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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 017 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 28 septembre 2006

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    La séance du comité permanent de la justice et des droits de la personne est ouverte.
    Nous poursuivons notre débat sur le projet de loi C-9, Loi modifiant le Code criminel au sujet de l'emprisonnement avec sursis. Nous accueillons aujourd'hui des témoins de trois organisations différentes.
    Il s'agit d'abord de M. Graham Stewart de la Société John Howard, à qui je souhaite la bienvenue.
    Je souhaite aussi la bienvenue à Pierre-Paul Pichette, de l'Association canadienne des chefs de police. Je constate que vous êtes accompagné de M. Clayton Pecknold, du service de police de Saanich Centre.
    Nous entendrons enfin Mme Krista Gray-Donald, du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes. Bienvenue, madame.
    Je demande à M. Stewart de commencer. Veuillez vous limiter à une dizaine de minutes, après quoi nous passerons aux questions.
    Merci, monsieur le président de m'avoir invité à venir parler du projet de loi C-9.
    Je vais d'abord dire quelques mots de la Société John Howard, organisme caritatif composé d'organisations oeuvrant avec les délinquants pour les aider à réintégrer la société comme citoyens respectueux des lois. Nous avons environ 12 000 membres travaillant avec nous dans tout le pays.
    Je tiens à dire que ce débat sur l'emprisonnement avec sursis est tout à fait pertinent. Il est en effet important que le législateur ait son mot à dire sur les décisions fondées sur le pouvoir discrétionnaire des magistrats en matière de détermination de la peine. En outre, nous sommes heureux de constater que le projet de loi, bien qu'il vise à restreindre le recours au sursis, n'en conteste pas la finalité ni les objectifs.
    La question qu'il faut se poser est assez simple : est-il jamais justifié d'imposer une peine d'emprisonnement avec sursis quand la peine maximum prévue dans le Code criminel est de 10 ans ou plus? Si c'est justifié, le projet de loi C-9 est excessif puisqu'il interdit d'imposer une peine avec sursis dans tous ces cas.
    J'aimerais parler en détail de cette question de justification mais je tiens tout d'abord à signaler que, depuis une trentaine d'années, le Canada et les États-Unis mènent une expérience très importante dans le domaine de la justice. Il y a 30 ans, en 1974, le taux d'incarcération était de 90 pour 100 000 au Canada et de 149 aux États-Unis. C'était très similaire. Trente ans plus tard, il est de 108 au Canada, ce qui reflète une légère augmentation, mais de 749 aux États-Unis, ce qui représente une augmentation de 600 %.
    Au cours des années, la criminalité a connu des hauts et des bas dans les deux pays, généralement à l'unisson. En fait, quand on examine les statistiques concernant le meurtre, qui sont les plus exactes, on constate que la proportion a augmenté et baissé en même temps de manière spectaculaire dans les deux pays pendant les 30 dernières années, malgré deux systèmes de justice pénale très différents.
    Des taux d'incarcération élevés ne profitent à personne. Le Canada est dans une bien meilleure situation que les États-Unis où des ressources énormes sont consacrées au maintien d'un taux d'incarcération très élevé alors qu'on s'est essentiellement désintéressé des facteurs contribuant à des taux plus élevés de criminalité violente. L'existence d'un taux d'incarcération moins élevé au Canada s'explique en grande mesure par une politique sentencielle disposant que les peines doivent être proportionnelles à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du coupable, étant bien entendu qu'on imposera la mesure la moins contraignante.
    Cela oblige à se demander pourquoi on a adopté comme principe d'imposer la mesure la moins contraignante. La réponse est qu'aucun autre n'est cohérent. Lors d'une conversation que j'avais avec un ancien commissaire du Service correctionnel du Canada, il me parlait d'une situation où l'on avait critiqué le principe du Service de ne pas utiliser plus de force que nécessaire en disant que c'était un principe trop mou. Sa réponse avait été qu'on pourrait changer de principe en disant qu'on utiliserait désormais juste un peu plus de force que nécessaire.
    Si l'on n'applique pas le principe de la mesure la moins contraignante, le système dégénère inévitablement vers le chaos. La mesure la moins contraignante n'est pas l'équivalent de la mesure contraignante la plus populaire. Si l'on adopte la mesure contraignante plaisant à tout le monde, c'est la mesure la plus dure qui deviendra la norme.
    Si l'on estime que la sentence doit être fondée sur le principe de la mesure la moins contraignante, il s'ensuit qu'il faut évaluer chaque cas individuellement avant d'imposer la peine et qu'on doit avoir à sa disposition des options moins contraignantes que la norme générale pour l'infraction considérée.
    Le projet de loi C-9 va directement à l'encontre de ces notions en interdisant l'imposition de peines avec sursis lorsque l'infraction est passible d'une peine maximum de 10 ans ou plus puisqu'il interdit d'évaluer individuellement les cas les moins graves ou lorsque les circonstances atténuantes sont les plus sérieuses.
    En outre, il empêche les tribunaux de se justifier et d'expliquer les peines qu'ils imposent, sauf en faisant référence à la législation. Les limites légales actuellement imposées aux peines avec sursis, conjuguées aux indications importantes de la Cour suprême, sont des limites sérieuses. La preuve en est que seulement 6 % de toutes les condamnations sont des condamnations avec sursis. Les restrictions actuelles empêchent à toutes fins pratiques d'imposer des peines avec sursis dans les cas manifestement inappropriés, tout en évitant des mesures rigides et arbitraires allant à l'encontre des principes sentenciels.
    Aujourd'hui, les peines avec sursis sont appliquées avec prudence. Plus de la moitié des cas concernent des infractions punissables par déclaration sommaire de culpabilité, seulement 47 % concernent des actes criminels, et la durée des peines d'emprisonnement avec sursis est égale au double des peines emprisonnement qui pourraient être infligées à ces personnes. Elles sont donc appliquées avec prudence, et elles sont également associées à des sanctions qui les rendent très sévères et punitives.
    Finalement, si l'on juge qu'elles sont imposées dans des cas inappropriés, nous avons un système d'appel pouvant aller jusqu'à la Cour suprême. Bien des appels ont amené à renverser des décisions et ont sérieusement resserré les limites imposées aux peines avec sursis. Nous avons donc là, à mon avis, un système qui marche, et qui est ouvert et visible.
    Nos tribunaux agissent de manière responsable mais ils ne peuvent pas se défendre eux-mêmes. Ils ne peuvent pas participer aux débats publics concernant les peines qu'ils infligent et cela en fait des cibles faciles. Le projet de loi C-9 contribuera à une certaine méfiance envers la justice, conséquence grave qu'il ne faut absolument pas négliger. Si nous ne pouvons pas faire confiance aux tribunaux au sujet des peines avec sursis, quand pouvons-nous leur faire confiance?
    Fixer au maximum de 10 ans le seuil d'inadmissibilité aux peines avec sursis, sans appel possible pour tenir compte des circonstances, ne fera qu'engendrer de nouveaux facteurs d'injustice. La Commission canadienne sur la détermination de la peine avait dit que les maximums en justice pénale produisent un système « irréaliste » et « désordonné ». En outre, avait-elle ajouté, « pour quiconque veut s'y référer, les peines maximales sont un guide précaire ». Je suppose que « quiconque » englobe le parlement.
    Est-il vraiment si difficile d'imaginer des cas où une peine avec sursis serait légitime pour un vol de plus de 5 000 $, pour le vol de services informatiques, pour le vol d'une carte de crédit, pour un vol par effraction, pour la possession d'instruments de vol par effraction ou pour un vol dans le courrier postal? Est-il vraiment impossible d'imaginer des circonstances où le sursis serait légitime?
    En bref, nous estimons que le but et les principes de l'établissement des peines énoncées à l'article 718 du Code criminel sont foncièrement corrects et qu'on ne doit ni les négliger ni les modifier. Avec la procédure d'appel jusqu'à la Cour suprême du Canada, les tribunaux sont compétents et sont les seuls capables d'infliger des peines adéquates et justes.
     On ne pourra pas assurer la confiance à long terme du public envers les peines avec sursis si l'on prend des mesures fondées sur des règles sentencielles arbitraires et rigides comme celles proposées dans le projet de loi C-9. De plus, nous estimons que les recherches démontrent depuis de nombreuses années que l'effet dissuasif de peines plus lourdes est fort peu susceptible d'avoir une incidence notable sur la criminalité, de manière générale, et notamment sur les criminels qui font typiquement l'objet de peines avec sursis.
    Ce sont les personnes vulnérables du point de vue du revenu, de la classe sociale, de l'ethnicité et d'autres facteurs qui subiront l'effet disproportionné du projet de loi C-9. L'opinion du public envers l'appareil judiciaire sera faussée car le pouvoir discrétionnaire des tribunaux et des juges aura été transférée vers les procureurs, et les décisions ne seront pas transparentes puisqu'elles seront incluses dans la masse des cas de négociation de plaidoyer que le public voit déjà d'un mauvais oeil.
    Les procédures judiciaires et les tribunaux deviendront très dispendieux car ils prendront beaucoup de temps. Les coûts de l'incarcération augmenteront sensiblement, notamment dans les établissements provinciaux et territoriaux, avec des estimations pouvant aller jusqu'à 4 000, soit une augmentation de 20 % des incarcérations provinciales -- dans les établissements qui sont probablement les pires du Canada. Ce sont les plus peuplés, ce sont ceux qui offrent le moins de programmes et de services, et ce sont les plus dangereux à bien des égards. Bon nombre ne satisfont même pas aux normes minimales de l'ONU sur les conditions d'incarcération.
    Ce qui est tout aussi préoccupant, ce sont les sommes considérables qui seront dépensées à cause de ce projet de loi et qui représenteront des pertes d'opportunité dans d'autres domaines tels que la prévention et le traitement, où elles pourraient être dépensées de manière beaucoup plus efficace pour réduire la criminalité de manière générale.
    Notre position est que l'imposition de la peine doit procéder d'un processus individualisé reflétant les caractéristiques de l'infraction et du délinquant. Les tribunaux doivent donc avoir accès à la gamme complète des options possibles et pouvoir choisir celle qui convient le mieux.

  (1540)  

     On ne pourra pas pas imposer les peines avec sursis de manière juste ou adéquate avec les restrictions envisagées dans le projet de loi C-9. Certes, il est légitime de donner des indications sur l'imposition des peines avec sursis mais ces limites ne doit pas aller à l'encontre des objectifs positifs du sursis ni empêcher les tribunaux d'y avoir recours dans les cas idoines de façon à se conformer aux principes fondamentaux de la détermination des peines.
    Nous ne pensons pas que des dispositions sentencielles inflexibles puissent rendre le système plus approprié, plus efficace ou plus cohérent. Par conséquent, nous recommandons que le gouvernement retire le projet de loi C-9 ou, sinon, qu'il prenne des mesures pour donner aux tribunaux des indications plus précises sur l'imposition des peines avec sursis conformément aux principes fondamentaux de la détermination des peines. Cela signifie que les lignes directrices devraient avoir un caractère de présomption ou d'indication mais pas d'obligation.
    Merci.

  (1545)  

    Merci, M. Stewart.
    M. Pichette, vous avez la parole.

[Français]

     Je suis assistant-directeur au Service de police de la Ville de Montréal. Je suis accompagné aujourd'hui de mon collègue M. Clayton Pecknold, directeur adjoint du Service de police de Saanich, en Colombie-Britannique.
    Nous comparaissons devant vous aujourd'hui à titre de représentants de l'Association canadienne des chefs de police. Nous sommes tous les deux vice-présidents du comité d'amendement aux loi de cette organisation.
    J'en profite également pour vous transmettre les salutations distinguées notre président, M. Jack Ewatski, chef de police de la Ville de Winnipeg.
    L'Association canadienne des chefs de police représente la direction des forces de maintien de l'ordre au Canada. Quatre-vingt-dix pour cent de ses membres sont des directeurs, des directeurs-adjoints ou autres cadres supérieurs issus de différents services de police canadiens, tant municipaux que provinciaux ou fédéraux.
    Notre association a pour mission de promouvoir l'application efficace des lois et règlements canadiens et provinciaux, et ce, au bénéfice de la sécurité de tous les Canadiens et Canadiennes. Dans ce contexte, nous sommes régulièrement appelés à nous positionner lors de réformes législatives. C'est toujours avec enthousiasme que nous participons avec les instances gouvernementales aux consultations entourant la réforme du droit pénal, tel que nous le faisons devant vous aujourd'hui.
    Je demanderais maintenant à mon collègue M. Pecknold de vous faire part de nos commentaires concernant le projet de loi C-9. Son allocution se déroulera en anglais. Par la suite, je ferai quelques remarques finales.

[Traduction]

    Bon après-midi, monsieur le président. Merci de m'avoir invité à m'adresser au comité.
    Beaucoup d'entre vous savez que l'ACCP a déjà comparu devant le comité et devant le Sénat au sujet de divers projets de loi. En règle générale, nous comparaissons au sujet des projets de loi comportant des amendements concernant des infractions graves et touchant les pouvoirs de la police. Même si le projet de loi C-9 porte uniquement sur la détermination de la peine, nous pensons avoir quelques avis à exprimer qui pourraient vous être utiles.
    Nous savons que la session actuelle est très chargée et que vous avez de nombreux projets de loi à étudier. J'aimerais vous présenter aujourd'hui la position générale de notre association sur la réforme du droit pénal.
    L'ACCP est favorable au projet de loi C-9 et aux modifications proposées aux peines d'emprisonnement avec sursis car nous croyons que ces peines constituent une réponse inadéquate aux crimes avec violence et aux autres crimes graves. Toutefois, nous avons deux remarques à formuler.
    La première concerne la portée du projet de loi. Selon la documentation figurant sur le site Web parlementaire, certains critiques du projet disent qu'en fixant aux actes criminels passibles d'une peine de moins de 10 ans la limite d'application des condamnations avec sursis, le législateur limite le sursis aux crimes sans violence ou sans gravité. Je crois avoir entendu mon ami de la Société John Howard exprimer cette opinion. À notre avis, le contraire est tout aussi vrai car il existe une infraction particulière qui est exclue de la portée de l'amendement. Je veux parler de l'article 467.11 qui prévoit une peine de cinq ans pour les personnes trouvées coupables de participation aux activités d'une organisation criminelle. En revanche, deux autres infractions concernant les activités d'une organisation criminelle -- commettre un acte criminel au profit d'une organisation criminelle, article 467.12, et charger une personne de commettre une infraction pour une organisation criminelle, article 467.13 -- sont touchées par l'amendement car elles sont passibles d'une peine maximum de plus de 10 ans.
    L'ACCP et son comité du crime organisé estiment qu'il s'agit là d'une anomalie car le sursis ne devrait pas être envisageable dans le cas d'une infraction concernant une organisation criminelle. Nous n'avons pas besoin de vous rappeler la menace grave que représente le crime organisé pour la sécurité des Canadiens. En conséquence, nous estimons respectueusement que le public canadien estimerait qu'envisager de condamner avec sursis les personnes participant aux activités d'une organisation criminelle irait à l'encontre de l'objectif général de la justice pénale.
    Cela ne veut pas dire cependant que nous nous opposions à la manière dont le projet de loi est rédigé. Si le législateur partage notre opinion sur cette question, nous voulons respectueusement le mettre en garde contre l'adoption d'un amendement dressant un barème ou une liste d'infractions. L'ACCP a déjà constaté que le droit pénal et, en particulier, le Code criminel, sont devenus peu à peu tellement complexes qu'ils sont parfois quasi incompréhensibles. Voilà pourquoi nous recommandons plutôt un amendement garantissant explicitement qu'aucune infraction commise par une organisation criminelle ne pourra ouvrir droit à une peine d'incarcération avec sursis.
    Notre deuxième remarque est plus générale et concerne la complexité du droit pénal et la foi du public envers la justice.
    Certes, ce projet de loi est sans doute l'un des moins complexes que nous ayons vus depuis longtemps. Toutefois, ce n'est pas le cas du droit de la sentence selon le Code criminel. Comme pour beaucoup d'autres aspects du Code, l'ACCP pense que des solutions ponctuelles ne sont plus suffisantes. Nous croyons deux choses. Premièrement, que le droit pénal, y compris le droit de la sentence, a besoin d'une refonte complète pour que la justice pénale retrouve la confiance dégradée du public. Deuxièmement, que les organismes de police sont bien placés pour contribuer utilement à cette refonte.
    Permettez-moi de préciser que ceci n'est pas une mise en accusation de la Charte des droits et libertés par votre police. Il est clair que la Charte a eu une incidence profonde sur la manière dont la police doit faire son travail et sur la manière dont sont menés les procès criminels. Faire la police est aujourd'hui une activité beaucoup plus complexe qu'avant la Charte, mais le monde aussi est devenu plus complexe, nous le savons bien. Le devoir fondamental de tout agent de police est d'assurer le respect de la loi, et cela vaut de manière particulièrement certaine pour la Charte des droits et libertés.
    Dans une société démocratique, la police sera toujours assujettie à la règle de droit, valeur qui est chère à l'ACCP. Toutefois, nous croyons que la réponse législative aux arrêts phares de la Charte a débouché sur des procédures excessivement complexes et multipliant l'impact sur le terrain des arrêts fondés sur la Charte d'une manière que la Cour suprême n'avait peut-être pas envisagée. Un exemple qui me vient immédiatement à l'esprit est l'ajout des articles 25.1 et 25.2 au Code criminel en réponse aux arrêts Campbell et Shirose. Cet amendement a engendré un régime procédurier qu'il est concrètement très difficile de mettre en oeuvre de manière cohérente d'un bout à l'autre du pays.

  (1550)  

    Très franchement, nous saisissons mal quand et comment cette tendance à l'excès de complexité a réussi à s'enraciner dans notre droit pénal et nous entendons profiter de toutes les occasions pour réclamer devant vous et devant le public moins de complexité et plus de bon sens dans la rédaction des lois. J'ajoute en passant que ce sont là des choses que nous disons fréquemment aux représentants de l'appareil judiciaire dans nos consultations.
    En bref, nous appuyons ce projet de loi mais demandons avec la plus grande fermeté qu'aucune condamnation avec sursis ne soit possible pour les infractions concernant le crime organisé. Nous vous demandons aussi, dans votre travail futur, de tenir compte du contexte dans lequel les lois pénales doivent être mises en application afin de veiller à ce qu'elles soient applicables. Je suis sûr que nous n'avons pas à vous rappeler que c'est votre police qui doit trouver le moyen de préserver l'ordre public dans une société de plus en plus complexe en n'utilisant que les outils que vous l'autorisez à utiliser.
    Pour sa part, l'ACCP continuera de vous communiquer les opinions du leadership de la police canadienne pendant votre étude de ce projet de loi et des nombreux autres qui suivront.
    Je vous remercie de votre attention.
    Je demande maintenant à mon collègue de conclure.

[Français]

    Pour faire suite aux commentaires de mon collègue, j'aimerais rappeler aux membres du comité que tous les corps de police canadiens sont soucieux d'appliquer de façon adéquate les lois et règlements en vigueur.
    Une législation claire, sans ambiguïté, constitue un agent facilitateur considérable sur le terrain pour nos policiers et policières qui, de façon journalière, interagissent avec les Canadiens et les Canadiennes, tout en assurant une meilleure compréhension et une plus grande adhésion de la population.
    À mon tour, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de vous faire part de nos commentaires sur le sujet. Sachez que nous demeurons à votre disposition pour toute interrogation que notre intervention pourrait avoir suscitée.

[Traduction]

    Je remercie l'Association canadienne des chefs de police de cet exposé.
    Krista Gray, vous avez la parole.
    Le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes, CCRVC, est un organisme national à but non lucratif défendant les intérêts des victimes d'actes criminels. Nous offrons une aide directe aux victimes dans leurs relations avec l'appareil de justice pénale et nous plaidons pour une réforme de la justice afin de mieux protéger leurs droits et de prévenir la victimisation.
     Le CCRVC est heureux de participer au débat sur le projet de loi C-9. La modification proposée à l'article 742.1 du Code criminel répond aux préoccupations que les victimes d'actes criminels graves et violents ont à maintes reprises exprimées à notre organisme. Ces préoccupations concernent la détresse et le malaise que ressentent les victimes quand elles constatent que des criminels, pas seulement ceux qui les ont agressées mais aussi tous ceux qui commettent d'autres crimes graves, sont condamnés à l'assignation à résidence ou à des peines qui ne sont pas proportionnelles à la gravité de leurs actes. Nous pensons qu'interdire l'accès aux peines avec sursis dans le cas d'actes criminels graves ou violents répondra à certaines de ces préoccupations.
    Les peines avec sursis ont été introduites dans le Code en 1996 et ont permis que de certaines peines soient purgées dans la communauté ou sous forme d'assignation à résidence. Il ne s'agit ni d'incarcération ni de probation mais d'une étape intermédiaire. Leur justification théorique était que les délinquants commettant des actes moins graves ou sans violence pourraient purger leur peine dans la communauté et éviter l'incarcération. Ces délinquants restent sous surveillance et font l'objet de restrictions quant à leur liberté d'action et à leur mobilité. Les peines avec sursis permettent d'atteindre cet objectif mais il se trouve que certains délinquants ayant commis des actes plus graves, comme des voies de fait, des agressions sexuelles ou des infractions à bord d'un véhicule ayant entraîné la mort ou de très graves blessures ont aussi été condamnés à des peines avec sursis.
    Comme vous le savez, il y a plusieurs critères à satisfaire pour être admissible à une peine avec sursis, et on les trouve dans les dispositions de 1996. Or, nous avons constaté que ces critères n'ont pas suffisamment restreint l'accès aux peines avec sursis dans le cas des délinquants ayant commis des crimes graves et violents, y compris des récidivistes.
    Avec le projet de loi C-9, le législateur tente de résoudre ce problème en ajoutant une autre restriction fondée sur la nature de l'acte criminel permettant d'accorder le sursis. La modification proposée à l'article 742.1 dispose que le sursis ne pourra pas être envisagé pour les infractions considérées comme des actes criminels passibles d'une peine maximum d'emprisonnement de 10 ans ou plus. Le CCRVC approuve le but fondamental du projet de loi C-9 mais il exprime des réserves sur le fait que les critères d'élimination de l'accès au sursis -- que l'acte soit passible d'une peine maximum d'emprisonnement de 10 ans ou plus et soit jugé comme acte criminel -- permettront quand même à certains auteurs de crimes graves ou violents d'être admissibles au sursis. En outre, certaines infractions hybrides qui ne donnent pas accès à l'assignation à résidence si elles sont jugées comme actes criminels y donnent droit si elles sont jugées sur déclaration sommaire de culpabilité. Il s'agit des agressions sexuelles et du harcèlement criminel.
    Le CCRVC estime que les actes criminels graves et violents, notamment commis contre des enfants ou d'autres personnes vulnérables, ne devraient pas être admissibles au sursis. Ce sont surtout les agressions sexuelles qui nous préoccupent dans ce contexte. Hélas, la limite du maximum de 10 ans proposée dans le projet de loi n'empêcherait pas les auteurs des actes criminels ci-après de bénéficier d'une peine avec sursis s'ils satisfont aux autres critères : passage d'enfants à l'étranger, article 273.3; exploitation sexuelle, article 153; exploitation sexuelle d'une personne ayant une déficience mentale ou physique, paragraphe 153.1(1); voyeurisme, article 162; devoir de fournir les choses nécessaires à l'existence, article 215; abandon d'un enfant, article 218; corruption d'enfants, article 172.1; enlèvement d'une personne âgée de moins de 16 ans, article 280. Nous pensons qu'il s'agit là d'infractions graves et souvent violentes et que leurs auteurs ne devraient pas être autorisés à purger leur peine sous une supervision limitée au sein de la communauté.
    Selon le sommaire législatif fourni au sujet du projet de loi C-9, le Centre canadien de la statistique juridique estime que la supervision d'un délinquant dans la communauté coûtait 1 792 $ en 2002-2003. On peut douter de l'efficacité de cette supervision étant donné que ce chiffre représente moins de cinq dollars par jour par délinquant.
    Comme cette supervision est assurée par des agents de probation ou de libération conditionnelle déjà surchargés de travail et oeuvrant dans des bureaux manquant de personnel, il est peu probable qu'elle soit très efficace. Nous doutons également de son efficacité en ce qui concerne certains types d'infractions et de restrictions -- je songe ici, par exemple, aux préoccupations que j'ai déjà mentionnées et aux méthodes quasi illimitées d'accès à Internet. Comment un agent de probation peut-il garantir qu'un délinquant sexuel à qui l'on a interdit l'accès à Internet ne réussira pas à y avoir accès en l'absence du superviseur?
    Comme les infractions touchées par le projet de loi C-9, celles que je viens d'énumérer s'accompagnent de séquelles physiques et émotives durables pour les victimes. Ne pas les inclure dans la liste des infractions ne donnant pas accès au sursis revient à en minimiser l'impact et à ne pas tenir compte de leur gravité. Nous savons qu'il y a de nombreuses infractions pour lesquelles une peine avec sursis est adéquate, avec le degré de supervision voulu. Des recherches ont montré que les victimes partagent cette opinion. Par contre, elles n'approuvent pas du tout la position d'une peine avec sursis dans le cas de crimes graves. Nous partageons leur opinion.

  (1555)  

    Les partisans des peines avec sursis soutiennent qu'elles constituent un volet nécessaire de la justice réparatrice. Interdire le sursis dans le cas des infractions que je viens de mentionner n'empêcherait aucunement la possibilité d'une justice réparatrice. La justice réparatrice n'est pas fondée sur le principe de réduction de l'incarcération pour faciliter le processus réparateur. La justice réparatrice signifie que l'on veille à ce que les besoins de la victime soient à la fois entendus et pris en considération.
    Le CCRVC estime que les dispositions de condamnation avec sursis introduites en 1996 ont fait en sorte que beaucoup trop d'auteurs d'actes criminels violents ont reçu des peines trop légères par rapport à l'impact de leurs actes, contrairement à l'objectif visé à l'origine. Avec le projet de loi C-9, on commence à rétablir l'équilibre et c'est pourquoi nous l'appuyons. Nous estimons cependant qu'il convient de le renforcer en l'appliquant aussi aux crimes graves et violents qui en sont actuellement exclus. Adopter un dispositif englobant la liste des infractions auxquelles il s'appliquerait dans sa formulation actuelle ainsi que la liste de celles auxquelles nous estimons qu'il devrait s'appliquer permettrait de limiter l'admissibilité au sursis aux infractions pour lesquelles on l'avait envisagé à l'origine.
    En conséquence, nous recommandons d'apporter les modifications suivantes au projet de loi C-9.
    Nous recommandons de modifier le projet de loi C-9 pour y inclure les infractions que je viens de mentionner : passage d'enfants à l'étranger; exploitation sexuelle; exploitation sexuelle d'un enfant avec déficience mentale ou physique; voyeurisme; devoir de fournir les choses nécessaires à l'existence; abandon d'un enfant; corruption d'enfants; enlèvement d'une personne âgée de moins de 16 ans; et autres infractions graves et violentes.
    Nous recommandons de modifier le projet de loi C-9 de façon à ce que la liste des infractions ne donnant pas accès au sursis soit énoncée dans une annexe plutôt que selon la méthode actuellement prévue dans le texte. Cela permettrait d'inclure les infractions qui ne le sont pas actuellement et d'exclure celles pour lesquelles une peine avec sursis est adéquate. Et nous recommandons aussi que le projet de loi soit adopté sans retard.
    Je vous remercie de votre attention.

  (1600)  

    Merci beaucoup.
    Après avoir écouté les témoins, je vais ouvrir la période des questions en en posant une moi-même.
    J'étais certain que quelqu'un parlerait du coût que doit assumer la société, et je ne parle pas seulement du coût de l'incarcération. La question de la supervision des délinquants dans la communauté a été soulevée plusieurs fois devant notre comité. Je sais que la police assume certaines responsabilités à cet égard. La société John Howard joue certainement un rôle --

[Français]

    Excusez-moi, mais j'aimerais faire un rappel au Règlement.
    Je ne comprends pas que vous commenciez la période de questions avec une question de la présidence.

[Traduction]

    Parce que c'est mon choix.

[Français]

    Ce n'est pas la façon de faire, monsieur le président. Je pense que c'est une très mauvaise habitude.

[Traduction]

    Je ne pense pas qu'il y ait quoi que soit de mal avec ça, M. Ménard, et c'est la prérogative du président de poser une question.

[Français]

    Mais c'est la prérogative de l'opposition de commencer.

[Traduction]

    Vous aurez votre tour, M. Ménard.

[Français]

    C'est une très mauvaise habitude, monsieur le président. Vous n'aurez pas la confiance du comité, si vous faites cela. C'est une très mauvaise habitude. Il appartient à l'opposition...

[Traduction]

     Eh bien, je pose ma question. J'ai besoin d'un éclaircissement et j'ai --

[Français]

    C'est la prérogative de l'opposition de poser les premières questions, et je ne comprends pas votre façon de faire. Nous ne vous avons jamais empêché de poser des questions, monsieur le président, car vous avez le droit de le faire, mais c'est la prérogative de l'opposition de poser la première question. C'est une très mauvaise habitude...

[Traduction]

    M. Ménard, vous avez dit ce que vous aviez à dire et je vais maintenant finir de poser ma question.

[Français]

    Nous allons en discuter...

[Traduction]

    Un autre rappel au règlement, monsieur le président. Je tiens vraiment à ce que le comité fonctionne bien et je ne pense pas que quiconque s'oppose à ce que vous posiez une question en temps voulu. Vous êtes le président mais la tradition et l'habitude au sein des comités est que la période des questions débute avec l'un des partis d'opposition.
    Je rejoins donc à M. Ménard en prenant note de votre décision de poser une question mais je n'insiste pas pour le moment. M. Ménard a fait une remarque pertinente et nous pourrons voir plus tard ce qu'il faut faire.
    Merci.
    Pour l'information de l'opposition -- puisque cette remarque vient de l'opposition -- ceci fera l'objet d'une discussion à la prochaine réunion du comité directeur. Je suis sûr que ce sera le cas.
    Laissez-moi finir.
    Pour ce qui est du coût de la surveillance des individus dans notre société, je ne suis pas sûr que la question ait été traitée. Elle a été soulevée dans pratiquement toutes les autres séances et on nous a donné divers chiffres à ce sujet.
    Je sais que la Société John Howard s'occupe de supervision d'individus dans la communauté et je pensais qu'elle nous donnerait des chiffres. Pratique-t-elle la supervision de personnes condamnées avec sursis? Dans l'affirmative, quel est le coût réel de cette supervision pour la communauté et pour la Société?

  (1605)  

    Non, nous ne supervisons aucune personne condamnée avec sursis au Canada. Nous n'avons aucune raison de penser que le coût de la supervision soit différent du coût mentionné dans les documents de la Bibliothèque parlementaire. À mon avis, c'est un peu moins de 2 000 $. C'est en tout cas beaucoup moins cher de superviser dans la communauté que de superviser en prison étant donné que la majeure partie des coûts en prison émane du fonctionnement général de l'établissement qui exige typiquement plus de deux ou trois employés par détenu. La supervision en communauté est à l'évidence moins coûteuse.
    Qui assure donc la supervision des sursis?
    Les services de probation, essentiellement.
    Est-ce que l'association de la police, des chefs de la police, a quelque chose à dire là-dessus?

[Français]

    Nous allons aborder ce point d'une autre façon, monsieur le président.
    Nous ne faisons pas le suivi de ceux et celles qui bénéficient d'une libération conditionnelle. Par contre, nous sommes conscients que si vous retenez notre proposition, la façon de faire les procès changera. Ce que nous connaissons présentement relativement aux ententes entre les avocats de la défense et ceux de la Couronne va probablement changer. Selon les estimations que nous avons faites, nous croyons que le temps de présence de nos policiers enquêteurs à la cour pourrait augmenter de 30 p. 100.
    Cela étant dit, nous croyons que même si cela peut être plus laborieux pour une organisation policière de faire la preuve de la culpabilité des individus, la position que nous avons défendue plus tôt est la bonne.

[Traduction]

    Merci, M. Pichette.
    M. Murphy.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens d'abord à remercier les témoins de leur présence. Nous avons reçu le mémoire de la Société John Howard. J'ai constaté que les autres parties faisaient référence à un texte. Il pourrait nous être très utile, si ça ne portait pas atteinte à vos droits, de nous en donner des exemplaires que le greffier pourrait distribuer. Il y avait des chiffres très intéressants.
    On a beaucoup parlé des victimes. Je pense que c'est normal, nous sommes tous préoccupés par elles ainsi que par les criminels. Dans ce contexte, je m'adresse essentiellement à vous, Mme Gray-Donald, étant donné qui vous représentez et comment vous obtenez vos informations.
    J'ai ressenti la passion et l'émotion dans ce que vous avez dit -- je représente une communauté et, je veux dire, c'est partout au Canada. Je me demandais si vous pourriez nous donner un bref aperçu de vos clients : qui sont-ils? Comment viennent-ils à vous? Comment déterminez-vous, quand vous faites une déclaration, que vous avez des données statistiques objectives qui la justifient, car nous comprenons tous et ressentons l'aspect émotionnel et subjectif de ça?
     Les clients qui viennent à notre bureau sont généralement des victimes de crimes graves tels que des agressions, de la violence conjugale ou des homicides. Certains des actes dont elles ont été victimes ne sont pas touchés par ce projet de loi.
    Nous avons aussi un certain nombre de clients qui prennent contact avec nous par le truchement des bureaux de PAVT et des services de la police. Il en a aussi qui nous trouvent par Internet. Nous avons une présence assez forte sur le réseau et notre site Web est généralement bien considéré. Je conviens que les informations que je vous ai données reposent sur des cas particuliers. Chaque cas est particulier et chaque victime présente un point de vue particulier.
    Cela dit, il existe des études sur ces questions. Julian Roberts et Kent Roach ont dressé un questionnaire sur la manière dont les victimes perçoivent la condamnation avec sursis. Hélas, je n'en ai pas d'exemplaire avec moi mais il a été publié récemment. Il a permis d'obtenir certaines informations l'année passée, en gros.
    Je vous en remercie.
    Cette question s'adresse à l'association représentant les chefs de police. De la même manière, nous comprenons que vos collaborateurs -- vos subalternes, je suppose -- sont des gens de première ligne. Ils étaient ici la semaine dernière -- la véritable association de la police -- pour parler de leur expérience en première ligne. Je le répète, nous acceptons la passion subjective et les comptes-rendus de cas réels. Nous acceptons ça. C'est évidemment très parlant pour tous les membres de ce comité -- mais pourriez-vous nous aider avec des études ou des statistiques sur l'efficacité des peines avec sursis ou d'autres formes de peines du point de vue de la prévention de la répétition des crimes par les mêmes clients?

  (1610)  

    Nous utilisons le Centre canadien de la statistique juridique, qui a témoigné le 21 septembre je crois. Je ne connais pas d'études particulières à ce sujet, monsieur le président, mais j'ai lu à la page 7 de ce rapport, au sujet du trafic de drogue et des agressions sexuelles, qu'on a infligé une peine avec sursis dans au moins un cas sur cinq. Je trouve ça remarquable, surtout dans une province où l'abus de drogues est une question très importante.
    Je ne peux donc pas vous répondre directement mais je pense qu'il y a certaines statistiques qu'on peut trouver et qui, envisagées de manière holistique, vous diront probablement que les peines avec sursis sont infligées de manière relativement inadéquate.
    Je suis heureux d'entendre dire que nous travaillons avec les mêmes statistiques, qui ne sont peut-être pas fausses mais ne sont pas aussi complètes qu'elles pourraient l'être. C'est ce que j'entends dire généralement, que les statistiques que nous avons obtenu la semaine dernière sont tout que nous avons.
    Ce qui m'intéresse, c'est que le délinquant moyen bénéficiant du sursis est placé sous supervision pendant quelque chose comme 400 jours ou plus, et que le détenu moyen est sous supervision, littéralement, pendant une trentaine de jours. J'arrondis les chiffres.
    Ne serait-il pas préférable qu'une mauvaise personne soit -- je m'en remets à l'opinion de M. Stewart à ce sujet -- réadaptée, nous l'espérons, d'une certaine manière aux yeux du public pour une période plus longue plutôt que plus courte? Dans la situation de l'incarcération, si on se place du point de vue de la victime, le délinquant qui est incarcéré se retrouve généralement dehors plus rapidement sans supervision ou surveillance.
    L'expérience au Canada, selon les informations du Service correctionnel, est que le processus de réinsertion des délinquants sous responsabilité fédérale par la supervision, au cours des 20 dernières années, a débouché sur une amélioration continue des taux de récidive. On a de bonnes raisons de penser que la supervision dans la communauté a un effet beaucoup plus important, du point de vue de la réinsertion sociale, que la seule incarcération suivie de la libération.
    Dans les données que vous avez reçues, par exemple, vous constaterez que les taux de récidive des délinquants ayant bénéficié d'un sursis étaient de 17 p. 100 l'année suivante, alors qu'ils étaient de 30 p. 100 pour ceux qui avaient été incarcérés. Je parle ici de l'année suivant l'achèvement de la sentence. Comme vous le dites, bon nombre de personnes ayant bénéficié d'un sursis purgent 700 jours dans la communauté avant que leur peine soit terminée. On a donc de bonnes raisons de penser que les peines avec sursis sont très efficaces.
    Nous savons aussi que les gens choisis pour bénéficier du sursis le sont en partie parce qu'ils sont considérés comme présentant moins de risques. Il faut tenir compte de ce facteur.
    En fin de compte, si nous essayons de déterminer quelle est la meilleure situation pour réduire le crime, du point de vue coût-bénéfice, il devient très difficile de choisir l'incarcération plutôt que la peine avec sursis -- pour les cas qui font l'objet d'une peine avec sursis.
    Il vous reste du temps.
    Bien.
    Le chiffre de 1 742 $, je crois, a été mentionné. L'hypothèse est qu'il est tellement insuffisant qu'il signifie qu'il n'y a absolument aucune supervision et que cette méthode est complètement inefficace pour assurer le respect des conditions fixées par le juge. Il y a deux choses que je souhaite demander à M. Stewart à ce sujet.
    Si les ressources étaient suffisantes, pensez-vous qu'il y aurait une supervision adéquate? En outre, avez-vous une indication quelconque que la supervision actuelle est lamentablement inadéquate? Pour le moment, c'est ça l'hypothèse : « Avec 1 700 $, on ne peut pas faire grand-chose ». C'est une hypothèse. Selon les statistiques que je lis, il n'y a pas 95 p. 100 de violation des conditions. Les gens ne se retrouvent pas devant les tribunaux parce qu'ils ont violé les conditions dans 95 p. 100 des cas. C'est une très petite proportion du total.
    On dit parfois que, quand un arbre tombe dans la forêt, personne ne l'entend. Autrement dit, s'il y a des gens qui violent les conditions et qu'il n'y a pas assez de supervision, on ne peut pas le savoir.
    Je vois que notre bon chef de la police approuve de la tête.
    Mais où est la preuve de tout ça? Où est la preuve que 1 700 $ n'est pas assez? Je suis prêt à parier que, quand nous accueillerons des agents de probation, ils nous diront que tout va bien, qu'ils pourraient certainement faire bon usage de ressources additionnelles mais que tout va bien.
    Qu'en dites-vous, M. Stewart?

  (1615)  

    Je précise tout d'abord qu'il s'agit d'une moyenne comprenant, si j'ai bien compris, la probation et la condamnation avec sursis. Si l'on décortique ces chiffres, je suppose qu'on constatera que la supervision des peines avec sursis coûte souvent beaucoup plus cher. En effet, c'est une supervision plus intense. Beaucoup de ces détenus sont assignés à résidence, beaucoup sont surveillés électroniquement, avec un système très structuré -- et c'est quelque chose qui peut être surveillé.
    Personne ne vous dira jamais qu'il a trop d'argent. Personne ne vous dira jamais qu'il ne lui en faut pas plus. De fait, je crois savoir qu'on pense aussi, dans le système carcéral, qu'il y a une insuffisance considérable de ressources. Je n'ai encore entendu personne dire qu'il ne faut pas envoyer de gens en prison parce que le système manque de ressources.
    La supervision communautaire est foncièrement moins coûteuse : nous ne donnons pas de repas, nous ne surveillons pas les gens 24 heures par jour, nous n'avons pas à leur offrir de programmes de réadaptation. Nous utilisons les services communautaires : les gens peuvent aller à l'école dans la communauté -- nous n'avons pas à fournir d'écoles, contrairement aux prisons -- et ils ont accès aux services de santé de la communauté. Il y a toutes sortes de services de soutien de cette nature qu'il faut fournir dans les prisons et qui n'ont rien à voir avec la réadaptation, rien à voir avec apprendre aux gens à changer de comportement, mais font tout simplement partie de l'exploitation d'une prison.
    On peut donc raisonnablement s'attendre à ce que la supervision communautaire coûte beaucoup moins cher que la prison. Quant à savoir si le chiffre de 1 700 $ est exact, je ne sais pas mais je ne pense pas que c'est en fonction de ça qu'on doit déterminer les peines.
    Je crois que vous avez fait référence à une étude des taux de dissuasion, c'est-à-dire que le facteur de dissuasion de la peine est beaucoup moins efficace pour les gens qui font normalement l'objet de peines avec sursis. S'agit-il des mêmes études dont on nous a parlé la semaine dernière ou d'études différentes?
    Ce que je vous disais, c'est qu'on a très peu de preuves concernant l'effet dissuasif sur les criminels mais qu'on a de bonnes raisons de croire qu'il est encore moins fort avec les peines avec sursis, essentiellement parce que ceux qui sont choisis pour bénéficier du sursis le sont généralement parce qu'on estime qu'ils témoignent d'un remords sincère. Les tribunaux considèrent qu'ils posent moins de risques. On a déjà établi qu'ils sont peu susceptibles de récidiver et les taux de récidive de ceux qui sont peu susceptibles de récidiver sont faibles.
    Vous n'avez pas d'études à ce sujet? C'est simplement une sorte de prolongement logique.
    Vous avez raison. C'est une déduction logique.
     D'accord.
    Merci, monsieur Hanger.
    M. Murray et M. Stewart, je vous remercie.
    M. Ménard.

[Français]

    Je voudrais réfléchir avec vous à une situation qui m'apparaît un peu paradoxale.
    On nous demande d'adopter un projet de loi qui ajouterait d'un coup plus d'une centaine d'infractions. Cela ferait en sorte que de gens pourraient bénéficier de l'emprisonnement avec sursis, toujours dans les paramètres fixés par la Cour suprême dans l'arrêt Proulx, qui dit que le recours à une telle peine ne doit pas représenter un danger pour la communauté, que l'infraction doit en être une qui entraîne une peine de moins de deux ans, et ainsi de suite.
    Monsieur Pichette, vous avez bien raison de porter à notre connaissance le fait que sur le plan de la logique, le bon sens de nos concitoyens ferait sans doute en sorte que bien des gens seraient d'accord pour que ceux qui ont participé aux échelons les plus élevés du crime organisé ne purgent pas une peine dans la communauté. Mais en posant cette question, ne soulevez-vous pas le caractère un peu absurde du projet de loi?
     Pour atteindre les objectifs que l'on veut atteindre comme société, c'est-à-dire que les gens les plus criminalisés ne soient pas nécessairement dans la communauté, peut-on dire sans nuance qu'on prend toutes les infractions punissables d'une peine de plus de 10 ans, le marqueur de 10 ans? Cela inclut donc les infractions relatives à la contrefaçon, mais également les homicides et les infractions les plus considérables.
    Ne serait-il pas plus intéressant d'amender l'article 718, qui donne le cadre que la magistrature devrait suivre quand il s'agit de la détermination de la peine? C'est la position du Bloc québécois. Ne devrait-il pas y avoir une mention spécifique touchant les gens qui ont participé aux gangs criminalisés? Nous étions tous deux présents quand il y a eu tout ce débat public.
     Je m'adresse autant aux chefs de police qu'aux autres témoins. Le fait de prendre un seul marqueur, soit les infractions punissables d’une peine maximale d’emprisonnement de 10 ans ou plus, ne vous inquiète-t-il pas? N'est-ce pas un manque de nuance que l'on ne peut se permettre, comme législateurs? N'est-ce pas une façon inquiétante de raisonner dans la façon d'aborder le droit criminel?
    Notre raisonnement, monsieur Ménard, tient à deux choses. Premièrement, il y a le crime organisé. Je pense qu'on fait le point sur ce sujet. Le deuxième volet, c'est la violence du crime ou la violence associée à la perpétration du crime. C'est ce qui nous interpelle.
    Je vous dirais que parmi les articles que nous avons examinés pour faire notre présentation, il se peut que je fasse erreur, mais la plupart concernent des crimes où la violence est associée à la perpétration du crime. Si ce n'était pas le cas, je serais d'accord avec vous.
    Par exemple, tout à l'heure, notre collègue de la Société John Howard du Canada nous donnait certains types d'infractions qui ne devraient probablement pas faire partie de la liste. Je pense qu'on doit garder comme réflexion tout l'aspect du recours à la violence dans la perpétration du crime.

  (1620)  

    Avant de donner la parole à la Société John Howard du Canada, j'ai une dernière question à poser. On n'a pas d'indications relativement au taux de récidive. J'espère qu'on les aura avant d'étudier le projet de loi article par article.
    Avez-vous des indications concernant les tribunaux et les juges qui, dans des cas de violence extrême, dans les cas où l'expression juridique dit qu'ils « fâcheraient le sens commun », ont administré et ont permis des sanctions à purger dans la collectivité? On sait que parmi les sanctions disponibles, c'est un phénomène marginal qui représente 6 p. 100 des peines et qui touche un peu moins de 34 000 personnes.
    L'un d'entre vous a-t-il des indications qu'il y a eu abus et que, dans des cas qui fâcheraient la conscience collective, les magistratures auraient, comme tendance de fond, fait un mauvais usage de cet outil qui est à leur disposition? Je parle ici d'une tendance de fond. Les juges peuvent rendre de mauvaises décisions; on en convient, et je pense que c'est à ce sujet que l'on devrait voter.

[Traduction]

    Non, pas précisément, monsieur le président, mais je répète que le chiffre qui nous a beaucoup frappé était celui de 1 sur 5 pour le trafic de drogue et les agressions sexuelles.
    Je suppose que tout dépend de la définition de la violence. On peut considérer qu'il s'agit au sens strict de la violence directe, d'une personne contre une autre personne, ou on peut voir ça de manière plus générale, comme nous le faisons, c'est-à-dire qu'il s'agit de la violence que cela perpétue dans la société dans son ensemble, y compris, bien sûr, du crime organisé, ce qui est le cas aussi, en allant jusqu'au crime dans la rue.
    Voilà la seule réponse que je peux vous donner.
    Je tiens à préciser que, dans mon exposé, j'ai mentionné un certain nombre d'infractions qui sont incluses, à mon avis, et qui pourraient facilement, selon moi... ou pour lesquelles on peut facilement imaginer des circonstances où une peine avec sursis serait adéquate mais ne serait pas possible à cause de ce projet de loi. Les autres témoins ont mentionné les infractions qui sont incluses comme conditions pour les peines avec sursis mais qui, à leur avis, ne devraient pas l'être. Je pense que cela montre clairement que la limite de 10 ans est tout à fait inadéquate et arbitraire. Elle rendra le processus sentenciel très arbitraire.
    Les peines maximales énoncées dans le Code criminel n'ont jamais été formulées en vue d'une telle utilisation. Voilà pourquoi la Commission sur la détermination de la peine les a rejetées comme outil utile dans le processus sentenciel.
    Si nous voulons avoir un système qui tient debout, me semble-t-il, il faut laisser les gens prendre les décisions. Si nous essayons d'appliquer une règle arbitraire, nous aurons toujours des cas qui paraîtront irrationnels.

[Français]

    Permettez-moi de poser une dernière question.
    C'est un peu trompeur de dire qu'une infraction sur cinq où des personnes ont été admissibles à une libération sur sursis se rapportent à des infractions relatives aux drogues. Prenons l'exemple d'un jeune qui se fait arrêter avec un petit joint de cannabis et qui se retrouve devant les tribunaux. Ce n'est pas totalement irrationnel, sur le plan de l'administration du droit pénal, qu'un tel individu se retrouve dans la communauté. Alors, je ne serais pas prêt à conclure que parce qu'une infraction sur cinq a fait l'objet d'un emprisonnement avec sursis, c'est un indicateur qu'il y a eu un abus de ce type de peine.
    Partagez-vous mon point de vue à cet égard? Il faut aller un peu plus loin dans la finesse de l'analyse.

[Traduction]

    Le chiffre était de 1 sur 5 pour les infractions reliées au trafic de drogue, je crois, et je conviens avec vous que c'est la simple possession. En ce qui concerne le trafic de drogue, j'estime que c'est une infraction de niveau plus élevé.

[Français]

    Je voudrais ajouter que lorsqu'on parle de trafic de drogue, les conséquences sur la société peuvent être importantes. C'est là notre point de vue, soit l'aspect de la violence d'une personne envers une autre personne, mais aussi envers la société. Il suffit simplement de voir les méfaits de la drogue auprès de nos jeunes.
    Est-ce que j'ai le temps de poser une autre question?

[Traduction]

    Un.

[Français]

    Merci, vous êtes trop gentil.

[Traduction]

    J'étais sur le point de dire que le trafic de drogue et beaucoup des infractions dont nous parlons sont des catégories descriptives qui font immédiatement penser à une infraction particulière, généralement très grave mais, en réalité, elles décrivent un large éventail de comportements différents englobant des circonstances pouvant aussi bien être relativement mineures que très graves. Ça peut être aussi bien deux personnes partageant un joint que l'importation de tonnes d'héroïne.
    À mon avis, c'est ça le problème quand on utilise des critères arbitraires comme ceux-là au lieu de faire appel au bon sens, ce qui ne peut se faire que sur une base individuelle.

  (1625)  

[Français]

    Vous avez mentionné que les coûts d'incarcération vont augmenter de 20 p. 100. Je pense que c'est vous qui avez fait cette déclaration.
    Pourriez-vous, pour les membres du comité, documenter cette affirmation?

[Traduction]

    Cela provenait en réalité des documents d'information parlementaires, de la Bibliothèque parlementaire. On y dit que, selon des estimations concernant la mise en oeuvre de ce projet de loi, il y aurait une augmentation de la population carcérale fédérale de 300 à 400, soit 3 p. 100, et une augmentation de la population fédérale-territoriale de 3 000 environ, soit 20 p. 100.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci, M. Ménard.
    M. Comartin.
    M. Pecknold, je dois vous dire que j'ai beaucoup apprécié votre exposé. Il comportait un certain nombre de choses avec lesquelles je ne suis pas d'accord mais je suis depuis longtemps vigoureusement partisan de l'idée de modifier le Code criminel à la pièce, ce qui semble avoir été la politique du gouvernement précédent et être encore plus celle de celui-ci.
    L'une de nos difficultés, et c'est pourquoi je me demande si vous-même ou votre association avez réfléchi à ça... on nous dit -- et je crois que ça vaut pour les deux gouvernements, le précédent et celui-ci -- qu'essayer d'adopter un projet de loi omnibus pour modifier le Code, même en se limitant aux parties concernant les sentences, serait une tâche monumentale et exigerait qu'on règle diverses choses immédiatement.
    Ils viennent de faire disparaître la Commission du droit. Je pensais que c'était précisément un groupe qui aurait pu préparer un livre blanc ou un document de travail. Maintenant que les Conservateurs l'ont fait disparaître, y a-t-il quelqu'un d'autre, dans le monde universitaire, qui pourrait se charger de ce travail là? Je suppose que vous n'avez pas les ressources mais connaissez-vous quelqu'un qui serait capable d'assumer cette tâche?
    Nous avons travaillé dans le passé avec la Commission du droit sur beaucoup de projets de loi et des choses comme ça. Très franchement, je ne savais pas qu'elle avait été démantelée.
    Complètement disparue.
    Je ne connais aucune autre organisation précise. Nous-mêmes, nous sommes un amalgame de toutes les organisations de police du pays et nous utilisons nos ressources individuellement.
    Ce que je peux dire, et ce que je suis autorisé à dire au nom de l'association, c'est que nous sommes prêts à offrir notre appui à n'importe quelle agence qui serait capable de faire ce travail, quel que soit l'aspect académique de la société qui soit capable de le faire. Évidemment, nous savons que ce serait un travail énorme mais je dois vous dire que nous ne reculerions pas devant la tâche simplement à cause de son énormité.
    À part ça, je peux simplement ajouter que c'est quelque chose que notre association continuera de recommander au sujet de chaque nouveau projet de loi. Quel que soit l'aspect de la réforme du droit dont est saisi le Parlement, nous continuerons de plaider en faveur d'une complexité moindre et d'une rationalisation du droit pénal, surtout en ce qui concerne les pouvoirs et les infractions importantes dont nous avons à connaître pratiquement chaque jour.
    Je prononce le même discours en Chambre environ une fois toutes les deux semaines. Je ne peux pas dire que j'aie réussi à pénétrer l'esprit des hautes instances.
    Avez-vous vérifié si d'autres pays -- Angleterre, Australie, États-Unis -- ont entrepris une refonte de leur droit pénal?
    Nous effectuons de temps à autre certaines études. Nous avons récemment effectué une étude où des officiers de haut rang sont allés en Europe examiner les pratiques d'investigation, notamment dans le domaine du droit relatif à la divulgation durant le procès pénal. Je ne connais pas les détails du droit en Angleterre mais il y a là-bas certains exemples ou certains précédents juridiques qui, pensons-nous -- pas dans le contexte des tribunaux mais dans le cas de la législation -- pourraient être importés dans notre système et être examinés.
    Ça existe donc, quelque part, et nous avons participé à des études là-dessus.

  (1630)  

    Merci.
    Madame Gray-Donald, en ce qui concerne la liste des accusations que vous avez mentionnées comme ne devant pas donner accès au sursis -- je devine la réponse mais je pose quand même la question -- avez-vous des statistiques indiquant à quelle fréquence, annuellement ou sur plusieurs années, elles ont débouché sur des peines avec sursis ?
    Non, je n'ai malheureusement pas de statistiques. Notre rôle n'est pas de produire des statistiques. Par contre, j'ai des preuves anecdotiques dans certains cas -- comme le voyeurisme. La semaine dernière, j'ai reçu un appel d'une victime de 16 ans du Nouveau-Brunswick que son père avait filmée pendant qu'elle se changeait, et il avait reçu une peine avec sursis. Quant à elle, elle reste avec ses sentiments et sa son mal. Elle a le sentiment d'avoir été violée et elle témoigne de toutes les séquelles qui accompagnent l'agression sexuelle, mais il n'empêche qu'il a eu une peine avec sursis.
    Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président. Merci.
    Il vous reste du temps, M. Caumartin, si vous voulez. Non?
    M. Brown.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai trois questions à poser au sujet des peines avec sursis.
    D'après vous, M. Pichette, comment la population criminelle considère-t-elle les peines avec sursis? Les considère-t-elle comme une sorte de bon pour échapper à la prison ou comme un véritable processus de supervision? Quelqu'un disait tout à l'heure qu'une peine avec sursis est en réalité assortie d'une période de supervision plus longue qu'une peine d'incarcération mais est-ce comme cela qu'on la considère? Est-ce que la population criminelle considère ça comme de la vraie supervision? Je serais très surpris si les deux niveaux de supervision étaient considérés de la même manière.
    Sur le même sujet, la probation est également une sorte de supervision, sous forme limitée, comme une peine avec sursis. Évidemment, il y aura des périodes de probation plus longues pour quelqu'un qui a passé du temps en prison que pour quelqu'un qui a eu une peine avec sursis. Pouvez-vous nous en parler?

[Français]

    Monsieur Brown, dans la dynamique des tractations entre les avocats de la défense et ceux de la Couronne, il est évident que le fait qu'on puisse utiliser des dispositions afin que des individus appréhendés et traduits devant les tribunaux puissent profiter d'une peine d'emprisonnement avec sursis au lieu d'aller en prison fera partie des discussions.
    Je n'ai pas de statistiques à l'appui de ma supposition, mais je peux vous dire que cela se fait de façon courante lorsque des discussions ont lieu entre les procureurs.

[Traduction]

    J'aimerais aussi avoir vos impressions, et celles de M. Pecknold, sur ceci : du point de vue de la réalité du système judiciaire, dans les tribunaux où je suis allé et où j'ai vu... Je vais vous donner l'exemple du palais de justice de Brampton, près de Toronto, le plus grand de ma circonscription. Si vous examinez le rôle, vous verrez qu'il y a certains jours 300 ou 400 plaidoyers sentenciels. Donc, quand on parle d'examiner attentivement le risque de récidive, pensez-vous qu'on a assez de temps pour ça, pour se pencher sérieusement sur le risque de récidive, quand il y a 300 ou 400 plaidoyers sentenciels en une seule journée? Croyez-vous qu'on a assez de temps pour ça?
    Si je comprends bien la question, vous parlez des négociations de plaidoyer concernant les peines avec sursis. Je voyais une statistique -- vous l'avez entendue aussi -- indiquant qu'il y a un plaidoyer de culpabilité pour près de 90 p. 100 des accusations d'actes criminels. Nous qui travaillons chaque jour dans le système savons que... Je ne sais pas si je dirais que c'est un bon pour échapper à la prison mais c'est certainement un incitatif, à mon avis, à plaider coupable.
    En contrepartie, on peut dire que ça fait économiser de l'argent à la police, en termes de témoins et de présence au tribunal. Mais nous estimons qu'il y a un autre coût, caché, du point de vue de la perception des gens dont nous nous occupons, les victimes des actes criminels, pour ce qui est de leur confiance dans leur système et de leur sentiment de clôture.
    Je peux peut-être ajouter... J'ai écouté la discussion et je vois beaucoup de statistiques. Elles sont très axées sur les délinquants. Certes, nous comprenons la nécessité, du point de vue de la prévention du crime, d'être axé sur les délinquants mais notre association estime que nous devrions aussi être axés sur les victimes et sur les conséquences des crimes.

  (1635)  

    J'ai une question générale pour tout le monde.
    J'ai entendu dire que l'on devra avoir plus recours aux prisons si on élimine les peines avec sursis pour ces crimes potentiels. Qu'en pensez-vous, à long terme et non pas dans l'immédiat, si l'on avait ce niveau de dissuasion et on éliminait l'impression que certaines peines sont simplement une tape sur la main -- pas dans deux ou trois mois mais dans cinq ou 10 ans? Croyez-vous que ce changement fera en sorte qu'il y aura moins de gens dans les prisons ou plus? D'après vous, quels seront les bienfaits à long terme de ce changement? Aura-t-on obtenu un facteur de dissuasion adéquat et envoyé le bon message ou verrons-nous en réalité nos prisons être encore plus peuplées qu'aujourd'hui?

[Français]

    Le sentiment de sécurité des citoyens est l'un des éléments avec lesquels les organisations policières doivent composer. Il passe par les services de police, mais aussi par le raisonnement du système judiciaire et de la peine qui est associée au type de crime, de même que par les répercussions sur la société.
    Nous sommes en faveur du projet de loi C-9, mais à la longue, nous croyons que la perception du citoyen devrait changer, si ceux et celles qui commettent des crimes sont incarcérés et doivent passer un certain temps dans des institutions eu égard au crime qu'ils ont commis. Je pense que c'est là qu'on y gagnerait. Permettez-moi une analogie. Le vol de véhicules au Québec est devenu, tant au sein de notre organisation policière que des services judiciaires, un crime pour lequel on donne de petites sentences. Ce n'est plus un crime.
    Je pense qu'il faut faire attention à la façon dont on utilise les dispositions du Code criminel, afin de ne pas les banaliser. Si on les banalise, l'objectif poursuivi par le Code criminel n'est plus respecté.

[Traduction]

     Si vous me permettez de répondre, le professeur Paul Genreau de l'université Saint-Thomas a préparé une méta-analyse des études consacrées à l'effet des peines de prison sur la récidive pour Sécurité publique et Protection civile Canada. Il s'est penché sur chaque étude réalisée en Amérique du Nord au cours des 50 dernières années et considérée comme une étude sérieuse. Ce qu'il a constaté, c'est qu'il n'y en a pas une -- pas une -- qui indique que des peines de prison plus longues réduisent la récidive. En règle générale, il y a très peu de corrélation et, quand il y en a une, elle indique que des peines plus longues entraînent des taux de récidive plus élevés -- ce qui confirme l'opinion de beaucoup de ceux d'entre nous qui travaillons dans les prisons, à savoir que ce sont en soi des milieux criminogènes.
    Si vous prenez deux personnes qui obtiennent typiquement une peine avec sursis et ne sont pas criminalisées dans leur vie et pour qui, dans bien des cas, c'est la première infraction, et si vous les faites passer dans un processus qui s'attaque d'abord à leurs problèmes -- ils ont souvent des problèmes d'assuétude, notamment d'alcoolisme -- vous aurez de bien meilleures chances à long terme que si vous les placez dans un environnement qui est en soi criminalisé.
    Sans compter qu'il faut ensuite passer par le processus très difficile de réinsertion après l'incarcération. Une fois que vous êtes en prison, vous perdez vos racines communautaires, votre emploi et votre place dans la société. Le retour est très difficile et aucune de ces choses n'accroît les chances de succès.

  (1640)  

    Merci, M. Brown.
    M. Stewart, pourriez-vous, et peut-être aussi les agents de police, définir la récidive? Quelles sont vos limitations sur la récidive? J'ai entendu plusieurs définitions et je ne suis pas sûr.
    La définition utilisée ici est celle que le ministère de la Justice a utilisée quand il a témoigné devant vous plus tôt, et qui consistait à évaluer la situation à un an. La récidive peut être une année, 10 années ou la vie entière. Ce qui compte, quand on essaye de faire ces études, c'est d'utiliser une période suffisamment courte pour savoir si la situation s'améliore ou empire.
    La récidive à un an n'est utile que pour comparer les peines avec sursis à la prison. Ce qu'on constate, c'est qu'il y a un taux de récidive de 30 p. 100 au bout d'un an avec la prison contre 17 p. 100 avec le sursis. C'est une amélioration spectaculaire qui indique qu'il se passe quelque chose de valable.
    Ça ne veut pas dire qu'il n'y a plus de récidive au bout d'un an mais nous pouvons dire que, plus la personne reste longtemps en liberté, plus la récidive diminue. Même quand elle vient d'un établissement fédéral, après deux années dans la communauté, le taux de récidive chute de manière très importante.
    Donc, les mécanismes qui permettent de garder les gens actifs dans la communauté, d'y avoir un emploi, etc., offrent plus de potentiel à long terme car ces gens ne sont pas isolés. Plus on continue de les superviser comme membres productifs de la communauté, plus on a de chances qu'ils ne récidiveront pas à long terme.
    Merci.
    En ce qui concerne la police, est-ce essentiellement la même règle pour la récidive?
    Mon interprétation de la récidive a toujours été qu'une condamnation enregistrée constitue de la récidive. Bien sûr, nous savons dans la police que cela ne reflète pas toujours la réalité de l'activité criminelle mais nous vivons dans un système juridique qui mesure la récidive d'après les condamnations.
    Comme je viens de la Colombie-Britannique, je peux dire au comité que nous avons là-bas ce qu'on appelle un système d'approbation des accusations en vertu duquel celles-ci doivent d'abord être approuvées par le procureur de la Couronne pour être portées. Ils appellent ça du contrôle de la qualité. Nous avons là-bas l'un des taux de condamnations les plus faibles du pays et on peut se demander pourquoi. À mon avis, il y a une face sombre de la récidive qui n'est pas mesurable.
    Puis-je apporter quelques précisions là-dessus?
    Je vous en prie.
    En fin de compte, personne ne sait ce qu'est la récidive. Tout d'abord, tant qu'une personne n'est pas morte, nous ne savons pas si elle récidivera. Vous avez raison, nous ne connaissons pas les infractions qui ne l'ont fait l'objet d'aucune condamnation. La seule utilité de ces données, c'est comme succédané pour comparer. Le taux de récidive des gens qui sont passés par ce processus est-il plus faible ou plus élevé que celui des gens qui sont passés par un autre processus? Je ne voudrais pas faire croire que n'importe quel chiffre qu'on utilise est une mesure absolue de la récidive à vie.
    Merci, messieurs.
    Mme Barnes.
    Merci beaucoup. je pense que votre contribution à tous est très importante. Je vous remercie d'être venus et j'espère avoir l'occasion de vous revoir dans d'autres situations.
    Je voudrais parler du projet de loi sous sa forme actuelle. Comme vous le savez, lors de la dernière législature, un autre projet de loi avait été présenté pour resserrer la situation, mais pas de manière aussi exhaustive que celui-ci.
    Je m'adresse d'abord à Mme Gray-Donald.
    Bon nombre de projets de loi d'initiative privée sont présentés au parlement. Beaucoup sont du style -- parce qu'on pense que ce projet de loi sera automatiquement adopté -- « Allons jusqu'au bout et fixons maintenant le maximum à 10 ans et on y arrivera ».
    Il y a la notion de sécurité et il y a un sentiment de fausse sécurité autour de ça, et je vais reprendre l'exemple que vous avez donné, l'infraction de corruption. Il y aura un projet de loi d'initiative privée à ce sujet plus tard cette semaine ou la semaine prochaine.
    Selon vous, si ça tombe dans cette catégorie, est-ce que ça voudra dire qu'il n'y aura plus de peine avec sursis? Je veux simplement voir la profondeur de ce que comprend votre organisation sur ce qui se passerait en réalité si tel était le cas.
    Désolée, si je comprends bien votre question, vous voulez savoir si ce serait dans ce projet de loi si on passait à un maximum de 10 ans, ou si on utilisait le mécanisme que j'ai proposé d'utiliser comme barème -- l'un ou l'autre?
    Prenons simplement la corruption par Internet. Vous avez dit que vous voulez l'inclure. D'après vous, est-ce que ça interdirait d'office une peine avec sursis pour cette infraction si elle était dans le projet de loi?

  (1645)  

    Oui, mais ça n'empêcherait pas d'imposer d'autres types de sentences, comme la probation.
    D'accord, c'est la mauvaise interprétation qui m'inquiète car il y a beaucoup d'infractions qui seront touchées si vous nommez les infractions dans le projet de loi.
    Supposons que la corruption par Internet face actuellement parti de la liste. C'est une infraction hybride. Si vous avez une infraction hybride, le projet de loi tel qu'il est actuellement rédigé n'empêcherait pas le juge d'imposer une peine avec sursis.
    Et c'est le problème que nous pose le projet de loi, surtout en ce qui concerne les infractions à caractère violent ou sexuel, dont la corruption d'enfants fait partie, comme l'agression sexuelle ou le harcèlement criminel. Nous pensons que ces infractions doivent aussi être touchées par le projet de loi, c'est-à-dire que, si elles sont jugées par voie de déclaration sommaire, le sursis ne serait pas possible.
    Bien. Je m'adresse maintenant à l'association des chefs de police : est-ce également votre interprétation?
    Mon interprétation du projet de loi est qu'une peine avec sursis pourrait être imposée si l'infraction était traitée par voie de déclaration sommaire.
    Certainement. L'argument que je présente donc à l'organisation des victimes est que le simple fait d'énumérer ou d'inclure l'infraction, si c'est une hybride, n'empêchera pas le juge d'imposer une peine avec sursis s'il le veut. Je veux simplement m'assurer que les gens comprennent qu'il y a encore beaucoup de ces infractions, pas seulement dans la catégorie de la drogue, mais dans la manière dont ce projet de loi est conçu. Et je pense que c'est un problème du projet de loi car je pense qu'il y a une communication erronée au public au sujet de certaines de ces questions qui est trompeuse. Je veux simplement préciser ça.
    Je vous comprends et nous pensons que ça doit être réglé.
    Si vous avez vu la liste -- et je vous pose la question à tous -- pensez-vous par exemple, pour l'article 340 du Code, concernant la destruction de documents au dossier, qui est passible d'un maximum de 10 ans... d'après vous, est-ce que ça devrait faire partie de ça?
    Je vais vous en donner quelques autres : fait d'arrêter la poste avec intention de vol; employé public qui refuse de remettre des biens; abus de confiance criminel; vol de plus de 5 000 $; rédaction non autorisée d'un document; obtenir un avantage sur le fondement d'un document contrefait -- ça pourrait être quelqu'un qui utilise une fausse identité pour... je ne sais pas, prendre le train ou faire quelque chose qui exige un laissez-passer...
    Ces infractions-là tombent également dans le champ du projet de loi et, quand j'entends votre témoignage de porte-parole des victimes, je suis pas sûre que ceci soit dans votre zone de préoccupation mais c'est dans le champ du projet de loi sous sa forme actuelle.
    Est-ce que toutes ces infractions concernant les biens -- je les classe toutes dans cette catégorie -- font partie de votre préoccupation?
    Il y a certaines infractions concernant les biens qui sont touchées par ce projet de loi mais qui pourraient légitimement ouvrir droit au sursis. Nous le savons et nous ne pensons pas que le sursis ne devrait pas être envisageable pour celles que vous venez de mentionner.
    Très bien. Merci.
    Je voudrais connaître l'avis de M. Stewart à ce sujet, ainsi que des autres témoins, M. Pichette ou M. Pecknold, s'il vous plaît.
    Qand nous avons présenté notre mémoire, nous avons inclus un tableau de certaines infractions admissibles et d'autres qui ne le sont pas. Dans chaque cas, celles que nous avons retenues sont celles qui, selon nous, posent de sérieux problèmes. Certaines des infractions admissibles... par exemple, obtention par la fraude de la signature d'une valeur est admissible -- c'est un maximum de cinq -- mais le vol d'une carte de crédit ne l'est pas. Il me semble que, dans le monde réel, ces circonstances pourraient facilement être renversées du point de vue de la gravité et que c'est foncièrement injuste. Il y a beaucoup d'exemples de ce genre.
    Notre position n'est pas que tout le monde devrait avoir droit au sursis mais qu'il faut considérer que la peine avec sursis est une peine intermédiaire et que les maximums sont à notre avis une très mauvaise méthode pour juger de la gravité d'un crime...

  (1650)  

     Absolument.
    ... et que la gravité d'un crime doit être jugée en fonction des caractéristiques de ce qui s'est passé : pas seulement l'infraction qui s'est produite mais la responsabilité de l'accusé. La Cour suprême a été très claire à ce sujet. Elle a dit dans plusieurs arrêts que n'importe quoi d'autre relève de l'arbitraire.
    Mais je pense aussi que ça va contre le bon sens. Si nous voulons un système sentenciel ayant du bon sens aux yeux de la plupart des gens, il faut qu'il soit individualisé. Voilà notre position, et non pas que toutes celles-là devraient ou ne devraient pas être incluses. Je suis sûr que tout le monde a sa propre liste mais la liste qu'on nous présente n'a pas été dressée en ayant ça en tête.
    J'aimerais avoir votre avis là-dessus mais je pense que le problème, à la fois pour le gouvernement actuel et pour les gouvernements précédents, soyons justes, est de savoir comment formuler quelque chose qui s'applique à une personne dont vous ne voudriez pas qu'elle profite de ça mais en même temps qui il ne soit pas si large ou ne soit pas une ligne directrice aussi artificielle. Et il y a des problèmes avec la manière dont celui-ci est conçu, et il y avait probablement aussi des problèmes avec la manière dont le précédent avait été conçu.
    J'aimerais votre avis là-dessus. Je vous comprends au sujet des plus graves. Ce sur quoi je veux vous entendre, c'est sur certaines des autres et sur ce que je viens juste de vous dire.

[Français]

    Je vais redonner la même explication que j'ai donnée plus tôt. Au niveau du crime organisé, selon nous, cela se défend par la définition même du crime organisé. Là où on se rejoint, c'est qu'on croit que cela dépend du degré de violence du crime. Encore faut-il définir ce qu'est un crime violent. Je suis d'accord avec vous pour dire que, dans la liste des crimes que vous avez identifiés, il s'en trouve certains qui ne seraient probablement pas inclus de cette définition.
    Pour nous, la notion de violence est très importante, que ce soit de personne à personne ou en fonction de l'effet qu'elle a sur la société, c'est-à-dire lorsque le crime est perçu par le citoyen comme étant violent.

[Traduction]

    Merci, Mme Barnes.
    M. Pecknold souhaite répondre.
    Veuillez m'excuser. Allez-y.
    Je serai bref, monsieur le président.
    Le fait est que nous avons un problème avec l'idée de ce qui serait considéré comme des infractions moins graves et d'autres infractions incluses à cause de la limite de 10 ans. Cela souligne notre argument général que c'est assez difficile avec ce Code criminel. Il est plein d'incohérences et de contradictions. Il est très difficile de continuer à bâtir là-dessus sans tomber sur ces incohérences, complexités et confusions.
    Merci, Mme Barnes.
    M. Serge Ménard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je reprendrai peut-être les propos de M. Pichette.
    Monsieur Pichette, vous parlez souvent de l'importance de la perception, mais la perception du système de droit criminel est donnée à la majorité des gens par les journaux, la télévision et la radio. En effet, peu de gens ont le temps d'aller s'asseoir dans un tribunal pour voir comment le système fonctionne. Ils tomberaient probablement d'ennui au bout de quelques heures. La perception dépend donc beaucoup plus des journaux que de la réalité. Ne pensez-vous pas?
     En fait, les médias sont l'un des piliers de notre démocratie. Ils sont là pour renseigner le citoyen. Je pense qu'ils ont l'obligation de le faire dans différents champs d'activité.
    Dans le cas de la scène criminelle, en la considérant uniquement du point de vue de Montréal — et je suis persuadé que c'est la même réalité dans toutes les villes canadiennes —, il y a des journalistes qui se consacrent à l'aspect judiciaire et qui sont présents au quotidien dans les palais de justice pour rapporter aux citoyens les cas qui méritent d'être signalés. D'un autre côté, il est certain qu'ils ne peuvent rapporter toutes les causes qui s'y déroulent.
    Oui, mais au quotidien, les journalistes rapportent les cas exceptionnels. Ce n'est pas en considérant les cas exceptionnels qu'on peut avoir une idée très juste de ce qui se passe dans la majorité des cas. Ces journalistes rendent compte des sentences qui frappent le plus l'imagination.
    Je pense qu'on a fait une étude à Toronto qui révélait que les juges donnent, en gros, à peu près 12 à 15 raisons pour justifier une sentence. Les journaux en donnent une et quart. Évidemment, celles qu'ils donnent sont celles qui frappent l'imagination et qui scandalisent le plus, n'est-ce pas?
    Bref, quoi qu'on fasse, on est peut-être aussi bien d'oublier la perception et de tenir compte de la réalité, afin de déterminer si les sentences sont injustes.
    Vous parliez aussi de trafic de drogues. Cela vous scandalise que seulement 20 p. 100 des causes concernant le trafic de drogues mènent à des sentences. Vous connaissez la définition du mot « trafiquer ». Trafiquer comprend les mots « donner » et « offrir ». Un jeune homme qui offre à sa blonde de partager son joint de marijuana pour regarder un film psychédélique ou pour s'adonner à une autre activité trafique de la drogue.
    Généralement, pour n'importe quel type d'infraction, il y a plus de cas moins graves que de cas graves. Évidemment, le public considère que le trafic de drogues est grave pour la société; vous l'avez dit vous-même. Mais les cas graves sont la minorité, et vous voulez leur appliquer des sentences qui seraient perçues comme sévères.
     Pourquoi voulez-vous empêcher les juges d'avoir cette mesure dans l'éventail des sanctions, eux qui connaissent les cas individuels, les cas ennuyeux et répétitifs et qui, la plupart du temps, ont affaire à des mésadaptés? C'est l'une des grandes caractéristiques des délinquants: ce sont des mésadaptés. Pensez-vous que les juges abusent de cette mesure ou qu'ils ne l'appliquent pas correctement?

  (1655)  

[Traduction]

    Je ferai deux commentaires à ce sujet. Le premier est une précision sur notre déclaration liminaire concernant l'opinion du public sur la justice. À notre avis, ce n'est pas simplement à cause de la manière dont on perçoit les sentences, et je conviens avec vous, monsieur, que certaines affaires extraordinaires sont parfois sensationalisées dans la presse, ce qui peut avoir une incidence sur cette perception. Mais notre préoccupation avec la perception de l'appareil judiciaire émane aussi de la durée des procès, de la complexité des procès, de la probabilité d'une négociation de plaidoyer.
    Il existe une étude du Dr Plecas du University College of Fraser Valley, une étude sur 20 ans commandée par la GRC, concernant le temps qu'il faut aujourd'hui pour mener une enquête sur un acte criminel par rapport à il y a 20 ans, à cause de la complexité du droit. Je dois donc dire que notre préoccupation au sujet de la perception ne provient pas seulement de la détermination des peines.
    Deuxièmement, monsieur, j'ai peine à imaginer qu'on m'accuse de trafic de drogue simplement parce que j'aurais donné un joint à quelqu'un. Ça ne serait jamais accepté par les procureurs de la Couronne fédéraux et il n'y aurait pas de poursuites. Je peux vous dire que, dans la plupart des cas où une accusation de trafic de drogue aboutit à une condamnation, c'est parce qu'il s'agissait de vrai trafic.
    Merci, M. Ménard.

[Français]

    C'est fini?

[Traduction]

    D'accord, à moins que vous n'ayez une très brève question.

[Français]

    Oui. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi vous préférez une sentence suspendue à une sentence avec sursis, puisqu'on garde les sentences suspendues? En quoi trouvez-vous que les sentences suspendues sont supérieures aux sentences avec sursis?

[Traduction]

    Veuillez m'excuser, vous vous adressez à moi?
    Non, parce que je connais votre réponse.
    Des voix: Oh!
    M. Serge Ménard: C'est pour les personnes qui ne réalisent apparemment pas que nous avons des peines avec sursis. Personnellement, je préfèrerais une peine avec sursis, si j'étais juge, parce que si l'accusé ne respecte pas les conditions, je vais lui infliger la peine que j'estime appropriée.

[Français]

    Mais avec les sentences avec sursis,

[Traduction]

ça veut dire que, pour 18 mois, il peut passer 12 mois sans aucun problème, et dans 16 mois il obtient une condition et alors il ne reste plus que deux mois.
    Où est la logique dans tout ça? La logique est que, si l'on prive les juges de la possibilité d'individualiser les peines, parce que fixer une peine dans un cas donné dépend toujours de nombreux facteurs : les circonstances du crime, la situation de l'accusé et ses possibilités de réadaptation et, bien sûr, la gravité, le caractère exemplaire...

[Français]

    Je me suis mis à parler anglais! Espérons que je ne me mettrai pas à parler espagnol.

[Traduction]

    Quoi qu'il en soit, M. Stewart, je sais tout ce que vous allez dire et je suis d'accord.
    Des voix: Oh!

  (1700)  

    Merci, M. Ménard.
    Mais je voudrais connaître l'avis des autres, des gens qui représentent les victimes. Quel avantage y voyez-vous? Je suis sûr que si vous enlevez le sursis, vous aurez plus de suspension de peines.
    Nous parlons tous beaucoup. Je ne suis pas seul, comme vous savez.
    Des voix: Oh!
    Vous deux, vous avez quelque chose en commun et ce n'est pas seulement votre nom
    Merci de vos questions, M. Ménard.
    M. Petit.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à M. Pichette et peut-être à Mme Gray-Donald. Je reviendrai ensuite à M. Stewart.
    J'aimerais dire d'emblée que je fais partie du nouveau Parti conservateur, et même si les gens ne le croient pas, nous avons quand même de la compassion pour les victimes. C'est la raison d'être du projet de loi C-9.
    Je remercie M. Serge Ménard en particulier, parce qu'il a été mon ministre de la Sécurité publique. Il a travaillé dans des dossiers extrêmement importants. Vous vous souvenez de la guerre des gangs, des Hell's Angels. Dieu sait qu'à Montréal, vous y avez goûté. Je sais qu'il a été extrêmement sévère dans toutes les décisions qu'il a prises comme ministre de la Sécurité publique. La guerre des gangs qui a eu lieu dans la région de Montréal était reliée au commerce de la drogue, à ce qu'on appelle les territoires.
    Le trafic de drogue, même s'il ne paraît pas violent à première vue, est d'une extrême violence. Les trafiquants de drogue créent une demande chez de jeunes personnes. Le petit joint qu'on se passe finira par devenir un joint par jour, puis un joint à l'heure. Ces jeunes gens vont aller s'approvisionner auprès du groupe organisé, des trafiquants de drogue.
    Quels crimes vont-ils commettre? Comme ils n'ont pas assez d'argent, ils vont commencer par faire des vols. Ils vont ensuite commettre des vols par effraction dans nos résidences. La petite dame de 65 ans qui se fait voler chez elle ne trouve pas ça drôle du tout. Vient ensuite la violence conjugale, car monsieur ou madame a dépensé. Ils se battent entre eux, et vous connaissez la suite. Il va y avoir de la prostitution aussi. On parlait tout à l'heure du vol de courrier. Les assistés sociaux de ma province vont se faire voler leur chèque mensuel. Ils vont changer d'identité afin de l'encaisser au dépanneur pour ensuite pouvoir acheter leur drogue.
    Comment voulez-vous qu'une personne âgée de 65 ans se protège si elle vit à la campagne et que, comme c'est le cas bien souvent, il s'agit de quelqu'un qui est relié à sa famille? Aucun crime n'est minime. Tout dépend de qui en est la victime et du moment où il est perpétré.
    J'ai été surpris hier d'entendre dire que 40 p. 100 des drogues entraient dans les prisons. Les prisonniers sont enfermés et ils sont surveillés 24 heures sur 24. Pourtant, 40 p. 100 des drogues y entrent. Un trafiquant de drogue à qui on aurait donné un sursis de sentence serait chez lui et n'aurait rien de plus à faire que de répondre au téléphone. Or, avec les moyens électroniques et téléphoniques d'aujourd'hui, il pourrait aussi bien répondre à partir d'un bar voisin et dire qu'il est chez lui.
    On nous a donné un système ridicule. On nous a dit qu'une personne surveillée coûtait 1 742 $ annuellement. Avez-vous pensé à ce que cette somme permet de faire? Le ridicule ne tue pas, mais il n'en est pas loin.
    Quelque chose m'intrigue. Il y a deux ou trois jours, dans la région de Montréal et ailleurs, à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau et aux autres aéroports, on a mentionné que les trafiquants de drogue menaçaient les employés, qui sont des policiers, et qu'ils soudoyaient même les employés responsables de la sécurité. Il s'agit de tous les aéroports, autant celui de Toronto que celui de Montréal ou ceux de la Colombie-Britannique, où on trouve également des ports dominés par des groupes criminalisés.
    La drogue n'arrête pas d'entrer et de créer tous les problèmes actuels. On doit quasiment supplier à genoux les députés de l'opposition pour qu'ils adoptent le projet de loi C-9 afin que les trafiquants de drogue n'aient plus la liberté qu'ils ont présentement. Je vous demande si le projet de loi C-9 n'est pas un moyen indirect... On l'a vu, on pourrait passer en revue tous les crimes. Chacun a ses qualités et ses défauts.

  (1705)  

    Monsieur Petit, cinq minutes de votre temps se sont déjà écoulées. J'aimerais bien être généreux envers vous car je connais votre passion, mais je vous invite à poser vos questions.
    Ma question s'adresse à M. Pierre-Paul Pichette. Vous avez compris mon développement, alors j'aimerais que vous me disiez si le projet de loi C-9... Je connais votre opinion, mais j'aimerais que vous la développiez par rapport au trafic de la drogue, s'il vous plaît.
    Vous comprendrez que je ne peux parler que du trafic de drogue, monsieur Petit. Il faut que je respecte la logique de ce qu'on a présenté au comité. Notre optique est de travailler au niveau du crime organisé.
    Je dois vous donner raison. Le trafic de drogue fait partie des activités illicites de plusieurs groupes criminalisés. C'est pourquoi nous vous proposons, lorsque vous en serez à cette étape, d'envisager le phénomène du crime organisé.
    Vous avez parlé du phénomène du trafic de drogue. On pourrait également parler des femmes ou des hommes qui sont contrôlés en vue de la prostitution. Ils sont aussi contrôlés par des familles ou des associations du crime organisé.
    Je comprends votre propos, mais je pense que notre position, qui préconise l'approche du crime organisé tel que défini par les dispositions usuelles, est la plus appropriée.
    Y a-t-il d'autres commentaires de la part des témoins? Je poserai ensuite une brève question.

[Traduction]

    Je pense qu'il y a un problème quand on parle des drogues de manière aussi absolue et qu'on dit que les gens sont soit des trafiquants, soit des victimes. Les trafiquants exploitent les autres, qui deviennent des victimes en utilisant des drogues. Le fait est que la plupart des trafiquants qui se font prendre sont aussi des consommateurs. Une fois qu'on commence à en prendre, c'est une manière de s'approvisionner. Ça devient beaucoup plus compliqué que ces absolus ne l'indiquent.
    Le fait est que quatre accusés sur cinq n'obtiennent pas de peine avec sursis; ils sont condamnés à la prison. Cela me fait penser qu'avec les infractions concernant les drogues, comme avec toutes les autres infractions criminelles, on a beaucoup plus d'infractions mineures que d'infractions graves. Les enquêtes sur les infractions graves sont plus difficiles et il n'y en a pas autant.
    Cette proportion de 1 sur 5 ne m'étonne pas, surtout si l'on considère que, pour s'attaquer vraiment à la toxicomanie, passer 700 jours dans la communauté avec accès à un traitement sous intense supervision donnera probablement un meilleur résultat que passer 47 jours en prison dans le genre d'environnement que vous avez décrit.
    Je pense qu'il ne faut pas être aussi absolu à ce sujet.

[Français]

    La parole est à vous, monsieur Lee. Comme la majorité des membres du comité ont bénéficié de sept minutes, c'est à peu près le temps dont vous disposez.

[Traduction]

    Merci.
    J'apprécie vos témoignages et le point de vue que vous présentez aujourd'hui. Une chose devient de plus en plus évidente -- et je demande à nos chefs de police s'ils sont d'accord -- et c'est que ce projet de loi semble être un exercice de réprobation tous azimuts. Autrement dit, nous n'aimons pas l'impression que donne le fait que des gens ne purgent pas des peines sévères et nous allons donc éliminer un instrument qui leur permet d'échapper à des peines sévères. L'un d'entre vous a dit plutôt que vous-mêmes et le public n'aimez pas retrouver ces gens dans la rue peu après.
    Ne convenez-vous pas que tout cet exercice d'utilisation d'un seuil de peine maximum de 10 ans -- cet instrument inexact, grossier, non ciblé, arbitraire et imprécis -- qu'il y a dans le projet de loi est une erreur et que nous devrions plutôt chercher une autre méthode pour définir les infractions qui devraient être exclues de l'option du sursis?

  (1710)  

    Je doute beaucoup, monsieur le président, de pouvoir accepter tous ces adjectifs. Je pense qu'il est vrai qu'essayer d'adopter une démarche globale avec certaines dispositions du Code criminel fait apparaître des anomalies comme celles que nous avons soulevées au sujet des dispositions concernant l'entreprise criminelle.
    Je suis pas d'accord quand on dit que c'est simplement parce que nous n'aimons pas l'impression que ça donne. J'estime que la foi du public envers la justice se trouve au coeur même de la notion de responsabilité et que c'est un pilier fondamental de notre démocratie.
    Nous qui travaillons tous les jours dans ce domaine pouvons vous dire que la confiance du public a été généralement ébranlée de nombreuses manières et à de nombreux égards. Ce n'est pas simplement parce que ça ne nous plaît pas, de manière superficielle, mais plutôt parce qu'on a le sentiment que l'État est intervenu et les a appuyés alors qu'ils ont été victimes d'un crime violent.
    Durant la législature précédente, on avait essayé dans un autre projet de loi d'identifier une catégorie d'infractions plus graves qui ne devraient pas ouvrir droit aux sursis, et ce projet de loi comprenait... Je vais vous demander quelle est votre réaction à la petite liste que je vais vous donner. Elle est courte : une infraction causant de graves blessures personnelles, et c'est défini; un acte de terrorisme; une infraction d'organisation criminelle; et une infraction au sujet de laquelle, considérant sa nature et ses circonstances, l'expression de la réprobation de la société devrait primer sur tout autre objectif sentenciel.
    Croyez-vous que cette liste et ces mots définissent adéquatement ce que nous pensons tous être l'objectif de ce projet de loi? Pourrions-nous être plus précis où ai-je laissé quelque chose en dehors de la liste? Je n'ai pas mentionné les infractions reliées à la drogue, à moins qu'elles ne soient associées à l'infraction d'organisation criminelle.
    Il serait difficile de répondre avec précision sans voir la définition de l'infraction causant des blessures personnelles graves, etc., etc. mais, dans tous les cas, il est certain que nous n'approuvons pas le sursis. Quant à savoir s'il y a quelque chose qui est exclu, je ne le sais pas.
    Donc, à vos yeux, cela couvre au moins une partie du territoire, du point de vue de l'intérêt public, que nous essayons de couvrir -- même si la liste n'est peut-être pas complète.
    Ça semble être le cas.
    Je voudrais savoir comment la police porte des accusations dans le cas d'une infraction hybride du Code criminel, car je n'en suis pas sûr. Dans les articles que nous qualifions d'articles hybrides, on définit des infractions pour lesquelles la personne peut être poursuivie pour un acte criminel ou par voie de déclaration sommaire de culpabilité. Il y a une demi-douzaine ou une douzaine de ces infractions hybrides dans la liste qui seraient touchées par le projet de loi actuel du gouvernement.
    Pouvez-vous me dire qui prend la décision de poursuivre par déclaration sommaire ou par acte criminel? Est-ce le policier qui fait enquête? J'essaie de savoir dans quelle mesure la décision de procéder par voie d'accusation d'acte criminel ou de déclaration sommaire est arbitraire ou calculée?
    Tout dépend de la juridiction. En Colombie-Britannique, par exemple, comme je l'ai dit, nous avons un système d'approbation des accusations en vertu duquel la police présente un rapport au procureur de la Couronne et recommande une accusation mais sans recommander de poursuivre pour acte criminel ou par déclaration sommaire. C'est le procureur de la Couronne qui prend cette décision. Dans d'autres juridictions où j'ai été policier, quand j'étais dans la GRC, c'était moi-même qui prenais cette décision mais la Couronne se réservait toujours le droit de procéder selon l'une ou l'autre des deux méthodes. Bien souvent, comme j'étais jeune agent de police, je procédais par voir d'accusation d'acte criminel mais la Couronne aurait procédé par voie de déclaration sommaire. Je ne sais pas ce qu'il en est à Montréal.

[Français]

    C'est la même situation au Québec. C'est toujours une discussion entre le procureur de la Couronne et les policiers qui soumettent les accusations.

[Traduction]

    Donc, dans certaines juridictions, c'est le procureur de la Couronne qui décide alors que, dans d'autres, ce sont les agents de police. Si le projet de loi n'était pas modifié, nous aurions ces -- j'utiliserais bien l'adjectif « arbitraire » mais je ne veux pas dire que les agents de police portent des jugements arbitraires car ils essayent de porter les meilleurs jugements possibles... mais, du point de vue de l'appareil judiciaire, si l'agent de police n'est pas guidé dans sa prise de décision, on pourrait dire dans certains contextes que c'est arbitraire vis-à-vis de la procédure.
    Acceptez-vous la suggestion que ces décisions pourraient être jugées arbitraires et excluraient certains délinquants de la possibilité d'une peine avec sursis, sur la base du projet de loi actuel du gouvernement?

  (1715)  

    Je ne pense pas qu'il y ait une seule juridiction où ce genre de décision ne serait pas revue par un avocat de la Couronne qui pourrait fort bien décider de procéder autrement que l'agent de police ayant porté une accusation à l'origine.

[Français]

    Il reste deux intervenants avant que nous puissions ajourner notre rencontre d'aujourd'hui. Ce sont Mme Gallant et M. Moore.
    Madame Gallant, souhaitez-vous toujours prendre la parole?
    Monsieur Moore.

[Traduction]

    Je remercie les témoins, dont les déclarations sont particulièrement utiles.
    Ne vous reprochez pas de ne pas avoir toutes sortes de statistiques, ce n'est pas pour ça que vous avez été invités. Je ne sais pas pourquoi l'opposition continue de demander ces statistiques, ce n'est pas le rôle de vos organisations d'en produire. Vous êtes ici pour représenter les chefs de police, les victimes et la Société John Howard. Je ne m'attends pas à ce que vous puissiez nous fasciner avec toutes sortes de statistiques nationales.
    Ce qui m'intéresse, c'est votre point de vue de représentants des victimes, d'agents de police première ligne et de chefs de police. Comme députés, nous entendons beaucoup d'histoires. Mme Gray-Donald, qui vient de ma circonscription, a évoqué une situation -- sa mère a témoigné devant le gouvernement précédent au sujet des dispositions touchant le voyeurisme -- et ce sont ces cas concrets qui sont très importants.
    M. Lee soutient que nous n'aimons pas l'impression que donnent les gens qui purgent des peines sévères. Ce n'est pas vrai du tout. Ce qui est vrai -- comme M. Pecknold l'a dit -- c'est que le public n'a plus confiance dans la justice. Or, nous devons faire confiance à la justice. C'est ça qui est très important, et nous agissons pour rétablir cette confiance.
    L'opposition dit que ceci est peut être arbitraire. Eh bien, pour chacune des infractions énumérées ici, des législateurs précédents ont fixé un maximum de 10 ans. C'est relativement arbitraire. On aurait peut-être dû choisir 10,2 ans dans certains cas, ou 9,6, mais quelqu'un a fixé la barre à 10. De notre côté, nous fixons une barre en disant que, pour les infractions que le législateur juge graves, l'accusé, s'il est poursuivi par voie d'accusation d'acte criminel, ne pourra pas purger sa peine dans la communauté parce que nous tenons à exprimer fermement notre réprobation et à obtenir l'effet dissuasif de notre système de justice, ce qui signifie qu'il passera du temps en prison.
     Pouvez-vous me donner le point de vue de la victime et de la police? En ce qui concerne la victime, que ressent-elle lorsqu'elle est victimisée et que le coupable purge sa peine dans la même communauté qu'elle? En ce qui concerne la police, que pensent vos agents quand ils ont fait le travail difficile d'amener quelqu'un à cette étape, qu'ils ont fait leur travail, et qu'ils constatent, une semaine ou deux plus tard, que la personne qu'ils s'attendaient à voir en prison se retrouve dans la communauté?
    Tout dépend de la nature de l'infraction mais l'émotion prédominante que les victimes nous communiquent est centrée sur le fait que la justice les a déçues. Elles estiment que les peines sont fixées sans tenir compte de leur point de vue, de la gravité de l'infraction et de leurs souffrances. Il y a eu récemment à Orangeville le cas d'une femme sexuellement agressée par un ami de son mari qui a obtenu une peine avec sursis. Bien qu'il n'y ait pas eu de pénétration, elle avait été agressée sexuellement et elle en ressentait bon nombre des séquelles. À son avis, une peine avec sursis ne correspondait pas du tout au principe des conséquences de l'acte.
    Une autre émotion qui est fréquemment exprimée, surtout dans les cas de violence conjugale et de violence sexuelle, est la peur. Les victimes estiment qu'on ne tient pas compte de leur sécurité quand on permet à la personne qui les a agressées ou à l'ex-mari qui continue de les menacer ou de les harceler de vivre dans la communauté. Elles estiment que ces facteurs ne sont pas pris en compte alors que, si les coupables étaient incarcérés, ils ne pourraient pas les suivre dans la rue, garer leur voiture en face de chez elles ou leur téléphoner pour les menacer. Or, toutes ces choses peuvent se produire quand l'accusé bénéficie d'une peine avec sursis.

  (1720)  

    Merci.

[Français]

    Monsieur Moore, on incite nos policiers et policières à être conscients qu'ils sont le premier niveau du processus judiciaire. Idéalement, ils ne devraient pas avoir de ressentiment quant à ce qui se produira par la suite.
    Par contre, comme je l'ai dit plus tôt, pour certains types de crimes — et je vous donnais comme exemple le vol de véhicules automobiles —, nous en sommes venus, du moins à l'intérieur de mon service, à les considérer avec un certain cynisme. Compte tenu du nombre de personnes accusées et du type de peine qu'elles reçoivent... On revoit ces personnes le lendemain matin dans les rues. Pour les policiers et policières, le fait de revoir le même individu et d'être parfois obligés de l'arrêter de nouveau pour le même type de crime dans les jours ou les semaines qui suivent devient répétitif. Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est du désengagement, mais ils en viennent à se demander s'ils ne pourraient pas s'occuper d'autre chose.
    Cet état de choses a des conséquences qu'on cherche à minimiser, mais il faut — et je pense que c'est le grand message que je veux vous laisser — que les dispositions du Code criminel tiennent compte autant des citoyens, des victimes, des accusés et des policiers et policières et que justice soit faite pour tous et toutes. Si on peut affirmer cela pour les quatre niveaux, je pense que le but est atteint. Présentement, pour certaines infractions, à mes yeux et à la lumière de mon vécu, on n'atteint pas cet objectif.
    Vous pouvez poser une dernière et brève question.

[Traduction]

    Merci.
    C'est ce que nous essayons de rétablir. Nous pensons que la balance de la justice est déséquilibrée et qu'il est temps de tenir compte de l'opinion du public, de sa foi dans la justice et des droits des victimes.
    On parle beaucoup de coût. Ça ne coûte peut-être que 1 400 $ -- c'est la moyenne -- mais c'est trop simpliste. Que se passe-t-il en réalité? Nous savons bien qu'il n'y aura pas beaucoup de supervision pendant une année avec 1 400 $. L'autre jour, nous avons entendu dire que des condamnés font transférer sur leur téléphone cellulaire les appels destiné à leur téléphone résidentiel. Vous avez peut-être entendu ça. Il faut s'efforcer de protéger la société. Nous essayons d'assurer cet équilibre et de redresser la balance dans cette voie.
    Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez du coût quand quelqu'un qui bénéficie d'une peine avec sursis se retrouve dans la communauté et récidive? Si ces personnes étaient en prison, elles ne pourraient pas récidiver mais, si elles sont dans la communauté, elles peuvent continuer à voler des voitures et je veux savoir si...

[Français]

    Comme près de huit minutes se sont déjà écoulées, je vous demande de donner une réponse brève. Il y a deux intervenants, et je sais que des gens doivent retourner dans leur comté. Qui veut donner une courte réponse?

[Traduction]

    Nous pouvons constater que les enquêtes criminelles coûtent cher, que les procès coûtent cher, que l'activité policière coûte cher, et que le temps que l'on doit consacrer aux personnes qui enfreignent une ordonnance de sursis ou qu'on doit passer à les faire condamner pour d'autres crimes pourrait être consacré à d'autres tâches.

[Français]

    Il reste deux intervenants, Mme Gallant et Mme Barnes.
    Madame Gallant, on vous écoute.

[Traduction]

    Je m'adresse d'abord à Mme Gray-Donald. Arrive-t-il que des victimes d'agression sexuelle décident de ne pas porter plainte parce qu'elles savent que, même si le coupable est condamné, en ne lui infligera qu'une peine avec sursis?

  (1725)  

     C'est l'une des raisons pour lesquelles les victimes d'agression sexuelle choisissent de ne pas porter plainte. Il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles elles ne le font pas et nous n'aurions certainement pas le temps de les examiner toutes devant le comité. Elles savent que le résultat sera une simple tape sur la main et qu'il ne vaut pas la peine pour elles de subir le processus pénible de déposer une plainte, de subir un examen et de témoigner. C'est très intrusif, surtout pour les victimes d'agression sexuelle, et c'est un facteur.
     Merci.
    Dans votre mémoire, M. Stewart, vous dites que des recherches effectuées depuis de nombreuses années ont démontré qu'il est fort peu probable que l'effet dissuasif de peines plus lourdes ait une incidence notable sur les taux de criminalité. Pourriez-vous donner au comité trois études confirmant cette affirmation?
    Oui, avec plaisir.
    Merci.
     Deuxièmement, vous dites que l'opinion de la justice au sein de la population serait faussée si les juges n'avaient plus de marge de manoeuvre. Pourtant, ils auraient encore la possibilité de fixer la durée des peines, n'est-ce pas? Ils auraient donc encore une certaine marge de manoeuvre.
    Avec ce projet de loi, ils n'auraient plus la possibilité d'imposer une peine avec sursis dans le cas d'actes criminels passibles d'une peine de 10 ans ou plus.
    Vous avez dit aussi que : « Ce sont les personnes vulnérables du point de vue du revenu, de la classe sociale, de l'ethnicité, de la race et d'autres facteurs... ». Ce sont vos paroles.
    Oui.
    Supprimer les peines avec sursis signifie qu'elles sont supprimées pour certains crimes. Voulez-vous dire que ce sont les personnes les plus vulnérables qui sont le plus susceptibles de commettre les crimes qui ne donneraient plus droit au sursis?
    Ce que je veux dire, c'est que les personnes les plus vulnérables sont sur-représentées dans le système de justice pénale. Regardez le maximum de 10 ans et vous verrez qu'il est très clair, par exemple, que les crimes de cols blancs contre les biens sont souvent inclus, comme c'est le cas pour les moins de 10 ans, alors que ceux de plus de 10 ans sont exclus. Il y a toutes sortes de crimes contre les biens qui sont typiquement commis par des gens de la classe moyenne, des blancs, et des gens de la classe supérieure. On ne voit pas de gens de classe inférieure commettant de la fraude contre les biens, ou utilisant des instruments de manière frauduleuse, etc. Des choses comme le vol par effraction, la possession d'outils de vol par effraction, le vol de plus, etc., sont toutes exclues.
    Il y a un déséquilibre dans les sentences. Il ne se reflète pas dans les sentences lorsqu'il y a un pouvoir discrétionnaire mais, si l'on passe à cette limite assez arbitraire de 10 ans, ce déséquilibre qui existe depuis longtemps dans le Code criminel commencera à se manifester de manière très réelle.
    Et les gens qui n'ont pas de maison, comment les assigne-t-on à résidence? Où vont-ils?
    Lorsqu'il prend sa décision, le juge tient toujours compte des atouts et des appuis de la personne. Mais le dossier qui sera adressé au juge après avoir été préparé par l'avocat de la défense inclura comment la peine doit être administrée. Et si cette capacité n'existe pas, il y a des chances que cette peine ne sera pas infligée.
    Donc, nonobstant les peines avec sursis, les personnes à revenus modiques qui n'ont aucune chance d'être propriétaires d'une maison iront automatiquement en prison si elles n'ont pas d'autre soutien.
    Est-ce que la Société John Howard assure l'hébergement des personnes dans cette situation, qui n'ont pas de maison, pour l'exécution d'une peine avec sursis?
    Pas pour les peines avec sursis. Nous avons des foyers qui servent en grande mesure aux personnes placées sous supervision après la prison, mais je ne sache pas qu'il existe des fonds pour prêter assistance aux personnes dont vous parlez et, vous avez raison, c'est un problème.
    Vous n'avez donc pas d'organisations affiliées qui...
    Non.
    Merci.

[Français]

    Vous pouvez poser une dernière brève question, madame Barnes.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Des études ont montré que les gens modifient leur comportement s'ils ont l'impression que quelque chose est injuste. Donc, si parfois les accusations sont pour une infraction inférieure et incluse avec les pénalités... si vous enlevez le pouvoir discrétionnaire du juge d'imposer une peine avec sursis, vous risquez de vous retrouver avec une anomalie du fait que vous risquez d'avoir un certain mouvement allant exactement dans l'autre sens. Et je vais vous donner un exemple : vous risquez d'avoir plus de suspensions de sentence avec probation, ou d'autres types de combinaisons, ou des incarcérations très courtes, ce genre de situation.
    Tout d'abord, monsieur Stewart, je suis sûr que vous êtes au courant d'études qui ont montré ces anomalies. Les gens essayent toutes sortes de choses. Pensez-vous que cela pourrait être l'une des conséquences imprévues de ce type de situation?

  (1730)  

    Ça crée une sorte de fraude. Si l'on pense qu'une personne devrait être admissible à une peine avec sursis mais que c'est techniquement impossible par déclaration sommaire, par exemple, ou en réduisant l'accusation, que ce soit fait au tribunal ou que ce soit fait par la Couronne, on se retrouvera en fin de compte avec les mêmes gens rationalisant que la défense était différente de ce qu'elle a réellement été. Au lieu de prendre l'affaire dans sa réalité et d'exposer au tribunal les dommages causés et la responsabilité, tout commence à être adapté en prévision du résultat qui a été décidé. Moins le processus légal est transparent -- et les tribunaux sont publics -- et plus les choses se décident en coulisses entre les procureurs et les bureaux des juges, moins le public comprendra les sentences.
    C'est très complexe. Je conviens avec les autres témoins que c'est très compliqué et aussi que le public n'en voit qu'une très petite tranche. En fin de compte, je vois mal comment on pourra rehausser la confiance du public dans la justice pénale si le système n'est pas transparent.

[Français]

    Madame Barnes, nous allons nous arrêter ici parce que vous avez déjà eu trois minutes et que vous en aviez eu dix lors du premier tour. Il est déjà 17 h 40.
    L'hon. Sue Barnes: Non, je n'avais eu que cinq minutes.
    Le vice-président (M. Réal Ménard): Non, vous avez eu 9 minutes et 20 secondes au premier tour. Allez-y, posez une question très brève.

[Traduction]

    Dans le même ordre d'idées, l'une des choses qui pourraient contribuer à atténuer la situation serait, au lieu d'être un absolu, que ce soit une présomption, une présomption contre ça... et ce qu'on avait prévu dans le projet de loi C-70, c'était « à moins que le juge ne le mette par écrit ». Autrement dit, on n'aurait pas pu obtenir une peine avec sursis pour les infractions énumérées. Il y avait des choses comme le crime organisé et le terrorisme. C'était indiqué. Mais il y avait une autre disposition disant que, si les circonstances étaient exceptionnelles, le juge pouvait expliquer par écrit pourquoi il en donnait une.
    C'était conçu, je crois, pour tenir compte de cette situation particulière, cette situation variable, pas le quotidien. C'était une présomption en faveur mais il y avait une autre méthode préservant le pouvoir discrétionnaire du juge.
    J'aimerais entendre les chefs de police là-dessus.
    Tout d'abord, en ce qui concerne le résultat éventuellement anormal d'un plus grand nombre de suspensions de peines, etc., je peux envisager ça. La seule chose que je dirais, c'est qu'on ne peut occire qu'un dragon à la fois.
    En ce qui concerne la deuxième partie de votre question, je pense que ça nous ramène en fin de compte à notre argument sur la complexité et le caractère vague, et peut-être les présomptions et les exceptions à la règle que suivre la règle que nous proposons ajoute à la complexité.

[Français]

    Merci, madame Barnes.
    Y a-t-il d'autres commentaires?
    Je remercie nos invités d'avoir partagé ces informations avec nous. La prochaine séance aura lieu lundi à 15 h 30.
    La séance est levée.