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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 020 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 16 octobre 2006

[Enregistrement électronique]

  (1620)  

[Traduction]

    Cette séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne est ouverte. Nous sommes le lundi 16 octobre 2006.
    Voici notre ordre du jour: conformément à l'ordre de renvoi du mardi 6 juin 2006, le comité poursuit son étude du projet de loi C-9, Loi modifiant le Code criminel (emprisonnement avec sursis).
    Nous accueillons aujourd'hui plusieurs témoins, soit les représentants de l'Association des agents de probation de l'Ontario, du Conseil canadien des avocats de la défense, de l'Association des femmes autochtones du Canada et de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry. Nous accueillons aussi M. Julian Roberts à titre personnel.
    Tout d'abord, je présente mes excuses aux témoins. Le comité avait des questions à régler et, malheureusement, cela a pris plus de temps que prévu. Le comité et moi nous excusons de vous avoir fait attendre debout, dans le couloir.
    Nous allons maintenant entendre vos remarques dans l'ordre dans lequel vous figurez à l'ordre du jour. Je cède d'abord la parole à l'Association des agents de probation de l'Ontario.
    Je m'appelle Don Larman, et je suis président de l'Association des agents de probation de l'Ontario. Je suis accompagné de Mme Cathy Hutchison, présidente sortante de l'Association.
    L'Association des agents de probation de l'Ontario est une organisation à but non lucratif représentant les intérêts professionnels des agents de probation et de libération conditionnelle de l'Ontario depuis 1952. Outre ses autres fonctions, notre association présente les positions de ses membres sur les orientations politiques et les mesures législatives dans le domaine de la justice pénale. Notre association est distincte de notre agent négociateur.
    Nous vous remercions de nous avoir invités à vous faire part du point de vue de ceux qui supervisent les délinquants.
    Notre association appuie la supervision dans la collectivité, son usage pour la réinsertion sociale des délinquants et la protection des collectivités. Les agents de probation ont pour mandat de protéger la société contre la récidive par le biais de mesures d'évaluation, de supervision et d'application de la loi. En Ontario, les agents de probation supervisent environ 53 000 probationnaires et 5 000 sursitaires chaque année. La situation de chaque délinquant est unique et chaque infraction est commise dans des circonstances particulières; nous disposons de plus de beaucoup d'information sur chaque cas et nous savons qu'il est important que les peines soient individualisées, adaptées au contrevenant et à l'infraction.
    Quand le législateur a instauré une peine d'emprisonnement avec sursis en 1996, nous avons compris son intention, à l'instar de tous ceux qui avaient entendu son message sur l'objet de cette mesure. Le libellé de l'article 742.1, à savoir que le fait pour le délinquant de purger sa peine au sein de la collectivité ne devait pas mettre en danger la sécurité de celle-ci et devait être conforme à l'objectif et au principe de détermination de la peine, traduisait clairement cette intention.
    Si nous sommes venus témoigner aujourd'hui, et, nul doute, si on tente de modifier la disposition législative permettant l'emprisonnement avec sursis, c'est que des peines d'emprisonnement avec sursis ont été infligées dans des cas d'infractions graves, ce qui a donné lieu à de grandes préoccupations. Nombreux sont ceux qui ont remis en question le régime traditionnel de la discrétion judiciaire devant l'opposition entre ce à quoi devait servir cette mesure à l'origine et son emploi dans la réalité.
    Certains diront qu'il est facile de critiquer les juges qui ne peuvent se défendre, mais nous ne sommes pas ici pour formuler des critiques. Peut-être que, comme d'autres l'ont fait valoir, les principes de détermination de la peine sont trop vagues et que la jurisprudence, notamment l'arrêt Proulx, a contribué à la situation actuelle. Quoi qu'il en soit, voilà déjà bien des années que notre association s'élève contre l'imposition de peines d'emprisonnement avec sursis pour les infractions graves.
    D'autres questions nous préoccupent, comme l'application de la loi, les ressources et le contrôle, mais nous sommes ici aujourd'hui pour vous parler de l'imposition de peines d'emprisonnement avec sursis quand ce n'est pas indiqué. Pour les raisons que nous avons déjà énoncées, nous appuyons le projet de loi C-9 qui, même s'il n'est pas parfait comme certains l'ont souligné, tente à tout le moins de préciser quels délinquants devraient être admissibles à l'emprisonnement avec sursis. Ni nous ni le public n'avons jamais imaginé que ceux qui commettent des infractions comme le meurtre d'un enfant, des infractions sexuelles ou des infractions graves contre des enfants, des infractions relatives à la conduite d'un véhicule causant la mort, l'homicide et d'autres pourraient être condamnés à la détention à domicile.
    Dans les cas d'infractions avec violence et d'infractions sexuelles, ainsi que lorsqu'il y a perte de vie, nous estimons qu'on ne respecte pas le principe de la proportionnalité en permettant au délinquant de purger sa peine dans la collectivité. Comment peut-on considérer comme proportionnelle une peine qui permet au délinquant de ne pas passer une seul jour en prison? Comment peut-on prétendre dénoncer le comportement illégal, dissuader les délinquants de commettre des infractions, isoler les délinquants du reste de la société au besoin et susciter chez les délinquants la conscience de leur responsabilité en imposant une peine d'emprisonnement avec sursis? Il semble que dans de tels cas, les seuls principes qu'on respecte sont ceux de la réinsertion sociale et de l'infliction de la sanction la moins contraignante. Dans de tels cas, nous estimons que l'imposition d'une peine d'emprisonnement avec sursis ne reflète pas la gravité de l'infraction. De plus, nous sommes d'avis qu'il faut accorder davantage d'attention à l'aptitude du délinquant à purger une telle peine, en tenant surtout compte de ses antécédents en matière de respect des conditions de supervision dans la collectivité.
    Ces informations peuvent être transmises au juge dans le rapport présentenciel, et nous estimons que si une peine d'emprisonnement avec sursis est envisagée, on devrait demander ces informations plus fréquemment.
    Un professeur qui a témoigné devant votre comité il y a quelques semaines a avancé un argument que nous appuyons. Il a déclaré:
À mon avis, nous avons tendance à surestimer les valeurs dissuasives ou dénonciatrices des peines avec sursis. Cet état de fait est attribuable à ce que je considère comme une présomption douteuse relativement aux précédents relatifs aux peines avec sursis. On présume que la peine a plus à voir avec une peine d'emprisonnement qu'avec une période de probation.
    Il a ajouté: « À mon humble avis, cela gonfle l'impact des peines avec sursis. »
    Nous abondons dans le même sens que ce professeur qui a noté que la peine d'emprisonnement avec sursis est une mesure indiquée « lorsque l'infraction n'est pas suffisamment grave pour qu'on puisse penser qu'une peine dans la collectivité soit injuste » et « lorsque le délinquant ne représente pas de risque important pour la collectivité ». Enfin, il note qu'on peut envisager une peine d'emprisonnement avec sursis « lorsque la priorité doit être accordée à la réinsertion et à la réparation ».
    Je cède la parole à Cathy.

  (1625)  

    La réalité que nous sommes venus vous décrire aujourd'hui, c'est qu'une peine d'emprisonnement avec sursis n'est pas une peine d'emprisonnement; en fait, cela s'apparente plus à la probation qu'à l'incarcération. C'est une sanction communautaire qui est indiquée pour certaines infractions.
    Il y a un aspect de ce régime de détermination de la peine qui trouble bien des gens: c'est que la façon dont on décrit la peine est trompeuse. Dans les faits, le délinquant purgeant une peine avec sursis n'est pas en prison. Il vit à la maison; il va au travail, à l'école, à ses rendez-vous et au magasin pour l'achat des produits de première nécessité. Il peut aller à l'église ou à son lieu de culte et même sortir pour d'autres motifs. Bon nombre des sursitaires sont assignés à résidence et doivent respecter un couvre-feu, sauf à certaines fins bien précises. Cependant, dans bien des cas, les exceptions à l'assignation à résidence sont nombreuses. Pour le reste, la plupart des conditions auxquelles sont assujettis les sursitaires sont souvent celles qui accompagnent les ordonnances de probation.
    Affirmer que les sursitaires sont emprisonnés dans la communauté est trompeur, selon nous. Du point de vue du délinquant, la seule différence par rapport à la probation, quand l'ordonnance ne prévoit pas d'assignation à résidence, réside dans le mécanisme d'exécution de l'ordonnance. Si le sursitaire est assigné à résidence, la principale différence, c'est que sa vie est dorénavant dénuée de spontanéité, puisque ses déplacements sont limités et qu'il ne peut sortir pour des fins de loisirs ou de divertissement.
    Nous reconnaissons que certains délinquants respectent les conditions de leur ordonnance avec diligence et travaillent à leur réinsertion, mais nous savons aussi que bien des aspects de la sanction se fondent sur le régime de confiance. Quand le sursitaire purge sa peine à la maison, il jouit des mêmes libertés que le reste de la société, dont inviter des amis, faire des fêtes, regarder la télévision, utiliser Internet, faire un usage illimité du téléphone, passer du temps avec sa famille, etc. Ce n'est pas comme en prison, et prétendre que ce l'est a certainement contribué à miner la confiance du public dans le système de justice. En outre, les victimes qui apprennent que le délinquant purge sa peine d'emprisonnement à la maison peuvent se sentir menacées par sa présence dans leur quartier, ce qui n'apaise pas leurs craintes et ne comble pas leur besoin de se sentir en sécurité.
    À notre avis, il est faux de dire que la peine d'emprisonnement avec sursis a un grand effet dissuasif sur les délinquants qui commettent des crimes graves. Ceux qui font une telle affirmation font fi des nombreuses études qui ont révélé que le public, les professionnels qui travaillent en première ligne et les victimes sont contre les peines communautaires pour les délinquants ayant commis une infraction grave avec violence. Le professeur Roberts est ici aujourd'hui, il sera mieux en mesure que moi de vous parler des recherches, mais faire fi des études et des informations provenant du ministère de la Justice, c'est négliger les principaux intervenants du système de justice.
    Par ailleurs, pendant vos audiences, certains ont fait valoir que l'emprisonnement n'a pas d'effet dissuasif. Il se peut que les récidivistes les plus endurcis ne soient sensibles à aucune sanction ou tentative de réinsertion, mais il y en a d'autres pour qui l'incarcération est dissuasive. Si l'incarcération n'est pas dissuasive, pourquoi menace-t-on d'envoyer en prison, par exemple, les délinquants qui ne respectent pas leur sentence? Si l'incarcération n'est pas dissuasive, pourquoi les délinquants ne font-ils pas la file devant nos portes pour nous signaler tous les manquements et infractions qu'ils ont commis à notre insu? Dans les faits, la peine d'emprisonnement avec sursis est moins dissuasive que la véritable incarcération, ce qui explique la fréquence avec laquelle les délinquants plaident coupables pour pouvoir purger leur peine à la maison.
    Outre la façon peu transparente dont on décrit cette peine, il y a d'autres problèmes qui ont été fréquemment mentionnés, tels que le niveau de contrôle, de ressources et de surveillance des peines d'emprisonnement avec sursis. Nous avons des observations sur ces sujets que nous ferons si nous avons du temps un peu plus tard.
    Nous sommes soulagés de constater que l'adoption duprojet de loi C-9 rendra moins fréquente la pratique qui veut qu'on inflige une peine d'emprisonnement avec sursis à ceux qui ont commis une infraction sexuelle contre un enfant, que ce soit une infraction de pédopornographie ou avec contact. Cependant, certaines infractions mixtes dont la victime est un enfant, telles que l'agression sexuelle et les voies de fait causant des lésions corporelles, pourraient encore être passibles d'une peine d'emprisonnement avec sursis. Si le projet de loi n'est pas modifié, nous espérons que les juges respecteront rigoureusement le principe de détermination de la peine relatif aux mauvais traitements des enfants et que ce genre de crime ne sera pas puni par un emprisonnement avec sursis.
    Nous avons aussi des observations pertinentes à l'intention de ceux qui craignent que l'adoption du projet de loi C-9 n'entraîne des peines d'incarcération excessives, un manque de supervision dans la collectivité et moins de possibilités de recourir à la justice réparatrice. Nous n'aurons probablement pas le temps d'aborder ces questions; rappelons seulement que, comme on le sait, les facteurs aggravants et atténuants continueront de s'appliquer, les juges continueront d'user de leur pouvoir discrétionnaire dans le choix des peines, lesquelles continueront d'aller de la condamnation avec sursis assortie de probation jusqu'à, bien sûr, l'incarcération.

  (1630)  

    Il a été noté que la durée de l'emprisonnement avec sursis est souvent plus longue que ne l'aurait été la période d'incarcération. En outre, étant donné que les délinquants ne purgent que les deux tiers de leur peine d'emprisonnement, la durée de l'incarcération est inférieure à celle de l'emprisonnement avec sursis.
    Toutefois, si les circonstances entourant la commission de l'infraction et la situation du délinquant étaient telles qu'une peine plus légère s'imposait, ce serait déjà le cas à l'heure actuelle. De plus, certains délinquants ne seraient pas condamnés à l'emprisonnement mais simplement à la probation.
    Nous signalons aussi que certains de ces contrevenants, les délinquants primaires ayant commis l'une des infractions qui pourraient être exclues, seront admissibles à la libération conditionnelle provinciale. Les taux de libération conditionnelle provinciale en Ontario sont passés d'environ 59 p. 100 en 1993-1994 à environ 22 p. 100 en 2003-2004. L'emprisonnement avec sursis a grandement contribué à cette baisse. Certains délinquants y seront donc admissibles. Dans de tels cas, s'ils recevaient une peine d'incarcération, ils pourraient être admissibles à la libération conditionnelle après avoir purgé un tiers de leur peine et être ensuite en probation. Ces contrevenants pourront donc être bien surveillés dans la collectivité.
    Merci. Je sais que vous aviez encore des informations utiles à nous transmettre, mais nous avons d'autres témoins à entendre.
    J'aimerais vous demander tout de suite une précision. Vous représentez l'Association des agents de probation de l'Ontario. Y a-t-il un arrangement avec le gouvernement fédéral prévoyant que vous surveilliez des sursitaires?
    Oui, les agents de probation supervisent les peines d'emprisonnement avec sursis.
    Est-ce le cas pour les agents de probation de toutes les provinces?
    Oui, pour autant que nous sachions.
    Aucun arrangement spécial n'est donc prévu. Vous veillez au respect des conditions imposées par le tribunal.
    Je vais modifier l'ordre des exposés quelque peu. On vient de m'apprendre que l'un des témoins a un autre engagement. Je cède donc sans plus tarder la parole à Jolene Saulis, de l'Association des femmes autochtones du Canada.
    Je représente l'Association des femmes autochtones du Canada, ici, à Ottawa.
    Le changement proposé au régime d'emprisonnement avec sursis mine les principes fondamentaux de la détermination de la peine qui mettent l'accent sur la justice réparatrice. Cela est particulièrement vrai pour les Autochtones pour qui la justice réparatrice est enracinée dans une vision du monde fondée sur le rétablissement.
    Les femmes, les enfants et les familles autochtones connaissent la peur. Mais se baser sur la peur pour modifier une loi et se servir de la peine d'emprisonnement avec sursis pour le faire semble régressif. La citation suivante, tirée d'un document parlementaire, prouve que ce projet de loi est motivé par la peur:
Ils craignent que le refus d'incarcérer un délinquant déconsidère tout le régime d'emprisonnement avec sursis et, par conséquent, le système de justice pénale. Autrement dit, ce...

[Français]

    Sauf votre respect, nous devons faire appel au système de traduction, car vous n'avez pas déposé...
    Mme Jolene Saulis: Oh, je m'excuse, je parle trop vite...
    M. Marc Lemay: Non, cela vaut pour tout le monde. Je vais le dire une fois et je ne le répéterai pas. Comme vous n'avez déposé de document dans les deux langues, nos pauvres interprètes ne sont pas capables de vous suivre. Or, si elles ne sont pas capables de traduire vos propos, nous ne prendrons pas de notes et nous n'aurons pas de questions intéressantes et intelligentes à poser.
    Je vous suggère de parler lentement. S'il le faut, du côté de l'opposition, on posera moins de questions. Je vois que M. Petit est d'accord avec moi et qu'il posera moins de questions, lui aussi.
    Merci.

[Traduction]

    Merci, monsieur Lemay.
    Madame Saulis, poursuivez, je vous prie.
    Bien, je vais ralentir.
Autrement dit, ce n'est pas l'existence de l'emprisonnement avec sursis qui pose problème, mais plutôt son application dans des cas où l'incarcération paraît justifiée.
    Nous ne voulons pas que l'on apporte à la criminalité une réponse motivée par la peur qui, en définitive, va pénaliser particulièrement des populations vulnérables comme les femmes et les jeunes autochtones.
    Les femmes autochtones sont souvent condamnées pour des crimes liés à la pauvreté ou à des situations dont elles sont elles-mêmes victimes. Actuellement, ces crimes peuvent souvent faire l'objet d'une peine avec sursis conformément aux articles 742.1 à 742.7 du Code criminel. Il faudrait s'efforcer davantage de dégager les ressources nécessaires pour garantir la sécurité des femmes autochtones et de leurs enfants chez elles, dans la collectivité et dans l'ensemble de la société. Il faudrait également prendre des initiatives pour améliorer les conditions de vie des femmes autochtones et de leurs enfants. Le projet de loi C-9 ne résout pas ces problèmes, mais qui plus est, il va encore aggraver la surreprésentation des femmes autochtones en milieu carcéral.
    Les femmes autochtones jouent un rôle fondamental dans nos collectivités. Ce sont elles qui donnent la vie et elles se trouvent au centre des traditions, de la gouvernance, de la collectivité et des cérémonies amérindiennes. Elles sont chargées de maintenir l'efficacité collective des communautés. Dans la mesure où le projet de loi C-9 va entraîner une augmentation des incarcérations de femmes autochtones, on peut prévoir que les collectivités autochtones vont subir un préjudice culturel résultant de leur perte d'efficacité collective.
    Le ministre de la Justice de la Saskatchewan a affirmé sans ambiguïté que le souci de ne pas aggraver le problème de la surreprésentation des populations autochtones en milieu carcéral était un facteur à prendre en considération dans l'étude de cette loi. Ce ministre, M. Frank Quennell, a affirmé à plusieurs reprises que les mesures qui restreignent les peines avec sursis pourraient menacer les programmes judiciaires de la province qui visent spécifiquement sa forte population autochtone. Les Autochtones représentent actuellement un cinquième des incarcérations au Service correctionnel du Canada, alors qu'ils ne représentent que 3 p. 100 de la population canadienne. Le ministre de la Justice de la Saskatchewan a déclaré que la province avait le plus fort pourcentage de résidents autochtones au Canada et qu'elle avait assez bien réussi à promouvoir l'imposition de peines inspirées des traditions autochtones et désignées sous le nom de justice réparatrice, plutôt que des peines d'emprisonnement. Les programmes saskatchewanais incitent les collectivités autochtones à trouver des solutions de remplacement à l'incarcération, comme la restitution à la victime, le bénévolat auprès d'un organisme caritatif ou la participation à des séances de counselling ou à des programmes de désintoxication.
    Les changements envisagés dans le projet de loi risquent également de poser problème au Nunavut où, en 2005, les juges du territoire ont rendu 203 condamnations avec sursis contre seulement 189 condamnations à une peine d'emprisonnement.
    Il est donc évident qu'une augmentation des ressources axées sur la collectivité s'impose si l'on veut que les femmes autochtones condamnées pour un acte criminel réussissent à purger leurs peines au sein de la collectivité. Il est essentiel, pour la durabilité de nos collectivités, que les femmes puissent continuer à jouer leur rôle auprès de leur famille et de leur collectivité pendant qu'elles purgent leurs peines.
    Le système judiciaire du Canada est fondé sur des valeurs eurocentriques et sur une procédure accusatoire. Dès qu'un acte est commis, il est jugé criminel. C'est un crime contre l'État, qui obtient généralement réparation en imposant une peine. La tradition autochtone, quant à elle, considère qu'un tort a été causé à des individus et à la collectivité. La réparation prend la forme du rétablissement de l'équilibre dans la collectivité et du rétablissement des relations entre ses membres. À une époque où les individus sont de plus en plus distants les uns des autres, ce souci de prise en compte de la collectivité permet de rassembler un capital social très convoité.
    Au cours des dernières années, ces conceptions de la justice ont été reconnues pour leur efficacité et elles ont obtenu un appui massif aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur des collectivités autochtones. Les peines avec sursis s'intègrent parfaitement à la notion de justice traditionnelle car elles permettent à la collectivité d'exercer une surveillance sur les délinquants tout en leur donnant la possibilité de travailler à la correction des déséquilibres qui ont résulté de leur action.

  (1635)  

    Les initiatives de justice réparatrice visent à ajouter une pertinence culturelle à la justice pénale ordinaire, mais elles ne profitent pas autant aux femmes qu'aux hommes autochtones. Au lieu d'envisager une augmentation des taux d'incarcération par l'élimination des peines avec sursis, il faudrait s'efforcer de permettre aux femmes autochtones condamnées de profiter des mesures de justice réparatrice.
    En plus de leur surreprésentation au niveau des accusations et des incarcérations, les femmes autochtones sont également surreprésentées parmi les victimes, notamment d'actes de violence sexuelle et raciale. Le projet de loi C-9 ne s'attaque nullement aux causes fondamentales qui font des femmes autochtones des victimes ou des criminelles, pas plus qu'il ne prend en compte la violence sexuelle ou raciale à laquelle de nombreuses femmes autochtones sont confrontées tout au long de leur vie.
    Les effets des peines avec sursis sur les femmes autochtones, leurs familles, leurs enfants ou leurs collectivités n'ont jamais été soumis à une étude en profondeur. Leur analyse s'impose. Cette recherche devra déterminer les modalités d'application actuelles des peines avec sursis aux femmes autochtones et la façon dont la justice pénale pourrait mieux satisfaire les besoins des femmes autochtones tant au niveau fédéral que dans les provinces.
    Le gouvernement du Canada n'a pas consulté les intervenants concernés par le projet de loi C-9, notamment l'Association des femmes autochtones du Canada. À défaut d'une telle consultation, il n'a pas pu prendre en compte les effets sociaux et culturels que pourrait avoir ce projet de loi sur les femmes autochtones, leurs enfants et leurs collectivités.
    Le gouvernement du Canada devrait s'appliquer à diversifier la gamme des programmes de nature communautaire comme les initiatives de justice réparatrice. Il faudrait les diversifier selon leur emplacement, car les populations autochtones sont présentes dans des milieux très divers: en secteur rural, en ville, dans des localités isolées et dans le Grand Nord. Il faudrait également étudier les modifications des peines avec sursis par rapport à l'évolution mondiale dans les domaines de l'action sociale, de la santé, de l'éducation et des cultures traditionnelles des populations autochtones, étant donné que la population autochtone du Canada est en contact avec d'autres populations autochtones du monde.
    En partenariat avec le gouvernement, les populations autochtones ont déployé des efforts considérables pour agir sur les causes profondes de la criminalité. Ces efforts ne devraient pas être remis en cause par une politique qui vise à multiplier les emprisonnements. En prison, un détenu ne fait que purger sa peine; il n'a aucune possibilité de s'amender. Le fardeau de la réprobation et du casier judiciaire sape son potentiel de développement.
    Merci.

  (1640)  

    Merci beaucoup, madame Saulis. Vous avez, je crois, un engagement qui vous oblige à nous quitter. Je vous remercie de votre exposé.
    Nous passons maintenant au Conseil canadien des avocats de la défense, représenté par M. Bloos et M. Rady.
    Le Conseil canadien des avocats de la défense a été créé en novembre 1992 en tant que porte-parole des avocats criminalistes du Canada sur les questions de dimension nationale. Notre conseil d'administration compte des représentants de chaque province et de chaque territoire. Je suis le président sortant de l'organisme. J'ai également fait partie de la Conférence pour l'harmonisation des lois au Canada, qui relève du ministère fédéral de la Justice et qui étudie chaque année les changements à apporter au Code criminel.
    On m'a invité à comparaître aujourd'hui parce que je suis en mesure de présenter le point de vue de l'Ouest canadien. Je pratique en Alberta, mais auparavant, je me suis consacré pendant 12 ans à la Commission de l'aide juridique de la Saskatchewan, où les Autochtones représentaient une bonne partie des dossiers qui m'étaient confiés. Actuellement, je plaide uniquement en appel. Mon travail concerne en grande partie des condamnations avec sursis qui sont portées en appel. Je travaille en Alberta, en Colombie-Britannique et au Nunavut. Je connais le point de vue du Nunavut car, comme on vient de le dire, le territoire se préoccupe sérieusement de ce projet de loi — c'est du moins le cas du barreau de la défense, des avocats de la Couronne et des juges que j'ai rencontrés.
    Je suis avocat de la défense depuis 30 ans et j'ai donc une certaine expérience dans ce domaine. Le Conseil canadien des avocats de la défense s'oppose au projet de loi C-9. À notre avis, si l'appareil n'est pas en panne, pourquoi essayer de le réparer? Nous ne voyons pas quels éléments de preuve pourraient indiquer l'existence d'un problème. Nous savons que des cas individuels ont été signalés, ce que nous ne contestons pas. Certaines décisions rendues sont mauvaises, ce qui est inévitable, car notre système de justice est humain. Je me suis entretenu avec des juges dans l'Ouest, en Alberta, en Saskatchewan et dans le Nord. J'ai parlé avec des avocats de la défense, avec des avocats de la Couronne et avec un agent de probation. Je ne pense pas que cet agent d'Edmonton partage le point de vue du service des agents de probation de l'Ontario.
    Voici les thèmes principaux. Je voudrais vous soumettre dix arguments dont m'ont fait part diverses personnes avec lesquelles je me suis entretenu. Nous partageons une préoccupation, et je tiens à vous en faire part aujourd'hui: si le projet de loi est adopté, les coûts occasionnés par la construction de nouvelles prisons, par la prise en charge d'un plus grand nombre de détenus et par les procédures judiciaires supplémentaires vont connaître une forte augmentation. On a dit tout à l'heure qu'il y avait eu l'année dernière au Nunavut environ 250 peines avec sursis contre, je crois, 180 peines d'emprisonnement. Il n'y a qu'un établissement pénitentiaire à Iqaluit et il a été construit pour accueillir 44 détenus; il dispose de 64 lits et accueille actuellement 85 détenus. Si les peines avec sursis ne sont plus disponibles, il faudra envoyer des détenus en Ontario, dans les Territoires du Nord-Ouest et, éventuellement, au Québec.
    L'autre difficulté du Nunavut, c'est le grand nombre de petites collectivités. Je ne sais pas exactement combien d'étapes comporte le circuit que doit effectuer la cour — cinq, six ou sept. Un individu condamné à l'emprisonnement au cours de l'une de ces étapes doit parfois être envoyé à 1 000 ou 1 500 kilomètres de chez lui. Il est privé de tout contact avec sa famille et avec son réseau d'entraide.
    De façon générale, les collectivités autochtones ou inuites du Nord adhèrent au modèle de justice réparatrice. Dans le Nord, il est difficile d'obtenir une ordonnance de sursis. L'avocat de la défense doit présenter un plan à l'avance. La culpabilité doit être plaidée de façon responsable. Le contrevenant doit accepter de travailler avec les anciens, de faire des stages de counselling et de trouver sa place dans la collectivité.
    L'assignation à résidence s'applique strictement, et le contrevenant ne peut pas quitter le village avec les autres, conformément à une importante tradition du Nord. C'est pour lui une expérience très pénible. Dans un petit village, tout le monde connaît celui qui fait l'objet d'une ordonnance de sursis. Toute infraction à cette ordonnance est portée très rapidement à l'attention des autorités et de la cour. En l'absence de justification, le sursis est résilié, avec l'approbation des membres de la collectivité parce qu'ils estiment que le contrevenant a eu sa chance. Lorsqu'il ne la saisit pas, il doit partir. Les prédateurs n'obtiennent pas d'ordonnances de sursis.

  (1645)  

    Si la personne est tout simplement considérée comme un mauvais sujet dans sa communauté, le tribunal qui a à déterminer la peine en est généralement au courant — dans ces cas-là il n'y a aucun rapport favorable — et la personne n'est pas admissible à une ordonnance de sursis. J'ai discuté de la question avec des juges qui travaillent dans les réserves en Alberta, qui m'ont fait part de leurs préoccupations à cet égard. Les ordonnances de sursis ont leur place dans les petites collectivités. Il existe des possibilités de réinsertion sociale, d'éducation, de traitement et d'autres possibilités pour les délinquants; celui-ci est connu dans sa collectivité, et si bien que toute violation est signalée aux autorités. Si le délinquant est autochtone ou inuit et qu'il purge sa peine dans la collectivité, il ne peut qu'être taraudé par la honte de ce qu'il a fait. La honte mène au repentir, qui produit un effet cathartique au fur et à mesure de la réinsertion sociale.
    On s'inquiète de ce que la poursuite, du simple fait qu'elle décide de procéder par voie de mise en accusation, se trouve ainsi à décider de l'accès à une ordonnance de sursis, si bien que cette possibilité est éliminée dans certains cas. On s'inquiète de l'effet disproportionné sur les Autochtones et sur les habitants du Nord. Certaines personnes m'ont dit que, dans les cas limites, les juges de première instance qui ont à décider de la peine à imposer ont tendance à opter pour une peine moindre plutôt qu'une peine plus sévère. Lorsque le délinquant est passible d'une peine d'emprisonnement, comme le système est humain — les juges sont humains et ils entendent le côté humain —, on a tendance à opter pour une peine moins sévère plutôt que pour une peine plus sévère, sans toutefois s'assurer que le traitement dont le délinquant a besoin lui soit offert.
    On considère que les ordonnances de sursis sont avantageuses sur le plan de l'éducation et qu'elles offrent en tout cas de bien meilleures possibilités de réinsertion sociale. On estime généralement que le taux de récidive est moins élevé lorsque le délinquant est condamné à une peine sursitaire plutôt qu'à une peine d'emprisonnement.
    On s'inquiète énormément de l'absence de consultation par le gouvernement auprès des groupes intéressés, comme les juges, les avocats de la défense, les avocats de la poursuite, les groupes de femmes et les Autochtones.
    Les ordonnances de sursis ont aussi l'avantage d'éviter aux délinquants, notamment aux jeunes, qui en sont à leur première infraction de se retrouver en prison où ils peuvent apprendre un nouveau métier, soit la façon de s'y prendre pour trafiquer les fils et faire démarrer une voiture, pour pénétrer dans un domicile avec effraction ou encore pour éviter d'être repéré. Ce sont là autant de techniques qu'ils peuvent apprendre en prison, mais qu'ils n'apprendront pas s'ils purgent leur peine à domicile.
    Je soutiens respectueusement que les cours d'appel au Canada font bien leur travail. Les avocats de la défense qui demandent une ordonnance de sursis doivent composer avec leurs collègues de la poursuite et, si la poursuite estime qu'une erreur a été commise, elle peut recommander d'interjeter appel. Il appartient alors aux cours d'appel de se prononcer. C'est là un point sur lequel je ne suis pas d'accord avec le professeur Paciocco. J'estime que les cours d'appel font de l'excellent travail. Dans l'Ouest — et je sais quelle est la situation en Alberta, en Saskatchewan, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut, les cours d'appel ne confirment pas facilement les ordonnances de sursis. C'est un droit qu'il faut mériter. Et si une ordonnance de sursis est accordée à tort, la cour ne tarde pas à annuler l'ordonnance et à envoyer le délinquant en prison. Je le sais par expérience.
    Je soutiens que les juges de première instance exercent leur pouvoir discrétionnaire à bon escient. Ils le font de manière efficace. Ils tiennent compte des nombreuses circonstances qui leur sont présentées, tant les circonstances aggravantes qu'atténuantes ou que la question de savoir si le délinquant aurait dû savoir qu'il n'avait pas le droit de faire ce qu'il a fait, puis ils imposent la peine qu'ils jugent appropriée dans les circonstances. Les ordonnances de sursis s'accompagnent de conditions qui peuvent même restreindre l'accès au domicile du délinquant. Il m'est arrivé que des délinquants condamnés à une peine avec sursis et qui étaient confinés à leur appartement me demandent d'interjeter appel parce qu'ils trouvaient qu'il serait tout simplement moins difficile de purger leur peine en prison. Le délinquant qui est condamné à une peine avec sursis se trouve dans une prison virtuelle. Il sait qu'il ne peut pas sortir de chez lui. Il sait qu'il est soumis à des restrictions. Il sait qu'il peut seulement se rendre au travail et rentrer chez lui tout de suite après, qu'il ne peut pas aller à des fêtes d'anniversaire ni sortir avec ses amis. Il sait qu'il est surveillé, qu'on peut, par exemple, venir lui demander un échantillon d'urine à n'importe quel moment, si c'est là une des conditions auxquelles il est soumis. Ainsi, il n'est pas facile d'obtenir une ordonnance de sursis, et je soutiens respectueusement qu'il n'est pas facile non plus de purger une peine d'emprisonnement avec sursis.
    Le projet de loi C-9 entraînera un virage fondamental de notre système judiciaire et fera augmenter le nombre de délinquants qui se retrouveront en prison, ce qui constituerait à notre avis un pas en arrière. Nous avons réalisé des progrès énormes.

  (1650)  

    Au départ, en 1996-1997, on a eu du mal à savoir exactement comment les imposer. Avec l'arrêt Proulx de la Cour suprême, cette confusion a été en grande partie dissipée. Quatre ou cinq ans après l'arrêt Proulx, je crois que nous avons désormais un bon régime de détermination de la peine au Canada. Dans l'Ouest, il y a des jugements rendus en appel qui fixent clairement les lignes directrices.
    Pour le temps qu'il nous reste, je cède la parole à M. Rady, qui est de l'Ontario et qui parlera de l'expérience ontarienne.
    Monsieur Rady, vous avez environ deux minutes.
    Je suis aussi membre de la direction du Conseil canadien des avocats de la défense. Je pratique le droit criminel comme avocat de la défense à London, dans le sud-ouest de l'Ontario, depuis 25 ans.
    Il semble que votre comité se soit penché par le passé sur des statistiques et des tableaux se rapportant non seulement à l'emprisonnement avec sursis mais à la détermination de la peine en général. Je ne vous proposerai donc pas d'autres analyses statistiques. Je vous donnerai plutôt le point de vue de celui dont les tribunaux sont le quotidien, de celui qui traite avec le système pénal. Je demande toutefois au comité d'étudier les analyses statistiques avec beaucoup de prudence, parce qu'à mon avis, les analyses ne mènent à rien si l'on ne tient pas compte de la façon dont les statistiques ont été calculées. Il faut agir avec la même prudence quand on est saisi de renseignements empiriques, comme on vous en a déjà fournis et comme je vous en fournirai moi-même.
    Nous l'avons déjà dit, notre association est contre ce projet de loi. Cela ne vous étonne peut-être pas. Sa portée est trop grande et il est inutile dans sa forme actuelle. S'il faut des précisions quant à la façon d'imposer les peines d'emprisonnement avec sursis, elles peuvent être données autrement. Les cours d'appel s'en chargent, de même que la Cour suprême du Canada. Le professeur Paciocco a aussi proposé au comité de le faire dans le cadre d'une modification au préambule de l'article 742.1.
    Il ne fait aucun doute que les juges doivent suivre le Code criminel, soit la parole du Parlement. Mais comme pour toute autre chose, ils doivent avoir l'appui nécessaire dans l'exercice de leur discrétion, une discrétion qui ne doit pas être indûment limitée. Le droit criminel, c'est du droit public: les crimes font l'objet des poursuites de l'État, les crimes étant commis contre l'État. Il reste toutefois que tous les crimes ont un élément personnel. Je parle des victimes, de l'accusé, des condamnés, des procureurs, des juges — de tous ceux qui sont au tribunal. Le pouvoir discrétionnaire des juges, dans les affaires criminelles, peut être exercé de manière juste, et traité aussi de manière juste, dans notre société démocratique.
    Ce sont les juges qui s'occupent des personnes qui comparaissent devant eux. Tous les vols qualifiés ne sont pas semblables. Toutes les agressions sexuelles non plus. Qu'est-ce que j'entends par là? Il y a vol qualifié quand quelqu'un braque une banque avec une arme chargée. Mais c'est aussi un vol qualifié quand un jeune de 19 ans fait tomber quelqu'un de son vélo pour le lui voler. Chaque cas est différent et doit être traité comme tel. L'exclusion de l'infraction de vol qualifié s'appliquerait aux deux extrêmes. C'est la même chose pour les agressions sexuelles et vous en avez entendu des exemples par le passé, j'en suis convaincu.
    C'est au juge qu'incombe l'évaluation de tous les aspects d'un dossier. Le projet de loi C-9 lui enlève la possibilité d'évaluer chaque affaire isolément, en interdisant l'imposition d'un emprisonnement avec sursis pour les actes criminels passibles d'une peine maximale de dix ans ou plus. C'est trop arbitraire. La peine maximale associée à un acte criminel n'est pas une bonne règle pour mesurer la gravité d'un crime donné, à l'exception peut-être des meurtres. En outre, le fait que le projet de loi C-9 permette l'emprisonnement avec sursis pour les infractions mixtes faisant l'objet d'une procédure sommaire n'est pas une solution valable. Comme l'a dit M. Bloos, une infraction mixte mineure peut faire l'objet d'une mise en accusation, si le procureur en décide ainsi, ou si l'accusation est portée plus de six mois après la commission de l'infraction. Il peut s'agir d'une agression sexuelle mineure qui remonte à il y a bien longtemps. Sept mois après l'infraction, il faut choisir la mise en accusation. La procédure sommaire n'est plus possible. Or c'était peut-être le genre de cas où une peine d'emprisonnement avec sursis aurait été, autrement, applicable.
    Il semble aussi qu'il y ait des mythes au sujet des peines d'emprisonnement avec sursis, d'après mon expérience. Ces peines ne sont pas imposées à des récidivistes qui commettent la même infraction. Elles sont aussi plus rarement imposées après un procès. Dans la majorité des cas, le sursis n'est accordé que si le procureur y consent dans une soumission conjointe, c'est du moins ainsi que cela se fait dans mon coin de la province, selon nos politiques. Leur simple existence ne signifie pas que les juges ne peuvent pas ou ne veulent pas imposer de peines d'emprisonnement pour les crimes graves. C'est simplement une possibilité, dans la liste des peines qu'un juge peut imposer et d'après mon expérience, les emprisonnements avec sursis ne sont pas imposés à la légère. Ces peines sont assorties de conditions restrictives.

  (1655)  

    Les règles ne sont peut-être pas toutes suivies de la même façon partout au pays, ni même dans une même province, mais le projet de loi C-9 n'est pas la solution. Il faut peut-être davantage de lignes directrices, mais elles peuvent être fournies autrement. Le professeur Paciocco en a parlé.
    Mes clients ne commettent pas des crimes parce qu'ils connaissent l'existence du sursis à l'emprisonnement. Tout le monde pense qu'il faut sévir contre les crimes graves et violents, mais le projet de loi C-9 n'est pas la réponse. En fait, il enlève carrément la possibilité de réinsertion et de recourir à la justice réparatrice pour les crimes moins graves, non violents et relatifs aux biens. Il s'agit d'une solution mitoyenne entre l'ordonnance de probation et la peine d'emprisonnement classique. C'est l'une des solutions que peut choisir le juge lorsqu'il s'agit d'imposer une peine à un condamné, ce qui ne se fait pas à la légère. Il faut maintenir ce régime.
    Merci.
    Merci, monsieur Rady.
    Monsieur Roberts, c'est à vous.
    Je tiens à vous dire que même si j'arrive de l'Université d'Oxford, je ne suis pas un présomptueux universitaire britannique venu éclairer votre lanterne. J'ai vécu au Canada pendant 35 ans. C'est un grand pays qui me manque beaucoup. Je tenais à le dire.
    Je suis de près le débat sur les peines d'emprisonnement avec sursis depuis 10 ans, soit depuis la création de ce régime en 1997. Je m'intéresse tout particulièrement à la façon dont on essaie d'en limiter la portée. D'ailleurs, le premier article que j'ai écrit en 1997 parlait des façons dont on pourrait réduire la portée de cette peine.
    Est-ce une bonne idée? Je vais tout de suite parler de la portée et du projet de loi C-9, en disant que c'est peut-être une bonne idée. Je crois toutefois qu'il faut des arguments plus forts que quelques anecdotes : « Avez-vous entendu parler de la peine imposée à Windsor? Avez-vous lu l'article sur la peine d'emprisonnement avec sursis ? Il serait bon d'avoir des études approfondies sur la question. Or, il n'y en a pas. Malheureusement, nous n'en avons pas. L'exposé du CCSJ il y a quelques semaines a soulevé beaucoup de questions et apporté peu de réponses. Avant de limiter le pouvoir discrétionnaire des juges, d'une façon que je trouve très radicale, vous voudriez peut-être vous appuyer sur un dossier plus solide.
    Mais supposons que c'est une bonne idée de limiter la portée du régime de l'emprisonnement avec sursis. Il faut alors se demander si le projet de loi C-9 est le bon moyen d'y arriver. Je dirais que non. Vous n'atteindrez pas l'objectif visé de limiter la portée de cette peine et vous créerez beaucoup de problèmes.
    Je m'explique. D'autres témoins ont déjà parlé du premier élément et je n'insisterai pas là-dessus. Le projet de loi a lui-même une bien trop grande portée. J'ai ici le document préparé par M. MacKay, du Service de recherche de la Bibliothèque du Parlement. Si je calcule bien, il y a ici une liste de 162 infractions. C'est énorme. Si l'objectif du projet de loi est de rassurer les citoyens ou de faire en sorte que les victimes ne soient pas découragées quand cette peine est imposée, c'est sur ces cas-là qu'il faut se concentrer, et seulement ceux-là. Si vous éliminez la peine avec sursis pour l'infraction consistant à produire un document dans l'intention de frauder, je ne pense pas que beaucoup de citoyens viendront manifester sur la Colline parlementaire. C'est un plus petit groupe d'infractions qui les intéresse. Malheureusement, le projet de loi C-9 ratisse vraiment trop large.
    Deuxièmement, on essaie d'éliminer les cas les plus graves, et cela par deux moyens assez curieux, je dirais. Il y a d'abord la peine maximale prévue par la loi. La peine maximale n'est pas un indice très fiable de la gravité réelle de l'infraction, comme on vient de vous le dire. Dans le rapport de la Commission canadienne sur la détermination de la peine, qui a tenu des discussions ici même il y a 20 ans, on disait que la structure des peines maximales était chaotique et devait être revue complètement. Ce n'est donc pas une bonne idée de choisir des infractions en fonction de la peine maximale qui leur est associée par la loi.
    Deuxièmement, au sujet de la peine maximale, je tiens à parler de la proportionnalité. Beaucoup de personnes sont venues vous dire qu'il fallait davantage de proportionnalité dans la détermination de la peine. On dit que les juges ne tiennent plus compte de la proportionnalité. Bon. Je suis tout à fait pour la proportionnalité et je suis content que le Parlement ait codifié ce principe en 1996. Les gens semblent toutefois oublier que la proportionnalité a deux volets. Il y a d'abord la gravité du crime. Mais il y a aussi la culpabilité du contrevenant. Ce n'est pas moi qui l'ai dit, mais l'article 718.1 du Code criminel. Si vous étiquetez une infraction en fonction de la peine maximale dont elle est assortie, ou même en fonction de son nom, vous avez peut-être une idée de la gravité de l'infraction, mais aucunement de la culpabilité du contrevenant. La proportionnalité est ainsi bafouée.
    La deuxième restriction se rapporte à la décision par le procureur de procéder par mise en accusation. C'est une bien mauvaise façon de faire le tri, pour deux raisons. Premièrement, la décision du procureur de procéder par mise en accusation est fondée sur le dossier qui lui est remis par la police. La preuve en dossier n'a pas été évaluée dans le cadre du processus accusatoire. Il n'y a donc qu'un côté de la médaille, si vous voulez. La version des faits qui est présentée n'a pas été contestée dans le cadre d'une procédure accusatoire. Voilà pour la première raison.

  (1700)  

    La deuxième, c'est qu'on ne saurait comparer cela avec la façon dont sera examinée la décision du procureur. Les normes d'examen pour ce genre de décision sont très élevées. Cette décision ne se fera pas en public. Vous ne pourrez pas l'examiner, cela se fera dans l'ombre. C'est l'une des choses dont on a tant parlé: rendre la justice transparente, la sortir de l'ombre.
    La décision du procureur de procéder par mise en accusation est fondée sur une version des événements qui n'a pas fait l'objet d'un contre-interrogatoire, par exemple, et elle n'a pas été examinée de la même façon qu'un tribunal le ferait. La personne la mieux placée pour évaluer la gravité d'une infraction et le degré de culpabilité d'un contrevenant, c'est le juge qui détermine la peine et lui seul devrait prendre cette décision.
    Cela ne signifie pas que le juge ou le tribunal ne peut pas recevoir de lignes directrices. Voilà pourquoi la démarche de présomption proposée par Paciocco et d'autres est probablement préférable.
    L'autre problème du projet de loi C-9, c'est la création d'une anomalie flagrante: on enlève l'emprisonnement avec sursis, mais on garde l'ordonnance de probation. Qu'est-ce que le citoyen est censé en penser? Le tribunal ne peut pas imposer une peine d'emprisonnement avec sursis, assortie de couvre-feu, exigeant du contrevenant qu'il se présente selon des conditions strictes et lui imposant une procédure accélérée en cas d'infraction aux conditions. Mais le tribunal pourra encore prononcer des ordonnances de probation. C'est une anomalie grave qui paraîtra très mal dans les journaux.
    Je suis tout à fait d'accord avec le témoin précédent sur ce que les tribunaux feront. Dans certains cas, ils diront « avant le projet de loi C-9, je pouvais imposer une peine d'emprisonnement avec sursis. Ce n'est plus possible, mais je ne veux pas que ce délinquant aille en prison, alors pourquoi pas une ordonnance de probation très longue? Avant le projet de loi, j'aurais imposé une peine d'emprisonnement avec sursis de six à huit mois. Alors allons-y pour une probation de trois ans. Rien ne m'empêche légalement d'imposer un couvre-feu, comme condition à l'ordonnance de probation. Je vais donc imposer un couvre-feu et demander au délinquant qu'il se présente plus souvent à son agent de probation ».
    Les tribunaux feront donc des probations une nouvelle version des peines d'emprisonnement avec sursis et l'effet du projet de loi C-9 sera de perturber l'application d'une sanction de réinsertion tout à fait positive.
    Dans la panoplie des peines pouvant être imposées par les tribunaux au Canada, il y a de la place pour ces deux types de sanctions. Il faut les deux.
    Enfin, à mon avis, il ne faut pas gêner le pouvoir discrétionnaire des juges, à moins que cela soit absolument nécessaire. On comprend que le Parlement ait enlevé le pouvoir discrétionnaire dans le cas des infractions de meurtre, où la peine est obligatoire. Mais pour les peines de moindre importance, on se trompe en éliminant un type de peine, en disant aux juges canadiens qu'on sait mieux qu'eux quel genre de peine est approprié dans des cas particuliers. C'est comme si on retirait notre confiance aux juges, et vous devez bien être conscients de cette perception.
    Merci beaucoup.

  (1705)  

    Merci beaucoup, monsieur Roberts.
    Nous passons maintenant à Mme Pate, de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry.
    Je suis la directrice nationale des sociétés Elizabeth Fry, et je suis heureuse d'être ici aujourd'hui en compagnie de ma vice-présidente, Lucy Joncas, qui est aussi présidente de notre comité d'action sociale.
    Je veux tout d'abord vous demander de nous excuser de ne pas avoir été là plus tôt. Nous n'avions pas prévu que le ministre de la Sécurité publique allait déposer le rapport des enquêteurs correctionnels. J'ai dû suivre cette affaire, et j'espère pouvoir vous parler de deux ou trois questions que soulève le rapport déposé aujourd'hui et qui sont en rapport direct avec certaines des questions sur lesquelles vous vous penchez aujourd'hui.
     Je tiens tout d'abord à saluer le peuple algonquin, qui nous accorde le privilège de nous rencontrer sur son territoire. Dès qu'il est question de justice pénale, notamment de mesures qui sont susceptibles de faire augmenter la population carcérale, nous savons que ces mesures toucheront d'une façon disproportionnée les Autochtones, comme le souligne encore une fois le rapport qu'a déposé aujourd'hui l'enquêteur correctionnel.
    Vous venez d'entendre d'excellents témoins. Je vais simplement résumer notre mémoire — et je suis désolée qu'il soit encore en voie d'être traduit. J'étais à l'extérieur, et je n'ai pas pu le remettre à la greffière à temps. Je vous demande de m'en excuser. Vous l'aurez dans les deux langues officielles, je l'espère, d'ici deux ou trois jours.
    En résumé, je dirais que les préoccupations que nous inspire le projet de loi C-9 ont déjà été soulevées: le fait que ce ne sont pas les mesures les moins restrictives qui devraient être offertes, comme on l'a déjà signalé; le fait qu'il n'y ait déjà pas assez de ressources communautaires; et le fait qu'une mesure comme celle-là ne fera sans doute qu'alourdir le fardeau qui pèse sur les ressources communautaires existantes, qui devront offrir des solutions de rechange, comme vient de le faire remarquer Julian Roberts, et qui devront aussi essayer d'aider ceux qui sortiront de prison à réintégrer leur collectivité après en avoir été isolé.
    Nous tenons, par ailleurs, à signaler que, s'agissant des principes de détermination de la peine comme la dénonciation, la proportionnalité et la dissuasion, ce n'est pas sans raison que ce sont les juges et, dans certains cas, les jurys qui sont appelés à juger les faits. C'est parce qu'ils ont l'occasion d'entendre tous les éléments de preuve disponibles et de décider de leur importance relative. À notre avis, tout ce qui pourrait faire obstacle à ce pouvoir discrétionnaire, à la capacité des tribunaux d'entendre tous les éléments de preuve, ne peut pas être pris à la légère, et les mesures proposées en l'occurrence ne seraient pas la façon la plus efficace de procéder.
    En outre, en ce qui concerne l'effet de dissuasion, il y a suffisamment d'indications — la plus récente étant, vous en conviendrez, la Loi sur les jeunes contrevenants qui, d'après la Cour suprême du Canada, montre que c'est à dessein que l'élément de dissuasion n'a pas été inclus dans la loi. Cela s'explique en partie par ce que nous savons des gens et qui a déjà été soulevé par les représentants des avocats de la défense ici présents, à savoir que, le plus souvent, les délinquants ne pensent pas à la peine qui les attend. Le plus souvent, ils ne savent même pas quelle est la peine qui les attend avant qu'ils ne commettent une infraction. Dire que la dissuasion est un principe de détermination de la peine que le projet de loi C-9cherche à renforcer... De toute évidence, l'application de ce principe soulève déjà la controverse, et le projet de loiC-9 ne ferait qu'exacerber le problème.
    En ce qui concerne la réinsertion sociale et la réparation, la jurisprudence, notamment les décisions de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Gladue et dans l'affaire Proulx, révèlent que ce n'est pas sans raison que ces principes de détermination de la peine ont été inclus dans le Code criminel et qu'il faudrait les appliquer au lieu de les abandonner en faveur de l'abrogation, comme il est proposé, des peines sursitaires pour bon nombre d'infractions.
    Une des principales inquiétudes que nous inspire le projet de loi tient aux coûts humains et financiers qu'il entraînera. En effet, d'après le rapport MacKay auquel on a déjà fait allusion, le projet de loi pourrait entraîner chaque année l'incarcération de 5 500 personnes de plus.
    Les services correctionnels au niveau tant provincial que fédéral estiment que chaque détenu coûte entre 50 000 $ et 250 000 $ par an, selon le niveau d'incarcération, le type de placement et l'isolement par rapport à d'autres localités. L'accroissement des dépenses publiques qui résulterait du projet de loi se situerait à tout le moins, d'après les estimations les plus prudentes, entre 275 millions de dollars et 1,3 milliard de dollars, comme le signale M. MacKay dans son rapport.
    En outre, pour ce qui est plus particulièrement des femmes, nous savons que, parmi les groupes qui composent la population carcérale, c'est le groupe des femmes qui connaît l'augmentation la plus marquée.

  (1710)  

    On vient de nous dire de l'autre côté de la rue que plus de 80 p. 100 du budget du Service correctionnel sert à emprisonner les gens et que la part des services correctionnels communautaires varie entre 10 et 20 p. 100 selon le territoire de compétence. De toute évidence, ce n'est pas suffisant pour favoriser la réinsertion sociale ni, partant, la sécurité publique.
    Si le groupe des femmes est celui qui connaît la croissance la plus rapide parmi les groupes qui composent la population carcérale, ce n'est pas du tout en raison du risque accru que posent les femmes. Tout le monde le reconnaît et toutes les recherches le démontrent, il n'y a pas de vague de criminalité chez les femmes dans les divers pays du monde ni au Canada, et pourtant c'est le groupe qui connaît la croissance la plus rapide.
    Dans le rapport qu'il vient de publier aujourd'hui, l'enquêteur correctionnel signale que, ces dernières années, la proportion de femmes autochtones dans les établissements carcéraux a augmenté de 75 p. 100. Au Canada, le taux d'incarcération des Autochtones est maintenant de 1 024 pour 100 000 habitants, ce qui est entre sept et huit fois plus élevé que le taux d'incarcération de la population dans son ensemble. De même, les femmes sont surreprésentées parmi la population carcérale. D'après les estimations, quelque 25 p. 100 de la population carcérale sera composée d'Autochtones d'ici cinq ou 10 ans. Nous avons largement dépassé cette proportion dans le cas des femmes autochtones qui se retrouvent dans les établissements carcéraux fédéraux, où elles représentent le tiers de la population carcérale.
    Ainsi, la mesure proposée réduira non pas seulement les ressources du système correctionnel en tant que telles, mais aussi les ressources communautaires déjà insuffisantes. Bien que le ministre Day ait affirmé aujourd'hui qu'il n'existe pas de données empiriques pour montrer que le système est déjà empreint de discrimination à l'endroit des Autochtones — et aussi des femmes à mon avis —, les preuves du contraire sont abondantes; il n'y a qu'à voir les chiffres que je viens de citer.
    Il semble que les seules données qui aient été présentées pour justifier le dépôt du projet de loi soient des données américaines. Tous ceux à qui j'en ai parlé, tant les universitaires que les personnes qui travaillent dans le système aux États-Unis ont confirmé que, même si le taux d'incarcération est au moins six à sept fois supérieur aux États-Unis à ce qu'il est au Canada, le taux de criminalité n'a pas baissé de façon importante aux États-Unis, puisqu'il est toujours cinq fois plus élevé qu'il ne l'est au Canada.
    Nous nous inquiétons de la médiatisation de certains cas exceptionnels qui semblent être à l'origine de la mesure proposée, alors que nous savons que la description qui en est donnée par les médias est rarement assez complète. Nous savons également, d'après les recherches de M. Roberts, de Tony Doob, de Cheryl Webster et d'autres, que lorsqu'on leur donne plus d'information à propos de ces cas, les Canadiens moyens, c'est-à-dire les simples citoyens, arrivent généralement à la même conclusion que les juges. Cela vaut autant pour certaines infractions graves que pour certaines infractions moins graves.
    Nous vous encourageons à ne pas adopter le projet de loi ni dans sa forme actuelle ni dans une forme modifiée. Il est très clair que ce qu'il faut, c'est un investissement accru dans les ressources communautaires pour empêcher que des individus se retrouvent dans cette situation et pour aider ceux qui sont incarcérés à réintégrer la société après leur libération.
    J'inviterais maintenant Lucie à dire quelques mots.

  (1715)  

    Brièvement, s'il vous plaît.
    Je vais simplement prendre une minute pour vous adresser la parole en français.

[Français]

    Je tiens tout d'abord à mentionner l'importance de soutenir l'autorité des tribunaux. Une démocratie doit respecter la division des pouvoirs entre le législatif, l'exécutif et le judiciaire. Des projets de loi tels que le C-9, le C-10 et ceux qui sont annoncés pour les prochaines semaines dénaturent le rôle du juge en limitant de façon importante son pouvoir discrétionnaire.
    Le Canada est considéré comme un allié important pour la reconstruction ou l'élaboration d'un système judiciaire dans plusieurs pays qui reconnaissent et soutiennent notre système de justice comme étant l'un des meilleurs au monde. Je soutiens qu'aucune donnée ne commande la réforme qui est proposée. D'après des statistiques fournies par le gouvernement, 90 p. 100 des cas aboutissant à une peine d'emprisonnement avec sursis surviennent après un plaidoyer de culpabilité.
    L'abolition de cette mesure entraînera un engorgement du système judiciaire, et je vous demande d'en tenir compte. Je pratique le droit depuis 14 ans et je peux dire qu'on s'entend sur la majorité des dossiers, mais encore faut-il disposer des moyens pour bien faire notre travail.
     Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité. Ils auront l'occasion d'interroger tous les témoins.
    Je vais surveiller de près l'horloge. Vous avez sept minutes pour le premier tour.
    Le premier intervenant est M. Murphy.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous nos témoins pour leurs exposés. Il va de soi que ce qui nous tient tous à coeur, c'est la sécurité des collectivités. Je crains que le nombre de projets de loi qui nous ont été présentés par le nouveau gouvernement laisse croire au public que les collectivités seront plus sûres. Ce que je crains encore plus, c'est que si ces projets de loi sont adoptés d'une façon ou d'une autre et qu'ils ne sont pas efficaces, la confiance du public dans le système judiciaire sera encore plus minée, comme cela se produit déjà pendant les discussions sur ces projets de loi, à cause de tout le discrédit jeté sur les juges, les avocats, tous ceux qui s'occupent du système carcéral. Cela n'a rien de positif.
    Je voudrais vous poser des questions à tous, mais je vais me concentrer sur deux groupes de témoins, en commençant par le Conseil canadien des avocats de la défense.
    Je dois d'abord vous féliciter d'avoir choisi pour trésorier un avocat du Nouveau-Brunswick, M. Lutz. Cela montre votre bon jugement.
    Vous pouvez me répondre au nom de votre association, ou de votre conseil, à titre personnel ou d'après votre propre expérience d'avocat: d'après vous, vos clients contribueraient-ils mieux à la société s'ils passaient du temps en prison plutôt que d'obtenir des peines d'emprisonnement avec sursis?
    En fait, non. Je m'explique.
    La durée des peines avec sursis correspond à la moitié ou aux deux tiers ou plus des peines d'emprisonnement — je veux parler ici des infractions graves, des cas d'agression sexuelle ou de voies de fait graves avec violence... Par voies de fait graves, j'entends les cas où des coups de poing sont assénés et que la victime se retrouve avec des contusions; dans ces cas-là, on n'a généralement pas recours aux condamnations avec sursis. Alors, lorsque le délinquant se voit imposer une ordonnance de sursis, il sait que, s'il ne respecte pas les conditions, le sursis va être annulé.
    Avant qu'une peine avec sursis ne puisse être accordée, l'avocat de la défense doit présenter un programme, il doit dire: voici le counselling que nous proposons; le délinquant va travailler à tel endroit de telle heure à telle heure. Il sera soumis à un couvre-feu qui lui permettra de sortir de chez lui pendant sept ou huit heures peut-être — selon le nombre d'heures qu'il travaillera —, puis il doit rentrer chez lui et y rester pour la nuit. Il est détenu à domicile 24 heures sur 24, exception faite des heures où il travaille.
    Qu'en est-il des étudiants? S'ils sont envoyés en prison, ils ne pourront pas poursuivre leurs études, ou bien ils ne pourront pas poursuivre les activités bénéfiques auxquelles ils auraient pu participer entre leur inculpation et le prononcé de la sentence — car il peut s'agir là d'une période cruciale. Lorsqu'ils se mettent à penser au moment où ils recevront leur sentence, cela peut les inciter à réfléchir. Comme j'ai entendu quelqu'un le dire, il n'y a rien comme la perspective d'être pendu pour vous amener à bien vous concentrer. Ils se demandent ce qu'ils vont faire du reste de leur vie.
    L'avocat de la défense se présente donc avec le programme — voici le counselling proposé, et voici ce que nous allons faire; le juge examine tout cela et décide de la peine à imposer. Si le délinquant ne respecte pas les conditions, il sera mis en prison.
    Les programmes qui sont offerts dans la collectivité n'existent tout simplement pas dans le milieu carcéral. Aussi le délinquant n'en ressort pas mieux qu'il était quand il y est entré.

  (1720)  

    Pour faire suite à cela, j'ai une courte question — et je voudrais une courte réponse — à l'intention des agents de probation. Dans combien de cas, en pourcentage, les rapports présentenciels rédigés par les agents de probation ont-ils un effet déterminant ou une certaine influence sur la décision du juge d'accorder une peine avec sursis?
    C'est à nous que vous posez la question ou aux agents de probation?
    C'est à vous que je la pose en fait, puisque vous êtes les avocats de la défense.
    Je peux répondre à la question, puisque je travaille beaucoup du côté de la procédure judiciaire. Ces rapports sont très importants. Lorsque le rapport présentenciel est défavorable, le délinquant est généralement condamné à une peine d'emprisonnement plutôt qu'à une peine avec sursis. Il s'agit d'un outil très important dont se servent les juges pour décider de la peine à imposer.
    Alors, je m'adresse maintenant aux représentants des agents de probation. Nous sommes là pour légiférer, et nous ne pouvons pas vraiment surveiller tous les juges, tous les poursuivants et tous les avocats de la défense. La loi donne à entendre — et le projet de loi C-9 ne changera rien à cela — que les juges n'auront recours aux peines avec sursis que s'ils sont persuadés qu'elles ne compromettent pas la sécurité de la collectivité.
    D'après mon expérience, et je suis heureux que ceux qui s'y connaissent mieux que moi soient aussi de cet avis, les agents de probation — et je sais que vous ne parlez pas nécessairement pour le Nouveau-Brunswick et toutes les provinces, mais c'est peut-être la même chose dans toutes les régions du Canada — rédigent souvent des rapports présentenciels qui ont un effet déterminant sur la décision du juge de permettre à telle ou telle personne de purger sa peine dans la collectivité.
    Si votre association approuve tout ce qui se trouve dans le projet de loi C-9, est-il raisonnable de supposer que vos membres ne sont pas encore tous au courant de ce fait? Suis-je loin de la marque?
    Nous ne disions que nous approuvions le projet de loi C-9; nous faisions simplement fait état de certaines préoccupations que nous avons relativement aux infractions les plus graves. Puis nous avons cité les principes du professeur Paciocco comme étant souhaitables.
    Nos inquiétudes concernent les infractions les plus graves, notamment les infractions graves perpétrées à l'endroit des enfants et celles qui causent la mort — les infractions entraînant une violence extrême.
    Ce que font les agents de probation dans leurs rapports présentenciels, c'est qu'ils évaluent la mesure dans laquelle le délinquant pourrait bénéficier d'une surveillance dans la collectivité, mais ils ne peuvent pas dicter le type de peine à imposer. Bien souvent, lorsqu'on envisage de mettre le délinquant en prison, ils énonceront les conditions qui seraient imposées si le délinquant purgeait sa peine la collectivité, et ils examineront les antécédents du délinquant, mais le délinquant pourrait être condamné à une peine d'emprisonnement assortie d'une peine probationnaire. Le juge tiendrait néanmoins compte de l'information et l'inclurait dans l'ordonnance de probation, ou bien il l'inclurait dans l'ordonnance de peine probationnaire. Mais ce ne sont pas les agents de probation qui déterminent les possibilités envisagées — le casier judiciaire du délinquant, la possibilité qu'il puisse bénéficier de la surveillance dans la collectivité, tous les éléments liés à ces antécédents et les conditions qui devraient y être imposées s'il devait être surveillé dans la collectivité —, si bien qu'il ne leur appartient pas de déterminer la peine à imposer.
    M. Brian MurphyOui, je comprends.
    Merci.
    Merci, monsieur Murphy.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Je vais parler français.

[Français]

    Dans le train qui me conduisait à Ottawa, j'ai lu le texte que vous aviez déposé au symposium qui a eu lieu à Ottawa en l'an 2000, à la suite des cinq décisions rendues par la Cour suprême.
    Vous avez dit que ce projet de loi était une pure construction idéologique et qu'aucun motif rationnel ne justifiait son adoption. Vous avez fait des études poussées et vous connaissez donc bien la question.
    Dans sa réprobation, la Cour suprême, selon vous, a-t-elle mentionné que le sens commun peut l'amener à dire que, dans les cas de crimes violents, où il y a peu de chances de réhabilitation et qui représentent un risque pour la collectivité, l'emprisonnement avec sursis n'est peut-être pas souhaitable?
    Ma première question s'adresse à M. Roberts et à Mme Joncas. Avez-vous des statistiques, non pas du sensationnalisme conservateur, mais des données indiquant que les magistrats et les cours de justice ont utilisé à mauvais escient ou à outrance l'emprisonnement avec sursis dans des cas de crimes choquants aux yeux de la collectivité?
    J'aurai deux autres questions, si le bon Dieu est bon pour moi et qu'il me reste encore du temps.

  (1725)  

[Traduction]

    En effet, la question est compliquée. Essentiellement, l'arrêt Proulx a eu pour effet de guider les juges de première instance dans leurs décisions sur le prononcé de la sentence et les mesures à prendre en cas de violation — et l'arrêt Proulx véhicule un message bien senti.
    Ainsi, dès qu'un délinquant viole les conditions sans qu'il y ait de justification en droit, il est acquis qu'il doit purger le reste de la peine prévue dans l'ordonnance dans un milieu fermé. L'arrêt Proulx s'est prononcé en faveur de la présomption de détention à domicile, etc. Depuis cette décision rendue en 2000, les statistiques montrent que les tribunaux ont donné suite à l'arrêt et que les peines probationnaires sont devenues de plus en plus longues et de plus en plus sévères.
    Dans l'arrêt Proulx, les juges ne sont pas allés jusqu'à dire que certaines infractions excluent d'office le recours à une peine probationnaire. Mais cette décision de même que d'autres décisions des cours d'appel du Canada ont fait en sorte que nous en sommes ni plus ni moins arrivés à ce que j'appellerais la présomption judiciaire selon laquelle certaines infractions appellent clairement une présomption judiciaire contre le recours aux peines probationnaires.

[Français]

    Avant de donner la parole à Mme Joncas, je vais préciser ma question. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'une liste d'infractions assorties d'une peine de 10 ans constitue un marqueur tout à fait artificiel par rapport à notre objectif.
    L'article 742.1 proposé dans le projet de loi pourrait être modifié afin de préciser que, pour ce qui est des objectifs liés à la dissuasion ou à la dénonciation, l'emprisonnement avec sursis est moins indiqué, sans toutefois en faire une règle absolue.
    Pensez-vous qu'un tel amendement serait pertinent ou, au contraire, inutile?

[Traduction]

    Je ne suis pas sûr que cela soit nécessaire, mais chose certaine, j'estime que cela vaudrait mieux que d'avoir une liste d'infractions ou d'avoir cette approche mixte où interviennent les peines maximales et le pouvoir discrétionnaire de la poursuite.
    On pourrait dire que si la dénonciation et la dissuasion sont les principes prioritaires pour les magistrats, ils auraient donc tendance à ne pas recourir à l'emprisonnement avec sursis. Mais je tiens à faire comprendre quelque chose de bien simple: il y aura des cas, même lorsqu'il s'agit des infractions les plus graves, où les magistrats tiendront compte de facteurs atténuants pertinents et où ils voudront imposer l'emprisonnement avec sursis en milieu ouvert. Ce serait une erreur que d'enlever cette possibilité aux magistrats.

[Français]

    Auriez-vous appuyé le projet de loi C-70 des libéraux, par exemple, qui parlait de terrorisme, d'infractions génériques? Auriez-vous appuyé le fait d'exclure le terrorisme et le gangstérisme? Pourrait-on adopter un tel amendement?

[Traduction]

    Cette mesure-là était supérieure à mon avis parce qu'elle contenait certaines présomptions. Elle n'excluait pas d'office la possibilité. Je pense qu'elle aurait eu pour effet de modifier la pratique aux tribunaux de première instance et qu'elle aurait été davantage axée sur les infractions les plus graves, tout en laissant de côté des infractions comme la fraude, qui est une des infractions les plus susceptibles d'être visées par le projet de loi C-9.

[Français]

    Ai-je le temps de poser une brève question à Mme Joncas? J'apprécie tellement Mme Joncas.

[Traduction]

    Une seule.

[Français]

    Madame Joncas, ma question est simple.
    Les infractions sexuelles suscitent souvent une émotivité légitime chez la population. On a pourtant l'impression qu'il est maladroit pour le législateur d'avoir de telles infractions génériques, parce qu'elles recouvrent une réalité diverse, pour ne pas dire éclatée, sur le plan de la sanction. Qu'en pensez-vous?

  (1730)  

    La notion d'infraction sexuelle est maintenant très large, car même un toucher par-dessus les vêtements peut être considéré comme une agression. Cette notion n'a aucune commune mesure avec l'ancienne notion de viol. Par conséquent, au moment de l'imposition d'une sentence, on doit tenir compte non seulement de l'infraction, mais également de l'individu qui l'a commise.
    J'ai participé à certains procès pour gangstérisme et je n'y ai jamais vu de peines d'emprisonnement avec sursis. D'ailleurs, la mesure qui permet au juge d'exiger qu'au moins la moitié de la sentence soit purgée est généralement imposée. Ce n'est vraiment pas un problème qui se pose sur le terrain.
    Il n'y a jamais une sanction...

[Traduction]

    Merci, monsieur Ménard.
    Monsieur Comartin.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Larman, j'ai entendu Mme Hutchison dire que vous étiez en fait... eh bien, ce n'est pas clair pour moi, puisque lorsque vous avez pris la parole vous avez appuyé sans équivoque le projet de loi C-9 tel qu'il est libellé à l'heure actuelle, alors que Mme Hutchison a dit que ce n'était pas le cas.
    Vous ai-je mal compris?
    Peut-être que je ne l'ai pas dit assez clairement.
    Nous appuyons le projet de loi C-9. Nous appuyons certains aspects du projet de loi C-9 — les infractions avec violence sérieuses, les infractions sexuelles violentes. Nous avons également ce que nous appelons « les infractions sexuelles non violentes », bien que je ne sais pas si nous serons d'accord qu'il existe une telle chose.
    Nous appuyons certains aspects du projet de loi C-9, mais non pas tout.
    Donc si vous étiez à ma place, si nous ne pouvons pas l'amender, est-ce que nous sommes pour ou est-ce que nous le rejetons? Nous avons environ 20 à 30 accusations ici qui sont des infractions simples contre les biens. Certaines sont relativement mineures, comme la possession de biens criminellement obtenus dont la valeur dépasse 5 000 $, le vol de courrier, obtenir du crédit par un faux-semblant, la contrefaçon, les documents contrefaits. Je pourrais continuer.
    Ce que nous disions depuis le début c'est que nous avons osé prendre la parole depuis quelques années en ce qui concerne les infractions sexuelles violentes graves, surtout les infractions contre les enfants. Donc, comme nous le disions, sans amendement... nous avons cité le professeur qui parlait d'aborder les principes. Nous n'avons pas pris la parole pour appuyer certaines de ces infractions, et nous n'avons jamais rien fait ni dit devant les médias pour parler contre une infraction du genre quant à la condamnation avec sursis, et nous sommes heureux de voir qu'il y a des efforts qui se font pour composer avec des questions de longue date des infractions les plus graves.
    Pour revenir à ce dont le professeur Roberts discutait avec M. Ménard, à savoir de ne pas avoir d'absolu, existe-t-il des infractions pour lesquelles vous dites que nous ne donnerez absolument pas de peine avec sursis?
    L'homicide involontaire, n'importe quelle infraction violente grave, les infractions sexuelles avec ou sans attouchements — n'importe laquelle contre n'importe qui, qu'il soit adulte ou enfant.
    La mise en garde que nous avons mentionnée tantôt quand on parlait d'infractions contre les enfants c'était que l'agression sexuelle et les voies de fait causant des lésions corporelles demeureront des infractions mixtes. La question que nous soulevions à ce moment c'est notre préoccupation vis-à-vis de telles infractions contre les enfants; nous avons toujours ces préoccupations alors que nous n'avons pas signalé les voies de fait causant des lésions corporelles qui ne concernent pas l'enfant.
    Y voyez-vous un problème, en ce qui concerne le transfert du pouvoir discrétionnaire du juge au procureur? Nous avons entendu dire qu'il n'y a en effet aucun contrôle du pouvoir discrétionnaire de poursuivre; au moins nous avons le contrôle du pouvoir judiciaire discrétionnaire.
    C'est une excellente question. Évidemment nous espérons que les décisions prises sont fondées sur de bonnes raisons, comme le sérieux de l'infraction, etc., mais ce que nous avons vu — et c'est la raison pour laquelle nous avons voulu présenter ces faits — c'est que le pouvoir discrétionnaire qui existe en matière de détermination de la peine repose sur des principes. Or, les peines qui ont été imposées depuis le début du régime en 1996 ne les ont pas respectés. Nous avons parlé de nos préoccupations — l'exemplarité de la peine, la dissuasion, et la séparation des contrevenants de la société quand cela est nécessaire. Nous nous penchons sur ces questions et nous nous penchons également sur certaines infractions plus sérieuses pour lesquelles il y a une condamnation à l'emprisonnement avec sursis. C'est cela notre préoccupation.
    Serez-vous d'accord avec moi — et je crois que nous l'avons entendu de la part d'autres témoins aujourd'hui — qu'il existe un certain nombre d'affaires qu'on arrive à faire avec des peines avec sursis qui ne sont pas possibles avec approbation, qui ne sont pas possibles sur le plan juridique? Il y a eu l'arrêt de la Cour suprême la semaine passée concernant les substances corporelles; on ne peut pas les commander en vertu d'une ordonnance de probation.
    Serez-vous d'accord avec moi pour dire qu'on peut faire certaines choses en vertu de la condamnation à l'emprisonnement avec sursis qui ne sont pas possibles en vertu d'ordonnances de probation?

  (1735)  

    La différence réside principalement dans le traitement. Habituellement, la différence est d'ordre terminologique: on peut parler de traitement ou de counselling. Bien souvent, le service que reçoit le délinquant est le même, mais la différence tient au fait qu'on parle de « détention à domicile » ou de « couvre-feu ». Les ordonnances de probation visent des probationnaires. Dans le cas des couvre-feu, il y a beaucoup de probationnaires qui reçoivent aussi des traitements. La différence dans le cas de l'emprisonnement avec sursis, c'est qu'on peut qualifier le service de « traitement » quand on l'inclut dans l'ordonnance de sursis, alors que, dans l'ordonnance de probation, on parle de « counselling » ou de « programme de réinsertion sociale ». Il s'agit d'une différence d'ordre terminologique, mais dans les faits, le programme que suit le probationnaire peut être le même que celui que suit le délinquant condamné à l'emprisonnement avec sursis.
    Lorsque le délinquant est condamné à l'emprisonnement avec sursis, il n'est pas nécessaire qu'il consente au traitement, alors que le probationnaire, lui, doit y consentir. Cependant, dans les faits, les deux peuvent recevoir le même service, et ils peuvent même parfois le recevoir dans le même établissement. Il y a la question juridique relative à l'obligation d'obtenir le consentement, mais dans un cas comme dans l'autre, nous faisons une évaluation et nous envoyons le probationnaire ou le délinquant suivre le programme de réinsertion sociale dont il a besoin, selon le terme utilisé dans l'ordonnance de probation, qui est très semblable.
    Madame Pate, êtes-vous d'accord avec cette analyse, à savoir qu'il n'y a pas vraiment grand différence entre le counselling et le traitement? Quelles sont les tendances que vous avez remarquées?
    Non, je ne suis pas d'accord.
    Chose certaine, il faut plus de ressources, et l'expérience que j'en ai m'amène à conclure que ce qui préoccupe vraiment les agents de probation, c'est le manque de ressources pour appliquer les ordonnances. Ainsi, nous avons eu à nous occuper directement d'un des très rares cas où quelqu'un qui avait été reconnu coupable d'homicide involontaire avait été condamné à l'emprisonnement avec sursis. Il y avait un long historique de violence contre la femme qui était accusée. De nombreuses questions avaient été soulevées à savoir si elle aurait même dû être inculpée, si elle n'avait pas simplement chercher à se défendre. L'homme qui est mort se trouvait à travailler pour la GRC. Il semble que la poursuite manquait de preuves. Il y avait aussi bien d'autres questions qui se posaient. Toujours est-il que, après avoir entendu toute l'information, et même si le jury avait trouvé l'inculpée coupable, non pas de meurtre, soit le chef d'accusation initial, mais d'homicide involontaire, le juge avait décidé que la peine qui convenait était une peine d'emprisonnement avec sursis assortie de nombreuses autres conditions. Cette femme a continué à essayer de contribuer à la société par tous les moyens possibles, notamment en élevant les enfants du couple.
    Il est très clair à mon avis qu'il faut tenir compte des questions et des conditions qui doivent être respectées ainsi que des questions soulevées par l'inculpé. Je pourrais aussi vous parler de nombreux autres cas mettant en cause des femmes autochtones. Je reviens tout juste d'un voyage qui m'a menée d'un bout à l'autre du pays cet été. J'ai entendu parler de nombreuses femmes autochtones à qui la communauté avait conseillé d'assumer la responsabilité de leurs actes alors que les avocats qui avaient discuté avec ces femmes étaient tous d'avis qu'elles avaient des motifs de défense, mais ces motifs de défense n'ont pas été appliqués. Certaines d'entre elles ont été condamnées à purger leur peine dans la collectivité, mais pas toutes. La plupart d'entre elles ont en fait passé aussi de longues périodes en prison. Nous ne voudrions pas que le recours à l'emprisonnement avec sursis soit exclu dans des cas comme ceux-là.
    Merci, monsieur Comartin.
    M. Moore est le suivant.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également les témoins de leurs exposés.
    Les témoignages recueillis aujourd'hui me semblent très intéressants. Nous avons beaucoup entendu parler des délinquants, de ce qui arrive une fois l'infraction commise et du manque d'équilibre, de mon point de vue, entre les droits des victimes, leurs sentiments et leur perception de la justice.
    Si le gouvernement a déposé ce projet de loi, c'est en grande partie pour reconnaître la gravité de certaines infractions. En revanche, certains semblent considérer que l'ordonnance de sursis est tombée du ciel et qu'elle apporte une forme de panacée, mais ce n'est pas le cas. À l'époque où elle a fait son apparition, elle ne s'appliquait qu'à certaines infractions. Certains estiment aujourd'hui que le recours au sursis va bien au-delà de ce qui avait été prévu à l'époque. On l'accorde trop fréquemment, au détriment des notions de justice et de réhabilitation.
    Je voudrais dire aux représentants du Conseil des avocats de la défense que vous avez sans doute une bonne raison de demander une ordonnance de sursis plutôt qu'une peine d'emprisonnement pour vos clients. Si vous demandiez l'emprisonnement plutôt que le sursis, vous ne garderiez pas vos clients très longtemps, parce que l'emprisonnement a un effet dissuasif. Personne ne veut aller en prison. Il est bien préférable de purger une peine avec sursis.
    Nous essayons, par ce projet de loi, de trouver un terrain d'entente. J'aimerais demander aux avocats de la défense s'il y a, dans le projet de loi C-9, des infractions qui, à leur avis, ne devraient pas pouvoir faire l'objet d'une ordonnance de sursis.

  (1740)  

    Non, et je vais vous dire pourquoi. C'est à cause de la très large définition d'un grand nombre d'infractions dans le Code criminel. Comme je l'ai dit tout à l'heure, un vol n'est pas un vol. On pourrait resserrer les définitions des infractions, mais si on ne veut pas que le sursis s'applique à certaines situations relevant d'un vol, il faut le préciser.
    La difficulté, c'est que si l'on exclut totalement le sursis, on l'exclut également pour la première infraction du jeune de 19 ans qui fait chuter un enfant à vélo. Un braqueur de banque n'obtiendra sans doute pas de sursis. Le juge verra clair et il va le condamner à l'emprisonnement. Dans tous les cas, il va également tenir compte de la déclaration de la victime et de ce qu'elle a éprouvé. Le sursis ne signifie pas l'absence d'emprisonnement; il signifie que dans les cas les moins graves de certaines catégories d'actes criminels, l'auteur de l'acte peut ne pas aller en prison; toutefois, la probation risque, dans son cas, de ne pas être assez légère. C'est donc une mesure intermédiaire. C'est plus que la probation et moins que l'emprisonnement. Le sursis permet au délinquant de conserver son emploi ou d'aller à l'école dans le cas d'une première infraction. S'il s'agit d'un criminel endurci, il n'aura de toute façon pas droit au sursis. Le sursis ne retire rien des pouvoirs des juges.
    Permettez-moi, monsieur Moore, de réagir à votre prémisse de départ. J'ai comparu un jour devant un éminent juge à Regina. Il considérait que les juges sont les représentants de la collectivité, dont ils traduisent les sentiments sur un sujet particulier. Pour lui, ce rôle consistait à prononcer la sentence de la collectivité. Il tenait compte des circonstances du délinquant, de la victime et de la collectivité.
    Je suis intervenu dans plusieurs affaires de conduite avec des facultés affaiblies causant la mort, où le conducteur avait tué son meilleur ami. Dans l'un de ces cas, la famille du défunt ne voulait rien savoir de l'accusé. Dans un autre cas, la famille était prête à lui pardonner et ne voulait pas qu'il soit emprisonné. Je vous pose la question suivante: à cause de certaines familles qui souhaitent une peine plus lourde que le sursis, est-ce qu'on va devoir dire aux familles prêtes à pardonner qu'aucune peine ne devrait être infligée et que l'accusé peut sortir libre du tribunal? Sauf votre respect, c'est précisément pour cela que le juge doit considérer tous ces éléments de façon équilibrée.
    Sauf tout le respect que je vous dois, j'estime que si nous allions dans beaucoup de ces collectivités, vous verriez que certaines des décisions prises par les juges, même pour les infractions contre les biens, sont les infractions pour lesquelles les collectivités se seraient attendues à ce que le contrevenant aille en prison... Certains témoignages nous permettent de croire que les infractions contre les biens ne sont pas des infractions graves. Que vous vous retrouviez en Colombie-Britannique ou dans ma province d'origine, le Nouveau-Brunswick, les infractions contre les biens sont graves et nous avons l'impression que les ordonnances de sursis n'ont pas d'effet dissuasif. Nous voyons dans bien des cas qu'il y a récidive.
    Je reconnais qu'il faut garder une certaine discrétion, et qu'enlever les peines avec sursis de certaines infractions auxquelles les législatures précédentes ont donné un cap de dix ans — ce sont des distinctions faites par les législatures précédentes —, nous sommes en train de dire à titre de Parlement qu'on ne pourra avoir recours aux peines avec sursis, mais ça reste encore une question de discrétion. Il existe d'autres défenses pour lesquelles on ne peut avoir recours aux peines avec sursis, mais le juge a encore une grande marge de manoeuvre pour le prononcé de la sentence.
    Pour l'Association des agents de surveillance de l'Ontario, vous avez dit dans vos déclarations liminaires que vous vouliez ajouter certains détails sur la réinsertion, j'aimerais bien les entendre. Vous avez également dit que si la prison n'est pas un moyen dissuasif, alors pourquoi donc prévient-on chaque contrevenant qu'une infraction aux conditions de leur ordonnance de sursis pourrait mener à une incarcération? Je trouve que c'est convaincant, parce qu'on nous a dit que dans les faits, une peine avec sursis peut parfois être plus sévère qu'une incarcération. On pourrait appliquer cela autant à un contrevenant qui purge une peine avec sursis qu'à quelqu'un qui envisage de commettre un crime et qui se fait prendre. Une peine d'emprisonnement est un moyen dissuasif. Qu'en pensez-vous?
    Je répondrai à cette question, mais auparavant, j'aimerais éclaircir l'observation sur la programmation qui a été faite sur notre manque de ressources. Cette pénurie de ressources dans une collectivité s'appliquerait indépendamment de la surveillance qui s'y trouve. Je voulais éclaircir cet aspect. Si une collectivité n'a pas un certain programme pour les contrevenants, cela représenterait un manque peu importe qu'il s'agisse d'une peine avec sursis, d'une probation ou d'autre chose.
    Maintenant, en ce qui concerne l'effet dissuasif, je voulais simplement dire que ce que nous avons entendu dans d'autres témoignages, ou références ou recherches qui indiquaient qu'il n'y avait aucun effet dissuasif lié à l'incarcération, ce n'est pas notre expérience avec les contrevenants. Nous surveillons des centaines et des milliers de contrevenants. Et pour plusieurs d'entre eux, il s'agit d'un moyen dissuasif.
    Maintenant, pour la gravité de l'infraction et le fait que le juge traduit les valeurs de la collectivité, nous ne traitons pas de ces cas prestigieux à sensation. Nous ne traitons pas seulement ces trois cas, mais tous les cas. Alors nous ne disons pas avoir lu dans le journal une situation horrible, nous voyons tous ces cas. Après avoir vu, par exemple, des centaines et des centaines d'infractions sexuelles graves à l'endroit d'enfants, il vous faudrait dire dans quelle collectivité la sentence du juge traduit les valeurs de cette collectivité. Est-ce que cela reflète la valeur qui est accordée aux enfants? C'est de là qu'émanent nos préoccupations. Nous voyons en fait ces cas, toutes les circonstances — la réinsertion, l'attitude du contrevenant — et c'est la base de nos observations.

  (1745)  

    C'est important.
    Est-ce qu'il me reste une seconde, une minute, ou 30 secondes?
    Il vous reste une seconde, mais je ne sais pas si vous pouvez...
    C'est important, car il y a des personnes qui ont laissé entendre que quelqu'un condamnait les peines avec sursis à cause d'un ou de deux cas prestigieux à sensation, et vous nous dites qu'il y en a des centaines.
    S'il y a, par exemple, des centaines d'agressions sexuelles graves, nous ne parlons pas d'une seule. Si on prend les chiffres pour l'Ontario, si nous les surveillons tous, alors nous saurons qu'il y a beaucoup d'agressions sexuelles graves. Non, il n'y en a certainement pas autant que des fraudes, mais il y en a beaucoup, et si on considère la gravité de cette infraction, on se demande si la peine imposée reflète vraiment les valeurs de cette collectivité. Je remets la chose en question parce que j'espère, du moins personnellement et sur le plan professionnel, que nous accordons plus de valeur à nos enfants et que nous accordons plus de valeur à ces comportements en les considérant inappropriés et dangereux.
    Merci, monsieur Moore.
    Madame Barnes.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie de votre excellent témoignage. C'était très utile.
    Premièrement, je voudrais parler de la façon dont ces projets de loi nous arrivent, et madame Saulis, vous avez mentionné que vous n'avez pas été consultée du tout. Peut-être que pour vous et pour les avocats de la défense, la consultation est ce que vous obtenez d'habitude du gouvernement avant l'adoption d'un projet de loi du gouvernement?
    Oui, l'AFAC a déjà été consultée dans certaines circonstances. Par exemple, pour des projets de loi concernant la Loi sur les Indiens, les Affaires indiennes souvent consultent les principaux organismes autochtones nationaux.
    Nous avons été consultés régulièrement depuis 1992, et j'ai été à Ottawa et à Toronto à maintes reprises pour des réunions avec le ministère de la Justice.
    Avant de venir ici aujourd'hui, j'ai parlé à M. le juge David Orr à Terre-Neuve, qui est le président de la section de droit des juges provinciaux. Je lui ai demandé s'il avait été consulté. Je ne sais pas s'il existe un processus. Il a dit que non, il n'avait pas été consulté sur ce projet de loi.
    Est-ce qu'on vous a consultés? Est-ce que votre organisme a été consulté à propos de ce projet de loi?
    Non.
    Avez-vous été consultés sur certains ou de nombreux autres projets de loi de droit pénal dans le passé?
    Oui, on nous a demandé des contributions et souvent on nous a demandé de participer à des réunions à Ottawa ou à Toronto sur divers projets de loi qui s'annonçaient.
    Je voudrais parler de certaines des questions sur la drogue. Quelle est la différence dans une salle d'audience entre une ordonnance de traitement, une ordonnance de sursis et n'importe quelle autre, disons une probation? Quelle est la différence en matière de processus?
    La différence de processus est ce qui survient comme résultat de la peine prononcée?
    Je voudrais savoir si c'est obligatoire ou par consentement. Quelle est la différence, disons entre rajouter une ordonnance de traitement pour toxicomanie à une ordonnance de probation par rapport à une telle ordonnance de sursis?
    C'est une ordonnance du tribunal. La personne purge une peine, donc ça correspond à l'emprisonnement. S'ils ne respectent pas l'ordonnance, ils sont punis. C'est aussi simple que cela. C'est la même chose que s'ils étaient en prison et se sont fait prendre avec de la drogue — alors ils sont envoyés au secteur d'isolement. Donc il n'y a aucune différence. Ils n'ont pas le choix. Ils doivent respecter l'ordonnance.
    Ce n'est pas vrai en ce qui concerne la probation, car il faut qu'ils soient d'accord.

  (1750)  

    Donc il y a une différence importante entre l'ordonnance de traitement pour toxicomanie en vertu d'une condamnation avec sursis et n'importe laquelle des autres...
    Qu'en est-il pour les agents de probation?
    C'est une question de terminologie concernant la façon dont ils voudraient structurer l'ordonnance et le terme utilisé sur l'ordonnance même, à savoir s'il s'agit d'une ordonnance de sursis ou d'une ordonnance de probation.
    Vous utiliserez le mot « traitement » et vous ordonnerez une ordonnance de sursis. Beaucoup des ordonnances de probation comportent un traitement. Ils demandent du counselling ou des programmes, et ils n'ont pas besoin du consentement du contrevenant pour prendre une ordonnance dans le cas d'une personne en probation. Ils n'ont pas besoin de leur consentement pour prendre une ordonnance dans le cas d'une ordonnance de sursis assortie d'un programme de traitement. Avec la probation, ce serait nécessaire s'ils utilisaient le mot « traitement ».
    S'il s'agissait d'un agresseur sexuel d'enfants condamné à une peine d'emprisonnement avec sursis et une ordonnance de probation, souvent ils vont aller à la même installation et recevoir le même traitement. C'est une question de la nature du problème et du langage utilisé dans l'ordonnance.
    Les principes de détermination de la peine se trouvent dans cet article du projet de loi C-9. Monsieur Roberts, pouvez-vous nous dire si vous êtes d'avis que le projet de loi C-9, avec son libellé actuel, est compatible avec les principes de détermination de la peine qui n'ont toujours pas été modifiés dans le code?
    Ces dispositions sont incompatibles puisqu'elles ne sont pas conformes au principe fondamental de la proportionnalité qui, comme je l'ai indiqué, comporte deux volets. Ce projet de loi supprimerait la capacité de démontrer la culpabilité du contrevenant. En fait, c'est jugé d'avance par le comité parlementaire qui se penche sur la question
    J'aimerais pousser la question un peu plus loin. Ce projet de loi a été renvoyé à notre comité après la deuxième lecture. Cela veut dire que nous ne pouvons pas inclure dans le paragraphe de nouveaux concepts — parce que c'est un projet de loi d'un paragraphe qui a une incidence sur environ 160 dispositions du code.
    Mais dans le projet de loi C-70, nous l'avons fait. Je veux m'assurer que vous dites bien que cela a un impact sur les poursuites pour les actes de gangstérisme, ce qui inclurait les affaires importantes de drogues, les sévices graves à la personne prévus à l'article 752 du Code criminel, et les activités terroristes.
    Je sais que vous avez fait des commentaires touchant directement le projet de loi C-70, mais j'aimerais savoir ce que vous pensez d'un groupe plus restreint. En fait, ces dispositions retirent les infractions contre les biens et d'autres infractions moins graves. En fait la liste devient beaucoup moins importante. Pensez-vous qu'il s'agit d'une bonne décision? Si le Parlement décidait d'exclure certaines des choses dont les agents de probation nous parlent, est-ce que cela serait un choix judicieux? Choisiriez-vous les mêmes actes?
    Oui, mais je crois que vous devez également tenir compte de l'opinion publique. C'est bien joli de dire que les collectivités n'aiment pas ceci ou n'aiment pas cela, j'ai reçu des tonnes de lettres, et ça ne finit pas. Penchez-vous sur la recherche effectuée — en fait le ministère de la Justice a effectué beaucoup de recherches à cet égard. Vous constatez que dans l'ensemble le public appuie les peines d'emprisonnement avec sursis sauf dans les cas de sévices corporels graves, d'agressions sexuelles en particulier, et dans ces circonstances le public s'oppose carrément à cette proposition.
    En fait, ces travaux de recherche ont probablement été effectués pour le gouvernement précédent et le public avait été consulté à l'époque, n'est-ce pas?
    Oui, cette étude avait été faite pour le gouvernement précédent.
    Merci, madame Barnes.
    Monsieur Lemay.

[Français]

    C'est très intéressant comme débat. Premièrement, je vous remercie d'être présents. J'ai plaidé pendant 25 années comme avocat de la défense, dont les 15 dernières en droit criminel exclusivement. J'ai donc vécu, de 1996 jusqu'à 2004 — l'année de mon élection —, les sentences d'emprisonnement avec sursis.
    J'ai une question pour l'Association des agents de probation de l'Ontario. Vous occupez-vous à la fois des probationnaires qui sont en probation après avoir écopé d'une sentence de pénitencier et de ceux qui le sont après avoir écopé d'une sentence au provincial? Est-ce les deux, chez vous?

[Traduction]

    Toute personne qui reçoit une peine de deux ans moins un jour relève du système provincial. Cela inclut les personnes en probation, et toutes les libérations conditionnelles. Il n'y a pas de probation accordée par le gouvernement fédéral, mais il existe au provincial un système de probation, ainsi que des libérations conditionnelles et un système provincial de libération conditionnelle.

  (1755)  

[Français]

    Excellent.
    Alors, j'imagine que vous avez des chiffres. Nous travaillons beaucoup avec des chiffres. En avez-vous? Si oui, combien y a-t-il eu d'échecs d'emprisonnements avec sursis depuis 1996? On sait, dans le système de probation, si quelqu'un, pour telle ou telle autre raison, ne va pas au bout de son emprisonnement avec sursis et retourne devant le tribunal. Avez-vous des statistiques à ce sujet?

[Traduction]

    Parlez-vous des violations?
    Exactement.
    Pour ce qui est des infractions — et je parle ici de l'Ontario — dans la moitié des cas il n'y a pas du tout de détention, dans environ 30 p. 100 des cas la libération conditionnelle est annulée et dans le reste des cas il y aura incarcération.
    Le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels est chargé des statistiques et pourrait probablement vous fournir toutes les statistiques disponibles. Nous en avons quelques-unes, mais nous n'avons pas ces chiffres à portée de la main, par exemple de 1996 à aujourd'hui. Nous n'avons pas les chiffres représentant chaque infraction, mais le ministère provincial pourrait vous fournir ces renseignements.
    Est-ce ce que vous désiriez savoir?
    Je pense, monsieur Lemay, qu'obtenir ces statistiques sur le nombre d'infractions serait très utile au comité.
    Votre question porte sur les infractions et les résultats; certains ont dit simplement que vous recevez une peine et que vous devez la purger. En Ontario, ce n'est pas le cas. Environ la moitié des infractions que nous avons présentées aux tribunaux n'ont pas eu pour résultat des périodes d'incarcération. Comme Don vient de le signaler, au cours des deux dernières années, entre 25 et 32 p. 100 des cas d'infraction ont simplement entraîné une annulation de la libération conditionnelle — ce qui veut dire que le contrevenant doit purger le reste de sa peine derrière les barreaux — et environ le quart d'entre eux ont dû accepter une période de détention.
    Le fait est donc que dans la moitié des cas en Ontario le contrevenant ne fait pas de prison simplement parce qu'il a enfreint les modalités de sa libération conditionnelle. C'est quand même une différence importante si l'on compare à ce qui a été dit ici, soit que si vous enfreignez les modalités vous allez en prison. C'est certainement le message qui est probablement communiqué aux contrevenants afin de les dissuader, mais la réalité en Ontario est bien différente.
    Pardonnez-moi, mais je ne pense pas que c'est ce que l'on a demandé. Je crois qu'on vous a demandé dans combien de cas il y avait infraction aux modalités de libération conditionnelle. On ne vous demandait pas ce qui se passait après l'infraction, mais plutôt dans combien de temps cas y avait-il violation.
    Je suis convaincu que nous pourrions obtenir ces renseignements.
    Nous avons répondu à cette question. Nous n'avons pas ces chiffres, c'est le ministère qui dispose de ce genre de renseignements.
    Je pense qu'il serait bon d'essayer d'obtenir ces renseignements du ministère.
    Nous verrons ce que nous pouvons faire.

[Français]

    Oui, madame Joncas.
    Je voudrais simplement attirer l'attention sur ce qu'est un manquement. Un manquement peut être qu'un individu, après avoir respecté toutes les conditions pendant un an, arrive 20 minutes en retard. Il s'agit alors d'un manquement. On comprend que ce n'est pas une nouvelle infraction. Alors, il faut faire vraiment la part des choses quant à ce que l'on qualifie de manquement, bien que chacun des manquements peut mener à des accusations.
    Je suis d'accord avec vous.

[Traduction]

    Merci, monsieur Lemay. Malheureusement vous êtes intervenu au deuxième tour de questions et vous disposez donc d'un peu moins de temps.
    M. Thompson.
    Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. J'essaierai d'être bref. Je sais que nous disposons de peu de temps.
    Ma question s'adresse au Conseil canadien des avocats de la défense; monsieur Bloos, vous avez dit en début d'exposé que vous avez consulté toute une liste de gens — vous avez parlé de juges, d'avocats, de procureurs, d'agriculteurs, d'enseignants, d'administrateurs scolaires, de gens qui travaillent au dépanneur 7-11, chez McDonald's — mais je n'ai pas entendu parler des victimes. Pourquoi n'allez-vous pas consulter les victimes et les autres personnes qui ne font pas partie de ces catégories des juges, avocats ou procureurs?
    Nombre de mes clients sont des victimes. Il s'agit des familles de mes clients, des et des enfants. Lorsque le mari ou le père s'en va en prison, ils doivent dépendre du système d'aide sociale ou être expulsés de leur maison; ils sont ainsi des victimes. On en entend peu parler, mais je suis en contact quotidien avec eux. Les enfants sont mis à l'index à l'école en raison des rapports médiatiques, les familles sont bouleversées, pas parce qu'ils ont fait quoi que ce soit de mal, mais parce qu'un membre de leur famille a fait quelque chose d'illégal même si eux n'avaient rien à voir avec ces actes. En droit il existe un critère, celui de la personne raisonnable, et nous y avons recours. Cela veut dire qu'une personne qui est pleinement au courant des circonstances...

  (1800)  

    Merci. Vous avez répondu à ma question.
    Il y a effectivement le groupe des victimes de la famille de l'auteur de l'acte criminel. Mais il y a aussi d'innombrables victimes qui n'ont aucun lien avec lui, et je n'ai entendu personne parler en leur nom. Je veux dire par là que les victimes de la criminalité sont en général favorables à ce projet de loi. La population dans son ensemble y est favorable. Les contribuables, les gens ordinaires qui payent la note vous le diront — je le sais parce que je parle à tout le monde —, nous paierons la facture s'il faut construire de nouvelles prisons; nous voulons que le problème soit réglé. La probation, c'est très bien...
    Je suis ici depuis 13 ans et je me suis beaucoup occupé de crimes commis contre des enfants. Je suis heureux de constater l'attention que leur accorde ce groupe et les officiers de police chargés d'appliquer la loi. Je pense que la population en a assez d'entendre parler de ces criminels assignés à résidence. Je trouve étonnant de vous entendre parler de la différence entre le sursis et les rigueurs de l'incarcération. Pourtant, j'entends dire que les détenus regardent la télévision, qu'ils ont des douches, un bon lit chaud, et qu'ils peuvent aller et venir à leur guise. L'opinion concernant l'assignation à résidence, qui est pratiquement l'équivalent du sursis, me semble bien différente. Je ne sais pas pourquoi il en est ainsi, mais vous pourrez peut-être apporter une réponse ou faire un commentaire à ce sujet.
    J'aimerais poser une autre question. Madame Saulis, vous avez raison de parler des causes fondamentales de la criminalité. Personne ne peut en disconvenir. Je peux vous assurer que nous sommes tous convaincus de l'utilité du sursis; dans bien des cas, tout est préférable à l'emprisonnement. Cela ne fait aucun doute. Nous en sommes convaincus.
    Mais autrefois, lorsque je voyageais dans tout le pays pour le chef de notre parti, j'ai passé beaucoup de temps avec des Autochtones ordinaires de toutes les régions du pays et j'ai fréquenté la coalition de l'imputabilité, qui est gérée par des femmes autochtones. Lorsqu'il était question de dispositions comme l'article 718, je crois, j'entendais très souvent dire: « Pourquoi la justice nous traite-t-elle comme des citoyennes de deuxième classe? Pourquoi n'impose-t-on pas des peines plus lourdes à ceux qui s'en prennent à nous, qui sommes généralement d'origine autochtone? Pourquoi leur accorde-t-on tant d'attention? »
    Voyez-vous, il y a bien des questions qui sont posées par des gens dont nous n'entendons jamais parler, par les garçons et les filles, les hommes et les femmes qui sont victimes de ces actes criminels.
    Monsieur Bloos, je comprends le problème de la famille. C'est sans aucun doute une situation regrettable.
    Mais on nous ramène toujours les mêmes arguments. On nous dit: « Il faut s'en prendre aux causes fondamentales de la criminalité, on veut une possibilité de réinsertion, on veut tout cela. Mais vous, qui faites partie du comité de la justice, vous arrivez avec une loi qui laisse de côté les causes fondamentales de la criminalité, etc. » Mais que faites-vous de celui qui s'écarte du droit chemin. Moi, je suis convaincu que pour la population, le projet de loi C-9 est un pas dans la bonne direction.
    Je suis de la première nation tobique du Nouveau-Brunswick et j'ai travaillé pendant trois ans aux Services correctionnels. J'ai participé au groupe consultatif sur les politiques, puis j'ai travaillé en milieu carcéral auprès des hommes et des femmes autochtones dont nous parlons aujourd'hui.
    Ce sont les causes fondamentales de la criminalité qui font que ces gens-là se retrouvent en prison. C'est à cause du chômage, du manque d'éducation et de l'insuffisance des ressources dans les collectivités autochtones, qui bien souvent sont isolées, et dont les membres sont privés de contact avec leur famille et avec leur culture.
    Et lorsqu'ils se retrouvent en prison, ils étouffent... Il suffit de voir la surreprésentation des Autochtones en milieu carcéral. Ce sont les causes fondamentales de la criminalité qui font que ces Autochtones se retrouvent en prison.

  (1805)  

    Rappel au Règlement, monsieur le président.
    Je pourrais ajouter qu'à plusieurs reprises, on m'a dit que l'alcool et les drogues sont derrières toutes ces choses-là.
    Non, ce n'est pas vrai. La cause fondamentale principale est...
    C'est ce que le Service correctionnel m'a dit à plusieurs reprises.
    J'ai travaillé à la Direction des questions autochtones au Service correctionnel du Canada, et je viens d'une communauté.
    La cause fondamentale n'est pas tout simplement l'alcoolisme et la toxicomanie. Ce sont les pensionnats et ce qu'on appelle le « scoop » des années 60 — ces choses ont un effet d'une génération à l'autre. Le système de protection de la jeunesse est un autre aspect. Le manque d'occasions pour des programmes, comme une bonne éducation et des programmes pour les toxicomanes...
    Rien au Service correctionnel du Canada ou dans le cadre de notre système judiciaire n'est pertinent d'un point de vue culturel. Et si quelque chose l'est, c'est utilisé par moins de 25 p. 100 de la population. Il faut mettre en place des programmes.
    Au moins les peines d'emprisonnement avec sursis permettent à ces gens de saisir l'occasion de retourner à leur racines, de retourner au sein de leurs collectivités, et on s'occupe d'eux d'une façon qui respecte notre culture et nos traditions. Et ça...
    Je comprends pourquoi vous n'êtes pas d'accord avec cela, mais c'est ce que m'ont dit des hauts fonctionnaires qui sont au sein du Service correctionnel depuis fort longtemps.
    Oui, et je ne fais que vous dire que je suis quelqu'un qui a travaillé au sein de ces établissements avec ces gens.
    Je parle aux mêmes gens, aux personnes qui travaillent dans ces établissements, le même genre de personnes, qui ne sont pas d'accord avec vous.
    Je suis Autochtone. Je viens d'une collectivité où on a dû faire face à ces problèmes, et oui, l'alcool et la toxicomanie sont des facteurs, mais ensemble ils ne sont qu'un des facteurs. Il faut examiner les choses comme les pensionnats, le syndrome d'alcoolisation foetale, et les questions de santé mentale. Ce sont les raisons fondamentales pour lesquelles les Autochtones se retrouvent en prison. Aujourd'hui, vous pouvez regarder le rapport de l'enquêteur correctionnel qui vient d'être publié. Howard Sapers, l'enquêteur correctionnel, vient de publier un document complet, toute une section qui porte sur la discrimination contre les Autochtones au sein du système judiciaire, et si vous le consultez, vous trouverez la réponse à toutes vos questions.
    Merci, madame Saulis.
    Monsieur Bloos, voulez-vous répondre à M. Thompson?
    Je vous signale qu'on nous a informé que divers témoins voulaient partir à 18 heures. Pouvez-vous rester encore un peu?
    Ça serait bien dommage de partir.
    Bien. J'espère que vous resterez. Je pense que nous avons une bonne discussion avec M. Bloos.
    Je pense que M. Thompson et moi-même ne voyons pas la chose du même oeil. Ce qu'on nous dit aujourd'hui, c'est que quand on donne aux citoyens tous les renseignements et qu'on leur demande quel type de peine ils imposeraient, leur sentence se rapproche beaucoup de celle qui a été imposée par le juge. Si on commence à adopter des lois au Canada en fonction du sensationnalisme étalé dans les journaux, il faut mieux renseigner la collectivité. On ne cesse de nous répéter que la dissuasion n'empêche personne de commettre des crimes. La plupart de mes clients ne réfléchissent pas. Beaucoup d'entre eux sont des jeunes qui ont agi stupidement et qui doivent maintenant en payer le prix, du fait qu'ils sont condamnés et qu'on leur inflige une peine.
    Je dirais la même chose que mon collègue du milieu autochtone. Dans le Nord, ces délinquants restent dans leur collectivité. Ils travaillent avec les aînés. Ils s'instruisent, suivent une cure de désintoxication et apprennent à respecter les femmes, puisque c'est l'un des grands problèmes dans le Nord, le fait que les hommes ne respectent pas les femmes. Tout cela se fait dans le contexte d'un emprisonnement avec sursis. S'ils sont incarcérés, ils ne sont plus dans leur collectivité. Ils ne sont pas confrontés à leurs problèmes. Ils ne travaillent pas avec les aînés et n'apprennent rien. À leur retour, ils ne sont pas meilleurs qu'à leur départ.
    Quand on parle de cette ordonnance, il ne s'agit pas de savoir ce que souhaite la collectivité. Je voudrais bien que la collectivité soit bien renseignée, pour pouvoir ensuite l'écouter, puisque ce dont vous avez parlé représente un faible pourcentage des peines pour lesquelles on a donné des statistiques au comité. Je comprends que les peines dont nous parlons dans le projet de loi C-9 ne représentent que 3 p. 100 des peines infligées chaque année au Canada. Il y a 5 p. 100 de peines d'emprisonnement avec sursis, ou quelque chose comme ça, peut-être 8 p. 100, et il y a aussi les peines plus longues pour ces catégories d'infractions, soit environ 3 p. 100.
    On n'a pas à réparer l'appareil s'il n'est pas en panne, comme je l'ai déjà dit. Je pense que tout fonctionne très bien. Nous avons un bon système judiciaire au Canada. Tous les jours, les juges font de leur mieux pour trouver la bonne solution, dans chaque cas. Des erreurs sont parfois commises. C'est alors que j'interviens. Je fais appel. Mais ils essaient vraiment de trouver la bonne solution. Ils lisent les journaux, ils écoutent les plaintes de leurs voisins. On parle constamment dans les journaux des peines légères données à tel ou tel délinquant. Ils en sont bien conscients. Ils essaient de rendre justice dans chaque cas, en fonction des renseignements qui leur sont fournis.

  (1810)  

    Madame Pate, rapidement.
    Merci.
    Au sujet des victimes, les membres de votre comité, comme les autres membres du comité le savent bien, notre organisation et l'Association des femmes autochtones du Canada travaillent auprès des femmes qui sont victimes autant que délinquantes. D'après notre expérience, la plupart des gens sont mal informés s'ils ne se fient qu'aux médias; ils ne savent pas tout, il leur manque de l'information. D'après notre expérience aussi, les victimes sont plus souvent des femmes, surtout des femmes autochtones, quand on parle de ces infractions graves. Un rapport récent sur les victimes et la criminalité chez les femmes autochtones était assez éloquent. Je tenais simplement à rappeler ce qu'a dit M. Saulis au sujet du rapport publié aujourd'hui.
    Et n'oublions pas que certains députés du parti qui propose cette mesure législative ont fait des erreurs manifestes en en parlant. Si on se fie seulement à ce que vous dites aux gens, sans les renseigner d'abord, nous travaillons à partir d'une prémisse trompeuse. À mon avis, si les gens étaient bien renseignés, s'ils comprenaient pourquoi une peine est imposée, ils seraient en faveur de ce genre de peine. C'est certainement ce que nous avons constaté quand nous avons travaillé avec les victimes et avec ceux qui travaillent pour l'appareil judiciaire, y compris les policiers.
    Merci.
    C'est maintenant à M. Merasty.
    Ma question s'adresse à Jolene, Kim ou Lucie. Je suis moi-même d'une collectivité des premières nations et j'ai grandi dans une réserve et je comprends qu'il y a des obstacles systémiques qui contribuent à des taux d'incarcération plus élevés chez nous. C'est en réaction à cela qu'on a notamment adopté des mesures de justice réparatrice.
    Je pense que le projet de loi C-9 élimine en bonne partie les mesures de justice réparatrice, ou pourrait le faire, parce que bon nombre des infractions s'y trouvent inscrites. Vers quels autres mécanismes pensez-vous qu'on pourrait se tourner si le projet de loi C-9 est adopté et que la justice réparatrice n'est plus une possibilité?
    Je sais que dans ma collectivité, nous recevons des tribunaux volants et parfois, avant même d'atterrir, le juge, les procureurs et les avocats de la défense se sont entendus sur l'issue des...
    J'aimerais corriger une observation que vous venez de faire. Le projet de loi n'élimine pas complètement la justice réparatrice, pas plus que l'emprisonnement avec sursis.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président, vous empiétez sur le temps donné au député.
    Je sais, je voulais simplement éliminer un malentendu, cela va de soi.
    Non. En grande partie, quand je considère une bonne part des cas de justice réparatrice que l'on voit là-bas... Prenons Hollow Water, dont le ministre a parlé plus tôt, à votre comité. Il ne savait pas exactement ce qui allait se produire. Le ministre n'était pas tout à fait au courant, lui-même.
    Le fait d'être isolé, de ne pas avoir de tribunaux sauf ceux qui viennent par avion... vers quels autres mécanismes pensez-vous pouvoir vous tourner, si celui-ci ne fonctionne plus ou s'il est éliminé?
    Je crois qu'il y a d'autres mécanismes. On a déjà recouru à la probation et à d'autres solutions. Mais en réalité, l'emprisonnement avec sursis est maintenant bien ancré dans notre système et c'est l'option qui est la plus probablement retenue pour les cas les plus graves, comme ceux que nous avons vus dans les collectivités autochtones et les collectivités du Nord qui voulaient ce genre de mesures. Voilà pourquoi on y a recours davantage et Jolene peut me corriger si j'ai tort, c'est dans ces cas-là que nous pouvons écouter l'avis des aînés et d'autres membres des collectivités où le prédateur...
    Les gens des services de probation nous ont étonnés en parlant de centaines de cas de ce genre. Nous ne sommes pas au courant de centaines de cas de sévices sexuels contre des enfants, dont le contrevenant fait l'objet d'un emprisonnement avec sursis. Je voudrais bien voir les statistiques, moi aussi.
    Ce qui se passe, en fait, particulièrement dans le Nord et dans les collectivités autochtones, c'est que les aînés, qui ont droit au respect de leurs concitoyens, se font demander leur soutien et leur avis au sujet de la détermination de la peine. S'ils disent qu'un tel est là depuis quelque temps et qu'il ne peut pas rester, il ne sera pas accepté par sa collectivité et il ne pourra pas y purger son emprisonnement avec sursis. Il y a donc une élimination préalable.
    Certains avocats demanderont l'emprisonnement avec sursis pour ces délinquants, et ils l'obtiendront, dans quelques cas. Je présume que des conditions très strictes leur sont alors imposées et qu'ils ne peuvent probablement pas rester dans leur propre collectivité, d'après ce qu'on m'a raconté.
    Bien entendu, il y a des préoccupations. Les groupes de femmes, le nôtre comme celui des associations de femmes autochtones, ont exprimé des préoccupations au fil des ans au sujet de l'indulgence dont on fait preuve dans certains cas de violence misogyne.
    Le fait qu'il y ait une discrimination systémique existante dans l'appareil judiciaire et que certains juges aient des préjugés, cela n'a rien de nouveau. Il y a eu de nombreux rapports sur la justice autochtone qui l'ont confirmé. Il reste qu'une élimination arbitraire de l'emprisonnement avec sursis, dans le cadre du projet de loi C-9, ne réglera pas le problème, bien au contraire.

  (1815)  

    Voilà. Elle a tout dit.
    Y a-t-il d'autres questions?
    Je crois que l'un des principaux problèmes... On en vient à la notion de symptôme. Vous savez, les crises cardiaques tuent; les problèmes cardiaques sont le symptôme...
    Il y a d'autres facteurs qui doivent intervenir dans la discussion que nous avons eue tout à l'heure.
    Compte tenu des arguments de Mme Barnes, que pouvez-vous recommander? À l'étape de la deuxième lecture, quels amendements pouvez-vous recommander au comité?
    Je le répète, il faut tenir des consultations. L'élimination du sursis, qu'on l'appelle ainsi ou autrement — pour moi, c'est une élimination — aura de graves conséquences pour les Autochtones. Elle va aggraver la surreprésentation des Autochtones devant la justice.
    Nous constatons toujours une insuffisance de programme. Ce sont toujours les Autochtones qui sortent de prison les derniers. On leur impose toujours un niveau supérieur de sécurité, souvent le maximum -- 60 p. 100 des femmes autochtones sont dans des prisons à sécurité maximale, et 46 p. 100 dans des prisons à sécurité moyenne.
    Je pense que vous devriez consulter les organismes qui sont les porte-parole de ces femmes. Il est certain qu'en milieu carcéral... On entend constamment dire: « Mais qui va les écouter? » Si elles ne peuvent pas s'exprimer, il va falloir que je parle en leur nom. Il faut consulter, écouter les récits de ces femmes, se renseigner... Encore une fois, j'en reviens aux causes fondamentales de la criminalité pour lesquelles elles sont en prison. La consultation vous permettra au moins de dire que vous avez pris le temps de les écouter, de vous pencher sur le problème de surreprésentation des Autochtones en milieu carcéral, et que vous avez pris une certaine orientation pour aborder les problèmes des femmes autochtones dans le contexte du projet de loi C-9.
    Je reste convaincue que la consultation est la voie à suivre.
    Merci, monsieur Merasty.
    Monsieur Petit.

[Français]

    Ma question s'adresse à M. Bloos ou à M. Rady. Il y a un problème que j'essaie de m'expliquer. Vous dites que c'est plus facile d'utiliser les peines avec sursis. Or, à Montréal, présentement, il y a des gangs de rue. Tout à l'heure, j'ai entendu quelqu'un mentionner que les criminels ne connaissent pas la loi. Ils se servent de jeunes âgés de moins de 14 ans parce qu'ils savent que la punition sera moins sévère. Donc, les jeunes servent à faire le trafic de la drogue, et cela se propage dans toutes les rues de Montréal. Il y a même un représentant du Bloc qui a écrit un livre spécifiquement sur ce sujet. La situation est devenue endémique.
    Pourtant, dans la vente de drogues, il n'y a pas de violence. On fait seulement des transactions, etc. Par contre, cela mène à la prostitution, au vol, aux attaques à l'endroit de personnes âgées, etc. Je sais que, effectivement, on tend à surprotéger les prévenus, mais moi, je parle au nom des victimes, car il y en a beaucoup plus que vous ne le croyez, par exemple les gens qui tombent dans la drogue et la prostitution. À Québec, nous avons connu cela pendant deux ans et c'était effrayant. Je ne vous souhaite pas de passer par là. Tout le système était contaminé.
    Vous dites qu'il y a une surreprésentation de personnes d'origine autochtone. On sait très bien que la plupart des Autochtones — Mme Saulis l'a dit tout à l'heure — n'ont pas beaucoup d'argent, qu'ils sont très pauvres. Vous travaillez avec des mandats d'aide juridique. Quelle réaction avez-vous dans le cas d'un mandat d'aide juridique? La première consiste à plaider coupable parce que c'est plus rapide que de faire un procès. Alors, beaucoup d'Autochtones se retrouvent en prison parce que les montants consentis par l'aide juridique ne sont pas allez élevés pour vous permettre de les défendre.
    J'aimerais vous entendre à ce sujet.

  (1820)  

[Traduction]

    Je peux peut-être répondre.
    Je travaille beaucoup pour l'aide juridique. Je représente de nombreux Autochtones qui passent par l'aide juridique ou qui acquittent eux-mêmes mes honoraires. Je ne fais aucune différence entre les deux catégories dans la façon dont je les traite.
    Le problème, apparemment, c'est que tous ceux qui consultent un avocat criminaliste s'attendent à ce qu'il les représente en justice, qu'eux-mêmes aient choisi de plaider coupable ou de demander un procès. Ils bénéficient tous de la présomption d'innocence.
    En ce qui concerne la surreprésentation des Autochtones, il y a deux réserves à proximité de London, dont je suis originaire, et les Autochtones sont surreprésentés dans la mesure où, par rapport à l'ensemble de la population, ils sont plus nombreux que les non-Autochtones à être accusés d'une infraction. Je ne sais donc pas comment répondre à cette question, car il semble qu'au départ, les accusés autochtones soient très nombreux. Évidemment, en un sens, je représente plus d'Autochtones — puisqu'il font partie de l'ensemble de la population — que de non-Autochtones. Je ne sais pas si cela répond véritablement à votre question.
    Quant à ce que nous sommes sensés faire, il ne s'agit pas simplement de conclure une entente. C'est parfois le cas, mais il faut en toute circonstance veiller à ce que l'accusé soit traité équitablement par la justice. Et c'est ce que nous essayons d'obtenir dans tous ces cas. C'est à l'avocat de la défense de déterminer s'il faut opter pour le procès ou le plaidoyer de culpabilité, d'essayer d'obtenir une sentence moins lourde, qui soit équitable et juste pour l'accusé.
    J'aimerais ajouter un commentaire.
    En ce qui concerne l'exemple que vous avez donné au sujet des gangs de rue, en commençant par le jeune de 14 ans jusqu'en haut de la hiérarchie, je peux vous dire qu'en Alberta les contrevenants qui viennent tout juste de s'y joindre et qui sont encore jeunes et ignorent ce dans quoi ils se sont embarqués, si leur implication est mineure, pourraient être admissibles à une ordonnance de probation. Notre Cour d'appel a bien précisé que quiconque est impliqué dans le trafic de stupéfiants à des fins commerciales sera emprisonné. En Alberta, il n'existe aucune possibilité d'ordonnance de probation pour ce genre d'infraction en raison des décisions d'appel rendues par notre tribunal, quoique cela s'applique aussi aux Territoires du Nord-Ouest. Je suis sûr que la situation est la même en Saskatchewan.
    Lorsque vous avez affaire à ce genre de jeunes qui ne savent pas ce qu'ils sont en train de faire et qui se font entraîner dans ce genre d'activité à cause d'un ami et qu'ils se trouvent dans la voiture un soir en train de vendre de la drogue à quelqu'un et qu'ils se font attraper, ce sont ceux que l'on peut encore réchapper. Ce sont ceux que l'on peut aider. Parfois, dans de bonnes conditions, ils peuvent faire l'objet d'une ordonnance de probation, mais autrement, du moins en Alberta et dans l'Ouest, ils ne feront pas l'objet d'une ordonnance de probation pour ce genre d'infraction. Ils seront traités très sérieusement. Les gangs représentent un problème à Edmonton et à Calgary. La collectivité est inquiète et les peines imposées ne seront pas légères pour les membres des gangs, ça je peux vous le dire.
    Je vous remercie, monsieur Petit.
    Avez-vous une autre question?
    Oui.
    Vous devrez peut-être la garder pour le prochain tour.
    Monsieur Lee.
    J'ai trouvé très intéressante la discussion qui s'est déroulée ici cet après-midi.
    J'étais peut-être déjà arrivé à cette conclusion avant d'assister à la séance d'aujourd'hui, mais cette séance ne fait que la confirmer, à savoir que nous savons tous que ce projet de loi n'élimine pas la peine d'emprisonnement avec sursis. Cela n'a jamais été l'objectif visé. Il serait faux de prétendre le contraire.
    La portée des dispositions de ce projet de loi va nettement au-delà de toute approche rationnelle en vue de concevoir un régime de détermination des peines parce qu'elle inclut entre autres l'utilisation non autorisée d'un ordinateur — je le répéterai — le vol de bétail. Le président a signalé qu'une infraction terroriste mettant en cause une vache et nous mettrait dans une situation vraiment sérieuse.
    Cet aspect me dérange de même que les critères. Autrement dit, l'utilisation du critère d'une peine maximale de 10 ans est loin d'être raisonnée, au point d'en devenir irrationnelle, compte tenu de la liste des peines maximales prévues par le Code criminel.
    Nous nous trouvons donc dans une situation très difficile parce qu'on s'attend à ce que nous soyons raisonnables et rationnels lorsque nous concevons des lois et que nous en assurons l'application. Je considère que la seule façon de s'en tirer, c'est de rejeter le projet de loi. Pourtant, la population semble vouloir un projet de loi. Certaines personnes veulent se débarrasser de la peine d'emprisonnement avec sursis, mais le gouvernement ne le fera pas et je ne veux pas le faire pendant que je suis dans l'opposition, et que les spécialistes du domaine disent tous qu'il ne faut pas le faire.
    J'aimerais poser la question suivante à M. Roberts. Existe-t-il une solution miracle? Je sais que vous avez fait certaines suggestions. Existe-t-il une solution simple ou rapide qui nous permettrait de présenter une mesure raisonnée afin que les juges la comprennent et que le public puisse constater un changement qui répond aux besoins politiques qui existent tout en permettant aux collectivités autochtones de poursuivre le bon travail qu'elles ont fait en matière de détermination des peines et atteindre certains des autres objectifs visés?

  (1825)  

    Selon moi, une solution simple consisterait à dire au gouvernement de retourner faire ses devoirs. Si le projet de loi ne permet aucun pouvoir judiciaire discrétionnaire, il ne s'agira pas d'un texte de loi efficace. Il ne permettra pas d'atteindre les objectifs visés, comme je l'ai mentionné.
    Une solution consisterait à faire de la sentence une sentence présomptive; dans le cas d'une infraction punissable par mise en accusation, prévoyant une peine maximale de 10 ans ou plus, on pourrait présumer que le contrevenant ne recevra pas de peine d'emprisonnement avec sursis, ou un libellé de ce genre. Cela permettrait à un tribunal dans des circonstances exceptionnelles, par exemple dans le cas d'un contrevenant autochtone, si le tribunal privilégie la justice réparatrice, et bien entendu la peine d'emprisonnement avec sursis est une peine hybride — punitive et réparatrice — d'imposer une peine d'emprisonnement avec sursis dans un tel cas, indépendamment du libellé de la loi. C'est une façon de procéder. Vous pourriez permettre aux tribunaux une certaine souplesse, la possibilité d'imposer une peine d'emprisonnement avec sursis, même s'il existe une forte présomption législative contre ce genre de peine.
    Est-ce que nous devrions nous fier à la Constitution et au libellé parallèle de la charte pour permettre aux collectivités autochtones d'avoir accès à ce genre d'arrangement particulier?
    Je ne le crois pas, parce que l'alinéa 718.2e) a résisté... Cette disposition pourrait être invoquée pour annuler la présomption contre la peine d'emprisonnement avec sursis dans le cas d'un contrevenant autochtone pour lequel les objectifs de justice réparatrice sont privilégiés par le tribunal.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Vous avez 30 secondes.
    J'aimerais aborder la question de l'aide juridique et des répercussions de l'absence de ressources en matière d'aide juridique, et je pourrais peut-être parler à l'avocat de la défense. Habituellement, du moins dans ma province, c'est-à-dire l'Ontario, les professionnels de l'aide juridique me disent que même si ces ressources ne sont pas suffisantes, elles sont habituellement consacrées aux contrevenants qui risquent l'emprisonnement. Quelles seront les répercussions de ce projet de loi sur ceux qui veulent obtenir de l'aide juridique afin de pouvoir être représentés ou risquent-ils de ne pas être représentés?
    Cela aura évidemment des conséquences plus importantes, parce que l'un des critères pour obtenir de l'aide juridique, du moins en Ontario, c'est la forte possibilité d'emprisonnement. Si cette disposition accroît la possibilité d'emprisonnement, il y aura alors un plus grand nombre de personnes qui auront recours à l'aide juridique. À l'heure actuelle, la province de l'Ontario accuse un manque de 10 millions de dollars en aide juridique pour cette année, et c'est simplement à ce moment-ci de l'année étant donné que l'exercice financier de l'Ontario se termine à la fin de mars. Cela entraînera donc des pressions accrues sur le système d'aide juridique, et je pense que c'est une situation qui sera généralisée dans l'ensemble du pays.
    Je vous remercie, madame Barnes.
    Monsieur Brown, vous avez la parole.
    J'ai une question pour M. Rady.
    Pour reprendre un point soulevé par M. Lee, il ne fait aucun doute que la population tient à ce que des changements soient apportés et veut que le Code criminel soit plus sévère. Pouvez-vous me donner des exemples d'une infraction pour laquelle vous considérez qu'une peine d'emprisonnement avec sursis n'est pas justifiée?
    N'est pas justifiée?
    Y a-t-il une infraction dans la liste présentée dans ce projet de loi qui...

  (1830)  

    De toute évidence, il y a ce qui est prévu à l'heure actuelle. Mais l'une des choses que nous ne devons évidemment pas oublier, c'est que s'il y a une peine minimale obligatoire, ces peines ne peuvent pas être des peines d'emprisonnement avec sursis. Des modifications ont été apportées au Code criminel en novembre dernier à un grand nombre d'infractions, entre autres en ce qui concerne les prédateurs sexuels qui s'en prennent aux enfants, les contacts sexuels et les attouchements. Des peines minimales obligatoires ont été imposées pour ce genre d'infractions, bien qu'elles soient faibles, qui ont déjà éliminé les peines d'emprisonnement avec sursis pour ce genre de crimes.
    Mais en ce qui concerne la loi existante...?
    Pas en vertu de la loi existante, et je vous dirai pourquoi. J'ai même pensé à ce que pourrait être l'accusation la plus grave. C'est probablement l'homicide involontaire. Un homicide involontaire peut être le cas d'un monsieur X qui se rend dans un bar avec sa femme ou sa blonde et un monsieur Y fait une remarque désobligeante, suite à quoi M. X frappe M. Y. M. Y meurt. Il s'agit d'un simple coup de poing, et tout ce qu'il a fait... M. X recevra peut-être une peine avec sursis, ou peut-être pas dans les circonstances que j'ai décrites. Évidemment, l'homicide involontaire peut vouloir dire une infraction beaucoup plus violente que l'exemple que je vous ai donné.
    Prenons un cas qui a déjà été mentionné, soit la conduite en état d'ébriété causant la mort. Prenez deux amis. Le conducteur de la voiture a subi un grave traumatisme crânien mais il a néanmoins retenu assez de fonctions pour comprendre le processus judiciaire. Emprisonner cet homme reviendrait à le tuer, mais une peine avec sursis, aux yeux de la société, ne serait probablement pas une punition adéquate car, après tout, la personne a causé la mort d'un autre. Dans ce cas-là, une ordonnance de probation représenterait peut-être la voie du milieu.
    Tout ce que je dis c'est que s'il s'agit d'une infraction grave, il n'y a aucune raison de ne pas imposer une peine sévère, car c'est possible de le faire aujourd'hui. Nous ne changeons pas le pouvoir des juges d'incarcérer des contrevenants. Ça se fait déjà. Tout ce que nous faisons c'est de donner un autre outil aux juges.
    Vous avez dit qu'il y a toutes sortes de vols qualifiés. Par exemple, un contrevenant qui commet un crime pour la première fois jette un enfant en bas de sa bicyclette et s'empare de la bicyclette. Cette personne répète son action à plusieurs reprises et le fait de façon violente. Croyez-vous que dans un cas comme celui-là il serait approprié d'imposer une peine d'emprisonnement avec sursis?
    Je ne sais pas si c'est approprié, mais si le contrevenant tire le gamin de sa bicyclette une fois, le juge pourra choisir la peine. Si le contrevenant donne plusieurs coups de pied au gamin et s'il est violent, il pourrait poser un danger à la communauté, il est peu probable qu'un juge imposerait une ordonnance de probation, car le procureur de la Couronne s'y opposerait sérieusement. Donc non, ce n'est pas approprié. Mais si c'est une peine que nous voulons utiliser, elle s'appliquerait aux infractions plus graves ainsi qu'aux infractions moins graves, à moins qu'on examine de plus près ce qu'est exactement un vol qualifié. Voilà le noeud du problème: les infractions peuvent comprendre toutes sortes de choses.
    Le Code criminel prévoit l'emprisonnement avec sursis depuis environ 1996. Étiez-vous d'avis que le code était insuffisant avant cette date?
    Je dois vous dire qu'à l'époque je trouvais que parfois les gens étaient emprisonnés parce qu'ils avaient fait quelque chose qui méritait une condamnation avec sursis et une probation. Cependant, l'emprisonnement était trop rigoureux pour certaines de ces personnes, parce qu'il dépassait 90 jours. Ces gens ne pouvaient pas avoir une peine intermittente, donc ils allaient perdre leur emploi, cela aurait eu une incidence sur leur famille, etc. Donc je pense que cette zone intermédiaire nous manquait, et l'emprisonnement avec sursis est venu combler ce vide.
    Merci beaucoup.
    Je tiens à remercier nos témoins d'avoir comparu devant le comité
    Je pense que nous avons eu une bonne discussion qui a touché beaucoup de points qui intéressent les membres du comité.
    Je tiens à vous remercier d'être venus et je m'excuse de nouveau de notre retard.
    Je demande de nouveau à l'Association des agents de probation de l'Ontario de nous fournir les statistiques qu'on a demandées.
    Oui, nous allons le faire.
    Très bien.
    La séance est levée.