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FOPO Rapport du Comité

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C’EST REPARTI… OU LA PÊCHE AU SAUMON
DANS LE FLEUVE FRASER EN 2004


Introduction

À la fin de l’été 2004, les estimations préliminaires de l’échappée du saumon rouge du fleuve Fraser laissaient craindre une catastrophe écologique majeure. Des 182 000 saumons de remonte hâtive de Stuart qui furent comptés par la station hydroacoustique de Mission, seulement 9 244 furent dénombrés dans les frayères. Selon les estimations les plus récentes pour la remonte totale du saumon rouge du Fraser, 530 000 reproducteurs sont arrivés en 2004 comparativement à 2 353 000 en 2000, l’année précédente de ce cycle. Cette baisse alarmante de la remonte jusqu’aux frayères signifie qu’il n’y aura probablement pas assez de saumon rouge pour assurer une pêche commerciale, sportive ou autochtone dans le Fraser en 2008. Les pertes économiques seulement pour la pêche commerciale devraient atteindre 78 millions de dollars en 20081. Le ralentissement de l’économie découlant de la fermeture de la pêche sportive n’a pas été calculé, mais le Comité estime qu’il sera important. Il ne faut sans doute pas s’attendre à ce que la taille des remontes atteigne les niveaux de 2004 avant au moins 2020.

En juin 2003, le Comité déposait son rapport unanime sur la pêche au saumon rouge dans le fleuve Fraser. Ce rapport mettait en relief les problèmes de la gestion de cette pêche, par le MPO, au cours de la saison 2001. Le Comité recommandait notamment que le MPO mette un terme au programme de projets pilotes de vente, établi dans le cadre de la Stratégie relative aux pêches autochtones (SRPA), sur la côte Ouest, et qu’il offre à la place aux Autochtones des possibilités comparables dans la pêche commerciale régulière.

Dans son rapport de 2003, le Comité énumérait les principes juridiques applicables à la pêche au saumon dans le fleuve Fraser :

  a) Le droit des Autochtones de pêcher à des fins alimentaires, sociales ou rituelles est prioritaire par rapport à la pêche publique commerciale ou récréative. Le MPO a l’obligation constitutionnelle de s’assurer que ces exigences sont remplies.
  b) La Constitution n’accorde pas aux Autochtones canadiens le droit de pêcher à des fins commerciales et chaque demande doit donc être évaluée de façon objective.
  c) Actuellement, les Autochtones n’ont pas le droit de pêcher commercialement le saumon dans le Fraser.
  d) Tous les Canadiens bénéficient de droits égaux en ce qui touche la pêche publique du saumon à caractère commercial ou récréatif dans le Fraser.

Le Comité estimait à l’époque — et considère toujours — que tous les pêcheurs commerciaux devraient être assujettis à un même ensemble de règles et de règlements. Voici les 10 recommandations contenues dans son rapport :

  1. Que le MPO rétablisse une pêche commerciale unique pour tous les Canadiens, dans laquelle tous les participants à une pêche particulière seraient soumis aux mêmes règles et règlements. Par conséquent, la MPO devrait mettre fin au programme de projets-pilotes de vente et en convertir les avantages en possibilités comparables dans la pêche commerciale régulière.
  2. Que le gouvernement veille à ce que le MPO respecte le «  droit public de pêcher  » et que le ministre des Pêches et des Océans réassume son pouvoir de gérer la pêche.
  3. Que les pêches à des fins de subsistance et de vente sur le fleuve Fraser et ailleurs sur la côte de la Colombie-Britannique soient entièrement séparées tant que durent les ententes de projets-pilotes de vente;
    Qu’une priorité d’accès égale aux ressources soit accordée à toutes les pêches commerciales, qu’il s’agisse de pêches publiques ou de pêches pour projets pilotes de vente en vertu de la SRPA, et que toutes les mesures requises à des fins de conservation soient appliquées également aux deux pêches.
  4. Que le MPO établisse des pêches autochtones à des fins de subsistance réalistes et que le Ministère, par suite de l’engagement pris par le Ministre devant le Comité permanent des pêches et des océans, s’assure qu’il n’y a pas d’abus au chapitre de l’accès à la pêche de subsistance.
  5. Que le financement du MPO soit rétabli à des niveaux appropriés pour la réactivation de programmes de recherche scientifiques et d’application des règlements, qui sont d’une importance cruciale pour la conservation de la ressource, la protection de l’habitat, le perfectionnement et le recrutement de gestionnaires des pêches professionnels, ainsi que la poursuite des pêches commerciales et récréatives.
  6. Que le MPO finance et appuie les activités d’un plus grand nombre d’agents des pêches;
    Que toute personne qui aurait été trouvée coupable d’infraction aux pêches ne puisse être désignée comme garde-pêche;
    Que le MPO fournisse les ressources nécessaires pour que les gardes-pêche puissent suivre toutes les étapes de leur formation;
    Que la composante de surveillance et d’application des règlements soit distincte des ententes de la SRPA et que le programme des garde-pêche soit financé directement pour en assurer la stabilité et garantir l’autonomie des agents des pêches et des garde-pêche autochtones;
    Que les agents des pêches et les garde-pêche autochtones, ainsi que les agents des pêches du MPO, relèvent d’un fonctionnaire responsable de l’application des règlements afin de jouir d’une plus grande indépendance.
  7. Que le MPO envisage des méthodes plus souples de gestion des pêches, allant dans le sens des propositions faites par l’Area E Gillnetters Association.
  8. Que le MPO fournisse un accès plus stable aux ressources pour la pêche commerciale et récréative.
  9. Que le MPO investisse davantage dans les recherches pour améliorer le système de prévision des remontes, et aussi le système de pêche expérimentale;
    Que le MPO accorde une grande priorité aux recherches visant à déterminer les raisons du retour, plus tôt que d’habitude, du saumon rouge à remonte tardive.
  10. Que le MPO présente au Comité permanent des pêches et des océans un rapport annuel sur les progrès accomplis en vue de régler les questions et les problèmes soulevés concernant la pêche au saumon dans le Fraser, et que le rapport soit aussi déposé au Parlement.

Le Comité pense que ces recommandations sont toujours aussi pertinentes et souhaite les réitérer. Comme il ressortira du reste de ce rapport, il estime que, si le MPO avait mis en œuvre ces recommandations, les problèmes rencontrés en 2004 auraient eu beaucoup moins de chances de survenir, ou auraient pu être complètement évités.

Réponse du gouvernement

En novembre 2003, le ministre des Pêches et des Océans a répondu à notre rapport au nom du gouvernement du Canada2. Il n’est pas exagéré de dire que le gouvernement fédéral n’était en général pas d’accord avec les recommandations du Comité. Dans les cas où il était d’accord en principe, il déclarait avoir des programmes équivalents en place ou ne pas disposer des fonds nécessaires pour prendre les mesures recommandées. Le Comité est unanimement d’avis que le gouvernement du Canada a eu tort de rejeter ses recommandations.

Entre le dépôt du rapport du Comité et celui de la réponse du gouvernement, une série de jugements avaient cependant été rendus par les tribunaux canadiens relativement à la pêche au saumon rouge dans le Fraser. Dans l’affaire R. c. Kapp et autres, le juge Kitchen de la cour provinciale de la Colombie-Britannique avait statué que la politique de pêche commerciale réservée aux Autochtones mise en œuvre par le MPO contrevenait à la Charte des droits et libertés. M. Kapp et ses co-accusés ont été accusés d’avoir pêché illégalement le saumon au filet maillant en période de fermeture, le 20 août 1998, dans le secteur 29 ou aux alentours. L’accusé a qualifié son geste de «  pêche de protestation  ». Par suite du jugement rendu dans cette cause, que le gouvernement fédéral a plus tard portée en appel à la Cour suprême de la Colombie-Britannique et gagnée, les ententes relatives aux projets pilotes de vente de produits de la pêche sur la rivière Somass et le fleuve Fraser pour la saison 2003 ont été résiliées. Cette décision a été à son tour portée en appel. Le 28 juillet 2004, cependant, le MPO annonçait qu’il venait de conclure des ententes provisoires de pêche commerciale avec des Premières nations de la rivière Somass et du fleuve Fraser, valables uniquement pour la saison de pêche 2004.

Avant que le Comité permanent des pêches et des océans ne se réunisse à nouveau, peu après l’ouverture de la 38législature en novembre, la situation s’était aggravée. Les membres du Comité ont convenu qu’il fallait remédier à la crise dans les meilleurs délais.

Le 4 novembre 2004, le Comité adoptait une motion l’autorisant à se rendre en Colombie-Britannique pour les besoins de son étude sur les captures de saumon rouge dans le fleuve Fraser en 2004. Le Comité est donc allé à Vancouver, pour trois jours d’audiences, du 2 au 4 décembre 20043. Il y a rencontré des représentants de la vérificatrice générale du Canada et du vérificateur général de la Colombie-Britannique, ainsi que des secteurs de la pêche commerciale et de la pêche récréative, des syndicats, des Premières nations, de la Commission du saumon du Pacifique, du Conseil pour la conservation des ressources halieutiques du Pacifique, du milieu scientifique, de la GRC et du ministère canadien des Pêches et des Océans.

Aux fins de son étude en 2004, le Comité a jugé qu’il devrait entendre le plus grand nombre possible de parties prenantes et d’intervenants dans la pêche et déposer un rapport avant la fin de l’étude annoncée par le Ministre.

Le présent rapport fait état des témoignages entendus à Vancouver pendant les trois jours d’audiences tenus à cet endroit en décembre 2004. On y décrit le cycle biologique complexe du saumon rouge et le défi que représente la gestion de la pêche de cette espèce. Le rapport renferme également les plus récentes statistiques disponibles sur la saison de pêche 2004, ainsi que des observations sur les causes possibles des problèmes survenus en 2004.

À maintes reprises, le Comité s’est fait dire que la crise de 2004 n’était pas un phénomène nouveau. En fait, les témoins nous ont rappelé plusieurs fois qu’il s’agissait de la quatrième fois en 12 ans seulement que la gestion de la pêche au saumon rouge dans le Fraser faisait l’objet d’une enquête. Le 2 décembre 2004, l’honorable John Fraser déclarait au Comité :

Vous vous souviendrez qu’il y a quelques années le ministre Tobin m’avait demandé de présider une enquête sur le saumon rouge manquant du fleuve Fraser et nous semblons maintenant refaire la même chose. Et n’oubliez pas qu’avant moi, on avait demandé à M. Peter Pearse de faire la même chose en 1992. J’espère qu’avec l’attention que vous tous accorderez à ce sujet, ainsi que celle de vos collègues qui ne siègent pas au comité, on pourra faire en sorte cette fois-ci d’obtenir les réponses dont nous avons besoin pour éviter que ces crises ne se répètent indéfiniment4.

Aperçu historique

La décision Sparrow de 1990

En 1990, la Cour suprême du Canada a rendu un jugement dans l’affaire de Regina c. Sparrow accordant à une bande du bas-Fraser, les Musqueams, le droit ancestral de pêcher à des fins alimentaires, sociales et rituelles.5 La preuve anthropologique sur laquelle s’appuie le droit donne à penser que pour les Musqueams, la pêche au saumon a toujours été un élément intégral de leur culture distinctive. La Cour suprême a statué que la pêche alimentaire, sociale et rituelle n’était subordonnée qu’aux nécessités de la conservation.

Le rapport Pearse-Larkin de 1992

À l’été 1992, le nombre de saumons rouges à atteindre leur frayère dans le fleuve Fraser était beaucoup moins grand qu’à l’habitude. Certains intéressés avaient alors estimé à près de 1,2 million le nombre de saumons manquants.

En juin de la même année, le ministère des Pêches et des Océans lançait sa Stratégie des pêches autochtones (SPA). Il s’agissait selon le MPO d’un programme de sept ans visant à stabiliser les pêches tout en rehaussant les perspectives économiques des Premières nations. Le MPO réagissait ainsi au jugement rendu en 1990 par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Sparrow. Que l’adoption de cette stratégie ait eu ou non un lien direct avec la présumée disparition du poisson, on peut vraisemblablement qualifier de chaotique la saison de pêche de 1992.

La situation avait incité le ministre des Pêches et des Océans d’alors, l’honorable John Crosbie, à instituer une enquête indépendante sous la conduite de M. Peter H. Pearse, qui eut pour mandat de découvrir les causes de la pénurie de poissons et de recommander des mesures correctives. Le ministre avait aussi chargé M. Peter A. Larkin de conseiller M. Pearse sur les aspects scientifiques et techniques.

Le 7 décembre 1992, le ministre Crosbie rendait public le rapport Pearse, intitulé La gestion du saumon dans le Fraser (communément désigné rapport Pearse-Larkin), et présentait du même coup un plan d’action faisant suite à ce rapport.

M. Pearse avait conclu que quelque 482 000 saumons rouges étaient disparus, semble-t-il, au cours de leur migration vers les frayères dans le bassin du fleuve Fraser et que le phénomène ne pouvait être attribué à une surestimation des poissons à la station hydroacoustique de Mission. M. Pearse avait aussi conclu que les évaluations officielles n’avaient pas tenu compte comme il se doit du taux de mortalité naturelle et que le nombre de poissons ayant atteint les frayères avait probablement été sous-estimé, mais que ces facteurs ne pouvaient expliquer qu’une fraction seulement des poissons manquants.

M. Pearse a fini par attribuer en grande partie ce déficit de reproducteurs à une mortalité naturelle ou liée à la pêche, combinée à une pêche d’une intensité exceptionnelle dans le fleuve, qui avait donné lieu à un nombre de prises beaucoup plus élevé que prévu :

Il est probable que les prises, du cours inférieur jusqu’au canyon, aient dépassé de 200 000 poissons les prévisions. On attribue aussi des pertes énormes à une mortalité due à la pêche — par exemple, les poissons morts qui tombent des filets et les poissons qui meurent de stress après s’être échappés des filets6.

Il était aussi critique de la pêche expérimentale pratiquée par les Autochtones dans le cours inférieur du Fraser, conformément à la SPA, qui, a-t-il déclaré, avaient «  favorisé un abus du droit de pêche à l’extérieur de la zone visée par les ententes  ».

Tout en concluant que l’été de 1992 n’avait rien de catastrophique, malgré le recul enregistré dans le programme de rétablissement des stocks de saumon rouge, M. Pearse avait quand même servi cette mise en garde :

Si elle se répétait, une telle situation menacerait sérieusement les ressources de saumon. Il faut donc apporter des changements importants afin de mieux concilier la gestion conjointe, d’une part, et la préservation et la mise en valeur des ressources, d’autre part7.

Deux ans seulement après la saison 1992, le gouvernement fédéral commandait une autre enquête sur la disparition du saumon rouge dans le Fraser.

Comité d’examen public du saumon rouge du Pacifique de 1994

À la fin de l’été 1994, jusqu’à 1,3 million de saumons rouges semblaient avoir disparus au cours de leur remonte vers les frayères du fleuve Fraser. Cette absence du poisson au rendez-vous a engendré beaucoup d’acrimonie et fait fuser les accusations. Quatre raisons ont été invoquées pour expliquer ce phénomène : 1) les captures non-autorisées et non-rapportées en amont de Mission; 2) la mauvaise gestion; 3) le dénombrement inexact tant à Mission que dans les frayères; 4) les conditions environnementales.

Le 15 septembre 1994, le ministre Tobin annonçait une révision de tous les aspects de la surveillance de l’abondance des saumons rouges dans le fleuve par les gestionnaires du Ministère, de concert avec la Commission du saumon du Pacifique (CSP). Peu après, le 26 septembre, il annonçait la création d’un comité indépendant chargé d’examiner l’écart entre le nombre prévu et le nombre réel de saumons rouges ayant remonté le Fraser en 1994.

Sous la présidence de M. Paul LeBlond, océanographe de l’Université de la Colombie-Britannique, le comité avait pour mandat initial de superviser et d’orienter les travaux d’une équipe de gestion formée expressément pour faire enquête sur la situation. Quatre groupes de travail techniques furent établis pour aider le comité dans sa tâche. Ils devaient s’intéresser particulièrement aux questions suivantes : précision des dénombrements de saumons rouges à la station de Mission en 1994; précision des calculs des saumons rouges capturés dans le fleuve en 1994; nombre de saumons rouges morts dans le Fraser et les frayères, en raison surtout de la température élevée de l’eau en 1994; et précision des dénombrements de saumons rouges dans les frayères.

Le 3 octobre, en réaction à une autre baisse du stock de la remonte tardive, le ministre Tobin annonçait l’élargissement du comité d’examen, qui devenait le Comité d’examen public du saumon rouge du Fraser, présidé par l’honorable John Fraser, c.p., c.r., ancien ministre des Pêches et des Océans et ancien Président de la Chambre des communes. Le mandat du comité avait été élargi lui aussi et comprenait l’examen du système utilisé par la Commission du saumon du Pacifique pour l’évaluation des stocks.

Le rapport du comité d’examen, intitulé Le saumon rouge du Fraser 1994 : problèmes et divergences, a été rendu public le 7 mars 1995. À partir d’une estimation de 16,5 millions de saumons ayant remonté le Fraser en 1994, des prises canadiennes et américaines en mer, des captures faites en eau douce et des échappées jusqu’aux frayères, le Comité avait établi à un demi million le nombre de saumons manquants. Mais il n’avait pu aboutir à une conclusion définitive quant aux causes des écarts.

Le Comité s’en était pris à la «  stratégie de pêche agressive  » préconisée par le Canada, qui avait pour but d’intercepter le poisson avant qu’il ne tombe entre les mains des pêcheurs américains, mais qui, de l’avis du Comité, avait contribué à une mentalité de «  pêche tous azimuts  » dans la flotte commerciale canadienne et à la disparition correspondante de toute responsabilité morale envers la conservation du côté américain. Le Comité avait également décelé des failles dans les méthodes employées par la CSP pour calculer les remontes et désigné la pêche illégale dans les zones maritimes, ainsi que le «  blanchiment  » des prises illégales pour leur intégration aux prises commerciales, parmi les nombreux facteurs pouvant expliquer les estimations à la baisse de la remonte tardive.

Le Comité avait aussi vertement critiqué le MPO, soulignant que, depuis qu’on avait procédé à une réorganisation et à une réduction de son budget, il ne pouvait plus s’acquitter convenablement de toute la gamme de ses responsabilités, abandonnant ainsi presque entièrement le contrôle de diverses activités, depuis l’estimation des prises jusqu’à l’application des règlements. Le Comité avait été particulièrement sévère à l’endroit des hauts fonctionnaires du MPO, qui, selon lui, refusaient d’admettre qu’il y ait eu dysfonction au sein de l’organisation.

Le Comité d’examen public du saumon rouge du Fraser a formulé 35 recommandations ayant trait à une vaste gamme de questions, dont les problèmes organisationnels, la qualité de la gestion, l’application des règlements, la Stratégie des pêches autochtones, l’environnement et les responsabilités des groupes d’usagers.

La décision Van der Peet de 1996

En juin 1993, la cour d’appel de Colombie-Britannique a examiné le droit ancestral de vendre du saumon dans R. c. Van der Peet. La cour d’appel a statué à la majorité que le droit ancestral n’incluait pas le droit de vendre. Cette cause a été portée par la suite devant la Cour suprême du Canada8.

Dans la cause Van der Peet, la Cour a maintenu, à la majorité, que les Sto:los, bande du bas-Fraser, n’avait pas le droit ancestral de vendre du poisson.

Dans la cause Van der Peet, la Cour se demande comment définir les droits ancestraux aux fins de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui les reconnaît et les affirme. Elle juge que les droits ancestraux protégés par la Constitution sont les pratiques, coutumes et traditions qui faisaient partie intégrante de la culture distinctive du groupe autochtone qui les revendique avant le contact avec les Européens. La Cour affirme aussi que les droits ancestraux ne sont pas universels mais particuliers à chaque communauté autochtone. Par conséquent, la portée et le contenu des droits sont définissables au cas par cas.

Rapport de 1999 du vérificateur général du Canada

En 1999, le vérificateur général du Canada a déposé un rapport où il insiste sur la nécessité d’améliorer la gestion et de renforcer les contrôles à court terme pour assurer la survie du saumon du Pacifique dans l’intérêt des générations futures9. Le rapport souligne que le MPO a comme défi de conserver les stocks actuels et de rétablir ceux qui sont en danger, tout en maintenant des pêches viables.

Au moment de la vérification, le MPO avait reçu des données sur les prises de 1997 de moins de 15 % des bandes qui devaient les recueillir. En 1998, le bureau régional signalait que certaines Premières nations du nord de la côte n’avaient présenté aucune donnée ou qu’elles avaient fourni des données inutilisables. Le vérificateur général a recommandé que le MPO évalue l’exhaustivité et la qualité des données recueillies en vertu de la Stratégie relative aux pêches autochtones de même que la pertinence des normes et des procédures qui régissent la collecte, le rassemblement et la transmission des données, dans le but d’améliorer et d’élargir le rôle de la Stratégie dans ce domaine. Commentant la gestion de la biodiversité, le vérificateur général note que des données plus précises seront requises, et que les prélèvements en cours de saison du nombre de saumons de remonte sont importants10.

Examen de fin de saison de 2002

Les événements de 2002 ont donné lieu à un autre examen de la gestion de la pêche au saumon rouge dans le Fraser, mais pour des raisons un peu différentes de celles qui avaient mené aux examens de 1992 et 1994.

L’année 2002 constituait une année dominante dans le cycle d’abondance quadriennal du saumon rouge dans le Fraser11. Même si on prévoyait que l’abondance du saumon rouge du Fraser serait inférieure à la moyenne pour le cycle, la saison de pêche 2002 aurait dû être relativement bonne.

On entretenait toutefois un certain nombre d’inquiétudes avant même le début de la saison. Les prévisions de la remonte hâtive de Stuart et la remonte de début d’été laissaient entrevoir des restrictions à la pêche de ces stocks. On s’inquiétait également pour la remonte tardive. Depuis 1996, celle-ci s’engageait dans le fleuve à une date plus précoce. Or, les saumons de cette remonte avaient l’habitude dans le passé de séjourner dans le détroit de Georgie pendant quatre à six semaines avant d’amorcer leur migration vers le cours supérieur du Fraser. Ces populations ont aussi souffert d’une infection parasitaire. Pour des raisons que l’on comprend mal, sans doute liées à l’arrivée hâtive du stock et à la présence du parasite, les reproducteurs de la remonte tardive avaient présenté des taux de mortalité extrêmement élevés dans le fleuve, qui avaient atteint 90 % dans certains cas. Ajoutons qu’en octobre 2002, la population du lac Cultus, composée de sujets de remonte tardive, de même que d’autres passant par le détroit de Georgie, dont celui du lac Sakinaw, avaient été inscrites par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) parmi des espèces en voie de disparition. Le ministre de l’Environnement, l’honorable Stéphane Dion, et le ministre des Pêches et des Océans, l’honorable Geoff Regan, ont cependant depuis recommandé de ne pas mettre ces populations sous protection de la Loi sur les espèces en peril12.

Dans le but de remédier à la situation, on avait fixé à 15 % le taux de capture de la remonte tardive en 2002. Le plan de gestion prévoyait cependant la possibilité d’une pêche accrue si les stocks étaient suffisamment abondants et s’ils retardaient leur arrivée dans le fleuve de quatre à six semaines, comme ils le faisaient auparavant.

Les remontes hâtives de Stuart, de début d’été et d’été s’étaient révélées conformes aux prévisions d’avant-saison. Les deux premières avaient présenté des effectifs se situant dans les seuils de confiance de 75 % et 50 % fixés avant la saison, tandis que la dernière avait dépassé le seuil prévu de 50 %. La remonte tardive, quant à elle, avait de beaucoup dépassé les prévisions (plus du double, pour le seuil de 50 %, et plus du triple pour celui de 75 %)13.

Puisque le poisson était plus abondant que prévu et que le taux de mortalité en rivière atteignait à peine 20 %, on a autorisé des captures supplémentaires pour la remonte tardive au cours du mois d’août, mais bien inférieures à ce que les stocks auraient pu supporter. En outre, les restrictions imposées sur les captures de saumons de la remonte tardive avaient fait chuter le nombre de captures de saumon rouge de la remonte estivale en deçà du niveau tolérable, entraînant ainsi un dépassement considérable des objectifs d’échappée établis pour les stocks des remontes de début d’été, d’été et tardive. Par contre, le nombre cible d’échappée pour le stock hâtif de Stuart n’avait pas été atteint et était même inférieur à la moyenne pour ce cycle.

Le dépassement des objectifs d’échappée présentait un côté positif : un grand nombre de reproducteurs parviendraient aux frayères. Par contre, une surabondance de poissons dans les frayères se traduisait par des occasions ratées pour les pêcheurs commerciaux, autochtones et récréatifs. La situation était difficile à accepter, surtout à une période où la pêche commerciale était aux prises avec des difficultés économiques chroniques. D’ailleurs, les pêcheurs commerciaux ont exprimé leur mécontentement à propos de ce qu’ils considéraient comme une application stricte de la limite de 15 %, et de l’incapacité des autorités à apporter des ajustements en cours de saison et de la qualité de l’information sur la gestion pendant la saison de la pêche. Certains craignaient également que l’augmentation du nombre de poissons parvenant aux frayères ne se solde par des montaisons décevantes au cours du cycle suivant.

En septembre 2002, en réponse aux préoccupations exprimées, le ministre des Pêches et des Océans Robert Thibault commandait une étude de la gestion de la pêche au saumon rouge dans le Fraser. Un processus officiel d’examen de fin de saison était institué en novembre 2002, dans le but de fournir des recommandations afin d’améliorer la gestion future de cette pêche. L’examen fut confié à un comité directeur externe multisectoriel, placé sous la direction du sous-ministre adjoint responsable de la Gestion des pêches, M. Patrick Chamut14.

Le 8 avril 2003, le ministre Thibault déposait le rapport du Comité directeur externe, intitulé Examen de la gestion des pêches des saumons rouges du Fraser pour la saison 2002. Le comité y exposait toute une série de difficultés, dont : incertitude quant aux objectifs de la politique de conservation du saumon sauvage; transparence et opportunité des processus de consultation sur les plans de gestion de la pêche avant le début de la saison et de prise de décision pendant la saison, et participation à ces processus; besoin d’améliorer l’élaboration du Plan de gestion intégrée des pêches; lacunes dans la gestion en saison; nécessité de définir clairement les responsabilités du MPO, de la Commission du saumon du Pacifique et des autorités américaines, de même que les attribution des fonctionnaires du Ministère, et d’assurer une coordination efficace de leurs actions. Le rapport contenait 14 recommandations dont l’adoption d’une politique sur le saumon sauvage et la création de deux comités régionaux de planification intégrée de la pêche au saumon.

Pêche de protestation de 2002 dans le détroit de Johnstone

La limite de 15 % de captures du stock de remonte tardive imposée par le MPO, malgré une remonte manifestement beaucoup plus considérable que prévue, a suscité beaucoup de frustration chez les pêcheurs. Le 20 août 2002, 39 pêcheurs à la traîne et 1 pêcheur au filet maillant ont pris part à une pêche de protestation dans le détroit de Johnstone. Même si le nombre de poissons capturés, soit un peu plus de 5 000, était plutôt modeste par rapport au stock total de la remonte tardive, le Ministère a décidé de déposer des accusations de pêche illégale, en dehors de la période d’ouverture de la pêche, contre les manifestants. Ceux-ci ayant reconnu leur culpabilité, la Couronne a réclamé de lourdes amendes. Les défendeurs estimaient cependant qu’ils méritaient d’être acquittés.
 

Au cours de l’audience de détermination de la peine, ils ont soutenu que le gouvernement fédéral était au courant depuis 10 ans de la pêche illégale pratiquée par les Autochtones mais que, pour des motifs politiques, il avait préféré fermer les yeux et refusé d’appliquer les règles régissant la pêche vivrière et la pêche expérimentale. Le 17 juin 2003, dans la municipalité de Campbell River, le juge Brian Saunderson de la cour provinciale a accordé l’absolution inconditionnelle aux 40 pêcheurs, écorchant au passage le ministère des Pêches et des Océans pour son incapacité à traiter également tous les pêcheurs commerciaux. Voici d’ailleurs un passage de son jugement :
 

[TRAD.] Quoi qu’il en soit, à la lumière des faits établis dans cette affaire, un observateur objectif pourrait conclure à juste titre que le gouvernement du Canada, en la personne du ministre des Pêches et des Océans, a refusé volontairement de fournir les moyens et les instructions nécessaires pour garantir l’application des règles régissant la pêche vivrière et la pêche commerciale expérimentale du saumon rouge pratiquée par les Autochtones dans le Fraser. Les autorités politiques des services d’application des règlements du MPO ont empêché les agents des pêches de faire le travail pour lequel ils ont été embauchés et formés, sapant du coup leur moral. On peut blâmer comme on l’a fait les nombreuses compressions budgétaires, mais il y a tout lieu de pardonner à l’observateur objectif un certain degré de scepticisme, étant donné que le MPO a réussi à trouver du personnel, de l’équipement et un aéronef pour faire enquête sur ces défendeurs non autochtones qui ont eu l’audace d’exprimer publiquement leur mécontentement, et les poursuivre en justice.

Ce que d’aucuns pourraient qualifier de rectitude politique de la part du MPO, mais que j’ai choisi d’appeler un manque de courage dans l’exécution de son mandat, tel qu’il a été défini par le plus haut tribunal du pays, s’est soldé par une perte d’autorité morale. On peut dès lors se demander si des actes de désobéissance civile méritent d’être punis lorsque les autorités civiles, en raison de leurs politiques, de leurs actions ou de leur inaction, ont perdu le droit d’exiger le respect de la population.

Rapports de la Commissaire à l’environnement et au développement durable et du vérificateur général de la Colombie-Britannique

Le cinquième chapitre du rapport de 2004 de la Commissaire à l’environnement et au développement durable s’intitule Pêches et Océans Canada — Le saumon : stock, habitat et aquaculture. Entre 1997 et 2000, le vérificateur général du Canada et la Commissaire à l’environnement et au développement durable ont effectué trois vérifications portant sur le saumon du Pacifique. Ils ont récidivé en 2004 avec un suivi, effectué en collaboration avec deux vérificateurs généraux provinciaux. Le vérificateur général de la Colombie-Britannique s’est penché sur le rôle joué par le gouvernement dans la conservation du saumon sauvage, pendant que son collègue du Nouveau-Brunswick s’intéressait à l’industrie de la salmoniculture dans sa province.

Les trois vérifications ont révélé des lacunes au chapitre de la coordination des actions du fédéral et des provinces, ainsi qu’un manque de connaissances scientifiques sur les conséquences possibles de la salmoniculture. De l’avis du vérificateur général de la Colombie-Britannique : «  La capacité de la Colombie-Britannique à assurer la survie du saumon sauvage souffre de l’absence d’une vision claire favorisant l’établissement des priorités.  » Il recommande donc que «  le gouvernement provincial, de concert avec le ministère fédéral des Pêches et des Océans, définisse une vision claire, assortie de buts et objectifs, pour maintenir les stocks de saumon sauvage. Les deux paliers de gouvernement doivent tracer ensemble les grandes lignes d’une politique gouvernementale définissant ce qui constitue un risque acceptable pour l’habitat du saumon, et une perte acceptable par rapport à sa remonte15.  »

La Commissaire à l’environnement et au développement durable, pour sa part, a fait état des lacunes que voici16 :

 Le Ministère n’a pas encore terminé la rédaction de la Politique concernant le saumon sauvage17, qui établirait des objectifs et des principes directeurs clairs pour ce qui est de la gestion des pêches et de la ressource et de la protection de l’habitat.
 Les informations sur les stocks de saumon et leur habitat comportent des lacunes, tout comme les connaissances scientifiques sur les effets possibles de la salmoniculture, notamment des maladies et du pou du poisson, sur les écosystèmes aquatiques.
 Il y a des améliorations à apporter aux chapitres de l’approbation des demandes de sites aquacoles, de l’évaluation des effets environnementaux cumulatifs et de la surveillance des exploitations salmonicoles en vue de prévenir la destruction d’habitats.
 La coordination entre les pouvoirs publics fédéraux et provinciaux en matière de gestion de l’habitat du poisson, de recherche, d’approbation des demandes de sites aquacoles et de mise en commun de l’information est inadéquate.

Cycle de vie du saumon rouge

Le saumon rouge vit un cycle de quatre ans. En 2000, les femelles qui ont remonté le fleuve Fraser et ses affluents ont pondu leurs œufs dans le gravier des cours d’eau où elles ont vu le jour. Au printemps 2001, des millions d’alevins ont éclos de ces œufs. Après un an, ils ont redescendu le Fraser puis parcouru des milliers de kilomètres dans le Pacifique Nord. Les jeunes saumons rouges font face à de nombreux dangers : température de l’eau défavorable, rareté de la nourriture, action de divers prédateurs, dont l’homme.

Finalement, au printemps 2004, 5,2 millions de saumons rouges adultes ont entrepris la migration qui devait les ramener à leur lieu de naissance. On estime que ce chiffre représente environ un huitième de 1 % des œufs pondus par les femelles au début du cycle de quatre ans18. Ces saumons ont survécu aux pêches marines commerciales de l’Alaska et du Canada. Une fois arrivés à l’embouchure du Fraser, ils remontent le fleuve et subissent d’importants changements physiques. Ils cessent de se nourrir et dépendent entièrement de leurs réserves d’énergie pour survivre à la remonte et au frai. En 2004, pour 20 saumons adultes qui remontent frayés, 18 ont été soit capturés par les pêcheurs, soit disparus, ce qui ne laisse qu’un couple atteignant les frayères.

Les saumons qui retournent aux frayères du bassin du Fraser se divisent en quatre remontes : hâtive de Stuart, début d’été, été et tardive. Selon l’ébauche de la politique du saumon sauvage parue en décembre 2004, il existe une centaine d’«  unités de conservation  »19 ou populations de saumon rouge en Colombie-Britannique et au Yukon, dont 20 à 25 dans le bassin du Fraser. En comparaison, il y a 15, 30, 25 et 15 populations de saumon coho, quinnat, rose et kéta dans le même bassin.

Les fluctuations d’abondance sont caractéristiques des espèces comme le saumon rouge. De la vingtaine de populations du bassin du Fraser, huit présentent des fluctuations d’abondance avec un cycle dont la remonte est plus nombreuse tous les quatre ans. Ainsi, le cycle de 2004 a été un cycle peu nombreux pour la remonte hâtive; 2001 a été un cycle dominant et 2002, un cycle sous-dominant.

Selon le MPO, malgré des baisses d’effectifs depuis 10 ans, les saumons sauvages du Pacifique sont encore relativement abondants au Canada20. Cependant, comme l’indique la section susmentionnée de l’Examen d’après-saison 2002, la diversité des saumons du Pacifique pose de plus en plus problème, comme d’ailleurs certaines populations.

Calcul des remontes du saumon rouge

Avant le début de la saison de pêche, le ministère des Pêches et des Océans prépare des prévisions pour chaque stock. Un plan de pré-saison est établi; il fixe pour chaque stock des objectifs d’échappée et de total admissible des captures. C’est pendant la saison de la pêche que le rôle joué par la Commission du saumon du Pacifique (CSP) et de son conseil du fleuve Fraser est le plus apparent. La CSP est l’organe formé par les États-Unis et le Canada pour mettre en œuvre le traité sur le saumon du Pacifique. Le Conseil établit le règlement sur les captures de saumon dans le secteur du Fraser. Dans les eaux canadiennes qui ne relèvent pas du Conseil, la gestion de la pêche est assurée par le MPO. La zone du Fraser relevant du Conseil comprend les eaux qui baignent le sud de l’île de Vancouver, soit les détroits de Georgie et de Juan de Fuca, le delta du Fraser et le fleuve jusqu’à Mission. Durant la saison de pêche, les biologistes de la CSP fournissent information et conseils techniques sur les évaluations des effectifs de la remonte du saumon rouge du Fraser et sur les possibilités de capture. Les programmes de la CSP en cours de saison sont les suivants : programme hydroacoustique de Mission, programme de pêche expérimentale, programme d’analyse raciale et programme d’estimation des prises. Les biologistes utilisent les données recueillies et analysées de chaque programme dans leur modèle de la remonte. Les chiffres pour chaque stock sont fournis au Conseil, qui fixe les dates d’ouverture et de fermeture de la pêche.

L’évaluation précise des effectifs de remonte est cruciale à la réalisation des objectifs de conservation et d’allocation. À l’heure actuelle, les effectifs en mer sont établis à partir des pêches expérimentales. La fiabilité des chiffres dépend de la fraction des poissons capturés. Les pêches expérimentales renseignent sur les captures par effort unitaire et sur la composition numérique des stocks, laquelle est obtenue à partir des données biologiques. En 2004, la CSP a pratiqué neuf pêches expérimentales, dans les détroits de Johnstone, de Georgie et de Juan de Fuca et dans le bas-Fraser21.

Le programme hydroacoustique de Mission date de 1977. Auparavant, on calculait grossièrement les échappées à partir surtout de pêches expérimentales dans le Fraser. La méthode utilisée fait appel à un transducteur acoustique à faisceau unique, dirigé vers le bas à partir d’un bateau, pour détecter les poissons mobiles et stationnaires. On obtient ainsi l’effectif quotidien des poissons qui remontent le fleuve. À partir de cette donnée, la Commission fait le calcul nécessaire pour mettre à jour l’abondance de chaque stock. On peut constater que ce programme est essentiel pour une évaluation juste de l’abondance des stocks.

Le calcul de la remonte annuelle prend fin avec le dénombrement des reproducteurs dans les frayères. Cette étape est essentielle également pour lancer les calculs pour le cycle de quatre ans qui commence. Le succès du programme de gestion se mesure par le nombre de reproducteurs dans les frayères. Le calcul des reproducteurs s’appuie sur trois mesures : études par marquage-recapture, barrières de dénombrement et inventaires visuels. Pour les remontes où l’on prévoit plus de 75 000 poissons, on utilise la méthode de marquage-recapture. Les chiffres préliminaires sont généralement disponibles dès l’automne tandis que ceux des remontes tardives arrivent en décembre ou en janvier. Les chiffres de frai de la remonte tardive de 2004 étaient disponibles à la mi-décembre.

M. Murray Chatwin, membre du Conseil du fleuve Fraser, a dit au Comité que le mandat du Conseil était de «  livrer les poissons à Mission  ». Ce mandat a été rempli en 2004, puisque 2,7 millions de saumons rouges ont été dénombrés à Mission, sur une remonte totale de 5,2 millions.

Montaison 2004 du saumon rouge du Fraser et captures

L’évaluation la plus exacte de l’effectif de la remonte du saumon rouge du Fraser, en date de la rédaction du rapport, est de 5,2 millions de poissons. De ce nombre, on a capturé au total un peu plus de 3 millions de poissons, soit 58 % de la remonte totale (Tableau 1). Cependant, ces chiffres sont préliminaires et certains résultats de capture ne sont pas encore disponibles. En chiffres absolus, les captures sont inférieures de 40 % à la moyenne des 13 dernières années (Tableau 3).

Au Canada, les pêches commerciales22 et les pêches autochtones comptent respectivement pour 60 % et 29 % des captures totales. Les Premières nations du Fraser ont capturé la plus grande partie de la part autochtone. Les captures autochtones dans le Fraser comprennent celles issues d’accords de pêche commerciale provisoires signés en juillet 2004 avec les Premières nations Musqueam, Tsawwassen et Stó:lõ (43 %), ainsi que les pêches pratiquées à des fins alimentaires, sociales et rituelles (ASR), (57 %).

Les pêches non commerciales (surtout récréatives), les pêches américaines commerciales et non commerciales, ainsi que les pêches expérimentales représentent une part beaucoup plus petite des captures totales. La part de chaque secteur et son importance relative sont résumées à la Figure 1.


Tableau 1 : Chiffres préliminaires des captures, des échappées et des remontes totales du saumon rouge du Fraser durant la saison 2004


Canada

Nombre de poissons

% de la remonte totale

Sources23

Pêche commerciale

 

 

 

Senne

       771 137

 

a

Filet maillant

       884 446

 

a

Traîne

       151 073

 

a

Pêches sélectives

        13 100

 

b

Total commercial canadien

    1 819 756

           35 %

 

Pêche autochtone

 

 

 

Embouchure du Fraser jusqu’à Mission

       199 092

 

c

Mission à Sawmill Creek

       282 813

 

c

En amont de Sawmill Creek

       147 137

 

c

Total, Fraser

       629 04224

 

 

Secteurs 12 à 124

       256 200

 

b

Total autochtone

       885 242

           17 %

 

Pêche non commerciale

 

 

 

Organisée

-

 

b

Récréative

        52 200

 

b

Total, non commerciale

        52 200

1,0 %

 

Total, Canada

    2 757 198

 

 

États-Unis

 

 

 

Pêche commerciale

 

 

 

Washington

       192 100

 

b

Alaska

-

 

b

Sous-total

       192 100

 

 

Pêche non commerciale

 

 

 

Rituelle et subsistance

             100

 

b

Total, États-Unis

       192 200

3,7 %

 

Pêche expérimentale

 

 

 

CSP

        24 300

 

b

Secteurs 12 et 13

        49 400

 

b

Total, pêche expérimentale

        73 700

1,4 %

 

Total, captures

    3 023 098

           58 %

 

Échappée

       530 301

           10 %

Table 2

Poissons disparus

    1 642 549

           32 %

 

Remontes totales

    5 195 948

         100 %

 



Figure 1 : Répartition des saumons rouges du Fraser durant la saison 2004.

Figure 1 : Répartition des saumons rouges du Fraser durant la saison 2004.


Au total, 2,7 millions de saumons ont été dénombrés à la station hydroacoustique de Mission. Les effectifs dénombrés pour chaque stock figurent au Tableau 2. Les derniers chiffres de reproducteurs incluent ceux qui ont réussi la remonte tardive, soit 530,301 saumons au moment d’écrire ces lignes. Les reproducteurs potentiels, soit 2,2 millions de poissons, sont calculés en soustrayant les prises déclarées en amont de Mission des poissons ayant passé à Mission. Entre les reproducteurs potentiels et ceux présents dans les frayères, il y a un écart de 1,6 million de poissons disparus.


Tableau 2 : Effectifs préliminaires de la remonte totale, de la remonte au-delà de Mission, du frai et des poissons disparus, saumons rouges du Fraser, saison 2004, par stock.25


 

Remonte totale

Passage à Mission

Frai

Poissons disparus

 

Nombre de poissons

Nombre de poissons

Nombre de poissons

(% des passages à Mission)

Nombre de poissons

% de la remonte totale

Période

 

 

 

 

 

 

Hâtive de Stuart

 

         187 000

         9 244

       5 %

 

 

Début d’été

 

         974 000

   156 953

    16 %

 

 

Été

 

     1 287 000

   272 051

    21 %

 

 

Tardive

 

         207 000

     92 053

    44 %

 

 

Sous-total

 

     2 655 000

   530 301

    20 %

 

 

Prises en amont de Mission

 

         482 150

 

 

 

 

 

5 195 948 

2 172 85026

   530 301 

     24 % 

  1 642 549 

  32 % 


En 2004, les reproducteurs dénombrés dans les frayères ne représentaient que 20 % des poissons passés à Mission et 24 % des reproducteurs potentiels (Tableau 2). La situation est moins reluisante pour certains stocks. Ainsi, seulement 9 244 saumons de remonte hâtive de Stuart ont été dénombrés dans les frayères, soit seulement 5 % des saumons ayant passé à Mission.

Dans l’ensemble, les poissons disparus représentent le tiers de la remonte totale. En 1992 et 1994, années où les poissons étaient rares, les poissons disparus représentaient respectivement 11 % et 5 % de la remonte totale (Tableau 3). Le phénomène observé en 2004 se compare davantage à celui de 1998 et de 1999, alors que 31 % et 34 % de la remonte avait disparu. Ce qui rend 2004 unique, c’est le fait que pour la première fois la remonte totale a été plus modeste que durant la plupart des années de crise, et deuxièmement, que le rapport des poissons disparus à ceux qui ont frayé a été de 3 à 1 (Figure 2).


Tableau 3 : Chiffres préliminaires de la remonte totale, des captures en amont de Mission et du frai, saumons rouges du Fraser, 1992 à 2004.


 

Remonte
totale

Captures
totales

 

Reproducteurs

Poissons
disparus a

Sources

 

nombre de poissons

% de la remonte

 

 

% de la remonte

 

2004

5 196 000

3 023 000

58%

530 000

1 643 000

32%

Le présent rapport

2003

4 828 000

2 268 000

47%

1 986 000

574 000

12%

b

2002

15 356 000

4 058 000

26%

7 979 000

3 319 000

22%

c

2001

7 196 000

1 587 000

22%

5 278 000

331 000

5%

c

2000

5 217 000

2 463 000

47%

2 354 000

400 000

8%

c

1999

3 643 000

561 000

15%

1 833 000

1 249 000

34%

c

1998

10 873 000

3 054 000

28%

4 425 000

3 394 000

31%

c

1997

16 414 000

11 425 000

70%

4 261 000

728 000

4%

c

1996

4 519 000

2 187 000

48%

2 091 000

241 000

5%

c

1995

4 006 000

2 255 000

56%

1 751 000

-

0%

c

1994

17 241 000

13 322 000

77%

3 133 000

786 000

5%

c

1993

24 195 000

17 768 000

73%

6 427 000

-

0%

c

1992

6 493 000

4 671 000

72%

1 120 000

702 000

11%

b

a)Pour la préparation de ce tableau, le nombre de poisons disparus est calculé en soustrayant de la remonte totale, les captures totales et le nombre de reproducteurs comptés dans les frayères. Ce chiffre comprend entre autre la mortalité durant la migration. Pour la plupart des années pour lesquelles les données sont disponibles, le nombre de poissons disparus correspond aussi au passage à la station de Mission moins les captures en amont de cette station et le nombre de reproducteurs comptés dans les frayères.
b)Commission du saumon du Pacifique (M. Victor Keong), «  Preliminary estimates of fishery catches and total run of Fraser River Sockeye salmon during the 1993 and 2003 fishing season, by country and area.  » [extrait des Reports of the Fraser River Panel to the Pacific Salmon Commission on the Fraser River Sockeye Salmon Fishing Season].
c)Commission du saumon du Pacifique (M. Jim Gable), «  Preliminary estimates of fishery catches and total run of Fraser River Sockeye salmon during the 1993-2002 fishing season, by country and area.  » [extrait des Reports of the Fraser River Panel to the Pacific Salmon Commission on the Fraser River Sockeye Salmon Fishing Season].

Figure 2 : Comparaison du nombre des poissons disparus et des reproducteurs, saumons rouges du Fraser, années critiques 1992, 1994, 1998, 1999, 2002 et 2004.


Figure 2 : Comparaison du nombre des poissons disparus et des reproducteurs, saumons rouges du Fraser, années critiques 1992, 1994, 1998, 1999, 2002 et 2004.

Explications possibles du problème de 2004

Le Comité note que les causes possibles des saumons disparus étaient loin de faire l’unanimité lors des audiences. Quatre explications principales ont été avancées : comptage inexact à Mission ou dans les frayères; mortalité élevée causée par un record de la température du fleuve; pêche accrue — légale et illégale — en amont de Mission; problèmes d’application des règlements de la pêche et pêches illicites.

Comptage inexact

La possibilité que les méthodes de comptage ne soient pas fiables a été soulevée par plusieurs témoins, dont des fonctionnaires du MPO. Une surestimation du nombre de poissons passant à Mission (voir la carte du bas-Fraser pour localiser la station de comptage et les autres lieux mentionnés dans le rapport), une sous-estimation des reproducteurs dans les frayères ou une combinaison des deux pourrait contribuer à une perte apparente de saumons dans le fleuve. Étant donné que ces dénombrements sont cruciaux pour calculer le nombre de reproducteurs, toute lacune dans les méthodes de comptage a des conséquences majeures sur la gestion de la pêche.


Figure 3 : Carte du bas-Fraser.


Figure 3 : Carte du bas-Fraser.

Après la mauvaise année 1992, les méthodes de comptage à Mission ont été rigoureusement analysées par Pearse et Larkin, qui ont conclu que le compteur était exact à plus ou moins 10 % et que les chiffres ne risquaient pas plus d’être surestimés que sous-estimés. En outre, selon ces chercheurs, les effectifs atteignant les frayères confirmaient les calculs du Ministère. Le rapport Fraser affirmait pour sa part que des biais positifs pouvaient entraîner une surestimation de 20 % ou plus mais également qu’il y avait des sources de biais négatifs pouvant causer une sous-estimation27.

M. Blair Holtby, conseiller scientifique auprès du Conseil pour la conservation des ressources halieutiques du Pacifique (CCRHP) détaché du MPO, insiste sur le fait que la station acoustique de Mission n’a jamais été conçue pour un dénombrement précis des poissons. Elle avait plutôt pour fonction d’indiquer qualitativement l’amplitude et les périodes de remonte pour aider au contrôle de la pêche. Comme outil de dénombrement exact, le site de Mission n’est pas optimal28. Dénombrer les saumons en migration sert à plusieurs fins. D’abord, la gestion des pêches, pour laquelle une évaluation de l’abondance et du moment de la remonte des espèces commerciales est nécessaire; l’estimation faite à Mission convient assez bien à cela. Deuxièmement, pour calculer le recrutement du stock à des fins d’évaluation : la station de Mission convient mal parce que les chiffres sont trop imprécis. Troisièmement, comparer les effectifs qui ont échappé à la pêche commerciale et sont parvenus à Mission, et les dénombrements beaucoup plus exacts et fiables des remontes réussies qui servent à établir combien de poissons ont disparu : l’estimation de Mission convient très mal à cette fin particulière. On fait des efforts pour y améliorer l’exactitude des dénombrements. En outre, M. Holtby souligne la nécessité d’installer d’autres dispositifs acoustiques à divers points stratégiques du Fraser et de la rivière Thompson pour dénombrer les poissons et établir l’identité du stock.

Le MPO admet qu’il y a eu des problèmes à Mission par le passé. Par conséquent, on apporte présentement des changements. Deux méthodes différentes de dénombrement des remontes étaient utilisées en 2004, et le MPO ainsi que le CCRHP effectuent présentement une évaluation d’après-saison de ces systèmes.

Les forces et les faiblesses des deux systèmes acoustiques ont été abordées à un atelier parrainé par le MPO sur le dénombrement des remontes en 2003. Le nouveau système, encore en développement, utilise un appareil hydroacoutisque à faisceau divisé qui produit des évaluations plus exactes pour des comportements plus variés des poissons. L’ancien système, encore en usage, produit des évaluations fiables lorsque les poissons se comportent normalement, c’est-à-dire qu’ils remontent le courant sans se tenir trop près de la surface ni du fond. Ces estimations seraient biaisées à l’occasion par un comportement anormal des poissons qui se trouveraient plus près de la surface ou de la rive. On peut émettre l’hypothèse que ces comportements anormaux soient plus fréquents en période d’anomalies, comme quand l’eau est aussi chaude qu’en 2004.

Le deuxième problème qui concerne les dénombrements des échappées est l’exactitude des données provenant des frayères. Ces chiffres sont également sujets à des biais de méthode. Les dénombrements des reproducteurs dans les frayères se fondent sur trois méthodes : marquage-recapture, barrières de dénombrement et inventaires visuels.

Pour les grosses remontes où on attend plus de 75 000 poissons, on utilise la méthode de marquage-recapture. On l’utilisait généralement à partir de 25 000 poissons mais le seuil a été relevé à 75 000 en 2004 à cause de graves problèmes budgétaires29. Il s’agit de capturer un certain nombre de saumons, de leur fixer une étiquette portant un numéro unique et de les relâcher. La part d’étiquettes récupérées sur des poissons morts dans toute la zone de frai permet d’extrapoler la population totale des reproducteurs dans les frayères. Cette méthode suppose que le comportement des saumons étiquetés est représentatif de la population totale, ce qui n’est pas nécessairement vrai si, par exemple, les saumons subissent un stress lorsqu’on les étiquette. La méthode est également sujette à erreur à cause d’étiquettes qui se détachent et des décès dus à l’étiquetage, ce qui dans les deux cas cause un biais positif.

Le rapport Fraser pour la saison 1994 note des écarts importants entre les résultats obtenus par les différentes méthodes de mesure. Ainsi, en 1994, trois effectifs de frai ont été dénombrés par marquage-recapture et par inventaire visuel. Chaque fois, la première méthode donnait un chiffre plus élevé que la deuxième30. Cela est plausible, parce que le marquage-recapture contient généralement un biais positif tandis que les évaluations visuelles produisent généralement une sous-estimation. Le rapport note en outre que la méthode la plus exacte pour dénombrer les populations de reproducteurs était généralement le comptage aux barrières et le dénombrement visuel utilisant des chenaux de frai.

En 2004, on prévoyait que la plupart des remontes d’été seraient de moins de 75 000 reproducteurs, par conséquent, ceux-ci ont été évalués visuellement à pied, en bateau ou en hélicoptère. Il se peut qu’on ait calculé un effectif de reproducteurs inférieur à celui qu’on aurait obtenu par marquage-recapture.

M. Holtby a également dit au Comité qu’en 2004, certains dénombrements n’ont pas donné de bons résultats à cause des conditions météo. Il est reconnu que certains dénombrements étaient faibles. Il minimise cependant les erreurs dans les chiffres de Mission et des frayères comme cause importante du problème :

Dans l’ensemble, l’écart entre les chiffres de Mission et les chiffres d’échappées est si énorme qu’il est peu probable que des erreurs à Mission ou des erreurs dans les relevés d’échappées suffisent à elles seules pour expliquer l’énorme écart enregistré cette année31.

Le Comité en convient; le témoin ajoute :

Il est clair qu’il y a des sérieuses lacunes quant aux données dont nous disposons, notamment en ce qui concerne l’abondance du poisson en eau douce en différents points le long de la migration. Un grand nombre des questions s’agissant de savoir si le poisson meurt dans le fleuve ou s’il est illégalement pêché sont rendues d’autant plus difficiles que nous n’avons que deux points d’estimation de l’abondance, dont un qui est très pauvre, celui de Mission, et l’autre qui est dans l’ensemble très bon, soit l’échappée, jusqu’à un mois plus tard.

Pour régler la question de ce qui arrive véritablement aux poissons, il faudra disposer de renseignements qui ne pourront en fait être recueillis que grâce à des estimations quantitatives en rivière, probablement acoustiques, de l’abondance du poisson à différents points le long du parcours migratoire, de sorte que l’on puisse évaluer avec justesse l’abondance du poisson dans le temps et dans l’espace. Bien sûr, les estimations acoustiques sont en règle générale accompagnées d’échantillonnages biologiques, de telle sorte que l’on puisse connaître, dans l’espace et dans le temps, non seulement l’abondance du poisson, mais également son état32.

Le Comité s’est fait dire que durant la crise de 1994, une station d’échosondage, basée sur une technologie de pointe, a été établie dans le ruisseau Qualark presque à l’entrée du canyon du Fraser. Cette station en amont a produit des chiffres qui ont été mis en rapport avec les données de Mission. Le programme d’échosondage a été aboli en 1998 à Qualark. Pour de nombreux témoins, l’installation de Qualark était très valable.

On a eu quelque chose de ce genre après la dernière crise à Qualark. On s’en est servi, mais je ne me souviens plus pendant combien d’années… On y a travaillé pendant plusieurs années et le système a très bien fait ses preuves quant à la faisabilité de ces sites ou la faisabilité de l’obtention de renseignements très justes des poissons de passage33.

Température de l’eau

Des records de température élevée dans le Fraser constituent la première raison fournie par le MPO pour expliquer les écarts entre l’effectif dénombré dans les frayères et le nombre de poissons calculé dans le fleuve. À un moment donné en août, la température de l’eau dépassait de quatre degrés la normale, ce qui est bien au-delà de la température optimale reconnue pour une échappée. Les poissons des remontes du début d’été auraient par contre atteints les frayères avant cette date.

On fait l’hypothèse qu’avec l’augmentation de la pêche, du harcèlement, et de la vulnérabilité aux maladies qui en découle, les températures anormalement élevées du Fraser ont épuisé les poissons avant qu’ils puissent atteindre leur frayère. Cependant, de nombreux témoins ont exprimé au Comité de sérieuses réserves face à cette explication parce qu’on n’avait pas constaté de mortalité massive des poissons.

Sur la température de l’eau, le Comité a entendu un expert, le professeur Anthony Farrell de l’Université de la Colombie-Britannique (récipiendaire d’au moins une subvention de recherche du MPO), qui a indiqué qu’il y a beaucoup d’indices que les températures élevées en 2004 aient causé beaucoup de mortalité en rivière, et aient nui à la remonte de probablement tous les stocks, peu importe la date.

En 2004 durant les remontes hâtives de Stuart, de début d’été et d’été, la température a atteint ou dépassé le maximum enregistré depuis 60 ans. M. Farrell explique :

Le 16 juillet, la moyenne maximale sur 60 ans d’après le graphique 1 que j’ai présenté au Comité est d’environ 19 degrés. Il s’agit là d’un maximum sur 60 ans, ce qui veut dire que cela n’a jamais à cette date-là dépassé 19 degrés sur cette période de 60 ans. La température moyenne pour ce jour est d’environ 16 degrés, alors que cette espèce, chaque année depuis 10 000 ans, a vécu ce jour-là une température moyenne de 16 degrés, en dépit des changements climatiques. Cette espèce a donc évolué pour tolérer ces températures34.

La remonte hâtive de Stuart est passée dans le Fraser alors que la température était en moyenne de 18,2 ºC; la remonte du début d’été, de 20 ºC et la remonte d’été, de 19,8 ºC. Selon M. Farrell, les poissons ont été exposés à cette température pendant 10 à 20 jours, selon la remonte. À la mi-juillet, la température a augmenté de trois degrés en cinq jours. Ce réchauffement s’est produit au maximum de la remonte hâtive de Stuart. Vers la fin de cette remonte, l’eau était à 19,5 ou 20 ºC environ. Le Comité constate toutefois que la température est enregistrée à un seul endroit du Fraser. Pendant leur remonte, les saumons ne sont pas nécessairement exposés à cette température. Le témoignage de M. Farrell indique cependant que l’eau était chaude également en amont de Mission en 2004.

Jusqu’à récemment, les données connues les plus pertinentes sur l’effet de la chaleur de l’eau sur la remonte du saumon rouge étaient celles de Servizi et Jensen, de 1977. Ces chercheurs ont établi qu’une exposition de 15 jours entre 15 et 21 ºC ne causait pas de décès. Cependant, les poissons étudiés avaient été traités aux antibiotiques et immergés dans un fongicide pour empêcher les maladies. M. Farrell a dit au Comité que ce résultat ne s’appliquait donc pas aux saumons sauvages.

Le résultat des études présentées par M. Farrell indique que chez les poissons capturés et sous étude qui ne sont pas traités aux antibiotiques, une température même inférieure à 21 ºC cause une mortalité considérable. Ses collègues et lui ont constaté le décès de 50 % des saumons rouges du Fraser après une exposition de 16 jours à 18 ºC ainsi qu’après neuf jours à 19.6 ºC.

Selon M. Farrell, la température élevée a les effets suivants sur le saumon rouge :

 Elle favorise l’infection, réduit la nage, entraîne l’épuisement et favorise la mortalité;
 Elle augmente l’utilisation quotidienne d’énergie, ce qui provoque une déperdition plus rapide des réserves;
 Elle limite la vitesse maximale de nage, abaisse le métabolisme maximal et réduit la performance cardiaque maximale;
 Elle diminue le taux d’hormones sexuelles et nuit au développement reproducteur;
 Elle conditionne le comportement des poissons, qui recherchent l’eau fraîche pour se mettre à l’abri de la température excessive;
 Elle ajoute aux effets de tous les autres facteurs de stress comme le harcèlement, la migration, les lésions à la peau et aux écailles.

En temps normal, la capacité de récupération du saumon rouge en eau froide est remarquable. Cependant, la température élevée nuit à ce rétablissement après que les poissons aient été en contact avec des engins de pêche ou d’autres obstacles à leur remonte. L’effet de ces rencontres répétées sur la capacité de récupération est inconnu, mais selon M. Farrell, les températures chaudes accentuent vraisemblablement tout effet négatif :

Aucune étude n’a été faite sur l’incidence de rencontres répétées, mais l’une des choses que j’ai introduites dans mon programme de recherche c’est le rendement de la nage à répétition. Ce qui nous intéresse en fait c’est de connaître la capacité de récupération des poissons. Ce qui nous a émerveillé avec ces données est que dans le cas de poissons sains en eau froide, la capacité de récupération du saumon est incroyable. C’était là la base de la récupération.

Dès que l’eau est plus chaude, la récupération du poisson est entravée, et il y a donc ici encore le facteur température de l’eau. On peut dire qu’on veut faire un sprint de 100 verges, et l’on peut suivre derrière nos meilleurs athlètes, mais on sera moitié moins rapide. Ce que eux feront c’est retourner à pied à la ligne de départ et refaire la course, pendant que vous et moi allons prendre une bière. Nous ne pouvons pas le faire, et la capacité de récupération compte pour beaucoup ici. Cette capacité sera donc entravée à températures plus élevées35.

M. Farrell souligne que les stocks de saumon rouge étaient confrontés à des températures différentes durant leur remonte, et qu’il y avait des différences de tolérance à la température, de susceptibilité aux maladies et de performance physique chez ces différents stocks. Il est donc possible que même si l’eau était sensiblement plus fraîche en début de juillet que plus tard dans le mois ou en août, la remonte hâtive de Stuart connaisse néanmoins des températures voisines des maxima absolus pour la période à laquelle elle est habituée et que les saumons aient pu par conséquent être aussi touchés que ceux des remontes postérieures. M. Farrell souligne qu’on manque de données cruciales dans ce domaine, surtout parce que les études nécessaires n’ont jamais eu lieu. Le témoin ajoute que pour bien connaître le rôle de la température de l’eau dans la migration du saumon rouge, il faudra effectuer des études à ce sujet.

Le Comité s’est également intéressé à l’absence de preuve évidente d’une mortalité massive de saumons rouges dans le Fraser. M. Farrell affirme que les saumons adultes morts ne sont pas toujours visibles. Son groupe a constaté que des carcasses disparaissent sans laisser de traces, que les poissons morts ne flottent pas toujours immédiatement, qu’ils peuvent demeurer au fond des lacs du bassin du Fraser pendant un certain temps et enfin que les poissons morts peuvent être mangés par des poissons comme l’esturgeon. Le Comité doute que ces explications soient suffisantes pour rendre compte de la disparition de 1,6 million de carcasses de saumons rouges.

M. Farrell conclut ses propos liminaires en soulignant que la température et des facteurs de prédisposition ne peuvent être écartés. Quatre fois depuis 12 ans (en 1992, 1994, 1998 et 2004), des poissons manquaient (voir Tableau 3), ce qui a donné lieu à une forme ou une autre d’enquête sur la gestion de la pêche36. Chaque fois, l’eau était anormalement chaude.

Pression de la pêche

Les pêcheurs commerciaux et récréatifs identifient le braconnage et la surveillance insuffisante de la pêche autochtone parmi les principales causes de la disparition des saumons. La B.C. Aboriginal Fisheries Commission (BCAFC) et les représentants des Premières nations, en particulier des Cheams, des Stó:lõs et des Tsawwassens contestent cette allégation, affirmant que la pêche autochtone était étroitement surveillée et qu’il est inconcevable que des pêcheurs autochtones aient pu pratiquer une pêche illégale de cette ampleur. Certains représentants autochtones ont dit ce qui suit :

[A]u bout du compte, tout se termine toujours par des accusations. Au début de la saison, nous nous retrouvons dans la même pièce, Autochtones et non-Autochtones, pour parler des plans d’avant-saison et de la manière de les exécuter. Mais après chaque été, nous nous retrouvons ici et nous, les Autochtones, sommes toujours accusés d’être la cause et le problème37.

C’est une situation qui ne peut plus durer. Nous sommes fatigués que l’on nous accuse d’être responsables de cette situation38.

Le Comité constate un conflit évident entre les prétentions de certaines Premières nations et les preuves des pêcheurs commerciaux et récréatifs.

En aval et en mer, la pêche commerciale canadienne représentait 35 % de la remonte totale, ce qui est comparable à la moyenne durant la période de 1993-2002 (à l’exception de 1999 et 2001 où les occasions de captures commerciales étaient minimes). La flottille commerciale n’a pas contribué à la disparition apparente du saumon en amont de Mission, car elle se pratique en aval.

Le Comité s’est fait dire que la pression due à la pêche avait augmenté durant la saison 2004 dans le Fraser en amont de Mission. Les témoins ont indiqué les facteurs suivants comme ayant pu causer un accroissement de la pression de la pêche en 2004 : nombre de filets tendus dans le Fraser en amont de Mission; type d’engins utilisés; certaines pratiques de pêche, comme le temps durant lequel les filets étaient laissés dans l’eau; ainsi que le nombre de jours de pêche autorisés. Le Comité estime que le dernier facteur est le plus important.

La BC Fisheries Survival Coalition nous a conduit aux chiffres du MPO qui révèlent qu’on a autorisé les Autochtones à pêcher pendant 25 jours en juin 2004, tous les jours en juillet et pendant au moins 21 jours en août39. À certains moments, il y avait des centaines de filets dans le fleuve.

L’accroissement de la pêche aurait pu amplifier l’effet du réchauffement de l’eau. M. Anthony Farrell a dit au Comité que la mortalité résultant du stress causé par la prise dans les filets est vraisemblablement supérieure à 21 ºC qu’à 17 ºC. Étant donné ce fait et la pression de pêche en 2004, le Comité reconnaît avec ce témoin que le fait de permettre l’usage des filets dans un secteur comme le canyon du Fraser durant ces périodes d’eau chaude n’était pas indiqué40. Durant les périodes d’eau extrêmement chaude, il aurait fallu laisser les poissons remonter le fleuve librement. Le Comité est surpris de la décision du MPO de permettre que la pêche continue étant donné qu’on savait que l’eau était chaude et qu’on connaissait ses effets sur le poisson, et que le Conseil du fleuve Fraser en avait reconnu dès le 16 juillet les dangers :

La température du Fraser (au ruisseau Qualark) est présentement de 18,2 ºC. Même si les conditions actuelles dans le cours principal du fleuve sont généralement satisfaisantes pour la remonte du saumon rouge, la température de l’eau du Fraser devrait augmenter d’ici plusieurs jours, ce qui peut causer un stress physiologique au saumon rouge migrateur.

Le 6 août, le Conseil note encore :

La température de l’eau du Fraser (mesurée au ruisseau Qualark) a été en moyenne de 20 ºC depuis 15 jours et s’établit actuellement à 19,9 ºC. Le saumon rouge exposé à une température de cet ordre pendant une période soutenue connaîtra vraisemblablement une mortalité considérable dans le fleuve. L’eau du Fraser devrait atteindre une température de l’ordre de 19,4 à 20,1 ºC durant la prochaine semaine.

Enfin, le Conseil écrit, le 24 août :

Des records récents de température ont eu lieu alors que culminait la remonte d’été du saumon rouge (qui remonte vers les rivières Stellako, Stuart, Quesnel et Chilko) dans le Fraser. La remonte de début d’été (composée de nombreux stocks plus petits) qui est passée plus tôt dans le fleuve a également été exposée à des températures généralement plus élevées, y compris le nouveau record établi vers la fin de la migration. La Commission du saumon du Pacifique estime qu’au moins 30 % des géniteurs potentiels qui ont réussi la remonte d’été et qu’environ 42 % de ceux qui ont réussi la remonte du début de l’été mourront en route vers le ruisseau de leur naissance cet été.

L’utilisation en rivière des filets maillants est un autre facteur important associé à la pression accrue due à la pêche. L’effet de la durée pendant laquelle les filets sont laissés dans l’eau est particulièrement important. Au terme d’une étude publiée en 2000, le MPO a conclu que «  la pêche au filet maillant en rivière entraînait des délais pendant la migration et forçait probablement les poissons vers des habitats non optimaux à la migration41  » [trad.]. La question de l’empêtrement dans les filets et ses conséquences fut relevée par M. Bob Gould qui a étudié de manière indépendante le sujet pendant plusieurs années. Les recherches de M. Gould démontrent qu’en raison d’un phénomène de «  décrochage  », on ramènera avec un filet fixe laissé dans l’eau sans surveillance pendant plus de 24 heures seulement un sixième de ce que l’on aurait du si le filet avait été inspecté toutes les deux heures. M. Gould pense que les cinq sixièmes restant meurent, se détachent après un certain temps, tombent dans la rivière, et ne sont pas comptés. M. Gould prétend que les filets fixes sont très dommageables et leur usage fut un facteur majeur contribuant à la disparition du poisson en 2004.

Lacunes des connaissances scientifiques

Selon nos témoins scientifiques, les données qui manquent le plus à la gestion de la pêche sont les suivantes :

 L’impact de l’utilisation en rivière de filets maillants, en particulier en fonction du temps qu’ils sont immergés;
 L’impact de la température élevée de l’eau dans le bassin du Fraser et d’autres cours d’eau britanno-colombiens. (Un témoin a souligné que l’eau sera de plus en plus souvent chaude dans le Fraser, avec le réchauffement attesté du climat, de un degré en moyenne depuis 50 ans);
 La nécessité de dénombrements des poissons qui frayent, dans le temps et dans l’espace;
 L’établissement de modèles de prévision des conditions du fleuve.

MM. Farrell et Holtby ont souligné que cette recherche pourrait être effectuée par un consortium de tous les intervenants, dont les pêcheurs commerciaux, les scientifiques du MPO, les chercheurs et les Autochtones.

M. Holtby commente ainsi la nécessité d’études scientifiques :

Je tiens à réinsister sur l’importance de l’obtention d’estimations quantitatives dans le temps et l’espace. Ces renseignements seront au coeur du règlement de ces questions. Il s’agit d’observer concrètement ce qui se passe. En l’absence de telles observations, les modèles dont parle M. Farrell demeureront purement hypothétiques. Vous ne pourrez pas conclure que la température a ou non joué un rôle, ni en déterminer l’importance, en l’absence d’observations sur le nombre de poissons qui ont survécu à différents points dans le fleuve, sur leur état, sur les températures et sur les conditions de la migration. Toutes ces données de base sont essentielles42.

Pêche non-autorisée ou illégale et application des règlements de pêche dans le Fraser

Alors que la plupart des témoins tiennent la pêche illégale pour une des causes possibles de la disparition du poisson (ce qui dénoterait de graves manquements de la part du MPO dans la mise en application des règlements de pêche), M. Paul Sprout, directeur général du MPO pour la région du Pacifique, a déclaré pour sa part :

Nous savons qu’il y a un écart. Cet écart intervient dans le fleuve, entre Mission et les aires de fraie. Il y a trois causes possibles pour expliquer cet écart. La première est qu’entre Mission, où le nombre a été estimé — qui n’est pas situé très loin d’ici — et les frayères, des poissons ont disparu pour cause de captures non déclarées. C’est une possibilité. Une autre possibilité est que l’estimation de Mission soit erronée, qu’un nombre plus faible de poissons soient passés à Mission et que donc ce chiffre est faux. La troisième possibilité est qu’une forte proportion des poissons qui sont passés par le compteur de Mission soient morts du fait des conditions environnementales dans le fleuve. Le problème est de déterminer lequel de ces trois facteurs est le plus important ou si tous les trois ont contribué à cet écart.43

M. Sprout a parlé de poissons pêchés et non signalés mais n’a pas mentionné précisément la possibilité d’une pêche non autorisée ou illégale.44 Le Comité a pourtant entendu plusieurs allégations et même des aveux clairs de pêche que le MPO et le Comité tiennent pour illégale. Le Comité s’est également fait dire qu’il y a eu de sérieux problèmes d’application des règlements en 2004. M. Ken Malloway de la Première nation Stó:lõ, et aussi membre du BCAFC et du Conseil du fleuve Fraser, a déclaré :

Je me suis entretenu avec les gens de la nation Tl’azt’en parmi lesquels j’ai des amis. J’ai demandé à l’un d’eux combien de poissons il avait pris et il m’a répondu 18, que c’était donc une bonne année pour lui. Je ne sais pas pourquoi le Créateur nous a mis là où nous sommes et je ne sais pas pourquoi il les a mis eux là où ils sont, mais presque tous les saumons sockeye qui s’engouffrent dans le fleuve Fraser passent par notre territoire. Nous avons toujours pris beaucoup de poissons et nous en avons toujours beaucoup vendu. Nous faisions du commerce entre nous et avec d’autres peuples. Quand la Compagnie de la Baie d’Hudson s’est installée là, en 1827, dès le premier jour nous lui avons vendu de l’esturgeon. Puis, nous lui avons vendu du saumon qinnat, puis du sockeye. En 1849, nous avons vendu à la Compagnie 239 000 saumons rouges prélevés dans notre secteur, celui de Chilliwack. Ce commerce dépassait de loin celui de la fourrure. Pour une raison que j’ignore, le Créateur nous a mis là, le long du fleuve Fraser. Qui va remettre en question la décision du Créateur, qui va lui demander « Pourquoi avez-vous mis les Sto:lo là? » C’est là que nous sommes nés.

Nous avons essayé pendant des années de conclure des accords avec le Ministère afin que nous puissions vendre une partie de nos prises, comme nous le faisions avant que cette activité soit interdite en 1878. Nous avons toujours échangé, troqué et vendu du poisson. Nous n’avons jamais cessé cette activité. Nous vendons le poisson à des blancs qui sont disposés à nous en acheter. Depuis des années, c’est ce que je fais45.

Le ministère des Pêches et des Océans rejette les prétentions des Autochtones que le droit de vendre le poisson soit inclus dans les droits autochtones de pêche à des fins alimentaires, sociales et rituelles à la suite des arrêts de la Cour suprême du Canada :

Bien que certaines Premières nations prétendent avoir le droit de vendre le poisson, nous le contestons. Nous ne sommes pas d’accord. À moins d’une décision de justice contraire, nous n’acceptons pas qu’ils ont le droit de vendre du saumon du Pacifique. Notre point de vue, tel que déterminé par les arrêts de la Cour suprême, est qu’ils ont le droit de prendre du poisson à des fins alimentaires, sociales et rituelles. Nous tentons de négocier avec chaque collectivité le niveau de leurs prises pour les fins alimentaires, sociales et cérémonielles. Nous tentons de négocier avec chaque collectivité le niveau de leurs prises pour les fins alimentaires, sociales et cérémonielles 46.

Le Comité a entendu plusieurs représentants de la pêche commerciale et de la pêche récréative qui rapportent avoir observé durant la saison de pêche au saumon de 2004 des prises illicites qui auraient contribué largement à la diminution du poisson cette année.

La question de savoir s’il y a récoltes illégales, ventes illégales ou prises non déclarées n’est pas discutable. Cela est ressorti à répétition comme étant une cause majeure potentielle des poissons disparus ou non recensés dans le rapport Pearse-Larkin de 1992, dans le rapport Fraser de 1994 et dans le rapport du Comité permanent de 2001. La question en 2004 est celle de savoir si ce problème pourrait expliquer les deux millions de poissons manquants en amont de Mission. À notre avis, cela pourrait en grande partie en être responsable, bien qu’il ait également pu y avoir certaines pertes dues à des conditions environnementales défavorables.47

Les preuves présentées au Comité étaient anecdotiques et fondées sur le témoignage de pêcheurs qui ont aperçu des gens pêcher à des moments où c’était interdit. M. Bill Otway de la Sportfishing Defense Alliance (SDA) et d’autres témoins ont observé personnellement de nombreux incidents durant les mois de juin, juillet et août 2004. MM. Chris Gadsden et Gwyn Joiner, aussi de la SDA, ont fourni au Comité une bande vidéo supportant leurs allégations. Les inquiétudes des témoins entendus sur ce sujet incluaient :

 L’augmentation des activités avec filets maillants fixes et dérivants dans le bas-Fraser;
 L’activité soutenue des Premières nations avec filets fixes, accrue de 500% (cinq fois) au cours des sept dernières années;
 La pêche illégale au saumon avec filets dérivants pendant les quatre dernières années sans application significative des règlements;
 Le manque de prise en compte des inquiétudes du personnel scientifique et autre du MPO dans l’attribution en 2004 de permis à la Première nation Cheam pour une pêche légale aux filets dérivants, et cela après des années pendant lesquelles la Première nation Cheam a pratiqué ce type de pêche;
 Des missions avec appareils à voilure fixe et hélicoptères ont été effectuées, et au cours de celles-ci des filets illégaux ont été observés;
 La présence de filets maillants fixes dans les alentours du pont Agassiz-Rosedale alors que la pêche n’y était pas permise;
 La pêche au filet dérivant menée 24 heures par jour pendant le mois d’août;
 L’utilisation régulière par les pêcheurs des Premières nations de filets fixes à monofilament, alors que ceux-ci sont interdits pour la pêche commerciale à cause de la mortalité qu’ils entraînent;
 À plusieurs reprises, des filets dérivant et fixes ont été observés, et en une occasion, un débarquement de poissons a été constaté;
 Le manque de surveillance et de comptabilité permettant aux prises autochtones d’entrer et sortir de sites d’entreposage légitimes de façon régulière; et,
 Les rapports d’officiers responsables de l’application des règlements faisant état de débarquements et de transports de poissons observés dans la région des basses-terres.

Dans un cas, des témoins nous ont dit qu’ils avaient observé, en présence de personnel du MPO, un filet dérivant illégal avec une prise de 53 saumons rouges et 3 saumons quinnats en 20 minutes de pêche. De ces observations, ils en concluent :

Selon certains, il est impossible que les Autochtones qui pêchent dans le fleuve aient pu capturer tant de poissons. Tout ce dont nous sommes sûrs, c’est ce que nous savons déjà et ce que nos membres ont observé. Nos membres, parfois accompagnés de techniciens du MPO, ont observé le nombre de prises dans ces filets dérivants. Les observations vont de 35 à 50 saumons rouges par récolte de 10 à 15 minutes au filet dérivant. Si la récolte moyenne est de 40 poissons et qu’il se fait quatre récoltes à l’heure pendant une journée de 12 heures, on obtient 1 920 poissons par filet par jour. Si on se limite aux 53 jours allant du 1er juillet au 22 août, on obtient 99 840 saumons rouges du Fraser par filet. Nos membres ont relevé jusqu’à 20 de ces filets le long du Fraser dans la région de Chilliwack, tendus sept jours par semaine et, souvent, 24 heures par jour. Il y avait aussi des filets dérivants déployés illégalement tout le long du fleuve jusqu’au pont de Port Mann dès que le bruit a couru que le MPO tolérait ce type d’activité. Nous ne connaissons pas la véritable ampleur de cette pêche, mais nous savons qu’elle s’est pratiquée. À noter que les chiffres que nous citons ne concernent que les 53 jours allant du 1er juillet au 22 août, mais il y avait beaucoup de ces filets dans le fleuve dès le mois de mai, jusqu’au mois d’octobre.48

Plusieurs de ces présumées infractions ont été signalées au MPO par la ligne «  Observez, Notez, Signalez  ». Selon les témoins, le MPO n’a pas ou guère donné suite à ces signalements.

La B.C. Wildlife Federation et une localité ont monté un programme appelé «  Observez, notez et signalez  », ou programme ORR, en anglais. Avec les gouvernements provincial et fédéral, nous avons établi une ligne 1-800 sans frais qui fonctionne 24 heures sur 24 et avons distribué des feuillets d’information, afin que les gens puissent noter toute transgression qu’ils observent et en faire rapport par téléphone, que cela intéresse les pêches, la chasse ou l’environnement. C’est surtout la pêche. Dès que le rapport est fait, il est censé être transmis aux agents. S’il s’agit d’un incident en cours, il est censé être rapporté directement à l’agent sur le terrain et des mesures sont censées être prises, avec fourniture d’un rapport de suivi à la personne qui a téléphoné et qui doit indiquer si elle est ou non prête à comparaître. Mais de la façon dont cela se passe depuis cinq ans, si vous téléphonez, votre rapport disparaît dans le grand trou noir du MPO. D’ailleurs, et je le sais, car je me suis renseigné auprès d’agents sur le terrain, souvent, trop souvent, les renseignements ne sont même pas communiqués à l’agent sur le terrain49.

M. Herb Redekopp, chef, Conservation et Protection, Zone du bas-Fraser, ministère des Pêches et des Océans, a cependant déclaré au Comité que le bureau de l’est de la vallée du Fraser avait reçu plus de 440 rapports d’infractions aux règlements de pêche au saumon et donné suite à 210 d’entre eux. La priorité était établie surtout en fonction de l’actualité du rapport (période écoulée entre l’observation et la déclaration de l’incident) et la gravité de la présumée infraction. L’existence et la préservation d’une chaîne de possession étaient également considérées comme un facteur essentiel au moment de porter des accusations.

Comme par les années passées, le MPO a négocié en 2004 des accords de pêche avec les Premières nations. Il a donc délivré des permis de pêche communautaires conformes aux dispositions de ces accords. Pour le bas-Fraser entre Mission et Sawmill Creek, il en a délivré aux Premières nations Yale, Stó:lõ et Cheam50. Entre le 30 juin et le 22 août, la pêche au saumon rouge a été ouverte à plein temps pendant 34 et 38 jours pour les Stó:lõs et les Yales respectivement. Les Cheams ont été autorisés à pêcher en moyenne 12 heures par jour pendant 14 jours entre le 4 et le 21 août. Le MPO a également négocié avec les Premières nations Musqueam, Tsawwassen et Stó:lõ des accords de pêche économique en vertu desquels 50 % de l’allocation alimentaire, sociale et rituelle pouvait être confiée à une pêche commerciale. Pendant l’été 2004, il y a eu des pêches au saumon rouge commerciales entre le 26 juillet et le 8 août. Par conséquent, il aurait fallu que la pêche autochtone illégale ait eu lieu en dehors des zones de pêche visées par les accords passés avec les Premières nations ou pendant les périodes de fermeture de la pêche.

L’accord que le MPO a passé avec la Première nation Cheam en 2004 permettait de pêcher le saumon rouge au filet dérivant en amont de Mission. Il est généralement entendu que les droits de pêche autochtones comportent le choix de la méthode de capture. Le Comité note cependant qu’avant l’été 2004, les filets dérivants n’étaient pas autorisés dans le bas-Fraser en amont de Mission et qu’ils étaient donc considérés comme illégaux par beaucoup. Plusieurs témoins ont exprimé leur inquiétude de voir se poursuivre la pêche au filet dérivant.

Se peut-il que le grand nombre de poissons manquants cette année aient été pris illégalement en amont de Mission? Le Comité s’est fait expliquer une analyse intéressante par M. Scotty Roxborough, ancien agent des pêches :

…les groupes des Premières nations de Mission Bridge à Sawmill Creek ont pris 372 333 saumons rouges51 entre le 4 juillet et le 29 août. L’effort de pêche enregistré pour cette zone était de 2 890 filets maillants. Cela donne une moyenne de 129 saumons rouges par filet. Sur la base de cette prise moyenne par filet, il aurait fallu qu’il y ait 15 625 filets dans le fleuve pour attraper les deux millions de saumons rouges manquants — une moyenne de 171 filets maillants par jour entre le 1er juillet et le 26 septembre. Même si l’on supposait qu’il y avait une erreur de 100 % dans les données rapportées, cela voudrait néanmoins dire qu’il aurait fallu qu’il y ait 85 filets dans la rivière chaque jour52.

M. Roxborough a également offert au Comité un autre point de vue sur le transport et la transformation d’une aussi grande quantité de poisson :

Deux millions de saumons rouges représentent, plus ou moins, 12 millions de livres de saumon. Étant donné qu’un semi-remorque de taille moyenne peut transporter 30 000 livres, 12 millions de livres de saumon représenteraient 400 semi-remorques. Cela voudrait dire que sur cette période de 91 jours, entre le 1er juillet et le 30 septembre, il y aurait eu chaque jour en partance de la région de Mission à Sawmill Creek quatre chargements et demi de semi-remorque de saumon. Ces quatre chargements et demi de semi-remorque de saumon rouge auraient dû être transformés, entreposés dans les installations réfrigérées d’usines de transformation et(ou) transportés par camion, par bateau ou par avion à l’extérieur du pays. Chaque conteneur de saumon aurait dû être accompagné de faux papiers pour permettre la transformation, l’entreposage, la vente et(ou) l’exportation du saumon. Si l’on croit que les membres des Premières nations aient pu attraper et écouler tout ce saumon, alors il y a lieu de se pencher sur les données. Douze millions de livres de saumon doivent être transportées depuis les lieux de prise à un endroit central, pour ensuite être transportées ailleurs. Selon mon expérience, les membres des Premières nations transportent leur saumon ou dans des bacs en plastique, dans le coffre de leur voiture ou, lorsqu’il s’agit de grosses quantités de saumon, dans des sacs isolés à l’arrière de leurs fourgonnettes. À l’occasion, ils utilisent deux sacs isolés. En supposant que tout le saumon a été transporté dans des bourses isolées, il aurait fallu 6 000 à 12 000 fourgonnettes pour transporter le saumon depuis les lieux de pêche au dépôt central. Chaque bourse peut contenir environ 1 000 livres. Encore une fois, entre le 1er juillet et le 30 septembre, il aurait fallu que chaque jour entre 66 et 132 fourgonnettes assurent le transport du saumon du fleuve jusqu’au dépôt central.

Si quelqu’un écoule 12 millions de livres de saumon, alors les agents de pêche, le public, les douaniers américains, les transformateurs, les usines d’entreposage et les employés du fret aérien doivent voir qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Alors où sont les preuves qu’il y a deux millions de pièces de saumon qui se promènent dans la campagne53?

On a également parlé au Comité de la vente illégale de poissons non signalés. M. Larry Wick, de North Delta Seafood, nous a dit :

Lorsque j’ai commencé avec la commission du saumon, le traité prévoyait une allocation de 400 000 poissons pour la pêche autochtone de subsistance. Or, nous en gérons aujourd’hui jusqu’à un million. Nous ne pouvons plus assurer des revenus adéquats pour les membres de nos équipages et pour les propriétaires de navires. Les droits de permis sont beaucoup trop élevés. En ma qualité de transformateur, j’ignore si j’achète du poisson légal ou illégal du fleuve Fraser lorsque le poisson nous arrive par camion plein, à la suite d’un appel téléphonique. Nous refusons de l’acheter parce que nous avons le sentiment qu’il est illégal, mais nous ne le savons pas. Pour ce qui est du système d’enregistrement et de repérage du MPO, eh bien, il n’y en a pas. Ce ne sont que des paroles molles.

Les poissons ont disparu. Aucune pêche commerciale n’a visé ces poissons sauf la pêche autochtone en amont. Je me suis promené un petit peu partout à l’intérieur de la Colombie-Britannique cet été, et chaque stand de fruits vendait du saumon rouge. C’était sans fin. Il ne se fait aucun contrôle, rien. Il nous faut ici une enquête judiciaire pour contrôler un peu les choses. La situation est tout à fait hors de contrôle54.

Le Comité n’en estime pas moins que, s’il y a eu beaucoup de pêche illicite en 2004, c’est que le dispositif d’application des règlements fait défaut. Le Comité a entendu dire que les ressources humaines et financières avaient diminué depuis quelques années et que les agents des pêches n’en avaient pas assez pour faire leur travail aux moments cruciaux. Un certain nombre d’autres raisons ont été évoquées pour expliquer le manque d’application des règlements :

 La détermination apparente du MPO à éviter à tout prix des confrontations violentes avec les Premières nations (même quand la préservation des stocks est en jeu);
 Le manque de contrôle et de surveillance des prises des Premières nations;
 La violation par certains membres des Premières nations des conditions des accords négociés avec le MPO et des permis de pêche communautaires;
 L’insuffisance ou l’inexistence des mesures de répression contre les ventes de saumon illégal;
 L’interprétation libérale de ce qui constitue la pêche alimentaire, sociale et rituelle.

Le MPO a fourni au Comité des renseignements sur ses activités d’application des règlements dans la région. Comme suite à une demande d’information à son audience du 29 avril 2004, le Comité a appris que la région du Pacifique comptait 174 agents des pêches, dont 10 se déclaraient Autochtones (l’un d’entre eux était affecté au bas-Fraser).

Le Comité avait pris connaissance lors du premier jour d’audiences qu’il n’y avait que 13 agents des pêches sur le bas-Fraser, mais M. Redekopp lui a dit qu’il y en avait 29 à plein temps entre Squamish et Boston Bar (zone qui comprend les eaux à marée du détroit de Georgie). Or, en 1994, il y avait 33 agents des pêches à plein temps et environ 8 saisonniers, soit un total de 41 à 42 agents disponibles.

En 2004, le MPO a privilégié les patrouilles en bateau et en véhicule. Il n’y a pas eu de patrouilles en hélicoptère. Le MPO a déployé ses efforts de façon stratégique pendant la fermeture de la pêche et augmenté entre autres le nombre des patrouilles de nuit. M. Redekopp a déclaré au Comité que les agents des pêches détectaient plus de 50% de plus de violations à l’aide de cette stratégie.

Dans la zone du bas-Fraser, les services de conservation et de protection du MPO ont traité un total de 342 accusations : 88 infractions liées à la pêche au saumon autochtone, 58 à la pêche commerciale, 76 à la pêche récréative et 120 à la pêche sans permis.

Néanmoins, pour de nombreux témoins, ce n’était pas suffisant. Selon eux, le MPO mine la gestion des pêches par sa volonté d’éviter à tout prix une confrontation violente avec les Premières nations. À leurs yeux, cette «  politique  » du MPO affaiblit les efforts de conservation et d’application des règlements et crée une apparence d’injustice dans la répartition des ressources entre l’ensemble des parties prenantes.

L’agent de liaison GRC-MPO pour la région du Pacifique, le surintendant Reg Reeves, a dit ce qui suit sur les disparités dans l’application des règlements :

Oui, il est certain qu’il existe certaines situations explosives et beaucoup de sensibilités à l’égard des questions que vous soulevez. Je pense que c’est là l’une des raisons pour lesquelles j’occupe le poste que j’occupe et c’est pourquoi ils ont créé un poste d’agent de liaison dans cette région particulière. La GRC a déterminé, aux côtés de la direction au ministère des Pêches et des Océans, qu’il importait de créer ce poste pour tenter de résoudre certaines de ces questions, de rapprocher les parties pour qu’elles comprennent mieux la position des autres. C’est là encore un autre aspect de l’application, s’agissant d’essayer de faire de la prévention et d’être proactif pour cerner les problèmes, les tirer au clair et en discuter de façon raisonnable, ce afin d’empêcher l’éclatement de la paix, ou des agressions ou des confrontations. C’est précisément là ce que nos tentons de faire dans toute situation dont nous savons qu’elle pourrait déboucher sur un conflit55.

M. Murray Chatwin du Conseil du fleuve Fraser a défini le problème de l’application des règlements de la façon suivante :

Je connais assez bien le fleuve. Je l’ai survolé pour mon travail. Si vous montez le fleuve, vous réalisez rapidement que la surveillance n’est pas la seule solution. C’est vrai pour toute la côte. Il est impossible de tout surveiller. Il faut une éthique de respect des règles. L’autre aspect, c’est que ces garde-pêche ont besoin que tout le monde sache qu’ils vont faire leur travail et qu’on va les soutenir lorsqu’ils le font. C’est un tout aussi grand facteur.56

Divergences de vues sur la pêche alimentaire, sociale et rituelle et le droit de vendre du saumon

Au début du présent rapport, le Comité a réitéré les principes juridiques applicables à la pêche autochtone en général et à la pêche au saumon sur le fleuve Fraser en particulier, principes qui se trouvent dans son rapport de 2003. Au cœur de cette question se trouve le fait que les Autochtones n’ont pas actuellement le droit de se livrer à la pêche commerciale sur le Fraser.

Durant les audiences qu’il a tenues à Vancouver en 2004, le Comité a noté qu’il y avait toujours des divergences de vues sur la pêche alimentaire, sociale et rituelle et le droit de vendre du saumon. Certains pêcheurs autochtones considèrent que la pêche «  sociale  » leur permet de répondre à leurs besoins sociaux, ce qui peut les amener dans certains cas à vendre leur prise pour assurer leur subsistance. Les représentants de la Première nation Cheam ont déclaré au Comité qu’ils pensaient jouir d’un droit constitutionnel inhérent de pêcher et du droit de prendre du poisson à des fins alimentaires, sociales et rituelles, y compris le droit de le vendre. L’arrêt Sparrow de la Cour suprême du Canada indique par contre que le mot «  social  » réfère au «  poisson consommé dans le cadre d’activités sociales57  ».

M. Paul Sprout a dit qu’il n’existait pas de droit de vendre le poisson «  sauf décision de justice ou peut-être comme instrument de politique  ». À en juger par ces déclarations, la position du MPO en la matière est claire, mais elle se fait plus ambiguë au moment de négocier des accords de pêche avec les Premières nations. Par exemple, le préambule du plan de pêche 2004 de la Première nation Cheam signé par les dirigeants autochtones et les fonctionnaires du MPO déclare que «  chaque partie a ses propres vues sur les droits autochtones  ». On y lit également que le plan «  ne fixe pas ni ne définit les positions que l’une ou l’autre partie peut prendre devant un tribunal ou ailleurs concernant l’existence ou la portée des droits autochtones58  ».

Le Comité croit qu’il y a un autre problème. En négociant un accord de pêche avec chaque communauté, le MPO gère l’allocation de la pêche alimentaire, sociale et rituelle de manière collective :

Nous ne ventilons pas pour chacune de ces catégories et nous rejetons la position de certaines collectivités, telle qu’exprimée ici l’autre jour par la bande Cheam, qu’ils ont le droit de vendre. Nous réalisons que certains groupes pensent posséder ce droit, mais cet avis n’est pas partagé par le ministère des Pêches et Océans. Donc, après négociation, nous établissons un chiffre de prise alimentaire, sociale et cérémonielle, qui est déduit du total autorisé des captures, déduction déjà faite de l’objectif opérationnel de conservation dont j’ai parlé plus tôt59.

Le Comité estime qu’il faut clarifier la définition des trois composantes de la pêche alimentaire, sociale et rituelle.

L’examen de fin de saison 2004

Le 20 octobre 2004, le ministre des Pêches et des Océans Geoff Regan a annoncé qu’un examen de fin de saison de la gestion des stocks de saumon du sud de la Colombie-Britannique aurait lieu en 2004. L’objectif déclaré est d’étudier les causes des faibles remontes en 2004 et de recueillir les données nécessaires à l’élaboration des plans de pêche pour 2005 et au-delà.

L’examen sera mené par le Comité de la planification intégrée de la pêche au saumon (CPIPS) que le MPO a récemment mis sur pied pour lui fournir avis et conseils et lui faire des recommandations sur les décisions opérationnelles concernant la pêche au saumon dans la région du Pacifique. Cet examen de fin de saison sera la première tâche du nouveau comité.

Composé de représentants des Premières nations, de la pêche commerciale, de la pêche récréative, et des représentatns de groupes environnementaux le CPIPS va devenir la base d’un nouveau processus consultatif grâce auquel tous les groupes collaboreront pour relancer l’économie de la pêche au saumon, répondre aux aspirations des Premières nations et atteindre un équilibre entre les divers intérêts de pêche.

Le 18 novembre 2004, le ministre Regan a annoncé la nomination de M. Bryan Williams comme président de l’examen de fin de saison 2004. M. Williams a été juge en chef de la Cour suprême de la Colombie-Britannique de 1996 à 2000. Sa nomination a cependant été controversée dans certains milieux de la pêche.

L’examen doit porter, entre autres, sur les processus de consultation, les objectifs de conservation, la gestion des risques, la pertinence et la rapidité d’obtention des données et les processus décisionnels en cours de saison, les processus de gestion des pêches du MPO et les mesures de répression et de conformité. L’accent portera sur les recommandations visant à améliorer la gestion de la pêche au saumon dans le sud de la Colombie-Britannique. Le Comité doit faire rapport de ses conclusions et de ses recommandations au ministre des Pêches et des Océans avant le 31 mars 2005. Suivant le cadre de référence du comité d’examen, «  les recommandations doivent être conformes à la politique du gouvernement du Canada et à celle du MPO et doivent pouvoir être mises en œuvre en respectant la capacité en ressources de la région du Pacifique de Pêches et Océans Canada60  ». Ainsi, la portée de l’examen est limitée dès le départ.

Certains ont trouvé à redire à ce que le comité d’examen puisse compter jusqu’à 25 ou 30 membres. Or le Ministère a indiqué qu’il n’était pas de son intention que le CPIPS tout entier mène l’examen. C’est à M. Williams et au CPIPS qu’il incomberait d’en arrêter les modalités à leur première réunion prévue pour le 7 décembre 200461. Le comité d’examen a tenu un total de 12 audiences publiques en janvier et février 2005. Il maintient aussi un site Internet où une quantité limitée d’information est disponible.

Observations finales, constatations et recommandations

Comme beaucoup de témoins, le Comité croit qu’un ensemble de facteurs ont conduit à la «  disparition  » de jusqu’à peut-être 1,6 million de saumons rouges en 2004.

Les principaux facteurs contributifs qui ont été évoqués sont la surestimation du nombre de poissons ayant passé à Mission, la sous-estimation du nombre de reproducteurs ayant atteint les frayères, la mortalité en rivière due à la température élevée de l’eau et les prises illégales entre Mission et les frayères.

Quelle que soit la cause des poissons «  manquants  » en 2004, tout ramène à des problèmes de gestion des pêches et à l’insuffisance des ressources nécessaires pour bien faire le travail. En effet, il n’y a pas assez de ressources pour compter le poisson à l’aide de la meilleure technologie à de multiples endroits de la rivière, pas assez de ressources pour utiliser les bonnes méthodes pour compter le poisson dans les frayères, pas assez de ressources pour mener les recherches scientifiques nécessaires à l’évaluation de l’impact sur la migration du saumon du réchauffement climatique et du réchauffement de l’eau du fleuve, pas assez de ressources pour surveiller toutes les pêches et enfin pas assez de ressources pour faire respecter intégralement les règlements de pêche et appliquer universellement les principes de conservation capables de préserver la santé de tous les stocks.

Tant l’honorable John Fraser que M. Wayne Strelioff, vérificateur général de la Colombie-Britannique, ont insisté sur le manque de vision et de leadership au ministère des Pêches et des Océans. M. Fraser a souligné que tout le monde était d’accord pour déplorer le manque flagrant de leadership dans la gestion des pêches en Colombie-Britannique. Depuis des années, il manque à la région du Pacifique une chaîne de commandement claire62.

L’absence de leadership est aggravée par l’insuffisance de la planification stratégique et les compressions budgétaires. Selon M. Fraser, ces compressions ne sont pas dramatiques, «  peut-être 25 à 35 millions de dollars, mais elles pèsent sur tout. Elles créent une situation à l’intérieur du Ministère où personne ne pense pouvoir faire quoi que ce soit63  ». Elles ont été appliquées uniformément, ce qui, selon M. Fraser, donne des résultats désastreux : «  Les ressources financières devraient être fonction d’un plan qui résulte de l’examen des choses qu’il faut faire, et non l’inverse64  ». M. Fraser a maintenu qu’il ne fallait pas confier l’élaboration de la politique halieutique à des économistes et à des experts financiers.

M. Wayne Strelioff fait écho aux observations de M. Fraser sur le leadership et la clarté de vision. À son avis, la clarté de vision est essentielle pour fixer noir sur blanc les objectifs qu’il faut atteindre :

Pour m’attarder un peu là-dessus, la clarté de vision suppose de décider si l’on veut maintenir tels quels nos peuplements de saumon et la diversité génétique ou non. Cherche-t-on plutôt à les reconstruire ou non? Prévoit-on de les laisser s’épuiser? Ce sont là des décisions clés, mais sans clarté ou sans une vision explicite de ce que l’on cherche à réaliser, il est très difficile pour ces précieux fonctionnaires et décideurs et administrateurs de savoir quoi faire et d’avoir des critères de réussite65.

Le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques du Pacifique s’est attardé à la question du leadership et de la vision parce qu’il craint de plus en plus que le gouvernement fédéral ne manque à ses obligations en matière de conservation et de gestion scientifique de la ressource. Particulièrement préoccupé par le saumon rouge du Fraser, il souhaite déterminer si le programme d’évaluation et de gestion en place permet de repérer et de régler les problèmes que de toute évidence ce poisson connaît. Aussi est-il tout à fait disposé, comme le prévoit son mandat, à fournir au Ministre avis et conseils sur les moyens d’améliorer les programmes d’évaluation et de gestion de manière à éviter les crises comme celle de 2004.

Pour la quatrième fois en 12 ans, la pêche au saumon du fleuve Fraser fait face à une crise d’envergure. Il y a déjà eu trois grandes enquêtes en plus de l’étude que le Comité a consacrée aux problèmes de la pêche dans le Fraser en 2001, et pourtant, une fois de plus, nous sommes confrontés à de graves problèmes dans la pêche dus à l’incapacité de s’assurer qu’un nombre suffisant de poissons atteignent les frayères. Arrivant à la fin de son étude, le Comité fait les constats suivants :

 Jusqu’à 1,6 million de saumons rouges sont disparus entre Mission et les frayères durant la remonte du Fraser en 2004.
 L’effectif global de frai (échappées de pré-saison) était inférieur de 73 % à l’objectif, et de 90 % dans le cas de la remonte hâtive de Stuart. Seulement 530 000 saumons rouges ont atteint les frayères. Compte tenu du cycle de quatre ans de l’espèce, on conclut que la pêche sera très restreinte ou nulle en 2008, et les prévisions pour 2012 et 2016 sont sombres.
 En 2004, durant la remonte hâtive de Stuart, la remonte du début d’été et la remonte d’été, la température de l’eau du Fraser était bien supérieure à la température moyenne pour les 60 années précédentes, et à certaines dates, a atteint ou dépassé la température maximale enregistrée depuis 60 ans.
 Une eau plus chaude augmente la fréquence des maladies, nuit à la nage des poissons et réduit leur capacité de récupérer après des contacts avec les filets; tous ces phénomènes peuvent accroître la mortalité.
 L’effort de pêche a augmenté en 2004 pour les raisons suivantes :
 onombre de jours où la pêche était ouverte,
 opêche illégale,
 onombre de filets dans le Fraser en amont de Mission,
 ocertaines pratiques, comme la durée pendant laquelle les filets étaient laissés à l’eau sans surveillance,
 otype d’engin utilisé.
 Les saumons rouges sont dénombrés deux fois : à la station hydroacoustique de Mission, puis dans les frayères. Toute inexactitude dans ces deux dénombrements aura un effet négatif sur la gestion de la pêche.
 L’effectif de remonte estimé à Mission était probablement inexact à cause de problèmes sporadiques de l’appareil de mesure et du comportement aberrant des poissons causé par l’eau chaude. L’amplitude de l’erreur est inconnue.
 Les poissons qui ont atteint les frayères ont vraisemblablement été sous-estimés, en partie parce qu’on a davantage eu recours à des inventaires visuels.
 Il y a plusieurs graves lacunes de données scientifiques concernant la remonte du saumon rouge dans le Fraser.
 Un grand nombre de poissons disparus ont été capturés dans des pêches autorisées ou non-autorisées en amont de Mission. La vente illégale de saumons a également eu lieu.
 Le MPO a été exagérément prudent dans ses rapports avec les Premières nations, par crainte de confrontation. Cette «  politique  » a donné lieu à une application inégale des règlements à tous les acteurs de la pêche dans le Fraser.

Par conséquent, le Comité conclut ce qui suit :

 Il n’y a pas un facteur unique pour expliquer la disparition de 1,6 million de saumons rouges.
 L’eau plus chaude du Fraser n’explique pas à elle seule l’effectif disparu.
 La température élevée de l’eau, combinée à d’autres facteurs comme l’augmentation de l’effort de pêche, a pu vraisemblablement causer une mortalité considérable des poissons durant la remonte vers les frayères.
 Toute pression due à la pêche durant des périodes où la température de l’eau atteint des niveaux record doit être évitée.
 La température élevée de l’eau du Fraser n’a pas été bien traitée par le ministère des Pêches et des Océans. Le MPO n’a pas de contrôle sur les facteurs physiques du milieu, mais il en a sur les décisions de gestion qui peuvent en atténuer l’impact. En particulier, le Ministère doit réviser sa politique d’ouverture et de fermeture de la pêche, et voir à appliquer équitablement cette politique à tous les acteurs de la pêche.
 La gestion de la pêche profiterait de la présence de stations de dénombrement plus exactes et plus nombreuses le long du Fraser.
 L’incapacité du MPO à clairement distinguer la pêche «  à des fins alimentaires, sociales et rituelles  » de la pêche de vente autochtone contribue grandement au problème d’application de la loi dans le Fraser.
 Le MPO doit appliquer les règlements de pêche strictement et également à tous les acteurs de la pêche dans le Fraser.
 L’application de la loi est insuffisante dans le Fraser à cause d’un manque de ressources, d’un manque de vision et d’un manque de leadership.

En décembre 2004, la Chambre des communes a défait une motion demandant au gouvernement du Canada de déclencher une enquête judiciaire indépendante pour déterminer la cause de l’effondrement des stocks du saumon rouge dans le fleuve Fraser66. Cette enquête sur la gestion des pêches au saumon rouge du Fraser en 2004 aurait pu porter sur l’application de la loi, l’exactitude et la fiabilité des diverses méthodes de dénombrement des effectifs du poisson, comme les pêches expérimentales en mer, les dénombrements dans le fleuve et les dénombrements d’échappées. Les tenants de la motion estimaient important de persuader le Ministère de prendre ses responsabilités au sérieux.

Au lieu de recommander une enquête judiciaire à ce moment, le Comité suggère une double démarche. D’abord, il a appris que si les recommandations des rapports Pearse-Larkin et Fraser ainsi que celles du rapport de 2003 de ce comité avaient été intégralement mises en œuvre, il n’y aurait pas de problème aujourd’hui. Après tout, tous les facteurs contributifs recensés dans ces deux rapports il y a 10 et 12 ans sont aujourd’hui invoqués pour expliquer la disparition du poisson en 2004. Le Comité croit donc qu’il faut procéder à l’examen des constatations et recommandations des enquêtes dont la gestion de la pêche au saumon rouge sur le Fraser a fait l’objet depuis 12 ans, incluant les recommandations du présent rapport. Cet examen doit revoir la mise en œuvre des recommandations et, s’il y a lieu, l’actualiser.

Deuxièmement, le Comité propose que le gouvernement du Canada a) investisse pour renforcer les moyens d’application des règlements, b) comble les lacunes scientifiques et c) établisse des postes de comptage supplémentaires et plus efficaces. Une somme de 25 à 30 millions serait un bon début.

En terminant, le Comité note qu’en dépit de la gravité des problèmes de la pêche au saumon rouge dans le fleuve Fraser en 2004 et des tensions entre les divers secteurs de cette pêche, tous les intervenants ont maintenant l’occasion de régler ces questions une fois pour toutes. C’est la quatrième fois en 12 ans : ce sera peut-être la dernière.

Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 1

Que, en accord avec le rapport de 1995 du Comité d’examen public du saumon rouge du Fraser, le ministère des Pêches et des Océans organise une direction de l’application des règlements dans la région du Pacifique, séparée de la gestion des pêches; et

Que cette direction soit dirigée par un directeur régional possédant une profonde expérience en la matière, faisant rapport à un sous-ministre adjoint pour l’application des règlements, et étant chargé de mettre en place et de maintenir une capacité d’application des règlements à un niveau de compétence et de couverture qui assurerait que le Ministre s’acquitte de son obligation de garantir la conservation et la protection des ressources halieutiques de la région du Pacifique du Canada.

Recommandation 2

Que le ministère des Pêches et des Océans ramène le nombre d’agents des pêches dans le bas-Fraser au moins au niveau le plus élevé de la période 1994-2003. Il faudrait aussi qu’il accorde à ses services de conservation et de protection toutes les ressources dont ils ont besoin pour
mener leurs activités d’application des règlements, et assumer sa responsabilité statutaire de conserver les ressources halieutiques, notamment pendant les périodes de fermeture de la pêche.

Recommandation 3

Que le ministère des Pêches et des Océans et le Conseil du fleuve Fraser adoptent et utilisent des directives plus rigoureuses pour pouvoir fermer la pêche quand la température de l’eau atteint un niveau dangereux. En particulier, le Ministère ne devrait pas hésiter à limiter toutes possibilités de pêche, tant en aval qu’en amont du pont de Mission, quand la conservation des stocks de poisson est en jeu.

Recommandation 4

Que le ministère des Pêches et des Océans entreprenne immédiatement une étude sur les effets des filets maillants dérivants et des filets fixes sur la mortalité des saumons migrateurs dans le Fraser. Il faudrait étudier notamment le phénomène de «  décrochage  » et les effets cumulatifs de la température élevée de l’eau. Entre-temps, le Ministère devrait interdire l’usage de filets dérivants en amont du pont de Mission en attente des résultats de l’étude recommandée.

Recommandation 5

Que le gouvernement du Canada charge un organisme indépendant d’examiner les constatations et les recommandations des rapports des 12 dernières années sur la gestion de la pêche au saumon rouge sur le Fraser, incluant celles du rapport de 2003 de ce comité à ce sujet et celles du présent rapport. Il devrait aussi avoir pour mandat de déterminer les recommandations qui ont effectivement été mises en œuvre et celles qui pourraient encore l’être;

Que le gouvernement du Canada consacre les ressources nécessaires à la mise en œuvre des recommandations issues de l’examen.

Le Comité croit que le CCRHP est l’organisme indépendant tout désigné pour mener cet examen; cette tâche cadrerait bien avec son mandat. Il est à noter que le CCRHP a été établi en réponse à une recommandation du rapport Fraser sur la pêche au saumon rouge de 1994. Après avoir reçu le témoignage du président et du conseiller scientifique du Conseil, le Comité estime qu’ils comprennent fort bien la situation.

Le Comité recommande en outre :

Recommandation 6

Que le gouvernement du Canada s’assure à titre prioritaire que la station hydroacoustique de Mission soit pourvue de la dernière technologie, et établisse des postes d’estimation acoustique supplémentaires à des endroits stratégiquement situés sur le fleuve Fraser et la rivière Thompson pour obtenir des relevés du nombre et de l’identité des poissons.

Recommandation 7

Que le ministère des Pêches et des Océans rétablisse le seuil de 25 000 poissons pour la méthode de marquage-recapture en vue de calculer l’échappée.

Recommandation 8

Que le gouvernement du Canada soutienne, finance et collabore avec un consortium scientifique établi pour étudier et combler les lacunes de données scientifiques sur la biologie et la gestion du saumon sauvage du Pacifique. Le Comité aimerait voir ce consortium établi comme Réseau de centres d’excellence et encourage le ministère des Pêches et des Océans à en devenir partenaire. Il faudrait s’intéresser en priorité aux lacunes suivantes :

 l’impact des températures élevées dans le fleuve Fraser et d’autres bassins versants de la Colombie-Britannique;
 les estimations quantitatives des poissons en frai;
 la mise au point de modèles de prévision des conditions du fleuve.

Recommandation 9

Que le ministère des Pêches et des Océans augmente les ressources et mette en place les protocoles pour éviter que les poursuites ne soient abandonnées pour cause de rupture de la chaîne de possession.

Recommandation 10

Que le ministère des Pêches et des Océans favorise la stabilité et la continuité corporative à la haute direction dans la région du Pacifique.

Recommandation 11

Que, en accord avec le rapport 2004 de la Commissaire à l’environnement et au développement durable, le Ministère des Pêches et des Océans recueille et analyse des données afin de disposer d’évaluations actualisées sur les habitats et les stocks de saumon du Pacifique qui n’atteignent pas les cibles fixées par le Ministère et qui sont en déclin.

Recommandation 12

Que le gouvernement du Canada assure et augmente le budget annuel du Conseil pour la conservation des ressources halieutiques du Pacifique afin de lui permettre d’engager du personnel professionnel et indépendant.

Les recommandations faites ci-haut, le sont tout en croyant que si elles sont entérinées, on s’attaquera aux problèmes systémiques qui ont mené à l’effondrement de la pêche au saumon rouge dans le fleuve Fraser. Il est par contre clair que la performance du MPO quant à la mise en œuvre de recommandations est inacceptable, et le Comité est inquiet du fait que ses recommandations pourraient être ignorées comme cela a été trop souvent le cas pour ses rapports précédents. Le Comité demande donc au Ministre une réponse écrite qui indiquera son intention de mettre en œuvre les recommandations de ce rapport. En raison du besoin de préparer la saison de pêche qui vient, le Comité demande que cette réponse se fasse dans les 60 jours suivant le dépôt de ce rapport. Si cet engagement ne nous parvient pas, ou s’il nous apparaît qu’en dépit d’un engagement, aucune action sérieuse n’est prise, le Comité utilisera tous les moyens possibles pour convaincre le gouvernement du Canada d’ordonner l’ouverture d’une enquête judiciaire sur la pêche au saumon rouge sur le Fraser et que cette enquête porte sur l’application des règlements, et d’autres enjeux liés à la gestion de la pêche en 2004.

Note de fin de rapport (page 1)

Si on assume que 1.6 million de poissons n’ont pas atteint les frayères en 2004, et si on utilise un ratio géniteur/adulte retournant en 2008 de 1 pour 2, on peut estimer que la remonte de 2008 pourrait être réduite de 3,2 millions de poissons. À un niveau d’exploitation de 50%, ceci se traduirait en perte de 1,6 million de poissons pour les pêcheurs. Si on utilise une valeur moyenne au débarquement par poisson pour le saumon rouge en Colombie-Britannique entre 2000 et 2004 de 10,13 $, ce manque à gagner réduirait la valeur totale au débarquement pour les pêches de saumons rouges du Fraser en 2008 de 16 208 000 $. Si on utilise ensuite un facteur de 2,4 pour inclure les marges provenant de la transformation, de la distribution et du commerce au détail,67 les pertes économiques directes en 2008 pourraient être estimées à 38 900 000 $. En utilisant finalement un ratio de retombées économiques de 2 pour évaluer l’activité économique additionnelle dans l’industrie en amont, les pertes économiques totales pourraient atteindre autant que 77 800 000 $.




1 Voir la note à la fin du rapport.
2 Pêches et Océans Canada, Réponse du gouvernement au sixième rapport du Comité permanent des pêches et des océans sur la pêche au saumon dans le fleuve Fraser, Ottawa, 2003,
http://www.dfo-mpo.gc.ca/communic/reports/fraser_2001/index_f.htm.
3 Procès-verbal de la séance du 4 novembre 2004 (no 6). Il est convenu, — Que le Comité se rende en Colombie-Britannique, du 25 au 29 novembre 2004, dans le cadre de son étude portant sur la pêche au saumon rouge dans le fleuve Fraser en 2004. Procès-verbal de la séance du 16 novembre 2004 (n7). Il est convenu, — Que l’ordre du Comité de voyager du jeudi 4 novembre 2004 soit annulé, et que 10 membres du Comité et le personnel nécessaire se rendent en Colombie-Britannique du 1er au 5 décembre 2004, dans le cadre de l’étude du Comité portant sur la pêche au saumon rouge dans le fleuve Fraser en 2004.
4 John Fraser, Témoignages du Comité, 2 décembre 2004.
5 R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075.
6 Peter H. Pearse et Peter A. Larkin, La gestion du saumon dans le Fraser, Sommaire, Ottawa, novembre 1992, p. 3.
7 Ibid.
8 R. c. Van der Peet, [1996] 2 R.C.S. 507; R. c. N.T.C. Smokehouse Ltd., [1996] 2 R.C.S, 672; R. c. Gladstone, [1996] 2 R.C.S. 723.
9 Vérificateur général du Canada, Rapport annuel de 1999, «  Pêches et Océans — Le saumon du Pacifique: la durabilité des pêches  », chapitre 20, Ottawa, 1999.
10Ibid., paragraphe 20.54.
11Ministère des Pêches et des Océans, Comité directeur externe, Examen de la gestion des pêches des saumons rouges du Fraser en 2002, Ottawa, 2003, p. 30-31. [TRAD.] «  La majorité des grosses populations présentent un cycle d’abondance quadriennal. Si les cycles des différentes populations ne coïncident pas nécessairement, les fluctuations de l’abondance de certaines populations (remontes tardives dans le cours inférieur de la rivière Adams et remontes estivales dans la rivière Quesnel) déterminent la tendance générale de ce qu’il est convenu d’appeler la «  dominance cyclique  ». La quantité totale des remontes pendant l’année dominante du cycle (2002, 1998, 1994, etc.) n’a jamais cessé d’augmenter depuis les années 1960, passant d’environ 3 millions de sujets en 1962 à près de 22 millions de sujets en 1990. Le même phénomène a été observé au cours de la même période pendant l’année sous-dominante (2001, 1997, 1993, etc.), c’est-à-dire l’année précédant l’année dominante.  »
12Le ministre de l’Environnement, après consultation avec le ministre des Pêches et des Océans, s’est prononcé contre l’ajout du saumon rouge des lacs Cultus et Sakinaw — qui représentent moins de un pour cent de toute la population de saumon rouge de la Colombie-Britannique — à la liste de la LEP, parce que cela pourrait entraîner des pertes de l’ordre de 125 millions de dollars d’ici 2008 pour l’industrie de la pêche au saumon rouge. De plus, cela pourrait avoir des répercussions importantes sur les pêches des Premières nations destinées à des fins alimentaires, sociales et rituelles, de nombreuses communautés du littoral dépendant de la pêche commerciale, de la pêche récréative, du tourisme et d’autres industries connexes. Les ministres prévoient plutôt protéger ces poissons à l’aide d’outils déjà en place, tels que la Loi sur les pêches.

Environnement Canada, Communiqué de presse, « Recommandations du ministre de l’Environnement sur l’inscription de nouvelles espèces dans la Loi sur les espèces en péril », 22 octobre 2004.
13Les prévisions sont effectuées en fonction de deux seuils, soit la probabilité que la remonte atteigne ou excède les niveaux prévus. Le seuil de 50 % représente une prévision plus optimiste, c’est-à-dire une remonte plus abondante, que celui de 75 % qui est plus prudent.
14Le comité comprenait des représentants des organismes suivants : Pêches et Océans Canada, Province de la Colombie-Britannique, Conseil pour la conservation des ressources halieutiques du Pacifique, British Columbia Aboriginal Fisheries Commission, Conseil consultatif pour la pêche récréative, représentants commerciaux du panel du Fraser, Commissaire canadien de la Commission du saumon du Pacifique et Sierra Club (organisme environnemental).
15Bureau du vérificateur général de la Colombie-Britannique, Communiqué de presse, «  Le vérificateur général affirme que la province devrait prendre des mesures énergiques pour assurer l’avenir du saumon sauvage en Colombie-Britannique  », 26 octobre 2004.
16Commissaire à l’environnement et au développement durable, Rapport annuel, Chapitre 5 — Pêches et Océans Canada — Le saumon : stock, habitat et aquaculture, Ottawa, 2004.
17Une version provisoire de la politique sur le saumon sauvage a finalement été communiquée aux fins de consultation en décembre 2004. On attend la version définitive de cette politique, qui ne porte que sur les salmonidés du Pacifique, pour le mois de mai 2005.
18Calculé à partir de la remonte de 2 352 930 poissons qui ont échappé à la capture en l’an 2000, et la ponte de 3 500 oeufs en moyenne par femelle. Ce calcul a été utilisé dans le rapport de 1994 sur le saumon rouge du Fraser.
19L’unité de conservation (UC) illustre la diversité géographique et génétique du saumon du Pacifique. Une UC est un groupe de saumons sauvages suffisamment isolés pour que, s’ils se perdent, il y a peu de chances qu’il y ait une recolonisation naturelle dans un délai acceptable. Une UC de saumons rouges correspond généralement à un lac, parfois à plusieurs ou à différents moments de la saison (remonte) à l’intérieur d’un même grand lac.
20Pêches et Océans Canada, Un cadre stratégique pour la conservation du saumon sauvage du Pacifique, Vancouver, décembre 2004.
21Les premières pêches expérimentales marines ont débuté dans les années 1960, pour des motifs de conservation. Elles visaient à établir si l’abondance du poisson permettait la pêche commerciale, et à combler les données qui manquaient entre les pêches commerciales. Elles ne visaient pas à établir l’effectif des remontes. Ces calculs dérivaient avant tout de l’analyse des débarquements commerciaux. De nos jours, la Commission s’appuie de plus en plus sur les pêches expérimentales pour évaluer les effectifs de remonte.
22Selon le «  First Nation Panel on Fisheries  », 32% des permis commerciaux canadiens de pêche au saumon sont détenus et opérés par des Autochtones. First Nation Panel on Fisheries, Our place at the table: First Nations in the B.C. Fishery, Vancouver, 2004, p.12.
23Sources :
 a)Pêches et Océans Canada, Région du Pacifique, Fraser River/BC Interior Area Resource Management and Stock Assessment, 3 décembre 2004.
 b)Commission du saumon du Pacifique, Conseil du fleuve Fraser, 13 octobre 2004.
 c)Pêches et Océans Canada, Région du Pacifique, Fraser River/BC Interior Area Resource Management and Stock Assessment, 30 novembre 2004.
24Ce chiffre peut être ventilé entre pêches ASR (361 242 saumons) et possibilités économiques des Autochtones du Fraser (267 800 poissons).
25Sources: Pêches et Océans Canada, Région du Pacifique, Fraser River/BC Interior Area Resource Management and Stock Assessment, et Commission du saumon du Pacifique, Conseil du fleuve Fraser.
26Reproducteurs potentiels.
27Comité d’examen public du saumon rouge du Fraser pendant la saison 1994, Saumon rouge du Fraser 1994: problèmes et divergences, Ottawa, 1995, p. 21.
28Blair Holtby, Témoignages du Comité, 4 décembre 2004.
29Tiré du plan d’estimation des échappées des stocks du début de l’été, MPO, 2004.
30Comité d’examen public du saumon rouge du Fraser pendant la saison 1994, Saumon rouge du Fraser 1994 : problèmes et divergences, Ottawa, 1995, p. 26.
31Blair Holtby, Témoignages du Comité, 4 décembre 2004.
32Ibid.
33Ibid.
34Anthony Farrell, Témoignages du Comité, 4 décembre 2004.
35Ibid.
36Voir la partie du rapport sur le contexte historique. En 1998, la Colombie-Britannique a confié à l’ex-premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, M. Brian Peckford, une enquête sur la gestion de la pêche au saumon rouge dans le Fraser. Le gouvernement fédéral n’y a pas participé. Brian Peckford, Reaching out… Final Report of the Peckford Inquiry, novembre 1998.
37Josh Duncan, Témoignages du Comité, 3 décembre 2004.
38Arnie Narcisse, Témoignages du Comité, 3 décembre 2004.
39Ne tient pas compte des captures illicites.
40Anthony Farrell, Témoignages du Comité, 4 décembre 2004.
41J.S. Macdonald, M.G.G. Foreman, T. Farrell, I.V. Williams, J. Grout, A. Cass, J.C. Woodey, H. Enzenhofer, W.C. Clarke, R. Houtman, E.M. Donaldson, D. Barnes, The influence of extreme water temperatures on migrating Fraser River sockeye salmon (Oncorhynchus nerka) during the 1998 spawning season, Canadian technical report of fisheries and aquatic sciences, no 2326, Burnaby, 2000, p. 19.
42Blair Holtby, Témoignages du Comité, 4 décembre 2004.
43Paul Sprout, Témoignages du Comité, 4 décembre 2004.
44Les deux expressions «  pêche non-autorisée  » et «  pêche illégale  » ont été employées durant les audiences, mais elles désignent la même chose et, pour parler comme un témoin, M. Bill Otway, «  la pêche est fermée à moins d’avoir été ouverte par voie de règlement, et la pêche sous n’importe quelle forme, pendant qu’il n’y a pas d’ouverture en vertu du règlement, est illégale. La pêche est illégale à moins d’être autorisée.  »
45Ken Malloway, Témoignages du Comité, 3 décembre 2004.
46Paul Sprout, Témoignages du Comité, 4 décembre 2004. Nous avons préféré utiliser le terme «  rituelles  » plutôt que «  cérémonielles  » dans le présent rapport parce que celui-ci fut utilisé originellement par la Cour suprême du Canada dans sa décision de 1990 dans l’affaire Sparrow.
47Chris Ashton, Témoignages du Comité, 2 décembre 2004.
48Sportfishing Defense Alliance, Mémoire au Comité, p.7.
49Bill Otway, Témoignages du Comité, 3 décembre 2004.
50Les Cheams appartiennent à la Première nation Stó:lõ, mais ils ont négocié un accord séparé avec le MPO.
51Il s’agit en fait du nombre de poissons pris entre Port Mann (en aval de Mission) et Sawmill Creek. Entre Mission et Sawmill Creek, 282 813 poissons ont été pris (voir le tableau 1).
52Scotty Roxborough, Témoignages du Comité, 4 décembre 2004.
53Ibid.
54Larry Wick, Témoignages du Comité, 2 décembre 2004.
55Reg Reeves, Témoignages du Comité, 4 décembre 2004.
56Murray Chatwin, Témoignages du Comité, 4 décembre 2004.
57R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075.
58Première nation Cheam, Cheam First Nation Salmon Fishing and Monitoring Plan, préambule, juillet 2004, p. 2.
59Paul Sprout, Témoignages du Comité, 4 décembre 2004.
60Pêches et Océans Canada, Pêche du saumon dans le sud — Examen de fin de saison 2004 — Cadre de référence BG-PR-04-067f, 18 novembre 2004.
61Don Radford, Témoignages du Comité, 4 décembre 2004.
62Avant la nomination de M. Paul Sprout comme directeur général régional (DGR) cet automne, le dernier DGR à occuper le poste de façon non «  intérimaire  » était Mme Petrachenko nommée en 1997.
63John Fraser, Témoignages du Comité, 2 décembre 2004.
64Ibid.
65Wayne Strelioff, Témoignages du Comité, 2 décembre 2004.
66Chambre des communes, Journaux, No 42, 38e législature, 1re session, 9 décembre 2004.
67Le gouvernement de Colombie-Britannique estime dans un rapport intitulé Strengths, Weaknesses, Opportunities and Threats: An Assessment of the BC Seafood Sector and Tidal Water Recreational Fishing — 2004, que la contribution économique des pêches de capture pour la province en 2002 en valeur des ventes au détail était 2,4 fois la valeur de débarquement des prises.