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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des finances


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 17 octobre 2005




¿ 0910
V         Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.))
V         Mme Heather Redfern (directrice générale, Greater Vancouver Alliance for Arts and Culture)

¿ 0915
V         Le président

¿ 0920
V         M. Avrim Lazar (président et directeur général, Association des produits forestiers du Canada)

¿ 0925
V         M. Jim Shepherd (membre du conseil, Président et directeur général, Canfor, Association des produits forestiers du Canada)
V         Le président
V         M. Avrim Lazar
V         Le président
V         M. Avrim Lazar

¿ 0930
V         Le président
V         Mme Julia Keatley (chef de production , Keatley Films Limited)
V         Mme Trish Dolman (présidente et réalisatrice, Screen Siren Pictures Inc., Keatley Films Limited)

¿ 0935
V         Mme Julia Keatley
V         Mme Trish Dolman
V         Mme Julia Keatley
V         Le président
V         M. Tom Durrie (directeur général, Pacific Baroque Orchestra)

¿ 0940

¿ 0945
V         Le président
V         M. Tom Durrie
V         Le président
V         Mme Mercedes Watson (directrice générale, ACTRA - Colombie-Britannique, Union of B.C. Performers)

¿ 0950
V         M. Thom Tapley (directeur, Opérations et communications - film, télévision et média numérique, ACTRA - Colombie-Britannique, Union of B.C. Performers)
V         Le président
V         Mme Rona Ambrose (Edmonton—Spruce Grove, PCC)
V         M. Avrim Lazar

¿ 0955
V         M. Jim Shepherd
V         Le président
V         M. Robert Bouchard (Chicoutimi—Le Fjord, BQ)

À 1000
V         Mme Heather Redfern
V         M. Robert Bouchard
V         M. Avrim Lazar

À 1005
V         Le président
V         Mme Jean Crowder (Nanaimo—Cowichan, NPD)
V         Mme Mercedes Watson
V         Mme Jean Crowder
V         M. Thom Tapley
V         Mme Jean Crowder
V         M. Thom Tapley
V         Mme Jean Crowder

À 1010
V         M. Avrim Lazar
V         M. Jim Shepherd
V         Le président
V         M. Don Bell (North Vancouver, Lib.)

À 1015
V         Mme Julia Keatley
V         M. Thom Tapley
V         M. Don Bell
V         Mme Julia Keatley
V         M. Don Bell
V         Mme Trish Dolman
V         M. Don Bell
V         Mme Julia Keatley
V         M. Don Bell
V         Mme Heather Redfern
V         M. Don Bell
V         Mme Heather Redfern
V         M. Don Bell

À 1020
V         Mme Heather Redfern
V         Le président
V         M. Charlie Penson (Peace River, PCC)
V         M. Jim Shepherd
V         M. Charlie Penson
V         M. Jim Shepherd
V         M. Charlie Penson

À 1025
V         Mme Trish Dolman
V         Le président
V         M. Charlie Penson
V         Mme Julia Keatley
V         Le président
V         Mme Julia Keatley
V         Le président
V         Mme Trish Dolman
V         Le président
V         Mme Trish Dolman
V         Le président
V         Mme Heather Redfern

À 1030
V         Le président
V         Mme Heather Redfern
V         Le président
V         Mme Heather Redfern
V         Le président
V         Mme Heather Redfern
V         Le président
V         Mme Heather Redfern
V         M. Tom Durrie
V         Le président










CANADA

Comité permanent des finances


NUMÉRO 093 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 17 octobre 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0910)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)): Bonjour tout le monde, merci d'être venus.

    Avant de commencer, j'aimerais remercier le personnel qui s'occupe de la logistique et le bureau du greffier. Je sais qu'il n'est jamais facile d'organiser de tels voyages et si nous sommes tous ici aujourd'hui, c'est grâce à ces employés.

    Tous nos remerciements, donc, à Richard, Christine et tous leurs employés.

    Je vais le dire deux fois, au début et à la fin de chaque séance. On verra s'ils font toujours du bon travail à la fin.

    Je remercie aussi les membres du comité, dont certains ne sont pas encore arrivés. Je crois qu'il y en a un qui est en route de l'aéroport.

    Comme nous avons assez peu de temps, j'aimerais commencer. J'espère pouvoir accorder à chaque groupe sept minutes — ou huit, tout au plus — mais je n'aime pas les interrompre au milieu de leur exposé. Si nous respectons les délais alloués, les députés auront plus de temps pour poser des questions, car ils souhaiteront le faire. J'ai la liste des groupes que nous allons entendre aujourd'hui et je vais suivre l'ordre dans lequel ils apparaissent sur la liste.

    Conformément au paragraphe 83.1 du Règlement, nous sommes ici aujourd'hui pour les consultations prébudgétaires de 2005.

    Je donne la parole à Mme Redfern, qui représente l'Alliance for Arts and Culture.

+-

    Mme Heather Redfern (directrice générale, Greater Vancouver Alliance for Arts and Culture): Bonjour. Je suis la directrice générale de l'Alliance for Arts and Culture, organisme qui représente 340 membres organisationnels et individuels de partout en Colombie-Britannique, mais surtout de la région métropolitaine de Vancouver. Notre effectif total s'élève à plus de 30 000 personnes rémunérées ou bénévoles, dans le domaine des arts. Ces organismes desservent plus d'un million de citoyens de la région de Vancouver.

    Nous demandons au Comité des finances de recommander que l'on augmente de 5 $ par habitant le budget du Conseil des arts du Canada. Nous demandons à tous les partis d'appuyer cette augmentation. Je sais que la ministre Frulla va proposer une augmentation du budget du Conseil des arts du Canada et nous souhaitons que cette augmentation soit de 5 $ par habitant, ce qui équivaut plus ou moins au prix d'un café et d'un beignet par Canadien.

    Permettez-moi de lire une citation de Kenneth Galbraith:

Les sociétés qui affichent la plus riche tradition artistique sont celles qui sont les plus progressistes sur le plan du rendement économique et dont la structure économique est la plus solide et sûre.

    Une participation accrue du gouvernement au financement du Conseil des arts du Canada permettra au secteur culturel de fournir un meilleur rendement puisque l'organisme redistribue son financement là où il donne les meilleurs résultats, c'est-à-dire aux particuliers et organismes engagés dans la recherche créative et le développement artistique.

    Le Conseil des arts finance des artistes — des entrepreneurs culturels — qui utilisent ces fonds pour créer et innover. À la manière du service de recherche et de développement d'une entreprise, cette façon d'agir en matière d'art est au coeur du secteur. Toutefois, le financement insuffisant chronique des années passées a fait en sorte que le secteur fonctionne en deçà de sa capacité et que le talent et l'enthousiasme de nos artistes se sont amoindris et parfois perdus. Cela vaut autant pour les nouveaux artistes que pour les artistes établis qui sont souvent incapables d'innover et de mettre leurs oeuvres en marché au pays ou à l'étranger, faute de moyens. Il s'agit d'investir en recherche et développement dans le domaine de la créativité. La créativité est une dimension essentielle de notre économie dans tous les domaines, qu'il s'agisse des soins de santé, de l'éducation ou du développement économique.

    Votre comité permanent déclare dans son document thématique que les initiatives qui font augmenter la capacité et la volonté des entreprises de s'engager dans la recherche et le développement constituent une des façons d'améliorer le taux de rendement. Il suffit de se rappeler le passé pour être témoin, au Canada, du genre de rendement qui peut résulter de l'investissement fédéral adéquat chez nos artistes.

    En 1967, un Parlement visionnaire a quintuplé ses subventions au Conseil des arts du Canada. L'année suivante, le Conseil des arts a été capable d'accorder des subventions à André Prévost, Veronica Tennant, Michel Tremblay, John Greer, Ted Allan, Roch Carrier, Alanis Obomsawin, Margaret Atwood, David Cronenberg, Timothy Findley, John Metcalf, Joy Kogawa, Michael Ondaatje et George Woodcock, pour n'en nommer que quelques-uns. Et voici que, 40 ans plus tard, nous connaissons tous ces noms et nous savons tous qu'ils ont enrichi notre pays au profit de nos citoyens et qu'ils ont fait du Canada non seulement un endroit où il fait bon vivre mais aussi un pays admiré par le monde entier.

    Nous récoltons les bienfaits du travail des auteurs canadiens, parce que nos enfants lisent les oeuvres d'auteurs canadiens à l'école. Nous récoltons les bienfaits parce que des pièces de théâtre canadiennes sont jouées dans les villes partout au Canada et à l'étranger, parce que la musique composée par des Canadiens est jouée dans les écoles et parce que les oeuvres de nos artistes visuels sont exposées dans les grandes galeries internationales. C'est donc un excellent rendement de nos investissements.

    Permettez-moi de citer un extrait d'une résolution de principe adoptée par la Chambre de commerce du Canada:

Sans une communauté artistique vivante au pays, les entreprises canadiennes sont moins en mesure de se disputer une main-d'oeuvre compétente à tous les niveaux. L'investissement dans les arts est essentiel à la compétitivité des entreprises canadiennes sur le marché mondial où la connaissance illustre la nouvelle économie et les idées en sont les produits. D'une part, nous avons besoin de personnes capables de penser de façon créative et de l'autre, les gens ont besoin d'une atmosphère de créativité pour se développer et croître.

    Le gouvernement fédéral a déclaré que son programme consiste à instaurer la prospérité en faisant la promotion de villes et de collectivités durables, compétitives et prospères. La culture étant un des quatre piliers nécessaires à l'atteinte de cet objectif, le Conseil des arts s'impose donc comme meilleur moyen d'y parvenir.

    S'agissant d'identité canadienne, 93 p. 100 des Canadiens considèrent que les arts contribuent à l'identité nationale du Canada. La tâche de développer des artistes et de leur fournir des structures organisationnelles est essentielle à la santé de la culture et à la force du tissu social de nos villes. L'expérience acquise grâce aux arts est un des moyens pour nous de créer une société empathique, des collectivités saines où les gens se comprennent, se soucient les uns des autres et investissent dans leurs intérêts mutuels.

    À l'heure actuelle, le Conseil des arts a trois priorités stratégiques : la diversité culturelle, les arts autochtones et les arts destinés à des publics jeunes. Ce sont des axes très importants pour nous en Colombie-Britannique. En effet, la Colombie-Britannique compte le plus grand pourcentage d'artistes issus de collectivités des Premières nations, de même que nous avons le pourcentage le plus élevé d'artistes appartenant à une minorité visible et d'artistes immigrants. Il est très important, pour le développement de la créativité dans notre province, que l'on fasse en sorte que ces artistes soient subventionnés convenablement. C'est pourquoi nous considérons aussi que le financement devrait provenir du Conseil des arts du Canada — et j'entends un financement adéquat, pas du financement de type « faute de grives, on mangera des merles ». Il faudra bonifier considérablement le financement.

    Un autre facteur influant sur la productivité dans les secteurs artistique et culturel, c'est l'écart qui existe entre le revenu des artistes et celui du reste de la population. Ainsi, entre 1991 et 2001, le nombre d'artistes s'est accru de 29 p. 100, soit près de trois fois le taux de croissance de la population active totale. Cela étant, le revenu moyen de 23 500 dollars des artistes figure dans le quart de section des revenus moyens les plus bas de toutes les catégories professionnelles. L'écart qui existe entre le revenu moyen d'un artiste et celui du reste de la population active est d'environ 26 p. 100, et c'est même pire pour les artistes autochtones et les artistes appartenant à une minorité visible.

    Le gouvernement fédéral n'attendrait pas de la part des travailleurs des secteurs sociaux des soins de santé ou de l'éducation, par exemple, qu'ils travaillent gratuitement ou pour un revenu inférieur à la moyenne nationale ou au seuil de la pauvreté. Pourquoi attendrait-il alors cela des artistes? En 1970-1971, le Conseil des arts a décrié la situation économique des artistes qui n'a malheureusement pas changé.

    Les arts sont un moteur économique. En effet, les Canadiens dépensent deux fois plus pour les arts du spectacle que pour les événements sportifs en direct. Plus de la moitié du public des arts du spectacle, c'est-à-dire les gens qui vont au théâtre, aux galeries d'art — , font du bénévolat dans leurs collectivités, contre 30 p. 100 du reste de la population. Comme chacun le sait, le secteur bénévole revêt de plus en plus d'importance dans l'économie canadienne.

    Les avantages financiers de l'investissement dans le Conseil des arts du Canada... De nombreuses études le prouvent, et je ne saurais toutes les citer ici. Vous allez devoir me faire confiance là-dessus. Il existe donc des études qui montrent que l'investissement dans les arts réduit les coûts relatifs aux soins de santé et donne aux gens, notamment les personnes âgées, une meilleure qualité de vie, diminue les coûts des services sociaux, est un des moyens les plus efficaces d'aider les jeunes qui ont des problèmes d'accoutumance à la métamphétamine ou à d'autres types de drogues, fait baisser les coûts relatifs aux activités policières, de même qu'il enseigne les principes de la responsabilité et de la tolérance. Il y a une troupe de théâtre qui se produit dans une prison sur l'île de Vancouver, et les personnes concernées disent notamment qu'elles comprennent maintenant le sens de la responsabilité envers soi-même et envers les autres.

    Les étudiants qui terminent leurs études secondaires avec de bonnes notes et qui ont suivi des cours artistiques possèdent des compétences supérieures et sont mieux préparés à évoluer dans un monde qui exige souplesse, capacité à résoudre des problèmes et à réfléchir de manière originale. Bien entendu, il y a la croissance de l'emploi, l'expansion du PIB, le secteur technologique; tout cela nécessite des partenaires créatifs. La compagnie Electronic Arts, ici en Colombie-Britannique, est un des plus grands employeurs d'artistes, et c'est une compagnie qui est née d'une collaboration entre artistes et informaticiens.

¿  +-(0915)  

    Pour conclure, nous exhortons tous les partis à appuyer notre recommandation d'investir 5 $ supplémentaires par habitant dans le Conseil des arts du Canada.

    Merci.

+-

    Le président: Merci, madame Redfern.

    Nous entendrons maintenant de l'Association des produits forestiers du Canada, M. Lazar.

¿  +-(0920)  

+-

    M. Avrim Lazar (président et directeur général, Association des produits forestiers du Canada): Je suis accompagné de M. Jim Shepherd, PDG de la Corporation Canfor. Il semble que cette audience soit typique de la Colombie-Britannique, puisque l'industrie forestière et l'industrie culturelle se rassemblent pour parler productivité avec le gouvernement.

    Je ne suis pas ici pour parler de l'industrie de la Colombie-Britannique, mais plutôt de l'industrie canadienne, notre industrie nationale.

    Le secteur des produits forestiers du Canada et l'Association des produits forestiers du Canada représentent environ un million de travailleurs au pays. Nous versons des salaires qui sont bien au-dessus de la moyenne. Nous représentons 300 collectivités rurales pour lesquelles il y a peu d'autres possibilités d'emploi. Je représente un secteur industriel qui emploie davantage de personnes autochtones que tout autre secteur canadien, un secteur plus important que le secteur pétrolier et gazier, que la fabrication automobile, le plus gros secteur exportateur de produits forestiers du monde, une industrie dont les Canadiens et dont le gouvernement peuvent être fiers.

    Je sais que vous devez entendre beaucoup de témoignages, et cela peut devenir une routine pour vous, mais pour nous, pour le million de Canadiens des 300 collectivités, ce dont nous allons vous parler aujourd'hui est extrêmement important. Je vous remercie donc de votre temps et de votre attention.

    Le secteur forestier au Canada est confronté à une foule d'obstacles, une véritable tempête, comme nous n'en avons jamais vu. Nous sommes habitués à gérer la concurrence bon marché du Brésil et de l'Indonésie, par exemple, même si ce n'est pas facile, mais nous vivons à présent à une époque où le dollar canadien a augmenté de 34 p. 100. Tous nos intrants sont faits au Canada et nous exportons 80 p. 100 de notre production, ce qui fait que l'augmentation du dollar met notre industrie à rude épreuve. Au même moment, les Américains ont pris 5 milliards de dollars de nos poches qu'ils conservent comme un tarif semblable à un embargo chez eux. Tout cet argent aurait pu être investi dans les scieries canadiennes.

    Au même moment, les prix de l'énergie et des fibres ont augmenté, si bien que notre industrie, qui a toujours su s'adapter et se battre pour rester la meilleure, subit cet assaut sans précédent, et nous avons du mal à nous en sortir. Nous avons attendu de l'aide. Nous avons attendu l'aide du gouvernement. Nous avons amélioré notre productivité année après année, plus que le reste de l'industrie manufacturière au Canada. Dans le secteur du bois d'oeuvre, notre productivité est encore meilleure qu'aux États-Unis. Nous avons diversifié nos marchés, nous nous sommes tournés vers la Corée, la Chine, l'Inde, et aucun autre secteur de la fabrication canadien ne vend autant dans ces marchés que nous.

    Nous sommes restés debout et nous avons subi cette tempête en faisant preuve d'esprit d'initiative, en augmentant notre productivité et en nous tournant vers de nouveaux marchés. Mais aucune industrie ne peut subir une augmentation de 34 p. 100 du dollar en si peu de temps sans y perdre des plumes.

    Ainsi, monsieur le président, nous sommes venus ici pour répondre à votre question, celle du comité, qui est la suivante: « Que peut faire le gouvernement pour encourager l'augmentation de la productivité? ». La réponse à votre question est très simple. D'abord, le gouvernement doit travailler en coopération avec l'industrie pour mettre en place une stratégie sur son avenir, pour la revitalisation et le renouvellement de l'industrie. Cette stratégie doit comprendre une réforme réglementaire, un investissement en recherche et développement, un secteur en transformation, de sorte que l'industrie puisse améliorer sa compétitivité et adopter de nouvelles technologies. Cette stratégie suppose également que le gouvernement fasse davantage pour nous représenter sur les marchés internationaux, afin que nous puissions mieux pénétrer les marchés chinois, indiens, et émergents. Cette stratégie doit aussi comprendre un régime fiscal — et c'est le plus important — qui récompense l'investissement au Canada plutôt que de le décourager. L'investissement dans le secteur forestier au Canada est davantage imposé chez nous que dans tous nos pays concurrents et comme vous le savez, la concurrence la plus forte et la plus sévère du monde est la concurrence pour le capital. Lorsqu'une entreprise cherche un endroit où investir son argent, elle regarde quel serait le rendement au Canada, au Brésil, aux États-Unis, en Europe et en Extrême-Orient, et à moins d'avoir un régime fiscal concurrentiel, à moins de faire quelque chose pour rendre l'investissement au Canada plus profitable, nous serons en dehors du coup.

¿  +-(0925)  

    Ce que nous demandons de plus important au comité, c'est de chercher à améliorer le climat de l'investissement, le rendement de l'investissement au Canada. Vous trouverez dans notre dépliant une proposition détaillée de crédits d'impôt à l'investissement. Si vous le souhaitez, nous pourrons l'examiner en détail pendant la période des questions; sinon, je suis sûr que vous voudrez la lire.

    L'autre chose que le comité pourrait faire, c'est améliorer l'accès aux mesures pour encourager l'énergie renouvelable prévues dans le dernier budget. Notre industrie est toujours prête à passer à l'énergie renouvelable. Dans le dernier budget, le gouvernement a annoncé une mesure incitative pour l'énergie renouvelable et un amortissement accéléré, mais les règlements et conditions de ces mesures sont si étroits qu'elles sont presque inutiles. Il y a des scieries en Ontario qui menacent de fermer, notamment en raison du prix de l'énergie. Ces scieries pourraient passer à la biomasse, aux carburants renouvelables, ce qui permettrait à la fois de nettoyer l'atmosphère et de nous permettre de respecter nos engagements de Kyoto. Si ces incitatifs fonctionnaient, ce changement pourrait se faire de façon économique, mais ce n'est pas le cas. La façon dont ils sont faits les rend difficiles à utiliser.

    En résumé, monsieur le président, membres du comité, les marchés mondiaux augmentent de 3 p. 100 par an. Cela représente des possibilités énormes pour le Canada. Les Canadiens ont profité de leur rang de première nation exportatrice de produits forestiers, ce qui a engendré des emplois dans les régions rurales qui ne sont pas remplaçables. L'industrie fait de son mieux pour devenir plus productive et plus concurrentielle. Il est temps que le gouvernement fasse ce qu'il faut pour rendre le climat d'investissement plus concurrentiel lui aussi, et qu'il réforme le système fiscal pour inciter les gens à investir dans le matériel canadien, les scieries canadiennes.

    Monsieur Shepherd, voulez-vous ajouter quelque chose?

+-

    M. Jim Shepherd (membre du conseil, Président et directeur général, Canfor, Association des produits forestiers du Canada): Merci, monsieur Lazar.

    Monsieur le président, merci de m'avoir invité à prendre la parole ce matin.

    J'aimerais commenter brièvement ce qui a déjà été dit ce matin.

    Je représente une entreprise qui compte plus de 12 000 employés dans 25 villes d'un bout à l'autre du pays, surtout en Colombie-Britannique, en Alberta et au Québec.

    Nous avons connu récemment plusieurs restructurations et avons fermé plusieurs usines dans différentes régions du Canada, ce qui a touché des centaines d'employés dans plusieurs villes. Nous avons investi des centaines de millions de dollars dans l'acquisition de nouvelles technologies pour améliorer la productivité et l'efficacité de certains des procédés technologiques les plus avancés au monde. Nous avons activement encouragé le développement de marchés internationaux, au moment même où les coûts de l'énergie grimpent en flèche et où les infrastructures de transport et les coûts nuisent gravement à cette industrie d'exportation et notamment à notre entreprise.

    En même temps, nous avons dû composer avec les tarifs punitifs imposés sur le bois d'oeuvre, ayant jusqu'à maintenant dû débourser plus de cinq milliards de dollars à ce titre qui auraient pu être réinvestis dans cette industrie très concurrentielle.

    Tout cela survient au moment même où les marchés internationaux sont réfractaires aux entreprises dont les coûts sont élevés, et la hausse rapide de la devise canadienne défavorise grandement notre industrie sur le plan de la concurrence. Si rien n'est fait pour contrer ces problèmes, nous assisterons à une profonde restructuration de l'industrie au Canada.

    Je tiens à souligner la justesse des propos de M. Lazar et m'assurer que votre comité comprend que l'industrie forestière, qui dépend des exportations, est extrêmement nécessaire et qu'il faut se doter des mesures financières et fiscales dont elle a besoin et encourager le réinvestissement des capitaux ici même au Canada.

    Merci.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Lazar, vous avez mentionné trois points: en premier lieu, une réforme de la réglementation touchant l'industrie, en deuxième lieu, un élément qui ne figure pas dans votre rapport, et en troisième lieu, la politique financière touchant l'industrie. En fait, les deux premiers points ne sont pas mentionnés dans votre mémoire.

+-

    M. Avrim Lazar: Je suis ravi que vous ayez posé cette question, parce qu'il est toujours gratifiant de constater que les parlementaires ont lu notre mémoire.

+-

    Le président: Alors allez-y; je l'ai entre les mains en ce moment. Je ne le reverrai peut-être plus jamais.

+-

    M. Avrim Lazar: L'investissement dans la R-D transformatrice; la réforme de la réglementation; la diversification des marchés; puis il y a les deux que nous mentionnons dans notre mémoire qui relèvent directement du mandat de ce comité, soit améliorer les mesures incitatives pour l'énergie renouvelable annoncées dans le dernier budget et les crédits d'impôt à l'investissement remboursables.

    Ces choses ne fonctionnent pas de manière isolée. Elles doivent faire partie d'un plan stratégique général. Nous supposons que la réforme de la réglementation, la recherche et le développement ainsi que la diversification des marchés feraient partie d'un tel plan.

¿  +-(0930)  

+-

    Le président: Formidable. Merci.

    De Keatley Films Limited, Mme Keatley.

    Bonjour.

+-

    Mme Julia Keatley (chef de production , Keatley Films Limited): Bonjour. J'aimerais remercier le président et les membres du comité de nous donner l'occasion de comparaître aujourd'hui. Je m'appelle Julia Keatley, et je suis présidente et chef de production de Keatley Entertainment, une société de Vancouver qui produit des dramatiques -- la série Cold Squad et, à l'heure actuelle, Godiva's pour CHUM.

    Je suis accompagnée de Trish Dolman, une collègue, qui est présidente et réalisatrice à Screen Siren Pictures. Mon collègue Chris Bartleman, président du Studio B, qui a préparé le mémoire avec moi, est malheureusement à l'extérieur du pays; il participe au marché international de Cannes, le MIPCOM, et ne peut donc pas être avec nous aujourd'hui.

    Le mémoire que nous avons déposé auprès du comité à la fin août recommandait plusieurs initiatives que le gouvernement fédéral pourrait mettre en oeuvre pour accroître la productivité globale des secteurs de la télévision, du long métrage et des nouveaux médias canadiens.

    Dans notre bref exposé aujourd'hui, j'aimerais souligner les principaux éléments de notre mémoire.

    Premièrement, le contexte général. Les producteurs canadiens indépendants oeuvrant dans les domaines du cinéma, de la télévision et des nouveaux médias ont été longtemps confrontés à deux obstacles majeurs en matière de financement: premièrement, obtenir le financement nécessaire pour mener à bien leurs projets; et deuxièmement, investir dans leurs entreprises. Ces problèmes ont pris de l'ampleur au cours des dernières années puisque l'accès aux sources de financement étrangères se fait considérablement plus difficile. Au cours de la dernière décennie, l'industrie canadienne de la production a connu beaucoup de succès tant au Canada que sur la scène internationale, et ce grâce en grande partie à de bonnes politiques gouvernementales.

    Toutefois, malgré la croissance globale de l'industrie, la situation n'est pas aussi reluisante pour le secteur de la production indépendante. Alors que les tournages étrangers et les productions internes des diffuseurs ont augmenté, le niveau d'activité du secteur de la production indépendante a diminué de 12,4 p. 100 au cours des cinq dernières années. Il y a eu une contraction considérable de l'industrie. En outre, on n'a pas beaucoup aidé les entreprises du secteur indépendant à développer leur capacité.

    Dans le contexte actuel, les producteurs indépendants se trouvent pris dans un cercle vicieux. Pour attirer plus d'investissements, il leur faut une plus grande capacité. Afin d'atteindre cette capacité accrue, ils doivent avoir accès à de nouveaux investissements.

    Trish va continuer.

+-

    Mme Trish Dolman (présidente et réalisatrice, Screen Siren Pictures Inc., Keatley Films Limited): À titre de producteurs indépendants, nous demandons maintenant au gouvernement fédéral d'aider à rompre ce cycle chronique et inefficace, et c'est d'autant plus important aujourd'hui que nous ne pouvons pas dépendre des services que nous procurons aux productions américaines en raison de la valeur de notre dollar. C'est pourquoi nous pensons qu'il faut une nouvelle stratégie nationale qui aurait pour objectif d'accroître la productivité; d'assurer une meilleure synergie entre les producteurs indépendants, les réseaux de diffusion et les autres marchés, qui encouragerait un juste équilibre entre ceux qui produisent un contenu et ceux qui ont directement accès aux auditoires -- et qui ferait en sorte que chaque élément du système puisse contribuer de manière utile à créer une cohésion sociale et culturelle au Canada et qui encouragerait la diversité.

¿  +-(0935)  

+-

    Mme Julia Keatley: C'est vrai que la situation des producteurs canadiens est meilleure qu'elle ne l'était il y a dix ans, mais il leur faut un environnement revitalisé afin que leurs entreprises puissent continuer à croître. Si elles peuvent accroître leur capacité, les entreprises canadiennes seront mieux placées pour être concurrentielles au Canada et à l'étranger.

    Trish va maintenant vous présenter quelques recommandations visant particulièrement le crédit d'impôt pour la production cinématographique ou magnétoscopique.

+-

    Mme Trish Dolman: La plupart d'entre vous n'ignorent sans doute pas que le crédit d'impôt pour la production cinématographique ou magnétoscopique canadienne, instauré en 1995, avait pour objet de favoriser un régime de financement stable ainsi que l'essor à long terme des sociétés de production au lieu de servir à financer un projet en particulier. Lorsque notre industrie en était à ses premiers balbutiements, c'est d'ailleurs ce que la plupart des entreprises faisaient; elles passaient d'un projet à l'autre. Elle s'est développée, a pris de l'expansion et nous aimerions tabler là-dessus pour donner de plus grands moyens aux entreprises afin qu'elles ne vivotent pas d'un projet à l'autre.

    Cet important programme a favorisé considérablement l'accroissement du contenu canadien. Toutefois, étant donné sa structure actuelle et certaines réalités financières, il n'a pas favorisé la création d'entreprises plus durables. Malheureusement, puisqu'il est difficile d'obtenir le financement nécessaire pour un projet et que l'aide publique directe est limitée comparativement à la demande élevée... Au cours des 15 dernières années, on a assisté à une augmentation considérable du nombre de chaînes télévisées autorisées par le CRTC; or notre mécanisme de financement réunit des fonds tant publics que privés et par conséquent, malgré l'augmentation des chaînes de télévision, les moyens de financement n'ont pas suivi cette hausse de la demande. Cela a donné des systèmes où il y a surabonnement. Compte tenu de cela, souvent, les producteurs n'ont d'autre choix que d'inclure les crédits d'impôt fédéraux et provinciaux dans leur structure financière s'ils tiennent à la réalisation de leur projet. Cela empêche ces mêmes producteurs de recourir au crédit d'impôt pour financer la croissance de leur entreprise et, dans la plupart des cas, les forcent à travailler d'un projet à l'autre sans continuité.

    Si l'on veut mieux soutenir les compagnies de production, comme on a tenté de le faire avec le programme de crédits d'impôt, il faudrait encourager les producteurs à recourir aux crédits d'impôt en dehors de la structure financière d'un projet donné. En outre, si l'on pouvait recourir au programme de crédits d'impôt pour faciliter l'accès aux ressources, cela rendrait l'industrie plus efficace, c'est-à-dire qu'on remettrait moins d'argent à des intermédiaires comme les banques et on en investirait davantage dans les activités de production. Autrement dit, une fois qu'une production est terminée, grâce au crédit d'impôt, nous soumettons nos déclarations d'impôt et le crédit nous revient beaucoup plus tard, parfois 18 mois ou deux ans après. Cela signifie donc qu'au début d'une production, nous devons trouver un financement provisoire, et c'est alors que nous nous tournons vers les banques ou vers d'autres établissements de prêts pour l'obtenir.

    Nous proposons donc un financement accordé dans le cadre du programme de crédits d'impôt, mais sous la forme d'un système d'avances, dont bénéficieraient des producteurs qui ont déjà eu recours aux crédits d'impôt et les ont reçus sans aucune difficulté; ils recevraient donc une avance plutôt que de devoir trouver un financement provisoire et payer ensuite de l'intérêts sur le crédit d'impôt.

    Nous recommandons également que l'on encourage les producteurs à recourir aux crédits d'impôt en dehors des mécanismes de financement des projets, afin qu'ils puissent mieux financer leurs activités d'entreprises, ce qui, à l'origine, était d'ailleurs l'objectif du programme de crédits d'impôt.

+-

    Mme Julia Keatley: En outre, les ressources annuelles affectées par le gouvernement à des programmes fédéraux de soutien direct n'ont pas été indexées au taux d'inflation. En résumé, avec le temps, tous les coûts associés à la conception et à la production de projets ont augmenté. Les coûts de main-d'oeuvre ont augmenté, ainsi que bon nombre de choses dont nous sommes responsables, compte tenu des conventions collectives, alors que la valeur réelle du soutien fédéral a diminué, compte tenu de l'inflation et des réductions directes au programme de prêt de base.

    Comme l'a signalé Trish, au cours des dix dernières années, le CRTC a accordé des licences à plus d'une cinquantaine de chaînes, sans compter les chaînes numériques. Le soutien annoncé il y a dix ans est essentiellement le même, dollar pour dollar.

    En n'indexant pas le soutien direct, on a considérablement nui à la capacité du secteur de suivre la croissance. En réalité, il a perdu encore plus de terrain. Dans le monde des médias où les choix se multiplient, il est aussi nécessaire d'aider le secteur de la production canadienne à mieux répondre à la demande croissante de contenu canadien de qualité à la télévision, au cinéma et dans le domaine des médias interactifs, en améliorant sa compétitivité et en facilitant la transition vers de nouvelles technologies, notamment la télévision à haute définition, qui a été très coûteuse. Il y a un marché pour cela, mais ce sont les producteurs qui en assument les coûts, à l'exclusion d'autres éléments du système, comme les diffuseurs. C'est un coût supplémentaire, tout simplement. Étant donné la demande de l'auditoire, lorsque nous aurons tous notre télé haute définition, il sera difficile pour les Canadiens d'être concurrentiels, les coûts de production étant si élevés. Les Canadiens, à cause de cela, pourraient ne pas avoir de choix en matière de haute définition.

    Une augmentation significative des allocations annuelles versées au Fonds canadien de télévision, au Fonds du long métrage du Canada ainsi qu'une augmentation du financement qui est actuellement offert dans le cadre du programme de crédit d'impôt pour la production cinématographique ou magnétoscopique canadienne permettraient d'atteindre ces objectifs. Pour composer avec les difficultés que représentent l'inflation, la demande croissante et l'adaptation nécessaire à la télévision haute définition, nous recommandons que le gouvernement du Canada investisse 95 millions de dollars de plus dans le Fonds canadien de télévision, 75 millions de dollars de plus par année dans le Fonds du long métrage du Canada et 15 millions de dollars de plus par année dans le Fonds des nouveaux médias du Canada. Nous recommandons en outre que le gouvernement du Canada s'engage fermement à maintenir ces niveaux de ressources et à les indexer au taux d'inflation pendant un minimum de cinq ans.

    Nous recommandons également au gouvernement du Canada de faire passer le taux du crédit d'impôt pour la production cinématographique ou magnétoscopique canadienne à 30 p. 100, comme l'a recommandé votre comité l'an dernier.

    Enfin, nous recommandons que le gouvernement fédéral crée et mette en oeuvre un nouvel incitatif fiscal pour inciter le secteur privé à financer davantage les longs métrages canadiens et les séries télévisées canadiennes à gros budget dont le financement est désormais très difficile à assembler.

    En terminant, nous tenons à vous remercier encore une fois de nous avoir donné l'occasion de vous présenter notre point de vue. Merci.

+-

    Le président: Merci, madame Keatley.

    Passons maintenant au Pacific Baroque Orchestra, représenté par M. Durrie.

+-

    M. Tom Durrie (directeur général, Pacific Baroque Orchestra): Je m'appelle Tom Durrie. Je suis directeur général du Pacific Baroque Orchestra, le seul orchestre de musique ancienne professionnel à l'ouest de Toronto, l'orchestre dont William Littler, du Toronto Star, a dit que c'était la réponse de Vancouver à Tafelmusik.

¿  +-(0940)  

[Français]

    Je ferai ma présentation en anglais, mais permettez-moi d'abord de vous remercier de me recevoir ici aujourd'hui.

[Traduction]

    Je suis heureux de voir que les arts sont au sommet de l'ordre du jour aujourd'hui et j'espère que vos délibérations subséquentes le refléteront.

    Après avoir entendu les exposés des différents représentants du secteur des arts qui sont ici ce matin, vous en entendrez d'autres qui témoigneront tous de préoccupations vitales d'ordre humanitaire et social. Vous entendrez parler de la nécessité d'un soutien pour aider les personnes malades et handicapées, de l'éducation des enfants, de l'aide à fournir aux sans-abri et défavorisés — des causes importantes, nécessaires à notre bien-être collectif.

    Pourquoi, dans ce cas, demander un soutien accru, en fait, un soutien généreux, pour les arts qui sont après tout considérés depuis toujours, du moins dans la société nord-américaine, comme de l'agrément plutôt qu'une nécessité de la vie? Je vous invite aujourd'hui à penser aux arts, non comme à des activités superflues ou plaisantes, mais comme à l'essence d'une société civilisée et bienveillante.

    Je sais que vous avez maintenant déjà entendu dire probablement plus d'une fois à quel point les arts contribuent à l'économie en fournissant des emplois et en générant de multiples retombées économiques sous la forme de gardiens et de gardiennes d'enfants, de dîners au restaurant et de nouvelles robes. Si tout cela est certes vrai et très bien documenté, je ne crois pas que cela explique pourquoi l'art, sous toutes ses formes, est une partie si importante de notre identité. Tout comme le Parthénon nous en dit plus sur les habitants de l'Athènes antique que toutes les études de l'économie de l'Âge d'or, les arts définissent qui nous sommes comme personnes aujourd'hui.

    Je devrais peut-être vous dire que nous permettons aux arts de nous définir comme personnes dans la mesure où nous apprécions le travail des artistes. Si nous ne considérons que la valeur économique ou si nos dirigeants ne tiennent pas compte du rôle des artistes dans notre société, nous allons tricher avec nous-mêmes, avec notre culture et avec la qualité de nos vies.

    Je vous demande de regarder, par exemple, le Parthénon ou Guernica de Picasso. Je vous demande d'écouter L'art de la fugue ou l'opéra Peter Grimes de Benjamin Britten. Est-ce que la première chose qui vous vient à l'esprit est: « Comment cela a-il rapporté? ». Ce serait ridicule. On se souvient des civilisations à cause de leur art, non à cause de leur économie. Ces oeuvres d'art, et tellement d'autres, représentent les aspirations les plus élevées et la compréhension la plus profonde de la condition humaine. Voilà pourquoi nous avons besoin de nos artistes et pourquoi nous devons soutenir leur travail: ils donnent un sens et une pertinence à la vie. Ils font de nous de meilleures personnes.

    J'ai eu l'honneur il y a quelques années de présenter un concert des trois quatuors à cordes de Benjamin Britten. Assis parmi le public, je me disais que cette musique extrêmement difficile défie l'oreille et l'esprit, et j'avais peur que le public ne l'aime pas. Mais à la fin du troisième quatuor, j'ai regardé autour et j'ai vu plusieurs personnes qui pleuraient, profondément touchées par la musique qu'elles venaient d'entendre. En dépit de l'étrangeté de son expression, cette musique leur avait fait vivre du chagrin et de la joie venus des profondeurs de l'esprit humain, et jeter un regard, si vous voulez, dans l'âme d'un autre être humain.

    C'est pourquoi je ne m'adresse pas à vous aujourd'hui avec des graphiques, des tableaux et des chiffres. On ne peut mesurer la signification de l'art, pas plus que la signification de la vie elle-même. On peut seulement la vivre. Et le travail des artistes est d'interpréter cette expérience pour nous, de nous révéler à nous-mêmes, d'éclairer nos meilleurs aspects comme les pires. Et les artistes ont besoin de soutien économique pour faire ce travail.

    Nous avons la chance de vivre dans un pays dont la culture est richement variée. Si le terme « multiculturel » est un peu utilisé à toutes les sauces, il décrit bien la société canadienne. Pour bien nous entendre et prospérer, nous avons besoin d'une voie pour comprendre et apprécier les différentes cultures. Les arts nous fournissent cette voie. Une société qui soutient les arts soutient l'humanité. C'est tout simple. Tout le reste, des hôpitaux pour enfants au soutien des nécessiteux, vient de notre humanité.

    Je vous demande de jouer le rôle de chef de file en recommandant un soutien accru pour les arts. Le Conseil des arts du Canada est l'une des meilleures institutions du Canada et, je pourrais ajouter, l'une de celles qui travaillent le plus fort.

¿  +-(0945)  

    Si l'on me permet de m'écarter un peu du sujet, j'ai déjà dit que les artistes ont tendance à travailler pour presque rien. Comme l'a indiqué Heather Redfern, le revenu moyen des artistes est extrêmement bas. J'ai déjà dit, lors d'une conférence, que si le gouvernement nous avait confié le contrôle des armes à feu, on aurait tout fait pour 500 $.

+-

    Le président: Nous allons nous souvenir de cela.

+-

    M. Tom Durrie: Sans le soutien du Conseil des arts du Canada, le Canada ne serait pas connu partout dans le monde, comme il l'est maintenant, pour ses grands écrivains, cinéastes et musiciens. Tout cela a été fait avec des moyens très limités. Pensez seulement à tout ce que nous pourrions faire.

    On vous a proposé une cotisation de 5 $ par personne pour soutenir le Conseil des arts du Canada. Ce n'est presque rien, pour la plupart d'entre nous, c'est le prix d'un café. Mais le rendement pour notre culture, pour le rayonnement de notre pays et l'humanité, serait énorme, incommensurable.

    Rappelez-vous que le Conseil des arts du Canada n'a pas été créé à la demande du public, mais par des visionnaires, des idéalistes et des chefs. Je vous invite à faire vôtres ces qualités.

    Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Durrie.

    Mme Watson du Union of B.C. Performers.

+-

    Mme Mercedes Watson (directrice générale, ACTRA - Colombie-Britannique, Union of B.C. Performers): Merci de nous offrir la possibilité de témoigner devant le comité. Nous ferons de notre mieux pour respecter le temps qui nous est alloué pour que vous ne preniez pas de retard dès le début de votre journée.

    Je m'appelle Mercedes Watson. Je suis directrice générale de la Union of B.C. Performers, une division locale de l'ACTRA. Je suis accompagnée de mon collègue, Tom Tapley, directeur des opérations et des communications pour les films, la télévision et les médias numériques.

    La Union of B.C. Performers est une division locale indépendante de l'ACTRA, qui représente environ 4 000 interprètes professionnels dans les médias enregistrés. Nous sommes un syndicat de la province de la Colombie-Britannique qui travaille à la protection des droits des interprètes professionnels à une rémunération équitable et au respect fondamental de leur métier et de leur art.

    Nous appuyons bien entendu les recommandations que vous avez déjà entendues de notre organisme national, l'ACTRA, mais nous souhaitons nous concentrer sur le financement des projets autochtones et nationaux, dans le domaine des films et de la télévision au Canada, et plus précisément en Colombie-Britannique, pour les cinéastes indépendants qui ont recours à nos membres. Vous avez déjà entendu les exposés éloquents de Julia Keatley et Trish Dolman sur cette question. Nous sommes d'accord avec elles.

    Comme vous le savez, les organismes gouvernementaux, tels que Patrimoine Canada, Téléfilm, le FCT, et les bureaux du cinéma provinciaux, nous ont fourni une aide financière nécessaire et appréciée sous forme de subventions, de prêts à faible taux d'intérêt, de crédits d'impôt pour les productions admissibles, ce qui encourage la coopération avec d'autres pays par le biais d'ententes de coopération et de productions communes, et favorise la promotion de notre industrie, grâce à notre participation sur ces marchés. Vous savez que le MIPCOM se déroule actuellement à Cannes, dans des festivals et d'autres événements, afin d'aider à promouvoir les tournages dans certains endroits précis, grâce aux bureaux du cinéma. Nous encourageons le gouvernement à poursuivre ses efforts mais craignons que ce ne soit pas suffisant à long terme.

    Il existe des lacunes structurelles dans les systèmes de financement, de commercialisation et de distribution des productions canadiennes. Leur infrastructure doit être améliorée afin que l'industrie soit viable et prospère à long terme. Cette question est traitée en détail dans notre mémoire. Encore une fois, vous avez entendu nos collègues, nos producteurs, parler de cette même question aujourd'hui.

    Bien que les Canadiens continuent d'aller au cinéma en grand nombre et de regarder les programmes des diffuseurs canadiens, le cinéma et nos chaînes de télévision sont dominés par des programmes créés en dehors du Canada, surtout aux États-Unis. Nous aimerions que le Comité des finances cherche d'autres solutions viables pour promouvoir le financement de productions et la distribution nationale de programmes créatifs canadiens, et nous avons fait des recommandations à cet effet qui méritent d'être étudiées. Nous recommandons par exemple une table ronde sur le financement de l'industrie cinématographique.

    La question que vous avez posée à chacun d'entre nous aujourd'hui était: « Comment le Canada peut-il être prospère ou augmenter sa productivité? » Dans le secteur unique de notre industrie du film et de la télévision, notre réponse est qu'il faut faire davantage d'efforts dans le seul domaine qui engendre des profits: la distribution. D'où notre problème. Il nous faut encore reconnaître que regarder des films canadiens ou investir dans des histoires canadiennes en vaut la peine. Nous sommes toujours surpris lorsque des histoires créatives de chez nous ont du succès. Imaginez les retombées financières dont nous profiterions en donnant leur chance à ces initiatives créatives, en créant un financement durable dès le départ, en appuyant la commercialisation de ces initiatives en finançant les radiodiffuseurs ou en partageant les recettes des salles de cinéma. Nous continuons à nous demander pourquoi le Canada est si loin derrière de nombreux pays moins expérimentés dans sa capacité à créer un modèle de financement durable qui encourage ses initiatives culturelles.

    Nous recommandons que l'on réexamine des mesures comme les contributions de l'industrie de la radiodiffusion, la taxe sur les recettes de distribution et d'exposition, la perception des droits d'auteur, des allégements fiscaux pour promouvoir l'investissement et des crédits préférentiels pour les producteurs canadiens. D'autres collègues qui sont présents aujourd'hui ont parlé des autres questions qui continuent à nuire à l'industrie du film et de la télévision, comme l'augmentation du dollar canadien. En Colombie-Britannique, au fil des années, notre secteur s'est trop concentré sur la production de services au détriment de productions nationales ou autochtones ou, comme l'a dit notre collègue, de stratégies et objectifs durables pour aider les cinéastes et maisons de production indépendantes et leurs organisations.

    Bien évidemment, nous nous intéressons à cette question simplement parce que nos membres travaillent pour ces mêmes producteurs indépendants, qui passent leur temps à créer des projets, permettant ainsi à nos membres de s'épanouir et d'atteindre leurs objectifs artistiques.

¿  +-(0950)  

    Nous vous remercions et serons heureux de répondre aux questions du comité lorsque ce sera le moment.

    Mon collègue souhaite peut-être ajouter quelque chose.

+-

    M. Thom Tapley (directeur, Opérations et communications - film, télévision et média numérique, ACTRA - Colombie-Britannique, Union of B.C. Performers): J'attendrai la période des questions. Je pense que ce serait plus utile.

+-

    Le président: Merci.

    Nous sommes dans les temps. Nous ferons sans doute deux tours de questions. Commençons avec cinq minutes et nous verrons après.

    Madame Ambrose.

+-

    Mme Rona Ambrose (Edmonton—Spruce Grove, PCC): Merci, monsieur le président.

    Je remercie tous nos témoins d'avoir comparu aujourd'hui. J'ai beaucoup aimé vos témoignages.

    J'ai une question pour M. Shepherd et M. Lazar. Votre industrie a fait la une récemment, surtout au sujet du bois d'oeuvre. J'aimerais faire une observation et j'ai des questions précises à vous poser.

    On a fait beaucoup de grands discours sur cette question, ce qui peut servir parfois, mais pas toujours. Nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il faut se montrer ferme avec le gouvernement Bush dans nos négociations commerciales. Ce qui m'inquiète, c'est que la conséquence de tout cela — qu'il s'agisse de nos négociations commerciales ou encore de l'escalade imprévue selon moi, c'est qu'on s'éloigne de ce que l'on peut contrôler et que l'on peut faire au pays, et des solutions dont vous parlez. Encore une fois, je pars du principe qu'il existe des solutions que nous pouvons appliquer aujourd'hui et qu'il faut le faire pour nous assurer que notre industrie soit viable. Je pense particulièrement au passage à l'énergie verte, parce que ça fait partie des objectifs à long terme que nous cherchons à atteindre.

    Je me demande si vous pourriez nous parler davantage de ce que nous pouvons faire au Canada pour votre industrie, quelles recommandations ce comité devrait formuler, qu'il s'agisse d'une réforme fiscale, d'un cadre réglementaire ou du passage à l'énergie verte.

+-

    M. Avrim Lazar: En deux mots, pour parler de ce que risqueraient d'autres industries si nous faisions front au gouvernement américain, je pense que ce serait plutôt le contraire. En définitive, si les cabinets d'avocats qui représentent actuellement le secteur américain du bois de construction démarchent d'autres secteurs, s'il devient clair que le Canada ne défend pas ses propres intérêts lui-même, tout le monde en souffrira. Lorsqu'on fait valoir que l'ALENA fonctionne bien, cela n'aide pas seulement l'industrie du bois d'oeuvre, cela renforce le fondement même de toute l'économie canadienne qui, pour l'essentiel, travaille pour l'exportation vers les États-Unis.

    Vous avez tout à fait raison, nous devons plutôt nous concentrer sur ce sur quoi le Canada peut actuellement exercer une influence. Ce n'est pas les Américains qu'il faut interroger sur notre régime fiscal, notre régime réglementaire ou notre régime en matière d'investissement. Nous pouvons fort bien nous interroger nous-mêmes à ce sujet.

    Ce qui, comme nous le suggérons, pourrait être fait pour aider l'industrie à demeurer concurrentielle, c'est d'investir dans la recherche et le développement dans les technologies de transformation afin de pouvoir prendre l'avance sur les pays qui sont nos concurrents, de marquer les produits canadiens du sceau de la durabilité et de la qualité sur les marchés étrangers et aussi de faire en sorte que le bois soit davantage utilisé. D'ailleurs, la Finlande a doublé sa consommation de bois par habitant grâce à une campagne de publicité pour promouvoir l'utilisation du bois. En Amérique du Nord, nous pourrions faire la même chose, ce qui soulagerait ainsi beaucoup le secteur du bois de construction. Nous pourrions en quelque sorte faire grossir le gâteau. Et il serait possible de le faire grâce à une intervention financière de l'État pour favoriser l'utilisation du bois dans d'autres domaines que la construction domiciliaire.

    Mais la chose la plus importante serait l'adoption d'un régime fiscal qui viendrait récompenser l'investissement et d'un régime incitatif qui permettrait d'accélérer la transition entre l'énergie fossile et hydroélectrique et l'utilisation de la biomasse. Cette industrie produit actuellement suffisamment d'électricité pour alimenter toute la ville de Vancouver. On pourrait ainsi débrancher Vancouver du réseau pour l'alimenter plutôt à partir d'une centrale. C'est ce que nous arrivons à produire en utilisant de l'énergie verte à 100 p. 100 grâce à la biomasse. Nous pourrions doubler la production. Ce que nous avons actuellement représente ce que produiraient trois réacteurs nucléaires. Nous pourrions produire autant d'électricité que six réacteurs nucléaires, une production entièrement neutre aux termes du Protocole de Kyoto, sans aucun dégagement de gaz à effet de serre et, en plus, renouvelable à 100 p. 100.

    Ce que le gouvernement a introduit dans le dernier budget pour les mesures incitatives dans ce sens s'inscrivait exactement dans le droit fil de cela. Nous avons d'ailleurs produit un communiqué de presse qui disait ceci: « Le gouvernement est dans le mille pour l'énergie verte », mais ce communiqué de presse était inexact dans la mesure où les bureaucrates en ont tiré un régime réglementaire inaccessible. À ce moment-là, cela devient un geste symbolique plutôt qu'un programme. Il faudrait remanier ces règlements afin que les usines qui voudraient passer à l'énergie verte puissent effectivement y avoir accès.

    Jim, voulez-vous ajouter quelque chose?

¿  +-(0955)  

+-

    M. Jim Shepherd: Monsieur le président, j'ai juste un commentaire à ajouter rapidement.

    Le Canada a la bonne fortune d'avoir l'une des panoplies de forêts les plus dynamiques, les plus productives et de la meilleure qualité qui soit au monde, mais nous ne perdons jamais de vue le fait que ces forêts croissent dans le monde entier à un rythme très sain. Il n'y a actuellement dans le monde aucune pénurie de fibres ligneuses; bien au contraire, le bois que nous avons est sous-utilisé. Pour l'industrie, il faudrait prioritairement ouvrir de nouveaux marchés à l'utilisation du bois, surtout pour la construction domiciliaire et ailleurs aussi.

    Mais en définitive, le différend du bois d'oeuvre dont vous parlez est au coeur même des préoccupations de l'industrie. Un peu partout, ce différend a mobilisé les énergies qui auraient pu sinon être consacrées à l'investissement et à la créativité. L'une des retombées heureuses du différend en question est qu'il a rendu l'industrie du bois d'oeuvre encore plus compétitive qu'elle ne l'était avant qu'il n'éclate.

    Par contre, cette industrie ne se limite pas au bois de construction. Un volet important de cette industrie et qui existe depuis les Maritimes jusqu'à la côte ouest de la Colombie-Britannique, est le secteur des pâtes et papier. Il faut investir massivement dans ces usines pour qu'elles restent à la hauteur, technologiquement parlant, pour qu'elles restent concurrentielles, mais aussi pour que leurs frais d'exploitation restent comparables à ceux des autres secteurs qui exploitent les produits forestiers. Et pour que ces usines puissent bénéficier de ce genre d'investissement, il va falloir un régime fiscal qui tienne compte à sa juste valeur de l'argent qu'il va falloir réunir pour que ces usines restent compétitives.

    Dans mon monde à moi, lorsque j'arrive au bureau le matin, lorsque je vois où en est l'industrie et que je songe aux potentialités qui existent pour les entreprises comme la mienne... le Canada est-il un bon endroit pour investir autant? S'il n'y a pas de pénurie de fibres ligneuses, pourquoi investir cet argent dans un régime caractérisé par une structure fiscale onéreuse, dans un secteur qui doit composer avec la cherté de l'énergie comme c'est le cas actuellement pour nous au Canada? La question n'est pas simplement de savoir si nous avons besoin de ces usines, il s'agit également de savoir comment les conserver...

+-

    Le président: Merci, monsieur Shepherd.

    Pour les témoins, nous avons cinq minutes pour les députés, mais ça inclut les réponses aussi.

    Je vais aller à M. Bouchard, Mme Crowder puis à M. Bell.

[Français]

+-

    M. Robert Bouchard (Chicoutimi—Le Fjord, BQ): Merci, monsieur le président. Je remercie également chacun d'entre vous pour vos excellentes présentations.

    Ma question s'adresse en premier lieu à la représentante de la Greater Vancouver Alliance for Arts and Culture.

    Dans votre exposé, vous avez mentionné que le salaire moyen des artistes était de 23 000 $, ce qui, pour une catégorie de Canadiens ou pour l'ensemble, était en-dessous du seuil de pauvreté. En outre, vous suggérez qu'on ajoute une subvention gouvernementale de 5 $ par habitant au Canada.

    La semaine dernière, nous avons tenu des consultations prébudgétaires au Québec. Un regroupement d'artistes nous a suggéré d'accorder des crédits d'impôt aux acquéreurs d'oeuvres d'art, dans le but de favoriser la création chez les artistes ou les producteurs d'art.

    Que pensez-vous de cette suggestion? Pensez-vous que cela créerait une dynamique de commercialisation d'oeuvres d'art, de créations auprès des artistes au Canada?

À  +-(1000)  

[Traduction]

+-

    Mme Heather Redfern: Tout d'abord, je dirai que cela devrait s'ajouter aux cinq dollars d'augmentation par habitant au Conseil des arts du Canada. Il est certain que cela est une façon d'augmenter les investissements que tout type de programme de subvention ou de financement peut obtenir du milieu des affaires des autres provinces. Cela, pour moi, est l'étape suivante, et nous en sommes encore à la première étape. Le Québec, je crois, en raison du fait que le gouvernement provincial finance beaucoup plus largement les arts, comprend sans doute mieux comment l'on peut passer à un modèle plus commercial, où les crédits d'impôt seraient assurément un atout.

    Je dirais qu'à l'heure actuelle, à cause du sous-financement chronique du Conseil des arts, nous sommes encore incapables de promouvoir la commercialisation de certains produits culturels. Le financement du Conseil des arts du Canada n'a pas pour but de favoriser la création d'oeuvres à mettre sur le marché. C'est un volet du secteur des arts et de la culture, mais ce n'est pas tout. C'est quelque chose qu'il faut faire. L'exemple parfait est celui du Cirque du soleil, qui a été financé par le Conseil et le gouvernement québécois dans ses débuts et qui est aujourd'hui une industrie à lui tout seul. Ce genre d'évolution est pour l'avenir, à ceci près que cela est beaucoup plus possible déjà au Québec.

[Français]

+-

    M. Robert Bouchard: Ma deuxième question s'adresse à l'Association des produits forestiers du Canada. Dans mon comté, Chicoutimi—Le Fjord, j'ai assisté à la fermeture de l'usine Abitibi-Consol. Évidemment, cela a eu un impact très important sur les travailleurs. Ils ont été 640 à être mis à pied. Dans ma région et dans mon comté, nous subissons également la crise du bois d'oeuvre.

    J'aimerais d'abord savoir si des mesures gouvernementales pourraient être mises en oeuvre de façon à éviter la fermeture des usines ou, à tout le moins, à en atténuer l'importance. Je voudrais aussi savoir si vous avez étudié la situation de pays qui appliquent des mesures visant à rendre la production forestière et papetière plus concurrentielle et qui évitent des impacts majeurs comme la fermeture d'entreprises.

+-

    M. Avrim Lazar: Je vous remercie de me poser cette question. Je vais répondre en français et en anglais.

    Il s'agit là d'une question fondamentale. Je travaille depuis quatre ans comme lobbyiste de l'industrie. Quand la fermeture d'une usine est imminente, on suscite l'attention de toutes parts. Par contre, lorsqu'on veut parler de prévention et de l'instauration d'un climat concurrentiel dans une usine, on n'attire pas beaucoup d'attention.

[Traduction]

    Je vais le répéter en anglais. Quand on ferme une usine, chaque député et sous-ministre vient vous demander ce qu'il peut faire. Quand nous frappons aux portes et disons que nous voulons empêcher la fermeture d'une usine en instaurant un climat d'affaires concurrentiel, chacun nous dit que ce sera pour l'année d'après ou dans cinq ans. La réalité, c'est que lorsque vient le moment de la fermeture d'une usine, il n'y a pas suffisamment d'argent dans le Trésor fédéral pour l'empêcher. Plus rien n'est possible quand les choses ne marchent pas sur le marché. Avant, par contre, quand on crée les régimes fiscaux et réglementaires, il est possible de créer les conditions qui pourront l'éviter. Cela va au coeur de la question essentielle posée par le comité: « Comment améliorez-vous la productivité? » La réponse, c'est « Avec du nouveau matériel ».

    Vous avez aussi demandé si nous avons fait une étude comparative. Oui. L'industrie qui a le plus de succès dans le monde actuellement sur le plan des bénéfices, des investissements et du maintien en activité des usines, c'est celle de la Finlande. Que fait-elle autrement que nous? D'abord, elle a une stratégie forestière globale. Elle ne considère pas qu'une usine à la fois, ni un seul élément à la fois. Sa stratégie englobe la recherche et le développement, l'expansion des exportations, le progrès technologique, etc.

    Dans un secteur où les pouvoirs publics sont à tel point présents — les transports, les fibres, l'énergie, l'accès aux marchés — on ne peut pas se contenter de s'en remettre aux entreprises. Nous ferons tout ce que nous avons à faire, mais il faut que le gouvernement produise un plan stratégique de renouvellement de l'industrie qui instaure un climat propice pour les entreprises.

À  +-(1005)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Lazar.

    Madame Crowder.

+-

    Mme Jean Crowder (Nanaimo—Cowichan, NPD): Merci. Je remercie tous les participants de leurs exposés.

    Il y a dans ma circonscription de Nanaimo--Cowichan une communauté artistique dynamique et une communauté forestière qui l'est un peu moins, hélas. Nous dépendons énormément des ressources culturelles et nous avons des difficultés à cause de certaines des politiques qui ont été adoptées.

    J'ai deux questions à vous poser et je vais vous demander d'être brefs parce que je veux discuter aussi bien des arts que de l'exploitation forestière. Je vais commencer par les arts. Ma question s'adresse à Mme Watson.

    D'abord, je tiens à remercier M. Durrie de son plaidoyer éloquent en faveur de l'importance des arts pour le dynamisme de nos collectivités. Il y a quelques années, Microsoft a fait une étude sur les diplômés que l'entreprise préférait; il s'agissait de ceux qui avaient fait des études de culture générale à cause de leur créativité, de leur capacité de résoudre des problèmes et de quantité d'autres facteurs. Le milieu des arts enrichit notre économie de manière insoupçonnée.

    Madame Watson, vous avez parlé en particulier de deux choses. D'abord une table ronde, dont j'aimerais que vous nous parliez brièvement, puis d'un crédit préférentiel. Je me demandais. Avez-vous songé à l'ALENA quand vous avez recommandé ce crédit? Pourriez-vous brièvement aborder ces deux points?

+-

    Mme Mercedes Watson: Volontiers. En ce qui concerne la table ronde, je me disais simplement que l'on passe trop peu de temps avec les spécialistes du secteur à discuter des difficultés que rencontrent les cinéastes indépendants au pays. On met en place des programmes et on crée des modèles sans demander l'avis des premiers intéressés, qui essaient de s'adapter à un modèle qui parfois ne leur convient pas ou est inadapté au produit lui-même, à la façon dont il est perçu au Canada ou à la manière dont il est distribué dans le monde. Je proposais de rassembler autour d'une table des spécialistes du secteur qui ont de l'expérience, qui ont des antécédents en la matière, des gens comme Mme Keatley, qui est intervenue tout à l'heure, qui sont justement dans le dilemme dont on parle aujourd'hui. Ayons des échanges où l'on discutera des problèmes et essayons de concevoir des modèles particuliers au Canada qui tiennent compte de ceux qui existent dans d'autres pays et qui ont réussi alors que les nôtres n'ont pas su le faire.

+-

    Mme Jean Crowder: En ce qui concerne l'ALENA et le crédit préférentiel, avez-vous cherché à voir si cela a des implications pour l'ALENA? Pourrait-on le faire en vertu de l'accord actuel?

+-

    M. Thom Tapley: Je pense qu'il faudrait fouiller davantage. Il est possible d'adopter certaines mesures dans le cadre de l'ALENA, des encouragements fiscaux, par exemple, mais il faudra examiner cela de plus près.

+-

    Mme Jean Crowder: Ce serait une considération importante.

+-

    M. Thom Tapley: Tout à fait.

    J'ajouterai ceci. Une des choses qu'il serait important de faire serait de tenir un dialogue bien défini, à court terme — mais aussi à long terme — entre les intéressés, toutes les parties intéressées, de manière à disposer d'un mécanisme de réaction permanent qui permette d'élaborer des politiques. Ce que l'on fait aujourd'hui est merveilleux, mais nous pensons qu'il serait plus utile d'avoir quelque chose de plus permanent.

+-

    Mme Jean Crowder: Je suis tout à fait d'accord et cela m'amène tout naturellement à ma deuxième question, à l'intention de M. Lazar.

    C'est quelque chose que l'on observe dans tous les secteurs quand on parle de consultations. On rassemble des gens et on leur demande de nous dire en cinq minutes ou moins quels sont tous les problèmes de leur secteur; nous repartons ensuite élaborer quelque chose en secret qui ne répond aux besoins de personne.

    En ce qui concerne le secteur forestier, comme je l'ai dit, il y a dans ma circonscription deux usines de pâtes et plusieurs scieries. L'exploitation forestière a longtemps été très dynamique. Aujourd'hui, les scieries ferment et nous sommes durement touchés par la crise du bois d'oeuvre. L'exportation des grumes est très controversée dans ma circonscription. Pour nous, c'est exporter des emplois vers le sud et on voit camion après camion chargés de grumes traverser la frontière.

    Quand vous parlez d'une stratégie forestière globale, deux choses me viennent à l'esprit. L'industrie a-t-elle un mécanisme qui permette d'examiner la façon dont on pourrait assurer la fabrication plus près de chez nous ou est-elle prête à le faire? Si la fabrication se fait ici, on crée des emplois, on soutient l'économie locale et on crée une assiette fiscale. Un de nos conseils municipaux dépend très largement de la scierie locale pour l'essentiel de ses recettes fiscales. Il est très important de maintenir en activité ces entreprises dans nos localités. Pourriez-vous nous en parler? Votre industrie a-t-elle des suggestions à faire au gouvernement pour soutenir les économies locales?

À  +-(1010)  

+-

    M. Avrim Lazar: Excellente question. La réponse est oui, nous avons une stratégie; elle est claire et il est certain que c'est la bonne. Instaurez un climat propice aux entreprises et les emplois vont rester ici. Instaurez un climat qui n'est pas aussi propice que celui des États-Unis et les emplois iront là-bas. Aucune politique, aucun programme du gouvernement n'y pourra rien. Au cours des 50 dernières années, on a été témoin d'efforts timides de garder les scieries ouvertes ou de fausser le marché en leur faveur. Cela marche un temps, mais au bout du compte il n'y a pas suffisamment d'argent dans le Trésor fédéral pour lutter contre le marché. Il existe une réponse toute simple et c'est quelque chose que l'on a fait souvent: instaurez un climat qui incite les gens à faire des affaires ici.

+-

    M. Jim Shepherd: Monsieur le président, si vous me le permettez. Dans le secteur du bois d'oeuvre — je ne peux pas parler en particulier de votre circonscription — les entreprises sont dans certains cas hyperconcurrentielles grâce aux investissements qui ont été faits dans les installations. À cause de cette compétitivité, nous faisons aujourd'hui face à un obstacle commercial.

    Il n'y a donc pas que le climat des investissements ici qui compte, il y a aussi la question de l'accès aux marchés. Nous ne voulons pas que les industries qui tirent des bénéfices des améliorations de leur productivité et de leur efficacité voient s'élever devant elles des murs ou des portes se fermer du fait de leur compétitivité.

+-

    Le président: Merci, monsieur Crowder.

    Monsieur Bell.

+-

    M. Don Bell (North Vancouver, Lib.): Merci.

    Bienvenue à vous tous. Intéressant amalgame que celui du secteur forestier et des arts. Je vais continuer le va-et-vient et m'adresser d'abord aux représentants des arts puis à ceux de l'industrie forestière.

    Heather et Trish, heureux de vous revoir. Parallèlement à l'observation venant en particulier de l'industrie du cinéma sur la nécessité d'aider la production indépendante de films, un des avantages, d'après ce que je comprends, de la production de services industriels ou des films étrangers et sa prépondérance en Colombie-Britannique c'est que c'est comme des dollars de tourisme par opposition au recyclage de dollars canadiens. On a donc cet avantage. Dans ma circonscription, comme vous le savez, se trouvent les studios Lions Gate et nous avons trois ou quatre secteurs de production en Colombie-Britannique. L'industrie est très grande. Comme vous, je suis convaincu qu'il est important de faire progresser la production de films indépendants car elle aide à amortir les fluctuations du dollar canadien et des autres choses que l'on voit associées à d'autres facteurs, les facteurs étrangers.

    Dans votre exposé, vous avez mentionné le fait que les crédits cinématographiques sont à court terme. Dans le mémoire de Mercedes, je crois, à la page 3, il est dit que:

Les mécanismes comme les crédits d'impôt qui offrent des remises aux productions basées sur les sommes dépensées localement ont une efficacité à long terme limitée car tant que l'on accordera la préférence à la prestation de services pour bâtir l'industrie au Canada, d'autant plus que d'autres gouvernements ont créé des crédits d'impôt rivaux...

    Comment peut-on trouver le bon dosage? Je sais que cela varie d'ouest en est au pays.

À  +-(1015)  

+-

    Mme Julia Keatley: Le régime des crédits d'impôt a en fait été excellent. En fait, c'est nous qui avons établi la norme et on nous imite partout dans le monde. C'est donc un bon régime. Mais pour ce qui est de... Je ne pense pas que ce ne soit pas une stratégie à long terme; c'est seulement qu'une des idées derrière cela c'était de contribuer à bâtir des entreprises, et certains des organismes publics, comme Téléfilm, ont en fait forcer les productions canadiennes à les intégrer à leur structure et ne les ont pas autorisées à les en exclure, à capitaliser leurs entreprises. Des intérêts se font concurrence ici.

    Je ne pense pas que les productions canadiennes ne sont financées que par des dollars canadiens. En fait, elles reçoivent beaucoup de dollars étrangers. Dans le projet que je fais actuellement, une série télévisée, mon distributeur est international, FremantleMedia. C'est un des plus grands au monde. Nous luttons sur le marché international. La question est de savoir comment se dote-t-on des moyens pour que des compagnies comme la mienne puissent continuer d'avoir leur siège à Vancouver plutôt qu'à Los Angeles ou Londres?

+-

    M. Thom Tapley: Nous sommes d'accord. Tous les autres modèles que nous proposons dans notre mémoire doivent se conjuguer aux incitatifs fiscaux. Les uns et les autres sont importants. Un des problèmes auxquels nous nous heurtons, et nous l'avons constaté au cours de la dernière année, est que, comme l'a mentionné Julia, d'autres personnes essaient de reproduire le modèle canadien et, dans beaucoup de cas, d'améliorer les incitatifs fiscaux. Cela a donné lieu à une surenchère, mais il y a une limite. Si nous nous fions simplement à ce modèle, cela posera des difficultés à longue échéance.

    Voilà ce que nous expliquons dans notre mémoire. Si on adoptait un autre modèle quel qu'il soit, il faudrait qu'il se conjugue aux incitatifs fiscaux. Toutefois, les incitatifs fiscaux comportent peut-être des difficultés à long terme.

+-

    M. Don Bell: Julia, j'ai une question à vous poser. Quand vous avez fait lecture de vos recommandations, qui diffèrent de celles qui figurent dans votre mémoire, vous avez parlé de 95 millions de dollars, auxquels viendront s'ajouter 75 millions de dollars de plus. À quoi devaient servir ces 95 millions de dollars?

+-

    Mme Julia Keatley: Cet argent est pour le Fonds canadien de télévision, auquel le gouvernement contribue 100 millions de dollars, montant qui n'a pas augmenté depuis 1996.

+-

    M. Don Bell: Votre mémoire fait état de 75 millions de dollars. Vous avez augmenté cette somme de 20 millions de dollars. Cela me semble une véritable escalade.

+-

    Mme Trish Dolman: En fait, 75 millions de dollars devraient être consacrés au Fonds de financement des longs métrages et 95 millions de dollars, au Fonds canadien de télévision. Il s'agit de deux fonds distincts.

+-

    M. Don Bell: Mais je vois 65 millions de dollars pour le Fonds de financement des longs métrages et 75 millions pour...

+-

    Mme Julia Keatley: C'est à cause de l'inflation. Depuis que nous avons présenté notre mémoire initial, nous nous sommes particulièrement penchés sur les nouvelles technologies et leur coût. Une bonne partie de la différence s'explique par la façon dont on paiera pour ces nouvelles technologies. En particulier, la télévision à haute définition, et le contenu auquel les auditoires canadiens voudront avoir accès.

    Le coût de telles technologies va selon la nature des émissions; il est très différent dans le cas des émissions pour enfants, des documentaires ou des dramatiques. Je ne vais pas expliquer en détail les causes de cet état de choses, mais il faut savoir que pour soutenir la concurrence internationale, ce que nous devons faire à tout prix, nous devons être en mesure de créer ce contenu. Cela suppose des coûts énormes qu'honnêtement, les télédiffuseurs ne paient pas en ce moment, mais je pense que les auditoires canadiens finiront par réclamer ces produits.

+-

    M. Don Bell: Merci.

    Une dernière chose. Tom, vous avez évoqué—tout comme Heather—la préférence pour les arts et la culture. Dans son livre intitulé The Rise of the Creative Class, Richard Florida dit la même chose que vous. Dans ma circonscription, les arts et la culture sont importants.

    Heather, dans votre mémoire, vous dites que l'investissement public est nécessaire pour aller chercher des dons de particuliers et de commanditaires, mais vous n'indiquez pas de pourcentage. Dans les mémoires que nous recevons, on précise très souvent que les investissements publics permettent d'aller chercher trois, quatre ou cinq fois plus d'argent. Pouvez-vous nous donner un ordre de grandeur?

+-

    Mme Heather Redfern: Comme toujours, on peut interpréter les statistiques de différentes façons, mais en règle générale, on estime qu'il est possible d'aller chercher huit fois plus.

+-

    M. Don Bell: Si j'ai bien compris, vous êtes satisfaits du travail du Conseil des arts du Canada, mais vous voulez qu'on lui donne plus de moyens.

+-

    Mme Heather Redfern: Absolument. J'ai été membre de quelques jurys au cours des dernières années et je trouve la situation horrifiante. C'est comme si on jetait la meilleure partie d'un bifteck. Comme vous ne financez qu'une petite partie du filet, on jette tout le reste pour en faire de la viande hachée. C'est un affreux gaspillage.

+-

    M. Don Bell: En terminant, si j'ai parlé de Florida c'est pour souligner l'effet d'entraînement que la créativité peut avoir sur le développement économique. Cela montre que les gens... On peut penser à Microsoft, par exemple.

    Trish.

À  +-(1020)  

+-

    Mme Heather Redfern: Le cas de Chemainus, où l'usine a fermé ses portes, est un excellent exemple de cela. Cette ville passe maintenant pour la plus grande galerie en plein air au monde. Elle attire chaque année 400 000 visiteurs qui viennent pour voir les murales peintes sur les murs des entreprises de Chemainus. Ce secteur d'activité a permis à la ville de retrouver le dynamisme économique qui jusqu'alors découlait de l'usine. C'est maintenant l'art qui joue ce rôle.

+-

    Le président: Merci, monsieur Bell.

    Monsieur Penson.

+-

    M. Charlie Penson (Peace River, PCC): Merci, monsieur le président. Je remercie également les témoins qui ont bien voulu être des nôtres aujourd'hui.

    Vous avez sans doute remarqué que cette année, nos consultations prébudgétaires ont pour thème la productivité. C'est ce terme qui semble quelque peu aride si on ne le situe pas dans son contexte, en décrivant ses répercussions sur notre niveau de vie. Notre comité s'intéresse depuis un certain temps à la productivité. Cette question préoccupe aussi le ministre des Finances, parce que la baisse de la productivité au Canada, par rapport à celle de certains de nos principaux partenaires commerciaux, nous place dans une situation difficile.

    Vous savez peut-être que cela a des répercussions sur le niveau de vie. À l'heure actuelle, le revenu moyen au Canada est inférieur de 9 000 $ au revenu moyen aux États-Unis et de 20 000 $ au revenu moyen en Suède. Il a suffi d'environ 25 ans pour que cet écart se creuse. Le Canada et les États-Unis se situaient au premier et au deuxième rangs sur le plan de la productivité il y a 25 ans, et l'écart entre eux était presque nul. Nous sommes maintenant tombés au 13e rang, tandis que les États-Unis se sont maintenus au rang qu'ils occupaient. Quand on pense à ce qu'on pourrait faire concrètement avec tout cet argent, par exemple verser 2 000 $ de plus par mois pour rembourser notre hypothèque, il y a de quoi s'inquiéter.

    Je vais parler d'abord du secteur forestier, puis de l'industrie cinématographique, parce que je suis d'accord avec certaines mesures que vous avez proposées, notamment les crédits d'impôt.

    Premièrement, en ce qui concerne l'industrie forestière, on nous dit depuis longtemps qu'il faut rajuster le taux d'imposition des sociétés. Cette mesure figurait dans le budget de février. Elle a cependant disparu à la suite de l'entente que le gouvernement a conclue avec le NPD relativement au budget, comme chacun le sait. Le ministre des Finances l'a proposée de nouveau cet automne, dans le cadre d'un projet de loi traitant exclusivement de cette mesure, mais voilà que cette proposition a disparu de nouveau.

    Vous avez signalé que les capitaux sont très mobiles. Ne devons-nous pas tâcher de rajuster les taux d'imposition des sociétés au Canada pour attirer les investissements dont les Canadiens ont besoin?

+-

    M. Jim Shepherd: Merci pour cette question.

    Le secteur forestier est incontestablement une industrie à forte concentration de capital. Nous avons besoin de capitaux non seulement pour que nos installations restent modernes, écologiques et productives, mais aussi pour suivre l'évolution rapide de la technologie dans un monde qui lui aussi évolue très vite, où l'on trouve aujourd'hui de très grandes installations fort peut coûteuses et très compétitives. Il est essentiel de bien utiliser l'argent dont nous disposons pour planifier l'avenir.

    En ce moment, les investisseurs sont très sceptiques au sujet de l'avenir de l'industrie forestière au Canada, étant donné les problèmes que nous éprouvons. L'amélioration de la structure fiscale restera toujours un pas dans la bonne direction, parce qu'il faut réinvestir énormément d'argent dans le secteur.

+-

    M. Charlie Penson: Monsieur Shepherd, si on ne pouvait instaurer qu'une seule mesure fiscale en ce moment, soit abaisser le taux d'imposition des sociétés, soit vous permettre d'amortir plus rapidement vos coûts d'immobilisation, que choisiriez-vous?

+-

    M. Jim Shepherd: J'aimerais bien qu'on instaure les deux mesures, mais je comprends le sens de votre question. Comme il s'agit de stimuler les investissements, je pense qu'on ferait bien d'améliorer la déduction pour amortissement parce que cela inciterait les entreprises à réinvestir dans leurs installations au Canada; nos entreprises seraient reconnues à leur juste valeur et cela leur permettrait de rattraper nos concurrents qui ont déjà agi dans ce sens et de rivaliser avec eux sur un pied d'égalité.

+-

    M. Charlie Penson: Mon autre question concerne l'industrie cinématographique ainsi que les crédits d'impôt à l'investissement. Ces crédits d'impôt ont déjà existé au Canada, à différentes époques, et ils ont effectivement incité les entreprises et les particuliers à investir dans ce domaine. Il faut avoir dépensé l'argent avant de pouvoir profiter du crédit d'impôt à l'investissement, c'est-à-dire réduire les impôts que l'on paie. Toutefois, l'application de ce programme a posé certaines difficultés au fil des ans. Êtes-vous au courant de ce problème? Pouvez-nous proposer des améliorations que l'on pourrait apporter à ce programme si on décidait de l'instaurer de nouveau ou de le perfectionner?

À  +-(1025)  

+-

    Mme Trish Dolman: Je crois que l'Association canadienne de production de films et de télévision, dont Julia et moi-même sommes membres à titre de productrices indépendantes, s'intéresse vivement à certains mécanismes qui pourraient toucher le secteur privé dans notre industrie. J'en ai parlé à Don lors de la réunion du caucus libéral fédéral de la Colombie-Britannique, parce qu'à l'heure actuelle il n'y a pratiquement pas de mécanismes susceptibles d'encourager les investissements privés dans le domaine du cinéma et de la télévision. Au lieu de faire constamment appel au gouvernement, nous devons trouver les moyens qui inciteront le secteur privé à investir dans notre industrie.

    Il y a dans le système actuel de crédits d'impôt des moyens de faire en sorte que nous puissions davantage profiter de cet argent. C'est ce que j'ai décrit tout à l'heure. En ce moment, nous devons intégrer la plus grande part de ces investissements dans nos budgets. Une partie de cet argent sert à financer ces emprunts; si nous pouvons l'utiliser pour autre chose, nous pourrons mettre à profit plus d'argent. Si le système permettait de percevoir des avances, au lieu de recevoir les crédits d'impôt deux ans après la fin du projet, et de devoir payer des intérêts sur ces emprunts pendant deux ans, cet argent travaillerait plus efficacement pour nous.

+-

    Le président: Il s'agit de savoir comment le faire. Comment pourrait-on obtenir ces avances?

+-

    M. Charlie Penson: Monsieur le président, me permettez-vous d'ajouter quelque chose? Ce n'était pas tout à fait ma question, car j'aimerais que l'investissement soit fait avant qu'on puisse le déduire de ses impôts. Autrement dit, il faudrait que cela soit fait avant le temps des impôts. Il faut avoir effectivement fait un investissement matériel ou financier avant de pouvoir le déduire; c'est ce que je préconise, plutôt qu'un genre de paiement anticipé à l'industrie.

+-

    Mme Julia Keatley: C'est justement ce qui se passe en ce moment. Par exemple, pour une production, on réunit de l'argent, on demande à son cabinet comptable d'estimer le crédit d'impôt que cela rapporterait, et on monnaye cet investissement à la banque avec laquelle on fait affaires. La banque retranche environ 15 à 20 p. 100 de ce montant, et la compagnie de production reporte ces frais en conséquence. Lorsqu'on procède à la dernière vérification comptable, et on en fait deux, on touche alors l'argent qui nous revient.

    Ce que nous proposons, c'est que pour les compagnies qui sont essentiellement en règle—et justement nous étudions déjà la question avec le gouvernement provincial en Colombie-Britannique pour obtenir des avances—, on réduise les coûts provisoires de ce financement. On se baserait sur le fait que l'entreprise est essentiellement une compagnie en règle depuis longtemps, qui n'a pas commis d'abus dans le système, etc.

    Est-ce que cela répond bien à votre question?

+-

    Le président: Merci, monsieur Penson.

    Ma question, madame Dolman et madame Keatley, porte sur le comment. Est-ce que ce n'est pas le BCPAC qui émet les certificats, après quoi Revenu Canada procède à une vérification et décide d'accorder les crédits? Je pense que c'est un problème au niveau de la bureaucratie ou de la paperasserie.

    C'est peut-être une question pour Mme Watson. Je ne suis pas sûr.

+-

    Mme Julia Keatley: Cela fonctionne différemment d'une région à l'autre du pays. En Colombie-Britannique, c'est Revenu Canada qui perçoit nos impôts, c'est donc un système très serré, alors qu'en Ontario et au Québec, on ne perçoit pas les impôts et on ne fait pas les vérifications de la même façon. Mais l'on pourrait s'arranger pour que la production obtienne cet argent plus tôt, et ainsi, les prélèvements ne seraient pas aussi imposants.

    Comme Trish le disait, nous cherchons d'autres moyens. On se servait autrefois d'une déduction pour amortissement, qui était essentiellement... Écoutez, est-ce qu'on veut revenir à cette époque? C'est un tout autre débat. Nous cherchons des moyens qui permettront à toutes les industries de faire en sorte que la fiscalité puisse effectivement générer une plus grande productivité, et ainsi on n'aurait pas besoin de consacrer tout cet argent au financement de ces...

+-

    Le président: Non, je comprends cela. Mais c'est là où vous avez un rôle à jouer et devez nous dire ce que vous recommandez, parce qu'il serait impossible de recommander que...

+-

    Mme Trish Dolman: Je peux ajouter un mot. À l'heure actuelle, au début d'une production, nous demandons ce qu'on appelle un BCPAC, partie A. Nous remplissons un formulaire qui dit au gouvernement comment la production va respecter toutes les exigences relatives au contenu canadien, qui définit le budget, etc. C'est à ce moment-là qu'on pourrait nous verser une avance et non au moment où nous remplissons la partie B, soit après la vérification, au moment de la déclaration de revenu, lorsque le projet a été mené à terme. Si l'on nous avançait un pourcentage du crédit d'impôt auquel donne droit la partie A, nous pourrions utiliser cet argent beaucoup plus efficacement.

+-

    Le président: D'accord. Je crois que le problème tient au fait que le BCPAC est administré par Patrimoine canadien, et Revenu Canada est le ministère qui effectue les remboursements.

+-

    Mme Trish Dolman: Exactement.

+-

    Le président: Très rapidement, je crois que M. Bell a posé la question à Mme Redfern, et je crois que la question s'adresse aussi à M. Durrie, à propos du Conseil des arts du Canada. Donc vous seriez heureux si on augmentait simplement le financement à cinq dollars par habitant?

+-

    Mme Heather Redfern: Non, l'augmentait de cinq dollars par habitant.

À  -(1030)  

+-

    Le président: D'accord. Combien c'est en ce moment?

+-

    Mme Heather Redfern: Je crois que c'est 4,92 $ par habitant. On doublerait ainsi le budget du Conseil des arts du Canada.

+-

    Le président: C'est exact, et c'est ce que je pensais, et que c'était 4,77 $. Donc on doublerait ce montant. Avez-vous une idée de ce que ça coûterait?

+-

    Mme Heather Redfern: Eh bien, 150 millions de dollars.

+-

    Le président: Vous dites dans votre mémoire qu'en augmentant le budget du Conseil des arts du Canada, nous pourrions produire plus de disques, écrire plus de livres. Je ne vois pas très bien le rapport. Où est le rapport? On donne plus d'argent, mais comment est-ce que cela accroît la productivité à cet égard? Quel est notre rôle?

+-

    Mme Heather Redfern: Toutes ces choses génèrent des retombées. Si vous écrivez un grand roman, il faut le distribuer, les gens l'achètent, on en parle aux salons du livre étrangers, où l'auteur en lit des extraits, on vend davantage de livres, et la réputation du Canada comme...

+-

    Le président: Si je vous comprends bien, on augmente simplement la masse critique. Comme vous disiez, on se prive de ce qu'il y a de mieux.

+-

    Mme Heather Redfern: C'est cela. Mais il ne s'agit pas seulement non plus d'augmenter la masse critique; il s'agit en fait d'encourager les artistes émergents et ceux qui ont de l'avenir. Les artistes ne sont pas des artistes accomplis à la naissance. Au cours de leur carrière, ils doivent expérimenter, afin de passer au prochain niveau; d'où l'exemple de Margaret Atwood qui a reçu sa première subvention du Conseil des arts du Canada en 1967. Écoutez, cette femme est aujourd'hui une industrie, et elle contribue pour beaucoup au PIB de notre pays.

+-

    M. Tom Durrie: J'ajouterai très rapidement que je connais surtout des musiciens, et je sais qu'ils travaillent très dur, qu'ils sont très mal payés et qu'on pourrait faire beaucoup plus pour eux. Essentiellement, c'est cela que nous demandons. Nous avons beaucoup de gens qui veulent en faire plus et qui ne le peuvent pas simplement parce qu'ils n'ont pas d'argent.

    En réponse à M. Bouchard, le Conseil des arts du Canada finance non seulement les artistes mais aussi les administrateurs — comme moi, par exemple — et c'est nous qui avons la responsabilité de faire savoir au public que nous avons un produit disponible, qu'il peut acheter. Il faut se souvenir que les arts constituent une industrie axée sur des produits. Nous n'alimentons pas un marché, nous vendons un produit, et nous générons de l'intérêt et de l'enthousiasme pour ce produit.

-

    Le président: Vous générez de l'enthousiasme, en effet. Très bien, merci.

    Merci à tous les témoins. Nous vous savons gré d'avoir pris le temps de nous faire ces exposés.

    La séance est levée.