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PACC Rapport du Comité

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CHAMBRE DES COMMUNES
OTTAWA, CANADA
K1A 0A6





INTRODUCTION ET CONTEXTE

OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS

CONCLUSION

RAPPORT MINORITAIRE DU NPD


Conformément à l’article 108(3)e) du Règlement, le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes a l’honneur de présenter son

VINGTIÈME RAPPORT

Le Comité permanent des comptes publics, ayant tenu compte du chapitre 6 du rapport d’avril 2003 du Vérificateur général du Canada (Aide du gouvernement fédéral accordée aux Premières nations — Le logement dans les réserves), a convenu de soumettre le rapport qui suit.

INTRODUCTION ET CONTEXTE

Selon le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC), le Canada compte 612 collectivités des Premières nations, dont la plupart se composent de moins de 500 résidents. En 2001, environ 423 000 personnes vivaient dans les réserves (soit 146 500 en zone urbaine, 189 000 dans les régions rurales, 15 500 en région éloignée et 72 000 dans des zones d’accès difficile)[1].

En 2001, le MAINC estimait qu’il existait quelque 89 000 unités de logement dans les réserves afin de loger environ 97 500 ménages, d’où une pénurie de 8500 unités. D’autre part, quelque 44 % des unités existantes exigeaient des rénovations. De façon générale, le parc de logements se détériore plus vite dans les réserves, surtout à cause de la qualité inférieure des pratiques de construction et des matériaux utilisés, de l’absence d’entretien adéquat et du surpeuplement. Nombre d’études effectuées au cours des deux dernières décennies ont souligné que la médiocrité des conditions de logement a des effets négatifs sur la santé, l’éducation et la situation sociale globale des personnes et collectivités des réserves[2].

D’après les tendances démographiques actuelles observées chez les Premières nations, quelque 4500 nouveaux ménages devraient se former chaque année pendant au moins les 10 années à venir. Aux niveaux actuels, l’appui fédéral au logement dans les réserves devrait financer chaque année la construction d’environ 2600 nouvelles unités de logement et la rénovation de quelque 3300 unités existantes. Si la tendance démographique actuelle se maintient et que l’aide fédérale demeure inchangée, les niveaux élevés de surpeuplement et de logement inférieur aux normes persisteront, en raison d’une combinaison de facteurs qui incluent la croissance de la population, la hausse des coûts de construction et d’entretien, l’accès limité aux ressources non gouvernementales et les niveaux croissants d’endettement.

Les facteurs socio-économiques qui règnent dans les collectivités des Premières nations contribuent également à la médiocrité du logement. D’après les données du MAINC, le taux de croissance de la population dans les réserves représente plus de deux fois la moyenne nationale, plus de la moitié de cette population ayant moins de 25 ans. Le taux de chômage est également le double de la moyenne nationale et les niveaux de revenu, dans les réserves, se situent à quelque 60 % des normes canadiennes. L’abus d’intoxicants, la violence familiale et le suicide sont également liés à la médiocrité du logement. Qui plus est, les niveaux croissants d’endettement réduisent la capacité des collectivités des Premières nations de construire et de rénover des logements dans les réserves. La dette relative au logement, que garantit le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, est passée de 806 millions $ en 1992-1993 à 1,25 milliard $ en 2001‑2002[3].

D’autre part, le statut juridique des populations des réserves et l’imprécision des règles régissant la tenure, la propriété et les responsabilités à l’égard du logement nuisent aux progrès de l’amélioration des conditions de logement. En vertu de la Loi sur les Indiens, l’État détient le titre sur les terres et la propriété collective des terres et des logements constitue la forme la plus fréquente de tenure dans les réserves. Le grèvement par hypothèque et la saisie des terres et des biens situés dans les réserves ne peuvent se faire qu’en faveur d’un Indien ou d’une bande indienne ou par un Indien ou une bande. L’accès au financement privé est restreint car le financement par hypothèque ne peut être obtenu par nantissement, les dispositions de la Loi sur les Indiens l’interdisant. Les subventions gouvernementales sont donc un élément critique de la contribution à l’amélioration des conditions de logement dans les réserves.

Le MAINC et la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) sont les deux principaux organismes fédéraux qui viennent en aide aux Premières nations dans la satisfaction de leurs besoins de logement dans les réserves. Le vérificateur général estime qu’ensemble, ils ont versé environ 3,8 milliards $ aux fins du logement dans les réserves au cours des 10 dernières années et que tous deux ont contribué à la construction d’environ 29 000 nouvelles unités et à la rénovation de 33 000 unités existantes, en plus de fournir d’autres formes d’aide au logement.

En juillet 1996, le gouvernement fédéral a mis en œuvre une nouvelle politique de logement dans les réserves ayant pour but d’accroître la responsabilité et le contrôle locaux des logements dans les réserves, d’améliorer la souplesse du programme et d’encourager un usage accru de ressources non gouvernementales dans l’amélioration des conditions de logement. En vertu de cette nouvelle politique, les Premières nations sont tenues de préparer et d’instaurer des programmes de logement à base communautaire et des plans pluriannuels de logement. Ces plans doivent constituer l’instrument principal de la coordination des ressources, de la mesure des progrès et du renforcement de l’obligation de rendre compte au gouvernement et à la collectivité. Ils doivent aussi former l’assise d’obtention de l’aide financière fédérale. En mars 2001, environ 400 collectivités des Premières nations avaient adopté la nouvelle politique et touché leur part d’une contribution unique d’un total de 240 millions $ rendue accessible par la réattribution du financement au sein du MAINC. Les collectivités qui n’ont pas adopté la politique de 1996 continuent d’observer la politique antérieure.

La vérification a permis de constater que ni le MAINC ni la SCHL n’ont clairement défini ce que vise à réaliser leur aide aux Premières nations au chapitre du règlement de la pénurie critique de logement et qu’ils n’ont pas non plus arrêté de calendrier de réalisation. D’autre part, les programmes de logement et les rouages de financement sont complexes et doivent être simplifiés et assortis d’un partage clair de la responsabilité des résultats. Toutes les parties concernées doivent en venir à une entente générale sur leurs rôles et responsabilités respectifs en matière de logement dans les réserves. Par ailleurs, le Parlement ne reçoit pas une information complète sur la situation du logement dans les réserves ni sur l’utilisation réelle des fonds du Ministère et de la SCHL. Une information plus juste et plus complète sur les conditions de logement, tout comme sur le rendement et les résultats des programmes, est nécessaire pour aider le MAINC, la SCHL et les Premières nations à prendre leurs décisions d’attribution et à renforcer l’obligation redditionnelle envers le Parlement et les collectivités des Premières nations.

La crise irrésolue du logement dans les réserves est une source de préoccupation profonde pour le Comité. Les efforts que déploie actuellement le gouvernement fédéral pour régler la pénurie de logement dans les réserves n’ont pas obtenu le succès escompté et n’ont pas suffi à contrôler la détérioration continue des conditions de logement des collectivités des Premières nations. Sans égard aux efforts et aux ressources consacrés depuis longtemps au règlement des problèmes de logement, les résultats réels n’ont pas permis de réaliser les attentes et les progrès demeurent hors de portée. Le Comité a donc décidé de se rencontrer le 5 mai 2003 pour étudier les questions pertinentes au logement dans les réserves et explorer des solutions possibles. Mme Maria Barrados (vérificatrice générale adjointe), M. Joe Martire (directeur principal) et M. André Côté (directeur) représentaient le Bureau du vérificateur général du Canada, tandis que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien était représenté par Mme Joan Atkinson (sous-ministre adjointe, Secteur des programmes et des politiques socio-économiques) et M. Gilles Rochon (directeur général, Développement communautaire, Secteur des programmes et des politiques socio-économiques) et la Société canadienne d’hypothèques et de logement, par M. Douglas Stewart (vice‑président, Politiques et programmes) et Mme Deborah Taylor (directrice, Division de l’aide au logement).

OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS

Rendement du programme

Plusieurs éléments du rendement du programme de logement dans les réserves ont attiré l’attention du Comité. Le plus important de ceux-ci était la question de l’assurance que les logements situés dans les réserves se conforment aux normes du Code national du bâtiment du Canada. La politique gouvernementale requiert que tous les logements construits dans les réserves avec le soutien financier fédéral respectent, au minimum, le Code national du bâtiment du Canada. Pourtant, selon la vérification, tant le MAINC que la SCHL ont été incapables de fournir l’assurance que les unités de logement à financement fédéral étaient conformes au Code.

Selon la vérification, les représentants officiels du MAINC et de la SCHL ont prétendu qu’il revenait aux Premières nations de faire en sorte que les nouveaux logements soient conformes au Code national du bâtiment. Bien qu’il existe déjà un certain nombre de processus permettant de fournir des services d’inspection, on ne sait trop dans quelle mesure ces services garantissent que les nouvelles unités construites dans les réserves respectent réellement le Code. Plus précisément, la position de la SCHL s’énonce ainsi : « La SCHL, qui n’est pas un organisme de réglementation, n’a ni le mandat ni le pouvoir de faire respecter les codes ou normes de construction. La responsabilité d’instaurer des mesures d’assurance de la qualité et d’assurer le respect du Code revient aux Premières nations. Cette situation est comparable à celle du logement hors des réserves où les pouvoirs locaux, comme les municipalités et parfois, les provinces, sont responsables du respect des codes et normes de construction. La SCHL continuera de travailler à faire progresser la capacité de l’industrie des services techniques des Premières nations. Les services autochtones d’inspection de la SCHL fournissent actuellement une formation, de l’appui et des occasions d’emploi dans le but de renforcer la capacité d’inspection des Premières nations[4]. »

Par contre, quand les membres du Comité ont voulu savoir quel organisme, en bout de ligne, était responsable des inspections, M. Douglas Stewart leur a déclaré : « En ce qui a trait aux nouvelles unités, il est nécessaire, pendant la période de construction, qu’elles soient inspectées à plusieurs reprises pour garantir qu’elles répondent aux exigences du Code. Une fois la construction terminée, nous visitons régulièrement la bande pour observer à nouveau la qualité de ces logements, aussi sommes-nous toujours au fait de leur état. De même, nous exigeons des bandes des états financiers annuels qui nous permettent de suivre la capacité de la bande d’entretenir régulièrement les maisons. Il existe donc un programme assez complet pour les maisons que nous finançons ainsi qu’une démarche d’inspection permettant de garantir qu’au départ, elles ont été bien construites ». Selon le rapport de vérification, il y a bien des inspections, mais elles ne visent pas à confirmer la conformité au Code national du bâtiment du Canada. Elles ont pour but de suivre les progrès des projets de logement aux fins des paiements[5].

Il faut manifestement que tous les organismes fédéraux participants précisent leurs rôles respectifs et renforcent leur capacité de garantir que les logements situés dans les réserves satisfont aux exigences du Code national du bâtiment du Canada. Cela amène le Comité à formuler les recommandations qui suivent.

RECOMMANDATION no 1

Que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et la Société canadienne d’hypothèques et de logement, en consultation avec les Premières nations, élaborent des systèmes, procédures et pratiques permettant de renforcer leurs régimes d’inspection et de certification dans les réserves afin de garantir que les unités de logement à financement fédéral situées dans les réserves sont effectivement conformes au Code national du bâtiment du Canada.

RECOMMANDATION no 2

Que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et la Société canadienne d’hypothèques et de logement, en consultation avec les Premières nations, montent des plans d’action afin de redresser les faiblesses de leurs systèmes d’inspection et de certification et déposent ces documents, accompagnés de calendriers de mise en œuvre, auprès du Comité des comptes publics d’ici le 31 mars 2004.

Un autre des domaines préoccupants s’est constitué du manque d’in­for­ma­tion adéquate sur les dépenses et sur les résultats atteints au chapitre de l’aide au logement dans les réserves. Bien que tant le MAINC que la SCHL recueillent et utilisent les données fournies par les Premières nations dans la gestion des programmes de logement dans les réserves, ils ne se partagent pas cette information et ne prennent pas les mesures nécessaires pour en confirmer la qualité. Le MAINC et la SCHL ne recourent pas normalement aux données recueillies pour en faire l’assise de leur attribution de fonds aux Premières nations. Par surcroît, le MAINC et la SCHL n’ont pas défini de base commune de la cueillette, de l’utilisation et du rapport de l’information financière fournie par les Premières nations. Cette situation inquiète le Comité au plus haut point. Le MAINC et la SCHL doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer de disposer d’une information de qualité dans la gestion et dans l’administration de leurs programmes de logement, dans la prise de décisions éclairées d’attribution financière, dans l’évaluation de l’efficacité et de l’efficience de leurs mesures et dans le rapport des résultats atteints. Cependant, il n’est pas nécessaire aux Premières nations de répéter le travail du MAINC et de la SCHL parce que ces derniers ne réussissent pas à intégrer leurs besoins en matière de renseignements (voir chapitre du rapport de décembre 2002 du Bureau du vérificateur général sur les rapports soumis par les Premières nations aux organismes fédéraux).[6] En ce sens, le Comité formule les recommandations qui suivent.

RECOMMANDATION no 3

Que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et la Société canadienne d’hypothèques et de logement, en consultation avec les Premières nations, élaborent et instaurent des mesures visant à mieux définir, amasser, utiliser et partager des données fiables servant à la gestion de l’aide au logement dans les réserves.

RECOMMANDATION no 4

Que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et la Société canadienne d’hypothèques et de logement montent des plans d’action afin de coordonner leurs efforts de renforcer leurs systèmes, procédures et pratiques de cueillette des données, de contrôle de la qualité des données, de récupération et de rapport des résultats; que ces plans d’actions soient déposés, accompagnés de leurs calendriers de mise en œuvre, auprès du Comité des comptes publics d’ici le 31 mars 2004.

En vertu de la politique de 1996 sur le logement, les collectivités participantes des Premières nations sont tenues de monter des plans pluriannuels de logement reliant le financement du logement aux programmes de formation et d’emploi et aux initiatives de développement économique. Le but de ces plans communautaires de logement consiste à coordonner les ressources, à mesurer les progrès et à faire rapport des résultats aux collectivités et au gouvernement. Ils visent également à appuyer la prise de décisions fédérale en matière de financement. On s’est rendu compte, toutefois, que le MAINC ne procédait pas adéquatement à l’étude des plans ni au suivi de leur mise en œuvre. D’autre part, les plans n’ont servi ni à la coordination ni à l’attribution du financement fédéral. Même si le MAINC voit dans ces plans communautaires de logement des outils de planification, il persiste à attribuer et à administrer l’aide au logement selon des documents de planification antérieurs à la politique de 1996. Autrement dit, le gouvernement a instauré une politique requérant des Premières nations qu’elles montent des plans communautaires de logement, mais le MAINC n’en tient pas compte dans ses décisions de coordination et d’attribution des ressources. Cela incite le Comité à formuler la recommandation qui suit.

RECOMMANDATION no 5

Que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et la Société canadienne d’hypothèques et de logement, en consultation avec les Premières nations, montent des plans d’action destinés à renforcer les systèmes, procédures et pratiques afin de garantir que les plans communautaires de logement servent aux buts pour lesquels ils ont été créés; que ces plans d’action soient déposés, accompagnés de leurs calendriers de mise en œuvre, auprès du Comité des comptes publics d’ici le 31 mars 2004.

Rôles et responsabilités

Depuis l’approbation de la politique de 1996 sur le logement, il n’est pas survenu d’entente claire entre les participants quant à leurs rôles, responsabilités et obligations respectifs. Le MAINC et la SCHL n’ont toujours pas défini, clairement et entièrement, leurs rôles, responsabilités et résultats attendus, tant pour eux-mêmes que pour les Premières nations participantes, en ce qui a trait à la satisfaction des besoins de logement des gens vivant dans les réserves. Cette situation a mené à l’application inégale de l’aide au logement et causé de la confusion quant à l’organisme responsable de l’attribution des fonds aux régions. Cela incite le Comité à formuler la recommandation qui suit.

RECOMMANDATION no 6

Que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et la Société canadienne d’hypothèques et de logement, en consultation avec les Premières nations, en viennent à une entente sur leurs rôles, responsabilités et obligations respectifs quant au logement dans les réserves; que le Ministère et la Société préparent un document conjoint décrivant le rôle et les responsabilités de chacun d’entre eux et que ce document soit déposé auprès du Comité des comptes publics d’ici le 31 mars 2004.

Au fil des ans, tant le MAINC que la SCHL ont introduit un certain nombre de programmes de logement et de rouages de financement auprès des collectivités des Premières nations. Malgré l’instauration de la politique de 1996 sur le logement et malgré les tentatives de simplification de la prestation, les programmes et le financement ont gardé leur complexité et sont demeurés difficiles à administrer et à gérer. Interrogée à ce sujet, Mme Joan Atkinson a déclaré que le MAINC s’était dernièrement entendu avec la SCHL sur un protocole d’entente visant à trouver des moyens de rationaliser leurs programmes respectifs au chapitre du logement dans les réserves afin de réduire le dédoublement et le chevauchement. Mme Atkinson a ajouté que la multiplicité des programmes et ententes de financement, bien qu’il en découle de la complexité, permet une certaine somme de souplesse quant à la façon dont les Premières nations peuvent combler leurs besoins de logement. Essentiellement, il reste à trouver un compromis adéquat entre la simplicité administrative et l’offre d’une gamme d’options. Ces faits incitent le Comité à formuler la recommandation qui suit.

RECOMMANDATION no 7

Que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et la Société canadienne d’hypothèques et de logement, en consultation avec les Premières nations, montent des plans d’action et des initiatives visant à rationaliser et à simplifier les programmes fédéraux de logement dans les réserves et les mécanismes de financement; que ces plans d’action soient déposés, accompagnés de leurs calendriers de mise en œuvre, auprès du Comité des comptes publics d’ici le 31 mars 2004.

D’après le rapport de vérification, les autorisations du MAINC régissant le programme de logement de 1996 manquent de clarté. Il semble d’autre part que le Conseil du Trésor n’ait pas approuvé les conditions du programme de la nouvelle politique sur le logement dans les réserves, qui est très différent du programme antérieur qu’a approuvé le Conseil du Trésor dans les années 1980. Le MAINC n’a pas demandé l’approbation du Conseil avant d’instaurer les changements découlant de la nouvelle politique. Il a, par exemple, décidé d’élargir la portée des coûts de logement admissibles au financement par subvention sans obtenir l’approbation préalable du Conseil du Trésor. Par surcroît, tandis que les conditions approuvées dans les années 1980 n’ont pas été annulées, les bureaux régionaux ont reçu peu d’orientation du MAINC quant à l’interprétation et à l’application de ces conditions dans le contexte de la nouvelle politique. L’absence d’orientation résulte souvent en une application non uniforme de la politique et du financement de programme. Le Comité est très inquiet de cette situation et il presse le Ministère de prendre les mesures qui suivent.

RECOMMANDATION no 8

Que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien revoie et renouvelle la structure d’autorité de sa politique de 1996 sur le logement et qu’il obtienne du Conseil du Trésor l’approbation de ces conditions; que le Ministère prépare un rapport sommaire sur les progrès de cette initiative et qu’il en soumette une copie au Comité des comptes publics d’ici le 31 mars 2004.

Information soumise au Parlement

La vérification a permis de constater l’existence de lacunes importantes dans l’information contenue aux documents de reddition de comptes au Parlement sur le financement, les coûts, le rendement et les résultats du programme. L’étude du Budget des dépenses du MAINC des 10 dernières années permet de croire que des renseignements essentiels en sont absents. Au chapitre du rapport des coûts totaux de logement, par exemple, les chiffres existants contiennent nombre d’omissions dont résulte une importante sous-estimation de la contribution fédérale totale au logement dans les réserves, une somme estimée par le Bureau du vérificateur général à quelque 3,8 milliards $ au cours des 10 dernières années. Même l’information non financière, comme le nombre d’unités de logement en construction, ne peint pas un tableau complet de la situation du logement dans les réserves. D’autre part, le MAINC n’établit pas les objectifs de ses activités de logement et n’indique pas en quoi ses interventions permettront de régler la pénurie de logements. En conséquence, les parlementaires n’ont pas d’image complète de la situation du logement dans les réserves, de la somme du financement ni de ce que permet vraiment de réaliser le financement du MAINC et de la SCHL. Le Comité formule donc la recommandation qui suit.

RECOMMANDATION no 9

Que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et la Société canadienne d’hypothèques et de logement montent des plans d’action et des initiatives visant à améliorer le contenu informatif de leurs documents de reddition de comptes; que ces plans d’action soient déposés, accompagnés de leurs calendriers de mise en œuvre, auprès du Comité des comptes publics d’ici le 31 mars 2004.

Droits de propriété et accès au financement

Un autre point qui a retenu l’attention du Comité a été la question des droits de propriété, là où ils sont pertinents au logement dans les réserves, et du financement des nouvelles habitations. Selon le rapport de vérification, le logement dans les réserves est fondamentalement différent et plus complexe que le logement hors des réserves. Il est régi par un cadre juridique défini à la Loi sur les Indiens, en vertu duquel nombre de pratiques de tenure et de financement résidentiel ne sont pas applicables. Des activités comme le financement par hypothèque pour l’acquisition d’une habitation, la location d’un appartement et toute l’infrastructure réglementaire que l’on tient pour acquis hors des réserves n’existent pas dans la même mesure — si, de fait, elles existent  dans le cas du logement dans les réserves.

Dans les réserves des Premières nations, l’État détient le titre des terres et la propriété collective des terres et des logements constitue la principale forme de propriété. En vertu de la Loi sur les Indiens, les propriétés situées dans les réserves ne peuvent faire l’objet d’une hypothèque qu’en faveur d’un Indien ou d’une bande indienne et seuls les Indiens ou les bandes indiennes peuvent contracter une hypothèque. Comme les propriétés et les terres des réserves ne peuvent être cédées à des non-Indiens, elles ne peuvent servir de nantissement de prêt ni de garantie permettant d’accéder au financement privé. Les formes accessibles de financement du logement dans les réserves se constituent surtout de subventions gouvernementales et de garanties ministérielles de prêts.

Au vu des limites qu’impose le cadre juridique actuel aux options de financement et de tenure ouvertes aux Premières nations dans les réserves et sachant que, selon Mme Atkinson, le financement du MAINC n’a jamais eu pour but de couvrir le coût entier de la construction de logements dans les réserves, le Comité ne voit pas comment les Premières nations en viendraient jamais à surmonter leur pénurie croissante de logements si elles subissent de telles contraintes dans la propriété et dans le financement de leurs propres habitations. Mme Atkinson a déclaré au Comité que le MAINC reconnaissait le besoin d’aider les collectivités des Premières nations à obtenir du financement du secteur privé afin de répondre à leurs besoins de logement. Dans ce but, il met à leur disposition un programme de garantie ministérielle des prêts permettant de tirer parti des prêts du secteur privé et de donner aux collectivités des Premières nations la possibilité de monter des plans créatifs de prêt, comme des fonds de crédit renouvelable. D’autre part, Mme Atkinson a annoncé que le MAINC avait attribué un financement limité, cette année, à des initiatives spéciales devant permettre à un plus grand nombre de Premières nations d’essayer d’élaborer de nouvelles procédures et de chercher des solutions à long terme pour satisfaire à leurs besoins de logement. Ces mesures favorisent les formes substitutives de tenure des logements qui, en retour, attirent le financement du secteur privé et encouragent l’accroissement de la responsabilité personnelle dans la propriété et l’entretien des habitations. Le Comité croit que, au vu des conditions inadéquates du logement dans les réserves, le MAINC et la SCHL devraient activement se charger d’initiatives favorisant les solutions novatrices d’obtention du financement aux fins du logement et l’exploration de nouvelles options de tenure pour les Premières nations; ces mesures leur permettraient d’alléger la pénurie existante et d’assurer une correspondance plus juste entre l’offre et la demande de logements dans les réserves. Le Comité formule donc la recommandation qui suit.

RECOMMANDATION no 10

Que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et la Société canadienne d’hypothèques et de logement préparent, chacun de leur côté, un document décrivant les mesures spéciales qu’ils comptent présenter pour développer et promouvoir les options de tenure et de financement du logement dans les réserves; que ces documents comprennent les données suivantes : attribution budgétaire annuelle de chacune de ces mesures, ses objectifs spécifiques, ses jalons de rendement (résultats et produits) et le calendrier à l’intérieur duquel les objectifs doivent être atteints. Que chacun des deux organismes intègre à son document son rapport annuel de rendement et entreprenne la soumission de l’information de l’exercice comptable 2003-2004.

CONCLUSION

Malgré des années d’efforts, les conditions de logement dans les réserves ne se sont guère améliorées et il y règne toujours une pénurie grave de logements adéquats pouvant recevoir une population jeune en pleine croissance. Le gouvernement fédéral, par le biais du MAINC et de la SCHL, a investi en une décennie 3,8 milliards $ pour procurer des logements et des services connexes aux particuliers et aux collectivités des Premières nations et pourtant, selon la plupart des indices socioéconomiques, les progrès de l’amélioration du logement dans les réserves et des conditions de vie sont désespérément lents et fuyants. La présente vérification a fait ressortir de nombreuses lacunes dans la prestation, tant par le MAINC que par la SCHL, des programmes et services de logement dans les réserves, particulièrement dans le domaine du rendement des programmes, de la conformité aux autorisations existantes, des rôles et responsabilités envers les Premières nations et des activités de rapport et de présentation au Parlement des résultats en matière de logement dans les réserves. Si ces lacunes ne sont pas redressées à temps, les conditions actuelles de logement et de vie dans les réserves des Premières nations continueront de se détériorer, rendant beaucoup plus ardue et beaucoup plus coûteuse toute tentative future d’amélioration. Le Comité presse donc tant le MAINC que la SCHL d’entreprendre la mise en œuvre de leurs plans d’action respectifs afin d’améliorer leur prestation des programmes de logement dans les réserves. Le retard ne peut plus être toléré.

En conformité avec l’article 109 du règlement, votre Comité requiert que le gouvernement soumette une réponse exhaustive au présent rapport.

Une copie du procès-verbal (réunions nos 27 et 36) est jointe à la présente.

Respectueusement soumis,


Le président,





JOHN WILLIAMS, DÉPUTÉ

 

 



[1]       Zone d’accès difficile : région à laquelle la collectivité est dépourvue d’accès routier toute l’année pour la réception de fournitures et de matériel, de bassin de main-d’œuvre, d’au moins un établissement bancaire et de services gouvernementaux. Source : BVG.

[2]       Bureau du vérificateur général du Canada, Aide du gouvernement fédéral accordée aux Premières nations —  Le logement dans les réserves, Ottawa, avril 2003, p. 3.

[3]       Ibid.

[4]       Ibid., p. 13.

[5]       Ibid.

[6]      Bureau du vérificateur général du Canada, rapport de décembre 2002, chapitre 1 : Repenser les rapports soumis par les Premières nations aux organismes fédéraux, Ottawa, décembre 2002. Ce document est également disponible sur le site Web du Bureau du vérificateur général du Canada :

        http://www.oag-bvg.gc.ca/domino/rapports.nsf/html/20021201cf.html/$file/20021201cf.pdf






 

Rapport minoritaire du NPD — Judy Wasylycia-Leis, députée fédérale
Rapport d’avril 2003 de la Vérificatrice générale du Canada, Chapitre 4

Le Nouveau Parti démocratique a décidé de prendre une décision inhabituelle et de présenter une opinion dissidente car nous sommes d’avis que le rapport du Comité ne reflète pas avec précision toute l’information présentée au sujet du logement chez les autochtones, et ne propose aucune nouvelle orientation ou mesure pour remédier à la situation. Les problèmes du logement exposés dans le rapport de la Vérificatrice générale sont importants et perdurent. Leur importance sur la vie de tout près d’un demi million de résidents sur les réserves au pays mérite une réponse des plus rigoureuses.

Que ce soit devant les Premières Nations ou les Nations Unies, seul le gouvernement canadien s’entête à déclarer que la politique en matière de logement fonctionne aussi bien qu’elle le peut. Le gouvernement fédéral l’a aussi affirmé devant le Comité au moment de sa comparution. Cela est inquiétant et en dit long sur l’écart qui se creuse entre le gouvernement et les Premières nations, écart qui constitue le thème dominant des observations formulées par la Vérificatrice générale. Combler cet écart doit être un objectif fondamental des efforts déployés en vue d’améliorer la situation. Tout comme cela est le cas des récentes propositions législatives du gouvernement fédéral concernant les autochtones, il est absolument essentiel qu’un examen soit mené de l’approche gouvernementale en matière de logement et de l’incapacité du fédéral à s’acquitter de ses obligations. La Vérificatrice générale a souligné que le budget de base du AINC n’a connu aucune augmentation depuis le début de 1990.

Des questions importantes n’ont pas été abordées de façon satisfaisante. Bien que le rapport du Comité traite de certaines questions soulevées par les témoins et organismes qui ont comparu, il n’aborde aucunement les préoccupations soulevées au sujet des divergences d’opinion entre le fédéral et les Premières Nations quant à l’ampleur du problème du logement. Le Comité formule certes des recommandations portant sur une clarification des rôles et des responsabilités mais il ne propose aucune nouvelle orientation ou mesure qui pourrait aider à dégager un consensus mutuel sur l’ampleur des besoins en logement. Le gouvernement doit prendre à nouveau un engagement à dégager un consensus sur le financement des initiatives en ce domaine et sur l’établissement de cibles et de calendriers d’exécution. Le logement est un problème complexe et intimidant qui ne pourra être réglé tant et aussi longtemps que les parties en cause ne s’entendront pas sur les paramètres du problème.

La Vérificatrice générale a aussi mentionné que les données du ministère ne reflètent pas avec précision la gravité du problème et que l’information dont dispose le Parlement est inadéquate. Il est tout à fait inacceptable que l’intégrité et l’efficacité des décision prises par le Parlement soient mises en péril en raison d’un manque de
données fiables et exactes. Il est absolument essentiel que le Comité formule une recommandation plus rigoureuse qui soulignera combien il urge de corriger cette situation inacceptable.

Nous présentons aussi un rapport minoritaire car nous souhaitons nous dissocier de l’intérêt excessif que porte le Comité à la question des droits de propriété et à de nouvelles options concernant le régime foncier parce que ces aspects seraient une panacée à la pénurie de logements.

Le Chef de l’Assemblée des Premières nations, Phil Fontaine, dans une allocution prononcée en 1998 à l’occasion du 50è anniversaire de la Déclaration des droits de la personne de l’Organisation des Nations Unies avait bien su expliquer que le territoire est au cœur de l’identité des Premières nations :

À nos yeux, le territoire est essentiel à notre existence. Entre le territoire et nous, il y a une relation d’une nature profondément spirituelle, voire même religieuse. Nos collectivités respectent un code de règles diverses qui s’appliquent au régime foncier et à la conservation du territoire, et qui constituent un facteur important du processus de production, des fondements de la vie familiale et des assises territoriales de l’existence de notre peuple. Voilà pourquoi il n’est pas possible de considérer le territoire comme une simple possession ou encore un bien pouvant être vendu ou acheté. L’expropriation, un mauvais usage ou la destruction du territoire constituent pour nous une atteinte à l’héritage culturel et spirituel de nos populations. Nous forcer à céder notre territoire, c’est en quelque sorte nous exterminer.

De plus, la Commission royale sur les peuples autochtones a à juste titre mentionné que les droits des autochtones sont de nature collective et individuelle. Ils sont d’une importance vitale pour la culture et l’existence des peuples concernés. En conséquence, la Cour suprême a mis en garde les gouvernements face à l’application des concepts traditionnels de propriété de la common law.

Demander au gouvernement d’élaborer d’autres options concernant le statut d’occupation ou le régime foncier qui favoriseraient probablement le particulier au détriment du groupe ne vas pas uniquement à l’encontre du rapport de la Vérificatrice générale mais constitue une dérive inexplicable du Comité dans la sphère des droits autochtones fondamentaux. Cela évoque à mots couverts un programme de travail « assimilasionniste » dont le Comité n’a pas convenu — un programme qui ne pourra prendre son envol en raison du climat de méfiance qui sévit et qui empêchera l’éclosion d’un dialogue sincère sur le logement.

Nous sommes d’avis que le rapport du Comité ne fait pas que traiter de façon inadéquate ce problème social urgent, il folklorise en fait le ton et le contenu du rapport de la Vérificatrice générale.