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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 7 décembre 2004




Á 1100
V         Le président (L'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.))
V         M. Guy Racine (maire, Préfet de la MRC Haute-Yamaska et porte-parole du front commun des maires, Ville de Granby)

Á 1105

Á 1110

Á 1115

Á 1120

Á 1125

Á 1130

Á 1135
V         M. Jean D'Amour (maire, Ville de Rivière-du-Loup)

Á 1140

Á 1145
V         Le président
V         M. Guy Racine
V         M. André Langevin (maire, Ville de Coaticook)

Á 1150
V         M. Guy Racine
V         M. Gilles Veilleux (représentant, Ville de Roberval)

Á 1155
V         M. Guy Racine
V         M. Claude Vigneault (maire, Municipalité des Îles-de-la-Madeleine)
V         Le président
V         M. Guy Racine
V         M. Jean Thériault (représentant, Ville de Baie-Comeau)

 1200
V         M. Guy Racine
V         M. Jean-Claude Patenaude (représentant, Ville de Saint-Hyacinthe)
V         M. Guy Racine
V         Mme Colette Roy Laroche (mairesse, Ville Lac-Mégantic)

 1205
V         Le président
V         M. Guy Racine

 1210
V         Le président
V         M. Vic Toews (Provencher, PCC)

 1215
V         M. Guy Racine
V         Le président
V         M. Guy Racine
V         M. Jean D'Amour

 1220
V         Le président
V         M. Serge Ménard (Marc-Aurèle-Fortin, BQ)

 1225
V         Le président
V         M. Serge Ménard
V         M. Robert Vincent (Shefford, BQ)
V         Le président
V         M. Guy Racine
V         Le président
V         M. David Christopherson (Hamilton-Centre, NPD)

 1230
V         Le président
V         M. Guy Racine
V         Le président
V         M. Serge Gosselin (conseiller municipal, Ville de Coaticook)
V         M. Guy Racine
V         M. Jean D'Amour
V         Le président
V         M. David Christopherson

 1235
V         M. Guy Racine
V         M. Jean D'Amour
V         Le président
V         M. Guy Racine
V         Le président
V         L'hon. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.)

 1240

 1245
V         M. Paul Crête (Montmagny—L'Islet—Kamouraska—Rivière-du-Loup, BQ)
V         L'hon. Denis Paradis
V         Le président
V         M. Guy Racine
V         Le président
V         M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC)

 1250
V         Le président
V         M. Guy Racine
V         Le président
V         L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.)

 1255
V         Le président
V         M. Guy Racine
V         Le président
V         M. Guy Racine
V         Le président
V         M. André Langevin
V         Le président
V         M. Serge Ménard

· 1300
V         Le président
V         M. Serge Ménard
V         Le président
V         M. Guy Racine
V         Le président
V         M. Guy Racine
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


NUMÉRO 012 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 7 décembre 2004

[Enregistrement électronique]

*   *   *

Á  +(1100)  

[Français]

+

    Le président (L'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)): Je déclare ouverte cette réunion du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile.

    Nous recevons les maires et les représentants des municipalités. Nous faisons une étude sur la fermeture de postes de la GRC en région. M. Racine, maire de la Ville de Granby, est le porte-parole.

    Monsieur le maire, je vous demanderais de nous présenter les représentants qui vous accompagnent.

    D'habitude, nous accordons une dizaine de minutes à nos témoins et nos invités pour qu'ils fassent leur présentation. Toutefois, je sais que vous devez céder la parole à chacun des représentants des municipalités. Je vous demanderais donc de faire vos présentations en 30 ou 40 minutes. Les députés pourront ainsi avoir le temps de poser leurs questions.

    Monsieur le maire Racine, vous pouvez commencer.

+-

    M. Guy Racine (maire, Préfet de la MRC Haute-Yamaska et porte-parole du front commun des maires, Ville de Granby):

    Merci beaucoup, monsieur le président de nous accueillir et d'accepter de nous entendre. Nous l'apprécions beaucoup.

    Avant de commencer et de présenter mes collègues, je voudrais prendre quelques instants pour souligner la présence des députés qui nous accompagnent aujourd'hui. J'espère que je n'en oublierai pas. Cette présentation est toute une affaire.

    Nous accompagnent M. Vincent, député de Shefford--ma circonscription--M. Crête, député de Montmagny—L'Islet—Kamouraska—Rivière-du-Loup, Mme Bonsant, députée de Compton—Stanstead, l'honorable Denis Paradis, de Brome—Missisquoi, qui a été un collaborateur de premier plan pour ce dossier. Ai-je oublié des députés?

    Une voix: Marc Boulianne.

    M. Guy Racine: Notons la présence de M. Marc Boulianne, député de Mégantic—L'Érable.

    Je m'excuse, j'ai fait le tour avec mes yeux un peu plus tôt. Pourtant, nous avons tous les deux la même coiffure. J'aurais dû m'en souvenir. Je m'excuse.

    On me dit que le député de Saint-Hyacinthe—Bagot, M. Loubier, sera présent dans quelques instants.

    Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aimerais également souligner la présence dans la salle de l'ex-députée de Shefford, Mme Saint-Jacques, qui a travaillé ardemment au dossier de la GRC, ainsi que M. David Price. Je les salue bien spécialement.

    Permettez-moi maintenant de vous présenter les maires et les représentants des maires qui nous accompagnent. Certains maires ne pouvaient être ici.

    Mentionnons donc le représentant de la Ville de Roberval, M. Gilles Veilleux; le maire de la Ville de Coaticook, M. André Langevin; un conseiller municipal de la Ville de Coaticook, M. Serge Gosselin; le représentant de la Ville de Baie-Comeau, M. Jean Thériault; le maire de la municipalité des Îles-de-la-Madeleine, M. Claude Vigneault; le représentant de la Ville de Saint-Hyacinthe, M. Jean-Claude Patenaude; la mairesse de la Ville de Lac-Mégantic, Mme Colette Roy Laroche; le maire de la Ville de Rivière-du-Loup, M. Jean D'Amour ainsi que sa directrice des communications, Mme Johanne St-Pierre.

    Je suis le maire de la Ville de Granby et le préfet de la MRC Haute-Yamaska. J'agis comme porte-parole du front commun des maires qui trouvent cette décision inacceptable.

    Voici comment je vais procéder, monsieur le président. En tant que porte-parole, je vous lirai le message qui résume l'ensemble du dossier. Ensuite, je céderai la parole pour une brève période, peut-être deux ou trois minutes, aux gens qui m'accompagnent, pour qu'ils puissent compléter l'information qui vous est livrée.

    Ensuite, nous aurons le plaisir de répondre à vos questions ou d'écouter vos commentaires.

    Avec votre permission, je procède.

    À la suite de l’annonce du 23 septembre 2004, les maires des villes touchées par les fermeturesdes postes de la GRC ont rencontré M. Pierre-Yves Bourduas de la GRC. Ce derniera expliqué que cette décision administrative visait le redéploiement des forces de la GRCpour mieux remplir son mandat.

    Cette annonce a été faite au même moment où l'opération Cisaille était menée dans le but de contrer la culture de la marijuana. La décision du gouvernement fédéral de fermerdes postes de la GRC dans neuf villes du Québec a donné lieu à la création d’unecoalition des maires des villes concernées ainsi que des préfets des MRC où se situentces postes de la GRC. Cette coalition est appuyée par les députés de ces comtés.

Á  +-(1105)  

    Les efforts concertés desmembres de ce groupe visent à demander au gouvernement fédéral un moratoire et derevoir cette décision.

    Le retrait de la GRC de nos communautés constitue une menace sérieuse pour lasécurité des populations concernées et crée une ouverture à l’augmentation de lacriminalité. La présence policière de la GRC favorisait un meilleur partenariat avec lesdifférentes instances de nos communautés et les corps de police locaux.

    De plus en plus, les activités criminelles s’étendent hors des grands centres, et lessignataires du présent rapport s’objectent à toute réorganisation qui vide les régions deleurs services, alors même qu’à tous les paliers, la décentralisation devient un outilmajeur pour assurer le développement local.

    Dans le rapport annuel du Service canadien de renseignements criminels, portant sur lecrime organisé au Canada en 2004, il est mentionné que les activités liées aux droguesillicites aggravent la violence d’une façon plus importante que n’importe quel autre typed’activité criminelle et que des coûts socio-économiques sont associés au commerce desdrogues illicites, tels que des crimes contre la propriété, des voies de fait et deshomicides.

    Ce même rapport souligne que les produits illicites sont cachés dans l'important mouvement légitime commercial et voyageur, introduits par des points d'entrée aux douanes désignées ou passés furtivement en contrebande dans les vastes étendues de zones frontalières moins surveillées. Il indique aussi que les criminels organisés exploiteront les zones moins surveillées. Il est à noter que le comité exécutif du Service canadien de renseignements criminels est présidé par le commissaire de la GRC.

    Parlons de Baie-Comeau et de sa région. Près de 600 kilomètres séparent Baie-Comeau de la frontière du Labrador, que l'on peut atteindre par la route 389 en milieu non urbain et non surveillé, laissant la voie libre aux nombreux trafiquants de stupéfiants. Le poste de la GRC le plus près est à Sept-Îles, soit à 240 kilomètres, laissant Baie-Comeau sans service de police fédérale. Le poste de la Sûreté du Québec de Baie-Comeau ne compte que quatre policiers affectés à l'escouade du crime organisé qui s'occupe des stupéfiants sur une distance de plus de 900 kilomètres de route, c'est-à-dire 600 kilomètres qui séparent Baie-Comeau de la frontière du Labrador, 200 kilomètres qui la séparent de Tadoussac et 120 kilomètres qui la séparent de Baie-Trinité.

    Depuis la fermeture du poste de la GRC de Baie-Comeau, des informations confidentielles veulent que le volet maritime ne soit aucunement surveillé. De plus, aucun projet conjoint entre la Sûreté du Québec et la GRC n'est envisagé pour Baie-Comeau. De tels projets conduisaient, antérieurement, à des arrestations pour trafic ou possession de drogue dans le but de faire du trafic. Ces opérations conjointes permettaient de mieux lutter contre la drogue.

    Depuis le 11 septembre 2001, la priorité de la GRC est centrée aux entrées frontalières, laissant les voies maritimes sans grande surveillance. Le personnel en poste à Sept-Îles est composé d'un responsable et de trois gendarmes, et ceux-ci doivent couvrir le territoire qui s'étend de Tadoussac à Blanc-Sablon et de Schefferville à Anticosti. La charge de travail étant déjà excédentaire pour la seule région de Sept-Îles, la surveillance maritime est inexistante actuellement dans cette région. Le personnel qui était en poste à Baie-Comeau ne fut pas transféré à Sept-Îles mais bien dans différentes provinces au Canada. Des huit gendarmes qui étaient en poste à Sept-Îles, ils ne sont plus que quatre. Les trafiquants à Baie-Comeau, pouvons-nous affirmer, ont la voie libre via la voie maritime.

    Pour la ville de Baie-Comeau, tout le volet maritime du fleuve Saint-Laurent est laissé carrément sans surveillance. Beaucoup de stupéfiants transigent par les bateaux circulant dans ses eaux et fréquentant le port de Baie-Comeau, le quai d'Alcoa et celui de Cargill Ltée.

Á  +-(1110)  

    Le quai fédéral a accueilli 68 bateaux en 2003, Alcoa, 78 et Cargill, 119. Ces bateaux proviennent de l'Algérie, du Brésil, de la Suède, de l'Asie et des États-Unis.

    Pour Baie-Comeau, malgré les efforts de la Sûreté du Québec, le personnel y est nettement insuffisant. Quatre policiers sont assignés à l'escouade du crime organisé. Ils doivent aussi assurer la surveillance des routes 138 et 389 conduisant au Labrador. Cela laisse ainsi libre cours aux trafiquants de stupéfiants.

    La population de la MRC Manicouagan, dont fait partie la ville de Baie-Comeau, est de 31 479 résidents. À ce nombre, il faut ajouter 3 600 autochtones qui représentent 11,4 p. 100 de l'ensemble de la population.

    Parlons de Coaticook. La MRC de Coaticook compte 18 500 habitants et serait désormais desservie par la GRC de Sherbrooke qui est située à 35 kilomètres, soit à 40 minutes en temps de transport. Les producteurs agricoles de la région de Coaticook sont aux prises avec les producteurs de « pot » qui envahissent leurs terres et leurs champs de maïs.

    La MRC de Coaticook, pour la situer, longe la frontière américaine, soit les États du Vermont et du New Hampshire, sur une distance de 30 kilomètres. Cette frontière sera laissée sans surveillance à partir des trois postes douaniers qui sont situés sur les routes 253, 141 et 147. Finalement, dans le secteur de Coaticook, les routes 253 (East Hereford – Beecher Falls), 141 (Hereford et Canaan), ainsi que la route 147 (Stanhope) sont non gardées.

    Parlons de la ville de Granby et de sa région. La GRC y était présente depuis 1949 et y représentait une présence essentielle. Granby ne comptait plus que trois agents pour couvrir un territoire très vaste, comptant trois postes frontaliers. Le lendemain de l'annonce, la bâtisse de la GRC était littéralement couverte de graffitis indiquant « bon débarras ». Il ne manquait que les applaudissements.

    La députée Shefford en 2003, Mme Diane St-Jacques, avait obtenu, avec l'aide des maires, des préfets et dirigeants de la GRC, de la Sûreté du Québec et des sûretés municipales, l'assurance du gouvernement que le poste de Granby resterait ouvert.

    On nous avait dit que la GRC devait consulter les députés, les maires et les autres intervenants avant de prendre quelque décision que ce soit. Nous avons plutôt été mis devant le fait accompli sans qu'aucune consultation n'ait eu lieu, en prétextant qu'il fallait redéployer les forces dans des villes centres.

    Dans ce contexte, on peut légitimement se demander ce que Drummondville a de plus que Granby comme ville centre. Ce choix nous semble injustifié.

    La fermeture du poste de la GRC représente une perte terrible pour la ville et la MRC, car en l'absence d'une présence policière forte, l'espace est ouvert pour le crime organisé et les criminels de tout acabit. Le gouvernement laisse ainsi libre cours à la culture du cannabis, au trafic de stupéfiants, à l'alcool de contrebande, aux gangs de motards, au terrorisme, tout en rendant plus difficile l'application de plus de 130 lois fédérales.

    À Granby, notre service de sûreté municipale collaborait avec la GRC de façon quasi quotidienne sur divers dossiers: bandes de motards criminalisés, trafic de stupéfiants, alcool de contrebande, enquêtes criminelles, et j'en passe.

Á  +-(1115)  

    Doit-on conclure qu'on veut faire de la place au crime organisé en région? Car on considère que cette fermeture est une invitation au crime organisé de se pointer en Estrie, dans nos régions où les frontières sont ouvertes.

    La Sûreté du Québec et les corps policiers municipaux sont incapables de prendre l'entière relève sur le territoire ainsi déserté. Avec le manque d'effectifs à la Sûreté du Québec à cause de la refonte de la carte policière en 2002, 174 services de police municipaux ont procédé à des fusions, pour aboutir à 44. L'insatisfaction des villes desservies par la Sûreté du Québec est généralisée, et la tâche de la sûreté municipale est augmentée. Qui donc finira par payer? Le citoyen. Il en coûtera plus cher pour augmenter les services policiers municipaux, car la Sûreté du Québec n'a pas assez d'effectifs, et la GRC, elle, ferme ses bureaux.

    Les citoyens paient des taxes municipales pour les sûretés municipales, des impôts au Québec pour les services de sécurité du Québec, et des impôts au fédéral pour les services de la GRC. Mais là, nous nous retrouvons dans une situation où nous n'avons plus les services et où, en plus, on ne nous consulte pas.

    Il y a même des membres du personnel de la GRC qui affirment que les effectifs sont nettement insuffisants pour lutter contre le crime organisé. La preuve en est qu'à Granby, on est passés de six agents à trois en un an. La ville de Granby compte 46 500 habitants au coeur même de la MRC Haute-Yamaska, qui regroupe 78 000 habitants. On deviendra un endroit par excellence pour le monde du crime organisé. On est près de tout, mais on devient également loin de tout.

    Pour ce qui est des Îles-de-la-Madeleine, les instances policières provinciale et fédérale sont au fait qu'une filière fréquemment utilisée pour le négoce de stupéfiants est l'espace marin. Or, le territoire des Îles-de-la-Madeleine étant situé en plein coeur du golfe Saint-Laurent, les agents de la GRC étaient vigilants pour contrer le trafic maritime et aérien des trafiquants. On peut donc prévoir la prolifération de la contrebande de stupéfiants une fois l'espace marin libéré de la surveillance de la GRC.

    Aux Îles-de-la-Madeleine, la fermeture du bureau de la GRC affectera la surveillance du trafic maritime et aérien de contrebande pour les stupéfiants, et les affrontements entre les chasseurs de loups marins et les activistes opposés à la chasse risquent d'augmenter.

    Donc, dans les Îles-de-la-Madeleine, il s'agit principalement de l'espace marin qui sera non surveillé pour contrer le trafic possible par voie navigable ou aérienne.

    En ce qui concerne la région de Joliette, le détachement de la MRC de Joliette y est établi depuis 1949. Il y a deux ans, Joliette pouvait compter sur des effectifs de plus d'une douzaine de personnes pour desservir son territoire. Cette année, ils ne sont plus que quatre et, demain, il ne restera personne.

    Joliette ne peut souscrire au plan concocté par la direction qui fera en sorte que les services policiers pour la MRC seront concentrés à Saint-Jérôme ou à Trois-Rivières. Le territoire sera ainsi orphelin, sans service policier fédéral à proximité. Pourtant, comme partout ailleurs, le crime n'est pas en recul. C'est toute la région de Lanaudière qui sera privée d'un service. De plus, la communauté paie des impôts qui devraient lui assurer les mêmes services qu'ailleurs.

    La région de Joliette sera pénalisée doublement, d'abord par la perte d'effectifs dont les citoyens ont défrayé les coûts, et ensuite parce qu'il faudra augmenter le nombre d'agents soit au niveau provincial ou au niveau municipal pour obtenir la même quantité et la même qualité de services. Il est de notoriété publique que la baisse d'effectifs policiers a toujours eu comme conséquence une hausse de la criminalité.

Á  +-(1120)  

    La population s'inquiète, puisqu'il semble que l'on soit déjà en train de vider les lieux en catimini. Déjà, le bureau de la GRC ne prend plus d'appels pour des plaintes, mais les réfère plutôt à Saint-Jérôme.

    Le poste de la GRC de Joliette est-il effectivement fermé, et procède-t-on à la liquidation avant même que nous ayons pu être entendus par le Comité permanent de la justice? Les démarches entreprises le sont-elles pour la forme ou pour laisser croire qu'on peut encore influencer la décision?

    Ce que je dis pour Joliette, on l'a déjà entendu pour Granby et pour les Îles-de-la-Madeleine. Vous allez voir dans le reste de la présentation, qui achève, que cela va se répéter. Le démantèlement est commencé, et nous sommes devant le comité aujourd'hui pour être entendus. C'est un peu ironique, mais nous avons les preuves dans nos régions que ce démantèlement est commencé.

    Dans Lanaudière, les policiers de la GRC traitaient près de 250 dossiers par année et menaient une centaine de perquisitions. Les statistiques des dernières années sont là pour en témoigner.

    Nous nous opposons donc à la fermeture du poste de la GRC à Joliette. Nous ne voulons pas être traités comme une région de seconde zone. Nous sommes une région de plein droit et nous revendiquons les mêmes droits et privilèges que les autres régions du Québec et du Canada. Nous exhortons donc le gouvernement à laisser le poste et les policiers en place. Le milieu lanaudois se doit d'être traité équitablement. Nous exigeons les mêmes services qu'ailleurs, c'est notre droit le plus strict.

    Comme je vous le mentionnais, la même phrase aurait pu se répéter de ville en ville.

    Passons à la ville de Lac-Mégantic. La GRC y est présente depuis plus de 50 ans. Les méthodes des groupes criminalisés évoluent, mais ces derniers se retrouvent de plus en plus à l'échelle locale, en milieu rural, sous des formes plus insidieuses. Pour la MRC du Granit, la faible densité de population, l'accessibilité et l'isolement des terres cultivées et forestières favorisent la culture du cannabis ainsi que le commerce et la distribution de ce produit. Cette région représente une porte privilégiée pour l'exportation de la production de cannabis en échange d'autres stupéfiants en provenance des États-Unis. La proximité avec la frontière canado-américaine, 31 kilomètres, et le redéploiement des agents de la GRC à Sherbrooke, à 130 kilomètres de Lac-Mégantic, et à Saint-Georges de Beauce, à 110 kilomètres de Lac-Mégantic, fera en sorte qu'ils ne seront plus en mesure d'effectuer des patrouilles préventives régulières le long de la frontière. La frontière canado-américaine s'étend sur 171 kilomètres le long des États du Maine et du New Hampshire. Les grandes distances à parcourir réduisent de façon importante la capacité d'intervention rapide des agents lorsqu'ils doivent répondre aux appels d'urgence des douaniers et des agents d'immigration.

    La fermeture des postes de la GRC pour les municipalités frontalières permettra aux groupes criminalisés, aux passeurs d'immigrants clandestins et aux organisations terroristes d'opérer plus aisément. Les bureaux de la GRC dans nos municipalités et les patrouilles préventives sur le territoire sont des éléments dissuasifs dans la lutte au crime organisé. La réorganisation du gouvernement affaiblit donc l'action policière dans les régions rurales.

    La ville de Rivière-du-Loup et la région comptent près de 90 000 habitants, et la frontière est partagée avec les États-Unis sur approximativement 100 kilomètres. La situation géographique en fait une zone très étendue dont les zones urbanisées sont concentrées. Les routes secondaires et les rangs deviennent des lieux de prédilection pour la pratique d'activités illicites, notamment en raison de l'isolement et de la faible densité de population. Les principales activités criminelles observées en région touchent notamment la drogue--culture, distribution et vente--, la contrebande de boissons et de cigarettes, et le vol en réseau. La fermeture du poste de la GRC place la région dans une position de vulnérabilité, car elle sera à découvert.

Á  +-(1125)  

    La présence d'un gang de motards bien connu dans le secteur de La Pocatière confirme que les organisations criminelles ne sont plus actives exclusivement dans les grands centres, mais que les communautés régionales y sont également confrontées.

    La région de Rivière-du-Loup regroupe des infrastructures qui favorisent et facilitent le transbordement de marchandises illicites, que ce soit en raison de la présence d'un aéroport, des installations à quai ou du réseau routier. Avec la fermeture des postes de la GRC, les services municipaux de sécurité publique se voient confier des responsabilités additionnelles sans détenir l'expertise requise pour enquêter en vertu des multiples lois fédérales complexes, d'autant plus que ce type de mandat ne cadre pas avec le niveau de service.

    De plus, des activités criminelles viennent s'accomplir dans les villes, mais la source se trouve dans des municipalités avoisinantes, où les policiers locaux n'ont pas la juridiction pour intervenir. Dans la même foulée, plusieurs municipalités déplorent actuellement la diminution du nombre de patrouilles de la Sûreté du Québec dans leurs villes depuis l'abolition de leur corps de police municipale.

    La région de Rivière-du-Loup compte plusieurs routes et sentiers non gardés dans les secteurs de Pohénégamook, du Témiscouata et de Kamouraska qui sont accessibles par divers moyens de transport, comme les quatre roues motrices, les motoneiges, etc.

    L'abolition de services se traduit inévitablement par l'addition de coûts pour nos citoyens.

    Pour ce qui est de Roberval, la priorité que prétend accorder la GRC au dossier autochtone nous ouvre aussi à beaucoup de questionnements. Que les communautés autochtones voisines des grands centres urbains soient desservies adéquatement, peut-être, mais qu'en est-il des communautés plus nordiques comme les Innus, les Cris, les Atikameks?

    Les statistiques démographiques sont connues. Une famille québécoise non autochtone donne naissance à 1,43 enfant par famille, alors que les familles autochtones du Québec donnent naissance à 4,3 enfants par famille. Trente pour cent de la population de ces communautés a moins de 16 ans, avec toute la détresse sociale--alcoolisme, toxicomanie, suicides, abus sexuels--que vivent ces communautés. Pour assurer le suivi de ces problématiques, la GRC n'a comme stratégie connue que de fermer des postes voisins de ces communautés. Ils ne se rendent sûrement pas compte de la fragilité de la situation.

    Personne ne peut se réjouir de cette situation, mais la présence de la GRC sur des terres fédérales est essentielle. La Sûreté du Québec doit soutenir la GRC et les corps policiers autochtones, mais la responsabilité de soutien aux corps locaux est tout d'abord fédérale. Dans ce contexte géopolitique, quel message le gouvernement canadien livre-t-il aux régions du Québec et aux communautés autochtones?

    Enfin, avant de conclure, j'aimerais parler de la région de Saint-Hyacinthe. La région de Saint-Hyacinthe est aux prises depuis plusieurs années avec le squattage des terres agricoles par le crime organisé dans le but de cultiver de grandes quantités de cannabis. Avec la présence d'un bureau de la GRC au cours des dernières années, la situation s'était grandement améliorée. La GRC représente un élément dissuasif important dans la lutte au crime organisé. L'échange de renseignements et d'informations entre la GRC et la Sûreté du Québec est presque quotidien.

    En conclusion, monsieur le président, les maires demandent au solliciteur général de décréter un moratoire sur la décision annoncée concernant le redéploiement des ressources de neuf détachements de la GRC au Québec, d'autant plus que cette décision a été prise sans aucune véritable consultation. Ils invitent le solliciteur général à revoir le dossier, à surseoir à cette décision et à redonner aux municipalités le nombre d'effectifs nécessaire pour réaliser les mandats qui incombent à la GRC.

Á  +-(1130)  

    En procédant à la fermeture de neuf postes de la GRC au Québec, le gouvernement canadien envoie un message clair aux groupes criminalisés: « Venez en région, il n'y a plus de surveillance ». La nouvelle orientation préconisée par le gouvernement dans le dossier de la GRC semble relever davantage d'une opération de management interne que d'un réel souci de mieux protéger les frontières et de contribuer à la répression du crime organisé et du terrorisme.

    Une analyse complète des mouvements criminels qui transitent par les régions est urgente, à moins qu'elle n'existe déjà et qu'on en ait fait fi. Il semble peu plausible que l'utilisation de la détection aux frontières soit aussi efficace et performante que la patrouille systématique. Les Américains, vous le savez, l'ont rapidement constaté le 11 septembre 2001. À la suite des événements atroces et tragiques de New York, les médias ont mis en lumière le fait que l'administration américaine aurait peut-être trop privilégié le renseignement au profit d'une présence plus dissuasive sur le terrain.

    Aucune surveillance par détection ou technique privilégiant le renseignement ne pourra être aussi dissuasive qu'une présence sur le terrain. On doit redonner aux régions le nombre minimal d'agents et les budgets nécessaires afin de lutter efficacement contre la criminalité et les problèmes sociaux qui en découlent. En perdant les effectifs de la GRC dans nos municipalités, nous perdons la synergie qui unit nos corps policiers et les intervenants du milieu.

    Cette décision est décriée par tous: les maires des neuf villes concernées, les préfets des MRC, l'Association des policiers provinciaux, la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec, la Fraternité des policiers de la Montérégie ou l'Association de la Gendarmerie royale du Canada au Québec. Nous demandons de façon unanime que cette décision soit renversée ou, à tout le moins, qu'un moratoire soit décrété dans le but de réexaminer le tout.

    Nous demandons qu'on nous assure que nos impôts nous procurent les mêmes services qu'ailleurs. La criminalité et le milieu du crime organisé n'ont pas de région, de ville, de frontière. Ils n'ont pas besoin de faire l'objet d'études ou de consultations ou encore d'être entendus par des comités pour agir. Ils sont là où nous ne sommes pas. Ils recherchent le maillon faible. Ne leur laissons pas la place car, soyez-en convaincus, ils vont la prendre si ce n'est déjà fait.

    Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de votre attention. Si vous le permettez, je vais céder la parole aux représentants et maires qui m'accompagnent. Ils vont compléter la brève description que je vous ai donnée de l'ensemble des régions. Je vais commencer par le maire de Rivière-du-Loup, M. D'Amour.

Á  +-(1135)  

+-

    M. Jean D'Amour (maire, Ville de Rivière-du-Loup): Merci beaucoup, monsieur Racine. Mesdames et messieurs, je veux d'abord vous remercier de nous recevoir ce matin. Il s'agit d'un sujet particulièrement important pour nous.

    Je vais d'abord préciser que chez nous, la présence de la GRC remonte à 1932. À l'époque, nous avions neuf policiers; de neuf, nous sommes passés à sept, puis à deux. On vient finalement de nous dire qu'avec deux personnes ressources seulement, on ne peut pas desservir adéquatement le territoire. Je ne peux pas faire autrement qu'être d'accord. Avec deux personnes, comment voulez-vous qu'on fasse un travail convenable?

    Je n'ai pas l'intention de revenir sur ce que disait plus tôt mon collègue M. Racine au sujet de Rivière-du-Loup. Simplement pour préciser le contexte, je vous dirai que Rivière-du-Loup est à une centaine de kilomètres des provinces Atlantiques et à une centaine de kilomètres de l'entrée vers le Maine. Nous sommes propriétaires d'un aéroport et nous avons près de chez nous un port en eaux profondes, soit le port de mer de Gros-Cacouna.

    Bref, en ce qui concerne Rivière-du-Loup, les entrées sont particulièrement nombreuses. Si on parle de la centralisation à Rimouski et à Saint-Georges de Beauce des activités de la GRC, je préciserai que Rimouski se situe à environ 120 kilomètres de Rivière-du-Loup, et Saint-Georges de Beauce, à 277 kilomètres. Vous pouvez imaginer le genre de situation que cela amène chez nous.

    M. Bourduas, à qui on a demandé comment la GRC allait continuer à protéger les routes qui sont déjà protégées et protéger les 100 ou 150 accès répartis sur le territoire qui ne le sont pas, nous a dit que cela pouvait se faire par des moyens électroniques. Il nous a dit--et je me permets de répéter ses propos--que l'accès par certaines routes était contrôlé électroniquement et que les agents de GRC faisaient des vérifications. Lorsqu'il s'agit d'un chevreuil, ils ne se déplacent pas, mais ils le font s'ils remarquent la présence de circulation régulière. Est-ce qu'on peut s'imaginer un contrebandier décidant que le mardi matin à 9 heures est son jour et son heure? Je ne pense pas. Chez nous, cette situation provoque beaucoup d'inquiétude.

    En fin de compte, j'ose vous dire qu'à l'heure où il n'y a jamais eu autant de drogues et de stupéfiants sur le territoire, la GRC, par les gestes qu'elle pose aujourd'hui, c'est-à-dire son processus de redéploiement, va relancer comme jamais l'industrie du crime. Cela nous inquiète. Aujourd'hui, il y a des écoles primaires où on retrouve de la drogue. Je ne sais pas si cela vous inquiète, mais moi, particulièrement en tant que maire et père de quatre enfants, cela m'interpelle.

    Je vais maintenant parler des effets que cette situation entraîne à l'égard des corps policiers, qu'il s'agisse de services municipaux ou de la Sûreté du Québec. Je préciserai d'abord qu'un service de police municipal n'a pas toute l'expertise que possède la GRC. Pour mener des enquêtes en vertu des lois fédérales, qui sont particulièrement complexes--d'autant plus que ce type de mandat ne cadre pas non plus avec le niveau de service, comme je l'ait dit plus tôt--, notre service de police se voit confier des responsabilités additionnelles parce que le détachement de la GRC de Rivière-du-Loup s'est fait retirer certains mandats: pensons ici au transport et à l'arrestation de personnes suspendues de leur libération conditionnelle fédérale. En outre, depuis que le bureau de la GRC ne reçoit plus les dossiers de contrefaçon, c'est le Service de la sécurité publique de Rivière-du-Loup qui doit les transmettre à la GRC, à Rimouski.

    Je dois dire aussi que bon nombre de municipalités et de villes du Québec dénoncent actuellement la faible présence de la Sûreté du Québec sur leur territoire. On ne s'en cachera pas. Prenons par exemple la MRC de Rivière-du-Loup. À l'heure actuelle, il n'y a qu'un véhicule de patrouille, et il arrive parfois, lorsque des policiers ou policières doivent prendre des congés, que le territoire soit desservi par la MRC de Kamouraska. Cela ne nous rassure pas beaucoup, sans compter qu'au cours des six ou sept dernières années, l'escouade assignée au crime organisé, qui avait pignon sur rue chez nous, a été centralisée à Rimouski. C'est encore là une belle affaire. Toutes ces dénonciations du côté de la Sûreté du Québec n'ont, elles non plus, rien de rassurant.

    Le 25 novembre 2004, donc tout récemment, une nouvelle a été publiée dans les médias. Elle révélait l'intention de la SQ de réduire de 11 à 2 ses centres d'appel actuellement répartis dans les différentes régions du Québec. J'ai l'impression que lorsque ce sont les villes qui payent, les gouvernements disent que l'atteinte du niveau 1 comporte de nombreuses exigences pour les services de police municipaux, mais que lorsqu'il s'agit de la Sûreté du Québec ou de la GRC--et c'est d'elle qu'on parle aujourd'hui--et que c'est le gouvernement qui paye, on fait alors des redéploiements.

    J'ai étudié cette question de façon relativement exhaustive avec les membres de notre conseil au cours des dernières semaines et je serais tenté de vous dire qu'on parle ici de la GRC au service de la GRC. Je me rapporte directement aux propos de M. Bourduas. Il nous a dit devoir rationaliser, donc appliquer des réductions. Or, c'est dans les régions qu'on rationalise.

    Les études qui ont été réalisées, entre autres un document de l'ENAP que nous pourrons déposer, font allusion à ce phénomène. En fin de compte, si on ouvre les régions, les grands centres vont pouvoir s'approvisionner plus facilement en stupéfiants.

Á  +-(1140)  

    Cela va plus loin encore. Sans être irresponsable, je vais pousser un peu plus loin. Mon collègue faisait allusion au 11 septembre un peu plus tôt. Nous avons des frontières communes avec les États du Vermont, du New Hampshire et du Maine. Le président Bush était chez nous la semaine dernière. On a parlé de protection des frontières. M. Jean Lapierre a fait un discours, au début du mois d'octobre, à la tribune de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je l'ai entendu, j'étais assis à côté de lui. Le plus important pour lui, en tant que ministre des Transports, est la protection des frontières afin de protéger notre commerce international, notre commerce avec les États-Unis, ce qui est tout à fait légitime. M. Lapierre a été très surpris quand je suis allé le voir par la suite et que je lui ai dit que nous n'avions jamais été consultés à ce sujet. Je lui ai dit que nous trouvions que son discours était tout à fait responsable dans les circonstances, particulièrement depuis les événements du 11 septembre, mais que nous n'avions jamais été consultés.

    Je vous invite à demander à M. Jacques Chagnon, ministre de la Sécurité publique du Québec, s'il a été consulté à cet égard. Je l'ai rencontré il y a un mois et je lui ai posé la question. Vous serez surpris de sa réponse si vous lui posez la question. Il m'a dit qu'il a été informé, mais qu'il n'a pas été consulté, lui, le ministre de la Sécurité publique.

    Va-t-on laisser cela entre les mains d'une structure? J'ai beaucoup d'estime et de respect pour M. Bourduas. Je comprends qu'il a des budgets à respecter, mais cela ne doit pas se faire sur le dos des régions du Québec. J'ai beaucoup de difficulté à accepter cela et je vais dénoncer cette situation sur toutes les tribunes.

    La semaine dernière, des tenanciers de bar sont venus me voir à mon bureau. Ils s'inquiétaient de la possibilité qu'un groupe criminel s'installe chez nous en achetant d'autres bars. Je vis cette réalité. Je suis maire d'une ville. L'une de mes premières responsabilités, tout comme pour mes collègues, est la sécurité du public. Que des propriétaires de bars nous interpellent pour nous dire de faire attention à ce qui s'en vient m'inquiète sérieusement.

    Les effets sur le milieu sont nombreux. M. Racine a fait allusion un peu plus tôt au rapport annuel du Service canadien de renseignements criminels. Ce service est présidé par M. Bourduas. Lisez le rapport et regardez le projet de redéploiement. Vous allez constater des incohérences et des absurdités qui parlent d'elles-mêmes.

    Je ne vais pas m'éterniser, j'achève, rassurez-vous.

    On croit comprendre ceci: il semble que la GRC justifie la fermeture du détachement de Rivière-du-Loup par le fait qu'au cours des dernières années on a réduit les budgets. Le détachement de Rivière-du-Loup a subi d'importantes réductions budgétaires. On a retiré des mandats. Ayant moins de latitude budgétaire, on n'a plus les moyens de faire des enquêtes, à un moment où il y a une plus grande quantité de stupéfiants que jamais auparavant sur le territoire. On n'a qu'à écouter les nouvelles. Tous les jours des informations nous sont transmises à cet égard. Il est beaucoup plus facile par la suite de justifier des coupures de postes en prétendant que le bureau est moins efficace.

    Je vais vous raconter ce qu'on a vécu chez nous. Cela nous a pris aux tripes. On apprend par les médias que, suite aux rencontres et aux échanges que nous avons eus à Québec, les bureaux de la GRC de certaines régions pourraient fermer plus rapidement. Imaginez-vous! Nous nous sommes rencontrés au cours des premiers jours du mois d'octobre et nous avons fait des représentations. Le 22 octobre, on est venu chez nous, à Rivière-du-Loup, faire un inventaire des équipements. Je vous invite à vérifier cela. Pire encore, il y a eu un cas de mépris flagrant. Le 1er novembre, un avion a atterri à Rivière-du-Loup avec à son bord six personnes. En comptant le pilote, il y avait donc sept personnes. On venait fermer le bureau à Rivière-du-Loup. On est reparti Gros-Jean comme devant parce qu'on a appris qu'il y avait encore des enquêtes en cours. Comme si le téléphone n'existait pas!

    Nous, les maires des villes, devons vivre de telles situations. Cela veut dire que le corps policier chez nous va devoir être encore plus vigilant à l'heure même où la Sûreté du Québec—on ne se le cachera pas—est de moins en moins présente. Et voilà que le cas de la GRC s'ajoute à cela.

    C'est la conclusion à laquelle j'en viens. C'est comme si les autorités municipales disaient ceci à notre déneigeur: « Il y a trois quartiers dans la ville de Rivière-du-Loup, Saint-François, Saint-Patrice, Saint-Ludger. Dorénavant, par souci d'économie, tu vas laisser faire Saint-Ludger. Quand il y aura des tempêtes, on va t'appeler, tu iras à Saint-Ludger. Le reste du temps, laisse faire. On doit rationaliser. » C'est ce que fait la GRC. Elle déclare redéployer ses effectifs dans les grands centres et ne se rendre dans les petites localités que si celles-ci dénoncent des choses particulières. Je n'accepte pas cela, pas du tout.

    Je vous remercie de nous écouter parce que c'est important. Qu'on me corrige si je me trompe, mais il y a 18 344 citoyens dans la ville de Rivière-du-Loup. Je n'ai pas pu les compter pour savoir s'ils étaient tous là ce matin, mais on a leur appui, et ces gens sont inquiets.

Á  +-(1145)  

+-

    Le président: Merci. Je dois vous avertir que nous sommes obligés de terminer à 13 heures. Si on veut avoir du temps pour des échanges avec les députés, il faut être encore plus bref.

    Monsieur le maire Racine, vous avez la parole.

+-

    M. Guy Racine: Merci, monsieur le président. Maintenant que M. D'Amour est parti, le pire est passé. J'ai beaucoup de difficulté à le contrôler, mais je ne suis pas son préfet, je ne suis que son collègue. Comme je vous le dis, le pire est passé et le meilleur est devant nous. Cela va me coûter cher, monsieur le président.

    Sans plus tarder, je vais céder la parole au maire de la Ville de Coaticook, M. Langevin.

    Monsieur Langevin.

+-

    M. André Langevin (maire, Ville de Coaticook): Merci, monsieur Racine.

    Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, merci de nous accueillir. Je serai bref, par respect pour mes confrères qui auront quelques mots à dire.

    La direction de la GRC invoque la nécessité de regrouper ses effectifs en vue de répondre aux priorités telles que le crime organisé, le terrorisme, les autochtones et les services internationaux. De leur point de vue, les petites villes et les régions rurales, et même les régions frontalières, n'exigent plus une présence continue.

    J'ai sous la main des articles de La Tribune, journal de Sherbrooke en Estrie, qui ont paru aujourd'hui et hier. Vous en avez des copies. Je vais seulement vous lire ceci:

Le pylône saboté par des terroristes? Charge explosive sur une ligne d'exportation d'Hydro à Coaticook.

    Cela se passe à moins de deux kilomètres de la frontière américaine. Veuillez croire, monsieur le président, madame et messieurs les députés, que nos voisins, nos amis américains, sont très inquiets face à une situation comme celle-ci.

    On a parlé du cannabis. Coaticook est une région hautement agricole, et nos agriculteurs sont effrayés par le harcèlement que font les personnes qui s'adonnent à la marijuana et au cannabis. La région de Coaticook longe la frontière américaine sur près de 35 kilomètres. La présence de la GRC à Coaticook date des années 1930, plus précisément 1933. Nous avons toujours reconnu l'importance d'un poste et d'agents à Coaticook, parce que il est important que la zone soit couverte par la GRC.

    Il faudrait poser cette question à la direction de la GRC: que fait-on de la prévention? On nous dit toujours que c'est important. Comment peut-on faire de la prévention à 50 ou à 100 kilomètres quand on voit aujourd'hui que les postes frontaliers sont désertés? Comment peut-on en arriver à considérer que la présence policière est moins importante dans les zones rurales et frontalières? C'est curieux! Les maires et les représentants de ces villes et de ces régions n'ont pas été consultés, encore moins écoutés.

    D'après ce que nous savons, messieurs les députés, vous n'avez pas tellement été consultés non plus dans cette négociation. Nous nous posons une question sérieuse: qui décide dans ce pays, les hauts fonctionnaires ou les élus? Nous représentons des villes, des régions, mais vous avez été élus pour faire partie du gouvernement du Canada. Comment se fait-il que des décisions pareilles soient prises et que des hauts fonctionnaires ne consultent personne? Nous vous faisons confiance pour défendre les intérêts de nos régions. Lorsqu'il s'agit d'une campagne électorale, vous nous dites que vous n'oublierez pas nos régions. Pourtant, tous les ans, parfois chaque mois, des décisions de suppression de services dans nos petites villes et nos régions sont prises. Nous voulons que vous défendiez notre point de vue. C'est très important pour la survie des régions et des petites villes au Canada.

    Merci beaucoup, monsieur le président, madame, messieurs les députés.

Á  +-(1150)  

+-

    M. Guy Racine: Monsieur Langevin, merci beaucoup.

    Monsieur le président, je vais maintenant céder la parole à M. Veilleux, le représentant de la Ville de Roberval.

+-

    M. Gilles Veilleux (représentant, Ville de Roberval): Merci, monsieur le président. Madame et messieurs les députés, merci de nous recevoir.

    Je commencerai en vous disant qu'on porte surtout attention chez nous au volet autochtone. La ville de Roberval était desservie par le poste de la GRC depuis 1944. J'ai moi-même travaillé avec eux, car j'ai fait carrière à la Sûreté du Québec pendant 30 ans. C'est désolant pour un policier d'assister à l'abandon d'un territoire par un corps policier d'une grande envergure comme la GRC, qui possède des moyens énormes d'enquête et de travail. On rapporte toutes sortes de choses, on parle de drogue et d'autres choses encore.

    Tout dernièrement, dans notre petite municipalité, on a saisi deux grandes quantités de drogue en culture hydroponique d'une valeur de plusieurs millions de dollars. Les drogues, comme mes collègues le mentionnaient, sont arrivées dans les écoles primaires, au contact des mineurs. On nous dit qu'on va nous donner des moyens.

    Je vais citer une phrase de M. Bourduas, avec le respect que je lui dois:

Durant la prochaine année, la Division C continuera à s’arrimer aux priorités stratégiques de la GRC et à s’engager dans la collectivité en appuyant des programmes communautaires destinés aux jeunes et aux Autochtones afin de maintenir un haut niveau de service auprès des citoyens du Québec.

    Comment peut-on affirmer une telle chose quand neuf territoires au Québec sont laissés sans surveillance, dont le nôtre, où il y a quatre réserves autochtones, qui sont des territoires fédéraux: le territoire d'Obedjiwan, à 350 kilomètres du détachement de Chicoutimi, et le territoire de Waswanipi, à plus de 400 kilomètres de Chicoutimi? Ce sont des territoires laissés dans l'isolement.

    On laisse à la Sûreté du Québec, qui est, comme mes collègues le disaient, complètement débordée depuis l'intégration des corps policiers municipaux, le soin de s'occuper du territoire d'Obedjiwan. Un détachement de 10 à 15 policiers s'y rend tous les 15 jours, payé par le fédéral, et on nous dit qu'on manque de ressources. Le fédéral donne de l'argent à la Sûreté du Québec, qui est déjà débordée, pour qu'elle soit capable d'assurer la couverture policière de ce territoire. C'est de l'abandon. Ce sont des coûts extrêmes.

    M. D'Amour faisait mention du crime organisé. Quand on a été dans la police comme moi, on va dans les bars et on observe. Le crime organisé a été démantelé en grande partie avec l'opération Printemps 2001, avec les escouades régionales mixtes, des escouades comme Carcajou. Ils ont démantelé le crime organisé sur une grande échelle. Mais ils ne sont pas fous: on enlève une mauvaise herbe et ce sont des milliers de mauvaises herbes qui repoussent.

    Actuellement, on voit dans les bars qu'ils se réorganisent très bien. Comme M. D'Amour l'a dit, on achète des hôtels. Chez nous aussi, on vient acheter des hôtels. On les voit de plus en plus s'organiser dans les bars. Auparavant, ils tenaient des réunions en secret; maintenant, ils se sentent un peu plus en sécurité. La Sûreté est débordée. Il n'y a plus de corps policier municipal, et la GRC a quitté le territoire. Je pense qu'ils sont en train, comme mes collègues le disent, de prendre la place.

    On vous demande et on vous supplie de ne pas accepter cet état de choses. On a besoin de services de qualité, comme un corps de la GRC. Il nous les faut absolument. Laissez-les nous, je vous en prie, laissez-les nous. Merci.

Á  +-(1155)  

+-

    M. Guy Racine: Merci beaucoup de votre présentation.

    Monsieur le président, je n'ai pas menti quand je vous ai dit que le meilleur était à venir. On en a eu une démonstration.

    Sans plus tarder, je vais céder la parole au maire Claude Vigneault, des Îles-de-La-Madeleine.

    Monsieur le maire.

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    M. Claude Vigneault (maire, Municipalité des Îles-de-la-Madeleine): Merci, monsieur Racine.

    Monsieur le président, merci beaucoup de nous donner ces quelques minutes pour vous transmettre une inquiétude majeure, celle de l'ensemble des municipalités touchées par la fermeture des différents postes de la GRC.

    Aux Îles-de-la-Madeleine, nous sommes une population de 13 000 habitants composée de Canadiens et de Canadiennes qui, actuellement, éprouvent beaucoup d'inquiétude face à cette décision. En plus, nous avons chaque année une importante activité touristique, qui nous amène un achalandage de 58 000 à 60 000 visiteurs.

    Les Îles-de-la-Madeleine sont situées à quelques 230 kilomètres des côtes gaspésiennes, à environ 80 kilomètres de l'Île-du-Prince Édouard et de la Nouvelle-Écosse. Comme vous pourrez le constater, c'est une plaque tournante, située en plein golfe du Saint-Laurent, où il y aurait la possibilité de faire un trafic odieux.

    En tant que maire de la municipalité, je dirai qu'une suppression aussi rapide et aussi dramatique des effectifs qui assurent la sécurité des citoyens fait que nous ne sommes pas ici aujourd'hui avec gaieté de coeur. La population nous dit qu'Ottawa doit être à l'écoute de tous ces cris d'alarme qui seront poussés dans les prochains jours. Il suffit de consulter les journaux locaux: depuis plus d'un mois, il est demandé au palier fédéral d'être attentif, d'être beaucoup plus à l'écoute de nos régions.

    Depuis fort longtemps, nous sommes à la recherche de solutions pour essayer de nous en sortir à tous les niveaux. Le milieu madelinot connaît une fragilité importante, sur le plan social notamment, et aussi au niveau de l'érosion. Sur un sujet comme celui-là, monsieur le président, vous avez du pouvoir. Nous espérons qu'au cours des prochaines semaines, après avoir écouté les remarques de notre représentant, M. Racine, vous comprendrez que c'est un cri d'alarme.

    Pourquoi nos régions sont-elles touchées aussi durement? La Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard ne sont absolument pas touchées par une réduction d'effectifs. Nous sommes donc très inquiets. Je souhaite que l'ensemble des délégations qui nous accompagnent, madame et messieurs les députés, fasse preuve de solidarité pour réagir très rapidement, dès demain. Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci.

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    M. Guy Racine: Merci, monsieur le maire. Je vais maintenant céder la parole au représentant de la Ville de Baie-Comeau, M. Jean Thériault.

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    M. Jean Thériault (représentant, Ville de Baie-Comeau): Bonjour, monsieur le président. Merci de nous entendre.

    À Baie-Comeau, on estime que la fermeture du poste va avoir d'importantes répercussions. Le port est le plus achalandé au Québec et accueille des cargos qui proviennent de partout au monde. Le passé récent a démontré qu'il fallait de la chance aux enquêteurs pour intercepter un chargement illicite. On n'a qu'à penser aux barils de 45 gallons qu'on a trouvés à Rivière-à-Tonnerre. Désormais, avec un seul détachement à Sept-Îles, nous sommes convaincus qu'il faudrait des miracles. Je pense que c'est une ouverture, presque un cadeau qu'on fait aux trafiquants sur l'ensemble du fleuve Saint-Laurent.

    Merci, monsieur le président.

  +-(1200)  

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    M. Guy Racine: Merci beaucoup, monsieur Thériault. Je vais céder la parole au représentant de la Ville de Saint-Hyacinthe, M. Jean-Claude Patenaude.

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    M. Jean-Claude Patenaude (représentant, Ville de Saint-Hyacinthe): Monsieur le président, mesdames et messieurs, à la suite du préambule de M. Racine sur l'état de la situation à Saint-Hyacinthe, je voudrais vous donner quelques informations additionnelles.

    Dans un premier temps, le 23 septembre 2004, la Gendarmerie royale du Canada, par le biais de son commandant au Québec, annonçait un vaste plan de restructuration, comprenant entre autres la fermeture de neuf bureaux régionaux de la GRC sur le territoire québécois. Celui de Saint-Hyacinthe en fait partie. Ce n'est pas nouveau: il y a cinq ans environ, M. Loubier avait été confronté à un dossier similaire. il était question de diminuer le personnel, voire fermer le bureau.

    Nous aimerions tout d'abord vous indiquer que la surprise fut très grande d'apprendre que la GRC s'apprêtait à fermer le poste de Saint-Hyacinthe. Il y a cinq ans, lorsque nous avions été confrontés à la même situation, nous étions parvenus à convaincre les responsables que la fermeture des postes régionaux au Québec n'était pas une bonne idée et n'était surtout pas dans l'intérêt de la région de Saint-Hyacinthe.

    Nous voulons donc vous exprimer notre profond désaccord avec cette décision. Celle-ci ne correspond en rien aux objectifs d'efficacité énoncés par le commissaire adjoint, M. Bourduas, dans le communiqué faisant état de la restructuration.

    Faut-il se rappeler que la Montérégie, plus particulièrement la grande région de Saint-Hyacinthe et d'Acton Vale, est aux prises, depuis plusieurs années, avec un fléau indésirable: le squattage des terres agricoles par le crime organisé, dans le but de cultiver de grandes quantités de cannabis? De plus, ces groupes criminels ont des ramifications nationales et internationales.

    Au cours des dernières années, la situation s'est grandement améliorée. Nous pensons que la présence d'un bureau de la GRC sur notre territoire a grandement contribué à cette amélioration. Cependant, il ne faut surtout pas abandonner. La fermeture du bureau enverrait certainement un très mauvais message.

    Nous pensons que la sécurité de nos concitoyens et concitoyennes est meilleure avec la présence d'agents de la GRC sur notre territoire. La fermeture des postes de la GRC lancerait un message clair aux différents groupes criminalisés au Québec à l'effet qu'ils peuvent maintenant opérer plus librement sur le territoire abandonné par la GRC. La seule présence d'un bureau de la GRC est un élément de dissuasion dans la lutte contre le crime organisé, tout en étant un outil indispensable et complémentaire au travail effectué par la Sûreté du Québec.

    Le poste de Saint-Hyacinthe traite chaque année au moins 300 dossiers, dont la majorité concerne les narcotrafiquants. Nous vous réitérons donc notre profond désaccord face à la décision de fermer le poste de la GRC de Saint-Hyacinthe. Nous vous demandons, madame la ministre, d'intervenir afin d'annuler cette décision injustifiée. Veuillez agréer l'expression de nos sentiments les meilleurs.

    Après ce préambule, je dois vous dire que je suis, moi aussi, un ex-policier comptant 33 ans d'expérience, dont 11 ans aux enquêtes criminelles. J'ai eu le privilège de côtoyer des agents de la Sûreté du Québec et de la Gendarmerie royale du Canada. Nos échanges étaient très bons. Nous faisions deux opérations majeures chaque année dans la région de Saint-Hyacinthe, et le taux de criminalité diminuait fortement à la suite de ces opérations, preuves à l'appui. Est-il nécessaire de garder nos agents de la Gendarmerie royale? Oui, il faut les garder. Il faut faire les efforts pertinents et nécessaires pour s'assurer d'une meilleure protection.

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    M. Guy Racine: Merci beaucoup, monsieur Patenaude.

    Monsieur le président, je vous ai gardé le dessert pour la fin. Je cède la parole à la mairesse de la ville de Lac-Mégantic, Madame Colette Roy Laroche.

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    Mme Colette Roy Laroche (mairesse, Ville Lac-Mégantic): Merci, monsieur Racine.

    Monsieur le président, mesdames et messieurs, presque tout a déjà été dit. J'essaierai donc d'être brève.

    Je représente une ville dont la population, qui se chiffre à environ 22 000 habitants, vit sur un immense territoire rural. Ce qui caractérise notre région, c'est, bien sûr, la faible densité de sa population, mais c'est aussi un vaste territoire forestier. Comme l'a mentionné M. Racine, nous avons sur notre territoire 171 kilomètres de frontière canado-américaine. En outre, comme nous vous l'avons déjà mentionné, les postes qui se trouvent le plus près de chez nous et où il y a des mesures de contrôle sont à plus de 100 kilomètres.

    L'an passé, le conseil municipal et moi-même avons fait des représentations auprès de celui qui était notre député fédéral, M. Binet. Nous avons obtenu son appui ainsi que celui de M. David Price en vue de défendre notre dossier. Il y a un an, on nous avait rassurés concernant la fermeture du poste de Lac-Mégantic, entre autres. La Ville de Lac-Mégantic avait acheminé une résolution au solliciteur général le 11 septembre 2003. Or, en juillet 2004, la vice-première ministre nous a informé que la GRC avait entrepris une analyse de ses ressources au Québec, mais qu'aucune décision n'avait été prise concernant la répartition de celles-ci. Vous avez cette lettre, elle se trouve dans notre dossier.

    Nous nous posons beaucoup de questions et sommes très inquiets au sujet des faits suivants. Au mois de juillet 2004, il ne restait plus qu'un agent au poste de la GRC de Lac-Mégantic. Quelques jours plus tard, soit le 30 août 2004, on fermait définitivement le poste. Aujourd'hui, il n'y reste plus un seul agent.

    Pour aller dans le même sens de tout ce qui a été dit précédemment, je vous demande, au nom des citoyens de la région du Granit et de la Ville de Lac-Mégantic, et pour tous les motifs invoqués, de réviser cette décision. Nous devons maintenir dans nos régions, particulièrement dans les milieux ruraux peu peuplés et isolés, des services de la Gendarmerie royale du Canada.

    Merci.

  +-(1205)  

+-

    Le président: Monsieur Racine.

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    M. Guy Racine: Merci beaucoup, madame la mairesse.

    Monsieur le président, on a maintenant couvert toutes les municipalités concernées, à l'exception de la mienne. Je vais donc me permettre, comme maire de la Ville de Granby et préfet de la MRC, d'ajouter quelques mots sur la situation de Granby. Nous couvrons deux comtés, soit Shefford et Brome-Missisquoi, qui sont respectivement représentés par M. Vincent et M. Paradis.

    En ce qui concerne ces deux comtés, je mentionne qu'ils comportent des postes frontaliers. Je ne veux pas revenir sur l'importance d'assurer la surveillance de ces derniers: on l'a fait plus tôt. Je veux néanmoins vous parler de la présence du poste de la GRC dans la ville centre de Granby, qui couvre les deux comtés.

    Nous avons l'impression d'être en quelque sorte victimes de notre excellence. À la GRC, on nous a dit que les forces seraient redéployées pour être envoyées à Drummondville et à Saint-Jean. Je n'ai absolument rien contre ces villes. Quand je dis que nous sommes victimes de notre excellence, je fais allusion au fait que Granby s'est démarquée au Québec par l'élimination de sa dette et, par voie de conséquence, par un taux de taxation parmi les plus bas. Dans l'esprit des dirigeants de la GRC, Granby a sûrement les moyens d'augmenter les budgets de sa police municipale puisqu'elle a conservé son service de police, question de tenter de combler les manques d'effectifs et le retrait des services de la GRC. C'est peut-être pour cette raison qu'on a choisi de faire ce transfert au profit de Drummondville et Saint-Jean.

    Monsieur le président, je m'élève en faux contre cette forme de pensée magique. Je vous parle d'argent parce que lorsque nous, les neufs maires, avons rencontré M. Bourduas à Québec, ce dernier a fait une comparaison qui nous a fait quelque peu sursauter. Je suis heureux de ne pratiquement plus avoir de cheveux parce que j'en aurais probablement perdu beaucoup à ce moment-là. Concernant la présence de policiers dans les petites municipalités, il nous a dit que leur salaire, qui se chiffre à 63 000 $, était un peu cher payé pour des jardiniers de luxe. Il faisait référence ici à la culture de la marijuana.

    Si je disais à mes policiers municipaux, qui gagnent environ 50 000 $ par année, de laisser les citoyens faire des constats à l'amiable et de ne répondre qu'à des situations données, je ne suis pas sûr qu'on me garderait à la mairie très longtemps. L'imputabilité va de pair avec le fait que notre visage est affiché sur les poteaux de téléphone à tous les quatre ans. Le Québec en entier va en faire l'expérience en 2005. Quand on entend des remarques comme celle-là, on s'aperçoit que l'imputabilité n'a pas beaucoup de poids. M. Bourduas nous en a fait une parfaite démonstration. Il nous est arrivé avec un dossier très bien étoffé concernant les raisons pour lesquelles il fallait procéder à une telle rationalisation. Il nous a dit que ce n'était pas pour des motifs financiers, mais il nous a parlé d'argent tant et plus. Il nous a dit que cette rationalisation des services ne se résumait pas à des dollars, mais il a beaucoup insisté sur l'aspect financier.

    Les effectifs sont redéployés, mais avec tout ce qui a été dit à l'égard des municipalités concernées, on peut se demander quelle place va occuper le crime organisé. C'est dans cette optique que tous les maires lancent un cri d'alarme. Il faut absolument que cette décision soit revue. Comme je vous le disais, à Granby, le lendemain matin suivant l'annonce de la fermeture dans les médias--c'est-à-dire après qu'on nous a communiqué platement cette nouvelle--, les graffitis couvraient la bâtisse et les criminels applaudissaient. Là où la GRC ne sera pas, le monde criminalisé y sera, soyez-en certains.

  +-(1210)  

    Je conclurai en vous disant que tous les maires, les préfets, les députés, et la population qui est représentée ici payent des impôts au même titre que n'importe quelle autre MRC, n'importe quel autre comté, n'importe quelle autre ville du Québec ou du Canada, et ont droit au service de la GRC. On ne veut pas penser que c'est un privilège de les avoir. C'est une présence qui est malheureusement nécessaire, à cause du milieu criminel. S'il n'y en avait pas, on ne serait pas ici, mais on n'est pas sur la bonne planète. Nous avons besoin de tous nos corps policiers, et la GRC en fait partie.

    Merci de nous avoir entendus. Maintenant, je vous cède la parole. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

+-

    Le président: Merci beaucoup à tous les intervenants. C'est vraiment quelque chose que d'entendre les inquiétudes de l'ensemble de votre région.

    On va passer la parole aux députés. Je vous informe que je vais être très strict sur la durée d'intervention, pour donner du temps au plus grand nombre d'intervenants possible.

    Mr. Toews, for seven minutes.

[Traduction]

+-

    M. Vic Toews (Provencher, PCC): Merci beaucoup.

    Je tiens à remercier tous les représentants municipaux qui sont venus aujourd'hui nous donner toute cette information très importante, sur laquelle nous nous appuierons pour interroger le commissaire. Je tiens aussi à remercier mon collègue du Bloc, Richard Marceau, qui a proposé cette motion.

    Je ne perds rien de l'ironie du fait qu'un séparatiste propose une motion pour maintenir un service de police fédéral au Québec, mais c'est une autre histoire. Il se trouve que je suis d'accord avec l'esprit de la motion. On pourrait penser qu'au lieu de gaspiller des millions de dollars en drapeaux au Québec pour accroître la présence fédérale, l'une des choses que notre gouvernement fédéral aurait pu faire est d'y laisser la GRC pour maintenir la présence fédérale. Cela ne ferait pas que maintenir la présence fédérale, mais ce serait aussi un mécanisme efficace d'application de la loi.

    En réponse à votre question, monsieur le maire, à savoir si ce n'est que de la poudre qu'on vous jette aux yeux et si on peut influencer la décision, je tiens à vous assurer que nous, du Parti conservateur, prenons très à coeur cette question particulière, et je peux vous dire pourquoi.

    Votre récit ne nous est que trop familier. Dans les provinces de l'Ouest, la GRC est notre service policier provincial. En 1998, ma province, le Manitoba, a connu quelque chose d'assez similaire, avec la fermeture de plusieurs détachements. Ce qu'on nous a dit à l'époque—et j'étais alors au gouvernement provincial—c'est que la GRC pourrait ainsi mieux s'acquitter de son mandat et qu'il y aurait plus d'agents de la GRC dans les rues.

    En fait, qu'est-ce que cela a donné? Tout d'abord, nous avons vu fermer les portes des détachements locaux de la GRC—exactement ce qui vous est arrivé—puis il y a eu la centralisation, puis une réduction du nombre d'agents de la GRC dans les détachements centralisés. Alors c'est ce qui vous attend si vous ne réagissez pas et ne contestez pas haut et fort comme vous le faites déjà.

    Pour ce qui est de ce qui se passe à des endroits comme le Manitoba, nous avions 65 agents de police qui sont assignés à la patrouille routière, et 35 de ces agents sont maintenant soustraits au service de patrouille routière, ce qui n'en laisse que 30 pour toute la province du Manitoba pour couvrir, en gros, toute la partie rurale. Le Manitoba n'est pas aussi grand que le Québec, mais c'est une vaste province, au plan géographique. Cela a d'énormes conséquences sur les scènes des accidents, les patrouilles régulières et la surveillance des frontières.

    Nous voulons vous assurer que le Québec n'est pas seul à faire face à ce problème; c'est quelque chose que nous avons connu dans l'Ouest du Canada. C'est pourquoi je suis très heureux que M. Marceau ait présenté cette motion. C'est exactement ce qui est arrivée au Manitoba.

    L'un des gros problèmes, c'est que nous avons un commissaire à la GRC qui est, en fait, un sous-ministre au sein du gouvernement. Comment un homme peut-il ainsi servir deux maîtres? Il sert les intérêts de son ministre, tout en essayant de représenter les intérêts de la GRC. Cela n'est pas possible. Il faut un changement fondamental dans les liens qu'entretient la GRC avec le gouvernement fédéral. Nous ne servons pas les intérêts de la loi; nous servons les intérêts d'un parti politique particulier, qui se trouve à être actuellement au pouvoir. Il faut changer cela.

    Je ne prendrai pas plus de votre temps—je ne sais pas s'il peut y avoir une réponse à ma tirade—mais je tenais seulement à vous assurer que nous vous appuyons, que nous comprenons votre problème et que nous essaierons de le régler avec vous, avec l'appui du Bloc et d'autres députés qui s'unissent pour soutenir cette motion particulière. Nous pensons que la motion était opportune, et nous vous remercions infiniment de votre présentation.

  +-(1215)  

[Français]

+-

    M. Guy Racine: Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci, monsieur Toews.

    Monsieur Racine, vous désirez faire un commentaire?

+-

    M. Guy Racine: Merci, monsieur le président.

    Merci beaucoup, monsieur le député, pour vos bons mots. Pour ce qui est de répondre à vos propos, j'aimerais plutôt céder la parole à mon confrère M. D'Amour, qui est maire de Rivière-du-Loup.

+-

    M. Jean D'Amour: Je dirai quelques mots seulement pour faire suite à ce que vous disiez concernant votre province, en l'occurrence comment tout ce processus s'était traduit dans l'Ouest. Pour ce qui est de l'Ontario, M. Bourduas parle souvent d'un exercice semblable qu'il a mené dans cette province. Plus tôt, je vous ai parlé brièvement d'une lettre de M. Robert Bernier, qui est professeur à l'ENAP. Il y dit ce qui suit:

D'ailleurs, une opération similaire a été réalisée en Ontario en 1995 et les résultats sont mitigés, car ils ouvrent la porte à une plus grande circulation de l'activité criminelle plus particulièrement dans la région de Timmins.

    On peut voir qu'une réalité de ce genre semble vouloir s'installer au Québec. Vous faites également allusion aux provinces de l'Ouest. On voit qu'en Ontario également, cette opération n'a pas donné les résultats escomptés. Si vous le voulez, je déposerai une copie de ce document. Vous l'avez déjà? Très bien. On me dit qu'il a déjà été déposé.

  +-(1220)  

+-

    Le président: D'accord, merci.

    C'est M. Ménard qui va prendre la parole pour le Bloc québécois?

    Vous avez sept minutes.

+-

    M. Serge Ménard (Marc-Aurèle-Fortin, BQ): Merci. Je tiens d'abord à remercier les maires d'être venus ici. Comme vous avez pu le remarquer, le député conservateur a reconnu que c'était M. Marceau qui avait présenté la résolution visant à vous inviter à comparaître. Nous sommes d'accord avec votre position et nous la comprenons. Nous savons également que nous avons de bons amis de l'autre côté qui pensent exactement la même chose à ce sujet, même si nous ne sommes pas du même parti politique.

    Nous sommes conscients des difficultés particulières associées à la surveillance policière du plus grand État d'Amérique du Nord. En effet, si, dans notre esprit, nous nous représentons une carte, nous constatons que le plus grand État d'Amérique du Nord, c'est le Québec. C'est aussi celui qui a les frontières les plus étendues. Pour en revenir à mon ami conservateur, je préciserai qu'aussi longtemps que nous ferons partie de l'actuelle Confédération, nous continuerons à payer des taxes associées à cette surveillance. Nous sommes conscients des déficiences que comporte celle-ci.

    Nous avons devant nous un projet de la Gendarmerie royale du Canada dans lequel on prétend qu'en éloignant les policiers des frontières, on va en assurer une meilleure surveillance. Je vous signale que ces gens ont fait la même erreur en ce qui concerne la surveillance des ports. Ils en ont retiré les policiers en 1997, mais ont été obligés de les réintégrer plus tard. Si mes souvenirs sont exacts, cette opération a coûté environ 123 millions de dollars. Leur discours est toujours le même: aujourd'hui, les enquêtes demandent qu'on cible les grandes organisations criminelles et il faut pour ce faire concentrer les policiers. Je vous expliquerai plus tard ce que cela signifie en pratique. Selon ce qu'ils disent, ils ont consulté les provinces, et ces dernières redonneront les services. Vous savez très bien, étant donné les vérifications que vous faites, que c'est faux. Le Québec n'est pas en mesure, financièrement, de remplacer les policiers qui sont retirés du terrain.

    Le gouvernement fédéral a sans cesse tendance à se chercher une mission, peu importe le champ de compétence auquel elle se rapporte, à la remplir et à créer ainsi un besoin dans la population. Une fois que les gens ont pris l'habitude de ce besoin, il se retire. Il demande alors aux provinces ou aux autorités municipales d'assumer les mêmes dépenses, sans compensation financière.

    En fait, la GRC cherche encore une fois à jouer son rôle d'aristocrate des corps policiers. Ces gens veulent faire les grandes enquêtes, c'est-à-dire celles qui durent longtemps et donnent des résultats spectaculaires. Ils préfèrent travailler de 9 à 5 dans la sécurité de leurs bureaux bien organisés plutôt que d'aller se salir sur le terrain en faisant la patrouille, en se familiarisant avec les lieux, en s'employant à déterminer où passent les contrebandiers et en apprenant à connaître les gens. Ce faisant, les policiers retirés de certaines villes sont amenés très loin des frontières. Voilà qui est bien différent de la tendance des Américains de renforcer la surveillance et d'accroître les effectifs sur le terrain.

    Aux frontières, le nombre de patrouilleurs sur le terrain n'était déjà pas suffisant pour couvrir cet immense territoire--pratiquement le plus vaste en Amérique du Nord--que constituent nos zones frontalières. Pour répondre aux défis actuels, ce n'est pas moins mais plus de policiers qu'il nous faut aux frontières.

    C'est merveilleux de voir que vous vous êtes rendus ici. Cela démontre que tous les élus québécois, quel que soit leur niveau et leur parti politique, sont conscients que cette décision est une erreur, et que celle-ci ne doit pas être permise.

  +-(1225)  

    Il s'agit de savoir si, dans un état démocratique, l'opinion de la totalité des élus a de l'importance. Qui va décider de surveiller adéquatement nos frontières? Sera-ce un fonctionnaire fédéral, ou l'état-major de la police si nous sommes dans un état policier?

    Je ne sais pas si vous avez quelque chose à suggérer ou à ajouter, monsieur Racine, mais je vous y invite puisque les autres considèrent que vous êtes leur porte-parole. Je suis convaincu que nous voyons tous le problème de la même façon.

+-

    Le président: Il reste deux minutes.

+-

    M. Serge Ménard: Je crois que M. Vincent a quelque chose à dire, d'autant plus que c'est votre député.

+-

    M. Robert Vincent (Shefford, BQ): Je vais ajouter ceci. Je pense que le Bloc québécois suit le dossier depuis le départ et je suis certain que nous allons le mener à bon port. Je pense que les députés du Bloc québécois des régions touchées sont tous ici présents. Notons aussi la présence des députés libéraux, conservateurs et du NPD. Il s'agit d'un dossier assez sérieux. En effet, M. Loubier a mené ce combat sur les fermetures il y a sept ans avec la députée de Shefford de l'époque. Cela a valu à M. Loubier des menaces de mort pour avoir dénoncé cette situation.

    Nous faisons face à la même fermeture aujourd'hui, mais je pense que nous sommes prêts. Je pense que nous bénéficions du leadership des maires et de tout le monde. Bien sûr, nous attendrons la version du commissaire, jeudi. À partir de ce moment, nous serons mieux éclairés et nous pourrons prendre la meilleure décision possible.

    Je vais laisser la parole à M. Racine.

+-

    Le président: Merci, monsieur Vincent.

    Monsieur le maire Racine, vous disposez d'une minute.

+-

    M. Guy Racine: Merci, messieurs Vincent et Ménard. Je ne veux pas m'étendre trop longtemps. Monsieur Ménard, vous nous avez remerciés d'être ici. Je veux donc d'abord remercier les maires et les conseillers qui se sont déplacés. Le mois de décembre est le mois des budgets dans nos municipalités. La majorité d'entre nous devons siéger le lundi soir au conseil municipal afin de présenter nos budgets. Nous n'avons pas eu droit à une dispense pour venir vous rencontrer. La plupart d'entre nous sommes arrivés à nos chambres d'hôtel vers 2 heures ce matin. C'est pourquoi nous avons les yeux clairs et la parole facile. C'est aussi pour cette raison que les boutades se transmettent rapidement.

    Cela étant dit, la défense de ces intérêts n'a pas de prix pour nous. Comme vous l'avez souligné, nous avons mis à profit les bons mots et la grande expérience du maire Langevin. Il est bien certain que nous allons tous dans la même direction. Je suis heureux d'entendre les gens du Bloc québécois et du Parti conservateur dire que dans ce dossier, il n'y a plus de partis politiques. Il n'y a que des élus qui sont tous sur le même pied d'égalité. Nous avons tous le même objectif, c'est-à-dire le bien-être de nos concitoyens et concitoyennes. Celui-ci est en jeu aujourd'hui, de même que leur sécurité.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, maire Racine.

    C'est au tour du Parti néo-démocrate, monsieur Christopherson.

+-

    M. David Christopherson (Hamilton-Centre, NPD): Merci, monsieur le président.

    Je vous remercie tous pour vos présentations.

    J'ai moi-même été conseiller municipal. J'ai fait mes premières armes sur la scène municipale, alors je comprends toutes ces choses dont nous parlons, en fin de compte. J'ai aussi siégé à l'assemblée législative provinciale, alors je sais très bien comment les choses peuvent commencer, ici, et se dérouler. Nous savons tous que tout va en aval, et suit le courant jusqu'aux municipalités, la scène du monde réel. Il n'y a certainement rien de plus important pour les représentants élus, particulièrement à l'échelon municipal, que la sécurité physique réelle et le bien-être de leurs citoyens. C'est pourquoi nous pouvons très bien comprendre vos préoccupations, et nous, du Nouveau Parti Démocratique, tenons comme vous à ce que la sécurité soit une priorité absolue.

    Vous voulez faire comprendre, c'est évident, qu'il faut changer cela. Je remplace ici M. Comartin, le membre régulier du comité, alors je ne suis peut-être pas tout à fait aussi au fait que lui du dossier. Je suis tout de même curieux de savoir si vous avez eu la chance d'examiner le budget de la GRC, et si vous avez pu déterminer si l'argent épargné n'était pas réinvesti directement au Québec, et allait ailleurs.

    Avez-vous pu voir quelque chose, ou est-ce qu'on essaie de dire, c'est que l'argent est réinvesti et il est là, dans le budget? D'un point de vue budgétaire, avez-vous pu déterminer que la rationalisation, la fermeture, des détachements fait épargner de l'argent et si celui-ci est réinvesti ailleurs, en dehors du Québec?

  +-(1230)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur le maire Racine.

[Français]

+-

    M. Guy Racine: Non. Malheureusement, on n'a pas vu les chiffres des budgets de la GRC. Quand on a rencontré M. Bourduas à Québec, il nous a fait un état de la situation et nous a dit ce qui avait motivé ces décisions. Il était très bien documenté. La question du budget a toujours été esquivée. Nous n'avons pas posé de questions. Les maires s'étaient concertés pour entendre M. Bourduas, et non pour réagir à ses propos. On l'a donc entendu.

    Les seules fois qu'il a parlé d'argent, ce fut pour nous dire que nos jardiniers payés 65 000 $ par an étaient un luxe pour nos petites municipalités. Je vous garantis--on va rester dans le domaine de l'argent--que cela a « pris tout notre petit change », comme on dit en français, pour se retenir de réagir. On s'était donné le mot de ne pas réagir, et c'est ce qu'on a fait. Il nous a dit, dans sa présentation, qu'il s'agissait uniquement de redéployer les forces, que ce n'était pas une question de rationalisation. Ce sont les seules fois--corrigez-moi si je me trompe, mes confrères et consoeurs--qu'on l'a entendu parler d'argent.

+-

    Le président: Merci.

+-

    M. Serge Gosselin (conseiller municipal, Ville de Coaticook): Monsieur le président, monsieur Christopherson, à titre d'information, il n'y a pas de budgets. Cependant, je peux vous dire qu'au détachement de Coaticook, tout de suite après les événements du 11 septembre, il y avait au moins 11 membres pour enquêter, surveiller, etc. Aujourd'hui, il n'y a plus personne. Où sont donc ces 11 personnes? Où sont donc les budgets? On n'en a aucune idée.

+-

    M. Guy Racine: Monsieur D'Amour.

+-

    M. Jean D'Amour: Je veux simplement ajouter que M. Bourduas nous avait également parlé d'une somme de 700 millions de dollars supplémentaires, qu'il avait reçue au lendemain du 11 septembre pour être en mesure de bien desservir les frontières. Je me permettrai simplement de rappeler que le New Hampshire, le Vermont et le Maine sont les trois États avec lesquels on va avoir de sérieux problèmes aux frontières.

    Puisqu'on parle d'argent, j'aimerais rappeler que six personnes, plus le pilote, sont venus chez nous en avion pour fermer un bureau, qui d'ailleurs ne l'a pas été parce qu'il y avait des enquêtes en cours. Combien tout cela coûte-t-il? C'est le type d'exemples avec lesquels on compose, dans nos villes, lorsqu'on fait nos rationalisations.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Christopherson, il vous reste trois minutes.

+-

    M. David Christopherson: Je vous remercie, monsieur le président.

    Je vous remercie de vos réponses. Elles sont très utiles.

    J'ai aussi noté que le solliciteur général du Québec—ou est-ce le ministre de la Sécurité publique, en tout cas, le solliciteur général—n'est absolument pas conscient de la situation. On l'a informé, mais pas consulté. Et je me demandais si vous savez... Je ne sais pas si M. Ménard peut être utile, ici, puisqu'il a été solliciteur général au Québec, mais je serais très étonné, en ma qualité d'ancien solliciteur général de l'Ontario, d'apprendre qu'il y a eu une espèce quelconque d'examen des services à la GRC auquel vous n'auriez pas participé avec la police provinciale.

    Il n'y a pas beaucoup de provinces qui ont leur propre service de police. Il y a le Québec et l'Ontario, et je ne sais pas qui d'autre, mais il y a au moins ces deux-là. Je sais que le gouvernement fédéral n'oserait pas faire cela en Ontario, et je voulais m'assurer de bien comprendre que votre ministre, au Québec,—je suppose que c'est un homme— a dit qu'il a été avisé mais pas consulté. Je me demandais si vous aviez discuté avec le ministre.

    Est-ce inhabituel au Québec? Je trouve cela très difficile à croire, parce que c'est assez bien intégré à ce niveau. À partir du moment où on a des services de police municipaux, provinciaux, la GRC, si on veut être efficace avec trois compétences différentes, il faut un plan concerté. Il faut un bon dialogue entre eux si on veut s'assurer que les efforts de déploiement se complémentent dans vos régions, pour qu'il ne puisse pas arriver que les uns et les autres se retirent et que, par inadvertance, il ne reste plus rien.

    Alors, pourriez-vous expliquer cette situation un peu? J'ai trouvé cela très étonnant et même troublant.

  +-(1235)  

[Français]

+-

    M. Guy Racine: Effectivement, vous restez sur le mot « information ». L'information qu'on a eue de la part du ministre, c'est qu'il avait été... Comment a-t-on dit cela, monsieur D'Amour? Comment peut-on résumer sa phrase? Je ne veux pas lui attribuer des paroles qu'il n'a pas dites.

+-

    M. Jean D'Amour: Il a dit qu'il avait été informé, et non consulté. Dans le fond, c'est un peu comme nous. Je ferai allusion à une rencontre que M. Crête avait organisée en janvier, si je ne m'abuse, à Rivière-du-Loup avec M. Bourduas. M. Bourduas nous avait transmis sa vision des choses, mais il devait revenir nous voir avant de prendre des décisions et avant de faire des recommandations claires quant au redéploiement. Mais c'est par les médias que je l'ai appris la suite des choses.

    Lorsqu'on parle de collaboration entre la GRC et la Sûreté du Québec et, ajouterai-je, nos corps de police municipaux, les trois corps doivent travailler ensemble. Je ne dis pas que cela ne se fait pas ou que cela ne se fera plus. On a tous le même intérêt. Mais on l'a appris de cette façon.

    Je me mets à la place du ministre de la Sécurité publique à Québec: ce n'est pas agréable, ni intéressant. Je ne suis pas sûr que ce soit, en bout de piste, plus performant parce que la SQ n'a pas été consultée. Il y a peut-être des éléments que tout le monde aurait eu avantage à connaître au même moment. C'est la même chose pour les corps de police municipaux. Ce n'est pas parce qu'on est dans des villes qu'on est moins performant, qu'on a un intérêt moindre à l'égard de la sécurité publique.

+-

    Le président: Pour terminer, nous entendrons le maire Racine.

+-

    M. Guy Racine: J'aimais mieux laisser la parole à M. D'Amour, parce que c'est lui qui a parlé avec le ministre. J'ai reçu un appel téléphonique vers la fin de l'après-midi m'informant que cela allait paraître dans le journal du lendemain. J'étais littéralement consterné: c'était inconcevable d'agir de la sorte. J'ai appelé mon député, M. Vincent, qui venait d'être élu. C'est moi qui lui ai appris la nouvelle. J'étais insulté que M. Vincent, le député, ne soit pas au courant. J'ai pensé qu'il ne s'intéressait pas à ses dossiers, mais en fait, il n'avait pas été informé.

    J'en profite pour corriger le tir. À ce moment, j'ai réagi rapidement et cela a fait les manchettes, ce qui est une autre histoire. C'est inconcevable, voyons donc! Personne n'a été informé, ni le député en place, ni les maires, ni mon directeur de la sûreté municipale, ni le préfet. J'ai vérifié auprès du député, il n'a pas été informé, car je lui ai appris la nouvelle. Les mots « information » et « communication » ne font peut-être pas partie du vocabulaire usuel de M. Bourduas.

+-

    Le président: Merci, monsieur le maire Racine.

    Je passe à un autre député de la région, M. Paradis. Je sais qu'il suit le dossier de près. En effet, c'est M. Paradis qui a écrit au comité au tout début pour que cette séance ait lieu.

    Monsieur Paradis, vous avez la parole.

+-

    L'hon. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Merci, monsieur le président. Ce n'est pas, comme tout le monde le sait, un dossier qui date d'hier. Certains ont soulevé cette question il y a quatre ou cinq ans. Il était alors aussi question de fermer ces postes. En fait, tout cela n'a pas commencé avant la dernière élection, cela a commencé plus tôt. La GRC a pris une espèce d'engagement à l'effet qu'elle ne bougerait pas sans que nous soyons consultés. Je souligne le travail incessant de mes anciens collègues dans ce dossier, Diane St-Jacques, David Price et Gérard Binet. Je félicite aussi mes nouveaux collègues de continuer le travail.

    J'abonde dans le sens de Serge Ménard. Ce dossier touche tout le monde. Ce dossier n'est pas lié à un parti politique ou à un autre, il touche notre population en général. Je remercie les maires de leur présentation et je les remercie d'être venus nous rencontrer aujourd'hui pour lancer ce cri d'alarme. Les maires, on le sait, oeuvrent au niveau politique qui est peut-être le plus près des gens dans nos régions. C'est important. Vous prenez le pouls du monde tous les jours. Je vous remercie de nous transmettre cette information.

    Je suis député de Brome--Missisquoi, monsieur le président. Il y a dix postes-frontières dans mon comté. À l'heure actuelle, le poste de Granby s'occupe plus particulièrement de ces postes-frontières.

    J'ai reçu, il y a peut-être deux ans, une invitation à aller comparaître devant un comité du Congrès américain. Il s'agissait d'un comité sur la justice et les drogues qui circulaient et qui se trouvaient près de la frontière en territoire américain. Je m'y suis présenté et j'ai rencontré des gens du Congrès. Pour faire une histoire courte, à la fin de mon témoignage ou de la discussion avec des membres du comité, le président du comité m'a demandé:

  +-(1240)  

[Traduction]

    « Et qu'en est-il de l'or du Québec? »

[Français]

    Cela démontre que ces gens souhaitent que les frontières soient solides, surveillées, etc.

[Traduction]

    « Et qu'en est-il de l'or du Québec? »

[Français]

    Ce commentaire m'est resté en tête. Ils pensent vraiment qu'on produit du cannabis à grande échelle et qu'on le leur envoie ensuite de l'autre côté de la frontière. Voilà qui n'est certainement pas de nature à améliorer les relations à la frontière, en l'occurrence entre le Vermont et le Québec.

    Il y a chez nous 10 postes à la frontière, mais il y a encore plus de routes qui se rendent au Vermont. Dans trois ou quatre cas, il n'y a aucune surveillance. D'après ce que m'a dit un douanier, il arrive qu'un gars descende d'une auto provenant du Vermont, qu'il traverse la frontière en courant, et que quelqu'un, de l'autre côté de la frontière, le fasse ensuite monter dans une autre auto. Avec le peu d'effectifs que nous avons, les choses ne fonctionnent tout simplement pas, alors si on les réduit encore plus, pensez-vous que ça ira mieux? Ça n'a aucun sens.

    Je vais aussi parler des écoles. J'ai entendu plusieurs témoignages de professeurs, entre autres de Cowansville et de Farnham. Le maire de Rivière-du-Loup mentionnait précédemment qu'il y avait maintenant du cannabis dans les écoles primaires. Ça n'a vraiment aucun sens! Nous ne nous battrons pas pour savoir quelle région est la plus touchée. Le maire de Coaticook disait plus tôt qu'il y en avait une bonne quantité dans sa région. C'est la même chose à Saint-Hyacinthe. Je dois vous dire que dans Brome-Missisquoi, nous ne sommes pas épargnés non plus. Il y a de la violence dans les écoles, avec tout ce que cela entraîne. Il est important de conserver une présence policière dans nos régions. Elle a, bien sûr, un effet dissuasif. Quand nous ne voyons pas de policiers, à peu près tout peut nous sembler permis. Vous n'avez qu'à penser à certains individus qui, lorsqu'aucun policier n'est en vue sur la route, se disent qu'ils peuvent alors dépasser la limite de vitesse permise. Il est important de voir les policiers et que ceux-ci soient en région, ne serait-ce que pour lire nos journaux régionaux.

    L'autre jour, dans un des petits journaux de mon comté, on disait qu'autour d'un grand lac qui se trouve dans mon comté, des propriétés étaient vendues deux ou trois fois le prix indiqué dans l'évaluation. Un agent d'immeuble m'a dit qu'en plus, elles avaient été payées comptant. Il y a des cas où il faut être sur le terrain et fréquenter les gens du milieu pour apprendre certaines choses. Le policier doit voir de ses yeux que tel ou tel gars, qui est prestataire de l'aide sociale, a changé de camion à tous les ans et possède une motoneige pour chacun de ses quatre enfants. S'il n'est pas sur le terrain, il ne pourra pas constater que certaines choses clochent. Sa présence peut aussi servir à rassurer les personnes âgées qui voient ces choses, de même que les agriculteurs. Il arrive que parmi eux, il y en ait un qui reçoive 2 000 $ dans sa boîte postale sur le bord du chemin. Il se demande alors pourquoi, mais peu à peu, il accumule des sommes de 2 000 $.

    Je me souviens d'une rencontre qu'avait organisée Diane St-Jacques il y a quelques années à Granby. La GRC, le Service de police de Granby et la Sûreté du Québec étaient présents. Les gens nous parlaient de la chimie qui doit exister entre les corps policiers. Si les policiers ne travaillent pas ensemble et que les effectifs sont déployés à partir de Drummondville ou de Montréal, il n'y a aucune chimie possible. Celle-ci se crée grâce à l'habitude que prennent les corps policiers de travailler ensemble. C'est un phénomène important.

    Je terminerai, monsieur le président, en parlant des coûts. J'ai de la difficulté à comprendre certaines choses. Si on envoie trois enquêteurs pendant deux semaines dans mon comté pour travailler à un dossier, ceux-ci vont devoir loger à l'hôtel et facturer leurs repas. Je ne suis pas sûr qu'on ait tenu compte de ce genre de choses. Quelqu'un a dit qu'on parlait peut-être ici de la GRC au service de la GRC. Je serais parfois porté à croire que c'est le cas. On devrait pourtant parler de la GRC au service de la population. Nous sommes tous d'accord à ce sujet.

    Enfin, je voudrais souligner que le caucus libéral du Québec demande à l'unanimité que la GRC demeure en poste dans toutes ces régions du Québec.

  +-(1245)  

+-

    M. Paul Crête (Montmagny—L'Islet—Kamouraska—Rivière-du-Loup, BQ): Il n'y a que le crime organisé et la GRC qui ne soient pas d'accord avec nous.

+-

    L'hon. Denis Paradis: Monsieur le président, c'étaient davantage des commentaires que des questions. Je ne sais pas si le maire de Granby voudrait commenter mes propos.

+-

    Le président: Monsieur Racine, vous avez une trentaine de secondes.

+-

    M. Guy Racine: Je vais commencer tout de suite, parce que le compte à rebours a débuté.

    M. le député Paradis a parlé des rencontres qui avaient eu lieu à l'Hôtel de ville de Granby à l'époque où il était question de la fermeture éventuelle du poste de la GRC de Granby. La Sûreté municipale, la Sûreté du Québec et la GRC étaient toutes présentes. Le mot « chimie » est revenu continuellement. Au moment où cela s'est passé, des drames se vivaient dans la ville de Granby. Des bandes de motards criminalisées avaient envahi le secteur. Cela avait fait la manchette à cette époque. Des menaces de mort avaient été proférées contre des policiers municipaux. Une opération importante avait été menée par les trois corps policiers pour démanteler ces bandes de motards criminalisées. Il avait fallu peut-être un an ou deux d'enquête pour aboutir à une opération majeure, et cela avait réussi.

    Je renchéris sur ce que M. Paradis a dit. Quand on parle de vente de « pot » dans les écoles, quand on parle de vente dans la rue, le petit vendeur s'approvisionne à un niveau supérieur. Le niveau supérieur s'approvisionne à un autre niveau supérieur. Si la GRC n'est plus là, ma sûreté municipale n'aura pas l'expertise requise et ne pourra déployer les effectifs nécessaires pour s'attaquer à ces niveaux 3, 4 et 5 qui font l'importation de ce qu'on trouve dans la rue. Cela se passe même dans les écoles primaires. À ce sujet, M. le député a raison de mentionner que le bien-être et la sécurité des citoyens sont en jeu, de même que ceux de nos enfants.

+-

    Le président: Merci, monsieur le maire.

[Traduction]

    Monsieur Breitkreuz, vous avez trois minutes.

+-

    M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC): Merci beaucoup.

    J'apprécie beaucoup votre présentation. Elle apporte beaucoup d'eau à notre moulin, dans nos efforts pour mieux assurer la sécurité de nos citoyens. Votre présentation est vraiment la raison pour laquelle nous nous organisons dans une société civile, et c'est pour assurer la sécurité du public. C'est la première chose. Je pense que vous avez beaucoup de preuves, mais dans d'autres endroits comme à New York, que la présence des agents de police dans les rues est très efficace pour dissuader les criminels d'agir, et qu'en fait, même les crimes violents ont diminué dans cette ville, rien que parce qu'il y a plus d'agents de police dans les rues.

    Je pense que le crime organisé effiloche le tissu même de notre société de façons que bien des gens ne voient même pas, et nous avons la responsabilité de lutter contre cette situation extrêmement grave. Malheureusement, la politique intervient dans trop de décisions. Je pense que tout le monde ici a les mêmes objectifs, mais l'argent n'est pas sans limite. Il nous faut déterminer nos priorités et à quoi nous voulons dépenser cet argent.

    Je voudrais vous raconter quelque chose qui est arrivé la semaine dernière à ce comité-ci, pour illustrer le fait que nous devons bien prendre des décisions, et je voudrais savoir ce que vous en pensez, au cas où vous ne soyez pas au courant de cette situation. Nous, du Parti Conservateur, avons présenté une motion visant le transfert de 20 millions de dollars de l'inutile registre des armes à feu et du Centre des armes à feu, pour assigner cette somme aux priorités des activités de première ligne de la GRC. C'est ce qui est arrivé à ce comité. Malheureusement, le Bloc, le Parti Libéral et le NPD ont voté contre notre motion, et à ce moment-là, je ne pouvais pas comprendre pourquoi, parce que je savais que ceci venait, et je pensais vraiment qu'il nous fallait vous montrer ce genre de soutien. La question reviendra jeudi, mais qu'en pensez-vous?

    Je comprends très bien votre situation. Dans ma ville de Yorkton, en Saskatchewan, nous vivons la même situation, mais nous ne sommes pas aussi bien organisés que vous, qui venez devant le comité, qui allez directement là où se prennent les décisions. Qu'en pensez-vous? Pensez-vous que vous nous auriez appuyés, dans nos priorités, soit d'assigner plus d'argent aux activités de première ligne de la GRC?

  +-(1250)  

[Français]

+-

    Le président: Il vous reste 30 secondes pour donner votre réponse.

+-

    M. Guy Racine: Nous venons faire part de nos doléances au comité et parler aux instances politiques, mais nous ne voulons pas nous mêler des décisions des partis politiques.

    Je veux simplement vous dire, comme vous l'avez mentionné un peu plus tôt, que nous nous rejoignons, tous partis politiques confondus, sur un point: il faut voir ensemble comment cette décision peut être reportée et revue pour le bien-être et la sécurité des citoyens. Peu importe aux maires que ce soit une question d'argent ou de redistribution de fonds. Pour nous, l'important est que la sécurité soit assurée dans nos régions et que nos concitoyens et concitoyennes qui payent des taxes et des impôts aux gouvernements fédéral, provincial et municipal soient tous traités de façon équitable.

    Nous vivons dans un pays libre et démocratique. Nous avons la chance de pouvoir nous exprimer et faire nos représentations. Aujourd'hui, le front commun des maires vient faire ses représentations. Nous laissons le volet politique à la Chambre des communes.

+-

    Le président: Merci, monsieur le maire. Vous avez bien répondu.

[Traduction]

    Monsieur Cullen, vous avez trois minutes.

[Français]

+-

    L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    J'aimerais d'abord vous remercier tous, les maires, la mairesse, le préfet et les autres représentants, d'être venus ici, d'avoir fait le voyage à Ottawa pour présenter votre point de vue sur la fermeture des postes de la GRC dans vos régions de la province de Québec. Je comprends très bien que c'est un sujet très important pour vous et vos concitoyens, et c'est pourquoi vous êtes ici aujourd'hui devant le Comité permanent de la justice,des droits de la personne, de lasécurité publique et de laprotection civile.

    Je veux aussi saluer mes collègues de la législature précédente Diane St-Jacques, David Price et Gérard Binet et souligner leur engagement, puisqu'ils continuent à travailler à ce dossier.

    Je suis un député de l'Ontario, mais je suis né à Montréal et j'ai fait une partie de mes études dans les Cantons de l'Est. Je connais donc un peu votre région et quelques-uns de vos défis.

    Je m'excuse de devoir passer à l'anglais, parce que c'est un peu complexe.

[Traduction]

    J'aimerais préciser tout d'abord que cette décision de la GRC, qu'appuie le gouvernement fédéral, n'a rien à voir avec les ressources. De fait, si vous regardez les allocations budgétaires de la GRC, vous verrez que depuis 2000, leurs crédits ont été augmentés de 2 milliards de dollars par année pour atteindre plus de 2,8 milliards. Ce n'est donc pas que nous ne collaborons pas toujours avec la GRC pour voir les ressources dont ils ont besoin pour lutter contre le crime organisé, contre le terrorisme. Mais cette décision est parallèle à une autre décision qui a été prise en Ontario en 1995 de regrouper les ressources et d'avoir une masse critique plus solide pour lutter plus efficacement contre le terrorisme et le crime organisé.

    Monsieur Racine, vous avez dit que la SQ manque de personnel au Québec. C'est bien possible; je n'en sais rien. Mais vous avez raison, il nous faut nous serrer les coudes. Vous avez dit que vous ne voulez pas être des citoyens de deuxième classe. Eh bien, les citoyens de l'Ontario sont passés par là en 1995.

    Nous avons parlé du crime transfrontalier. Nous avons créé des Équipes intégrées de la police des frontières—en fait, il y en a trois au Québec: une dans l'Est, qui s'occupe du Québec, du Vermont et du Maine; une à Champlain, qui couvre le Québec, New York et le Vermont; et une à Valleyfield. C'est là qu'il y a beaucoup de coopération outre-frontières avec les services américains d'application de la loi, et aussi dans les activités de renseignement.

    Je suis d'accord avec vous, il nous faut nous préoccuper du crime organisé. De fait, notre gouvernement a présenté des mesures législatives qui prévoient des sanctions plus rigoureuses contre les installations de culture. Nous savons que le crime organisé y participe, et nous allons prendre les mesures qui s'imposent pour nous assurer que la GRC ait les ressources dont elle a besoin.

    N'oubliez pas que les services de la GRC au Québec et en Ontario ne sont les services policiers de première ligne. Il y a la Sûreté du Québec. La GRC agit dans certaines provinces comme un service de police à contrat, mais au Québec, elle n'est là que pour s'occuper des questions fédérales. L'application de la loi au Québec est principalement l'affaire de la Sûreté du Québec.

    Je pense qu'il ne me reste probablement pas grand temps, et je voudrais vous donner une chance de répondre.

    Je tiens à vous remercier.

  +-(1255)  

[Français]

    Je veux vous remercier de votre présence.

[Traduction]

    Nous entendons ce que vous dites. Nous y voyons plus une décision d'ordre opérationnel de la GRC, qui a été prise en parallèle à ce qui a été fait en Ontario il y a quelques années, mais nous respectons vos points de vue et nous vous remercions d'être venus aujourd'hui.

[Français]

+-

    Le président: Voulez-vous réagir brièvement avant que je donne la parole à M. Ménard pour la dernière intervention?

+-

    M. Guy Racine: J'ai bien entendu. Vous dites que c'est une décision opérationnelle. D'accord, c'est une opération. Cependant, comme M. Langevin l'a souligné tout à l'heure, nous sommes des élus. Il y a des décisions politiques qui se prennent dans le domaine des orientations. Jamais, comme élus, nous ne nous mêlerons de l'application. Jamais je n'irai dire à mon directeur de sécurité publique d'installer des radars à tel endroit, d'enquêter ou de perquisitionner à tel autre. Néanmoins, comme élus, nous avons la responsabilité de donner les orientations. C'est pour cette raison que nous nous élevons contre cette décision, car nous n'avons jamais été consultés, nous n'avons jamais été informés, après avoir eu l'assurance que cela demeurerait ouvert.

    Vous parlez de la question des compétences. Je n'apprendrai rien à personne en disant que, dans le monde du crime organisé, quand un crime se prépare, que ce soit au niveau international, provincial ou local, le criminel ne regarde pas par quelle compétence il risque de se faire prendre. Il regarde simplement à quel endroit c'est le plus facile de passer, d'entrer au Québec, d'infiltrer le crime organisé, d'infiltrer les écoles pour vendre sa drogue, ses habitudes. Il regarde à quel endroit c'est le plus facile de passer de l'argent en contrefaçon ou de l'alcool de contrebande, de soudoyer des agriculteurs, de mettre 2 000 $ dans leur boîte aux lettres et de prendre une partie de leurs champs pour cultiver du « pot ». Il ne commencera pas à regarder de quel comité et de quelle compétence cela relèvera au gouvernement. Est-ce la Sûreté du Québec, la Police provinciale de l'Ontario, la GRC? Non, cela sera la garde paroissiale parce qu'il n'y a plus personne dans nos régions.

+-

    Le président: Merci, monsieur le maire.

+-

    M. Guy Racine: M. Langevin voulait ajouter un petit mot, si vous le permettez, monsieur le président.

+-

    Le président: Monsieur Langevin, allez-y.

+-

    M. André Langevin: Nous savons tous que nos amis et voisins les Américains doutent de notre volonté de vraiment protéger nos frontières. Je ne crois pas me tromper en disant que la protection des frontières relève surtout de la GRC et du gouvernement du Canada.

+-

    Le président: Monsieur Ménard, vous avez la parole pour les trois dernières minutes.

+-

    M. Serge Ménard: Je voudrais d'abord ajouter un mot à ce que j'ai dit tout à l'heure sur l'attitude de la GRC, qui veut être l'aristocrate des polices. Je signale tout de même que les membres de la GRC qui sont sur le terrain et qui, par conséquent, connaissent le terrain et vivent les problèmes quotidiens des gens, sont eux aussi contre la fermeture.

    Je vois un communiqué de presse d'eux:

La décision du gouvernement fédéral de fermer neuf détachements de la GRC à travers le Québec, et ce dès le 1er novembre, provoquera la mêlée générale dans le crime organisé et le terrorisme, en laissant certaines régions isolées sans protection convenable de la part de la police fédérale préviennent les membres représentant l'association de la GRC dans la province.

    Vous voyez, ce sont des gens qui ont la connaissance du terrain et qui ne partagent pas cette vision purement élitiste des autorités de la GRC.

    Voici maintenant ce que nous nous proposons de faire. Je vous demanderai si vous êtes d'accord. Pour que notre réunion d'aujourd'hui soit efficace, je voudrais proposer que le comité fasse rapport à la Chambre de nos délibérations. D'ailleurs, cela veut dire que toutes les représentations que vous avez faites seront transmises à la Chambre, adéquatement transcrites. Avec l'accord unanime des gens qui sont ici, je voudrais, avec mes collègues du Bloc québécois, présenter la motion suivante:

Que le Comité recommande au gouvernement que la GRC cesse immédiatement le redéploiement des effectifs du Québec pour garder ouverts les neuf détachements du Québec, et qu'elle s'assure de maintenir une masse critique de huit agents par poste.

    Je voudrais savoir si vous êtes favorables à cette résolution.

    Enfin, je rappellerai aux représentants du gouvernement que la surveillance des frontières est nettement de juridiction fédérale. C'est ce qui provoque les inquiétudes les plus grandes. Les arguments que vous donne la GRC et que vous nous répétez sont les mêmes que ceux que vous avez donnés pour vous retirer des ports nationaux, des aéroports internationaux. En 2001, vous avez été obligés de revenir dans les aéroports et dans les ports nationaux. Dans l'intérêt public, nous voulons vous éviter la même erreur.

·  -(1300)  

+-

    Le président: Monsieur Ménard, le comité doit entendre la GRC avant de prendre une décision. Je crois qu'il serait préférable d'attendre la réponse de la GRC avant de donner avis de votre motion.

+-

    M. Serge Ménard: Merci de votre conseil. Je crois qu'il est juste, monsieur le président.

+-

    Le président: Monsieur le maire Racine, vous avez la parole.

+-

    M. Guy Racine: Pour répondre à la question de M. Ménard, nous sommes d'accord sur sa résolution, à cause des remarques que vous venez de faire, monsieur le président. Bien entendu, on ne peut être contre la vertu, car c'est l'objectif que nous nous étions fixé en nous présentant ici.

    J'aimerais ajouter une chose à ce que M. Ménard a dit quand il a parlé des agents de la GRC qui travaillent sur le terrain. Il faisait alors référence au communiqué. Depuis cette opération de septembre--mes collègues pourront probablement vous dire la même chose--, j'ai reçu des appels de membres de la GRC qui oeuvrent sur le terrain. Ils m'ont demandé de ne pas lâcher et m'ont dit que cela n'avait carrément pas de bon sens. Bien entendu, je ne citerai pas de noms: ces gens qui nous appuyaient dans notre démarche sont en fonction.

+-

    Le président: Je remercie tous les maires et représentants des municipalités d'être venus aujourd'hui. Tel qu'entendu, nous entendrons des représentants de la GRC jeudi matin et nous adopterons nos mesures par la suite. Je vous remercie beaucoup et vous souhaite bon retour dans votre région, avant 2 heures du matin, j'espère.

+-

    M. Guy Racine: Merci beaucoup, monsieur le président.

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    Le président: La séance est levée.