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PACP Rapport du Comité

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CHAMBRE DES COMMUNES
OTTAWA, CANADA
K1A 0A6
 

38e legislature, 1re session

Le Comité permanent des comptes publics a l’honneur de présenter son

SIXIÈME RAPPORT

Après examen des Comptes publics du Canada 2003-2004, le Comité a convenu de déposer le rapport suivant.

INTRODUCTION

Chaque automne, le gouvernement fédéral publie les Comptes publics du Canada. Ce rapport en deux volumes résume les opérations financières du gouvernement pour l’année financière précédente. Ces opérations expliquent en détail les dépenses et les recettes du gouvernement, ses actifs et ses passifs financiers ainsi que la valeur de ses immobilisations (équipement, véhicules et immeubles). Pour la sixième année consécutive [1], le Bureau du vérificateur général du Canada a donné une opinion « favorable » ou sans réserve sur les états financiers du gouvernement pour 2003 2004, et le Comité est heureux de souligner que lesdits états financiers ont été déposés de façon opportune [2].

OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS

En plus d’émettre une opinion sur les Comptes publics du Canada, la vérificatrice générale souligne les questions qu’elle juge préoccupantes, mais pas suffisamment graves pour modifier son opinion générale sur les Comptes publics. Le rôle du Comité permanent des comptes publics consiste à examiner de plus près les questions ainsi soulevées et à formuler des recommandations pour aider le gouvernement à résoudre les problèmes décelés par la vérificatrice générale.

Pour la quatrième année d’affilée, la vérificatrice générale, Mme Sheila Fraser, a déclaré être inquiète de l’ampleur du solde théorique de la caisse d’assurance-emploi ainsi que de l’utilisation de fondations pour établir des politiques et réaliser des programmes. Elle a par ailleurs fait des observations sur les problèmes qui se posent au ministère de la Défense nationale et à l’Agence des douanes et du revenu du Canada par rapport à l’adoption en 2002 2003 d’une comptabilité d’exercice intégrale.

  1. Respect de la Loi sur l’assurance-emploi

    La vérificatrice générale a dit au Comité qu’elle croit que le gouvernement fédéral continue de violer l’esprit de la Loi sur l’assurance-emploi car il a permis que l’argent accumulé dans le Compte d’assurance-emploi — qui techniquement est un compte à fins déterminées consolidé — atteigne un montant de 46 milliards $, soit plus de trois fois le montant de la réserve jugée nécessaire en 2001 par l’actuaire en chef du ministère du Développement des ressources humaines du Canada (qui s’appelle maintenant Ressources humaines et Développement des compétences Canada, RHDCC). Selon le ministère des Finances, sur les 46 milliards $, un montant de 7,1 milliards $ provient de l’intérêt calculé sur le solde du compte comme s’il s’agissait d’argent réellement déposé dans un vrai compte de banque. Bref, la vérificatrice générale estime que le gouvernement fédéral a établi le montant des cotisations à l’assurance-emploi à un niveau trop élevé depuis trop longtemps, compte tenu du cadre législatif de l’assurance-emploi. Le Comité abonde dans le même sens.

    Pour comprendre les inquiétudes de la vérificatrice générale et des membres du Comité, il faut expliquer un peu le système de comptabilité et fournir des données rétrospectives. Depuis 1986, toutes les cotisations d’assurance-emploi [3] ainsi que les prestations passent par le Trésor du Canada plutôt que par le Compte d’assurance-emploi [4]. D’un point de vue comptable, si on verse les cotisations d’assurance-emploi au Trésor, les surplus de 46 milliards $ de la caisse d’assurance-emploi ne sont plus des fonds qui existent quelque part dans un compte distinct. Le surplus devient alors purement théorique. Le « compte » d’assurance-emploi a été créé pour permettre de suivre la trace des revenus et dépenses d’assurance-emploi et, depuis 1996, pour aider à établir les taux de cotisation à l’assurance-emploi conformément à l’article 66 de la Loi sur l’assurance-emploi. Jusqu’en 2002, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (CAEC) — l’organisme fédéral qui administre et applique la Loi sur l’assurance-emploi — était légalement responsable de l’établissement des taux de cotisation à l’assurance-emploi de manière à ce qu’ils soient suffisamment élevés pour pallier les coûts du programme et demeurent relativement stables durant tout le cycle conjoncturel.

    Au cours des dernières années, le surplus théorique de la caisse d’assurance-emploi a augmenté de façon exagérée par rapport à l’économie canadienne alors que cette dernière sortait de la récession économique et de la stagnation de la première moitié des années 1990. En 2000, le surplus théorique dépassait la réserve de sécurité devant se situer entre 10 et 15 milliards $, selon l’objectif fixé par l’actuaire en chef de RHDCC, ce qui a attiré l’attention du vérificateur général du Canada. En 2002, le gouvernement fédéral a suspendu l’obligation de fixer le taux de cotisation qui était prévue à l’article 66 de la Loi sur l’assurance-emploi pour répondre à l’inquiétude exprimée par la vérificatrice générale et pour réagir aux pressions exercées par les gens d’affaires et les syndicats. Depuis lors, les taux de cotisation sont fixés par le gouverneur en conseil, c’est à dire par décret, ce qui revient à une comptabilisation au décaissement. Ce système de comptabilisation au décaissement signifie que chaque automne, le gouvernement fédéral fait des prévisions sur l’emploi ainsi que des prévisions économiques pour l’année qui vient et fixe les taux de cotisation à l’assurance-emploi de manière à ce que les cotisations perçues et les prestations payées s’équivalent. Pour les trois dernières années, cette façon de procéder a fait en sorte que les taux de cotisation ont baissé et sont ainsi passés de 2,25 % en 2001, pour chaque dollar de revenu assurable que reçoit l’employé, à 1,98 % en 2004 [5]. Les surplus annuels ont par conséquent été moins considérables dans le Compte d’assurance-emploi [6].

    Dans l’intervalle, le gouvernement a tenu des consultations publiques sur l’adoption d’un nouveau mécanisme de fixation des taux. Des résumés de ces consultations peuvent être consultés sur le site Web du ministère des Finances [7], mais aucun rapport officiel n’a encore été annoncé. Dans le Budget 2004, le gouvernement a déclaré qu’il prévoyait faire adopter une mesure législative en 2005 pour établir un nouveau mécanisme de fixation des taux qui tiendrait compte du résultat des consultations tenues et qui serait compatible avec cinq principes, notamment, il faudrait donc que les taux de cotisation :

    • soient établis en toute transparence;

    • soient établis à partir de conseils d’experts indépendants;

    • correspondent aux coûts prévus du programme;

    • soient relativement stables au fil du temps; et

    • aient une incidence minime sur le cycle conjoncturel.

    Si la mesure législative nécessaire à la mise en place d’un nouveau mécanisme d’établissement des taux de cotisation n’a pas été adoptée pour l’hiver prochain, le gouvernement a prévu conserver son autorité sur l’établissement des taux en 2005. Le Comité constate aussi que le Sous-comité de la Chambre des communes sur l’assurance-emploi travaille sur une étude visant à formuler des recommandations qui feront en sorte que « toute utilisation future du programme d’assurance-emploi sera pour le seul bénéfice des travailleurs et il ne pourra être utilisé à d’autres fins » [8].

    Le Comité se préoccupe du fait que, puisque les cotisations passent par le Trésor on puisse facilement perdre de vue le fait que ces fonds ne devraient servir qu’aux fins de l’assurance- emploi. Par conséquent, le Comité recommande :

    RECOMMANDATION no 1

    Que le Compte d’assurance-emploi soit utilisé seulement aux fins pour lesquelles il a été créé et non à d’autres fins.

    Le Comité se préoccupe aussi du fait que le gouvernement fédéral n’est pas plus près qu’il y a trois ans, lorsqu’il a suspendu le mécanisme de fixation du taux de cotisation prévu dans la Loi sur l’assurance-chômage, d’adopter une mesure législative qui réponde aux préoccupations soulevées par la vérificatrice générale. Par conséquent, le Comité recommande :

    RECOMMANDATION no 2

    Que le gouvernement du Canada produise, sans retard, un rapport expliquant les différents mécanismes qui sont actuellement examinés pour l’établissement des taux de cotisation du programme d’assurance-emploi. Le gouvernement devrait également indiquer dans ce rapport quel mécanisme il préfère. Dès qu’il aura été rédigé, un exemplaire de ce rapport devrait immédiatement être remis au Parlement et en particulier au Comité des comptes publics.

    Étant donné que les cotisations d’assurance-emploi perçues s’en vont dans le Fonds du revenu consolidé, le Comité est en outre d’avis que le gouvernement fédéral devrait le dire clairement dans toutes les discussions se rapportant aux cotisations d’assurance-emploi. Il recommande par conséquent :

    RECOMMANDATION no 3

    Que le gouvernement du Canada explique à l’avenir dans toutes ses discussions et dans toutes ses déclarations publiques que le compte d’assurance-emploi est de nature théorique.

    Dans le même ordre d’idées, le Comité rappelle au gouvernement fédéral que la caisse d’assurance-emploi n’est pas un fonds dans lequel on peut piger pour stabiliser les taux de cotisation lors d’un ralentissement économique. L’article 66 de la Loi sur l’assurance-emploi ainsi que le cinquième principe de l’établissement des taux de cotisation énoncé dans le Budget 2004 du gouvernement stipulent que les taux de cotisation doivent être « relativement stables » au fil du temps dans un cycle conjoncturel. Or, si on recule un peu dans le temps, on constate que les taux ont en réalité baissé considérablement — d’environ 33 % entre 1996 et 2004, une période de croissance économique relativement forte [9]. Il est difficile de concilier cette baisse récente des taux — qui se poursuit depuis 1996 — et la promesse de maintenir les taux de cotisation « stables ». Rappelons encore une fois que les surplus théoriques ne sont pas de l’argent réel. Les taux de cotisation demeurent stables seulement si le gouvernement tient sa promesse, pas parce qu’il peut piger dans les surplus. Le Comité recommande par conséquent :

    RECOMMANDATION no 4

    Que, afin que le débat demeure ouvert et transparent, le gouvernement du Canada s’abstienne d’utiliser des mots ou des phrases qui puissent laisser croire que les surplus théoriques accumulés dans la caisse d’assurance-emploi peuvent être utilisés pour stabiliser les taux de cotisation.
  1. Transferts à des fondations

    Depuis avril 1997, le gouvernement a transféré près de 9,1 milliards $ à un nombre croissant de fondations. Le contrôleur général du Canada, M. Charles Antoine St Jean, a déclaré au Comité qu’environ 400 millions $ ont été transférés aux quatre plus importantes fondations en 2003-2004 seulement [10]. Les fondations sont des organismes à but non lucratif comme la Fondation canadienne pour l’innovation et la Fondation canadienne des bourses d’études du millénaire qui exercent leurs activités librement et qui établissent leurs politiques et programmes en se soustrayant à l’examen direct du Parlement [11]. Les programmes et politiques gouvernementaux émanent normalement des ministères, des agences gouvernementales et des sociétés d’État, des entités qui relèvent toutes du Parlement par l’intermédiaire des ministres respectifs et dont les activités sont soumises à l’examen de la vérificatrice générale. En créant des fondations autonomes et en leur permettant d’accumuler des fonds dans leurs propres comptes de banque, le gouvernement croit que ces fondations seront mieux en mesure de trouver des fonds et du financement renouvelable dans le secteur privé pour compléter les fonds publics qu’il leur verse.

    Pour la quatrième fois en autant d’années, la vérificatrice générale a dit au Comité qu’à son avis, les montants transférés à des fondations ne devraient être comptabilisés comme des dépenses que lorsque la fondation verse effectivement l’argent aux derniers destinataires. Selon les méthodes comptables actuelles du gouvernement, les transferts faits aux fondations sont comptabilisés comme étant des dépenses dès que l’argent sort des goussets du gouvernement pour aller dans ceux d’une fondation. Par conséquent, le bilan du gouvernement fédéral ne tient pas compte du fait qu’environ 7,7 milliards $, y compris l’intérêt accumulé, se trouvent actuellement dans les comptes de banque et les placements des différentes fondations, et ceci, indépendamment du fait que certains diront que le gouvernement fédéral exerce tout de même un certain contrôle sur ces fonds [12]. De plus, dans certains cas, ces fonds ne seront peut-être pas dépensés avant dix ans, et ceci, en dépit du fait que le Secrétariat du Conseil du Trésor a publié des directives selon lesquelles les sorties de fonds ne doivent être comptabilisées comme des dépenses que s’il est prévu que l’argent sera utilisé au cours de la prochaine année, environ.

    Pour illustrer ce qui préoccupe la vérificatrice générale dans le transfert de fonds à des fondations, examinons le cas de la Fondation canadienne des bourses d’études du millénaire. À la fin de 2003-2004, la Fondation des bourses du millénaire avait un actif de 2,5 milliards $ et la majeure partie de cet argent avait déjà été comptabilisée comme dépense par le gouvernement fédéral (une partie de cet argent se compose de produits de placements). Étant donné la façon dont le gouvernement fédéral interprète les méthode comptables actuelles, ces fonds ne sont pas comptabilisés dans le bilan du gouvernement, du moins une partie de ces fonds — les bourses qui n’ont pas encore été attribuées à quelqu’un — alors ils pourraient éventuellement réapparaître dans le bilan si le gouvernement décidait de mettre fin au programme des bourses du millénaire. Selon la méthode comptable que la vérificatrice générale propose, le gouvernement pourrait seulement considérer les fonds transférés comme étant des dépenses si l’argent a effectivement été remis à un étudiant qui a reçu une bourse du millénaire. Ainsi, les fondations n’exerceraient plus leur contrôle sur des montants considérables hors bilan.

    Le gouvernement fédéral estime pour sa part que ce transfert de fonds à des fondations est conforme aux normes comptables actuelles de l’Institut Canadien des Comptables Agréés (ICCA). Plus précisément, le gouvernement estime que les fonds se trouvant dans les goussets des fondations doivent être exclus de son bilan car ces fondations fonctionnement indépendamment du gouvernement — pour des considérations d’ordre technique, elles échappent au contrôle du gouvernement. De plus, le gouvernement prétend que le fait de comptabiliser au complet les transferts comme étant des dépenses est conforme à la règle générale selon laquelle les engagements ponctuels doivent être comptabilisés dans l’année au cours de laquelle la décision créant l’engagement en question a été prise.

    Le Comité souligne cependant que la question est loin d’être réglée pour ce qui est de la façon dont doivent être comptabilisés les transferts aux fondations et l’actif des fondations. En août 2003, par exemple, le Conseil sur la comptabilité dans le secteur public (CCSP) de l’ICCA a publié de nouvelles directives concernant les organismes qui relèvent du gouvernement, directives qui visaient notamment à préciser si un organisme relève ou non du contrôle du gouvernement et si les fondations devraient ou non être incluses dans le bilan du gouvernement, indépendamment de leur forme juridique. Comme l’indiquent ces directives, la question du « contrôle » sur la fondation et la question de savoir si les fonds de la fondation devraient être comptabilisés dans le bilan du gouvernement sont en bout de ligne des questions de « jugement professionnel » car il s’agit par exemple de déterminer si le gouvernement peut :

    • nommer ou retirer unilatéralement la majorité des administrateurs de l’organisation;

    • avoir accès aux fonds de l’organisation et en contrôler l’utilisation tout en étant responsable des pertes;

    • détenir la majorité des actions avec droit de vote; et

    • dissoudre unilatéralement l’organisation et avoir ainsi accès à son actif et devenir responsable de ses dettes.

    De plus, les directives du CCSP donnent à penser que le gouvernement devrait consolider (inclure dans son bilan) le rapport financier des organisations qui sont des entités comptables du gouvernement, sauf s’il s’agit d’un organisme public de type commercial. La définition du terme « entité comptable du gouvernement » dépend par contre de la façon dont on définit le mot « entité » :

    • entité juridique distincte qui a le pouvoir de contracter en son propre nom;

    • entité autorisée à exploiter une entreprise;

    • entité dont l’activité principale consiste à vendre des biens et services à des personnes ou à des organisations à l’extérieur du gouvernement, et

    • entité qui exerce ses activités et paie ses dettes à même les revenus qu’elle tire de sources autres que l’entité comptable du gouvernement.

    Dans le Budget 2004, le gouvernement a déclaré que même s’il estime que la méthode comptable qu’il utilise et selon laquelle il comptabilise immédiatement comme dépenses tous les transferts aux fondations est conforme à ces nouvelles directives, il continuera néanmoins d’examiner la question et fera rapport à la vérificatrice générale. Pour sa part, la vérificatrice générale dit que le personnel de son bureau va passer les prochains mois à essayer de comprendre la façon dont le gouvernement interprète ces nouvelles directives. Selon la vérificatrice générale, le gouvernement fédéral mettra en application son interprétation des directives en 2005 2006.

    Le Comité souligne également que la vérificatrice générale et le gouvernement fédéral attendent encore les résultats d’une autre étude du CCSP pour établir les lignes directrices sur la façon de comptabiliser les transferts de fonds effectués par le gouvernement, y compris le financement étalé sur plusieurs années comme cela s’est fait pour les fondations. Ce rapport devait être déposé en mars 2004 mais ne l’a pas encore été. Dans le Budget 2004, le gouvernement a déclaré : « Ce projet en est aux premières étapes et une norme définitive ne devrait pas être établie avant quelque temps » [13].

    Dans le même ordre d’idées, la vérificatrice générale a aussi dit qu’elle aimerait que des améliorations soient apportées aux mécanismes de reddition des comptes des fondations, en particulier pour la déclaration des résultats financiers des fondations, qu’une meilleure surveillance soit exercée par les ministres et que des vérifications adéquates soient effectuées à l’externe. La vérificatrice générale a également souligné, cependant, que le gouvernement fédéral a promis dans le Budget 2003 et à nouveau dans le Budget 2004 d’améliorer le système de reddition des comptes des fondations, en utilisant notamment les moyens suivants :

    • obtenir l’approbation du Parlement pour augmenter le financement ou modifier le mandat des fondations si on juge qu’elles jouent un rôle important sur le plan stratégique ou financier;

    • exiger que les fondations produisent chaque année un plan détaillé décrivant leurs dépenses prévues, leurs objectifs et leurs attentes de rendement; un sommaire de ce plan devra être rendu public;

    • publier le rapport annuel de chaque fondation, y compris les données pertinentes sur le rendement, les états financiers vérifiés et les résultats d’évaluation;

    • créer des mécanismes qui permettront aux ministres responsables « d’intervenir » s’ils estiment que les modalités des ententes de financement n’ont pas été respectées.

    Bien qu’elle se sente encouragée par ces réformes, projetées ou réelles, la vérificatrice générale dit qu’elle aura une meilleure idée des progrès réalisés lorsqu’elle procédera à l’examen du cadre de reddition des comptes en février prochain.

    Le Comité a entendu le point de vue du gouvernement ainsi que celui de la vérificatrice générale. Le Comité comprend aussi que les différends sur le plan de la comptabilité se résument souvent à des questions d’interprétation. Nous constatons cependant que ces questions de comptabilité et de régie reviennent toujours sur le tapis depuis au moins quatre ans, c’est-à-dire depuis que l’ancien vérificateur général a attiré notre attention sur ces aspects pour la première fois en 2000. Le Comité recommande par conséquent :

    RECOMMANDATION no 5

    Que le Bureau du vérificateur général et le Bureau du contrôleur général préparent immédiatement un rapport détaillé sur les progrès réalisés quant à la clarification des directives du Conseil sur la comptabilité dans le secteur public qui s’appliquent au traitement comptable des entités comptables et des transferts faits à ces entités, en particulier en ce qui a trait au traitement comptable des fondations.

    Il a en outre été rappelé au Comité que même dans les directives sur la reddition des comptes énoncées dans Budget 2003 et dans le Budget 2004, aucune disposition ne prévoit que le vérificateur général doive procéder à des vérifications impartiales. Le Comité recommande par conséquent :

    RECOMMANDATION no 6

    Que le gouvernement fédéral, dans le cadre des efforts qu’il doit déployer pour améliorer la reddition des comptes des fondations, dépose les amendements requis aux mesures législatives pertinentes afin de permettre au vérificateur général du Canada d’effectuer des vérifications de l’optimisation des ressources des fondations dont l’actif est de 100 millions $ ou plus.
  1. Défis que pose la comptabilité d’exercice intégrale

    En 2002-2003, après un certain nombre d’années de difficultés et de retards, le gouvernement fédéral a rendu public son premier budget « à comptabilité d’exercice intégrale ». Le plus important changement conceptuel qui en est résulté peut se définir comme étant une question de calendrier d’application. Au lieu, par exemple, de comptabiliser les dépenses au moment ou l’argent est dépensé, comme cela se faisait avec l’ancien système de comptabilité intégrale modifié, le gouvernement comptabilise maintenant les ressources quand elles sont consommées. Il en résulte que le gouvernement comptabilise maintenant la valeur financière de ses biens corporels (équipement, véhicules et immeubles) au lieu de les comptabiliser au moment de leur achat. Les actifs sont ainsi amortis et leur valeur diminue — au fur et à mesure que les ressources sont consommées. Dans le même ordre d’idées, les revenus fiscaux sont attribués à la période à laquelle ils sont associés et non pas à la période à laquelle ils sont perçus. Ces modifications, parmi d’autres, visent à fournir une information plus claire et plus complète sur les activités du gouvernement. Nous souhaitons en outre qu’elles permettent de mieux éclairer les décideurs du gouvernement et les parlementaires lorsqu’ils demanderont au gouvernement d’expliquer la façon dont il administre l’argent, les ressources et les biens publics.

    Malgré les grands progrès réalisés, l’adoption d’un système de comptabilité d’exercice pour toutes les opérations reste incomplète. La vérificatrice générale a notamment déclaré qu’elle demeure préoccupée par les pratiques comptables du ministère de la Défense nationale (MDN) et de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC).

    Le ministère de la Défense nationale a par exemple de la difficulté à comptabiliser avec exactitude et à suivre le coût de ses stocks. Dans le passé, les systèmes d’inventaire du MDN étaient conçus pour surveiller les quantités, pas pour suivre les coûts avec exactitude. En raison de l’énorme quantité d’articles utilisée et de la nature des stocks militaires, il est difficile pour le MDN d’établir le coût juste et raisonnable de ses stocks. Bien que la vérificatrice générale constate que des améliorations ont été apportées à ce chapitre, elle souligne que seulement un progrès « modeste » a été enregistré du côté des efforts déployés par le MDN pour déterminer quels sont les articles qui devraient être déclarés périmés.

    À l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) [14], la comptabilité d’exercice intégrale pose des problèmes à cause du système informatique de l’Agence, lequel n’a pas été conçu pour comptabiliser les recettes et les dépenses de cette façon. L’Agence à notamment de la difficulté à relier les recettes et les dépenses à la période à laquelle elles appartiennent, une pratique nécessaire en comptabilité d’exercice intégrale.

    Le Comité félicite le gouvernement d’avoir adopté la comptabilité d’exercice intégrale. Comme la vérificatrice générale l’a dit au Comité, le Canada est maintenant un chef de file mondial dans ce domaine et les comptables et directeurs financiers du gouvernement peuvent « à juste titre » être fiers de ce qu’ils ont accompli. Ceci étant dit, le Comité est néanmoins préoccupé par les problèmes qui continuent de se poser au MDN et par ceux qui viennent d’être constatés à l’ADRC. Le Comité recommande par conséquent :

    RECOMMANDATION no 7

    Que le gouvernement du Canada fournisse au Parlement un tableau de bord ou une autre forme d’évaluation des progrès qu’il a accomplis en vue de la mise en œuvre complète d’une comptabilité d’exercice intégrale. Le tableau de bord devrait être établi en fonction d’un système de référence complet de comptabilité d’exercice intégrale ou en fonction des meilleures pratiques comptables utilisées dans d’autres pays qui ont maintenant adopté la comptabilité d’exercice intégrale.

    Le Comité recommande aussi :

    RECOMMANDATION no 8

    Que le gouvernement du Canada précise, comptabilise et chiffre ses éléments de passif éventuels, notamment son passif environnemental.

    Le Comité demeure par ailleurs préoccupé par le fait que le gouvernement continue d’utiliser une comptabilité de caisse pour ses décisions au jour le jour, comme on peut le constater dans la budgétisation et la comptabilisation des crédits dans les documents du Budget des dépenses [15]. Si les gestionnaires adoptaient une comptabilité d’exercice intégrale pour la budgétisation et la comptabilisation des crédits, la vérificatrice générale croit qu’ils seraient mieux éclairés et qu’ils pourraient ainsi prendre de meilleures décisions. Si on adoptait une comptabilité d’exercice intégrale pour le Budget des dépenses, on éviterait aussi beaucoup de confusion. Pour le moment, on utilise une comptabilité d’exercice intégrale pour deux des grands documents financiers — les Comptes publics du Canada et le Budget, alors que pour le Budget des dépenses, on utilise une comptabilité de caisse. Cette façon de procéder fait en sorte qu’il est difficile de faire concorder les différents documents comptables. Dans le Budget 2004, le gouvernement a déclaré qu’il avait mis en place un plan de travail visant à corriger ces lacunes, lequel prévoit notamment :

    • des mécanismes provisoires comme utiliser la comptabilité d’exercice dans les mémoires au Cabinet;

    • le renouvellement et la mise à jour des politiques de gestion du capital actuellement utilisées par le Secrétariat du Conseil du Trésor;

    • des projets pilotes de comptabilité d’exercice pour la budgétisation des immobilisations; et

    • l’élaboration d’une stratégie de consultation.

    Le Comité a pris bonne note de ces efforts, mais il estime que le gouvernement devrait s’engager plus fermement, en fixant des limites de temps, à passer à la comptabilité d’exercice intégrale pour la budgétisation et l’établissement des crédits. Le Comité recommande par conséquent :

    RECOMMANDATION no 9

    Que le gouvernement adopte la comptabilité d’exercice intégrale pour la budgétisation et l’établissement des crédits et qu’il établisse un calendrier ferme en fonction duquel les travaux devront être exécutés. Le Comité recommande en outre que le gouvernement fasse rapport au Parlement chaque année sur l’avancement des travaux connexes.

SOLDE BUDGÉTAIRE DU GOUVERNEMENT

Bien que cela ne soit mentionné que brièvement dans les observations de la vérificatrice générale sur les Comptes publics du Canada, le Comité a exprimé son inquiétude par rapport à la terminologie utilisée pour décrire la situation financière générale du gouvernement et pour dire que des surplus budgétaires doivent être utilisés pour « rembourser » la dette. Comme l’a fait remarquer la vérificatrice générale, le gouvernement fédéral continue d’utiliser l’expression « dette fédérale » pour parler de « déficit accumulé » quand on sait que le déficit accumulé est en réalité la somme de tous les déficits et de tous les surplus antérieurs. La vérificatrice générale a dit ceci au Comité : « quand le commun des mortels parle de dette, on pense à une dette qui porte intérêt et il y a (donc) confusion. Il n’y a aucune loi qui exige qu’un surplus soit appliqué à une dette. Ceci est une décision du gouvernement à savoir ce qu’il veut faire avec les revenus. … Vous verrez qu’il y a eu un surplus de neuf milliards de dollars dans l’année, mais la dette qui porte intérêt a même augmenté dans l’année. »

En d’autres termes, le déficit accumulé ne peut pas être « remboursé ». On peut seulement le réduire. La seule chose que l’on peut « rembourser » si on donne à ce mot son sens conventionnel est l’intérêt sur la dette. Afin de clarifier la situation et de mettre fin au débat qui entoure la terminologie utilisée, le Comité recommande :

RECOMMANDATION No 10

Que le gouvernement dise clairement aux Canadiens, à la fin de chaque année financière, combien d’argent a été remboursé sur la dette portant intérêt, et que cela soit une priorité dans toutes ses interventions et publications lorsqu’il est question de réduction de la dette. Le gouvernement devrait en outre s’abstenir de dire que la « dette fédérale » a été « remboursée » en utilisant le montant du surplus budgétaire. Le gouvernement devrait plutôt dire que le déficit accumulé a été réduit du montant du surplus budgétaire.

CONCLUSION

Le Comité se préoccupe du peu de progrès réalisé pour résoudre les nombreux points encore en litige comme la croissance du surplus théorique dans le Compte d’assurance-emploi, le traitement comptable adéquat des transferts aux fondations et la mise en œuvre réussie d’une comptabilité d’exercice intégrale pour tous les documents financiers. Ces points sont en litige depuis un certain nombre d’années et il n’est pas encore clair qu’ils seront réglés définitivement. Les méthodes et politiques comptables du secteur public doivent être tirées au clair sans autre délai. Ce faisant, le gouvernement sera mieux éclairé et pourra prendre de meilleures décisions financières et stratégiques par rapport aux programmes et services qu’il dispense à l’ensemble des Canadiens. Pour assurer une meilleure transparence des comptes et pour renforcer la crédibilité des états financiers consolidés du gouvernement, il est essentiel que tous les points en litige énumérés ici soient résolus rapidement et pour de bon d’une manière satisfaisante.

Conformément à l’article 109 du Règlement de la Chambre des communes, le Comité demande que le gouvernement dépose une réponse exhaustive à ce rapport.

Un exemplaire du procès-verbal (réunion no 3, 9, 11, 12, 13 et 16) est déposé.


Respectueusement soumis,

Le président,



JOHN WILLIAMS, DÉPUTÉ



[1] En 1998, l’ancien vérificateur général, M. Denis Desautels, a inclus une « restriction » dans son opinion sur les états financiers du gouvernement à cause d’un transfert de 2,5 milliards $ qui, à son avis, aurait dû être déclaré pour l’année financière 1998-1999 plutôt que pour 1997-1998.

[2] Les Comptes publics du Canada, 2003-2004, ont été déposés à la Chambre des communes le 21 octobre 2004 et soumis à l’examen du Comité permanent des comptes publics.

[3] Dans les années 1980, l’assurance-emploi s’appelait « assurance chômage ».

[4] Cette méthode comptable a été adoptée parce que l’ancien vérificateur général, M. Kennethy M. Dye, avait exprimé l’avis qu’un compte d’assurance-emploi partiellement autonome — comme il en existait un avant 1986 — n’avait pas de sens d’un point de vue comptable parce que le gouvernement fédéral exerçait un plein contrôle sur le programme d’assurance-emploi.

[5] La cotisation de l’employeur est fixée à 1,4 fois celle de l’employé. En 2004, la part de l’employeur a été de 2,77 % pour chaque dollar de salaire assurable.

[6] M. Peter Devries, conseiller spécial au Bureau du sous-ministre des Finances, a déclaré devant le Comité que les surplus de la caisse de l’assurance-emploi étaient de 2 milliards $ en 2003 et que la moitié de ce surplus était attribuable aux intérêts accumulés dans la caisse théorique. En comparaison, le surplus annuel était de 7,9 milliards $ en 2000.

[7] Les consultations que le ministère des Finances a tenues sur le mécanisme de fixation des taux de cotisation à l’assurance-emploi peuvent être consultées sur Internet à l’adresse suivante : http://www.fin.gc.ca/activty/consult/eirates_f.html.

[8] Le Sous-comité de l’assurance-emploi a été créé par le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées le 21 octobre 2004, notamment pour répondre à une recommandation formulée dans la réponse au Discours du Trône.

[9] Le nouveau mécanisme d’établissement des taux de cotisation a effectivement été mis en place en 1996 et il n’a pas encore été soumis à un sérieux ralentissement économique semblable à celui du début des années 1990. En 1996, le taux de cotisation à l’assurance-emploi était de 2,95 %. En 2004, il est de 1,98 %.

[10] Plus spécifiquement, le contrôleur général du Canada, M. Charles-Antoine St-Jean, a déclaré que 100 millions $ sont allés à Inforoute Santé du Canada, que 250 millions $ sont allés à la Fondation du Canada pour l’appui technologique au développement durable et que 50 millions $ sont allés à la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l’atmosphère.

[11] Sept fondations — notamment la Fondation canadienne pour l’innovation et la Fondation canadienne des bourses d’études du millénaire — ont compté pour 94,4 % du montant de 9,1 milliards $ détenu dans les fondations à la fin de 2003-2004. Les cinq autres fondations sont Inforoute Santé du Canada Inc., Génome Canada, la Fondation autochtone de guérison, la Fondation du Canada pour l’appui technologique au développement durable et la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé.

[12] Il existe deux grandes catégories de fondations, celles créées en vertu de la Loi sur les corporations canadiennes, comme Inforoute Santé du Canada, et celles créées au moyen d’une loi, comme la Fondation canadienne des bourses d’études du millénaire, qui a été créée au moyen de la Loi d’exécution du budget. Dans le premier cas, les fonds vont revenir au gouvernement fédéral si la corporation ne remplit pas bien son mandat. Dans le second cas, les fonds pourraient revenir au gouvernement fédéral à la condition que la loi applicable soit modifiée.

[13] Le Budget 2004, p. 310, peut être consulté à l’adresse Internet suivante : http://www.fin.gc.ca/budget04/bp/bpa8f.htm.

[14] Dans le Budget 2004, le nom de l’ADRC a été remplacé par celui d’Agence du revenu du Canada (ARC). La mesure législative à cet effet n’a toutefois pas encore été adoptée. Par conséquent l’ARC est encore connue sous le nom d’ADRC.

[15] Chaque année, le gouvernement publie trois grands documents comptables, et le Budget des dépenses est l’un de ses trois grands documents. Les deux autres sont le Budget et les Comptes publics du Canada.