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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 9 juin 2005




¿ 0905
V         Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.))
V         Mme Line Beauchesne (professeure titulaire, Département de criminologie, Université d'Ottawa, à titre personnel)

¿ 0910
V         Le président
V         M. Neil Boyd (professeur de criminologie, Université Simon Fraser, à titre personnel)

¿ 0915

¿ 0920
V         Le président
V         M. Ed Doerksen (à titre personnel)

¿ 0925

¿ 0930
V         Le président
V         M. Emile-J. Therien (président, Conseil canadien de la sécurité)

¿ 0935

¿ 0940
V         Le président
V         M. Emile-J. Therien
V         Le président
V         M. Randy White (Abbotsford, PCC)

¿ 0945
V         M. Neil Boyd
V         M. Randy White

¿ 0950
V         Le président
V         M. Randy White
V         M. Emile-J. Therien
V         M. Randy White
V         M. Emile-J. Therien
V         Le président
V         M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ)
V         Mme Line Beauchesne
V         M. Richard Marceau

¿ 0955
V         M. Emile-J. Therien
V         M. Richard Marceau
V         M. Raynald Marchand (gestionnaire, Sécurité routière et formation, Conseil canadien de la sécurité)
V         Le président
V         M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD)
V         M. Emile-J. Therien

À 1000
V         M. Joe Comartin
V         M. Emile-J. Therien
V         M. Joe Comartin
V         M. Emile-J. Therien
V         M. Joe Comartin
V         M. Emile-J. Therien
V         M. Neil Boyd
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.)
V         M. Emile-J. Therien
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Emile-J. Therien
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Emile-J. Therien
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Emile-J. Therien
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Emile-J. Therien
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Emile-J. Therien
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Emile-J. Therien
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Neil Boyd

À 1005
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Neil Boyd
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Neil Boyd
V         M. Raynald Marchand
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         M. Emile-J. Therien
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         Le président
V         M. Mark Warawa (Langley, PCC)

À 1010
V         M. Neil Boyd
V         M. Mark Warawa
V         M. Neil Boyd
V         M. Mark Warawa
V         M. Neil Boyd
V         Le président
V         M. Serge Ménard (Marc-Aurèle-Fortin, BQ)

À 1015
V         Mme Line Beauchesne
V         M. Serge Ménard
V         Mme Line Beauchesne
V         M. Serge Ménard
V         Le président
V         M. Serge Ménard
V         M. Neil Boyd

À 1020
V         Le président
V         L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.)
V         M. Neil Boyd
V         L'hon. Roy Cullen
V         M. Neil Boyd
V         L'hon. Roy Cullen
V         M. Emile-J. Therien
V         L'hon. Roy Cullen
V         M. Emile-J. Therien
V         L'hon. Roy Cullen
V         M. Raynald Marchand
V         L'hon. Roy Cullen
V         M. Raynald Marchand
V         L'hon. Roy Cullen

À 1025
V         M. Neil Boyd
V         L'hon. Roy Cullen
V         M. Neil Boyd
V         M. Emile-J. Therien
V         Le président
V         M. Myron Thompson (Wild Rose, PCC)

À 1030
V         M. Ed Doerksen
V         Le président
V         M. Joe Comartin
V         M. Emile-J. Therien

À 1035
V         M. Joe Comartin
V         M. Emile-J. Therien
V         M. Joe Comartin
V         M. Emile-J. Therien
V         M. Joe Comartin
V         M. Emile-J. Therien
V         M. Joe Comartin
V         M. Emile-J. Therien
V         M. Joe Comartin
V         M. Emile-J. Therien
V         M. Neil Boyd
V         M. Joe Comartin
V         M. Neil Boyd
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         M. Serge Ménard
V         Mme Line Beauchesne
V         M. Serge Ménard
V         Mme Line Beauchesne
V         M. Serge Ménard
V         Mme Line Beauchesne

À 1040
V         M. Serge Ménard
V         Mme Line Beauchesne
V         M. Serge Ménard
V         Mme Line Beauchesne
V         M. Serge Ménard
V         Le président
V         Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.)
V         Le président
V         Mme Anita Neville
V         M. Emile-J. Therien
V         Mme Anita Neville
V         M. Emile-J. Therien
V         Mme Anita Neville
V         M. Emile-J. Therien
V         Mme Anita Neville
V         M. Raynald Marchand
V         Mme Anita Neville
V         M. Emile-J. Therien
V         Mme Anita Neville
V         M. Neil Boyd

À 1045
V         Mme Anita Neville
V         M. Neil Boyd
V         Mme Anita Neville
V         Le président
V         M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC)
V         M. Emile-J. Therien
V         M. Garry Breitkreuz
V         M. Emile-J. Therien
V         M. Garry Breitkreuz
V         M. Emile-J. Therien
V         M. Raynald Marchand
V         M. Randy White
V         M. Emile-J. Therien
V         M. Randy White
V         M. Emile-J. Therien
V         M. Randy White
V         M. Emile-J. Therien

À 1050
V         M. Randy White
V         M. Emile-J. Therien
V         M. Randy White
V         M. Neil Boyd
V         M. Ed Doerksen
V         Le président
V         M. Neil Boyd
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


NUMÉRO 044 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 9 juin 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0905)  

[Traduction]

+

    Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.)): Nous avons le quorum. Je déclare ouverte la 44e séance du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile.

    Nos témoins invités à comparaître ce matin sont les suivants. Line Beauchesne, professeure titulaire, Département de criminologie, Université d'Ottawa; Neil Boyd, professeur de criminologie, University Simon Fraser; et M. Ed Doerksen. Du Conseil canadien de la sécurité, nous entendrons Emile Therien, Ethel Archard, et Raynald Marchand.

    Je pourrais peut-être demander à Line de commencer.

    La façon de procéder est la suivante : vous avez environ 10 minutes pour faire un exposé. Après quoi quand nous en aurons fini avec les exposés, chaque membre du groupe aura droit à une période de questions et réponses de cinq minutes chacun.

    Madame Beauchesne.

[Français]

+-

    Mme Line Beauchesne (professeure titulaire, Département de criminologie, Université d'Ottawa, à titre personnel): Je vous remercie de cette invitation.

    L'examen de ce projet de loi a d'abord été fait en regard de l'objectif recherché. C'est ainsi qu'on examine une loi. L'objectif ici est la sécurité routière, et le droit pénal doit servir d'appui à la prévention. Il ne doit pas être la stratégie principale mais plutôt un complément à d'autres stratégies.

    D'abord, il faut comprendre la situation actuelle. À l'heure actuelle, en matière de faculté affaiblies, on centre l'action principalement sur l'alcool, et l'alcootest est le moyen de vérifier si les facultés de la personne sont affaiblies. Ce moyen comporte un certain nombre de faiblesses. La première est que l'on considère non pas l'ensemble des facultés affaiblies, mais la consommation d'alcool, peu importe l'état du chauffeur. Le problème est que les gens se disent que s'ils n'ont pas consommé d'alcool, ils peuvent conduire.

    Une de mes étudiantes a fait sa thèse de maîtrise sur l'ensemble des programmes de prévention de Santé canada pour les jeunes dans les écoles, pour la question des facultés affaiblies. Ils portaient tous exclusivement sur l'alcool au volant. Cela crée chez les gens une série de comportements beaucoup plus liés à la peur du gendarme et de l'alcootest qu'à une bonne évaluation de leur capacité de conduire.

    Voici quelques exemples de situations que j'ai souvent vues. L'homme continue à boire alors que sa femme dort sur le divan depuis deux heures. Comme il n'est pas en état de conduire, il réveille sa femme et lui fait prendre le volant. Elle dort depuis deux heures et n'est donc pas nécessairement en état de conduire, mais son alcootest sera négatif. Des étudiants font des quarts de travail imprévus, passent 40 heures sans dormir et font ensuite des distances considérables, mais ils n'ont pas pris d'alcool. Ils ne se demandent donc pas s'ils sont en état de conduire, mais plutôt s'ils ont consommé de l'alcool. Encore un exemple: on prend une route secondaire. Les gens ici traversent la rivière par le pont des Chaudières quand ils ont bu car il peut y avoir des barrages policiers sur les autres ponts. On finit par connaître les bons endroits. Ce n'est pas non plus une situation où on évalue l'affaiblissement de ses facultés. C'en est une où on évalue la probabilité de se faire arrêter.

    Considérons donc le projet de loi C-16 par rapport à la situation actuelle et à ses faiblesses, afin de voir s'il améliore ou non la situation. Je crois qu'il l'améliore en partie, à cause de la mesure des habiletés motrices. Effectivement, depuis quelques années, de bons tests d'habileté motrice ont confirmé scientifiquement les facultés affaiblies. Les policiers peuvent facilement apprendre à maîtriser ces tests qui mesurent les facultés affaiblies.

    Cependant, je ne comprends pas — et c'est là la partie négative de ce projet loi — pourquoi on a besoin d'ajouter des tests de drogue pour valider ces tests. En d'autres termes, si on a évalué que mes facultés étaient affaiblies au moyen d'un test d'habileté motrice et que mon test de drogue est négatif, cela ne prouve pas que je suis en état de conduire. Si mon test indique que j'ai consommé des drogues, il ne prouve pas que c'est la cause du fait que je n'étais pas en état de conduire. Les tests de drogue indiquent qu'on a pris deux, trois, quatre ou cinq drogues. Si le test indique qu'on a pris de la marijuana, on peut l'avoir prise plusieurs jours plus tôt, à cause des métabolites. Le test ne prouve absolument pas qu'on est présentement sous l'effet d'une drogue qui a pu affecter notre conduite. Je ne vois pas quels renseignements cela ajoute.

    Cependant, à partir du moment où on utilisera des tests d'habilité motrice, on aura des surprises. On trouvera des personnes trop âgées qui ne devraient pas conduire leur véhicule, des personnes qui n'ont pas pris d'alcool mais qui sont extrêmement fatiguées, ou encore des personnes qui viennent de se disputer férocement avec leur conjoint, qui ont pris la voiture et qui ne sont pas en mesure de mesurer les choses. Par conséquent, on va peut-être réfléchir à l'usage de mesures pénales en matière de facultés affaiblies et être moins rapide sur la gâchette. On dirait que dans le cas de l'alcool, on peut tout se permettre parce qu'on a isolé un comportement qu'on considère inadéquat.

¿  +-(0910)  

    Si je conduis sur la route, je veux savoir si la personne qui me croise est en état de conduire, peu importent les raisons. Ici, les choses fonctionnent comme s'il existait de bonnes facultés affaiblies — les personnes qui s'endorment au volant, qui sont fatiguées, qui ne sont pas en état de conduire mais qui n'ont pas bu — et de mauvaises facultés affaiblies, lorsque qu'on a consommé quelque chose.

    Cela envoie un très mauvais message, ce qui est très nuisible lorsqu'on veut faire de la prévention. Il est difficile d'expliquer aux jeunes que l'enjeu est de mesurer la capacité de conduire. Il faut que le message porte sur l'ensemble des éléments qui peuvent affecter la capacité de conduire.

    Je crois qu'il faut revenir à un type de prévention qui englobe l'ensemble des éléments qui peuvent affecter la capacité de conduire. Les tests d'habileté motrice seraient capables de mener à cela. Ce n'est pas le cas des tests de drogue, qui par ailleurs sont très fortement encouragés par l'industrie des tests de drogue. Je n'en ai pas fait une longue mention dans mon mémoire, mais les industries des tests de drogue pénètrent les milieux sportifs et les milieux de travail. C'est une industrie de plusieurs millions de dollars. On a réussi à introduire cela dans toutes sortes de milieux de travail aux États-Unis. On a ensuite traversé ici par le biais des succursales. Il ne faut tomber dans le piège des tests de drogue. À mon avis, il faut se demander quel est le meilleur test pour mesurer les facultés affaiblies, peu importe pourquoi les facultés sont affaiblies, et adopter une politique globale par la suite.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Boyd, s'il vous plaît.

+-

    M. Neil Boyd (professeur de criminologie, Université Simon Fraser, à titre personnel): Merci beaucoup.

    Je crois comprendre que le projet de loi C-16 est une mesure complémentaire au projet de loi C-17. Je veux simplement faire une observation préalable relativement à ce point-là, à savoir que l'on n'a vraiment aucune preuve évidente de changement relativement aux habitudes de consommation de cannabis par suite de la réduction des sanctions, ce qu'on pourrait qualifier de décriminalisation, soit dans les États des États-Unis où cela s'est produit ou encore dans les pays européens où on a constaté un allégement significatif des sanctions dans les cas de possession et à un certain degré dans les cas distribution. Donc, dans la mesure où le projet de loi C-16 est paraît-il scientifiquement relié au projet de loi C-17, je ne crois pas qu'on en ait beaucoup de preuves. Quant à relier le projet de loi C-16 et le projet de loi C-17 pour une raison politique, je comprends parfaitement.

    Cette parenthèse mise à part, il me semble évident que la consommation de cannabis, surtout l'utilisation récente de cannabis, pose un risque et que le projet de loi C-16 s'efforce de traiter essentiellement du cannabis même si bien entendu il traite de drogues autres que le cannabis et l'alcool et propose ce contrôle à trois volets.

    Je pourrais dire, au sujet de la conduite avec facultés affaiblies en général que c'est probablement l'un des domaines du système de justice pénale où l'on se montre relativement indulgent étant donné le tort causé par la conduite en question. Autrement dit, si l'on considère le meurtre au premier et au deuxième degré, et l'homicide involontaire et qu'on les oppose à la conduite avec facultés affaiblies, et aux décès qui y sont nettement attribuables, on pourrait s'interroger sur l'indulgence relative étant donné les pertes de vie.

    Ce à quoi je veux en venir cependant ce n'est pas de réclamer des sanctions plus rigoureuses pour ces délits mais de signaler qu'il existe un manque de logique en l'occurrence, et je reviendrai brièvement là-dessus à la fin de mon exposé.

    En ce qui concerne le contrôle à trois volets, je comprends et j'appuie la notion des tests de sobriété standardisés en tant que premier volet. J'appuie l'idée d'une évaluation par un expert en reconnaissance de drogues. Le troisième volet est celui qui me cause des ennuis : soumettre le sujet à une prise de sang ou au prélèvement de substances corporelles. La difficulté à laquelle on se heurte en adoptant cette approche, à mon avis, c'est qu'on ne sait pas exactement quel niveau d'affaiblissement des facultés, sur le plan pénal, il convient d'attribuer à quelles drogues. Par exemple, pour obtenir une indication exacte du cannabis utilisé pendant les trois heures précédentes, il semble évident que des analyses de sang seront nécessaires, et on n'est même pas certain de la fiabilité de ces indications.

    Nous devons admettre que les analyses de sang sont très intrusives en comparaison de l'ivressomètre, et comme beaucoup l'ont fait remarquer, il ne serait pas possible d'obtenir une condamnation en se fondant uniquement sur des tests de sobriété standardisés. Donc, pour obtenir une condamnation au criminel, il faudrait se fonder sur le troisième volet du contrôle, c'est-à-dire exiger ce qui serait vraisemblablement un échantillon de sang.

    Et alors-- et il s'agit probablement à mon avis de la question la plus fondamentale—existe-t-il une science de facultés affaiblies par THC ou à vrai dire par une gamme étendue d'autres drogues ou un mélange de diverses drogues? Nous ne savons pas d'après les éléments de preuve qu'une combinaison de cannabis et d'alcool affaiblit davantage les facultés que l'alcool seul ou certainement que le cannabis seul. Le Conseil canadien de la sécurité par exemple a soulevé la question de savoir si ces tests respecteront la norme exigée pour une condamnation au criminel, c'est-à-dire « au-delà de tout doute raisonnable », avec une clarté suffisante.

    Je remarque que lorsque le ministre Irwin Cotler a comparu devant votre comité, il a fait l'observation suivante : « nous n'avons pas la même sorte de consensus scientifique »—je crois qu'il parlait du cannabis—que l'on a pour l'alcool.

    Donc, il est clair que si le gouvernement veut faire adopter ce projet de loi, surtout avec le troisième volet, il s'aventure dans un domaine dont il ignore tout. Il prend une décision sur la façon de procéder sans posséder une base correspondante de connaissances relativement au niveau de facultés affaiblies et relativement au seuil nécessaire pour une condamnation au criminel. Il est très clair, pour ce qui est de l'alcool, qu'avec un taux de 0,08 p. 100 --on peut débattre de la question de savoir s'il s'agit de 0,05 p. 100, 0,08 p. 100 ou 0,10 p. 100--on sait à quoi s'en tenir depuis longtemps et il existe des tests établis pour documenter le tort que causent ces niveaux de facultés mentales affaiblies.

¿  +-(0915)  

    Je tiens aussi à faire remarquer que le ministre et d'autres ont cité des études selon lesquelles 20 p. 100 des chauffeurs dans des collisions fatales auraient eu leurs facultés affaiblies par la consommation de cannabis. La Fondation de recherches sur les blessures de la route au Canada a constaté que dans 57 p. 100 des accidents mortels de la route, l'alcool était en cause et que dans 11 p. 100 le cannabis était en cause. Cependant, si l'on considère ce pourcentage soit 11 p. 100 qui est bien entendu un cinquième du nombre des cas d'alcool, on voit que dans 84 p. 100 de ces cas, soit 11 p. 100, le cannabis et l'alcool étaient en cause.

    Je ne cherche pas à dire que le cannabis est insignifiant et que l'on ne devrait pas s'inquiéter de la conduite avec facultés affaiblies dues au cannabis, mais c'est une goutte d'eau dans l'océan pour ce qui est du tort causé par rapport au tort que causent l'alcool, un mélange d'alcool et de cannabis, ou une combinaison d'alcool et d'autres drogues.

    Actuellement, j'ai la bonne fortune d'enseigner aux agents de police, et de travailler avec eux à un certain nombre de projets. Que m'ont-ils appris au sujet de la conduite avec facultés affaiblies? C'est que des suspensions de permis de 24 heures sont la solution la plus commune pour résoudre le problème, qu'on ne porte pas d'accusation pour conduite au volant avec facultés affaiblies parce que cette méthode est très inefficace, difficile et exige tellement de temps, que ces agents de police trouvent plus efficace de simplement imposer une suspension de licence de 24 heures au contrevenant éventuel.

    Ce que vous avez élaboré avec le projet de loi C-16 c'est une façon plus compliquée plus technique, plus exigeante et qui exige plus de temps, de réagir au conducteur dont les facultés sont affaiblies pour avoir consommé du cannabis et aussi au conducteur dont les facultés sont affaiblies par la consommation d'une combinaison d'alcool, de cannabis et d'autres drogues. La façon actuelle de procéder prend trop de temps. Elle est inefficace. Je me demande pourquoi cette nouvelle méthode serait différente?

    Il faut admettre que la conduite en état d'ébriété, comme la fraude en matière d'investissement, est le fait de personnes possédant des ressources. C'est un peu différent de la plupart des autres sortes de crimes auxquels les gens sont confrontés dans le système de justice pénale. Par conséquent, comme c'est le cas des personnes accusées de fraude en matière d'investissement, les gens accusés de conduite avec facultés affaiblies et d'infractions enregistrées à l'ivressomètre, possèdent d'importantes ressources. Ils se présentent au tribunal avec des avocats bien nantis, et ils sont prêts à créer peut-être la jurisprudence la plus significative en matière de conduite avec facultés affaiblies que nous ayons vue depuis un siècle. Il existe une différence étonnante, par exemple, dans les droits accordés aux chauffeurs avec facultés affaiblies par rapport à ceux accordés aux personnes accusées d'infractions pour drogues illégales.

    J'estime cependant, en terminant, que cette mesure législative est en majorité positive. Elle comporte un avantage instructif. Beaucoup ont constaté qu'une fois que l'on passe par les tests de sobriété standardisés, et que l'on s'en remet à un expert en reconnaissance de drogues, il s'agit peut-être d'aider des gens qui ont des problèmes médicaux, surtout quand on sait que ce n'est pas simplement l'alcool ou le cannabis mais une gamme étendue de médicaments qui peuvent affaiblir les facultés.

    Je vous exhorte à reconsidérer le troisième volet. Je ne pense pas qu'il donnera des résultats de la façon dont le système de justice pénale fonctionne. Il n'est simplement pas pratique ni efficace mais par ailleurs les deux autres volets, les tests de sobriété et les experts en reconnaissance de drogues pourraient entraîner un avantage à la fois instructif et préventif.

¿  +-(0920)  

+-

    Le président: Monsieur Doerksen.

+-

    M. Ed Doerksen (à titre personnel): Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du comité, c'est pour moi un honneur d'avoir été invité à comparaître devant votre comité à propos du projet de loi C-16.

    Je commencerai pas dire que j'appuie toutes les tentatives destinées à réduire ou même à limiter la conduite avec des facultés affaiblies, sur les routes et les autoroutes du Canada. Les facultés affaiblies par l'alcool, une drogue ou une combinaison des deux a entraîné bien des difficultés pour des particuliers et leurs familles.

    Pour souligner mon point, j'aurais pu apporter des photos de particuliers qui ont été tués parce qu'un chauffeur avait pris le volant avec des facultés affaiblies. J'aurais pu aussi vous apporter une de mes huit jambes artificielles et vous les montrer pour prouver davantage mon argument.

    Le projet de loi C-16 donne l'occasion de modifier les attitudes des particuliers à propos de la conduite avec facultés affaiblies. Je crois que le 17 mai 1979 aurait eu une issue différente si l'article relatif à la conduite après consommation de drogue avait existé. Au lieu de se voir imposer une amende de 28 $ pour avoir doublé à tort en vertu de la Loi sur les transports routiers en Ontario, les policiers auraient pu présenter une condamnation pour conduite avec facultés affaiblies en raison de la consommation de drogue. La personne responsable de l'amputation de ma jambe était un narcotrafiquant bien connu et un usager de drogue. Sur les lieux de l'accident, on a observé qu'il ne se rendait même pas compte de ce qui s'était passé en réalité. Selon les policiers et les témoins, l'intéressé a semblé être sous l'influence d'une drogue.

    L'attitude de bien des Canadiens, jeunes et vieux, c'est de s'imaginer que la conduite avec facultés affaiblies est un crime qui ne fait pas de victime. Ils se soucient peu ou pas du tout de conduire avec facultés affaiblies même s'ils se font prendre. Quand plusieurs de ces chauffeurs aux facultés affaiblies causent un accident, ils n'éprouvent aucun remord pour leur action. Pour eux, c'est juste un accident qui s'est produit. Ils deviennent agacés, estimant qu'on les persécute pour l'accident qui s'est produit. C'est sur ce point que j'aimerais que l'on renforce le projet de loi C-16, en attribuant la responsabilité de ces actions directement sur le chauffeur ayant pris le volant avec des facultés affaiblies.

    Je voudrais proposer que les chauffeurs reconnus coupables par les tribunaux de conduite avec facultés affaiblies fassent l'objet a) de la perte obligatoire de leurs privilèges de conduite pendant une période d'un an pour la première infraction; b)d' une amende de pas moins de 1 000 $; c) soient obligés d'assister à un programme d'une durée de deux semaines à un mois pour conduite avec facultés affaiblies en raison de consommation d'alcool et de drogue, à leurs propres frais; et d) à l'issue du programme, qu'ils soient tenus de passer un examen avec une moyenne de 85 p. 100 avant de pouvoir redemander qu'on leur rende leurs privilèges de conduite.

    Pour les auteurs de blessures à autrui, le projet de loi C-16 propose à l'alinéa 2 du paragraphe 255 une durée maximale d'emprisonnement de 10 ans. Je voudrais proposer une durée obligatoire de pas moins d'un an et d'un maximum de 10 ans. En cas de mort, selon l'alinéa 3 proposé au paragraphe 255, je propose un emprisonnement obligatoire de cinq ans ou à perpétuité. Ces deux conditions obligatoires seraient imposées en plus d'une amende et de la participation à un programme de sensibilisation que j'ai proposé auparavant.

    Cela peut sembler sévère à certains. Je vous demande simplement de vous mettre à la place de personnes comme moi. Nous avons été privés d'une tranche de vie que nous ne pourrons pas récupérer. Être amputé depuis 26 ans n'a pas été une expérience romantique ou extraordinaire. Quotidiennement je mets et j'enlève un souvenir constant de cette journée en mai 1979 alors que l'auteur de cet accident qui habite à Calgary continue à utiliser la drogue et à en faire le commerce, trouvant tout l'incident très drôle.

    Permettez-moi de vous donner quelques exemples des raisons pour lesquelles le projet de loi C-16 devrait comprendre des sanctions plus rigoureuses.

    Premièrement, on estime que pendant n'importe quel week-end l'été, un sur dix des chauffeurs qui quittent le parc provincial de Wasaga Beach est sobre.

    Deuxièmement, au Canada lors d'une réception ordinaire de mariage ou d'un événement social où l'on sert de l'alcool, on peut estimer sans crainte de se tromper que personne ne quitte les lieux sobre. Et cela n'inclut pas les bars et les night-clubs où l'alcool et les drogues font partie des festivités de la soirée.

    Troisièmement, les bars, hôtels et night-clubs servent tous des clients au-delà de la limite d'intoxication sans manifester la moindre volonté de cesser de servir ceux qui ont déjà trop bu.

    Je ne suis pas contre les gens qui cherchent à avoir du plaisir. Ce à quoi je m'oppose c'est que les gens ne soient pas tenus responsables de leurs actes, des gens qui sans se soucier de leur propre vie ou la vie d'autrui, prennent le volant et conduisent avec des facultés affaiblies. Je crois que le projet de loi C-16 pourra y parvenir si vous, nos législateurs, souhaitent qu'il en soit ainsi.

    J'ai un autre sujet d'inquiétude, c'est l'article 3 qui modifie l'article 254 du Code criminel du Canada. Je veux parler du sous-alinéa a) du paragraphe 254.1 proposé concernant les qualités et la formation requises des agents évaluateurs. Je crois comprendre que cet article autorise le gouverneur en conseil à faire des règlements concernant la formation des experts en reconnaissance de drogues connus sous le nom de ERD. J'ai lu les rapports provenant de différentes administrations concernant les preuves fournies par les experts en reconnaissance de drogues et la mise en place de ces agents. Je conviens que ces agents sont nécessaires pour appliquer les dispositions prévues dans le projet de loi C-16.

¿  +-(0925)  

    J'aimerais parler de deux choses. Tout d'abord, je trouve que la formation des agents du Programme d'experts en reconnaissance de drogues devrait durer plus de huit heures et être donnée sur plus d'une fin de semaine, comme cela se fait dans certains endroits. Je suggère de mettre au point un programme de plus de deux semaines. De plus, tous les agents du programme devraient suivre un cours à tous les trois ans pour renouveler leur accréditation.

    Ce qui m'inquiète dans cela, c'est ce qui arrive de l'information obtenue alors que le tribunal a rejeté la preuve provenant des agents du Programme d'experts en reconnaissance de drogues en raison de leurs qualifications et de leur expérience. Après tout, les policiers ne sont pas des médecins, et on nous demande soudainement de faire presque des actes médicaux. Beaucoup de symptômes ressemblent aux effets de la drogue et les policiers doivent savoir faire la différence.

    Finalement, les gouvernements, les éducateurs et les organismes de lutte contre la conduite avec facultés affaiblies dépensent des millions de dollars pour essayer d'éduquer la population à ce sujet. Tout cela a eu bien peu d'effet. Je sais. En 1986, j'étais agent au service de police de la ville de Barrie, et un autre agent de police et moi-même avions suivi une formation de trois jours sur la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool et par les drogues. Au nombre des intervenants, il y avait un coroner, un courtier d'assurance et un agent de police qui a parlé des accidents provoqués par ce problème puis nous avions regardé un film qui montrait un carnage sur l'autoroute, des corps brûlés et des statistiques sur les accidents mortels sur les autoroutes.

    Cela nous a impressionnés. Et cela a aussi impressionné les étudiants présents. Mais comme toute chose, cela a été de courte durée pour bien des gens.

    En cette époque où le système de santé est mis en jeu, la conduite avec facultés affaiblies est un fardeau pour le système. Et c'est également un fardeau pour les familles qui vivent un deuil et les personnes qui essaient de vivre avec un handicap par la faute d'un conducteur qui avait les facultés affaiblies.

    Un membre artificiel comme le mien peut coûter entre 15 000 et 25 000 dollars. Une partie de ces dépenses sont couvertes par divers programmes, des organismes et le gouvernement, et je dois payer le reste moi-même. Et puisque je gagne moins de 10 000 dollars par année, c'est un fardeau continu, et je suis parmi les chanceux.

    Environ 85 p. 100 des personnes ayant un handicap n'ont pas d'emploi ou occupent un emploi sous-payé. Environ la moitié des 85 personnes ayant un handicap et qui ont un emploi sont devenues handicapées à cause d'un conducteur qui avait les facultés affaiblies.

    Il est possible d'améliorer le projet de loi C-16. Lorsque vous ferez votre travail, je vous demanderais de penser aux victimes.

    Merci.

¿  +-(0930)  

+-

    Le président: C'est maintenant au tour de M. Emile Therien, du Conseil canadien de la sécurité.

+-

    M. Emile-J. Therien (président, Conseil canadien de la sécurité): Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, et les personnes dans la salle.

    Avant de commencer ma présentation, j'aimerais vous remettre ceci, et assurez-vous de me le redonner. Il s'agit d'un article du Globe and Mail d'aujourd'hui qui s'intitule : « Un passé sombre, un a future clair comme de l'eau ». C'était à la une. Je crois qu'il traite de ce dont nous parlerons plus tard. Si vous n'avez pas encore lu cet article, je vous recommande de le faire, maintenant ou plus tard.

    Le Conseil canadien de la sécurité éprouve de sérieuses réserves à l'égard du projet de loi C-16. Nous croyons que les modifications proposées au Code criminel concernant la conduite avec facultés affaiblies par la drogue sont précoces et qu'elles pourraient entraver la mise en oeuvre de mesures de prévention efficaces. Nous croyons qu'il faut des mesures préventives immédiatement, mais la priorité devrait accordée à la sécurité publique, et non aux sanctions criminelles. Dans l'intérêt de la sécurité publique, nous prions le gouvernement de ne pas appliquer ces amendements au Code criminel actuellement.

    Je vais tout d'abord passer en revue nos principales préoccupations au sujet de cette législation, le projet de loi C-16. Tout d'abord, il existe beaucoup de substances illégales qui peuvent affaiblir les facultés lors de la conduite—il ne s'agit pas uniquement de la marijuana et de la cocaïne, mais aussi des médicaments. Une loi sur la conduite avec facultés affaiblies doit couvrir toutes les substances qui peuvent affaiblir les facultés. Cependant, certains médicaments d'ordonnance ont un effet important sur la capacité de conduire, plus que la marijuana ou le pot. Cela génère d'énormes complications.

    Ensuite, il manque de critères défendables. Le test physique effectué le long de la route n'est pas toujours admissible devant un tribunal pénal, et je pense que Neil a confirmé cela, ce qui pourrait rendre nécessaires les prélèvements d'échantillons de fluides corporels. Il ne s'agit pas d'appliquer une tolérance zéro ni d'imposer des niveaux arbitraires. Les niveaux défendables en cour doivent être établis pour toutes les substances qui peuvent affaiblir les facultés et pour toutes combinaisons de ces substances. C'est une tâche gigantesque qui nécessite beaucoup de preuves et de recherches, et ce n'est tout simplement pas possible maintenant.

    Il faut également tenir compte du fait que certaines drogues demeurent présentes dans le corps longtemps après que ses effets se soient estompés. Par exemple, le cannabis peut rester présent dans l'organisme pendant quatre semaines, bien que ses effets néfastes ne durent pas aussi longtemps. Un autre sujet de préoccupation, c'est la méthode de mesure. Si on établit des niveaux, il faut utiliser des instruments approuvés pour mesurer les niveaux de toutes les substances. Ensuite, la police doit être formée pour utiliser ces outils. Il faut des années pour mettre en oeuvre ce processus, car la preuve présentée en cour doit être rigoureuse.

    Tant que cela n'est pas fait et que les problèmes ne sont pas résolus, nous recommandons de prendre des mesures à l'extérieur du cadre du Code criminel et conformément avec la Stratégie de réduction de la conduite avec facultés affaiblies, la FRCFA. La FRCFA est coordonnée par le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé, soit le CCATM, qui est mandaté par le Conseil des ministres responsables des transports et de la sécurité routière partout au pays.

    Transport Canada est membre du CCATM et appuie fortement la FRCFA. Grâce à la FRCFA, les mortalités causées par des conducteurs ayant les facultés affaiblies ont diminué de 27 p. cent entre 1995 et l'an 2000. C'est un progrès très impressionnant, surtout lorsque l'on sait que durant la même période aux États-Unis, les mortalités appartenant à cette catégorie n'ont pas diminué du tout. Elles demeurent stables.

    L'objectif du Canada pour l'an 2010 est de diminuer de 40 p. cent les cas de mortalités ou de blessures graves causées par des conducteurs ayant les facultés affaiblies. La FRCFA est fortement engagée et collabore beaucoup avec les responsables du pays à tous les niveaux. Cette excellente synergie s'est développée avec les années, et je n'ai pas besoin de vous dire qu'elle fonctionne mieux que ce qui se fait lorsque les gouvernements fédéraux, provinciaux et territoriaux essaient de travailler ensemble.

    Nous aimerions croire que le projet de loi C-16 vise à diminuer l'incidence de la conduite avec facultés affaiblies. Si c'est le cas, nous demandons prestement à Justice Canada de ne pas prendre d'actions unilatérales. Si l'on met en vigueur cette nouvelle législation à l'extérieur du cadre de la FRCFA, cela pourrait créer plus de problèmes qu'avant. Le Code criminel est le seul instrument juridique qui peut traiter de la conduite avec facultés affaiblies au Canada. Le gouvernement fédéral partage cette responsabilité avec les provinces et les territoires.

    Le gouvernement a prévu des millions de dollars pour assurer la formation des policiers afin qu'ils puissent administrer les tests de détection des drogues. Bien que ce financement soit proposé dans le cadre du projet de loi C-16, il faut l'octroyer maintenant, c'est urgent. Nous vous demandons prestement de faire cet investissement, peu importe ce qui arrive au projet de loi C-16. Nous aimerions attirer votre attention—je crois que c'est très important—sur le fait que de plus en plus de cas de conduite avec facultés affaiblies sont traités à l'extérieur du Code criminel, partout au pays. En Colombie-Britannique, une accusation sur cinq de conduite avec facultés affaiblies se résout lorsque l'accusé plaide coupable pour une offense moins grave.

¿  +-(0935)  

    Il y a de bonnes raisons pour cette décriminalisation de fait, mais nous n'allons pas nous étendre sur le sujet. En élargissant l'application du Code criminel, le projet de loi C-16 risque de rater son objectif parce qu'il ne tient pas compte de cette importante tendance.

    Les provinces et les territoires exigent que les médecins signalent les conducteurs dont les facultés sont affaiblies par la maladie—comme la démence—afin que le ministère des Transports puisse imposer des interdictions de conduite. Ces suspensions empêchent les conducteurs potentiellement dangereux de prendre le volant. Elle lance aussi un avertissement sévère et efficace sans le fardeau d'un casier judiciaire à vie, et sans un procès coûteux.

    En vertu des différents codes de la route, les autorités canadiennes imposent des suspensions de 12 à 24 heures aux conducteurs ayant un taux d'alcoolémie inférieur au seuil légal de 0,08. Les policiers qui ont des raisons de croire qu'un conducteur présente des dangers pour le public peuvent suspendre immédiatement son permis de conduire. Cependant, cette suspension n'est pas nécessairement considérée comme une infraction. Ce type de suspension pourrait être adaptée pour la conduite avec facultés affaiblies par des drogues très facilement. En imposant une amende pour ce genre de délits, on montrerait qu'il y a des conséquences et les autorités pourraient tenir des registres des contrevenants.

    Le Conseil canadien de la sécurité—et je crois que cela remonte à plusieurs années maintenant—a encouragé les gouvernements des provinces et des territoires à imposer des suspensions administratives de permis de conduire dans les cas de conduite avec facultés affaiblies par des substances autres que l'alcool. Par exemple, les policiers qui auraient des raisons de croire qu'une personne conduit avec les facultés affaiblies par de la drogue ou des médicaments devraient pouvoir suspendre le permis de conduire de cette personne en vertu du Code de la route de la province. Il ne s'agit pas de réinventer la roue. De plus, si l'alcool est également en cause, les mesures qui s'imposent devraient être prises en fonction du taux d'alcoolémie.

    Je vais maintenant parler du cannabis. Le projet de loi C-16—je crois que le professeur Boyd en a parlé—semble un peu servir à apaiser les opposants au projet de loi C-17, surtout, comme je viens de le dire, parce qu'il est proposé à l'extérieur du cadre de la stratégie de réduction de la conduite avec facultés affaiblies. Le fait qu'un certain nombre de Canadiens consomment du cannabis et prennent le volant lorsqu'ils sont sous l'influence de cette drogue, cela a apparemment soulevé des préoccupations : si le projet de loi C-17 était adopté, il pourrait y avoir une augmentation de la conduite avec facultés affaiblies par le cannabis. C'est une supposition non fondée.

    En janvier 2004, le Royaume-Uni a adopté une loi qui ressemble au projet de loi C-17. On n'a pas encore prouvé que la consommation de cannabis allait provoquer une telle augmentation. Les politiques canadiens devraient se baser sur l'expérience du Royaume-Uni.

    Le cannabis est bien sûr une substance illégale. Elle demeurera illégale même si le projet de loi C-17 est adopté. Le problème, c'est que beaucoup de personnes en consomment, surtout les jeunes. En plus d'être dangereux pour la conduite, le cannabis a des effets néfastes sur la santé et la sécurité. Il faut une stratégie pour réduire la consommation de cannabis, et cette stratégie devrait s'adresser aux jeunes.

    Cela étant dit, le cannabis est l'une des drogues les plus faciles à détecter, dans les cas d'accidents mortels ou graves, comme l'alcool. Dans environ la moitié des cas, l'alcool est également en cause. Jusqu'à présent, bien peu de preuves ont démontré que les conducteurs ayant consommé du cannabis ont plus de chances d'être impliqués dans un accident que les conducteurs n'ayant pas consommé de drogue. Le cannabis a un effet très différent de l'alcool—je n'en ai jamais pris, mais...

    Les consommateurs de marijuana savent que cela affecte leurs facultés, et ils peuvent essayer de compenser en conduisant d'une manière plus prudente. Un conducteur ayant consommé du cannabis est moins en mesure de demeurer au centre de la voie, de maintenir une distance constante avec le véhicule devant lui et de prendre rapidement des décisions sur la manoeuvre à faire. En cas d'événements imprévus, le conducteur peut avoir beaucoup de difficulté à réagir rapidement.

    Les personnes qui ont consommé de l'alcool ont plus de chance d'être impliquées dans un accident que ceux qui ont consommé du cannabis. Les conducteurs ayant les facultés affaiblies par l'alcool ont un comportement routier plus agressif et prennent plus de risques, et notamment font de la vitesse; ils ont peu conscience du fait que leurs facultés sont affaiblies; et ils n'essaient tout simplement pas de compenser. Les niveaux établis pour l'alcool sont corrélés avec les concentrations dans le sang.

    Aucune corrélation semblable n'est disponible pour le cannabis, même si la recherche suggère que l'effet du cannabis sur la conduite dépend de la dose. Il est difficile d'effectuer une évaluation étant donné la grande variété des effets du cannabis.

¿  +-(0940)  

    Des recherches révèlent que la consommation récente de cannabis peut augmenter les risques d'accident, mais pas une consommation antérieure. Le problème, c'est que l'ingrédient actif du cannabis, le THC—je ne le dirai pas au long—peut rester présent dans l'organisme jusqu'à quatre semaines, bien que ses effets néfastes ne durent pas aussi longtemps. On a également découvert que la consommation régulière de marijuana est étroitement associée aux accidents causant des lésions corporelles.

    Le THC seul n'a été décelé que dans relativement peu de cas de mortalité sur les routes. Le plus souvent, il est décelé en combinaison avec l'alcool. La combinaison de ces deux substances cause un affaiblissement important des facultés et augmente dramatiquement les risques d'accidents. Néanmoins, les statistiques sur les décès n'appuient pas la proposition apparemment arbitraire de baisser le taux d'alcool dans le sang à 0,40 en combinaison avec le cannabis.

    Les ivressomètres utilisés le long de la route offrent une méthode facile, efficace et pratique aux policiers pour détecter et mesurer la présence d'alcool. Il n'existe actuellement aucun contrôle routier permettant de déterminer si une personne a consommé du cannabis. Même si un test de ce genre existait, il faudrait déterminer une limite légale.

    Puisque les condamnations en vertu du Code criminel du Canada exigent des preuves hors de tout doute raisonnable, les législateurs canadiens doivent sérieusement examiner d'autres solutions. En l'absence de recherches définitives sur la façon dont la consommation de cannabis peut être liée aux accidents de la route, les contestations judiciaires peuvent entraver les condamnations dans les affaires criminelles.

    Les médicaments jouent aussi un grand rôle dans l'affaiblissement des facultés. Les Canadiens âgés de 65 ans et plus prennent en moyenne neuf médicaments par jour, y compris des médicaments sur ordonnance, des médicaments en vente libre et des produits phytopharmaceutiques. Cette information provient de l'Université McGill.

    En particulier, certains médicaments prescrits pour combattre l'anxiété et l'insomnie chez les personnes âgées peuvent provoquer des effets secondaires comme la somnolence, réduire les fonctions motrices et occasionner la confusion. Des études révèlent que les gens qui prennent ce type de médicaments sont plus à risque d'être impliqués dans une collision. Leurs facultés seraient plus affaiblies que chez les personnes qui consomment du cannabis.

    Les médicaments qui ralentissent les personnes réduisent aussi la capacité de prendre des décisions et d'analyser l'information avec rapidité. Les aînés qui prennent des analgésiques, dont ceux qui contiennent de la codéine, peuvent éprouver un sentiment de sédation et se retrouver avec des facultés légèrement affaiblies.

    Même les médicaments en vente libre peuvent réduire les facultés au volant. Les antihistaminiques peuvent occasionner de la somnolence et réduire la capacité de concentration. Les calmants et les médicaments contre le rhume, tels que les comprimés contre le rhume, les sirops contre la toux et les somnifères peuvent réduire l'aptitude à conduire. La combinaison de médicaments peut avoir de malencontreux effets secondaires et occasionner des réactions néfastes.

    Le fait de consommer de l'alcool et des médicaments peut être très risqué, particulièrement pour les aînés car leur corps a plus de difficulté à transformer l'alcool. Le gouvernement fédéral doit se demander sérieusement s'il veut criminaliser les personnes qui...

+-

    Le président: Monsieur Therien, puis-je vous demander de conclure votre déclaration dans les 30 à 45 prochaines secondes?

+-

    M. Emile-J. Therien: Oui.

    Le gouvernement fédéral doit sérieusement évaluer s'il veut ou non criminaliser les personnes, dont bon nombre sont des personnes âgées, qui conduisent sous l'influence de produits pharmaceutiques prescrits sur ordonnance ou disponibles en vente libre.

    À l'heure actuelle, près de 22 000 médicaments pour usage humain sont disponibles au pays. L'identification de ceux pouvant affaiblir la capacité de conduire, seuls ou en combinaison avec d'autres substances, la détermination d'une limite légale pour chacun de ces médicaments et l'approbation des outils d'évaluation représentent un grand défi.

    Il faut tenir compte de l'importance qu'a pour les personnes âgées un permis de conduire pour assurer leur indépendance, particulièrement chez les personnes qui ont conduit pendant une grande partie de leur vie. Nous avons fait des recommandations, que nous aborderons plus tard, puisque nous parlons d'une suspension administrative du permis de conduire.

    Je vais maintenant m'en tenir à l'essentiel.

    Pour terminer, le projet de loi C-16 semble être une solution miracle typique motivée par l'opportunisme politique. Il néglige des facteurs importants tels que l'application des lois existantes, les causes fondamentales du problème et la compétence. Il n'est pas fondé sur des recherches reconnues ni sur une analyse de l'ensemble de la situation. Il ne faudra pas aller de l'avant avec cette mesure législative tant que le travail préparatoire nécessaire n'aura pas été fait.

    Merci. Je vous prie de m'excuser d'avoir pris plus de temps que prévu.

+-

    Le président: Merci, monsieur Therien.

    Monsieur White, vous avez cinq minutes.

+-

    M. Randy White (Abbotsford, PCC): J'aimerais passer cinq minutes sur cette présentation, mais je ferais mieux d'attendre à plus tard. Je suis plutôt surpris de voir que le Conseil canadien de la sécurité nous recommande de maintenir le statu quo, de ne pas aller de l'avant et de n'apporter aucune modification pour le moment en ce qui a trait à l'évaluation de la conduite avec facultés affaiblies. Ce sont des propos surprenant pour un tel organisme; mais je reviendrai là-dessus dans une minute.

    J'aimerais demander quelque chose à M. Boyd. Neil et moi, nous nous connaissons depuis longtemps puisque nous avons participé à des comités et à des débats partout au pays.

    D'abord, le projet de loi C-17 n'est qu'une toute partie de la Stratégie canadienne antidrogue. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle je le retiens. Si on aborde de façon globale la décriminalisation de la marihuana, l'interdiction de faire la promotion de médicaments au Canada et l'argent dépensé sur la méthamphétamine, c'est irresponsable. Nous devrions refuser de laisser passer le projet de loi C-17 et la position qu'il adopte.

    Je trouve qu'il y a toute une différence entre ce qui se passe dans la rue et ce qui se passe devant un tribunal. Peu importe le type de processus qui sera établi, et il y en aura un, et l'étendue des évaluations, on dirait que tout tombe en morceaux une fois dans la salle d'audience.

    J'ai vu, tout comme vous sûrement, des personnes qui avaient fait l'objet de 10, 20, 30, 80 et 100 condamnations, et même plus dans certains cas. Pour un délit de fuite, la peine maximale était de cinq ans, mais de nos jours, c'est de deux ans ou moins.

    J'aimerais savoir quels seraient les résultats, d'après vous, de cette évaluation devant un tribunal. Je sais qu'il y aura des querelles au sujet de la Charte et ce genre de chose, mais allons-nous un jour reconnaître au sens judiciaire que c'est un problème?

    Il faut aborder cette question de façon équitable et constante. Il faut montrer aux gens que la conduite avec facultés affaiblies est un problème qu'il faut régler.

¿  +-(0945)  

+-

    M. Neil Boyd: Le problème, d'après moi, c'est que la plupart des gens qui conduisent avec des facultés affaiblies et ceux qui ont un taux d'alcoolémie de 0,08 ou qui affichent des comportements semblables ne seront jamais traduits devant la justice, et ce pour diverses raisons, dont la jurisprudence étoffée que nous avons développée.

    Comme je l'ai dit pendant ma déclaration, ce qui distingue les conducteurs avec facultés affaiblies des autres personnes qui se présentent devant les tribunaux, c'est que certains ont accès à des ressources considérables. Même quand ce n'est pas le cas, ils sont prêts à dépenser tout ce qu'ils ont pour éviter d'être condamnés et de subir la stigmatisation qui en découle. Ils ne ressemblent pas aux autres personnes accusées de crimes; ils font bande à part. Voilà pourquoi nous avons une telle jurisprudence entourant la défense des conducteurs avec facultés affaiblies. Par conséquent, les policiers se retrouvent dans des situations où il est plus simple sur le plan politique, économique et social de suspendre un permis de conduire pendant 24 heures que de déposer des accusations.

    Pendant l'une des conversations que nous avons eues avant la séance, nous avons dit qu'il serait peut-être plus efficace de suspendre un permis de conduire pendant 48 ou 72 heures. Pour moi, vu le monde dans lequel nous vivons—pas un monde idéal, mais bien le monde réel—, la suspension d'un permis de conduire pendant 48 ou 72 heures pourrait être une façon plus pratique d'attaquer ce problème au lieu de prétendre que les peines infligées par les tribunaux criminels changeront considérablement.

    On ne sait pas exactement ce que fait la prison aux gens ni, de façon plus générale, si l'aggravation des peines d'emprisonnement permettrait vraiment de renforcer les mesures de dissuasion particulières ou globales. Ce n'est pas une question qui se pose lors de la première infraction, donc ça n'a pas vraiment beaucoup d'importance.

+-

    M. Randy White: D'accord.

    Monsieur Therien, je suppose que le moment est venu que nous ayons une discussion. Je croyais que le Conseil canadien de la sécurité nous dirait que nous avons besoin de telles évaluations et que nous devons aller de l'avant dans cette direction. Cependant, vous dites qu'on ne devrait rien modifier pour le moment; c'est ce que vous avez dit en ce qui a trait à l'évaluation. Ce serait en raison des complications que pourrait entraîner l'entrée en jeu des médicaments sur ordonnance, du prélèvement de liquides organiques, du temps que prend le corps pour éliminer des substances, des problèmes de formation et des contestations devant les tribunaux. Ces choses vont évidemment se produire, et ce fut d'ailleurs le cas lorsque les mesures législatives touchant la conduite en état d'ébriété ont été changées.

¿  +-(0950)  

+-

    Le président: Je vous prie de m'excuser, mais votre temps est écoulé. Pourriez-vous poser votre question?

+-

    M. Randy White: Ma question est la suivante. Pourriez-vous nous donner d'autres raisons pour justifier la position du Conseil canadien de la sécurité, c'est-à-dire le statu quo?

+-

    M. Emile-J. Therien: Ce n'est pas qu'il ne faut rien changer. Nous aimerions seulement que ça se fasse plus tard lorsque beaucoup d'autres recherches auront été faites et que nous aurons plus d'information. Voilà ce que nous disons.

+-

    M. Randy White: Dans combien de temps?

+-

    M. Emile-J. Therien: Ça dépend du niveau de ressources que le gouvernement est prêt à investir. C'est ce que le Royaume-Uni a fait. Nous avons beaucoup à apprendre de l'Union européenne, et très peu des Américains; faisons donc ce qu'il faut faire.

+-

    Le président: Merci, monsieur Therien.

    Monsieur Marceau.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président. Merci aux témoins d'être venus nous présenter leur point de vue aujourd'hui.

    Professeure Beauchesne, ma première question s'adresse à vous. Comme le disait votre collègue M. Boyd, trois étapes sont mises sur pied par le projet de loi C-16. Vous nous dites entre autres qu'il faudrait enlever la troisième étape, c'est-à-dire le test de toxicomanie qui, du point de vue d'un néophyte, semble le plus objectif des trois tests suggérés. Est-ce que le fait d'enlever un test objectif n'ajouterait pas de l'incertitude à la loi et ne rendrait pas plus difficile pour la Couronne de franchir le test « hors de tout doute raisonnable »?

+-

    Mme Line Beauchesne: Regardez dans les pages jaunes du bottin de la ville d'Ottawa pour voir combien il y a de pages d'avocats spécialisés dans le domaine de la conduite avec facultés affaiblies, et vous aurez une idée des millions qui pourront être aisément dépensés si on étend cela à d'autres types de drogues.

    Comme les gens du Conseil canadien de la sécurité le soulevaient, la multiplicité des drogues qu'on peut prendre sous forme pharmaceutique fait en sorte qu'on risque de faire deux choses. Premièrement, on risque de choisir au hasard certaines drogues, et on sait très bien quelles clientèles et quelles drogues seront ciblées, ce que je trouve parfaitement discriminatoire. Deuxièmement, à l'heure actuelle, on ne connaît pas la façon dont ces drogues affectent l'organisme et la capacité de conduire, puisque la drogue reste dans l'organisme plus longtemps que ne dure l'effet des produits actifs de la drogue. Ce n'est donc pas objectif.

    Prenons l'exemple concret du cannabis. Si vous êtes un consommateur régulier de cannabis et que vous arrêtez d'en prendre, le cannabis peut rester dans votre organisme de six à huit semaines. Supposons qu'on vous teste. Le test, qui est parfaitement objectif, dit que vous avez consommé du cannabis dans les semaines passées. Cela n'ajoute strictement aucune information pertinente à la conduite avec facultés affaiblies. Le seul élément objectif est qu'il y a dans votre organisme des métabolites indiquant que vous en avez consommé à un moment donné.

    Pourquoi dépenser des millions dans des batailles juridiques qu'on va perdre? Si j'étais jeune avocate et qu'on adoptait cette loi, c'est le premier créneau que je choisirais. Il est facile de réfuter tous ces trucs avec les études scientifiques, et cela devrait être très payant étant donné la clientèle en cause. Je pense qu'on ferait mieux d'investir cet argent en prévention, en élargissant notre travail auprès des jeunes, et de garder d'autres tests, certes imparfaits, mais qui, avec une meilleure prévention, peuvent réussir à faire passer le message.

    Il faut toujours faire attention quand on imagine un projet de loi, tant sur le plan de la pratique que sur celui de la logique. C'est un peu comme si on disait qu'on veut interdire le ski parce qu'on connaît des gens qui ont des comportements à risque. On peut vouloir interdire tous les comportements en adoptant des lois. Cependant, la prévention de la cause du risque, quel que soit le type de comportement, reste ce qu'il y a de plus efficace.

+-

    M. Richard Marceau: Merci.

    Monsieur Therien...

¿  +-(0955)  

[Traduction]

+-

    M. Emile-J. Therien: Il dirait que... [Inaudible]

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: D'accord.

    Monsieur Marchand, je vais vous demander de vous mettre pendant 30 secondes dans la peau d'un homme ou d'une femme politique qui fait face à une caméra et qui doit exprimer en une phrase l'essence de son message. Est-ce que votre organisation nous dit de ne pas adopter le projet de loi C-16, de laisser le Code criminel tel qu'il est parce qu'il fonctionne bien, et de faire simplement des campagnes de sensibilisation ou de publicité?

+-

    M. Raynald Marchand (gestionnaire, Sécurité routière et formation, Conseil canadien de la sécurité): Non, ce n'est pas exactement le cas. Dans la lutte contre la conduite avec facultés affaiblies, le Conseil canadien de la sécurité croit que l'outil le plus utile pour les policiers est celui qui se trouve dans le code de la route. Il s'agit d'un outil que les policiers peuvent utiliser sur-le-champ pour révoquer le permis de conduire aux fautifs pour une période de 48 heures à une semaine, grâce à la formation qu'ils ont reçue. La personne aura toujours la possibilité d'aller en cour, si elle est en désaccord. Il s'agit donc d'outils qui peuvent être utilisés sur-le-champ.

    Le CCATM a récemment présenté une proposition relative au taux de 0,05 pour essayer d'uniformiser et d'imposer des pénalités allant jusqu'à 7 jours ou même 14 jours, lesquelles apparaîtraient sur le permis de conduire. Lors d'une deuxième condamnation, les gens devraient se soumettre à un examen pour qu'on vérifie s'ils sont dépendants de l'alcool ou de drogues et, le cas échéant, suivre un programme de réhabilitation.

    Nous croyons qu'il s'agit là de prévention. C'est beaucoup plus rapide et plus efficace que d'aller en cour en vertu du Code criminel. Ce n'est pas que nous ne voulions pas que les choses changent, mais nous croyons que l'outil pour y parvenir est le code de la route, et non pas le Code criminel.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Marceau.

    Monsieur Comartin, allez-y.

+-

    M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD): Merci, monsieur le président.

    Merci à tous d'être venus aujourd'hui.

    Monsieur Doerksen, permettez-moi un bref commentaire. Puisque vous nous quittez aujourd'hui, je ne voudrais pas que vous ayez l'impression que ce comité ne prend pas ce dossier au sérieux. J'ajouterais, sur une note personnelle, que ce mois-ci ça fera huit ans que mon fils a été victime d'un conducteur aux facultés affaiblies. Il a perdu l'usage de son bras droit et est confronté tous les jours à la possibilité d'une amputation. Les gens autour de la table auraient d'autres histoires à raconter au sujet de proches ou d'amis victimes de tels conducteurs. Nous prenons donc cette question au sérieux.

    Dans cette veine, monsieur Boyd, pour en revenir à ce que vous et M. Therien avez dit, il a été victimisé deux fois car la police n'a pas prélevé un échantillon de l'haleine de l'autre conducteur, même s'il y avait eu blessure grave et que l'autre conducteur avait tourné à gauche devant lui, et que le procureur général de l'Ontario ainsi que nos procureurs et la police avaient dit clairement que dans un accident grave comme celui-là... J'ai sauté sur le téléphone lorsqu'on m'a appelé à minuit; j'entendais la police qui l'interrogeait pour savoir combien d'alcool il avait bu. Malgré tout ça, aucune accusation n'a été portée contre lui. Aucune. Je crois, monsieur Doerksen, que ça revient au point que vous avez soulevé, c'est-à-dire qu'il faut d'autres pénalités—ils avaient un système. L'agent en question était un policier d'expérience. J'ai vérifié par la suite son dossier. Il avait 10 ans d'expérience et avait travaillé beaucoup dans la circulation, mais il savait de toute évidence à quoi s'attendre s'il déposait des accusations de conduite avec facultés affaiblies.

    Cela a directement des conséquences sur le plan pratique. Nous allons traiter ce dossier très sérieusement, mais nous voulons quand même garder l'esprit ouvert pour trouver la meilleure façon de procéder. Pour vous et mon fils, des mesures de prévention auraient eu de meilleurs résultats.

    Monsieur Therien,  que peut-on apprendre du Royaume-Uni, qui a emprunté cette voie, sur le plan de l'élaboration d'un test scientifique de dépistage de cannabis ou de THC?

+-

    M. Emile-J. Therien: L'Union européenne y travaille. Les responsables estiment que d'ici deux ans, ce sera chose faite. Ce sera un seuil juridique. Ils sont optimistes et envisagent 0,08 p. 100. N'oubliez pas qu'il y a une énorme différence car nous sommes le seul pays occidental à criminaliser la conduite avec facultés affaiblies. Les Américains ne le font pas, à moins qu'il y ait eu blessures ou décès. Je crois que très peu de pays européens ont des mesures de criminalisation aussi poussées que celles du Canada.

    Il est également important de comprendre qu'au moment d'un accident avec blessures ou mortalité causé par la conduite avec des facultés affaiblies, le conducteur va de deux à quatre fois plus vite que la limite permise. On parle ici de ce que nous appelons le contrevenant chronique. Nous avons fait beaucoup de progrès, comme nous en avons parlé plus tôt, mais le problème, c'est le contrevenant chronique. Nous avons financé une étude sur les contrevenants chroniques à l'hôpital Douglas de l'Université McGill. Ce type de personne comparaît devant le juge sept, huit, neuf ou même dix fois. Puis, ça recommence tant qu'il a une voiture. Et il cherche vraiment...

    Comment faire pour régler ce problème? Jusqu'à maintenant, on a constaté qu'il s'agissait d'alcooliques. Le système judiciaire les aide-ils à régler leur problème de dépendance? De toute évidence, non. On leur propose quelque chose comme...je ne sais pas. Peu importe ce que c'est, en bout de ligne ça veut dire que nous avons un véritable problème...

À  +-(1000)  

+-

    M. Joe Comartin: Monsieur Therien, veuillez m'excuser de vous interrompre, mais je n'ai que cinq minutes. J'aimerais approfondir ce point.

    À plusieurs reprises, des policiers sont venus nous parler du THC.

+-

    M. Emile-J. Therien: Du THC?

+-

    M. Joe Comartin: Oui, du THC.

    Vous, comme Mme Beauchesne, avez tous les deux souligné le fait que cette substance demeure dans le sang de quatre à huit semaines. D'après les informations qu'ils nous ont communiquées, il est maintenant possible de faire une analyse sanguine pour déceler l'ingrédient actif du THC qui influe sur les facultés, pourvu que le prélèvement soit fait peu de temps après avoir arrêté la personne parce que cette substance demeure dans le sang moins de 24 heures.

+-

    M. Emile-J. Therien: Je ne le savais pas ça, mais si cette information existe, elle devrait être communiquée.

+-

    M. Joe Comartin: En fin de compte, ce que je veux savoir, c'est si l'Union européenne ou l'Angleterre a fait des démarches dans ce sens.

+-

    M. Emile-J. Therien: Je ne connais pas les détails.

    Ethel ou Ray, le savez-vous? Non.

+-

    M. Neil Boyd: D'après ce que nous savons, ce type d'analyses se fait au moyen d'échantillons de sang. Par conséquent, ça peut représenter un autre obstacle à l'application de la loi.

+-

    M. Joe Comartin: Je ne crois pas que nous avons prévu d'entendre des témoins qui pourraient nous parler de ce qui se passe au sein de l'Union européenne; peut-être que nous devrions envisager d'en avoir.

+-

    Le président: Nous allons nous informer à ce sujet.

    Monsieur Macklin, vous avez cinq minutes pour poser des questions et obtenir des réponses.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    J'aimerais remercier les témoins qui sont ici avec nous.

    J'aimerais aussi m'adresser au Conseil canadien de la sécurité. Je regarde les documents que vous nous avez apportés; dites-moi que vous ne proposez pas vraiment ce que vous dites à la page 2, c'est-à-dire que nous ne devrions aller de l'avant que « dès que des niveaux de facultés affaiblies au plan criminel auront été établis pour toutes les drogues et les médicaments susceptibles d'affaiblir les facultés... », n'est-ce pas?

+-

    M. Emile-J. Therien: Non.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Je ne le pensais pas non plus.

+-

    M. Emile-J. Therien: Dans l'ensemble, c'est ce que nous voulons.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Non, parce qu'il ne serait pas raisonnable de croire qu'on puisse faire ça, je crois.

    Aussi, à la page 3 de votre mémoire, vous parlez des évaluations effectuées par un expert en reconnaissance de drogues et vous dites que « Même si cet argent neuf »—ce qui vous plaît, je crois—« est proposé de concert avec le projet de loi C-16, la formation demeure essentielle malgré le programme législatif ».

    Un des problèmes de fond, c'est que pour le moment les policiers n'ont pas le droit de forcer quelqu'un à se soumettre à un test. Qu'est-ce que ça nous donne d'avoir des gens expérimentés s'ils n'ont pas l'autorisation d'agir en ce sens?

+-

    M. Emile-J. Therien: Combinée à ce que nous proposons pour les suspensions administratives de permis, cette formation d'expert en reconnaissance de drogues permettrait aux policiers de déterminer si quelqu'un a consommé du pot ou une autre drogue.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Mais si le projet de loi n'est pas adopté, les experts en reconnaissance de drogues ne pourront probablement pas exiger le test de sobriété normalisé dont ils ont besoin, à moins que les gens acceptent de s'y soumettre.

+-

    M. Emile-J. Therien: Pour ce que ce soit clair, nous avons dit que les lois provinciales et territoriales concernant les permis pourraient être modifiées pour inclure des dispositions sur la conduite avec facultés affaiblies.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Qu'est-ce qui nous empêche de modifier les choses en adoptant ce projet de loi maintenant et en donnant aux policiers la capacité d'intervenir en vertu du Code criminel?

+-

    M. Emile-J. Therien: Bien, je pense que le professeur Boyd et l'autre criminologue ont laissé entendre qu'il y a beaucoup de recherche et de travail sur le terrain à faire au préalable.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Non, mais ce serait seulement pour permettre à un policier d'obliger une personne à se soumettre à un test de sobriété normalisé... Ce pouvoir est nécessaire et il n'existe pas actuellement.

+-

    M. Emile-J. Therien: Parce qu'il n'y a aucun agent de police qui a reçu la formation d'expert en reconnaissance de drogues.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Non, non, c'est parce que nous n'avons pas de loi à cet effet.

    Donc, d'après vous, on ne devrait pas adopter cette mesure législative pour accorder ce pouvoir?

+-

    M. Emile-J. Therien: Non, nous pensons que la formation devrait être donnée indépendamment du projet de loi.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Monsieur Boyd, on dirait que vous voulez ajouter quelque chose.

+-

    M. Neil Boyd: Je pense que vous devriez l'adopter, mais en supprimant le paragraphe 254(3.3) qui permettrait d'exiger de prélever du sang ou des substances corporelles.

    Je pense que le reste fonctionne—le pouvoir d'exiger un test de sobriété normalisé et une évaluation par un expert en reconnaissance de drogues—mais le paragraphe 254(3.3) sur les prélèvements de sang et de substances corporelles, qui va entraîner une condamnation criminelle, pose un problème. Cette mesure pourrait être prise plus tard. Vous pouvez adopter le projet de loi sans elle puis, comme M. Therien l'a dit plus tôt, si on trouve un moyen clair de mesurer le THC, vous pourrez modifier la loi pour ajouter cette disposition.

    Je crois qu'il est trop tôt pour ajouter cette mesure, mais le reste me semble convenable.

À  +-(1005)  

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Alors quel mal y a-t-il, selon vous, à garder cette disposition si le policier choisit de ne pas y recourir?

+-

    M. Neil Boyd: Je pense que le problème, c'est qu'on a l'illusion de pouvoir répondre au projet de loi C-17. Rien ne prouve vraiment qu'on peut bien appliquer cette mesure.

    Vous pouvez en fait atteindre l'objectif du projet de loi dans une large mesure sans le paragraphe 254(3.3) et, plus tard, vous pourrez modifier la loi pour l'ajouter. Je crois que ce serait plus prudent d'agir ainsi.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Mais, contrairement à l'autre témoin, vous dites que le policier devrait avoir le pouvoir d'exiger le test.

+-

    M. Neil Boyd: Peut-être, oui.

+-

    M. Raynald Marchand: Nous ne disons pas nécessairement le contraire, parce que nous croyons que le policier devrait recevoir une formation et pouvoir faire une évaluation, mais nous pensons que la sanction devrait être prévue en vertu du code de la route de façon à permettre de suspendre le permis de conduire pendant 48 heures, 72 heures ou sept jours, mais aussi avec une évaluation obligatoire. Ce serait inscrit dans le dossier du conducteur auquel les compagnies d'assurance ont accès et la personne devrait se soumettre à une évaluation. S'il est déterminé qu'elle est dépendante de la drogue ou de l'alcool, des mesures correctives pourraient être prises.

    Nous savons, dans bien des cas, qu'il n'y a pas de récidive après une première infraction. Nous estimons pouvoir régler la question sans avoir à recourir au Code criminel.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: J'ai une autre question à poser à propos de ce qu'on peut lire à la page 8 de votre mémoire. Vous dites qu'on veut criminaliser les personnes, dont plusieurs sont des personnes âgées, qui conduisent sous l'influence de produits pharmaceutiques dispensés sur ordonnance ou disponibles en vente libre.

    Nous le faisons déjà, mais il faut se demander comment repérer ces personnes et comment les poursuivre? La loi actuelle interdit à quiconque de conduire sous l'effet de la drogue ou de l'alcool.

    Où voulez-vous en venir au juste?

+-

    M. Emile-J. Therien: En fait, il faut établir un vaste programme d'information et de sensibilisation à l'intention des personnes âgées pour leur expliquer les effets que peuvent avoir les médicaments prescrits quand ils conduisent. C'est une situation particulièrement compliquée dans les régions rurales parce que les personnes âgées ne peuvent pas se déplacer en transport en commun. C'est un dilemme et un défi de taille pour la société.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: M. Doerksen en est toutefois une victime.

+-

    Le président: Monsieur Warawa.

+-

    M. Mark Warawa (Langley, PCC): Merci aux témoins d'être venus nous rencontrer.

    Mes questions vont porter sur le fait qu'on a dit que le prélèvement de substances corporelles est intrusif, et je vais d'abord décrire une situation qui pourrait se présenter.

    Un agent de police ne va pas arrêter n'importe qui au hasard. Normalement, c'est à une personne qui conduit dangereusement et compromet la sécurité des gens qu'il va demander de s'arrêter pour vérifier si ses facultés sont affaiblies ou non. Le manque de sommeil pourrait être en cause; on pourrait s'en rendre compte. Ou encore des médicaments sur ordonnance, qui pourraient avoir un effet sur ses capacités cognitives. Elle pourrait aussi être sous l'influence de l'alcool, ce que son haleine pourrait probablement révéler. Enfin, elle pourrait être sous l'effet de la drogue.

    Si ses facultés sont affaiblies en raison de la drogue—que ce soit le cristal meth, la marijuana ou autre chose—le policier lui demanderait de venir au poste où un expert en reconnaissance de drogues déterminerait s'il est nécessaire de passer à la troisième étape, c'est-à-dire au prélèvement de substances corporelles. Ce que nous voulons, c'est rendre nos routes plus sécuritaires afin de protéger les gens et d'éviter les accidents. Je crois que c'est un objectif louable.

    En quoi les deux premières étapes sont-elles intrusives? On constate qu'une personne conduit avec les facultés affaiblies et elle rencontre un expert en reconnaissance de drogues qui détermine qu'il est fort probable qu'elle ait consommé une drogue illégale. On ne va pas prélever de substances corporelles sur les personnes âgées. On parle de personnes dont les facultés sont affaiblies fort probablement à la suite de la consommation d'une drogue illégale. En quoi cela est-il intrusif?

À  +-(1010)  

+-

    M. Neil Boyd: De la façon dont vous présentez les choses, on peut dire que ce n'est pas intrusif. Mais ce n'est pas ainsi que le système fonctionne.

    Comme je l'ai déjà dit, il y a toute une jurisprudence indiquant que des cas sont rejetés parce que le policier ne pouvait pas se rappeler la configuration des lieux où il avait lu ses droits à l'accusé.

    On a tout fait pour les droits des conducteurs avec facultés affaiblies et je ne vois vraiment pas, compte tenu du contexte socioéconomique dans lequel nous vivons, comment cela pourrait changer. Ensuite, je serais prêt à vous donner entièrement raison si nous avions des données scientifiques claires, comme nous en avons pour l'alcool. Mais ce n'est pas le cas.

    Ce que j'ai dit à propos du paragraphe 254(3.3), c'est que vous ne devriez pas prévoir ce test dans la loi sans savoir quelle est la norme d'affaiblissement des facultés dépassant la limite légale. Enfin, je pense que vous devez reconnaître qu'il y a une différence entre un alcootest et un prélèvement sanguin, et que les tribunaux vont fixer un seuil plus élevé. Compte tenu de la façon dont les tribunaux ont tranché les causes de conduite avec facultés affaiblies jusqu'ici, je pense qu'il faut être pratique. Pourquoi adopter une mesure qui ne va pas fonctionner et pour laquelle nous n'avons pas les données scientifiques...

+-

    M. Mark Warawa: Je suis désolé de vous interrompre, mais mon temps est limité.

    Il y a eu un forum sur la conduite avec facultés affaiblies il y a deux ans, organisé par le directeur des véhicules moteurs de la Colombie-Britannique. Y avez-vous assisté?

+-

    M. Neil Boyd: Non.

+-

    M. Mark Warawa: Il y a eu un accident mortel il y a deux ans à Langley, sur la 264e rue, juste au nord de l'autoroute. Deux jeunes hommes assis à l'arrière de la voiture sont morts. Le conducteur avait consommé de la marijuana mais n'a pas pu être accusé de conduite avec facultés affaiblies parce qu'une disposition comme l'article 216 n'existait pas. Cela aurait résolu le problème.

    Pour ce qui est de prélever des substances corporelles et de fixer un seuil—qui existe dans le cas de l'alcool—je comprends que nous devions en arriver là, mais j'ai toujours du mal à comprendre pourquoi ce serait intrusif de prélever une substance corporelle. Je ne crois pas que cela va nous amener à dépenser des millions de dollars en poursuites que nous allons perdre. C'est plutôt un outil pour aider les policiers à déterminer s'il faut retirer son permis à quelqu'un.

+-

    M. Neil Boyd: Mais je répète que nous ne savons pas ce que nous cherchons. Quand nous le saurons, ce que vous dites est juste.

    Pour ce qui est de l'accident, il aurait pu se produire et entraîner des pertes de vie même si ces sanctions avaient existé. Malheureusement, il faut dire, comme M. Therien l'a fait remarquer plus tôt—et c'est le cas pour toutes les infractions criminelles—que c'est un petit nombre de délinquants qui causent énormément de tort.

+-

    Le président: Monsieur Ménard.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard (Marc-Aurèle-Fortin, BQ): Tout d'abord, monsieur Doerksen, même si je ne vous poserai pas de questions, je tiens à vous dire que nous sympathisons énormément avec vous et les nombreuses victimes de conducteurs avec facultés affaiblies. Honnêtement, nous cherchons la façon la plus efficace de diminuer le nombre de ce genre d'accidents.

    Je m'adresse plutôt à M. Boyd et à Mme Beauchesne, car on a peu de temps à notre disposition. J'ai passé l'examen du Barreau en 1966 et j'ai pratiqué le droit criminel pendant toute ma carrière avant de commencer à faire de la politique il y a 10 ans. La jurisprudence m'est donc moins familière depuis 10 ans. J'ai été avocat de la poursuite et de la défense, la plupart du temps de la défense, et depuis il y a toujours eu des infractions pour conduite avec facultés affaiblies par l'alcool ou une drogue. La jurisprudence a décidé très tôt que l'effet combiné des deux ou l'effet combiné de la fatigue et de l'alcool ou d'une drogue pouvait constituer aussi une infraction. Comme nous avons un système de liberté de la preuve, celle-ci doit être pertinente. Toute preuve pertinente est admissible, à moins d'être exclue pour une autre raison. On cherchait des moyens de prouver.

    J'ai vu tellement de procès au cours desquels les policiers faisaient la description, qui avait été approuvée il y a à peu près 30 ans par la Cour suprême, d'un homme qui a bu sans qu'on puisse... L'avantage ici est qu'on a une preuve objective pour un élément important de l'accusation.

    Je comprends ce que vous dites sur les drogues et notamment sur la marijuana, qui demeure longtemps dans l'organisme, mais il reste qu'avant de se soumettre au test sur la marijuana, il y a quand même le test de conduite erratique, suivi de tests sur les réflexes, n'est-ce pas? La raison principale pour laquelle on interdit la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool est que cela ralentit les réflexes et, par conséquent, peut causer des accidents. Cela affecte aussi le jugement, et ceci peut s'appliquer également à la marijuana. On parle donc d'une personne qui conduit de façon dangereuse et de tests qui révèlent que ses facultés sont affaiblies, probablement par quelque chose. Les résultats du test établissent cela. À partir de ce moment, aussi compliquée que soit la preuve, il n'empêche que le but de la loi est qu'on ait une preuve objective de ce qui cause cette conduite erratique.

    Personnellement, à première vue, je crois qu'on a fait un effort louable pour combiner la nécessité d'obtenir cette preuve objective avec d'autres principes de droit importants, comme l'intrusion minimale et ainsi de suite. J'aimerais bien que vous m'expliquiez pourquoi cela serait inutile.

    Quant aux coûts, monsieur Boyd, je suis en désaccord sur ce que vous dites et son corollaire. Les gens qui commettent des actes criminels conduisent avec des facultés affaiblies plus souvent que les gens qui n'en commettent pas. Cependant, je reconnais avec vous — et Dieu sait que j'en ai profité — que les mauvaises lois font la fortune des bons avocats, n'est-ce pas? Certaines personnes sont prêtes à encourir des dépenses considérables, mais laissez-moi vous dire que la défense n'obtient pas 100 p. 100 de résultats. Il y a donc quand même un coût et une conséquence. Pourquoi nous dites-vous qu'on fait erreur en cherchant à obtenir la preuve objective d'un élément important?

À  +-(1015)  

+-

    Mme Line Beauchesne: L'enjeu est de réduire le plus possible le nombre de personnes qui conduisent lorsque leurs facultés sont affaiblies. Pour reprendre ce que Neil disait tout à l'heure, je dirai que les études sur la dissuasion montrent que la très grande majorité des gens sont plus incités à changer leur comportement lorsqu'ils ont la certitude qu'une peine est appliquée, même si c'est la suspension du permis pour une semaine. Cela modifie beaucoup plus leur comportement qu'une peine improbable, peu appliquée ou appliquée de façon variable ou aléatoire. Par contre, vous avez raison sur le fait qu'il y a une minorité de gens qui prennent des risques, peu importe la peine.

    On a donc deux choses. Premièrement, on doit trouver un mécanisme qui fasse en sorte que la majorité des citoyens, peu importent les causes, se demandent s'ils sont en état de conduire. Deuxièmement, pour la minorité, la question de la validité des tests actuels se pose si on considère les études scientifiques. On a donc ici deux éléments.

    Cependant, il ne faudrait pas se concentrer sur un petit nombre et oublier de nombreuses causes d'affaiblissement des facultés. La peine la plus efficace que l'on connaisse à l'heure actuelle est la suspension du permis de conduire. Si cette peine est appliquée avec rigueur, elle touchera la très grande majorité de citoyens qui ont terriblement peur de perdre leur permis de conduire.

+-

    M. Serge Ménard: Oui. C'est aussi pour cette raison qu'ils engagent de bons avocats quand ils sont pris.

+-

    Mme Line Beauchesne: Non. Ils ne contestent pas la peine si c'est pour une semaine.

+-

    M. Serge Ménard: Je suis parfaitement d'accord sur vos principes criminologiques, et Dieu sait si je fais des efforts pour les vendre ici, notamment à nos collègues de l'Ouest.

    Ce n'est pas cela que je vous demande. Vous semblez avoir des objections...

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Ménard.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Pourquoi vous opposez-vous à une preuve objective sur un élément si important?

[Traduction]

+-

    M. Neil Boyd: Je pense que c'est louable de vouloir des normes scientifiques valables, des données objectives. Je crois qu'il faut des données d'ensemble, parce que ce ne sont pas des données anecdotiques qui nous aident à comprendre la société.

    Dans le cas du projet de loi C-16, je suis favorable aux deux premières tests. Je pense qu'on veut vraiment établir, avec ce que le règlement va prévoir, des tests de sobriété normalisés et former des experts en reconnaissance de drogues comme le sont ceux qui manient les ivressomètres. Je trouve, par contre, qu'il n'existe pas de données scientifiques objectives pour le troisième test. Quand vous aurez ces données objectives, vous pourrez certainement aller de l'avant. Je suis tout à fait d'accord avec vous.

    Le projet de loi confère le pouvoir d'exiger le prélèvement de substances corporelles alors qu'on ne sait pas comment interpréter ce test. Tant que vous n'aurez pas de données scientifiques objectives pour l'expliquer, il me semble qu'il est inutile de l'imposer.

À  +-(1020)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Boyd.

    Monsieur Cullen, allez-y.

+-

    L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins.

    Les témoignages d'aujourd'hui soulèvent beaucoup de questions à mon avis, et nous n'avons pas assez de temps pour en discuter. Mais je veux revenir à M. Boyd. Au sujet du prélèvement de substances corporelles, ce qui vous préoccupe, ce n'est pas tellement qu'il soit intrusif ou très compliqué, mais le fait qu'après l'avoir administré il n'est pas objectif. Est-ce ce que vous dites?

+-

    M. Neil Boyd: Oui. Je crois qu'il faut être conscient que les tribunaux vont imposer une norme différente pour le prélèvement d'un échantillon de sang de celle qui existe pour le prélèvement d'un échantillon d'haleine.

+-

    L'hon. Roy Cullen: Vous nous proposez d'aller de l'avant avec les deux premières étapes, mais de laisser tomber le prélèvement de substances corporelles. Qu'est-ce que cela entraîne? Est-ce suffisant pour porter des accusations ou condamner quelqu'un?

+-

    M. Neil Boyd: Non, je ne pense pas. Je comprends la réalité. M. Macklin a demandé comment nous allons obliger les gens à subir le test de sobriété, comment nous allons les obliger à accepter l'évaluation d'un expert en reconnaissance de drogues. Je crois que vous avez besoin de cet aspect du projet de loi.

    Mais pourquoi ne pas être francs avec les Canadiens et adopter une mesure alors que vous savez—de l'aveu même du ministre—qu'elle ne fait pas consensus sur le plan des données scientifiques? Je ne crois pas que c'est utile d'adopter une loi quand il n'y a pas de norme à appliquer.

+-

    L'hon. Roy Cullen: C'est peut-être une question d'ordre technique, mais je suis sûr que vous avez des informations là-dessus. J'aimerais avoir vos conseils.

    Pour déterminer si le taux d'alcool est supérieur à 0,08 p. 100, disons, il faut faire un test sanguin. C'est pour vérifier la présence d'alcool. Si vous voulez savoir si quelqu'un est sous l'influence de l'alcool et peut-être de certains médicaments, de la cocaïne ou de la marijuana, existe-t-il un test général pour déceler la présence de toutes ces substances, quelle que soit la combinaison, vérifier s'il y a un problème, ou devez-vous administrer un test différent pour chaque substance...? Je ne suis pas certain de comprendre comment le test est fait.

    Une voix: Vous adressez-vous à nous?

    L'hon. Roy Cullen: Je pose la question à qui peut répondre.

+-

    M. Emile-J. Therien: Nous avons les programmes RIDE en Ontario. J'oublie comment on les appelle dans l'ouest du Canada. Ce sont des vérifications surprises.

    Quand l'ivressomètre indique que le taux d'alcool d'un conducteur atteint ou dépasse 0,08 p. 100, vous rendez-vous compte des complications auxquelles fait face le policier? Il va consacrer quatre à six heures à ce cas et, normalement, quand on a décelé un taux d'alcool égal ou supérieur à la limite permise, on met fin aux vérifications surprises parce que tous les policiers doivent collaborer. À moins qu'il y ait un seuil fixé par la loi pour le pot et d'autres substances, je crois que nous allons avoir le même problème. Il faut...

+-

    L'hon. Roy Cullen: Ce n'est pas vraiment ce que j'ai demandé. C'est peut-être trop technique pour nos témoins, mais comment déterminer la présence d'une combinaison de substances...

+-

    M. Emile-J. Therien: Ce n'est pas testé.

+-

    L'hon. Roy Cullen: Si on repère quelqu'un qui semble conduire dangereusement, on effectue un test de sobriété et, disons, un test de sang. S'il a consommé de la drogue et de l'alcool, comment détermine-t-on, sur le plan technique, s'il y a une présence abusive de ces substances dans son organisme?

+-

    M. Raynald Marchand: Essentiellement, le policier suspend son permis de conduire. Nous aimerions que la loi sur la circulation routière prévoie une pénalité de peut-être 72 heures, l'inscription au dossier de l'infraction et ensuite...

+-

    L'hon. Roy Cullen: J'y arrive. J'imagine que cette question d'ordre plus technique devrait être adressée à un autre groupe de témoins.

+-

    M. Raynald Marchand: Oui, mais cela dit, nous préconisons l'évaluation. Si le dossier d'une personne indique qu'elle a déjà conduit avec les facultés affaiblies, elle serait évaluée. Si elle a des problèmes de consommation, elle pourrait suivre un programme.

+-

    L'hon. Roy Cullen: Je suis désolé, mais ce n'est pas la question que j'ai posée et j'ai peu de temps à ma disposition.

    J'aimerais revenir à la question des délinquants chroniques. Je crois que c'est à eux qu'il faut s'intéresser. Nous lisons dans les journaux que des gens se font arrêter pour conduite avec facultés affaiblies à maintes reprises. Leur permis a été suspendu et ils recommencent. Est-ce que les sanctions ne sont pas suffisantes? Est-ce que ces gens vont conduire sous l'effet de l'alcool ou de la drogue peu importe ce que nous faisons? Il me semble qu'il faut concentrer nos efforts sur eux en imposant des sanctions plus sévères.

    Monsieur Boyd, actuellement les policiers ont le pouvoir—et corrigez-moi si je me trompe—de suspendre un permis non pas pour une journée mais peut-être pour 48 ou 72 heures ou même une semaine. Sont-ils actuellement en mesure de le faire?

À  +-(1025)  

+-

    M. Neil Boyd: Je n'en suis pas certain, mais étant donné que l'un des effets est de nature éducative et, dans une certaine mesure, de nature préventive ou punitive, il me semble souhaitable de transmettre aux gens un message utile. Les quatre à six heures que l'agent de police pourrait consacrer à l'interrogation d'une personne pour un taux de 0,08 p. 00 pourraient être remplacées par une suspension administrative de 48 ou 72 heures. Je ne suis pas sûr que ce soit possible, mais cela ne me semble pas être un obstacle insurmontable et ne ferait certainement pas l'objet d'une contestation judiciaire pénale.

+-

    L'hon. Roy Cullen: Nous parlons quand même toujours des autorités provinciales, du code de la route.

+-

    M. Neil Boyd: Oui.

+-

    M. Emile-J. Therien: Vous avez parlé du récidiviste et je crois que j'en ai fait mention dans mes recommandations. Chaque année, la Fondation de recherches sur les blessures de la route effectue une étude et estime—je crois que la dernière fois que les statistiques ont été disponibles, c'était en 2002— qu'il se produit près de 3,8 millions d'incidents de conduite avec facultés affaiblies chaque année au Canada. Selon son évaluation tout à fait crédible, 4 p. 100 des conducteurs sont responsables de 88 p. 100 de ces incidents de conduite avec facultés affaiblies. Vous avez donc parfaitement raison, le récidiviste est vraiment ce qui fait problème.

+-

    Le président: Monsieur Cullen, nous allons avoir un témoin représentant un laboratoire qui pourra répondre à certaines des questions que vous posez.

    Monsieur Thompson, cinq minutes, pour la question et la réponse.

+-

    M. Myron Thompson (Wild Rose, PCC): Merci d'être ici aujourd'hui.

    Je vais me concentrer sur M. Doerksen. Je vous remercie de nous consacrer quelques instants et du fait que vous êtes prêt à défendre cette cause. Je pense que la victime est probablement la personne que l'on écoute et que l'on comprend le moins dans le contexte de beaucoup de mesures législatives qui sont adoptées.

    Je conviens avec M. Comartin que chacun d'entre nous souhaite régler ce problème dans le but de protéger les gens. Je ne le nie pas un seul instant. Il me semble qu'il faut que je me déclare d'accord avec certains des groupes de victimes que j'ai entendus. On cherche surtout à mettre un terme au carnage et ce, le mieux possible. Bien sûr, les drogues et l'alcool sont une catégorie à part et Line—désolé, je ne peux pas voir votre nom de famille—a indiqué que les raisons sont nombreuses, ce dont je conviens.

    Il faut travailler sans relâche à cet égard, mais il me semble que beaucoup de compétences s'efforcent par tous les moyens de trouver un moyen de dissuasion afin d'éviter pareils incidents. Elles infligent des sanctions aux gens qui ne respectent pas la loi puisque leur capacité de conduire est affaiblie par l'effet d'une drogue ou de l'alcool.

    Je regarde cette liste que j'ai réussi à conserver depuis maintenant pas mal de temps.

    Au Canada, la première infraction donne lieu à une amende de 300,00 $, jusqu'à une éventuelle peine de prison de cinq ans au maximum.

    En Australie, le nom des chauffeurs est envoyé aux journaux locaux et imprimé sous la rubrique  « Il était ivre et il est en prison ».

    En Malaisie, le conducteur est emprisonné et, s'il est marié, son épouse l'est aussi.

    En Afrique du Sud, il est prévu une peine de prison de 10 ans et l'équivalent d'une amende de 10 000,00 $, ou les deux.

    En Turquie, les conducteurs en état d'ébriété sont amenés par la police à 20 miles de la ville et sont forcés d'y revenir à pied sous escorte.

    En Norvège, où on a réussi en quelque sorte à corriger ce problème, la sanction correspond à trois semaines de prison et de travaux forcés, et à la perte du permis pendant un an. Pour une deuxième infraction, c'est le retrait définitif du permis.

    En Finlande et en Suède, c'est automatiquement une peine de prison d'un an et de travaux forcés.

    Au Costa Rica, la police retire les plaques de la voiture.

    En Russie, c'est le retrait définitif du permis.

    En Angleterre, il s'agit d'une suspension d'une année, d'une amende de 250,00 $ et d'une peine de prison d'un an.

    En France, c'est la perte du permis pendant trois ans, une année de prison et une amende de 1 000,00 $.

    En Pologne, c'est la prison et une amende et on doit aussi assister à des conférences politiques. Cela me paraît étonnant. Être obligé d'écouter des conférences politiques est renversant, mais je pense—avec tout le respect que je dois aux politiciens de notre pays—que beaucoup parmi eux sont tellement égocentriques qu'ils pensent avoir les réponses à ces genres de questions et qu'ils sont donc bien placés pour faire de telles conférences.

    J'aimerais parler d'un dernier pays et ensuite, je poserai ma question.

    Au Salvador, votre première infraction est la dernière. Vous êtes exécuté par un peloton d'exécution.

    Tout cela est donc très grave, monsieur Doerksen. J'aimerais votre opinion franche et honnête. Vous avez suivi les discussions ce matin et vous avez dit dans votre exposé qu'il fallait tenir compte des victimes dans tous les débats. Pensez-vous que c'est effectivement ce qui se passe ou qu'on pourrait faire mieux?

    Pour être franc avec vous, je pense que l'on pourrait vraiment faire mieux.

À  +-(1030)  

+-

    M. Ed Doerksen: Je dois convenir qu'on pourrait faire mieux. Ce qui m'a en quelque sorte étonné lorsque j'ai suivi ma formation d'agent de la paix au ministère des Ressources naturelles de la province de l'Ontario, c'est qu'on nous a dit que le tribunal n'était qu'un jeu—plus vous avez de points de votre côté, plus vos chances de gagner sont nombreuses. Par conséquent, dans le cadre de cette formation d'agent pour le ministère provincial des Ressources naturelles, nous devions examiner tout ce qu'il était possible d'obtenir et nous assurer d'avoir le maximum de points par rapport à la personne que nous amenions en cour. En d'autres termes, si vous pensez que les tribunaux sont le lieu où justice est rendue, vous êtes complètement fou et feriez mieux d'aller dans un établissement psychiatrique.

    C'est ce qu'observent les victimes. Lorsque nous allons en cour pour quelque raison que ce soit—pour des raisons de dédommagement par exemple pour pouvoir mener une vie décente—c'est ce qui nous intéresse. Nous voyons combien de points nous pouvons obtenir, et la personne qui est accusée donne l'impression d'être persécutée et bien sûr, elle va essayer d'obtenir le même nombre de points.

    En réalité, je ne crois pas que l'on soit suffisamment à l'écoute de la victime. On s'en tient à des points de détail, à des actions en justice du passé. Je comprends le système juridique et je sais que la jurisprudence l'emporte sur beaucoup d'autres choses qui pourraient nous sembler plus justes—cela fait longtemps que je ne pense plus à la justice, car il n'y en a tout simplement pas. J'espère seulement, à l'instar de bien d'autres personnes, je crois, que les victimes vont être entendues et comprises. Il faut donner quelque chose aux victimes, pour qu'elles soient non seulement dédommagées pour leurs blessures ou la perte de leur travail, etc., mais aussi pour qu'elles puissent tout simplement se remettre à vivre.

+-

    Le président: Merci, monsieur Doerksen.

    Monsieur Comartin, dernier tour de table.

+-

    M. Joe Comartin: Merci, monsieur le président.

    Je ne suis pas sûr, car je ne pense pas que vous ayez de formation juridique, mais...

+-

    M. Emile-J. Therien: Personne n'en a effectivement.

À  +-(1035)  

+-

    M. Joe Comartin: Si nous adoptons le projet de loi C-16, il faut reconnaître que le processus est différent de celui prévu pour la conduite avec facultés affaiblies à cause de la consommation d'alcool. L'épreuve et son résultat ne consistent pas à établir une norme; ils servent simplement à étayer la preuve présentée par l'agent de police. Par conséquent, l'inculpation standard de la personne pour conduite avec facultés affaiblies va se faire avant présentation de la preuve, admissible en vertu du projet de loi C-16, comme preuve de facultés affaiblies, qui en fait va corroborer la preuve présentée par la police. Cela ne fait rien de plus et c'est l'objet de ce projet de loi.

    Après avoir donné cette explication, je ne suis pas sûr de pouvoir l'appuyer.

    J'aimerais toutefois revenir au nombre d'incidents, car si on prévoit aller de l'avant à un moment donné, il va falloir avoir des preuves préexistantes, connaître les données démographiques quant à l'incidence de la consommation—de quelque drogue que ce soit, mais je crois qu'on s'intéresse surtout au cannabis. Dispose-t-on de statistiques fiables indiquant le nombre des incidents graves et mineurs causés simplement par le cannabis ou les drogues THC? Existe-t-il des études à cet égard, afin de pouvoir faire une comparaison avant et après?

+-

    M. Emile-J. Therien: Si vous vous reportez à l'exposé que nous avons fait aujourd'hui, vous y trouverez quelques notes à la fin. La Fondation de recherches sur les blessures de la route du Canada a fait beaucoup de travail à ce sujet et son siège social se trouve à Ottawa. Certaines des statistiques dont j'ai fait mention proviennent de la fondation.

+-

    M. Joe Comartin: En général, je ne pense pas me tromper lorsque je dis que le nombre d'accidents causés par l'alcool a considérablement diminué. Est-ce que vous pouvez me dire si cela s'applique également au cannabis, ou le savons-nous?

+-

    M. Emile-J. Therien: Il ne faut pas oublier qu'au moment de l'accident, s'il n'y a pas eu consommation d'alcool, il n'y a pas d'épreuve. Vous vous souvenez peut-être il y a quelques années de notre ami vers Petawawa, en Ontario, qui prenait du MS Contin à ce moment-là—je crois qu'il voulait être inculpé, mais de toutes façons... On a essayé de l'inculper au criminel, mais cela n'a pas marché, car il n'existe pas d'épreuve pour la marijuana. Éventuellement, la police a réussi à l'inculper pour une infraction au titre du code de la route. Cette affaire a été traitée avec beaucoup de sévérité. L'assurance dont il bénéficiait a été touchée et il a reçu des points d'inaptitude.

    Toujours dans ce cas en particulier, je crois qu'un médecin a éventuellement recommandé qu'il ne devait pas conduire, en vertu du droit des médecins de signaler les patients qui ne devraient pas conduire. On l'a signalé au ministère des Transports et son permis lui a été retiré. Vous voyez donc toutes les complications relatives à cette affaire.

+-

    M. Joe Comartin: J'ai un dernier point et encore une fois, je ne suis pas sûr que vous le compreniez, mais pour en revenir à ce que j'ai dit au départ, si nous allons de l'avant sans aller à la troisième étape, les étapes un et deux n'auront alors aucun effet. Le recours à ce genre de processus pour permettre à l'agent de police d'infliger une suspension plus longue s'inscrit dans le cadre constitutionnel de notre pays au niveau provincial.

+-

    M. Emile-J. Therien: C'est provincial.

+-

    M. Joe Comartin: Ce que je veux dire, c'est qu'il serait inutile de poursuivre au palier fédéral, même en ce qui concerne les étapes un et deux, si je comprends bien la loi.

+-

    M. Emile-J. Therien: À moins qu'un seuil légal ne soit fixé et si le Canada dit que la priorité...

+-

    M. Joe Comartin: Mais si nous avions le seuil, monsieur Therien, nous passerions également à la troisième étape.

+-

    M. Emile-J. Therien: Eh bien oui.

+-

    M. Neil Boyd: On ne perdrait pas nécessairement du temps et il ne serait pas complètement inutile de passer aux deux premières étapes vu qu'il serait peut-être avantageux d'imposer le test antisobriété normalisé et de s'adresser aux experts en reconnaissance de drogues, ne serait-ce qu'à des fins éducatives. Dans le sommaire du projet de loi, il est indiqué qu'il s'agit en fait de sensibiliser les personnes âgées aux problèmes causés par des médicaments d'ordonnance; ainsi de nombreuses personnes pourraient en tirer profit, et l'effet serait à la fois préventif et éducatif.

    Je ne crois donc pas que le fait qu'il n'y ait simplement pas de condamnations fondées sur la troisième étape que ce projet de loi ne serait plus utile sous prétexte que seules les deux premières parties de l'épreuve sont prévues.

+-

    M. Joe Comartin: Dans la mesure où il n'y aurait pas de sanctions.

+-

    M. Neil Boyd: Effectivement.

+-

    M. Joe Comartin: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Un député du Bloc, M. Ménard ou M. Marceau.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Revenons à ce que je vous demandais tout à l'heure. Je constate que vous êtes contre les tests objectifs de drogue, mais j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi. En vertu du régime de la liberté de la preuve, on pourrait très bien établir cette preuve. L'avantage du projet de loi est qu'il instaure un système qui devrait être plus fiable que celui qui s'en remet à la liberté des parties.

+-

    Mme Line Beauchesne: Mais la question est celle-ci: voulez-vous savoir si la personne a consommé des drogues, qu'il s'agisse de médicaments, d'alcool ou d'autres drogues, ou si ses facultés étaient affaiblies?

+-

    M. Serge Ménard: C'est une très bonne question. La réponse est que nous voulons savoir pourquoi cette personne avait cette conduite erratique.

+-

    Mme Line Beauchesne: Oui, mais à l'heure actuelle...

+-

    M. Serge Ménard: Pourquoi les tests qu'on lui fait subir démontrent-ils qu'elle n'est pas en état physique de conduire adéquatement?

+-

    Mme Line Beauchesne: À l'heure actuelle, les tests ne peuvent pas faire ce lien. Tout ce qu'ils peuvent révéler, c'est que cette personne a des traces de tel produit dans son organisme. Ces tests ne peuvent pas faire le lien avec son état et le degré d'affaiblissement de ses facultés. Étant donné l'état actuel des connaissances, le troisième élément n'ajoute rien. On peut dire à une personne qu'elle a pris de la codéine il y a trois jours. Cela ne nous dit pas si, au moment où elle conduisait, cela affectait sa conduite. Tel est l'état des tests actuels. Tant qu'on n'a que ces tests, leur seul élément objectif est qu'ils révèlent que la personne a consommé des produits contenant des traces de drogues. Cela ne nous dit rien sur sa capacité de conduire à un moment précis.

À  +-(1040)  

+-

    M. Serge Ménard: C'est la façon dont elle conduisait qui nous renseigne sur sa capacité de conduire.

+-

    Mme Line Beauchesne: Les tests d'habilité physique obligatoires ajouteront un autre élément à la loi.

+-

    M. Serge Ménard: Je ne sais pas si vous avez réfléchi à une chose qui me préoccupe beaucoup: il s'agit des tests d'habilité physique pour les gens âgés. Déjà, les policiers disent que beaucoup de gens présentent leur permis de conduire en tremblant. Le contact avec les policiers est assez intimidant, même pour les citoyens qui n'ont rien à se reprocher. Croyez-vous que le fait de faire subir des tests d'habilité physique à des gens qui sont nerveux, surtout à des gens âgés qui prennent régulièrement des médicaments, est une façon sûre de déterminer si leur conduite était vraiment affectée par les médicaments qu'ils prenaient?

+-

    Mme Line Beauchesne: Je sais qu'on donne de la formation aux policiers sur la façon de calmer la personne et de juger ensuite si elle est apte à passer les tests. On leur enseigne donc comment s'assurer que la personne est prête à les passer. La préparation du passage du test fait partie de la formation du policier.

+-

    M. Serge Ménard: Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Neville, cinq minutes, pour la question et la réponse.

+-

    Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Je pensais que vous m'aviez oubliée, monsieur le président.

+-

    Le président: Je ne vous oublierais jamais, madame Neville.

+-

    Mme Anita Neville: Il semble que nous ayons pratiquement terminé, mais j'ai quelques questions à poser.

    Monsieur Therien, vous n'avez pas eu le temps de terminer votre exposé et à la fin, j'ai remarqué que vous avez parlé des médicaments. Je me demande si l'un de vous peut parler des effets des médicaments d'ordonnance et de la consommation d'alcool et de cannabis, des statistiques à cet égard. Nous avons entendu parler des personnes âgées. Il ne s'agit pas simplement des personnes âgées; comment en traitons-nous dans le contexte de ce projet de loi?

    Vous hochez la tête.

+-

    M. Emile-J. Therien: J'imagine que nous n'avons pas été très clairs. Ce que nous avons essayé de dire, c'est que nous ne pouvons pas en parler.

+-

    Mme Anita Neville: Que faudrait-il faire alors?

+-

    M. Emile-J. Therien: En ce qui concerne les personnes âgées—et nous avons affaire à beaucoup de ces personnes—il faut que les gouvernements, fédéral et provinciaux, fassent une campagne de sensibilisation du public et que les pharmaciens et les médecins disent que tels sont les faits, qu'il s'agit du code de la route.

    Je pourrais vous dire que mon beau-père est décédé il n'y a pas longtemps et qu'il prenait des médicaments sur ordonnance médicale et conduisait chaque jour. Ses facultés étaient-elles affaiblies juridiquement parlant? Je dirais que oui. C'est la même chose pour des milliers de Canadiens, car ils n'ont pas d'autre choix. C'est leur seule source d'indépendance—conduire une voiture. Par contre, très peu de personnes âgées qui prennent des médicaments sur ordonnance se rendent compte des conséquences en matière de facultés affaiblies, de somnolence, etc.

+-

    Mme Anita Neville: Cela s'applique certainement aux personnes âgées et à la population vieillissante. Savez-vous toutefois quel est l'effet sur qui que ce soit des médicaments d'ordonnance combinés à de l'alcool et du cannabis?

+-

    M. Emile-J. Therien: En ce qui concerne les facultés affaiblies, non, mais je pense que nous en parlons. À mon avis, la plupart des gens, pharmaciens ou médecins, diraient que n'importe quoi—du cannabis combiné à de l'alcool, ou un remède contre le rhume combiné à de l'alcool—va avoir un effet plus important que l'alcool seul. Cela ne fait aucun doute.

+-

    Mme Anita Neville: Monsieur Marchand.

+-

    M. Raynald Marchand: Comme nous offrons des cours professionnels de conduite préventive, notre manuel renferme un chapitre sur les médicaments et nous décrivons les médicaments populaires, leur effet sur la conduite et ce que devraient faire les conducteurs. C'est ainsi que nous pouvons sensibiliser les gens.

+-

    Mme Anita Neville: Les sanctions devraient-elles être les mêmes?

+-

    M. Emile-J. Therien: Nous avons dit que l'on pourrait criminaliser les personnes âgées un peu plus tôt, mais est-ce bien ce que nous voulons en tant que pays?

+-

    Mme Anita Neville: Monsieur Boyd, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

+-

    M. Neil Boyd: Votre question illustre le problème que représente le recours au droit criminel pour le genre de difficultés auxquelles nous sommes confrontés.

À  +-(1045)  

+-

    Mme Anita Neville: C'est la raison pour laquelle je la pose.

+-

    M. Neil Boyd: Je pense encore une fois que dans le cas des personnes âgées qui prennent des médicaments sur ordonnance et qui sont un risque pour autrui, la solution ne consiste pas à les amener devant une cour pénale, mais plutôt à leur interdire de conduire. Nous avons tendance à ne pas penser de la même façon dans le cas des jeunes gens qui consomment du cannabis, mais en réalité, il s'agit d'une personne qui en est à une autre étape de sa vie et qui utilise une drogue différente qui affaiblit ses facultés pour d'autres raisons. Si on veut juger de la pertinence ou de la non-pertinence de la consommation de cette drogue en particulier à ce moment donné de la vie et y rattacher des sanctions criminelles, il faudrait être clair, car en ce qui concerne la sécurité du public, l'effet net n'en est pas différent.

+-

    Mme Anita Neville: Merci.

    C'est tout.

+-

    Le président: Nous allons maintenant entendre M. Breitkreuz, qui va partager son temps de parole avec M. White.

+-

    M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC): Merci, monsieur le président.

    L'absence de norme semble constituer un problème pour certains d'entre vous. Je me demande si l'on doit traiter la conduite avec facultés affaiblies par la drogue de la même façon que la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool. Il faut fixer une limite, car j'ai entendu dire que le cannabis peut rester dans l'organisme pendant de nombreux jours, que ses effets peuvent ensuite se manifester soudainement et causer de sérieux dommages.

    Comment pouvons-nous arriver à établir une norme rigoureuse qui s'appuie sur des données scientifiques et qui peut être incluse dans la loi? Pouvons-nous entreprendre des études dès maintenant en vue d'établir une telle norme? Et qu'allons-nous faire s'il est impossible d'affirmer qu'à un certain niveau, l'affaiblissement des facultés peut entraîner de graves problèmes? Devrions-nous mettre l'accent sur la protection du public? Devrions-nous adopter des mesures dissuasives ou essayer d'améliorer la sécurité du public? Les provinces ont décidé de changer le taux qui permet d'établir qu'un conducteur est sous l'emprise de l'alcool. Elles veulent le ramener de 0,08 à 0,05.

    Allons-nous tout simplement dire qu'il est impossible d'arriver à une telle norme, ou pouvons-nous nous entendre sur une norme qui nous permet d'établir qu'il y a affaiblissement des facultés?

+-

    M. Emile-J. Therien: Puis-je répondre? Vous avez dit que les provinces allaient ramener le taux de 0,08 à 0,05. C'est faux. Elles imposent une suspension administrative du permis de conduire lorsque le taux atteint 0,05. Cette mesure est en vigueur dans les treize provinces ou territoires depuis quelques années déjà. Elles n'ont pas modifié le taux. Elles ont tout simplement appliquer une mesure en vertu des codes provinciaux de la route. Le taux d'alcool de 0,08 demeure inchangé du point de vue pénal.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Vous n'avez pas répondu à la question. Y a-t-il une norme qui...? Comment pouvons-nous arriver à une telle norme? Comment devons-nous procéder? Ou allons-nous tout simplement nous contenter de dire qu'il est impossible d'en établir une?

+-

    M. Emile-J. Therien: Nous avons dit que l'Union européenne se penchait là-dessus, et la Grande-Bretagne aussi. Le président a laissé entendre qu'il fallait regarder ce qui se fait en Europe. C'est ce que nous indiquons dans l'exposé.

+-

    M. Garry Breitkreuz: Ne devrions-nous pas effectuer nos propres tests et essayer de...

+-

    M. Emile-J. Therien: Absolument, mais s'ils ont quelques années d'avance sur nous, il est inutile de réinventer la roue. Regardons ce qui se fait là-bas.

+-

    M. Raynald Marchand: Nous devrions effectuer nos propres tests. Nous allons devoir faire preuve d'initiative à un moment donné.

    J'aimerais revenir aux provinces et aux mesures qu'elles ont prises—et les interprètes ont le document en main, parce qu'il est annexé à l'exposé de M. Therien. On explique dans un des paragraphes les mesures que prend le Manitoba dans les cas où le taux d'alcool est supérieur à 0,05. Le conducteur qui affiche un taux d'alcoolémie supérieur à 0,05 voit son permis de conduire suspendu sur-le-champ pendant 24 heures. Il ne peut conduire un véhicule routier ou non routier pendant cette période. Il doit enfin verser des frais de rétablissement de 40 $.

    On ajoute plus loin que le conducteur qui fait l'objet de deux ou plusieurs suspensions en trois ans parce qu'il a conduit avec un taux d'alcool supérieur à 0,5 doit subir une évaluation obligatoire pour automobilistes ayant conduit avec des facultés affaiblies, à ses propres fins. L'évaluation coûte 270 $. S'il ne subit pas l'évaluation ou encore s'il ne participe pas à un programme de sensibilisation ou ne suit pas le traitement recommandé, son permis de conduire va être suspendu indéfiniment.

    Donc, il existe au niveau provincial et dans le Code criminel des sanctions très sévères pour les personnes qui conduisent même après avoir consommé un ou deux verres et qui se font arrêter fréquemment. L'évaluation et le traitement proposé vont permettre de protéger les Canadiens et de réduire le nombre de cas de conduite avec facultés affaiblies au Canada.

+-

    M. Randy White: Est-ce que le Conseil canadien de la sécurité est en train de dire qu'il n'existe aucun test de dépistage normalisé pour les drogues qui peut être administré lors d'un contrôle routier? Est-ce bien ce que dit le Conseil?

+-

    M. Emile-J. Therien: Pas à notre connaissance.

+-

    M. Randy White: J'ai devant moi le test normalisé qu'administre l'État du New Jersey. Je sais qu'il y en a d'autres. N'y avez-vous pas jeté un coup d'oeil?

+-

    M. Emile-J. Therien: Non. Nous devrions toutefois le faire.

+-

    M. Randy White: Le test administré par l'État du New Jersey donne les variations normales—le pouls, les pupilles, la pression artérielle, la température du corps—; il y a huit colonnes de tests pour diverses drogues, de sorte que...

+-

    M. Emile-J. Therien: Mais est-ce que l'objectif de ce test est de porter des accusations pour conduite avec facultés affaiblies? Voilà le problème. Je ne le pense pas, du moins en ce qui concerne l'État du New Jersey. Ce test ne peut servir à porter des accusations.

À  -(1050)  

+-

    M. Randy White: Vous en êtes certain?

+-

    M. Emile-J. Therien: Non, mais c'est ce que je pense, en me fondant sur ce que je sais de l'expérience américaine. Nous sommes beaucoup plus sévères qu'eux dans tout... Mais nous allons nous renseigner. C'est un État que je connais bien.

+-

    M. Randy White: J'aimerais, s'il me reste du temps, revenir à la question de Garry.

    Le taux, dans le cas de l'alcool, est de 0,08. Nous devons en établir un pour les drogues. Par où commencer? Comme l'a dit M. Macklin, si nous n'avons qu'une loi sur laquelle nous appuyer, par où devons-nous commencer? Or, c'est ce que propose le projet de loi C-16. Nous sommes en terrain inconnu, si je peux m'exprimer ainsi, et nous devons commencer en quelque part.

+-

    M. Neil Boyd: Le problème, c'est qu'il faut établir un niveau de facultés affaiblies au plan criminel. Le fait que le cannabis soit jugé illégal, et que l'alcool et le tabac soient considérés comme des produits licites, n'a rien à voir avec les risques que cela peut présenter pour la santé publique, mais tout à voir avec l'histoire politique, économique et sociale.

    Cette drogue présente beaucoup moins de risques pour la santé publique que l'alcool ou le tabac. Nous avons de la difficulté à établir le niveau de facultés affaiblies qui dépasse la limite légale. On pourra difficilement porter une affaire devant un tribunal si la limite n'a pas encore été établie.

+-

    M. Ed Doerksen: Si je puis me permettre, j'ai lu le document de l'État du New Jersey que vous avez mentionné. J'ai également lu le manuel de formation des policiers de Los Angeles. Ils ont établi une norme pour déceler la présence de la drogue dans l'organisme, sauf qu'ils ne peuvent uniquement se servir de celle-ci. Ils doivent recueillir divers éléments de preuve s'ils veulent traîner une personne devant les tribunaux parce qu'elle conduisait avec les facultés affaiblies par la drogue.

    C'est ce que ferait n'importe quel policier. Il utiliserait tous les éléments de preuve recueillis et ne se concentrerait pas uniquement sur un facteur—c'est-à-dire, la quantité de drogues présente dans l'organisme de la personne à ce moment-là. En effet, il faut tenir compte de la façon dont la personne conduisait, de la raison pour laquelle elle a été arrêtée, des tests de sobriété, des tests sanguins, des évaluations effectuées par un ERD.

    Ce sont tous ces éléments de preuve qui doivent être présentés devant les tribunaux. C'est ce qui est important: il faut recueillir toutes les preuves, les utiliser, donner au policier les outils nécessaires pour faire ce travail.

+-

    Le président: Merci, monsieur White.

    Brièvement, les évaluations par un ERD existent déjà depuis un bon moment. Savez-vous si elles ont fait l'objet de contestations en vertu de la constitution, que ce soit au Canada ou ailleurs, et si oui, quels résultats ont-elles donné?

+-

    M. Neil Boyd: Les évaluations par un ERD ont été jugées constitutionnelles aux États-Unis. Toutefois, je ne saurais vous donner les détails des causes qui ont été entendues.

-

    Le président: Merci.

    Je remercie les témoins d'être venus nous rencontrer. Nous allons tenir compte de tout ce que vous nous avez dit.

    Rapidement, je tiens à rappeler au comité que la Chambre des communes nous a demandé de créer un sous-comité qui aura pour mandat d'examiner le processus de nomination des juges, et de proposer des mesures pour assurer l'impartialité de celui-ci. Je vous invite à consulter vos leaders ou vos whips respectifs à la Chambre afin d'obtenir la liste des candidats pour que nous puissions nous pencher là-dessus la semaine prochaine. Le rapport doit être déposé le 31 octobre, ce qui ne donne pas beaucoup de temps, vu le nombre de jours de séance prévus au calendrier. Il faudrait que le sous-comité soit créé le plus tôt possible. Merci.

    La séance est levée.