sur place ou vivent à proximité. Essentiellement, si les psychologues de la collectivité pouvaient procéder à ces évaluations, il en résulterait de substantielles économies. En outre, on pourrait faire davantage de traitements dans la communauté, puisqu'il ne s'agit pas d'un thérapeute qui ne fait qu'un saut dans cette localité. Ceux qui connaissent la communauté et les gens pourraient probablement aussi jouer un rôle dans le traitement efficace des accusés.

º  +-(1640)  

+-

    Dre Cinny Bubber: Nous n'en sommes pas nécessairement ravis, mais les psychologues coûtent moins cher.

+-

    M. Peter MacKay: Puis-je poser une question précise, qui me turlupine depuis longtemps, depuis l'époque où je pratiquais le droit? Que fait-on dans le cas d'une personne qui a un problème psychiatrique ou psychologique, qui, après diagnostic, est censée prendre des médicaments et qui se plaint, légitimement--j'ai vu des cas et vous aussi, sans doute--des effets secondaires, qui sont si graves qu'elle préférerait être accusée et se sentir mieux dans sa peau, du point de vue de la santé, en essayant de résoudre ses problèmes de psychose autrement, plutôt que de se conformer à une ordonnance du tribunal qui lui impose de prendre ses médicaments. Ça semble être vraiment un facteur de découragement, pour lequel il n'y a peut-être pas de solution.

+-

     Dr Jordan Hanley: La psychologie, répétons-le, tente d'y apporter une solution. On peut prendre des médicaments, mais comme vous le dites, il y a les effets secondaires. J'ai travaillé moi-même avec des personnes qui souffraient de maladies bipolaires qui se plaisaient bien dans leur manie, et qui étaient déprimées à l'idée de prendre leurs médicaments et de manquer tous ces aspects plaisants de leur maladie. Nous préférons une démarche plus thérapeutique.

    Très souvent, des patients atteints même de maladie mentale grave s'assoieront en groupe avec un psychologue pour discuter de la façon de régler ces problèmes, pour parler des symptômes que causent leurs médicaments. C'est une entraide qui leur permet de composer avec cela. Souvent, la maladie mentale isole les gens. Ils se croient seuls à être ainsi, mais comme nous le savons, dans la société, il y a divers groupes d'entraide, par exemple les Alcooliques anonymes, qui font précisément savoir aux gens qu'ils ne sont pas seuls, qu'il y en a d'autres comme eux à qui ils peuvent parler s'ils ont ce genre de problème. Il s'agit simplement d'obtenir du soutien et de comprendre que ces symptômes ne font pas partie de la maladie mentale, ce qu'ils craignent parfois.

+-

    Le président: Madame Ward, vous avez la parole.

+-

    Dre Helen Ward: J'aimerais faire deux observations à ce sujet. Je suis parfaitement d'accord avec vous pour dire que c'est un problème épouvantable que d'avoir ces personnes qui sont jugées non criminellement responsables et qui vivent dans la société, ne prennent pas leurs médicaments et ne vont pas bien, et qui récidivent ensuite. C'est un problème d'ordre sociétal plus vaste. Dans le débat sur la question de savoir s'il faut jeter en prison toutes ces personnes pour leur propre bien ou si les gens ont la liberté d'être malades, on a vu le pendule osciller d'un bord et de l'autre au cours de l'histoire. Toute la question est là. Nous sommes parvenus à un point où il existe un certain équilibre. Il y a de plus en plus de lois régissant le traitement communautaire. Ce sont des lois provinciales. Il y a de plus en plus de lois en marge du système pénal auquel les professionnels de la santé mentale peuvent recourir pour obtenir que ces personnes soient soignées dans la collectivité. Ces lois sont loin d'être parfaites et elles sont incomplètes, mais je crois que dans ce sens, certains progrès ont été accomplis. Ce serait que tout cela soit coordonné à l'échelle nationale, mais ce n'est pas moi qui vais réinventer le fédéralisme ici.

    Le deuxième élément a trait à mon avis à ces personnes qui souffrent de maladies mentales graves, particulièrement la psychose. Je crois qu'il y a de l'espoir en ce qui concerne les effets secondaires des médicaments et la réticence des malades à les prendre. La dernière génération de médicaments antipsychotiques est mieux tolérée. Des preuves solides indiquent que les malades sont mieux disposés à prendre ces médicaments parce qu'ils les tolèrent mieux. Nous entrons dans une ère où ces médicaments, par exemple, pourront être pris par voie intramusculaire, ce qui nous permettra aussi d'en assurer l'ingestion. Je crois donc qu'il y a de l'espoir, même si la question n'est pas entièrement réglée. Certaines innovations médicales vont nous permettre à mon avis de faciliter les choses.

    Mais je suis d'accord avec vous, c'est une chose épouvantable pour les avocats et ceux d'entre nous qui soignent ces personnes.

+-

    M. Peter MacKay: Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Merci à nos témoins.

    Je crois que nos prochains témoins sont arrivés, nous allons donc les entendre avec 15 minutes d'avance. Mais auparavant, y a-t-il des choses qui n'ont pas été abordées et dont les témoins voudraient nous parler? Avez-vous la certitude que la plupart des problèmes ont été soulevés?

º  +-(1645)  

+-

    Dre Helen Ward: Oui, et je tiens à féliciter le comité. Vous avez posé des questions très pertinentes, et j'en suis vivement impressionnée.

+-

    Dre Cinny Bubber: Je tiens seulement à vous remercier tous de nous avoir écoutés. Nous n'avions jamais fait cela, et ce fut une expérience fascinante. Merci.

+-

    Le président: M. MacKay a mentionné, et je vais le répéter, qu'à l'heure où nous nous parlons, il y a de l'autre côté du couloir une salle où siège le sous-comité du Comité de la justice qui étudie les questions de sécurité, et il y a à la Chambre le projet de loi sur la justice, le projet de loi C-15B, qui fait l'objet d'un débat auquel participent des membres de notre comité. Voilà pourquoi vous voyez nos députés entrer et sortir. Ils vont prendre la parole sur cette question à l'autre bout du couloir. Comme M. MacKay l'a dit également, notre examen marque environ sept ans de retard, nous devons donc persister et faire ce travail, et c'est ce que nous allons faire. Je vous remercie beaucoup de votre aide à cet égard.

    Merci.

    Je vais suspendre la séance quelques instants pour permettre à nos témoins de s'avancer. Chose certaine, vous êtes invités à rester des nôtres et à entendre le prochain groupe, qui vous a écoutés lui aussi évidemment. Nous invitons nos nouveaux témoins à prendre place.

º  +-(1647)  


º  +-(1657)  

+-

    Le président: La 74e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne reprend. Nous poursuivons notre examen prévu dans la loi des dispositions du Code criminel sur les troubles mentaux. Pour nous aider à cet égard, nous recevons, de la Société pour les troubles de l'humeur du Canada, Phil Upshall, président, et William Ashdown, vice-président, et à titre personnel, le juge Edward Ormston.

    Bienvenue à tous les trois; je signale que vous avez écouté nos derniers témoins. Je vous invite à intervenir comme vous voudrez. De même, j'ai la certitude que vous avez entendu mon explication plus tôt et que vous savez pourquoi nous sommes moins nombreux que d'habitude aujourd'hui. Il y a un buffet à l'arrière, et il se peut donc que nos membres aillent s'y approvisionner de temps en temps. Vous comprendrez, j'espère, que pour certains d'entre nous, la journée est loin d'être terminée.

    Monsieur Upshall.

+-

    M. Phil Upshall (président, Société pour les troubles de l'humeur du Canada): Je tâcherai d'être bref, mais il se peut que je dépasse le temps qui m'est imparti. Après quoi nous pourrons discuter.

    Je remercie vivement le comité de nous avoir invités à témoigner. Nous savons bien que tous les députés sont fort occupés et nous vous félicitons pour ce travail incroyable que vous parvenez à accomplir et les efforts nombreux que vous devez déployer en tout temps.

    J'ai remis mon texte au greffier. Malheureusement, je l'ai remis trop tard pour pour qu'il soit traduit et distribué à tous les membres du comité, mais je crois savoir que le greffier en a plusieurs exemplaires. Je lirai seulement deux ou trois passages pendant mon exposé, et j'ai un certain nombre de rapports que je citerai.

    Je m'appelle Phil Upshall, je suis le président de la Société pour les troubles de l'humeur du Canada. Je suis membre fondateur de la Canadian Alliance for Mental Illness and Mental Health, et j'ai remis au greffier le texte de notre appel à l'action pour une réforme des soins en santé mentale. Les psychiatres légistes qui étaient ici plus tôt ont mentionné la Canadian Alliance for Mental Illness et Mental Health. Ce groupe compte cinq sociétés: l'Association des psychiatres du Canada, l'Association canadienne pour la santé mentale, la Société canadienne de schizophrénie, le Réseau national pour la santé mentale et la Société pour les troubles de l'humeur du Canada.

    Je suis également membre du groupe d'experts sur la santé mentale de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de Statistique Canada, et membre du comité consultatif de l'Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies, qui fait partie des Instituts de recherche en santé du Canada. Plusieurs de mes autres titres de compétences sont énumérés dans la biographie qui l'accompagne.

    Je suis membre du groupe de travail chargé de la mise en oeuvre de la santé mentale en Ontario. À ce titre, j'ai coprésidé le sous-comité des services spécialisés, et dans le cadre de nos travaux, nous avons entrepris une étude des services de psychiatrie légale en Ontario. C'est à cette occasion que j'ai eu l'honneur de rencontrer le juge Edward Ormston, qui est assis à côté de moi aujourd'hui. Le juge Ormston était membre de notre sous-comité et il nous a appris beaucoup de choses sur les aspects pratiques de la magistrature, ce qui se passe dans les tribunaux, comment les prisonniers sont traités, les difficultés auxquelles les juges font face, etc., et sa participation a de beaucoup enrichi notre processus décisionnel. Notre réforme est encore en cours, mais nous pouvons dire sans crainte de nous tromper qu'en ce qui concerne la psychiatrie légale, nous croyons que notre rapport sera de bien meilleure qualité grâce à son apport.

    M'accompagne aussi aujourd'hui Bill Ashdown. Bill est le vice-président de la Société pour les troubles de l'humeur du Canada, et il s'intéresse aux questions de santé mentale depuis de nombreuses années. Il remplace John Starzynski, qui a participé à la rédaction de notre mémoire. John est avocat, il collabore au programme d'aide aux avocats du Barreau de l'Ontario, mais il est retenu ailleurs aujourd'hui.

    Ces présentations étant faites, permettez-moi de vous dire quelques mots au sujet de la Société pour les troubles de l'humeur du Canada. Nous sommes le porte-parole des Canadiens qui souffrent de troubles de l'humeur, soit dépression, trouble bipolaire, troubles paniques et anxieux connexes et leurs familles. Notre société est un organisme de défense des consommateurs à caractère familial et communautaire, qui a statut d'organisme caritatif à but non lucratif. Voici certains objectifs de la société: aider les Canadiens qui souffrent de dépression, de psychose maniacodépressive et autres troubles de l'humeur, leurs familles et les dispensateurs de soins; sensibiliser le gouvernement du Canada et ses divers ministères; travailler à l'élimination des stigmates; soutenir des organismes provinciaux; promouvoir la création d'un réseau national d'organismes provinciaux et locaux d'aide aux personnes atteintes de troubles de l'humeur; promouvoir la recherche pour que l'on trouve les causes des maladies mentales et des remèdes; travailler à l'élimination de tous les obstacles, entre autres, professionnels, médicaux et sociaux, auxquels se heurtent les personnes atteintes d'une maladie mentale invalidante.

»  +-(1700)  

    J'attire votre attention sur le discours du Trône du gouvernement du Canada du 30 janvier dernier. C'est avec le plus grand plaisir que nous avons pris connaissance des déclarations suivantes qu'y trouvaient:

Divers obstacles empêchent souvent les personnes ayant un handicap de participer pleinement à la vie économique et sociale. Le gouvernement du Canada travaillera donc avec les provinces et les territoires et avec d'autres partenaires en vue d'arrêter une stratégie globale d'inclusion au marché du travail des personnes ayant un handicap.

Il intensifiera ses efforts pour encourager le conditionnement physique et la pratique des sports, ainsi que pour continuer à lutter contre l'abus d'alcool et de stupéfiants, à réduire le tabagisme, à prévenir les blessures et à promouvoir la santé mentale.

    C'était là des déclarations réjouissantes pour les personnes qui oeuvrent dans le domaine de la santé mentale et les ONG qui s'occupent de maladies mentales. Il y a fort longtemps que nous estimons être traités comme des citoyens de seconde zone, de troisième zone ou même sans zone aucune lorsqu'il s'agit d'avoir accès aux députés fédéraux et au processus d'élaboration de politiques. La dernière année a prouvé que la porte nous est ouverte pour nous faire entendre et vous persuader qu'il est essentiel de faire une place aux maladies mentales et à la santé mentale dans le programme d'action national.

    Nous ne sommes pas venus aujourd'hui pour vous parler des aspects cliniques de ces maladies, mais pour vous faire entendre le point de vue des patients consommateurs, bon nombre d'entre nous entrés en contact avec le système en ayant une connaissance pratique.

    J'ai mentionné la raison d'être du Code criminel. Je ne veux pas lire tout ce que nous avons écrit à ce sujet, mais nous disons que le droit pénal n'est pas une loi sociale, mais eu égard aux dispositions relatives aux troubles mentaux, il en assume le rôle. La question est donc de savoir, si tant est qu'il doive jouer ce rôle, comment éviter d'adopter un point de vue paternaliste et un parti pris à l'égard des accusés atteints de troubles mentaux. À défaut de l'intention prévue par la loi, l'accusé atteint de troubles mentaux reste simplement cela: un accusé. Peut-il y avoir une justice pour un accusé dans une culture qui considère les personnes atteintes de troubles mentaux comme étant dangereuses, incontrôlables et incapables de prendre soin d'elles-mêmes ou de faire la distinction entre le bien et le mal?

    Les dispositions actuelles désignent les personnes accusées d'infraction sous l'appellation d'accusé, même lorsqu'elles ont été déclarées non criminellement responsables, étiquette qui stigmatise un peu plus des personnes qui ont plus besoin d'aide que d'aliénation et d'isolement. Lorsque vous prendrez connaissance de la multitude de mémoires qui vous seront présentés à ces audiences, nous vous invitons instamment à tenir compte des étiquettes que certains auteurs emploient pour décrire des Canadiens très malades et à vous demander si ce vocabulaire est acceptable et serait toléré s'agissant d'autres grands malades, par exemple, ceux qui sont atteints du cancer ou du diabète.

    Nous avons l'absolue conviction qu'il faut opérer une réforme complète des soins en santé mentale au Canada. Nous croyons que vous ne pouvez pas modifier les dispositions relatives à la santé mentale, les dispositions du Code criminel relatives aux maladies mentales, ou la prestation des services au sein des institutions qui soutiennent ce processus décisionnel sans opérer une réforme complète de tous les aspects de la prestation des services relatifs à la santé mentale et aux maladies mentales au Canada.

    Dans vos questions initiales, vous demandiez si nous avions des informations à vous communiquer en ce qui concerne les installations dans les provinces. Nous disons que non. Cependant, j'ai des textes qui j'aimerais communiquer aux attachés de recherche s'ils en veulent bien. Il s'agit de documents publics que j'ai acquis au gré des discussions sur la psychiatrie légale dans le cadre du groupe de travail chargé de la mise en oeuvre de la santé mentale.

    En 1988, en Ontario, est apparue une note administrative qui établissait la politique relative à la psychiatrie légale. On y arrêtait la vision, les objectifs et les principes devant inspirer un système de psychiatrie légale. On y exprimait en premier lieu la vision suivante:

Personne ne souffrira de stigmatisation ou de discrimination à cause d'un trouble mental, même si ce trouble mental conduit à un conflit avec la loi. Les délinquants souffrant de troubles mentaux seront intégrés dans les programmes et services généraux de santé mentale selon le degré de risque et les besoins de chacun.

    Voilà une déclaration récente. On peut se demander si elle repose sur une réalité quelconque.

»  +-(1705)  

    Voici les principes sur lesquels cette politique se fonde.

Le traitement, les soins et le soutien seront accessibles, équitables, et mis au point avec la participation du patient consommateur et de la famille. Les services seront ainsi conçus pour réponde aux besoins particuliers des délinquants souffrant de troubles mentaux. Les programmes seront de nature qualitative. Le statut juridique des personnes souffrant de troubles mentaux ne doit pas faire obstacle à l'accès aux services cliniques.

    On s'attend donc à ce que le système de santé mentale fournisse des services de santé intégrés ainsi que des services psychiatrie légale complets.

    À la fin de la note, il est dit:

Les schizophrènes chroniques et sujets aux rechutes risquent d'avoir besoin de services de psychiatrie légale. Afin de réduire les pressions sur le système de psychiatrie légale, on mettra aussi au point des modèles de programmes qui ont fait leurs preuves auprès de cette population.

    Ce commentaire a inspiré l'une des recommandations, à savoir qu'il faut intervenir rapidement.

    On a parlé de la répartition des actifs en Ontario. Je vais vous dire ceci. Dans un rapport intitulé «The Distribution of Mental Health Forensic Beds in Ontario», en 1998, sous la rubrique «What is currently Available», si l'on tient compte de la population totale de l'Ontario, qui est en ce moment de 11,4 millions d'habitants, il se trouve que nous avons 5,6 lits par 100 000 personnes en Ontario que l'on considère comme des lits de psychiatrie légale.

    Dans une autre note intitulée «Forensic Mental Services, Ontario», il y a une rubrique intitulée «Current Problems With Forensic Services». Le passage à souligner est celui-ci:

La forte augmentation du nombre de personnes qui sont jugées non responsables sur le plan criminel et inaptes à subir leur procès et les évaluations de l'aptitude et de la responsabilité criminelle exercent de fortes pressions sur le système, particulièrement sur le nombre de lits. Ces pressions résultent en partie des modifications de 1992 aux dispositions du Code criminel relativement aux troubles mentaux, avec pour conséquence que la défense de NRC est considérée comme option attrayante dans un plus grand nombre de cas. Les lits réservés à la psychiatrie légale ne sont pas répartis également.

    J'ai d'autres citations que je vais omettre parce que nous manquons de temps, mais je les communiquerai au greffier, pour fournir des données. Il y a surtout une évaluation très utile provenant du Centre de toxicomanie et de santé mentale, où il est question du traitement qu'offrent les psychiatres légistes, des compétences qu'ils utilisent et du manque d'installations pour assurer leurs services.

    Vous avez posé des questions précises sur certains problèmes. Nous croyons qu'il faut modifier l'article 16 afin de supprimer l'inversion du fardeau de la preuve pour les accusés atteints de troubles mentaux. Notre mémoire fait état de notre thèse complète, mais nous affirmons au départ qu'il semble incongru de faire une distinction entre la considération d'un accusé qui serait présumément atteint de troubles mentaux et celle d'un accusé qu'il ne l'est pas. Cette norme de détermination a manifestement été prévue dans le Code criminel pour régler la situation des personnes atteintes de troubles mentaux qui ne sont pas traitées et qui se retrouvent dans un système incapable de répondre à leurs besoins médicaux parce qu'aucune autre solution ne permettrait d'attirer l'attention sur elles.

    Vous voulez savoir s'il est nécessaire de clarifier et d'élargir la définition ou les critères de détermination de l'aptitude à subir un procès? Cette définition doit être effectivement être clarifiée. Comme elle s'appuie sur le principe de la prépondérance des probabilités en vertu du paragraphe 16(2), la définition actuelle instaure une discrimination et réduit l'aptitude de l'accusé à faire face aux accusations portées contre lui.

    Vous avez posé une question au sujet de l'automatisme. En bref, nous répondrons à cela qu'il n'y a pas de raison d'essayer de codifier et de définir un système de défense non reconnu par la collectivité des fournisseurs de services de santé mentale ou par le DSM—IV.

    Vous posez une question sur les commissions d'examen. Nous estimons que les commissions d'examen devraient avoir le pouvoir d'ordonner une évaluation et de relâcher inconditionnellement un accusé jugé inapte. Les commissions d'examen sont chargées de veiller à ce que les accusés soient placés dans la situation la plus favorable possible pour décider des mesures qu'ils voudront prendre par la suite. J'ajoute plus loin qu'il est absolument nécessaire de procéder à une évaluation avant l'examen.

    Il est ensuite question de plafonnement. En bref, nous sommes d'avis que les dispositions de plafonnement devraient entrer en vigueur et que celles qui ont trait aux accusés dangereux atteints de troubles mentaux devraient entrer en vigueur en même temps. Nous affirmons que, tant que le Canada continuera de détenir des malades mentaux non coupables, il n'y a aucune raison valable de détenir une personne atteinte de troubles mentaux plus longtemps qu'une autre.

»  +-(1710)  

    Pour ce qui est de savoir si les dispositions relatives aux ordonnances de détention dans un hôpital devraient entrer en vigueur, nous répondons que non. On a dit plutôt ici pourquoi cela ne devrait pas être le cas, et notre réponse va tout à fait dans le même sens.

    En bref, nous concluons notre mémoire en disant que nous recommandons une intervention et un traitement précoces à l'égard des personnes atteintes de maladies ou de déficiences mentales afin d'éviter entièrement qu'elles passent par le système pénal.

    Nous recommandons que tant que le système de justice pénale s'occupera des personnes atteintes de maladies ou de déficiences mentales, on mette l'accent sur l'éducation de tous les agents de ce système, dont les avocats, les procureurs de la Couronne, les juges, la police, le personnel correctionnel, les gardiens et tous les autres, concernant la nature des maladies mentales et la nécessité d'un traitement adapté. Faute de quoi, le stigmate associé à la maladie mentale continuera de pénétrer le système et d'empêcher que ces personnes ne bénéficient des traitements et soutiens dont elles ont besoin.

    Nous recommandons que votre comité demande la création d'un groupe de travail fédéral-provincial-territorial qui serait chargé d'examiner en détail tous les aspects du système de soins des troubles mentaux et de promotion de la santé mentale au Canada. C'est dans le cadre de ce groupe de travail qu'il sera possible d'analyser les dispositions de la Loi canadienne sur la santé eu égard aux soins des malades et déficients mentaux et à l'harmonisation des lois provinciales en matière de santé mentale. C'est également dans ce cadre que l'on pourra examiner la possibilité de prévoir un financement spécial pour les soins en santé mentale de tous les Canadiens. Dans votre étude de cette recommandation, nous vous prions de tenir compte de l'Entente—cadre sur l'union sociale, qui prévoit des mécanismes qui, à notre avis, seraient très utiles pour votre étude.

    Nous recommandons que les personnes actuellement prises en charge par Service correctionnel Canada qui sont atteintes d'une déficience mentale soient placées dans des locaux plus adoptés et propices à un niveau de soins et de services en santé mentale qui facilitera leur guérison. À cet égard, rappelons que Service correctionnel Canada s'attend actuellement à dépenser environ un demi-milliard de dollars—si les rapports que nous avons lus sont exacts—pour améliorer les installations actuelles et en construire de nouvelles. Nous invitons instamment le comité à s'assurer qu'une somme suffisante soit dépensée pour améliorer les conditions de vie des détenus atteints de troubles mentaux.

    Nous recommandons que la composition des commissions d'examen soit modifiée et qu'elle comporte des membres atteints de troubles mentaux et des travailleurs sociaux au courant du système de justice qui apporteraient un point très pratique et très proche de la réalité dans les discussions des commissions. Il serait conforme à la tendance observée en matière de santé et de sciences que d'inclure la voix des patients, des consommateurs et des organisations non gouvernementales, dont le savoir de première ligne s'est révélé très utile dans ces discussions.

    Nous recommandons que votre comité demande une vérification du budget de Service correctionnel Canada pour déterminer le montant dépensé par habitant pour incarcérer et traiter les accusés atteints de troubles mentaux. J'ai un document ici qui a été remis à notre groupe de travail: en Ontario, ce chiffre est de 150 000 $ par an, 350 $ par jour pour le niveau le plus bas, et 450 $ par jour pour le niveau le plus élevé. À mon avis, nous pouvons mieux employer cet argent qu'à rémunérer des gardiens et à bâtir des cellules de béton.

    Il est évident que nos tribunaux pénaux et nos établissements correctionnels provinciaux et fédéraux sont surchargés. La population canadienne vieillissant, les maladies mentales et les préoccupations liées à la santé mentale vont prendre de l'importance et exerceront des pressions substantielles sur toutes les grandes institutions de notre société. Nous prions instamment le gouvernement du Canada d'entamer un débat national, par le biais du Comité permanent de la santé ou d'une commission d'enquête indépendante, dans le but d'élaborer un plan d'action national auquel participeraient les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et qui aurait trait à des questions comme la promotion de la santé mentale et la compréhension des enjeux associés à la maladie mentale au Canada au XXI siècle.

    J'admets que certaines de ces suggestions dépassent le mandat de votre comité, mais en votre qualité de députés fédéraux qui êtes saisis de préoccupations auxquelles vous faites face dans vos collectivités, vos circonscriptions et dans l'ensemble du Canada, nous espérons que vous leur accorderez l'attention voulue.

    Merci beaucoup de nous avoir écoutés. Bill et moi-même allons répondre à vos questions.

»  +-(1715)  

+-

    Le président: Merci beaucoup. Étant donné la marge de manoeuvre que nous avons, étant donné que, comme l'a dit plus tôt M. MacKay, cet examen a quelque peu, tardé et étant donné que nous avons l'habitude de respecter les limites de la mesure législative, je crois que notre comité élargira probablement sa perspective afin de tenir compte des quelques problèmes à caractère plus global dont vous nous avez saisis. Je crois donc que sur ce point, nous nous rejoignons probablement.

    Je cède maintenant la parole au juge Ormston.

+-

    Son honneur le juge Edward Ormston (témoigne à titre personnel): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs. J'ai été invité très tardivement et, en conséquence, je n'ai pas de texte à lire ou à vous présenter, mais je peux vous présenter ma perspective générale étant donné que je siège à la seule cour du Canada traitant de santé mentale.

    Vous ne le savez pas peut-être pas, mais la seule cour du Canada traitant du santé mentale est située au vieil hôtel de ville de Toronto. Le vieil hôtel de ville de Toronto est probablement le tribunal le plus occupé du Canada. Vingt-huit juges y siègent. Nous traitons quelques centaines de milliers de causes par année. Nous siégeons le jour et durant la soirée avec des juges de paix. J'ai administré le tribunal pendant un certain temps. Je suis juge depuis une douzaine d'années.

    Cela dit, bien sûr, vous connaissez tous le principe de l'indépendance de la magistrature, et je dois vous prévenir d'emblée que je ne parle ici qu'en mon nom, je n'exprime aucunement les vues de mes collègues ou de mon juge en chef, même si celui-ci sait que je suis ici aujourd'hui.

    J'ai constaté que la magistrature provinciale du Canada est devenue ces jours-ci le système d'aide sociale de dernier recours pour un très grand nombre de gens. Si vous êtes pauvre et vivez en marge de la société, et si vous cherchez de l'aide, par exemple, pour maîtriser votre colère, parce que vous savez que votre père a battu votre mère pendant des années et que vous ne voulez pas répéter ce comportement, vous savez qu'il ne suffit pas simplement de s'adresser à un psychologue ou d'obtenir du counselling sur les choses de ce genre. Ce qui arrive, en pratique, c'est que ces personnes sont criminalisées, reconnues coupables d'un acte quelconque, après quoi on les aide à maîtriser leur colère. De même, les infractions relatives aux drogues, les problèmes de santé mentale, les problèmes liés à l'alcoolisme sont dans leur nature même des problèmes de santé, mais on déverse tout cela dans le système de justice pénale parce que les pauvres, les marginaux, tous ces gens-là ne peuvent pas obtenir d'aide autrement.

    Vers 1995 ou 1996, je siégeais au tribunal réservé aux plaidoyers de culpabilité, et nous expédions 100 plaidoyers par jour, pour vol à l'étalage, prostitution et autres délits courants dont nous étions saisis. Mais tout ce mouvement stoppait dès qu'une personne atteinte de trouble mental ou une personne troublée entrait au tribunal. Il fallait la calmer, il fallait prendre le temps de s'en occuper, il fallait s'assurer qu'elle savait bien où elle était, il fallait vérifier si elle était apte ou non à prendre ce genre de décision. Si nous n'étions pas sûrs qu'elle était apte ou non, on la renvoyait aux cellules du vieil hôtel de ville, après quoi on la renvoyait à la prison Don où elle attendait trois ou quatre jours pour obtenir un rendez-vous au Centre de toxicomanie et de santé mentale. Là, on évaluait son aptitude pendant à peu près 25 minutes, et on la remettait dans le circuit. Ces personnes finissaient par me revenir quelque neuf jours plus tard. Donc ces personnes passent neuf jours dans les cachots du vieil hôtel de ville et dans les cachots de Don pour avoir volé une pomme, un délit pour lequel vous et moi ne passerions pas une minute en prison, et la raison première de cet état de chose tenait au fait que ces personnes étaient atteintes d'un trouble mental quelconque.

    Les personnes que je vois sont à mon avis quelque peu différentes de celles dont vous entendez parler. Vous avez entendu parler des psychopathes, des sociopathes et des troubles de la personnalité antisociale, et je crois comprendre que tout cela est pareil maintenant. La profession psychiatrique ne cesse de changer les étiquettes sans que le vous sachiez, on ne sait jamais où on en est. Je me rappelle avec inquiétude qu'il y a dix ans de cela, l'homosexualité figurait dans le DSM—IV, elle était considérée comme une maladie mentale. Quoi qu'il en soit, les gens que je vois sont essentiellement des gens de la rue. Ce sont ces gens qui sont sales, échevelés, qui sentent mauvais et qui parlent fort. On les voit arriver dans la rue, et ils ont l'air dangereux, mais ils ne sont pas dangereux. Ils sont tristes et ils souffrent profondément, et ils sont seuls parce que personne ne leur parle. Telles sont les personnes troublées que nous voyons à cette cour qui traite de santé mentale. Nous ne voyons pas chez nous les psychopathes ou les prédateurs sexuels, les Paul Bernados de ce monde. Ces personnes-là ont l'air normal, mais elles sont dangereuses. Je vois des gens que vous croyez dangereux, mais qui sont en fait très malades et qui se retrouvent continuellement dans le système pénal.

    En conséquence, un groupe de personnes qui se trouvaient dans ce tribunal, des procureurs de la Couronne, des avocats de la défense, des greffiers, des vigiles, des agents de police, se sont tous dit qu'il fallait faire quelque chose pour ces personnes. J'avais alors la chance d'être le juge responsable de l'administration, j'ai donc choisi une salle d'audience, et nous avons commencé par réunir toutes ces personnes dans cette salle d'audience, où un seul juge les entendrait, et nous avons pu de là convaincre le psychiatre du Centre de toxicomanie et de santé mentale de privilégier le patient au lieu du médecin.

»  +-(1720)  

    Ainsi, au lieu de faire passer le patient par tout ce dédale, nous avons décidé de faire venir chaque jour les médecins au palais de justice. La procédure est ainsi faite maintenant que quelqu'un ayant un trouble mental qui est arrêté dans la ville de Toronto et dont l'aptitude à subir son procès est mise en doute, cette personne est amenée à l'ancien hôtel de ville et conduite dans cette salle d'audience équipée de cellules qui lui sont réservées. Nous avons des travailleurs sociaux qualifiés sur les lieux. Nous avons un avocat désigné qui s'y connaît dans ces affaires-là et qui est sur les lieux et ne s'occupe que de cela. Nous avons aussi des psychiatres qui viennent au tribunal pour évaluer l'aptitude de l'inculpé sur place. Cela prend environ 25 minutes. Donc, si l'inculpé est jugé apte et peut déposer la caution exigée, il peut être libéré le jour-même, et nous le confions aux travailleurs sociaux qui pourront s'occuper de lui. Nous le faisons ensuite revenir souvent devant le tribunal pendant une période de quatre, cinq ou six mois, le temps qu'il faut pour persuader la poursuite que l'infraction qu'il a commise n'était pas un acte de méchanceté, mais bien un acte attribuable à sa maladie. La poursuite retirera alors les accusations qui pèsent contre lui, mais nous aurons eu le temps dans l'intervalle, du moins c'est ce que nous espérons, de le mettre en contact avec des travailleurs sociaux, de lui trouver un logement, etc.

    Nous avions aussi espéré avoir un groupe distinct de cellules de détention provisoire. À Toronto, il y a environ quatre de ces centres de détention provisoire, dont un qui a d'excellentes structures d'accueil, notamment un infirmier ayant reçu une formation en psychiatrie, pour les contrevenants qui ont un maladie mentale. Nous avions espéré que tous nos clients puissent être envoyés dans ces cellules-là, mais nous n'avons pas réussi bien sûr, parce que ce n'est pas aux juges de dire aux services correctionnels où les détenus doivent être placés. Nous avions espéré convaincre la police du Grand Toronto d'amener tous nos patients en même temps dans une fourgonnette pour qu'il ne soit pas nécessaire de les isoler des autres détenus quand on les amène au tribunal, mais cela s'est avéré impossible.

    Nous nous tirons d'affaire aussi bien que nous le pouvons avec cette population, mais ces personnes ne devraient vraiment pas se retrouver dans notre système de justice pénale. Je ne suis là finalement que pour les aiguiller vers le système des soins de santé. Je sais que la police voudrait avoir une troisième option. À l'heure actuelle, quand la police arrête un contrevenant souffrant de troubles mentaux parce qu'il a uriné devant un restaurant ou quelque chose de ce genre et que, bien entendu, le propriétaire du restaurant n'apprécie pas, elle a deux options: elle peut soit l'amener à l'hôpital et attendre six, sept, huit ou 12 heures pour qu'il soit admis, ou elle peut l'accuser formellement, après quoi il comparaît devant le tribunal de la santé mentale.

    Il devrait y avoir une troisième option pour ces individus, qui permettrait à la police de les amener dans une maison d'hébergement où il y aurait des travailleurs sociaux, des psychiatres, des responsables qui pourraient les garder en observation pendant un jour ou deux, avant de les retourner dans la collectivité avec l'appui de travailleurs sociaux. Car dès qu'ils sont accusés, il y a tous les éléments de la justice pénale qui sont déclenchés, comme le droit d'être libéré sous caution, le droit de ne rien dire, le droit d'être représenté par un avocat. Ce sont là autant d'éléments qui empêchent de soigner la personne qui aurait une maladie mentale dans une structure de soins de santé, car elle est en attente d'interventions juridiques comme celles dont j'ai parlé.

    Je constate par ailleurs que le modèle médical dont on vous a beaucoup parlé semble être uniquement axé ou presque sur la pharmacologie. Pour les psychiatres légistes, la solution à tous les problèmes est de droguer l'individu. Cela me laisse franchement perplexe. Si Jésus-Christ revenait sur terre aujourd'hui et faisait ce qu'il a fait à l'époque, il ne fait aucun doute qu'on le mettrait sous clé, qu'on le déclarerait inapte, qu'on le traiterait à la Thorazine, puis qu'on le ramènerait, on lui couperait les cheveux, on lui trouverait un emploi et on lui dirait de cesser de se tenir avec ses 12 copains. Il ressemblerait en tout point aux personnes de la rue avec qui nous traitons tout le temps, et on pense que la solution, c'est de les droguer. Il y a, franchement, une autre option.

    M. MacKay a posé une question au sujet des effets secondaires, et c'est une question que je leur pose tous les jours. Je leur dis: «Pourquoi ne prends-tu pas tes médicaments, Georges?» Il répond: «Vous savez, votre honneur, je suis fou, mais je ne suis pas stupide». Pour tout vous dire, ils préfèrent être fous, et il n'y a rien dans la loi qui interdit d'être fou. Ils ont le droit de vivre dans leur espace à eux dans la mesure où ils ne nuisent pas à quelqu'un d'autre. Pour beaucoup de ceux que j'ai l'occasion d'observer, s'ils ont un ami, un foyer et une fonction intéressante dans la société, quelqu'un avec qui ils ont des rapports quotidiens, ils peuvent se tirer très bien d'affaire sans médicament. Ils savent eux-mêmes quand ils ont besoin d'aide et ils peuvent le dire, ou bien leur travailleur social ou l'ami avec qui ils sont en contact quotidien sait qu'il se passe quelque chose et pourra alors aider, mais ils n'ont pas toujours besoin d'aide. C'est justement ce qui les inquiète.

»  +-(1725)  

    J'ai plusieurs points en ce qui concerne le Code criminel qui pourraient me faciliter la tâche sur le plan technique. En règle générale, la majorité des défendeurs ayant des troubles mentaux avec qui nous devons traiter, sont comme ceux que je viens de décrire. Ce sont des gens de la rue qu'on a désinstitutionnalisés, pour toutes les raisons dont on vous a parlé, mais nous voyons aussi aujourd'hui des parents aimants qui ont à coeur le bien-être de leur fils qui pensent qu'ils doivent l'accuser, parce qu'on le fera aussitôt entrer dans un établissement psychiatrique. Ils n'arrivent pas à lui avoir un lit dans un établissement civil. Pourquoi pas? Parce que tous les lits sont pris par des personnes qui ont été placées là par des médecins légistes ou par la commission d'examen en Ontario. Ils s'imaginent que s'ils accusent leur fils d'agression, le juge n'aura d'autre choix que d'ordonner son placement ou un traitement quelconque pour lui. C'est effectivement quelque chose que je peux faire s'il y a un lit d'hôpital qui est disponible, mais s'il n'y en a pas, il va sans doute languir dans la prison Don jusqu'à ce qu'on puisse lui en trouver un. Voilà l'autre type de défendeurs que je vois constamment défiler devant moi. Le détenu pleure dans le box et ses parents pleurent dans la salle d'audience. Ils ne cessent de me répéter qu'il a seulement besoin d'être traité. Malheureusement, il ne peut pas être traité à cause du manque de lits dans les hôpitaux.

    Il y a d'autres aspects philosophiques dont je serais heureux de discuter avec vous plus tard, mais il y a des mesures pratiques que vous pourriez prendre d'après moi. Le Code criminel fait toujours problème en ce sens que certaines personnes, y compris certains juges, s'imaginent qu'on ne peut pas tenir une enquête sur le cautionnement si l'inculpé est inapte. Le Code part effectivement du principe que les enquêtes pour déterminer si la personne est apte s'appliquent aux personnes qui ne sont pas en détention, mais ce n'est pas clair.

    Il y a eu un cas en Ontario, celui deRegina c. Whittle. C'était un cas déclaratoire, et on précisait dans la décision qu'il devrait y avoir un niveau d'aptitude statique qui s'appliquerait à l'ensemble de la procédure, mais pas à l'enquête sur le cautionnement. Nous devrions pouvoir tenir une enquête sur le cautionnement de personnes qui sont inaptes pour les sortir de prison.

    Par ailleurs, il faudrait que nous puissions ordonner la tenue d'une évaluation de l'aptitude de l'inculpé jusqu'au moment de la détermination de la peine. À l'heure actuelle, nous ne pouvons le faire que jusqu'au moment du verdict. Dès que l'inculpé est trouvé coupable, s'il revient devant moi deux jours plus tard et qu'il n'est pas apte ou qu'il semble incohérent, je ne peux pas ordonner la tenue d'une évaluation de son aptitude, parce que le verdict a déjà été prononcé. Ainsi, l'article 672.11 devrait être élargi de manière à inclure le moment de la détermination de la peine.

    Nous avons aussi un problème en ce qui concerne les personnes qui accusent un retard de développement. On a débattu devant le comité de la question de savoir si ces personnes souffrent effectivement d'une maladie mentale. À vrai dire, il faut trouver un moyen d'inclure ces personnes. La solution me semble simple: il suffirait d'élargir la définition de l'article 2 afin d'inclure les retards de développement ou les autres problèmes de ce genre, afin que nous puissions traiter ces personnes de façon plus humaine. Il n'y a rien qui est prévu pour elles à l'heure actuelle.

    En tant que juge, je suis habilité à émettre une ordonnance de placement. Si je détermine que la personne est inapte, je peux ordonner son placement. Je le fais rarement. Je m'en remets généralement aux hôpitaux. Si toutefois, je prends une ordonnance de placement et que la personne ne s'y conforme pas, il n'y a pas de sanction. Il existe des sanctions pour la violation d'une ordonnance de probation ou d'autres types d'ordonnances, mais il n'y a pas de sanction dans le Code criminel pour la violation d'une ordonnance de placement. J'ai entendu parler de cas isolés dans d'autres villes, où des psychopathes ou des contrevenants sexuels dangereux visés par une ordonnance de placement avaient violé leur ordonnance, sans que l'hôpital n'ait quelque recours que ce soit. On ne peut rien faire. Il devrait être assez simple d'apporter une modification en ce sens, il me semble.

»  +-(1730)  

    Je veux aussi soulever la question de savoir si le juge devrait pouvoir, de sa propre initiative, invoquer au procès des éléments liés à la non-responsabilité criminelle lorsque l'inculpé ne le fait pas. Si j'ai devant moi un inculpé qui souffre d'une maladie mentale, mais qui est apte au moment du procès et qui décide qu'il préfère subir son procès, passé par toute la procédure et recevoir sa sentence, ai-je le droit, en tant que juge, de lui dire: «Non, je crois que vous n'êtes pas criminellement responsable et nous allons vous faire passer par une autre filière»? C'est là quelque chose qui me choque un peu, en ce sens que le juge se trouve ainsi à descendre dans l'arène. Je sais qu'il y a des juges qui estiment être autorisés à faire cela.

    Excusez-moi si j'ai parlé trop longtemps, mais ce sont là les vues d'un praticien. Je suis prêt à répondre à vos questions.

    Merci.

+-

    Le président: Merci.

    Je donne la parole à M. Cadman pour sept minutes.

+-

    M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président. Merci aux témoins qui sont présents ici ce soir—oui, c'est presque le soir.

    À propos des personnes qui prennent des médicaments, je crois que vous avez beaucoup parlé de cette question, votre honneur. Vous dites que la grande majorité de ces personnes ne sont pas du tout dangereuses et qu'il faudrait les laisser tranquilles. Que faire alors de la personne qui cesse de prendre ses médicaments et qui, par conséquent, commet une infraction grave? Que faire dans ce cas-là, quand la personne sait ce qui va arriver si elle cesse de prendre ses médicaments?

»  +-(1735)  

+-

     Le juge Edward Ormston: L'Ontario a maintenant sa Loi sur la santé mentale. Nous avons la loi de Brian. Cette loi peut être appliquée quand on pense que la personne présente un risque pour elle-même ou pour d'autres.

    Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il y a des moments et des circonstances où les médicaments sont nécessaires, mais ce qui me préoccupe, c'est que les médicaments sont devenus la panacée, c'est la solution de premier recours pour tout le monde, et je me demande si nous en comprenons vraiment bien les effets.

+-

    Le président: Monsieur Ashdown.

+-

    M. William P. Ashdown (vice-président, Société pour les troubles de l'humeur du Canada): Je suis certainement d'accord avec le juge Ormston qui se dit préoccupé par le recours aux médicaments. Je suis bien conscient du fait que je suis le deuxième violon ici, puisque je remplace John Starzynski, et j'ai l'impression d'avoir été propulsé du terrain de jeu du quartier à l'aile gauche du Canadien de Montréal. Tout ce que j'ai comme expertise à apporter à la discussion c'est que, comme mes collègues me le rappellent souvent, je suis extrêmement déprimant, et cela se comprend puisqu'il y a déjà 30 ans qu'on m'a diagnostiqué comme dépressif. Je viens d'une longue lignée de membres de ma famille qui souffrent de cette maladie, et ce, depuis plus de quatre générations, et je m'intéresse aussi au secteur de la maladie mentale depuis 20 ans à peu près, les 12 dernières années comme directeur exécutif de la Société pour les troubles de l'humeur du Manitoba.

    Pendant ce temps, j'ai eu le privilège ou le malheur d'interviewer quelque 5 000 personnes et membres de leurs familles, qui sont tous venus me voir pour de graves problèmes qui, dans bien des cas, constituaient un danger de mort et qui étaient parfois liés à des démêlés avec la justice, bien souvent à cause de problèmes de relations ou de problèmes économiques. La principale conclusion à laquelle je suis arrivé, la constatation qui s'appliquait dans tous les cas, est celle que nous visons dans une de nos recommandations, à savoir toute la question d'éducation. La connaissance qu'on a dans le monde réel, notamment dans le monde de la justice pénale, des maladies mentales, et plus précisément de celles qui sont liées aux troubles de l'humeur et qui représentent environ 85 p. 100 de toutes les maladies mentales, est très limitée, si bien qu'il est extrêmement facile d'en arriver systématiquement à des conclusions erronées.

    Je sais quelque chose. Je suis allé dans la plupart des prisons du Manitoba, voire de l'Ouest du Canada, rendre visite à des personnes atteintes de ces maladies, et je peux vous dire que le taux d'incarcération de ceux qui sont atteints de nos troubles est extrêmement élevé. Bien souvent, ces personnes se retrouvent en prison à cause d'infractions pour lesquelles il aurait été absurde de les emprisonner si elles n'avaient pas été étiquetées comme ayant une maladie mentale grave. C'est absurde de les mettre en prison, c'est gaspiller l'argent des contribuables et cela ne facilite en rien leur réinsertion.

    Je voulais donc simplement insister sur la question de l'éducation, car j'estime qu'elle est au coeur de tout ce que nous faisons et de ce que nous disons au sujet de la maladie mentale. Si notre société n'arrive pas à mieux comprendre la nature et le fonctionnement de ces maladies, nous n'avons aucun espoir de pouvoir les traiter convenablement. Nous n'avons aucun espoir de faire respecter nos lois ni de faire intervenir avec succès notre système pénal quand il s'agit de personnes qui ont une maladie que nous ne comprenons pas.

+-

    M. Chuck Cadman: Merci.

    Dans le même ordre d'idées, juge Ormston, je n'avais pas l'intention de soulever la question, mais puisque vous avez parlé du recours aux médicaments comme étant la panacée, des psychiatres légistes qui droguent les gens, du fait qu'on leur coupe ensuite les cheveux—je ne sais pas trop comment prendre cette remarque...

    Des voix: Oh, oh!

    M. Chuck Cadman:Vous avez entendu le témoignage des psychologues qui vous ont précédé et qui demandaient à être inclus dans certains articles du Code pour qu'ils soient autorisés à établir un diagnostic ou à faire une évaluation. Je ne sais pas si vous allez vous sentir à l'aise de répondre à cette question, mais seriez-vous d'accord avec cette idée-là?

»  +-(1740)  

+-

     Le juge Edward Ormston: Bien sûr. Il n'y a rien de bien sorcier là-dedans, pour tout vous dire. J'ai beaucoup de respect pour les psychiatres. Beaucoup de mes meilleurs amis sont des psychiatres. Les psychologues peuvent effectivement remplir ces fonctions.

    J'estime que le critère de l'aptitude à subir un procès est notamment problématique du fait que le seuil est trop bas. Il se fonde sur une affaire en Ontario connue sous le nom de Regina c. Taylor. Dwight Taylor était un avocat qui s'est présenté aux bureaux du Barreau du Haut-Canada. Il était schizophrène, semble-t-il, et il a poignardé à la jambe le type qui ne voulait pas lui donner le document dont il avait besoin pour recommencer à exercer le droit. Quand on lui a posé les différentes questions—savez-vous ce que c'est un juge? Savez-vous ce que fait l'avocat de la défense? Savez-vous ce que fait l'avocat de la poursuite? Qu'est-ce que le parjure?—toutes ces questions que l'on pose dans le cadre de l'évaluation de l'aptitude à subir un procès, il n'avait aucun mal à y répondre.

    D'après moi, le seuil devrait être relevé quelque peu, peut-être du côté des définitions. Je pense que la personne devrait pouvoir montrer qu'elle comprend bien la situation difficile dans laquelle elle se trouve aux yeux de la loi, car l'aptitude peut fluctuer d'heure en heure. Il se peut que j'aie quelqu'un devant moi à 14 h 00 qui ne peut pas répondre aux questions que lui pose le médecin. S'il revient à 16 h 00 ou le lendemain, il aura toutes les réponses. Ils apprennent aussi à répondre. Ils apprennent cela en prison. Ils apprennent ce qu'il faut répondre d'après les questions qu'on leur pose. Même s'ils peuvent me dire quel est le rôle de l'avocat, quel est le rôle du juge et tout le reste, je ne considère toujours pas qu'ils sont aptes.

    Je suis donc préoccupé par toute cette notion de l'évaluation de l'aptitude à subir un procès. J'estime que les psychologues peuvent faire cette évaluation aussi bien que les médecins. Je crois que les infirmiers et infirmières peuvent aussi la faire. Les infirmiers ou infirmières psychiatriques peuvent faire ce genre d'évaluation aussi bien que les médecins.

    J'ai une autre anecdote pour vous. Quelqu'un arrive dans ma salle d'audience en criant, en crachant et en faisant tous les temps. Il vient d'être arrêté par un policier de la police du Grand Toronto. Il est en apparence schizophrène. Il ne prend plus ses médicaments. Il dort dans la rue. Arrive un gars avec sa souffleuse à feuilles à Osgoode Hall, car à Osgoode Hall il faut non seulement qu'il soit évident que justice soit rendue, mais le tout doit être propre. Ce pauvre schizophrène paranoïaque se réveille et aperçoit ce gars avec ses écouteurs et sa souffleuse à feuilles qui ressemble à un canon à rayons et conclut aussitôt à une invasion. Il menace de tuer le gars s'il ne déguerpit pas. Le gars à la souffleuse à feuilles appelle la police. Les policiers s'amènent, ils arrivent avec tout leur équipement, qui fait 60 livres ces jours-ci. L'avez-vous remarqué? Ils ont leur casque, leur bâton, leur matraque, leur revolver et leur gourdin. Ils arrivent avec leurs sirènes qui crient. Le pauvre schizophrène paranoïaque est sûr qu'il est la première personne que les extraterrestres vont ramener chez eux. On l'amène au poste, on le met dans une cellule en attendant l'enquête sur son cautionnement, puis on veut l'amener devant moi. Il ne veut pas sortir. Il n'a pas eu sa cigarette ou son café ou rien. Il arrive donc devant moi en crachant, en criant et en faisant tous les temps. Ils essaient de le calmer. Ils lui demandent: «Savez-vous où vous êtes aujourd'hui?» «Je suis dans le donjon à l'ancien hôtel de ville à l'angle de Queen et de Bay—si vous avez eu l'occasion de voir les cellules à l'ancien hôtel de ville, vous serez d'accord pour dire que c'est un donjon. Quel est le rôle de votre avocat? Son rôle? C'est de me prendre autant de mon argent qu'il peut.

    Des voix: Ah, ah!

    Le juge Edward Ormston: Très bien. Quel est le rôle de l'avocat de la poursuite? Son rôle, c'est de répéter tous les mensonges que la police raconte à mon sujet. Très bien. Quel est mon rôle à moi? C'est vous le gros abruti qui s'imagine tout savoir.

    Des voix: Ah, ah!

    Le juge Edward Ormston: Ce sont là des remarques que j'ai entendues chez moi.

    Des voix: Oh, oh!

    Le juge Edward Ormston: Je ne cherche pas à être comique—en fait, je cherche effectivement à être comique—, mais c'est le genre de choses que je vois tout le temps. Ce type-là sait à peu près où il est et ce qui va lui arriver, et il l'exprime avec véhémence. Si on prend le temps de le calmer, on se rend compte qu'il a une bonne idée de ce qui va se passer. Il ne l'exprime pas comme d'autres l'exprimeraient.

    Je pense donc que le seuil pour l'évaluation de l'aptitude n'est pas assez élevé. S'il était un peu plus élevé, je pense que ce serait mieux, en ce sens qu'on aurait l'assurance qu'il comprend bien ce qui lui arrive, et c'est ce que je voudrais.

    Mais pour répondre à votre question, j'estime que, dans les circonstances actuelles, les psychologues peuvent faire ces évaluations de l'aptitude à subir un procès aussi bien que n'importe qui d'autre.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Madame Allard.

»  +-(1745)  

[Français]

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Merci de témoigner aujourd'hui devant nous. J'ai plusieurs questions et je pense que je vais commencer par M. Upshall.

    Je voudrais comprendre le National Action Plan on mental illness and mental health. Il y en a qui disent que si les malades mentaux ne sont pas dangereux et qu'ils sont dans la rue, on devrait les laisser là. C'est toujours le critère de dangerosité qui détermine si on doit agir auprès d'un malade mental. C'est un peu ce que le juge Ormston nous dit.

    Quel est votre position là-dessus? Est-ce qu'on devrait désinstitutionnaliser les malades mentaux, ou si on devrait revenir à une solution un peu plus coercitive, de façon à pouvoir les encadrer davantage, ou les laisser aller? C'est ce que je voudrais comprendre.

[Traduction]

+-

    M. Phil Upshall: Cette décision a déjà été prise. Beaucoup de personnes souffrant de troubles psychiatriques ont été libérées des établissements psychiatriques. Un seul aspect du plan d'action national vise à intégrer la santé et la maladie mentale au courant principal de la promotion de la santé de la même façon qu'on le fait pour le cancer, les maladies du coeur ou le diabète. À l'heure actuelle, notre programme national commence à peine à toucher aux questions de la santé et de la maladie mentale et souvent, elles n'y figurent pas à titre de préoccupations de santé.

    Pour ce qui est de la désinstitutionnalisation des patients, nous croyons que c'est souhaitable de désinstitutionnaliser bien des gens qui sont logés dans nos institutions psychiatriques, principalement des hôpitaux psychiatriques, mais aussi des prisons. Le problème pour nous, comme le juge Ormston l'a si bien dit, ce n'est pas le fait que ces malades soient dangereux, mais plutôt qu'ils manquent d'encadrement. J'aime bien utiliser une analogie avec les personnes handicapées. Si l'on souffre d'une colonne fracturée, par exemple, on ne peut se déplacer sans un fauteuil roulant, donc on reçoit un fauteuil roulant qu'on ne nous retire pas une fois sorti de l'hôpital, on l'a pour toujours ou jusqu'à ce que l'on guérisse. Ce n'est pas le cas des patients que l'on libère des établissements psychiatriques, car souvent on ne leur accorde pas l'encadrement dont ils ont besoin; on ne leur donne pas un logement adéquat, on ne leur donne pas l'espoir de réintégrer la société et on leur colle l'étiquette de malade mental ou fou.

    Le danger n'est pas une considération a priori. Elle le devient si les gens retombent dans une psychose ou un autre trouble mental en raison du manque d'encadrement. Nous y faisons allusion dans notre mémoire et dans la documentation que j'ai remise au greffier. Avec une intervention précoce et une bonne formation, comme Bill l'a souligné, le taux de désinstitutionnalisation ne présentant aucun risque pour le patient ou la société est très élevé. D'ailleurs, il est beaucoup plus probable qu'une personne inculpée de conduite avec facultés affaiblies pour la troisième ou quatrième fois récidive qu'une personne souffrant d'une maladie mentale. Le danger réside chez d'autres individus de notre société. Le problème est que nous stigmatisons la maladie mentale et l'associons presque immédiatement au danger. Mon expérience auprès d'eux m'a démontré que les cas dangereux sont bien rares et, le cas échéant, fort évidents.

[Français]

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Sans entrer dans l'aspect criminel, pour le moment, nous avons eu le témoignage d'un psychiatre, et je pense que son témoignage m'a vraiment marquée. Il a dit que la moitié des sans-abri qui se trouvent dans la rue ont des problèmes de maladie mentale. C'est très grave. Est-ce qu'on ne fait pas le jeu des systèmes de santé, qui ont des salles d'urgence engorgées actuellement et qui veulent diminuer les coûts de traitement, quand on dit que si un malade mental n'est pas dangereux pour la société, on ne le garde pas? On le retourne et il va retourner dans la rue. Mais si la moitié des sans-abri ont des problèmes de maladie mentale, est-ce qu'on ne devrait pas commencer à s'en occuper au lieu de les laisser dans la rue, sans abri, sous prétexte qu'ils ne sont pas dangereux? C'est pour cela que je veux savoir si votre comité rejoint un peu cette théorie, ou si vous êtes complètement en désaccord et pensez qu'il faut les laisser aller parce qu'ils ne sont pas dangereux. C'est pour cette raison que j'insiste davantage sur cet aspect de la dangerosité.

    Je vous parlerai après, monsieur le juge.

»  +-(1750)  

[Traduction]

+-

    M. Phil Upshall: Je crois qu'il faut permettre à tout le monde qui compose notre société démocratique et libre de faire ce qu'il veut tant qu'il ne blesse personne. Que ce soit quelqu'un qui fume trop et qui aura le cancer ou quelqu'un qui mange trop qui deviendra obèse, d'ailleurs une préoccupation pour Santé Canada maintenant, cela fait partie de nos libertés fondamentales.

    La promotion et la sensibilisation en ce qui concerne la santé mentale revêt une importance capitale. Pour ce qui est des sans-abri souffrant de troubles psychiatriques, il y a tout lieu de croire que ce segment de la population sans abri ne le serait pas si on lui procurait un logement adéquat, un emploi et d'autres formes d'aide comme des traitements médicaux. Ces services ne sont tout simplement pas disponibles comme l'a souligné le juge Ormston. J'ai consulté une unité d'intervention d'urgence du service de police de Toronto. Ils m'ont confié qu'ils demeurent parfois de six à huit heures dans une salle d'urgence avec une personne souffrant de troubles psychiatriques, deux policiers qui coûtent en moyenne environ 100 $ de l'heure chacun. Ce coût est énorme pour la société, mais il n'est pas comptabilisé parce qu'il ne relève pas de la santé. Le coût des lits de division de psychiatrie légale est le même: le coût journalier est de 450 $ ou 150 000 $ par année. On pourrait facilement affecter ces fonds ailleurs. On pourrait réaffecter des sommes accordées au budget des services correctionnels à ceux de la santé.

    En Ontario, on a procédé à la désinstitutionnalisation sans s'assurer que des services d'aide soient mis en place. Pour les personnes souffrant de troubles psychiatriques ou désinstitutionnalisées, les maisons de chambres ne sont pas une forme d'aide, pas plus qu'une personne en fauteuil roulant qui doit grimper des escaliers sans rampe. Il faut absolument assurer certains services d'aide pour les personnes souffrant de troubles psychiatriques. En tant que pays, nous pouvons nous les permettre et nous devons les mettre en place.

+-

    Le président: À regarder son air, je crois que le juge Ormston meurt d'envie de nous faire part de ses commentaires.

+-

     Le juge Edward Ormston: Oui.

    Il est vrai que les médicaments ont leur place. La médication a permis de désinstitutionnaliser beaucoup de patients et leur permettre de vivre des vies tout à fait normales et sécuritaires, mais nous étions censés consacrer des ressources pour les autres, nous devions bâtir des maisons de transition et construire de nouvelles cliniques. Certaines personnes n'ont pas de maison et n'ont pas d'endroit où garder leurs médicaments. Ces personnes n'ont pas les moyens de payer les 4 $ de frais pour l'ordonnance chaque fois qu'elles doivent la renouveler. Elles ne peuvent même pas se permettre le transport pour se rendre à la pharmacie. Elles n'ont pas de logis. Si elles avaient accès à ces médicaments, un endroit où les conserver, leur vie serait beaucoup plus facile.

    L'autre frustration, c'est que le comité ne peut agir seul. La plus grande frustration que j'ai éprouvée par rapport au tribunal de la santé mentale avait trait au décloisonnement créé par le gouvernement. Par exemple, un fonctionnaire du ministère de la Santé n'approuvera pas une subvention de 100 000 $ pour embaucher deux nouveaux travailleurs sociaux en hygiène mentale parce que cela fera augmenter son budget et nuira donc à son évaluation qui nuira à son tour à sa promotion. Le simple fait que ces deux travailleurs feront faire des économies de 1 million de dollars au ministère des Services correctionnels en limitant le nombre d'incarcérations n'améliorera pas l'évaluation de ce fonctionnaire. Il faut s'assurer que ces différents prestateurs de services communiquent entre eux pour que le fonctionnaire du ministère de la Santé qui approuve les sommes nécessaires pour l'embauche des travailleurs sociaux soit récompensé pour l'argent qu'il fait économiser aux Services correctionnels.

    Comment éliminer ce cloisonnement? Nous y sommes parvenus avec la cour de la santé mentale en discutant avec les intervenants qui travaillent auprès des contrevenants, pas leurs patrons, parce que leurs patrons ne me parlent que d'argent: nous n'avons pas les moyens de faire cela, pourquoi n'obtenez-vous pas de nouvelles ressources pour nous? Les travailleurs sociaux me répétaient des choses du genre, mon client doit avoir accès à un programme particulier, mais mon organisation ne fournit pas ce service; si vous l'ordonnez, elle n'aura d'autre choix que de le faire, mais ne lui dites pas que c'est moi qui vous l'ai demandé. Les agents des Services correctionnels me disaient, quant à eux, si vous écrivez telle ou telle chose dans votre ordonnance, ces gens devront être amenés à une certaine prison à un moment précis, mais ne leur dites pas que c'est moi qui vous l'ai dit, parce que l'on veut que ces prisonniers soient dans un endroit différent pour des raisons bien différentes du côté des Services correctionnels.

    Ce sont les gens qui travaillent sur le terrain qui ont les réponses. Ces gens travaillent bien entre eux, mais il faut trouver moyen d'éliminer le cloisonnement. Il nous faudrait un autocrate de la santé mentale. Par exemple, Seattle a une cour de la santé mentale semblable. D'ailleurs, les États-Unis disposent maintenant de 600 cours de la santé mentale. La première a été créée, je crois, environ trois mois après la nôtre et à présent ils en ont 600. Les services sont entièrement assurés par des fonds publics du fédéral. Ils ont un autocrate de la santé mentale qui élimine les obstacles lorsque c'est nécessaire. Il peut appeler le ministère des Services correctionnels et dire, par exemple, déplacez ces prisonniers de cet endroit à un autre parce que cela sera bénéfique pour eux, et il peut appeler un organisme et dire vous recevez de l'argent du gouvernement d'État, donc vous devez fournir ce service à cette personne et nous ne voulons pas savoir ce que vous dicte votre budget, vous devez vous conformer à cet ordre. Il peut éliminer ces obstacles.

    C'est ce qui me paraît vraiment frustrant, ce comité devra traiter de ces questions avec le ministère de la Santé, tous les ministères de la Santé et tous les Services correctionnels de tous les niveaux. Un comité doit pouvoir réunir tous ces éléments. Je crois que nous disposons des ressources et qu'il faudrait seulement apprendre à les utiliser.

»  +-(1755)  

[Français]

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Monsieur le juge, vous m'avez éveillée à une certaine réalité. Vous semblez parler d'infractions mineures, dans votre tribunal. On ne parle pas de gens qui ont commis des crimes. Vous semblez parler de gens qui ont fait pipi dans la rue ou de choses semblables. Donc, vous êtes dans un niveau de cour que je qualifierais d'inférieur. Vous traitez des infractions pénales, un peu.

[Traduction]

+-

     Le juge Edward Ormston: Mais c'est la grande majorité des gens que touche le Code criminel. Pourquoi? Parce que le Code criminel est devenu pour ces gens-là le système de bien-être social de dernier recours.

[Français]

+-

    Mme Carole-Marie Allard: J'ai compris cela, mais vous devez, même dans des cas d'infraction mineure, vous demander s'ils sont aptes à subir leur procès. Vous avez le même questionnement à faire, qu'il s'agisse d'un meurtre ou d'une infraction. Vous êtes régi par la même obligation.

[Traduction]

+-

     Le juge Edward Ormston: S'il s'agit d'un meurtre, certainement, mais si c'est une infraction mineure, je pense qu'il devrait exister une autre option afin que l'on ne soit pas forcé de poursuivre chaque petit crime s'il y a un problème de santé mentale. Je voudrais que ces affaires sortent du système. On fait pas mal cela à l'heure actuelle, mais il nous faut tout de même les accuser avant de les sortir du système. Donnez à la police une autre option afin que l'on ne soit pas forcé de les accuser et de les conduire à l'hôpital, qu'on puisse les emmener ailleurs, où ils pourront trouver une cigarette, un café, se calmer, où l'on pourra prendre contact avec un travailleur social et les faire sortir par la porte de derrière avec le travailleur social.

    Est-ce que le comité peut faire cela? Probablement pas, mais le ministère de la Santé le pourrait.

[Français]

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Le problème n'est-il pas au niveau de la définition des infractions dans l'article même? D'après moi, pour décider si quelqu'un est apte ou inapte, on devrait tenir compte de la gravité du crime. Ce que vous semblez dire, en tout cas, c'est que les gens ne sont pas dangereux. Alors, pourquoi leur faire subir un procès? Pourquoi les priver de leur liberté? Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi?

[Traduction]

+-

     Le juge Edward Ormston: Que cette interrogation passe de vos lèvres à l'oreille de Dieu.

+-

    Le président: Sur cette note, monsieur McKay.

+-

    M. John McKay: Est-il possible d'essayer les lèvres?

+-

     Le juge Edward Ormston: Je me retrouverais devant le Conseil de la magistrature.

+-

    M. John McKay: J'ai trois questions pour M. Upshall. Tout d'abord, vous dites qu'il y a une forte augmentation dans l'utilisation des lits du fait de certains amendements en 1992. J'aimerais que vous développiez votre pensée à ce sujet parce que je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la corrélation entre a et b.

    Deuxièmement, en passant, vous avez dit que l'article 16 retirait l'inversion de la charge de la preuve. J'examine l'article 16 et cette inversion et je ne vois pas comment l'article pourrait marcher si on la supprimait.

    Troisièmement, vous avez dit qu'il faudrait clarifier la définition. Voilà mes trois questions.

    Le juge Ormston veut une troisième option. Il y a un candidat à la direction du Parti progressiste conservateur qui semble vouloir criminaliser les itinérants. Je me demande s'il existe des variations sur cette notion qui a été entièrement discréditée dans les médias mais qui peut être un tant soit peu sensée--ce qui, évidemment, ne peut être reconnu publiquement par des Libéraux.

    Deuxièmement, vous dites qu'un juge peut ordonner une mesure mais il n'y a pas de sanction. Je ne comprends pas. C'est intéressant. Ce sont là les deux questions.

¼  +-(1800)  

+-

    M. Phil Upshall: Votre première question portait sur l'augmentation des services de psychiatrie légale. Plutôt que d'expliquer les choses à ma façon, je vous renverrais à une documentation sur le système de psychiatrie légale provincial publiée par le ministère de la Santé en 1997 en Ontario. Je vais vous lire cela en une seconde.

De façon générale, le principal problème demeure l'augmentation énorme de la demande en services de psychiatrie légale depuis 1992. Lorsque le Code criminel a été modifié en février 1992, le système de renvoi à des services de psychiatrie légale a sensiblement changé au Canada. Il est devenu beaucoup plus courant pour les tribunaux d'ordonner des évaluations psychiatriques. Il n'est plus nécessaire qu'un juge ait des preuves raisonnables de troubles mentaux pour ordonner une évaluation approfondie. En Ontario, les taux d'augmentation pour les nouvelles admissions se situaient entre 65 et 70 p. 100 dans les 10 ISPP. Ce qui aggrave le problème, en nombre absolu, c'est que l'on s'attend à ce que ces gens occupent des lits protégés.

+-

    M. John McKay: Est-ce simplement un juge qui manque de bon sens et se contente d'ordonner une évaluation psychiatrique parce qu'il veut vider la salle d'audience?

+-

    M. Phil Upshall: Pourquoi me posez-vous une question sur les juges et le bon sens quand je suis assis à côté d'un juge?

+-

    M. John McKay: Je veux juste voir si l'on froncerait les sourcils.

+-

    M. Phil Upshall: Il menace de me retenir.

    Je dirais que c'est beaucoup de précautions. L'autre question, c'est que lorsque l'on va à l'hôpital pour se faire soigner, on y va les bras ouverts et prêts à travailler avec les professionnels de la santé pour obtenir un traitement. Quand quelqu'un souffre de troubles mentaux ou est handicapé mental et passe par le système pénal, ce n'est jamais une ambulance qui va le chercher, c'est une voiture de police et il est même peut-être neutralisé au Taser-gun. On les amène dans des cellules de prison. On les affole complètement. Ils ne veulent plus parler, sauf avec des gens à qui ils pensent pouvoir faire confiance. Souvent, ce sont ceux avec lesquels ils sont emprisonnés. Quand ils discutent ainsi, comme l'a dit le juge Ormston, ils apprennent comment parler, ce qu'il faut dire et ne pas dire. Donc, quelquefois même lors de leur première comparution, ils peuvent sembler assez bien informés au juge.

    Les juges, par excès de précaution, me semble-t-il, veulent s'assurer que leur décision ne fera pas l'objet d'un appel. D'autre part, beaucoup de juges maintenant—malheureusement pas suffisamment—font attention aux questions de maladie mentale pour chaque accusé et se demandent s'il ne serait pas bon d'obtenir une évaluation.

+-

    M. John McKay: Excusez-moi. Qu'y avait-il dans l'amendement qui a provoqué cet énorme revirement?

+-

    M. Phil Upshall: On a retiré l'obligation pour le juge d'avoir des preuves raisonnables de troubles mentaux avant d'ordonner une évaluation approfondie. Un juge peut donc maintenant dire, avec ou sans élément de preuve, peut-être simplement en regardant l'accusé, que c'est un cas à évaluer.

    Avez-vous posé une question sur l'utilisation des lits? Je pourrais faire un commentaire.

¼  +-(1805)  

+-

    M. John McKay: Non, ce qui m'inquiétait c'est que l'on ait retiré l'inversion de la charge de la preuve. J'ai dit que j'avais examiné l'article 16 et que je ne voyais pas comment cela pourrait marcher si l'on retirait cette inversion.

+-

    M. Phil Upshall: De la même façon pour tout le monde, qu'on soit toxicomane, ivre, ou autre. La question est de savoir si la Couronne peut prouver que l'on est coupable hors de tout doute raisonnable, qu'on avait l'intention de faire ce que l'on a fait et que l'acte commis relève du Code criminel? L'inversion de la charge de la preuve n'est imposée à personne d'autre pour prouver s'ils sont sains d'esprit ou non. C'est à la Couronne de prouver les deux éléments de l'infraction. Allez dire qu'un accusé dans un cas de maladie mentale devrait répondre—je sais que ce n'est pas le niveau criminel, c'est seulement la prépondérance raisonnable de la preuve—est à notre avis discriminatoire et stigmatisant, malgré la décision de la Cour suprême. Pourquoi suffit-il que le Parlement, par le passé, a estimé nécessaire d'imposer cette responsabilité à quelqu'un? C'est ce que nous nous demandons. Pourquoi est-ce cela? Quand on pense à quelqu'un qui souffre de diabète, qui ne prend pas son insuline et qui tombe dans le coma, un accident de voiture, tue des gens, les tribunaux ne lui tombent pas dessus, il s'agit de quelqu'un qui ne prend pas son médicament.

+-

    M. John McKay: Je suppose qu'à l'inverse, la présomption de responsabilité personnelle est la présomption intrinsèque de tout le système.

+-

    M. Phil Upshall: Tout à fait.

+-

    M. John McKay: Je crois que c'est la raison pour laquelle le Parlement en 1992 a décidé d'inverser le fardeau.

+-

    M. Phil Upshall: Mais aucun autre accusé n'est chargé de prouver ou réfuter quoi que ce soit. C'est à la Couronne de présenter l'actus reus et le mens rea et la défense, si elle pense que c'est approprié, répond. Voilà pour le côté juridique.

    Cela dit, il ne fait aucun doute qu'il faut que le fédéral et les provinces s'entendent sur le fait que siquelqu'un se trouve dans les tribunaux et a de toute évidence besoin d'une évaluation de son état de santé, cette personne y a droit et pourrait peut-être être tenue d'obtenir cette évaluation, mais pas dans le contexte du Code criminel, pas de façon stigmatisante qui fait qu'elle se retrouve avec un casier judiciaire. Elle se retrouve fichée au CIPC, coupable ou non. C'est horrible.

+-

    M. John McKay: Mais la stigmatisation demeure, quelle que soit la façon dont on envisage la charge. Que la défense prouve selon toute probabilité que je ne suis pas en état ou que la Couronne prouve en toute probabilité que je ne suis pas en état ou que je le suis, selon le cas, la stigmatisation demeure.

+-

    M. Phil Upshall: Je répondrai simplement que si la Couronne conclut qu'il n'y a pas de doute raisonnable pour ce qui est de l'actus reus et du means rea, dans tout autre cas qu'un cas de santé mentale, il suffit de soulever un doute raisonnable. Il me suffit d'attaquer un peu l'actus reus ou le mens rea et il n'est pas besoin d'aller beaucoup plus loin pour obtenir la prépondérance des probabilités. Il suffit que j'attaque un argument de la Couronne. Comme vous le savez, dans tout autre cas, les juges disent, je crois vraiment que la Couronne a presque prouvé le bien-fondé de sa cause mais pas complètement et je dois relâcher cette personne. Je ne sais pas ce que le juge dirait à ce sujet.

+-

    Le président: A -t-on répondu aux trois questions?

+-

    M. John McKay: Non. On n'a pas parlé de la clarification de la définition.

+-

    M. Phil Upshall: C'est qu'il faudrait clarifier ou préciser la définition et les critères permettant de déterminer l'aptitude à subir un procès.

¼  +-(1810)  

+-

    M. John McKay: Je suppose que c'est ce dont il est question.

+-

    M. Phil Upshall: Nous disons qu'en recourant à la prépondérance de probabilités du paragraphe 16(2), la définition actuelle est discriminatoire et réduit la possibilité pour un accusé de faire face aux échéances. Nous disons également dans notre mémoire:

Les évaluations visant à déterminer l'aptitude à subir un procès ajoutent à la perte d'espoir et à la gettoïsation des malades mentaux. Cela signifie également trop souvent que l'accusé est incarcéré trop longtemps, en attendant que l'évaluation soit terminée.

    Comme on vous l'a dit, cela peut prendre quatre, six, sept, huit mois.

Autrement dit, STHC préconise un traitement si les dispositions strictes du Code criminel prouvent la perpétration d'un délit avec les préconditions de condamnation. Toute autre chose contrevient aux droits naturels et humains de tout accusé.

+-

    M. John McKay: D'accord, je comprends.

+-

    Le président: Nous allons maintenant passer au juge Ormston.

+-

     Le juge Edward Ormston: Rien dans le Code criminel ne sanctionne le non-respect d'une condition associée à une décision. Par contre, il sanctionne les manquements aux conditions de probation, l'inobservation des conditions liées à une condamnation, mais si après avoir déterminé la nécessité d'observer certaines conditions, plutôt que d'envoyer l'intéressé devant la Commission d'examen de l'Ontario, je lui intime d'aller en consultation à l'hôpital à telle ou telle date, de s'abstenir de boire de l'alcool ou et prendre de la drogue, de suivre des séances de counselling et qu'il n'en fait rien, aucune disposition du Code ne me permet de sanctionner le non-respect de ces conditions, de l'envoyer en prison ou de prendre des mesures de ce genre.

    Il y a l'article 127 du Code criminel qui traite d'une manière générale des diverses formes d'inobservation de décisions des juges, mais selon moi une sanction précise devrait être prévue pour le non-respect de conditions associées à une décision. Ce pourrait aussi être un outil très efficace pour la Commission d'examen qui parfois a des cas de délinquants beaucoup plus dangereux à régler, comme par exemple des prédateurs sexuels, et pourrait imposer comme condition de consommer du crack. S'ils le font quand même, que leur arrive-t-il? On les renvoie à l'hôpital? Ça ne les fera pas arrêter. En associant à ce manquement aux conditions une sanction d'emprisonnement, vous donneriez à la Commission d'examen et aux hôpitaux responsables de l'administration de ces conditions de quoi se faire mieux respecter par les délinquants.

+-

    M. John McKay: Lorsque vous prenez cette décision accompagnée de conditions, quelle est l'inculpation aux yeux du Code criminel? C'est une inculpation criminelle?

+-

     Le juge Edward Ormston: C'est une accusation criminelle et l'inculpé est jugé inapte. Je peux soit imposer des conditions, auquel cas mes conditions sont examinées dans les 90 jours par la Commission d'examen de l'Ontario, ou je peux refuser de statuer, auquel cas la Commission d'examen de l'Ontario doit le voir dans les 45 jours. Si je lui impose comme conditions de se rendre en consultation dans un certain hôpital, s'il ne le fait pas, je n'ai aucun recours sauf peut-être l'article 127, mais je ne suis pas certain qu'il soit applicable.

    J'ai entendu dire—je ne sais pas si le Dr Bradford vous en a parlé—qu'à Ottawa ils ont quelques délinquants graves pour lesquels ils ne peuvent pas vraiment faire grand-chose s'ils ne respectent pas les conditions liées à la décision, si ce n'est de les ramener à l'hôpital. Peut-être que cette sanction d'emprisonnement est nécessaire, tout particulièrement pour ce genre de délinquants, pour les garder sur le droit chemin.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur McKay.

+-

    M. John McKay: Il n'a pas répondu à la question sur la troisième possibilité.

+-

     Le juge Edward Ormston: Je n'ai pas entendu ce qu'a vraiment dit M. Flaherty et je ne sais pas si ce qui a été rapporté reflète effectivement ce qu'il a dit.

    La troisième option appliquée à Seattle repose sur plusieurs prémisses. Les policiers suivent quelque 60 ou 124 heures de formation spéciale de comportement à des délinquants souffrant de troubles psychologiques. L'agent de service qui répond aux appels téléphoniques demande toujours s'il s'agit d'un cas de trouble mental? Dans l'affirmative, il essaie de mettre le policier en contact avec un travailleur social. Il essaie alors de convaincre l'intéressé de monter dans la voiture sans l'arrêter parce qu'une fois arrêté, la procédure judiciaire se met en marche avec sa litanie d'audiences, de libération sous caution, de services d'avocat, etc. etc. Il ne l'arrête pas mais le transporte jusqu'à un lieu sûr. Le policier sait que l'intéressé ne traînera plus dans la rue pour le moment, les citoyens se sentent rassurés sachant qu'ils ne le reverront pas vingt minutes plus tard au même endroit puisqu'il est pris en charge par des professionnels. À Seattle, les résultats sont excellents. L'intéressé n'est pas inculpé quelques jours plus tard, il est simplement pris en charge, calmé et mis en rapport, c'est à espérer, avec un travailleur social.

+-

    M. John McKay: Qu'est-ce qui empêche actuellement ce policier de le faire, de convaincre cette personne de monter dans sa voiture?

+-

     Le juge Edward Ormston: Où va-t-il l'emmener? Il ne peut l'emmener qu'à un hôpital, où il devra attendre pendant 14 heures, ou à la prison. Il ne peut pas le promener en voiture toute la nuit et il n'a nulle part ailleurs où l'emmener.

    Avec quel argent? Encore une fois, parlez aux responsables des services de santé dans cet immeuble car, soyons francs, la psychiatrie médico-légale est le parent pauvre de notre système de santé. Une fois qu'on a trouvé de l'argent pour les maladies cardiaques, pour le cancer, pour le sida et pour tout le reste, on finit par se souvenir des besoins de la psychiatrie et en tout dernier des besoins de la psychiatrie médico-légale. Quelles que soient les décisions de financement de la santé prises par les gouvernements, s'ils se décidaient à mettre en place ce genre d'établissement pour ce genre de personnes, cela pourrait marcher.

¼  +-(1815)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    M. Grose.

+-

    M. Ivan Grose: Non, merci, monsieur le président. C'est à mettre au crédit de ces messieurs mais ils n'ont pas réussi à me faire perdre mon latin. Est-ce que je dois plaider coupable?

+-

    Le président: J'avais pensé que pour le moins vous pourriez aborder la question d'un grand patron de la santé mentale, mais faites comme vous voulez.

    Monsieur Cadman, allez-y.

+-

    M. Chuck Cadman: Vous avez parlé des endroits où on les emmène. J'ai eu l'occasion il y a quelques semaines de faire un tour en voiture de patrouille de la Gendarmerie royale dans mon comté de Surrey, et j'en ai profité pour discuter avec le gendarme. Cela me rappelle un incident similaire pendant lequel ils ont donné la chasse à quelqu'un sur le quai d'une station du Sky Train, notre métro. Cette personne était soupçonnée d'un geste quelconque. Elle a dit qu'elle allait se tuer et a essayé de se jeter devant le métro qui arrivait en entraînant le policier qui la tenait. Comme le policier qui la tenait par le bras était solide sur ses jambes, elle n'a pas pu sauter. Ils l'ont emmenée à l'hôpital, et quand ils sont revenus au poste de la Gendarmerie, le type avait été relâché. Je connais le cas d'une personne qui a fini par se suicider deux semaines après qu'elle ait été arrêtée lors d'un autre incident dont je m'étais occupé.

    Qui est responsable? Le policier dans cette dernière affaire a demandé si les psychiatres n'étaient pas un peu fous? C'est comme ça qu'il l'a dit. Pourquoi ont-ils remis ce type dans la nature? Est-ce que c'est une question de ressources? Est-ce qu'il y a certaines responsabilités quand quelqu'un est remis dans la nature et que le lendemain il saute sous le métro?

+-

     Le juge Edward Ormston: Le problème pour les hôpitaux, c'est qu'ils ne voient l'intéressé que trois ou quatre heures après l'événement, qu'il a peut-être cuvé sa drogue ou son alcool et on conclut que dans les circonstances il ne pose pas de danger pour lui-même ou pour les autres...

+-

    M. Chuck Cadman: C'est exactement ce qu'ils ont dit.

+-

     Le juge Edward Ormston: ...ils le relâchent: nous lui avons parlé, il n'est pas une menace. Ils ne veulent pas le garder parce qu'ils manquent de lits. C'est pour ça et rien d'autre. La police se sent donc obligée de les arrêter et c'est la raison pour laquelle je pense que nos tribunaux sont débordés par ce genre d'affaires parce que les policiers n'ont pas le choix. Les policiers le reconnaissent eux-mêmes, ils ne le nient absolument pas.

+-

    M. Chuck Cadman: Très bien, merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Cadman.

    Mme Allard.

[Français]

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Le tribunal que vous avez à Toronto est-il est étiqueté pour les malades mentaux? Il n'est pas identifié publiquement, mais tout le monde sait que c'est cela. L'expérience est-elle entérinée par...?

[Traduction]

+-

     Le juge Edward Ormston: On ne l'appelle pas le tribunal pour malades mentaux. Les professionnels savent de quoi il s'agit, c'est la salle de tribunal 102 chez nous.

+-

    Mme Carole-Marie Allard Je suis membre du comité sur la consommation non médicale de drogues. Vous avez un tribunal à Toronto pour les affaires de drogue.

+-

     Le juge Edward Ormston: Oui, nous avons également à Toronto un tribunal distinct pour les affaires de drogue.

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Oui. Notre comité est allé sur place pour étudier la question. Votre tribunal est donc différent.

+-

     Le juge Edward Ormston: C'est aussi très frustrant. L'argent pour financer ce tribunal venait du gouvernement fédéral, du fonds de prévention du crime, et le budget était d'environ 5 millions de dollars. Mais beaucoup de leurs problèmes ont une origine double. Vous avez des délinquants souffrant de troubles mentaux qui se soignent à coups de crack ou à coups d'autres choses, ou vous avez des toxicomanes qui ont des troubles mentaux. Il est frustrant de ne pas pouvoir accéder au financement de ce tribunal pour une partie du budget de notre tribunal. Il faudrait donc que cela soit la règle, qu'une partie de ce budget serve à financer les tribunaux pour malades mentaux lorsque l'origine du problème est double.

¼  +-(1820)  

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Sauf erreur, c'est une expérience.

+-

     Le juge Edward Ormston: C'est une expérience, ça marche déjà aux États-Unis. Encore une fois, aux États-Unis il y a 600 tribunaux pour la toxicomanie et 600 pour les maladies mentales.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    On nous a beaucoup parlé ressources. Si sur le plan concret notre marge de manoeuvre est limitée, sur celui de la réflexion elle ne l'est pas. J'ose donc espérer que ces informations alimenteront la politique publique canadienne par la simple vertu de la conduite de cet exercice.

    J'ai une question à poser au juge Ormston. Si nous avions les ressources nécessaires, vos collègues seraient-ils en mesure de prendre les décisions qui permettraient d'utiliser ces ressources aux fins que nous semblons tous souhaiter?

+-

     Le juge Edward Ormston: L'Institut national de la magistrature est commandité par le gouvernement fédéral. C'est lui qui forme les juges. Il dispense aux juges un cours de formation sur les problèmes de santé mentale. Mon collègue, le juge Snyder, qui est psychologue, M. Richard Snyder, a présenté nombre des documents que vous avez vus, et depuis deux semaines il est membre de notre magistrature. Il travaille à ce programme avec George Thompson qui en a la responsabilité.

    Il semble qu'on soit en train de mettre en place, certainement en Ontario, une théorie de la jurisprudence thérapeutique. C'est la théorie appliquée par le tribunal réservé aux affaires de drogue de Toronto et par le tribunal sur les maladies mentales de Toronto. Nous avons désormais un tribunal pour les questions autochtones à Toronto, et nous avons deux tribunaux pour les affaires de violence conjugale. Tous ces tribunaux traitent de problèmes sociaux. La jurisprudence thérapeutique est difficile à expliquer. La loi a pour but de punir, de rééduquer, mais si vous dites que la loi a pour but de guérir, vous entrez dans le domaine de la jurisprudence thérapeutique. Il arrive un moment dans la vie des juges où ils savent qu'ils peuvent influer sur l'évolution de certains problèmes en les contrôlant d'une certaine manière, en faisant recomparaître les intéressés, en les félicitant du succès de leur traitement, félicitations qui sont d'autant plus importantes qu'elles émanent d'un symbole d'autorité—par opposition à une simple décision de sanction, avec deux années de probation et sans jamais les revoir. Certains juges font revenir leurs prévenus pour leur dire: Ça va très bien, continuez.

    Ce genre d'initiatives marchent très bien avec une certaine catégorie de contrevenants, mais cela prend du temps. Nous sommes toujours en train de courir après le temps, après les retards. Nous finissons par traiter des dossiers et non plus par entendre des affaires. Certains juges ont décidé qu'il fallait se calmer, prendre son temps et écouter les gens. On ne peut pas tout traiter à la chaîne.

    Vous avez demandé si nous sommes prêts. Nous sommes presque prêts. Quand vous aurez tout mis en place, nous serons là.

+-

    Le président: Je crois qu'un ou deux membres du comité m'ont déjà exprimé le désir d'examiner votre tribunal de plus près. Je crois que nous allons probablement y réfléchir.

+-

     Le juge Edward Ormston: Contactez-moi, je vous en prie, et nous fixerons une date. Nous siégeons tous les après-midi. Les prisonniers arrivent à 11 heures, mais le juge n'arrive qu'à 14 heures. Nous siégeons jusqu'à ce que l'affaire soit réglée. Les psychiatres sont là, et vous pourrez voir l'interaction avec les autres participants. Vous pourrez voir ceux qui ne sont plus incarcérés et qui reviennent.

    Les gens sont prêts à faire des choses pour avoir des petites récompenses. J'aime raconter l'histoire de mon greffier, un Autochtone, qui a décidé d'offrir un certificat à ceux et celles qui arrivent à retrouver le droit chemin. C'est un objet d'art autochtone montrant que la société grandit et s'épanouit grâce à eux, et il leur offre ça, payé de sa propre poche. Les gardes de notre tribunal qui gagnent un salaire modeste, ont pris un jour de congé pour suivre un cours de formation donné par des psychiatres sur les méthodes à employer pour traiter sans violence les délinquants souffrant de troubles mentaux. Ils leur mettent rarement les menottes, ils leur parlent, nous leur donnons tout le temps nécessaire. Les gens le font volontairement. Il y a énormément de bonne volonté si seulement nous avions les structures nécessaires, et nous espérons que certaines de ces recommandations aboutiront à la mise en place de cette structure.

+-

    Le président: Merci beaucoup. Votre témoignage a été très utile, très instructif et très agréable.

+-

    M. Chuck Cadman: J'ai presque envie d'applaudir.

¼  -(1825)  

+-

    Le président: M. Cadman voudrait applaudir.

+-

    M. Phil Upshall: J'aimerais vous remercier de votre attention et de l'intérêt évident que vous portez à ce sujet. C'est un sujet exceptionnellement important. Nous vous remercions infiniment de votre invitation.

-

    Le président: Merci.

    Nous allons passer à huis clos pour quelques instants.

    [Note de la rédaction: La séance se poursuit à huis clos]