Passer au contenu
Début du contenu

FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des finances


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 8 mars 2005




Á 1110
V         Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.))
V         M. Don Drummond (économiste en chef, Groupe financier de la Banque Toronto Dominion, à titre personnel)
V         Le président
V         M. Dale Orr (directeur général, Services macroéconomiques canadiens, Global Insight Canada Ltd.)
V         Le président
V         Mme Ellen Russell (chercheure économiste principale, Centre canadien de politiques alternatives)
V         Le président
V         Mme Ellen Russell

Á 1115
V         Le président
V         Mme Ellen Russell
V         Le président
V         Mme Ellen Russell
V         Le président
V         Mme Ellen Russell
V         Le président
V         Mme Ellen Russell
V         Le président
V         M. Dale Orr

Á 1120

Á 1125
V         Le président
V         M. Charlie Penson (Peace River, PCC)
V         M. Don Drummond
V         M. Charlie Penson
V         M. Don Drummond
V         M. Charlie Penson
V         M. Don Drummond
V         M. Charlie Penson
V         M. Don Drummond

Á 1130
V         M. Charlie Penson
V         M. Don Drummond
V         M. Charlie Penson
V         M. Don Drummond
V         M. Charlie Penson
V         M. Don Drummond
V         M. Charlie Penson
V         M. Don Drummond

Á 1135
V         Le président
V         M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ)
V         M. Don Drummond

Á 1140
V         M. Yvan Loubier
V         M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Don Drummond
V         Le président
V         L'hon. John McKay (Scarborough—Guildwood, Lib.)
V         M. Charlie Penson
V         Le président
V         M. Charlie Penson
V         Le président
V         M. Charlie Penson
V         Le président
V         M. Charlie Penson
V         Le président
V         M. Charlie Penson
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Dale Orr
V         Le président
V         L'hon. John McKay
V         M. Dale Orr

Á 1145
V         L'hon. John McKay
V         M. Dale Orr
V         L'hon. John McKay
V         M. Don Drummond
V         L'hon. John McKay
V         M. Don Drummond
V         L'hon. John McKay
V         M. Don Drummond
V         L'hon. John McKay
V         Mme Ellen Russell

Á 1150
V         L'hon. John McKay
V         Mme Ellen Russell
V         L'hon. John McKay
V         Mme Ellen Russell
V         L'hon. John McKay
V         Mme Ellen Russell
V         M. Don Drummond
V         L'hon. John McKay
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD)

Á 1155
V         M. Don Drummond
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         M. Don Drummond
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         M. Don Drummond
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         M. Don Drummond
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         M. Don Drummond
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         M. Don Drummond
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         M. Don Drummond

 1200
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         Mme Ellen Russell
V         Le président
V         M. Dale Orr

 1205
V         Le président
V         M. Charlie Penson
V         M. Dale Orr
V         M. Charlie Penson
V         M. Don Drummond
V         M. Charlie Penson
V         M. Don Drummond
V         M. Charlie Penson
V         M. Don Drummond
V         M. Charlie Penson
V         M. Don Drummond

 1210
V         M. Charlie Penson
V         M. Don Drummond
V         M. Charlie Penson
V         M. Don Drummond
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         M. Charlie Penson
V         M. Charles Hubbard
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         M. Charles Hubbard
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         M. Charles Hubbard
V         M. Dale Orr

 1215
V         M. Charles Hubbard
V         M. Dale Orr
V         M. Charles Hubbard
V         M. Don Drummond
V         M. Charles Hubbard
V         M. Don Drummond
V         Le président
V         M. Guy Côté (Portneuf—Jacques-Cartier, BQ)

 1220
V         M. Don Drummond
V         M. Guy Côté
V         M. Don Drummond
V         M. Guy Côté
V         M. Don Drummond

 1225
V         M. Guy Côté
V         M. Don Drummond
V         M. Guy Côté
V         Le président
V         M. Navdeep Bains (Mississauga—Brampton-Sud, Lib.)
V         M. Don Drummond
V         M. Navdeep Bains
V         M. Don Drummond
V         M. Navdeep Bains
V         M. Don Drummond
V         M. Navdeep Bains
V         M. Don Drummond
V         M. Navdeep Bains
V         M. Don Drummond
V         M. Navdeep Bains
V         Le président

 1230
V         M. Charlie Penson
V         M. Dale Orr
V         M. Charlie Penson
V         M. Dale Orr
V         M. Charlie Penson
V         M. Dale Orr

 1235
V         M. Charlie Penson
V         M. Dale Orr
V         Le président
V         M. Charlie Penson
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis

 1240
V         M. Dale Orr
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         Mme Ellen Russell
V         M. Don Drummond
V         Le président
V         M. Dale Orr

 1245
V         Le président
V         M. Don Bell (North Vancouver, Lib.)
V         M. Dale Orr
V         M. Don Bell
V         M. Dale Orr
V         M. Don Bell
V         M. Don Drummond

 1250
V         M. Don Bell
V         M. Don Drummond
V         M. Don Bell
V         M. Don Drummond
V         M. Don Bell
V         Le président
V         L'hon. John McKay
V         M. Dale Orr
V         L'hon. John McKay
V         M. Dale Orr

 1255
V         L'hon. John McKay
V         M. Dale Orr
V         L'hon. John McKay
V         M. Dale Orr
V         Le président
V         M. Charlie Penson
V         M. Dale Orr
V         M. Charlie Penson
V         M. Dale Orr
V         M. Charlie Penson
V         Le président










CANADA

Comité permanent des finances


NUMÉRO 044 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 8 mars 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

Á  +(1110)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)): Nous allons commencer. La séance est donc ouverte. Bonjour à tous.

[Français]

    Je veux remercier les témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Notre réunion d'aujourd'hui est subséquente à l'étude des prévisions budgétaires fédérales. D'habitude, on demande aux témoins de faire une présentation d'ouverture de 10 minutes environ.

[Traduction]

    Chacun des témoins disposera de 10 minutes pour faire ses remarques liminaires. Cela vous va? Je ne vois pas de réaction. Est-ce que cela vous va—oui ou non?

+-

    M. Don Drummond (économiste en chef, Groupe financier de la Banque Toronto Dominion, à titre personnel): Pour ma part, je n'ai pas de remarques liminaires à faire. Mais je serais très heureux de répondre à toutes vos questions.

+-

    Le président: Très bien.

    Monsieur Orr, avez-vous une déclaration liminaire à faire?

+-

    M. Dale Orr (directeur général, Services macroéconomiques canadiens, Global Insight Canada Ltd.): Oui, j'aurais quelques remarques liminaires à faire.

+-

    Le président: Très bien.

    Madame Russell, avez-vous une déclaration liminaire?

+-

    Mme Ellen Russell (chercheure économiste principale, Centre canadien de politiques alternatives): Oui, absolument.

+-

    Le président: Très bien.

    Nous allons donner la priorité aux dames. Ainsi Mme Russell disposera de 10 minutes pour faire sa déclaration liminaire, et elle sera suivie de M. Orr. Ensuite les membres pourront poser leurs questions.

    Merci.

+-

    Mme Ellen Russell: Bonjour à tous.

    Comme on ne m'a pas remis de questions auxquelles je devais répondre, je pensais vous faire quelques petites observations pour vous donner une idée générale de ma façon de voir tout cela en ce moment.

    Si j'ai bien compris, l'étude que vous avez lancée a deux grands objectifs: premièrement, d'évaluer la nécessité pour le Parlement d'obtenir des prévisions financières indépendantes; et deuxièmement, ce que suppose l'établissement d'un mécanisme institutionnel permettant d'obtenir de telles prévisions financières.

    La première question qui se pose est celle-ci : avez-vous besoin de conseils financiers indépendants? Il va sans dire que toute bonne politique gouvernementale doit s'appuyer sur les meilleures données prévisionnelles et économiques que possible et les projections les plus justes possible en ce qui concerne l'état des finances gouvernementales. On ne peut certainement pas tenir un bon débat sur les changements à apporter aux politiques gouvernementales si vous n'avez pas une très bonne idée du contexte budgétaire dans lequel ces décisions doivent être prises. Là je songe tout particulièrement aux nouvelles dépenses à engager éventuellement et aux mesures fiscales. Comment peut-on juger du bien-fondé de telles initiatives si la capacité du gouvernement de les payer n'est pas sûre? Il nous faut donc des projections fiables des excédents budgétaires prévus, afin qu'on puisse tenir au moins un débat démocratique fructueux sur la façon d'utiliser ces excédents.

    La pratique consistant à révéler le montant de l'excédent après la fin de l'année financière revêt une importance critique. Puisque le gouvernement se sert de ces crédits pour rembourser progressivement la dette, la possibilité de se servir de cet argent pour financer d'autres initiatives est effectivement éliminée.

    Je reconnais évidemment que l'économie est caractérisée par l'incertitude. Les prévisions changent, les hypothèses sur lesquelles s'appuient les projections évoluent, et ainsi je pourrais supposer que les estimations officielles des excédents budgétaires sont constamment révisées. Le problème, évidemment, c'est que le gouvernement a l'habitude de commettre sans arrêt la même erreur. Depuis qu'il existe un excédent budgétaire fédéral, le gouvernement sous-estime le montant de cet excédent.

    Si l'inexactitude des projections gouvernementales s'expliquait uniquement par la nature changeante de l'économie et les autres incertitudes qui influencent le processus budgétaire, nous pourrions nous attendre à ce que l'excédent soit par moments sous-estimé, et à d'autres moments, surestimé. Or les projections du gouvernement sont toujours inférieures à la réalité, ce qui laisse supposer à mon avis qu'on ne peut pas attribuer cette erreur aux dangers qui sont inhérents à toute exercice de prévision.

    Au Centre canadien de politiques alternatives, nous avons réussi à prévoir le montant de l'excédent budgétaire avec beaucoup plus de précision que le gouvernement, ce qui laisse entendre qu'il y aurait peut-être lieu d'améliorer la qualité des renseignements fournis aux parlementaires. De plus, au Centre canadien de politiques alternatives, nous n'avons pas recours à des méthodes particulièrement sophistiquées sur le plan technologique. Nous n'avons pas accès aux renseignements internes dont dispose le ministère des Finances. Nous ne participons pas non plus aux réunions auxquelles assistent les prévisionnistes privés qui conseillent le ministère des Finances, pas plus que nous ne disposons de modèles économiques internes très sophistiqués. Au fond, nous devons nous appuyer sur les documents qu'affiche le ministère des Finances sur son site Web et sur nos propres facultés de réflexion pour juger de la plausibilité des projections gouvernementales.

    La bonne nouvelle dans tout cela, c'est que si quelques économistes du Centre canadien de politiques alternatives peuvent obtenir des meilleurs résultats que le ministère des Finances en ce qui concerne l'exactitude de ses estimations de l'excédent budgétaire, à l'aide d'un ordinateur et d'une simple connexion Internet, on peut supposer qu'il ne devrait pas être si difficile de fournir aux parlementaires de meilleures prévisions financières.

    En l'absence de données indépendantes sur l'état des finances fédérales, il y aura toujours le risque, quel que soit le parti politique au pouvoir, que le gouvernement soit tenté de divulguer les renseignements financiers en fonction de ses priorités politiques.

    Prenons l'exemple du Budget fédéral de cette année. Au moment de faire sa mise à jour économique et financière en novembre dernier, le gouvernement prévoyait un excédent d'environ 29,5 milliards de dollars pour la période allant de 2004-2005 à 2009-2010. Je vous rappelle que l'excédent dit de planification ne tient compte ni de la réserve pour éventualités ni de la marge de prudence, ce qui correspond à plus de 30 milliards de dollars d'excédent budgétaire prévisible qui ne sont pas pris en compte.

    Par conséquent, en novembre dernier, on aurait pu s'attendre à ce que les nouvelles mesures annoncées dans le budget actuel correspondent à des dépenses d'environ 29,5 milliards de dollars sur six ans. Mais en réalité, nous avons eu, dans le budget de 2005, de nouvelles mesures se chiffrant à 41,8 milliards de dollars sur six ans. Et cette somme ne tient pas compte des réductions de dépenses imposées dans le cadre de l'exercice d'examen des dépenses.

    Donc, entre novembre 2004 et février 2005, le ministère fédéral des Finances a trouvé un peu plus de 12 milliards de dollars supplémentaires à utiliser. Il s'agit là d'une augmentation de l'excédent cumulatif au cours de cette période de l'ordre de 40 p. 100, si bien qu'on peut évidemment se demander ce qui a pu se produire pour générer 12 milliards de dollars de plus que nous aurons à investir au cours des quelques prochaines années?

    L'un des phénomènes les plus curieux à s'être manifestés entre novembre et février est la détérioration des perspectives économiques du Canada, selon le ministère des Finances. Ainsi la prévision relative à la croissance du PIB réel a été légèrement rajustée à la baisse, sauf en ce qui concerne l'avenir très lointain, où les valeurs restaient constantes. Par conséquent, on faisait face à une situation où l'on considérait que l'économie allait moins bien dans l'immédiat, alors que l'excédent budgétaire cumulatif était en hausse. Comment se fait-il que l'excédent budgétaire ait pu augmenter? Eh bien, cela s'explique en partie par la révision à la baisse des frais de service de la dette, ce qui me semble tout à fait approprié. La majeure partie de cette augmentation s'explique par l'amélioration de la projection de recettes. Sur les 12 milliards de dollars supplémentaires qu'ils ont trouvés, presque 10 milliards de dollars étaient attribuables à cette amélioration des recettes. Je ne sais trop que penser de tout cela.

    Je pourrais soit conclure avec cynisme que le ministre des Finances a fait exprès de sous-estimer les projections de recettes en novembre, auquel cas il a induit en erreur le public sur l'état réel des finances fédérales; l'autre possibilité est que le ministre des Finances n'avait réellement pas prévu que, au cours d'une période de quatre mois, l'excédent budgétaire cumulatif projeté sur les six prochaines années changerait de 12 milliards de dollars. Si ce dernier scénario est le bon, on peut supposer que les projections relatives à l'état des finances fédérales au cours des prochaines années pourraient changer de façon radicale en peu de temps. Comment donc puis-je croire en l'exactitude d'un budget qui prétend évaluer les moyens financiers dont nous disposerons dans quelques années pour payer les mesures projetées? Par exemple, qu'est-ce qui me permet de croire que d'ici 2009-2010, le gouvernement pourra réellement se permettre de réduire les recettes gouvernementales de 7 milliards de dollars au moyen de réductions d'impôt?

    Je ne sais pas lequel de ces deux scénarios m'inquiète le plus. Si, comme moi, vous acceptez la prémisse selon laquelle l'état actuel des prévisions financières fédérales justifie qu'il existe une source indépendante de conseils financiers, la question est donc de savoir comment établir un tel mécanisme. Je dois avouer que je n'ai aucune expertise particulière par rapport à la conception d'une structure institutionnelle permettant d'atteindre cet objectif. Il me semble que vous avez à réaliser un projet à court terme et à long terme. Dans l'immédiat, votre étude porte sur les mesures à prendre pour bénéficier de conseils financiers indépendants, ce qui me semble représenter un progrès par rapport à la possibilité que les projections du ministère des Finances soient examinées de plus près pour déterminer dans quelle mesure elles sont plausibles. À plus long terme, vous souhaitez évidemment déterminer quel type de mécanisme permanent pourrait être établi à cette fin.

    À mon sens, vos objectifs à court et à long termes sont tout à fait valables mais présentent aussi un défi considérable. En ce qui me concerne, il est critique que vous entreteniez ce débat public et que vous insistiez pour que le débat démocratique sur les choix budgétaires s'appuie sur des renseignements fiables.

    Merci.

Á  +-(1115)  

+-

    Le président: Merci, madame Russell.

    Je voudrais vous poser une question d'éclaircissement. Au début de vos remarques liminaires, vous avez dit que le gouvernement ou le ministre des Finances doit divulguer le montant de l'excédent. Mais à quel moment? Si je ne m'abuse, il révèle déjà le montant des excédents. Vous disiez qu'il ne le fait pas.

+-

    Mme Ellen Russell: J'aurais peut-être dû dire ce que j'avais l'intention de dire. Je ne sais pas exactement quels mots j'ai employés.

+-

    Le président: Si je ne me trompe pas, vous avez dit que le ministre des Finances devrait divulguer le montant de l'excédent, mais à quel moment doit-il le faire, à votre avis? À mon sens, il nous informe du montant de l'excédent, mais il le fait peut-être trop loin. C'est ça que vous essayez de nous dire?

+-

    Mme Ellen Russell: Peut-être faites-vous allusion au fait que, d'après moi, si le montant de l'excédent est divulgué après la fin de l'année financière, selon la pratique actuelle, cet argent sert à rembourser la dette. Personnellement, je préférerais que nous sachions aussi tôt que possible quel sera le montant de l'excédent budgétaire, afin de pouvoir débattre de l'utilisation possible de ces crédits.

+-

    Le président: Qu'entendez-vous par « aussi tôt que possible »? Ce serait quand, selon vous? Il nous communique déjà cette information, et donc il s'agit simplement de savoir… J'essaie de tirer au clair toute cette question.

+-

    Mme Ellen Russell: Vous dites qu'il nous le communique « déjà », mais nous sommes à quelques semaines de la fin de l'année financière.

+-

    Le président: Vous préféreriez donc que ce soit avant la fin de l'année financière?

+-

    Mme Ellen Russell: Je vous dis simplement qu'entre novembre et février, il y a eu une réévaluation de l'état de nos finances. Je me demande s'il ne serait pas possible de nous communiquer cette information plus tôt, afin que nous puissions tenir un vrai débat sur l'usage que nous voulons en faire.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Orr.

+-

    M. Dale Orr: Merci.

    Bonjour. Je compte aborder brièvement sept points en faisant mes observations liminaires.

    Premièrement, je comprends tout à fait le désir du comité d'obtenir des prévisions fiables des excédents budgétaires et j'appuie entièrement cet objectif. Pour les besoins de la planification, il est très important que vous connaissiez le montant de l'excédent budgétaire bien longtemps à l'avance, pour pouvoir participer plus efficacement que par le passé aux discussions et à la prise de décisions sur les réductions d'impôt ou l'accroissement des dépenses de programmes, ou les deux.

    Deuxièmement, je me permets de vous donner une idée de mes antécédents dans ce domaine en prévision de vos questions. Depuis 1985, je surveille, j'évalue et je commente les budgets fédéraux. Je participe à cet exercice d'évaluation avec le ministère des Finances depuis 1999, étant l'un des 20 prévisionnistes économiques appelés à fournir les prévisions à partir desquelles le consensus économique qui sous-tend les prévisions finales est dérivé. Je suis également l'un des quatre prévisionnistes à posséder un modèle économique pour le Canada, qui consiste à utiliser les prévisions économiques faisant l'objet d'un consensus pour en arriver à une projection d'excédent budgétaire. J'ai donc une certaine expérience dans ce domaine, même si j'avoue avoir beaucoup plus de questions que de réponses. Je n'ai donc pas de solution magique à vous proposer pour régler le grave problème auquel nous sommes tous confrontés.

    Troisièmement, pour vous situer un peu, je pense que nous pouvons raisonnablement nous attendre à ce que l'estimation de l'excédent se situe à environ 4 milliards de dollars. Je ne sais pas si cela correspond ou non à votre évaluation, mais si vous pensez vraiment en arriver à quelque chose de plus précis, je me dois de vous en détromper. J'ai justement déposé un document qui explique les raisons pour lesquelles j'affirme qu'on peut raisonnablement s'attendre à ce que l'excédent se situe autour de 4 milliards de dollars, plutôt que 1 milliard de dollars ou 10 milliards de dollars. Cela a nécessairement à voir avec l'exactitude des données réelles qu'on utilise, et au moment d'établir une estimation de l'excédent, nous devons essayer de calculer le solde à partir de deux très gros chiffres, qui sont tous les deux de l'ordre de 180 milliards de dollars.

    Il est tout à fait critique que vous puissiez évaluer l'exactitude des prévisions en vous appuyant sur le contexte. D'ailleurs, vous pouvez vous attendre à ce que les surestimations soient aussi fréquentes que les sous-estimations. C'est là que réside le véritable problème, et comme vous l'expliquait Ellen, chaque année depuis 1995, le solde budgétaire a été plus important que ce qu'on prévoyait. C'est ça le problème.

    Quatrièmement, le document que j'ai déposé devant vous porte exclusivement sur l'évaluation des prévisions financières depuis 1995. Pour reprendre ce que j'ai dit dans mes conclusions, il y a beaucoup de fumée, mais de feu. Et il faut absolument comprendre que, même s'il y a eu pas mal d'erreurs—plus d'erreurs qu'on aurait dû et qu'on aurait aimé observer, et surtout d'un seul côté—si vous examinez de près les prévisions financières faites depuis 1995, vous verrez que les erreurs concernent toutes sortes de mesures différentes. Des fois elles ont surtout concerné les recettes—tantôt un élément des recettes, tantôt l'autre—ou les dépenses de programmes, ou encore les frais de service de la dette. Il n'y a pas eu une source particulière d'erreurs en ce qui concerne les prévisions financières, ce qui peut être décourageant étant donné qu'on cherche des solutions. Mais il n'y a pas eu une source d'erreurs plus importante ou plus régulière que d'autres au fil des ans. Il y a eu des erreurs dans toutes les catégories, si vous examinez les données sur les neuf dernières années.

    Cinquièmement, la grande faiblesse du processus de prévisions financières ces dernières années s'est vraiment située au niveau de l'actualisation des prévisions. À mon sens, voilà ce qui a causé des ennuis au ministère des Finances. Voilà pourquoi sa crédibilité est en doute, et voilà l'une des raisons pour lesquelles nous sommes présents aujourd'hui. Si le ministère avait mieux fait ses mises à jour, les autres problèmes n'auraient peut-être pas été remarqués.

Á  +-(1120)  

    Juste pour vous donner quelques statistiques à l'appui, au cours des cinq dernières années, deux mises à jour sur cinq ont été erronées. Dans un cas, par exemple, les chiffres n'ont pas bougé alors qu'ils auraient dû le faire. Nous aurions pratiquement mieux fait de ne pas écouter le ministère des Finances lorsqu'il a actualisé les prévisions financières. Au cours des cinq dernières années, c'est seulement deux fois que la mise à jour économique s'est révélée utile. Voilà donc un domaine où il y a certainement lieu d'améliorer la situation.

    Sixièmement, tant que ce sera une très grande priorité pour le gouvernement au pouvoir de n'afficher aucun déficit, l'excédent budgétaire devra nécessairement se situer très près ou au-dessus de la prévision. Je pourrais toujours vous donner d'autres détails sur les raisons pour lesquelles il doit en être ainsi, mais c'est en partie à cause de la nature même de ce phénomène. Voilà pourquoi il n'est pas si difficile de prédire que l'excédent budgétaire sera équivalent ou supérieur à la prévision. Voilà ce à quoi on peut s'attendre lorsque son maître politique, le ministre des Finances, vous dit : Ne venez pas m'annoncer qu'il y a un déficit, surtout pendant l'été, après la fin de l'année financière.

    Septièmement, si je n'ai pas de recommandation énergique à vous faire sur les mesures qui s'imposent maintenant, c'est parce que le gouvernement a déjà mis sur pied un groupe de travail dont Tim O'Neill fait partie, pour examiner toute cette question. J'essaie de garder l'esprit ouvert. Voyons ce que va recommander ce groupe de travail. Examinons d'abord ces recommandations. Je garde l'esprit ouvert en ce qui concerne les décisions à prendre sur les mesures correctives futures.

    Voilà donc pour les sept points que je voulais aborder. Merci.

Á  +-(1125)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Orr.

    Nous allons maintenant permettre aux membres de poser leurs questions. Je compte me montrer tolérant en ce qui concerne l'interaction entre les différents témoins, pour que nous ayons des réponses plus complètes aux questions qui sont posées. Si les membres désirent poser des questions à un ou plusieurs témoins, ils pourront évidemment le faire.

    Nos intervenants sont donc M. Penson, suivi de M. Loubier, et de M. McKay.

+-

    M. Charlie Penson (Peace River, PCC): Merci, monsieur le président.

    Je voudrais tout d'abord souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui. À mon avis, la plupart des Canadiens approuvent le processus que nous lançons à présent en vue de mieux comprendre la situation financière du pays, et ce en temps opportun, et de prévoir avec une plus grande précision le montant d'un éventuel excédent ou déficit, pour faciliter la prise des décisions auxquelles s'attend la population canadienne.

    Pour moi, si M. O'Neill s'est vu confier cette tâche par le gouvernement, c'est parce que ce dernier a reçu le même message des citoyens canadiens, à savoir que même si nous avons enregistré un excédent ces sept ou huit dernières années, c'est toujours le même scénario. Donc, nous voulons savoir s'il n'y aurait pas un problème plus fondamental au niveau des prévisions elles-mêmes.

    Je voudrais adresser mes questions à M. Drummond, malgré ce qu'a dit le président, et si j'ai un deuxième tour, j'en aurai pour nos deux autres témoins.

    Monsieur Drummond, essayons de faire en sorte que les questions et les réponses soient brèves. Nous n'avons que sept minutes et j'aimerais pouvoir obtenir autant de réponses que possible.

    Vous avez travaillé au ministère des Finances. Pourriez-vous nous dire pendant combien de temps vous y avez travaillé et combien de fois vous avez participé à la préparation du budget? Je pense que cette information de base nous serait bien utile.

+-

    M. Don Drummond: J'ai commencé à travailler au ministère des Finances en septembre 1977. J'ai participé à la préparation des budgets au cours de toute la période où j'y ai travaillé. Pour me punir d'avoir pris part à l'accroissement du déficit, on m'a forcé à rester en poste jusqu'à l'élimination du déficit en 2000, ce qui fait en tout 23 ans au ministère des Finances.

+-

    M. Charlie Penson: Vous avez donc pu juger la situation de l'intérieur et de l'extérieur. En raison de vos antécédents et de vos connaissances, le comité voudra certainement profiter de vos conseils.

    Peut-être pourriez-vous nous dire à quelle fréquence le ministre exige qu'on lui communique les dernières informations relatives à la situation économique du pays?

+-

    M. Don Drummond: Cela varie. Comme vous l'aurez deviné, vu mes longs états de service, j'ai travaillé sous la direction de bons nombres de ministres des Finances, et chacun était assez différent. Pendant mes sept dernières années dans la fonction publique, j'ai travaillé sous la direction de l'actuel premier ministre. D'après mon souvenir, on devait lui communiquer les plus récents renseignements environ toutes les 10 minutes. En tout cas, autant que je m'en souvienne, il n'y a jamais eu de période, ne serait-ce que de deux ou trois jours, où il n'y a pas eu de discussion ou de mise à jour sur l'économie.

    M. Wilson et M. Mazankowski étaient très semblables. On les tenait constamment au courant de la situation économique et financière.

+-

    M. Charlie Penson: Je suis convaincu que le ministre des Finances trouverait ce genre de chose très utile et même indispensable. On peut donc dire que le ministre des Finances participe à part entière à l'élaboration du programme financier du gouvernement.

+-

    M. Don Drummond: Encore une fois, ça dépend de l'année dont on parle, puisqu'il y a eu une transformation complète au cours des 23 années que j'ai passées au ministère. Quand je suis entré en fonctions en 1978, la préparation du budget prenait deux ou trois mois; on faisait autre chose pendant les huit ou neuf autres mois de l'année, et ensuite on se concentrait sur la présentation du budget. Si vous regardez les documents que l'on déposait à l'époque, d'ailleurs, vous verrez qu'ils présentaient les informations essentielles et qu'ils n'étaient pas très volumineux.

+-

    M. Charlie Penson: Quand vous aviez à faire le point sur la situation pour le ministre, est-ce que vous lui parliez des recettes, des dépenses, des frais d'intérêts, des rajustements de fin d'année, et de ce genre de choses?

+-

    M. Don Drummond: Le point de départ était toujours la situation budgétaire sans nouvelles initiatives. C'était ça le point de départ.

    Je suis d'ailleurs content que vous ayez soulevé la question des redressements de fin d'année, parce que si je me fonde sur les témoignages antérieurs et ce dont nous avons déjà discuté, cet élément ne semble pas être très présent dans vos discussions. L'opinion implicite du comité semble être que si la situation économique est positive, les prévisions financières seront nécessairement justes; malheureusement, même si une bonne situation économique facilite les choses, cela ne suffit pas. S'agissant des erreurs dont parlaient Dale et Ellen, il faut savoir que ces erreurs n'étaient pas liées à l'économie; elles étaient le fait de rajustements liés à la comptabilité d'exercice, aux recettes fiscales provinciales—toute une série de mesures, en réalité, y compris la péremption de fonds ministériels inutilisés. Et bien sûr, les économistes et la prévision économique ne sont d'aucune utilité pour prévoir ce genre de choses. Il s'agit d'ajustements qui peuvent donner lieu à un écart de plusieurs milliards de dollars, comme ce fut le cas quand les comptes ont été arrêtés en 2003-2004.

Á  +-(1130)  

+-

    M. Charlie Penson: Mais à part l'année où les pratiques comptables du gouvernement ont changé, environ combien de temps après la fin de l'année financière le ministre des Finances ou les responsables ministériels ont-ils accès à des chiffres assez fiables?

+-

    M. Don Drummond: Ce qui est triste, c'est que pour 2003-2004, par exemple, la fin de l'année financière était le 31 mars 2004. Eh bien, certains de ces redressements, représentant plusieurs milliards de dollars, n'auraient été connus qu'en août et peut-être même en septembre seulement.

    Parmi les derniers chiffres qu'on recevrait chaque année seraient ceux relatifs aux recettes fiscales provinciales. Le gouvernement fédéral perçoit des impôts provinciaux au nom de la plupart des provinces. On fait une estimation de la somme qu'il faut leur verser. La vérificatrice générale ne vous donne un chiffre vérifié qu'en août ou même septembre, et il peut aussi bien s'agir d'un milliard de dollars que les provinces vous doivent ou que vous leur devez—mais vous ne savez pas.

    Maintenant la situation est plus compliquée qu'auparavant puisque nous avons adopté un système de comptabilité d'exercice intégral, ce qui fait que le montant rajusté des recettes n'est disponible qu'en été. Et ce n'est pas reflété dans les chiffres mensuels.

+-

    M. Charlie Penson: Mais si vous aviez examiné les chiffres—c'est-à-dire si vous aviez été encore en fonction au ministère des Finances après le 31 mars, lorsqu'on projetait un excédent budgétaire de 1,9 milliard de dollars au budget déposé peut de temps auparavant—une semaine auparavant pour être précis—et qu'au 31 mars—ou même plus tard, disons après une période raisonnable—quelle aurait été votre estimation et est-ce qu'elle aurait été plus près de 1,9 milliard de dollars ou de 9,1 milliards de dollars, soit le chiffre annoncé à la fin août?

+-

    M. Don Drummond: Étant donné que le budget a été déposé plus tard que d'habitude—puisqu'il ne restait plus qu'une semaine avant la fin de l'année financière—quand j'essaie de concilier le chiffre annoncé au budget et la réalité, il y a deux éléments qui me frappent. En fait, je me serais attendu à ce que des informations plus précises soient disponibles au moment du dépôt du budget. Encore une fois, il s'agit d'éléments qui n'ont pas du tout été examinés en comité.

    Premièrement, les bénéfices enregistrés par les sociétés d'État. Les principales sociétés d'État, comme la SADC et la SEE, ont enregistré des bénéfices qui étaient supérieurs d'un milliard de dollars au montant prévu. Encore une fois, on aurait pu supposer que les responsables des sociétés d'État en question auraient eu une meilleure idée de leur situation financière réelle une semaine avant la fin de l'année financière.

    Deuxièmement, il y a la question de la péremption des crédits ministériels inutilisés. Encore une fois, on aurait pu supposer qu'il existe un système permettant aux ministères d'avoir des informations exactes… Ces derniers ont dû savoir, une semaine avant la fin de l'année financière, qu'ils n'allaient pas utiliser tous les crédits qui leur avaient été affectés.

+-

    M. Charlie Penson: Je suis convaincu qu'en tant qu'ex-fonctionnaire du ministère des Finances, vous suivez de près toutes ces choses. Disons que six semaines après que les comptes auraient été arrêtés pour l'année financière se terminant le 31 mars, jusqu'à quel point la projection d'un excédent de 1,9 milliard de dollars vous aurait-elle semblé fiable?

+-

    M. Don Drummond: La première chose qu'il faut réaliser…et je trouve intéressant qu'on en parle, parce qu'on dirait même que certains trouvent inacceptable que le résultat final soit systématiquement meilleur que ce que prévoit le budget, alors qu'il faut absolument reconnaître que c'est intentionnel. C'est censé être ainsi, et cela répond donc en partie à votre question. Il existe une réserve pour éventualités de 3 milliards de dollars, et donc une semaine avant la fin de l'année financière, cette réserve est toujours intacte. Puisqu'il ne reste plus qu'une semaine, vous savez pertinemment que cet argent ne va pas être utilisé. Donc, dès le départ, on parle de 4,9 milliards de dollars, et non pas de 1,9 milliard de dollars.

    Vous dites que des gens comme moi suivraient de près la situation, mais le fait est que des gens comme moi, qui n'ont pas accès… Je n'ai absolument aucune idée, même six semaines après la fin de l'année financière, là où je travaille à la Banque Toronto-Dominion, où pourraient en être les ministères en ce qui concerne leurs crédits inutilisés. Je n'aurais aucune idée de ce que cela pourrait représenter, parce que cette information n'est pas communiquée régulièrement sous forme de rapport, et je n'aurais pas non plus su combien de bénéfice Postes Canada aurait pu enregistrer avant que ces montants ne soient consignés dans les comptes publics bien longtemps après…

+-

    M. Charlie Penson: Monsieur Drummond, vous n'êtes certainement pas sans savoir que le comité a recruté quelques prévisionnistes—en fait, le groupe de votre collègue, M. Orr, en fait partie—pour nous aider à comprendre en temps plus opportun à combien se montent les soldes budgétaires, et j'aimerais savoir ce que vous pensez de cette pratique. À votre avis, serait-il utile que le ministère des Finances et les sociétés d'État nous tiennent davantage au courant de leur situation, par l'entremise des personnes que nous avons recrutées, afin que les parlementaires puissent mieux comprendre la situation financière réelle du gouvernement et donc prendre de meilleures décisions?

+-

    M. Don Drummond: Oui, je pense que ce serait utile que vous disposiez de certains de ces renseignements-là. À certains égards, depuis que j'ai quitté le ministère en 2000, cet exercice de prévision est devenu infiniment plus difficile, et en raison du passage à un système intégral de comptabilité d'exercice pour les recettes gouvernementales. Voilà un autre rajustement qui ne se fait que longtemps après la fin de l'année financière.

    Je vais être très direct avec vous. Je ne suis plus les résultats mensuels. Je ne suis plus vraiment en mesure de comprendre ce qu'ils signifient. C'est assez décourageant en fin de compte, car si nous souhaitons qu'il y ait surveillance des comptes du gouvernement fédéral, on peut supposer qu'il est souhaitable que des gens comme moi continuent à les suivre.

    Mais les résultats mensuels sont établis en fonction de la comptabilité de caisse, et ensuite, à la fin de l'année—même longtemps après la fin de l'année—on les rajuste en fonction de la comptabilité d'exercice. Cela a donné lieu la dernière fois à un rajustement de 3 milliards de dollars. Encore une fois, même si je respecte ce que font Dale et ses collègues en établissant des prévisions économiques, je sais qu'ils auraient été tout à fait incapables de vous dire combien aurait représenté ce redressement. Bien sûr, c'était au début du processus, quand on n'a pas vraiment une idée de ce qui s'est passé précédemment.

    Ce que j'essaie de vous dire, c'est qu'il ne suffit pas de savoir avec précision quelle sera la croissance économique ou quels seront les taux d'intérêt. Ces éléments sont importants, bien entendu, mais il y a tellement d'autres rajustements qui se font après. Le comité aurait certainement beaucoup de mal à savoir en quoi pourrait consister ces rajustements. Et c'est d'autant plus difficile pour quelqu'un comme moi, qui travaille dans le secteur privé.

Á  +-(1135)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Penson.

    Monsieur Loubier, suivi de M. Hubbard ou de M. McKay.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur le président. Je vais continuer dans la même veine que M. Penson et poursuivre l'échange avec M. Drummond.

    Monsieur Drummond, j'ai peine à vous distinguer de M. Dodge parce que vous avez été tous deux sous-ministre et sous-ministre adjoint au ministère des Finances. D'ailleurs, il m'est déjà arrivé d'appeler M. Dodge M. Drummond.

    J'ai suivi votre carrière, monsieur Drummond, parce que vous preniez un malin plaisir, toutes les fois que M. Martin, lorsqu'il était ministre des Finances, annonçait un surplus ou même un déficit gonflé démesurément, à faire une sortie publique dans les journaux, profitant de votre titre d'économiste en chef à la Banque Toronto-Dominion, pour dire que le ministre avait raison. Vous ne vous gêniez pas, à ce moment-là, pour donner vos propres évaluations. Tout à l'heure, vous avez dit qu'il fallait être prudent, qu'il fallait faire attention, mais vous ne vous gêniez pas pour faire vos sorties.

    Je vous ai suivi au jour le jour dans votre carrière; je vous félicite, d'ailleurs. Je n'étais pas d'accord sur les chiffres que vous énonciez ni sur l'attitude que vous affichiez à ce moment-là. J'avais l'impression que M. Martin vous appelait au téléphone pour que vous disiez exactement la même chose que lui le lendemain. Vous avez travaillé de façon très étroite avec lui. Cela confortait mes appréhensions par rapport aux prévisions que vous énonciez.

    D'ailleurs, je suivais aussi la carrière de John McCallum. Je l'ai suivie jusqu'à la Chambre des communes. Il est devenu un bon libéral et il faisait exactement les mêmes sous-estimations que vous quant aux surplus.

    Donc, vous ne m'impressionnez pas avec vos mises en garde. J'ai une formation d'économiste spécialisé en prévisions, en économétrie. Les mises en garde que vous avez faites n'en sont pas pour moi. Elles constituent plutôt une invitation à ne pas trop faire une analyse en profondeur, afin d'éviter de constater qu'il y a eu supercherie depuis dix ans dans les prévisions du ministère. Mme Russell l'a dit tout à l'heure, on a démesurément dégonflé les prévisions de revenus pour arriver aux prévisions qu'on faisait tout à l'heure.

    J'aimerais m'adresser à M. Orr. Tout à l'heure, monsieur Orr, vous m'avez impressionné, mais pas de la bonne façon. Vous avez dit qu'il fallait faire des prévisions à l'intérieur d'une fourchette de quatre milliards et que ce montant, selon vous, était raisonnable. Il s'agit donc, plus ou moins, de 4 milliards de dollars.

    Deux choses me chicotent à cet égard. D'abord, il y a votre fourchette de 4 milliards de dollars, mais vous avez dit aussi qu'il n'y avait pas eu d'erreurs déraisonnables dans les prévisions de surplus. Je me reporte à l'exercice financier 2003-2004. On prévoyait 1,9 milliards de dollars. Si je me fis à votre thèse des 4 milliards de dollars, le ministère avait alors en tête qu'il aurait pu y avoir un déficit de 3,1 milliards de dollars ou un surplus de 5,9 milliards de dollars. Il n'y avait pas de perspective de déficit de 3,1 milliards de dollars, et les surplus ont été de 9,1 milliards de dollars, donc passablement supérieurs la limite positive de votre fourchette.

    En ce qui concerne les erreurs déraisonnables, je me reporte encore à l'année 2003-2004, mais j'aurais pu, si j'avais eu les chiffres devant moi, faire la même chose pour toutes les années. Il y a eu des erreurs de l'ordre de 125 à 250 p. 100. La dernière fois, l'erreur de prévision était de 379 p. 100, en matière de surplus. Si ce ne sont pas des erreurs déraisonnables, je me demande ce que c'est. À un moment donné, il va falloir arrêter de nous dire n'importe quoi et de nous dire qu'il est impossible de faire des prévisions, alors qu'il est facile de suivre les entrées et les sorties, même mensuellement. Pour le ministère, c'est encore plus facile. C'est facile d'envisager des sorties plus importantes au cours d'un mois et des rentrées moins importantes au cours d'un autre mois et partir des prévisions trimestrielles. Si on a des données mensuelles, c'est encore plus simple. Il faut arrêter de charrier et de nous dire qu'on ne peut pas arriver à de meilleurs résultats que ceux-là, à moins de faire de la politique, comme M. Drummond en a fait pendant des années. J'avais envie de le rencontrer pour le lui dire, parce que cette histoire me chicote depuis longtemps.

+-

    M. Don Drummond: Je ne sais pas quoi répondre, monsieur le président. Je n'ai pas entendu de question, j'ai entendu des propos à l'effet que mes prévisions ne sont pas indépendantes.

Á  +-(1140)  

+-

    M. Yvan Loubier: Elles ne le sont pas. Je vous ai suivi au jour le jour. M. Martin faisait une déclaration. Nous faisions des prévisions. Il y avait des prévisions qui venaient de la Banque Nationale du Canada, du Mouvement Desjardins ou du Conference Board du Canada, et vous, vous étiez toujours tout à fait d'accord avec le ministre des Finances.

    Votre objectivité professionnelle a probablement été entachée par la proximité de travail que vous avez eue pendant des années avec M. Paul Martin. Il y avait longtemps que je voulais vous le dire, mais je n'avais pas eu l'occasion de le faire. C'était la règle, c'était systématique. Le lendemain ou le surlendemain, vos prévisions étaient dans les journaux.

    Sur quoi vous basiez-vous pour faire ces prévisions? Est-ce que vous repreniez bêtement les chiffres que M. Martin vous présentait?

[Traduction]

+-

    M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Monsieur le président, j'invoque le Règlement.

    Nous ne faisons pas venir des témoins devant le comité pour leur faire des remarques d'ordre personnel. Nous sommes là pour examiner un certain nombre de questions, et non pas pour faire des attaques personnelles. Ce n'est pas juste de convoquer des témoins pour ensuite leur dire quelque chose qui n'a rien à voir avec le travail du comité.

+-

    Le président: Monsieur Drummond, si vous souhaitez répondre, vous pouvez le faire. Je ne sais pas dans quelle mesure on vous a posé une question directe. L'un des membres a émis son opinion, mais ce n'est pas nécessairement l'opinion du comité.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: J'ai un rappel au Règlement, monsieur le président. Ce n'est pas une attaque personnelle. Cela fait huit ans qu'on se fait charrier par des spécialistes et par le ministère des Finances à propos de surplus et de prévisions de surplus qui n'ont aucun sens, qui ne collent pas à la réalité, et on vient nous dire ici qu'on ne peut pas faire mieux ici. J'ai mon voyage! On peut faire mieux, c'est certain. Ailleurs dans le monde, on fait mieux.

[Traduction]

+-

    Le président: Thank you, Mr. Loubier.

+-

    M. Don Drummond: Si le député estime que je n'ai aucune crédibilité, à quoi cela servirait que je réponde à quelque question que ce soit? Ma réponse ne serait pas non plus crédible.

    J'aimerais bien donner suite aux suggestions qui ont été faites, mais à mon avis, cela n'avancera en rien le travail du comité. Il faudrait peut-être que je passe à autre chose.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur McKay, vous avez la parole.

+-

    L'hon. John McKay (Scarborough—Guildwood, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Je voudrais remercier nos témoins de leur présence.

+-

    M. Charlie Penson: J'invoque le Règlement.

+-

    Le président: Monsieur McKay, attendez une seconde; je n'avais pas bien entendu le rappel au Règlement du député. Mes excuses.

+-

    M. Charlie Penson: Écoutez, Charles Hubbard…

+-

    Le président: J'ai déjà donné mon avis. Pour moi, il s'agissait d'une attaque personnelle. Nous parlons de l'opinion d'un des membres du comité. À mon avis, nous n'avons pas fait venir…

+-

    M. Charlie Penson: Je voudrais justement faire un commentaire à ce sujet, monsieur le président.

    Il me semble que les témoins sont tout à fait en mesure de répondre à de telles questions. Nous parlons d'économie, et M. Orr… J'aimerais bien qu'on entende leurs réactions à ce que M. Loubier vient de dire. Y a-t-il des réactions?

+-

    Le président: M. Loubier n'a pas posé de question, et j'ai déjà annoncé ma décision à ce sujet.

+-

    M. Charlie Penson: Eh bien, il a entendu la question et il voudrait répondre.

+-

    Le président: Il n'y a pas eu de question. La question…

+-

    M. Charlie Penson: Mais le témoin souhaite répondre.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Loubier, avez-vous des questions à poser directement à un des témoins?

+-

    M. Yvan Loubier: J'ai une question pour M. Orr.

    Comment pouvez-vous avoir deux prémisses qui ne se sont pas vérifiées lors du dernier exercice financier, c'est-à-dire votre fourchette de 4 milliards de dollars, qui est raisonnable, et des erreurs commises par le passé qui n'ont pas été déraisonnables? Une erreur de 379 p. 100 n'est-elle pas déraisonnable? Une fourchette de 4 milliards de dollars dans la partie positive du diagramme est-elle déraisonnable aussi? Est-ce que la fourchette fonctionne? N'y a-t-il pas eu quelque part des erreurs déraisonnables?

+-

    Le président: C'est une question.

[Traduction]

    Mr. Orr, pourriez-vous répondre à cette question?

+-

    M. Dale Orr: Oui.

    Si vous regardez la première conclusion dans le document que j'ai sous les yeux, vous verrez que la question qui se pose—et c'est en rapport avec ce que disait M. Loubier—est de savoir si le gouvernement a coutume de sous-estimer le solde budgétaire? Et d'après les résultats de cette étude, la réponse à cette question est oui. Le solde budgétaire a été sous-estimé pour sept des neuf dernières années. Il n'a jamais été surestimé. Il a été largement sous-estimé—c'est-à-dire avec un écart supérieur aux 4 milliards de dollars dont j'ai parlé tout à l'heure—pour six des neuf dernières années.

    Toutefois, si l'augmentation des dépenses en réponse à une surestimation imminente des recettes est prise en compte dans les sous-estimations du solde budgétaire, ce qui serait raisonnable, le gouvernement a effectivement sous-estimé le solde budgétaire chaque année depuis 1995-1996.

+-

    Le président: Très bien.

    Monsieur McKay, suivi de Mme Wasylycia-Leis.

+-

    L'hon. John McKay: Merci, monsieur le président.

    Je voudrais remercier nos témoins. Vous êtes parmi les plus grands experts canadiens en la matière. Pour ma part, j'apprécie la contribution que vous apportez à notre étude, même si je ne suis pas nécessairement d'accord avec l'éclairage politique que vous apportez à votre analyse.

    Je voudrais poser mes questions à M. Orr.

    J'ai examiné votre document hier soir et je dois admettre qu'en tant que profane, j'ai eu un peu de mal à suivre les arguments. Je voudrais donc passer en revue avec vous certaines des affirmations qu'on y retrouve et demander aussi à Mme Russell et à M. Drummond de commenter.

    Vous dites essentiellement que si l'écart est inférieur à 4 milliards de dollars, on peut dire que nous aurons fait du bon travail. C'est bien ça que vous essayez de dire?

+-

    M. Dale Orr: Je n'ai pas dit que vous aurez fait du bon travail; je me suis contenté d'expliquer ce à quoi on pourrait raisonnablement s'attendre. Cette marge de 4 milliards de dollars repose sur deux éléments. Premièrement, si vous avez un écart de 1 p. 100 du côté des recettes, cela représente 1,8 milliard de dollars. Si vous avez un écart de 1 p. 100 du côté des dépenses, cela représente 1,8 milliard de dollars de plus, lorsqu'on tient compte des frais de service de la dette et des dépenses de programmes. En tout, cela donne 3,6 milliards de dollars, et on peut donc voir la marge de cette façon.

    Mon autre point rejoint ce dont on discutait il y a quelques instants. Quand les données pour l'année financière sont prêtes et sont inscrites dans la Revue financière du mois de mai pour toute l'année financière, comme vous l'expliquait Don, il s'agit du premier rapport financier pour l'année qui vient de se terminer. Il y a toutes sortes d'autres rajustements finaux qui se feront plus tard. Ensuite, vers la fin septembre ou octobre, quand les comptes ont déjà été arrêtés, l'écart peut être positif ou négatif de l'ordre de 1 ou de 2 milliards de dollars. Donc, on peut voir cela de l'une ou de l'autre façon.

    Pour replacer cet exercice dans son contexte, j'ai dit qu'on ne pourrait raisonnablement pas s'attendre à ce qu'un écart soit inférieur à environ 4 milliards de dollars. Ça, c'est évidemment mon opinion. Voilà pourquoi j'ai dit ça. On peut être d'accord ou non, mais voilà…

Á  +-(1145)  

+-

    L'hon. John McKay: Est-ce que les explications de M. Drummond sont suffisantes pour comprendre l'écart dont il est question dans votre annexe 3, c'est-à-dire concernant le fait que la mise à jour est plus souvent inexacte qu'autrement? J'aurais cru qu'au fur et à mesure qu'on aurait les chiffres définitifs, les estimations deviendraient de plus en plus exactes. Il nous expliquait les problèmes que cause la comptabilité d'exercice par rapport à la comptabilité de caisse. Tous les chiffres présentés dans la Mise à jour économique sont établis en fonction de la comptabilité de caisse, et il est presque impossible de faire la conversion à la comptabilité d'exercice. J'aimerais bien connaître votre réaction à cette explication, de même que celle de Mme Russell. S'agit-il d'une explication raisonnable pour l'exactitude des chiffres de la Mise à jour économique, en ce qui vous concerne?

+-

    M. Dale Orr: Il y a une ou deux observations à faire à ce sujet.

    Premièrement, l'année dernière est un bon exemple d'une Mise à jour économique qui n'était pas utile, parce que le changement annoncé allait dans le mauvais sens. Comme je vous l'ai déjà dit, pour deux des cinq dernières années le changement qu'on nous a annoncé allait dans le mauvais sens. Mais je suis entièrement d'accord avec vous, et si vous regardez ce tableau, vous verrez que pour certaines années, la mise à jour nous a présenté des chiffres qui correspondaient tout à fait à ceux qu'on aurait pu espérer. C'était le cas en 2000-2001, et encore une fois en 2002-2003. Voilà de bons exemples de Mises à jour économiques qui ont présenté des chiffres qui correspondaient à ce qu'on voulait. Ce n'était pas le cas l'an dernier. Comment se fait-il que l'excédent se soit chiffré à 9 milliards de dollars, alors qu'on nous a annoncé un excédent de 1,9 milliard de dollars lors de la Mise à jour économique? Don vous a déjà expliqué deux éléments qui ont beaucoup influencé cet écart. Ces deux facteurs ont été la cause cette année-là, mais pour d'autres années, cela a pu être d'autres facteurs encore.

+-

    L'hon. John McKay: Donc, des rapports appropriés sur la situation des sociétés d'État…

    Comment se fait-il que le gouvernement continue de préparer ses rapports mensuels en fonction de la comptabilité de caisse, plutôt que la comptabilité d'exercice? J'ai l'impression que les chiffres établis en utilisant la comptabilité de caisse sont toujours erronés.

+-

    M. Don Drummond: L'un des redressements majeurs à faire concerne l'impôt sur le revenu des particuliers. Dans ce cas, on comprend facilement que ce soit le cas. Quand vous payez vos impôts pour l'année 2003, vous faites votre dernier versement après le 30 avril. Par conséquent, le gouvernement touche cet argent seulement à l'année financière 2004, et il doit ensuite déterminer quelle proportion de cet argent doit être créditée à l'année 2003. Mais comment le gouvernement peut-il savoir de quelle somme il s'agit en janvier, février ou mars 2003? Vous n'avez pas encore soumis votre déclaration d'impôt. Le gouvernement ne sait pas à combien se montera le versement définitif que vous ferez.

+-

    L'hon. John McKay: Est-ce qu'il en va de même pour l'impôt des sociétés?

+-

    M. Don Drummond: Oui, c'est exactement la même chose pour l'impôt des sociétés. Une société fait ses acomptes provisionnels en fonction de l'impôt payé l'année précédente.

    Supposons qu'on parle d'une compagnie. Les compagnies de ressources naturelles choisissent généralement la fin décembre comme fin d'exercice financier. Cela veut donc dire que ces compagnies feraient leurs versements définitifs en mars. Tant que le gouvernement n'aurait pas reçu ces chèques, il lui serait impossible de savoir quelle somme il va toucher, et ensuite il lui faudrait déterminer quelle proportion de cette somme devrait être créditée à l'année précédente.

+-

    L'hon. John McKay: Voilà donc qui explique l'étonnement du gouvernement face aux bénéfices faramineux enregistrés par les banques et certaines institutions financières à la fin de la dernière année financière.

+-

    M. Don Drummond: N'importe quelle société—et les banques auraient certainement opté pour cette méthode—a la possibilité de faire ses acomptes provisionnels en fonction des revenus de l'année précédente, ce qui fait beaucoup augmenter les bénéfices. Les compagnies retiennent ces sommes et font de gros versements à la fin.

    Les banques ne constituent sans doute pas un bon exemple, parce que leur fin d'exercice financier tombe en octobre. de sorte que le gouvernement aurait normalement déjà reçu cet argent-là. Mais les compagnies pétrolières et de gaz naturel qui connaissent souvent une augmentation subite de leurs bénéfices, auraient normalement fait leur dernier versement d'impôt seulement quelques jours avant le dépôt du budget.

+-

    L'hon. John McKay: Madame Russell, avez-vous quelque chose à dire au sujet de ces explications?

+-

    Mme Ellen Russell: Je voudrais revenir sur l'idée de Dale, à savoir qu'un écart de 4 milliards de dollars est raisonnable. Devrait-il s'agir d'un écart négatif ou positif de 4 milliards de dollars?

Á  +-(1150)  

+-

    L'hon. John McKay: Non, il parle d'un écart négatif de 1,8 milliard de dollars ou un écart positif de 1,8 milliard de dollars, somme qu'il arrondit à 2 milliards de dollars pour correspondre aux éventuelles fluctuations des recettes et des dépenses.

+-

    Mme Ellen Russell: Ce que je vous dis, c'est que quelle que soit la somme qu'on établit comme correspondant à un écart raisonnable—et je suis bien prête à accepter de travailler avec cette marge-là—il me semble qu'on doit s'attendre à ce moment-là à ce que l'écart soit négatif ou positif. Si l'écart est toujours soit positif, soit négatif, cela me semblerait inquiétant.

+-

    L'hon. John McKay: Mais la décision d'accepter un écart négatif ou positif est essentiellement politique. Si c'est vous qui prenez la décision, ou si le ministre des Finances vous a dit qu'il ne peut s'agir d'un écart négatif parce qu'il n'est pas question d'enregistrer un déficit, l'erreur sera forcément toujours positive.

+-

    Mme Ellen Russell: On tourne en rond, en quelque sorte.

+-

    L'hon. John McKay: Vous dites que c'est une erreur. Je ne fais que reprendre votre terme.

+-

    Mme Ellen Russell: Mon argument relatif à la marge que propose Dale concernait le fait qu'il peut y avoir toute une gamme de facteurs qui donnent lieu à des changements dans le courant d'une année financière. Nous ne pouvons savoir d'avance en quoi consisteront les changements. Au départ, nous ne pouvons supposer que nos estimations seront soit trop élevées, soit trop faibles. Si la marge que propose Dale ou d'autres constitue une marge d'erreur raisonnable, les résultats réels devraient être soit au-dessus, soit au-dessous de ce seuil. Mais vous semblez dire que le ministre des Finances voudra toujours que l'erreur soit toujours dans le même sens. À ce moment-là, je me dis que ce n'est pas cette gamme infinie de rajustements qui se font dans le courant de l'année financière qui pose le vrai problème.

+-

    M. Don Drummond: Je suis désolé de revenir là-dessus, mais le rôle de la réserve pour éventualités et de la marge de prudence n'est toujours pas bien compris. À cause de ces deux tampons, les erreurs de prévision ne peuvent être symétriques. Ces mécanismes tampons sont conçus de telle façon qu'ils sont nécessairement asymétriques. Si la situation évolue comme elle devrait le faire, et que les chiffres cadrent avec ce que présentent les prévisions, vous aurez toujours un excédent positif de 3 milliards de dollars par rapport à l'année en cours. Il suffit d'examiner ce budget pour le savoir. Au moment d'arriver en l'an 2008, nous aurons déjà une réserve correspondant à 7 milliards de dollars. Si les prévisions économiques et les prévisions financières sont justes, l'écart sera positif de quelque 7 milliards de dollars. Si vous n'aimez pas qu'il y ait ce genre d'erreur systématique…

    C'est vrai que ça donne lieu à une erreur systématique, et il faut le reconnaître ouvertement. Cela introduit une erreur systématique dans les opérations de prévision. Afin d'améliorer les prévisions et d'éliminer cette erreur systématique, la solution la plus simple consisterait à éliminer la réserve pour éventualités et la marge de prudence. Mais c'est une décision qui n'a rien à voir avec les prévisions; c'est une précision qui soulève une question de politique dont il faudrait débattre.

    Rappelez-vous le contexte. Les réserves pour éventualités ont été créées à une époque où nous avions connu 25 années consécutives de déficits et où chaque prévision présentait une erreur systématique négative. Pour régler ce problème, on a établi le mécanisme de la réserve pour éventualités, mais maintenant nous enregistrons des excédents budgétaires depuis 1997-1998. Les prévisions sont plus exactes et notre niveau d'endettement est inférieur, si bien qu'il y aurait peut-être lieu de réévaluer l'opportunité de ces réserves.

+-

    L'hon. John McKay: J'ai une autre petite question : j'aimerais savoir si vous les ajoutez…

+-

    Le président: Non, merci, monsieur McKay. Vous avez déjà largement dépassé votre temps de parole. Vous aurez un autre tour plus tard.

    Madame Wasylycia-Leis.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD): Je veux intervenir tout de suite dans le débat, car je ne suis pas d'accord avec ce que M. Drummond vient de dire à propos de la marge de prudence et la réserve pour éventualités.

    Malgré les 3 milliards de dollars et le 1 milliard de dollars qui sont mis de côté et qu'on soit ou non d'accord sur cette pratique, il reste que l'écart entre les prévisions du gouvernement et la réalité demeure considérable, de même qu'entre les prévisions du Centre de politiques alternatives et de Global Insight et les vôtres. La question est donc de savoir pourquoi les prévisions budgétaires sont erronées même lorsqu'on exclut la marge de prudence et la réserve pour éventualités et qu'on s'entend sur les prévisions macroéconomiques? Il y a encore des écarts considérables entre les prévisions des uns et des autres. Voilà la raison pour laquelle nous sommes là; à mon avis, c'est ça la question essentielle.

    On pourra parler tout à l'heure de l'opportunité ou non de ces réserves de 3 milliards de dollars et de 1 milliard de dollars, mais pour le moment, nous devons essayer de comprendre la cause de cet énorme écart. Voilà la question à laquelle il faut répondre. Je suis désolée d'avoir manqué vos remarques liminaires, monsieur Drummond, mais si je ne m'abuse, personne n'a encore expliqué pour quelles raisons vos prévisions sont toujours erronées alors que celles du CCPA sont toujours exactes.

    Si vous examinez les prévisions établies au cours des 10 dernières années… C'est vrai que je ne devrais pas dire « vous »; je vais plutôt parler du gouvernement et du CCPA pour commencer, mais je ne crois pas me tromper en disant que vos résultats correspondent presque exactement à ceux du gouvernement. Depuis 10 ans, le Centre de politiques alternatives participe au même exercice. Il a donc examiné les données macroéconomiques sur lesquelles tout le monde s'entend, a établi des hypothèses concernant les prévisions budgétaires, et a réussi, avant que les chiffres du gouvernement ne soient annoncés, à faire des prévisions qui correspondent à la réalité. Pourquoi leurs prévisions sont justes alors que les vôtres ne le sont pas? Voilà une première question, qui va peut-être nous aider à aller au fond de ce problème de distorsion.

Á  +-(1155)  

+-

    M. Don Drummond: Encore une fois, la réserve pour éventualités et la marge de prudence expliquent la moitié de l'écart. Elles n'expliquent pas la totalité de l'écart—ce n'est pas non plus ce que je vous disais—mais elle explique la moitié de l'écart.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Non. En excluant la marge de prudence et la réserve pour éventualités et en incluant tout le reste, dans chaque cas, l'écart est encore faramineux…

+-

    M. Don Drummond: Oui, mais je vous dis simplement que cela fait disparaître la moitié de l'écart.

    Pourquoi en est-il ainsi? Comme vous l'expliquait Dale, il n'y a pas d'erreur systématique; le problème n'est pas que l'erreur se situe toujours au niveau des recettes ou des dépenses de chaque année… Les erreurs sont généralement d'un ordre différent à chaque fois.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Mais pourquoi les prévisions du CCPA sont-elles justes alors que celles d'autres prévisionnistes ne le sont pas?

+-

    Le président: Madame Wasylycia-Leis, à qui s'adresse votre question? Permettez-moi de vous aider. Nous allons demander à Mme Russell de répondre d'abord, et ensuite, ce sera le tour de M. Orr.

    Madame Russell.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Comment se fait-il que le CCPA arrive généralement à établir des prévisions appropriées et exactes, alors que celles du gouvernement présentent toujours un écart de plusieurs milliards?

+-

    Le président: Si vous me permettez, je voudrais demander à M. Drummond de répondre à cette question.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Eh bien, j'ai déjà essayé. Il ne fait que répéter son propos relatif à la réserve pour éventualités et à la marge de prudence, alors que je lui dis qu'on ne doit pas en tenir compte. Ces deux réserves n'expliquent pas la moitié de l'écart; l'écart est le même même si on considère que ces réserves sont neutralisées.

+-

    M. Don Drummond: Commençons par parler de l'exercice effectué lors de la Mise à jour économique de l'automne. Là on avait un groupe de quatre prévisionnistes, dont chacun avait son propre modèle, qui se sont mis d'accord sur une série commune de données économiques. Les membres du comité ont-ils pris bonne note des écarts entre les différentes prévisions? Ce qui a été publié ici correspondait simplement à des moyennes. Mais c'est l'écart entre les diverses prévisions qui était vraiment frappant. Les prévisions ont beau s'appuyer sur les mêmes données économiques, il y a un écart de plusieurs milliards de dollars entre les chiffres les moins élevés et les plus élevés.

    Donc, cela me ramène à ce que je disais tout à l'heure : les données économiques sont importantes, mais elles ne vous amènent pas bien loin. Les évaluations personnelles des prévisionnistes y sont quand même pour beaucoup.

    Est-il possible, si je me fonde sur mon expérience personnelle et l'incertitude ou la divergence des résultats obtenus, que le ministère des Finances ait tendance à préférer des chiffres plutôt conservateurs? Oui, absolument. Le ministère avait certainement une préférence marquée pour la prudence au début des années 90 et même au milieu des années 90. Rappelez-vous le contexte : il s'agissait d'un gouvernement qui avait sous-estimé l'ampleur du déficit pendant 25 ans et dont les erreurs de prévision allaient toujours dans le mauvais sens.

    Donc, là où la situation semblait incertaine, avait-on tendance à privilégier la prudence? Oui, absolument. C'est évident et ce n'est donc pas la peine de le nier.

    Pourrais-je, en voyant ces projections économiques et les divergences entre les prévisions des uns et des autres lors de l'exercice de l'automne, vous dire que des chiffres plus élevés seraient possibles? Oui, absolument. C'est là que…

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Non, mais je vous demande de remonter dans l'histoire et de reconnaître qu'il y a effectivement des divergences importantes entre les différentes prévisions, et de comprendre que quand on fait le bilan, on se rend compte que le Centre des politiques alternatives a réussi à chaque fois à faire des prévisions qui correspondaient à peu de choses près à la réalité. On ne peut pas en dire autant pour vous, ni pour Global Insight, ni pour les 29, 39 ou 49 économistes qui ont participé à l'exercice; ni pour les 19 experts du ministère des Finances; ni pour le gouvernement. Pourquoi?

+-

    M. Don Drummond: Je vous dis simplement que le Centre de politiques alternatives… Encore une fois, si vous tenez compte de l'écart entre les diverses prévisions—et là il s'agit de quatre prévisionnistes seulement—et je peux vous garantir que si on avait un plus grand nombre de prévisions, nous…

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Non, je vous demande de regarder ce qui est arrivé au cours des 10 dernières années. Le fait est que le CCPA a établi des prévisions justes au cours des 10 dernières années, alors que pour tous les autres, il y a sous-estimation par rapport à la réalité. Pourquoi?

+-

    M. Don Drummond: D'abord, ce n'est pas vrai que les résultats étaient différents pour les autres. Il y a toujours une gamme de prévisions budgétaires. Le Centre canadien de politiques alternatives n'est pas le seul à avoir établi des prévisions plus optimistes; il est vrai que ses prévisions ont été plutôt optimistes, et il se trouve qu'elles se sont révélées plus justes que d'autres au fil des ans. Les prévisions du budget avaient effectivement tendance à être inférieures.

    Je ne peux évidemment parler que pour celles qui ont été faites durant la période où j'y travaillais, c'est-à-dire jusqu'en 2000, mais encore une fois, elles s'inscrivaient bien dans la fourchette des prévisions des uns et des autres. Disons qu'elles correspondaient à une vision plus conservatrice, si vous voulez, de la réalité—conservatrice avec un petit « c ».

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Donc, si je comprends bien votre argument, nous allons simplement continuer à faire la même chose qu'auparavant.

+-

    M. Don Drummond: Je ne peux pas vous dire ce qu'ils vont faire; je ne travaille plus pour le gouvernement.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Eh bien, je regarde les prévisions du gouvernement pour les prochaines années, les vôtres, et celles de Global Insight, et je les compare à celles du CCPA.

    Selon le gouvernement et le ministre des Finances, il va y avoir un revirement complet de la situation, si bien que nous n'allons plus enregistrer que des excédents de 4 milliards de dollars et de 4 milliards de dollars au cours des deux prochaines années. D'après Global Insight, ce sera 4 milliards de dollars et 6 milliards de dollars. Selon TD, il y aura zéro excédent l'année prochaine, après quoi il recommencera à remonter.

    Donc, le gouvernement et le secteur banquier, ou certaines banques, prévoient qu'il va y avoir un revirement complet de la situation. Le CCPA n'est pas du même avis. En fait, le CCPA pense que l'excédent va continuer à augmenter progressivement. Il a eu raison toutes ces années. Pourquoi devrions-nous vous croire plutôt que le CCPA? N'est-il pas souhaitable que nous en arrivions à obtenir des prévisions réalistes, afin que nous puissions jouer un rôle utile au Parlement, plutôt que d'avoir à dépendre constamment de conjectures de ce genre?

+-

    M. Don Drummond: Ce que Dale essayait de vous expliquer, et j'insiste là-dessus, c'est que nous ne vous disons pas de croire un groupe plutôt qu'un autre. Il faut reconnaître que face à une seule série d'hypothèses économiques, il y a une vaste gamme de résultats budgétaires qui sont possibles et dont il faut tenir compte. Il n'est tout simplement pas possible de prédire les résultats avec autant de précision.

    Dale parle d'une fourchette de 4 milliards de dollars. À mon sens, si l'écart entre le montant prévisionnel et le montant réel était inférieur à 4 milliards de dollars, ce serait un très bon résultat.

  +-(1200)  

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Donc, en ce qui vous concerne, il n'y a pas d'autres…

    Ellen, souhaitez-vous intervenir, et peut-être monsieur Orr aussi?

+-

    Le président: Nous allons demander l'avis de Mme Russell et de M. Orr, mais très rapidement, parce que nous n'avons pas beaucoup de temps.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: J'ai du mal à accepter ces arguments. Je serais donc bien contente que quelqu'un éclaire ma lanterne…

+-

    Mme Ellen Russell: Je vais vous parler un peu de la procédure suivie au CCPA.

    En ce qui nous concerne, les marges de prudence sont superflues. D'une part, on a la réserve pour éventualités, qui est censée nous permettre de réagir en cas d'éventualités, d'où le nom qu'on donne à cette réserve. Mais si, en plus, on s'appuie sur des hypothèses très prudentes relativement aux variables macroéconomiques, aux recettes, aux dépenses et aux frais de service de la dette, si on gonfle à chaque fois les chiffres, il est évident que l'écart entre les prévisions du CCPA et celles des autres se creuse très rapidement.

+-

    Le président: Monsieur Orr, je vous invite à faire un commentaire très rapide.

+-

    M. Dale Orr: Oui. J'ai une ou deux petites choses à ajouter.

    Premièrement, dans le document que j'ai déposé, toutes ces réserves ne sont prises en compte, car ce dont je parle ici, c'est des prévisions de ce qu'on appelle l'excédent implicite. Il s'agit là de l'excédent qui peut exister avant qu'on prévoie des réserves ou une marge de prudence. Tout cela n'est pas pris en compte. Moi je m'intéresse à l'excédent implicite—c'est-à-dire les recettes moins les dépenses de programmes, et moins les frais de service de la dette. Qu'est-ce qu'on obtient quand on fait ce calcul-là? Quel est le montant prévisionnel? À mon avis, on ne devrait même pas tenir compte des réserves et des marges.

    Pour répondre à votre autre point sur la cause des erreurs du passé, dans le document que j'ai préparé, vous verrez qu'il y a un tableau récapitulatif qui indique très clairement où s'est située l'erreur pour chacune des neuf dernières années. On constate que les erreurs ont concerné toutes sortes d'éléments différents et qu'il n'y a jamais eu de source importante ou exclusive d'erreur. Vous avez le document, et il présente clairement les résultats.

    Il y a eu surestimation des recettes gouvernementales à deux reprises, et sous-estimations, à sept reprises. S'agissant des dépenses de programmes, il y a eu surestimation quatre fois, et sous-estimation, quatre fois. Les frais de service de la dette ont été surestimés presque toujours, c'est-à-dire sept fois contre une fois où ils ont été sous-estimés, et dans un cas, la prévision correspondait presque exactement à la réalité. Donc les erreurs se rapportent à beaucoup d'éléments différents.

    Le fait est qu'il est difficile d'en arriver à une prévision dont la marge d'erreur serait inférieure à 4 milliards de dollars, mais en même temps, pourquoi l'excédent implicite, avant qu'on rajoute des réserves, serait-il systématiquement sous-estimé? Je vous dis que j'ai examiné en profondeur la question, et je constate qu'il n'y a aucun facteur significatif qui soit systématiquement à l'origine de l'erreur.

    Les gens disent qu'en plus des réserves, toutes les évaluations faites au ministère des Finances sont toujours très prudentes. Je pense que c'est bien possible. Je trouve que c'est tout à fait compréhensible. Si je travaillais au ministère des Finances et le ministre me demandait de lui fournir une estimation, je serais certainement prudent en établissant mon estimation, parce que dans le courant de l'été, une fois que la Revue financière a déjà été publiée, que l'année financière a pris fin, et que les redressements budgétaires sont en train de se faire, aimeriez-vous, si vous travailliez au ministère des Finances, avoir à dire au ministre : « Écoutez, monsieur le ministre, vous vous rappelez qu'on vous a expliqué que les derniers rajustements budgétaires peuvent donner lieu à un écart positif ou négatif d'un milliard de dollars? Eh bien, malheureusement, cet écart semble être négatif cette année, si bien que vous devrez annoncer un déficit pour l'année financière qui s'est terminée il y a trois ou quatre mois ». Vous n'aimeriez pas être l'employé du ministère à annoncer une telle chose au ministre, et moi non plus.

    Cette prudence est donc tout à fait compréhensible, mais quand on examine la situation en détail, rien ne semble indiquer que cette prudence joue un rôle. Cela ne veut pas dire qu'elle n'influence pas les résultats ou qu'elle ne pourrait pas les influencer; je vous dis simplement que je n'ai pas trouvé de preuve concrète me permettant de tirer une telle conclusion.

    Il est évident que s'il y a eu des erreurs de prévision, ces erreurs sont dues, certaines années, à la prévision économique, ou d'autres années, au fait que le gouvernement n'a pas perçu autant de recettes qu'il le supposait, vu la prévision économique, ou encore en a reçu davantage. À d'autres moments, l'écart peut être causé par la péremption des crédits ministériels inutilisés. Voilà les principaux facteurs donnant lieu à des erreurs de prévision importantes.

  +-(1205)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Orr.

    Sur ma liste d'intervenants, j'ai maintenant M. Penson à la place de Mme Yelich, suivi de M. Hubbard, Mr. Côté et M. Bains.

+-

    M. Charlie Penson: Merci, monsieur le président.

    Monsieur Orr, M. Drummond nous expliquait il y a quelques minutes que le passage à la comptabilité d'exercice constitue un changement de taille qui influence à tel point les chiffres définitifs que, si j'ai bien compris, l'écart peut être de plusieurs milliards de dollars.

    Mais on peut supposer que, six semaines après l'arrêt des comptes, le ministre des Finances aurait tout de même une assez bonne idée des chiffres réels pour la fin de l'année financière, non? Je vois que M. Drummond dit non de la tête, alors je vais lui poser la même question : jusqu'à quel point peut-on attribuer ces grands écarts—je songe à l'exemple des 1,9 milliard de dollars, par opposition aux 9,1 milliards de dollars—à la comptabilité d'exercice?

+-

    M. Dale Orr: Je voudrais commencer par votre première question. Est-ce raisonnable de s'attendre à ce que le ministre des Finances ait une bonne idée du solde budgétaire six semaines après l'arrêt des comptes pour l'année financière qui vient de se terminer? L'année se termine le 31 mars et on parle donc de la mi-mai. C'est à environ cette époque qu'est publié le numéro de mai de La revue financière, présentant les résultats à la fin mars.

    Je suis d'accord avec Don. L'expérience a démontré qu'avec le temps, quand les résultats sont présentés dans le numéro de mai de La revue financière, c'est-à-dire six semaines après la fin de l'année financière, ceux qu'on retrouve dans La revue financière sont en réalité supérieurs ou inférieurs de 1 ou 2 milliards de dollars aux résultats définitifs, comme on le constate justement quand les résultats vérifiés définitifs sont publiés plus tard. C'est comme ça depuis un moment. C'est d'ailleurs ce à quoi je m'attends cette fois-ci.

    Si l'on remonte à l'époque où la comptabilité d'exercice était employée pour seulement une partie des comptes du gouvernement, on peut se demander si c'était pareil à ce moment-là. Je laisse le soin à Don de vous répondre à ce sujet. Depuis quelques années, je m'intéresse surtout à ce à quoi on peut s'attendre à l'avenir, et c'est justement à ça que correspondent mes attentes. J'insiste donc sur ce que vous a dit Don, à savoir qu'il n'est pas raisonnable de s'attendre à ce que le ministre des Finances connaisse les chiffres définitifs. Il peut y avoir un écart positif ou négatif de plusieurs milliards de dollars par rapport aux résultats qui auront été publiés dans La revue financière, ou par rapport aux informations les plus exactes qu'il ait pu obtenir d'une autre source à ce moment-là.

+-

    M. Charlie Penson: Et dans quelle mesure attribuez-vous cet écart à la comptabilité d'exercice?

+-

    M. Don Drummond: Ce changement a eu pour résultat de relever les recettes de plus de 3 milliards de dollars. Évidemment, étant donné l'activité économique, on aurait pu supposer que l'écart serait positif. Je ne travaillais plus au ministère des Finances à ce moment-là, mais je suis sûr que cela les a surpris.

+-

    M. Charlie Penson: Mais, n'est-il pas vrai, monsieur Drummond, que cela ne concernait que cette seule année de transition?

+-

    M. Don Drummond: Non, et c'est justement ça le problème. Supposons que l'économie change soudainement de cap, si bien qu'elle est beaucoup moins vigoureuse à la fin de l'année 2005 qu'au début de l'année. Quand ils feront leur comptabilité d'exercice pour 2005-2006, le rajustement qu'ils ont à faire pourrait très bien se monter à 3 milliards de dollars, mais être négatif, plutôt que positif.

    Je ne voudrais pas que vous interprétiez mal mes propos : la comptabilité d'exercice constitue un progrès sur le plan conceptuel, mais c'est une catastrophe pour un prévisionniste. Je dois dire que du point de vue des prévisions, je suis très heureux qu'on n'ait pas eu à employer la comptabilité d'exercice au moment où j'étais en poste.

+-

    M. Charlie Penson: Si vous permettez, monsieur Drummond, je voudrais poursuivre un peu la discussion à ce sujet. Puisqu'on emploi déjà cette méthode comptable, ne serait-il pas possible d'en arriver à une évaluation raisonnable des répercussions que la transition vers cette nouvelle méthode compte a eu sur l'économie par le passé, de sorte qu'à l'avenir, nous puissions nous faire une idée du redressement budgétaire qu'il y aura à faire à la fin de l'année financière?

+-

    M. Don Drummond: À l'heure actuelle, je dirais que l'écart possible est d'au moins 3 milliards de dollars et qu'il n'est pas possible de faire une prévision plus exacte; en fait, on ne sait même pas si l'écart sera négatif ou positif, et cela dépendrait bien sûr du point qu'on a atteint dans le cycle économique pour l'année en question. C'était un écart positif lorsque les comptes ont été arrêtés à la fin de la dernière année financière; l'année prochaine, toutefois, il pourrait y avoir un écart négatif substantiel.

    Pour répondre à votre question sur le moment où on peut avoir une bonne idée de la situation, je vous invite à prendre l'exemple de votre propre situation. Si vous devez de l'argent au gouvernement pour l'impôt sur le revenu des particuliers, quand allez-vous payer ce que vous devez? Vous allez sans doute attendre le dernier jour d'avril pour le faire. Donc, comme vous l'expliquait Dale, le gouvernement aura à peine eu le temps de recevoir votre chèque quand les résultats seront publiés dans le numéro de mai de La revue financière, et vous ne recevrez le numéro de mai qu'à la fin juillet, ou peut-être même au mois d'août—donc, bien après cette période.

+-

    M. Charlie Penson: C'est juste, monsieur Drummond, mais n'est-il pas vrai que la plupart des Canadiens ont des retenues à la source qui sont défalquées de leurs chèques de paie chaque semaine ou encore des acomptes provisionnels à faire? De quelle somme s'agit-il? De quoi est-ce qu'on parle au juste?

+-

    M. Don Drummond: Encore une fois, on parle d'un écart éventuel de plusieurs milliards de dollars. Comme vous venez de le dire, beaucoup de gens font des versements trimestriels, mais il y en a beaucoup aussi qui ont plus d'une source de revenu, il y en a qui vont recevoir un remboursement du fait d'avoir cotisé à leurs REER, ou dans certains cas, ils ont quelque chose à payer. Si c'est un remboursement, ils auront sans doute déjà fait leur versement plus tôt dans l'année, mais pourquoi payer plus tôt qu'il ne le faut en réalité? C'est pour cette raison précise que beaucoup de gens attendent la fin pour payer.

  +-(1210)  

+-

    M. Charlie Penson: Si l'on examinait la situation sur plusieurs années, ne serait-il pas possible d'en arriver à une idée approximative de l'écart qu'il pourrait y avoir?

+-

    M. Don Drummond: Premièrement, on vient de commencer à employer la comptabilité d'exercice, de sorte que nous n'avons pas beaucoup de précédents. Je vous ai déjà dit que ce ne sera pas la même chose chaque année. Tout dépendra de l'état de l'économie durant l'année en question.

+-

    M. Charlie Penson: Les entreprises ont recours à la comptabilité d'exercice. Si nous employons cette méthode, dans six ans, sera-t-il possible de dire que ces rajustements dus à la comptabilité d'exercice feront une différence de 10 p. 100 ou quelque chose de ce genre?

+-

    M. Don Drummond: À mon avis, vous devez vous dire que l'adoption de cette méthode comptable va aggraver les fluctuations budgétaires. Comme je vous l'ai déjà dit, si l'économie va bon train pendant un certain temps et connaît ensuite un fléchissement, les chiffres budgétaires préparés mensuellement seront assez positifs. Mais ensuite, quand il s'agira de faire les calculs selon la comptabilité d'exercice, tout d'un coup vous allez voir qu'il y a un grand écart.

    Si vous voulez qu'on parle en termes psychologiques, comme vous l'expliquait Dale, on peut dire qu'il y aura désormais plus d'incertitude. S'il y a asymétrie et que vos prévisions sont inexactes—autrement dit, si les conséquences vont être plus graves si les résultats définitifs se révèlent négatifs plutôt que positifs, par rapport à la prévision, vous voudrez forcément avoir une réserve, sachant que la comptabilité d'exercice peut donner lieu à un écart important et que vous avez intérêt à avoir une marge suffisante pour vous couvrir éventuellement.

+-

    Le président: Merci, monsieur Penson.

    Monsieur Hubbard.

+-

    M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.

    Je crois que nous comprenons tous que la prévision représente un travail difficile. Charlie, vous avez beaucoup d'expérience, mais je trouve inquiétant que vous sembliez croire que les économistes devraient pouvoir faire de bonnes prévisions.

    J'ai rencontré un groupe d'agriculteurs de l'ouest du Canada ce matin. Ces agriculteurs vont voir leurs banquiers, monsieur le président. Ils leur disent qu'ils veulent planter une certaine récolte, et ils demandent des prêts pour pouvoir financer l'opération.

    Charlie, s'agissant de votre propre expérience, vous savez bien qu'entre le moment où vous plantez la semence et le moment où on vous paie votre canola, il y a au moins une centaine de variables qui peuvent influencer votre rendement, votre revenu annuel, et combien vous pourrez donner à la banque pour rembourser votre prêt.

+-

    M. Charlie Penson: Des fois c'est mieux, des fois c'est pire.

+-

    M. Charles Hubbard: Charlie, c'est vous l'expert en la matière. C'est peut-être vous qui devriez être assis à l'autre bout de la table pour nous parler de prévisions.

    Premièrement, s'agissant des prévisions du gouvernement, il me semble que ce que vous avez dit, monsieur Orr, pour ce qui est d'essayer de trouver la meilleure façon de prévoir avec précision le solde budgétaire… parce que l'économie est influencée par notre confiance en elle, les attentes des uns et des autres, et l'espoir que tous vont avoir une bonne année—que les entreprises vont bien fonctionner, qu'elles vont être profitables, et qu'elles vont verser plus d'argent aux gouvernements. Mais si je peux me permettre de poser une question fondamentale, monsieur le président, nous savons que l'opposition trouve très inquiétant que les résultats finaux soient toujours meilleurs que ce que laissaient supposer les prévisions. C'est peut-être grâce à l'efficacité de notre gouvernement, je ne sais pas. Mais y en a-t-il à qui cela a causé des préjudices?

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Vous nous demandez s'il y en a à qui cela a pu causer un préjudice? Permettez-moi de vous les énumérer. Vous avez combien de temps?

+-

    M. Charles Hubbard: Les gens semblent trouver tragique que notre excédent soit supérieur à ceux qu'on avait prédit au départ. D'après les témoignages que nous avons reçus, un écart de 4 milliards de dollars est tout à fait satisfaisant. À quels segments de notre économie ou de notre population le fait que notre excédent budgétaire était supérieur à la prévision a-t-il été préjudiciable? Pourquoi certains trouvent préoccupant que nous enregistrions un excédent budgétaire de 8 milliards de dollars, alors que la prévision était de seulement 2 milliards de dollars?

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Où va l'argent?

+-

    M. Charles Hubbard: Mais c'est quoi le problème au juste? L'un des témoins peut-il nous dire pourquoi cela pose problème? Si nous faisions mieux ce travail de prévision, si nous arrivions à faire des prévisions plus exactes, en quoi est-ce que cela pourrait améliorer les choses?

    Monsieur Orr est prêt à répondre.

+-

    M. Dale Orr: C'est justement ce dont je parle au premier paragraphe du document que je vous ai remis. Je fais peut-être dire des choses aux membres du comité qu'ils n'ont pas dites, mais j'ai certainement cru comprendre que tant les membres du comité que les députés en général souhaitent participer plus efficacement aux décisions prises en matière de planification budgétaire.

    Si le gouvernement était en mesure d'établir une prévision plus précise de son excédent budgétaire, il y aurait des décisions à prendre sur la façon d'utiliser cet excédent. Convient-il de s'en servir pour réduire les impôts ou pour financer certains programmes? Vous pourriez participer au débat, émettre vos opinions à ce sujet, et peut-être même influencer la décision. Si le gouvernement vous dit qu'il n'y a pas d'excédent, à ce moment-là, on apprend son existence seulement à la fin de l'année financière. À ce moment-là, il doit obligatoirement être affecté à la réduction de la dette. Personne n'aura l'occasion de s'exprimer à ce sujet ou de dire que l'argent devrait servir plutôt à réduire les impôts ou à financer d'autres programmes, comme ils auraient pu le faire si on avait su plus tôt que cet argent serait disponible.

    Qu'est-ce que cela peut faire que l'argent serve à réduire les impôts, à financer de nouveaux programmes ou à réduire notre dette? Eh bien, dans chaque cas, il y a des groupes sociaux, des groupes d'entreprises, des groupes économiques ou d'autres groupes encore qui sont pour ou contre l'une ou l'autre de ces solutions. Il s'agit de savoir comment l'argent des contribuables canadiens va être réparti. C'est un aspect assez fondamental de votre rôle de parlementaires.

  +-(1215)  

+-

    M. Charles Hubbard: Ce que vous nous dites, monsieur Orr, c'est que si nous savons avant le budget qu'elle est la situation réelle, nous pourrions prendre de meilleures décisions sur l'opportunité de dépenser davantage ou de réduire les impôts. C'est ça votre prémisse.

+-

    M. Dale Orr: Oui, ou vous pourriez vous dire : je sais que cet argent est disponible et je sais aussi que je veux qu'il serve à réduire la dette, plutôt que de faire face à une situation où ce serait fait par défaut, parce que l'argent devrait obligatoirement servir à réduire la dette. Vous pourriez faire ça. Vous auriez le choix.

+-

    M. Charles Hubbard: Monsieur Drummond, par rapport à votre expérience et ce qui s'est passé au cours des 25 dernières années au ministère des Finances, pourriez-vous nous dire quel était l'écart entre la réalité et les prévisions à l'époque où M. Wilson était ministre des Finances, par exemple, par rapport à aujourd'hui? Je sais que l'écart actuel correspond à un certain pourcentage, mais quand les gouvernements précédents ont annoncé des déficits de 40 milliards de dollars, je ne me rappelle plus quelles avaient été les prévisions.

    J'aurais trouvé assez pitoyable que notre ministère des Finances nous annonce en 1989 un déficit prévisionnel de 25 milliards de dollars, alors que le déficit s'est monté en réalité à 42 milliards de dollars. Quels effets ces écarts avaient-ils sur la planification gouvernementale, et est-ce qu'il y en avait? Y avait-il des écarts de 10 milliards de dollars, par exemple?

+-

    M. Don Drummond: Oui, si l'on tient compte de la taille de l'économie à l'époque, on peut dire que les prévisions à cette époque étaient toutes aussi inexactes—encore une fois, sans tenir compte de la réserve pour éventualités. La seule différence est que les prévisions allaient presque toujours dans un seul sens, et que les résultats réels étaient toujours pires. À mon sens, cette situation a conduit à l'adoption de toutes une série de très mauvaises politiques qui sont restées en vigueur pendant 25 ans.

+-

    M. Charles Hubbard: J'imagine que cela a dû être assez décourageant de travailler au ministère des Finances à l'époque, puisque les gens devaient se dire : « Le déficit va se monter à 30 milliards de dollars. Oh mon Dieu, c'est plutôt 42 milliards de dollars. Et ce sera combien l'année prochaine? ». Le déficit n'a cessé de croître. Est-ce que les gens ont tous abandonné leurs postes au ministère des Finances? Avaient-ils envie de se trouver un autre emploi? Cela a dû être terrible de travailler au ministère des Finances à ce moment-là, quand les écarts étaient si importants et la situation économique, si catastrophique.

+-

    M. Don Drummond: C'est pour ça que j'ai mentionné l'aspect psychologique tout à l'heure, parce que ce n'est pas une science. Je dirais justement que pour éviter d'avoir à prendre des décisions difficiles, la tendance pendant longtemps était d'annoncer des prévisions plus favorables en espérant que le problème disparaîtrait d'une manière ou d'une autre. Évidemment, cela n'a pas donné de très bons résultats.

    Donc, dans un sens, si vous avez 25 ans d'expérience et que vous savez que les erreurs ont toujours été dans un sens et que l'incertitude est toujours présente, vous aurez certainement envie de faire en sorte que la situation évolue dans l'autre sens. Et voilà exactement ce qui s'est produit entre le début et le milieu des années 90.

    Il y a un autre aspect qu'il convient de mentionner en ce qui concerne l'inexactitude des prévisions. Je suis d'accord avec tout ce qu'a dit Dale, mais j'ajouterais que cet état de choses est à l'origine du phénomène des fonds de fiducie ou d'affections spéciales. À mon avis, ces derniers ne devraient même pas exister. Et vous qui êtes parlementaires devrez être les plus mécontents de tous face à cette situation, étant donné que le régime de responsabilisation qui les sous-tend est extrêmement faible. Mais c'est justement à cause de ces excédents qui ne sont pas prévus et dont on ne sait quoi faire—on semble vouloir éviter à tout prix que l'argent soit affecté au remboursement de la dette—que nous connaissons actuellement cette prolifération de fonds d'affections spéciales. À mon avis, cette utilisation des crédits n'est pas appropriée.

+-

    Le président: Merci, monsieur Drummond.

    Mr. Côté.

[Français]

+-

    M. Guy Côté (Portneuf—Jacques-Cartier, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Merci pour vos présentations. J'ai un certain nombre de commentaires à faire.

    Monsieur Orr, vous avez bien expliqué qu'un écart de 4 milliards de dollars, d'après vous, est raisonnable et qu'on peut prévoir un écart de 4 milliards de dollars. Naturellement, de ce côté-ci de la Chambre, on s'étonne que le montant de 4 milliards de dollars soit toujours du côté positif du diagramme, et non de l'autre côté. C'est une première chose.

    On a aussi beaucoup parlé de l'exercice budgétaire de l'année précédente, où le surplus est passé de 1,9 millions de dollars à 9,1 milliards de dollars. D'autant plus que l'année dernière, il me semble, aurait dû être une année catastrophique pour les revenus du gouvernement. Il y a eu le SRAS, la crise de la vache folle, les inondations dans l'Est, les feux de forêt dans l'Ouest. Il me semble que toutes les conditions étaient réunies pour que ce soit une année catastrophique, mais finalement, on arrive encore à des surplus beaucoup plus élevés que prévu. On est vraiment loin du montant de 4 milliards de dollars, que vous jugez raisonnable.

    D'ailleurs, à la page 2 de la version française de votre document, vous expliquez bien que:

[...] le gouvernementa en fait sous-estimé l’excédent budgétaire, à raison de plus de 4 milliards de dollars, 7 fois aucours des 9 dernières années. Ainsi donc, il y a eu une sous-estimation importante du solde budgétaire, 7 fois sur les 9 dernières années.

    Dans le fond, ce que vous nous dites dans ce document, c'est que non seulement la crédibilité des prédictions du ministère des Finances est

  +-(1220)  

[Traduction]

en doute, mais elle est au-dessous... [Note de la rédaction : inaudible]... niveau, en réalité.

[Français]

    C'est vraiment incroyable.

    Depuis un bon nombre d'années, le Centre canadien de politiques alternatives et mon collègue Yvan Loubier ont fait des prévisions qui s'approchaient beaucoup plus de la réalité.

    En somme, peu importent les efforts des prévisionnistes du ministère des Finances, cela ne reflétera pas la réalité. En bout de ligne, le ministre des Finances s'assure qu'il y aura effectivement des surplus à la fin de l'année; il diminue les attentes et présente des prévisions de surplus le plus bas possible à la Chambre des communes, tout en sachant très bien que les surplus seront beaucoup plus élevés.

    Je reviens aux 4 milliards de dollars. M. Penson demandait tout à l'heure s'il est normal que, six semaines après la fin de l'année financière, on ne soit pas en mesure d'avoir une évaluation juste. Monsieur Drummond, vous dites que c'est normal et qu'il peut y avoir un écart de quelques milliards de dollars. On ne parle pas d'un écart de quelques milliards de dollars, on parle d'un écart de 7,2 milliards de dollars.

    N'est-ce pas le signe que le ministre des Finances a un plan pour soustraire les sommes réelles au contrôle des parlementaires? Et on pourrait reparler des fondations.

    Messieurs Drummond et Orr, j'aimerais entendre vos commentaires. Ne semble-t-il pas y avoir un plan directeur afin que, de budget en budget, les surplus soient le plus bas possible et pour qu'à la fin de l'année, on puisse simplement rembourser une part de la dette? Les prévisions n'étant pas une science exacte, n'est-il pas ridicule qu'on nous présente un budget qui prévoit des dépenses pour les cinq prochaines années?

[Traduction]

+-

    M. Don Drummond: Je vais commencer, si vous voulez. Encore une fois, pour revenir sur mon cheval de bataille, la réserve pour éventualités, vous dites que l'écart au budget déposé le 23 mars 2004 s'est monté à 7,2 milliards de dollars, mais il ne faut pas oublier, bien entendu, que cette somme comprenait une réserve pour éventualités de 3 milliards de dollars. Personne n'aurait pu prévoir ce qui devait se produire.

+-

    M. Guy Côté: Est-ce qu'on en avait tenu compte auparavant?

+-

    M. Don Drummond: Une semaine avant la fin de l'année financière, personne n'aurait pu prévoir qu'il serait peut-être nécessaire d'avoir recours à la réserve pour éventualités. Si vous regardez ce budget-là, tout de suite vous allez vous dire que le solde prévisionnel n'est pas de 1,9 milliard de dollars, mais plutôt de 4,9 milliards de dollars. Alors, comment se fait-il que ces 4,9 milliards de dollars se soient transformés en 9,1 milliards de dollars?

    Personnellement, je trouve intolérable qu'on n'ait pas eu une idée un peu plus précise du solde une semaine avant la fin de l'année financière. Je trouve ça assez choquant. Il est évident qu'une bonne partie de cette différence est attribuable au passage à cette nouvelle méthode comptable qu'est la comptabilité d'exercice, et on peut comprendre l'écart que cela a pu causer. Mais encore une fois, je me dis qu'il doit y avoir une certaine faiblesse au niveau de la surveillance des sociétés d'État ou de la péremption des crédits ministériels inutilisés, étant donné que l'erreur est en grande partie attribuable à ces facteurs-là. Pour ce qui est des changements à apporter éventuellement aux procédures, c'est ce genre de choses que je voudrais surveiller de très près pour voir s'il n'y aurait pas lieu de mieux suivre ces résultats-là.

    Instinctivement, on se dit que les chiffres laissent entrevoir une somme plus importante encore au niveau des crédits inutilisés, étant donné que le Parlement ne siégeait pas pendant une bonne partie de cette période. S'agissant du budget de 2003, toute une série de nouvelles initiatives y ont été annoncées, et on savait très bien qu'elles n'avaient pas vraiment été lancées. Pour bon nombre d'initiatives, notamment celles qui touchent l'environnement, et qu'on annonce maintenant, les fonds n'ont pas encore commencé à être versés. Donc, je pense qu'on aurait pu instinctivement s'attendre à ce que le montant des crédits ministériels inutilisés soit assez important, alors qu'il n'en a pas été question dans la prévision budgétaire.

[Français]

+-

    M. Guy Côté: Je précise ma question. Le gouvernement nous a présenté un budget où il les dépenses sont étalées sur les cinq prochaines années. Vous nous dites qu'il peut y avoir une marge d'erreur de 4 milliards de dollars par année. On sait que le gouvernement prépare des budgets où les surplus sont toujours abaissés. Peut-on prévoir très facilement que les surplus des cinq années à venir ne totaliseront pas 12 milliards de dollars, mais peut-être 16 milliards de dollars, pour ne pas dire 20 milliards de dollars? Peut-on accorder une quelconque crédibilité aux prévisions budgétaires du ministre pour 2009, par exemple?

+-

    M. Don Drummond: D'abord, ce doit être un surplus de 7 milliards de dollars en 2009, parce qu'il y a 3 milliards pour le...

  +-(1225)  

+-

    M. Guy Côté: Est-ce crédible?

+-

    M. Don Drummond: La différence entre un surplus nul et un surplus de 7 milliards de dollars est qu'un surplus nul n'est pas calculé parce qu'il contient deux niveaux de réserve, alors qu'un surplus de 7 milliards de dollars l'est. Est-ce qu'il sera de 7 milliards de dollars? Non, il y aura des changements politiques d'ici 2009. Mais pour le moment, je trouve que c'est réaliste. C'est le type de prévision économique qu'on utilise pour les plans financiers de ma banque. Peut-il y avoir des erreurs? Oui, absolument. Selon la présentation que Dale a faite, la probabilité d'une erreur pouvant aller jusqu'à 4 milliards de dollars par année est forte. Le surplus de 7 milliards de dollars pourrait-il être de 11 milliards de dollars? Bien sûr, je ne peux nier cette possibilité. Cela pourrait être...

+-

    M. Guy Côté: Cela pourrait être 11 milliards de dollars, 15 milliards de dollars ou 19 milliards de dollars.

+-

    Le président: Merci, monsieur Côté.

    Monsieur Bains.

[Traduction]

+-

    M. Navdeep Bains (Mississauga—Brampton-Sud, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je voudrais d'abord remercier nos témoins de leur présence. Cette discussion m'intéresse beaucoup. Je sais que nous sommes là pour parler de prévisions budgétaires, puisque c'est ça le thème de base. Je sais aussi que nous nous sommes un peu écartés du sujet de temps à autre.

    Je peux me fonder sur mon expérience. Quand j'ai travaillé chez Ford, j'ai aidé à préparer deux budgets annuels pour la compagnie. Dès que nous avions fini de préparer notre budget, il n'était pas nécessairement dépassé, mais il était inexact, puisque de nouvelles informations étaient devenues disponibles, l'environnement avait changé, etc. Le budget avait surtout pour objet de donner une impression de l'orientation de la compagnie. Donc, de par leur nature, les prévisions sont inexactes. C'est la nature même d'une prévision. Les prévisions ne sont jamais exactes. Elles ne prédisent pas l'avenir avec la certitude correspondant aux attentes des gens ou qu'ils trouveraient souhaitable.

    Mais à part cela, je suis content que vous ayez parlé des différences entre la comptabilité d'exercice par opposition à la comptabilité de caisse, qui est très intéressante. Je suis bien content que vous ayez apporté des éclaircissements à ce sujet, monsieur Drummond.

    En outre, je reconnais l'erreur systématique et la marge de prudence de 3 milliards de dollars qui font partie intégrante du budget.

    Mais j'ai besoin de profiter de votre expérience et de vos observations au sujet de ce budget—et en termes relatifs, car en termes absolus, on constate facilement qu'on est assez loin du compte, et ce de plusieurs milliards de dollars, mais c'est parce que notre assiette est beaucoup plus élevée. Donc, en termes relatifs, quand on dit que l'écart entre nos prévisions et la réalité correspond à un certain pourcentage, comment cela se compare-t-il aux prévisions faites pour les entreprises Fortune 500? À mon avis, le secteur constitue un bon repère pour établir des comparaisons avec les prévisions du gouvernement.

    Parlons, par exemple, de la capacité prévisionnelle du gouvernement. Et j'aimerais qu'on tienne compte de la marge de prudence et de la réserve pour éventualités, parce que ces dernières font partie de la réalité. Ce n'est pas une surprise, on les inclut automatiquement. Alors, comment la portion de l'excédent qui dépasse ces marges se compare-t-elle aux résultats du secteur privé?

    J'aimerais vous entendre à ce sujet.

+-

    M. Don Drummond: En fait, c'est triste à dire, mais les prévisions du gouvernement sont très semblables à celles qui émanent du secteur privé. Prenons l'exemple de ma banque. Nous avons subi de très fortes pertes en 2002 qui étaient tout à fait imprévues—et ce à cause de l'effondrement de deux secteurs précis aux États-Unis en l'espace de trois mois, soit ceux des télécommunications et des services publics. Il y avait eu de petites révisions, mais personne n'avait prévu l'ampleur de nos pertes. Mais depuis plusieurs années, toutes les banques, y compris la mienne, enregistrent de gros bénéfices qui dépassent de loin leurs prévisions.

    Ce que je peux vous dire, c'est que l'élément commun dans ce que fait le gouvernement et ce dont nous parlons ici, c'est que les entreprises privées préparent une seule prévision correspondant au meilleur scénario, et ensuite, elles examinent les autres possibilités. Je peux vous garantir qu'on ne passe pas beaucoup de temps à regarder d'autres possibilités ou résultats plus favorables, parce que si les résultats sont plus favorables, on est content et on accepte. On passe au contraire tout son temps à envisager des résultats moins favorables.

    Si j'en parle, c'est parce que vous voudrez peut-être envisager quelque chose de semblable. Dans les années 80, c'est justement ça qui a été fait pour plusieurs budgets. Ils ne se sont pas contentés de faire une prévision ponctuelle; ils ont examiné toute une série de scénarios possibles. Par exemple, on disait : Bon, voilà la prévision de base. L'économie progresse de 3 p. 100 chaque année en moyenne. Mais si on suppose un taux de croissance de 3,5 p. 100, voilà le résultat qu'on obtient. Ou encore, supposons que la situation soit difficile, que les taux d'intérêt augmentent, que les résultats économiques soient moins bons que prévu; voilà le genre de scénario qu'on examinait. Cela suppose une fourchette qui engloberait facilement les chiffres dont parlait M. Côté d'ici l'an 2009.

    Je trouve qu'on se leurre si on regarde une seule série de chiffres ponctuels en nous disant que ces derniers représentent une estimation fiable qu'on peut utiliser pour faire notre planification. Aucune entreprise privée ne les verrait de cette façon. Je suis sûr que la vôtre ne l'a pas fait non plus. Je peux vous garantir que la nôtre ne fait pas non plus ça, et à mon avis, le gouvernement ne devrait pas estimer que cette seule série de chiffres correspond nécessairement à ce que nous allons observer au fur et à mesure que l'économie évolue.

+-

    M. Navdeep Bains: Très rapidement, si vous me permettez, quel est le bilan du Canada par rapport à d'autres pays, et notamment les États-Unis, en ce qui concerne notre capacité d'établir des prévisions exactes?

+-

    M. Don Drummond: En fait, en termes relatifs…

+-

    M. Navdeep Bains: Oui, comment notre capacité se compare-t-elle à celle des autres en termes relatifs?

+-

    M. Don Drummond: En termes relatifs, nous nous en tirons mieux comparativement à d'autres. Les excédents considérables qu'ils ont enregistrés vers la fin du mandat de M. Clinton n'avaient rien à voir avec ce à quoi ils s'étaient attendus, et de même, l'évaluation par l'administration de M. Bush de la détérioration de la situation économique et des déficits budgétaires a été beaucoup plus inexacte que celle du Canada.

+-

    M. Navdeep Bains: Est-ce un organisme indépendant qui fait les prévisions?

+-

    M. Don Drummond: Il y en a deux. C'est-à-dire que non, les prévisions sur lesquelles reposent les budgets sont faites par le bureau responsable du gouvernement américain. Le Congressional Budget Office les revoie, mais il ne s'agit pas de la prévision officielle. En ce qui concerne le Royaume-Uni—il faut dire que dans le cadre de ses fonctions, M. O'Neill parcourt le pays. Quant aux pays de l'OCDE, ils ont à peu près tous fait les mêmes erreurs pour à peu près le même genre de…

+-

    M. Navdeep Bains: Comment le Canada se compare-t-il aux autres pays en général—surtout les pays européens, des pays comparables, comme ceux du G-7—du point de vue de sa capacité prévisionnelle?

+-

    M. Don Drummond: Il est certain qu'au cours des 10 dernières années, nous avons été dans la fourchette, mais ce n'est pas nécessairement une très bonne fourchette. Je ne dis pas que nos chiffres soient exemplaires, mais on ne les remarque pas non plus par rapport aux autres. Il y a un grand nombre de pays qui ne s'en sont pas mieux sortis que nous.

+-

    M. Navdeep Bains: Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci, monsieur Bains.

    Bon. Comme il nous reste du temps, nous allons donner cinq minutes chacun à M. Penson, Mme Wasylycia-Leis, et M. Bell.

  +-(1230)  

+-

    M. Charlie Penson: Oui, merci.

    Il me semble que la question de M. Bains portait sur les prévisions qu'on établit un an auparavant. Ce qui intéresse le comité, à mon avis, c'est la possibilité d'obtenir des chiffres plus exacts pendant l'année. Au fur et à mesure que nous obtenons des mises à jour, nous pourrions prendre des décisions, comme l'expliquait M. Orr, sur l'opportunité de réduire les impôts, d'engager d'autres dépenses, etc. Donc, plus les informations dont nous disposons sont justes, meilleures seront nos décisions. Même si je suis d'accord avec M. Bains quand il dit que lorsqu'on établit un prévision, on se doute qu'un an plus tard, elle sera sans doute erronée, et c'est pour cette raison qu'on a des réserves pour éventualités. Mais ce qui nous intéresse ici, c'est qu'on nous présente des mises à jour en temps opportun pour nous permettre de savoir où nous en sommes au fur et à mesure que la situation évolue.

    Monsieur Orr, les représentants de votre compagnie ont comparu devant le comité tout dernièrement, et dans le cadre de l'analyse que vous préparez pour le comité, vous prévoyez un excédent de 8,1 milliards de dollars pour 2004-2005. Mais je crois savoir que ce montant ne tenait pas compte… Je suis convaincu que vous pensiez que les frais de la péréquation pour Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse, qui se montent à 2,8 milliards de dollars, seraient imputés à l'actuelle année financière, alors que nous venons d'apprendre que ce n'est pas le cas. Si l'on en tient compte, le chiffre qu'on obtient passe à près de 11 milliards de dollars.

    Là où je veux en venir, c'est que le budget déposé la semaine dernière parlait de 3 milliards de dollars. À votre avis, quel serait un montant plus exact si l'on exclut les dépenses de fin d'année qu'on ignore encore pour l'instant?

+-

    M. Dale Orr: Vous avez raison. Entre prévisionnistes, nous avons convenu de supposer que l'argent versé à Terre-Neuve-et-Labrador et à la Nouvelle-Écosse serait prélevé sur le budget de cette année, et ce parce que la description qu'on en faisait prévoyait toujours une avance de fonds. J'estimais, et d'autres avec moi, que cela pourrait aller, mais il n'en était rien. Par coïncidence, une somme presque identique de 3 milliards de dollars a été imputée aux comptes de cette année, alors qu'on ne s'y attendait pas. Il s'agissait d'un fonds d'affectation spéciale pour les soins de santé—concernant les périodes d'attente.

    Donc voilà qu'on a pu neutraliser les erreurs. Le résultat final est nul, cependant, étant donné que cet apport de fonds était neutralisé par une somme correspondante au budget.

+-

    M. Charlie Penson: Oui, monsieur Orr, mais cela laisse une différence d'environ 5 milliards de dollars par rapport au chiffre que vous avez proposé. Je pense que le chiffre que vous avez proposé était le plus bas de tous ceux qui nous ont fait des exposés en février—tout dernièrement. Mais même là, l'écart est toujours d'environ 5 milliards de dollars.

    Et où en êtes-vous aujourd'hui; vous et votre collègue êtes-vous en train de nous dire que l'écart pourrait être de 4 milliards de dollars parce que…

+-

    M. Dale Orr: En réalité, monsieur Penson, vous me demandez de répondre à une question à laquelle je suis censé répondre le 4 avril quand je vais comparaître devant le comité. Où en sommes-nous aujourd'hui? Eh bien, nous poursuivons notre travail. J'espère que d'ici là…c'est-à-dire qu'à ce moment-là, nous pourrons faire une mise à jour.

+-

    M. Charlie Penson: C'est vrai. Mais vous semblez nous dire, monsieur Orr, que même si nous vous avons recruté, de même que deux autres compagnies, pour faire cette analyse, après avoir obtenu les résultats du quatrième trimestre, et en tenant compte des rajustements de fin d'année, de la comptabilité d'exercice, et de tous les autres facteurs, l'écart pourrait être de 4 milliards de dollars. Est-ce la fourchette à laquelle on doit s'attendre?

+-

    M. Dale Orr: Ce que je vous disais à propos de la fourchette des 4 milliards de dollars se voulait un commentaire générique, qui n'était pas lié à une année particulière, et je vous ai expliqué pour quelles raisons j'étais de cet avis. Alors voilà. Nous sommes au travail. Quand nous aurons terminé ce travail, nous aurons des réponses. Mais je ne peux pas vous donner de réponses préliminaires aujourd'hui.

    Dans le même ordre d'idées, il y a une autre précision à faire qui ne devrait pas du tout vous surprendre. Oui, il est vrai que la prévision économique est l'un des éléments les plus importants dans l'établissement de la prévision budgétaire. Mais Don a bien insisté sur le fait qu'il y a d'autres facteurs donnant lieu à des changements et des écarts très importants. Même par rapport à la prévision économique, ce qui n'est pas bien compris, c'est que le taux de croissance du PIB réel est important, mais le mouvement du PIB nominal l'est autant. Pourtant, c'est aux fluctuations du PIB réel qu'on s'intéresse le plus.

    Par exemple, en 2004, le PIB réel s'est révélé inférieur au montant prévisionnel de l'exposé économique. Il y en a qui se demandent par conséquent pourquoi le montant de l'excédent budgétaire n'a pas été révisé à la baisse? Eh bien, l'une des raisons pour lesquelles cela n'a pas été fait, c'est que le PIB nominal cadrait parfaitement avec la prévision, et donc la prévision était tout à fait exacte. À 1,292 milliard de dollars, l'écart était inférieur à 1 milliard de dollars, soit une fraction du 1 p. 100 correspondant à la prévision antérieure.

    Le PIB réel est une valeur très importante pour déterminer ce que percevra le gouvernement au titre de l'impôt sur le revenu des particuliers, de l'emploi, etc., mais le calcul d'autres types d'impôts comme l'impôt des sociétés ou la TPS dépend très fortement des montants historiques.

  +-(1235)  

+-

    M. Charlie Penson: Est-ce en raison des pressions inflationnistes?

+-

    M. Dale Orr: Oui, la différence entre le PIB réel et le PIB nominal est le coefficient de déflation. Comme vous le constatez, le montant que perçoit le gouvernement au titre de la TPS dépend des montants en dollars historiques seulement. Vous dépensez 1 $, et le gouvernement perçoit un certain pourcentage de TPS.

    Quand nous en discutons, quand vous lisez les journaux et quand vous avez à faire votre propre évaluation de la situation, alors que vous vous posez toutes sortes de questions, je vous dis simplement de vous rappeler que même si le PIB réel diminue, vous devez toujours vous demander comment évolue le PIB nominal. En fait, le PIB nominal correspond à ce qu'on appelle l'assiette fiscale générale. Par exemple, l'année dernière, le PIB réel était inférieur au montant prévisionnel, alors que le PIB nominal cadrait parfaitement avec ce qui avait été prévu. La raison en est que l'inflation au sein de l'économie s'est révélée supérieure à ce qu'on avait prévu, et ce principalement à cause de l'accroissement du cours des produits de base.

    Alors, cela vous donne une idée des différents éléments que nous devons arriver à bien comprendre pour ne pas nous tromper. En fait, c'est le cours du pétrole, qui est très difficile à prévoir, qui a fait beaucoup gonfler l'assiette fiscale, même si l'économie réelle se contractait.

+-

    Le président: Merci, monsieur Penson.

+-

    M. Charlie Penson: C'est fini?

+-

    Le président: Oui, depuis longtemps.

    Mme Wasylycia-Leis est notre prochaine intervenante, et ensuite, ce sera le tour de M. Bell.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président.

    D'abord, je suis d'accord avec M. Drummond—et je pense que nous sommes sans doute tous du même avis—pour dire que le recours massif aux mécanismes des fonds d'affectations spéciales doit nous inquiéter au niveau de la responsabilisation. Mais le problème, c'est que si nous n'arrivons pas à faire de meilleures prévisions, l'argent devra obligatoirement être affecté au remboursement de la dette. Ce n'est pas quelque chose de souhaitable, en ce qui me concerne, ce qui me ramène à la nécessité d'en arriver à des prévisions exactes.

    Laissons de côté le travail que vous faites actuellement, monsieur Orr—vous et d'autres—relativement à ce dernier trimestre; pour l'année prochaine, le gouvernement prévoit que l'excédent sera de 4,5 milliards de dollars, ce qui comprend les 3 milliards de dollars et le 1 milliard de dollars pour la réserve pour éventualités et la marge de prudence. Chez TD, c'est 0 $ plus 4 milliards de dollars, ce qui donne 4 milliards de dollars. Chez Global, c'est 4,1 milliards de dollars, ce qui comprend les 4 milliards de dollars pour la réserve pour éventualités et l'excédent. Comparons ces chiffres à la prévision établie par Jim Stanford et le Centre des politiques alternatives, qui est de plus de 11 milliards de dollars. Si la performance du CCPA continue d'être aussi positive, nous pourrions finir par avoir un autre énorme écart et nous nous verrions de nouveau enfermés dans le même dilemme. Comment éviter une telle situation?

    J'ai une question connexe, qui est celle-ci : pourquoi le gouvernement, Global et TD prévoient-ils un tel revirement de la situation? On ne m'a pas encore expliqué cette baisse soudaine suivie d'un redressement, des phénomènes qui ne font pas partie de la prévision du CCPA.

    Enfin, le vrai travail du comité consiste à créer ou à envisager de créer une capacité prévisionnelle indépendante pour le Parlement. En fait, notre travail l'emporte sur celui de Tim O'Neill. Il a précédé la mission de ce dernier puisqu'il découle du discours du Trône. Ce n'est que par la suite que le gouvernement a demandé à M. O'Neill de faire son analyse, mais c'est ce comité qui a le mandat d'atteindre un objectif plus général à cet égard. En fait, nous avons des attributions bien précises. Je ne sais pas si vous avez vu le mandat du comité.

    Notre véritable objectif consiste à élaborer un plan qui permettra au Parlement de bénéficier de conseils indépendants en matière de planification et de prévisions budgétaires, pour que nous soyons à même d'accomplir le travail si bien décrit par M. Orr.

    Voilà donc mes trois questions. Vous pourrez choisir celle à laquelle vous voulez répondre.

  +-(1240)  

+-

    M. Dale Orr: Pourrais-je vous demander des éclaircissements? Vous avez parlé d'un revirement de la situation, mais je ne suis pas sûr de savoir de quoi vous parlez au juste. Il est certain que l'évaluation de l'excédent budgétaire présentée dans l'exposé économique du mois de novembre était inférieure à ce qui avait été annoncé précédemment, mais il n'y a pas eu…

    Une voix: C'est normal quand il s'agit d'un excédent.

    Dr Dale Orr: C'était le cas pour la Mise à jour économique, mais au budget de 2005, les excédents implicites… En réalité, ils augmentent de 1 milliard de dollars chaque année, puisque c'était 3 milliards de dollars en 2004-2005, 4 milliards de dollars…

    Peut-être s'agit-il simplement d'une progression normale.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Peut-être, si nous acceptons cette hypothèse. Mais jusqu'au jour du dépôt du budget, le ministre des Finances parlait en public d'un revirement de la situation, d'après ce qu'on disait dans les médias. Je n'ai pas entendu parler d'opinions qu'il aurait exprimées depuis. Il a dit essentiellement qu'il va y avoir une diminution au cours des prochaines années, suivie d'une hausse importante, une fois de plus. Le budget, tel qu'il a été présenté, ne traduit peut-être pas ce mouvement, mais je trouve de toute façon que ce budget est un peu curieux, puisque les dépenses sont prévues sur un grand nombre d'années. Voilà qui entraîne peut-être une distorsion en ce qui concerne le montant réel de l'excédent. Je n'en suis pas sûre.

+-

    Mme Ellen Russell: En ce qui concerne cette idée de revirement, le fait est que le gouvernement prévoyait déjà, avant de déposer le dernier budget fédéral, que l'excédent budgétaire serait relativement faible au cours des deux ou trois prochaines années, et que par la suite, il progresserait avec le temps. Mais les nouvelles mesures qui ont été introduites viennent modifier ce modèle jusqu'à un certain point. En réalité, nous parlons de mesures dont le rythme de mise en oeuvre s'intensifie progressivement. Les dépenses et les mesures fiscales se multiplient vers la fin du cycle budgétaire.

    C'est intéressant. Ce matin, nous avons parlé presque exclusivement de l'extrême difficulté du travail consistant à évaluer le montant de l'excédent budgétaire même quelques semaines après l'arrêt des comptes à la fin de l'année financière, et donc, si on parle de mesures qui entreront en vigueur en 2009-2010, il s'agirait de déterminer, bien des années auparavant, si on aurait les moyens de payer de telles mesures. Donc, j'ai du mal à comprendre dans un sens que le comité trouve si important de savoir ce qui arrive juste avant la fin de l'année financière ou juste après la fin de l'année financière. Si vous voulez qu'il y ait un débat public plus éclairé sur les nouvelles mesures fiscales ou les nouvelles dépenses qui seraient appropriées, étant donné que de telles mesures sont prévues plusieurs années auparavant, la véritable priorité ne consiste pas nécessairement à améliorer l'exactitude des renseignements d'actualité.

+-

    M. Don Drummond: J'aimerais aborder cette idée de revirement. Il s'agit en fait d'un phénomène fort simple.

    Les prévisionnistes qu'on invite à participer à la Mise à jour économique de l'automne établissent certaines hypothèses relatives aux recettes et aux dépenses, et prévoient généralement que les recettes progresseront au rythme de l'économie nominale, soit entre 4,5 p. 100 et 5 p. 100 par an. Ensuite, s'agissant de toute une série de dépenses, ils supposent que ces dernières vont être constantes, en ce qui concerne la valeur réelle par habitant, ce qui donne un taux de croissance d'environ 3 p. 100. Cela finit par créer un écart. L'excédent n'est pas très important dans l'immédiat, mais au fur et à mesure que le temps passe, l'écart se creuse.

    Bien entendu, l'écart devient d'autant plus important parce qu'ils s'attendaient à ce que les taux d'intérêt montent, alors qu'ils n'ont pas atteint un niveau particulièrement élevé. Même en 2008, quand certaines obligations acquises dans les années 80 arrivent à échéance, elles le font à un taux d'intérêt inférieur, si bien que l'excédent va toujours aller en progressant.

    Pourquoi cela n'est-il pas évident dans le budget? Eh bien, c'est très simple. C'est parce qu'ils ont prévu toutes sortes de réductions d'impôt et d'augmentations des dépenses qui sont reportées à plus tard. Par exemple, l'élimination de surtaxe des sociétés et d'autres mesures n'entreront pas en vigueur avant 2008. Voilà qui aplatit donc cette courbe en U.

    S'agissant de la création d'une capacité indépendante, je suis d'accord sur la nécessité de le faire. En fait, dans un document—d'ailleurs, si vous ne l'avez pas encore vu, je vous le recommande—du ministère des Finances qui remonte au début des années 90, nous avons même fait une proposition très semblable. La formule qu'on proposait était légèrement différente, puisque nous recommandions que cette capacité vise les informations tant fédérales que provinciales.

    À mon sens, la situation s'est un peu améliorée depuis, mais à l'époque, chaque province avait un système comptable différent; il était impossible d'établir des comparaisons. Maintenant nous disposons de plus de renseignements, et de renseignements plus comparables. Mais à mon avis, cette capacité est tout à fait essentielle.

    Mais il y a un aspect auquel vous devrez vraiment réfléchir et c'est la question de savoir si cette capacité doit être indépendante. Pour moi, vous mettez les responsabilités du ministère des Finances dans une situation fort difficile, puisque d'une part, ils sont là pour servir le ministre, mais d'autre part, vous leur demandez de fournir des conseils indépendants au Parlement. À mon avis, ils ne peuvent pas faire les deux.

+-

    Le président: Monsieur Orr, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

+-

    M. Dale Orr: Non.

  +-(1245)  

+-

    Le président: Merci.

    C'est à vous, monsieur Bell.

+-

    M. Don Bell (North Vancouver, Lib.): J'avais deux questions à vous poser. On a déjà répondu aux autres, mais il y en a une qui concerne la réserve pour éventualités et les différentes marges.

    Pour revenir sur les chiffres qu'on retrouve dans le document de M. Orr—soit les 3 milliards de dollars et le 1 milliard de dollars—à votre avis, ces chiffres correspondent-ils à des montants raisonnables? Il y a évidemment l'erreur éventuelle négative ou positive de 1,8 milliard de dollars, ce qui donne 3,6 milliards de dollars, mais ensuite vous parlez de la marge de prudence économique traditionnelle qui permet d'être préparé en cas d'imprévus, et là vos chiffres sont de 3 milliards de dollars et de 1 milliard de dollars.

    Ces montants vous semblent-ils raisonnables compte tenu du budget et de ce que vous savez du gouvernement?

+-

    M. Dale Orr: C'est une très bonne question. J'y réfléchis depuis un moment. Je suis à peu près sûr que ce sont des montants très appropriés. J'accepte volontiers l'idée selon laquelle la réserve pour éventualités, qui existe en cas d'imprévus budgétaires, soit du même montant chaque année—c'est-à-dire, les 3 milliards de dollars; ce montant reste inchangé d'une année à l'autre. De plus, la notion selon laquelle la marge de prudence économique devrait progresser avec le temps me semble tout à fait logique, parce que plus on s'éloigne dans le temps, plus la probabilité d'erreur augmente.

    Donc, ces montants me semblent correspondre de très près à ce qu'il faut prévoir. J'attends justement avec impatience de prendre connaissance du rapport de Tim O'Neill, pour voir ce qu'il dit à ce sujet. Il fera peut-être valoir des arguments auxquels je n'ai pas pensé et qui pourraient influencer mon opinion, mais je dirais que ces chiffres me semblent très appropriés.

+-

    M. Don Bell: Mon collègue, M. Bains, a posé l'une des questions que je comptais vous adresser, à savoir comment d'autres gouvernements se comparent au Canada du point de vue de leurs prévisions? Mon autre question est celle-ci : comment d'autres gouvernements se comparent au Canada du point de vue de leur marge de prudence?

+-

    M. Dale Orr: Je suis bien content que vous ayez posé cette question. Depuis pas mal de temps, j'insiste beaucoup auprès des ministres des Finances provinciaux pour qu'ils adoptent le même mécanisme que le gouvernement fédéral, car c'est une mesure de prudence qui me semble préférable à ce que font la grande majorité des administrations provinciales à l'heure actuelle. C'est-à-dire que la marge est là, inscrite au budget. Elle est très explicite. Qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, elle est transparente et on sait qu'elle est là.

    Plusieurs gouvernements provinciaux ont mis sur pied des fonds de stabilisation des recettes. Ce mécanisme permet de mettre de côté de l'argent les bonnes années, pour pouvoir y recourir les mauvaises années. À moins d'examiner les annexes, ce qu'on lit dans les documents budgétaires des gouvernements provinciaux est parfois trompeur—et ils sont plusieurs à avoir fait ça; dans leurs documents, ils disent « Nous avons équilibré le budget cette année; nous avons un budget équilibré ». Mais à moins de lire les explications détaillées, vous ne vous rendrez pas compte qu'ils sont en réalité prélevé 800 millions de dollars sur les recettes récoltées l'année précédente. Voilà pourquoi je n'aime pas ces fonds de stabilisation des recettes.

    Ce que font d'autres gouvernements, et c'était la pratique du gouvernement fédéral avant d'opter pour cette autre procédure, que je préfère, c'est évaluer à la baisse la prévision économique à dessein. Mais voilà qui introduit certaines erreurs et distorsions. C'est une évaluation qui est beaucoup plus subjective, et c'est une procédure beaucoup moins transparente. Il reste que c'est ça que font certains gouvernements provinciaux.

    Donc, à mon avis, cette autre façon de faire face à l'incertitude est bien préférable à ce que font la majorité des gouvernements provinciaux. C'est un mécanisme assez satisfaisant, mais c'est justement l'un des éléments à propos desquels nous pourrons bénéficier d'une analyse plus approfondie.

+-

    M. Don Bell: Si je vous pose la question, c'est parce que au gouvernement municipal—et là je me fonde sur mon expérience personnelle—premièrement, un déficit est exclu. Par conséquent, le budget doit toujours prévoir un excédent; c'est essentiel. Mais la vraie question est de savoir combien il faut prévoir d'excédent?

    Il faut avoir une réserve pour éventualités, et c'est ce que nous faisions au niveau municipal. Nous avions, entre autres, ce que nous appelions la « réserve du conseil ». Dans notre cas, l'une des critiques qui avait été formulée—et c'est le contraire de la situation dont on parle ici—c'est que notre municipalité n'avait pas prévu une réserve pour éventualités suffisamment importante, de l'avis de beaucoup de gens. Notre expérience nous permettait de savoir qu'on n'aurait pas besoin de plus, mais les gens prétendaient que si on n'avait pas prévu une réserve suffisante, c'était simplement pour pouvoir annoncer que les impôts restaient faibles ou que le budget n'augmentait pas en termes de pourcentage.

    Donc, c'est presque le contraire de ce que j'entends aujourd'hui. C'est intéressant.

+-

    M. Don Drummond: Pourrais-je répondre à la question sur la réserve pour éventualités et la marge de prudence?

    Je ne suis pas tout à fait d'accord avec Dale. Je pense au contraire qu'on pourrait avancer des arguments très crédibles qui militeraient en faveur de leur élimination. J'estime qu'on n'en a plus besoin. On a établi ces marges à l'époque où, depuis 25 ans, les erreurs qu'on avait commises allaient toujours dans le « mauvais » sens. Elles ont joué un rôle important en ce sens qu'elles ont permis de rétablir la crédibilité du gouvernement, mais comme cette crédibilité est maintenant rétablie, il y a une question fondamentale qui se pose, à savoir s'il convient que tout le processus budgétaire soit désaxé en faveur d'un solde budgétaire positif, ou s'il ne serait pas préférable d'essayer d'en arriver à un chiffre précis et exact?

    Évidemment, pour répondre à cette question il faut s'attaquer au problème même que vous avez soulevé, à savoir qu'au niveau municipal, vous n'avez pas le droit d'avoir un déficit. Est-il normal de croire que le monde s'effondrera si nous enregistrons un déficit de 1 $? À l'heure actuelle, je suppose qu'un élu, où qu'il soit au Canada, vous dirait sans doute que oui, pour des raisons politiques, mais il est évident que cela ne tient pas debout sur les plans économique et financier. Si nous passons par un cycle qui fait que nous enregistrons un petit déficit, à condition que les déficits ne deviennent pas systématiques et permanents, cela ne pose pas vraiment de problème.

    Donc, étant donné que nous avons réussi à réduire notre niveau d'endettement—même s'il est encore trop élevé à mon avis—que nous enregistrons des excédents depuis 1997-1998, pourquoi ne pas essayer d'en arriver à une prévision qui soit vraiment juste? Il s'agirait d'éliminer tout ce qui peut entraîner des erreurs ou des distorsions au niveau de la prévision économique et des excédents pour les fins de planification, de façon à en arriver à un résultat exact.

  +-(1250)  

+-

    M. Don Bell: D'après ce que j'ai pu voir en tant que nouveau député, il y a plusieurs facteurs à prendre en compte. À un moment donné, vous avez parlé de…

    Je ne sais pas si c'était vous, Don. En prenant mes notes, je n'ai pas indiqué si c'était vous ou Dale qui l'avait dit. J'ai tiré un trait après les remarques d'Ellen et après celles de Dale. Non, je pense que c'est Dale qui avançait cet argument-là.

    Vous avez dit qu'il n'y avait pas qu'une source d'erreur systématique. Si c'est vrai, cela veut dire qu'il y a des inconnus—comme la tempête de verglas, l'ESB, etc. Ce genre de choses arrivent.

+-

    M. Don Drummond: Oui, mais il pourrait y avoir aussi des imprévus positifs. C'est ça que je veux dire. La réserve pour éventualités existe pour nous permettre d'intervenir lorsqu'il se produit des choses désagréables.

+-

    M. Don Bell: Oui, en cas d'imprévus négatifs.

+-

    M. Don Drummond: Mais les bénéfices des sociétés progressent à un taux qui dépasse 20 p. 100 par an depuis trois ans. Par conséquent, le gouvernement perçoit auprès des sociétés beaucoup d'impôts qui n'étaient pas envisagés ou prévus dans le budget. Je me demande donc pourquoi nous établissons une réserve en cas d'imprévus négatifs sans tenir compte d'éléments positifs?

    Encore une fois, cela nous amène à nous poser une question fondamentale, voire même philosophique ; souhaitons-nous créer une prévention systématique, dans notre processus budgétaire, en faveur d'un solde budgétaire positif? Cette prévention est déjà présente, et elle l'est depuis le début des années 1990. Peut-être qu'il n'est plus nécessaire d'agir de la même manière.

+-

    M. Don Bell: C'est comme les budgets de famille; on veut toujours avoir un petit coussin pour les mauvais jours, les éventualités, les catastrophes.

    Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Bell.

    Très rapidement, monsieur McKay.

+-

    L'hon. John McKay: Pour ma part, j'aime l'idée d'une prévention forcée d'une certaine façon. Voilà qui va peut-être vous faire remonter dans l'estime de M. Loubier.

    J'ai une question d'éclaircissement à vous poser, monsieur Orr. En ce qui concerne la formule à envisager, est-ce que vous nous dites que comme réserve pour éventualités, nous devrions prévoir 3 milliards de dollars plus 1 milliard de dollars, ainsi que 4 milliards de dollars, compte tenu des erreurs systématiques, et qu'à partir de là, on peut se permettre de critiquer—autrement dit, c'est seulement quand l'excédent dépasse les 8 milliards de dollars qu'on a un problème de prévision grave qui justifie qu'on critique les erreurs?

+-

    M. Dale Orr: Il s'agit de deux choses bien différentes.

    Ce que je vous disais à propos de la prévision des erreurs concerne l'excédent implicite, c'est-à-dire le montant de l'excédent avant qu'on y ajoute les réserves. À mon avis, c'est le meilleur point de repère qu'on puisse avoir. Ce que j'essaie de dire, c'est qu'on souhaite tous que les chiffres soient plus exacts, mais qu'il serait raisonnable de s'attendre à ce qu'il y ait un écart soit positif, soit négatif de l'ordre de 4 milliards de dollars par rapport à la prévision de la réserve implicite, c'est-à-dire du solde budgétaire implicite.

    Ensuite, en se fondant sur le montant implicite, on prévoit certaines réserves, conformément à la pratique actuelle, selon l'année dont on parle. Pour l'année en cours, il n'y aurait rien. Ensuite, on passerait à 3 milliards de dollars. L'année suivante, ce serait 4 milliards de dollars, parce qu'on aurait une petite marge de prudence économique, etc.

    Donc, les montants établis au titre des différentes réserves seraient à part.

+-

    L'hon. John McKay: Mais si vous avez déjà annoncé vos chiffres, c'est-à-dire le montant du solde plus le montant de la réserve pour éventualités, avant même de commencer à discuter, il me semble que la marge d'erreur vient s'ajouter à la réserve pour éventualités, n'est-ce pas? Je sais que vous nous parlez de l'excédent implicite, et il est vrai que le gouvernement a déjà pris la décision de…

    On parle donc d'un écart de 8 milliards de dollars par rapport au montant de l'excédent implicite.

+-

    M. Dale Orr: Prenons un exemple concret. La première année, vous mettez de côté 3 milliards de dollars au titre de la réserve pour éventualités et 1 milliard de dollars au titre de la marge de prudence. Supposons que le solde budgétaire implicite soit de 10 milliards de dollars. Eh bien, que feriez-vous si l'économie tournait mal cette année-là, si bien qu'au lieu d'avoir un solde implicite de 10 milliards de dollars, vous n'aviez plus que 6 milliards de dollars? Vous n'auriez que des réserves de 4 milliards de dollars, si bien que cette année-là vous auriez un déficit de 2 milliards de dollars.

  -(1255)  

+-

    L'hon. John McKay: Oui. Et là on pourrait dire effectivement qu'il s'agit d'une erreur intolérable, puisqu'on aurait dépassé les 4 milliards de dollars.

+-

    M. Dale Orr: Ce n'est pas moi qui ait employé ce mot « intolérable ».

+-

    L'hon. John McKay: Je n'arrivais pas à trouver un meilleur terme.

+-

    M. Dale Orr: Je vous explique simplement les facteurs qui peuvent donner lieu à des fluctuations et quelles normes il serait raisonnable d'établir par rapport à cela.

+-

    Le président: Merci, monsieur McKay.

    Très rapidement, monsieur Penson.

+-

    M. Charlie Penson: Pour revenir sur votre discussion avec M. McKay, si j'ai bien compris, monsieur Orr, l'écart dont on parle serait de 4 milliards de dollars, soit 2 milliards de dollars dans un sens ou dans l'autre. C'est bien ça?

+-

    M. Dale Orr: Non, ce serait 4 milliards de dollars dans un sens ou dans l'autre, par rapport aux 10 milliards de dollars.

+-

    M. Charlie Penson: Donc, quand M. McKay dit que la réserve pour éventualités serait de 3 milliards de dollars, plus 4 milliards de dollars, ce que vous nous dites, c'est que l'écart de 4 milliards de dollars pourrait tout aussi bien être positif que négatif.

+-

    M. Dale Orr: Supposons que l'excédent implicite soit de 10 milliards de dollars. Ce que je vous dis, c'est que si tout allait mal, ce serait… 6 milliards de dollars seraient… vous savez, c'est là qu'interviennent les 4 milliards de dollars; donc, le solde pourrait être de 14 milliards de dollars. Si c'était 6 milliards de dollars, vous auriez en réalité un excédent de 2 milliards de dollars, puisque vous auriez déjà des réserves correspondant au montant de 4 milliards de dollars.

+-

    M. Charlie Penson: Très bien. Merci.

-

    Le président: Et là-dessus je vais remercier nos témoins pour leur présence. Merci, monsieur Orr, monsieur Drummond, et madame Russell.

    Je voudrais également remercier les membres. Nous nous reverrons cet après-midi.

    La séance est levée.