Passer au contenu
Début du contenu

FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 059 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 31 mai 2007

[Enregistrement électronique]

  (0905)  

[Traduction]

    Bonjour, collègues. La séance numéro 59 du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international est ouverte.
    Ce matin, nous interrompons notre étude du développement démocratique, en vue d'en faire rapport, pour avoir une session d'information sur le désarmement.
    À titre de témoins, nous accueillons, du Project Ploughshares, M. Ernie Regehr, qui a comparu devant maints comités parlementaires; et aussi, de l'Initiative des puissances moyennes, l'IPM, l'honorable Douglas Roche, ex-sénateur et champion de longue date de cette cause.
    On vient de me remettre un rapport publié il y a presque 10 ans maintenant, intitulé Le Canada et le défi nucléaire : Réduire l'importance politique de l'arme nucléaire au vingt-et-unième siècle. Un certain nombre de nos invités d'aujourd'hui ont comparu devant le comité dans le cadre de la préparation de ce rapport, rendu public il y a neuf ans. En conséquence, ils ont une expertise de longue date en la matière, et leur contribution nous est précieuse.
    Comme vous êtes déjà venus, vous savez comment fonctionne le comité. Nous allons vous accorder à tous les deux une dizaine de minutes pour votre déclaration liminaire, et ensuite, nous passerons au premier tour de table pour les questions.
    Je vous souhaite la bienvenue. C'est bon de vous accueillir ici.
    En outre, au cours de la deuxième heure, nous entendrons un autre témoin. Il s'agit de M. Meyer, qui a lui aussi témoigné devant le comité à l'époque de ce rapport. Nous sommes impatients de l'entendre également.
    Vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je représente l'Initiative des puissances moyennes. Cette organisation a présenté un rapport intitulé Vers 2010 : Priorités en vue d'un consensus à propos du TNP à l'occasion de la première réunion préparatoire, qui vient de se terminer, en vue de la Conférence d'examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires de 2010.
    Monsieur le président, j'ai joint ce rapport à ma déclaration. Je pense qu'il a été distribué aux députés dans les deux langues officielles.
    Ce rapport résume sept champs d'intervention prioritaires cernés par les représentants de l'IPM à la suite de quatre réunions sur l'article VI qui ont été tenues au cours d'une période de 18 mois à New York, La Haye, Ottawa et Vienne, et auxquelles ont participé une trentaine de pays aux vues similaires, dont le Canada.
    Ces champs d'intervention sont les suivants : réduction vérifiée des forces nucléaires; moratoire sur les forces nucléaires (on parle aussi de diminution du niveau d'alerte); négociation d'un traité sur l'interdiction de production de matières fissiles; entrée en vigueur du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires; renforcement des garanties négatives de sécurité; réglementation de la production et de l'offre de combustible nucléaire, et gouvernance améliorée du TNP.
    IPM remercie le gouvernement du Canada d'avoir appuyé le processus de son forum sur l'article VI et salue le travail des représentants du ministère des Affaires étrangères, en particulier M. Paul Meyer, ambassadeur au désarmement.
    Le Canada a toujours cru en la nécessité d'établir un équilibre dans l'application des trois piliers du Traité de non-prolifération, à savoir la non-prolifération des armes nucléaires, le désarmement et l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire. Toutefois, un leadership politique émanant des plus hautes sphères s'impose de toute urgence. D'après l'analyse qu'a effectuée l'IPM des déclarations faites par le Canada et par d'autres puissances moyennes à la réunion préparatoire pour l'examen du TNP, on ne saurait réagir efficacement à la crise nucléaire actuelle sans l'appui d'un pouvoir politique accru.
    Les faits sont consternants : le nombre total d'armes nucléaires, 27 000, a atteint « un niveau extraordinairement élevé et alarmant », de l'avis de la Commission sur les armes de destruction massive, dirigée par le diplomate suédois Hans Blix. Kofi Annan, ex-secrétaire général des Nations Unies, affirme que le monde agit en somnambule face à la prolifération des armes nucléaires et du terrorisme nucléaire. Or, les États déclarant posséder des armes nucléaires s'emploient tous à moderniser leur arsenal malgré le jugement de la Cour internationale de justice selon lequel ils doivent clore les négociations sur l'élimination de ces armes.
    Qui plus est, l'Inde et le Pakistan possèdent chacun de 50 à 60 armes nucléaires, et Israël 200. Ces trois pays ne sont même pas parties au Traité sur la non-prolifération et cherchent tous à moderniser leur arsenal. Les huit pays qui adhèrent maintenant au club nucléaire comptent ensemble 3,1 milliards d'habitants; c'est donc dire que 48 p. 100 de la population mondiale vivent dans des États munis d'armes nucléaires.
    L'attention mondiale est tournée vers la Corée du Nord, qui a mis à l'essai une arme nucléaire en 2006, et vers l'Iran, qui prétend maintenant pouvoir fabriquer de l'uranium enrichi à grande échelle. Bien entendu, aucun d'eux ne devrait être autorisé à fabriquer des armes nucléaires. Mais ils ne représentent que la pointe de l'iceberg, lequel est constitué des arsenaux d'armes nucléaires existants.
    La crise nucléaire se résume en quelques mots : un monde scindé en deux où une poignée d'États s'arrogent la possession d'armes nucléaires tout en en interdisant l'acquisition par d'autres; ce monde n'est pas viable.
    Que fait le Canada dans cette crise mondiale? Où se trouve sa déclaration de principe portant sur la totalité des armes nucléaires, la sécurité primordiale dans le monde? N'applique-t-on deux poids, deux mesures, ce qui nous permet de critiquer l'Iran pour l'enrichissement de l'uranium et de passer sous silence la décision du gouvernement du Royaume-Uni de prolonger l'existence de son système nucléaire Trident au-delà de la seconde moitié du XXIe siècle?
    On comprend mieux que jamais la lutte morale, juridique et militaire contre l'armement nucléaire. La plupart des États considèrent sans fondement l'argument intellectuel selon lequel la sécurité passe par l'armement nucléaire.

  (0910)  

    Les opposants à l'armement nucléaire ont récemment obtenu un soutien étonnant de la part de quatre figures américaines bien en vue, soit Henry Kissinger, George Shultz, William Perry et Sam Nunn, qui ont tous occupé des postes de hauts dirigeants au sein de l'administration et du Congrès américains et qui réclament l'abolition des armes nucléaires. Dans un article paru en regard de l'éditorial du Wall Street Journal, ils signalaient que « le monde est à l'aube d'une nouvelle et dangereuse ère nucléaire ».
    Cet article préconisant un train de mesures tranchait fortement avec la négativité de l'administration Bush. Les États-Unis étaient les seuls à avoir voté contre 12 des 31 résolutions votables pour le désarmement nucléaire qui ont été présentées à la réunion de la Commission du désarmement des Nations Unies en 2006; à 20 reprises, ils se sont également retrouvés parmi une minorité d'au plus quatre pays.
    Quels moyens le Canada prend-il pour collaborer avec des pays aux vues similaires comme ceux de la New Agenda Coalition, qui englobe le Brésil, l'Égypte, l'Irlande, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, l'Afrique du Sud et la Suède, pour inciter la nation la plus puissante à revoir ses politiques afin de sauver le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires en 2010? Que fait le Canada pour presser les États-Unis de retirer leurs armes nucléaires tactiques des pays européens comme l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas, la Belgique et la Turquie? L'insistance avec laquelle l'OTAN fait valoir que les armes nucléaires sont « essentielles » va catégoriquement à l'encontre du Traité. Le Canada ne peut jouer sur les deux tableaux : soit il appuie l'élimination des armes nucléaires au moyen du Traité, soit il se range aux côtés de l'OTAN pour leur maintien.
    Le Canada devrait être davantage animé d'un sentiment d'urgence pour régler le problème global des armes nucléaires. C'est ce qu'en pense le sénateur Roméo Dallaire qui a affirmé, le 17 avril dernier : « Pourquoi le Canada, à titre de puissance moyenne d'envergure, qui ne possède pas d'armes nucléaires, n'assume-t-il pas ce leadership et n'entame-t-il pas le processus pour l'abolition et l'élimination de ces armes nucléaires? » Revenant sur le sujet le 3 mai, il a déclaré : « C'est un devoir moral pour le Canada d'assumer un rôle proactif de leadership pour sauver le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, dernier espoir qui nous reste d'éviter le gouffre d'une effrayante escalade de prolifération nucléaire dont il nous serait impossible de sortir. »
    Adoptée à l'unanimité par le Sénat le 3 mai, sa motion exhortait « le gouvernement du Canada à jouer un rôle de leader mondial dans la campagne pour l'éradication de la menace grave que les armes nucléaires font peser sur l'humanité ».
    Du 5 au 7 juillet prochain, l'IPM se joindra au mouvement Pugwash et collaborera avec le sénateur Dallaire pour parrainer un atelier international extraordinaire sur la revitalisation du désarmement nucléaire, qui se tiendra à l'occasion du 50e anniversaire du groupe Pugwash. C'est l'occasion pour le Canada d'aller de l'avant.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Roche.
    Nous allons passer à M. Regehr.
    Monsieur le président, je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à comparaître. Je suis heureux de prendre la parole devant le comité au nom de Project Ploughshares et des Vétérans contre les armes nucléaires (VANA).
    Nous avons rédigé un document plus long au sujet de notre programme de désarmement pour le Canada, et je veillerai à ce que tous les membres du comité en reçoivent un exemplaire. Je vous invite à prendre connaissance de la brève histoire de VANA dans ce rapport en particulier. C'est un organisme extraordinaire qui réunit des anciens combattants qui comprennent la réalité de la guerre, qui savent que le pouvoir destructeur pratiquement illimité des armes nucléaires n'est pas un gage de sécurité dans le monde, et qui tirent parti de leur expérience unique d'anciens combattants pour inciter le monde depuis une décennie à éliminer ce grand danger.
    Cette année, la réunion du Comité préparatoire de la Conférence d'examen du Traité de non-prolifération nucléaire a fait ressortir deux réalités irréfutables. Premièrement, si le rôle fondamental du Traité, aujourd'hui en perte de vitesse, est de faire avancer la sécurité mondiale, il doit alors reposer sur un équilibre solide entre trois piliers égaux : le désarmement, la non-prolifération et les utilisations pacifiques. Deuxièmement, la communauté internationale a maintenant dépassé depuis longtemps le simple débat sur l'éventail des politiques de désarmement et de non-prolifération; elle cherche plutôt des moyens d'appliquer de façon concrète le programme déjà adopté.
    Tous les États ont l'obligation d'appliquer les articles du TNP, mais en fait, quatre catégories d'États adhèrent au régime de non-prolifération, et chaque groupe doit assumer des rôles et des défis particuliers en matière de mise en application.
    Le groupe le plus important est constitué des États non dotés d'armes nucléaires, ENDAN. En contrepartie de leur renoncement aux armes nucléaires, les ENDAN ont reçu un engagement exécutoire de désarmement par les États dotés d'armes nucléaires et ils ont accès à la technologie nucléaire à des fins pacifiques. Ils sont tenus de valider continuellement leur statut d'ENDAN en signant un accord de garanties avec l'AIEA. Un grand nombre d'entre eux n'ont pas encore respecté leurs obligations et, bien entendu, l'Iran et la République populaire démocratique de Corée se sont rendus coupables de violations sérieuses des obligations particulières du Traité et de l'accord de garanties. En outre, environ trois douzaines de ces États possèdent la technologie nucléaire et, par conséquent, doivent signer et ratifier le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires pour qu'il puisse entrer en vigueur. Plusieurs d'entre eux ne l'ont pas encore fait.
    Le deuxième groupe, les États dotés d'armes nucléaires, EDAN, ont l'obligation juridique de détruire leur arsenal nucléaire. À la Conférence d'examen de 2000, ils ont renouvelé leur engagement à atteindre cet objectif, bien qu'ils ne soient pas obligés de respecter une échéance précise. Dans l'intervalle, les pays dotés d'armes nucléaires sont tenus de remplir les engagements qu'ils ont pris à l'égard du TNP et à l'occasion des conférences d'examen de 1995 et 2000. Je n'en ferai pas la liste puisque le sénateur Roche a déjà mentionné la plupart d'entre eux. Des réductions irréversibles et vérifiables de leur arsenal sont au coeur de leurs obligations. Le non-respect de ces obligations équivaut à la non-observance du Traité; cela équivaut totalement au non-respect de toutes les exigences en matière de garanties par les ENDAN.
    On retrouve dans le troisième groupe l'Inde, Israël et le Pakistan. Ce sont, en fait, des États dotés d'armes nucléaires, mais ils ne sont pas signataires du TNP. Cela ne veut pas dire qu'ils peuvent se soustraire à toute obligation en matière de désarmement. Ils sont tenus de se conformer à la norme de désarmement du TNP, et en tant que membres de la Conférence sur le désarmement (CD), ils ont assurément l'obligation de respecter de bonne foi les objectifs sur lesquels s'entendent présentement les membres de cet organisme, soit la prévention d'une course aux armements dans l'espace, les garanties négatives de sécurité obligatoires, et un traité interdisant la production de matières fissiles. La CD a aussi négocié le traité sur l'interdiction des effets nucléaires. Les trois États possédant la technologie nucléaire doivent ratifier le traité pour qu'il puisse entrer en vigueur. L'Inde et le Pakistan se sont aussi rendus coupables d'une violation directe de la résolution 1172 du Conseil de sécurité des Nations Unies qui leur demande clairement de mettre immédiatement fin à leurs programmes de développement d'armes nucléaires.

  (0915)  

    Le quatrième groupe comprend les États non dotés d'armes nucléaires membres de l'OTAN, un groupe qui comprend évidemment le Canada. Ces pays vivent une contradiction flagrante : ils affirment, d'une part, en tant que membres de l'OTAN, que les forces nucléaires sont essentielles à la sécurité de l'alliance et, d'autre part, en tant que signataires du TNP, ils posent que le désarmement nucléaire est essentiel à la sécurité mondiale. C'est une contradiction qui doit être résolue en faveur de ce dernier engagement.
    En somme, quelles sont les priorités que devrait viser le Canada dans le contexte de ce vaste et essentiellement consensuel programme de désarmement?
    De façon primordiale, pour continuer dans la bonne voie, chaque nouveau gouvernement canadien devrait tout naturellement réaffirmer l'engagement fondamental pris par le pays d'éliminer les armes nucléaires, et ce, au plus haut niveau. En gardant cet objectif inébranlable au coeur de ses efforts, le Canada doit continuer à promouvoir activement l'application précoce du vaste programme de désarmement dont nous avons parlé.
    Il y aura nécessairement quelques changements de priorité au gré des circonstances, mais actuellement, il y a plusieurs points qui méritent que le Canada s'y attarde car il peut vraisemblablement exercer une grande influence. En premier lieu, il doit s'attacher au mécanisme de désarmement. Le désarmement nucléaire dépend d'abord et avant tout de la volonté des États d'y prendre tout simplement part, mais les mécanismes institutionnels par lesquels ils réalisent ce programme fondamental et urgent sont d'une importance cruciale.
    La dysfonction permanente dont souffre la CD donne à penser qu'il est encore une fois temps que le Canada, de concert avec des États aux vues similaires, explore la possibilité que le premier comité de l'assemblée générale des États-Unis constitue des comités ponctuels chargés d'examiner le programme à quatre volets qui est présentement au point mort à la conférence. Les quatre volets sont les suivants : la non-militarisation de l'espace, les garanties de sécurité négatives, le traité d'interdiction de la production de matières fissiles et de nouvelles approches vis-à-vis le désarmement nucléaire dans son ensemble.
    Dans le contexte du TNP, le Canada devrait continuer de faire la promotion des propositions suivantes : une structure de gouvernance plus efficace donnant lieu à des réunions annuelles de prise de décision; la capacité de réagir à une crise, comme la déclaration de l'intention d'un État partie de se retirer du traité; et la création d'un bureau ou d'un secrétariat permanent pour veiller au traité. Le Canada s'est fait et devrait continuer à se faire un point d'honneur de promouvoir la transparence grâce à des rapports périodiques sur les efforts de conformité des divers États et la pleine participation des ONG au processus d'examen du Traité.
    Deuxièmement, le conflit concernant le programme d'enrichissement de l'uranium de l'Iran soulève des questions importantes sur la diffusion des technologies civiles de nature délicate auxquelles peuvent légalement avoir accès tous les États respectant leurs obligations de non-prolifération. Le désarmement nucléaire exige que ces technologies soient sérieusement limitées et placées sous contrôle international par l'intermédiaire d'arrangements multilatéraux non discriminatoires. Le Canada, qui est un pays doté de grandes compétences dans ces technologies, devrait jouer un rôle actif dans l'étude et la promotion des mécanismes internationaux de contrôle du cycle du combustible nucléaire.
    Troisièmement, l'accord de coopération nucléaire civile entre les États-Unis et l'Inde a abouti à des propositions visant à exonérer l'Inde des principales directives du Groupe des fournisseurs nucléaires, et la technologie et les intérêts canadiens sont directement concernés. Le Canada doit être une figure de proue dans les efforts internationaux déployés pour amener l'Inde, Israël et le Pakistan à respecter les règles et la discipline du régime de non-prolifération nucléaire. Au bas mot, le Canada devrait insister pour que le Groupe des fournisseurs nucléaires oblige l'Inde à ratifier le TICEN et à se soumettre à un gel véritable de la production de matières fissiles à des fins d'armement avant qu'on envisage d'apporter des modifications aux directives relatives à la coopération civile.
    Et en dernier lieu, le Canada ne peut esquiver le besoin d'éliminer la contradiction entre l'OTAN et le TNP. Pour mettre fin à cette contradiction, il faut que le Canada appuie l'engagement de désarmement du TNP.
    Merci.

  (0920)  

    Merci, monsieur Regehr et monsieur Roche.
    Nous allons passer au premier tour de questions.
    Monsieur Dosanjh, vous avez sept minutes.
    Je vais partager mon temps avec mes collègues. Je suis certain qu'ils auront des questions à poser.
    Je vous remercie beaucoup pour vos exposés. Vous êtes tous les deux de grands connaisseurs de ces questions, qui sont fort complexes, et je ne prétends pas les comprendre à fond.
    Il me semble toutefois que vous avez tous les deux posé en quelque sorte la question suivante : si les pays qui sont quasi officiellement des puissances nucléaires ne s'engagent pas progressivement et activement dans le désarmement, comment peut-on demander à quiconque, avec une certaine crédibilité, de ne pas chercher à se doter d'armes nucléaires? Ce n'est pas une question qui met en cause les grands pays contre les petits pays; ce qu'il y a, c'est que chaque pays est convaincu d'avoir le droit de faire ce qui lui plaît, à moins que d'autres pays ne l'encouragent à faire partie d'un réseau d'États.
    Le tableau que vous peignez est très complexe, mais il est aussi très déprimant, parce que vous dites que ces États qui sont officiellement nucléaires n'ont aucun échéancier précis à suivre, mais ont pris l'engagement de désarmer. Je pense que nous, Canadiens, à cause de notre double discours à titre de membres de l'OTAN, perdons de notre crédibilité sur la scène internationale. Au niveau du gouvernement et de la nation, nous devons nous attaquer à ce problème et nous prenons du retard. Nous ne sommes pas un chef de file dans ce dossier.
    Évidemment, vous avez énuméré certaines orientations que nous devrions adopter. Mais quelle est, à votre avis, la mesure la plus importante que le gouvernement canadien pourrait prendre à ce moment-ci? Serait-ce de s'attaquer au double discours dans le cadre de l'OTAN, ou bien serait-ce autre chose?

  (0925)  

    Merci.
    Quand nous aurons eu la réponse à cette question, M. Wilfert pourra en poser une autre. Merci pour la question, monsieur Dosanjh.
    Monsieur Roche.
    Merci, monsieur Dosanjh. Vous nous lancez un défi en nous demandant de désigner la mesure la plus importante.
    Il y a tout un éventail de mesures qui doivent être prises. Mais on a posé justement cette même question à Hans Blix, à titre de président de la Commission sur les armes de destruction massive, dont le rapport a été publié il y a environ un an — je sais qu'il est venu ici à Ottawa. On lui a demandé laquelle, des 60 recommandations formulées dans ce rapport, était la plus importante, et il a dit sans hésiter que c'était de faire ratifier le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires pour mettre fin aux essais nucléaires partout dans le monde.
    Par conséquent, en réponse à votre question, je dois dire que, si vous me forcez à me limiter à une seule mesure, ce serait que le Canada presse les États-Unis de ratifier le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires. J'ai vécu une expérience malheureuse en 1999 quand le Sénat des États-Unis a voté contre la ratification du Traité. Je n'entrerai pas dans les détails des raisons de ce vote, mais il est certain que le débat portait sur beaucoup de questions purement intérieures qui ne sont plus pertinentes.
    Donc, si nous voulons empêcher la Corée du Nord ou tout autre pays de faire des essais, nous devons mettre en place un régime universel. Aux termes du TICEN, 10 États doivent encore ratifier le Traité — il y en a 44 en tout et il en reste 10. J'ai la conviction que si les États-Unis reconsidéraient la question, et certains signes indiquent qu'ils pourraient être disposés à le faire sous le prochain gouvernement à partir de 2009, les autres États qui n'ont pas encore ratifié suivraient le mouvement.
    Je crois donc que le Canada devrait exercer des pressions sur les États-Unis pour qu'ils fassent cela. C'est dans l'intérêt des États-Unis aussi bien que dans l'intérêt de tous les autres pays d'avoir un monde dans lequel les essais nucléaires sont chose du passé.
    Monsieur Regehr, vous voulez ajouter quelque chose.
    Très brièvement, je souscris à ce que M. Roche a dit, mais je voudrais ajouter que de nombreuses questions surgissent et qu'il est donc à mon avis d'une importance fondamentale que le Canada soit absolument irréprochable quant aux éléments de base dans ce dossier.
    Le premier ministre a pris la parole à l'Assemblée générale des Nations Unies à l'automne 2006 et il a alors évoqué très brièvement le désarmement nucléaire. C'était au sujet de la question de l'Iran et je ne suis pas certain que le gouvernement actuel, au niveau de la direction politique, ait fait une déclaration claire et sans équivoque quant à l'objectif du désarmement nucléaire.
    Il faut que ce soit clair et net et catégorique, afin que, quand nous sommes confrontés à la décision de l'Inde, par exemple, et que nous devons décider ce que nous allons faire vis-à-vis les États-Unis, nous ne calculions pas notre position sur la base de l'état des relations canado-américaines et que nous ne tentions pas de jouer au plus fin, mais que nous poursuivions un principe fondamental. Nos interventions aux tribunes de l'OTAN doivent être fondées sur la conviction qu'un principe fondamental est en jeu et nous devons défendre ce principe à ces tribunes.
    Sur le point précis, absolument, je pense qu'il est également important et nécessaire d'énoncer clairement cette position de principe.
    Merci, monsieur Regehr.
    Monsieur Wilfert, il vous reste encore deux minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis désolé, monsieur Roche, j'ai raté le début de votre exposé, mais j'aurais deux ou trois brèves questions à vous poser.
    La dernière déclaration faite par notre gouvernement sur la question nucléaire date de 1999 et elle est désuète. Elle reflète fidèlement le paradigme de l'époque relativement à la guerre froide. Le gouvernement canadien, autant celui-ci que le précédent, a condamné le fait que des pays non alliés comptent dans leur arsenal des armes nucléaires, mais nous continuons de traiter les armes nucléaires comme des armes utiles, voire nécessaires, à ce qu'il me semble, à titre d'élément de notre défense nationale et de celle de nos alliés.
    Premièrement, êtes-vous d'accord pour dire que nous devrions mettre à jour notre déclaration? Deuxièmement, à quel point est-il pratique pour nous de retirer notre appui à la politique nucléaire de l'OTAN, qui est clairement en conflit avec les obligations découlant du TNP, tout en travaillant en même temps avec nos alliés qui ont des vues similaires aux nôtres pour réaliser des progrès, compte tenu de la situation actuelle en Europe et, évidemment, de l'État de nos relations avec les États-Unis? À mon avis, cela nous mettrait très clairement en porte à faux par rapport à Washington.

  (0930)  

    Merci.
    Pourriez-vous donner de brèves réponses, si possible?
    Premièrement, oui, je crois que le gouvernement canadien doit mettre à jour sa position. Comme je l'ai dit tout à l'heure, une déclaration doit émaner des échelons les plus élevés du gouvernement, une requête canadienne visant à appuyer les efforts diplomatiques et politiques en y jouant un rôle actif dans les négociations en vue de l'élimination des armes nucléaires.
    La position du gouvernement canadien, sans distinction du parti au pouvoir au fil des années, a bien sûr toujours été de s'opposer aux armes nucléaires, mais nous le faisons de manière ambivalente, ce à quoi vous avez fait allusion dans votre question. D'une part, nous avons appuyé l'examen effectué en 2000 du Traité de non-prolifération, qui a débouché sur l'engagement catégorique envers l'élimination totale des armes nucléaires au moyen d'un programme en 13 étapes. Le Canada est bien sûr signataire de cette déclaration. En même temps, nous exprimons notre appui envers la position de l'OTAN, qui consiste à déclarer les armes nucléaires essentielles parce qu'elles sont la garantie ultime de sécurité, et à faire stationner des ogives nucléaires tactiques dans les cinq pays européens que j'ai nommés. C'est absolument incompatible, c'est incohérent. Je crois qu'il faut mettre fin à l'ambivalence de la politique canadienne et que le temps est venu d'aller de l'avant.
    Le président a fait allusion tout à l'heure au rapport que votre comité a fait en 1999, qui était un excellent rapport. C'est dans la foulée de ce rapport que le Canada a obtenu de l'OTAN qu'elle réexamine ses politiques. Eh bien, l'OTAN a effectivement examiné ses politiques, mais a décidé de les reconduire intégralement. Je pense qu'aujourd'hui, il y a moins d'opposition parmi les rangs des pays non nucléaires de l'OTAN pour ce qui est d'entreprendre une étude qui déboucherait sur une reformulation quelconque du concept stratégique, consistant à retirer de l'équation les armes nucléaires et, bien sûr, à les retirer de l'Europe. Je pense que c'est un dossier très important auquel le Canada devrait s'attacher.
    Merci, monsieur Roche.
    Allez-y, très rapidement, je vous en prie, monsieur Regehr.
    Brièvement, je pense que les chances d'obtenir un résultat favorable ne sont pas très bonnes, mais l'engagement du Canada envers l'OTAN est indéniable. Il n'est pas ambigu et je pense que c'est une position solide à partir de laquelle on peut continuer de soulever la question. Le Canada ne peut pas le faire unilatéralement; il doit conjuguer ses efforts à ceux de pays d'Europe qui partagent ses vues. Il y en a et il faut donc établir des alliances avec la Norvège, la Belgique, etc. Cela peut tout à fait se faire sur le plan pratique, mais quant à prédire un résultat immédiat, c'est une autre histoire.
    Merci, monsieur Regehr.
    Madame Lalonde, pour neuf minutes.

[Français]

    Merci à vous deux d'être ici. C'est toujours un plaisir de vous entendre. Il me semble qu'à chaque fois qu'on vous voit, le monde est plus dangereux. Je ne sais pas si c'est une illusion, mais je le crois.
    Je voudrais vous poser d'emblée la question suivante. N'y a-t-il pas, en ce moment même, de nouveaux blocs qui envisagent de se doter de l'arme nucléaire parce qu'ils croient qu'il s'agirait d'un atout politique? Des pays comme l'Iran, la Corée et d'autres ont-ils conclu que Saddam Hussein s'était fait envahir et bombarder parce qu'il n'avait pas l'arme nucléaire? Afin de ne pas se retrouver dans la même situation, ces pays tentent-ils rapidement de se doter de cette arme?
    En ce qui concerne l'Iran, je lis régulièrement le journal Haaretz dans sa version anglaise. Plusieurs dirigeants israéliens pressaient les États-Unis d'en finir avec l'Iran et sa capacité nucléaire, car ils ne sauraient tolérer une telle situation. Ils déclaraient en outre que si les États-Unis n'en disposaient pas, ils s'en occuperaient. Tout le monde se souvient de ce qui s'est passé en Irak en 1981.
    Il me semble que cette dimension soit extrêmement importante et négligée. Pouvez-vous nous guider afin qu'on puisse comprendre, interpréter et agir à cet égard? On peut faire tout le reste du travail, mais si la dynamique est telle, on peut se diriger ensemble, aveuglément, vers une catastrophe.

  (0935)  

[Traduction]

    Merci, madame Lalonde.
    Monsieur Regehr, voulez-vous répondre en premier à cette question?
    C'est l'un ou l'autre. Allez-y.

[Français]

    Je vous remercie. Avec votre permission, monsieur, je vais répondre en anglais.

[Traduction]

    L'Iran représente un dilemme pour le monde parce que c'est symptomatique du véritable problème. Le véritable problème, pour le monde, ce n'est pas que l'Iran poursuive le développement de l'énergie nucléaire, ce qui lui donnerait éventuellement la capacité de fabriquer une bombe nucléaire. C'est un problème, assurément, mais ce n'est pas le véritable problème. Le véritable problème, c'est d'obtenir la collaboration de la communauté internationale pour mettre pleinement en vigueur le Traité de non-prolifération, qui stipule des étapes à franchir vers le désarmement, la non-prolifération et l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire.
    De quel droit disons-nous aux Iraniens qu'ils ne peuvent pas développer l'énergie nucléaire ou qu'ils ne peuvent pas enrichir de l'uranium alors que d'autres États le font également? Même ici, au Canada, nous devrions faire attention à notre crédibilité sur cette question, parce que nous envisageons d'enrichir de l'uranium dans notre pays. Si nous disons à l'Iran: vous ne pouvez pas le faire, mais d'autres États le peuvent, parce que nous, nous sommes de bons États, le résultat est de créer encore un autre système mondial comportant deux catégories d'États. Cela débouche sur la question fondamentale que posent les armes nucléaires aujourd'hui, nommément un monde comportant deux classes d'États.
    Je pense que le Canada est éminemment bien placé pour s'adresser à la communauté internationale et défendre l'intégrité d'une politique des armes nucléaires qui toucherait tout le monde.
    Merci, monsieur Roche.
    Monsieur Regehr.
    Brièvement, c'est une situation dangereuse et nous avons lu que bon nombre d'États du Moyen-Orient ont déclaré leur intention de poursuivre le développement de l'énergie nucléaire: la Jordanie, très activement; l'Arabie saoudite; et certains États du golfe. Malheureusement, je pense que cet intérêt n'est pas anodin et ne se limite pas simplement à la production d'énergie; ces États veulent aussi se ménager des options ouvertes, en attendant de voir ce que l'Iran va faire.
    Cela nous ramène à Israël et à la déclaration de 1995 et aux déclarations subséquentes quant à l'engagement d'établir une zone dénucléarisée au Moyen-Orient. C'est un objectif très particulier et important. Je pense que cela a à voir avec l'accord proposé avec l'Inde. Si l'on est maintenant en mesure d'assouplir les arrangements de coopération nucléaire avec l'Inde, cela va inévitablement s'étendre aussi au Pakistan et à Israël. On se retrouve alors dans une situation où Israël est accepté de manière permanente à titre d'État doté d'armes nucléaires et, dans ce contexte, il devient très très difficile d'empêcher l'Iran d'acquérir des armes. Si l'on est alarmiste, on peut alors envisager un effet domino dans toute la région. Tout cela est lié et c'est aussi lié au rôle et au bilan des États possédant des armes nucléaires.
    Madame Lalonde.

[Français]

    Merci.
    Cela ne nous rassure pas, mais nous indique une voie à suivre.
    J'ai une question d'ordre technique. À la fin du rapport de M. Regehr, au paragraphe 2, intitulé « L'internationalisation du cycle du combustible nucléaire », on dit que le Canada a de l'expérience.

  (0940)  

[Traduction]

    Madame Lalonde, je m'excuse, de quel rapport parlez-vous?

[Français]

    Je parle du rapport de M. Regehr.

[Traduction]

    De M. Regehr?

[Français]

    On peut y lire ce qui suit :
Le désarmement nucléaire exige que ces technologies soient sérieusement limitées et placées sous contrôle international par l’intermédiaire d’arrangements multilatéraux non discriminatoires. Le Canada, qui est un pays doté de grandes compétences dans ces technologies, devrait jouer un rôle actif dans l’étude et la promotion des mécanismes internationaux de contrôle du cycle du combustible nucléaire.
    Pouvez-vous nous donner plus de détails sur cette question?

[Traduction]

    Eh bien, comme nous le disions, pour empêcher la diffusion généralisée de la technologie qui a des applications tout à fait immédiates dans le domaine des armes, la proposition consiste à placer la technologie sensible, par exemple l'enrichissement de l'uranium et le retraitement du combustible, entre des mains multilatérales, sous le contrôle d'autorités internationales, au lieu d'en faire la prérogative individuelle des États nations.
    Le Canada, parce qu'il possède des compétences dans ce domaine, doit jouer un rôle actif dans la promotion du multilatéralisme, mais quand nous faisons cela, nous devons promouvoir sincèrement le multilatéralisme, et non pas le multilatéralisme tant et aussi longtemps que nos propres prérogatives nationales sont protégées. Par conséquent, nous ne pouvons pas nous présenter sur la scène internationale et dire qu'il faut instaurer le contrôle multilatéral du cycle du combustible, mais que nous aimerions pour notre part mettre au point l'enrichissement de l'uranium dans notre propre pays parce que nous avons la technologie et les moyens de le faire. Si c'est multilatéral, ce doit être multilatéral.
    Si nous disons, comme le disait Doug, que nous pouvons faire de l'enrichissement de l'uranium dans notre pays, nous ne pourrons pas fermer le dossier de l'Iran. C'est un dossier compliqué qui nécessite la participation de scientifiques et de physiciens et l'expertise des fonctionnaires, etc. Mais encore une fois, le principe fondamental est que ces technologies ne doivent pas être placées sous contrôle national, mais plutôt sous contrôle international, et le Canada ne doit pas défendre cette position tout en essayant en même temps de conserver la prérogative nationale de se livrer à ces activités.
    Merci, monsieur Regehr.
    Merci, madame Lalonde.
    M. Khan et M. Obhrai vont partager leur temps de parole.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, merci beaucoup d'être venus.
    Je voudrais maintenant aborder l'aspect davantage pratique de la question, l'évolution des armes nucléaires à certaines fins — je n'ai pas besoin d'en faire l'historique — et l'exemple récent de plus d'un million de soldats placés le long de la frontière entre l'Inde et le Pakistan, près d'un million de soldats de chaque côté, prêts à s'entretuer. Je pense que si ces pays n'avaient pas eu l'arme nucléaire, il y aurait eu une guerre épouvantable.
    Je dis cela en réponse à votre observation, monsieur, quand vous avez dit qu'il n'est plus valable de considérer les armes nucléaires comme un élément de sécurité.
    Vous avez dit également qu'il faut un intervenant ayant davantage de poids. J'ignore à qui vous faisiez allusion, peut-être aux États-Unis, à la Russie, à la Chine? Quel est ce poids lourd qui, d'après vous, est nécessaire?
    Étant donné que les armes nucléaires existent, que la science nucléaire existe et qu'elle progresse, ne croyez-vous pas qu'il est naïf de supposer que nous pouvons faire marche arrière et éliminer tout ce domaine scientifique ou même en ralentir le progrès?
    Ce que je voudrais entendre, monsieur... C'est une question très complexe et loin de moi de vouloir appuyer la prolifération nucléaire, mais avez-vous une solution complète et réalisable à nous offrir? Je ne pense pas que des déclarations aux Nations Unies vont faire le moindre bien. Est-ce une approche réaliste? Est-ce faisable? Cela peut-il se faire?
    Voilà les questions auxquelles je vous invite à répondre, monsieur.
    Merci, monsieur Khan.
    Monsieur Roche.
    Merci beaucoup, monsieur Khan.
    Premièrement, au sujet du « poids », ce que je voulais dire, c'est que le gouvernement canadien devrait prendre la parole au niveau le plus élevé, aux échelons supérieurs: le premier ministre, le ministre des Affaires étrangères. Il faut absolument un exposé complet de la politique du gouvernement du Canada sur cette question.
    En matière de sécurité, il est assez clair que les armes nucléaires ne peuvent pas être utilisées et qu'elles n'ont pas été en mesure d'empêcher les guerres qui ont eu lieu au cours des 30 ou 40 dernières années.
    Au sujet de l'Inde et du Pakistan, la présence d'armes nucléaires dans les deux pays, à mon avis, aggrave la situation au lieu de l'améliorer. Le temps n'est plus où un pays pouvait espérer garantir sa propre sécurité grâce à une puissance militaire écrasante, y compris en possédant des armes nucléaires. L'histoire moderne fourmille d'exemples de ce phénomène.
    Pour ce qui est d'être naïf parce que j'aspire à un monde libre d'armes nucléaires, ce n'est pas un simple sermon que je fais; c'est une obligation juridique aux termes du Traité de non-prolifération. Tous les États sont obligés de poursuivre des négociations visant l'élimination complète des armes nucléaires.
    En outre, du point de vue politique, il est totalement déraisonnable de croire qu'au XXIe siècle, nous puissions maintenir le statu quo, celui-ci étant défini comme une situation où un certain nombre d'États s'arrogent le droit de posséder des armes nucléaires tout en interdisant à tout autre État d'en faire l'acquisition. Cela ne fonctionne tout simplement pas.
    Pour reprendre les propos du secrétaire général sortant Kofi Annan, nous cheminons comme des somnambules vers la catastrophe.
    J'ai cité les quatre éminents hommes d'État américains — Schultz, Kissinger, Perry et Nunn — qui, dans un article remarquable publié dans le Wall Street Journal, ont dit que le temps est maintenant venu d'instaurer un monde libre de toute arme nucléaire et de poursuivre cet objectif en prenant un certain nombre de mesures qui sont autant d'étapes obligatoires.
    Personne ne croit que l'abolition des armes nucléaires pourra se faire du jour au lendemain. Ce n'est pas ce qu'on a en tête. C'est le refus des grands États de s'orienter dans cette voie d'une manière concrète et pratique qui déstabilise le régime international aujourd'hui et qui affaiblit le Traité de non-prolifération, lequel est la meilleure garantie que nous ayons contre la guerre nucléaire.

  (0945)  

    Merci.
    Monsieur Regehr.
    J'ajouterais brièvement que j'ai trouvé encourageant de vous entendre dire que vous n'appuyez pas la prolifération des armes nucléaires et c'est donc un objectif que nous avons en commun. Maintenant, comment faire en sorte que nos souhaits se réalisent à cet égard?
    Nous ne pouvons pas faire marche arrière, mais nous pouvons contrôler la science. Nous pouvons contrôler la technologie. En fait, un contrôle assez efficace a été imposé à la technologie. La propagation de la technologie vers de nouveaux régimes est assez limitée. L'Agence internationale de l'énergie atomique s'occupe tous les jours de contrôler la technologie et la science. Elle doit être renforcée. Ses constatations doivent être diffusées davantage.
    Je pense que nous pouvons dire que nous n'atteindrons jamais le point où l'on pourra affirmer que le problème nucléaire a été résolu une fois pour toute et que l'on peut passer à autre chose. Il y aura toujours quelqu'un qui sera tenté de recourir à la science. Il faudra être vigilant en tout temps. Les arrangements institutionnels par le biais de l'Agence internationale de l'énergie atomique en vue de prévenir la prolifération seront toujours nécessaires et présents et exigeront le soutien diplomatique énergique de pays comme le Canada.
    Vous avez une minute, monsieur Khan.
    Sénateur, vous venez de dire: « le refus des grands États ». La Russie vient d'annoncer qu'elle a la capacité de pénétrer le bouclier antimissiles. C'est donc cette question qui est tellement cruciale: comment pouvons-nous obtenir que ces pays se rangent? À mesure que la Russie et la Chine s'enrichissent, ces deux pays vont rivaliser en termes de matériel militaire, de technologie nucléaire, etc., pour rester à la hauteur des États-Unis et des autres et assurer leur propre sécurité. Comment les convaincre de faire marche arrière? Comment convaincre les Iraniens, qui ont perdu un million de leurs compatriotes durant la guerre contre l'Iraq, appuyée par le Koweit, l'Arabie saoudite et les États-Unis, que cela ne se reproduira plus? Certains peuples vont soutenir que leurs inquiétudes sont légitimes. Comment concilier tout cela avant que nous...?
    Merci, monsieur Khan.
    Merci, monsieur Khan.
    En bref, l'application du droit international est notre seul espoir de vivre dans un monde stabilisé au XXIe siècle. Je pense que la Russie démontre, par l'annonce dont vous venez de parler, qu'il y a bel et bien encore une course aux armes nucléaires renouvelée.
    Nous sommes entrés dans ce que j'appelle le deuxième âge nucléaire, le premier étant celui de la guerre froide, et maintenant, au XXIe siècle, des armes nucléaires sont intégrées dans les doctrines militaires des grands États à titre d'instruments permanents. C'est complètement contre le Traité de non-prolifération nucléaire et c'est en contradiction avec ce que j'appellerais le facteur de risque. Le risque de s'engager dans la voie qui mène au désarmement nucléaire est bien moindre pour le monde que le risque posé par le statu quo qui pourrait déboucher sur l'utilisation d'armes nucléaires.

  (0950)  

    Monsieur Regehr.
    Vous avez mentionné le test de missiles effectué par les Russes, qui témoigne du cycle action-réaction des armes nucléaires.
    Au début des années 90 et tout au long de cette décennie, nous avons été entraînés, par une série d'actions et de réactions, dans une spirale descendante, et il y a eu parallèlement un mouvement visant à réduire les armes nucléaires. C'est possible.
    La proposition de défense contre les missiles balistiques présentée par les États-Unis fait partie du cycle d'action-réaction qui recommence à se manifester. L'intérêt des Russes n'est pas de rompre les défenses adverses. C'est possible pour les États de prendre des initiatives qui débouchent sur des réactions constructives et ce cycle d'action-réaction produisant une spirale descendante est ce que nous devons contrer une fois de plus.
    Merci, monsieur Regehr.
    Très brièvement, monsieur Obhrai.
     Oui, merci beaucoup d'être venu. Bien sûr, j'étais présent la dernière fois que vous êtes venu ici, accompagné de l'ancienne première ministre Kim Campbell.
    Les questions que l'on pose ici sont des questions légitimes relativement à cet instrument juridique, le Traité de non-prolifération nucléaire. D'après votre propre témoignage, tout le monde compte là-dessus comme sur une sorte de police qui permettra en définitive d'atteindre l'objectif que vous recherchez et que nous recherchons tous : l'élimination des armes nucléaires. Cependant, permettez que je vous pose cette question, et je la pose aux autres témoins aussi.
    Les rapports périodiques. Le TNP stipule que nous devons travailler à réduire et éliminer... C'est la portion désarmement. Que dit aujourd'hui le rapport des cinq membres permanents qui ont été exemptés et à qui l'on a dit qu'ils doivent eux-mêmes éliminer leurs armes?
    Avec l'effondrement de l'Union soviétique, la prolifération qui se poursuit dans les anciens États membres crée une situation très dangereuse. Quelqu'un a-t-il réussi à prendre connaissance du rapport en question? Est-ce que les États-Unis, les Chinois ou quelqu'un d'autre a réduit son arsenal pour respecter cette exigence du TNP? Ou bien ces gens-là ne tiennent-ils aucun compte du TNP? Et si c'est le cas, alors pourquoi quelqu'un viendrait-il dire qu'il veut aussi adhérer au TNP?
    Ma deuxième brève question est celle-ci. L'accord nucléaire avec l'Inde crée une nouvelle situation. Aura-t-on besoin d'un nouvel instrument pour tenir compte de ces intérêts nationaux?
    Merci, monsieur Obhrai.
    Merci.
    Je vais répondre à la première question et M. Regehr traitera de l'Inde.
    Premièrement, je suis perplexe, monsieur Obhrai, quand je vous entends utiliser le mot « exempter ». Je ne sais pas trop si c'est ce que vous vouliez laisser entendre, mais permettez que je dise clairement que les grandes puissances nucléaires ne sont pas exemptées de leurs obligations aux termes du Traité de non-prolifération. Pour ce qui est de faire rapport et de ne pas tenir compte du Traité, je ne dirais pas que les grands États ne tiennent aucun compte du Traité de non-prolifération. Ils sont présents à toutes les conférences d'examen. Il y a eu tout dernièrement une réunion de deux semaines à Vienne pour préparer l'examen de 2010; les États nucléaires y ont tous participé. Mais ils essaient de gagner sur les deux tableaux. Ils essaient de prétendre que leurs programmes de modernisation sont mis de côté, et ils veulent braquer l'attention sur l'Iran et la Corée du Nord.
    Je tiens à affirmer, à titre de personne qui croit en l'élimination des armes nucléaires, qu'il faudrait bien sûr empêcher l'Iran, la Corée du Nord et n'importe quel autre pays de se procurer une arme nucléaire, mais que cette campagne ne sera pas couronnée de succès tant et aussi longtemps que ceux qui en ont s'imaginent qu'ils peuvent continuer de les posséder sans tenir aucun compte de leurs obligations.
    Leurs rapports sont déficients, mais Hans Blix déclare dans son propre rapport — et des personnalités éminentes du monde entier le disent — qu'il y a 27 000 armes nucléaires, que 95 p. 100 d'entre elles sont réparties entre les États-Unis et la Russie et que, de ce nombre, environ 2 500 armes nucléaires stratégiques, dont les plus petites sont environ huit ou dix fois plus puissantes que la bombe qui a explosé à Hiroshima, sont maintenues en état d'alerte, c'est-à-dire qu'elles pourraient être utilisées à 15 minutes d'avis. Donc, le risque d'accident, d'une défaillance d'ordinateur ou d'une anicroche quelconque, ou encore d'un régime déstabilisé quelque part qui infiltrerait tout le système des armes nucléaires, ce risque est très élevé pour le monde.
    Quand M. Dosanjh m'a demandé quelle était la mesure la plus importante de toutes et que j'ai répondu que c'était le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, s'il m'avait accordé le loisir de nommer deux mesures, j'aurais dit en deuxième lieu que la deuxième mesure la plus importante est de faire en sorte que ces armes-là ne soient plus en état d'alerte. Pourquoi le Canada ne s'adresse-t-il pas aux États-Unis et à la Russie pour leur dire : vous avez tort, vous mettez l'humanité en danger en conservant ces armes en état d'alerte et, Dieu du ciel, faites au moins un geste de bonne volonté en ne mettant plus ces armes en état d'alerte?

  (0955)  

    Merci, monsieur Roche.
    Allez-y, monsieur Regehr, rapidement. Je m'excuse, mais nous avons dépassé le temps imparti.
    Il nous faut un nouvel arrangement institutionnel pour l'Inde. L'objectif est d'amener l'Inde, le Pakistan et Israël à adhérer au TNP à titre d'États ne possédant pas d'armes nucléaires. Cela n'arrivera pas dans l'immédiat, mais nous ne devons pas non plus adopter l'attitude contraire et les reconnaître tout simplement à titre d'États nucléaires sans leur imposer la moindre obligation de désarmement.
    Or comment faire pour leur imposer une obligation de désarmement? Si nous ne pouvons pas éliminer leurs armes nucléaires, nous devons prendre des mesures qui, au minimum, vont bloquer leur arsenal dans l'état actuel. Pour cela, il faut insister pour que ces pays ratifient le Traité d'interdiction complète des essais et qu'ils décrètent un gel vérifiable de la production de matière fissile à des fins militaires.
    L'Inde prétend avoir une stratégie de dissuasion minimale. Elle a amplement d'armes et de matière fissile pour mener à bien cette stratégie de dissuasion minimale. Elle devrait être ouverte à l'idée d'un gel, et c'est la condition que nous devrions imposer avant de conclure avec ce pays un arrangement de coopération civile.
    Merci, monsieur Regehr.
    Nous avons dépassé le temps. Monsieur Dewar, vous aurez du temps supplémentaire. Les travaux du comité ont été réduits, de sorte que nous empiéterons un peu sur l'heure suivante.
    Allez-y, monsieur Dewar.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos invités. C'est effectivement un honneur de vous accueillir ici aujourd'hui, et vous nous avez donné amplement de ressources avec vos mémoires et aussi votre expérience.
    C'est parfois déprimant quand on fait le point et qu'on constate à quel point nous étions avancés, et dans quelle direction nous nous orientons maintenant. Cela se trouve assurément dans votre mémoire et pour quiconque se penche sur cette question, la difficulté réside en partie dans le fait que les gens ont décidé que ce n'est pas une question importante. Rien ne saurait être plus faux, comme vous l'avez rappelé quand vous avez dit que nous cheminons comme des somnambules.
    Sans compter qu'avec des gens du calibre et de l'expérience de MM. Schultz, Nunn, Perry et Kissinger, ce n'est pas une question idéologique. C'est une question humanitaire, ce qui ressort d'ailleurs clairement de leur article d'opinion. Je suis absolument ravi qu'ils aient fait part de leur opinion à la communauté mondiale, parce qu'il vaut la peine de l'entendre.
    Ce que nous essayons d'établir ici, c'est la position du Canada. D'après le hansard, le 17 mai, à la Chambre, M. O'Connor a dit au Président de la Chambre, en réponse à une question : « Monsieur le Président, nous sommes membres de l'OTAN et nous adhérons à ses politiques et, à ce moment-ci, l'OTAN n'a pas de politique en matière de désarmement nucléaire. » Ensuite, en réponse à la personne qui posait la question, il a ajouté : « Comme la députée le sait, le Canada a choisi en 1945, lorsqu'il a participé à la création des armes nucléaires, de ne pas avoir d'armes nucléaires. C'est notre point de vue national. »
    Cela ajoute à la confusion. Je ne dis pas cela pour embarrasser qui que ce soit, parce que c'est ce que vous avez déjà énoncé. D'une part, nous disons qu'au Canada, à titre d'État nation, nous ne sommes pas en faveur de l'utilisation des armes nucléaires. D'autre part, nous avons ce dilemme avec l'OTAN et il est d'une importance tellement cruciale que le Canada utilise son rôle au sein de l'OTAN pour établir une position. Nous pouvons le faire sans compromis. Nous pouvons le faire — et je pense que votre argument est excellent — au moyen d'une déclaration de principe qui peut être adoptée au sein de l'OTAN.
    Voici donc ma première question, qui s'adresse peut-être à vous, monsieur Roche : comment pouvons-nous faire cela? C'est un objectif que nous devrions atteindre, et je pense qu'il y aurait consensus là-dessus, mais comment y parvenir au sein de l'OTAN?

  (1000)  

    Merci, monsieur Dewar.
    Le président aimerait probablement que ma réponse soit brève et elle le sera.
    Premièrement, quand vous dites que c'est  « déprimant », c'est vrai à certains égards, mais il faut voir la question sous un autre angle. Je soutiens qu'il y a un élan historique vers l'élimination des armes nucléaires. Cela a été accompli grâce au prolongement indéfini du TNP en 1995, rendant ainsi les obligations permanentes.
    La Cour internationale de justice a déclaré qu'elle a le devoir de conclure les négociations. En 2000, on s'est entendu à l'unanimité sur un engagement catégorique en 13 étapes. C'est seulement ces dernières années qu'il y a eu un ralentissement.
    Nous devons donc aider à inverser la vapeur. Vous avez raison de dire que ce n'est pas une question idéologique; les armes nucléaires, c'est du ressort des droits de la personne. C'est la plus grossière violation des droits de la personne dans le monde entier, sans même parler de ceux qui subiront l'attaque directement. L'affaire doit donc être abordée du point de vue des droits de la personne.
    Enfin, au sujet du Canada et de ce que le ministre a dit, bien sûr, nous sommes reconnaissants que le Canada ne soit pas un pays doté de l'arme nucléaire. Nous n'en avons pas comme tel, bien que je ne reviendrai pas sur les détails historiques. Mais il ne suffit pas de ne pas avoir d'armes nucléaires; nous devons être actifs au sein de la communauté internationale pour débarrasser le monde du fléau qu'est la possession d'armes nucléaires. Cela met toute l'humanité en danger.
    Enfin, je ferai mon dernier commentaire d'aujourd'hui sur ce que nous pouvons faire au sein de l'OTAN. Votre comité, monsieur le président, a une excellente réputation et beaucoup d'expérience accumulée au fil des années dans le dossier des armes nucléaires, comme vous l'avez fait remarquer au début de la réunion. De tous les dossiers que vous étudiez au XXIe siècle — je sais que vous avez un ordre du jour très chargé et qu'il y a beaucoup de choses importantes qui se passent dans le monde —, deux problèmes se détachent et sont d'une importance cruciale: le changement climatique et les armes nucléaires. Si nous nous dérobons à l'obligation de réduire et d'éliminer le danger que les armes nucléaires font peser sur le monde, nous n'assumons pas nos responsabilités.
    Le gouvernement canadien doit donc presser l'OTAN de revoir sa stratégie et votre comité est bien placé pour conseiller au gouvernement du Canada d'exercer son influence et son leadership en se joignant à des États qui partagent ses vues au sein de l'OTAN — il est certain que la Norvège, l'Allemagne et la Belgique seraient trois partenaires à cet égard — pour travailler ensemble en vue de revoir la politique de l'OTAN. C'est un objectif réalisable.
    Merci, monsieur Regehr.
    Vous aurez du temps supplémentaire, monsieur Dewar, vous pouvez y compter.
    Je voulais inclure une question partielle avant que M. Regehr ne réponde, dans le but évidemment de faire le lien avec la question que j'ai posée initialement. À la Conférence sur le désarmement, y aurait-il moyen que le Canada joue peut-être un rôle pour réactiver cette discussion? Nous en étions là. La motion a été déposée. Peut-être pourrait-on influencer l'OTAN en utilisant cela comme outil — qu'en pensez-vous?
    Merci.
    Premièrement, sur la position actuelle du Canada, je dirai brièvement qu'il est important à mon avis de se rappeler que nous avons une très longue tradition d'engagement clair en faveur de l'élimination des armes nucléaires. Je tiens à rendre hommage aux fonctionnaires canadiens qui poursuivent cet objectif avec énormément d'habileté et de détermination. J'ai fait partie de certaines délégations et je peux témoigner personnellement de l'impact extraordinaire que les fonctionnaires canadiens ont dans ces réunions et de l'engagement avec lequel ils poursuivent cet objectif. Mais cela exige aussi un leadership politique. Le niveau d'énergie et les initiatives que peuvent prendre les fonctionnaires dépendent du leadership. Et des déclarations comme celle que vous venez de citer, du ministre de la Défense, qui est quelque peu ambivalente, n'aident pas à maintenir ce niveau d'énergie. C'est pourquoi il est très important d'obtenir de telles déclarations politiques claires pour maintenir l'élan.
    À la Conférence sur le désarmement, je pense qu'il y avait de grands espoirs. L'ambassadeur Meyer en parlera plus directement et efficacement, mais on espérait ardemment que la question serait réglée et qu'on amorcerait un mouvement vers des négociations sur un traité d'interdiction des matières fissiles. Ces espoirs se sont envolés quand les États ont refusé d'y adhérer.
    Nous avons souvent dit que si nous ne pouvons pas poursuivre au sein de la CD, nous devons trouver une autre tribune pour défendre notre point de vue. Je pense que le Canada a fait partie d'un effort d'une portée limitée déployé en 2005 pour transférer le tout à l'assemblée générale. Cela a eu des répercussions très positives sur les travaux de la CD. Le temps est venu de reprendre l'exercice, mais il faudra pour cela un leadership politique et il serait très utile d'obtenir de votre comité une recommandation visant à explorer des méthodes différentes de poursuivre des pourparlers vers un traité sur l'interdiction de la production de matière fissile.
    Merci.

  (1005)  

    Je vais vous donner encore un peu de temps, monsieur Dewar.
    Monsieur le président, pour donner suite à ce qu'on vient d'entendre, je pense qu'il serait utile, si je peux me permettre, que M. Regehr fasse peut-être part au comité de certaines recommandations à cet égard, simplement pour nous aider dans nos réflexions. Peut-être, si vous le voulez bien, pourriez-vous transmettre cela au greffier.
    Une autre question que je voulais aborder est notre rôle vis-à-vis le dilemme États-Unis-Inde et les intérêts technologiques canadiens. À l'heure actuelle, entre les États-Unis et l'Inde, il faut un compromis nucléaire, si l'on peut dire. Je me demandais quel rôle nous pouvons jouer et où en est la situation.
    Comme vous le savez, la place du Canada est très très importante dans l'histoire du programme nucléaire indien. La technologie canadienne est utilisée pour produire les matières fissiles utilisées pour le programme nucléaire. Cela donne au Canada une importante obligation morale, mais je pense que cela ajoute aussi à l'importance que d'autres pays accordent à la voix du Canada quand celui-ci s'exprime au Groupe des fournisseurs nucléaires. Je pense donc que le Canada a l'occasion de jouer un rôle de chef de file dans ce dossier.
    La manière dont on exercera ce leadership sera très importante. En bout de ligne, il faut qu'il y ait un avantage net en termes de non-prolifération. Le statu quo avec l'Inde ne sera pas conservé, mais nous devons faire attention de ne pas plier, parce que l'accord États-Unis-Inde, tel qu'il a été proposé à l'origine, vise essentiellement à ouvrir les bras à l'Inde comme État possédant des armes nucléaires et à ouvrir toutes grandes les portes de la coopération civile. Nous devons résister à cela et, comme je l'ai dit, il y a deux éléments fondamentaux essentiels pour produire un avantage net en matière de non-prolifération: le traité d'interdiction complète des essais, et l'interdiction de la production de matière fissile. Je pense que ce sont deux demandes qu'il est raisonnable de présenter à l'Inde.
    Merci à tous les deux.
    C'est toujours difficile pour un pays comme le Canada de faire une différence et de faire savoir aux autres pays toute l'importance de ne pas se lancer dans les essais nucléaires et l'acquisition d'armes. Mais si le Canada devait simplement se livrer de manière irresponsable à des discours creux, notre crédibilité à la table pourrait être ébranlée également. Il faut donc toujours trouver le juste équilibre.
    Pour revenir au rapport du comité publié il y a 10 ans, la première recommandation était que le Canada travaille sans relâche pour réduire la légitimité politique et la valeur des armes nucléaires afin de contribuer à l'objectif de leur réduction progressive et de leur élimination complète. Je pense qu'il est bon que nous fassions savoir aux autres pays que leur légitimité ne réside pas dans la possession d'armes nucléaires. Cela ne confère aucune garantie politique.
    Un dernier mot sur l'Inde, dont on a parlé un peu. L'ancien président Clinton, que je ne cite pas souvent, a dit en 1988: « Je n'arrive pas à croire qu'au moment d'amorcer le XXIe siècle, le sous-continent indien est en train de répéter les pires erreurs du XXe siècle, quand on sait que ce n'est pas nécessaire pour la paix, la sécurité, la prospérité, ni pour la grandeur nationale ou la réalisation personnelle ». C'est vrai pour le sous-continent indien, mais il y a d'autres endroits dans le monde, concentrés dans une partie d'un continent, où l'on estime que c'est tout à fait légitime. C'est donc un grand défi pour le monde de réagir en conséquence.
    Nous vous remercions d'être venus ici.
    Nous allons suspendre la séance très brièvement. La deuxième heure se situe dans le même contexte et nous allons accueillir l'ambassadeur Meyer. Nous allons faire une brève pause. L'étude des travaux du comité sera quelque peu raccourcie aujourd'hui parce que les deux auteurs des motions ne sont pas présents. Il nous faudra le consentement unanime pour procéder et je ne pense pas que nous l'obtiendrons.

    


    

  (1010)  

    Nous reprenons nos travaux.
    Durant la deuxième heure, nous accueillons M. l'ambassadeur Paul Meyer, du ministère des Affaires étrangères. Il est le représentant permanent aux Nations Unies et à la Conférence sur le désarmement.
    Je vous souhaite la bienvenue, monsieur l'ambassadeur.
    Monsieur le président, je me réjouis d'avoir l'occasion de comparaître de nouveau devant vous en qualité d'ambassadeur du Canada au désarmement. Depuis ma dernière comparution devant le comité, en décembre 2004, plusieurs nouveaux éléments ont influé sur les perspectives de progrès dans le domaine de la non-prolifération, du contrôle des armements et du désarmement et nous pourrons en discuter.
    Conformément aux intérêts que le comité a manifestés dans le passé, je m'attarderai surtout à ce qui concerne les armes de destruction massive, mais j'effleurerai aussi des initiatives relatives au contrôle des armes classiques et l'espace extra-atmosphérique.
    Le Canada soutient depuis longtemps un ordre international qui repose sur un système fondé sur des règles et qui vise à assurer la paix et la sécurité par la primauté du droit et le règlement pacifique des différends. En ce qui concerne les armes, le Canada cherche à éliminer la catégorie la plus dévastatrice, celle des armes de destruction massive, et à élaborer des accords permettant de contrôler les autres armes en vue d'en minimiser les effets potentiellement néfastes sur la sécurité internationale et humaine. Notre politique de non-prolifération et de désarmement à l'échelle internationale procède donc de motifs à la fois stratégiques et humanitaires.
    Les armes chimiques et biologiques sont soumises à une interdiction complète en vertu de deux traités internationaux largement respectés, la Convention sur les armes biologiques et à toxines de 1975 et la Convention sur les armes chimiques de 1997, sous le régime duquel ces armes ont été ou seront bientôt éliminées des arsenaux des États. La nécessité d'assurer l'application de ces accords persiste cependant et exige un engagement soutenu.
    La Convention sur les armes biologiques, par exemple, qui ne contient pas de clauses de vérification, a fait l'objet en décembre dernier d'une conférence d'examen couronnée de succès où l'on a convenu d'intensifier les opérations. On a décidé de tenir des conférences annuelles des États parties ainsi que des réunions annuelles d'experts qui examineront des questions précises et pertinentes, et de créer une petite unité de soutien dotée d'un effectif de trois membres du personnel à plein temps à Genève. Ces mesures, modestes en apparence, sont en réalité des signes tangibles de la volonté des 155 États parties de préserver l'efficacité du traité et d'en renforcer l'application.
    La situation est encore plus encourageante en ce qui concerne les armes chimiques, qui comptent 182 États parties et six autres États signataires. Sur les six États possesseurs déclarés, quatre auront achevé la destruction de leurs stocks bien avant l'échéance d'avril 2012, tandis que les deux autres, les États-Unis et la Russie, progressent constamment dans cette direction.
    Il faut souligner en particulier que la CAC est dotée d'un excellent mécanisme de vérification, à savoir l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques, dont le siège est à La Haye et qui comprend un inspectorat très efficace.
    Les armes nucléaires, bien qu'elles éclipsent les autres ADM en ce qui a trait à leur puissance destructrice, ne font pas encore l'objet du même type d'interdiction complète qui vise les armes biologiques et chimiques. Le traité international régissant les armes nucléaires est le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), qui recueille une adhésion presque universelle.
    Le TNP, signé en 1968 et entré en vigueur en 1970, est un traité relativement simple, qui contient cependant un marché complexe en trois volets entre les cinq États dotés d'armes nucléaires (États-Unis, Royaume-Uni, France, Russie et Chine) reconnus par le traité et les 184 autres États parties. Les premiers, les États dotés d'armes nucléaires, s'engagent à s'efforcer de bonne foi de réaliser le désarmement nucléaire prévu à l'article VI; et les seconds, c'est-à-dire les États qui ne possèdent pas d'armes nucléaires, s'engagent à ne pas produire ni acquérir des armes nucléaires (article II). Parallèlement, tous les États s'engagent à faciliter la coopération pour l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire, à l'article IV, sous réserve d'assurances qu'une telle coopération ne contribuera pas à la mise au point d'armes nucléaires, à l'article III.

  (1015)  

    Bien que le TNP soit sans doute le plus important traité sur la sécurité internationale qui existe et qu'il ait rapporté d'énormes avantages au cours de ses 37 ans d'existence, c'est également un traité qui est soumis actuellement à des tensions considérables. Ces dernières années, ses normes sont attaquées sous divers aspects : programmes d'armes nucléaires clandestins de l'Iraq, de la Libye et de la Corée du Nord, ce dernier pays ayant été le premier État à se retirer du traité; révélation du marché noir nucléaire A.Q. Khan, basé au Pakistan; inobservation persistante par l'Iran des résolutions de l'AIEA, et maintenant des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU concernant la nécessité de restaurer la confiance internationale dans la nature pacifique de ses activités nucléaires.
    Outre ces problèmes relatifs au volet non-prolifération du traité, on constate que de nombreux États non dotés d'armes nucléaires mettent désormais sérieusement en doute la volonté des États dotés d'armes nucléaires de remplir leurs obligations de désarmement nucléaire conformément à l'article VI du traité et aux décisions prises aux conférences d'examen de 1995 et de 2000. Beaucoup de ces tensions internes étaient évidentes à la conférence d'examen du TNP de mai 2005, qui n'a pu adopter aucun document de fond, ce qui en soi est symptomatique des difficultés auxquelles le traité se heurte et de l'effritement du consensus sur ses priorités actuelles.
    Ayant dirigé la délégation du Canada à la première commission préparatoire du nouveau cycle d'examen du TNP, qui a pris fin le 11 mai à Vienne, je puis vous dire qu'il faudra beaucoup de travail pour combler les fossés qui existent entre les parties au TNP et restaurer l'adhésion de toutes à un but commun, qui est crucial pour son application.
    Mais le Canada et ses diplomates ne reculent pas devant la difficulté et je puis assurer au comité que nous avons joué un rôle de chef de file en ce qui a trait aux correctifs nécessaires pour renforcer l'autorité et l'intégrité du TNP. Nous réclamons systématiquement l'application concrète et générale des trois piliers centraux du traité.
    Nous avons aussi présenté des idées novatrices pour renforcer l'autorité du traité et la responsabilité à son égard en instituant des conférences annuelles des États parties, la possibilité de réunions d'urgence des parties, un bureau permanent du traité, des rapports annuels sur son application et un rôle accru pour la société civile.
    Nous aurons besoin d'une action concertée de toutes les catégories d'États parties au TNP pour que les engagements centraux et les normes que contient ce traité puissent continuer d'agir au profit de l'humanité.
    Après les armes de destruction massive, permettez-moi de passer maintenant à l'autre extrémité du spectre des armes, celle des armes classiques. On a rappelé également que ce sont des civils et non des combattants qui constituent la grande majorité des victimes de ces armes. Ce sont des armes qui entravent la paix et le développement durable et à propos desquelles des facteurs humanitaires et des obligations imposés par le droit humanitaire international jouent un rôle particulièrement déterminant.
    Les efforts multilatéraux visant à restreindre l'emploi de certaines armes qui frappent sans discernement ou qui ont des effets traumatiques excessifs datent de plus d'un siècle. La convention de La Haye de 1897, qui a interdit les balles dum-dum ou explosives, en est un exemple ancien.
    En 1982 a été conclue la Convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discernement, ou CCAC — vous comprenez peut-être maintenant pourquoi nous avons un penchant pour les abréviations dans notre métier. Sous les auspices de cette convention ont été élaborés plusieurs protocoles interdisant l'emploi d'armes telles que les lasers aveuglants et le napalm. Le dernier protocole en date, le cinquième, encadre la responsabilité des États à propos des débris de guerre explosifs.

[Français]

     Récemment, on s'est préoccupé, sous le régime de la CCAC, de la question des munitions en grappes, alors que, parallèlement, plusieurs pays se réunissaient à Oslo en février pour entamer un processus en vue d'une interdiction internationale des munitions en grappes qui ont des conséquences humanitaires inacceptables. Le Canada a été l'un des 75 États qui ont participé la semaine dernière à une conférence de suivi à Lima, au Pérou, où ils ont examiné quels pourraient être les principaux éléments d'un éventuel instrument juridique.

  (1020)  

    Les travaux sur la CCAC se poursuivront simultanément à l'occasion de la réunion du Groupe d'experts gouvernementaux, en juin 2007, qui cherchera à recommander un mandat de négociation à proposer à la Conférence des États parties à ce traité, qui aura lieu en novembre de cette année. Le Canada appuie les deux processus, qui sont complémentaires, à notre avis.
    Le processus d'Ottawa a débouché, il y a une décennie, sur la Convention d'Ottawa interdisant les mines antipersonnel. Le traité, qui compte maintenant 153 parties, continue d'apporter une contribution majeure à la sécurité mondiale, et l'on évalue à 40 millions le nombre des mines stockées qui ont déjà été détruites sous son régime, alors que le commerce international des mines antipersonnel a été virtuellement éliminé. Le Canada demeure un des partisans les plus actifs de la convention et de l'action antimines qui permet de l'appliquer.
    La lutte contre le commerce illicite des armes légères est un aspect important de la politique étrangère canadienne. Le Canada est en faveur de la mise en oeuvre intégrale du Programme d'action des Nations Unies sur les armes légères et continue de prendre des mesures concrètes pour remédier à l'impact humanitaire et aux effets négatifs sur le développement de la prolifération et de l'abus des armes légères, tout en veillant au respect des intérêts légitimes existants des propriétaires, des producteurs, des négociants et des détaillants d'armes à feu.
    Nous appuyons également l'initiative du Royaume-Uni visant à élaborer un traité sur le commerce des armes qui comporterait un régime juridique complet régissant les transferts internationaux d'armes classiques de toutes sortes. Nous espérons participer aux travaux du Groupe d'experts gouvernementaux, qui définira le cadre d'un tel traité.

  (1025)  

[Traduction]

    Enfin, monsieur le président, permettez-moi d'aborder brièvement la question de l'espace extra-atmosphérique, le « dernier front pionnier », comme l'a décrit un Canadien célèbre. Notre village planétaire dépend de plus en plus des satellites pour une large gamme de services pratiques. Nous avons tous intérêt à conserver notre accès à l'espace sans risquer d'y être attaqué.
    À Genève, à Vienne et à New York, des discussions sont en cours dans diverses enceintes au sujet des mesures supplémentaires que la communauté internationale pourrait prendre pour préserver le caractère inoffensif de l'espace. À la Conférence du désarmement à Genève, des discussions récentes et des documents de travail ont porté sur deux grandes pistes de solutions : l'élaboration d'un traité interdisant le placement d'armes dans l'espace et la définition de mesures de transparence et de confiance qui contribueraient à empêcher que l'espace extra-atmosphérique ne devienne un théâtre de conflit.
    À l'ONU, à Vienne, il s'est accompli beaucoup de travail utile à propos des lignes directrices sur la réduction des débris spatiaux et l'on s'y penche désormais sur la gestion des déplacements dans l'espace. La réglementation de cet aspect de l'activité des États présente de nombreuses difficultés, mais, par un dialogue international constructif, je crois que cette forme de contrôle des armements présente également un potentiel considérable.
    Monsieur le président, je vous ai donné un aperçu forcément sommaire de ce que fait le gouvernement dans le domaine de la non-prolifération, du contrôle des armements et du désarmement. Il y a plusieurs points pertinents que n'ai pu aborder dans le temps qui m'était accordé pour cet exposé préliminaire, par exemple le partenariat mondial au G8, où le premier ministre Harper a annoncé récemment que le Canada verserait une contribution additionnelle de 150 millions de dollars.
    Je tiens à vous assurer que je suis à votre disposition pour discuter également de ces autres questions. Je répondrai bien volontiers aux questions des membres du comité.
    Merci, monsieur.
    Merci, monsieur l'ambassadeur.
    Nous allons commencer notre premier tour avec M. Eyking.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Meyer, d'être venu nous rencontrer aujourd'hui.
    J'ignore si vous étiez présent tout à l'heure pour entendre les observations et les questions qui ont été posées durant la première heure. Quoi qu'il en soit, j'ai quelques questions à vous poser.
    Sur toute la question du désarmement nucléaire, je pense que l'une des périodes clés se situait durant les années 1980, pendant les pourparlers sur la limitation des armes stratégiques, appelés SALT, qui se sont déroulés à Reykjavik, en Islande. Je suppose que c'est à ce moment-là qu'on a vraiment commencé à parler de désarmement. Depuis ce temps, combien d'armes avons-nous détruites? Avons-nous pris du retard ou bien sommes-nous en avance quant au désarmement dans le monde?
    Deuxièmement, le Canada semble avoir 150 millions de dollars à consacrer à ce qu'on appelle le partenariat mondial. Cela concerne-t-il surtout la Russie? Et qu'est-ce qu'on obtient pour cette somme de 150 millions de dollars?
    Merci, monsieur Eyking.
    Monsieur l'ambassadeur.
    Sur la première question, je n'ai pas les chiffres exacts, mais nous sommes passés d'environ 60 000 armes nucléaires dans le monde, à l'apogée de la guerre froide, au chiffre de 27 000. C'est clairement un progrès, mais il est également clair qu'il reste encore beaucoup à faire.
    Quant à cette contribution de 150 millions de dollars, oui, c'est essentiellement en Russie et dans les États qui faisaient partie de l'ancienne Union soviétique. Les projets comprennent le déclassement de sous-marins nucléaires de l'ère soviétique et la réaffectation des scientifiques travaillant aux ADM dans ces pays qui se consacrent désormais à des objectifs non militaires. Et il y a des programmes qui visent à sécuriser les sites où se trouvent des matières nucléaires, ainsi que des projets de non-prolifération d'armes biologiques.
    Comme on l'a fait remarquer, je pense que tout cela contribue à notre propre sécurité et à la sécurité mondiale.

  (1030)  

    Quand on procède au démantèlement de ces armes — il y a bien sûr des experts qui fabriquaient auparavant ces armes et dont on utilise maintenant les talents à des fins plus pacifiques —, peut-on utiliser l'énergie que ces armes renferment? Peut-on utiliser l'énergie des armes nucléaires à des fins domestiques, ou bien se contente-t-on de les rendre inertes?
    Eh bien, ça dépend. Les armes chimiques, par exemple, sont rendues inutilisables et c'est un autre domaine, dans le cadre du programme de partenariat mondial, dans lequel nous contribuons à ériger des installations de destruction.
    Mais dans le cas des matières nucléaires, le programme de partenariat mondial envisage l'utilisation possible des éléments nucléaires pour en faire ce qu'on appelle du combustible MOX, qui est un mélange amoindri d'uranium fortement enrichi et de plutonium, après quoi ce matériau composite peut être utilisé comme combustible nucléaire. Cela pose beaucoup de difficultés technologiques et financières, mais on pourrait dire dans ce cas que l'on fait un effort pour utiliser les éléments des armes nucléaires à des fins civiles.
    Merci, monsieur Meyer.
    Me reste-t-il du temps?
    Oui, mais la dernière question est pour M. Dosanjh.
    J'ai une très brève question.
    Dans votre exposé, vous avez parlé de munitions en grappes, comme les bombes en grappes, et vous avez fait allusion à deux processus qui sont en cours, mais vous n'avez nullement dit quelle position le Canada a adoptée dans le cadre de ces processus. Est-ce que nous favorisons seulement la poursuite du processus, ou bien défendez-vous une position selon laquelle ces munitions doivent être interdites, ce que je préférerais, et je crois que, de manière générale, c'est ce que nous préférerions tous?
    La position canadienne est que ces armes doivent être contrôlées et que les munitions qui créent des conséquences inacceptables du point de vue humanitaire doivent être interdites. La question qui en découle est de savoir comment définir cela exactement. Les réunions tenues à Oslo et tout récemment à Lima ont été très utiles pour entrer dans les détails. Mais la position que nous avons adoptée est que nous envisageons d'interdire les munitions en grappes qui causent des conséquences inacceptables sur le plan humanitaire.
    Maintenant, cela reste évidemment à définir, mais nous sommes très conscients de nos obligations aux termes du droit humanitaire international et dans le cadre de la CCW, la convention sur les armes inhumaines dont j'ai parlé tout à l'heure, qui vise clairement à faire en sorte que les armes qui causent des traumatismes excessifs ou qui frappent sans discernement de par leur nature même ne soient pas utilisées.
    Merci, monsieur l'ambassadeur.
    Il vous reste encore une minute.
    Je voudrais que vous soyez plus précis. Vous m'avez donné une réponse très diplomatique et c'est votre travail.
    Une voix: Pas ici.
    Merci.
    Dans notre parti politique, nous avons réclamé l'interdiction des bombes en grappes et je suis certain que d'autres appuient cette position. Dans le cadre de la formulation d'une position canadienne, au moment d'aborder ces processus, est-ce votre position en tant que notre représentant?
    Pour les autres munitions, vous divergez peut-être d'opinion —
    Eh bien, la position canadienne au moment d'entamer le processus est celle que je viens de décrire. Maintenant, cela ne se traduit pas par une interdiction totale. Certains pays préconisent cela actuellement; beaucoup d'autres ne le font pas, et nous n'en faisons pas partie.

  (1035)  

    Vous ne faites pas partie de ceux qui préconisent l'interdiction?
    Pas l'interdiction totale, parce que, du point de vue canadien, ces munitions ont une utilisation légitime si elles sont utilisées en conformité du droit humanitaire international et si elles ont les qualités voulues pour les rendre conformes à une telle utilisation.
    La question se pose donc de savoir quel niveau de fiabilité on doit exiger, et cela reste à définir, parce que l'une des difficultés était l'utilisation par certains pays de munitions en grappes qui avaient un taux d'échec très élevé. Ce sont les vestiges de la guerre, si l'on peut dire, qui peuvent causer des conséquences humanitaires inacceptables par la suite.
    Vous pouvez comprendre comment, en décidant par exemple qu'à l'avenir... Et beaucoup de militaires, y compris les nôtres, adoptent une position selon laquelle si jamais l'on devait à l'avenir utiliser ou acquérir de telles armes, il faudrait que le taux de fiabilité soit de 99 p. 100, en comparaison des arsenaux actuels, dont la fiabilité est très inférieure à cela.
    Merci, monsieur l'ambassadeur.
    Madame Barbot, vous avez sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur l'ambassadeur, d'être présent aujourd'hui.
    En ce qui concerne la lutte contre le commerce illicite des armes légères, vous dites que c'est un aspect important de la politique étrangère canadienne et que le Canada est en faveur de la mise en oeuvre du Programme d'action des Nations Unies sur les armes légères.
    Cependant, n'y a-t-il pas une contradiction quand, d'une part, le Canada dit prendre des mesures concrètes pour remédier à l'impact de ces armes, tant sur le plan humanitaire que sur le développement et la prolifération des armes et, d'autre part, veiller au respect des intérêts légitimes des propriétaires, des producteurs, des négociants et des détaillants d'armes à feu?
    Autrement dit, ces armes viennent de quelque part. Je suppose que le commerce illicite se fait par l'entremise de commerçants, de producteurs, etc. Comment le Canada concilie-t-il son action à la fois pour protéger les gens et lutter contre ce commerce illicite?
    Effectivement, il faut combattre le commerce illicite, tout en permettant le commerce légitime. Comment peut-on concilier les deux? C'est l'un des aspects des activités. Le Royaume-Uni a proposé d'élaborer un traité exhaustif qui porterait sur tous les aspects des armes. Le défi d'un tel traité sera d'énumérer les lignes directrices pour réglementer le commerce de ces armes. La définition de normes s'appliquant à l'échelle internationale et visant à déterminer la légitimité de la vente de ces armes serait, à mon avis, un grand pas en avant.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Barbot.

[Français]

    Je voudrais faire un commentaire. Actuellement, on sait qui produit les armes qu'on trouve ailleurs. Ne pourrait-on pas poser des actions plus concrètes, en particulier quand il s'agit de Canadiens? Ces armes ne se retrouvent pas sur le marché noir par elles-mêmes. Comme le Canada dit que c'est un volet extrêmement important de sa politique étrangère, il me semble qu'il pourrait prendre des mesures plus contraignantes et non simplement se rabattre sur un traité éventuel.
    Par ailleurs, vous parlez du traité de non-prolifération et des tensions considérables qui sont associées à ce traité. Vous citez des pays qui attaquent le traité, nommément l'Irak, la Libye, la Corée du Nord et le Pakistan. Je suis un peu étonnée de ne pas retrouver dans vos propos l'Inde et Israël. Est-ce un oubli volontaire ou ces pays répondent-ils à des normes autres que celles dont vous avez parlé?
    Non, madame. En fait, le but est de promouvoir l'application universelle du traité, y compris par les trois pays qui ne sont pas parties au traité pour le moment, soit Israël, l'Inde et le Pakistan. La référence au Pakistan est attribuable au marché noir développé par un individu d'origine pakistanaise, ce qui représente un autre défi pour le traité. Comme je l'ai dit dans mes remarques, certains pays membres du traité, par exemple la Libye, l'Irak, l'Iran et la Corée du Nord, ont violé leurs obligations en vertu du traité.

  (1040)  

[Traduction]

    Madame Lalonde.

[Français]

     Monsieur l'ambassadeur, j'ai voulu savoir à quoi allaient servir les 150 millions de dollars.
    Il y a quelques années, j'ai participé, avec une délégation canadienne, à une réunion à Strasbourg portant sur les anciens équipements armés dangereux pour l'environnement. J'y ai appris que la Russie continuait à développer des armes nucléaires modernes, mais laissait la communauté internationale prendre soin de ces équipements désuets.
    J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
    La Russie, ce n'est pas l'Union soviétique. C'est un pays en pleine transformation. Selon moi, ce qui importe, c'est que la Russie contribue maintenant à ce partenariat global. De fait, elle se classe au deuxième rang des donateurs. Le gouvernement de Moscou a indiqué sa contribution réelle à ce projet hérité de l'ancien régime soviétique.

[Traduction]

    Merci, monsieur l'ambassadeur.
    Madame Lalonde, très rapidement.

[Français]

    À la fin du paragraphe sur le TNP, qui est très intéressant, vous dites: « [...] qu'il faudra beaucoup de travail pour combler les fossés qui existent entre les parties au TNP et restaurer l'adhésion [...] ».
    Pouvez-vous conclure là-dessus?

[Traduction]

    Merci, madame Lalonde.

[Français]

    Madame Lalonde, il faut avoir des buts communs et combler le fossé qui existe entre les différentes perceptions. On doit convaincre toutes les parties qu'il est plus important d'atteindre des objectifs communs de sécurité que de se concentrer sur des intérêts nationaux étroits. Le défi sera d'instaurer une diplomatie persuasive pour atteindre ce but.

[Traduction]

    Merci, monsieur l'ambassadeur.
    Nous passons à M. Obhrai pour sept minutes.
    Je vous remercie d'être venu, monsieur l'ambassadeur. Nous sommes contents de vous recevoir.
    Je ne peux m'empêcher de dire à mes collègues libéraux que s'ils ont une question sur la politique du gouvernement, ils devraient la poser à la période des questions. Je me ferai un plaisir de leur répondre.
    Je vais vous poser la question suivante. Je vous invite à commenter brièvement. Avant votre arrivée, nous avons entendu deux témoins qui ont parlé avec beaucoup d'éloquence de ce qui se passe sur la scène mondiale. Il y a le marché nucléaire entre l'Inde et les États-Unis, la question iranienne, la question coréenne, et beaucoup d'autres difficultés qui surgissent en matière de non-prolifération. Je voudrais savoir ce qui se passe à Genève parmi ceux qui font l'opinion, non pas la politique officielle, mais l'atmosphère parmi les participants. Sont-ils optimistes? Les gens pensent-ils que l'on se dirige vers l'objectif que nous voulons atteindre avec le TNP?
    Quelle est l'atmosphère là-bas à Genève? Pouvez-vous nous faire de brèves observations là-dessus?
    En fait, comme les témoins précédents l'ont signalé, d'importants progrès ont été accomplis à la Conférence sur le désarmement, qui regroupe 65 pays, dont tous les États considérés comme possédant l'arme nucléaire, mais on n'a pas réussi à s'entendre officiellement sur un plan de travail dans les quatre domaines qui ont été énumérés: le Traité sur l'interdiction de la production de matière fissile, qui est simplement un traité pour cesser la production de la matière permettant de fabriquer des armes nucléaires; le thème du désarmement nucléaire; la prévention d'une course aux armements dans l'espace; et les soi-disant garanties négatives de sécurité, qui sont simplement des garanties données aux États ne possédant pas d'armes nucléaires par les États qui en possèdent qu'ils ne seront pas exposés à l'utilisation ou à la menace d'utiliser des armes nucléaires.
    Grâce à d'habiles manoeuvres diplomatiques, je pense qu'on a réussi à mettre au point un ensemble de mesures qui bénéficient d'un soutien généralisé, mais — ce « mais » est d'importance — c'est un organisme qui regroupe 65 pays et où tout se fait par consensus, de sorte qu'il faut que chaque représentant soit d'accord. Or la Chine, le Pakistan et l'Iran ont indiqué avoir des réserves à l'égard de l'énoncé dont la conférence est actuellement saisie. Ces trois pays ne disent pas carrément qu'ils sont contre, mais des réserves ont été formulées et ils insistent vraiment pour qu'on atténue leurs préoccupations. Il semble malheureusement que l'on risque de perdre une partie de l'élan qui avait été pris.
    Je pense qu'il est crucial de continuer à faire converger l'intérêt public et l'intérêt politique sur ces trois États en particulier. Un compromis très acceptable a été proposé, Il devrait être accepté et, si nous voulons voir progresser les efforts multilatéraux dans le domaine de la non-prolifération et du désarmement, nous avons besoin de cette coopération de base.
    J'espère que vous tous, grâce à vos contacts, pourrez aussi en faire la promotion. C'est le plus grand espoir depuis de nombreuses années de remettre en branle tout l'appareil et nous ne devrions pas gaspiller cette chance à cause des réserves exprimées par deux ou trois États.

  (1045)  

    Merci, monsieur l'ambassadeur.
    Monsieur Khan.
    Merci, monsieur le président.
    Excellence, j'ai une très brève question.
    Je trouve très encourageant que les arsenaux des États seront dépourvus d'ADM. Si tel est le cas, je pense qu'il vaut la peine de fêter l'événement. Mais il y a une autre difficulté d'importance: que faire des transnationales qui ont maintenant la capacité d'avoir accès aux mêmes connaissances scientifiques, aussi rudimentaires puissent-elles être?
    Voici maintenant ma deuxième question, monsieur: pouvez-vous nous parler brièvement du processus de réorientation des scientifiques qui se consacrent aux ADM?
    Absolument, les transnationales ou acteurs non étatiques sont l'un des défis qui se posent actuellement.
    Je pense que ce que nous devons faire à ce sujet, c'est de compléter le régime existant qui est fondé sur une approche centrée sur l'État, et nous devons garder à l'esprit que ce n'est pas comme s'il n'existait plus dans le monde d'États non problématiques. Nous devons nous assurer que cet énoncé demeure valable mais, en même temps, nous devons travailler, encore une fois par la coopération, pour nous assurer de ne pas donner d'ouverture aux groupes terroristes ou autres acteurs non étatiques qui pourraient mettre la main sur des ADM, par exemple. C'est pourquoi le réseau A.Q. Khan doit être confronté résolument et mis sous enquête, et nous devons renforcer nos mesures de contrôle des exportations.
    Il existe un certain nombre de conventions internationales, que je ne vais pas énumérer et dont la création a été déclenchée par cette inquiétude. La convention contre le terrorisme nucléaire a été conclue récemment. Nous avons renforcé la convention sur la protection des matières radioactives afin d'empêcher de telles possibilités.
    Il se fait beaucoup de travail sous les auspices du partenariat mondial, précisément pour atténuer de telles inquiétudes. Par exemple, dans l'ancienne Union soviétique, on utilisait des sources d'énergie fortement radioactives pour alimenter en électricité les phares. Un projet est actuellement en cours visant à remplacer ces mini-centrales par des panneaux solaires et autres dispositifs, non pas que les matières pourraient vraiment servir à fabriquer une véritable bombe nucléaire, mais on pourrait s'en servir pour fabriquer ce qu'on appelle une bombe sale capable de faire énormément de ravages et de victimes.
    Sur le plan très pratique, on s'efforce simplement d'avoir toujours une longueur d'avance sur ceux qui pourraient vouloir utiliser ces matériaux à des fins très malveillantes.
    Merci, monsieur l'ambassadeur.
    Nous entendrons maintenant M. Dewar pendant sept minutes.

  (1050)  

    Merci.
    Merci, monsieur l'ambassadeur, pour votre exposé d'aujourd'hui, qui était des plus utiles. Je comprends que c'était tout un défi pour vous que d'essayer de résumer tout le travail que vous faites en quelques minutes. Vous vous en êtes très bien tiré.
    Je veux revenir sur l'idée exprimée par le témoin précédent de coparrainer une motion à l'ONU. Je sais que vous êtes ambassadeur; vous n'êtes pas ministre. Je voudrais savoir ce que vous pensez de cette approche consistant à coparrainer une motion visant à créer des comités spéciaux dans les quatre domaines préoccupants: le Traité sur l'arrêt de production, la prévention d'une course aux armements dans l'espace, les garanties négatives de sécurité, et les nouvelles approches face au désarmement nucléaire. On semble s'être embourbés et nos témoins précédents ont indiqué que nous entrons dans une nouvelle phase. Nous n'avons plus affaire à deux bloc monolithiques. Et puis il y a le succès des traités SALT et de ce qui a suivi, dont certains diraient que c'était un peu plus facile parce que nous avions affaire à deux blocs. Aujourd'hui, tout est beaucoup plus éclaté et décentralisé.
    À l'heure actuelle, nous mettons l'accent sur cette décision à la CD. Nous avons toujours estimé que la Conférence sur le désarmement, sanctionnée par le comité plus étendu de l'ONU pour ces négociations ou discussions, représentait la tribune privilégiée, pourvu que ses membres puissent s'entendre. Cela demeure encore aujourd'hui notre principal effort. Nous encourageons les autres États à faire tout ce qu'ils peuvent pour convaincre cette poignée d'États qui n'ont pas encore appuyé cette proposition. Ce sera notre priorité.
    Nous devrons faire notre propre évaluation plus tard cette année quand la CD mettra fin officiellement à sa session à la mi-septembre. Sur la foi de cette analyse, on pourra approfondir la réflexion sur d'autres solutions de rechange susceptibles d'être adoptées.
    Je vous encourage dans cette réflexion. La CD s'est butée à beaucoup de difficultés. Parfois, quand on est bloqué, il est important de chercher d'autres pistes de solutions. Encore une fois, je comprends votre position et votre situation. Je vous fais ces observations simplement à titre d'information.
    Voici mon autre question. Le Canada a proposé au premier comité une certaine manière de procéder qui n'a pas donné de résultats. Quelles étaient les difficultés? Peut-être la faute en est-elle imputable à l'analyse sur les écarts à laquelle vous avez fait allusion. Pourquoi cela a-t-il échoué, d'après vous? À votre avis et de votre point de vue, qu'est-ce que le Canada pourrait faire de différent pour obtenir du succès?
    La clé, dans ce dossier des armes nucléaires et des matières fissiles, c'est que les États qui possèdent ces armes et ces matières soient tous désireux de participer à des négociations débouchant sur des restrictions quelconques. Vous comprendrez que ce ne serait pas intéressant si l'on avait des pays qui disaient que c'est très bien, que les autres pays peuvent bien s'entendre pour mettre fin à la production, mais qu'eux ne souhaitent pas participer à cette négociation. Il s'agit de trouver la formule pour amener ces pays à avoir le sentiment qu'ils ont à y gagner et à y participer. Voilà le défi. Dans certains cas, c'est très difficile de déchiffrer tous les facteurs qui peuvent déterminer pourquoi un État donné a adopté une certaine position diplomatique. La Chine en est un exemple flagrant.
    Pour ce qui est du rôle du Canada dans le transfert technologique, ce n'est peut-être pas le terme que vous utilisez, mais au sujet de la double utilisation et du fait que nous possédons une technologie importante que nous transférons à certains pays, avons-nous suffisamment d'outils dans notre boîte à outils pour en faire un suivi? Je veux dire suivre à la trace la technologie, mais je songe aussi au modèle de gouvernance, par exemple à des arrangements avec l'Inde et au fait que nous envisageons de transférer notre technologie nucléaire.
    Je ne pose pas du tout la question en termes politiques. Je demande simplement si nous avons suffisamment d'outils sur le plan de la gouvernance et de la technologie pour opérer le suivi des matières en question et nous assurer qu'elles ne serviront pas à autre chose?

  (1055)  

    De façon générale, la réponse est oui, mais il y a manifestement place pour de l'amélioration. Je pense que cela se fait sur deux plans. Nous faisons des efforts sur le plan intérieur, en termes de contrôle des exportations, dont il faut assurer l'étanchéité continue.
    Il y a quelques années, des changements ont été apportés afin d'autoriser des dispositions passe-partout nous permettant d'être plus efficaces dans l'application des contrôles. Mais nous vivons dans un monde tout à fait interdépendant et nous devons collaborer dans l'arène multilatérale. Le Canada a été membre du Groupe de fournisseurs nucléaires, dont la raison d'être est de s'assurer de mettre en place des directives empêchant le transfert de technologies nucléaires à des États qui ne se sont pas assujettis eux-mêmes au régime de sauvegarde de l'AIEA. On continue de renforcer cette coopération, par des échange de renseignements, etc.
    Je pense que nous avons une approche passablement satisfaisante, tout en reconnaissant qu'il faut être constamment vigilant et chercher à apporter des améliorations.
    Diriez-vous qu'il faudrait en faire davantage dans ce domaine?
    Il y a toujours place pour de l'amélioration, mais la base est très solide.
    Je remercie notre témoin, M. l'ambassadeur Meyer, d'être venu nous rencontrer aujourd'hui.
    Je m'adresse aux membres du comité. Nous allons nous déplacer de l'autre côté du corridor, parce que notre témoin n'est pas encore arrivé. Nous allons nous occuper d'abord de questions administratives, après quoi nous ferons l'étude de la situation à Haïti avec la personne qui doit venir témoigner devant le comité.
    Merci encore, monsieur Meyer.
    Merci à tous.
    La séance est levée.