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CC2 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité législatif chargé du projet de loi C-2


NUMÉRO 014 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 mai 2006

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Bon après-midi, mesdames et messieurs.
    Nous sommes à la 14e séance du comité législatif chargé du projet de loi C-2. À l'ordre du jour, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 27 avril 2006, le projet de loi C-2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation.
    Nos premiers témoins de la journée représentent l'Association canadienne des journaux et la B.C. Freedom of Information and Privacy Association.
    J'espère garder la voix suffisamment longtemps pour pouvoir vous présenter; nous ferons de notre mieux.
    Anne Kothawala est présidente-directrice générale et David Gollob est vice-président des affaires publiques. Bienvenus au comité de nouveau. Du second groupe, M. Richard Rosenberg est le président et Stanley Tromp, directeur de la recherche. Bon après-midi à vous.
    Comme vous le savez, nos témoins présentent généralement leurs remarques liminaires, après quoi les membres du comité leur posent des questions. Je ne sais pas qui va commencer.
    Madame Kothawala... Les dames d'abord.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président, de nous donner l'occasion de faire part de nos commentaires aux membres du comité. Je suis accompagnée de David Gollob, vice-président aux Affaires publiques. Je vais me borner aux aspects du projet de loi sur la responsabilité qui touchent le droit du public de savoir.

[Traduction]

    L'ACJ parle au nom des journaux quotidiens du Canada sur les questions qui touchent notre secteur. Nous partageons la volonté de ce comité de favoriser une meilleure transparence et une reddition de comptes au gouvernement. Le public lit les journaux pour mieux comprendre l'actualité et ne cherche pas uniquement les faits, mais aussi l'histoire derrière ces faits. Sans accès à l'histoire, nous ne pouvons faire notre travail. Si nous ne pouvons faire notre travail, notre système de démocratie est en danger. C'est aussi simple que ça.
    La liberté d'information a été reconnue par la Cour suprême du Canada comme un droit quasi constitutionnel. Du scandale du sang contaminé, où les dossiers ont été détruits, à l'affaire de la Somalie, où les dossiers ont été cachés, en passant par le scandale des commandites, où les dossiers n'ont pas été créés, les Canadiens ont appris qu'il nous faut une meilleure loi sur l'accès à l'information, et non pas davantage d'exemptions à celle-ci.

[Français]

    La Commission Gomery a entendu des témoignages qui ont démontré avec quelle facilité le droit de savoir est frustré. Bien que beaucoup de révélations dans cette histoire aient découlé des demandes de renseignements de la part de journalistes de grands quotidiens, des témoins ont dénoncé les pressions à caractère politique qui visaient à cacher la vérité.

[Traduction]

    Cela devrait tous nous préoccuper. Ces tentatives visant à étouffer la vérité ont échoué. Mais ce ne sera pas forcément le cas la prochaine fois.
    Au cours de la campagne électorale, nous avons accueilli favorablement la promesse du Parti conservateur de présenter une loi fédérale sur l'imputabilité afin d'empêcher que de telles situations ne se reproduisent. L'un des éléments clés de cette promesse était l'engagement du gouvernement à faire adopter la Loi sur la transparence gouvernementale du commissaire Reid. Cette Loi est une série de réformes qui permettraient de moderniser la Loi sur l'accès à l'information afin que ce soit une loi du XXIe siècle, et que le Canada soit au même niveau que les autres démocraties modernes. Cependant, lorsque le projet de loi C-2 a été présenté, la Loi sur la transparence gouvernementale n'y figurait pas.
    Nous pensons que le nouveau gouvernement s'est laissé persuadé de mettre de côté la seule promesse qui avait le pouvoir d'exposer les actes répréhensibles, et de ce fait de les dissuader. C'était d'ailleurs la seule promesse qui avait été massivement rejetée par un groupe puissant au sein de l'administration fédérale. Cette décision nous a déçu, tout comme les nombreux changements apportés à l'accès à l'information dans le cadre du projet de loi C-2. D'où le sujet que j'aborde aujourd'hui: Avant tout, ne pas causer de dégâts.
    Tout comme dans le domaine médical, les politiques publiques doivent éviter les remèdes qui aggravent l'état du patient sans que cela ne soit voulu. Les prescriptions qui prétendent guérir mais ne le font pas sont toutes aussi mauvaises. L'état du patient empire, et parce que l'on pense à tort que la guérison s'en vient, on arrête de chercher. Le patient, aujourd'hui, c'est l'intérêt public, et il est dans un bien piteux état.
    La promesse d'étendre l'accès à l'information à plus de sociétés d'État, de hauts fonctionnaires du Parlement et d'agences fédérales est anéantie par les exceptions obligatoires qui s'appliquent. Nous parlons d'exceptions obligatoires sans délai, sans critères subjectifs, en plus des protections qui existent déjà en vertu de la loi, et que les ministères fédéraux, et même nos services de sécurité, ont appris à gérer.
    Santé Canada, par exemple, reçoit des renseignements exclusifs de groupes pharmaceutiques qui sont protégés en vertu de l'article 20 de la loi actuelle. Il n'y a aucune raison pour que ce type de protection ne soit pas adéquate pour Exportation et Développement Canada ou pour l'EACL. Ces conditions sont acceptables pour Santé Canada et les entreprises avec lesquelles elle traite, et ce malgré le fait que l'exception est sujette à la primauté de l'intérêt public et est examinée par le commissaire à l'information.
    Autre exemple: la loi s'appliquerait au Bureau du vérificateur général, mais l'exception obligatoire rend l'exclusion inutile. Une ébauche de rapport de vérification interne, comme celle qui a permis de tirer la sonnette d'alarme pour le scandale des commandites, serait scellée à jamais sans que l'intérêt public ne puisse primer. Les renseignements concernant le Bureau du vérificateur général se limiteraient aux demandes d'indemnité et de déplacement, que l'on peut déjà trouver sur l'Internet.
    Pour ce qui a trait à la SRC, il faut des ajustements concernant l'aspect journalistique, et nous appuyons cela. Mais n'adoptez pas une exclusion qui ne puisse faire l'objet d'un examen indépendant. La Loi sur la transparence gouvernementale du commissaire Reid est rédigée de façon à protéger les journalistiques de la SRC sans pour autant mettre en péril les principes de l'accès à l'information.
    Il serait facile de corriger cela, et vous en avez les outils. Pour l'instant, la Loi sur la transparence gouvernementale n'a pas été déposée à la Chambre, mais nous pouvons au moins nous assurer que le projet de loi C-2 corresponde à cette loi, ainsi qu'à l'esprit de la Loi sur l'accès à l'information.
    Le commissaire Reid vous propose une série de huit amendements qui permettront au projet de loi C-2 d'aller de l'avant sans porter atteinte à l'élément crucial de la Loi sur l'accès à l'information, à savoir: les renseignements du gouvernement devraient être disponibles pour la population, les exemptions nécessaires devraient être limitées et spécifiques, et les décisions en matière de divulgation devraient être examinées de façon indépendante du gouvernement. Nous appuyons ces amendements, et nous vous demandons de les adopter.
    Vous pourriez même aller plus loin. Nous vous exhortons à améliorer le projet de loi C-2 en y intégrant le plus d'éléments possibles de la Loi sur la transparence gouvernementale, notamment en ce qui a trait à la mise sur pied d'une obligation de créer et de conserver des documents; l'adoption de la définition de l'objectif de la Loi sur l'accès à l'information telle que défini dans la Loi sur la transparence gouvernementale; l'application de la loi aux documents confidentiels du Cabinet; et l'ajout d'un mécanisme obligatoire de primauté de l'intérêt public.
    Enfin, nous souhaitons que les dispositions du projet de loi C-2 concernant l'accès à l'information soient soumises à un examen parlementaire après trois ans.

  (1535)  

    Merci beaucoup.
    Merci.
    La parole est maintenant à M. Rosenberg et à M. Tromp.
    Très bien, vous pouvez y aller.
    Merci.
    Je m'appelle Richard Rosenberg et je suis le président de la FIPA, la B.C. Freedom of Information and Privacy Association. C'est une association à but non lucratif qui a été créée en 1991 et qui milite en faveur de la liberté d'information, d'un gouvernement ouvert et responsable et des droits de la protection des renseignements personnels au Canada. Nous travaillons pour de nombreuses personnes et organisations par le biais de programmes de sensibilisation du public, d'aide juridique, de recherche, de défense de l'intérêt public et de réforme du droit.
    La FIPA appuie ardemment les réformes de la Loi sur l'accès à l'information proposées par le juge John Gomery, le commissaire à l'information John Reid et le parti conservateur fédéral lors des dernières élections fédérales. Rares sont les véritables occasions de réforme de cette loi essentielle, et nous sommes inquiets, car notre groupe, de même que plusieurs autres parties intéressées, constatent que cette chance pourrait disparaître. D'importantes réformes de la ont été reportées et les mesures mineures comprises dans la Loi sur l'imputabilité nous réconfortent à peine.
    Dans son dernier rapport sur le scandale des commandites, le juge John Gomery a insisté sur le fait que des réformes devaient être appliquées à la Loi sur l'accès à l'information. Ces réformes seraient un excellent moyen de rehausser la confiance du public envers le gouvernement fédéral. Nous espérons toujours que le nouveau gouvernement et tous les partis de l'opposition cautionneront cet objectif. Notre groupe, de même qu'une bonne partie du public canadien, attend impatiemment que les promesses d'une nouvelle ère de transparence et d'accès à l'information soient tenues.
    La FIPA presse le gouvernement fédéral de tenir les sept promesses de réforme de la loi faites dans le programme électoral des conservateurs de 2005, et nous insistons pour que la loi sur l'imputabilité soit modifiée afin d'inclure ces réformes.
    Dans son programme visant à renforcer la loi, le parti conservateur a promis d'appliquer les recommandations du commissaire à l'information. La FIPA est déçue que le gouvernement ait choisi de reporter la plupart de ces réformes et de charger le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique de s'en occuper. Le ton du document de travail du gouvernement sur la réforme de la loi est régressif et ne contient aucune échéance ferme pour la mise en oeuvre de ces réformes. Nous ne sommes pas d'accord avec le commentaire formulé par le commissaire à l'information voulant que la réforme de la loi soit étudiée plus longuement.
    La loi a été étudiée en long et en large par plusieurs comités depuis plus de deux décennies sans qu'aucune réforme ne soit adoptée, et nous craignons qu'un renvoi au comité permanent...
    Excusez-moi.

  (1540)  

    Monsieur Rosenberg, comme vous le savez, nous travaillons ici en deux langues. Puis-je me permettre de vous demander de parler un peu plus lentement? Vers la fin, je vous dirai d'accélérer afin que vous puissiez terminer.
    Merci. Cela me semble juste.
    Nous ne sommes pas d'accord avec le commentaire formulé par le commissaire à l'information voulant que la réforme de la loi doive être étudiée plus longuement; la loi a été étudiée en long et en large par plusieurs comités depuis plus de deux décennies, sans qu'une réforme ne soit adoptée, et nous craignons qu'un renvoi au comité permanent puisse encore une fois devenir un « cimetière » pour l'action positive.
    Deuxièmement, en ce qui concerne le pouvoir d'ordonner, il faut donner au commissaire à l'information le pouvoir d'ordonner la publication de renseignements. Le pouvoir d'ordonner est essentiel au bon fonctionnement de la loi. Les commissaires à l'information de quatre provinces ont ce pouvoir et ces systèmes fonctionnent beaucoup mieux que le régime fédéral actuel. Dans un rapport soumis au précédent gouvernement fédéral, le juge La Forest a fortement recommandé que cette réforme soit considérée, et le Groupe d'étude de l'accès à l'information du gouvernement du Canada de 2002 a conclu que le pouvoir d'ordonner est « le principe le plus susceptible de nous permettre d'atteindre une conformité constante et une forte culture d'accès ».
    Troisièmement, il faut assujettir à la loi l'ensemble des sociétés d'État, des hauts fonctionnaires du Parlement, des fondations et des organismes qui dépensent l'argent des contribuables ou exercent des responsabilités publiques.
    La nécessité de cette mesure est évidente et a été répétée depuis plus de deux décennies. Certaines organisations quasi gouvernementales s'opposent à une telle couverture, prétextant que leurs intérêts financiers et compétitifs pourraient être mis en danger. Mais de tels arguments sont fallacieux, puisque la Loi sur l'accès à l'information comprend déjà des règles strictes afin de prévenir des dénonciations qui pourraient causer de tels torts.
    Le 29 septembre 1997, le député conservateur (alors réformiste) Myron Thompson a présenté, vraisemblablement avec l'accord du chef du parti de l'époque, le projet de loi d'initiative parlementaire C-216 qui visait à inclure toutes les sociétés d'État dans la loi. Le projet de loi a été défait par la majorité libérale. Si cette action convenait au Parti réformiste à cette époque, il aurait pu devenir loi, pourquoi ne convient-elle pas maintenant?
    Quatrièmement, il faut rendre l'exclusion des documents confidentiels du Cabinet sujette à l'examen du commissaire à l'information. À propos de la proposition du gouvernement à ce sujet, le commissaire Reid a noté, dans le document de travail du Conseil du Trésor, que « cette proposition n'est autre que le statu quo. C'est ce qui se produit maintenant. La proposition du gouvernement n'assurera pas, dans aucun sens, que l'on n'abusera pas de la confidentialité du Cabinet ». Nous sommes d'accord.
    Cinquièmement, il faut obliger les fonctionnaires à tenir des dossiers documentant leurs actions et leurs décisions. Il est difficile de prévoir comment on pourrait ne pas reconnaître les avantages clairs de cette proposition pour l'intérêt public et l'efficacité gouvernementale, proposition qui est attendue depuis longtemps. Un véritable accès à l'information ne peut exister sans une documentation précise des actions et des décisions gouvernementales.
    Entre parenthèses, cela m'apparaît crucial. Comment un gouvernement peut-il se prétendre ouvert s'il ne donne pas accès à toutes les informations qu'il produit et à toutes les discussions qu'il tient? D'ailleurs, nous avons remarqué récemment qu'il y a de moins en moins de documents. De moins en moins de documents sont rédigés. Les procès-verbaux des réunions ne sont pas disponibles. C'est très préoccupant, surtout après avoir consacré 20 ans à tenter de créer un gouvernement plus ouvert par le biais de l'accès à l'information.
    Sixièmement, il faut prévoir une dérogation à toutes les exemptions de façon à ce que l'intérêt public passe avant le secret gouvernemental. Une dérogation primordiale dans l'intérêt public, telle que celle que l'on peut trouver dans les lois sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée de l'Ontario, de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et d'autres provinces, est la pierre angulaire et la mesure éthique d'une loi efficace sur l'accès à l'information. Une telle disposition vise à s'assurer que, peu importe quel autre intérêt pourrait influencer la décision d'un organisme public, la décision finale en ce qui a trait à la divulgation des dossiers sera prise en vertu de l'intérêt public.
    Septièmement, il faut garantir que toutes les exemptions à la communication de renseignements ne soient justifiées que par le préjudice qui pourrait en résulter, et non pas par les règles d'exemption générale.
    Huitièmement, il faut garantir que les exigences de divulgation de la Loi sur l'accès à l'information ne puissent être contournées par des dispositions relatives au secret d'autres lois fédérales. Le juge Gomery a proposé que l'article 24 de la loi, qui permet un tel contournement, soit supprimé, et nous sommes d'accord.
    Enfin, en ce qui concerne la protection des dénonciateurs, le juge Gomery a proposé six façons d'améliorer le projet de loi C-11, la Loi sur la protection des fonctionnaires dénonciateurs d'actes répréhensibles, et l'Association approuve ces amendements.
    Pour terminer, nous désirons que le comité sache que l'Association rejette complètement l'ajout d'une confidentialité complète des ébauches de rapports de vérification interne et des documents de travail pendant 15 ans; la proposition voulant que tous les documents relatifs à des enquêtes sur des méfaits gouvernementaux demeurent secrets pour toujours; et l'opposition du gouvernement envers l'élargissement du champ d'application de la loi au cabinet du premier ministre et au cabinet des autres ministres.
    Nous vous remercions de votre attention. Mon collègue Stanley Tromp, directeur de la recherche à l'Association, et moi serons heureux de répondre à vos questions.

  (1545)  

    Merci, monsieur.
    Présentés vite ou lentement, c'était là deux bons exposés. Merci beaucoup.
    M. Owen a une question.
    Soyez tous les bienvenus et merci de bien vouloir contribuer à nos délibérations et de nous donner vos conseils d'experts.
    Comme je viens de la Colombie-Britannique, vous me permettrez de prêcher un peu pour ma paroisse et de féliciter votre association qui, depuis près de 15 ans déjà, fait du travail extraordinaire en Colombie-Britannique pour s'assurer que cette province compte l'un des meilleurs régimes d'accès à l'information et de protection de la vie privée au pays.
    Ma première question s'adresse au représentant de la FIPA. En Colombie-Britannique, les deux fonctions sont combinées, ce qui n'est pas le cas au niveau fédéral, bien que l'administration des deux bureaux se fasse en partie en commun. Nous avons entendu M. Reid et Mme Stoddart ces derniers jours, et nous faisons face à un nouveau régime et à des nouveaux bureaux qui sont indépendants. Bien que ces bureaux aient été créés pour aider les députés à mieux contrôler l'exécutif, on est en droit de se demander s'ils ne sont pas trop nombreux et s'ils risquent d'accaparer les pouvoirs du législateur plutôt que de les compléter. On craint donc qu'il n'y ait confusion au Parlement, au sein du public, dans les médias et, certainement, dans l'administration publique, pour ce qui est de savoir qui s'occupe de quoi et à qui on doit rendre des comptes.
    Avez-vous une opinion sur ce sujet, compte tenu de votre expérience en Colombie-Britannique, à savoir s'il serait bon de fusionner certaines de ces fonctions, surtout celles relatives à l'information et à la protection de la vie privée.
    Je crois en effet qu'on devrait combiner ces fonctions. Les questions touchant l'information et la vie privée se chevauchent et les deux bureaux doivent se consulter fréquemment. Il est certain qu'il arrive qu'il y ait conflit entre la liberté d'information et le droit à la vie privée, mais il me semble qu'un seul bureau, créé par une loi ne prévoyant qu'un seul bureau pour toutes ces fonctions, faciliterait la prise de décision et serait dans l'intérêt du public.
    Merci.
    Peut-être pourrais-je alors vous poser une autre question...
    Peut-être que vous voulez aussi répondre à la question.
    Oui. En fait, sauf le respect que nous vous devons, nous ne sommes pas d'accord. D'ailleurs, l'ancien gouvernement avait demandé au juge La Forest d'examiner cette question justement parce que les questions relatives à la vie privée et à l'accès à l'information doivent faire l'objet d'un équilibre délicat et les faire relever d'un seul bureau pourrait créer davantage de problèmes. Nous l'avons vu dans d'autres administrations où, par exemple, pour se conformer aux dispositions sur la protection des renseignements personnels, les services de police refusent aux médias l'accès à certains renseignements qu'ils obtenaient sans difficulté auparavant, en se fondant sur une interprétation erronée de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Nous estimons donc que le regroupement de ces fonctions entraînerait des problèmes.

  (1550)  

    D'accord. Merci.
    Peut-être encore une...
    Ce n'est pas nécessairement le cas. C'est peut-être ce qui se produit à l'heure actuelle, mais il n'est pas nécessaire qu'il en soit ainsi. Le commissaire à la protection de la vie privée devrait intervenir et s'opposer à une telle interprétation et à un tel usage de la loi. S'il ne le fait pas, il ne fait pas...
    Adressez-vous à moi.
    Excusez-moi.
    Monsieur Owen, vous avez la parole.
    Il ne faut pas oublier non plus, comme vous l'avez signalé, la recommandation formulée par le juge La Forest, et par le commissaire à l'information, M. Reid, qui proposent d'inclure des pouvoirs ordonnant la communication au Bureau du commissaire à l'information. Un des principes sous-jacents du rôle de l'ombudsman a toujours été l'effet de persuasion intégré aux pouvoirs d'enquêtes, ce qui permet à l'ombudsman d'être pleinement indépendant de l'organisme sur lequel il fait enquête et de communiquer directement avec le public par l'entremise du volet législatif.
    Croyez-vous qu'il y aura des problèmes? Est-ce qu'à votre avis les choses sont bien claires, est-ce que ce pouvoir est nécessaire simplement en raison des abus du passé ou d'une mise en oeuvre inefficace des mesures prévues, ou s'agit-il plutôt d'une proposition qui présente de clairs avantages — il est certain que des gens éloquents et importants appuient cette proposition — et y a-t-il également des dangers qu'on pourrait prévoir?
    Monsieur Gollob.
    C'est une question fort intéressante et si j'ai bien compris ce qu'a dit le commissaire à l'information, M. Reid, ce dernier ne juge pas qu'il soit nécessaire d'avoir le pouvoir d'ordonner. Si j'ai bien compris, il lui suffit d'être en mesure d'interjeter appel auprès de la Cour fédérale afin de faire avancer le dossier, lorsque nécessaire.
    Cependant, nous croyons que d'autres réformes beaucoup plus fondamentales s'imposent, et nous voudrions que certaines des très bonnes mesures proposées dans la Loi sur la transparence du gouvernement soient transférées dans le projet de loi C-2, dont vous êtes saisis; nous croyons qu'il s'agirait là de mesures encourageantes et progressives. Je ne veux pas aller plus loin, alors je me contenterai de dire que ces questions touchent l'accès à l'information, l'éthique, le Comité sur la protection des renseignements personnels...
    Et la preuve de préjudice, la primauté de l'intérêt public et les exigences visant la conservation des documents sont des choses qui vous préoccupent vivement.
    Monsieur Rosenberg, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Oui, j'aimerais faire un bref commentaire.
    Je crois que les dispositions visant le pouvoir de rendre des ordonnances est fort approprié. Je crois qu'un des problèmes que cause la LPRPDE et son application par le commissariat à la protection de la vie privée est que nous ne savons pas qui est visé par les décisions. Un des pouvoirs du commissariat est le pouvoir de persuasion qui existe simplement parce que le public sait que certaines entreprises ont des agissements répréhensibles, ou que certaines choses ne sont pas faites comme il faut. Je crois qu'il faut que ces décisions et conclusions soient rendues publiques. Lorsque vous vous pencherez sur la réforme de la LPRPDE un peu plus tard cette année, j'espère que vous envisagerez la possibilité d'apporter des modifications en ce sens.
    Vouliez-vous ajouter quelque chose, Stanley?
    Oui, monsieur Owen, j'aimerais rapidement ajouter quelque chose sur le pouvoir de rendre des ordonnances.
    Nous savons que M. Reid s'oppose au pouvoir de rendre des ordonnances, mais nous ne sommes pas de son avis. Le modèle fonctionne bien en Colombie-Britannique et dans les quatre provinces où il permet d'éviter le litige. Par exemple, le Bureau du premier ministre a intenté plus d'une vingtaine de poursuites contre le commissaire à l'information dans divers dossiers. Nous jugeons que ce litige aurait pu être réglé beaucoup plus rapidement et nous avions espéré que le nouveau gouvernement aurait simplement laissé tomber ces poursuites qui visent à déterminer si les documents du premier ministre et des membres du cabinet sont visés par la loi. Ce pouvoir de rendre des ordonnances permettrait de régler ce genre de choses plus rapidement.
    Merci, monsieur Tromp.
    Monsieur Sauvageau.

[Français]

    Bon après-midi et bienvenue à tous.
     Mes premiers commentaires s'adressent aux gens de l'Association canadienne des journaux. Je m'adresserai ensuite à M. Rosenberg.
    J'aimerais que vous répondiez à ma question par un exemple concret. Aujourd'hui, le projet de loi C-2 n'est pas encore adopté. Par conséquent, qu'est-ce qui vous restreint dans votre travail? En ce qui a trait à la Loi sur l'accès à l'information, le projet de loi C-2 constitue-t-il un pas dans la bonne direction ou non?
    Vous nous proposez huit amendements, mais je n'ai pas bien compris quels sont vos deux ou trois amendements principaux, je n'ai pas eu le temps de le noter. J'aimerais savoir quelle serait, selon vous, la situation si le projet de loi C-2 était adopté tel quel et quelle serait la situation si les amendements que vous nous suggérez étaient adoptés.
     Ma question est-elle claire?

  (1555)  

    Oui, elle est claire.

[Traduction]

    Je répondrai en anglais, si vous me permettez. Je me débrouille un peu mieux en anglais qu'en français.
    Je crois qu'on peut tout regrouper en trois grands thèmes, et le thème principal de chaque amendement que nous proposons est le fait que les renseignements publics appartiennent au public et que le fardeau de la preuve doit être assumé par ceux qui voudraient refuser de communiquer ces renseignements. C'est le thème qui domaine vraiment lorsque nous procédons à une étude de cette mesure. Les documents confidentiels du cabinet et la primauté de l'intérêt public sont touchés par ce thème, aussi. Puis il y a les modifications qui sont de nature un peu plus administrative mais qui demeurent essentielles si l'on veut assurer le fonctionnement de la Loi sur l'accès à l'information.
    Le droit de savoir est si important dans une démocratie que lorsque nous avons un système clairement désuet qui n'a pas fait l'objet de réforme importante depuis plus de 20 ans, des problèmes se posent. Le devoir de conserver les documents est un énorme problème, tout particulièrement en cette ère de l'information où la tenue de dossiers n'est plus ce qu'elle était. Le BlackBerry et autres appareils dominent maintenant. Si nous n'avons pas de documents sur certaines conclusions ou certaines informations, cela créera de graves lacunes: nous n'arriverons plus à comprendre comment les politiques ont été élaborées et adoptées au Canada.
    Monsieur Rosenberg, puis M. Tromp.
    Je m'excuse, je n'ai pas saisi la question.
    Très bien.
    Monsieur Sauvageau.

[Français]

    Tout d'abord, je vous remercie de vos suggestions de révision de la loi, c'est important. On en tiendra compte lors de l'adoption des amendements.
    Je m'adresse toujours à l'Association canadienne des journaux. Je m'adresserai aux autres ensuite, ne vous inquiétez pas.
     Vous avez sûrement étudié le projet de loi C-2 dans son entièreté. Pensez-vous, s'il était adopté tel quel, comme on veut nous l'imposer, qu'un scandale semblable à celui des commandites pourrait être empêché et que le travail des journalistes, qui a été essentiel au dévoilement du scandale des commandites, serait facilité suffisamment pour empêcher que ce genre de scandale se produise? Le projet de loi C-2 est-il assez efficace pour prévenir les scandales?
    Un des aspects positifs du projet de loi C-2 est le fait que ses dispositions touchent maintenant des sociétés d'État et des hauts fonctionnaires du Parlement qui autrefois n'étaient pas touchés par les dispositions de la loi. Cela est très bon, c'est une bonne décision.
    Toutefois, l'exception obligatoire...

[Traduction]

    Je m'excuse.
    Pouvons-nous prendre une petite pause?
    Je pourrais poursuivre en anglais.
    Je ne sais plus ce qu'il faut faire vraiment.
    Nous jugeons qu'on a pris ces mesures avec les meilleures intentions du monde parce qu'on voulait inclure les sociétés d'État et les hauts fonctionnaires du Parlement, mais il faut les inclure d'une façon qui soit avantageuse et qui fasse avancer les choses. C'est ce qui nous préoccupe.
    C'est pourquoi nous proposons que le comité adopte les modifications proposées par le commissaire à l'information, M. Reid, parce que cela permettrait de contrer les effets négatifs associés à l'inclusion des hauts fonctionnaires du Parlement et des sociétés d'État.

[Français]

    Je vous remercie. Mon dernier commentaire s'adresse aux gens de la Colombie-Britannique.
    Il s'agit d'un commentaire, mais si vous voulez y revenir, je n'y vois pas d'inconvénient. Je trouve très habile que, dans votre présentation, vous repreniez le contenu de la page 13 du document intitulé Changeons pour vrai, le document qui exposait le programme électoral du Parti conservateur du Canada. Puisque ces gens l'ont rédigé, j'espère qu'ils l'ont lu! Il y est question de renforcer la Loi sur l'accès à l'information.
     On impose un rythme de travail de 29 heures par semaine à ce comité, sous prétexte qu'on entend parler de la loi sur la responsabilité depuis quatre ans, alors que vous nous dites qu'on entend parler de la réforme de la Loi sur l'accès à l'information depuis 20 ans. On devrait donc travailler quatre fois plus vite à réformer la Loi sur l'accès à l'information, mais ce n'est pas le cas.
    Vous reprenez point par point le plan du gouvernement conservateur. Cela est très bien documenté. Si notre comité en avait le temps, on pourrait sûrement s'inspirer de ce document pour améliorer, comme vous le dites, la Loi sur l'accès à l'information, en reprenant point par point le document du Parti conservateur. Je vous remercie beaucoup de l'habileté dont vous avez fait preuve dans votre présentation. Nous tenterons de nous en inspirer malgré le peu de temps qui nous est imparti.

  (1600)  

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Martin.
    Merci, monsieur le président.
    M. Tromp n'a pas eu l'occasion de répondre.
    Monsieur Sauvageau, il ne vous restait plus de temps. Vous devez laisser aux témoins l'occasion de répondre aux questions, mais vous ne l'avez pas fait. Tant pis.
    Monsieur Martin.
    Je suppose que...
    Écoutez, je crois que je vais passer outre au Règlement parce que nous vous interrompons sans cesse, monsieur Rosenberg; vous pouvez donc...
    J'ai un problème d'audio. Peut-être que M. Tromp pourrait dire quelque chose.
    Très brièvement, j'ai un document de 1987 intitulé Une question à deux volets : Comment améliorer le droit d'accès à l'information tout en renforçant les mesures de protection des renseignements personnels. Ce document a près de 20 ans et recommande nombre de choses que d'autres et nous-mêmes recommandons depuis bien longtemps. Or, si un simple député du Parti réformiste comme Myron Thompson a proposé en 1997 l'inclusion des sociétés d'État, on pourrait peut-être procéder plus rapidement maintenant.
    Tout le monde est-il satisfait?
    Monsieur Martin.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos deux témoins, la FIPA et l'Association canadienne des journaux.
    Je tenais beaucoup à ce que nous recevions ce genre de témoins parce que je suis fermement convaincu, et j'ai l'impression que vous aussi, que l'article sur l'accès à l'information de ce projet de loi est probablement le plus important et le plus utile si l'on veut changer l'état d'esprit et la façon dont on agi à Ottawa. Aussi, comme vous, suis-je littéralement tombé des nues lorsque j'ai constaté que ces éléments clés, que nous jugeons être absolument essentiels dans une telle loi, avaient été retirés.
    Je vous remercie donc de vos recommandations.
    Il est en fait utile, monsieur Tromp, de rappeler ce document, car c'est une question que nous examinons depuis en effet une vingtaine d'années. Il s'agissait du premier examen de la Loi sur l'accès à l'information. Ce premier examen prévu dans la loi avait entraîné ce rapport, qui contient les recommandations que John Reid vient de rappeler 20 ans plus tard. Nous savons donc très bien ce qu'il faut faire pour réviser la Loi sur l'accès à l'information. Il n'est pas nécessaire d'écouter des témoins à l'infini, comme certains partis semblent le souhaiter. En fait, nous risquerions de manquer cette occasion.
    Maintenant, pour ce qui est des détails. Je suppose que vous convenez avec M. Reid que les huit points qu'il a soulevés sont loin de la Loi sur la transparence du gouvernement mais que cela permettrait d'atténuer certaines des difficultés que pourrait représenter le projet de loi C-2. Recommandez-vous les huit amendements proposés par M. Reid?
    Oui, monsieur.
    Notre thème était, si voulez: « surtout, n'empirons pas les choses ». Ce que nous voulons , c'est de faire en sorte que le résultat soit moins désastreux. Malheureusement, je crois que c'est la seule façon dont je puisse résumer notre position.
    Si nous réussissions en fait à adopter certains amendements qui s'inspireraient effectivement de la Loi sur la transparence du gouvernement, vous recommandez en priorité l'obligation de créer des dossiers. Est-ce bien dans cet ordre que vous avez dressé votre liste? Est-ce que vous recommencez un préambule ou un objet pour cette loi?
    La Loi sur la transparence du gouvernement contient en fait un élargissement de l'objet initial de la première Loi sur l'accès à l'information qui est le suivant:
    
La présente loi a pour objet de rendre les institutions fédérales entièrement redevables envers le public en élargissant les lois actuelles...
    Tout ce que nous demandons ici, c'est que l'on précise qu'il s'agit d'une question de divulgation. L'important, c'est la transparence, et non la confidentialité, et le fardeau de la preuve, comme le disait Mme Kothawala, devrait incomber à ceux qui s'efforcent de garder certaines choses confidentielles. C'est l'esprit dans lequel nous faisons cette proposition.
    Pour répondre à votre autre question, nous n'avons pas de hiérarchie dans nos priorités. Nous estimons qu'elles sont toutes également importantes et réalisables. Nous disons que le résultat serait moins mauvais; en fait, il serait même assez bon si vous réussissiez à adopter certaines de ces mesures, sinon toutes.

  (1605)  

    Monsieur Tromp.
    Nos deux priorités principales seraient, d'abord, d'accorder au commissaire des pouvoirs de donner des ordres et, ensuite, de faire en sorte que les sociétés d'État, les fondations et les organismes quasi-gouvernementaux soient couverts par la loi le plus rapidement possible. Si vous pouvez apporter cette modification à la Loi sur l'imputabilité, nous serions ravis.
    Monsieur Martin.
    L'une des questions les plus difficiles pour laquelle nous allons devoir nous battre est, d'après moi, la questions du secret du Cabinet. Pouvez-vous nous dire si vous croyez qu'il faudrait une exemption pour les documents confidentiels du Cabinet qui ne soit pas une exclusion automatique? Je parle donc d'une exemption plutôt que d'une exclusion: Cela vous satisferait-il? Il incomberait alors au commissaire à l'information de décider si cela remplit le critère de préjudice, etc.
    Exactement. Nous appuierions cela. Nous ne sommes pas ici pour dire que tout ce que fait le gouvernement devrait être fait bien à la vue du public. Nous reconnaissons que certaines décisions doivent être prises à huis clos. Nous croyons simplement qu'il faudrait que quelqu'un puisse dire s'il s'agit d'une question d'intérêt public qui doit primer sur le secret. Nous ne pouvons nous contenter de laisse le gouvernement en place dire que des questions d'intérêt public sont restées secrètes et le resteront.
    Je suis d'accord. Rien ne devrait se faire automatiquement. Cela ne veut pas dire qu'ils ne peuvent pas le faire à huis clos, mais ça devrait être clair et public. Il ne faut pas que l'on ne pose pas de questions lorsque ce que ce n'est pas disponible.
    Oui. La décision incomberait au commissaire à l'information.
    Nous pourrions également ajouter le critère du préjudice et du tort.
    Oui, je prends note qu'il s'agit de faire primer l'intérêt public obligatoirement et le critère du préjudice.
    Revenons maintenant au début. Si nous pouvons parvenir à atténuer tout dommage éventuel identifié par John Reid, et si nous ajoutons ces quatre ou cinq choses, nous allons nous trouver avec un excellent projet de loi. Nous aurions considérablement amélioré le régime de l'accès à l'information. Êtes-vous d'accord?
    Cela donnerait un projet de loi qui ferait avancer les choses. On peut bien sûr se demander à quel point les choses avanceront, mais elles avanceront tout de même.
    Oui, et ensuite on pourra régler les autres détails en temps opportun, peut-être à l'autre comité. Ce serait génial.
    Merci pour vos observations.
    Monsieur Rosenberg.
    Il faudrait clairement établir que le gouvernement devrait tenir des dossiers sur ses agissements. Il ne faudrait pas, par exemple, que le gouvernement prenne une décision et qu'il n'y ait plus de trace lorsque l'on demande ce qui s'est passé et comment la décision a été prise.
    Merci beaucoup.

[Français]

    J'ai une question pour M. Rosenberg.
    Dans votre exposé, vous avez mentionné que l'information est d'intérêt public et qu'elle doit d'abord être d'intérêt public. Vous semblez content que tous les organismes de l'État soient soumis au projet de loi C-2. Vous dites aussi que non seulement devraient-ils y être soumis, mais qu'il ne devrait pas y avoir d'exclusions. Or, l'exclusion qui se trouve dans le projet de loi C-2 protège les sources des journalistes.
    Dites-vous que ces sources devraient être accessibles, tout comme les décisions du Cabinet? Voudriez-vous que tout soit public et que, lorsque ce n'est pas public, on doive faire la preuve que ce n'est pas public et qu'on peut donc garder l'information secrète? Si on fait la preuve que c'est public, on pourrait obtenir de l'information sur les sources des journalistes et sur les décisions du Cabinet. Est-ce ce que vous voulez dire lorsque vous mentionnez qu'il ne devrait pas y avoir une culture du secret ou que, du moins, tout devrait être à l'attention et dans l'intérêt du public?

  (1610)  

[Traduction]

    Le fait de faire des déclarations absolues peut poser problème. Bien que je comprends pourquoi il ne faut pas divulguer les sources des journaux, cette question ne relève pas du gouvernement. Il s'agit du fonctionnement de la presse libre. J'ai beaucoup plus de sympathie à l'endroit de la presse libre qui protège ses sources que du gouvernement qui indique qu'il ne peut pas en parler pour diverses raisons.
    En Australie, en Nouvelle-Zélande et en Grande-Bretagne, les diffuseurs sont couverts par les lois d'accès à l'information. Tout semble bien fonctionner. Et si M. John Reid, le commissaire, prend une décision éclairée pour trancher ces questions afin de protéger l'intégrité des journalistes...
    Les sources journalistiques doivent être protégées. C'est absolument certain.

[Français]

    Je suis d'accord.
    Le commissaire Reid a proposé un libellé qui garantira cette protection. Il a proposé la protection....

[Traduction]

    Je peux répéter ce qu'il a dit. Il a dit que le chef de la SRC aurait le pouvoir de ne pas divulguer des documents de nature journalistique.
    Je pense que c'est une protection suffisante pour la majorité des ministères. En fait, tous les ministères jouissent actuellement de ce genre de protection. Pourquoi la SRC devrait-elle faire exception? Nous ne recommandons absolument pas que les sources journalistiques fassent l'objet de divulgation en vertu de cette loi ni de toute autre loi.
    Monsieur Poilievre, trois minutes.
    À propos des secrets du Cabinet, je dirais qu'il est en fait impossible d'obliger l'inclusion des discussions du cabinet dans la Loi sur l'accès à l'information, car si un Cabinet, quel que soit le parti, estime qu'il ne peut discuter librement d'un dossier sans que cela aboutisse dans les médias, les réunions du Cabinet ne s'appelleront plus ainsi. Il n'y a absolument rien que l'on puisse faire pour définir différemment une réunion du Cabinet, parce qu'ils pourront dire, eh bien, c'est un dîner, ou c'est une discussion, ou nous prenons un verre au pub du coin. Il y a des tas de façons de changer la définition d'une réunion pour éviter d'être frappé par la Loi sur l'accès à l'information quand il s'agit du conseil des ministres. Si l'on oblige la divulgation des secrets du Cabinet, on obligerait les ministres à faire leur travail et à avoir leurs échanges dans des contextes non accessibles. Je dirais donc que non seulement cela n'est pas souhaitable, mais c'est aussi pratiquement impossible.
    Quant aux ébauches des rapports de vérification, il faut là encore qu'il soit bien clair que la raison pour laquelle le gouvernement n'a pas voulu qu'elles soient incluse dans cette loi, c'est parce que la vérificatrice générale l'a demandé. On renforcerait la fonction de vérification en ne les incluant pas.
    Enfin, quant aux pouvoirs d'ordonnance, le commissaire à l'information ne les a pas demandés et ne suggère pas qu'on les inclut. Nous l'avons donc écouté.
    Je voulais rappeler cela pour vous permettre éventuellement de répondre.
    À propos des secrets du cabinet, j'estime que nous avions en fait atteint le juste équilibre dans la Loi sur la transparence du gouvernement, qui avait recueilli l'appui de tous les partis. Il faut reconnaître qu'il est difficile d'atteindre le juste équilibre, mais c'est ce que nous avions fait dans cette loi. Je ne sais pas pourquoi on a tellement changé d'avis aujourd'hui.
    Quant au pouvoir de vérification, je ne pense pas que l'on puisse prendre toutes les décisions en fonction de ce que souhaite ou ne souhaite pas la vérificatrice générale. Si le thème de cette loi est censé être une plus grande responsabilisation de l'administration, il faut entendre par là une plus grande transparence. Or, il n'y aura pas plus de transparence s'il y a trop de dispositions en matière de confidentialité qui s'appliquent aux sociétés d'État.

  (1615)  

    Monsieur Tromp.
    Merci.
    Notre groupe ne dit pas que le contenu des délibérations du Cabinet doit être rendu public, mais que le commissaire à l'information devrait être autorisé à examiner ces dossiers pour voir s'ils ont été convenablement classifiés ou s'ils ne devraient pas être considérés comme secrets. Comme dans la plupart des provinces, les documents du Cabinet ne sont pas exclus du champ de responsabilité du commissaire à l'information et c'est ce que nous demandons.
    Madame Kothawala, monsieur Gollob, monsieur Rosenberg et monsieur Tromp, merci beaucoup d'être venus.
    Nous allons arrêter pour quelques minutes.

    


    

    Nous reprenons.
    Nous recevons deux personnes. Je pense que tout le monde connaît M. Ken Rubin, et nous accueillons aussi David McKie, de la Société Radio-Canada.
    Bienvenue, messieurs. Vous avez chacun quelques instants pour vos déclarations liminaires avant que le comité ne vous interroge. Bienvenue.
    Monsieur Rubin.
    Toute ma vie adulte -- 40 ans -- j'ai fait office de cerbère indépendant avec pour mission de surveiller Ottawa. J'ai ainsi démasqué des centaines d'opérations secrètes dans la capitale, aussi diverses que les tractations entourant le Guide alimentaire canadien et les pratiques et le financement douteux liés au programme de partenariats technologiques, d'une valeur de plusieurs milliards de dollars. Je suis aussi allé devant les tribunaux pour essayer d'obtenir, entre autres, des données cachées sur la sécurité du transport aérien et sur l'innocuité des médicaments.
    Depuis 1979, j'ai témoigné devant des comités parlementaires en vue d'amener le gouvernement fédéral à rendre plus de comptes. Une de mes interventions a aidé à faire adopter une modification à la Loi sur l'accès à l'information, qui a établi des sanctions pour l'altération des documents fédéraux.
    Le projet de loi sur l'imputabilité, tel que je le vois, était porteur de grands espoirs mais a accouché de bien peu. Je vais expliquer brièvement trois grandes lacunes qu'il contient et suggérer ensuite certaines améliorations.
    Première lacune: le projet de loi C-2 élargit, au lieu de restreindre, la culture du « tout m'est dû à Ottawa ». Le texte conforte des groupes puissants. En effet, il élargit au lieu de restreindre les pouvoirs centraux du premier ministre et du cabinet qui n'ont pas à être justifiés. Par exemple, le premier ministre conserve son emprise directe sur le processus de sélection des candidats à des postes de haut fonctionnaire et le nombre de documents du premier ministre, de son cabinet et du cabinet auxquels le public n'a pas accès est accru. Ce texte de loi élargit tout dans la mauvaise direction.
    Les sous-ministres et administrateurs généraux se voient aussi accorder plus de pouvoir et d'argent. D'immenses empires vont être créés grâce à ce projet de loi. Ils deviennent les administrateurs des comptes, les gestionnaires d'un plus grand nombre de vérifications, les arbitres de la conduite déontologique dans les ministères et les gardiens de la communication des renseignements. Il ajoute aussi une nouvelle catégorie coûteuse et puissante de dirigeant de société d'État au groupe toujours croissant des cadres supérieurs, et je peux vous assurer que cela a déjà commencé.
    Le projet de loi C-2 prévoit des ententes spéciales de confidentialité pour certaines sociétés d'État comme Exportation et Développement Canada, la Société canadienne des postes et Énergie atomique du Canada Ltée. C'est le signe qu'Ottawa est disposé à voir des centaines d'autres organismes gouvernementaux se soumettre à des normes plus souples de reddition de comptes. Il est évident que les tribunaux verront les choses du même oeil -- je suis souvent allé devant les tribunaux -- tout comme les centaines de sociétés de l'extérieur qui font affaire avec Ottawa et qui voudront, elles aussi, avoir moins de comptes à rendre.
    Sans compter que, grâce au projet de loi, les lobbyistes -- les grands gagnants dans cette affaire -- exerceront plus d'influence, et non moins, à Ottawa et pourront poursuivre la plus grande partie de leurs activités en secret.
    Certains organismes fédéraux ne sont pas couverts par le projet de loi, comme ceux du secteur de la défense et du renseignement de sécurité, des organismes qui devraient être soumis à des examens plus attentifs.
    La deuxième lacune -- j'essaie de recenser ce qui cloche dans ce texte parce que je veux le corriger -- c'est qu'il instaure un système mou et opaque d'examens et de vérifications. La transparence en prend pour son rhume. Plusieurs hauts fonctionnaires du Parlement se voient attribuer un pouvoir de vérifier les abus qui est sans effet. Leur champ d'activité est restreint, car il y a des activités et des dossiers clés du gouvernement qui sont tout à fait en dehors de leur mandat. Ils sont limités, aussi, dans les rapports qu'ils peuvent présenter et les propos qu'ils peuvent tenir. Parce que leur capacité de faire appliquer la loi est limitée et qu'on ne leur donne pas les moyens de coordonner les enquêtes, les hauts fonctionnaires du Parlement sont sans pouvoirs réels.
    La fonction de vérification interne s'affaiblit et devient plus opaque. Le cadre de référence des vérifications est nettement entre les mains des gestionnaires. Les pratiques de passation de marché seront encore plus lâches à cause de l'assouplissement des règles et de méthodes expéditives.
    Le relâchement considérable du degré d'examen public auquel les vérifications sont soumises n'améliorera pas les choses non plus. Une bonne partie du processus de vérification s'entoure de secret pour une période pouvant aller jusqu'à 15 ans. Oui, j'étais de ceux qui recevaient les versions préliminaires des vérifications dans l'affaire des commandites. N'oubliez pas que les vérifications portent sur des questions vitales pour notre sécurité, comme les transports aériens et l'innocuité des médicaments. On a tendance à l'oublier.
    Les pouvoirs d'examen du vérificateur général ne sont pas vraiment élargis. Sheila Fraser a déjà dit au comité que le projet de loi C-2 n'accorde pas à son bureau la structure lui permettant d'examiner et de vérifier les livres des entreprises, sauf dans des cas très rares où le problème vient d'actes répréhensibles du gouvernement plutôt que d'une entreprise. Son bureau ne peut obtenir que des dossiers du gouvernement.

  (1620)  

    Je pourrais m'étendre sur la transparence mais je réserve le bon morceau pour la fin.
    La troisième et dernière lacune, c'est que le texte suscite de faux espoirs quant à l'amélioration du rendement et de la conduite du gouvernement. En effet, ses objectifs de reddition de compte sont très limités. Au sujet des dépenses, il n'y a pas de préambule qui énonce les obligations en matière de service publique et le droit à des programmes gouvernementaux de qualité et à une bonne reddition de comptes.
    En effet, qui, en vertu du texte, est chargé de vérifier les mesures que prend Ottawa pour atténuer les disparités de revenu, le problèmes de santé et de sécurité et la détérioration de l'environnement, et d'en faire rapport? Il s'agit-là de codes de conduite ministériels et de gestion. Ces codes ne figurent pas dans les lois. Ils sont donc d'une utilité mitigé parce qu'ils sont facilement modifiables, et donc suspects.
    Ces codes, établis par des gestionnaires, risquent de nuire plutôt que d'aider les employés à fournir des services complets à la population ou à dénoncer les obstacles qui les empêchent de fournir des services de qualité.
    Les codes de conduite sur le service ne feraient pas en sorte, légalement, que les documents sur les décisions puissent être conservés. Mais ça, c'est un vrai code; c'est la loi. Ces codes ne protégeraient pas non plus le droit de la population d'être renseignée sans tarder sur les questions de santé, de sécurité, d'environnement et de consommation.
    La seule vérification des dépenses antérieures que promet le projet de loi C-2 est un examen interne unique des contrats de publicité et de sondage d'opinion. Aucun mécanisme parlementaire permanent n'est prévu pour examiner les normes de reddition de comptes et la prestation des services.
     Le texte ne répond pas aux attentes, car il n'énonce pas d'objectifs et de normes concernant les comptes à rendre sur la qualité du rendement avec une surveillance satisfaisante de la part du Parlement, et ne fait pas le lien entre les codes de conduite et la promotion de la démocratie et des droits prévus par la charte.
    C'est pourquoi, dans un esprit constructif — dans un mémoire plus long préparé antérieurement — j'ai énoncé une dizaines de points qui seraient à améliorer et à modifier non seulement en matière d'accès mais d'un bout à l'autre du projet de loi. Il s'agit notamment d'ajouter une déclaration d'objet qui consacre les normes de reddition de comptes et le droit de savoir de la population à la lumière de la charte canadienne des droits, rendre les documents du premier ministre et des ministres accessibles aux citoyens ainsi qu'au Parlement; faire de la Commission des nominations publiques un organisme indépendant qui rend des comptes au Parlement plutôt qu'à une entité du bureau du premier ministre; traiter les sociétés d'État comme les autres organismes et réduire, au lieu d'augmenter, le nombre d'exemption et d'exclusions spéciales; accroître les connaissances de la population sur les activités des lobbyistes ainsi que les finances et les contrats gouvernementaux; diffuser les rapports de vérification et les rapports sur la santé, la sécurité, l'environnement et la consommation dès qu'ils sont terminés; rendre régulièrement publique une information explicite sur la rémunération et les avantages sociaux des titulaires de charge publique — je suis certain que tout le monde serait en faveur de cette idée; donner suite à l'engagement pris en faveur d'un commissariat à l'information plus stricte doté de pouvoirs de contraindre.
    Parmi les nouvelles idées, je propose de tenir des réunions publiques. Je ne parle pas du Cabinet mais des conseils et des commissions comme la CCN, qui devrait être obligée de tenir des séances publiques. Autoriser le vérificateur général à entendre les plaintes sur le travail et les méthodes du gouvernement, et y donner suite. Instaurer un peu plus de démocratie dans son bureau, également.
    Il devrait y avoir des sanctions pour l'altération, la non-communication et la falsification de documents financiers gouvernementaux; renforcer la coordination dans les systèmes de reddition de comptes au lieu de favoriser la création d'empire; et rendre possibles des enquêtes conjointes de la part de hauts commissaires du Parlement, comme le commissaire à l'information et le vérificateur général.
    Pourquoi ne pas aussi créer au Canada un centre international pour la transparence, la reddition de comptes et la lutte contre la corruption? Il faudrait également qu'un comité parlementaire soit désigné pour procéder à l'examen périodique des normes de redditions de comptes.
    Le projet de loi propose de légers changements, je le reconnais, mais rien qui puisse contrecarrer les mandarins et les structures de pouvoir d'Ottawa. Ils ne sont pas tenus de se justifier. Ils ne prévoient pas les cas d'exception; or, c'est cela que j'attends.
    La solution n'est pas de se presser pour adopter une autre loi qui rendra le gouvernement plus puissant, moins sensible aux besoins et encore plus à même de se réfugier derrière des portes closes. Je vous invite néanmoins quand même à faire du mieux que vous pouvez. On n'a nul besoin d'intensifier le gaspillage et les erreurs du gouvernement.
    Branchez-vous sur ce que je propose pour renverser la vapeur. Ottawa a besoin d'un gouvernement plus responsable, plus transparent, plus humain et plus crédible.
    Merci.

  (1625)  

    Merci, monsieur Rubin.
    Monsieur McKie, à vous la parole.
    Je m'appelle David McKie. Je suis journaliste au service du journalisme d'enquête de CBC News, qui s'est mérité des prix. Je suis ici pour vous parler, en mon nom personnel et aussi, par extension, au nom des autres journalistes qui utilisent la Loi fédérale sur l'accès à l'information, dans le but, je crois, d'aider la divulgation d'histoires qui sont importantes pour le grand public.
    Je suis également ici à titre d'éducateur, puisque j'enseigne l'utilisation de la loi aux étudiants en journalisme de l'Université Carleton et d'autres établissements, et aussi à titre d'auteur d'un livre publié récemment et intitulé Digging Deeper, dans lequel je traite de la manière d'utiliser cette loi. Je ne suis pas ici—je le répète, je ne suis pas ici à titre de représentant du réseau CBC. Certains d'entre vous en sont peut-être déçus.
    Depuis plusieurs années, je fais partie d'une équipe de journalistes qui ont utilisé cette loi pour mettre au jour des faits importants. Pour n'en citer que quelques-uns, il y a le fait que des essais cliniques menés à l'Hôpital pour enfants de l'est de l'Ontario qui ont causé la mort d'un petit garçon n'ont jamais été approuvés par Santé Canada—Anne MacLellan était ministre de la Santé à l'époque—ou encore le fait que la base de données de Santé Canada sur les effets indésirables des médicaments indique que le nombre d'enfants ayant souffert d'effets indésirables de médicaments d'ordonnance a triplé depuis 1997, à l'insu du ministère; le fait qu'environ le tiers des personnes âgées de notre pays prennent des médicaments d'ordonnance qu'ils ne sont pas censés prendre, soit parce que les médicaments en question sont dangereux, soit parce qu'il y aurait des solutions de rechange plus sûres, et beaucoup de ces personnes âgées deviennent des statistiques dans la base de données de Santé Canada sur les effets indésirables des médicaments, laquelle est maintenant accessible en ligne.
    Toutes ces histoires et bien d'autres encore, que nous avons publiées, n'auraient pas pu être racontées sans la Loi sur l'accès à l'information. Et encore, il nous a fallu nous battre pour obtenir des documents dans les affaires que je viens d'énumérer. Il a fallu des années pour pouvoir prendre connaissance de la base de données de Santé Canada sur les effets indésirables des médicaments. Dans le cas des essais cliniques, il nous a fallu deux tentatives pour obtenir les documents pertinents.
    Si l'on prend du recul pour examiner la mise en application de cette loi, on peut s'attarder à des histoires comme la fameuse affaire « Shawinigate » et les démêlés dans lesquels l'ancien premier ministre Jean Chrétien s'était trouvé empêtré. Et puis, bien sûr, nous connaissons tous le scandale des commandites, l'une des raisons qui expliquent la configuration politique actuelle et l'une des principales raisons pour lesquelles nous sommes tous réunis aujourd'hui dans cette salle pour discuter de la nécessité d'une responsabilité accrue.
    Je dois aussi signaler que ce ne sont pas seulement les journalistes qui ont réussi à utiliser cette loi. J'ose dire que les politiciens aussi s'en sont servis avec beaucoup de succès. Tous les partis ont réussi à dénicher des renseignements qui, dans certains cas, ont mis le gouvernement dans l'embarras et surtout ont permis de révéler des lacunes dans les politiques publiques.
    Mon collègue Ken Rubin a déjà expliqué ses préoccupations et je les partage; nous en avons discuté avant notre comparution. Ce qui m'inquiète encore davantage, c'est que la quantité d'information à laquelle nous avons droit s'est réduite comme une peau de chagrin, au point que dans certains cas il n'en reste que des miettes.
    Hier encore, j'ai déposé deux autres plaintes au Bureau du commissaire à l'information, l'une contre le ministère de la Défense nationale à propos de frais atteignant des milliers de dollars, et une deuxième contre Affaires étrangères et Commerce international pour m'avoir refusé un document—la lettre de mandat de David Emerson—qui, je crois, devrait être du domaine public. Pourquoi ce refus? Nous sommes aussi engagés dans une autre bataille contre Santé Canada au sujet de sa base de données sur les effets indésirables des médicaments, et cette bataille pourrait se retrouver en cour fédérale, ce qui coûterait beaucoup trop de temps et d'argent à toutes les parties en cause.
    Le mois dernier, j'ai révisé un article paru dans le magazine de l'Association canadienne des journalistes, Media Magazine, écrit par une ancienne élève de maîtrise à l'école de journalisme de l'Université de Colombie-Britannique, qui raconte les frustrations et les menaces—oui, les menaces—qu'elle a subies quand elle a essayé d'obtenir de Transports Canada des renseignements sur les exemptions invoquées pour refuser aux journalistes des renseignements après les attentats du 11 septembre à New York, à Washington et en Pennsylvanie. J'ai ci un exemplaire de cet article, si quelqu'un est intéressé à le lire, et je vous invite à le faire, parce que c'est troublant.
    Nous sommes donc déjà confrontés à beaucoup d'obstacles sans avoir à en subir de nouveaux. Ce qui me préoccupe, c'est que dans bien des cas, les ministères ne respectent pas l'esprit de la loi; au lieu de cela, les fonctionnaires choisissent d'en donner une interprétation étroite et d'appliquer généreusement le régime d'exemptions, par exemple pour tout ce qui constitue des conseils au ministre ou ce qui touche à la sécurité, dans le but de conserver des renseignements secrets. Cela veut dire, bien souvent, qu'il est de plus en plus difficile pour nous de faire des reportages, par exemple sur la sécurité dans les aéroports, sur des problèmes que certains éléments de la population peuvent avoir avec des médicaments d'ordonnance, ou encore sur la manière dont les services correctionnels traitent les délinquants dangereux, une question qui préoccupe vivement le gouvernement actuel. Toutes ces histoires ne sont pas racontées alors qu'elles devraient l'être.
    J'accueille donc favorablement toute initiative qui assujettirait à la loi les fondations et les sociétés d'État, y compris la mienne.

  (1630)  

    Je pense que l'esprit de la loi est de promouvoir l'ouverture et la transparence et qu'il y a lieu de s'en féliciter. Je vous exhorte seulement à faire attention aux lacunes de la loi, aux passages vagues, à l'ajout d'exemptions et à tout autre obstacle pouvant en bloquer l'application. Ken en a déjà traité.
    Je vous exhorte aussi à réclamer davantage d'argent — et ça, c'est important — pour que les ministères puissent doter convenablement en ressources humaines leurs services d'AIPRP. Trop souvent, j'ai fait affaire avec des fonctionnaires débordés et croulant sous une avalanche de demandes. Il en résulte de longs délais. Vous pouvez opérer toutes les réformes que vous voulez, mais si les bureaux d'AIPRP manquent de personnel, l'information qui doit sortir bloque dans le proverbial goulot d'étranglement. Tout retard dans l'information est un délit d'information.
    Enfin, je vous demanderais de vous dépêcher d'agir. J'ignore combien de reportages j'ai faits sur les efforts faits pour étudier la loi. On l'a étudiée et on en a discuté ad nauseam, mais toutes ces études ont débouché sur trop peu de réformes superficielles alors que cette loi mérite une refonte complète. Vous avez donc l'occasion de faire une différence, de corriger ce qu'un ancien premier ministre a appelé le déficit démocratique. Un nombre croissant de pays adoptent leurs propres lois en la matière; le Canada peut et doit être un modèle d'ouverture et de transparence.
    Merci.

  (1635)  

    Merci.
    Monsieur McKie, monsieur Rubin, vous êtes tous les deux des experts reconnus en la matière. Nous avons des questions à vous poser.
    Monsieur Owen.
    Merci à tous les deux d'être ici et merci pour les efforts que vous avez faits dans le passé en faveur d'un gouvernement plus ouvert. Je pense que vous avez tous les deux énoncé de manière très succincte les principes de base d'un gouvernement ouvert, c'est-à-dire une grande facilité d'accès et un nombre limité d'exemptions relatives à d'éventuels préjudices.
    Merci, monsieur Rubin, pour votre mémoire plus étoffé, qui renferme beaucoup de commentaires et de suggestions. Je suis un peu perplexe au sujet de votre suggestion d'inscrire le droit d'accès à l'information dans la charte. J'ai des réserves parce que je soupçonne que ce serait une entreprise fort complexe. Avez-vous en tête une disposition précise où inscrire cela et une méthode précise pour le faire?
    Oui. Cela figurerait dans la disposition sur l'objet. Et ayant plaidé devant les tribunaux — je ne suis pas avocat — où le droit de savoir du public est considéré quasiment comme une affaire constitutionnelle, ce serait beaucoup mieux d'aller au-delà d'une simple interprétation de la loi et de l'inscrire carrément dans la loi, parce que cela donnerait beaucoup plus de poids aux arguments de ceux qui l'invoquent pour faire valoir leurs droits et aux décisions des tribunaux qui doivent interpréter la loi. D'ailleurs, à l'article 2, il est question de liberté d'expression et il est clair que dans le monde moderne, le droit d'accès à l'information en fait partie.
    Merci.
    Brian.
    Votre mémoire porte essentiellement sur l'accès à l'information, monsieur McKie. Évidemment, notre comité ne s'occupe pas tellement de la réforme de l'accès à l'information comme telle, mais plutôt de la responsabilité de manière générale.
    Est-ce que vous nous conseilleriez — votre exposé ne m'a pas éclairé sur ce point — d'adopter assez rapidement toutes les autres dispositions du projet de loi omnibus, hormis les répercussions minimes sur l'accès à l'information? Globalement, ce projet de loi ne porte pas seulement sur un meilleur accès à l'information; il comporte beaucoup d'autres volets.
    Je sais, mais certaines de mes suggestions, notamment d'augmenter le budget des bureaux d'AIPRP, peuvent être réalisés assez rapidement . Non, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de tout faire en même temps. Vous pouvez retrancher certains éléments et transmettre des signaux très clairs. Je me rappelle quand Ujjal Dosanjh était ministre de la Santé. L'une des premières consignes qu'il a données à ses fonctionnaires était: « Je veux que vous divulguiez les renseignements le plus rapidement possible », et c'était un signal qui venait du sommet. Tout cela est très facile à faire — aucun problème, aucun ennui.
    Avez-vous le sentiment que c'est l'orientation du nouveau régime proposé? Que les hauts fonctionnaires, depuis le sommet de la pyramide, que les ministres eux-mêmes doivent dire qu'il faut divulguer l'information le plus rapidement possible, pour reprendre vos propres termes?
    Je m'attendrais à ce que ce soit le cas.
    Mais quelle est votre réponse?
    Je ne sais pas.
    Très bien.
    Monsieur Rubin.
     À mes yeux, la partie de cette loi qui traite de la transparence n'est pas complètement séparée. Oui, il est clair qu'il y a eu un mouvement vers davantage de secrets et de protection, mais voyez toutes les autres dispositions, depuis l'article 1 jusqu'à l'article 4, sur la dénonciation, la divulgation des contrats... Je dirais que c'est plutôt l'inverse: de manière générale, tout cela est exempté. Prenez les vérifications, prenez toutes les autres parties de la loi, vous y trouverez des éléments subtiles et d'autres pas subtiles...comme les sondages et la date à laquelle ils peuvent être publiés. On y trouve une foule de choses qui sont assurément liées à la transparence. On ne peut pas séparer les deux.
    L'une des mesures les plus faciles à prendre — et vous n'aviez pas besoin de cette mesure législative compliquée, qui est habilement rédigée de manière à donner plus de pouvoir, et non plus de transparence — ce serait d'inscrire par exemple à l'annexe 1, à la rubrique de la Loi sur l'accès à l'information, les sociétés d'État, qui y figurent en partie, mais si vous ne leur donnez pas de privilèges spéciaux dans d'autres dispositions, vous pourriez les assujettir à la loi. À la disposition qui, pour éviter tout malentendu, précise que les frais d'administration générale englobent les frais de déplacement, si vous aviez ajouté que, puisque l'affaire est maintenant devant les tribunaux, les dossiers du premier ministre et des ministres sont visés, c'est tout ce qu'il vous fallait faire. Cela aurait dissipé tout malentendu au sujet de l'interprétation.
    Enfin, il y a dans cette loi des choses qui pourraient être bien faites. Il y a des gens qui ont participé à la rédaction de cette loi et qui savaient ce qu'ils faisaient, et il y a des gens sur qui on ne peut compter pour faire de notre société une société généreuse et crédible chapeautée par un gouvernement qui agit en notre nom.

  (1640)  

    Merci.
    Je trouve intéressant que vous nous invitiez à envisager de puiser dans les huit recommandations du commissaire Reid pour apporter des amendements et aussi le fait qu'il n'a pas englobé le pouvoir d'ordonnance, auquel il s'oppose. Je me demande si vous êtes en faveur des amendements qu'il a proposés et ce que vous pensez du pouvoir d'ordonnance.
    Il est assez notoire que je n'appuie pas toutes les suggestions de M. Reid. Je suis en faveur d'une loi sur le droit du public de savoir, plutôt que d'une simple loi préconisant un gouvernement ouvert. Je ne crois pas qu'une loi dérogatoire invoquant l'intérêt public donnerait grand-chose, puisque l'expérience a été tentée dans les provinces. C'est pourquoi — et je sais que Dave McKie sera d'accord avec moi — ce qu'il faut vraiment, ce sont des mesures actives et énergiques de divulgation des rapports sur la sécurité environnementale, sur la santé et sur la consommation, un véritable programme de divulgation dans le cadre duquel on obtient au préalable le consentement des parties, qui fait l'objet de négociations entre les autorités fédérales et provinciales et qui débouche sur la volonté commune de divulguer le tout sur la scène internationale.
    Ce que nous ne voulons pas, ce sont des mesures qui ne font pas progresser le dossier. Alors quand M. Reid fait avancer les choses et propose une obligation concrète, l'obligation de fournir des documents, je suis d'accord avec cela. Mais vous devez avoir beaucoup d'autres devoirs, pas simplement des formules creuses du genre « dont on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'il soit utile au public ». Non, non, non! Nous voulons qu'on mette directement dans la disposition sur l'objet un code de conduite stipulant que la divulgation est un objet primordial de la loi et que vous êtes tenu de respecter ce code, non pas que vous devez raisonnablement, peut-être, appliquer un code du secret, car c'est bien ce que tout cela veut dire, au fond, si l'on gratte le verni des mots savants.
    Sur le même sujet, il n'est pas nécessaire que la divulgation courante de certains documents, rapports d'inspection, vérifications détaillées, ou quoi que ce soit, soit embourbée dans ce processus. Tout cela peut se faire directement. Cela aiderait grandement à renforcer la transparence, et je dirais même...
    Excusez-moi.
    Et cela soulagerait les services d'AIPRP.
    Absolument, ils croulent littéralement sous le poids des attentes.
    Votre temps est écoulé, monsieur Owen.
    Madame Lavallée.

[Français]

    J'ai retenu la remarque que vous avez faite, à savoir que l'accès à l'information dépendait en grande partie de la volonté politique. Vous connaissez sans doute l'existence du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique. En novembre dernier, un projet de loi portant sur la transparence a été proposé par le commissaire à l'information. Par la suite, le comité en a recommandé l'adoption, de façon à ce qu'il soit ensuite renvoyé à la Chambre des communes.
    À la reprise des travaux, j'étais très heureuse, à titre de représentante du Bloc québécois, de rappeler à ce comité la proposition qui avait été faite. Vous connaissez ce projet de loi sur la transparence. Il semblerait qu'à votre avis, monsieur Rubin, il ne va pas assez loin. Quoi qu'il en soit, j'ai vraiment été très surprise d'apprendre que mes collègues du Parti conservateur et du NPD ici présents avaient voté contre la motion.
    Je tiens à vous dire que dans le cas présent, je trouve que cette volonté politique fait défaut. Mes collègues auront peut-être l'occasion d'expliquer les motifs de leur décision.

  (1645)  

    Peut-être avez-vous raison, mais pour le moment, c'est très difficile à dire.
    Cette volonté politique est...
    Les relations entre les journalistes et le cabinet de M. Harper font en sorte que c'est très difficile de répondre à cette question. Comment savoir ce qui se déroule à huis clos, par exemple?
    Je n'avais l'intention de parler ni des relations houleuses qui prévalent entre la presse et M. Harper ni de son désir de contrôler la période de questions lors des conférences de presse. Cependant, si vous désirez le faire, cela me fera plaisir.
    Monsieur Rubin, est-ce que je peux vous poser quelques questions?

[Traduction]

    J'allais justement dire que les documents se passent d'explications. Alors quand on reçoit du Bureau du Conseil privé un document dans lequel on compare le rapport final de la Commission Gomery à la Loi fédérale sur l'imputabilité, et quand on obtient l'évaluation du BCP et que toute l'affaire est décrétée visée par une exemption, voilà le genre d'obstacles auquel nous sommes confrontés. Nous avons un problème et nous l'avons étudié à mort. Il faut aller de l'avant. Mais tout le monde à Ottawa semble avoir un état d'esprit voulant que le secret est valable. Non, il ne l'est plus, si vous voulez que les gens vous fassent confiance, et je pense que c'est ce que vous voulez tous.
    Je me rappelle ce rapport bleu... Blaine Thacker était le président. J'ai comparu devant le comité qui procédait à l'examen prévu par la loi. C'était un exercice non partisan. Tous convenaient qu'il fallait des réformes. Il aurait fallu les faire en 1987. Alors tournons la page et allons-y.

[Français]

    Monsieur Rubin, je vous remercie de nous avoir présenté votre mémoire ainsi que vos recommandations. Trois d'entre elles devraient, selon moi, recevoir très rapidement l'aval du Parti conservateur.
    Dans votre deuxième recommandation, vous parlez de rendre les documents du premier ministre et des ministres accessibles au public. Or, à la page 13 du programme des conservateurs, on dit qu'un gouvernement conservateur rendra l'exclusion des documents confidentiels du Cabinet sujette à l'examen du commissaire à l'information. J'ai donc l'impression que les conservateurs seront tout à fait disposés à amender le projet de loi C-2, de façon à se conformer à ce principe.
    Au point 4, vous parlez de traiter les sociétés d'État comme les autres organismes et de réduire, au lieu d'augmenter, le nombre d'exemptions et d'exclusions spéciales. Toujours dans le même document, à la page 13, on peut lire qu'un gouvernement conservateur assujettira à la loi l'ensemble des sociétés d'État, des hauts fonctionnaires du Parlement, des fondations et des organismes qui dépendent de l'argent des contribuables ou exercent des responsabilités publiques. Voila qui devrait les toucher assez rapidement.
    Vous parlez, au point 3, de donner suite à l'engagement pris en faveur d'un commissaire à l'information plus strict. Or, comme ma collègue me l'a fait remarquer, les conservateurs ont par ailleurs écrit qu'un gouvernement conservateur appliquerait les recommandations du commissaire à l'information sur la réforme de la Loi sur l'accès à l'information. Malgré ce qu'ils ont affirmé pendant la campagne électorale, les conservateurs ont voté contre la motion.
    Vous nous recommandez d'inclure cela dans le projet de loi C-2, et j'ai l'impression que ça ne tombera pas dans l'oreille d'un sourd. Parce que vous leur rappelez les belles promesses qu'ils ont faites, les conservateurs vont sans doute manifester leur intention de mettre ces dernières en pratique. 
    Ma question s'adresse à vous deux. Si demain matin le projet de loi C-2 était adopté tel quel, donc sans le moindre amendement, est-il certain qu'un nouveau scandale des commandites ne pourrait pas avoir lieu?
    Pour ma part, je dirais non.
    Quel est votre avis, monsieur Rubin?

[Traduction]

    Eh bien, je suis l'un de ceux qui ont invoqué la Loi sur l'accès à l'information de manière conservatrice pendant le scandale des commandites pour obtenir les notes des vérificateurs, les listes des différentes commandites, et premièrement, j'ai eu énormément de misère à convaincre les médias qu'il y avait là matière à scandale. Mais non, cela va rendre la situation encore bien pire.
    Écoutez, comment pourrais-je vous lancer un appel qui va vous interpeller? Je me rappelle quand le premier ministre Mulroney a envoyé une note de service, ou peut-être était-ce ses collaborateurs du Bureau du Conseil privé qui l'avaient fait, disant : « Vérifiez si vous allez rendre publics mes frais de déplacement à l'étranger aux termes de la Loi sur l'accès à l'information; je dois le savoir pour pouvoir modifier en conséquence ma note de frais ». Pourtant, ce même monsieur, après avoir quitté le gouvernement, m'a demandé d'obtenir ces dossiers parce qu'il estimait être victime d'abus dans le dossier Airbus de la part d'un autre gouvernement. Alors, quand on crache en l'air, cela vous retombe sur le nez.
    Mettons en place les mêmes règles pour tout le monde. Tous devraient tenir leurs promesses. Je pense que nous sommes conscients qu'il est grand temps que nous vivions dans un monde différent.
    Nous avons l'Internet. Nous avons beaucoup de crédibilité dans beaucoup d'autres filières d'information. Nous devons faire du rattrapage, faute de quoi il n'y aura pas d'imputabilité, et tel n'est pas le but de cette loi.

  (1650)  

    Merci, monsieur Rubin.
    Monsieur Dewar.
    Merci. Je remercie les témoins de leurs exposés.
    Je crois que vous avez souligné l'importance des outils à la disposition de ce que j'appellerais, dans votre cas, le quatrième pouvoir pour accomplir une tâche qui fait, je crois, cruellement défaut dans notre société; c'est-à-dire de nous ouvrir une fenêtre sur les décisions prises et sur la façon dont elles sont prises. Il suffit de prendre un journal et d'en analyser les articles. Aujourd'hui, dans les journaux, on vous présente des articles en format tabloïd qu'on fait passer pour des nouvelles. Je trouve cela bien triste. Il faut ensuite faire une analyse pour trouver ce qui manque; pourquoi est-ce qu'on présente cela comme des nouvelles? À mon avis, vous nous avez présenté un fait réel, à savoir que nous n'avons pas accès à l'information; la fenêtre n'existe pas.
    Je ne peux pas contester les objectifs de ce projet de loi. Et je vous entends dire la même chose: ces objectifs sont louables. Le problème, comme l'a déjà signalé mon collègue M. Martin, c'est que nous n'avons pas de fenêtre qui nous permettrait de vérifier si ces objectifs sont atteints.
    J'ai apprécié ce que vous avez dit, M. Rubin, sur les pouvoirs octroyés à certaines personnes. M. McKie a parlé d'accès à l'information et M. Rubin, dans ses recommandations, a parlé de la nécessité de modifier la Commission des nominations publiques. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Nous allons présenter des amendements.
    Le fait qu'on essaie de modifier l'imputabilité par l'intermédiaire du CPM... la bonne gestion des affaires publiques ne devrait pas dépendre de la bonne volonté des responsables; elle doit être fondée sur de bonnes structures et sur les fonctions qui en découlent.
    J'aimerais connaître vos préoccupations concernant le lobbying, dont vous avez parlé. Commençons par là, M. Rubin, et par vos préoccupations concernant la structure du projet de loi. Je suis très préoccupé par le lobbying et par l'ascendant des lobbyistes dans la gestion des affaires publiques et auprès des décisionnaires. Pouvez-vous nous donner des détails à ce sujet?
    Je suis suffisamment démocrate pour croire que des gens influents payés un dollar par an, ou un petit groupe de lobbyistes, n'ont pas une interaction saine avec la population canadienne; ce n'est pas la seule forme de pression qui soit justifiée. Une loi comme celle-ci renforce leur aptitude à infléchir le gouvernement, au lieu de la limiter; elle ne sert les intérêts de personne.
    Si les activités importantes ne sont pas consignées... On peut avoir un registre indiquant qu'un lobbyiste agit pour telle personne ou pour telle compagnie, mais il serait préférable de pouvoir demander: « Que faisiez-vous à Industrie Canada, au Programme du partenariat technologique, lorsque des subventions ont été accordées à Pratt & Witney, et quelles conversations avez-vous tenues à l'époque? » C'est bien différent.
    Si vous me permettez d'intervenir, vous préconisez une divulgation intégrale des tractations entre les fonctionnaires et les lobbyistes, et non pas une simple indication du moment où ils se sont rencontrés et de ce qu'ils ont mangé.
    C'est exact.
    Je veux bien aussi parler brièvement de la Commission des nominations publiques, car elle est au coeur même des inconvénients de ce projet de loi, et je suppose que ce que vous essayez de faire, par vos amendements — et j'espère qu'il y en aura beaucoup d'autres — c'est de rendre la mesure plus constructive.
    Mais j'irais plus loin. Je considère que la Commission devrait être indépendante, choisie par le Parlement et régie par la Loi sur l'accès à l'information. J'ai ici une note d'information de la Commission de la fonction publique qui dit qu'au Royaume Uni, l'un des membres de leur commission vient de la commission de la fonction publique, dont les membres ont au moins une certaine expérience de ce que doit être une nomination fondée sur le mérite; par ailleurs, je considère que la Commission des nominations devrait être plus transparente.
    En Colombie-Britannique, le commissaire à l'information est choisi. Trois personnes se présentent devant un comité législatif qui évalue la nomination et rend sa décision. On ne se contente pas d'un candidat choisi par le premier ministre. C'est une procédure véritablement transparente.

  (1655)  

    Monsieur McKie, avez-vous une observation? Non.
    J'aimerais poser une question à M. McKie en ce qui concerne l'accès à l'information et les autres juridictions. C'était quelque chose sur lequel vous vous concentriez et vous en avez un peu parlé.
    D'après vous, afin que nous ayons le meilleur système d'accès à l'information, est-ce qu'on pourrait le baser sur un modèle qui existe actuellement? Faudrait-il suivre un modèle qui existe déjà ou avez-vous votre propre modèle en tête?
    Eh bien, avant le 11 septembre, j'avais dit que les États-Unis étaient un modèle à suivre. Mais maintenant la situation est un peu plus compliquée. C'est pour ces raisons que je crois que nous avons une réelle occasion de devenir des leaders.
    D'accord.
    Monsieur Lukiwski.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais vous poser une brève question. Je suis persuadé que mes collègues ont d'autres questions à vous poser. Je pose ma question à M. McKie, mais M. Rubin pourrait répondre également.
    Si vous croyez que la CBC devrait révéler ses sources pour les nouvelles histoires telles que l'a suggéré le commissaire à l'information?
    Non.
    Pourquoi?
    Eh bien, je crois que les tribunaux ont déjà tranché sur cette question. Si nous étions obligés de le faire, ce serait très difficile d'obtenir des personnes qui voudraient nous parler.
    Alors, je dois répondre non.
    En d'autres termes, il existe des exemptions où des ministres à l'accès à l'information et en voilà un exemple.
    Oui, bien sûr. Si je dois me présenter devant un tribunal je le ferai, mais je ne vais pas divulguer mes sources et je crois que mes collègues feraient de même.
    Très bien. En passant, je suis d'accord avec vous.
    Monsieur Rubin.
    À partir du premier ministre, nous nous trouvons dans une situation où on est axés sur une situation en particulier. Il y a toutefois un programme plus vaste, soit celui d'imposer le bâillon aux mandataires du gouvernement. Ces mandataires, tels que le commissaire à l'information ne devraient pas avoir certains pouvoirs de réserve et ne devraient pas divulguer certaines informations. Ils ont besoin d'avoir le pouvoir de donner l'ordre. Ils devraient avoir le droit d'étudier plus de dossiers. Ils ne devraient pas être exclus parce qu'il s'agit d'une question de secret du cabinet. Ils ne devraient pas être exclus tout simplement parce que ça pourrait être une source en provenance d'un journaliste. Je crois qu'ils seraient protégés. Je crois que tout le monde est d'accord avec ça.
    Si vous regardez comment tous les autres articles de ce projet de loi sont conçus — je ne voulais pas en parler mais je vais le faire — si vous considérez l'exclusion de la CBC dans la loi... En passant, ce n'est pas la même chose pour la Loi sur la protection des renseignements personnels. N'est-ce pas curieux? C'est très large. On n'y parle pas seulement des sources journalistiques. On y parle également de cette chose terrible qui a été présentée dans ce projet de loi, soit que tout ce qui ne relève pas de l'administration générale devrait être exclu.
    Nous parlons de la couverture des sociétés d'État, si elles devraient être couvertes ou non et à quel point, et si le premier ministre devrait être couvert ou non. Mais on semble avoir oublié la base de cette histoire, soit les dossiers publics. La définition du terme « dossier » est inexact, et indique qu'il s'agit plus de documents. Nous sommes prêts à limiter les documents qui peuvent être lus à la machine. Nous sommes prêts à exclure les catégories de dossiers qui ne relèvent pas de l'administration générale, y compris la CBC.
    Quelqu'un ici s'est trompé. C'est déplorable parce que ça renverse 25 ans d'expérience qui ont été accumulés. On ne peut pas changer la définition d'un « dossier ». Vous ne pouvez pas dire à l'ère électronique que certains dossiers informatisés ne sont pas divulgués. Vous ne pouvez tout simplement pas décider que l'administration générale c'est le moyen le plus simple et que vous avez le divulguer et exclure le reste. Ça ne se fait pas.
    Je voudrais m'assurer d'avoir bien compris, monsieur Rubin. D'après vous, est-ce que Radio-Canada devrait oui ou non révéler ses sources?
    Elle ne devrait pas les révéler, évidemment.
    J'aimerais intervenir brièvement sur la notion de document. Actuellement, un document peut être n'importe quoi, un morceau de papier, le contenu de ce pichet, ou une base de données. Je pense que Ken a raison. Si on commence à jouer avec cette définition, on va empêcher la constitution de bases de données comme celles des effets indésirables des médicaments; on ne pourra plus écrire d'articles concernant les effets de certains médicaments sur certains groupes de population. Il suffit de voir les dossiers importants comme le rappel du Vioxx, les problèmes des inhibiteurs spécifiques du recaptage de la sérotonine ou les effets des antidépresseurs sur les enfants.
    Il ne faut pas donner de définition restrictive de la notion de document. Des ministères pourraient s'en tenir à la lettre de la loi et dire : « Non, la loi ne donne pas d'indication très précise; par conséquent, nous allons exclure ce document ». Je sais sur quelle voie nous nous engageons.

  (1700)  

    Je pense que les 40 minutes sont écoulées.
    Messieurs, je vous remercie de votre présence. Vous avez été très efficaces.
    Si des députés souhaitent envisager des amendements constructifs, je suis sûr que moi-même ou M. McKie ou bien d'autres seront prêts à les aider. Le plus tôt sera le mieux, car la transparence est essentielle actuellement.
    Merci, monsieur Rubin.
    Nous allons interrompre la séance pendant quelques instants.

    


    

    Veuillez vous rasseoir, s'il vous plaît. Nous avons le quorum. Nous allons passer à la dernière partie de cette réunion.
    Monsieur Paul Thomas, de l'Université du Manitoba, soyez le bienvenu.
    Vous avez quelques minutes pour faire une déclaration, puis les membres du comité vous poseront des questions.
    Parfait. J'ai fait distribuer un document.
    Nous l'avons.
    Je vais essayer de la parcourir rapidement. Je sais que vous avez hâte d'aller dîner, et que vous avez travaillé très fort.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de présenter mon point de vue sur cette loi d'ensemble très complexe. Par sa nature même, elle ne se prête guère au jugement catégorique qui en ferait une bonne ou une mauvaise loi, et avant qu'on puisse distinguer les bonnes parties des mauvaises, il y aura encore bien des discussions.
    J'ai travaillé pendant des années sur les questions d'imputabilité, de protection de la vie privée, d'accès à l'information, de responsabilité des sous-ministres, etc., aussi bien en tant qu'universitaire qu'en tant qu'expert-conseil auprès du gouvernement. J'ai essayé de présenter divers points de vue sur un certain nombre de sujets abordés dans le projet de loi C-2.
    Je vais commencer en disant que dans un régime démocratique, le centre de l'imputabilité doit être le Parlement. Je fais un genre de sermon aux parlementaires, en insistant sur la nécessité d'adopter une attitude plus positive et plus constructive dans l'imposition de l'imputabilité. En principe, ils doivent s'adresser aux ministres lorsqu'ils constatent que quelque chose va mal au sein du gouvernement, et les hauts fonctionnaires ne devraient répondre qu'indirectement et uniquement dans des circonstances précises et bien définies.
    Il me semble que le Parlement a trop tendance à jouer le jeu de l'imputabilité en cherchant des coupables. En matière de contrôle de la fonction publique, de rendement des ministères et des programmes, il faudrait insister davantage sur l'apprentissage et moins sur les accusations.
    Pouvez-vous ralentir un peu?
    Ralentir? D'accord, mais je surveille l'heure.
    Je sais. Je vais vous demander à la fois d'accélérer et de ralentir.
    D'accord.
    J'ai fait une étude concernant les hauts fonctionnaires du Parlement. On a augmenté le nombre des organismes indépendants qui sont au service du Parlement. Le Parlement ne peut pas surveiller l'ensemble des activités du secteur public sans aide, et il a besoin d'organismes auxiliaires comme les hauts fonctionnaires du Parlement, mais ils sont de plus en plus nombreux et nous devons veiller à ce que ces organismes trouvent le juste équilibre entre l'indépendance, non seulement à l'égard de l'exécutif, mais aussi à l'égard du Parlement, et l'imputabilité, essentiellement à l'égard du Parlement et, dans une moindre mesure, à l'égard du gouvernement.
    Pour clore mon introduction, je dirais que l'imputabilité est essentielle en démocratie, mais elle doit être compensée par d'autres valeurs, comme la bonne représentation, l'efficacité des programmes, la confiance au sein du gouvernement et la légitimité du gouvernement. Il faut éviter l'accumulation des mécanismes de surveillance de façon que la fonction publique ne consacre pas tout son temps à des activités de surveillance au détriment de l'action concrète.
    Je dirai quelques mots des dénonciateurs, puis je répondrai au plus grand nombre de questions possibles.
    Je crois en la nécessité d'une loi de protection des dénonciateurs; cependant, j'ai étudié ce qui se fait en la matière dans le monde entier, et les lois de protection des dénonciateurs sont généralement adoptées dans le sillage d'un scandale et surestimées quant à leur contribution à l'intégrité du gouvernement.
    En effet, les dénonciations interviennent dans des circonstances exceptionnelles et inhabituelles, c'est-à-dire en cas d'actes répréhensibles graves, qui ne se produisent pas tous les jours. Deuxièmement, elles concernent des personnes exceptionnelles: des fonctionnaires ou des personnes qui travaillent dans des programmes publics, qui ont suffisamment de courage pour s'exposer à des mesures de représailles, pour mettre leur carrière en jeu et qui dénoncent les actes répréhensibles sans céder au pessimisme.
    Je pense qu'en plus de protéger les dénonciateurs, il faudrait consacrer davantage de ressources et de temps à la promotion des actes non répréhensibles grâce à l'éthique et à l'éducation, pour aider les gens à comprendre ce qu'est un comportement moral et à agir avec intégrité au sein du gouvernement.
    On a à peu près renoncé, je crois, à l'idée d'incitatifs financiers destinés aux dénonciateurs. J'ai rédigé un long article sur la loi américaine concernant les fausses déclarations. Je serais heureux de vous le communiquer. C'est un bon remède à l'insomnie. J'en suis venu à la conclusion que cette loi a eu des effets pernicieux aux États-Unis. Ce n'est pas une bonne loi. Quelques personnes sont devenues millionnaires du jour au lendemain grâce à elle. Ce n'est pas une bonne idée. Elle n'est pas transposable au nord du 49e parallèle. Je ne proposerai rien de tel.
    Je suis tout à fait favorable à ce qu'on étende la protection contre les représailles à des non fonctionnaires: les organismes à but lucratif ou sans but lucratif qui appliquent un programme par contrat ou les organismes qui interviennent en matière d'approvisionnement. Je pense que c'est nécessaire dans le secteur public étendu que nous connaissons aujourd'hui.
    Je ne suis pas certain qu'un nouveau tribunal de protection des fonctionnaires soit nécessaire. Comme vous le savez, en vertu du projet de loi C-11, la Commission des relations de travail dans la fonction publique était chargée de la fonction attribué à ce nouveau tribunal. Je suis conservateur en matière d'institutions, et je ne vois pas la nécessité de créer ce nouveau tribunal.

  (1705)  

    Je considère approprié que les employés aient la possibilité de recevoir une aide financière pour obtenir des conseils juridiques. Je crois que cela sera nécessaire. Par ailleurs, toute la série de changements prévus par ce projet de loi entraînera la création d'un système juridique plus complexe qui sera marqué par une grande incertitude tant pour les employés de première ligne que pour les gestionnaires dont la liberté sera plus restreinte ou qui feront l'objet de plus de contraintes.
    En ce qui concerne l'accès à l'information, j'ai fait partie du comité consultatif du groupe de travail 2002. Ce groupe de travail était chargé de refaire la Loi sur l'accès à l'information. Je suis donc frustré par le retard à moderniser une loi qui est malheureusement dépassée.
    Par contre, je ne suis pas sûr que cela doit se faire dans le cadre de ce texte de loi en particulier. Je sais que l'on veut le faire, et c'est certainement l'intention du commissaire Reid, mais je crois qu'on aura le temps de le faire à l'automne et qu'il existe un comité chargé de le faire à la Chambre des communes.
    Je fais également partie du comité consultatif auprès du Commissaire à la protection de la vie privée, et je tiens simplement à réitérer ce que la commissaire Stoddart a dit à propos de la Loi sur la protection de la vie privée, à savoir qu'il est grand temps de la moderniser.
    Mon mémoire aborde brièvement le bureau du budget parlementaire. J'ai l'impression que l'on veut s'inspirer du congressional budget office qui existe aux États-Unis pour créer un bureau similaire ici sur la colline du Parlement au centre-ville d'Ottawa. Ce bureau n'aura jamais le pouvoir que détient le CBO aux États-Unis. Le CBO dispose d'un budget de 35 millions de dollars et d'un effectif de 760 employés. Ce que l'on envisage ici c'est un petit service relevant de la Bibliothèque du Parlement.
    Le Parlement doit trouver une meilleure façon d'améliorer l'examen du budget des dépenses et les centaines de rapports de rendement qui sont déposés aujourd'hui et qui passent inaperçus, sans être lus ou utilisés. Il ne s'agit pas simplement de la qualité de l'information. Il n'y a pas suffisamment de députés qui se sont consacrés à cette tâche.
    Pour ce qui est de l'imputabilité des sous-ministres, je ne considère pas qu'il s'agit d'un changement radical, à condition qu'elle soit définie étroitement à des fins financières et de gestion, que le sous-ministre ait l'occasion de faire rapport de l'utilisation imprudente de fonds publics lorsqu'on lui ordonne de le faire, et que si les sous-ministres sont responsables devant les comités parlementaires, qu'ils ne le soient pas selon la véritable définition du terme, à savoir que le comité ne peut pas imposer des sanctions ou accorder des récompenses aux sous-ministres.
    En ce qui concerne la commission des nominations publiques, j'ai préparé un document en 1985 qui examinait le rapport du comité McGrath. Ce comité avait fourni la possibilité aux comités permanents appropriés de la Chambre des communes d'examiner les nominations par décret, à l'exception des nominations judiciaires. Dès le départ, cela a donné lieu à des stratégies partisanes de part et d'autre. Le gouvernement demandait aux candidats libéraux d'assainir leur cv et de son côté l'opposition ne convoquait que des candidats controversés devant le comité, et cela donnait lieu à toutes sortes de manigances. Bien des gens ne veulent pas subir ce genre de choses. Donc, si on envisage de créer une commission des nominations indépendante du Parlement, il vaut mieux s'assurer qu'elle ait une vaste représentation et que ses conclusions soient rendues publiques. Si nous continuons d'utiliser le mécanisme parlementaire, je crains que cela risque de donner lieu à nouveau à des stratégies partisanes.
    Je considère qu'il est grand temps que l'on établisse une méthode uniforme de nommer les mandataires et les hauts fonctionnaires du Parlement, alors que nous sommes en train de multiplier ce genre d'organismes. Il subsiste encore des problèmes liés à l'équilibre entre l'interdépendance et la responsabilité de ces organismes parlementaires, surtout en ce qui concerne les nouveaux mécanismes de financement pour les organismes parlementaires. Vous avez reçu des rapports du comité plus tôt à ce sujet, et on m'y cite dans certains d'entre eux.
    Finalement, en ce qui concerne ce point, je dirais que plus on créera ce genre d'organismes, plus il faudra établir des liens entre eux et coordonner leurs activités, parce que différents hauts fonctionnaires du Parlement feront enquête. Nous devrons former un club quelconque et les obliger à porter des uniformes et à se rencontrer régulièrement, parce qu'ils se trouveront à travailler aux mêmes questions.
    Je terminerai en disant que l'on a décrit ce projet de loi comme un document de lutte contre la corruption et cela fait partie du discours politique qui l'entoure. Je crains que la couverture dont a fait l'objet la Commission Gomery, ce texte de loi et le discours qui l'entoure ne rendent le public encore plus cynique et découragé à propos de l'honnêteté et de l'intégrité du gouvernement.

  (1710)  

    Le juge Gomery a fait remarquer que seul un petit nombre de gens avait commis les actes répréhensibles sur lesquels il a fait enquête, et que la grande majorité des fonctionnaires, élus et nommés, font leur travail selon la loi, de manière efficace, avec diligence et intégrité.
    Il sera indispensable pour l'avenir d'établir un climat de confiance dans le gouvernement. Cette confiance a été gravement minée, et nous devons la rétablir. Cela doit être fait à plusieurs niveaux. Le Parlement a un rôle à jouer à cet égard en adoptant une approche plus constructive en matière d'imputabilité.
    Enfin, monsieur le président, lorsqu'il s'agit d'examiner minutieusement les activités des ministères et des programmes, le gouvernement doit faire preuve de plus de souplesse, pour ce qui est de la discipline de parti, et autoriser des comités à examiner les activités des ministères, des programmes, sociétés d'État et d'autres organismes non gouvernementaux avec moins de contrôle gouvernemental, et l'opposition devra adopter une approche plus constructive en déterminant comment elle peut aider le gouvernement à mieux travailler. Un grand nombre de ces questions ne se prête tout simplement pas au désaccord pour des raisons partisanes. Il existe beaucoup de possibilités de faire preuve de partisanerie, mais un grand nombre des questions concernant la façon d'améliorer le fonctionnement du gouvernement et son imputabilité ne se prête pas au théâtre des débats de parti.
    Je vous remercie.

  (1715)  

    Merci beaucoup, professeur Thomas. J'ignore comment vous avez fait, mais vous avez résumé un document très dense en dix minutes. Bravo.
    Nous avons des questions.
    Monsieur Tonks, vous avez la parole.
    Je vous remercie, monsieur le président, et je vous remercie, monsieur Thomas, pour cet aperçu.
    Monsieur Thomas, à la fin de votre exposé vous avez dit qu'on pouvait résumer la meilleure façon d'aborder la responsabilité devant le Parlement ainsi « il faut croire, mais vérifier ». Lorsque j'étais jeune, nous avions l'habitude d'ajouter, à la devise « In God We Trust » inscrite sur la pièce de 10 cents américaine, « Tous les autres paient comptant ».
    Si je donne cet exemple badin, c'est pour dire que nous devons établir une culture fondée sur la confiance. Vous avez signalé deux initiatives que propose le projet de loi. La première établit le rôle du sous-ministre en tant qu'agent financier responsable des dépenses. Vous avez, avec raison, indiqué que la situation n'a pas beaucoup changé à cet égard et que le sous-ministre est responsable devant le Parlement par l'intermédiaire du ministre. Je suppose que ce serait une bonne façon de décrire la situation.
    Mais lorsque vous conjuguez cela à la notion d'un bureau du budget parlementaire, existe-t-il une façon d'améliorer le rôle de surveillance du comité? Parce que d'après mon expérience, lorsque l'on convoque un sous-ministre devant un comité, cela se fait plutôt pour la forme. Nous avons le budget et nous le parcourons en une journée environ. Il ne s'agit pas vraiment de l'obligation de rendre des comptes en matière financière dont vous avez parlé dans votre document. Pouvez-vous aider le comité à comprendre comment combler cette lacune en matière d'imputabilité? Est-ce que cela pourrait en fait se faire par l'entremise du comité, de l'agent du budget ou par l'amélioration quelconque de l'obligation sous-ministérielle? Est-ce que cela ne contribuerait pas considérablement à établir cette culture de la confiance dont vous parlez, afin que les gens aient confiance dans la façon dont fonctionne le système?
    Ce n'est pas parce que les comités parlementaires ne peuvent pas imposer de sanctions aux sous-ministres, que les sous-ministres ne prennent pas au sérieux leurs comparutions devant les comités. Je les connais. J'ai interrogé les sous-ministres. Au fil des ans, j'ai travaillé pour la commission Lambert sur la gestion financière et pour le Conseil du Trésor sur la réforme du processus d'approvisionnement. J'ai fait un tas d'études ici sur la Colline du Parlement.
    C'est sans doute l'aspect le plus frustrant du processus parlementaire. Vous avez ces énormes dépenses gouvernementales devant vous. Vous tâchez de comprendre de quoi il s'agit, et c'est loin d'être facile. Vous devez le faire dans des contraintes de temps entre autres. Donc je pense qu'une aide supplémentaire, surtout pour ce qui est de l'examen minutieux des dépenses et des activités des ministères par le personnel professionnel rattaché à la Bibliothèque du Parlement est appropriée. Comme je l'ai mentionné dans le document, il peut exister d'autres options de dotation en personnel.
    Pour ce qui est des recettes budgétaires, je pense que cela peut vraiment faire l'objet d'un débat politique sérieux. C'est un aspect dont il faut parler dans une perspective politique très générale -- c'est-à-dire la position que vous voulez adopter en matière de fiscalité et de dépenses.
    Lors des séances pendant lesquelles le sous-ministre est présent, je crois que le gouvernement doit se montrer un peu plus souple et parler de certains des aspects dont on ne discute pas habituellement afin d'aller au fond des choses et de déterminer les raisons pour lesquelles les choses ont mal tourné.
    J'ai examiné les rapports de rendement. Des centaines de rapports de ce genre sont maintenant déposés. J'ai examiné deux années de prévisions budgétaires. J'ai trouvé deux mentions de ces plans et de ces rapports de rendement. C'est déprimant. Tous ces documents, tant en direct que sur copie de papier, sont préparés vraisemblablement pour promouvoir l'imputabilité. S'ils ne sont pas utilisés -- et ils ne sont pas utilisés de façon importante à l'interne non plus -- c'est un énorme gaspillage d'argent.
    D'autres pays que j'ai étudiés -- le Royaume-Uni, l'Australie et les principaux États des États-Unis -- ont réduit leurs exigences en matière de rapports de rendement. Pourquoi? Parce qu'on ne s'en sert pas. C'est une constatation déprimante et je suis désolé de vous l'apprendre. Donc, l'une des principales caractéristiques de cette nouvelle façon d'aborder l'imputabilité, serait que nous fassions rapport sur tout. Mais si les rapports ne sont pas utilisés...
    Donc oui, je veux que les fonctionnaires comparaissent devant le comité. Ils ont probablement besoin de règles plus claires quant à leur participation à ce genre de rencontre. Je crois que les fonctionnaires comprennent en quoi consiste leur rôle. Je pense que parfois les députés vont trop loin en amenant les fonctionnaires sur un terrain qui est plutôt politique, alors que les fonctionnaires ne devraient pas vraiment avoir d'opinion publique.
    Cette réponse était trop longue. Je m'en excuse.

  (1720)  

    Je vous remercie, non votre réponse était parfaite, professeur Thomas.
    Monsieur Owen.
    Professeur, je tiens à vous remercier de vous être joint à nous et de nous avoir présenté cette analyse exhaustive du projet de loi.
    J'aimerais aborder deux points. Étant donné que vous avez dû abréger votre exposé parce qu'il était tellement exhaustif, j'aimerais revenir à l'idée de cette bureaucratie parlementaire qui prend de plus en plus d'ampleur. J'ai parlé d'un univers parallèle à l'exécutif et au Parlement, à certains égards en raison de la responsabilisation assez vague de ces bureaux -- bien qu'ils aient une grande importance pour ce qui est d'étendre l'influence du Parlement au contrôle de l'exécutif.
    J'aimerais aborder un commentaire particulier que vous avez fait. Comme vous, j'ai crains que la prolifération d'organismes prête à confusion, soit coûteuse et complexe et donne lieu à des enquêtes multiples sur des questions qui se recoupent. Mais vous avez déclaré que vous n'étiez pas favorable à ce que ces hauts fonctionnaires du Parlement aient le pouvoir de donner des ordres. Je suppose que cela se fonde sur les principes fondamentaux de la fonction d'ombudsman: et votre rôle à cet égard est un rôle de persuasion, et vous êtes un prolongement des parlementaires et que votre fonction consiste à faire des enquêtes indépendantes et des rapports publics. Mais vous n'êtes pas là pour...
    Il vous reste environ 30 secondes, monsieur Owen.
    J'aimerais que vous me donniez plus de précisions à ce sujet.
    Certainement, et je serais heureux d'en dire un peu plus long à ce sujet.
    Lorsqu'on donne au commissaire à l'information le pouvoir de donner des ordres, on change toute la dynamique de ses rapports avec l'organisme qu'il surveille. Un jour, le commissaire essaie de persuader certaines personnes de faire ce qu'il croit être la chose à faire et de rendre publiques certaines informations, et le lendemain, il pourra leur donner ordre de le faire.
    Après un certain nombre d'années, le commissaire Reid a déclaré qu'il obtenait gain de cause dans 95 p. 100 des cas. C'est un chiffre très élevé. Ce sont les cas controversés et difficiles qui font les manchettes. Mais dans la plupart des cas, un peu de médiation, de persuasion et de publicité produit d'excellents résultats.
    À mon avis, c'est un peu de la fausse modestie de la part de certains commissaires de penser qu'il faut qu'ils aient de véritables pouvoirs. Si on leur donne de véritables pouvoirs, ils peuvent commettre des erreurs et exiger des actes inappropriés. À ce moment-là, à qui donc doivent-ils rendre compte?
    Je suis un fervent défenseur du modèle de l'ombudsman.
    Merci, monsieur Thomas.
    Madame Lavallée.

[Français]

    Monsieur Thomas, j'apprécie beaucoup votre présentation et le document que vous nous avez remis. J'aurais voulu avoir le temps de le lire très attentivement et de vous poser des questions sur le fond de l'information que vous nous présentez. Malheureusement, ce comité est bousculé et on essaie de faire adopter le projet de loi C-2 le plus rapidement possible en accélérant toutes les procédures, ce qui ne nous permet pas toujours de mesurer les conséquences et les répercussions de ce projet de loi qu'on nous annonce et qui nous apparaît...

[Traduction]

    Peut-être pourriez-vous en venir au fait, madame Lavallée. C'est le préambule de toutes vos questions. Veuillez donc poser votre question.

[Français]

    N'ai-je pas le choix de faire un préambule de la longueur que je veux?

  (1725)  

    Non, c'est une nouvelle norme de censure, je crois.
    Je suis étonnée. C'est la première fois qu'on me dit que je n'ai pas le droit de faire un préambule de la longueur que je veux. Je vais quand même continuer et introduire mon sujet, si je puis dire.
    Vous nous avez dit qu'après un scandale comme celui des commandites, le balancier que représente le projet de loi C-2 allait un peu trop loin. J'aimerais que vous nous disiez quel élément du projet de loi C-2 vous semble être le symbole de ce balancier.
    Par ailleurs, il y a aussi des répercussions qu'il faudrait mesurer, et on n'en a pas le temps. Je ne sais pas si j'ai le droit de dire qu'on n'a pas beaucoup de temps pour mesurer les répercussions. C'est effectivement la paralysie de certains membres de la fonction publique et aussi peut-être des gens de la haute fonction publique qui hésiteraient à rencontrer des lobbyistes ou qui tiendraient des rencontres informelles au lieu de rencontres officielles, pour ne pas avoir à fournir les informations.
    J'aimerais vous entendre à ce sujet, afin que le projet de loi C-2 ne soit pas seulement un projet de loi qui jouerait sur la perception de la population, mais qu'il constitue un train de nouvelles mesures qui rétabliraient vraiment la confiance et qui instaureraient une nouvelle culture.

[Traduction]

    Pour commencer, lorsqu'on introduit un ensemble aussi varié de changements comme ici, il y a immanquablement des conséquences imprévues. Mais vous pourriez aussi siéger ici tout l'été sans parvenir à prévoir tout ce qui pourrait arriver. Il y aura toujours des conséquences inattendues. C'est extrêmement difficile, et j'aimerais beaucoup que les spécialistes des sciences sociales comme vous aient davantage la sagesse de dire en quoi tel ou tel changement va percoler dans tout le système et en quoi il va avoir une incidence dans tout le système.
    Nous voulons une fonction publique qui apprenne. Nous voulons de la créativité. Nous voulons de l'innovation. Nous voulons de la prudence lorsqu'on prend des risques. Mais chaque fois qu'un fonctionnaire commet une erreur, si nous voulons le traîner devant le comité, si nous voulons que le vérificateur général s'en prenne à lui et fasse un rapport, si nous exigeons que les sous-ministres n'aillent pas acheter leur propre petit carnet pour y consigner ce que leur dit leur ministre et ainsi de suite...
    Ce que je veux dire par là, c'est qu'avec ceci, il serait trop facile de dépasser les bornes. Je vois fort bien les porte-paroles du gouvernement venir dire qu'ils ne veulent pas de règles trop rigoureuses. J'ai servi de consultant à l'association des directeurs des finances, que vous avez d'ailleurs déjà entendue, pour sa toute dernière publication. J'ai participé à sa rédaction. Je pense que vous avez ici des moyens de contrôle excessifs et que le gouvernement ne fonctionnera jamais à la perfection. Il y aura toujours des erreurs.
    L'un des problèmes tient au fait que nous essayons de créer dans l'administration une culture basée sur la prudence en matière de risque, et cela au sein d'une culture parlementaire qui ne pardonne pas les erreurs. Ces deux cultures sont incompatibles. Il y a donc une tension. Ce que je veux dire, c'est que vous avez beau avoir tous les débats sectaires que vous voulez au sujet des projets de loi et des grandes questions budgétaires, lorsqu'il s'agit d'examiner le fonctionnement du gouvernement, oubliez la partisanerie, ou alors trouvez le moyen d'avoir une partisanerie de meilleure qualité, ce qui est plus constructif.

[Français]

    Vous avez parlé dans votre présentation du tribunal de protection des dénonciateurs. Je ne veux pas travestir vos paroles, mais j'ai cru comprendre qu'il vous semblait qu'il serait préférable que la Commission des relations de travail dans la fonction publique exerce ce rôle. Ai-je bien compris? Pourriez-vous développer davantage ce sujet?

[Traduction]

    Cette réponse n'est pas aussi bien étayée que je ne l'aurais voulu. Cela découle en partie d'un certain conservatisme de ma part lorsqu'il s'agit de modifier les institutions. Cela découle aussi d'un certain sens de l'économie, du fait qu'il y a des institutions qui peuvent faire plusieurs choses. Il faut être prudent lorsqu'on veut ajouter des fonctions aux institutions. J'ai dirigé pour le gouvernement ontarien trois colloques sur la dénonciation, et le Manitoba a déjà sa propre loi sur les dénonciateurs qu'elle a intégrée aux institutions existantes.
    À mesure que nous multiplions les institutions, les moyens de contrôle et les mécanismes d'appel de tous crins, nous créons une prolifération alors qu'il semble qu'il existe déjà une organisation.
    Le seul inconvénient de la Commission des relations de travail dans la fonction publique est peut-être le fait que la dénonciation pourrait être considérée exclusivement sous l'angle de l'emploi, c'est-à-dire de la sécurité d'emploi. Et lorsque nous lisons les rapports du bureau de l'intégrité de la fonction publique, nous voyons qu'il souligne bien le fait que la plupart des plaintes qui lui parviennent émanent d'employés mécontents qui estiment avoir été victimes d'une mesure disciplinaire injuste. Faire une dénonciation, c'est bien plus que s'attaquer à des problèmes d'emploi. Cela va beaucoup plus loin. C'est la seule hésitation que j'ai à l'idée de confier cela à la Commission des relations de travail dans la fonction publique.
    Merci beaucoup.
    M. Dewar.
    Merci.
    Merci à vous aussi pour cet exposé aussi concis que détaillé. Il y a tellement de questions que votre exposé et certaines de vos idées appellent, mais je vais commencer par quelque chose dont nous n'avons pas vraiment beaucoup parlé — du moins lorsque j'étais ici: le contrôle budgétaire et le mandat. Vous avez parlé d'une comparaison avec le Congressional Budget Office aux États-Unis, une charge qui est née je crois du scandale du Watergate.
    C'était en 1974.
    C'était vers ce moment là.
    Et vous savez, il est évident qu'avec l'idée de resserrer cette responsabilisation financière... l'une des choses intéressantes dans le projet de loi —  j'ignore si cela a attiré votre attention — c'est qu'il faudra chiffrer le coût des projets de loi émanant des simples députés, ce qui est intéressant parce qu'en règle générale, un député qui présente un projet de loi d'initiative parlementaire n'a pas le droit de dépenser de l'argent. Par contre, il n'y a rien de semblable en ce qui concerne les projets de loi du gouvernement. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, la logique de la chose. Peut-être m'adressai-je à la mauvaise personne, mais ce serait pour moi important, du point de vue de la politique gouvernementale, d'avoir quelque chose de ce genre, si on veut vraiment chiffrer le coût des projets de loi présentés par les simples députés, à ce moment-là il faudrait faire la même chose pour les projets de loi du gouvernement.
    Le processus d'examen du budget est quelque chose qui à la fois m'intéresse beaucoup et me préoccupe énormément. Si on songe au déclencheur du projet de loi, la Commission Gomery, qui avait été instituée en réponse à certaines préoccupations concernant le contrôle des dépenses publiques et le fait que certaines dépenses avaient commencé à échapper à tout contrôle, si on peut dire.
    Je suis un nouveau député. Je représente une circonscription à forte densité de fonctionnaires qui tous me disent, lorsque je leur en parle, nous n'avons pas besoin de ces nouvelles couches bureaucratiques que le gouvernement précédent voulait mettre en place, nous avons besoin de pouvoir respirer un peu, de pouvoir parler à nouveau de politique axée sur les résultats, ce qui était la norme jadis, nous voulons arriver à ce genre de choses et il faut que nous puissions exprimer nos propres idées pour le faire.
    Mais pour ce qui est des prévisions budgétaires — et vous avez étudié ce qui se passe aux gouvernements provinciaux — il me semble que ces derniers agissent un peu différemment. On accorde davantage de temps et davantage d'attention aux prévisions budgétaires. Mais ici, cela donne l'impression — et nous l'avons constaté avec la Commission Gomery... il est certain que ce qui est sorti de cela, c'est qu'on accorde de l'attention aux comptes publics mais après que les dépenses aient été effectuées. Lorsqu'on en parle à certaines personnes, d'anciens parlementaires, on entend dire que les choses se passaient jadis différemment à Ottawa. Mais il est certain que l'expérience, et si vous pouviez simplement...
    Ma seconde question portera sur le processus budgétaire suivi par les provinces et en quoi ce processus revient précisément à ce que vous disiez un peu plus tôt au sujet de la nécessité d'éviter la partisanerie dans ce genre d'examen pour se contenter de regarder les chiffres, les analyses de rentabilité, mais aussi songer au moment où il faut faire ce genre de choses — au début ou à la fin de l'équation.

  (1730)  

    Pour commencer, en ce qui concerne le CBO, ce bureau fait un travail tout à fait digne de foi en chiffrant le coût des nouveaux programmes, mais l'appareil du Congrès est tellement plus gros, et les rivalités institutionnelles au Congrès tellement marquées, même lorsque le Congrès est dominé par le même parti que celui du président, qu'il y a une véritable motivation à aller au fond des choses.
    Et les membres du Congrès, surtout les sénateurs, ont énormément de personnel à eux. C'est une grosse industrie. Cela ne veut pas pour autant dire qu'ils parviennent à leurs fins. Les prévisions des recettes et dépenses étalées sur plusieurs années sont régulièrement complètement à côté, et cela est vrai d'autant plus qu'on monte.
    Ce fut d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles on a récemment préconisé de donner au Parlement davantage de moyens en matière de prévisions économiques et fiscales, mais il ne faudrait pas pour autant présumer qu'il suffira de greffer ce bureau au Parlement pour avoir automatiquement le volet prévisions.
    J'étais ici en 1971-1972 comme stagiaire parlementaire. À l'époque, je travaillais à l'examen des crédits, et depuis lors, on discute beaucoup de cette question et aussi de la faiblesse du processus.
    À la fin des années 90, dans un rapport que j'ai fait au Conseil du Trésor, je demandais pourquoi les députés s'intéressaient davantage aux justificatifs qu'aux indicateurs. Pourquoi ne pouvons-nous pas consacrer notre temps à un examen attentif de ce que nous dépensons et de ce que nous obtenons en contrepartie? Et ce n'est pas uniquement parce que l'information est insuffisante. Je pense que même les plus complexes des...
    Peut-être faut-il avoir un comité distinct qui choisirait une partie du budget pour l'étudier en profondeur, pour passer ensuite à un autre et ainsi de suite, et trouver un petit nombre de députés dévoués à la tâche qui seraient prêts à y consacrer beaucoup de temps.
    J'admire le comité. Je ne dis pas cela simplement pour vous flatter, mais je sais qu'il y a ici un certain nombre de gens qui ont auparavant consacré pas mal de temps à examiner le fonctionnement des rouages de l'État. Il n'y a absolument aucun gain politique à tirer de ce genre de choses, à moins bien sûr qu'il y ait l'ombre de quelques scandales. Le plus souvent, c'est un travail ingrat pour un homme politique, mais il faut bien que quelqu'un le fasse.
     Je dirais donc qu'il faudrait choisir un petit nombre de députés que la chose intéresse, leur donner suffisamment de collaborateurs pour boucler tout un cycle, et choisir des années. Et à ce moment-là, faire en sorte que le Parlement ait le moyen de bloquer l'adoption du budget. Mais comme il ne peut plus le faire de nos jours, et actuellement l'essentiel du budget est réputé avoir fait l'objet d'un rapport et avoir été adopté par la Chambre. De sorte qu'actuellement, c'est plutôt un genre de rituel, mais le budget n'est en fait jamais vraiment étudié.
    Les choses sont-elles différentes dans les provinces?
    Dans ma province, et c'est également vrai dans d'autres, cela se passe souvent à l'assemblée même. Les médias suivent cela de plus près. Bien sûr, cela s'accompagne toujours des petits jeux politiques habituels, mais j'imagine qu'il faut s'y attendre.
    Rob Moore.
    Je vous remercie pour votre exposé. Je vous ai très bien suivi lorsque vous avez parlé de ces rapports de rendement et également des autres rapports concernant les crédits.
    Mais lorsqu'on a un personnel limité et qu'on essaye de jeter un coup d'oeil sur toute cette matière brute pour tenter de s'y retrouver un peu, la tâche est colossale. Je pense donc que nous prenons des mesures dans la bonne direction.
    Vous avez dit que les membres du Congrès américain avaient beaucoup plus de personnel que nous. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus long à ce sujet, parce que nous pourrions nous aussi très facilement utiliser plus de personnel pour nous aider dans notre travail.
    En ce qui concerne par contre la Commission des relations de travail dans la fonction publique, on en a déjà discuté. En ce qui me concerne, je ne tiens pas du tout à créer une nouvelle bureaucratie ou à faire double emploi, mais je pense que nous voulons plutôt créer des institutions qui soient opérantes et qui puissent améliorer les choses.
    Le comité a également parlé de la possibilité de protéger non seulement les employés de l'État, mais également les sous-traitants et ceux qui reçoivent des subventions du gouvernement fédéral. Et nous avons également discuté des chercheurs qui sont financés par l'État.
    Cela étant, si vous regardez le mandat initial de la Commission des relations de travail dans la fonction publique—et vous avez déjà exprimé une réserve à ce sujet en disant que la chose va uniquement être vue dans un contexte d'emploi... Le fait de créer un nouvel organisme—ce genre de solution—serait-elle un peu plus logique si nous ciblions également en fait les chercheurs financés par le gouvernement fédéral et les autres?

  (1735)  

    C'est une question fort épineuse, monsieur Moore. Après avoir suivi le débat à ce sujet depuis une dizaine d'années, je constate que l'on tourne en rond pour en arriver à déterminer à quelles institutions il faudrait confier ce rôle. On a maintenant rejeté l'idée que ce soit la Commission de la Fonction publique ou une branche du Bureau du vérificateur général, ce qu' on avait déjà proposé.
    Vos arguments sont très convaincants, surtout lorsque vous faites valoir que les gouvernements sont de plus en plus réticents à intervenir directement; ils préfèrent confier certaines activités à des tiers, ce qui ne garantit pas toujours la bonne utilisation des fonds publics. Dans ces cas-là, il semble prudent de permettre aux employés de ces organismes, et même aux citoyens qui en reçoivent des fonds, de signaler les éventuelles malversations. Il suffit de songer au cas très controversé de Hydra House, une société à but lucratif offrant des services aux adultes ayant des troubles de développement au Manitoba. Il y a des gens qui se sont payés des Cadillacs, des voyages, des croisières et le reste. Un véritable scandale. Et pourtant, les gens qui étaient au courant de ces agissements n'avaient accès à aucun mécanisme qui leur aurait permis de les communiquer aux personnes compétentes. Je souscris sans réserve à l'idée que la reddition de comptes ne doit pas se limiter aux organismes gouvernementaux. Il faut qu'elle aille plus loin.
    Aux État-Unis, on étudie actuellement des propositions visant à modifier la Whistleblower Protection Act pour que ces dispositions s'appliquent à l'argent dépensé par l'entremise des gouvernements des États. Je ne veux pas affronter les provinces ou les municipalités. On peut présumer qu'il peut également y avoir un usage répréhensible des fonds publics à ces niveaux.
    Je crois qu'il faut s'interroger, en définitive sur les moyens qu'on veut prendre pour gagner la confiance de la population et pour assurer un contrôle; il faut aussi se demander comment on peut concilier les deux. On ne peut pas enquêter constamment sur tout le monde; les enquêtes doivent être réservées aux cas exceptionnels.
    Vous avez dit quelque chose qui m'a semblé tout à fait pertinent. En tant que député, nous devons bien sûr pouvoir divulguer directement certaines choses. Vous avez mentionné la création d'un poste de commissaire à l'examen préalable aux projets de loi. Je ne pense que nous souhaitions aller dans cette direction. Nous avons été élus pour faire un travail au nom de nos électeurs et de la population canadienne. Quel outil précis pourrait être utile aux parlementaires pour les aider à digérer et à comprendre les budgets de dépenses et les rapports sur le rendement, de manière à pouvoir exprimer leur opinion.
    J'ai beaucoup d'expérience dans ce domaine. Il y a quelques années, j'ai rédigé une étude pour le compte de la vérificatrice générale sur la qualité de l'information donnée aux parlementaires; je ne sais pas si elle accepterait de vous la transmettre. Le problème, c'est qu'il y a 308 députés. Je ne veux pas dire que votre nombre fait problème mais simplement que vous avez tous des intérêts différents. Un type d'information ou une façon de la présenter peut vous convenir, étant donné vos intérêts et votre façon d'analyser l'information et de poser des questions, alors qu'elle pourrait ne pas convenir à un autre député.
    On pourrait peut-être envisager un comité sur les dépenses publiques, qui serait un comité mixte composé de députés et de sénateurs. J'ai travaillé pour le Sénat et même si cette institution est souvent critiquée et ridiculisée, elle fait de l'excellent travail qui n'est souvent pas reconnu, essentiellement grâce aux études effectuées par ses comités. Ces études sont en fait des évaluations de ministères et de programmes. Comme les sénateurs n'ont pas à composer avec les contraintes de temps ni avec la nécessité de se faire réélire, ils font un travail très utile qui, pour être peu connu, n'en a pas moins un effet sur le mode de pensée des ministères.
    Si je devais concevoir un mécanisme de ce genre, je songerais à mettre sur pied un comité mixte où un petit nombre de députés dévoués travailleraient aux côtés de sénateurs, avec l'aide d'un personnel très capable, pour s'attaquer à la tâche très ardue de comprendre les finances du gouvernement, les processus de dépenses, et ainsi de suite.

  (1740)  

    Merci.
    Monsieur Thomas, la séance est terminée. Je vous remercie d'être venu nous faire part de vos réflexions.
    Merci beaucoup.
    Nous devions nous arrêter il y a une dizaine de minutes pour nous restaurer dans la salle voisine, 237-C, puis recommencer nos travaux à 18 heures pour continuer jusqu'à 20 heures. Nous apprenons tout à coup qu'il y aura deux votes à 18 h 40 et Dieu seul sait combien de temps cela prendra. Évidemment, nous ne l'avions pas prévu.
    J'aimerais connaître l'avis des membres du comité. Il y a des témoins qui attendent. Trois groupes de témoins sont venus pour faire un exposé à 18 heures. J'imagine que certains d'entre eux doivent déjà être dans la salle. Quelqu'un a-t-il une idée brillante à proposer au président avant qu'il ne dise de bêtises?
    Oui, monsieur Owen?
    Monsieur le président, chers collègues, nous pourrions entendre le premier groupe de témoins à compter de 18 heures et les interroger brièvement tout en mangeant. Nous pourrions ensuite aller voter et revenir pour entendre le deuxième groupe de témoins pendant la dernière demi-heure de notre séance.
    Tout le monde est-il d'accord? Le temps alloué au premier groupe de témoins sera écourté de 10 minutes.
    Je m'excuse d'avance d'avoir proposer d'écourter leur temps.
    Prenons quelques minutes pour manger et revenons à 18  heures. Nous pourrons aller voter et revenir dans la salle; il nous restera une demi-heure pour entendre l'autre groupe de témoins.
    D'accord. Nous reprendrons nos travaux à 18 heures, nous les suspendrons à 18 h 30 pour aller voter et nous espérons de tout coeur pouvoir revenir ici à temps.
    La séance est levée.