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OGGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 24 mars 2005




Á 1105
V         Le président (M. Leon Benoit (Vegreville—Wainwright, PCC))
V         M. Louis Clark (président, Government Accountability Project (Washington, DC))

Á 1110

Á 1115

Á 1120

Á 1125

Á 1130
V         Le président
V         M. Joe Preston (Elgin—Middlesex—London, PCC)

Á 1135
V         M. Louis Clark

Á 1140
V         M. Joe Preston
V         M. Louis Clark
V         M. Joe Preston
V         M. Louis Clark
V         M. Joe Preston
V         M. Louis Clark
V         M. Joe Preston
V         M. Louis Clark
V         M. Joe Preston
V         M. Louis Clark
V         M. Joe Preston
V         M. Louis Clark
V         M. Joe Preston
V         M. Louis Clark

Á 1145
V         Le président
V         Mme Louise Thibault (Rimouski-Neigette—Témiscouata—Les Basques, BQ)
V         M. Louis Clark
V         Mme Louise Thibault
V         M. Louis Clark

Á 1150
V         Mme Louise Thibault
V         Le président
V         M. Louis Clark

Á 1155
V         Le président
V         M. Ken Boshcoff (Thunder Bay—Rainy River, Lib.)
V         M. Louis Clark
V         M. Ken Boshcoff
V         M. Louis Clark

 1200
V         M. Ken Boshcoff
V         M. Louis Clark
V         M. Ken Boshcoff
V         M. Louis Clark
V         M. Ken Boshcoff
V         M. Louis Clark
V         M. Ken Boshcoff
V         M. Louis Clark
V         M. Ken Boshcoff
V         M. Louis Clark
V         M. Ken Boshcoff
V         M. Louis Clark

 1205
V         M. Ken Boshcoff
V         M. Louis Clark
V         M. Ken Boshcoff
V         M. Louis Clark
V         M. Ken Boshcoff
V         M. Louis Clark
V         Le président
V         M. Guy Lauzon (Stormont—Dundas—South Glengarry, PCC)
V         M. Louis Clark
V         M. Guy Lauzon
V         M. Louis Clark

 1210
V         M. Guy Lauzon
V         M. Louis Clark
V         M. Guy Lauzon
V         M. Louis Clark
V         M. Guy Lauzon
V         M. Louis Clark

 1215
V         M. Guy Lauzon
V         M. Louis Clark
V         M. Guy Lauzon
V         M. Louis Clark
V         M. Guy Lauzon
V         M. Louis Clark
V         M. Guy Lauzon
V         M. Louis Clark
V         Le président
V         L'hon. Diane Marleau (Sudbury, Lib.)
V         M. Louis Clark
V         L'hon. Diane Marleau
V         M. Louis Clark
V         L'hon. Diane Marleau
V         M. Louis Clark
V         L'hon. Diane Marleau
V         M. Louis Clark

 1220
V         L'hon. Diane Marleau
V         M. Louis Clark

 1225
V         L'hon. Diane Marleau
V         Le président
V         M. Joe Preston
V         M. Louis Clark
V         M. Joe Preston
V         M. Louis Clark
V         M. Joe Preston

 1230
V         M. Louis Clark
V         M. Joe Preston
V         M. Louis Clark

 1235
V         M. Joe Preston
V         M. Louis Clark
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ)
V         M. Louis Clark

 1240
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. Louis Clark

 1245
V         Le président
V         M. Marc Godbout (Ottawa—Orléans, Lib.)
V         M. Louis Clark
V         M. Marc Godbout
V         M. Louis Clark
V         M. Marc Godbout
V         M. Louis Clark
V         M. Marc Godbout
V         M. Louis Clark
V         M. Marc Godbout
V         M. Louis Clark
V         M. Marc Godbout
V         M. Louis Clark

 1250
V         M. Marc Godbout
V         M. Louis Clark
V         M. Marc Godbout
V         M. Louis Clark
V         M. Marc Godbout
V         M. Louis Clark
V         M. Marc Godbout
V         Le président










CANADA

Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires


NUMÉRO 026 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 24 mars 2005

[Enregistrement électronique]

Á  +(1105)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Leon Benoit (Vegreville—Wainwright, PCC)): Bonjour, mesdames et messieurs.

    Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 18 octobre 2004, nous examinons aujourd'hui le projet de loi C-11, Loi prévoyant un mécanisme de dénonciation des actes répréhensibles et de protection des dénonciateurs dans le secteur public.

    Notre témoin d'aujourd'hui est le président du Government Accountability Project de Washington, D.C., M. Louis Clark. Je ne ferai qu'un très bref exposé biographique étant donné que M. Clark vous donnera certainement des informations à son sujet et au sujet de son organisation.

    M. Clark est président du Government Accountability Project de Washington. Il en est devenu le directeur en 1978, après en avoir d'abord été le conseiller juridique. Il a reçu son doctorat en droit de l'American University en 1977 et est membre à titre honoraire de deux universités pour ses travaux sur le programme clinique dans le domaine de la réforme pénitentiaire. Il est également ministre du culte avec une maîtrise en théologie de la Pacific School of Religion de Berkeley. En 1992, M. Clark a reçu le prix Gleitsman pour s'être appliqué pendant toute sa vie à amorcer, encourager et mettre en oeuvre des réformes constructives axées sur le progrès social.

    Je laisserai à M. Clark le soin de faire d'autres commentaires. Veuillez faire vos observations liminaires, puis nous passerons directement à la période des questions.

    Merci encore d'avoir accepté notre invitation. Nous attendons votre exposé avec impatience.

+-

    M. Louis Clark (président, Government Accountability Project (Washington, DC)): Je vous remercie pour cette occasion de m'adresser à vous.

    Je suis très impressionné d'avoir cette occasion de partager nos expériences en ce qui concerne cette question que notre organisation considère comme très importante, non seulement pour notre pays, mais à l'échelle planétaire. Nous collaborons de plus en plus avec d'autres pays et avec de nombreux États et paliers de compétence différents à l'intérieur de notre pays, en ce qui concerne la responsabilité des autorités gouvernementale à l'égard des dénonciateurs. Ce sont généralement des fonctionnaires qui décident de divulguer des problèmes, des actes répréhensibles et des tentatives de corruption et qui sont souvent victimes de représailles. La présente occasion est une expérience qui incite à l'humilité. J'apprécie beaucoup votre invitation.

    J'aimerais signaler en outre que l'invitation a été également adressée à mon associé du Government Accountability Project, Tom Devine. Tom Devine est notre directeur juridique et est la personne responsable des tâches législatives. Je me suis efforcé de me faire accompagner de Tom pour que nous puissions témoigner ensemble et vous parler de nos expériences communes ainsi que de ses expériences personnelles dans le contexte de la législation.

    Nous avons pris la décision suivante, si elle vous convient. Je prendrai note des questions que vous aurez à poser puis nous pourrons examiner avec notre personnel législatif celles auxquelles je suis incapable de répondre ou auxquelles je ne suis capable de répondre qu'en partie. J'apprécierais beaucoup de pouvoir procéder ainsi si vous le voulez bien. En outre, je vous invite à faire le suivi que vous jugez approprié et utile à mesure que progresseront vos travaux.

    Je voudrais maintenant vous donner quelques informations supplémentaires sur le Government Accountability Project qui a vu le jour en 1977. La plupart d'entre vous se souviennent probablement que c'était l'époque où, dans notre pays, les dénonciations, la corruption et les scandales ont été les plus nombreux. C'était juste après le Watergate et après que le président des États-Unis ait démissionné.

    Ce scandale a déclenché une avalanche de révélations au sujet de la surveillance sur les citoyens exercée par le FBI et de la violation de son mandat légal par la CIA, en faisant de l'espionnage interne dans le pays. À cela se sont ajoutés des scandales dans lesquels était impliquée notre General Services Administration, qui ont fait éclater au grand jour des pots-de-vin représentant plusieurs millions de dollars et diverses tentatives de corruption.

    Il s'agissait en fait de la première affaire majeure pour le Government Accountability Project. C'était une époque où les scandales étaient légion. Le Government Accountability Project est une des ONG ou organisations non gouvernementales qui ont été créées pour tenter d'aborder les actes criminels de notre gouvernement sous un angle différent, soit dans une perspective non gouvernementale. C'est ainsi que nous avons débuté.

    Nos premières affaires étaient liées à ces scandales. Nous avons continué et nous nous sommes intéressés à quelques autres scandales dont certains ne vous sont pas inconnus non plus.

    C'est donc alors que nous avons commencé. Notre intervention se situe à trois niveaux. C'est assez simple. Premièrement, nous représentons les dénonciateurs; nous sommes leurs avocats. Nous avons, bien entendu, un certain parti pris en faveur des employés qui révèlent des actes répréhensibles. Nous les représentons.

    Deuxièmement, nous faisons des enquêtes sur leurs déclarations. Nous tentons d'aller au fond de l'affaire, toujours du point de vue d'une ONG.

Á  +-(1110)  

    Une des constatations que nous avons faites—et j'en parlerai peut-être de façon un peu plus détaillée plus tard—, c'est que les employés ne renoncent pas à dénoncer certains agissements par crainte de représailles, mais parce qu'ils pensent qu'on n'y donnera aucune suite. C'est une constatation clé que nous avons faite en 1980 et en 1981, lorsque le gouvernement a fait des sondages auprès des fonctionnaires. Les résultats de ces sondages indiquent qu'entre 60 et 70 p. 100 des participants ont dit qu'on n'y donnerait pas suite et que, par conséquent, ils ne prendraient pas ce type de risque.

    Nous avons décidé d'aller au fond des problèmes révélés par les dénonciateurs. Nous nous sommes appliqués à préconiser des réformes acceptables. Nous pensons—et je pense que nous l'avons démontré—qu'un nombre croissant de dénonciateurs passeront à l'action à la suite de ces efforts.

    Troisièmement, nous nous intéressons aux questions de politique et aux lois et dispositions législatives qui aideront à protéger les dénonciateurs et marqueront le début d'une nouvelle ère au cours de laquelle le gouvernement disposera de mécanismes efficaces pour s'attaquer aux problèmes signalés par les dénonciateurs. C'est du moins ce que nous espérons.

    Je voudrais maintenant faire quelques commentaires au sujet des affaires dans lesquelles nous nous sommes engagés depuis notre création. Cela vous donnera peut-être une idée de l'importance du rôle qu'on joué les dénonciateurs pour vider quelques problèmes d'envergure, aux États-Unis du moins.

    Entre 1980 et 1991, plus de 600 dénonciateurs ont communiqué avec notre organisation pour signaler des problèmes dans l'industrie du nucléaire. Il s'agissait pour la plupart, mais pas toujours, d'employés responsables de l'assurance de la qualité travaillant dans les 17 centrales nucléaires à diverses étapes de la construction au cours des années 80. Trois des 17 centrales nucléaires ont été en fait annulées. L'une l'a été alors que les travaux de construction étaient terminés dans une proportion de 98 p. 100, l'autre alors que 86 p. 100 des travaux de construction étaient terminé et une autre alors que 54 p. 100 de la construction était terminé. Dans tous les cas, la décision a été prise à la suite de l'intervention des dénonciateurs.

    Dans le cas de la centrale qui était terminée dans une proportion de 98 p. 100, il n'y avait qu'un dénonciateur en 1980 et, en 1984, il y en avait 76. L'usine a été supprimée parce que les coûts de redressement des problèmes signalés auraient été supérieurs au coût des travaux de construction déjà effectués. La situation était analogue en ce qui concerne les deux autres centrales; dans un cas, l'alerte avait initialement été donnée par quatre dénonciateurs auxquels d'autres se sont ajoutés pour atteindre en fin de compte un total de 36 dénonciateurs.

    Ce que cela démontre, c'est que lorsqu'on commence à obtenir des résultats avec l'information que les dénonciateurs communiquent, le nombre de dénonciateurs augmente si le problème est bien réel. De toute évidence, s'il n'y a aucun problème et que l'alerte est lancée par un seul dénonciateur, il est possible que celui-ci reste la seule personne. Ce que nous avons toutefois tenté de signaler à notre gouvernement, c'est que si l'on met en place des mécanismes efficaces pour s'attaquer aux problèmes qui sont démontrés ou signalés, cela lui donne la possibilité d'intervenir avec efficacité. C'est précisément la raison pour laquelle ces centrales nucléaires ont été supprimées. Le gouvernement est intervenu et a exigé des mesures correctives. Les entreprises concernées ont alors décidé d'annuler les projets parce que les problèmes étaient trop graves.

    Deuxièmement, ce que la plupart des personnes ignorent, c'est que la production de plutonium a été interdite aux États-Unis en 1987, soit deux ans avant la fin de la guerre froide, parce que trois dénonciateurs de la Hanford Nuclear Weapons Production Facility avaient signalé que la centrale PUREX, qui produisait le plutonium était entièrement contaminée et que les travailleurs de cette centrale étaient exposés à de gros risques. La direction de la centrale devait soit suspendre la production pour pouvoir régler les problèmes—ce qui n'était pas possible, bien entendu—ou construire de nouvelles installations. Le gouvernement était justement en train de se débattre pour savoir quelle décision prendre quand, par un heureux hasard, la guerre froide a cessé en 1989, ce qui a mis un terme à la nécessité de poursuivre la production de plutonium. Nous nous étions évidemment engagés dans cette affaire également.

Á  +-(1115)  

    Troisièmement, la base navale des Bermudes dans l'Atlantique Nord a été fermée parce que le chef de police et son adjoint avaient dénoncé le fait que la seule raison à laquelle on puisse penser pour expliquer l'existence de cette base était qu'elle avait été ouverte pour permettre aux généraux et aux amiraux d'aller y faire des séjours d'agrément. Par conséquent, lorsque les contribuables ont été mis au courant de la situation, avec l'aide de Primetime Live, une émission de la télévision nationale, et avec l'aide du Congrès... En fait, au cours des trois années qui avaient précédé la révélation par nous de ces problèmes, 150 amiraux et généraux étaient allés dans cette base dont le seul équipement était un hélicoptère et un bateau remorqueur.

    C'était un peu difficile à battre. Par un heureux hasard, toutes ces réunions importantes à la base avaient toujours lieu un vendredi ou un lundi, ce qui donnait amplement l'occasion aux généraux et aux amiraux et à leurs bonnes d'enfants ainsi qu'aux petits amis ou petites amies de leurs enfants de s'amuser. Cette base fut donc supprimée.

    Le Homeland Security Department (département de la sécurité intérieure), dont vous avez certainement beaucoup entendu parler, fut créé parce qu'une dénonciatrice du FBI, Coleen Rowley, avec laquelle j'ai déjeuné pas plus tard qu'hier, avait révélé que son bureau du FBI au Minnesota tentait de faire enquête sur toutes les personnes, surtout celles du Moyen-Orient, qui s'inscrivaient et participaient aux cours des écoles de pilotage à travers le pays, surtout en Oklahoma et en Floride. On avait établi des liens entre ces écoles et quelques sectes radicales de foi islamique. Mme Rowley s'est heurtée à un mur pendant des mois, en fait pendant huit ou neuf mois, en tentant de convaincre Washington de se réveiller et d'autoriser une enquête de plus grande envergure. Elle ne pouvait faire enquête que sur la région relevant de sa compétence, au Minnesota, et ne pouvait pas tenter de découvrir la vérité sur les activités qui se déroulaient en Oklahoma et dans d'autres endroits.

    Par conséquent, après les événements du 11 septembre et au cours des enquêtes qui ont suivi, on a compris qu'il était nécessaire de créer un Homeland Security Department. C'est donc à la dénonciation que ce département doit son existence.

    En outre, en ce qui concerne la guerre des étoiles, je constate avec plaisir que le gouvernement du Canada semble avoir emprunté la bonne voie en se tenant à l'écart de ce programme. De toute façon, dans les années 1980 et au début des années 1990, plusieurs dénonciateurs du programme de la guerre des étoiles avaient révélé que le coût d'un programme adéquat serait supérieur au revenu national. Si le gouvernement dépensait un trillion de dollars, ce programme ne serait efficace que dans une proportion de 93 p. 100 et pour une ville comme Washington ou comme New York, où le taux de destruction est une centaine de fois plus élevé qu'ailleurs, sept missiles suffiraient au lieu de la centaine qui sont prévus.

    Par conséquent, le programme ne pouvait pas être efficace. En outre, la plupart des activités consistaient à faire faire des études à la chaîne dans 48 États différents et à accorder des contrats dans 90 p. 100 des districts du Congrès. Il semblerait que l'on gaspille l'argent vainement. Par conséquent, des dénonciateurs ont dénoncé ces excès et on a finalement décidé de réduire le budget proposé par la première administration Bush de 5 milliards de dollars à 1,7 milliard de dollars et ce, grâce à l'intervention des dénonciateurs que nous avons représentés.

Á  +-(1120)  

    Nous aidons maintenant une nouvelle série de dénonciateurs. Nous n'avons pas encore été particulièrement efficaces, mais une nouvelle série de dénonciateurs révèlent que le système ne sera pas efficace—on ne peut pas distinguer les faux missiles des vrais missiles alors que les résultats des essais effectués au coût de 300 millions de dollars par la société TRW avaient été faussés et indiquaient que l'on pouvait faire cette distinction. Cette entreprise avait programmé ses ordinateurs pour indiquer une différence. Elle avait programmé les spécifications des faux missiles de sorte qu'on puisse les distinguer.

    Ce qu'on avait fait antérieurement en matière de guerre des étoiles, c'est qu'on avait placé des dispositifs d'autoguidage sur les soi-disant missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) russes. On lançait les ICBM russes qui étaient secrètement munis de dispositifs d'autoguidage. De toute évidence, la plupart de ceux qui avaient un peu de jugeote avaient compris que les ICBM russes n'étaient pas munis de tels dispositifs et qu'ils n'étaient donc pas fonctionnels. Puis, lorsqu'un des tests échoua, on a placé la charge sur l'ICBM russe et on l'a fait exploser, pour donner l'impression qu'il avait été intercepté et qu'un projectile pouvait en frapper un autre, ce qui était la prémisse. Quoi qu'il en soit, le budget du programme a été considérablement réduit, surtout en ce qui concerne le volet spatial, grâce aux dénonciateurs. Ils n'étaient que deux, en l'occurrence.

    Dans le même ordre d'idées, dans le contexte d'une affaire plus récente, nous représentons le Dr David Graham. Vous avez peut-être appris que nous avions un problème avec le médicament appelé Vioxx, ainsi qu'avec plusieurs autres médicaments, et que pas moins de 28 000 personnes sont probablement décédées après avoir pris du Vioxx, parce que ce médicament n'était pas vraiment destiné à être pris par le grand public ou par n'importe qui. Il n'était censé être pris que par des personnes qui ne pouvaient pas digérer l'aspirine ou le tylenol, par celles qui avaient de gros problèmes digestifs lorsqu'elles prenaient de l'aspirine ou du tylenol. Ce médicament avait été mis au point pour ces personnes-là, qui ne représentaient pas plus de 2 p. 100 de la population. Le médicament s'est avéré tellement efficace pour ces 2 p. 100 de la population que la société Merck n'a pas pu résister à la tentation de le rendre accessible à toute la population, ce qu'elle a fait au prix de 3 $ la pilule. Elle réalisait en fait des bénéfices de 2,1 milliards de dollars par an.

    Un dénonciateur, David Graham, qui avait travaillé pendant 20 ans pour la FDA et dont la tâche consistait précisément à faire des enquêtes sur la sécurité des médicaments en vente sur le marché a dénoncé cette situation et a témoigné à des audiences du Sénat que nous avons considérablement aidé à mettre en place en novembre. Son histoire a fait la une des principaux quotidiens du pays le lendemain et les jours suivants.

    Une des principales raisons pour lesquelles mon compagnon Tom Devine n'a pas pu m'accompagner aujourd'hui est qu'il travaille quotidiennement sur ce dossier.

    Notre organisation dispose d'un budget de 2 millions de dollars. Elle compte 22 employés dont la plupart sont à Seattle et à Washington, D.C. Nous donnons également un cours de droit à la faculté de droit de la University of the District of Columbia pour les étudiants en droit. Des étudiants en droit de toutes les régions du pays participent à notre programme, ce qui nous aide beaucoup à étendre notre rayon d'action et d'engagement.

    Voilà en bref notre historique. En ce qui concerne le droit proprement dit, je signalerai brièvement que nous avons eu certaines difficultés à assurer une protection efficace aux dénonciateurs. C'est pourquoi nous apprécions beaucoup le fait d'avoir l'occasion de nous adresser à vous aujourd'hui—parce que nous considérons que vous êtes également en train de mettre en place des mécanismes efficaces de protection des dénonciateurs tout en profitant de l'occasion pour lutter efficacement contre les problèmes que ceux-ci dénoncent, de façon à aider le gouvernement au lieu de le mettre sur la défensive et à l'inciter à entreprendre une réforme en profitant des occasions qu'offrent les dénonciateurs.

Á  +-(1125)  

    Je décrirai très brièvement nos antécédents, dont certains aspects sont très déplorables; en effet, nous ne sommes pas satisfaits de la situation actuelle en matière de protection des dénonciateurs dans notre pays. Je suis, bien sûr, disposé à en parler. Même si notre organisation a contribué dans une large mesure à l'élaboration d'une trentaine de mesures législatives différentes, au palier fédéral et dans une très faible mesure, au palier des États, certaines de ces mesures législatives sont efficaces alors que d'autres le sont moins.

    En ce qui concerne des préoccupations parallèles au sujet des fonctionnaires des États, nous avons produit la Civil Service Reform Act en 1978. Notre organisation n'en était alors qu'à ses débuts. J'étais déjà là. Une de mes premières tâches a été de préparer les témoignages et de témoigner devant notre chambre au sujet de ce projet de loi dont votre projet de loi est en quelque sorte le pendant. Dans le cadre de ce témoignage, j'ai signalé que l'absence totale de dispositions législatives dans ce domaine était préférable à l'adoption de ce projet de loi. Nous le trouvions inadéquat, mais il a été adopté. Qui s'intéressait à un petit groupe comme le nôtre à ce moment-là? Nous n'étions qu'une toute petite organisation, qui en était à ses premiers pas.

    Nous avons connu 11 années catastrophiques, pendant lesquelles 2 000 dénonciateurs—je ne dis pas que les dénonciations étaient toutes légitimes—ont eu recours à la défense des dénonciateurs. Ils se sont présentés, ont dénoncé des abus et tenté ensuite de se défendre. Sur ces 2 000 dénonciateurs, quatre seulement ont obtenu gain de cause. Les mécanismes de protection étaient insuffisants.

    Le pire aspect de cette loi est probablement le fait que les dénonciateurs devaient prouver que le gouvernement prenait des sanctions contre eux parce qu'ils dénonçaient certains abus. Il était devenu impossible, dans tous les cas, de le prouver en l'absence de dispositions sensées en matière de fardeau de la preuve précisant quel type d'information les présumés dénonciateurs pourraient obtenir et quel type d'information il leur serait impossible d'obtenir. Bref, tous ces dénonciateurs ont perdu leur cause.

    Il y eut ensuite la catastrophe du Challenger. Dans cette affaire, nous avions des dénonciateurs. Ils avaient tenté d'empêcher le décollage du Challenger. L'appareil a décollé, il a explosé et il y a eu perte de vies. Une commission d'enquête présidentielle fut établie après cette catastrophe.

    les dénonciateurs ont témoigné devant cette commission. Ils ont témoigné de façon très sincère et avec beaucoup de courage. Ils étaient affreusement torturés parce qu'ils se sentaient dans une certaine mesure responsables du décollage du Challenger. Ils avaient tenté de l'empêcher, mais sans succès, parce qu'ils n'avaient pas dénoncé publiquement les problèmes. S'ils les avaient dénoncés publiquement, ils auraient peut-être pu empêcher le décollage. Ils étaient donc aux prises avec leur conscience.

    Après leurs témoignages, ils sont retournés au travail et ont tous été rétrogradés. Le nombre de réactions défavorables dont a été inondé le Congrès américain était si élevé qu'il était devenu impossible de les gérer. De nombreux citoyens réclamèrent un changement.

    C'est donc en fait à cette étape de notre histoire, c'est-à-dire de 1987 à 1989, que notre pays a changé d'orientation en matière de protection des dénonciateurs. C'est depuis lors que tous les législateurs savent que les dénonciateurs jouent un rôle très importants dans l'administration du pays et que les citoyens veulent que les dénonciateurs soient protégés.

    Nous avons finalement élaboré la Whistleblower Protection Act, qui fut adoptée en 1989. La situation se détériora immédiatement après son adoption. Ensuite, un projet de loi mieux conçu modifiant le précédent fut adopté en 1994, mais la situation n'a pas cessé de se détériorer depuis lors. Les dénonciateurs ont perdu la partie dans 95 des 96 dernières décisions.

Á  +-(1130)  

    La raison de ces échecs est que l'examen judiciaire de ces affaires ne suit pas le processus du système judiciaire fédéral régulier; il est confié à une cour spécialement créée à cette fin, qui est un tribunal administratif. C'est donc un tribunal qui, à notre avis, n'est pas indépendant. C'est un tribunal qui regorge de juges quelque peu réactionnaires qui, pour une raison ou une autre, détestent les dénonciateurs. La question de savoir si les juges devraient légiférer ou s'ils devraient se contenter de rendre des jugements en se basant sur les lois qui sont en place fait l'objet de discussions animées dans notre pays et, en l'occurrence, les juges ont légiféré des modifications telles à la loi que les dénonciateurs ne peuvent pas avoir gain de cause.

    Cette situation est due au fait que la loi indique essentiellement que tout abus que l'on dénonce—en d'autres termes, elle est très vague quant à savoir si la dénonciation se fonde sur une sérieuse présomption. C'est la norme. C'est une norme objective.

    L'interprétation qu'a faite la cour de cette disposition est que votre conviction du bien-fondé de la dénonciation n'est raisonnable que si l'on démontre qu'en substance, l'abus ou le problème dénoncé est incontestable et que l'on a absolument raison. En d'autres termes, la loi se base sur une présomption de régularité et de légalité, à laquelle aucun dénonciateur ne peut répondre. Par conséquent, personne ne peut avoir une sérieuse présomption.

    En outre, cette cour interprète le terme « any » de telle façon que la personne qui dénonce un abus à son supérieur ou à ses collègues de travail n'est pas protégée. Si vous dénoncez des abus ou des problèmes parce que c'est votre rôle—parce que vous êtes inspecteur ou enquêteur—, cela fait partie de vos fonctions et, par conséquent, vous n'êtes pas protégé par la loi. En outre, si votre dénonciation s'adresse à la personne—qui pourrait être un supérieur ou une autre personne—qui est impliquée dans les actes répréhensibles présumés, vous n'êtes pas protégé non plus.

    Par conséquent, la protection ne s'applique plus qu'à un très petit nombre de situations. C'est ce qu'ont indiqué les décisions. Pour le moment, nous nous appliquons quotidiennement à modifier le système pour que ces cas soient examinés par le système judiciaire fédéral régulier plutôt que par cette cour très spéciale.

    Ainsi se termine mon exposé. Je répondrai volontiers aux questions que vous voudriez me poser au sujet de notre expérience ou de votre projet de loi, que j'ai lu. Je ne connais toutefois pas très bien les rouages de la fonction publique canadienne et, par conséquent, ma compétence est limitée en la matière. Il y a toutefois quelques observations que je me ferai un plaisir de faire pendant la période des questions.

+-

    Le président: Je vous remercie pour votre exposé, monsieur Clark.

    Je vous signale que vous verrez de temps en temps des voyants clignoter et que vous remarquerez une certaine activité. Notre Chambre étudie actuellement un projet de loi très contesté. C'est la cause de toute cette activité et tous les mouvements de va-et-vient des députés. N'en soyez pas surpris.

    Nous passons à la période des questions. Monsieur Preston, vous disposez de sept minutes.

+-

    M. Joe Preston (Elgin—Middlesex—London, PCC): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Monsieur Clark, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. C'est très intéressant de connaître votre point de vue sur ce que nous tentons de faire.

    Tout à la fin de votre exposé, vous avez mentionné le manque d'efficacité de la loi dans votre pays et les efforts que vous faisiez actuellement pour tenter de remédier à toutes ces lacunes. Nous n'en sommes actuellement qu'à l'étape de la rédaction de cette loi et, par conséquent, nous avons besoin de votre aide pour éviter d'avoir, dans une dizaine d'années, les mêmes difficultés que celles que vous avez actuellement à remédier aux lacunes de votre loi. Vous avez mentionné qu'une mauvaise loi est pire que l'absence totale de loi, qu'il est préférable de suivre au préalable uniquement les voies de la justice civile. J'ai tendance à être de cet avis. Nous espérons que les questions auxquelles vous répondrez aujourd'hui nous aideront dans notre tâche.

    Vous avez mentionné au début de votre discours que votre organisation a été créée vers la fin des années 70 parce que c'était une époque fertile en scandales au sein de votre gouvernement. Nous nous trouvons peut-être dans une situation analogue parce qu'il semblerait que ce soit actuellement une période au cours de laquelle les scandales se succèdent dans notre fonction publique et que ces scandales ont été révélés au grand jour en partie grâce à la dénonciation. Il est donc impératif pour une bonne administration de l'État que les personnes qui critiquent leur gouvernement soient protégées; je pense que c'est une meilleure façon d'exprimer ce principe.

    Vous avez mentionné également que les employés renoncent à dénoncer certains abus non pas par crainte de représailles mais plutôt par crainte que l'on n'y donne pas suite et que cela soit donc inutile. Je présume que la dénonciation peut entraîner des représailles.

    Comment peut-on rédiger un projet de loi en se basant sur le principe que ce n'est pas par crainte de représailles qu'un employé renonce à dénoncer? Nous avons tendance à rédiger des lois en pensant davantage aux risques de représailles qu'à la transparence du gouvernement ou la transparence des dénonciateurs qui leur permettrait de révéler certains problèmes ou abus.

    Avez-vous des opinions sur le type d'information que devrait contenir notre projet de loi à cette fin?

Á  +-(1135)  

+-

    M. Louis Clark: Je ne voudrais pas minimiser l'efficacité ou l'importance de la protection contre les représailles; cependant, en ce qui concerne la motivation, tous les sondages ont indiqué que la plupart des personnes interrogées pensent que leur intervention ne changera rien à la situation. Je pense que ce qui est essentiel, c'est que les personnes qui veulent dénoncer des abus aient accès à un organisme auquel elles puissent s'adresser et qui ait un certain pouvoir réformateur. Par conséquent, il faudrait autant que possible envisager la mise en place d'une organisation très indépendante pour faire les enquêtes.

    Je pense que l'organisation à laquelle on voudrait confier les enquêtes ne devrait pas avoir de nombreuses autres fonctions. Je pense d'une part que certaines personnes confirmeront que la dénonciation est, dans une certaine mesure, une source de problèmes. De nombreux organismes ne veulent pas avoir cela sur les bras parce qu'ils ont beaucoup d'autres fonctions très différentes des enquêtes sur les actes répréhensibles. Par conséquent, dans notre pays, on a eu tendance à créer un poste d'inspecteur général dans chacun des principaux départements ou ministères ainsi que dans de nombreux autres gros organismes gouvernementaux. Les bureaux de l'inspecteur général ont tendance à être indépendants de la direction de ces départements. Les personnes chargées de ces enquêtes, ou les inspecteurs généraux eux-mêmes, sont nommés par le président, au même titre que les dirigeants des organismes.

    Le degré d'indépendance qu'il conviendrait de leur accorder fait toujours l'objet d'une certaine controverse mais ceux qui sont les plus indépendants sont apparemment les plus efficaces. Je pense que c'est extrêmement important. Ce qui est également important, c'est que les bureaux de l'inspecteur général n'aient essentiellement qu'une seule tâche à accomplir : enquêter. Ils ne se préoccupent pas du système du mérite; ils ont tendance à ne pas faire affaire avec des personnes qui sont fonctionnaires.

    En fait, en 1978, après l'adoption de la Civil Service Reform Act (Loi sur la réforme de la fonction publique), un des traits que nous avons le moins apprécié du nouveau système est que l'on ait séparé les fonctions de l'organisation. En d'autres termes, on a scindé en trois l'ancien système de la fonction publique. Le premier volet est l'Office of Personnel Management (bureau de gestion du personnel). C'était le bureau qui se chargeait de l'embauche et de la gestion des employés. C'était une fonction. Il y avait ensuite une autre fonction, celle de conseiller spécial. Le bureau du conseiller spécial était censé aider les dénonciateurs. C'était une fonction très distincte de la précédente. Puis, une troisième fonction était celle du Merit Systems Protection Board (bureau de la protection des systèmes du mérite) qui était le processus d'arbitrage. C'était à ce niveau que les cas étaient soumis à l'arbitrage.

    Je pense qu'un des plus gros problèmes engendrés par la Civil Service Reform Act était que le processus d'arbitrage n'était pas suffisamment indépendant de la fonction de conseiller spécial, ce qui n'était qu'un problème mineur par rapport à son jumelage antérieur avec l'Office of Personnel Management.

Á  +-(1140)  

+-

    M. Joe Preston: Je vous remercie pour ces commentaires. Je n'ai pas osé vous interrompre. Vous nous donnez des informations très intéressantes et, par conséquent, je continue.

    Je pense que, à mon point de vue personnel du moins, votre organisation est perçue actuellement comme une experte en matière d'élaboration de la politique sur la dénonciation, tant aux États-Unis qu'à l'étranger. Vous avez déjà témoigné dans d'autres pays. En cours d'élaboration du projet de loi que nous examinons, a-t-on déjà demandé son opinion à votre organisation, à l'exception de la présente invitation à témoigner devant notre comité?

+-

    M. Louis Clark: Non, mais nous nous serions fait un plaisir de donner notre avis à quelque moment que ce soit.

+-

    M. Joe Preston: Je pense que c'est un excellent début.

    Nous avons discuté de représentation. Vous avez expliqué comment vous représentez les dénonciateurs américains pendant un processus apparemment assez éprouvant. Dans le cadre de l'élaboration de notre projet de loi, nous nous interrogeons quelque peu sur l'opportunité de représenter les dénonciateurs à toutes les étapes du processus.

    Pourriez-vous dire si les dénonciateurs sont représentés par leurs représentants syndicaux ou par un mandataire légal à chaque étape du processus? Pourriez-vous indiquer les avantages et les inconvénients et préciser pourquoi vous pensez qu'il est nécessaire de le spécifier dans la loi?

+-

    M. Louis Clark: Oui. Tout d'abord, en ce qui concerne la représentation des dénonciateurs, je n'arrive pas à concevoir que le gouvernement n'ait pas un représentant et, par conséquent, je n'arrive pas à concevoir que le dénonciateur ou l'employé doive se défendre seul contre tout l'appareil gouvernemental qui a accès aux ressources considérables du ministère de la Justice, je présume.

    Je pense que le dénonciateur est probablement désavantagé d'emblée et qu'il devrait avoir l'occasion d'être représenté également, sauf s'il a été décidé d'entamer un processus d'arbitrage dans le cadre duquel il n'est pas permis d'être représenté par un avocat. Je pense cependant que ce n'est pas souhaitable.

+-

    M. Joe Preston: Faudrait-il que ce soit l'un ou l'autre?

+-

    M. Louis Clark: Oui.

+-

    M. Joe Preston: Il faudrait que personne ne soit représenté ou que toutes les parties soient représentées.

+-

    M. Louis Clark: Oui, c'est exact. C'est ce que j'ai tendance à penser.

+-

    M. Joe Preston: Cela me paraît sensé.

    Vous avez parlé de création d'un bureau indépendant chargé uniquement d'enquêter : ce serait sa seule fonction. Il serait chargé d'enquêter et de tirer des conclusions. Il serait, bien entendu, nécessaire que ses conclusions soient légalement contraignantes. Faudrait-il spécifier dans la loi que ce bureau indépendant aurait la capacité de rendre des jugements légalement contraignants?

+-

    M. Louis Clark: Oui. Comment on s'y prendrait... Je sais qu'il y aurait beaucoup d'autres questions à examiner pour équilibrer les rapports de force entre les ministères et un organisme indépendant; cependant, un organisme qui aurait pour seule fonction de présenter un rapport serait, à mon avis, inefficace. Il semblerait qu'il faille quelque chose qui forcerait un département ou un bureau gouvernemental à suivre un certain régime de réforme à la suite d'une enquête.

+-

    M. Joe Preston: Il me reste encore une petite question à poser.

+-

    M. Louis Clark: Je voudrais faire un autre commentaire. Je pense qu'il serait important également que ce bureau relève directement du Parlement.

+-

    M. Joe Preston: C'est notre intention, ou c'est du moins ainsi que cela se présente.

    Est-ce que ce bureau serait chargé de faire enquête sur les représailles—et pas uniquement sur les dénonciations, mais sur toute l'affaire, pour déterminer s'il y a matière à réclamer des dommages et intérêts?

+-

    M. Louis Clark: Oui, ce serait certainement très bien. C'est presque... On ne peut pas imaginer le département de la justice ou un procureur chargé de superviser un processus d'enquête n'ayant pas la capacité de protéger les personnes qui sont leurs témoins. Je n'arrive pas à imaginer un procureur qui ne veuille pas avoir un certain degré de pouvoir sur l'obstruction de la justice, et lorsqu'un dénonciateur est victime de représailles, il s'agit bel et bien d'obstruction.

Á  +-(1145)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Preston.

    Je donne maintenant la parole à Mme Thibault.

    Madame Thibault, je vous accorde dix minutes pour les questions. Si vous décidez de les utiliser, cela vous laissera un peu plus de temps pour poser une série de questions.

    Monsieur Clark, vous aurez besoin de l'interprétation. Pourriez-vous donc mettre vos écouteurs?

    Madame Thibault, vous avez dix minutes.

[Français]

+-

    Mme Louise Thibault (Rimouski-Neigette—Témiscouata—Les Basques, BQ): Merci, monsieur le président.

    Merci, monsieur Clark.

    Y a-t-il des domaines ou des secteurs où il est impossible de faire des dénonciations? J'imagine que la réponse sera non, mais je voudrais quand même m'en assurer. Vous nous avez parlé du bouclier antimissile. Or, certains intervenants du gouvernement fédéral se disent très préoccupés par la sécurité nationale et par certains renseignements ultra protégés que nous partageons avec d'autres pays, par exemple. Cette préoccupation existe-t-elle ou non aux États-Unis? Je parle ici de divulgation.

[Traduction]

+-

    M. Louis Clark: Je pense que les questions de sécurité nationale et l'éventualité de déclarations publiques d'un dénonciateur suscitent de vives préoccupations aux États-Unis. Certains mécanismes devraient toutefois être en place pour permettre à un dénonciateur de dénoncer des actes répréhensibles en toute confiance au sein du gouvernement et les protections contre les représailles devraient être accordées dans ces circonstances également.

    En ce qui concerne la sécurité nationale, je suis convaincu que d'un point de vue gouvernemental, les dénonciations sont presque plus importantes dans ces domaines que dans tout autre, parce que dans certains milieux, compte tenu du degré de secret exigé par des préoccupations liées à la sécurité nationale, il est essentiel de faire un effort supplémentaire pour s'assurer que les dénonciateurs soient protégés contre les représailles et soient libres de dénoncer les actes répréhensibles dans la tribune appropriée, qui serait, bien entendu, couverte également d'un voile de secret.

[Français]

+-

    Mme Louise Thibault: Si je lis bien les notes du service de recherche, on y dit que la loi américaine ne comporte pas de disposition explicite qui interdise ce que j'appelle  la malfaisance, c'est-à-dire la divulgation de renseignements sous de faux prétextes, de mauvaise foi, etc. Premièrement, ai-je raison de dire cela? Deuxièmement, votre organisme peut-il nous dire si cela se produit régulièrement et à quelle échelle cela se produit? Est-ce qu'on parle de 2 p. 100, de 10 p. 100? Peut-on dire qu'il n'y a en a pas du tout? Cela m'étonnerait, mais enfin... J'aimerais que vous nous entreteniez de cet aspect pendant quelques secondes. Merci.

[Traduction]

+-

    M. Louis Clark: Il est indéniable que cela arrive. Il arrive que des personnes donnent des informations qui sont fausses, mais nous avons un certain niveau de confiance dans notre système qui nous permet de détecter et de rejeter ce type d'information. En fait, si vous mettiez en place un bureau d'enquête dont la tâche consisterait exclusivement à faire des enquêtes et à protéger les témoins, vous auriez certainement l'occasion d'être...

    Tout enquêteur qui a de l'expérience peut détecter l'information qui est fausse. Notre organisation fait des enquêtes sur toutes les informations qui nous sont communiquées, car notre crédibilité augmente ou diminue selon les personnes que nous décidons de représenter. Nous nous appliquons à vérifier si l'information est crédible et si elle est appuyée par des preuves. Je pense qu'il n'est pas particulièrement difficile de confondre les personnes qui communiquent de la fausse information.

    Ensuite, le degré de bonne foi de ces personnes est un facteur important. Nous n'avons pas tendance à nous contenter de dire que les dénonciateurs doivent agir de bonne foi. Nous pensons que c'est un excellent principe; les dénonciateurs devraient effectivement agir de bonne foi. Cependant, comment peut-on vérifier s'ils agissent de bonne foi sans exiger une enquête. Si l'on fait une enquête sur les personnes qui communiquent de l'information, elles renonceront à la communiquer parce qu'elles devront se soumettre à une enquête gouvernementale. Ce n'est donc pas une bonne tactique.

    À notre avis, une meilleure méthode consiste à considérer que si une personne peut raisonnablement croire l'information qu'elle a, c'est une norme objective. Un enquêteur peut généralement faire la différence entre ce qui est raisonnable et ce qui ne l'est pas.

Á  +-(1150)  

[Français]

+-

    Mme Louise Thibault: Voici ma dernière question, monsieur Clark.

    Des intervenants nous encouragent à rendre obligatoire la divulgation. Quand un fonctionnaire est au courant de quelque chose, il faut qu'il ou elle le divulgue. Que pensez-vous de l'imposition de cette obligation? Ce serait une obligation absolue. Autrement dit, si la personne ne divulguait pas et qu'il était prouvé qu'elle ne l'a pas fait, on pourrait prendre des mesures contre elle.

    Il y a aussi la question des récompenses financières. Bien qu'elles ne soient pas nécessairement nombreuses, il y a des parties qui nous ont parlé de récompenses financières. Par exemple, on parlait de récompenses financières dans les cas où des personnes auraient fait épargner de l'argent. Vous nous avez parlé des sommes astronomiques qu'on dépense pour le bouclier antimissile. Quelqu'un qui aurait divulgué quelque chose à cet égard serait devenu multimillionnaire. Blague à part, j'aimerais savoir ce que vous pensez de ces deux éléments. Est-ce qu'on vit cela chez vous et, le cas échéant, comment le vit-on? De quelle façon pourrons-nous bénéficier de vos commentaires pour peaufiner notre approche quand viendra le moment de le faire?

    Merci, monsieur.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Clark.

+-

    M. Louis Clark: En ce qui concerne l'opportunité d'exiger la divulgation, notre position est qu'elle devrait être fondamentalement obligatoire. Par contre, il est essentiel de mettre en place des mécanismes efficaces—et j'insiste sur le fait qu'il doit s'agir de mécanismes indépendants—pour que les dénonciateurs puissent se défendre. Exiger l'une sans l'autre serait inacceptable, voire inhumain. Par conséquent, si on veut rendre la divulgation obligatoire, il est essentiel de mettre un système efficace en place.

    Pour en revenir à notre système, un code de conduite a été imposé à nos fonctionnaires et c'est une initiative que j'approuve. Pour en revenir à cette cour dont je ne suis pas très satisfait, j'ajouterais qu'un des problèmes est que si la divulgation était obligatoire pour les fonctionnaires, il n'y aurait plus de protection possible parce que cela ferait partie de leurs fonctions. Si cela fait partie de leurs fonctions, on ne peut pas les considérer comme des dénonciateurs. C'est ainsi qu'on en arrive à certaines décisions absurdes, mais je pense que c'est une exigence acceptable si elle est assortie de mesures de protection efficaces.

    Sur le plan financier, en 1986, le gouvernement des États-Unis a récupéré 27 millions de dollars perdus à la suite de fraudes dont il avait été victime. C'est après cela que la loi appelée False Claims Act a été adoptée. C'est une loi qui avait été initialement mise en oeuvre pendant la guerre de Sécession à la demande d'Abraham Lincoln. Elle prévoit une indemnisation; elle octroie aux dénonciateurs un pourcentage des sommes qu'ils ont permis de récupérer. Ensuite, le montant des sommes économisées, qui était de 27 millions de dollars, a grimpé à 127 millions de dollars, puis à 300 millions de dollars et, depuis quelques années, il est de 1 milliard de dollars par an, dont les dénonciateurs ont reçu un pourcentage.

    En fait, le dénonciateur intente des poursuites à l'entreprise; il s'agit généralement d'entreprises. Le dénonciateur intente des poursuites au nom du gouvernement à l'entrepreneur qui l'a fraudé. Si le gouvernement intervient et reprend les poursuites à son compte, le dénonciateur reçoit un pourcentage des fonds économisés, environ 10 p. 100. Par contre, si le gouvernement refuse d'intervenir et que le dénonciateur maintient les poursuites, celui-ci reçoit alors un pourcentage plus élevé des fonds économisés s'il gagne son procès.

    Ce système s'est avéré efficace; il a enrichi certains dénonciateurs et a permis au gouvernement de récupérer des sommes considérables.

Á  +-(1155)  

+-

    Le président: Je vous remercie, madame Thibault.

    Monsieur Boshcoff, puis ce sera au tour de M. Lauzon.

+-

    M. Ken Boshcoff (Thunder Bay—Rainy River, Lib.): Merci.

    Soyez le bienvenu au Canada.

    Je voudrais faire une rectification. Je ne pense pas que nous traversions une période féconde en scandales. En l'occurrence, c'est le gouvernement qui a précipité l'enquête, ce qui démontre que le Canada applique une norme d'intégrité qui lui vaut le respect des autres pays.

    Si vous deviez recommencer à zéro—étant donné que les évaluations a posteriori sont toujours parfaites dans des cas comme celui-ci—quelle méthode rapide préconiseriez-vous pour adopter une loi instaurant un système efficace et rentable?

+-

    M. Louis Clark: Ma réponse se résumerait probablement en six points.

    Premièrement, je m'assurerais qu'aucune échappatoire n'est possible en ce qui concerne la liberté de parole et les allégations qu'une personne pourrait faire. Par exemple, il serait nécessaire que cela s'applique à tous les cas de dénonciation. Je ne pense pas qu'il faille que cela se limite à la protection des personnes qui dénoncent des actes répréhensibles au gouvernement ou à leurs supérieurs. Je pense que la loi devrait également protéger les personnes qui dénoncent des abus par l'intermédiaire des médias. Nos interventions se sont avérées efficaces à ce niveau.

    En 1978, la loi couvrait tous les cas de dénonciation et la plupart de nos lois tenaient compte de cette prémisse. Une des raisons de cette réussite est que, dans presque tous les cas de divulgation aux médias, le gouvernement réagit en entamant une enquête. En s'adressant aux médias, on déclenche généralement une enquête gouvernementale. Par conséquent, pourquoi ne protégerait-on pas ce type de dénonciateurs?

    Deuxièmement, pourquoi les obligerait-on à s'adresser uniquement à leurs supérieurs ou à un organisme d'État précis, que ce soit efficace ou non? Pourquoi ne donnerait-on pas une plus grande latitude aux dénonciateurs? Il y a aussi une question pratique qui entre en ligne de compte, à savoir que presque tous les dénonciateurs que nous avons représentés jusqu'à présent—et je dirais même presque toutes les personnes dont nous avons entendu parler—s'étaient d'abord adressés à l'organisme pour lequel ils travaillaient. Je pense que c'est également le cas en ce qui concerne la plupart des dénonciateurs canadiens que j'ai eu l'occasion de rencontrer. Presque tous les dénonciateurs vont d'abord trouver leur supérieur et c'est la raison pour laquelle l'anonymat—dont nous n'avons pas encore parlé—est un faux-fuyant parce que ce sont des problèmes qui ont été soulevés dans presque tous les cas.

    À supposer que la source d'une information soit anonyme et que l'information soit diffusée par les médias. Presque immédiatement après qu'une personne divulgue une information aux médias, on s'interroge sur l'identité de la personne qui a soulevé la question à l'interne. Il s'agit généralement d'une seule personne ou deux. On tente d'abord de les identifier. On se base sur le principe que c'est nécessaire.

    En outre, les dénonciateurs devraient pouvoir témoigner en cour. Je ne sais pas s'il faudrait mettre en place un système judiciaire comme tel, qu'il s'agisse d'un processus d'audience ou d'un autre système, mais il est essentiel que ces personnes aient la possibilité de se défendre. Elles ne devraient pas être obligées de compter sur le gouvernement pour les défendre. Elles pourraient se défendre elles-mêmes devant une cour ou dans le cadre d'audiences indépendantes et pas dans le contexte d'un processus d'audience qui a un préjugé défavorable contre elles.

    Ce n'est de toute évidence pas le cas dans notre pays et c'est notre principal problème. Les employés fédéraux n'ont pas accès à un processus indépendant comme celui-là. Les employés du secteur privé ont toutefois accès à un tel système.

+-

    M. Ken Boshcoff: L'indépendance est donc un facteur primordial. Est-ce bien cela?

+-

    M. Louis Clark: Oui, l'indépendance du processus judiciaire.

    Troisièmement, je m'assurerais que des normes juridiques efficaces soient en place en ce qui concerne le fardeau de la preuve. Dans notre pays, les fonctionnaires fédéraux ne sont pas obligés de prouver que le gouvernement a usé de représailles parce qu'ils ont dénoncé des actes répréhensibles. Il suffit de démontrer l'existence d'un certain lien entre la dénonciation et les représailles—en d'autres termes, la rétrogradation ou le licenciement. Ce système s'est d'ailleurs avéré très efficace.

    Il est possible, par exemple, d'invoquer le fait que l'on a obtenu pendant une vingtaine années d'excellentes évaluations de rendement et que six semaines après avoir dénoncé certains abus, on a été rétrogradé ou les évaluations de rendement sont devenues moins élogieuses. Cela pourrait suffire pour démontrer l'existence d'un lien. Lorsqu'on a démontré l'existence d'un lien, il appartient au gouvernement de démontrer, en se basant sur une norme très stricte—les termes que nous employons sont « normes claires et convaincantes »—qu'il aurait de toute façon pris cette mesure contre vous, même en l'absence de dénonciation. C'est un fardeau de la preuve qui est efficace ou peut être efficace pour les dénonciateurs.

    Et il reste deux points...

  +-(1200)  

+-

    M. Ken Boshcoff: Pouvez-vous les exposer rapidement? Je ne dispose que de dix minutes.

+-

    M. Louis Clark: Bien.

    Pourquoi ne dirais-je pas tout simplement qu'un des facteurs importants est l'engagement des dirigeants? En d'autres termes, il est essentiel que les dirigeants de ces organismes règlent les problèmes liés à la dénonciation et démontrent leur intérêt. Pour en revenir à la question que j'ai abordée tout à l'heure, il est essentiel qu'un processus interne crédible en matière d'enquêtes et de mesures correctives soit en place.

+-

    M. Ken Boshcoff: Je voudrais aborder le sujet des forces armées en général mais pas nécessairement celui de la défense antimissile balistique. Il y a des années, des abus notoires ont été signalés en ce concerne l'achat d'un marteau au coût de 500 $ ou d'une toilette à 10 000 $ et autres dépenses excessives semblables. Était-ce avant l'ère de la dénonciation ou était-ce...

+-

    M. Louis Clark: Ces scandales ont été révélés à la suite de dénonciations.

+-

    M. Ken Boshcoff: Mais cela concernait la défense.

    La Défense nationale n'était pas responsable de ces abus. Quel était donc le processus de divulgation de ces excès qui concernaient indéniablement les forces armées?

+-

    M. Louis Clark: Il y avait en fait de nombreux dénonciateurs au sein des forces armées, pour la plupart des civils, qui ont rendu cette information publique. Par conséquent, ce n'était pas des dénonciateurs publics, mais plutôt des dénonciateurs anonymes. Nous recevons tous les jours des appels téléphoniques de personnes désireuses de garder l'anonymat qui veulent signaler des excès de ce genre, mais peut-être pas de façon aussi théâtrale.

+-

    M. Ken Boshcoff: Pour de nombreuses raisons, la défense contre les missiles balistiques est également une question intéressante au Canada et, par conséquent, les dénonciations liées à ce processus sont beaucoup plus fascinantes pour nous, quoique la question reste quelque peu secrète.

    Par conséquent, quand on parle d'une économie de 1 milliard de dollars par an, un projet comme le projet de défense contre les missiles balistiques dépasserait largement ces chiffres et révélerait que le coût d'un processus pourrait être extrêmement élevé. Quelle est la fréquence des abus qui sont révélés et quelle en est l'envergure?

+-

    M. Louis Clark: Je dirais que l'on signale fréquemment des abus, mais pas assez souvent. En ce qui concerne le système de missiles antimissiles balistiques, cela représente 9 milliards de dollars par an. Un dénonciateur, le professeur Ted Postol du MIT, a dénoncé le fait que l'on ne puisse pas faire la différence entre un faux missile et un missile régulier. Dès lors, la totalité du budget de 9 milliards de dollars est du gaspillage, ce qu'il tente de dénoncer. Notre gouvernement a finalement classifié toute cette information et, par conséquent, ce professeur ne peut plus faire de révélations au sujet de ce programme.

+-

    M. Ken Boshcoff: Je comprends.

    Quel est le nombre de personnes employées par les organisations?

+-

    M. Louis Clark: Parlez-vous des bureaux de l'inspecteur général?

+-

    M. Ken Boshcoff: Oui.

+-

    M. Louis Clark: Je suis désolé, mais il faudra que je m'informe et que je vous communique la réponse plus tard.

  +-(1205)  

+-

    M. Ken Boshcoff: C'est mon rôle de poser ces questions.

+-

    M. Louis Clark: Vous avez raison. Je ne suis pas en mesure de répondre à celle-là.

    Je dirais que cela représente un grand nombre de personnes. Je n'imagine pas que les bureaux de l'inspecteur général puissent avoir moins de 200 employés venant des divers ministères. Par conséquent, il doit s'agir dans chaque cas d'un bureau assez important dont les activités sont axées sur un seul département ou ministère. Je pense que ces bureaux sont très rentables parce qu'ils permettent non seulement de récupérer des fonds mais surtout parce qu'ils ont un effet dissuasif. En d'autres termes, je pense que la corruption serait beaucoup plus généralisée en l'absence de ce type de bureaux.

+-

    M. Ken Boshcoff: Vous avez mentionné que vous étiez quelque peu déconcerté par le fait que ce que l'on peut appeler la dénonciation à niveau peu élevé—les employés qui dénoncent des excès à leur supérieur—n'est pas très efficace et que ce type de dénonciateurs a davantage de difficulté à se manifester.

    Ai-je bien interprété votre préoccupation? Vous avez en effet mentionné plusieurs catégories de dénonciateurs.

+-

    M. Louis Clark: Je pense que le fait qu'ils doivent s'adresser à leur supérieur pose un énorme problème. C'est là que réside le problème.

+-

    M. Ken Boshcoff: Je vous remercie. Vous pourriez peut-être donner des informations plus précises à ce sujet.

+-

    M. Louis Clark: D'une part, dans presque tous les cas, la personne a déjà soulevé le problème à l'interne. L'imposition de cette exigence permet à son supérieur d'être averti et s'il est l'auteur des actes répréhensibles, ce qui arrive parfois, il est averti que l'employé entame un processus officiel, ce qui lui permet de faire du camouflage. Je pense qu'aucun enquêteur ne le souhaite; le bureau d'enquête qui est indépendant et qui mènera l'enquête ne tient pas à ce que tous les supérieurs et les présumés auteurs d'actes répréhensibles soient alertés de la mise en branle d'un processus. C'est pourtant ce qui se passe lorsqu'on impose une telle obligation.

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Boshcoff.

    C'est maintenant au tour de M. Lauzon, qui sera suivi par Mme Marleau. Vous disposez de dix minutes.

+-

    M. Guy Lauzon (Stormont—Dundas—South Glengarry, PCC): Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation, monsieur Clark.

    Monsieur Clark, est-ce que vous me permettez tout d'abord de demander depuis combien de temps vous vous occupez des dénonciateurs? Combien d'années d'expérience avez-vous dans ce domaine?

+-

    M. Louis Clark: J'ai commencé en 1978.

+-

    M. Guy Lauzon: Si mes calculs sont exacts, cela fait 27 années.

+-

    M. Louis Clark: Oui.

  +-(1210)  

+-

    M. Guy Lauzon: Vous êtes donc un témoin vraiment digne de foi, il me semble. Vous êtes d'une aide précieuse pour notre comité. Nous avons besoin de personnes ayant vos types de compétences pour nous conseiller et nous donner leur opinion.

    Ce projet de loi est d'une extrême importance.

    Je signale, en guise d'introduction, que j'ai eu l'honneur d'être fonctionnaire pendant 22 ans. C'est intéressant; deux ou trois commentaires que vous avez faits ce matin dans vos observations liminaires prouvent pratiquement que j'ai raison.

    Dès que j'ai vu ce projet de loi, j'ai dit qu'il ne serait pas efficace parce que nous n'avons pas de commissaire indépendant. Je pense que vous avez largement insisté sur ce point-là. L'autre commentaire que j'ai fait à mes collègues est que l'absence de loi est préférable à une loi truffée de lacunes. Je pense que vous l'avez signalé également.

    Au cours des six derniers mois, nous avons vu défiler des témoins, qui étaient assis à la place que vous occupez... Une loi bien conçue, solide et appropriée sur la dénonciation est un investissement qui rapporte. Vous avez signalé que vous pensiez que votre pays avait probablement économisé 1 milliard de dollars. Est-ce 1 milliard de dollars par an?

+-

    M. Louis Clark: Oui.

+-

    M. Guy Lauzon: Par conséquent, ce type de loi permet aux États-Unis de faire des économies de 1 milliard de dollars par an.

    Il y a deux ou trois réflexions qui me viennent à l'esprit. Comme je viens de le mentionner, nous avons vu défiler des témoins qui étaient assis à la place même que vous occupez et ont déclaré que si une loi sur la dénonciation avait été en place, certaines des difficultés actuelles auraient probablement pu être évitées. Vous savez probablement qu'une enquête est actuellement en cours ici au sujet du scandale des commandites. Le problème avait été signalé au gouvernement ou à quelqu'un à un moment ou l'autre mais j'ai l'impression qu'aucune suite n'avait été donnée à ces révélations parce que nous n'avions pas de loi efficace sur la dénonciation en place. Nous avons des problèmes avec votre pays liés à un cas d'ESB qui durent depuis près de deux ans. D'autres témoins ont signalé qu'ils avaient tenté de faire de la prévention et qu'on ne les a pas écoutés. Il paraît que des visas illégaux sont vendus à travers le monde.

    En fait, dans tous les cas, les dénonciations sont dues à des personnes qui avaient une vingtaine ou une trentaine d'années d'expérience à la fonction publique—et ce sont des personnes pour lesquelles j'ai beaucoup de respect étant donné le nombre d'années que j'ai passées dans la fonction publique. Elles pensaient faire leur devoir en signalant ces problèmes, mais la seule récompense qu'elles ont reçue, c'est d'avoir perdu leur emploi. Cela me laisse pour ainsi dire sans voix.

    J'aimerais savoir ce que vous pensez du coût humain de cette démarche. J'ai observé mes amis et j'ai connu personnellement des situations où l'on est profondément troublé sur le plan émotif lorsqu'on est témoin d'actes répréhensibles. Il faut tout d'abord décider si l'on veut les divulguer. Comme vous l'avez si bien dit, de 60 à 70 p. 100 des personnes se demandent à quoi cela sert. Il est essentiel de mettre un terme à ces hésitations.

    Étant donné que vous avez 28 années d'expérience, je me demande si vous pourriez dire quel est le coût humain. Combien cela nous coûte-t-il? Combien de fonctionnaires consciencieux perdons-nous parce que nous n'avons pas mis en place de loi efficace sur la dénonciation? Pouvez-vous faire des commentaires à ce sujet?

+-

    M. Louis Clark: Je pense que cette situation cause d'énormes dommages aux individus. Notre organisation donne notamment des conseils. Je suis ministre méthodiste et, par conséquent, il est naturel pour moi de conseiller les gens au sujet de cette expérience et de l'initiative qu'ils sont sur le point de prendre. Dans de nombreux cas, je dois leur déconseiller de dénoncer des abus. En effet, la récompense peut être non seulement imprécise, mais il est possible que le dénonciateur ne survive pas au processus à cause du niveau de stress qu'il engendrerait. C'est un processus qui cause indéniablement du stress, même si l'on a en place les meilleures lois au monde; de toute évidence, ce n'est pas le cas, mais nous nous y appliquons. Même dans le secteur privé, pour lequel des dispositions législatives très efficaces sont en place, c'est un processus extrêmement stressant pour les dénonciateurs.

    En ce qui concerne les coûts humains en employés de qualité perdus, je dois dire que j'ai oublié de parler de la nature des personnes qui dénoncent des abus. Ces personnes sont le type d'employés que l'on voudrait avoir. Ce sont des personnes qui ont tendance à avoir un niveau très élevé de conscience professionnelle et à être de gros travailleurs. Ce sont les personnes qui souhaitent le plus voir les tâches auxquelles elles participent être couronnées de succès et qui ne se seraient généralement jamais considérées comme des dénonciateurs avant d'être passées à l'acte.

    Ce sont des personnes qui ont généralement pris la décision de passer à l'acte parce qu'elles attachent une importance primordiale au niveau de qualité qu'elles considèrent comme la norme ou comme ce qui devrait être la norme et c'est ce qui a été la source de leurs problèmes. La dénonciation devient un moyen de défense contre les collègues de travail moins scrupuleux, qui veulent reprendre la production de plutonium en raison de préoccupations liées à la sécurité nationale, même si cela contamine des milliers de personnes. Les dénonciateurs n'agissent pas de façon préméditée.

    En outre, d'après les résultats de la plupart des sondages qui ont été faits à ce sujet, il est aussi difficile de déterminer les traits de caractère de ces personnes qu'il est difficile de déterminer pourquoi il y a eu des libérateurs dans l'Allemagne nazie ou au Danemark. Pourquoi ces personnes en ont-elles sauvé d'autres et pourquoi d'autres ne l'ont pas fait? On retrouve ces personnes à tous les niveaux d'instruction et dans tous les milieux professionnels. Il est impossible de prévoir qui prendra un risque ou qui élèvera les normes et tentera de les appliquer et quel type de personnes ne le feront pas. C'est carrément impossible et, pourtant, les employés que l'on voudrait garder dans la fonction publique sont ceux qui ont le plus haut niveau de conscience professionnelle.

+-

    M. Guy Lauzon: Monsieur Clark, les rouages de la fonction publique canadienne sont différents de ceux de la fonction publique américaine et notre comité peut réaliser certains désirs. Vous avez 27 années d'expérience dans ce domaine. Si nous étions en mesure de réaliser un de vos désirs et si vous pouviez apporter un changement ou peut-être deux, quels seraient-ils? Quels changements voudriez-vous que l'on apporte aux procédures américaines? Nous pourrons peut-être en déduire quels types de changements il conviendrait d'apporter à nos procédures.

+-

    M. Louis Clark: J'apporterais deux changements. Le premier est que je donnerais au gouvernement l'occasion d'aller au fond des scandales en chargeant un organisme indépendant de faire enquête sur ces problèmes et d'entamer le processus de réforme, le processus d'action corrective.

    Le deuxième est que je donnerais aux personnes qui divulguent l'information, aux personnes qui sont témoins, la chance de réussir en mettant à leur disposition un processus qui leur donnerait la possibilité de comparaître en cour. Elles auraient la possibilité de se défendre elles-mêmes, sans devoir compter sur le gouvernement pour les défendre.

    Ce sont là les deux changements que je souhaiterais.

  +-(1215)  

+-

    M. Guy Lauzon: Avez-vous bien dit que vous aviez 22 employés et un budget de 2 millions de dollars?

+-

    M. Louis Clark: Oui.

+-

    M. Guy Lauzon: Et vous obtenez les résultats que vous avez mentionnés avec 22 employés et un budget de 2 millions de dollars?

+-

    M. Louis Clark: Oui, mais c'est parce que nous comptons sur les compétences des fonctionnaires dont le gouvernement devrait également tirer parti.

+-

    M. Guy Lauzon: En outre, la loi sur la dénonciation permet au gouvernement des États-Unis d'économiser 1 milliard de dollars par an, grâce aux dénonciateurs.

+-

    M. Louis Clark: Oui. Je voudrais toutefois apporter une rectification à votre commentaire précédent. Nous récupérons 1 milliard de dollars, mais notre intervention permet de réaliser des économies de plusieurs milliards de dollars. Nous récupérons 1 milliard de dollars grâce aux dénonciations, mais l'efficacité du processus actuel permet d'économiser plusieurs milliards de dollars à cause de son pouvoir dissuasif.

+-

    M. Guy Lauzon: Par ailleurs, si votre gouvernement avait écouté les dénonciateurs, la catastrophe du Challenger aurait pu être évitée.

+-

    M. Louis Clark: Oui.

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Lauzon.

    Madame Marleau, vous disposez de 10 minutes. Puis, ce sera au tour de M. Preston.

+-

    L'hon. Diane Marleau (Sudbury, Lib.): Je voudrais avoir quelques précisions sur votre rôle par rapport au rôle d'autres groupes qui oeuvrent dans ce domaine. Pourriez-vous peut-être nous en donner? Vous n'avez que 22 employés, mais votre groupe n'est pas le seul groupe qui s'occupe des dénonciateurs.

+-

    M. Louis Clark: C'est exact.

+-

    L'hon. Diane Marleau: Pourriez-vous donner des informations plus précises à ce sujet?

+-

    M. Louis Clark: Oui. Il y a le Government Accountability Project et, en outre, le Project on Government Oversight, que nous considérons comme notre pendant. Nous sommes une organisation environ deux fois plus grosse que cette dernière, qui est toutefois très efficace. Elle n'est pas dotée d'une branche juridique ni d'une branche législative mais, en ce qui concerne les enquêtes, elle a une branche très efficace chargée de recueillir l'information auprès des dénonciateurs. Ses activités sont semblables aux nôtres—elles sont exactement les mêmes en fait.

    Il y a ensuite une organisation dont je suis en fait membre fondateur, appelée Public Employees for Environmental Responsibility, dont la taille est également environ la moitié de la nôtre, mais qui est axée sur la dénonciation en matière d'environnement. Nous avons tendance à lui confier la plupart de nos dénonciateurs dans le domaine environnemental. C'est une organisation très semblable à la nôtre et qui en est en fait une ramification.

    Voilà en quoi consiste la communauté des ONG. Je pense que ce qu'il est important de savoir, c'est qu'il y a en outre des comités législatifs et des centaines de journaux, à travers le pays. Ils sont tous actifs. Je dirais que la dénonciation est le pouvoir amplifié d'une personne. C'est le pouvoir de la personne qui joue le rôle de catalyseur, mais notre organisation intervient, les médias interviennent, peut-être même la télévision nationale, les comités du congrès interviennent également. Tous ces véhicules sont des maillons importants du processus.

+-

    L'hon. Diane Marleau: Est-ce que tous les organismes et ministères américains interviennent dans le processus? Peuvent-ils dénoncer des abus? Par exemple, est-ce que votre Postal service participe aux activités visées par la loi?

+-

    M. Louis Clark: La loi que j'ai mentionnée exempte le FBI et la CIA. Je pense que les Postes sont exemptées également.

+-

    L'hon. Diane Marleau: Pourquoi? Pourquoi est-ce que les Postes seraient exemptées? Je comprends en ce qui concerne le FBI, pour des raisons de sécurité. Mais pourquoi en ce qui concerne le U.S. Postal Service?

+-

    M. Louis Clark: En ce qui concerne les Postes, un des facteurs est que divers efforts ont été faits pour les rendre quasi indépendantes. Quand on songe à ce type de privatisation... C'est pourquoi notre organisation est très préoccupée au sujet de tous les projets de privatisation concernant le département de la défense. En effet, lorsque certaines fonctions sont privatisées, l'entité se dégage du système de la fonction publique et, par conséquent, des mécanismes de protection éventuellement en place.

    En ce qui concerne les Postes, elles relèvent en partie du système de la fonction publique et en sont en partie indépendantes. Je ne peux pas donner davantage de précisions à ce sujet et je ne veux pas être inexact. En ce qui concerne la CIA et le FBI, il est clair que ces services de sécurité manipulent de l'information classifiée et que les personnes dont l'identité est clandestine ne relèvent pas du système régulier de la fonction publique. Ces deux organismes en sont exempts. Ils sont toutefois censés avoir un processus interne équivalent analogue au processus applicable à l'ensemble de la fonction publique, mais ce n'est pas le cas. Leurs systèmes sont inadéquats. Nous le savons et nous ne cessons de le rappeler.

  +-(1220)  

+-

    L'hon. Diane Marleau: Quand vous dites « à toutes les organisations », je pense qu'elles devraient toutes avoir un processus interne en place, mais certaines organisations sont administrées comme les forces armées, de haut en bas, et cela ne fonctionne peut-être pas aussi bien. Les dénonciateurs devraient peut-être avoir l'occasion de s'adresser ailleurs. On serait alors probablement assuré que leurs systèmes sont beaucoup plus efficaces.

    Je pense que si l'on a en place un organisme indépendant auquel on puisse s'adresser—ce qui est notre objectif dans le cas présent—, les mécanismes internes seront beaucoup plus efficaces. En effet, quel ministère ou organisme souhaiterait que ses employés se sentent obligés de signaler les problèmes publiquement?

    Notre projet de loi envisage de permettre à l'employé, c'est-à-dire au dénonciateur, de dénoncer les abus en dehors de son milieu. Je pense qu'il n'est pas nécessaire que l'employé reste actif dans l'affaire. L'organisme peut alors faire parvenir la plainte au vérificateur général ou à la personne qu'il voudrait charger de faire l'enquête. On prévoit ensuite certains mécanismes de protection pour le dénonciateur. Je ne conçois pas ce système comme un système judiciaire. S'il s'agit d'une activité criminelle au sein d'un ministère, l'affaire sera alors examinée en cour criminelle, par le biais du système judiciaire régulier.

    Je pense que notre système de gouvernement est très différent du vôtre parce que nous avons l'opposition et que l'opposition a pour sport favori de critiquer le gouvernement sous n'importe quel prétexte. Par conséquent, ce système garantit que dès qu'un problème est rendu public, il faut tenter de le régler. Je pense que c'est efficace. C'est pourquoi j'estime qu'il est important que nous nous assurions que le dénonciateur jouisse de cette protection et puisse s'adresser à un organisme sans être pénalisé.

    Je ne sais pas très bien de quels éléments de votre système nous pouvons nous inspirer parce que votre régime a beaucoup plus souvent recours aux tribunaux que le nôtre. Quand vous parlez de s'adresser à un tribunal distinct à cette fin, vous...

+-

    M. Louis Clark: Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de s'adresser à un tribunal distinct, pour autant que le tribunal concerné soit indépendant du système de gestion, qui est essentiellement l'adversaire du dénonciateur en cas d'allégations liées à des représailles. Par conséquent, il suffit que le tribunal doit indépendant. C'est valable pour tous les systèmes, pas seulement le nôtre.

    C'est exact, notre système a davantage recours aux tribunaux. Notre loi exige d'autres méthodes de règlement des différends, système que nous préconisons activement. Je ne pense pas que de telles possibilités soient prévues dans votre projet de loi. C'est une possibilité que vous devriez examiner. C'est une possibilité de réconciliation, qui pourrait être d'une grande efficacité.

    Si les dénonciateurs ont une autre option et peuvent s'adresser à cet organisme indépendant ou s'ils peuvent faire régler les questions qui les préoccupent à l'interne, je pense que c'est constructif. Vous constaterez que si le système est efficace, qu'il soit externe ou interne par rapport à un organisme ou à un ministère, les dénonciateurs agiront. Sinon, ils garderont le silence.

  +-(1225)  

+-

    L'hon. Diane Marleau: Je n'ai pas d'autres questions à poser pour l'instant.

+-

    Le président: Je vous remercie, madame Marleau.

    Monsieur Preston est le suivant, puis ce sera au tour de M. Sauvageau.

+-

    M. Joe Preston: Je vous remercie.

    Est-ce que l'OSC et le MSPB sont indépendants? De qui relèvent-ils?

+-

    M. Louis Clark: Ce sont des organismes indépendants.

+-

    M. Joe Preston: Ils présentent donc leurs rapports par l'intermédiaire d'un membre du Cabinet et sont indépendants.

    Mme Marleau a fait quelques commentaires sur l'inclusion ou l'exclusion des entités militaires—dans votre cas, le FBI et le CIA et, dans le nôtre, la GRC et le SCRS. Ma première question est la suivante : quelles sont vos opinions en ce qui concerne l'inclusion ou l'exclusion des forces policières?

    Nous avons entendu des témoins de la GRC et il semblerait que bien que les membres de cette force souhaiteraient être inclus, mais la direction voudrait qu'ils soient exclus, si vous me permettez de donner mon avis. Comment procède-t-on aux États-Unis si un membre d'une organisation exclue se présente devant l'organisme chargé d'entendre les dénonciations? Prend-on des sanctions contre eux sous prétexte que leur organisation est exclue?

+-

    M. Louis Clark: Certainement, ils peuvent... On ne peut pas prendre de sanctions contre eux uniquement parce qu'ils se sont trompés d'endroit, ce qui est une de mes préoccupations au sujet de ce que j'ai pu voir dans le projet de loi que nous examinons présentement. Si un dénonciateur commet une erreur, elle est injustement fatale. Je suis très préoccupé au sujet de la procédure apparente. Vous avez peut-être apporté certaines clarifications ou améliorations entre les projets de loi antérieurs et celui-ci à cet égard, mais j'ai l'impression que les dénonciateurs doivent suivre une procédure précise et que s'ils ne le font pas, ils ont des problèmes.

    Par ailleurs, si un membre d'une organisation exclue s'adresse par exemple au conseiller spécial, celui-ci a le pouvoir d'examiner de l'information classifiée et a par conséquent la possibilité de renvoyer cette information à la CIA, à l'inspecteur général de la CIA, par exemple. Par conséquent, les responsables peuvent régler certaines des questions qui leur sont signalées même s'il s'agit d'une personne qui ne serait pas en mesure de bénéficier des possibilités qu'offre l'organisme ou l'organisation.

+-

    M. Joe Preston: Je présume que c'est le but de l'opération. Si l'on peut accorder au bureau indépendant chargé d'examiner les dénonciations le pouvoir de se charger des informations gouvernementales secrètes également... il est essentiel que les enquêteurs puissent le faire.

    Nous avons également parlé de l'exemption des forces armées mais, en raison de la structure hiérarchique de ces forces ou de l'esprit de corps, si vous voulez, la dénonciation à l'intérieur d'une organisation comme celle-là, notamment dans notre force policière nationale ou dans les forces armées, pose des difficultés. Je pense par conséquent qu'il est naturel de donner aux dénonciateurs l'occasion de s'adresser à l'organisme indépendant chargé de faire les enquêtes, lorsqu'il s'agit d'affaires non secrètes ou même secrètes. J'aimerais que l'on cite des exemples qui expliqueraient pourquoi cette façon de procéder ne serait pas efficace.

    Il a également été question de l'indépendance croissante des forces armées aux États-Unis et du nombre croissant d'entrepreneurs privés faisant affaire avec elles. Par conséquent, à quel moment... Il ne s'agit pas de fonctionnaires. Il ne s'agit même pas d'employés des forces armées. Il s'agit d'entrepreneurs du secteur privé. Je pense que les cas d'abus comme ceux du marteau à 500 $ et de la toilette à 10 000 $, qui ont été dénoncés, sont liés à des entrepreneurs privés et pas directement aux forces armées.

    Est-ce que votre loi contient un mécanisme de protection et pouvons-nous intégrer à la nôtre des dispositions protégeant l'entrepreneur privé, la personne qui fait affaire avec le gouvernement et qui décide éventuellement qu'il est essentiel de dévoiler le pot aux roses? Où sont les mesures de protection pour ce type de personne? Et où sont les mesures de protection nécessaires pour que son entreprise ne soit pas exposée à des sanctions parce qu'un de ses employés signale des abus dans la fonction publique?

  +-(1230)  

+-

    M. Louis Clark: Ce sont des questions très intéressantes. Je m'efforcerai d'y répondre.

    En ce qui concerne nos forces armées, nous avons effectivement mentionné le cas du marteau. La façon dont cet abus a été rendu public est, à certains égards, amusante. Par contre, ce qui est beaucoup moins amusant, ce sont les traitements que des militaires ont fait subir à des prisonniers de guerre iraquiens. Des membres de nos forces armées commettaient des actes de torture depuis un an et un an et demi quand le scandale a été révélé publiquement. Il est devenu public grâce à deux dénonciateurs.

    Nous nous sommes adressés immédiatement au Congrès où le scandale a été dévoilé et le Congrès a adopté une loi accordant la protection aux dénonciateurs dans les forces armées. Ils sont donc désormais protégés lorsqu'ils dénoncent des abus à leurs supérieurs en suivant la chaîne de commandement. Une certaine protection était déjà en place, mais elle n'était pas applicable lorsqu'on suivait la chaîne de commandement. Ce problème est maintenant réglé, et nous espérons que cette mesure sera efficace.

    Par conséquent, la situation s'est quelque peu améliorée, mais ce cas indique que lorsqu'on a affaire à une organisation très hiérarchique, il est possible que des actes de torture soient perpétrés depuis longtemps avant que l'affaire ne soit rendue publique. Un des inconvénients de ce type de structure est que certains abus resteront beaucoup plus secrets qu'ils ne devraient l'être. Ils ne devraient pas rester secrets du tout.

    Ensuite, en ce qui concerne les entrepreneurs, nous élaborons actuellement des dispositions législatives qui protégeront le plus grand nombre possible de dénonciateurs parmi eux, dans le secteur militaire ou dans tous les autres secteurs, notamment celui de l'énergie. En fait, notre Chambre a adopté l'année dernière une loi à laquelle notre Sénat n'a pas donné suite. La Chambre a adopté une loi protégeant les entrepreneurs qui travaillent pour notre Department of Energy et pour notre Nuclear Regulatory Commission. Notre département de l'énergie adjuge chaque année des contrats représentant une valeur totale de 17 milliards de dollars. Si le Sénat avait agi, toutes les personnes faisant affaire avec ces ministères, départements ou organismes gouvernementaux seraient protégées. Par conséquent, nous élaborons des dispositions législatives à cet effet.

    Enfin, nous n'avons pas encore eu le temps d'en parler, mais en ce qui concerne la Sarbanes-Oxley Act de 2002, la Corporate Accountability Act, toutes les sociétés ouvertes—et un grand nombre des entrepreneurs qui font affaire avec l'État sont des sociétés avec actions émises dans le public—bénéficieraient de la meilleure protection en place actuellement dans notre pays pour les dénonciateurs, à cause de la réaction aux scandales d'Enron et de WorldCom.

    Si l'État américain a de plus en plus recours à la sous-traitance et a de plus en plus tendance à privatiser, nous avons au moins la possibilité d'accorder des degrés de protection qui ne sont malheureusement pas encore en place.

+-

    M. Joe Preston: Par conséquent, pour autant que l'entreprise sous-traitante soit une société dont les actions sont émises dans le public, les dénonciateurs sont bien protégés. C'est formidable de pouvoir protéger les entreprises privées, mais encore faut-il protéger les fonctionnaires.

    Vous avez déjà mentionné ce que l'on peut considérer comme l'inutilité de garder l'anonymat dans ce contexte, étant donné que, dans presque tous les cas, les dénonciateurs se sont adressés aux divers paliers de la chaîne de commandement et qu'il est donc très facile de les identifier. Pensez-vous que ce devrait être écrit de toute façon dans la loi ou que ce soit une question sur laquelle il n'est probablement pas nécessaire de s'attarder?

+-

    M. Louis Clark: J'ai signalé six points apparemment très importants et deux qui sont absolument essentiels. J'ai lu pas plus tard que ce matin un article sur l'article 55 de votre projet de loi. Je pense que cet article est une source de complications. Sur les 24 caractéristiques que nous considérons comme importantes pour les dénonciateurs—et je n'ai pas le temps de les passer en revue—, celle-ci est probablement la dernière. Elle est toujours importante, mais pas aussi essentielle que la plupart des autres.

    Pour ce qui est de l'anonymat, il serait effectivement recommandable d'établir des lignes téléphoniques prioritaires. Par conséquent, vous avez un processus—vous en avez probablement mis un en place—permettant aux dénonciateurs de garder l'anonymat. Cependant, lorsqu'un processus d'enquête est amorcé, il devient rapidement impossible de conserver l'anonymat, parce que la personne accusée d'avoir commis des actes répréhensibles a le droit de confronter l'accusateur.

    Ces personnes ne peuvent donc pas garder l'anonymat dans le contexte de l'application régulière de la loi. Si elles sont témoins d'actes répréhensibles, on veut qu'elles comparaissent à titre de témoins. Par conséquent, je pense que si une personne tient à garder l'anonymat, on devrait lui accorder cette possibilité mais si l'on veut avoir la possibilité d'entourer entièrement une enquête d'un voile de secret, on crée en fin de compte un projet de loi ou une loi qui sera pire que l'absence totale de loi. On donnera alors la possibilité de garder tous les scandales secrets, pour une période de 20 ans en ce qui vous concerne. Je pense que ce serait regrettable.

  +-(1235)  

+-

    M. Joe Preston: Je pense que certains gouvernements voudraient que ce soit le cas, mais certainement pas le nôtre.

    Je sais que personne ne se mettra à la recherche de travail, mais que pensez-vous de la possibilité de faire des enquêtes préventives? Dans notre cas, la vérificatrice générale fait un travail fantastique—proche de la sainteté—et découvre une foule de situations qu'il faudrait examiner de plus près. En ce qui vous concerne, est-ce qu'un bureau indépendant pourrait entamer une enquête sans l'intervention d'un dénonciateur ou celle-ci est-elle indispensable?

+-

    M. Louis Clark: Oui, avec l'accord du conseiller spécial. Je pense que vous aurez l'occasion d'interroger le conseiller spécial la semaine prochaine ou à un moment quelconque.

    Nos conseillers spéciaux ont certaines possibilités de lancer une enquête de leur propre initiative. Elles sont quelque peu restreintes par l'existence d'un type particulier d'infraction dans le cas d'un fonctionnaire s'adonnant à des activités politiques. Dans le cas des fonctionnaires, l'activité politique est interdite ou assujettie à certaines restrictions. Dans ces situations, les conseillers spéciaux peuvent faire une enquête. Ils peuvent faire une enquête sur certains niveaux d'injustice. Ils peuvent faire une enquête sur certaines violations, certaines fraudes ou certaines pratiques malhonnêtes qui ont cours dans des organismes gouvernementaux dans le contexte du système du mérite de la fonction publique. Par conséquent, ils peuvent entamer une enquête de leur propre initiative dans un nombre restreint de cas.

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Preston. Le temps dont vous disposiez est écoulé.

    Monsieur Sauvageau, vous avez dix minutes, puis ce sera le tour de M. Godbout.

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Bonjour, monsieur Clark, et bienvenue.

    Je crois que nous avons beaucoup à apprendre si nous voulons améliorer le projet de loi C-11, que nous sommes en train d'étudier. Il y a de grandes différences entre les lois américaines et les lois canadiennes, mais sur le plan de la philosophie des actes répréhensibles, il y a beaucoup de similitudes sur lesquelles on doit s'appuyer. Pour ces raisons, je vous remercie de venir partager votre expertise avec nous.

    Je m'excuse d'avoir manqué le début de votre intervention. J'étais à la Chambre des communes, mais mes amis et collègues m'ont fait part des renseignements que vous avez partagés avec nous.

    Vous avez parlé en particulier du renversement du fardeau de la preuve dans les cas où on exerce des représailles contre un dénonciateur. J'aimerais que vous expliquiez cet aspect de votre présentation. À ma connaissance, on n'en a pas beaucoup parlé jusqu'à présent dans le cadre de l'étude du projet de loi C-11, et c'est un élément qui me semble très intéressant.

[Traduction]

+-

    M. Louis Clark: Oui, bien volontiers.

    Je pense que l'un des raisons pour lesquelles j'ai eu des difficultés à comprendre le projet de loi que j'ai vu est que je ne suis pas au courant du processus. On mentionne notamment la nécessité de faire une enquête vigoureuse dans certains cas, mais je ne connais pas le processus. C'est donc peut-être mon ignorance de votre système juridique et de votre processus qui me cause de la difficulté.

    Notre processus en ce qui concerne le fardeau de la preuve est exposé dans notre loi. L'objectif est de régler le problème lié au fait qu'un employé, un humble employé ou un employé ayant des ressources limitées et une capacité restreinte d'accès aux preuves, ne sera jamais en mesure d'assumer le fardeau de la preuve. Nous avions 2 000 cas et quatre dénonciateurs seulement ont pu faire aboutir leur cause au cours de la période précédant l'adoption de cette loi. La plupart des dénonciateurs échouaient parce qu'ils ne pouvaient pas prouver que leurs supérieurs les harcelaient intentionnellement étant donné qu'ils ne pouvaient pas savoir ce que ceux-ci pensaient.

    Par conséquent, pour régler ce que nous appelons le problème de la preuve dans le cadre du processus, nous procédons comme suit. Les dénonciateurs révèlent qu'ils sont victimes de harcèlement. La première chose que l'on ou qu'un vérificateur examine est le lien entre la dénonciation et les mesures de représailles. Il suffit d'arriver à établir un lien quelconque et il n'est pas nécessaire qu'il s'agisse d'un facteur déterminant. Il n'est pas nécessaire que ce soit le motif principal et il suffit que ce soit un facteur.

    Par exemple, nous avons lutté pendant cinq ou six ans pour défendre un dénonciateur contre lequel six accusations avaient été portées. C'est un des rares cas pour lesquels nous avons eu gain de cause. Un des chefs d'accusation était qu'il avait tenu une conférence de presse. Ce seul chef d'accusation est une preuve. Si l'un des chefs d'accusation contre vous est d'avoir tenu une conférence de presse pour divulguer l'information en question, eh bien vous êtes autorisé à tenir une conférence de presse parce que nous avons, dans notre pays, un premier amendement concernant la liberté de parole. Par conséquent, ce seul chef d'accusation est déjà une preuve de l'existence d'un rapport.

    Le lien peut également être démontré par la brièveté du délai entre la dénonciation et les mesures de représailles. Un délai de deux à trois mois serait suffisant pour indiquer l'existence d'un lien. Lorsque le lien est signalé, la personne doit le démontrer par la prépondérance de preuve. Il s'agit d'environ 51 p. 100. Ensuite, il incombe au gouvernement de démontrer par des éléments de preuve clairs et convaincants, ce qui est un critère très strict, qu'il aurait de toute façon pris ces mesures.

    Un aspect important du libellé est que l'on ne dit pas que le gouvernement aurait pu prendre ces mesures de toute façon. Autrement dit, il aurait pu le faire et il en avait le pouvoir; il l'aurait fait de toute façon. En d'autres termes, dans toute autre situation semblable, si un autre employé se trouvant dans la même situation l'avait fait, ce fait même constituerait une preuve. Le gouvernement doit donc apporter cette preuve. S'il le fait, le dénonciateur n'a pas gain de cause.

  +-(1240)  

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau: Vous parliez du quatrième amendement aux États-Unis. Vous savez qu'on l'a récemment adapté au Canada. On l'a appelé « Je ne m'en souviens plus ». Ici, au lieu de dire qu'on plaide le quatrième amendement, on dit qu'on ne s'en souvient plus, et on passe à une autre question. Mes amis libéraux savent probablement à quoi je fais allusion.

    Vous avez dit dans votre présentation que, depuis 1995, on invoquait moins souvent la loi américaine sur la dénonciation. Est-ce parce qu'il y a moins d'actes répréhensibles? Est-ce parce que la loi est tellement efficace que les gens craignent de se faire dénoncer? Est-ce parce que les dénonciateurs ont vu que cela fonctionnait plus ou moins bien? Pour quelle raison utilise-t-on moins votre loi américaine?

[Traduction]

+-

    M. Louis Clark: Je ne pense pas que la fréquence des recours à notre loi ait diminué en ce qui concerne les fonctionnaires. Je dirais que le taux de réussite en ce qui concerne les dénonciateurs est passé de quatre sur 2 000 à environ un sur 100, ce qui représente une légère amélioration qui n'est toutefois pas suffisante. Le taux de réussite n'est pas plus élevé parce que, je le rappelle, ces affaires sont examinées par un système judiciaire qui est fondé essentiellement sur un tribunal administratif de la fonction publique et pas dans le contexte du système judiciaire fédéral régulier. Par conséquent, les décisions prises par ce tribunal sont dans de très fortes proportions défavorables aux dénonciateurs—et les événements médiatiques ont été catastrophiques—si bien que ceux-ci n'ont aucune chance d'avoir gain de cause.

    Le seul signe encourageant, s'il y en a un, est que les fonctionnaires fédéraux peuvent s'appuyer sur 29 autres dispositions législatives. Par exemple, si leur dénonciation porte sur des problèmes liés à des armes nucléaires ou à l'énergie nucléaire, ou sur des problèmes environnementaux ou encore sur le système bancaire, la sécurité aérienne, la sûreté aérienne liée à la réparation et à l'entretien des avions, nous pouvons nous appuyer sur certaines dispositions législatives qui couvrent les fonctionnaires fédéraux et les employés du secteur privé dans ces situations. Nous pouvons alors leur indiquer les dispositions législatives qui pourront les aider et nous constatons que celles-ci sont beaucoup plus efficaces. Dans ce contexte, le taux de réussite des dénonciateurs est de 20 à 30 p. 100.

    Un autre élément—et vous savez que c'est important si vous avez suivi les nouvelles en ce qui concerne David Graham, le dénonciateur du scandale du Vioxx—, c'est une audience du Sénat. Une des tactiques de notre organisation consiste à mettre tous les dénonciateurs en contact avec le Congrès et avec les membres du Congrès—qui n'apprécient pas ces scandales—et à avertir l'organisme ou le ministère ou département concerné qu'il a tout intérêt à ne pas user de représailles contre eux.

    C'est donc en faisant intervenir des membres du Congrès que nous sommes en mesure de protéger la plupart des personnes que nous représentons. L'organisme concerné sait alors qu'il s'expose à des pertes sur le plan budgétaire ou sur d'autres plans ou qu'il devra rendre compte de ses actions devant le Congrès s'il use de représailles contre le dénonciateur. C'est donc la menace que le Congrès peut faire peser sur ces ministères ou départements qui aide la plupart des personnes que nous représentons.

  +-(1245)  

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Sauvageau.

    Monsieur Godbout.

[Français]

+-

    M. Marc Godbout (Ottawa—Orléans, Lib.): C'est à mon tour de vous souhaiter la bienvenue.

[Traduction]

    Je continuerai en anglais, monsieur Clark.

    Je voudrais clarifier certains points. Votre organisation est une organisation non gouvernementale et ne reçoit pas de fonds gouvernementaux. Est-ce bien cela?

+-

    M. Louis Clark: Non. Lorsque nous obtenons gain de cause, nous recevons des honoraires juridiques, mais cela ne plaît pas beaucoup au gouvernement.

+-

    M. Marc Godbout: Votre budget global était bien de 22 millions de dollars ou...

+-

    M. Louis Clark: Il est de 2 millions de dollars.

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    M. Marc Godbout: Ce montant n'est toutefois pas associé au coût global du processus législatif.

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    M. Louis Clark: Non.

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    M. Marc Godbout: Je voulais clarifier cela.

    Votre loi porte naturellement sur les actes répréhensibles mais inclut également tous les aspects liés aux ressources humaines comme la discrimination et d'autres aspects liés au personnel. Quel serait grosso modo le pourcentage de cas liés aux ressources humaines et le pourcentage de cas liés directement à des actes répréhensibles?

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    M. Louis Clark: Je n'ai pas de chiffres précis. Je peux le dire de façon approximative. Je suis en mesure de dire que les cas de discrimination sont très différents. En ce qui concerne ces cas, le pourcentage de réussite est beaucoup plus élevé. Je dirais que les probabilités d'obtenir gain de cause sont environ 20 fois plus élevées lorsqu'il s'agit d'une affaire de discrimination. C'est pourquoi si une personne s'adresse à nous et que nous avons une double possibilité, nous intervenons généralement au niveau de la discrimination.

    En outre—et c'est peut-être trop technique—, quand on intervient au niveau de la discrimination, on peut faire intervenir le système judiciaire fédéral et, par conséquent, les chances de réussite sont beaucoup plus élevées. Lorsque le processus est enclenché, on peut alors invoquer l'argument du harcèlement pour dénonciation. C'est la seule occasion où notre système judiciaire fédéral régulier peut examiner ce type de cas.

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    M. Marc Godbout: Il offre toutefois un processus parallèle.

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    M. Louis Clark: C'est effectivement un processus parallèle.

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    M. Marc Godbout: À propos du processus, à supposer que vous soyez un dénonciateur—je parlerai uniquement des étapes de base, afin de faire la distinction avec la loi actuelle—, à qui vous adresseriez-vous? Vous adresseriez-vous naturellement, en premier lieu, à votre organisation pour être certain d'être protégé ou vous adresseriez-vous à l'Office of Special Counsel ou au Merit System Protection Board? Pour pouvoir faire la distinction entre ces trois organismes, pourriez-vous dire quelles sont les principales étapes qui seraient suivies?

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    M. Louis Clark: S'il s'agit uniquement de dénonciation, l'étape normale consiste à s'adresser d'abord à son supérieur ou à en parler au bureau. C'est le processus habituel.

    En cas de harcèlement, un très petit nombre de dénonciateurs savent en fait à quel organisme s'adresser. Ils posent donc probablement la question à d'autres employés ou, s'il s'agit d'une affaire rendue publique, ils s'adressent à un journaliste pour savoir comment ils devraient procéder. Les journaux envoient alors des journalistes à notre organisation. Des membres du congrès nous envoient également souvent des dénonciateurs. Je pense que lorsque l'affaire est divulguée à l'extérieur du département ou de l'organisme concerné, les dénonciateurs ont tendance à s'adresser à nous, mais tant que l'affaire reste interne, la plupart des dénonciateurs s'adressent probablement au bureau du conseiller spécial.

  -(1250)  

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    M. Marc Godbout: Vous avez parlé de représailles. Il y a le processus qui permet de s'adresser au Congrès, ce qui répond en partie à ma question, mais êtes-vous convaincu que votre loi contient des dispositions suffisamment efficaces pour protéger intégralement la personne qui dénonce? Êtes-vous convaincu de l'efficacité de votre loi en ce qui concerne...

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    M. Louis Clark: Non.

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    M. Marc Godbout: Recommanderiez-vous des mesures de protection supplémentaires pour vous assurer que les dénonciateurs soient entièrement protégés?

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    M. Louis Clark: Je dirais probablement que nos efforts en ce qui concerne la modification de notre loi sont principalement axés sur une modification du processus d'appels judiciaires pour que ces affaires ne soient plus confiées à ce tribunal catastrophique qui constitue une impasse mais suivent le cours de la procédure judiciaire fédérale normale qui a, à mon avis, une plus grande capacité de déterminer les intentions du Congrès. Par conséquent, je suis convaincu que si ces affaires pouvaient être examinées dans le contexte du système régulier, la situation s'améliorerait considérablement et les dénonciateurs auraient beaucoup plus souvent gain de cause. C'est donc à ce niveau que sont principalement concentrés nos efforts.

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    M. Marc Godbout: D'après vos conseils, il ne serait donc pas nécessairement recommandable que nous suivions l'exemple de votre pays, en ce qui concerne cet aspect du moins.

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    M. Louis Clark: Non. Je ne le pense pas, si j'ai bien compris votre question. En effet, ce qui se passe, c'est que chez nous, sur le plan judiciaire, on ne peut pas s'adresser à un organisme indépendant. D'après ce que je peux comprendre, vous n'avez pas prévu cela dans votre loi non plus et je pense par conséquent qu'il s'agit de problèmes parallèles.

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    M. Marc Godbout: Je comprends.

    Merci, monsieur le président.

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    Le président: Merci, monsieur Godbout.

    Nous ferons maintenant une pause pour le déjeuner. Vous pouvez laisser vos documents dans la pièce. La pièce sera surveillée jusqu'à notre retour, à 15 h 30. Pour ceux qui veulent aller déjeuner, nous serons au restaurant parlementaire, dans la salle Nouvelle-Zélande. Nous nous y rendons immédiatement.

    Je pense que c'est tout pour l'instant. Nous poursuivrons les questions avec les représentants du parti suivant sur la liste à la reprise des délibérations, à 15 h 30.

    Merci beaucoup.

    La séance est suspendue.