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JUST Rapport du Comité

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Image : Parliament of Canada Code of Arms Crest

Chambre des communes
Ottawa, Canada
K1A 0A6

39e législature, 1re session

Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre a l’honneur de présenter son

PREMIER RAPPORT
(RAPPORT INTÉRIMAIRE)

Le 25 avril 2006, la Chambre a émis un ordre de renvoi à l’endroit du Comité afin qu’il étudie les articles 25.1 à 25.4 du Code criminel, désignés comme étant les dispositions relatives à la protection des personnes chargées de l'application et de l'exécution de la loi. Cet examen est réalisé en vertu de l’article 46.1 du projet de loi C-24, Loi modifiant le Code criminel (crime organisé et application de la loi), qui exige une étude après trois ans. Les articles pertinents du Code criminel sont entrés en vigueur par proclamation en date du 1er février 2002.

Les articles 25.1 à 25.4 du Code criminel sont connus comme étant les « dispositions de justification en vue de l'application de la loi ». Ils accordent une immunité restreinte en droit aux fonctionnaires publics désignés chargés de l’application de la loi et aux personnes agissant sous leur direction, lors de la commission d'actes ou d'omissions qui seraient autrement constitutifs d’infractions. Ces dispositions font suite au jugement rendu dans l'affaire R. c. Campbell [1], publié en 1999, dans lequel il a été statué que les policiers ne bénéficiaient d’aucune exemption de responsabilité lors de la perpétration d’actes contraires à la loi commis de bonne foi au cours d’une enquête. Le tribunal a jugé que si une telle immunité s’avérait nécessaire, il appartenait au Parlement de l’inscrire dans la loi.

Le principe qui sous-tend ces dispositions de justification en vue de l’application de la loi est qu’il est d'intérêt public de veiller à ce que les fonctionnaires publics, tels que définis dans la législation, puissent s'acquitter efficacement de leurs fonctions de contrôle de l'application des lois conformément au principe de la primauté du droit. À cette fin seulement, il est également d'intérêt public de prévoir expressément dans la loi une justification pour la commission par ces fonctionnaires et les personnes qui agissent sous leur direction d'actes ou d'omissions qui constituent par ailleurs des infractions. Le Parlement a déterminé ce que les fonctionnaires publics chargés de l'application de la loi doivent « raisonnablement et proportionnellement » être en mesure de faire, afin d’enquêter et d’appliquer la loi, et de s’assurer que ces activités sont menées dans le respect de la loi. Ce principe est contesté par certains, qui font valoir que cela revient à placer les fonctionnaires publics au-dessus de la loi. Suivant cet argument qui touche au principe fondamental du régime de justification en vue de l’application de la loi, celui-ci représente une atteinte au postulat de base de la primauté du droit, selon lequel toute personne, y compris les agents de police, est soumise à la loi.

Le Comité a entendu le témoignage de quelques membres de la GRC qui a quotidiennement recours à ces dispositions de justification en vue de l’application de la loi, qu’elle s’est elle-même imposée certaines restrictions dans l’usage de ces dispositions, allant au-delà de ce qui est prévu par le Code criminel. En premier lieu, le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada, « l’autorité compétente », n’a désigné que trois fonctionnaires supérieurs. En vue de préserver un contrôle étroit sur le recours à de telles dispositions, seuls deux de ces fonctionnaires sont mis à contribution en l’absence du troisième. En deuxième lieu, les seuls fonctionnaires de police susceptibles d’être désignés sont ceux ayant reçu une formation relative aux opérations d’infiltration et aux dispositions du régime de justification. En troisième lieu, ces désignations ne sont prévues que pour une durée de trois ans, afin de s’assurer que les membres ayant été ainsi désignés se soumettent à un processus de renouvellement de l’agrément et demeurent au fait de la loi. Enfin, la commission de tout acte ou omission par un membre désigné de la GRC qui constituerait par ailleurs une infraction criminelle doit préalablement être soumis à l’examen de l’officier responsable des enquêtes criminelles de la GRC qui est responsable pour la province. Ce fonctionnaire confirme au terme de son examen si le membre désigné est autorisé à avoir recours à la disposition en cause, et s’il a été satisfait au test de raisonnabilité et de proportionnalité.

Les témoins de la GRC se sont montrés très confiants en ce qui concerne l’usage des dispositions du régime de justification, et ont émis le souhait que ces dernières continuent de s’appliquer sans qu’on ne leur apporte de modifications. D’autres témoins ont exprimé des inquiétudes qui peuvent être regroupées autour d’un certain nombre de thèmes.

Le souci de quelques témoins concernant les dispositions de justification était que leur utilisation est laissée à la discrétion de la police. Alors, une des propositions présentées en vue de modifier les articles 25.1 à 25.4 consistait à ce que cette autorisation judiciaire préalable soit requise avant de permettre aux fonctionnaires de police ou à leurs agents de commettre ce qui constituerait par ailleurs des infractions criminelles.

Une autre préoccupation connexe de quelques témoins portait sur le fait qu’en vertu du régime actuel, il est laissé aux policiers le soin de déterminer si leurs actions sont dans les circonstances, « raisonnables et proportionnelles ». Un des témoins s’inquiétait que cette discrétion était trop large et se montrait en faveur de l’obligation pour les policiers de démontrer qu’un manquement à la loi est « nécessaire » dans les circonstances. Afin de faciliter cette détermination, il a été proposé que les mesures volontaires adoptées par la GRC soient reprises et que chaque « violation de la loi » soit approuvée à l’avance par un fonctionnaire supérieur, lorsque c’est possible.

Toujours dans l’esprit d’une limitation du recours à ces dispositions, il a été proposé par quelques témoins que leur usage soit restreint aux domaines visés, à savoir le crime organisé et les opérations d’infiltration. Comme son intitulé le suggère, le projet de loi C-24 avait directement pour objet de réprimer le crime organisé, mais comme l’indique leur contenu, les dispositions du régime de justification peuvent être appliquées à toute enquête sur toute infraction menée par un fonctionnaire désigné.

Une autre proposition de certains témoins a été formulée afin de limiter le recours à ces dispositions, selon laquelle l’exemption de responsabilité criminelle que ces articles offrent devrait se limiter aux fonctionnaires publics et ne devrait pas s’étendre à des actes ou des omissions commis par d’autres personnes. Ces personnes sont souvent des gens ayant un casier judiciaire qui continuent de vivre une vie de criminels. Quelques témoins craignaient qu’ils risquent de trop facilement mettre de côté les contraintes de la loi ou les instructions de la police.

Enfin, il est apparu que les rapports publics qui sont fournis par les services de police constituaient en général un sujet de préoccupation de quelques témoins. Ces rapports ne détaillent en tant que tels que certains cas exceptionnels de recours aux dispositions de justification en matière d’application de la loi. Le comité a entendu de nombreuses propositions concernant la manière dont ces rapports publics pourraient être modifiés, allant de l’inclusion dans ceux-ci de toute « violation de la loi », à leur production dans des délais mieux encadrés. Quelques témoins ont indiqué qu’il ne semble y avoir aucune sanction statutaire dans l’hypothèse où un rapport annuel n’est pas remis en temps opportun. Pour faciliter l’examen public, on suggère d’avoir un seul rapport sur l’utilisation des dispositions de justification en vue de l’application de la loi pour tout le pays.

À la suite de l’audition des témoins et de la réception de certains documents écrits, le Comité a réalisé qu’il n’avait pas suffisamment d’éléments de preuves pour en arriver à une quelconque conclusion quant à savoir si les articles 25.1 à 25.4 du Code criminel devraient être modifiés, ou non. À ce stade, seul un organisme chargé de l’application de la loi a témoigné, et nous avons donc peu de précisions sur l’expérience au quotidien de ceux qui utilisent ces articles. Ainsi, le Comité ne pense pas être en mesure de formuler quelque recommandation que ce soit à cette étape.

Le comité désire cependant remplir son mandat consistant à étudier de manière globale les articles 25.1 à 25.4 du Code criminel, et continuera par conséquent ses travaux jusqu’à ce qu’un rapport final, contenant des recommandations, puisse être produit. Afin de donner plus de contenu à un tel rapport, le comité aura besoin de plus d’informations. Au cours des prochains mois, le comité a l’intention de demander la communication des informations requises et de déterminer ensuite si d’autres audiences seront nécessaires. Étant donné le caractère potentiellement sensible des témoignages, le comité pourrait décider de tenir certaines audiences à huis clos. Il en sera décidé à une date ultérieure.

[1]
[1999] 1 R.C.S. 565