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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des finances


NUMÉRO 047 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 2 novembre 2006

[Enregistrement électronique]

  (1000)  

[Traduction]

    Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Nous allons commencer par un bref exposé.
    M. Horst Intscher, le directeur, est ici. Soyez le bienvenu. Nous vous écoutons.
    Permettez-moi de présenter rapidement mes collègues : Glynnis French, sous-directrice, Stratégies et partenariats; Peter Bulatovic, directeur adjoint, Renseignements financiers tactiques; Yvon Carrière, avocat-conseil.
    Je suis heureux d'avoir, aujourd'hui, la possibilité de prononcer un discours d'ouverture sur le CANAFE et sur ce que nous y faisons. J'aimerais également parler brièvement des raisons pour lesquelles les dispositions comprises dans le projet de loi C-25 sont importantes pour le Centre et pour l'ensemble des efforts que déploie le Canada afin de lutter contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes.
    Suite à ma déclaration préliminaire, je demanderai à M. Bulatovic de nous décrire brièvement un exemple épuré de communication du CANAFE. Je crois qu'un cas illustré est probablement la meilleure façon de vous expliquer comment notre produit de renseignement révèle la complexité du blanchiment d'argent.
    Le CANAFE a été créé suite à l'adoption de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, à titre d'organisme autonome. Nous devons travailler indépendamment des entités à qui nous communiquons des renseignements. Je traiterai un peu plus tard des raisons qui justifient de telles dispositions.
    Le CANAFE est l'unité du renseignement financier, l'URF, du Canada. Notre mandat est d'analyser des renseignements concernant les opérations financières qu'une vaste gamme d'entités financières sont tenues de nous déclarer. Après analyse, s'il est raisonnable de soupçonner que certains renseignements que nous avons reçus se rapportent à une enquête sur le blanchiment d'argent ou le financement des activités terroristes, le CANAFE doit les communiquer à la police ou au SCRS, à des fins d'enquête. Bref, nous fournissons aux organismes d'application de la loi et aux organismes nationaux d'enquête sur la sécurité des pistes qui prennent la forme de renseignements financiers.
    Il est également important de noter ce que le CANAFE n'est pas. Nous ne sommes pas un organisme d'enquête et nous ne possédons pas les pouvoirs nécessaires pour recueillir des preuves ou porter des accusations. Le CANAFE ne mène pas d'enquêtes ni de poursuites liées à des infractions présumées. Plutôt, nous sommes un organisme d'analyse qui produit des renseignements financiers pouvant être communiqués, le cas échéant, afin de faciliter les enquêtes effectuées par les organismes d'application de la loi et de sécurité.
    Les entités déclarantes font parvenir quotidiennement au CANAFE des déclarations concernant différents types d'opérations financières. Nous analysons ces données de concert avec de l'information provenant d'autres sources, comme les bases de données des organismes d'application de la loi, les bases de données commerciales ou accessibles au public et, parfois, celles d'unités étrangères du renseignement financier.
    Nous cherchons spécifiquement les opérations financières ou les tendances qui ne correspondent pas exactement à la norme et qui entraînent des soupçons de blanchiment d'argent ou de financement d'activités terroristes. Comme vous pouvez l'imaginer, le déplacement de fonds illicites est souvent un processus complexe et secret concernant des centaines d'opérations ainsi que des douzaines de personnes et d'entreprises. En utilisant une technologie de pointe et d'excellentes capacités analytiques, nos analystes réunissent l'information et brossent un tableau complet du déplacement des fonds. Nous traçons une carte que la police et le SCRS peuvent utiliser afin d'étudier le déplacement des fonds et les activités criminelles soupçonnées.
    Bien que nous soyons tenus de fonctionner de façon indépendante de la police et du SCRS, notre but est d'appuyer et de faciliter leur travail en leur fournissant des pistes. Nous faisons partie d'une vaste constellation d'organisations dont le but collectif est de lutter contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes. D'autres organisations participent à cette lutte, dont la police aux niveaux fédéral, provincial et municipal, les organismes de sécurité, les procureurs et les tribunaux.
    Le CANAFE se situe presque aux premières lignes de ce processus de lutte, et les renseignements que nous fournissons visent à aider les autres organismes à atteindre les objectifs plus vastes de la Loi.
    Je suis heureux de pouvoir affirmer que le programme en place au Canada fonctionne bien. Il est solide, il permet d'atteindre les objectifs visés et il est reconnu à ce titre mondialement.
    Je suis également heureux que le CANAFE soit partie intégrante de ce succès. Comme nous l'avons indiqué dans notre rapport annuel, déposé il y a un mois, en 2005-2006 nous avons signalé 168 cas d'activités financières douteuses représentant plus de cinq milliards de dollars en opérations. En fait, depuis que le CANAFE est devenu opérationnel, il y a cinq ans, nous avons communiqué un total de 610 cas concernant des opérations d'une valeur de 8,2 milliards de dollars.
    La portée et la complexité de nos communications ont également connu une croissance importante ces dernières années. La valeur moyenne des cas que nous signalons est passée de trois millions de dollars en 2003-2004 à 30 millions de dollars l'année dernière, alors qu'environ 10 p. 100 de nos cas concernaient des opérations dont la valeur dépassait largement les 50 millions de dollars.
    Quelque 32 organismes canadiens d'application de la loi et dix de leurs homologues étrangers ont reçu des communications du CANAFE. Je constate avec satisfaction que les renseignements financiers du CANAFE sont de plus en plus souvent utilisés dans le cadre d'enquêtes, de mises en accusation et de poursuites.

  (1005)  

    J'aimerais aussi dire quelques mots sur la protection des renseignements personnels.
    Notre loi a été conçue pour protéger le plus possible les renseignements personnels tout en nous permettant de communiquer certains renseignements aux organismes d'application de la loi afin de faciliter la détection et les dissuasions d'activités criminelles graves.
    Le point de départ de cette protection est la nature des ententes institutionnelles qui font du CANAFE un organisme autonome et indépendant qui peut recevoir et analyser des déclarations de renseignements financiers mais qui ne peut communiquer ces renseignements que si certains critères s'appliquent.
    Aucun organisme extérieur ne peut avoir accès aux renseignements que nous détenons, sauf si cet organisme obtient une ordonnance de production d'une cour. La loi prévoit de sérieuses sanctions pénales pour la communication non autorisée de renseignements.
    En vertu de notre mandat, de grandes quantités de renseignements nous sont confiés au sujet de personnes et d'entreprises de tout le pays. La protection de ces renseignements est une responsabilité que nous prenons très au sérieux.
    Les membres de votre comité ont exprimé certaines inquiétudes quant aux répercussions possibles des modifications législatives sur la protection des renseignements personnels. Je vous assure que je partage ces inquiétudes et je crois sincèrement que la protection de ces renseignements est et doit être la pierre angulaire de tout programme efficace.
    Le Canada possède un solide programme de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes. Nous pouvons en être fiers, mais nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers. Les méthodes utilisées pour blanchir l'argent évoluent constamment. Les normes internationales que chaque pays doit respecter deviennent de plus en plus exigeantes. Le cadre législatif doit être modifié pour suivre le rythme de ces changements.
    À cet égard, j'aimerais signaler que les modifications législatives proposées présentent trois aspects particulièrement importants pour le CANAFE : l'assujettissement d'un plus grand nombre d'entités déclarantes et de professions à la loi; le renforcement des dispositions de la loi concernant la dissuasion; l'élargissement de la portée des renseignements que le CANAFE peut communiquer.
    Le projet de loi C-25 élargira le champ d'application du programme canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes en assujettissant des secteurs d'affaires supplémentaires à la loi et à ses règlements, notamment les courtiers en pierres et en métaux précieux et les avocats. Ces secteurs sont jugés vulnérables au blanchiment d'argent, et leur assujettissement renforcera les efforts que déploie le Canada afin de lutter contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes.
    Deuxièmement, le projet de loi permettra de renforcer l'élément de dissuasion du programme grâce à la création d'un registre pour les entreprises de transfert de fonds ou de vente de titres négociables et à l'instauration d'un système de sanctions pécuniaires et administratives. Les mesures proposées amélioreront la conformité aux dispositions de la loi concernant la déclaration, la vérification de l'identité des clients et la tenue de documents. Cela permettra d'améliorer non seulement les analyses du CANAFE, mais également aussi l'ensemble des efforts de dissuasion du blanchiment d'argent et du financement des activités terroristes.
    Troisièmement, le projet de loi C-25 permettra d'enrichir les renseignements financiers que le CANAFE peut communiquer aux organismes d'application de la loi et de sécurité nationale en y incluant de l'information supplémentaire, tout en protégeant rigoureusement le droit à la vie privée des Canadiennes et des Canadiens. Cela permettra de répondre aux besoins des organismes d'application de la loi en leur rendant le produit de base du CANAFE encore plus utile.
    En conclusion, le CANAFE appuie fermement les modifications proposées dans le projet de loi C-25 qui permettent au programme canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes de demeurer solide et efficace et ce, pour l'avenir.
    Merci. Je demanderai maintenant à mon collègue, Peter Bulatovic, de vous résumer un cas épuré qui montre le travail que nous faisons, comment nous le faisons et les résultats que nous obtenons.

  (1010)  

[Français]

    A présent, monsieur le président et honorables députés, j'aimerais que vous consultiez le premier graphique, intitulé « Processus opérationnel de CANAFE », que vous avez en main. Je décrirai rapidement le graphique, ce qui permettra de résumer l'information que nous recevons et d'expliquer de qui nous la recevons, avant de me pencher sur notre façon d'effectuer nos analyses.
    J'aimerais attirer votre attention sur la partie gauche du graphique, sous la boîte intitulée « Collecte des renseignements ».
    Nous commençons par les opérations financières, y compris les dépôts et les transferts de fonds, lorsqu'elles sont effectuées par les entités comprises dans la liste de droite, comme les banques, les caisses d'épargne et de crédit, les courtiers de change et les casinos.
    Ces entités doivent transmettre des déclarations à CANAFE lorsqu'elles effectuent des télévirements au Canada ou à l'étranger, ou des dépôts au pays de 10 000 $ canadiens ou plus. Elles doivent également déclarer les opérations douteuses, quel qu'en soit le montant.
    Dans le coin inférieur gauche, vous voyez que nous recevons également des déclarations de mouvements transfrontaliers d'espèces et d'effets de 10 000 $ ou plus, ainsi que des rapports des saisies de devis.
    Presque tous ces renseignements sont transmis électroniquement et versés dans notre base de données. Notre loi nous permet également d'avoir accès à de l'information conservée à des fins d'application de la loi et de sécurité nationale, ainsi qu'à des bases de données commerciales et d'accès public.
    Nous sommes également en mesure de demander des renseignements à des unités étrangères du renseignement financier.
    Enfin, toute personne peut nous fournir volontairement des renseignements. Nos partenaires au sein des organismes d'application de la loi peuvent également nous transmettre des renseignements sur une base volontaire.
    Comment analysons-nous tous ces renseignements? Nous nous appuyons fortement sur notre personnel et sur notre technologie.
    En ce qui a trait à la technologie, la réception électronique des renseignements financiers nous permet d'utiliser des systèmes de TI afin de trier les déclarations et de relier les opérations financières.
    Lors du premier examen de ces opérations connexes, nous ciblons les tendances dans les activités financières douteuses et demandons à un de nos analystes d'y porter une attention particulière.
    Lors de l'élaboration d'un cas, les analystes se penchent sur les opérations en partenariat. Ils vérifient ensuite l'identité des personnes et des entreprises touchées par les opérations et les tendances dans les activités financières douteuses.
    Lorsqu'une analyse permet d'avoir des motifs raisonnables de soupçonner que l'activité financière pourrait être pertinente à une enquête sur le blanchiment d'argent ou le financement des activités terroristes, un rapport est rédigé, expliquant les raisons de la communication.

[Traduction]

    Voyons maintenant le deuxième graphique. Il s'agit d'un tableau de liens qui décrit un cas de blanchiment d'argent.
    Ce tableau montre comment notre analyse d'opérations financières et d'autres sources de renseignement nous a permis de relier trois groupes distincts d'opérations financières douteuses en un réseau financier plus vaste. Ces groupes distincts figurent sur le tableau, ce sont les boîtes A, B et C.
    Je commencerai par décrire les activités de la boîte A. Une unité étrangère du renseignement financier a avisé le CANAFE que quatre personnes et une entreprises qui effectuaient des télévirements entre différents comptes dans une même banque à l'étranger faisaient l'objet d'une enquête sur le blanchiment d'argent. Ces personnes avaient fourni une adresse et des documents d'identification canadiens et étaient décrites comme des « citoyens canadiens ». L'entreprise effectuait des télévirements dans plusieurs pays étrangers entre différents comptes pour lesquels les citoyens canadiens possédaient des procurations. Ces activités étaient considérées comme douteuses, mais l'URFn'avait trouvé aucune autre information concernant cette entreprise.
    Sur réception de cette information, le CANAFE a demandé à un de ses analystes d'effectuer une recherche dans notre base de données d'opérations financières pour tenter d'établir la portée des activités financières des personnes et de l'entreprise ciblées. Selon les opérations inscrites dans notre base de données, l'entreprise avait viré plusieurs millions de dollars vers différentes entreprises au Canada, comme l'indique le tableau entre les boîtes A et B.
    Une recherche effectuée dans des sources ouvertes afin d'obtenir de l'information contextuelle sur la nature des entreprises canadiennes de la boîte B n'a pas produit beaucoup d'information. Nous n'avons trouvé que très peu d'information sur ces entreprises : ni annonce, ni mention dans un annuaire téléphonique, ni site Web. Nous avons pu confirmer qu'une de ces entreprises avait été constituée en personne morale au Canada, mais sa nature ne semblait pas justifier le niveau d'activité financière entre les entreprises des boîtes A et B.
    Une analyse plus poussée a permis de découvrir une déclaration d'opérations douteuses transmise par une institution financière canadienne au sujet d'une de ces entreprises. La déclaration précisait que les comptes avaient été ouverts plusieurs années auparavant et étaient, somme toute, inactifs. La valeur des télévirements reçus dans les deux comptes d'affaires avait subitement augmenté. Sur une courte période, des millions de dollars avaient été virés dans les comptes détenus par cette entreprise, sans que rien n'explique cette augmentation. Plusieurs télévirements reçus de différentes entreprises étrangères provenaient d'un pays avec de faibles mesures de lutte contre le blanchiment d'argent. De plus, l'entité déclarante précisait que des chèques avaient été émis suite à une opération de change puis déposés dans le compte de banque de l'entreprise, ce qui ne correspondait pas à la nature des activités de l'entreprise.
    Plusieurs autres entreprises étaient exploitées à la même adresse. De plus, lorsque l'adresse d'une de ces entreprises changeait, l'adresse des autres entreprises changeait également, ce qui était arrivé à plusieurs reprises au cours d'une même année. Deux de ces entreprises avaient le même directeur et recevaient des fonds du même pays.
    Notre analyse a ensuite révélé l'existence d'une autre entreprise qui faisait le lien avec les opérations financières de la boîte C. C'est la découverte de cette entreprise, la société numéro 7, au centre du tableau, qui constitue la clé de notre analyse dans ce cas, et je vais maintenant vous l'expliquer.
    Une déclaration d'opérations douteuses avait été transmise au sujet d'une entreprise de la boîte C et des deux citoyens canadiens ciblés à l'origine par l'unité étrangère du renseignement financier. La déclaration précisait qu'au cours d'une période de cinq mois, ces deux personnes avaient reçu 14 télévirements de quatre entreprises différentes. Des efforts avaient été déployés afin de communiquer avec ces personnes, mais le courrier avait été retourné et le numéro de téléphone était incorrect.
    L'entité déclarante ayant refusé plusieurs télévirements pour ce couple, un homme s'était rendu sur place et avait déclaré que les fonds représentaient des produits de son entreprise à l'étranger. Lorsqu'on lui avait posé des questions sur les télévirements reçus de différentes entreprises étrangères, il avait nié connaître ces entreprises et les raisons pour lesquelles il recevait ces sommes.
    Il est inhabituel qu'un client reçoive des sommes d'entreprises qu'il ne connaît pas et ignore pourquoi ces fonds lui sont envoyés.
    Nous avons également reçu des renseignements transmis volontairement d'un organisme canadien d'application de la loi concernant ces deux mêmes personnes. On soupçonnait qu'elles utilisaient leurs comptes personnels pour recycler des produits de la criminalité. Suite à notre analyse de tous les renseignements disponibles, nous avons pensé que les opérations financières comprises dans le tableau se rapportaient à une enquête ou à une poursuite concernant le blanchiment d'argent.
    Les indicateurs suivants de blanchiment d'argent, reconnus internationalement, ont été jugés pertinents.
    En l'occurrence, de vastes sommes avaient été rapidement déplacées. Des télévirements avaient été effectués au nom d'un client étranger sans trop d'explications. Des fonds étaient versés sans explication à de nombreuses entreprises. De nombreux comptes étaient utilisés dans une seule institution financière, sans raison valable. Deux enquêtes étaient en cours, l'une par l'unité étrangère du renseignement financier et l'autre par un organisme local d'application de la loi. Un compte inactif avait été rétabli, et l'entreprise l'utilisait de façon atypique.

  (1015)  

    Si vous regardez dans le coin supérieur droit du tableau, vous constaterez que l'intérêt de ce cas vient de ce que peu d'information avait été fournie par l'institution financière lorsque nous avons reçu cette information. Dans le coin inférieur droit, on trouve l'information volontaire fournie par l'organisme d'application de la loi. Grâce à l'analyse et à l'examen de nos dossiers, nous avons pu repérer la compagnie clé, la société numéro 7, au centre du tableau, qui lie les trois boîtes.
    Dans l'ensemble, nous avons reçu plus de 400 déclarations de télévirement, plusieurs déclarations d'opérations importantes en espèces et d'opérations douteuses, et ce, de huit entités déclarantes différentes. Le cas comprenait des opérations financières douteuses représentant plus de 21 millions de dollars américains et deux millions de dollars canadiens.
    Merci.
    Merci, monsieur.
    Y a-t-il d'autres exposés? Non?
    Merci beaucoup, messieurs, de ces exposés.
    Qui travaille au CANAFE? Vous semblez être venus nombreux.

  (1020)  

    Nous avons laissé quelques personnes au bureau.
    Des gens pour répondre au téléphone? D'accord, ça va.
    Ces gens ne sont pas tous du CANAFE; certains réglementent les banques.
    D'accord. Je souhaite la bienvenue à nos autres invités.
    Nous allons commencer par des périodes de cinq minutes. Monsieur Pacetti.
    Merci, monsieur le président. Nous sommes populaires, ce matin.
    J'essaie de m'en tenir au travail qu'effectue le CANAFE. Je ne veux pas aborder les questions de vie privée. Je pense que certains de mes collègues s'intéresseront sans doute à cet aspect. Je veux vérifier si le CANAFE a les outils nécessaires pour faire son travail.
    Êtes-vous satisfait des modifications prévues dans la loi, dans le projet de loi C-25? Faudrait-il en ajouter, pour accroître les contacts entre les ministères?
    Je songe au rapport de la vérificatrice générale, au chapitre 2, où il est dit que l'administration se trouverait à limiter la valeur de l'information transmise par le CANAFE aux organismes d'application de la loi et de sécurité, et on en remet: des responsables de l'application de la loi nous ont dit que les données de base qui leur sont transmises « ne suffisent pas pour justifier l'ouverture d'une enquête ».
    Cela ne me satisfait pas. Je n'étais pas satisfait lorsque le CANAFE a comparu devant le comité des finances. Je crois que le CANAFE devrait avoir plus de latitude pour divulguer de l'information.
    Qu'en pensez-vous?
    Je crois que l'observation de la vérificatrice générale était fondée, mais c'était la situation à un moment précis, il y a environ trois ans. Avant même d'arriver au point où il fallait modifier la loi, nous avions pris diverses mesures pour élargir l'éventail de l'information que nous pouvons divulguer, pour découper différemment les opérations que nous pouvons divulguer en exposant mieux les liens entre les intervenants, etc., et pour rendre publique de l'information sur les cas.
    Les modifications législatives proposées nous semblent fort attrayantes. Elles nous aideront beaucoup à enrichir le...
    Je ne veux pas vous interrompre, mais nous n'avons pas beaucoup de temps. Je ne vous demande pas ce que vous pensez des modifications proposées, car je n'y trouve rien à redire, mais plutôt de celles qui ne sont pas mentionnées et que vous souhaiteriez. C'est ma question.
    Je crois que, pour l'instant, cet ensemble de modifications est très complet. Vu la nature des activités de blanchiment d'argent et parce que ceux qui s'y adonnent changent constamment de méthodes, ces modifications nous aideront pendant deux ou trois ans, puis nous en demanderons certainement de nouvelles, lorsque nous aurons découvert de nouvelles vulnérabilités et de nouvelles méthodes utilisées.
    L'ensemble de modifications proposé ici est excellent. Il nous permettra de sensiblement...
    Vous ne craignez donc pas d'être limités dans vos enquêtes ou quant aux renseignements que vous pouvez divulguer aux organismes d'application de la loi ou de sécurité pendant une enquête?
    Il faut toujours s'inquiéter de la protection des renseignements personnels lorsqu'on divulgue de l'information, mais je pense qu'avec ces modifications nous pourrons fournir des renseignements plus nombreux, plus riches et plus pertinents, qui aideront beaucoup les responsables de l'application de la loi à découvrir ce qui se passe.
    Je comprends. Pardonnez-moi de vous interrompre, mais je déteste vous entendre dire que vous avez fait des divulgations dans 168 cas mais que vous ignorez ce que cette information a donné. Vous ignorez s'il y a eu des arrestations, si des fonds ont été récupérés ou...
    Je dois d'abord dire que le processus d'enquête et de poursuites dans les cas de blanchiment d'argent, en particulier les cas complexes, peut durer des années.
    Cela, je le comprends, et c'est pourquoi je vous demande ce qui vous aiderait, ce qui faciliterait votre travail, pour que nous puissions vraiment poursuivre ceux qu'il faut poursuivre. C'est là ma question. Si vous me dites que tout est dans la loi, alors cela me va.
    Je crois qu'en fait, les personnes qui devraient être poursuivies le sont généralement, mais il faut beaucoup de temps. Si nous faisions...
    Cela je le comprends. Est-ce en raison de l'information que vous transmettez aux organismes chargés des poursuites?
    J'essaie de répondre à votre question, monsieur.
    Nous demandons une rétroaction aux organismes d'application de la loi relativement à nos divulgations, parce que nous cherchons constamment à améliorer l'intérêt et l'utilité de nos renseignements.
    Au cours de la dernière année, les organismes d'application de la loi ont jugé que 74 p. 100 de nos divulgations étaient liées à des personnes ou à des entreprises qui les intéressaient; dans 60 p. 100 des cas, nous avons fourni des noms et des pistes au sujet de personnes dont les policiers ignoraient l'existence; dans 74 p. 100 des cas, les renseignements étaient utiles; dans 24 p. 100 des cas, ils constituaient d'importantes contributions aux enquêtes.
    Ce sont des taux d'approbation très respectables. Dans mes discussions avec mes homologues d'autres pays, j'ai pu constater qu'on nous enviait ces taux d'approbation de la part d'organismes d'application de la loi. En général, les organisations comme la nôtre fournissent plus d'information que ce que les policiers peuvent traiter.

  (1025)  

    D'accord. Merci.

[Français]

    Nous continuons avec M. Paquette. Vous avez cinq minutes, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de vos témoignages. Ils m'éclairent un peu, mais j'avoue qu'il y a encore beaucoup de travail à faire avant de pouvoir déchiffrer complètement ce graphique.
    J'ai une première question, et comme le dit M. Pacetti, nous disposons de peu de temps.
    À la lumière de la présentation que vous avez faite, qu'est-ce que le projet de loi C-25 apporte de plus? Finalement, vous nous avez fait la présentation d'une méthode qui vous permet déjà d'obtenir des résultats. Alors, en quoi le projet de loi C-25 ajouterait-il des instruments que vous n'avez pas, par rapport à ce vous nous avez présenté?

[Traduction]

    Cela nous permettrait de divulguer plus d'information.
    Par exemple, les motifs de soupçon et les indicateurs sont deux éléments clés du projet de loi. Actuellement, nous ne pouvons pas divulguer les indicateurs ni les motifs de soupçon. Je crois que nous disposerons de ces deux nouveaux éléments clés lorsque le projet de loi aura été adopté.

[Français]

    Vous avez mentionné, dans votre présentation, que la protection des renseignements personnels était une préoccupation. On l'a déjà évoqué dans des rencontres précédentes. Je lis, dans le document que vous avez présenté, ce qui suit : « Aucun organisme extérieur ne peut avoir accès aux renseignements que nous détenons, sauf si cet organisme obtient une ordonnance de productions d'une cour. » Nous, c'est CANAFE.
    Pouvez-vous nous expliquer comment un organisme qui n'a pas accès à vos informations pourrait demander à la cour d'avoir accès à des informations dont il n'est pas supposé connaître l'existence?
    Ou alors, c'est que cet organisme tente sa chance, comme à la loterie.

[Traduction]

    Comme la loi permet aux entités déclarantes de nous communiquer un très large éventail d'information, il a été établi lors de l'adoption de la loi, qu'il fallait instaurer des mesures de protection pour ne pas donner l'impression que des masses de renseignements personnels pouvaient être librement communiqués aux organismes d'application de la loi. Pour cette raison, le CANAFE a été conçu un peu comme un organe d'analyse qui sert d'écran, et sa responsabilité consiste à analyser l'information et à faire des divulgations.
    Nous pouvons aussi recevoir des renseignements volontaires de n'importe qui, y compris des organismes d'application de la loi. Nous sommes tenus de fonctionner indépendamment de ces organismes, et ils ne peuvent pas nous interroger directement et nous demander de produire tout ce que nous savons sur telle ou telle personne. Ils nous fournissent toutefois de l'information volontaire et nous disent « Un tel et sa belle-soeur, Marthe, font l'objet d'une enquête pour trafic de stupéfiant et blanchiment d'argent, et il nous a semblé opportun de vous en faire part. »
    Cette information est ensuite intégrée à notre banque d'information. Elle est analysée et vérifiée en fonction de toutes nos données. Si un lien est découvert, nous menons une nouvelle enquête pour déterminer si l'information que nous possédons est pertinente pour l'enquête de l'organisme, auquel cas nous divulguerons certaines particularités des opérations, des parties aux opérations, etc.
    Nous n'agissons donc pas tout à fait au hasard, mais nous ne pouvons pas recevoir d'ordre des organismes d'application de la loi. Pourtant, ces organismes et d'autres nous tiennent au courant. Nous recevons environ 600 rapports d'information volontaires par année, de diverses sources, et nous finissons sans doute par utiliser 70, 80 ou peut-être même 100 de ces rapports pour produire nos divulgations.
    Toute l'information volontaire qui nous est transmise n'est pas nécessairement pertinente. Parfois nous sommes incapables d'établir un lien ou nous n'avons rien à ajouter.
    Nous pouvons aussi divulguer spontanément de l'information. Nous n'avons pas besoin d'attendre l'information volontaire d'autres sources, mais nous recevons de l'information volontaire et nous l'utilisons souvent dans nos cas. Nous pouvons donc faire des divulgations qui se rapportent aux priorités d'enquête de la police.

  (1030)  

    Merci.
    La parole est maintenant à Mme Ablonczy.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous d'être venus.
    Tout cela est très intéressant, en particulier ce cas épuré de blanchiment d'argent. J'ai remarqué que vous ne dites pas « simplifié ».
    Des voix: Oh, oh!
    Mme Diane Ablonczy: Mais cela nous donne une idée de ce que vous faites, et nous vous en sommes reconnaissants.
    Évidemment, le comité s'intéresse à deux aspects. Premièrement, nous voulons que notre régime soit aussi solide que possible, tout en respectant nos valeurs en matière de protection des renseignements personnels et de pertinence. Deuxièmement, nous voulons qu'il soit efficace. J'imagine que solidité et efficacité ne s'excluent pas, mais il nous faut voir le lien.
    Vous avez sans doute lu le rapport du Sénat à ce sujet. À votre avis, est-ce que les dispositions du projet de loi reflètent les préoccupations soulevées par le Sénat, qui a réalisé une étude assez approfondie du sujet? Certains d'entre nous sommes curieux de savoir dans quelle mesure le projet de loi reflète ses recommandations.
    J'ai l'impression que dans l'ensemble lu document aborde la plupart des questions qui ont été soulevées dans le rapport du Sénat. Certaines seront abordées grâce à la réglementation et d'autres par voie législative. Mais d'une façon ou d'une autre, je crois que la plupart des choses qui ont été signalées ou recommandées dans le rapport se retrouveront soit dans ce projet de loi, soit dans un règlement qui sera pris plus tard.
    Y a-t-il quelque chose d'important dans le rapport du Sénat qui aurait été oublié dans le projet de loi en prévision d'un règlement?
    Je ne crois pas que quoi que ce soit d'important ait été omis.
    Vous avez dit, en rapport avec la protection des renseignements personnels, que le fait d'attraper des personnes qui s'adonnent au recyclage des produits de la criminalité et au financement d'activités terroristes et la préservation et la protection de la vie privée des Canadiens ne sont pas deux notions incompatibles. J'aimerais bien que vous puissiez élaborer un peu plus sur cet aspect.
    Je pense depuis longtemps que la protection de la vie privée n'est pas un obstacle aux enquêtes criminelles et n'est certainement pas un élément qui nous empêche de faire les analyses et de divulgations que nous faisons.
    Selon moi, il est possible de mener des enquêtes utiles dans les limites de la protection de la vie privée.
    Au cours des 15 ou 20 dernières années, cela a permis aux organismes d'enquête de raffiner leurs méthodes et, dans une certaine mesure, de modifier leurs pratiques d'enquête afin de demeurer efficaces. Par contre, je ne crois pas que la protection de la vie privée soit incompatible avec de bonnes méthodes d'enquête ou, dans notre cas, d'analyse efficace des données.
    Cela signifie que vous devez traiter l'information d'une certaine façon, que vous ne pouvez accéder à volonté à de grandes quantités de renseignements pour tenter de trouver ce qui fait votre affaire.
    Si vous obtenez de grandes quantités de renseignements, et c'est notre cas, la loi impose des limites à ce que vous pouvez divulguer et aux usages que vous pouvez faire des renseignements obtenus.
    Vous m'avez dit que d'une certaine manière le CANAFE est une boîte noire dans laquelle cette information est placée et conservée, sauf dans de très rares circonstances.

  (1035)  

    Cela avait été le compromis au moment de l'adoption de la loi, parce que l'on jugeait important d'examiner de grandes quantités de renseignements rapportés de manière objective. En d'autres mots, d'importantes transactions au comptant ou d'importants télévirements internationaux qui, individuellement, ne sont pas suspects, mais qui représentent le type d'opérations couvrant un certain volume d'activités suspectes qui se produisaient ou qui pourraient se produire. Par conséquent, pour accéder à ces renseignements, on a créé le CANAFE, une sorte d'organisme ou boîte noire étanche pour faire transiter les renseignements. Ce mécanisme nous limitait donc fortement contingentés quant aux possibilités de divulguer une partie de l'information aux organismes d'exécution de la loi.
    Nous avons fourni un nombre assez important d'indices pour l'application de la loi et nous sommes de plus en plus en mesure d'identifier les importants réseaux de personnes qui sont engagées dans le recyclage des produits de la criminalité ou le financement d'activités terroristes et qui n'étaient pas auparavant connus de la police. C'est grâce à l'accès que nous avons à l'information qui provient d'une grande variété d'entités de déclaration et de sources d'information que nous avons pu identifier un assez grand nombre de cas où des individus s'adonnaient à ces activités depuis plusieurs années — huit à dix ans — sans jamais être soupçonnés ni détectés. Nous avons pu les identifier, nous avons divulgué ces renseignements et certains de ceux-ci sont l'objet de poursuites.
    Je ne puis les mentionner parce que nous ne sommes pas identifiés comme des fournisseurs d'information dans le cadre de ces enquêtes particulières. Les quotidiens font état de poursuites et au cours de l'année écoulée, peut-être 35 ou 40 poursuites ont été mentionnées et des condamnations ont été prononcées dans des dossiers pour lesquels nous nous savons que nous avons fourni des renseignements essentiels.
    Merci.
    Nous poursuivons maintenant avec Mme Wasylycia-Leis.
    Merci, monsieur le président.
    Et merci à vous tous.
    J'espère avoir le temps d'aborder ces quatre questions.
    J'ai constaté quelques différences entre la loi et le rapport du Sénat. Une de ces différences — et vous y avez fait allusion — est l'inclusion des courtiers en pierre et en métaux précieux.
    L'autre jour, le secrétaire parlementaire a dit — et vous l'avez dit aujourd'hui — que cela fait partie du règlement. Je ne comprends tout simplement pas pourquoi cet aspect a été réservé au règlement alors que tout le reste se trouve dans le projet de loi. Pourquoi ne pas tout avoir mis dans le projet de loi? Pourquoi avoir un scénario spécial? Quelle est la justification?
    C'est n'est vraiment pas une question à laquelle je puis répondre.
    C'est bien.
    Pouvez-vous ajouter quelque chose à cela?
    Je comprends qu'il y a actuellement des consultations entre le ministère des Finances et des représentants de l'industrie des métaux précieux sur la façon dont elles seront visées.
    Vous êtes peut-être au courant que plusieurs grands magasins vendent des bijoux. Les bijoux font aussi l'objet de transactions de gros. Il reste un peu de travail à faire pour savoir qui sera couvert et quels types d'activités seront visées.
    Ainsi, en incluant ces éléments à la réglementation, il y a une certaine souplesse et davantage de possibilités de consultation.
    Vous dites qu'une fois tout sera trié, il est possible que ces éléments puissent être enchâssés dans la loi à un moment donné.
    Bien sûr, je n'y vois aucun obstacle.
    D'accord. L'autre aspect concerne la protection des renseignements privés. Vous avez raison, monsieur le directeur, cela nous préoccupe beaucoup. Je ne sais pas si le projet de loi permet d'atténuer ces préoccupations, celles que nous avons mentionnées ou celles du Sénat relativement à la protection dans le contexte des unités étrangères du renseignement financier.
    Nous espérons bien entendre le Commissaire à la vie privée, mais la recommandation faite par le Sénat est assez forte en ce qui a trait aux modifications à apporter au projet de loi pour garantir la protection des renseignements personnels.
    J'aimerais donc que vous me précisiez comment vous voyez le déroulement de tout cela. Quelles sont les normes en vertu desquelles vous fonctionnez lorsqu'il est question de ces 36 unités ou pays étrangers du renseignement financier, qui ont tous des conceptions particulières de la protection des renseignements personnels?
    De fait, June me disait qu'un rapport vient d'être publié aujourd'hui-même dans lequel on précise que le Canada vient au deuxième rang au monde en ce qui a trait à la protection des renseignements personnels, derrière l'Allemagne. Comment pouvons-nous en être sûrs, sauf s'il y a un protocole d'entente quelconque? Comment pouvons-nous le vérifier? Comment le saurons-nous? Comment pourrons-nous rassurer les Canadiens à ce sujet?

  (1040)  

    Permettez-moi de vous décrire le processus que nous suivons pour déterminer s'il y aura un protocole d'entente pour l'échange de renseignements avec une autre organisation.
    Nous faisons preuve d'une bonne dose de diligence raisonnable. Nous examinons les questions d'intégrité et de corruption. Nous nous demandons si l'entité a la capacité d'assurer la protection physique des renseignements que nous pourrions lui fournir. Nous nous demandons si elle a la capacité légale d'assurer la protection des renseignements que nous pourrions partager avec elles. Si nous sommes en mesure d'établir que ces normes existent, nous entreprendrons des négociations en vue d'un protocole d'entente. Dans ce PE, nous incluons spécifiquement des dispositions qui exigent la protection des renseignements et la non-divulgation de ces renseignements sans notre autorisation préalable.
    C'est ce que nous appelons dans notre jargon le règlement touchant une tierce partie. Les organismes du renseignement, les organismes d'exécution de la loi et les unités du renseignement financier y souscrivent, et cela constitue la base permettant l'échange de renseignements, peu importe qu'il y ait des PE.
    Dans notre cas, nous l'avons expressément mentionné dans le PE, et périodiquement, nous avons des rencontres bilatérales avec des unités du renseignement financier avec lesquelles nous avons échangé des renseignements, en partie pour obtenir une rétroaction sur l'utilité des renseignements, mais également pour nous assurer que l'information transmise est protégée et qu'elle n'est pas fournie à d'autres parties sans notre consentement.
    Dans certains cas, nous pourrions fournir des renseignements à une unité du renseignement financier qui, un mois ou deux plus tard, nous apprendra que tel service de police ou tel bureau chargé d'engager des poursuites est intéressé par l'information; en l'occurrence, l'unité nous demande la permission de communiquer ces renseignements. Si la question était formulée de manière aussi large, nous dirions probablement non, mais si l'organisme peut nous assurer que l'enquête ou la poursuite serait reliée soit au recyclage des produits de la criminalité, soit au financement d'activités terroristes, nous dirions probablement oui, mais dans chaque cas...
    Je dois vous interrompre à ce moment-ci, monsieur. Veuillez m'excuser de cette interruption, mais nous devons maintenant passer à notre ronde de trois minutes.
    Nous continuons avec M. Savage.
    Merci, monsieur le président. Je remercie également les témoins de leur participation.
    Cette question est très complexe. Selon moi, elle est importante pour les Canadiens, même s'ils ne le savent pas vraiment. Je ne suis pas sûr que de fait de publier le graphique dans le bulletin parlementaire serait très utile pour le lecteur. Tout cela ressemble au jeu de serpents et échelles, mais je crois comprendre que c'est votre domaine.
    Vous avez mentionné que le projet de loi C-25 permettrait d'accroître les renseignements que le CANAFE peut divulguer à des organismes d'exécution de la loi et à des agences de sécurité nationale. Est-ce que l'information coule dans les deux sens? Y a-t-il des moments où vous leur demandez de l'information?
    Parlons-nous d'unités étrangères du renseignement financier ou d'application de la loi?
    Je pense aux organismes d'exécution de la loi. Vous recueillez l'information que vous fournissez aux autorités qui entament des poursuites. Y a-t-il des moments où vous leur demandez des renseignements pour faire votre travail?
    Non, nous ne sommes pas autorisés à interroger les services de police. Nous avons accès à certaines de leurs bases de données, lesquelles contiennent des renseignements factuels — M. Brown a été condamné à trois reprises pour telle, telle ou telle infraction — mais nous n'avons pas l'autorisation d'interroger les enquêteurs pour en apprendre davantage sur ce qu'ils pourraient connaître au sujet de cette personne ou de la personne suivante.
    Merci.
    Qu'en est-il de l'immobilier? Est-ce que vous surveillez les transactions immobilières? Il y a les cas où les gens achètent les immeubles dans le cadre d'activités illégales.
    Les agents et les courtiers immobiliers sont couverts par la législation et sont tenus de rapporter les transactions suspectes.
    Par conséquent, l'immobilier fait partie de votre mandat.
    Finalement, pouvez-vous nous donner une idée de la façon dont ce changement rend les choses plus faciles? Au plan international, en ce qui a trait à l'exécution du travail, où le Canada — et plus spécifiquement le CANAFE — se retrouve-t-il par rapport aux organismes des autres pays? Est-ce que cela améliore notre classement?

  (1045)  

    Nous sommes déjà au sommet de l'échelle. Nous faisons partie des trois ou quatre premières organisations similaires au monde. Cela nous fera progresser d'un ou deux rangs, mais les autres organismes évoluent également. Plusieurs des choses que nous proposons dans le projet de loi sont également mises de l'avant par d'autres organisations. Avec l'évolution des normes internationales, la découverte de nouvelles méthodes de recyclage des produits de la criminalité, nous devons tous renforcer et étendre l'application de la législation.
    Merci beaucoup, monsieur.
    Nous continuons avec M. St-Cyr.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vais poursuivre en parlant d'une préoccupation très importante, celle du respect de la vie privée. Je suis content d'apprendre que c'est aussi l'une de vos préoccupations et que vous y croyez vraiment.
    Je voulais connaître les mesures qui ont été mises en place, ou qui le seront, pour s'assurer qu'aucune information non pertinente ne soit transmise, ou pour s'assurer qu'il n'y ait pas d'infractions à la loi.
    En fait, tout le fonctionnement de votre organisme sert à s'assurer du respect de la loi sur le blanchiment d'argent ou des lois relatives à cette infraction. On ne se contente pas de dire que c'est interdit de blanchir de l'argent, en espérant que les gens respecteront la loi. Il faut trouver des moyens de détecter des infractions.
    Le phénomène est le même en ce qui touche les dispositifs du projet de loi original et ceux qui sont ajoutés dans ce projet de loi-ci. Ce n'est pas tout de dire qu'il est interdit de porter atteinte à la vie privée et qu'on prévoit des peines sévères. Encore faut-il mettre des mécanismes en place afin de vérifier si on est passé à l'acte.
    Or, existe-t-il des mécanismes? Y en aura-t-il? A-t-on déjà découvert des cas de divulgation interdite. Des gens ont-ils été condamnés pour pareil méfait?

[Traduction]

    La réponse brève est non, il n'y a pas eu de condamnations et il n'y a pas eu d'allégations de divulgation inappropriée et, au meilleur de notre connaissance — et nos connaissances sont très bonnes sur ce point au sein de notre organisation — il n'y a pas eu de divulgation inappropriée de renseignements de la part du CANAFE. Nous avons mis en place des mesures étendues et complètes pour nous assurer que les divulgations occasionnelles ou informelles ou les cas de racolage d'information ne puissent se produire.
    Une divulgation par le CANAFE ne peut être qu'officielle et par écrit. Elle ne peut être faite qu'après avoir été autorisée par un comité de divulgation, composé de cadres supérieurs de l'organisme et présidé par moi. Dans ce contexte, la demande est contestée, mise à l'essai et soumise à nos services juridiques pour qu'ils puissent nous assurer que l'information à divulguer le sera de manière appropriée et qu'il y a suffisamment de motifs de le faire.
    Je ne parlerai pas des détails ni des mesures techniques que nous avons mis en place parce que cela faciliterait la tâche de quiconque voudrait les contourner, mais je puis vous dire que nous avons un système de contrôle d'accès très complet et très rigoureux. Il comprend des mesures biométriques et nous disposons de systèmes d'enregistrement qui indiquent qui a accédé à tels renseignements afin que nous puissions revoir et suivre le dossier.
    Nous enregistrons les allers et venues au centre. Tous les renseignements analytiques — en d'autres mots, les renseignements personnels sensibles — sont contenus dans une voûte, dans une zone à haute sécurité de nos installations. Les employés n'ont pas tous accès à cette zone. Seules les personnes qui y travaillent ont accès à l'unité d'analyse, et quelques autres cadres supérieurs comme moi-même. Même moi je n'ai pas accès au système informatique d'analyse. Je n'ai aucun besoin d'y accéder, de sorte que je n'ai pas cette autorisation.
    Nous poursuivons avec M. Del Mastro. Vous avez trois minutes.

  (1050)  

    Merci, monsieur le président.
    J'ai quelques questions rapides à poser. L'exemple que vous nous avez donné illustre la complexité du problème et aussi la facilité avec laquelle l'argent circule ces jours-ci. Tout est assez fluide.
    Ce qui me frappe dans le graphique est que tout a été déclenché par un tuyau, bien qu'il s'agisse d'un tuyau parfois ambigu. Mais tout de même quelque chose vous a mis sur la piste.
    Vous avez également fait référence à une norme, à des cas qui ne répondent pas à la norme et qui entraînent des soupçons. L'autre élément est que les transactions de plus de 10 000 $ sont toutes rapportées au CANAFE. Il doit y en avoir des millions à chaque jour.
    Non, pas des millions par jour, mais il y en a des millions à chaque année. Il y en a environ sept millions de transactions qui sont rapportées chaque année. De même, il y a environ sept ou huit millions de télévirements de 10 000 $ ou plus.
    Nous avons beaucoup investi dans la technologie, et nous avons donné une formation poussée à nos analystes. Grâce à une combinaison de ces efforts, nous sommes en mesure d'analyser une grande partie de ces renseignements pour trouver des concordances, les mettre en perspective, rechercher des anomalies et ainsi de suite.
    Bien sûr, notre travail est plus facile s'il y a dans les dossiers un rapport de transaction suspecte. Dans ce cas, il y a déjà un motif de suspicion. Ou s'il y a des renseignements transmis volontairement par la police, cela est plus facile. Mais dans plusieurs cas, nous découvrons tous cela par nous-mêmes, sans que des soupçons aient été rapportés.
    Il y a aussi le comportement anormal, et je vous en donne un exemple hypothétique à titre d'illustration. Une entreprise qui est censée s'adonner à des activités d'import-export et qui fait régulièrement des télévirements internationaux de montants qui semblent raisonnables pour le règlement de factures — en d'autres mots, qui ne sont pas des montants arrondis — n'attirerait pas notre attention.
    Mais si une entreprise est considérée comme une franchise de restauration rapide et qu'elle fait d'importants dépôts en espèces, cela n'est pas non plus inhabituel — cela se produit régulièrement. Mais la même franchise de restauration rapide qui fait des télévirements internationaux importants, par exemple vers la Malaisie, l'Indonésie, Dubaï ou un pays comme ceux-là trois ou quatre fois par mois attirerait notre attention, et de deux façons. D'abord, ce type de transactions n'est pas caractéristique de ce type d'entreprise. Deuxièmement, les fonds sont probablement virés vers des pays qui nous préoccupent en termes de recyclage des produits de la criminalité ou qui ont de faibles mesures de contrôle du recyclage.
    Est-ce que j'ai le temps?
    Non, vous n'avez plus le temps.
    Merci beaucoup.
    Nous poursuivons avec M. Pacetti.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue dans notre monde, M. Del Mastro.
    Pour poursuivre les questions que je posais un peu plus tôt, je crois que vous aviez répondu à la question de Mme Ablonczy ou celle de Mme Judy Wasylycia-Leis.
    Vous dites que vous ne pouvez traiter directement avec les agences ou les organismes d'exécution de la loi, est-ce exact?
    Nous traitons directement et constamment avec ces organismes, mais non pour des cas spécifiques. Nous n'avons pas le droit de discuter d'un dossier sauf pour dire voici les transactions que nous avons découvertes, voici les personnes qui sont en cause et ainsi de suite. L'information que nous sommes autorisés à divulguer peut l'être oralement. Mais nous ne pourrions, par exemple, dire vous devriez voir tel détail, c'est vraiment...
    Pourquoi ne pouvez-vous le faire? Je comprends qu'il est question ici de protection de la vie privée, mais protégeons-nous les criminels? Pouvons-nous faire quelque chose pour vous permettre d'intervenir? Pourquoi faut-il y aller par quatre chemins?
    Une partie des mesures de protection de la vie privée incorporées au projet de loi font en sorte que le CANAFE est indépendant des organismes auxquels il transmet des renseignements.
    Les sources d'information auxquelles le CANAFE peut accéder sont décrites de manière fort détaillée dans la loi. Comme l'a dit le directeur, nous pouvons accéder aux banques de données tenues par le gouvernement fédéral ou par les gouvernements provinciaux à des fins d'application de la loi. Mais à part ces banques de données, nous ne pouvons solliciter directement ni recueillir directement des renseignements auprès de membres d'organismes d'exécution de la loi. Cela fait partie de l'équilibre qui a été établi entre les besoins d'application de la loi et les préoccupations de protection de la vie privée.

  (1055)  

    Selon ce que je comprends, vous parvenez quand même à travailler à l'intérieur de ces paramètres.
    Nous avons des contacts plus fréquents avec ces organismes, des discussions au sujet de questions neutres ou génériques qui illustrent certaines des difficultés qui découlent du fait que ces organismes n'ont pu reconnaître la valeur d'un aspect particulier, ou...
    C'est là un exemple assez complexe, mais il y a des transactions simples qu'un criminel peut faire une ou deux transactions par année seulement et pour lesquelles les organismes d'exécution de la loi pourraient avoir besoin de votre aide. Est-ce que la loi limite votre capacité d'aider? Je crois que je suis davantage préoccupé par les plus petites transactions.
    Non, ce n'est pas le cas. Quand un organisme d'application de la loi cherche de l'aide, il nous fournit en général un rapport d'information volontaire. Si nous avons des renseignements que nous estimons être pertinents — nous devons déterminer s'il est raisonnable de soupçonner la pertinence dans le cadre d'une enquête — nous sommes alors tenus de divulguer l'information. Nous le faisons souvent. Probablement que 65 à 70 p. 100 des cas de divulgation font suite à des renseignements fournis volontairement et qui nous incitent à faire enquête et qui permettent d'identifier le destinataire.
    M. Wallace.
    Avec ces changements, votre organisation pourra imposer des amendes. Vous êtes-vous préparé à imposer des amendes? Avez-vous une liste de ce qui peut faire l'objet d'une amende, de ce qui mérite une amende et ainsi de suite?
    Nous avons amorcé ce travail. Nous avons déjà fait pas mal de travail, mais il reste beaucoup à faire et nous devrons consulter d'autres organismes. Nous devons également consulter l'industrie pour nous assurer que tout est bien compris.
    La raison pour laquelle nous procédons ainsi est qu'en vertu du régime actuel, nous avons un pouvoir de persuasion — et nous pouvons être plutôt persuasifs — mais il y a également le pouvoir de référer un dossier pour enquête criminelle et des poursuites. Plusieurs des transgressions ou des lacunes que nous identifions se situent dans cette zone grise, là où des sanctions devraient être appliquées, mais pas des sanctions aussi draconiennes qu'une enquête criminelle menant à des mises en accusation. Par exemple, si nous devions intenter des poursuites au criminel contre une petite entreprise de transfert de fonds, respectueuse de la loi, nous risquerions de la mettre en faillite.
    D'accord, vous vous préparez donc à cela.
    Est-ce que les changements vous rendront plus efficaces au plan des coûts et plus aptes à découvrir des choses? Serez-vous en mesure de poursuivre davantage de personnes, ou de trouver plus de personnes qui échappent actuellement à l'application de la loi?
    Par exemple, le système d'enregistrement des entreprises de transfert de fonds nous rendra beaucoup plus efficace parce que nous serons en mesure de les identifier toutes et de nous assurer qu'elles font l'objet d'une surveillance. De plus, les sanctions pécuniaires administratives nous permettront d'être plus efficaces pour assurer le respect de la loi.
    D'accord. À l'heure actuelle, vous n'avez pas de mesures particulières pour ce groupe.
    Merci.
    Thank you very much, sir.
    Merci, monsieur le directeur, et merci à vous tous d'avoir participé aux travaux de notre comité ce matin.
    Chers membres du comité, nous reprendrons nos travaux dans un moment dans la salle 237-C.
    La séance est ajournée.