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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des finances


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 21 juin 2005




À 1005
V         Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.))
V         M. Tim O'Neill (économiste stratégique, à titre personnel)

À 1010

À 1015

À 1020
V         Le président
V         M. Monte Solberg (Medicine Hat, PCC)
V         M. Tim O'Neill
V         M. Monte Solberg
V         M. Tim O'Neill
V         M. Monte Solberg
V         M. Tim O'Neill
V         M. Monte Solberg
V         M. Tim O'Neill
V         M. Monte Solberg

À 1025
V         M. Tim O'Neill
V         M. Monte Solberg
V         M. Tim O'Neill
V         M. Monte Solberg
V         M. Tim O'Neill
V         Le président
V         M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ)

À 1030

À 1035
V         Le président
V         M. Tim O'Neill
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)

À 1040
V         M. Tim O'Neill
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD)

À 1045
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         L'hon. John McKay (Scarborough—Guildwood, Lib.)
V         Mme Judy Wasylycia-Leis

À 1050
V         Le président
V         M. Tim O'Neill
V         Le président
V         M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, PCC)

À 1055
V         M. Tim O'Neill
V         M. Brian Pallister
V         M. Tim O'Neill
V         M. Brian Pallister
V         M. Tim O'Neill
V         Le président
V         M. Guy Côté (Portneuf—Jacques-Cartier, BQ)

Á 1100
V         Le président
V         M. Tim O'Neill
V         M. Guy Côté
V         M. Tim O'Neill

Á 1105
V         Le président
V         Le président
V         M. Tim O'Neill
V         Le président
V         M. Monte Solberg
V         Le président
V         M. Monte Solberg
V         Le président
V         M. Monte Solberg
V         Le président
V         L'hon. John McKay
V         M. Tim O'Neill

Á 1140
V         Le président
V         M. Charlie Penson (Peace River, PCC)

Á 1145
V         M. Tim O'Neill
V         M. Charlie Penson
V         M. Tim O'Neill

Á 1150
V         M. Charlie Penson
V         M. Tim O'Neill
V         M. Charlie Penson
V         M. Tim O'Neill

Á 1155
V         Le président
V         M. Don Bell (North Vancouver, Lib.)
V         M. Tim O'Neill

 1200
V         M. Don Bell
V         M. Tim O'Neill
V         Le président
V         Mme Susan Kadis (Thornhill, Lib.)
V         M. Tim O'Neill
V         Le président
V         M. Monte Solberg
V         M. Tim O'Neill
V         M. Monte Solberg
V         M. Tim O'Neill
V         M. Monte Solberg
V         M. Tim O'Neill

 1205
V         M. Monte Solberg
V         M. Tim O'Neill
V         M. Monte Solberg
V         M. Tim O'Neill

 1210
V         Le président
V         L'hon. John McKay
V         M. Tim O'Neill
V         Le président
V         M. Tim O'Neill

 1215
V         Le président
V         M. Tim O'Neill
V         Le président
V         M. Tim O'Neill
V         Le président
V         M. Tim O'Neill
V         Le président

 1220
V         M. Monte Solberg
V         Le président
V         M. Charlie Penson
V         Le président










CANADA

Comité permanent des finances


NUMÉRO 076 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 21 juin 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

À  +(1005)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)): Bonjour à tous.

    Je voudrais commencer maintenant, car il se peut qu'il y ait des votes à partir de 10 h 30.

    Nous accueillons aujourd'hui M. O'Neill. Merci de comparaître devant nous. Nous sommes ici pour écouter l'expert que vous êtes, notamment votre analyse du rapport que vous venez de préparer sur les prévisions budgétaires et financières indépendantes.

    Pour mémoire, je veux indiquer pourquoi nous sommes ici. Notre comité est saisi d'une étude. Nous avons reçu un ordre de renvoi de la Chambre des communes à la suite d'un amendement proposé par les conservateurs au discours du Trône, lequel ordre de renvoi charge le comité de faire des recommandations relatives à la prestation de conseils indépendants en matière de prévisions budgétaires aux parlementaires, y compris l'étude des recommandations faites par un expert externe.

    Monsieur O'Neill, je crois comprendre que vous avez une déclaration liminaire à faire. Après cela, les membres du comité vous poseront des questions.

    Merci.

+-

    M. Tim O'Neill (économiste stratégique, à titre personnel): Merci de m'inviter de nouveau.

    Hier, j'avais deux raisons de comparaître devant vous, et ce matin, après avoir lu les journaux, j'en ai une troisième.

    La première, c'est que j'ai aimé l'occasion que j'ai eue de m'entretenir avec vous à la fin de l'année dernière. Certains commentaires, questions et suggestions dont vous m'avez faits part m'ont été utiles dans la rédaction de ce rapport.

    Deuxièmement, ma comparution maintenant signifie que j'ai terminé le rapport. En effet, il est rédigé et déposé.

    La troisième raison a trait à la couverture de certains médias ce matin. Je crains qu'il y ait quelques méprises au sujet du contenu du rapport.

    Une des raisons pour lesquelles j'ai entrepris la préparation du rapport a été d'examiner les inexactitudes des prévisions budgétaires et d'offrir des recommandations pour les améliorer. C'est donc, en partie, un diagnostic, et en partie, une tentative d'offrir des solutions ou des remèdes.

    S'agissant du diagnostic, le point le plus important que j'aimerais souligner est que si vous regardez les surprises budgétaires positives des 10 dernières années, vous verrez qu'il n'y a pas un seul facteur qui explique cette tendance. Les recettes ont été sous-estimées sept années sur dix, et les dépenses sur-estimées neuf années sur dix, les coûts de services également sur-estimés huit années sur dix et, enfin, le solde budgétaire sous-estimé durant toutes les 10 dernières années. Cette tendance est différente de ce que nous avons constaté dans d'autres pays. D'où la question : Qu'est-ce qui l'explique? Il est clair que des erreurs de prévisions économiques ont joué un rôle durant une partie de la décennie, mais celles-ci n'ont été un facteur significatif que durant quelques années, et principalement en ce qui a trait à leur incidence sur les prévisions des recettes et des services.

    Le deuxième point à cet égard concerne les révisions des données. Je ne vais pas entrer dans les détails techniques, mais les révisions des données ont aussi contribué de manière notable aux erreurs de prévisions économiques. Même en prenant ces deux facteurs ensemble—les révisions réelles et l'incidence de la révision des données—, on n'expliquerait qu'une partie importante de l'erreur de prévisions budgétaires pendant quatre ans.

    Les prévisions des dépenses sont nettement indépendantes de l'incidence des erreurs de prévisions économiques, et pourtant, pratiquement chaque année, elles ont été sur-estimées. C'est le résultat des ajustements qui sont faits à la lumière d'initiatives entreprises dans le courant de l'année, ce qui permet de brosser un tableau plus clair de l'exactitude des prévisions des dépenses. En aucune année, à l'exception des deux dernières années, la surévaluation des dépenses n'a été considérable, mais elle a été constante.

    Dans mon rapport, je conclus que, durant toute cette période, un facteur clé a été constant, à savoir la règle antidéficit qu'applique le gouvernement et qui régit les fonctionnaires chargés de faire des prévisions financières. Les économistes ne trouveront pas surprenant—et personne d'autre d'ailleurs—que la conséquence de l'application d'une règle qui stipule que « le gouvernement ne doit en aucune circonstance accuser un déficit » soit que les prévisions budgétaires, y compris les postes budgétaires, seront inéluctablement prudentes à outrance. C'est la nature même de la règle qui l'impose. La prudence sera non seulement inévitable, mais tout à fait approprié de la part des fonctionnaires, lesquels sont censés appliquer toute règle stratégique ou toute orientation officielle pour faire en sorte, dans la mesure du possible, que celle-ci soit mise en oeuvre, et c'est ce qui explique l'excès de prudence, en l'occurrence en matière de prévisions budgétaires.

    Dans le rapport, je fais valoir que rien ne le prouve directement, mais qu'on peut le déduire logiquement des éléments d'information dont nous disposons. Si on tient compte de la série de petites erreurs cumulatives—c'est ce que conclut le FMI dans son propre rapport—du côté des recettes comme du côté des dépenses, et ce, continuellement sur une période de 10 ans, l'explication qui cadre le plus avec la tendance observée se trouve, à mon sens, dans la règle antidéficit appliquée par le gouvernement.

    Quelles sont donc les recommandations qui découlent de ce diagnostic? Permettez-moi de les classer dans trois catégories fondamentales : il y a la question de l'exactitude des prévisions, la question de la crédibilité et la transparence, et la question du changement institutionnel.

    S'agissant de l'exactitude des prévisions, il y a de nombreux moyens susceptibles d'améliorer la qualité des données, mais même si l'on suivait ces recommandations, les prévisions économiques et budgétaires seront quelque peu plus exactes, si la tentative réussit, mais cela ne changera pas radicalement le phénomène que nous avons observé au cours des dix dernières années.

    Deuxièmement, il n'y a pas, à mon sens, de solution institutionnelle, qui permette d'améliorer l'exactitude des prévisions à court terme. Certes, nous pourrions créer une institution à l'instar de celles qui existent aux Pays-Bas et aux États-Unis et qui ont la responsabilité de faire des prévisions économiques à court terme. Cela étant, à la lumière de votre propre expérience avec les quatre prévisionnistes que vous avez engagés et de l'éventail de prévisions que vous avez obtenues—et ce, même pour l'exercice qui touchait à sa fin—, vous comprendrez qu'il n'y a pas de solution. C'est pourquoi j'ai recommandé dans le rapport que le comité cesse de recourir aux quatre prévisionnistes qu'il a recrutés.

    Ce qui est en cause, ce n'est pas la qualité du travail que ces derniers font. Je dis simplement que le résultat de leurs travaux ne vous fournira pas d'information plus exacte. Vous obtenez quatre prévisions, une de chacun d'entre eux, puis vous obtenez celle du ministère, si bien que vous en avez maintenant cinq plutôt qu'une.

    Je crois que la solution réside dans le changement de la règle budgétaire. Peut-être est-ce là la recommandation, à tout le moins sur ce point, qui ait reçu le plus d'attention et qui nécessite une explication quelque peu prudente. Je tiens à préciser que je ne préconise absolument pas que le gouvernement se retrouve en situation déficitaire comme dans les années 70, les années 80 et la première moitié des années 90. Ce n'est pas ce que j'avance. Ce que j'avance, c'est que si la règle qu'applique le gouvernement a mené à des inexactitudes en matière de prévisions financières, qu'on change alors la règle. D'ailleurs, il y a d'autres bonnes raisons de le faire. Permettez-moi de vous citer quelques exemples.

    Une des difficultés que pose l'application continue de la règle antidéficit est qu'il faut admettre—peu importe votre allégeance politique et peu importe que vous soyez au gouvernement ou pas—qu'une conséquence de cette règle est qu'on aura une plus grande marge de prudence dans les prévisions pour faire en sorte que, sur la durée du cycle économique, vous n'accuserez pas de déficit. Vous devez simplement accepter ce fait. Il y aura donc, explicitement ou implicitement, une marge de prudence substantielle.

    Si la règle est maintenue, je pense qu'il faudra que vous prévoyiez—et le gouvernement le fait—des moyens de composer avec des surprises budgétaires d'une manière plus structurée, et j'ai des suggestions à faire à cet égard. Si vous optez pour l'échelonnement d'un excédent sur le cycle économique, cela peut être fait, selon la manière de procéder, d'une manière plus disciplinée, bien qu'il puisse paraître paradoxal de le dire, et cela exigera plus de vigueur et plus de rigueur que la règle antidéficit actuelle.

    À l'heure actuelle, le gouvernement prévoit officiellement trois milliards de dollars en moyenne au titre de l'excédent budgétaire pour parer aux éventualités. Or, il pourrait très facilement prévoir cinq ou six milliards de dollars, ou s'il voulait suivre l'exemple de la Suède, établir l'objectif à 2 p. 100 du PIB, ce qui amènerait la mesure de prudence à 22 milliards de dollars. Le gouvernement peut ensuite décider comment il souhaite échelonner l'excédent. L'adoption de la règle de l'« échelonnement de l'excédent sur le cycle économique » permet, en cas de conjoncture économique défavorable, comme ce fut le cas au début des années 90 et durant les années 80, en cas de grave récession, d'accuser un déficit budgétaire. De fait, je vous avancerai, et la plupart des économistes partageraient cet avis, qu'il serait irresponsable de ne pas le faire.

À  +-(1010)  

    Si l'économie devait piquer du nez, le seul moyen pour le gouvernement de faire en sorte qu'il n'y ait pas de déficit serait soit de réduire les dépenses, soit d'accroître les impôts, soit les deux, et la situation serait pire en fait. On empirerait la conjoncture économique, et je ne crois pas qu'il y ait de gouvernement qui veuille envisager cette éventualité. Vous gagnez donc en souplesse. D'autre part, vous mettez davantage l'accent sur le moyen terme. Nous avons beaucoup insisté sur l'exactitude des prévisions à court terme.

    Or, les difficultés auxquelles fera face le Canada au cours des 15 à 20 prochaines années n'ont que peu ou rien à voir avec la taille de l'excédent budgétaire, c'est-à-dire qu'il soit de cinq, de six ou de sept milliards de dollars l'année prochaine. En effet, il se trouve que des gens comme moi vont devenir un fardeau de plus en plus lourd pour le système de soins de santé à mesure que nous vieillirons, et c'est pourquoi les coûts des programmes sociaux, notamment les soins de santé, augmenteront considérablement, ou encore les pressions financières s'amplifieront. À mon sens, c'est là-dessus que nous devons mettre l'accent, c'est-à-dire comment gérer les problèmes à moyen et à long terme.

    Dans le rapport, je propose des suggestions pour améliorer la transparence. Je vous ferai grâce des détails. Je pense que ce sont des suggestions très évidentes, des suggestions sur lesquelles la plupart des gens devraient en principe s'entendre. Je voudrais attirer l'attention du comité sur une en particulier, et c'est celle où je propose que le ministre rencontre le comité au moins une fois de plus pour une séance d'information formelle, probablement à la fin du printemps ou au début de l'été chaque année.

    En ce qui concerne les changements institutionnels, j'ai déjà évoqué la nécessité de mettre l'accent davantage sur les tendances économiques à long terme, notamment les pressions démographiques qui auront des conséquences non négligeables pour le budget dans les dix, quinze ou vingt années à venir. L'autre enjeu économique à long terme est celui de la croissance de la productivité. Celle-ci a une incidence énorme sur la capacité financière, puisqu'elle influe considérablement sur la croissance de l'économie et, du coup, sur la génération de recettes.

    Je pense que le gouvernement a déjà reconnu tacitement le besoin de mettre l'accent davantage sur le moyen terme. Il l'a fait notamment dans l'établissement d'un objectif dette-PIB, et si vous regardez les engagements financiers qui ont été pris au cours des huit à dix derniers mois dans le cadre de la péréquation, de l'accord sur la santé et des ententes provinciales ponctuelles, ainsi que le calendrier de ces engagements, vous constaterez que nombre d'entre eux s'échelonnent sur la durée. C'est pour cette raison que je recommande au gouvernement d'établir une agence indépendante au sein de l'appareil gouvernemental, qui relèverait du gouvernement et qui aurait pour mandat d'analyser des questions à moyen et à long terme et de fournir des conseils stratégiques en conséquence. Deuxièmement, je suggère au gouvernement d'établir un objectif plus ambitieux pour le rapport dette-PIB, afin de ramener celui-ci à un niveau aussi bas que 15 p. 100. La Nouvelle-Zélande vient tout juste de faire passer son objectif de 30 à 20 p. 100. À mon avis, étant donné les conséquences financières des deux facteurs que je viens d'évoquer spécifiquement, prévoir une marge de prudence à plus long terme est tout à fait justifiée.

    Le dernier point que j'aimerais aborder suscitera, je le soupçonne, des questions et des commentaires du comité. Pourquoi ne serait-il pas approprié d'instituer une agence dont le mandat serait de fournir des prévisions à court terme? C'est en effet une question que bien des gens m'ont posée. L'une des raisons est le fait qu'une telle agence devra être assez considérable. C'est le cas du CBO dans le contexte américain. Deuxièmement, une telle agence ferait un travail qui, à mon sens, serait redondant. La structure que nous avons en place actuellement est unique en son genre dans les pays de l'OCDE en ceci que nous faisons appel à des experts externes pour la préparation de prévisions économiques et que nous utilisons ces prévisions dans le processus budgétaire formel.

    Fait plus important encore, et peut-être plus controversé, je le concède, c'est qu'à mon avis, il serait inopportun d'élaborer un processus parallèle qui risque de diminuer l'obligation pour le gouvernement au pouvoir de rendre des comptes. À l'heure actuelle, le gouvernement au pouvoir est responsable du budget. Il est aussi responsable des prévisions. De même, il est responsable de l'exactitude de ses prévisions. Je pense que le processus dans lequel nous sommes engagés maintenant en est l'évidence même. À mon avis, diminuer l'obligation de rendre compte d'une manière ou d'une autre, ou même risquer de le faire, serait un pas dans la mauvaise direction.

À  +-(1015)  

    Monsieur le président, merci de votre indulgence et merci de m'avoir permis d'expliquer le contenu du rapport. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

À  +-(1020)  

+-

    Le président: Merci, monsieur O'Neill. Je veux vous remercier publiquement d'avoir accepté notre invitation sur un court préavis. C'était très gentil de votre part.

    La parole est à M. Solberg, suivi de M. Loubier, puis de M. Hubbard.

+-

    M. Monte Solberg (Medicine Hat, PCC): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Monsieur O'Neill, merci infiniment d'être ici.

    Je veux vous dire d'entrée de jeu que je partage votre avis sur certaines révélations contenues dans votre rapport. Vous y signalez qu'il existe, depuis de nombreuses années maintenant, un parti pris systématique. Ce parti pris consiste à faire en sorte que nous restions toujours dans le noir, ce qui a produit, bien entendu, des situations où le gouvernement sous-estime continuellement la taille de l'excédent. En fait, la règle antidéficit est devenue la règle de la sous-estimation de l'excédent. Vous l'avez révélé dans votre rapport, et je vous en suis reconnaissant. Je crois que c'est très important.

    Votre rapport met en exergue quelques questions. Cela dit, je dois avouer qu'à certains égards, vous êtes allé au-delà de votre mandat, surtout quand vous parlez d'une agence qui examinerait les enjeux à moyen et à long terme. Je pense que vous allez probablement au-delà de votre mandat qu'en vous parlez du rapport de la dette au PIB. Aussi importantes que ces questions soient, je vous soumettrai qu'elles ne s'inscrivent pas tout à fait dans votre mandat.

    Je veux juste laisser cela de côté pour un instant, monsieur O'Neill, car vous avez dit quelque chose à la toute fin de votre intervention qui, à mon sens, est très important. Vous avez dit que des prévisionnistes indépendants amenuiseraient notre capacité à exiger des comptes de la part du gouvernement. Ce n'est pas plutôt le contraire? Dans votre rapport, vous dites que la solution au problème avec lequel nous sommes aux prises aujourd'hui est de nous débarrasser de la règle antidéficit et de laisser le ministère des Finances continuer à nous fournir des chiffres—quitte à ce que ce soit sur une base trimestrielle; cela est censé produire de meilleurs résultats d'une manière ou d'une autre. Or, ne laissons-nous pas en place une bonne partie des incitations à protéger le gouvernement? Les gens qui fourniront les nouvelles prévisions, c'est-à-dire des fonctionnaires du ministère des Finances, sont exactement les mêmes personnes qui sont appelées à gérer le gouvernement, à gérer les finances de la nation. Ils continueront à être tentés de rester dans le noir, si bien que l'incitation à dégager des excédents budgétaires restera intacte.

    Le seul moyen d'exercer un certain contrôle est de faire en sorte que les parlementaires disposent de leurs propres chiffres qui ne sont pas filtrés par le ministère des Finances, puisque des parlementaires ne relèvent pas directement du ministre des Finances, qui a un intérêt politique, une incitation politique à faire en sorte que les chiffres le fassent paraître sous un jour favorable.

    Donc, s'il est vrai que j'apprécie certaines choses que vous avez faites ici, sans vouloir vous manquer de respect, je ne comprends pas votre argument que le fait d'avoir des prévisionnistes indépendants pour faire contrepoids aux chiffres du gouvernement rendrait plus difficile la responsabilisation du gouvernement. Pouvez-vous éclairer ma lanterne?

+-

    M. Tim O'Neill: Volontiers. Ce que je disais, c'est que... Je veux dire, comme tout le monde, vous pouvez consulter tout un éventail de prévisions. Vous pouvez parcourir le site Web de n'importe laquelle des grandes banques pour trouver leurs prévisions économiques. Vous pouvez parler à ces économistes, comme les journalistes le font souvent, et leur demander ce que cela signifie au sujet de leurs attentes concernant le prochain budget. Vous n'avez pas besoin de retenir leurs services pour le faire. Le problème que vous allez rencontrer, par contre, c'est celui que vous avez déjà eu : vous n'allez pas obtenir une seule série de chiffres mais bien quatre.

+-

    M. Monte Solberg: Un éventail, oui.

+-

    M. Tim O'Neill: Et vous obtenez un éventail qui, pour l'exercice en cours... Je parle ici de la comparution du mois de mars. La fourchette du minimum au maximum était de 4 milliards et de 7,5 milliards de dollars pour les deux prochaines années.

    Je ne sais trop quelle fourchette vous donne plus d'information que ce que vous auriez obtenu...

+-

    M. Monte Solberg: Pourrais-je vous aider à ce propos, dans ce cas? D'abord, cela vous donne plus d'information parce que parfois il y a un désaccord légitime au sujet des risques futurs, par exemple.

+-

    M. Tim O'Neill: Tout à fait.

+-

    M. Monte Solberg: N'en tenez-vous donc pas compte?

+-

    M. Tim O'Neill: Bien sûr, mais là où je veux en venir c'est précisément que la prévision comporte implicitement des risques. Ce que vous avez vécu en est justement le reflet. La question qui se pose est de savoir si ce risque serait différent, si l'incertitude serait différente si vous décidiez de créer un organisme distinct dans l'administration dont la fonction serait de créer une prévision parallèle mais peut-être différente de celle du ministère des Finances?

+-

    M. Monte Solberg: Mais le ministère des Finances fournit une série de chiffres, si bien que même si vous êtes vivement en désaccord sur ce que l'avenir nous réserve, le gouvernement produit une série de chiffres seulement qui ne tiennent pas compte du désaccord quant à l'avenir. N'est-il pas bon que le pays sache qu'il y a désaccord? Qu'il le sache pour que le comité puisse dire au gouvernement qu'il y a bien un désaccord sur l'avenir qui nous attend et que ses plans pour l'avenir doivent en tenir compte et que dans le cas présent il ne le fait pas? Est-ce que ce ne serait pas sensé

À  +-(1025)  

+-

    M. Tim O'Neill: Oui, et c'est précisément ce que je recommande dans le rapport : dans le document du budget notamment—peut-être aussi ailleurs—il faut une discussion plus explicite et plus profonde de ces risques.

    Par exemple, une des choses que j'ai recommandées c'est que dans le budget il y ait—employons le terme technique—« des scénarios » qui sont exposés. C'est ce que font beaucoup de gouvernements à l'interne. Ce que je suggère, c'est que ce soit explicite.

+-

    M. Monte Solberg: Mais vous parlez du ministère qui relève directement du ministre, et nous, nous parlons de gens qui ne sont pas à sa solde. Ne vous semble-t-il pas sensé, comme économiste qui nous parle de mesures incitatives, qu'il y ait de la concurrence entre le ministère et ces prévisionnistes indépendants pour arriver à une conclusion sur le scénario le plus probable mais en tenant compte également des motifs qu'a le ministère de plaire à son ministre?

+-

    M. Tim O'Neill: Je pense que vous pouvez obtenir le résultat que vous souhaitez, des chiffres indépendants venant de l'extérieur, en appelant n'importe lequel des économistes qui font de la prévision et en leur demandant : « Que va-t-il se passer, d'après vous? »

+-

    M. Monte Solberg: Vous êtes donc en train de me dire que l'on pourrait faire une meilleure affaire si on nous consacrait un peu d'argent, parce que nous demandons à des gens de venir nous parler de paramètres en particulier. On leur demande de travailler avec le ministère des Finances pour établir les hypothèses avec lesquelles le ministère travaille. Ils viennent en fait avec un mandat très précis lorsqu'ils viennent au comité; ils viennent avec le mandat de s'assurer qu'ils travaillent de concert avec le ministère, sans prendre pour argent comptant tout ce que le ministère dit, mais bien pour contester les hypothèses. Ce n'est pas ce que vous obtiendrez si vous vous contenter de téléphoner à l'économiste d'une banque qui a pu ou non avoir cette conversation avec le ministère des Finances.

+-

    M. Tim O'Neill: Vous pourriez l'apprendre très rapidement en leur demandant s'ils ont eu la conversation et s'ils font du suivi. Actuellement, il y a deux économistes en chef qui sont en fait d'anciens hauts fonctionnaires du ministère des Finances. J'imagine qu'ils ont une assez bonne idée de la façon dont le système fonctionne et qu'il y a de grosses chances qu'ils fassent un suivi des chiffres.

    Je dis que vous pouvez obtenir officieusement ce que vous cherchez à obtenir officiellement. Ce que je crains—d'autres seront peut-être de votre avis—c'est que si vous passez à l'étape suivante, à savoir créer au Canada l'équivalent du CBO, vous créerez en fait non pas une entité de prévisions rivales mais bien une structure politique rivale et cela ne me semble pas approprié en régime parlementaire. J'ai ne connais aucun régime parlementaire doté de ce genre d'entité et je ne vois pas comment cela pourrait vous donner ce que vous voulez, des prévisions économiques et budgétaires plus précises. Elle va vous en donner d'autres mais vu les incertitudes inhérentes à la prévision, aurez-vous la certitude absolue que ces prévisions seront meilleures que celles que vous obtenez du ministère des Finances?

+-

    Le président: Merci, monsieur Solberg.

    M. Loubier, puis M. Hubbard et Mme Wasylycia-Leis.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Je vous remercie, monsieur le président.

    Monsieur O'Neill, je suis obligé d'abonder dans le même sens que mes collègues conservateurs. Je vais vous laisser installer le système de traduction simultanée parce que je n'aimerais pas que vous en perdiez des bouts.

    J'ai été extrêmement déçu lorsque j'ai pris connaissance de votre rapport hier. J'ai trouvé qu'il contenait plus de conclusions et de recommandations de nature politique que de conclusions de nature technique visant à améliorer l'exercice des prévisions et à assurer leur indépendance face au processus politique.

    J'ai été extrêmement fâché lorsque j'ai lu votre recommandation no 13. Il y est écrit, et je cite:

    

Que le Comité permanent des finances de la Chambre des communes cesse de recourir à ses propres services de prévisionnistes pour lui fournir des projections budgétaires trimestrielles distinctes. On ne devrait pas établir un organisme distinct chargé des prévisions budgétaires, comme le Congressional Budget Office des États-Unis.

    Je me suis demandé de quoi vous vous mêliez, malgré tout le respect que je vous porte. Voici pourquoi je dis cela. Le processus qui a conduit à l'engagement des quatre prévisionnistes était un processus parlementaire. Je pense que vous avez de la difficulté à faire la distinction entre ce qui est exécutif et ce qui est législatif. Le pouvoir exécutif n'a pas la vérité absolue, il a fait beaucoup d'erreurs au cours des années et il a trompé la démocratie, en réalité, parce qu'il a caché — délibérément, à mon avis, les erreurs étant trop grosses — la nature des surplus annuels. Nous sommes des parlementaires et nous avons toute la latitude de déterminer ce qui est bon pour la démocratie au nom des milliers de personnes que nous représentons. Nous avons décidé d'engager quatre prévisionnistes pour obtenir des prévisions indépendantes d'un gouvernement qui se fout éperdument de la transparence et de la validité de ses données et qui nous rit en pleine face depuis 1998. À présent, vous venez nous dire que ce n'est pas une bonne idée.

    Je vous écoutais un peu plus tôt. Encore une fois, j'ai beaucoup de respect pour vous en tant qu'économiste. Toutefois, j'ai moi-même une formation d'économiste, j'ai rencontré des centaines d'économistes dans ma vie et j'ai de plus travaillé avec des dizaines d'entre eux. Lorsqu'on fait des prévisions et qu'on se trouve en présence d'une prévision très optimiste et d'une autre très pessimiste sur un total de quatre, on fait la moyenne des deux prévisions médianes ou moyennes. Cela nous donne une très bonne idée de ce que l'avenir nous réserve. Cela constitue surtout une bonne base de comparaison dénuée de toute partisanerie. Cela nous permet d'accueillir d'un oeil critique les prévisions du ministère et d'avoir un portrait différent, ce qui nous permet de faire correctement notre travail.

    L'erreur que nous avons faite depuis 1998 est de ne pas avoir insisté suffisamment pour qu'il y ait un processus indépendant du gouvernement. Nous avons aussi fait l'erreur, chacun dans nos partis  — le Parti conservateur, le NPD et le Bloc québécois —,  de faire nous-mêmes nos prévisions. Elles avaient beau être plus justes que celles du gouvernement et constituer une analyse intelligente des données, ces données et ces prévisions étaient faites par des partis. Par conséquent, elles étaient partisanes. Même si on obtenait, en fin d'exercice, un degré de prévision supérieur à celui du gouvernement — qui a commis des erreurs de prévision tellement ridicules que je préfère ne pas les remettre sur la table —, comme cela venait d'un parti, on oubliait qu'on avait fait ces prévisions une année auparavant.

    Je regarde votre rapport. Vous ne nous proposez pas d'améliorer le processus technique ni de rehausser le degré d'indépendance de ces données. Vous nous proposez des règles guidant la politique du gouvernement. Cela m'a déçu, parce que votre titre et votre mandat étaient très clairs. On peut d'ailleurs lire ceci dans votre document:

    

Le principal objectif du présent rapport consiste à évaluer les éléments à l'origine des erreurs prévisionnelles persistantes des 10 dernières années et à déterminer les changements qui peuvent être apportés au processus budgétaire afin d'accroître la précision de ces prévisions et, en bout de ligne, d'améliorer l'exercice de la politique publique.

    Premièrement, je ne vois pas de recommandations pour améliorer ce degré de précision. Deuxièmement, si vous voulez améliorer la politique publique, il faut d'abord se mettre dans la tête qu'il y a une différence entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.

À  +-(1030)  

    En outre, je pense que vous avez été très gentil envers le ministère des Finances. En effet, monsieur O'Neill, malgré toute l'honnêteté que je vous connais, je ne peux pas croire que vous ayez omis de relever à plusieurs endroits des exagérations, des altérations, une augmentation des dépenses ou une diminution des recettes faisant en sorte qu'on se retrouve à la fin du processus avec des prévisions tout à fait artificielles et niaiseuses. Surtout, je trouve totalement inapproprié que vous ayez écarté sans réserve le Congressional Budget Office, cet organisme indépendant qui a son pendant aux États-Unis. Cette partie de votre rapport n'est d'ailleurs pas très bien documentée.

    Bref, je suis déçu de ce que vous nous présentez. Je m'attendais à quelque chose de vraiment plus corsé. Je reviens à votre quatrième recommandation. Vous proposez qu'on fournisse dans le budget des détails sur les résultats, par exemple sur dix ans. Ces gens ont de la difficulté à faire des prévisions portant sur six mois, alors ne leur demandez pas d'en faire sur dix ans. D'ailleurs, on n'a jamais exigé une telle chose: on veut simplement que les prévisions annuelles aient du sens. Je trouve que votre rapport ne répond pas aux questions. Je suis vraiment très déçu. En ce qui nous concerne, nous allons continuer à exiger le recours à des prévisionnistes indépendants. Vous pouvez en être certain.

À  +-(1035)  

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur O'Neill, voulez-vous répondre? Vous avez deux minutes.

+-

    M. Tim O'Neill: Il y a plusieurs recommandations qui visent précisément à améliorer l'exactitude et la qualité des données. Je n'en ai pas parlé dans mon exposé mais si vous parcourez le rapport vous les verrez : révision des données, travail sur l'analyse des liens entre les diverses sources de recettes et l'économie, et ainsi de suite. Elles s'y trouvent.

    Mais l'argument principal était que si la raison première des sous-estimations persistantes de la balance est la conséquence de la règle en fonction de laquelle le gouvernement opère, alors il est évident qu'il faudrait que je passe du temps à formuler une recommandation et à expliquer la recommandation en faveur du changement de la règle. C'est pourquoi j'insiste tant là-dessus dans le document et dans la couverture par les médias.

    En ce qui concerne un organisme indépendant, je me contenterai de dire que beaucoup de gens se concentrent sur l'idée d'importer le modèle CBO au Canada. Écartons pour l'instant la question de savoir si cela est approprié en régime parlementaire—c'est une question raisonnable à débattre—et voyons seulement les réalisations passées. Le bilan du CBO en matière de prévisions budgétaires est que l'ampleur des erreurs dans ses prévisions est en fait plus grande que ce que l'on a connu au Canada.

    Une voix : En chiffres absolus.

    M. Tim O'Neill : Oui, en chiffres absolus.

    Là où je veux en venir, c'est que si ce que vous voulez c'est de l'exactitude dans les prévisions, changer de modèle et changer de structure de production de ces prévisions ne garantissent pas que vous allez en avoir de meilleures.

    Sur le deuxième point—et cela nous ramène à l'intervention qui a été faite—ce qui est inhabituel dans le cas du Canada c'est que les erreurs de prévisions penchaient systématiquement dans un sens plutôt que dans l'autre. Cela tient je pense—je réponds là à votre question—au fait que si vous avez une règle qui s'applique à un groupe de fonctionnaires et si vous avez un mandat en vertu duquel ils sont censés fonctionner et appliquer une politique, il est parfaitement raisonnable et tout à fait approprié de s'attendre à ce qu'ils se comportent d'une manière qui respecte la règle.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Monsieur O'Neill, vous êtes en train de me dire qu'essentiellement, selon votre analyse, les fonctionnaires sont si angoissés qu'il faut...

[Traduction]

+-

    Le président: M. Hubbard.

+-

    M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci, monsieur le président, et bienvenue à vous, monsieur O'Neill.

    Je pense bien que l'opposition n'a jamais vraiment approuvé quantité de choses qui ont été avancées et qui marquent des réussites du gouvernement. Évidemment, nous avons eu beaucoup de chance comme Canadiens au cours des 10 dernières années du fait que notre économie est forte et que nous avons un excédent budgétaire. Il n'en a pas été ainsi dans la civilisation occidentale, soit en Amérique du Nord soit ailleurs dans le monde, une telle période de prospérité.

    J'ai été heureux de vous entendre parler de cycles parce que la plus grande partie de l'économie mondiale repose sur des cycles, que l'on remonte à l'époque de Franklin Roosevelt ou des travaux de Keynes ou de Galbraith. J'aime aussi beaucoup votre idée d'avoir un meilleur rapport dette/PIB, ce qui est très important pour nous si l'on veut assurer le service de la dette à long terme.

    Le comité a entendu beaucoup de choses au sujet des problèmes des prévisions et beaucoup de membres du comité, monsieur le président, semblent éprouver de l'aversion à l'idée d'avoir un surplus. Ils trouvent que le montant du surplus est excessif et que nous, parlementaires, nous avons largement failli à la tâche et que le gouvernement ne s'est pas occupé du concept véritable de l'économie. De mon point de vue, comme dans vos écrits, avoir un surplus est une excellente chose.

    Il faut aussi reconnaître, monsieur le président, qu'en ce qui concerne le bilan financier du gouvernement, quelle que soit l'année, on ne contrôle vraiment qu'une toute petite partie de ce bilan à cause des dépenses obligatoires dans le cadre des transferts. Si l'on ne prend qu'une seule année, s'il y a un repli de l'économie... Nous n'avons pas été très touchés la dernière fois par le ralentissement américain. Au Canada, nous avons beaucoup de succès même si nous sommes un grand pays commerçant, en ce sens que notre économie a continué d'être très forte, avec un chômage faible, une expansion marquée et un bon système de gouvernement.

    Peut-être, monsieur O'Neill, au sujet de ce que vous avez dit à propos du présent cycle... Je suis très impressionné par l'idée des cycles. Votre ministre des Finances n'était sans doute pas du même avis, mais je sais qu'en termes d'une étude de l'histoire de l'économie, à l'époque des Égyptiens ou peu importe quand, il y a de bonnes années et de mauvaises années. Cela m'inquiéterait d'avoir un programme où il doit toujours y avoir un budget équilibré ou mieux encore un surplus. Monsieur O'Neill, peut-être pourriez-vous parler de cette vision keynésienne de l'économie.

À  +-(1040)  

+-

    M. Tim O'Neill: Avec plaisir, et brièvement, monsieur le président.

    On peut je crois et à juste titre dire que la plupart des économistes qui se penchent sur la bonne façon d'aborder la politique budgétaire aujourd'hui—et j'insiste sur le fait que ce sont des économistes qui adoptent cette position—soutiennent qu'il est approprié d'atteindre l'équilibre pendant la durée du cycle.

    J'ai même pensé formuler cette recommandation précise, l'argument étant qu'en période de prospérité, vous accumulez un surplus et aux jours mauvais vous laissez l'économie et le budget accuser passivement un déficit. J'ai décidé de ne pas faire cette recommandation parce que cela m'a semblé être une dérogation trop importante à la mentalité du jour et aux règles qui s'appliquent à nous actuellement. Une transition beaucoup plus raisonnable vers un ensemble de règles plus flexibles mais non moins rigoureuses serait de passer à un ensemble selon lequel le gouvernement s'engage à réaliser un surplus pendant la durée du cycle. Deux pays, la Nouvelle-Zélande et la Suède, le font actuellement. Leur objectif est expressément d'obtenir des surplus.

    L'argument est que si l'on craint que la discipline budgétaire puisse être relâchée si l'on s'écarte trop de la règle actuelle, c'est une bonne démarche à employer en guise de transition. Je pense que la conséquence de cela c'est que le gouvernement se retrouve avec plus de souplesse dans la préparation de ses plans, peu importe qui forme le gouvernement, et se penche davantage sur les plans à long terme. Au lieu de faire des plans d'une année à l'autre, vous pouvez très bien dire, eh bien, pendant la durée du cycle, voici ce que l'on s'attend de trouver comme performance budgétaire; voici en fonction de quoi nous faisons nos plans et nous pouvons alors énoncer une politique pour le moyen terme d'une manière plus efficace et plus transparente.

    Je pense que cela accroît la discipline et la transparence, les deux choses qui préoccupent le plus les gens, j'imagine.

+-

    M. Charles Hubbard: Selon moi, la leçon à tirer de tous ces prévisionnistes c'est que c'est un peu comme les prévisions météorologiques. Chaque station de radio a un peu son idée du temps qu'il fera en fin de semaine. Nous avons entendu cinq groupes, et je ne suis pas sûr que nous ayons appris quoi que ce soit d'important.

    Je suis ravi que vous fassiez cette recommandation. Vous mettez en doute la nécessité de toute cette activité. Nous avons fait cela pendant tout l'hiver, et je ne suis pas convaincu qu'on ait appris grand-chose. Mais je suis d'accord avec vous pour dire qu'une prévision, ou peut-être deux, vaut autant que douze. En fin de compte, on n'a que la moyenne des douze, plutôt que quelque chose de précis.

+-

    Le président: Merci.

    La sonnerie d'appel va durer 30 minutes. Nous allons essayer de continuer jusqu'à 11 heures.

    Mme Wasylycia-Leis, suivie de M. Pallister et de M. Côté.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD): Merci, monsieur le président.

    Sauf le respect que je dois à M. Hubbard, le problème ce n'est pas que l'opposition trouve qu'il y a quelque chose de mal à avoir des surplus trop importants. Le problème c'est que nous, parlementaires et membres du comité, avions convenu qu'il nous fallait de meilleurs renseignements pour déterminer quoi faire des surplus. Quand on ne connaît pas l'importance du surplus avant la toute fin, et tout ce qu'on peut faire c'est de l'utiliser pour rembourser la dette, la situation a tendance à devenir antidémocratique, car le Parlement n'a pas la possibilité d'examiner cette situation de surplus ni d'en débattre.

    Je dirais à M. O'Neill que son rapport a servi au moins à unifier l'opposition de nouveau. Il a contribué à unifier nos positions par rapport à cette question. Je ne peux pas être en désaccord avec Monte Solberg ou Yvan Loubier, qui disent...

À  +-(1045)  

+-

    Le président: Vous le dites publiquement, madame Wasylycia-Leis. Vous le savez?

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Oui, je le dis publiquement.

    Je pense que nous n'avons pas obtenu ce que nous avons demandé. Je pense...

+-

    L'hon. John McKay (Scarborough—Guildwood, Lib.): Qu'avez-vous demandé au juste?

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Ce que nous attendions, quant à l'objectif de l'étude de M. O'Neill... Si je ne m'abuse, cela est dû à l'amendement au discours du Trône qui requiert que notre comité fasse des recommandations concernant des prévisions financières indépendantes à l'intention des parlementaires, notamment d'éventuelles recommandations de la part d'un expert externe. En tant que comité, nous avons élaboré un mandat très détaillé pour répondre au besoin de prévisions plus fiables.

    D'après l'étude de M. O'Neill, nous n'avons pas à nous soucier de prévisions non fiables de la part du gouvernement—le gouvernement s'est révélé prudent et responsable. Monsieur O'Neill, vous ne cernez pas les véritables enjeux dont notre comité a à s'occuper et dont les Canadiens s'inquiètent.

    Il n'en demeure pas moins que vous traitez de façon assez légère les 80 milliards de dollars ou plus que ce gouvernement n'a pas prévus. Cela représente une grosse somme face aux enjeux difficiles qui confrontent la société canadienne. Quand on compare cela aux prévisions d'autres organisations qui se sont révélées justes, comme celles du Centre de politiques alternatives, qui, bon an mal an, est tombé presque dans le mille... Je songe ici au travail de Jim Stanford. Je sais que vous en parlez dans votre rapport mais je pense que personne ne peut nier que 6 milliards de dollars de la prévision annuelle de 8,5 milliards de dollars sont attribuable à des erreurs de prévisions financières, et non pas à des erreurs d'estimation de rendement macroéconomique, etc.

    Il me semble que nous sommes convenus qu'il y a un problème. Donc, comment le régler? Nous ne sommes pas plus avancés, car vous affirmez qu'il n'y a pas de problème. Au lieu de nous aider à résoudre le problème, vous faites des recommandations qui n'ont rien à voir avec la situation actuelle. Il me semble que vous faites tout simplement le jeu du gouvernement actuel et vous affirmez ce que le gouvernement souhaite que vous disiez, à savoir—je me reporte plus particulièrement à votre recommandation de la page 139—que « le gouvernement fédéral adopte une règle budgétaire visant l'atteinte d'un excédent, en moyenne, pour l'ensemble du cycle. Cet objectif représente une différence beaucoup moins marquée par rapport à la règle actuelle et il peut être clairement lié à l'objectif budgétaire à long terme... »

    Vous poursuivez en recommandant que nous envisagions un ratio bien moins élevé de 15 p. 100 de la dette au PIB. Eh bien, selon moi, vous ne faites que contribuer au problème qui existe déjà. Vous souhaitez que le gouvernement établisse un ratio dette/PIB bien inférieur. Vous ne vous montrez pas critique à l'égard des prévisions qui ne se sont pas avérées, ce qui, par voie de conséquence, signifie que vous voyez le moyen de réaliser votre ratio dette/PIB sans qu'il y ait débat, sans que les contribuables canadiens y participent, sans discussion.

    Sommes-nous plus avancés? Pouvez-vous nous dire comment vous vous êtes acquitté de votre mandat—dont j'ai le texte ici—à savoir, analyser les différences entre les prévisions économiques et financières contenues dans les budgets fédéraux, par rapport aux prévisions financières préparées pour un certain nombre de pays de l'OCDE? Dites-nous comment vous avez atteint les objectifs généraux fixés et comment nous pouvons nous servir de vos conclusions.

    Oh, je voudrais vous poser une dernière question.

    Comment pouvez-vous affirmer qu'un bureau indépendant du budget s'oppose au principe d'un gouvernement responsable ou d'une démocratie parlementaire? Nous pouvons compter sur d'autres bureaux parlementaires indépendants : à savoir, celui du vérificateur général, celui du commissaire à la protection de la vie privée, celui du commissaire aux langues officielles et celui du commissaire à l'éthique, plus ou moins. Nous pouvons compter sur des bureaux indépendants pour nous venir en aide et pour rendre notre démocratie parlementaire plus efficace. Quels sont les arguments que vous avancez pour soutenir qu'un bureau indépendant du budget va à l'encontre des principes de la démocratie parlementaire?

À  +-(1050)  

+-

    Le président: Monsieur O'Neill, vous disposez pour répondre à tout cela d'une minute.

+-

    M. Tim O'Neill: Je ne pense pas avoir affirmé que cela aille à l'encontre de la démocratie parlementaire. J'ai dit qu'il ne convenait pas, dans le contexte d'un régime parlementaire, d'établir un système parallèle de prévision. Cela est tout à fait à l'opposé de la constitution d'un bureau du vérificateur général, ce que tout régime parlementaire prévoit.

    Quant à mes affirmations niant l'existence d'un problème, j'ai dit dans mon rapport et je l'ai dit ici, que j'essayais de voir pourquoi les prévisions étaient aussi peu fiables. J'ai évoqué la possibilité que peu importait quel gouvernement appliquait cette règle. Que ce soit un gouvernement libéral, un gouvernement conservateur ou néo-démocrate voire bloquiste, la règle étant ce qu'elle était, il y avait des conséquences inévitables. Je pense qu'un éventuel changement de règle exige forcément plus de transparence.

    Il n'en demeure pas moins que si vous adoptez une règle interdisant le déficit, il vous faudra une énorme réserve. On peut ne pas être d'accord quant à la façon d'utiliser cette réserve, le cas échéant. Si cela est reconnu, le débat est parfaitement légitime. Il ne s'agit pas de cela ici.

    Voici la question. Comment pouvez-vous garantir que vous savez quel sera l'excédent? Quant à moi, je dis qu'il n'y a pas de certitude absolue. Ceux à qui vous avez fait appel pour les prévisions vous ont donné une fourchette pour l'année actuelle de quatre millions de dollars. Au bas mot, voilà l'écart que représentent les attentes. Je pense que c'est inévitable. Si cela est acceptable, disons-le. C'est tout ce que j'affirme.

    J'ai fait des propositions pour que les prévisions soient plus fiables, mais personne ne pourra compter sur une prévision ponctuelle, avec une marge de 1 p. 100. C'est impossible.

    Peu importe le genre de système que vous retenez pour établir les prévisions. Vous pouvez vous fier à deux, trois ou cinq systèmes parallèles. Toutefois, dans un monde d'incertitude, dans un monde où il se produit des situations inattendues, vous obtiendrez des résultats auxquels vous ne vous attendiez pas sur le plan financier.

+-

    Le président: Merci, monsieur O'Neill.

    M. Pallister et ensuite M. Côté.

+-

    M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, PCC): Merci, monsieur O'Neill.

    Je suis convaincu que le gouvernement sera ravi de votre rapport et de vos recommandations, monsieur. Mais je pense que vous avez bien expliqué que les intérêts politiques ont pris le pas sur la possibilité pour les économistes de fournir des prévisions fiables aux Canadiens et au gouvernement lui-même. Cela ressort clairement de vos affirmations, tout à l'heure.

    En tant qu'économiste, vous faites le jeu des politiciens en l'occurrence, et ça m'étonne. Je suis également convaincu que vous ne comprenez pas totalement la situation.

    Votre recommandation no 4 laisse entendre que si les membres du Comité des finances ne font pas confiance aux renseignements fournis actuellement par le ministère, il n'est pas sûr qu'ils pourraient faire confiance aux mêmes renseignements provenant d'économistes indépendants que le comité retiendrait. Je vais vous expliquer pourquoi.

    Vous connaissez bien l'histoire du miroir et de la protagoniste d'une beauté contestable qui interroge le miroir. Et vous savez que le miroir, avec aplomb, ne cessait de répéter : « Vous êtes la plus belle. » En l'occurence, nous avons affaire aux mêmes genres de situations, où l'on interroge le miroir. Voilà qu'un dirigeant politique demande aux économistes et au ministère des Finances de fournir les réponses qu'il souhaite. Le ministère des Finances dès lors lui fournit les réponses souhaitées, compte tenu du programme politique, à savoir que tout est exclu sauf un budget équilibré. Voilà le problème.

    Vous devriez comprendre à l'évidence que nous ne faisons pas confiance aux chiffres fournis par le ministère des Finances et vous devriez comprendre également pourquoi nous demandons des avis indépendants. Vous n'avez cessé de répéter que les observations s'insèrent dans une certaine fourchette, comme celle que toute personne honnête serait forcée de reconnaître face à la personne qui consulte le miroir. Il y aurait cette fourchette car cela fournirait aux gens la possibilité d'être moins contraints, de fournir des réponses moins limitées par un carcan, plus honnêtes et objectives, que s'ils étaient forcés de répondre positivement chaque fois qu'on leur demande dans quelle mesure le gouvernement s'en tire financièrement.

    Vous semblez avoir raté le coche car, quand vous évoquez des menaces à la reddition de comptes, on ne peut pas accuser des observateurs et des vérificateurs indépendants d'en être la cause. Quand vous affirmez cela, je pense que vous présentez des arguments tout à fait piètres.

    Repenser un système, comme vous le faites ici, lequel est lacunaire au premier chef... Et je conviens certainement avec vous qu'on devrait fixer des objectifs plus précis, au-delà d'un simple seuil, mais proposer qu'on ne tienne pas compte des remarques faites par des indépendants qui pourraient ne pas faire le jeu du gouvernement, le flattant dans tous les cas, met en péril la reddition de comptes, voire l'honnêteté. Prétendre que la reddition de comptes au Parlement est une menace au régime parlementaire qui est le nôtre, est une affirmation ridicule.

    Vous affirmez également que nous devrions équilibrer les livres pendant un cycle. Faites-nous part de vos lumières car j'ai participé à certaines discussions concernant ce « cycle » à propos du programme d'assurance-emploi. D'aucuns affirment qu'il nous faudrait équilibrer la somme que représentent les cotisations et celle des prestations, pendant un cycle. Le gouvernement, bien entendu, fait fi de cela et a encaissé plus de 40 milliards de dollars en cotisations supplémentaires.

    Comment définissez-vous un cycle?

À  +-(1055)  

+-

    M. Tim O'Neill: Vous trouverez dans le rapport une discussion assez technique là-dessus. Je vous demande de vous y reporter. Essentiellement, on suppose qu'au départ il y a plein emploi, et qu'on passe à l'étape suivante où il y a plein emploi, sans capacité excédentaire ou demande excédentaire, pour utiliser les termes techniques. Ainsi, un cycle pourrait se définir en moyenne comme représentant de cinq à sept années.

+-

    M. Brian Pallister: Mais vous ne pouvez rien dire tant que l'étendue de cette période n'a pas été définie. D'après cette définition, comment pouvez-vous faire la moyenne d'un excédent sur une certaine période, quand vous ne savez pas quand elle se termine?

+-

    M. Tim O'Neill: D'abord, il faut faire une estimation. Ensuite, il semble que plusieurs pays aient réussi à le faire, les deux meilleurs exemples étant le Royaume-Uni et l'Australie. Ils ont pu équilibrer les choses pendant le cycle et ils ont pu atteindre leurs objectifs financiers assez efficacement.

    Il faut bien dire qu'il y aura incertitude quelles que soient les règles appliquées.

+-

    M. Brian Pallister: Excusez-moi, je m'inscris en faux. Évidemment, il y aura incertitude. Mais depuis 1997, nous savons avec certitude que les montants seront sous-estimés. C'est une sorte de certitude, reconnaissez-le.

+-

    M. Tim O'Neill: Et j'explique dans le document que la raison à cela est assez évidente, recul oblige.

    Permettez-moi de vous donner un exemple très différent. Supposez que vous devez aller au Guatemala en avion et que vous savez qu'il n'y a qu'un vol par semaine. Il est beaucoup plus probable que vous allez prévoir plus de temps pour vous rendre à l'aéroport que si vous devez prendre un vol pour Toronto quand vous savez qu'il y en a un à partir d'Ottawa à toutes les heures.

    L'environnement, la structure et les règles qui nous sont imposés vont inévitablement teinter votre façon de faire et cela n'a rien d'exceptionnel. En fait, je pense que la plupart des parlementaires considéreraient qu'il est exceptionnel que les fonctionnaires au service du gouvernement et des ministres ne tiennent pas compte des règles qu'on leur a imposées en disant : « Monsieur le ministre, voici mon conseil mais vous avez pris une décision et nous allons la respecter. C'est ce que nous allons appliquer. »

    Je prétends que le comportement que nous avons constaté correspond exactement à ce à quoi on doit s'attendre en vertu des règles fixées. Si cela n'est pas jugé acceptable, si les résultats ne le sont pas, alors il me semble qu'il faut modifier les règles, et c'est ce que j'ai proposé.

+-

    Le président: Merci.

    M. Côté, et ensuite nous allons suspendre la séance.

[Français]

+-

    M. Guy Côté (Portneuf—Jacques-Cartier, BQ): Je vous remercie, monsieur le président. Monsieur O'Neill, je ne vous surprendrai pas beaucoup en vous mentionnant que nous allons discuter à nouveau des prévisions indépendantes et de la création possible d'un bureau indépendant du ministère des Finances.

    Vous avez dit, au début de votre allocution, que le contexte changeait en ce moment et qu'il était relativement peu important de savoir si, à court terme, les surplus étaient de 5, 6 ou 7 milliards de dollars. Monsieur O'Neill, c'est important, c'est notre rôle, en tant que parlementaires, de le savoir ou du moins d'avoir les outils qui nous donnent une idée aussi précise que possible de la situation budgétaire du gouvernement. C'est ce que nos concitoyens nous demandent. Depuis sept ans, nous avons affaire à une sous-évaluation systématique des prévisions budgétaires.

    Selon votre rapport — pour reprendre ce que disait M. Pallister tout à l'heure —, les fonctionnaires, craignant de déplaire au ministre, feraient systématiquement de la sous-évaluation. Si je comprends bien, ce n'est donc pas la faute du ministre.

    La situation actuelle me fait penser à quelqu'un qui roule à 60 km/h sur l'autoroute. Il n'y a là rien d'illégal, mais c'est très dangereux, monsieur O'Neill. Il est essentiel d'avoir des prévisions qui sortent de l'arène politique. Le ministre des Finances et son ministère ont des choix politiques à faire dans l'élaboration des choix budgétaires. Ce sont des choix politiques. Pour pouvoir les analyser correctement, il nous faut aussi des prévisions qui sortent de cette arène politique. Or, c'est ce que nous n'avons pas aujourd'hui.

    Dans votre rapport, vous parlez brièvement du rapport du Fond monétaire international qui classait le Canada comme un des pires pays pour ses prévisions budgétaires. C'est un peu drôle, parce que dans votre rapport, vous avez également tendance à trouver des raisons à l'analyse du Fond monétaire international. Encore une fois, on a l'impression que vous faites le jeu du gouvernement. Ou les fonctionnaires sont trop dirigés par le ministre des Finances, ou c'est le FMI qui n'a pas fait une analyse juste de la situation du Canada. C'est énormément d'argent.

    Le Conference Board prévoit 166 milliards de dollars de surplus au cours des dix prochaines années. Depuis 1998, si ma mémoire est bonne, 66 milliards de dollars ont été exclus du débat public. J'ai un peu de mal à vous suivre. Je ne veux pas être de mauvaise foi, loin de moi cette idée, mais il est difficile de voir où vous voulez en venir lorsque vous dites que les fonctionnaires du ministère devraient plutôt s'orienter vers des prévisions à plus long terme. Ils ne sont pas capables de faire des prévisions à court terme présentement, obnubilés qu'ils sont par cette politique budgétaire du gouvernement libéral.

    Il y a quelques mois, un représentant du ministère des Finances nous expliquait les difficultés du ministère à faire des prévisions à long terme. Une des raisons invoquées était que les priorités du gouvernement changent. Il est donc clair que dans les prévisions budgétaires du gouvernement, des choix politiques sont faits. C'est pour cela qu'il est essentiel qu'il y ait un organisme du type du CBO, car, comme vous l'avez mentionné, c'est un système de freins et contrepoids.

    En ce moment, les divers ordres de gouvernement sont beaucoup plus distincts aux États-Unis, j'en conviens avec vous. Mais au cours des dernières années, on a vu l'exécutif s'accaparer de plus en plus de pouvoir au détriment du législatif. On a besoin d'un outil qui va permettre de recréer ces freins et contrepoids, où tout n'est pas entre les mains du ministre et du ministère des Finances. Je suis totalement en désaccord avec vous: la création d'un tel organisme est vraiment de nature à favoriser au Canada une plus saine démocratie sur le plan des évaluations budgétaires.

Á  +-(1100)  

[Traduction]

+-

    Le président: Vous pouvez répondre. Vous avez 30 secondes et ensuite nous allons partir.

+-

    M. Tim O'Neill: J'ai déjà donné tous mes arguments concernant le CBO. D'après ce que l'on sait, un tel changement institutionnel ne va pas faire grande différence sur la fiabilité des prévisions, et j'ai parlé des résultats du CBO.

[Français]

+-

    M. Guy Côté: Ce n'est pas vrai, monsieur le président. En termes absolus, oui, mais pas en pourcentage. Ils sont beaucoup près de la réalité.

[Traduction]

+-

    M. Tim O'Neill: Eh bien, je peux vous montrer les rapports du FMI qui révèlent la différence de fiabilité des prévisions mais l'essentiel est que les changements institutionnels ne suppriment pas les incertitudes qui sont inhérentes aux prévisions, économiques ou financières.

    Ce qui est absolument crucial, et j'en parle à plusieurs reprises dans les recommandations contenues dans le rapport, c'est la plus grande transparence possible pour révéler la situation concrète et pour présenter l'éventail complet des résultats possibles selon différentes conjonctures. Fort de ce genre de renseignements, les parlementaires de quel que parti que ce soit peuvent se faire une idée de l'orientation budgétaire sur plusieurs années. À partir de là, ils peuvent agir ou discuter de façon opportune.

    En terminant, je pense qu'il n'est pas tout à fait juste d'affirmer qu'il y a eu exclusion totale de discussions. Au moment du budget, si je ne m'abuse, il est tout à fait possible de discuter de l'utilisation de l'excédent, et cela peut faire l'objet d'un débat, de sorte qu'il n'est pas évident selon moi que l'on bâillonne le débat. Il est possible que les renseignements nécessaires au débat ne soient pas assez complets, mais je pense que cet élément est traité dans le document.

Á  +-(1105)  

+-

    Le président: Merci, monsieur O'Neill.

    Nous devons interrompre la séance pour aller voter. Nous reviendrons à 11 h 30. Au retour, MM. McKay, Penson, Bell et Mme Kadis auront la parole. Je pense qu'il n'y a personne d'autre.

    La séance est suspendue.

Á  +-(1105)  


Á  +-(1135)  

+-

    Le président: La séance est ouverte.

    Monsieur O'Neill, si je ne m'abuse, vous pouvez rester avec nous jusqu'à 12 h 15, n'est-ce pas?

+-

    M. Tim O'Neill: Oui.

+-

    Le président: Très bien. Merci.

    Nous poursuivons donc avec M. McKay, M. Penson et ensuite M. Bell. 

+-

    M. Monte Solberg: J'invoque le Règlement.

+-

    Le président: Allez-y, monsieur Solberg.

+-

    M. Monte Solberg: Avant de commencer, nous allons dans un instant entendre les remarques du secrétaire parlementaire, M. McKay. Je tiens à souligner que cela révèle parfaitement le problème avec lequel nous sommes aux prises. Il s'agit ici d'un système fermé en ce qui concerne les prévisions. Le représentant du ministère des Finances veut poser des questions à la personne même qui a été retenue pour préparer ce rapport qui, selon nous, alimente la position du gouvernement. Je voudrais tout simplement dire que cela est inconvenant...

+-

    Le président: Jusqu'à présent, ce n'est pas ce que j'en conclus.

+-

    M. Monte Solberg: ... et que cela met en cause la crédibilité de ce comité.

    Une voix : C'est un rappel au Règlement.

+-

    Le président: Oui, en effet, mais je n'ai pas encore entendu la teneur du rappel au Règlement.

    Je voudrais permettre au secrétaire parlementaire—qui est membre du comité—de poser des questions comme tout autre membre du comité. Qu'il en soit ainsi.

    M. McKay.

+-

    L'hon. John McKay: Je pense qu'il est révélateur que M. O'Neill, dans son rapport, n'ayant pas donné à l'opposition exactement ce qu'elle voulait, elle veut maintenant supprimer le messager plutôt que d'écouter son message.

    Permettez-moi d'aborder deux ou trois choses qui me semblent problématiques dans votre rapport, monsieur O'Neill.

    Tout d'abord, en ce qui concerne équilibrer les choses pendant un cycle, vous affirmez que l'élément subjectif tient au fait que le gouvernement affirme qu'il n'y a pas de déficit quelle que soit la situation. C'est l'élément subjectif que vous avez signalé dans votre rapport. Vous proposez une autre solution, à savoir qu'on affirme qu'il y a un déficit pendant un cycle.

    Je laisse de côté les éléments techniques. Quand déterminez-vous qu'un cycle est circonscrit? Comment savez-vous que vous en êtes à un point donné dans le cycle? Le savez-vous à l'avance? Comment ce cycle cadre-t-il avec le cycle parlementaire? Après 27 années de déficit, ce qui pourrait se comparer à 27 années d'ébriété—pourquoi, grand Dieu, après 10 ans de sobriété, si l'on veut, permettriez-vous à l'ivrogne de s'approcher d'une bouteille d'alcool? J'ai l'impression que c'est tenter le diable d'adopter une pareille recommandation.

    Deuxièmement, vous avez dit hier que l'erreur moyenne représentait environ 10 milliards de dollars sur 10 ans. Les quatre milliards de dollars annoncés s'expliquent par des mesures de prudence, de prévoyance, etc. Quelle partie de cette « erreur » de six milliards de dollars est-elle attribuable aux prévisions économiques?

    À la page 141, le tableau 1 qui y figure, section C, signale que M. Orr semble avoir tout à fait raison de prévoir où les erreurs se produiront. Au tableau 1, section D, M. Stanford semble avoir plutôt tort, ce qui va à l'encontre de ce que l'on nous avait portés à croire.

    Pouvez-vous répondre à ces deux ou trois questions, s'il vous plaît.

+-

    M. Tim O'Neill: Je vais répondre à la deuxième question en premier. Je pense que votre question est suscitée par la façon dont le tableau est expliqué. Il s'agit ici d'un examen rétrospectif de la taille de l'écart. La raison pour laquelle nous avons inclus ce tableau dans le document c'est que même après coup il peut y avoir des désaccords sur les véritables différences dans les prévisions ou sur les erreurs de prévision. C'est la seule raison pour laquelle nous l'avons inclus. Nous voulions poser la question, par exemple, de savoir si on avait apporté les rajustements qui s'imposaient à cause des changements. Il y a eu des changements aux règles de comptabilité pendant cette période. Cela a-t-il été pris en compte? Les estimations tenaient-elles compte, oui ou non, de la réserve pour éventualités dûment incluse? Sans vous donner trop de détails techniques, c'est ce qu'il en est.

    Quant à savoir qui avait ou n'avait pas fait une estimation budgétaire juste, je n'ai pas essayé dans ce document d'établir des comparaisons. Le FMI s'en est chargé, plus ou moins, et il en a conclu que les prévisions économiques moyennes étaient légèrement plus favorables que les prévisions économiques prévues dans le budget. Toutefois, le Fonds monétaire n'a pas fait de rajustement pour tenir compte d'une sous-estimation de la croissance, intentionnelle pendant six ans dans le budget—autrement dit, un excès de prudence tout à fait transparent et explicite.

    Quant à votre premier argument, s'agissant de n'importe quelle règle, il y a un paradoxe intéressant. Prenons la règle financière en particulier. Si le gouvernement ou une série de gouvernements successifs tient à une rigueur financière quelconque, les détails de la règle sont sans objet, parce que le gouvernement sera rigoureux. Pour revenir à votre métaphore, il n'y aura pas d'excès d'alcool. C'est sans intérêt ou si cela est intéressant, on s'abstiendra de toute façon. Toutefois nous avons constaté que dans certains pays, les règles sont assez explicites. Les objectifs sont rigoureux : le déficit est maintenu à un pourcentage maximal du PIB et, au cours d'un cycle, il faut atteindre l'équilibre. Il s'agit ici des pays de l'Union européenne qui font partie de la zone euro. Si les gouvernements ne s'engagent pas à respecter la règle, ils ne le feront pas. Peu importe la règle fixée, ces gouvernements ne feront pas preuve de discipline budgétaire.

    À cet égard, il s'agit de déterminer si nous devons maintenir une règle qui, peut-on prétendre, était absolument essentielle quand il s'est agi au départ de régler la question du déficit et de garantir qu'il n'y en aurait plus. Il est presque impossible qu'un observateur—en tout cas un analyste économique—contredise cette affirmation. La question clé—et je vous demande de vous reporter à ce qu'a dit Jim Stanford en public—est de savoir quelle est la règle la plus appropriée à suivre. Ce que je propose n'est pas énormément différent de la pratique actuelle. Ma proposition offre une certaine souplesse en cas de vaches maigres.

    Vous m'avez demandé comment on savait qu'on était dans un cycle particulier. Prenez n'importe quelle année et vous ne savez pas précisément comment l'économie va se comporter un an plus tard, et que dire de quatre ou cinq ans plus tard. On ne sait pas. Comment savoir où on en est dans un cycle? Les avis, même raisonnables, peuvent différer mais il y a des établissements, par exemple, la Banque du Canada, qui préparent des estimations de la capacité excédentaire éventuelle de l'économie. Cela donne une possibilité de mesurer, si vous me permettez l'expression, la situation par rapport à l'équilibre dans l'économie : il y a le plein emploi; il n'y a pas de demande excessive; il n'y a pas d'offre excessive.

    Il y a donc des organismes et des établissements qui déjà font ce travail et des économistes comme moi-même et d'autres essaient de surveiller la situation également et de donner une estimation qui peut être le cas échéant différente de celle de la Banque du Canada. Pouvons-nous être absolument sûrs de ce que nous avançons? On peut se demander si nous offrons « un ordre de grandeur » juste, et si ce renseignement sert à l'établissement de la politique d'intérêt public. Je pense que c'est possible.

Á  +-(1140)  

+-

    Le président: Merci, monsieur O'Neill.

    Monsieur Penson, allez-y.

+-

    M. Charlie Penson (Peace River, PCC): Merci, monsieur le président.

    Je tiens à souhaiter la bienvenue à M. O'Neill.

    Monsieur O'Neill, vous savez que notre comité étudie également cette importante question. Je considère important de préciser à nouveau que votre rapport a été commandé par le ministre des Finances et était essentiellement destiné à lui fournir de l'information sur votre analyse aux fins visées par le ministre. Mais notre comité a tenu certaines audiences sur cette question, et nous avons entendu des témoignages contradictoires d'autres personnes. Je propose que nous poursuivions notre travail et obtenions la réaction de témoins à votre rapport également. Votre rapport représente un élément important.

    Je constate, dans l'étude que vous avez faite, que vous avez parlé à beaucoup de gens, y compris Mme Elizabeth Robinson du CBO aux États-Unis. Monsieur O'Neill, ce que nous a indiqué entre autres Mme Robinson lorsque nous l'avons interrogée, c'est qu'en 1973, je crois, lorsqu'ils ont mis sur pied la première fois le Congressional Budget Office, ils considéraient qu'ils ne recevaient pas des renseignements exacts. Cela ressemble étrangement à mon travail ici en tant que parlementaire membre du comité des finances. J'ai l'impression d'avoir été floué par mon propre ministère des Finances, et cela ne me plaît pas. Je prends mon travail très au sérieux. Je veux des chiffres exacts. Je veux savoir ce à quoi nous avons affaire. Si le ministère tient à avoir un certain parti pris, très bien, mais je tiens à avoir une source afin que je puisse trouver les chiffres exacts dont il s'agit afin que nous puissions travailler en fonction de ces chiffres.

    Afin de s'assurer que cela se fasse aux États-Unis, vous savez, monsieur O'Neill, qu'une loi a été présentée au même moment prévoyant que l'exécutif fournisse des renseignements précis et exacts au CBO. Je considère qu'il s'agit là d'un élément important. Nous en avons besoin. Et si chaque parti veut à partir de ce moment-là présenter sa propre interprétation de cette information, je suppose que cela peut se faire, mais je n'aime pas que le ministère donne sa propre interprétation des chiffres avant que nous en ayons connaissance. Je ne crois pas que cela soit très utile.

    Tout d'abord, j'aimerais que vous vérifiiez la chose. Je me demande, monsieur O'Neill, si... Je sais que vous avez commandé une étude au FMI et j'aimerais savoir s'il vous serait possible de nous fournir cette étude pour que nous y jetions un coup d'oeil? Ce sont les deux questions que je voulais vous poser. Les États-Unis ont jugé nécessaire d'adopter une loi pour obtenir des chiffres objectifs. Est-ce qu'une telle loi ne nous serait pas utile à nous aussi?

Á  +-(1145)  

+-

    M. Tim O'Neill: Il est très facile de répondre à votre deuxième question. L'étude du FMI est en fait un article, ou une annexe au rapport régulier du Canada. Il s'agit d'un document public qui a été publié en février. Je peux certainement vous indiquer où vous pouvez vous la procurer. Donc il s'agit d'un document public.

    En ce qui concerne le CBO, il a été créé dans un contexte où le Congrès avait l'impression—et je ne peux pas commenter sur le caractère réel de cette impression—qu'il avait perdu, avec raison, un certain pouvoir dans l'établissement du budget par le gouvernement. C'est pourquoi on a créé le CBO, pour contrer ce que l'on considérait comme un transfert effectif important de pouvoir et d'information, entre autres, à la Maison Blanche. La création du CBO ne visait pas uniquement à obtenir plus de renseignements exacts; c'est une structure qui a en fait été conçue, assez clairement, pour permettre au Congrès d'établir son propre processus d'établissement du budget.

    Je suis pratiquement convaincu que ce n'est pas ce que le comité envisageait, c'est-à-dire de créer parallèlement et en concurrence avec le gouvernement, un processus budgétaire. C'était l'objectif visé par la création du CBO. Je ne crois pas que c'est ce que vous envisagez ici.

+-

    M. Charlie Penson: Je ne suis pas si sûr que ce soit le cas, monsieur O'Neill. C'est peut-être votre interprétation mais ce n'est certainement pas la mienne. Je crois que ce que veut notre comité, ce sont des freins et contrepoids.

    Je conviens avec vous que cela a peut-être résulté du contexte qui existait aux États-Unis, mais Mme Robinson nous a également indiqué que les parlementaires là-bas n'avaient pas confiance dans les chiffres qui provenaient de l'administration à cette époque—je crois que c'était à l'époque de la guerre du Viêt-nam. Ils avaient des réserves à propos de l'exactitude des chiffres. Ces réserves sont semblables à celles que nous avons ici, où pendant huit années consécutives nous avons été dupés chaque année. C'est peut-être un bon parti pris ou un mauvais parti pris mais il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'un parti pris.

+-

    M. Tim O'Neill: Si ce que l'on veut, ce n'est pas créer un budget mais obtenir des renseignements plus précis, le document renferme plusieurs recommandations qui traitent de cette question. C'est ce que je voulais dire lorsque j'ai expliqué que je considérais qu'il s'agissait d'un système différent du système mis sur pied par le CBO. Le document renferme six recommandations sur la transparence. Je crois que deux d'entre elles en particulier ont trait à ce dont nous parlons.

    Tout d'abord, j'ai recommandé que le ministère crée, au sein de sa structure actuelle d'établissement et de publication de rapports, une mise à jour trimestrielle de l'exercice financier en cours. Vous recevez La revue financière tous les mois, mais pour bien des gens c'est un document plutôt difficile à déchiffrer, sans minimiser le problème. Effectivement. Ce n'est pas un document destiné à la moyenne du public. Mais j'ai recommandé que l'on produise une mise à jour trimestrielle accessible, qui brosse un tableau plus accessible et compréhensible de la situation.

    Deuxièmement, j'ai proposé que l'on augmente le nombre de séances officielles à l'intention de votre comité. Par exemple, à l'automne, au moment de la mise à jour économique et financière, une fois que les prévisions budgétaires du document ont été communiquées par le ministre, il serait utile que le comité convoque non pas quatre mais une douzaine d'économistes et leur demande : « Pourriez-vous nous indiquer ce que vous pensez de la fiabilité et de l'exactitude des prévisions économiques et financières? » Car il s'agit en fait de l'étape qui annonce le processus budgétaire officiel. Je pense que cela pourrait vous être utile.

Á  +-(1150)  

+-

    M. Charlie Penson: Monsieur O'Neill, ce serait utile, effectivement, mais est-ce que cela ne remplacerait pas simplement la communication de renseignements plus exacts de la part du ministère? Pourquoi ne nous donne-t-il pas simplement les chiffres exacts? Comme vous l'avez indiqué, ils reflètent un certain parti pris. Mais si le comité disposait de sa propre source, si le ministère des Finances devait fournir des chiffres exacts à un bureau indépendant, responsable du budget, nous ne serions pas alors obligés de convoquer une douzaine d'économistes et de leur demander « Quelle est votre interprétation de ces chiffres? Sont-ils en train de prévoir une certaine condition pour un déficit zéro?  » Nous pourrions opter pour la solution que vous proposez, mais elle ne serait pas nécessaire si nous avions un organisme qui nous fournirait ces chiffres exacts.

+-

    M. Tim O'Neill: Le problème, c'est qu'il n'existe pas de chiffres exacts, pour reprendre votre expression.

+-

    M. Charlie Penson: Non, ce n'est pas ce que je veux dire. Je sais que le processus de prévision comportera toujours des inexactitudes d'une façon ou d'une autre. Les prévisions budgétaires concernant les excédents seront inexactes, c'est-à-dire plus élevées ou plus faibles. Nous le savons; il ne s'agit pas d'une science exacte. Mais cela permet d'éliminer les partis pris. On ne voudra peut-être même pas avoir une réserve pour éventualités—simplement des chiffres exacts et aucun facteur pour le déficit zéro, par exemple.

+-

    M. Tim O'Neill: Il a été prouvé que, pour éviter tout déficit ou n'en avoir qu'un tout petit, pendant le cycle économique, il vous faut un coussin se situant quelque part entre cinq et dix milliards de dollars. Peu importe que vous procédiez de manière structurée ou non, explicite ou implicite. Ces données se fondent sur les recherches universitaires. Donc cinq milliards de dollars seraient le minimum absolu, et dix milliards seraient probablement plus sûrs si vous vous inquiétez d'un fléchissement marqué de l'activité économique.

    D'où la question que voici : le législateur est-il prêt à admettre que, dans le processus budgétaire annuel, l'on mette de côté entre cinq et dix milliards de dollars comme coussin pour éviter tout déficit? La question reste posée. Tout ce que je dis dans mon texte, c'est que si vous vous dotez d'une telle règle, vous devrez admettre que vous devrez avoir ce coussin pour obéir à cette règle. Vous pourrez alors de là vous engager dans une planification à moyen terme plus structurée. Mais pour ce qui est de la certitude que vous recherchez, cela n'existe tout simplement pas.

Á  +-(1155)  

+-

    Le président: Merci, monsieur O'Neill.

    M. Bell, suivi de Mme Kadis.

+-

    M. Don Bell (North Vancouver, Lib.): Merci.

    Monsieur O'Neill, je m'intéresse à au moins trois de vos recommandations. En fait, elles m'intéressent toutes, mais j'ai déjà entendu les commentaires qu'on a faits sur les autres.

    Allons tout d'abord à la recommandation 8, où vous mentionnez les problèmes que posent les sources de revenu fédérales, et je passe ensuite à la recommandation 9, où il est question en réalité de la surveillance des sociétés d'État. Cela englobe votre mention, à la recommandation 8, en ce qui concerne les recettes, et les problèmes : il y a, d'une part, les sociétés d'État, et d'autre part, la question des excédents budgétaires. Je me demande dans quelle mesure certaines de ces choses sont attribuables à la passation par pertes et profits, ce qui est chose courante dans le monde des affaires mais pas tellement, j'imagine, dans les sociétés d'État par le passé.

    De même, à la recommandation 9, vous parlez des crédits annulés, ou des fonds des programmes qui ne sont pas dépensés, et vous dites qu'il vaut mieux définir cela. À la recommandation 10, vous dites qu'il vaudrait mieux suivre le cycle économique afin de réaliser un excédent, en moyenne. Vous parlez de la longueur que ce cycle pourrait avoir, entre cinq et sept ans, en fonction de certains indicateurs. Vous parlez d'un cycle complet du marché du travail.

    Mais le fait de lier ce cycle à la reddition de comptes politique ne risque-t-il pas de poser un problème? Ce que je veux dire par là, c'est que dans la plupart des instances politiques que je connais, le budget et les prévisions se situent dans la durée, mais elles tendent à agir dans le court terme, selon les cycles politiques. Si vous essayez de faire quelque chose qui prend en moyenne entre cinq et sept ans, alors qu'on sait que le mandat d'un gouvernement dure en fait entre quatre et cinq ans, en moyenne, s'il s'agit d'un gouvernement majoritaire, est-ce qu'il n'est pas logique pour les instances politiques de rendre des comptes après moins de temps, et par conséquent, est-ce que la politique qui consiste à présenter chaque année un budget équilibré, si tel est le but de ce parti ou de ce gouvernement, est logique sur le plan de la reddition de comptes et de la transparence?

+-

    M. Tim O'Neill: Si j'ai bien compris votre question au sujet du dernier aspect, il est inévitable que le cycle politique et le cycle économique ne concordent pas parfaitement. Donc je crois que vous avez raison dans la mesure où il faut tenir compte de ce qui arrive lorsqu'il y a des élections et changements de gouvernement.

    J'imagine que vous voulez savoir si le nouveau gouvernement...

  +-(1200)  

+-

    M. Don Bell: Eh bien, si le gouvernement dit, « ne vous inquiétez pas du fait que nous n'ayons pas eu d'excédent pendant trois ans parce que nous allons nous rattraper au cours des deux prochaines années », ce gouvernement n'aura peut-être pas la chance de soutenir ce qu'il avance.

+-

    M. Tim O'Neill: L'un des contrepoids à cela, si vous voulez, c'est la réaction du marché. Vous déclarez, par exemple, que le cycle commence l'an prochain, et que dans le prochain cycle économique, nous allons avoir... Nous sommes en situation de plein emploi, nous commençons donc un nouveau cycle économique. Il ne serait pas très sage pour le gouvernement de décider qu'il peut se permettre un déficit pendant trois ou quatre ans, puis s'en inquiéter vers la fin. Chose certaine, ce n'est pas ce que nous avons vu au Royaume-Uni. Ce n'est pas ce que nous avons vu en Australie. Vous devez constamment vous demander si vous allez atteindre votre objectif ou non. Et si l'économie présente un rendement qui produirait normalement un excédent mais que vous êtes en déficit, tout économiste digne de ce nom ne manquera pas de le signaler au gouvernement du jour.

    Je ne me préoccupe donc pas trop du fait que les cycles politiques et économiques ne concordent pas. Bien sûr, le gouvernement peut toujours aller plus loin et ne pas se contenter de dire que c'est sa règle; il peut en fait l'ériger en loi, ce qui lierait alors les mains de tous les gouvernements à venir. Je ne me suis pas engagé dans ce genre de débat parce que je crois que c'est beaucoup plus un problème politique qu'économique.

    Pour les recommandations 8 et 9, je dirai seulement que ce que je retiens à propos de la recommandation 8, c'est que nous fonctionnons tous avec des règles empiriques, et les finances publiques ne font pas exception. L'une des règles empiriques à propos du dollar de production supplémentaire et des recettes que cela génère, selon la source de revenu, c'est que le chiffre peut être différent. Tout ce que je dis ici c'est qu'étant donné que nous avons vu des changements dans ces relations au fil du temps, il serait peut-être utile de faire une analyse plus structurée de la manière dont ces relations ont changé, pourquoi elles ont changé et comment elles pourraient changer à l'avenir. À mon avis, cela améliorerait l'exactitude des prévisions.

    En ce qui concerne les sociétés d'État, je pense que nous avons eu simplement plusieurs années de surprises au niveau des gains. Ce que je dis, c'est que nous devrions nous pencher sur les raisons pour lesquelles cela s'est produit afin d'avoir à l'avenir une meilleure idée de ces gains. Mais ce n'est pas un gros problème; cela a eu un effet modeste sur les prévisions des recettes.

+-

    Le président: Merci, monsieur Bell.

    Mme Kadis.

+-

    Mme Susan Kadis (Thornhill, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Monsieur O'Neill, je m'intéresse particulièrement à la recommandation 12. Vous réclamez ce qui semble être l'abaissement de la dette, vous vous interrogez sur le rôle que joue la dette lorsqu'il y a excédent ou déficit, et vous vous demandez si un changement dans les taux d'intérêt pourrait avoir un effet sur cela.

+-

    M. Tim O'Neill: Il est sûr que plus la dette est élevée, quel que soit le taux d'intérêt en vigueur, plus le service de la dette sera coûteux. Il est évident que la question de savoir quelle part du budget sera consacrée au remboursement de la dette ou au service de la dette présente un certain intérêt dans la détermination du budget.

    Je crois que la difficulté ici pour les économistes, c'est que personne ne peut vous dire qu'elle doit être le bon ratio de la dette par rapport au PIB. Quel est le meilleur objectif? Est-ce 25 p. 100, ou 10 p. 100, ou doit-on tenir compte des actifs nets afin de se retrouver en fait avec une dette négative? J'ai simplement dit que l'objectif de 25 p. 100 est parfaitement raisonnable.

    Mais dans notre pays, si vous devez vous retrouver avec des incertitudes et des difficultés potentielles en ce qui concerne vos capacités financières, du fait de la démographie et peut-être même d'une croissance de la productivité plus faible que ce que la plupart d'entre nous espèrent et que ce qu'un grand nombre d'entre nous prévoient, il nous faudra alors prendre des précautions supplémentaires. Je ne dis pas nécessairement qu'il faut abaisser plus vite le niveau de la dette, mais simplement que nous devons viser à plus long terme afin d'atteindre un objectif moins ambitieux.

    J'ai signalé dans mon allocution d'ouverture que c'est ce que la Nouvelle-Zélande a fait récemment. Son objectif était de 30 p. 100, et elle l'a ramené à 20 p. 100.

    Encore là, pour ce qui est de savoir à quel rythme il faut abaisser la dette et comment nous allons répartir les excédents qui seront générés, le débat reste évidemment ouvert. C'est le genre de chose dont vous avez à débattre. Je dis que, par mesure de précaution, nous devons simplement avoir un objectif moins ambitieux que celui que nous avons en ce moment.

+-

    Le président: Merci, madame Kadis.

    M. Solberg.

+-

    M. Monte Solberg: Merci beaucoup, monsieur le président.

    Encore merci à M. O'Neill.

    Monsieur O'Neill, je veux revenir à notre point de départ, à savoir l'analyse des prévisions et la question de savoir pourquoi le gouvernement s'est trompé, je crois, de près de 90 milliards de dollars depuis que nous avons commencé à avoir des excédents en 1997.

    En réponse à mes premières questions, ou plutôt c'était dans votre allocution d'ouverture, vous avez dit que le fait d'avoir des prévisionnistes indépendants nuirait à la reddition de comptes. Un peu plus tard, vous avez dit que nous pourrions peut-être avoir des prévisionnistes indépendants qui ne seraient pas engagés par le Comité des finances pour faire la lumière sur cette question. Pouvez-vous m'expliquer cela? Pouvez-vous m'expliquer pourquoi le fait d'avoir un contrôle indépendant sur le ministère des Finances nuirait à la reddition de comptes, mais seulement si ces contrôleurs étaient engagés par le Comité des finances lui-même?

+-

    M. Tim O'Neill: Je crois que ce que j'essaie de vous dire, c'est que si vous réclamez, comme beaucoup le font d'ailleurs, l'établissement d'une structure semblable au CBO au sein du gouvernement pour faire des prévisions financières indépendantes de celles du ministère des Finances, ce que vous créeriez en fait, c'est une structure parallèle, du moins pour les prévisions budgétaires, sinon pour la détermination du budget elle-même, ce que je ne vois pas comme étant...

+-

    M. Monte Solberg: Nous ne voulons pas faire cela. Nous parlons de prévisions. Nous ne voulons pas faire un autre budget.

+-

    M. Tim O'Neill: D'accord. Si tout ce que vous faites, c'est réunir de meilleures informations, des informations plus précises, vous n'avez pas besoin de structure officielle pour faire cela. Si vous voulez des renseignements supplémentaires...

+-

    M. Monte Solberg: Mais des informations libres de tout parti pris. N'est-ce pas? Nous voulons des informations exemptes de tout parti pris gouvernemental.

+-

    M. Tim O'Neill: Comme je l'ai dit plus tôt, je ne sais pas si vous êtes d'accord parce que je ne vous ai pas posé la question, mais si vous êtes essentiellement d'accord avec les règles qui régissent les finances gouvernementales, il est inévitable que vos prévisions vont pécher par excès de prudence, que ce soit votre parti ou un autre qui soit au pouvoir. C'est ce que je disais.

  +-(1205)  

+-

    M. Monte Solberg: Je suis d'accord. Mais n'est-il pas également vrai que si vous recevez vos chiffres du ministère des Finances, il intervient ici un autre incitatif, c'est-à-dire s'assurer que la personne pour laquelle vous travaillez, soit le ministre des Finances, reçoive des chiffres qui l'aident lui ou elle ou son parti politique? C'est un incitatif très tangible aussi, et n'est-il pas vrai que si cet incitatif cesse de jouer, nous allons nous retrouver avec une autre série de chiffres, une série de chiffres qui sera à l'abri de ce parti pris?

+-

    M. Tim O'Neill: Ce qui m'inquiète dans la façon dont vous avez formulé cela, c'est que cela laisse entendre—laisse supposer à tout le moins, quoique je ne sais pas si vous vouliez le faire—qu'il y a en quelque sorte une politisation du processus de préparation des prévisions budgétaires.

    Mon observation, après sans doute plus d'années que je veux en compter à traiter avec des fonctionnaires de partout au pays aux niveaux provincial, municipal et fédéral, c'est que dans l'ensemble ils font exactement ce que l'on espérerait les voir faire, à savoir qu'ils fournissent les meilleurs conseils et les meilleurs renseignements à leur ministre et à leur gouvernement. Si le ministre dit : « Merci beaucoup, c'est ce qu'on va faire », il est donc de leur devoir de mettre en oeuvre leur décision.

+-

    M. Monte Solberg: Je veux bien. J'accepte qu'il y a des limites jusqu'où ils sont prêts à interpréter l'information. C'est vrai. Mais comme économiste, vous comprenez aussi que les mesures d'encouragement comptent. La théorie du choix public, toutes ces choses me portent à croire qu'il est tout autant dans leur intérêt que quelqu'un d'autre dans le secteur privé de s'assurer qu'ils font plaisir à leur patron; une chose qui déplaît souverainement à leur patron, j'imagine, c'est de voir tout d'un coup les chiffres contredire une déclaration passée du ministre des Finances ou lui enlever une partie de son pouvoir de fixation de la taille du surplus, ouvrant ainsi un grand débat politique sur l'usage qui doit être fait de l'argent.

    Jusqu'à présent, du fait qu'il y a eu 90 milliards en surplus cachés, le gouvernement a pu contrôler lui-même le débat et vous voyez sans nul doute combien le ministre peut être tenté de perpétuer cette situation. Le ministère, par extension, puisqu'il veut plaire au ministre, contribuera à produire ces chiffres.

+-

    M. Tim O'Neill: Une des choses que j'ai tentée d'aborder dans le rapport... Permettez-moi tout d'abord de préciser que je ne suis pas un expert judiciaire et que je n'ai pas cherché à entrer dans les détails minutieux pour savoir qui a dit quoi à qui. Sans cela, le rapport m'aurait pris deux ans, et même là, je ne suis pas sûr que cela aurait donné des résultats très différents.

    Le point fondamental est que, dans la structure typique de la fonction publique où les fonctionnaires agissent de bonne foi, et j'en suis convaincu, ceux-ci doivent fournir au ministre— faute de quoi ils risquent de perdre leur emploi—des renseignements qui peuvent aller à l'encontre de ce que celui-ci pense qu'il aimerait entendre ou qu'il veut tout simplement entendre. C'est ce en quoi consiste leur travail.

    Voyons la différence entre une telle situation et celle où une décision stratégique a été prise : les fonctionnaires doivent se soumettre à une règle, et c'est l'orientation qu'ils devront suivre. À titre de fonctionnaire, que je sois d'accord ou pas, mon travail consiste à mettre en oeuvre cette décision de mon mieux. Je ne pense pas que ce soit là un comportement inacceptable.

    D'ailleurs, la plupart des écrits de qualité à ce sujet parlent davantage des motivations des politiciens que de celles des fonctionnaires. Nous pouvons en débattre à un autre moment.

    Le deuxième point que je fais ressortir dans mon rapport est que... C'est une question intéressante, soit l'idée que l'on cache de l'argent. Je l'aborde dans mon rapport uniquement pour explorer la justification possible d'une telle action. Si c'est, par exemple, pour éviter des dépenses, ce n'est certainement pas ce que nous avons observé au cours des dernières années. Je ne vois pas tout à fait pourquoi on chercherait à cacher de l'argent.

    En revanche, je vous dirais que ce que nous avons observé, c'est une réaction responsable à un ensemble de règles auxquelles sont assujettis les fonctionnaires. Je ne remets pas en question leur motivation. Je note simplement que leur action correspond exactement à ce qu'on s'attend qu'ils fassent. Peu importe le gouvernement au pouvoir, peu importe l'orientation de la politique budgétaire, vous aurez toujours des prévisions extrêmement prudentes dans un environnement qui encourage la prudence.

  +-(1210)  

+-

    Le président: Merci, monsieur O'Neill.

    M. McKay.

+-

    L'hon. John McKay: Je vous remercie, monsieur le président.

    En ce qui concerne l'argumentaire de M. Solberg, à savoir qu'il faut « blâmer les fonctionnaires », le postulat qui sous-tend cette thèse est que quelqu'un au sein de l'appareil gouvernemental cherche à cacher de l'argent pour empêcher les représentants élus d'exercer leur pouvoir de contrôle. Pourtant, les conservateurs vous ont déjà accusé de vous être trompé dans les chiffres. Vous avez prédit 1,9 milliard de dollars et vous vous êtes retrouvés avec 9,1 milliards de dollars, il y a anguille sous roche, et par conséquent c'est aux fonctionnaires qu'il faut s'en prendre.

    Du point de vue de la crédibilité, un excédent final de 1,9 milliards de dollars aurait été beaucoup plus satisfaisant pour le ministre. La vérité, c'est que les fonctionnaires avaient fourni les meilleurs renseignements possible au ministre, en se fondant sur les informations dont ils disposaient alors. Six mois plus tard, quand on a su la taille finale de l'excédent, il s'est avéré qu'il était plus substantiel que le ministre ne l'aurait souhaité.

    C'est pourquoi je ne pense pas que l'argument de M. Solberg soit pertinent. Pour ma part, j'aimerais savoir si dans votre rapport, vous avez décelé des tentatives de cacher de l'argent pour mieux paraître en bout de ligne.

+-

    M. Tim O'Neill: J'ai fondé mes conclusions sur des tendances de comportement et sur les éléments d'information que j'ai examinés. Le seul contexte où j'aurais pu raisonnablement m'attendre à entendre quelqu'un dire qu'on tentait délibérément de cacher de l'argent, c'était celui des consultations.

    Je vous affirme que je n'ai rien entendu de tel lors des consultations, et ce, après m'être entretenu avec de nombreux anciens hauts fonctionnaires. Je n'ai rien trouvé dans leurs déclarations qui m'amènerait à penser qu'on a tenté délibérément de manipuler les chiffres ou de cacher de l'argent du contrôle public.

+-

    Le président: Merci, monsieur O'Neill.

    Notre objectif est de parvenir à de meilleures prévisions. Vous avez évoqué le facteur indépendance. Si nous retenions les services d'un groupe différent de prévisionnistes, par exemple des économistes de banque, ceux-ci sont-ils vraiment indépendants? N'ont-ils pas leurs propres intérêts dont ils souhaitent faire la promotion? Quand ils sont sous contrat avec nous, en principe, ils seront indépendants, puisque c'est pour cette raison que nous les engageons. Ou est-ce que tous les économistes sont tout simplement prédisposés à penser d'une certaine façon?

+-

    M. Tim O'Neill: Si je me fie à ma propre expérience de presque 12 ans en tant qu'économiste en chef d'une banque et après avoir passé encore plus d'années à rencontrer mes collègues qui occupaient la même fonction, je peux vous dire que la situation est la même au sein de n'importe quel groupe d'économistes. Les économistes ont des points de vue différents et ont des partis pris. Certains économistes pensent que le seul moyen de résoudre les problèmes du monde est de réduire les impôts, alors que d'autres pensent que c'est en investissant dans divers programmes, sans oublier ceux qui pensent que le seul salut économique passe par l'utilisation de l'excédent budgétaire pour réduire la dette.

    Bien entendu, j'exagère un peu pour faire plus d'effet. Ce à quoi je veux en venir, c'est que je ne pense pas qu'il soit approprié ou juste de laisser entendre que tout groupe d'économistes, où que ces derniers travaillent, a des intérêts communs et comparables.

    Une des merveilleuses choses que j'ai aimées de mon travail est le fait que j'étais perçu, tant au sein de la banque qu'à l'extérieur, comme ayant un rôle très indépendant à jouer pour ce qui est de fournir des renseignements et des conseils à mes collègues de la banque et au grand public, à l'extérieur de la banque. Je pense que les économistes des autres banques travaillent de la même manière. Si cela vous préoccupait, je tiens à vous rassurer.

  +-(1215)  

+-

    Le président: Les économistes du ministère des Finances ne pensent-ils pas la même chose, c'est-à-dire qu'ils sont très indépendants?

+-

    M. Tim O'Neill: Disons que leur indépendance est quelque peu différente. Les économistes, peut-être de par leur formation, pensent différemment et, par conséquent, peuvent agir différemment. Tout le monde ne pense pas qu'ils devraient penser différemment, mais c'est une autre paire de manches.

    Je pense que les rôles sont quelque peu différents. Dans l'ensemble, il y a, à mon sens, des similarités dans la façon dont les économistes, où qu'ils travaillent, abordent les questions, mais ils souscrivent à des philosophies sociales et politiques différentes. C'est pourquoi je ne pense pas que l'on puisse généraliser en affirmant que tel ou tel groupe est peu ou pas fiable du simple fait qu'il provient d'un secteur de l'économie en particulier. Si cela est une source de préoccupations pour vous, et je ne pense pas que ce devrait être le cas, mais si cela était le cas, il y a tout un éventail de personnes que vous pouvez, comme vous le savez déjà, inviter à comparaître devant le comité pour offrir leurs points de vue. Dans certains cas, vous saurez exactement ce qui les motive.

+-

    Le président: Où se situe la ligne de démarcation qui nous permet de déterminer si un économiste est indépendant? Quand estime-t-on qu'un économiste possède l'expertise voulue pour fournir des renseignements? Faut-il que ce soit une organisation avec de nombreux employés ou des modèles informatiques capables de produire des chiffres selon différents scénarios, faut-il que ce soit un universitaire comme celui qui a été engagé par le comité? Où se situe la ligne de démarcation?

+-

    M. Tim O'Neill: Je ne pense pas qu'on puisse tracer une ligne de démarcation simple. Je suis un économiste indépendant maintenant et je n'ai qu'un seul employé, moi-même. Il vous appartient de choisir de solliciter mon point de vue sur les prévisions économiques ou de ne pas le faire.

    Tout dépend de l'information que vous cherchez à obtenir. Si c'est une prévision hautement quantitative contenant beaucoup de détails que vous cherchez, disons, d'une manière générale, qu'un consultant indépendant n'aura pas la capacité de générer les chiffres qui vous intéressent. Cela dit, vous pouvez certainement trouver des économistes autres que ceux qui travaillent pour les banques qui utilisent des modèles économiques. Il y a des firmes qui se spécialisent dans la prévision, par exemple, de même qu'il y a des économistes qui travaillent seuls et qui ont leur propres petits modèles. Il n'y a pas de pénurie d'experts à ce chapitre.

    Pour ce qui est de la qualité de leur travail, je ne pense pas qu'il existe de moyen simple qui permette d'en préjuger. La façon de déterminer la qualité du travail, c'est de poser des questions pointues, et si l'économiste ne peut y répondre, peut-être cela signifie-t-il que les renseignements qu'il vous fournis ne sont pas très utiles. En revanche, s'il peut y répondre, le contraire est peut-être vrai. Je ne crois pas qu'il existe de paramètre ou de diagnostic simple qu'on puisse utiliser pour déterminer si la personne est utile ou pas.

+-

    Le président: D'accord.

    Une dernière question : d'après votre expérience—et je sais que vous avez évoqué l'Australie et la Nouvelle-Zélande, ainsi que d'autres pays, et il est clair que je n'ai pas encore vu le rapport dans son intégralité—, quels sont les autres pays qui font des prévisions budgétaires indépendantes? Nous avons examiné l'exemple des États-Unis, mais le Royaume-Uni ne fait-il pas aussi des prévisions indépendantes...?

+-

    M. Tim O'Neill: Il y a plusieurs pays, y compris le Royaume-Uni, où il existe un processus moins formel qu'au Canada; ici, nous sollicitons le point de vue d'économistes du secteur privé. Nous sommes le seul pays du groupe qui utilise formellement les prévisions du secteur privé comme base pour l'établissement de prévisions budgétaires dans le cadre du processus d'établissement du budget. Le Royaume-Uni, tous les pays d'Europe, notamment les Pays-Bas, l'Australie et la Nouvelle-Zélande—c'est-à-dire les pays qui figurent dans le graphique qui se trouve dans le rapport—dépendent tous des prévisions économiques et budgétaires établies formellement par le ministère des Finances ou le Trésor, peu importe l'appellation.

    Donc, nous sommes uniques en notre genre à cet égard, en ceci que nous utilisons les prévisions du secteur privé dans le processus budgétaire.

+-

    Le président: Merci, monsieur O'Neill. Encore une fois, merci de votre disponibilité. Nous vous en sommes d'autant reconnaissants que nous vous avons donné un court préavis. Il se peut que nous vous invitions de nouveau. Nous allons voir comment les choses vont se dérouler.

    J'ai juste une question d'administration interne à régler. La semaine dernière le Comité de liaison a approuvé un budget de 172 250 $ pour nos déplacements. C'est quelque 40 000 $ de plus que ce que nous escomptions. Cela convient-il au comité?

[Français]

    Le comité veut-il l'adopter?

[Traduction]

    Une voix : Pour les consultations prébudgétaires?

    Le président : Oui, pour les consultations prébudgétaires. Notre budget est passé de 132 000 à 172 000 $.

  -(1220)  

+-

    M. Monte Solberg: Quel était le...?

+-

    Le président: Dans un premier temps, nous avions demandé 222 000 $, et nous avons dû baisser le montant à 200 000 $. Ensuite, ils l'ont réduit à 132 000 $, à cause des nombreuses demandes faites par les autres comités.

+-

    M. Charlie Penson: Donc, on l'a augmenté de nouveau...

-

    Le président: Oui, on l'a augmenté pour le faire passer à 172 000 $, étant donné qu'on a pu reporter de l'argent non utilisé au premier trimestre—voyez-vous, nous utilisons une formule trimestrielle—, et donc, on a pu transférer de l'argent du troisième trimestre au deuxième trimestre. Nous avons alors un budget de 172 000 $, dont nous allons devoir décider le sort. Je convoquerai une réunion à ce sujet plus tard. D'accord?

    Je vous remercie.

    La séance est levée.