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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 059 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 29 mars 2007

[Enregistrement électronique]

  (0905)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte la séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous sommes le jeudi 29 mars 2007 et nous avons à l'ordre du jour la poursuite de notre étude sur le projet de loi C-22, Loi modifiant le Code criminel (âge de protection) et la Loi sur le casier judiciaire en conséquence.
    J'ose dire que nous avons une liste impressionnante de témoins aujourd'hui, en commençant par le premier, M. Paul Gillespie, qui témoigne à titre personnel. M. Gillespie est un expert-conseil et ex-membre de la police de la Ville de Toronto.
    Le Centre canadien de la statistique juridique est représenté par Lynn Bar-Telford, directrice, et par Karen Mihorean, directrice adjointe.
    De l'Association du Barreau canadien, nous accueillerons Mme Tamra Thomson, directrice, Législation et réforme du droit, M. Kevin Kindred, président des divisions, Conférence sur l'orientation et l'identité sexuelles, et Mme Margaret Gallagher, trésorière, Section nationale du droit pénal.
    Nous entendrons également Mme Judy Nuttall, coordonnatrice de White Ribbon Against Pornography, M. Steve Sullivan, du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes, et Martha Mackinnon et Emily Chan, de Justice for Children and Youth.
    Nous allons procéder dans l'ordre où figurent les témoins à l'ordre du jour.
    Monsieur Gillespie, vous avez la parole.
    Monsieur le président, je vous remercie beaucoup.
    Je m'appelle Paul Gillespie. J'étais auparavant à l'emploi du Service de police de Toronto, où j'ai eu la chance de servir la population pendant 28 ans. Durant les six dernières années, j'étais l'officier en charge du service de l'exploitation des enfants de l'unité des crimes sexuels où j'ai eu le grand bonheur de travailler avec un merveilleux groupe. L'équipe a fait de l'excellent travail qui a su inspirer certains des efforts qui sont déployés dans le monde actuellement concernant l'exploitation sexuelle en ligne des enfants.
    Depuis que j'ai quitté le service policier en juin dernier, je travaille auprès d'un groupe sans but lucratif de Toronto que j'ai contribué à mettre sur pied, soit le Kids' Internet Safety Alliance ou kinsa.net. Notre énoncé de mission est simple. Nous nous consacrons simplement à éliminer l'exploitation sexuelle des enfants sur l'Internet et à toutes les questions connexes.
    Durant mes années de travail en tant que policier et, certes, au service de l'exploitation des enfants de l'unité des crimes sexuels, j'ai connu un groupe très talentueux de jeunes agents pour lesquels la technologie n'avait pas beaucoup de secrets. C'est ce qui nous a permis de mener des enquêtes à la recherche de renseignements dans des recoins très obscurs de l'Internet. Certains d'entre eux sont connus sous l'appellation « libertel », « freenet » ou « undernet ». Nous parlons ici des entrailles de l'Internet, des zones presque impossibles à suivre. C'est là que nous avons trouvé le pire du pire. Les pédophiles y puisent leur information, y réfèrent les membres, transmettent l'information et apprennent l'un de l'autre. C'est par ces zones que les plus vils images et films dont nous connaissons malheureusement tous l'existence maintenant entrent sur l'Internet.
    Nous avions des agents expressément affectés à la surveillance des bavardoirs et des groupes de discussion dans ce domaine qui prenaient le pouls de ce qui se passait partout dans le monde. À plusieurs occasions, des membres et des pédophiles du monde entier y préconisaient ouvertement de venir au Canada et s'expliquaient entre eux qu'ici, on peut avoir des relations sexuelles avec un enfant de 14 ans en toute légalité. Ils étaient non pas consternés de l'apprendre, mais émerveillés et surpris de ce laxisme.
    J'ai eu l'occasion de faire des centaines d'exposés sur des questions de sécurité, sur des questions reliées à la sexualité infantile et à l'exploitation sexuelle, devant des groupes d'élèves, des groupes confessionnaux et lors d'assemblées publiques, y compris une réunion qui a eu lieu hier à Brantford. Chaque fois, je demande simplement de lever la main si l'on croit qu'il est légal, pour un cinquantenaire, d'avoir des relations sexuelles avec un enfant de 14 ans. Jusqu'ici, la plupart des Canadiens ne le savent tout simplement pas. Quand vous leur exposez les faits, la plupart du temps, ils sont révoltés et ils comprennent tout à coup que si cela leur arrivait, ils seraient morts de honte. Ils estiment qu'en réalité, cela ne peut pas être. Heureusement et, avec un peu de chance, si le projet de loi à l'étude est adopté, le Canada aura pris une excellente mesure.
    Depuis quatre ans, je travaille de concert avec Microsoft à un logiciel que nous avons développé, appelé système de surveillance de l'exploitation des enfants. Ce travail me fait parcourir le monde alors que je cherche à convaincre d'autres pays d'utiliser le logiciel, qui un jour sera un réseau mondial. Au cours des deux dernières années, j'ai visité six continents et j'ai rencontré des agents actifs dans différents domaines. Je suis fort conscient de ce qui se passe dans ces domaines en ce qui concerne l'exploitation sexuelle des enfants assistée par ordinateur, et cette question est la préoccupation numéro un.
    Le seul thème que j'ai en commun, certes avec mes pairs en exécution de la loi et au sein du gouvernement, est le fait que des hommes adultes ne devraient pas en vérité pouvoir avoir des relations sexuelles avec des enfants. J'espère que c'est un problème que le projet de loi à l'étude réglera.
    C'est tout ce que j'avais à dire.
    Monsieur Gillespie, je vous remercie.
    Nous allons maintenant entendre Mme Lynn Barr-Telford, au nom du Centre canadien de la statistique juridique.
    Je vous remercie, monsieur le président, de l'occasion qui m'est offerte de présenter des données d'intérêt pour votre étude du projet de loi C-22. Vous avez en main l'information dont je vais vous parler.
    Nous allons vous présenter des données de déclarations policières sur les enfants et les jeunes victimes de violence sexuelle au sens du Code criminel, ainsi que des données sur le traitement judiciaire de ces actes de violence.
    Statistique Canada recueille des données à l'échelle nationale sur le nombre global de cas d'infractions sexuelles signalés à la police. On a obtenu d'un sous-ensemble de 122 services de police en 2005 des renseignements sur les caractéristiques des infractions sexuelles signalées à la police, soit l'âge de la victime, l'âge de l'accusé et la relation entre les deux. Bien que ces sous-ensembles nous livrent des renseignements utiles sur les enfants et les jeunes victimes d'infractions sexuelles, nous devons garder à l'esprit qu'ils ne sont pas représentatifs à l'échelle nationale. Nous évoquons les limites des données dans les notes qui figurent au bas des diapositives.
    J'aimerais tout d'abord vous indiquer ce que nous savons de l'activité sexuelle des jeunes d'après les données de l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes de 2000-2001 de Statistique Canada, dans le cadre de laquelle nous leur avons demandé s'ils avaient déjà eu des relations sexuelles avec consentement. Nous avons constaté que 5 p. 100 des jeunes de 12 et 13 ans, 13 p. 100 des 14-15 ans et 41 p. 100 des 16-17 ans avaient déjà eu des rapports sexuels. Parmi les jeunes de 14 et 15 ans sexuellement actifs, 37 p. 100 avaient eu leurs premiers rapports sexuels entre 10 et 13 ans, 36 p. 100, à 14 ans et les 27 p. 100 qui restent, à 15 ans.
    Avant de passer à ce que nous savons des infractions sexuelles au Canada, il importe de reconnaître que, parce que ces actes de violence ne sont pas bien souvent révélés au grand jour, il s'agit de l'infraction la moins susceptible d'être portée à l'attention de la police. Selon les données de l'Enquête sociale générale de 2004 sur la victimisation qui a été menée auprès des personnes de 15 ans et plus, seulement 8 p. 100 des infractions sexuelles sont signalées à la police. On peut penser que les taux de déclaration seraient même moindres dans le cas des jeunes de moins de 15 ans (à la fin de l'exposé, vous trouverez une diapositive supplémentaire illustrant les raisons pour lesquelles il n'y a pas de signalement à la police).
    Passons à la deuxième diapositive. En 2005, on a dénombré environ 26 000 infractions d'ordre sexuel connues de la police, dont approximativement 23 000 étaient des agressions sexuelles et un peu moins de 3 000 d'autres infractions sexuelles, qui comprennent les contacts sexuels, l'incitation à des contacts sexuels, l'exploitation sexuelle, l'inceste, les rapports anaux et la bestialité. S'il est impossible de ventiler ces autres infractions à partir des données des déclarations policières, nous savons par ailleurs, par les données des tribunaux, qu'environ les trois quarts des autres infractions sont liées à des contacts sexuels.
    Les données d'un sous-ensemble de services de police nous indiquent que les infractions sexuelles consistent en des actes criminels dont sont victimes dans une large mesure les jeunes femmes de moins de 18 ans. Dans l'ensemble, dans six cas sur dix de violence sexuelle, la victime a moins de 18 ans. Comme le révèle la diapositive, les jeunes femmes de 13 à 15 ans sont les plus vulnérables.
    En ce qui concerne l'âge des accusés d'agressions sexuelles et d'autres infractions du même ordre où la victime a moins de 18 ans, on constate que, dans les deux tiers des cas environ, l'accusé a 21 ans et plus et n'appartient donc pas à la tranche d'âge d'exclusion. Pourtant, les jeunes hommes de 13 à 17 ans présentent les risques les plus élevés de commettre de pareilles infractions. Vous trouverez à la fin une diapositive supplémentaire sur l'âge des accusés.
    Nous ne pouvons pas prédire ce que sera l'incidence directe de l'adoption du projet de loi C-22 sur le nombre et la nature des infractions sexuelles signalées à la police, mais nous pouvons examiner les cas d'agressions sexuelles où la victime a 14 ou 15 ans. On en dénombre 788 où un accusé a été identifié, selon les données fournies par un sous-ensemble de 122 services de police en 2005. Dans six cas sur dix, l'accusé a 21 ans et plus et, dans le quart environ, l'accusé a entre 16 et 20 ans.
    Notre sous-ensemble de données déclarées par des services policiers nous permet de voir quelle est la relation entre la victime et l'accusé si ce dernier peut être identifié. La majorité des infractions sexuelles contre les enfants et les jeunes sont commises par quelqu'un qu'ils connaissaient — le plus souvent des amis ou des connaissances — , cette proportion s'établissant à 50 p. 100 environ. Un peu plus du tiers de ces actes sont commis par des membres de la famille et un peu plus de 10 p. 100, par des étrangers. Mais nous savons que, lorsque les enfants sont plus jeunes, ils sont plus susceptibles de subir la violence sexuelle d'un membre de la famille. À mesure que les enfants vieillissent et deviennent plus interactifs sur le plan social, ils sont plus enclins à être victimes d'actes de violence sexuelle posés par des amis ou des connaissances.

  (0910)  

    Passons maintenant à la diapositive 4. Voyons les tendances. Nous avons pu, dans notre examen des tendances, examiner des données représentatives des autres infractions sexuelles commises à l'échelle nationale réparties sur seize ans. Nous observons une diminution générale du quart environ du taux de ces infractions entre 1990 et 2005. Toutefois, malgré cette baisse générale, de légères hausses ont été relevées dans trois des quatre dernières années. Le déclin général se rapproche des tendances observées dans les taux de crimes violents qui se caractérisent par des baisses tout au long des années 1990 et par une stabilisation relative depuis 1999. Vous trouverez également, dans les diapositives supplémentaires à la fin de la présentation, de l'information sur les tendances générales en matière d'agressions sexuelles.
    Nous pouvons vous fournir certaines données sur le « leurre » dont il est question dans le projet de loi à l'étude. Ces données proviennent également du sous-ensemble de 122 services de police en 2005. Bien qu'elles ne soient pas représentatives à l'échelle nationale, elles donnent une idée générale des tendances relatives à de pareilles infractions. Entre 2003 et 2005, 116 cas ont été signalés, dont 44 en 2005.
    Nous pouvons aussi vous fournir des renseignements sur la suite donnée aux cas d'infractions sexuelles. Une affaire peut se traiter de trois façons lorsqu'elle est signalée à la police. Elle peut se traiter par mise en accusation, être classée sans mise en accusation ou encore demeurer non classée. En 2005, les autres infractions sexuelles présentaient, après les vols qualifiés, le taux d'inculpation le plus faible (37 p. 100) pour les crimes commis avec violence. Le fait qui mérite d'être signalé, c'est la diminution de 44 p. 100 du taux d'inculpation dans le cas des autres infractions sexuelles entre 1990 et 2005. C'est bien plus que les baisses des taux d'inculpation relatives aux cas d'agressions sexuelles (22 p. 100) et des crimes commis avec violence en général (4 p. 100).
    On doit se rappeler qu'environ 8 p. 100 seulement des agressions sexuelles sont signalées à la police et, comme je l'ai indiqué, que les autres infractions sexuelles comptent parmi les affaires criminelles les moins susceptibles d'être classées par mise en accusation. Une fois que les affaires sont déférées à la justice, à l'exception des homicides et des tentatives de meurtre, les infractions sexuelles sont les moins susceptibles de mener à une condamnation si on les compare aux autres crimes commis avec violence. Dans l'ensemble, 49 p. 100 des crimes commis avec violence mènent à une condamnation, par rapport à seulement 39 p. 100 des agressions sexuelles et à 37 p. 100 des autres infractions sexuelles.
    Bien que les taux de condamnation pour les infractions sexuelles soient faibles, les infractions en question sont frappées de peines plus lourdes en cas de condamnation. En effet, les taux d'incarcération sont plus élevés pour ces infractions que pour les crimes commis avec violence en général. Ainsi, le taux global d'incarcération dans les condamnations pour crimes avec violence s'établit à 35 p. 100, alors qu'il est de 45 p. 100 pour les agressions sexuelles et pour les autres infractions sexuelles. Ces taux sont plus élevés que ceux qui sont observés dans le cas d'homicide, de tentative de meurtre et de vol qualifié.
    Grâce aux données des tribunaux, nous savons aussi que les personnes condamnées pour agression sexuelle ou pour une autre infraction d'ordre sexuel sont plus susceptibles d'avoir une peine d'emprisonnement plus longue que dans les cas d'agressions physiques, y compris les voies de fait graves. Pour d'autres infractions sexuelles comme les contacts sexuels, l'incitation à des contacts sexuels et l'exploitation sexuelle, les peines d'emprisonnement sont plus longues en moyenne que pour les agressions sexuelles. En 2003-2004, en moyenne, la personne condamnée pour une autre infraction sexuelle et qui a reçu une peine d'emprisonnement a eu une peine d'une durée de 529 jours, ce qui représente une hausse de 117 jours par rapport à 1994-1995. En ce qui concerne les crimes avec violence en général, la durée de la peine d'emprisonnement était en moyenne de 212 jours, alors qu'elle s'établissait à 466 jours pour les agressions sexuelles. La durée moyenne d'incarcération est plus longue seulement pour les homicides, les tentatives de meurtre et les vols qualifiés.
    Toutes les agressions sexuelles et les autres infractions d'ordre sexuel sont traitées plus sévèrement si la victime a 11 ans et moins que si elle a entre 12 et 17 ans. Par exemple, 47 p. 100 des cas d'autres infractions sexuelles où la victime avait 11 ans ou moins ont mené à des peines d'emprisonnement. Cette proportion s'établissait à 39 p. 100 pour les autres infractions d'ordre sexuel dont la victime avait de 12 à 17 ans. Que l'accusé soit un membre de la famille ou non influe aussi sur les peines d'emprisonnement. Plus de la moitié des cas où l'accusé est un membre de la famille aboutissent à une peine d'emprisonnement, comparativement à 40 p. 100 environ de ceux où l'accusé n'est pas membre de la famille.
    En résumé, monsieur le président, les données ont révélé que les actes de violence sexuelle sont les infractions les moins susceptibles d'être signalées à la police. Les jeunes femmes de 13 à 15 ans sont les plus vulnérables à la violence sexuelle.

  (0915)  

    Les deux tiers environ des accusés ont plus de 21 ans, alors que la vicitme a moins de 18 ans. Pourtant, les jeunes hommes présentent les risques les plus élevés de commettre de telles infractions.
    Un moins grand nombre de cas d'infractions sexuelles sont classés par mise en accusation, et les infractions sexuelles affichent l'un des plus faibles taux de condamnation. Cependant, s'il y a condamnation, les infractions sexuelles sont traitées avec sévérité par les tribunaux, surtout si la victime est jeune et que l'accusé est un membre de la famille.
    Monsieur le président, voilà qui met fin à mon exposé.
    Vous trouverez une série de points supplémentaires à la fin de la documentation.
    Je vous remercie.
    Madame Barr-Telford, je vous remercie.
    L'Association du Barreau canadien est représentée par trois personnes aujourd'hui. Avez-vous toutes une déclaration à faire, ou un seul d'entre vous prendra-t-il la parole?
    Nous ferons chacun une déclaration de deux minutes environ.
    Fort bien. La formule nous convient, madame Thomson.
    C'est moi qui vais commencer.
    Je vous remercie.
    Si vous voulez bien présenter les thèmes dont nous parleront les deux autres porte-parole, je vous en serais reconnaissant.
    Merci, monsieur le président, de même que les honorables membres du comité. L'Association du Barreau canadien se réjouit d'avoir ainsi l'occasion aujourd'hui de donner son opinion au sujet du projet de loi C-22.
    La lettre qui vous a été envoyée et dans laquelle nous analysons le projet de loi a été préparée par notre section nationale du droit pénal qui comprend à la fois des substituts du procureur général et des avocats de la défense, de même que par la Conférence sur l'orientation et l'identité sexuelles.
    L'Association du Barreau canadien a pour mandat de chercher à améliorer le droit et l'administration de la justice. C'est dans cette optique qu'elle a analysé le projet de loi.
    Je vais demander à Mme Gallagher de vous parler des aspects du projet de loi liés au Code criminel, après quoi M. Kindred vous parlera de ce qui, selon nous, améliorerait encore plus le projet de loi.

  (0920)  

    Comme nous l'avons mentionné dans la lettre dont vous a parlé Mme Thomson, l'Association du Barreau canadien est très consciente qu'il faut protéger les enfants contre l'exploitation sexuelle faite par des adultes. Elle est également très consciente que l'âge actuel de consentement pourrait parfois contribuer à l'exploitation sexuelle.
    C'est un fait que certains jeunes mènent, de manière responsable et saine, une activité sexuelle dans le cadre de relations consensuelles avec des personnes d'à peu près leur âge. Il ne faudrait pas criminaliser cette activité. S'il faut relever l'âge de consentement, il convient également d'accroître l'exception reposant sur la « proximité d'âge ».
    Parce que le projet de loi C-22 le fait de manière équitable, l'Association du Barreau canadien appuie les modifications proposées au projet de loi. Cependant, pour faire en sorte que les objectifs visés par le projet de loi à l'étude sont atteints, il importe que la loi soit appliquée de manière juste et uniforme.
    C'est ce dont vous parlera M. Kindred.
    L'ABC est heureuse d'avoir l'occasion de vous exposer aujourd'hui une question importante sur le plan de l'égalité dans ce domaine également. Il s'agit d'un problème dont le milieu juridique est conscient depuis plus d'une décennie. Il en est maintenant question devant le comité parce que, pour la première fois depuis longtemps, le Parlement traite à nouveau de la question de l'âge du consentement. Je parle des dispositions discriminatoires concernant les relations sexuelles anales à l'article 159 du Code criminel.
    Depuis 1995, les tribunaux ont conclu que l'article 159 enfreint la Charte puisqu'il renferme une disposition discriminatoire à l'égard des hommes homosexuels du fait qu'il stigmatise leur comportement sexuel. On pourrait s'interroger sur la raison pour laquelle cette question est encore problématique si, depuis 1995, les tribunaux nous disent que l'article 159 devrait être invalidé.
    Il n'empêche que les tribunaux, depuis 1995, sont saisis d'affaires mettant en cause l'article 159. Ainsi, ce fut le cas à nouveau en 1998 au Québec, en 2003 en Colombie-Britannique, en 2004 en Alberta et en 2006 en Nouvelle-Écosse. Toutes ces causes sont citées à la note en bas de page 4 de notre mémoire.
    Je fais particulièrement remarquer que, dans l'affaire de 2006 en Nouvelle-Écosse, une personne qui assurait elle-même sa défense a dû en appeler devant la cour d'appel pour faire annuler sa condamnation en vertu de l'article 159.
    En fait, le problème est toujours aussi actuel. Toutefois, sans égard au fait que c'est toujours un problème devant les tribunaux actuellement, le fait qu'une disposition discriminatoire subsiste toujours dans le Code criminel comme tel envoie un message qui est à la fois inapproprié et discriminatoire.
    Nous avons aussi entendu dire qu'il existe certaines résistances à régler une fois pour toutes le problème posé par l'article 159 dans le contexte du projet de loi à l'étude.
    Naturellement, il n'appartient pas à un témoin de dire au comité comment il doit procéder. J'affirmerai donc qu'il existe des moyens pour que votre comité règle le problème de l'article 159 dans le cadre de l'étude que vous êtes en train de faire. Il se peut qu'il faille plutôt que le gouvernement et le ministre aient la volonté politique de soit modifier le projet de loi ou de traiter de l'article 159 de manière distincte.
    L'ABC a pour position ferme que la pleine égalité exige l'abrogation de l'article 159 et qu'il est maintenant temps de le faire.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie.
    De White Ribbon Against Pornography, nous allons maintenant entendre Mme Judy Nuttall.
    Mesdames et messieurs, Concerned Citizens Against Child Pornography s'efforce depuis dix ans, à Barrie, de sensibiliser les parents et les membres de la collectivité au fait qu'on ne peut plus tenir pour acquis la sécurité de nos enfants. Dans le cadre de la campagne White Ribbon Against Pornography, chaque année, nous livrons des boîtes de rubans et de dépliants au personnel des établissements d'enseignement. Des lettres contenant des rubans blancs sont envoyées à tous les députés. Des boîtes de rubans et de dépliants sont disponibles dans les banques, les églises et les magasins. Des lettres sont envoyées aux chaînes locales et nationales de télévision, nous participons à des entrevues sur les chaînes locales de télévision et Rogers —

  (0925)  

    Madame Nuttall, je m'excuse, mais je vous demanderais de peut-être ralentir un peu votre débit, car les interprètes ont du mal à vous suivre.
    Oh! Je suis désolée.
    Ne vous en faites pas. Parlez simplement un peu plus lentement.
    D'accord.
    Des lettres ont été envoyées à tous les députés provinciaux de l'Ontario et, en 2006, il a été noté dans le hansard que, par vote unanime, le ruban blanc de la campagne White Ribbon Against Pornography serait porté pendant une journée complète, cette semaine-là. Nous avons aussi envoyé 8 000 lettres d'électeurs de Barrie aux juges de la Cour suprême pour plaider en faveur du relèvement de l'âge de consentement, durant l'affaire John Robin Sharpe.
    Pourquoi faisons-nous tout cela? En 1995, un juge de Toronto a imposé une sentence minimale à un homme qui avait agressé sexuellement un garçon de 14 ans. On ne tenait aucunement compte de l'agonie de la victime. De plus, 1999 a marqué l'arrivée à nos portes, à Barrie, du fléau qu'est la pornographie infantile quand Ivan Cohen a été jugé coupable de possession et de production de pornographie infantile. Il a été condamné à l'emprisonnement, mais la Cour d'appel de l'Ontario a commué cette peine en détention à domicile, ce qui a provoqué beaucoup de colère au sein de la population locale. C'est alors qu'est survenue l'affaire John Robin Sharpe, avec tous ses tours et détours.
    Le Canada a violé et continue de violer la Déclaration universelle des droits de l'homme. L'exercice des droits et des libertés doit s'accompagner de la responsabilité d'utiliser judicieusement ses droits personnels sans nuire à d'autres, surtout à des enfants, et sans saper leurs droits à eux. Il faut, contre les droits du contrevenant, tenir compte aussi des droits des victimes. Si nous ne le faisons pas, nous perdons nos libertés. Nous nous retrouvons avec un système de justice qui a déraillé. Il ne tient plus compte des véritables fondements de la justice.
    L'accroissement de la pornographie infantile gravite autour de l'âge de consentement. Le Canada a un âge de consentement à des relations sexuelles inférieur à celui de tous les autres pays. Les adultes peuvent en toute légalité avoir des relations sexuelles avec des enfants de 14 ans et plus. L'âge de consentement crée une énorme échappatoire en droit. Ainsi, à 14 ans, l'âge de consentement du Canada est inférieur à celui de la plupart des pays occidentaux. Aucun autre pays de l'Occident n'autorise les relations sexuelles dès l'âge de 14 ans. Selon le National Post, un nombre croissant d'hommes étrangers se sont servis de l'Internet pour attirer des enfants canadiens. D'après Concerned Citizens Against Child Pornography, de plus, la réduction de l'âge de consentement est la clé de la montée de la pédophilie au Canada, y compris du leurre sur l'Internet.
    Lorsque j'ai interrogé mon ex-députée à ce sujet, elle m'a répondu qu'il s'agissait d'une loi ancienne. Je vous le demande : combien d'autres anciennes lois le Canada a-t-il conservées? Aux États-Unis, au Royaume-Uni et ailleurs, on a mis à jour les lois médiévales concernant le mariage et le sexe. Pourquoi le Canada ne l'a-t-il pas fait?
    L'âge de consentement continue d'être une échappatoire de la loi qui permet aux pédophiles d'abuser de nos enfants. Il faut agir et le faire rapidement pour protéger nos enfants et préserver leur innocence. Le chef de police Fantino a déclaré que même des pays du tiers monde s'acquittaient de manière plus consciencieuse et civilisée que le nôtre du devoir en tant qu'adultes de protéger nos éléments les plus vulnérables, c'est-à-dire nos enfants. D'après Focus on the Family, nos enfants font face à un danger clair et présent. Par ailleurs, le premier ministre du Manitoba Gary Doer a affirmé que nous croyons que les droits de nos enfants devraient primer, au Canada, sur ceux des pervers.
    En termes de développement, un jeune de 14 ans n'est pas prêt à assumer la responsabilité des relations sexuelles. La maturité émotionnelle, physiologique, physique, mentale, psychologique et spirituelle sont autant de facteurs qui jouent dans les deux à quatre années suivantes. Le jeune de 14 ans ne peut pas comprendre ou évaluer à sa juste valeur le danger des maladies sexuellement transmises, dont certaines sont fatales et qui bouleversent la vie des personnes qui en sont affectées.
    Les enfants victimes de pornographie infantile affichent manifestement de multiples symptômes : le retrait affectif, le comportement antisocial, les sautes d'humeur, la dépression, de la crainte, de l'anxiété, un risque élevé d'avoir eux-mêmes plus tard dans la vie les mêmes comportements, et des sentiments destructeurs de culpabilité et de honte. La pornographie désensibilise les enfants.
    Les moyens d'enquête et les lois concernant la pornographie au Canada sont encombrants, désuets, inefficaces et coûteux, en plus de consommer un temps fou. Comme l'énonce si bien le dépliant de la campagne WRAP, des règles de divulgation désuètes obligent la police à examiner tous les fichiers d'un ordinateur qui est saisi avant de porter des accusations. D'autres pays occidentaux se contentent d'examiner deux ou trois fichiers, puis d'arrêter le pédophile. Les travaux effectués dans le cadre du Project P et d'autres initiatives innovatrices du même genre marquent un net progrès dans ce travail de protection fort difficile et stressant pour le Canada et les enfants canadiens.
    Enfin, le mouvement en faveur de rendre public le nom des pédophiles pour leur faire honte en Angleterre a fait ressortir un point fort à propos, comme l'illustre l'en-tête suivant : « Honte aux députés qui refusent d'appuyer la loi de Sarah ». L'article portait sur le registre des délinquants. Il ressemble à la loi de Christopher en Ontario et la loi de Megan aux États-Unis.

  (0930)  

    J'exhorte le Parlement fédéral du Canada à adopter les lois vitales requises pour relever l'âge du consentement de 14 à 16 ans de manière à protéger les enfants du Canada, notre avenir.
    Je vous remercie.
    Madame Nuttall, je vous remercie beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre M. Steve Sullivan, du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes.
    Je suis ravi de venir témoigner devant votre comité au sujet du projet de loi à l'étude. C'est un projet de loi dont, monsieur le président, vous et moi avons discuté dans le passé lorsque vous avez vous-même essayé de faire adopter une loi similaire que nous avions appuyée. Nous avions aussi appuyé les mesures prévues dans le projet de loi C-2 que votre comité avait examinées il y a quelques années et qui, à mon avis, a accru la protection des enfants jusqu'à l'âge de 18 ans, de manière plus discrète, de toute évidence, que le projet de loi à l'étude.
    Je n'ai pas grand-chose à ajouter. Il est rare que nous nous présentions devant un comité quand tous semblent s'entendre, du moins sur les principes sur lesquels s'appuie le projet de loi. Nous n'avons donc pas grand-chose à dire.
    Je vais me faire l'écho de ce qu'a dit M. Gillespie au sujet de l'Internet et des échanges qui ont lieu au sein de ces bavardoirs entre ceux qui cherchent à exploiter les enfants.
    En ce qui concerne l'âge inférieur de consentement, j'ai assisté à une conférence, il n'y a pas longtemps, en présence d'enquêteurs et voici ce dont on parlait. Un des enquêteurs nous a fait une démonstration. Il est allé dans un bavardoir, en se faisant passer pour une jeune fille de 13 ans. On pouvait dire, au son des nombreux timbres qu'on entendait, combien d'hommes souhaitaient chatter avec la jeune fille. Les demandes ne cessaient pas — elles arrivaient l'une après l'autre. C'était très troublant. Il était 13 heures et de constater, cet après-midi-là, qu'autant de gens cherchaient à exploiter cette enfant —
    L'officier nous a parlé également de la façon dont certains de ces individus tentent de maintenir le dialogue avec l'enfant jusqu'à ce que celle-ci ait 14 ans. C'était là aussi une source de préoccupatios. À mon avis, le projet de loi à l'étude va ajouter un outil au coffre des agents d'exécution de la loi et protégera mieux les enfants. Il importe de se concentrer sur les motivations de l'adulte, plutôt que sur le consentement du jeune. On parle de se concentrer sur les personnes qui cherchent à exploiter les enfants à leurs propres fins.
    J'aimerais mentionner brièvement une autre question. Nous avons récemment témoigné devant certains de vos collègues du comité de l'accès à l'information, qui est en train d'examiner la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Nous tentons de faire élargir le débat au sujet de la protection des renseignements personnels — dans ce cas-ci, des renseignements personnels concernant les abonnés à l'Internet--de manière à y inclure le besoin de protéger les renseignements personnels de ces enfants, dont les images sont échangées sur l'Internet comme des cartes de baseball. Il faut commencer à tenir compte du fait que nous avons des jeunes qui ont accès à des caméras web, qui se font manipuler par des personnes plus âgées en vue de partager leurs photos. Il faut commencer à protéger ces droits à la protection des renseignements personnels également.
    Monsieur le président, je vous remercie.
    Merci, monsieur Sullivan.
    De Justice for Children and Youth, nous accueillons Martha MacKinnon et Emily Chan.
    Laquelle de vous deux va faire la déclaration?
    C'est moi qui vais le faire. Je vous remercie, monsieur le président.
    J'aimerais aussi dire à quel point nous vous sommes recconnaissants de nous avoir invités à témoigner. Justice for Children and Youth est une clinique d'aide juridique qui s'intéresse à tous les régimes juridiques qui touchent les enfants. En fait, nous sommes la seule clinique d'aide juridique au Canada qui touche à tous les genres de lois qui visent les enfants et les jeunes.
    De plus, Justice for Children and Youth est un chaud partisan de la mise en oeuvre par le Canada de la Convention des Nations Unies relatives aux droits de l'enfant, et c'est pourquoi nous nous réjouissons particulièrement d'être ici, parce que la convention reconnaît l'équilibre entre les droits individuels intrinsèques de l'enfant et son besoin de protection spéciale. Donc, je vous remercie vivement de l'occasion qui nous est donnée de venir témoigner.
    Nous avons lu le projet de loi C-22 avec ses principes, cet équilibre à l'esprit. Il faut que je m'excuse. Nous avons préparé un mémoire; cependant, j'ai été incapable de le compléter à temps pour qu'il soit traduit, de sorte que je l'ai remis au greffier et que j'espère que vous pourrez l'examiner lorsqu'il sera sous une forme qui convient à tous.
    Nous avons quelques recommandations à faire au sujet du projet de loi C-22 ou, du moins, des positions à vous communiquer. La première position, qui est partagée je crois par tout le monde dans la salle, c'est que nul ne souhaite que les jeunes soient victimes d'exploitation sexuelle. Nous appuyons également les modifications de 2005 dont a parlé M. Sullivan qui fixaient les critères et élargissaient la définition de ce que nous jugeons être de l'exploitation sexuelle. En fait, ces modifications avaient expressément mentionné l'âge et la différence d'âge comme deux critères éventuels dont il fallait tenir compte. Nous avons appuyé ces modifications et nous sommes ravis qu'elles aient été adoptées.
    Le projet de loi C-22 ne change pas notre conception de l'exploitation sexuelle. Par contre, il élargit les protections contre les leurres commis par des prédateurs auprès des 14 et 15 ans. Nous appuyons cet élargissement également.
    Je ne vais pas commencer à vous lire nos longs mémoires à ce sujet, mais nous nous entendons avec l'Association du Barreau canadien pour dire que cette loi est l'occasion — vous en avez l'obligation morale comme légale, selon moi — d'abroger l'article 159 du Code criminel. Cette disposition est, selon nous, discriminatoire. En fait, Justice for Children and Youth est intervenu devant la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire qui a changé le droit ontarien et l'affaire qu'a mentionné l'Association du Barreau canadien. Je n'en dirai donc pas plus. Comme je l'ai dit, vous trouverez tout cela dans notre mémoire. Je tiens seulement à vous signaler que nous sommes d'accord avec ce que dit l'Association du Barreau canadien.
    Je vais toutefois faire ressortir un passage, et c'est dans le document d'information du gouvernement concernant le projet de loi C-22, là où l'on suggère que l'âge de 18 ans est l'âge auquel les relations sexuelles d'exploitation sont autorisées. J'aimerais donc souligner qu'il n'est pas approprié de dire que l'article 159 du Code criminel, de par sa nature même, règle le problème du comportement exploitant.
    Le point suivant que je vous suis reconnaissante de me donner l'occasion de faire valoir est un peu plus complexe. Il concerne l'exemption concernant la proximité d'âge. L'exception relative à la proximité d'âge est selon moi une procuration pour le déséquilibre du pouvoir. Nous supposons — et je crois que nous avons pour la plus grande part raison — que les personnes qui sont beaucoup plus âgées ont plus de pouvoir, sont plus capables de manipuler. C'est une procuration qui selon nous ne devrait pas être là.
    Nous n'avons pas de règle à ce sujet si vous avez plus de 18 ans. Nous avons tous vu des relations dans lesquelles l'âge n'est pas le facteur déterminant à la source du déséquilibre du pouvoir, de sorte que c'est problématique. Comme le ministre Toews l'avait laissé entendre, les 14 et 15 ans sexuellement actifs ont pour la plupart des relations avec leurs pairs ou des personnes d'à peu près le même groupe d'âge, mais ce n'est pas toujours le cas — notez l'expression «  pour la plupart  ». De plus, à nouveau comme le ministre de la Justice d'alors, M. Toews, l'avait laissé entendre, la loi à l'étude n'a pas pour objet de criminaliser le comportement des adolescents, et pourtant les relations d'un jeune de 14 ans et d'un jeune de 19 ans, même si leur date de naissance tombe le même jour, serait en fait criminalisée.

  (0935)  

    Le droit aime bien fixer des âges parce qu'ils sont sûrs, faciles à appliquer et présentent un certain intérêt, mais ils pourraient bien en fait ne pas refléter une relation exploitante, un déséquilibre du pouvoir ou une manipulation. Par conséquent, nous aimerions faire une suggestion qui permettrait à nos tribunaux de se pencher sur la nature de la véritable relation d'une manière peut-être plus efficace. À notre avis, les dispositions relatives à l'exploitation sexuelle devaient être modifiées pour dire qu'on peut supposer qu'une relation est exploitante si l'écart d'âge entre les deux personnes est de cinq ans ou plus. Il ne s'agit pas simplement d'un facteur dont il faut tenir compte; on peut supposer en droit que la relation est exploitante.
    Sur le plan juridique, les présomptions sont contestables. Par conséquent, s'il y avait une relation dans le cadre de laquelle... Nous pouvons tous nous imaginer quelqu'un qui est aussi raffiné, maître de soi, mature, qu'un autre qui est âgé de cinq ans de plus, ce qui permettrait de ne pas criminaliser ce genre de relation.
    Notre dernière suggestion à l'égard du projet de loi à l'étude concerne également le passé. Les lois canadiennes concernant l'activité sexuelle sont complexes. Elles sont difficiles à suivre. À un certain stade de ma carrière, quand j'étais conseillère auprès d'un conseil scolaire, j'avais fait un tableau dans lequel j'essayais de montrer ce qui était légal et ce qui ne l'était pas, parce que les jeunes ont de la difficulté à s'y retrouver. Ce ne sera pas plus facile si le projet de loi C-22 est adopté sans modification. Nous soutenons qu'il faut prévoir une campagne ciblée d'information publique.
    En fait, il y aurait deux cibles. La première serait le grand public, une campagne qui aurait peut-être un effet dissuasif, mais quoi qu'il en soit, qui définirait clairement ce que sont les règles, parce qu'elles sont un peu compliquées.
    La seconde cible serait les jeunes. Ils ne comprennent pas forcément les règles qui les visent. Une des préoccupations — et je sais que d'autres vous l'ont dit —, c'est que si vous croyez que c'est illégal, vous ne chercherez pas à obtenir l'aide dont vous avez besoin. Vous ne ferez pas de signalement à la police, vous ne chercherez pas à obtenir des renseignements sur la santé, vous ne chercherez pas à obtenir des renseignements sur le contrôle des naissances. Vous passerez inaperçu. Nul ne le souhaite, et il ne faudrait pas que ce soit l'effet du projet de loi C-22, mais il pourrait facilement avoir cet effet parce qu'il va être difficile à comprendre.
    Dans notre mémoire, nous affirmons qu'une campagne qui décrit bien ce qu'est l'exploitation, le leurre, et qui aide les jeunes à vraiment comprendre les règles qui vont s'appliquer à eux et à leurs relations aurait l'effet — c'est ce que j'espère — de permettre aux jeunes eux-mêmes de dire : « Vous ne pouvez pas me faire cela ».
    Je vous remercie.

  (0940)  

    Madame Mackinnon, je vous remercie.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Mme Jennings sera la première.

[Français]

     Merci beaucoup pour vos présentations.
    Monsieur Kindred, vous avez parlé de l'article 159 du Code criminel, qui a déjà été jugé par plusieurs cours du Canada comme étant inconstitutionnel à cause de son caractère discriminatoire. Vous avez dit qu'il était possible de l'éliminer sans aller à l'encontre des procédures du comité et de la Chambre. J'aimerais entendre vos suggestions.
    Nous sommes d'accord avec l'Association du Barreau canadien et les autres témoins pour dire que le gouvernement aurait dû corriger le projet de loi. Le gouvernement, pour des raisons qui lui appartiennent, a décidé de ne pas le faire. On voudrait savoir s'il est possible de corriger le projet de loi.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup.
    Avant de vous répondre, il faudrait que je dise que je ne suis certes pas un expert de la procédure au sein du comité et que l'ABC maintient fermement que la meilleure chose à faire, à l'article 159, est de l'abroger complètement. Par conséquent, je suis loin de laisser entendre que toute autre mesure serait une réaction complète ou appropriée. Toutefois, je ne suis pas sûr qu'on ne pourrait pas arriver au même résultat en modifiant l'article 151, celui qui prévoit le recours à l'âge de consentement comme défense pour les infractions d'ordre sexuel. On trouve dans cet article une liste de plusieurs infractions sexuelles. Je ne suis pas sûr que nous ne pourrions pas arriver aux mêmes fins en ajoutant l'article 159 à la liste des infractions de l'article 150.1. À nouveau, ce serait là un moyen qu'il faudrait peut-être envisager. La position de l'ABC, cependant, est que la seule mesure vraiment appropriée dans ce cas-ci est la révocation de tout l'article 159.
    Je vous remercie.
    J'ai une autre question qui s'adresse à Mme Mackinnon, de Justice for Children and Youth.
    Vous avez mentionné que votre organisme était intervenu dans l'affaire entendue par la Cour d'appel de l'Ontario qui porte justement sur l'article 159. J'aimerais savoir si vous êtes intervenus dans le cadre du programme des contestations judiciaires ou si vous aviez vos propres sources privées de financement?
    Justice for Children and Youth est une clinique d'aide juridique. Nous sommes principalement financés, pas à 100 p. 100, mais surtout par Aide juridique Ontario. Et comme nous sommes précisément une clinique — c'est peut-être plus d'un domaine du droit, mais c'est spécialisé dans les lois qui concernent les jeunes — nous avons pour mandat de mener des causes type ou des travaux juridiques qui auront un vaste effet systémique en améliorant à la fois les droits et les mesures de protection des jeunes.

  (0945)  

    La réponse est donc non.
    La réponse est non, ce n'était pas —
    Dans votre cas, vous avez la chance d'avoir un mandat précis dont vous a investi le gouvernement, je suppose, et le budget qu'il faut pour vous occuper de ces causes type, par exemple.
    J'allais dire oui, mais alors vous avez élargi la notion à « ces causes type », et nous avons parfois ces contestations judiciaires...
    Ou les causes spéciales.
    Nous avons obtenu un financement pour les contestations judiciaires dans le passé.
    Ah bon?
    Oui, absolument.
    Pourriez-vous nous donner un exemple de la nature de l'enjeu?
    Oui. C'était pour la révocation de l'article 43 du Code criminel, sur le châtiment corporel. Pour cela, nous avions le budget des contestations judiciaires.
    Merci.
    C'est tout ce que j'ai à demander pour l'instant. S'il me reste du temps, je le cède à M. Lee.
    Monsieur Lee.
    J'aimerais adresser ma question à l'Association du Barreau canadien, ou à n'importe quel élément technojuridique autour de la table.
    Mme Mackinnon a parlé de ce concept de relation exploitante présomptive. Je trouve le concept attrayant, parce que si un tribunal était confronté à une relation réelle entre, supposons, des personnes âgées de 15 et 21 ans qui, à tous égards semble être une véritable relation, et des accusations sont portées par persuasion des proches, ou quelque chose du genre, pas nécessairement par le plaignant âgé de 15 ans — disons qu'il ou elle n'était pas le plaignant, mais des accusations ont été portées — il me semble qu'un tribunal verrait avec quelque sympathie une défense fondée sur la liberté constitutionnelle d'association, la liberté personnelle de ces personnes de 15 et de 21 ans. Je parle ici de la possibilité d'une espèce de défense constitutionnelle dont l'incidence serait analogue à celle du concept de relation exploitante présomptive dont a parlé Mme Mackinnon.
    Est-ce que vous pourriez nous dire si, oui ou non, l'exemption rigoureuse pour la proximité des âges serait vulnérable à une défense fondée sur la Constitution, dans un petit nombre de cas certainement, mais on pourrait en faire l'hypothèse?
    Je répondrai, si vous le voulez bien.
    Nous sommes certainement ravis d'entendre parler d'une présomption. L'exemption de proximité d'âge est un aspect très important de l'examen que fait l'ABC du projet de loi C-22, et nous la considérons essentielle. Tout ce qui pourrait permettre une défense d'être présentée dans les circonstances appropriées, dirais-je, serait bien accueilli à la fois par la couronne et par la défense, et bien évidemment, préserverait le principe de discrétion judiciaire.
    S'il n'est pas démontré qu'une relation est exploitante, il devrait y avoir une défense. Personne ne devrait être criminalisé pour une activité non criminelle. Comme l'ont souligné mes amis, les présomptions sont certainement réfutables. S'il est démontré que c'est une relation exploitante, les objectifs de la loi seraient encore atteints.
    Vous demandez si l'exemption pour proximité d'âge doit être rigoureuse. Ce serait ma réponse, et je pense exprimer l'avis à la fois de la couronne ou de la défense quand je dis que sous le régime de la Charte, la rigueur de la loi n'est pas ce que nous devrions rechercher, mais qu'il faut de flexibilité et de la tolérance. Il est certain que personne n'échappera aux conséquences pénales si de fait, il est démontré que la relation est exploitante, quel que soit l'écart d'âge. Mais il faut une absence de rigidité plutôt que —

  (0950)  

    Si la rigidité —
    Excusez-moi. Est-ce que nous avons un problème de temps?
    Oui, c'est un problème de temps. Je sais que Mme Mackinnon voudrait certainement répondre. Votre question s'adressait à quelqu'un en particulier?
    Je vais seulement poursuivre dans le même ordre d'idée que Mme Thomson, mais je pourrais y revenir.
    Votre temps est écoulé, mais nous vous reviendrons.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Elle va commencer et je compléterai.
    Bonjour. Je voudrais tous vous remercier pour la qualité de vos présentations. Je pense qu'on appuie tous cet article du projet du loi.
    On a parlé de statistiques plus tôt, et vous avez déjà, vous aussi, présenté d'autres statistiques. Il semble que seulement 8 p. 100 des infractions sexuelles soient signalées à la police. Une fois signalées et qu'il y a mise en accusation et tout le reste, les statistiques révèlent que 62 p. 100 de ces signalements, en 2002-2003, ont été suspendus ou ne se sont pas rendus à terme.
    Seulement 8 p. 100 des cas sont signalés, et de ce nombre, 62 p. 100 ne se rendent pas jusqu'à un procès ou ne font pas l'objet d'une condamnation. On peut adopter toutes les dispositions législatives que nous voulons, mais il faut faire plus.
    Que proposez-vous pour protéger davantage nos enfants? J'adresse ma question à Mme Mackinnon ou à Mme Lynn Barr-Telford.

[Traduction]

    Ce que je suggérais, c'était au moins de commencer avec la campagne d'éducation du public. Je pense vraiment que la population est — de fait, vous l'avez entendu dire par d'autres — confuse quant aux lois qui sont en vigueur au Canada. Elles sont complexes et difficiles.
    Je pense que les jeunes gens eux-mêmes ont besoin de se sentir habilités. Vous avez aussi entendu Mme Barr-Telford dire que le problème vient en plus grande partie des familles, et il y a toutes sortes de raisons qui font que des jeunes ne dénoncent pas des membres de leur famille. Il est certain que nous avons représenté des jeunes dont les mères prennent des mesures sévères pour dissuader le jeune de dénoncer un comportement criminel et inapproprié de la part de son père à l'égard d'une jeune enfant, parce que la mère craint de perdre le revenu.
    J'ai moi-même reçu des appels de jeunes adolescentes qui ne veulent pas dénoncer quelqu'un, parce que ce qui arrive, c'est qu'elles sont mises en famille d'accueil au lieu que le membre plus âgé de la famille soit exclu du foyer. Dans une famille, c'est tout simplement compliqué et très difficile de savoir. Mais je pense que la première chose à faire, c'est l'éducation publique.
    La deuxième chose serait probablement d'écouter les jeunes eux-mêmes et de leur donner foi. Nous avons travaillé pour donner aux jeunes des moyens de témoigner de manière que ce soit plus sûr pour eux, et nous devons poursuivre dans cette voie.

[Français]

    Je vous remercie.
    Concernant les 62 p. 100 que je viens de mentionner, savez-vous pourquoi les causes ne vont pas plus loin ou sont suspendues?

[Traduction]

    Ce dont je peux parler, c'est ce que nous savons, et que nous avons constaté avec les données. Je vais réitérer des statistiques que nous avons.
    Nous savons, d'après notre enquête sociale générale sur la victimisation, menée en 2004 — elle porte sur les personnes âgées de 15 ans et plus, pas celles de moins de 15 ans — que 8 p. 100 des agressions sexuelles sont signalées à l'attention de la police. Ça, nous le savons. Nous savons qu'une fois que les incidents sont déclarés à la police, trois choses peuvent arriver : l'incident est classé par dépôt d'accusations, classé sans dépôt d'accusations ou non résolu. Nous savons que le taux de dépôt d'accusations pour les agressions sexuelles était faible comparativement aux autres agressions violentes. Alors nous savons au moins cela.
    Ce dont nous ne pouvons pas parler, c'est des raisons sous-jacentes qui font que certains incidents peuvent ou ne peuvent pas mener à une inculpation ou au dépôt d'accusations. Ce dont nous pouvons parler un peu — et j'attirerai votre attention sur l'une des diapositives supplémentaires de notre série de données — c'est ce que nous avons appris de notre enquête sociale générale sur les raisons qu'ont les personnes âgées de 15 ans et plus de ne pas porter plainte à la police. C'est à la page 9.
    Je répète qu'il s'agit de la population âgée de 15 ans et plus, et nous avons des renseignements — à propos de ceux qui n'ont pas déclaré les incidents à la police — sur les raisons les plus fréquentes à cela. Vous verrez que la victime affirme que l'incident n'était pas assez important pour qu'elle le déclare à la police, qu'il a été réglé autrement, ou que c'était une affaire personnelle; ce sont les raisons les plus souvent citées pour ne pas porter plainte à la police.
    Pour ce qui est de —

  (0955)  

[Français]

    Madame Barr-Telford, je ne vous ai pas demandé de répéter l'information que vous avez déjà donnée; je l'ai bien entendue. Ma question concerne plutôt d'autres statistiques qu'on a reçues sur l'article 153, lequel porte sur l'exploitation sexuelle. D'après ces statistiques, une fois que le cas a été signalé, jusqu'à 62 p. 100 des mises en accusation sont suspendues ou retirées. On en est déjà à une autre étape. Huit pour cent des cas sont signalés à la police et pourraient être portés devant les tribunaux. Pourtant, une fois qu'ils sont portés en justice, 62 p. 100 d'entre eux sont suspendus ou retirés.
    Avez-vous des informations à nous transmettre là-dessus?

[Traduction]

    Nous avons des données — je pense que nous en avons avec nous — et nous pouvons en fournir d'autres sur le nombre de plaintes qui sont retirées ou suspendues, mais nous ne pouvons pas parler des raisons sous-jacentes qui font que cela arrive. Nous pouvons compter les incidents, mais pas fournir les raisons à cela.

[Français]

    Vous ne connaissez pas les motifs pour lesquels ces cas sont suspendus?

[Traduction]

    Non, nous ne les connaissons pas.

[Français]

    Donc, très peu de cas sont signalés et dénoncés à la police, et une fois qu'ils sont dénoncés, quand ils sont rendus assez loin, ils sont suspendus.
    Ai-je encore du temps, monsieur le président?
    Oui.
    Concernant le leurre sur Internet dont vous avez parlé, monsieur Gillespie, avez-vous plus de statistiques sur le nombre de personnes ou d'enfants en cause? Je sais qu'on dénonce énormément ce genre de pratique. On en parle abondamment, mais ce n'est jamais appuyé par quoi que ce soit. Pouvez-vous nous citer une étude sur le sujet? Cette situation m'interpelle beaucoup, et on la dénonce chaque fois qu'on en parle, mais on ne peut jamais avoir plus d'informations ou d'études précises qui nous donneraient davantage d'informations sur l'étendue de ce problème.

[Traduction]

    Monsieur le président, le problème d'Internet, et comme c'est une technologie relativement récente, conjugué au fait que les enfants d'âge très tendre, encore une fois, ne déclarent pas les incidents et sont peu susceptibles de maintenir des accusations, pour diverses raisons... En deux mots, il n'y a pas d'étude particulière à ce que je sache, qui puisse directement répondre à votre question.
    Je peux seulement parler de ma propre expérience des raisons pour lesquelles il semble que le taux de plaintes est si faible, et ensuite, une fois déposées, pourquoi il semble que la plupart ne sont pas maintenues. Je le répète, je ne peux parler que de mon expérience particulière dans ces cas-là.

[Français]

    J'apprécie que vous nous parliez de votre expérience personnelle, comme plusieurs l'ont fait avant vous. Cependant, à ce stade de notre étude en comité, on pourrait nous présenter un dossier plus étoffé et appuyé de données plus précises. On doit aller plus loin que l'expérience personnelle des citoyens de ce pays. Il nous faut des études plus substantielles.
    Le fléau qu'est le leurre par Internet nécessite une étude très approfondie, et nous devons trouver une façon de résister à ce fléau. Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Je le répète, la technologie étant tellement récente, le niveau des mesures d'application de la loi pouvant composer avec cela, le nombre d'agents et, en fait, de villes et d'organismes d'application de la loi au Canada qui ont la formation nécessaire pour y faire face... C'est tout simplement un phénomène plus récent, toute cette affaire du leurre par Internet. C'est pourquoi les chiffres n'ont pas été recueillis, les études n'ont tout simplement pas été faites, parce que c'est tellement récent. C'est à peu près tout ce que je peux dire à ce sujet.

  (1000)  

    Merci, madame Freeman.
    Monsieur Comartin.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous d'être ici.
    J'aimerais poursuivre sur le même sujet, monsieur Gillespie, avec vous, puis avec Mme Barr-Telford.
    Je comprends, et je suis d'accord avec vous que c'est tout simplement quasi impossible pour l'instant. Mais madame Barr-Telford, avons-nous des chiffres, quels qu'ils soient? Vous nous avez donné le pourcentage, vous avez dit que les auteurs d'environ 90 p. 100 des agressions sexuelles et des cas d'exploitation de jeunes et d'enfants sont les membres de la famille ou des proches de la famille, ce qui laisse à 10 p. 100 de ces infractions qui sont perpétrées par des étrangers. Sur ces 10 p. 100, avons-nous même une vague idée de la proportion qui serait le résultat du leurre par Internet?
    Monsieur Gillespie, aussi, avez-vous vu des statistiques, ou avez-vous une idée là-dessus?
    Non, en un mot. C'est tellement récent que ce serait probablement moins ou aux alentours de 100 cas au Canada, dans lesquels les agents ont pu intervenir, des cas de leurre actif sur Internet. Généralement, ce sont ceux qui font l'objet d'articles dans les journaux, de reportages dans les médias. C'est une infraction qui est encore très sous-déclarée.
    Tout ce que avons sur le leurre, ce sont les chiffres que vous a donnés Lynn sur les accusations, tirés de nos statistiques policières. Nous n'en avons pas qui soient ventilés par relation.
    Est-ce que je pourrais rapidement ajouter quelque chose? Je pense que quand on regarde comment les jeunes définissent l'emploi qu'ils font d'Internet, quand cela fait six mois qu'ils clavardent avec quelqu'un, ce n'est plus un étranger. C'est un ami; c'est quelqu'un qu'ils connaissent. Alors la définition que nous pouvons avoir du mot « étrangers » et celle qu'ont les jeunes des termes « amis » et « collègues » sont très différentes.
    À propos des accusations de leurre — et encore une fois, monsieur Gillespie, n'hésitez pas à intervenir — a-t-on une idée de la proportion de celles-là, sur ces 100 cas, viennent du Canada, et combien de l'étranger?
    Non, nous n'avons pas ce renseignement. Tout ce que nous savons, comme le disait Karen, pour l'instant, c'est le nombre de délits de leurre que nous pouvons présenter.
    Monsieur Gillespie, avez-vous une idée, sur ces 100 cas, du nombre d'entre eux qui se passent au pays, et combien à l'étranger?
    Je sais qu'il y en a eu de l'étranger, qui sont, je le répète, très médiatisés. La majorité se passent au Canada. Il est certain qu'aux États-Unis, où ce type de cas fait l'objet d'enquêtes plus approfondies, et où ils ont plus d'expérience que nous depuis plusieurs années, cela vient généralement de l'extérieur de l'État, mais tout de même au sein des frontières du pays. Ce n'est pas très souvent international.
    Ce que nous pourrions faire, c'est examiner les 116 cas de leurre que nous avons, et s'il y a eu une accusation, nous pourrions déterminer la relation selon les données que nous avons des rapports de police. Nous communiquerons volontiers ces renseignements au comité si nous trouvons quelque renseignement utile. Ce n'est que 116 cas, toutefois, depuis 2003.
    Je vous en remercie.
    Ce serait des données sur la relation, pas sur le fait que c'était international.
    Je comprends.
    Madame Barr-Telford, en ce qui concerne l'article 159, sur la relation anale, j'ai des statistiques jusqu'à 2003-2004, qui démontrent qu'en 2003-2004, il y a eu 78 plaintes qui n'ont pas abouti à une inculpation, et deux ont mené à une condamnation. C'est donc qu'il y en a eu 80 cette année-là. Avez-vous des statistiques pour 2005 et 2006?
    Non. Les données de 2003-2004 sont les plus récentes dont nous disposons.
    M. Kindred, en ce qui concerne cette accusation, dois-je comprendre que la position de l'Association du Barreau, c'est qu'elle devrait être complètement supprimée des livres, plutôt que de seulement porter l'âge du consentement à 16 ans, si nous fixons l'âge à 16 ans, avec ce projet de loi?
    Oui. L'ABC est fermement d'avis que l'équité réelle exige l'abrogation complète de l'article. Il y a d'autres aspects de l'article 159 qui sont aussi problématiques, pour d'autres raisons. Donc une abrogation complète serait la seule solution réelle et valable.
    Passons à autre chose, Mme Mackinnon, est-ce que votre organisme est celui qu'a créé Wilson, il y a très longtemps?
    Je vais répondre oui.
    Est-ce qu'il s'attribue le mérite de l'avoir créé?
    Ce serait la bonne réponse. De fait, quand il était étudiant de premier cycle universitaire, il a rédigé un document affirmant qu'il devrait exister un organisme comme celui-là. En réalité, ce n'est pas lui qui l'a créé, mais il est certain que c'était son idée, et il en parle avec orgueil, dirais-je.

  (1005)  

    Y participe-t-il encore?
    Non.
    Je m'adresse à l'Association du Barreau canadien — M. Quist, peut-être aurez-vous des commentaires à faire là-dessus — ceci concerne toutes la question d'un jeune qui est réticent, qui résiste même, ou qui nie avoir besoin de soins de santé, en pensant que s'il ou elle met le doigt dans l'engrenage du système de santé, lui ou elle, sa ou son partenaire finira par faire l'objet d'accusations. Je me suis interrogé sur un mécanisme, que ce soit des modifications au Code, ou encore à la Loi sur la preuve au Canada, qui ferait qu'on ne peut les contraindre à fournir des renseignements, mais que ceux-ci seraient admissibles s'ils sont fournis de plein gré.
    Est-ce que votre organisme ou l'Association du Barreau a envisagé cette possibilité? Le comité en a déjà discuté une fois auparavant.
    Pas nous. Je n'ai pas rédigé de document, et je n'ai pas de position claire là-dessus. Nous avons porté notre attention sur le caractère souhaitable de créer des environnements sûrs pour les jeunes pour témoigner et pour que les preuves qu'ils fournissent aient le même poids que des preuves fournies par des adultes. C'est ce sur quoi nous nous sommes concentrés, attention, mais votre suggestion vaut certainement la peine d'être étudiée.
    L'Association du Barreau canadien.
    Nous n'y avons pas réfléchi de manière formelle, et nous n'avons rien à présenter, vraiment, sur cette question, mais peut-être pourrais-je en parler un peu.
    L'obligation faite à un médecin de déclarer relèverait de lois provinciales, de lois sur la protection des enfants et de la famille. Ces lois obligent les médecins à déclarer, en gros, les situations où selon eux l'enfant risque l'abus. En réalité, ce n'est pas nécessairement la même chose que si des infractions criminelles avaient été commises. Il pourrait y avoir des cas d'infraction criminelle quand il y a abus. Il peut y avoir des cas où les infractions criminelles ont été commises sans qu'il y ait de risque constant d'abus. Et il peut y avoir des cas où il y a abus constant, mais pas d'infraction prévue au Code criminel qui ait été commise. Donc, les deux angles ne sont pas précisément identiques. Quoi que décide le Parlement au sujet de l'âge requis pour consentir, c'est encore au médecin qu'il incombera de porter ces jugements.
    En passant par la Loi sur la preuve au Canada, on réglerait une partie de cette préoccupation, mais la plupart du temps, ce serait l'affaire des provinces.
    J'ai une question à poser rapidement à Mme Barr-Telford.
    Voici un graphique, que nous avons reçu, je pense, M. Sullivan, de votre organisme quand nous traitions du projet de loi C-2, sur la pornographie juvénile. C'est un graphique de tous les pays du monde, avec l'âge requis pour consentir.
    Est-ce que Juristat a fait un examen de tous les pays du globe, au sujet de l'âge requis pour consentir?
    Non.
    M. Sullivan, ceci vient-il de vous?
    Non.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, M. Comartin.
    M. Moore.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins. J'ai entendu, certainement, des points de vue très réfléchis sur le projet de loi, et certains enjeux très importants ont été soulevés.
    J'aimerais me concentrer sur la raison pour laquelle nous avons présenté le projet de loi, et c'était pour prévenir l'exploitation des enfants, les jeunes de 14 et 15 ans, contre les prédateurs sexuels adultes. C'est le principal enjeu, la principale raison pour laquelle ce projet de loi a été présenté.
    M. Gillespie ou M. Sullivan, vous avez parlé des victimes de crime, chacun de vous. Pourquoi faudrait-il relever l'âge requis pour consentir? Nous savons que des mesures ont été proposées dans le projet de loi C-2. Il y a le problème du leurre. Et pourtant, on a toujours entendu que pour vraiment protéger les jeunes de  14 et 15 ans, il faudrait relever l'âge requis pour consentir.
    Peut-être pourriez-vous parler des limites que comporte le code qui nous empêchent d'être aussi efficaces qu'on le pourra une fois que l'âge pour consentir sera porté à 16 ans.
    Du point de vue de l'agent de première ligne qui fait enquête, il est déchirant de constater les répercussions de certaines décisions qu'ont prises des enfant de 15 ans parce qu'on les a laissés faire. À mon avis, les enfants ne sont souvent simplement pas capables de prendre des décisions si remplies de conséquences sur leur vie, et ils ne devraient pas pouvoir le faire. D'un autre côté, il y a des adultes bien aguerris et mûrs qui sont déterminés à entretenir une relation quelconque avec un enfant, que ce soit par la duperie, la persuasion ou la coercition, pour forcer un enfant à faire certaines choses.
     Au sujet d'un certain degré de consentement, je ne pense pas qu'un enfant de moins de 16 ans devrait légalement être autorisé à donner son consentement. Je pense que cela va tout simplement à l'encontre des fondements moraux des Canadiens, que quelqu'un de moins de 16 ans puisse être engagé dans une relation avec une autre personne, généralement un homme, avec toutes les répercussions que peut avoir ce genre de relation.
    Il est déchirant de participer à une enquête et de voir des familles s'adresser à nous, qui s'attendent à ce qu'on fasse quelque chose, et nous n'y pouvons rien. Et encore une fois, je pense qu'il y a aussi un manque général de connaissances, au Canada, sur la nature exacte des lois.
    Je tiens à répéter que c'est un point de vue personnel sur ce que c'est que de traiter de ce genre de situation.
    Steve.

  (1010)  

    Je me ferai l'écho de Paul.
    Le système judiciaire n'est pas une place pour les victimes de crime, particulièrement les jeunes victimes qui ont subi des abus ou fait l'objet d'exploitation sexuelle. Je pense que c'est l'une des raisons qui fait que le taux de dénonciation est tellement faible, et c'est une des raisons qui fait que le nombre de plaintes diminue au fil de la procédure. C'est difficile.
    Pour nous, la question est de déterminer si oui ou non des adultes devraient entretenir des relations sexuelles avec des jeunes de 14 ans, 15 ans ou moins. Je pense que la plupart des Canadiens répondraient non.
    C'est difficile. Quand on entre dans l'exemption de proximité d'âge, nous sommes tous d'accord qu'il devrait y avoir un âge où les jeunes gens peuvent expérimenter avec leurs pairs. Les relations personnelles sont difficiles. Elles ne sont pas définies noir sur blanc, comme la loi l'exige souvent, mais je pense qu'à un moment donné, il faut fixer une limite.
    Bien que je n'aie pas réfléchi à la question de la présomption, une chose qui me préoccuperait, c'est l'idée d'amener des jeunes devant un tribunal pour, peut-être, témoigner sur ces sujets, pour répondre à des questions, à savoir si oui ou non ils ont été exploités, et ce genre de chose. Je pense qu'en fixant simplement la limite à cinq ans, bien souvent, nous épargnerions à des jeunes de passer par là.
    Il y aura des cas, comme l'a dit M. Lee. Quelles que soient les lois, il y aura des cas de zone grise.
    Merci.
    Voilà un message que nous voudrions transmettre.
    À vous deux, ou n'importe qui d'autre ayant l'expertise du domaine qui voudrait commenter cela, nous avons entendu aujourd'hui un témoignage, et auparavant aussi, au sujet de personnes qui établissent une relation avec un enfant de 13 ans, et qui attendent que cet enfant ait 14 ans. Soyons clairs, cette loi vise les adultes qui veulent exploiter des enfants de 14 et 15 ans, et qui cherchent à tirer parti de l'âge requis pour consentir au Canada, tel qu'il est actuellement.
    Avec quelle rapidité le message sera-t-il diffusé dans la communauté dont vous parlez, qui est derrière ce que nous voyons sur Internet? Nous avons entendu des témoignages, déjà, selon lesquels ils connaissent déjà les lois mieux que quiconque autour de la table, en ce qui concerne l'âge requis pour consentir et le type de condamnations qui sont imposées au Canada. Ils sont très bien informés.
    Nous avons aussi entendu un témoignage selon lequel le Canadien moyen n'est pas aussi bien informé. Si on prend la situation d'un homme de 45 ans, il pense qu'il est illégal pour quiconque d'avoir une relation sexuelle avec quelqu'un de 14 ans.
    Si ce projet de loi est adopté, combien de temps faudra-t-il pour que la communauté reçoive le message que les choses ont changé et que le Canada n'est plus la destination qu'il était pour les personnes qui veulent avoir des relations avec des enfants de 14 et 15 ans, quand elles sont nettement plus âgées qu'eux?
    Si vous permettez, en deux mots, ce serait à la vitesse de la lumière, à la vitesse que permet Internet.
    L'autre chose que j'ai apprise au sujet de l'élément criminel et de ceux qui utilisent les ordinateurs et Internet pour faciliter leurs crimes, c'est qu'ils l'utilisent très bien. Il y a une immense capacité de réseautage, et les renseignements sont échangés. Ils ont des groupes de nouvelles, des salons de clavardage, et des babillards pour à peu près tout. Chaque fois que je donne une conférence de presse, de nouveaux clavardoirs sont créés, et on retrouve exactement ce que j'ai dit sur certains de ces babillards.
    Je pense qu'ils recevront le message très rapidement, et je pense qu'il est très important qu'ils le reçoivent. Je diffusera un message très ferme.
    Avons-nous le temps de poser une autre question?
    Rapidement.
    J'aimerais l'adresser à l'ABC.
    M. Kindred, je ne sais pas si vous vous souvenez de moi, mais je me souviens de vous à l'école de droit à l'UNB, quand vous étiez un brillant jeune étudiant de droit.

  (1015)  

    Nous ne lui en voudrons pas pour cela.
    Il y a maintenant un âge requis pour consentir, et c'est 14 ans. Nous avons entendu qu'il y aura toujours des difficultés quand on a une règle du genre « trait dans le sable ». Nous allons relever l'âge à 16 ans, et l'exemption de proximité est de cinq ans. Est-ce que l'ABC a un commentaire à faire là-dessus? Je sais que vous dites que le soutien, l'exception pour proximité d'âge... à ce propos, est-ce que ce devrait être plus, ou moins?
    S'il y a le temps, j'invite qui le veut à dire si l'exemption de proximité d'âge devrait être plus de cinq ans, moins de cinq ans, ou si cinq ans c'est bien, à peu près... et cela tient compte de l'intention de cette loi. Ce n'est pas pour criminaliser les jeunes gens qui ont des relations sexuelles, mais pour empêcher les personnes plus âgées de victimiser des jeunes.
    J'apprécie que cette question me soit posée, mais Mme Gallagher connaît bien mieux que moi les questions criminelles, alors je la laisserai répondre.
    Merci.
    Il est certain que l'exemption de proximité d'âge est essentielle dans le soutien de l'ABC. Nous sommes satisfaits de l'exemption de cinq ans; nous estimons que c'est réaliste et juste.
    D'accord.
    Merci beaucoup.
    Est-ce que quelqu'un d'autre voulait répondre à ce sujet?
    Madame Mackinnon.
    Si je peux me permettre, il y a bien des jeunes de la même école secondaire qui ont cinq ans d'écart. Je pense qu'il est important de savoir que, surtout les personnes qui viennent d'autres pays et d'autres systèmes d'éducation peuvent arriver à des niveaux différents et se penser socialement des égaux, bien que chronologiquement, ils peuvent avoir cinq ans d'écart. C'est pour cette raison que nous suggérons une présomption réfutable, plutôt qu'une règle ferme et rigoureuse sur l'âge.
    Merci, madame Mackinnon.
    Monsieur Bagnell.
    Je vais seulement prendre une trentaine de secondes, puis je céderai à M.Lee le temps qu'il me restera.
    J'aimerais que Judy Nuttall sache que son organisation est très efficace. Je viens de la circonscription la plus éloignée d'Ottawa. J'ai tous ces rubans. J'ai tous ces rubans, et la grande bannière de la Catholic Women's League of Canada de Whitehorse, au Yukon. Je tiens toujours à ce que mes électeurs sachent qu'ils sont entendus, alors ils auront été entendus ici, au Parlement.
    Monsieur Lee.
    Merci.
    Je suis en train de lire le ruban de Bill Mooney.
    J'ai deux questions, rapidement, et c'est pour revenir sur le sujet que j'ai déjà abordé tout à l'heure. J'appuie le projet de loi, certainement, mais je creuse le sujet, ici, pour m'assurer qu'il a techniquement l'efficacité voulue pour obtenir les résultats recherchés.
    La première question s'adresse à Mme Gallagher. Si un tribunal devait statuer, à titre individuel, en faveur d'une défense constitutionnelle telle que je l'ai décrite la dernière fois, principalement fondée sur la Charte et une relation réelle entre, disons, un jeune de 15 ans et quelqu'un qui a 21 ans, en dehors de l'exemption de cinq ans, est-ce que cette décision saperait toute la loi? Ou est-ce que cela pourrait tout simplement se faire à titre individuel, en fonction de l'existence de ce que le tribunal aura jugé être une relation réelle? C'est ma première question.
    Peut-être avais-je mal compris votre question tout à l'heure. Je pensais que vous parliez d'une présomption en dehors de l'exemption de proximité d'âge, et je tenais à me corriger.
    Je ne connais pas la réponse à cette question. Je sais cependant que dans le passé, d'après les lois antérieures, ce dont nous avons convenu passerait le critère constitutionnel, à notre avis. Vous posez une question qui, de toute évidence, exige un examen plus approfondi. Et la nature de la présomption varierait, si c'était une présomption de relation avec plus que l'exemption de proximité d'âge.
    Là où je voulais en venir, c'est que le recours à la technique de la présomption pourrait nous épargner les problèmes que pose la rigidité, et c'est ce que disait Mme Mackinnon.
    Je vous remercie de le préciser. Il est certain que nous restons sur notre position.
    Vous appuyez l'exemption de proximité d'âge — c'est juste et —
    Nous ne voyons pas de problème avec l'exemption de proximité d'âge telle qu'elle est proposée.
    D'accord, c'est bon. J'ai compris.
    En ce qui concerne l'agression sexuelle, la clause générale concernant l'agression sexuelle et l'âge requis pour consentir, je comprends que ce projet de loi touche d'autres articles du Code, qui offriront une protection additionnelle aux jeunes de 14 ou 15 ans, mais strictement en ce qui concerne la clause sur l'agression sexuelle, d'où nous tirons ce consentement. C'est pourquoi nous appliquons ce concept de consentement; c'est de là que ça vient, parce que dans les infractions sexuelles, le consentement n'est pas un enjeu, du moins pas généralement, alors l'article sur l'agression sexuelle entend et concerne un plaignant. Il faut qu'il y ait un plaignant de cet âge. Il peut arriver qu'il n'y ait pas de plaignant, si les jeunes de 14 ou 15 ans disent qu'ils ne portent pas plainte, quoi qu'on en pense, que c'est une véritable relation, et ils ne sont pas plaignants. Ce que je voudrais savoir, c'est si toute la protection échoue pour les jeunes de 14 ou 15 ans s'ils disent ne pas être plaignants? L'article s'appuie bien sur le concept de plaignant.

  (1020)  

    Oui, et par définition dans le Code criminel, un plaignant et une victime sont la même personne.
    Pour répondre à cette question, ce serait au tribunal d'en décider.
    Donc, ce n'est pas clair. La question ne s'est jamais posée?
    Quant à savoir...
    À votre connaissance, si quelqu'un dit ne pas être plaignant, il n'y a pas de poursuite.
    Certainement, selon la loi — Tout ce que cela change, ici, c'est l'âge requis pour consentir. La notion voulant qu'une personne qui n'a pas l'âge requis pour consentir, en vertu de la loi en vigueur, puisse venir et dire qu'elle ne porte pas plainte n'a pas changé.
    Parce que l'article ne traite pas d'une personne de cet âge. Il y est question d'« un plaignant ».
    Je comprends.
    Si la personne dit ne pas être plaignante, est-ce que par conséquent, elle perd la protection de la loi, parce qu'elle veut perdre la protection de la loi?
    Mais alors, cela devient une question pour la police et la Couronne, et une question de discrétion aux yeux des autorités.
    Oui, mais nous essayons d'imposer la protection, ici. Si la personne à qui nous essayons d'imposer la protection rejette sont état de présumée plaignante, avons-nous perdu notre protection? Comprenez-vous ma question?
    Je comprends votre question, monsieur.
    L'ABC comprend que les enfants, les jeunes gens, sont sexuellement exploités, et il est nécessaire de les protéger. Nous estimons que la loi en vigueur l'a fait, et de fait, la nouvelle proposition ne va pas modifier le mécanisme par lequel elle y est parvenue. Elle y change certains aspects logistiques, dans le sens où les chiffres ont changé. Elle permettra d'appréhender un nombre différent de personnes. Mais le fonctionnement de la loi en tant que tel, selon ce que je comprends de la loi, a déjà été déclaré valable, et l'ABC n'a aucune intention de prétendre que ce mécanisme particulier n'est pas valable.
    Merci.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Je veux seulement m'assurer que je comprends bien. Sinon, peut-être que Mme Mackinnon ou l'Association du Barreau pourra apporter des précisions.
    Quel serait l'avantage à ce que, dans la loi, on soit plutôt en présence d'une présomption, que je présume réfutable, et non pas d'une règle de droit clairement établie? En ce qui me concerne, c'est la première fois que j'entends parler de cela. Ai-je bien compris qu'on semble plutôt nous inciter à pencher du côté d'une présomption plutôt que d'une prescription claire d'une règle de droit? Si c'est le cas, quels en seraient les avantages? Est-ce que je comprends bien la portée de ce que vous dites, ou ai-je mal interprété vos propos?
    J'aurai aussi une deuxième question, qui sera courte.

[Traduction]

    Vous m'avez bien comprise. Je dis que du point de vue de Justice for Children and Youth, une présomption réfutable est préférable à une règle absolue, parce que nous essayons tous de prévenir l'exploitation, et c'est difficile à déterminer, alors nous prenons l'âge comme un indicateur, et non pas parce que nous savons sans le moindre doute qu'il y a exploitation.
    À notre avis, l'autonomie des jeunes gens doit être reconnue. Leurs droits individuels — S'ils ne sont pas exploités, s'il n'y a pas d'exploitation, ce ne devrait pas être une activité criminelle.
    Alors nous préférerions une présomption qui tiendrait compte des jeunes gens qui mûrissent de manière différente, dans des situations différentes. Certains ont moins de maturité émotionnelle et plus de maturité physique. D'autres ont plus de maturité intellectuelle. Ils se développent de façon différente, et si nous essayons d'aller au coeur de leurs relations sexuelles personnelles et de ne pas criminaliser un comportement qui n'est pas exploitant, pas manipulateur, qui n'est pas dans le cadre d'un déséquilibre de pouvoirs, alors, c'est renier l'autonomie du jeune.

  (1025)  

[Français]

    La présomption serait-elle à l'effet de dire que si un adulte a une relation sexuelle avec une personne de 14 ans, cette relation relèverait de l'exploitation? Dans quel sens irait la présomption, dans votre esprit?

[Traduction]

    La présomption serait que pour ce qui est actuellement absolument une interdiction dans le projet de loi — ce n'est pas vraiment cinq ans, si je ne me trompe, mais moins de cinq ans, donc quatre ans plus 364 jours — si l'écart d'âge est plus grand que cela, on présumerait qu'il y a exploitation sexuelle.
    Ce n'est que par la preuve, si des preuves peuvent être trouvées en passant par la jeune personne non plaignante, ou encore de n'importe quelle autre façon — dans des journaux intimes, par les observations d'autres personnes — sur quoi peut se fonder un juge. D'après notre expérience, les juges sont très doués dans ce monde pour déceler le mensonge — c'est plus direct — mais ils peuvent aussi déceler quand quelqu'un est vraiment manipulé.

[Français]

     Ai-je encore du temps? Je ne veux pas dépasser le temps qui m'est alloué, monsieur le président.
    Cela dépend s'il s'agit d'une présomption légale ou pas, mais il peut y avoir des pièges à des présomptions, en ce qui a trait à la mécanique du droit. Je pense que pour les gens du Barreau canadien, surtout si on est en présence d'une étoile montante et de quelqu'un qui est supérieurement brillant, comme le disait M. Moore à la faculté, il y a différents types de présomption. C'est la première fois que j'en entends parler. J'aurais besoin d'y réfléchir encore. Il y a peut-être un mérite à cela, mais une présomption qui peut être réfutable ou qui n'est pas réfutable peut donner des moyens à la Couronne ou pas. Quand on lira votre mémoire, on comprendra davantage.
    Si j'en ai le temps, je vous pose une dernière question. Autrement, je me soumets à votre verdict, monsieur le président.
    Personne parmi les témoins ne nous a expliqué pourquoi... J'aurai 45 ans au mois de mai. Dans mon groupe de référence, quand j'avais 14, 15, 16 ans, les relations sexuelles précoces étaient plutôt l'exception que la règle. Aujourd'hui, on voit les statistiques. Cela dépend peut-être des milieux, des antécédents ou si on est beau bonhomme ou pas — je ne veux pas entrer dans différentes variables explicatives —, mais à votre avis, qu'est-ce qui fait, sociologiquement, que les jeunes ont des relations sexuelles précoces? Vous n'êtes pas obligée de nommer des noms; je fais appel à votre expérience sociologique.

[Traduction]

    Et je n'ai certainement pas besoin de parler de ma propre expérience non plus.
    Je pense que l'âge auquel les jeunes gens s'engagent dans l'activité sexuelle est généralement une question de culture. Les jeunes font souvent comme leurs pairs. Souvent —
    Eh bien, voici un exemple qui n'est même pas au Canada. Dans les camps de réfugiés, vous verrez que les jeunes s'engagent dans l'activité sexuelle et les jeunes femmes deviennent enceintes à un âge extrêmement précoce, en partie pour reproduire leur tribu. C'est un instinct hautement survivaliste, que de rechercher et de recréer ces peuples qui ont été victimes de génocide et d'autres atrocités. C'est le meilleur exemple qui soit, parce que nous pouvons tous le comprendre. Peut-être ne pensons-nous pas que ce soit le meilleur comportement que puissent avoir des jeunes de 11, 12 et 13 ans.
    L'autre chose, c'est que les jeunes gens, à cause de l'alimentation et de divers autres facteurs, atteignent de fait la puberté plus tôt qu'il y a bien des années. Alors il y a diverses raisons, certaines personnelles et d'autres culturelles, et certaines liées au développement physique.
    Mais les jeunes Canadiens, en moyenne, commencent à être activement sexuels vers les 14 ans. C'est bien entendu, ce qui est aujourd'hui l'âge requis pour consentir. C'est dans notre document. Je ne peux pas me rappeler où, mais c'est 14,1 ans pour un sexe — on peut supposer que ce sont les filles — et quelque chose comme 14,5 ans pour l'autre sexe.

  (1030)  

    Merci.
    Merci, monsieur Ménard.
    Monsieur Thompson.
    Merci beaucoup.
    Tout d'abord, j'aimerais offrir mes félicitations à M. Gillespie, pour ce nouveau poste, dans cette nouvelle lutte qui se livre. Et merci pour les six ans que vous venez de passer dans le secteur où vous avez travaillé, à Toronto. Je sais bien combien il a été difficile pour vous et votre personnel, au fil de toutes ces années, de composer avec cette horreur qu'est la pornographie juvénile. Je voulais seulement vous offrir mes meilleurs voeux de succès dans vos nouvelles fonctions, et vous remercier infiniment pour votre travail. Vos efforts, à l'échelle nationale, ont sensibilisé beaucoup de monde à la gravité de ce problème. Vous avez fait un excellent travail sur ce plan, alors je vous en félicite.
    J'ai une brève question à poser aux gens de Statistique Canada.
    Madame Barr-Telford, avez-vous une indication du nombre de jeunes de 14 et de 15 ans qui vivent dans une situation à laquelle ils ont consenti?
    Une définition plus précise de cela est que nous avons des données sur la proportion de jeunes de 15 ans, par exemple, qui vivent en situation conjugale ou de concubinage, et c'est 0,07 p. 100. Donc, c'est environ 72 jeunes par 100 000 habitants. C'est pour les jeunes âgés de 15 ans.
    D'accord, mais vous n'en connaissez pas de 14 ans?
    Il n'y en avait pas.
    D'accord, merci.
    Dans les années que j'ai passées comme directeur d'une école secondaire de premier cycle, j'ai connu cinq situations sérieuses dont je peux me rappeler, où des jeunes de 14 et de 15 ans avaient quitté leur famille pour vivre avec un adulte. Dans tous les cas auxquels j'ai eu affaire, c'était une jeune fille qui partait vivre avec un homme adulte.
    Dans l'expérience que j'ai eue de cette situation, j'ai constaté quelque chose de très grave qui arrivait, et c'est la manière dont la famille était victimisée, la mère et la famille de l'enfant. Je n'avais aucun pouvoir pour faire quoi que ce soit. La mère et le père qui voulaient extraire leur enfant de cette situation et n'avaient aucun pouvoir. La police ne pouvait agir en leur nom.
    Vous ne pouvez qu'imaginer ce par quoi passe un parent, nuit après nuit, à se demander ce qui arrive à sa fille de 14 ans qui est allée vivre avec un homme de 25 ans, avec le va-et-vient constant d'amis, les fêtes, et quoi d'autre, combien ce peut être déchirant pour eux.
    J'aimerais demander à M. Sullivan s'il a des données sur le nombre de personnes qui sont ainsi victimisées, qui ne sont pas les adolescents, mais surtout les parents, les proches de ces jeunes?
    Je n'ai pas d'études, mais je peux vous dire qu'en général, comme j'ai travaillé avec les victimes, la victimisation touche plus que la victime immédiate, que ce soit une victime d'agression sexuelle, d'abus sexuel, de violence ou même d'homicide, que les familles sont terriblement touchées par les souffrances de leurs proches.
    Je peux vous dire, nous avons eu affaire à bien des familles de victimes d'homicide, et quand la victime est un enfant, la souffrance des parents est sans bornes. Elle entraîne la rupture des mariages, des dépressions. J'ai connu des familles où il y a eu des suicides. Donc, les souffrances d'un enfant ont d'énormes répercussions sur les familles. Je n'ai pas d'études à fournir en preuve, mais je suis sûr qu'il existe des études qui en traitent.
    Si on y réfléchit pendant un instant, on se rend compte que ce sont des enfants de 14 et de 15 ans. Ils ont une mère et un père. J'ai des enfants, et je dois dire qu'on se fait parfois un sang d'encre quand ils sont impliqués dans certaines choses. Toutefois, quand un parent n'a aucune autorité et ne peut rien faire, cela ne va pas.
    À mon avis, ce projet de loi contribuera beaucoup à redonner cette autorité, cette capacité de travailler auprès de vos enfants. Cet avantage, à lui seul, rend le projet de loi très valable, selon moi.
    Est-ce que l'un des témoins d'aujourd'hui serait en désaccord avec moi à ce sujet? Si oui, je vous prie de vous exprimer.

  (1035)  

    Il semble bien que personne ne soit en désaccord avec vous, Myron.
    Je dirais alors que si on considère que le comité essaie d'adopter une mesure législative qui réduira le nombre de victimes, et tout le monde convient que c'est ce que fera ce projet de loi, alors pour l'amour du ciel, faisons-le. Ce n'est qu'une question de gros bon sens.
    Il y a eu trois suicides et deux divorces dans ces cinq familles, tout cela parce qu'un jeune de 14 ou de 15 ans pouvait prendre ses propres décisions et consentir à pareille activité. Voilà la cause. Arrêtons cela. Adoptons ce projet de loi. Allons de l'avant et réduisons le nombre de victimes dans notre pays. C'est là notre travail, et nous ne faisons pas un très bon boulot si nous permettons ces choses.
    Merci.
    Merci, Myron.
    Je crois que dans l'ensemble, les gens réunis autour de cette table, sauf quelques exceptions, sont passablement d'accord avec vous.
    En tant qu'ancien policier, je peux reconnaître l'angoisse qu'éprouvent les parents qui essaient de sortir leur enfant de 14 ou de 15 ans d'une situation très délicate. C'est un thème plutôt fréquent chez les policiers.
    Un bref commentaire seulement, monsieur le président. Je ne pouvais pas croire le nombre d'ordonnances de non-communication rendues pour empêcher les parents de s'approcher de leurs propres enfants. C'était incroyable. J'en ai été bouleversé.
    Je sais. C'est une réalité, que cette mesure changera peut-être.
    Presque tout le monde a eu l'occasion de poser des questions, à l'exception de M. Brown et de M. Petit.
    Monsieur Brown.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai écouté les réponses données jusqu'à présent, alors je vais essayer d'aborder un aspect sur lequel personne n'a encore posé de questions. Je pourrais adresser mes questions à M. Sullivan et Mme Nuttall.
    Nous devons évidemment regarder la chose du point de vue des victimes, entre autres. J'aimerais qu'on dise au comité ce que cela signifie pour les victimes d'exploitation sexuelle, pour les enfants qui sont exploités. Quelles sont les conséquences à long terme pour une personne qui a été victime d'abus auparavant, mais qui n'était pas visée par la loi précédente? Quand on songe à faire passer l'âge de consentement à 16 ans, comment cette mesure protégera-t-elle les jeunes de 14 et de 15 ans qui n'étaient pas protégés auparavant? Comment va-t-elle aider les communautés, les familles, les quartiers?
    J'aimerais demander à M. Sullivan et à Mme Nuttall de répondre à cette question.
    Ce que nous avons fait à Barrie, c'était d'essayer de réveiller les parents, de sensibiliser la communauté à ce qui se passe, pour qu'ils puissent commencer à faire face à la situation. Comme M. Gillespie l'a dit, les gens ne veulent pas le croire. Si le Parlement fait une déclaration ou prend une mesure énergique, ils verront que quelque chose est fait et ils se sentiront plus en mesure de composer avec ces situations.
    Un des problèmes qui se posent avec les enfants qui sont — J'aimerais décrire une enfant à qui j'ai enseigné, mais je vous prie de ne pas revenir sur le conseil scolaire d'où je viens, parce que j'aurai de grands ennuis et je serai expulsée.
    J'ai rencontré une fille qui était extrêmement —
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. J'aimerais simplement faire remarquer à Mme Nuttall qu'il s'agit d'une audience publique. Si elle craint d'avoir des ennuis en donnant des renseignements, elle ferait peut-être mieux d'y réfléchir davantage.
    Vous pourriez peut-être vous exprimer sans faire référence à quiconque.
    D'accord.
    Disons que c'est une fille qui aspire — et le mot n'est pas assez fort — à devenir actrice. Il y a quelque chose derrière cela que vous ne pouvez pas saisir. Elle ne réagit pas à la discipline, et elle dérange beaucoup. Par exemple, elle prétend qu'elle ne peut pas écrire parce qu'elle aura mal à la main. Il s'agit d'une fille de 11 ans. Or, cette enfant et bien d'autres comme elle peuvent se trouver dans une situation où ils ont besoin d'aide, et ils doivent pouvoir demander cette aide. Cela vient de l'éducation, d'un discernement entre ce qui est approprié et ce qui ne l'est pas; et ils peuvent faire quelque chose à cet égard.

  (1040)  

    Excusez-moi.
    Voulez-vous invoquer le Règlement, monsieur Petit?

[Français]

    Je suis d'accord avec Mme Jennings parce que je pense que madame va un peu trop loin. Elle décrit une situation que certains peuvent reconnaître. Nous sommes en public, et je pense que nous devons, comme membres du comité, prévenir madame que l'information peut sortir d'ici, ce qui poserait problème, justement. Alors, il serait bon que le président rappelle certaines choses.

[Traduction]

    Merci, monsieur Petit, et merci, madame Jennings.
    Dans votre propre intérêt, madame, essayez de vous en tenir à des commentaires très généraux. Essayez d'éviter les détails, si c'est possible. Il s'agit d'une audience publique.
    Nous manquons de temps, alors je pourrais peut-être demander à M. Sullivan de parler des conséquences à long terme pour les jeunes de 14 ou 15 ans qui n'étaient pas visés par la loi actuelle.
    De façon générale, un des avantages est que nous allons empêcher que des enfants soient exploités par ceux qui cherchent à le faire. Personne parmi nous n'est assez naïf pour croire qu'au moment où nous allons adopter cette loi, les gens ne seront plus motivés, mais on peut espérer que lorsque le mot se répandra, comme Paul l'a mentionné, certaines personnes seront dissuadées d'abuser des enfants.
    Il faut comprendre qu'un grand nombre de jeunes personnes dans ces situations ne vont pas reconnaître tout de suite qu'elles sont exploitées. Elles peuvent en retirer des avantages auxquels la plupart d'entre nous ne pensent pas : acceptation, cadeaux, attention qu'on ne reçoit pas des parents, ce genre de choses. Elles pourraient ne pas en être conscientes.
    En général, nous nous sommes occupés de personnes qui ont été victimes d'abus sexuels par le passé et qui font maintenant un signalement et s'adressent à des commissions d'indemnisation pour obtenir réparation, ou qui font un signalement à la police. Les conséquences à long terme sont un manque de confiance et l'absence de relations intimes. Certaines personnes sombrent dans l'alcoolisme et l'auto-violence, ce genre de choses. Les effets à long terme de l'abus sexuel — pas seulement pour les jeunes de 14 et 15 ans, mais pour toutes les victimes — peuvent changer toute une vie.
    Je crois que cette mesure protégera certaines personnes, qu'elle mettra fin à certains abus avant qu'on aille trop loin, qu'elle donnera aux autorités et aux parents, comme M. Thompson l'a mentionné, le pouvoir d'intervenir en pareille situation et, espérons-le, qu'elle permettra de prévenir les effets à plus long terme de ces abus.
    Allez-y, monsieur Petit.

[Français]

    Je remercie tous les témoins d'être venus témoigner ce matin.
    Ma première question s'adresse à M. Gillespie, mais elle porte peut-être sur un autre aspect. Le projet de loi semble faire consensus auprès de toutes les parties. Quand on a des enfants, la société dans laquelle on vit fait en sorte que souvent on dépose nos enfants le matin à l'arrêt d'autobus scolaire, et ce, jusqu'à ce qu'ils soient en sixième année. Ensuite, ils vont au secondaire et, dans ma province, cégep. Bien souvent les parents perdent le lien avec les enfants. Ces derniers rentrent à certaines heures; et les parents, à d'autres, ce qui fait que la relation avec les enfants est difficile.
    À un moment donné, la jeune fille ou le jeune homme atteint l'âge de 14 ans et vit ce qu'on appelle une poussée d'adrénaline. Cela se produit chez tous nos adolescents, et les parents n'ont pas de pouvoir. Ils voient parfois qu'il y a dégradation, ils se responsabilisent, se culpabilisent et font tout pour essayer de régler les problèmes.
    Monsieur Gillespie, je ne veux pas aborder la question des nouvelles technologies. Selon vous, ce projet de loi pourrait-il aider les parents dans le sens de ce qui a été dit autour de la table tout à l'heure? On porte l'âge de consentement à 16 ans. Ce projet de loi pourrait-il, dans certains cas, aider les parents qui ne sont plus en mesure de jouer leur rôle à cause d'un train de vie très moderne et très effréné? Oubliez le mot « leurre ». Je ne veux pas m'embarquer dans des questions d'ordinateurs. Je veux simplement que vous me disiez si, selon votre expérience, ce projet de loi pourrait les aider.

[Traduction]

    Je le crois.
    Permettez-moi de dire d'abord que vous avez raison. Les enfants sont des enfants, et certains vont prendre des décisions dans diverses situations et peuvent faire des erreurs. Toutefois, ce projet de loi arrêtera ceux qui pourraient profiter du fait que les enfants peuvent être tentés d'enfreindre les règles du cadre familial et prendre de mauvaises décisions. Si cette mesure dissuade certaines personnes de se compromettre avec ces enfants, je crois qu'elle aidera les parents, parce qu'ils sentiront peut-être un peu plus de sécurité, ils auront le sentiment que les hommes plus âgés n'ont pas le droit de faire des proies de leurs enfants, peu importe ce qu'ils veulent faire. Cette mesure n'arrêtera pas tout, mais je crois qu'elle fera une différence et permettra d'avoir un peu plus de contrôle sur vos enfants.

  (1045)  

[Français]

    Monsieur Gillespie, vous savez comme moi que dans les grandes villes où il y a beaucoup de ghettos et où les nouveaux arrivants s'installent bien souvent, les parents travaillent de longues heures et les enfants sont parfois laissés à eux-mêmes et sont récupérés par des gangs de rue qui, à un moment donné, vont les exploiter sexuellement.
    On sait très bien que d'autres lois, d'autres dispositions du Code criminel peuvent nous aider. Par ailleurs, des immigrants arrivent ici avec des enfants de 14 ou 15 ans. C'est mon cas, je suis immigrant et j'ai connu ce qu'on appelle l'adaptation à une nouvelle culture. Je répète la même question, parce que les gangs de rue constituent présentement un grave problème dans nos grandes municipalités.
    Ce projet de loi, s'il était adopté, pourrait-il aider les parents à signaler un comportement « désordonné » chez leurs jeunes adolescents relativement à un gang de rue qui commence à les exploiter ou qui pourra les exploiter? Cela peut-il aider? J'exclus toujours les histoires d'ordinateurs parce que je vais sur le terrain uniquement.

[Traduction]

    Je crois que vous avez fait une observation intéressante. Bien sûr, dans différentes cultures, différents modes de vie, et chez les nouveaux immigrants, le débat soulève plusieurs questions et des défis nouveaux. Toutefois, s'il est dit clairement que c'est illégal, les parents seront au moins un peu plus à l'aise et on peut espérer que les enfants commenceront à prendre de meilleures décisions.
    La vérité est qu'il y aura toujours des personnes plus âgées qui voudront exploiter les plus jeunes, que ce soit pour les attirer dans les gangs de rue pour se livrer à une activité criminelle ou encore pour obtenir des faveurs sexuelles. Je crois que ce sera profitable pour la société en général si on dit clairement: voici la limite, et c'est la loi.

[Français]

    Ma prochaine question s'adresse à l'Association du Barreau canadien.
     Un peu plus tôt, une question très pertinente a été soulevée. Il y a une différence entre une règle absolue de 5 ans de proximité et une présomption. La présomption signifie que l'on va présumer qu'une personne adulte, de 22 ans par exemple, qui sort avec une jeune fille de 14 ans est dans une situation d'exploitation.
    Quelle différence faites-vous? Est-ce une question de facilité? Nous ne voulons quand même pas rendre la vie difficile à tout le monde ni passer notre temps au tribunal à essayer de renverser la présomption. Comprenez-vous ce que je veux dire? Je voudrais savoir s'il est préférable de garder une règle absolue.
    Un peu plus tôt, une question a été soulevée — et je n'ai pas encore réfléchi à cela — sur la présomption. Il ne faut pas oublier qu'avec la présomption, on va ouvrir quelque chose de grand. Vous savez ce qu'est une présomption irréfragable, et Dieu sait qu'on a beaucoup de problèmes devant les tribunaux à cause de cette notion.
    Quelqu'un de l'Association du Barreau canadien pourrait-il, sans donner un conseil juridique, nous guider un peu? Avez-vous réfléchi à cela?

[Traduction]

    L'ABC dans son ensemble n'a pas examiné l'idée de présomption. Encore une fois, lorsque j'ai parlé tout à l'heure, j'avais mal compris la question. Je croyais qu'il s'agissait d'élargir l'exception pour deux personnes d'âge rapproché, que prévoit le projet de loi et qu'appuie l'Association du Barreau canadien.
    Si je peux le répéter, la loi existante a déjà fait l'objet d'une contestation fondée sur la charte. Plusieurs tribunaux ont établi que les droits à l'égalité n'avaient pas été brimés parce qu'on avait retiré la défense fondée sur le consentement lorsque le plaignant avait moins de 14 ans.
    Sans vouloir entrer dans un débat constitutionnel ou faire valoir les mérites d'un cas particulier, et c'est évidemment comment cela se ferait, l'Association du Barreau canadien est d'avis que la proposition, à prime abord, à la lumière de ceci et avec le consensus de l'ABC, résisterait à une contestation d'ordre constitutionnel, probablement. Évidemment, je ne peux pas le dire avec certitude.
    Nous ne sommes pas ici pour promouvoir la notion de présomption, même si cette idée est avancée ce matin. Les membres n'ont pas été appelés à se prononcer sur cette question.

  (1050)  

    Merci, monsieur Petit.
    Monsieur Gillepsie, vous vouliez faire un commentaire.
    Oui, puis-je répondre rapidement?
    Concernant le concept de présomption, je crois qu'un concept semblable a été débattu il y a quelques années, qui pourrait permettre d'examiner la nature de la relation, et la victime pourrait être appelée à témoigner, ce qui ouvre la porte à un énorme problème.
    Et le voici: tout le monde fera cela. Les victimes ne voudront pas s'impliquer. Les responsables de l'application de la loi seront très frustrés, sachant que de longues batailles entre avocats finiront par frustrer tout le monde. Ils choisiront, dans la plupart des cas, de suivre des chemins différents, peut-être en portant des accusations différentes. Les tribunaux seront tout simplement débordés.
    À mon avis, cette loi sera inefficace et ne sera pas appliquée.
    Ce que vous dites au sujet des tribunaux est intéressant, et je peux voir la chose se produire.
    Lorsque j'étais policier à Calgary à l'époque où l'âge était de moins de 14 ans, je me rappelle que le service de police était débordé par un nombre incalculable d'enquêtes sur les abus à l'égard des enfants; il ne pouvait pas s'en occuper, et beaucoup étaient confiées aux services sociaux. Si on ajoute deux autres années à cette liste — et d'après ce que je comprends des statistiques, on note une plus grande activité durant ces années maintenant — que vont faire les équipes d'enquêteurs devant le nombre accru de plaintes qui seront présentées? Comment les tribunaux vont-ils traiter cela?
    Je crois simplement qu'un juge des faits sera responsable d'examiner la nature de la relation. Compte tenu de toutes les circonstances atténuantes entourant la question de l'exploitation, le processus sera très long, très frustrant pour toutes les personnes concernées.
    Vous parlez de présomption?
    Oui, s'il y a une présomption.
    S'il n'y a aucune idée de présomption, mais qu'on regarde plutôt la façon dont les inspecteurs et les tribunaux agissent à l'heure actuelle, le nombre de plaintes va quand même augmenter de façon considérable.
    Absolument.
    Les services de police sont-ils prêts à faire face à cette situation?
    Non. Les choses sont comme elles sont. Les agents de police font de leur mieux. En même temps, les procureurs de la Couronne présenteront des cas qui, selon eux, doivent donner lieu à des déclarations de culpabilité, pour le bien de tous, et ce sont les cas qui ne semblent pas avancer.
    C'est juste.
    Y a-t-il d'autres questions pour les témoins?
    Monsieur Comartin.
    Madame Barr-Telford, j'ai quelques questions à propos des statistiques.
    Dans le graphique que vous présentez, à l'avant-dernière page, nous voyons une hausse subite de 1981 à 1983, suivie d'une baisse presque semblable jusqu'à aujourd'hui, mais le taux des agressions sexuelles reste tout de même plus élevé. Je crois que je n'ai jamais vu de graphique montrant un tel écart en si peu de temps, pour tout autre crime.
    Je dirais que cela s'explique par un mécanisme de signalement, que les agressions n'étaient pas signalées au début, tandis qu'elles l'étaient au milieu de la période visée. Cela expliquerait cette hausse subite, mais je ne comprends pas pourquoi la diminution est si importante. Je ne crois pas qu'il y ait eu un changement particulier dans la loi durant cette période de temps, peut-être une meilleure application de la loi. Vous pourriez peut-être nous donner des explications.

  (1055)  

    Je vais vous donner quelques explications et offrir aussi à ma collègue la chance de vous répondre.
    Un des facteurs pouvant expliquer la progression dans la première partie de ce graphique a probablement trait à la mise en application de nouvelles mesures législatives. Lorsqu'une nouvelle loi entre en vigueur, on constate souvent ce genre de tendance pendant une certaine période de temps.
    Quant au déclin du taux d'agressions sexuelles qui a suivi, il correspond également au déclin que nous avons observé dans les années 1990 pour l'ensemble des crimes et les crimes violents. Cette diminution, et la stabilisation depuis 1999, est une tendance que nous observons pour d'autres crimes violents également.
    J'ajouterais simplement que la hausse enregistrée depuis l'entrée en vigueur de la loi, lorsque nous avons établi trois niveaux d'agression sexuelle en 1983, contribue certainement à cette augmentation. De plus, durant cette période, même si nos statistiques n'en parlent pas directement, il y a eu toutes sortes de campagnes d'éducation et de sensibilisation, et les policiers ont été formés pour traiter ces cas.
    On peut présumer aussi qu'un plus grand nombre de victimes se manifestent, par suite de ce qui s'est passé.
    D'accord.
    Mme Mackinnon l'a dit aujourd'hui, et nous avons reçu deux délégations la dernière fois qui ont dit la même chose — c'est-à-dire que l'âge moyen de l'activité sexuelle était autour de 14 ans.
    J'ai regardé vos statistiques, qui montrent que 13 p. 100 seulement des jeunes de 14 et de 15 ans ont une activité sexuelle. J'entends ceci. En fait, j'étais à la télévision nationale il y a quelques années et j'utilisais les 50 percentiles, en disant qu'on allait criminaliser 400 000 ou 500 000 jeunes — avec l'un de ces projets de loi qui ne prévoyait pas de défense fondée sur la faible différence d'âge et que vous aviez appuyé, monsieur Sullivan — si on augmentait l'âge de consentement à 16 ans sans prévoir de défense fondée sur la faible différence d'âge.
    Je ne comprends pas. Est-ce une question de définition de l'activité sexuelle? Vos statistiques sont-elles suspectes? J'aimerais que tous les deux, vous nous fassiez part de vos commentaires à ce sujet.
    Permettez-moi d'abord de commenter ce que nous vous avons présenté.
    Ce sont des données extraites de l'enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes de 2000-2001, dans le cadre de laquelle nous avons posé des questions précises sur les relations sexuelles avec consentement et les rapports sexuels. Je ne connais pas les données auxquelles vous faites référence. C'est peut-être une question de définition de l'activité sexuelle.
    Aujourd'hui vous avez avancé le pourcentage de 13 p. 100.
    J'ai utilisé aujourd'hui le pourcentage de 13 p. 100 et j'ai, en fait, la formulation exacte des questions qui ont été posées.
    On a demandé aux jeunes de 14 à 15 ans s'ils avaient déjà eu des rapports sexuels; on a demandé aux jeunes de 12 à 13 ans s'ils avaient eu des rapports sexuels avec un garçon ou une fille, et ainsi de suite. C'est une mesure précise d'un type précis d'activité sexuelle. Je ne peux pas vraiment dire si les autres données auxquelles vous faites référence reposent sur une définition plus vaste, mais le 13 p. 100 renvoie spécifiquement à cette question.
    Madame Mackinnon, vous avez dit qu'en moyenne, les expériences commencent à 14 ans. Qu'est-ce que cela veut dire?
    Nos données proviennent d'une étude de 2003, alors il se pourrait — je ne sais pas — que ce soit une année différente. C'est là notre source.
    En effet, la notion de ce qui constitue une activité sexuelle s'est élargie, et cette étude avait pour but d'examiner la prévention du VIH/sida, alors nous parlions donc des « comportements à risque », dont presque tous, mais pas la totalité, incluent des rapports sexuels.
    Madame Barr-Telford, les données concernant les rapports sexuels n'incluraient pas les relations sexuelles buccogénitales ou anales.
    Honnêtement, c'est la question qui a été posée au répondant. C'est ce qu'il a répondu à la question des « rapports sexuels ».

  (1100)  

    Vous êtes donc d'accord avec moi pour dire que cela inclut les deux autres types de relations.
    C'est impossible de le savoir, mais la question était très précise « Avez-vous déjà eu des rapports sexuels? »
    Ce n'est pas une étude, mais je peux vous dire qu'un bon nombre de nos clients — et j'ai lu ceci, sans pouvoir vous dire d'où venaient ces études, mais je l'ai lu aussi — bon nombre de jeunes sont très précis dans ce qu'ils considèrent être des rapports sexuels. Dans bien des cas, comme pour les relations buccogénitales, ils diraient qu'ils sont encore vierges. Il y a de nombreuses façons de décrire leur propre conduite qui auraient —
    Un certain président avait le même problème.
    Apparemment. C'est peut-être de lui qu'ils ont appris.
    Permettez-moi de dire une autre chose qui me préoccupe et qui a amené Justice for Children and Youth à chercher une présomption réfutable. Si on espère, d'une part, que les jeunes issus d'une famille heureuse peuvent profiter des conseils de leurs parents, on ne veut pas, d'autre part, que les jeunes aient peur au point de ne pas dire à leurs parents ce qu'ils font. Bon nombre des accusations dont nous sommes au courant sont déposées aujourd'hui parce que les parents portent plainte à la police.
    C'est le fait de rendre le comportement clandestin, comme je l'ai dit tout à l'heure, qui empêche de chercher de l'information et de divulguer des renseignements, mais ce problème se retrouve également dans la façon dont les jeunes décrivent leur comportement. Ils sont très prudents et veulent se protéger.
    Madame Barr-Telford, concernant la défense fondée sur la faible différence d'âge et les relations que nous avons, j'ai parcouru votre document encore une fois. Je n'ai pas vu cela. Je crois que vous avez dit quelque chose verbalement, que nous avions certaines données sur le pourcentage de jeunes qui sont engagés dans une conduite sexuelle avec une personne dont la différence d'âge est de moins de cinq ans, et puis les autres.
    Nous avez-vous donné des chiffres sur cet aspect? Je ne les trouve pas. Avons-nous des données fiables qui montrent combien de relations ne pourront pas faire l'objet d'une défense fondée sur une différence d'âge de cinq ans et moins?
    Vous voulez savoir combien ont des relations sexuelles et quel est l'âge du partenaire?
    Non, je n'ai pas de données sur l'âge du partenaire de ceux qui ont déclaré avoir des rapports sexuels.
    J'ai fourni des données sur les infractions de nature sexuelle, sur la relation entre l'accusé et la victime et sur l'âge de l'accusé et celui de la victime. C'est très spécifique aux infractions de nature sexuelle.
    Et nous n'avons aucune autre étude qui montre combien de relations ne sont pas visées par la défense fondée sur la faible différence d'âge que nous prévoyons dans ce projet de loi?
    Concernant l'activité sexuelle et les relations sexuelles, je n'ai pas cette information.
    J'ai juste une autre question, monsieur le président.
    Elle s'adresse à l'Association du Barreau canadien. La communauté gaie, lesbienne et transgenre pourrait contester cette loi en vertu de la Charte. C'est l'argument que j'ai entendu, que dans cette culture, différente de la communauté hétérosexuelle — Je dois vous dire que je n'ai pas accepté cet argument, mais je l'ai entendu et je me demande simplement si vous l'avez entendu et examiné, si nous devrions avoir cette préoccupation. L'argument veut que dans cette culture, il est plus fréquent de trouver deux partenaires dont la différence d'âge est de plus de cinq ans — des partenaires consentants mais ayant une différence d'âge de plus de cinq ans.
    Avez-vous entendu cet argument?
    On soutient aussi qu'on présentera éventuellement des données démographiques à un tribunal pour montrer qu'il s'agit d'une culture différente; alors cette disposition serait discriminatoire à l'égard de cette culture; en conséquence, cette mesure serait annulée, du moins pour les membres de la communauté gaie, lesbienne et transgenre.
    J'ai entendu cet argument. Je crois qu'il a été avancé par l'organisme EGALE Canada et peut-être d'autres groupes. Je me perdrais en conjectures si je devais donner mon opinion sur une éventuelle contestation en vertu de la Charte, alors je ne peux pas dire grand-chose à ce sujet.
    Ce que je peux dire, c'est que l'ABC est en faveur de l'âge de consentement fixé dans le projet de loi C-22 et nous n'invoquons pas le même argument que le groupe EGALE à cet égard.
    Cet argument a-t-il été présenté dans d'autres pays de common law? La défense fondée sur la faible différence d'âge pourrait-elle être contestée en vertu d'une déclaration des droits?

  (1105)  

    De mémoire, j'essaie de penser à une situation où cet argument a été avancé. Il y a des cas aux États-Unis — qui ne seraient pas tout à fait les mêmes — concernant des exceptions fondées sur la faible différence d'âge pour ce qui est de rapports sexuels entre personnes de même sexe, sur les mêmes motifs que pour les rapports sexuels entre personnes de sexe opposé, mais ce n'est pas vraiment la question que vous posez. Non, je ne peux pas dire qu'il n'y en a pas, mais aucun ne me vient à l'esprit.
    Merci, monsieur Comartin.
    Monsieur Thompson.
    Je crois que Mme Mackinnon a quelque chose à ajouter.
    Je vous en prie.
    Je ne peux pas vous parler d'une étude quelconque et je n'ai aucune donnée sur les normes de la culture homosexuelle. Je ne peux pas me prononcer à ce sujet. Je peux vous parler seulement de l'expérience de notre clinique. Je peux vous dire qu'un grand nombre de nos clients nous disent que les insultes, les comportements et les critiques homophobes sont plus fréquents durant l'adolescence, et les jeunes homosexuels seront plus portés à chercher des relations intimes à l'extérieur de leur réseau scolaire ou encore là où c'est moins connu.
    Je ne sais pas ce que cela nous dit sur l'âge. Je peux vous dire que Toronto a créé une école spéciale parce que trop de jeunes allosexuels décrochaient. Nous aimerions tous que cette forme d'intimidation et de conduite homophobe cesse, mais c'est difficile à extirper. Cette communauté affichait un taux de décrochage beaucoup plus élevé; alors, une école spéciale et sécuritaire a été créée pour ces jeunes.
    Monsieur Thompson.
    Au cours des années pendant lesquelles j'ai travaillé dans le secteur de l'éducation, soit du milieu des années 60 au début des années 90, j'ai été témoin de bon nombre de changements. Le rôle de l'école est devenu de plus en plus vaste. On a commencé à moins mettre l'accent sur les trois compétences de base pour adopter différentes formules d'éducation sociale.
    J'ai une impression personnelle à ce sujet. Je ne sais pas si cela a vraiment fait l'objet d'une analyse détaillée, mais une bonne partie des mesures éducatives qui se sont écartées de la norme, alors qu'elles relevaient traditionnellement des parents, de l'église ou d'autres organisations communautaires par le truchement de certaines activités, ne m'ont jamais apparu tellement efficaces. Si je pense à la sensibilisation des adolescents quant à l'alcool au volant, il ne me semble pas que nous ayons obtenu les résultats escomptés en intégrant cette activité à nos programmes d'études.
    Lorsque cette loi entrera en vigueur, j'aimerais que deux messages très clairs soient envoyés : il faut dire aux éventuels contrevenants qu'il n'est plus acceptable pour eux de s'intéresser aux jeunes de 14 et 15 ans et qu'il serait préférable qu'ils y renoncent — je ne sais pas exactement quelle forme pourrait prendre ce message, mais il faut qu'il soit établi bien clairement que cette situation a changé au Canada — et il faut que notre système d'éducation sensibilise les jeunes de 14 et 15 ans au fait que cette activité ne leur est plus accessible parce qu'elle est devenue illégale. Cette loi la rendra illégale.
    Je me demandais simplement si quelqu'un a une idée de la manière dont le milieu de l'éducation devrait s'y prendre à cet égard. Sinon, peut-être pourrions-nous nous pencher sur la question éventuellement.
    Des commentaires?
    J'ai une question pour les représentantes du Centre canadien de la statistique juridique.
    À la lumière de mon expérience, il ne fait aucun doute que le signalement des infractions de ce genre aux services de police finit, à la longue, par surcharger de plaintes plusieurs de ces unités spécialisées. Bon nombre de ces plaintes sont d'ailleurs aiguillées vers les organismes de protection de la jeunesse ou les services sociaux qui se chargent de leur traitement. Est-ce que le Centre canadien de la statistique juridique compile des données sur ce type particulier d'infractions en plus des cas relevant des autorités policières pour lesquels des accusations sont portées?

  (1110)  

    Les données que nous avons présentées et celles dont nous disposons relativement au nombre d'incidents nous viennent directement des services de police; il s'agit des incidents qui sont signalés à la police. Les statistiques ne tiennent donc pas compte des cas dont la police n'est pas informée ou pour lesquels elle ne fait pas de suivi.
    Si des cas sont soumis aux services sociaux en vertu d'un arrangement quelconque conclu avec les autorités policières, les données pertinentes vous sont-elles communiquées?
    Nous recevons les données que la police veut bien nous envoyer, alors il nous est très difficile de savoir quelle décision peut être prise à un moment particulier. Si un incident est signalé à la police et si celle-ci le porte à notre connaissance, nous recevons les données. Alors, tout dépend dans une large mesure les renseignements que les services policiers nous communiquent.
    Monsieur Gillespie ou monsieur Sullivan, avez-vous des observations au sujet des différents éléments de cette chaîne d'information, si je puis m'exprimer ainsi?
    Depuis plusieurs années, on s'emploie à établir des liens plus étroits entre les forces de l'ordre et les services de protection de la jeunesse et d'aide à l'enfance. Mais on n'a pas pu toujours compter sur un régime de signalement obligatoire qui fait en sorte qu'une instance avisée d'un cas est tenue d'en informer l'autre. Et je crois d'ailleurs que c'est encore la situation qui prévaut au Canada; les modalités varient d'une région à l'autre. Chacun ne peut pas être assuré d'être mis au courant de tous les cas. Cette situation a été problématique dans le passé.
    Je n'ai rien à ajouter. Je n'ai pas d'expertise particulière en la matière, mais je vois la situation un peu comme Paul.
    Très bien. Alors, si on fait exception des dossiers qui se retrouvent sur le bureau d'un agent de police ou dans le fichier de signalement, même les statistiques compilées par le centre ne reflètent pas vraiment — Nous avons donc une idée encore moins claire de l'ampleur du phénomène.
    Permettez-moi d'ajouter qu'au départ, comme je l'ai indiqué dans ma déclaration, notre Enquête sociale générale de 2004 sur la victimisation qui a été menée auprès des personnes de 15 ans et plus, révélait que seulement 8 p. 100 des infractions sexuelles étaient signalées à la police. C'est un taux de signalement très faible.
    Effectivement.
    Je veux seulement ajouter que lorsqu'un tribunal transfère une cause ou l'aiguille vers les services sociaux ou un autre programme, nos statistiques juridiques indiquent qu'il y a eu « sursis » ou « renoncement ». Nous pouvons savoir que la cause a été renvoyée, mais ils nous est impossible de dire vers quelle instance.
    D'accord, merci.
    Un grand merci à tous nos témoins. Ce fut une longue séance de travail qui nous a permis de recueillir beaucoup d'information. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir contribué aux travaux de notre comité. Les renseignements que vous nous avez fournis nous donnent beaucoup de matière à réflexion. Je vous remercie à nouveau pour vos exposés.
    Le comité va maintenant suspendre ses travaux pour ne les reprendre qu'à midi. C'est un rendez-vous.

    


    

  (1200)  

    Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne reprend maintenant ses travaux sur le projet de loi C-22, loi modifiant le Code criminel relativement à l'âge de protection et la Loi sur le casier judiciaire en conséquence.
    Nous avons eu ce matin des discussions assez longues que nous allons bien sûr maintenant poursuivre. Nous recevons plusieurs témoins cet après-midi et je vais vous en dresser rapidement la liste.
    Nous accueillons aujourd'hui, du Conseil canadien des avocats de la défense, M. Trudell — c'est agréable de vous revoir si rapidement, monsieur Trudell; du B.C. Civil Liberties Association, Jason Gratl et Christina Godlewska; de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, Kim Pate; du Age of Consent Committee, M. Andrew Brett et M. Nicholas Dodds; de l'Institut du mariage et de la famille du Canada, M. David Quist; et de l'Université d'Ottawa, Daphne Gilbert, professeure à la faculté de droit, section du droit commun.
    Bienvenue à tous.
    Nous allons commencer les exposés en suivant la séquence prévue à l'ordre du jour. Je laisse donc la parole à M. Trudell.
    C'est un honneur de comparaître à nouveau devant votre comité. Je rentre chez moi aujourd'hui, c'est promis. En fait, c'est Isabel Schurman, qui a beaucoup travaillé sur ce dossier, qui devait être ici aujourd'hui. J'essaie simplement de la remplacer au meilleur de mes capacités.
    Lorsque nous avons examiné ce projet de loi pour le compte du Conseil il y a déjà un bon bout de temps, nous estimions au départ qu'il n'était pas vraiment nécessaire de modifier l'âge de consentement. Ce changement n'améliorait pas nécessairement la protection, car le Code criminel prévoit déjà des mesures très concrètes pour les délits sexuels impliquant une personne mineure jusqu'à l'âge de 18 ans. Quoi qu'il en soit, je ne veux pas vous faire perdre votre temps, car d'autres ont convenu de la pertinence de hausser l'âge de consentement dans le cadre de ce projet de loi. Je vais donc vous présenter aujourd'hui des observations de nature plus générale.
    Lorsque vous apportez de tels changements, j'estime très important que vous preniez en considération, dans la mesure du possible, le fait que nous parlons de jeunes qui sont beaucoup plus avisés, du moins à première vue, beaucoup plus matures, toujours à première vue, beaucoup plus branchés sur le monde qui les entoure — via les médias et Internet, notamment — et beaucoup plus conscients de leurs droits que ne l'ont jamais été les gens de ma génération, au siècle dernier.
    En traitant de ces questions, nous devons nous assurer de respecter la capacité décisionnelle des jeunes. Nous voulons les protéger, mais nous devons être conscients de leur aptitude à prendre eux-mêmes des décisions. Je vous prie donc de vous assurer que ce projet de loi n'est pas oppressant au point d'inciter ces jeunes à sombrer dans la clandestinité pour poursuivre leurs relations, à se révolter contre leurs parents et à renoncer à obtenir l'aide dont ils ont besoin auprès des services de santé, de telle sorte que nous puissions nous retrouver, par exemple, avec une épidémie de sida. Dans le cadre de l'étude de ce projet de loi, il est vraiment important de prendre en compte les conséquences subsidiaires pouvant en découler.
    Nous sommes favorables aux dispositions touchant le leurre d'enfants. Je crois que cela ne fait aucun doute. Nous n'avons aucune observation à formuler à cet égard.
    Si le projet de loi est adopté, les dispositions concernant les relations anales continueront de s'appliquer indépendamment. Il serait bon que vous puissiez intégrer ces dispositions de manière à en faire intervenir d'autres — je crois que c'est l'article 150.1 ou quelque chose du genre — de telle sorte que le principe de l'écart de cinq ans puisse entrer en jeu. Certains vous diront que ces dispositions pourraient disparaître complètement, mais si ce n'est pas le cas, elles devraient s'appliquer dans l'esprit du reste de la loi. L'intégration de ces dispositions m'apparaît donc très importante.
    Comme certains intervenants l'ont fait valoir, des problèmes constitutionnels peuvent se poser relativement au rôle des provinces, pour ce qui est de l'octroi des licences de mariage, et du gouvernement fédéral. Quelqu'un m'a parlé d'un scénario qui verrait, par exemple, un juge provincial permettre un mariage pour voir ensuite les instances fédérales porter des accusations contre l'un des conjoints parce que l'écart limite de cinq ans est dépassé. Je pense qu'il serait possible de contester une telle décision en faisant valoir — en supposant que l'on parle d'une fille et d'un homme plus âgé — les droits de la jeune fille. Il nous faut donc être conscients qu'il convient d'assurer une protection suffisante à ces jeunes. Il faut leur offrir une voix qui parle en leur nom et qui les protège, tout en s'assurant de respecter leur capacité décisionnelle.
    Je pense qu'il en va de même des préoccupations pouvant découler de la nécessité pour un médecin de signaler une relation qu'il juge abusive. Nous ne voudrions surtout pas que cette jeune personne renonce à la possibilité de voir un médecin. Il faut donc trouver un juste équilibre à ce chapitre.
    Nous sommes donc d'avis que le projet de loi constitue en lui-même, dans son esprit, une mesure favorable. Ceci étant dit, nous vous prions de vous intéresser à des considérations de nature plus générale de telle sorte que les personnes touchées comprennent bien que le gouvernement respecte leur droit de prendre des décisions, mais veut les protéger contre toute activité criminelle.

  (1205)  

    Nos lois contribuent grandement à protéger les gens dans ces situations d'exploitation. Nous parlons ici de consentement. Il y aura encore des poursuites criminelles dans les cas d'agression sexuelle et les infractions du genre, ce qu'on appelait auparavant le viol. Comme il est question de consentement, nous devons veiller à ce que la loi n'ait pas comme résultat de créer des problèmes sociaux.
    En terminant, j'aimerais revenir sur les propos de l'un des témoins de ce matin qui parlait d'une présomption quant à l'écart de cinq ans, une présomption de relation d'exploitation — ce ne sont pas ses termes exacts, mais je crois que vous voyez ce que je veux dire. J'estime que c'est une proposition tout à fait logique qui mérite votre considération. On transmettrait ainsi le message qu'il y a présomption d'une telle relation contraire à la loi, tout en permettant aux parties, à la présumée victime, de convaincre le tribunal que les apparences sont trompeuses, qu'elle possède la maturité nécessaire et qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter.
    C'étaient là les grandes lignes de mes observations.

  (1210)  

    Merci, monsieur Trudel.
    Maintenant, de la B.C. Civil Liberties Association, Jason Gratl et Christina...
    Je m'appelle Jason Gratl. Je suis président bénévole de la British Columbia Civil Liberties Association. Je suis accompagné de ma collègue Christina Godlewska, qui est stagiaire en droit.
    Nous voulons tout d'abord vous remercier de nous donner l'occasion de présenter nos observations, même si cette démarche peut paraître bien futile du point de vue politique. Nous nous réjouissons tout de même d'avoir la possibilité de vous soumettre quelques-unes de nos préoccupations et de nos réflexions concernant le projet de loi C-22.
    Je vais débuter avec un commentaire général pour exprimer notre inquiétude à l'égard du fait que le projet de loi C-22 marque un changement majeur en matière de politique et d'attitude à l'égard de la sexualité. En 1992, la Cour suprême du Canada a souligné, dans l'arrêt Butler concernant la définition de l'obscénité, une transformation fondamentale : on passait d'une législation fondée sur la moralité à une autre basée sur le préjudice. À partir de ce moment-là, la législature et les tribunaux devaient d'intéresser aux différents types de préjudices causés, sans qu'ils ne soient nécessairement scientifiquement mesurables, mais pour autant qu'une analyse puisse permettre de les déceler, comme ceux touchant les attitudes — les changements dans les attitudes des autres qui causent un préjudice social et psychologique à une personne.
    Il s'agissait d'établir un lien rationnel entre les formes de préjudices pouvant être relevées et le type de mesures législatives en cours. À notre avis, cet engagement à légiférer à l'encontre des préjudices, plutôt qu'en faveur de la moralité, est mis en péril par l'approche que votre comité semble adopter.
    Selon nous, les protections actuellement offertes aux jeunes sont suffisantes. Il convient de faire le nécessaire à l'égard des prédateurs sexuels qui sévissent dans le monde et d'importants efforts ont déjà été déployés pour s'assurer que ces délinquants sont contrôlés, punis et dissuadés dans le cadre des lois pénales en vigueur. Votre comité connaît bien la nature des crimes d'exploitation ainsi que les limitations imposées aux personnes se retrouvant en situation de confiance, de pouvoir et d'autorité relativement à tout contact sexuel avec des mineurs. Ces dispositions contribuent grandement à assurer la protection des jeunes.
    À ma connaissance, personne n'a parlé devant ce comité d'un problème social endémique relativement à la différence d'âge. Ce n'est pas comme s'il y avait énormément de relations qui impliquent des mineurs et des personnes plus âgées. Nous nous demandons si, en l'absence de preuves de préjudice, l'empressement avec lequel le gouvernement actuel veut adopter le projet de loi C-22 ne constitue pas une réaction inconsidérée à une objection morale, plutôt qu'une réaction législative à des préjudices dont on a démontré l'existence.
    Pour ce qui est de la modification de l'âge de consentement et de l'exemption prévoyant un écart de cinq ans, il existe d'un point de vue empirique tout un monde de différences entre un adolescent de 12 ou 13 ans et un autre de 14 ou 15 ans. Ces derniers peuvent être plus facilement pris pour des adultes, surtout dans un contexte festif — soirées entre amis, boîtes de nuit, etc. — où il y a plus de risques de confondre des personnes dont l'écart d'âge dépasse les cinq ans. À notre avis, même si l'âge de consentement est haussé à 16 ans, quelques-unes de ces situations pourraient être réglées au moyen d'une défense basée sur la diligence raisonnable. Ainsi, l'individu inculpé pourrait fonder sa défense sur le fait qu'il a pris des mesures raisonnables pour connaître l'âge de la personne avec laquelle il comptait avoir des relations sexuelles, s'il existait un doute à ce sujet.
    Nous parlons ici de conséquences très graves pour les personnes pouvant être reconnues coupables d'infractions sexuelles — non seulement du point de vue pénal, mais aussi en raison de l'inscription dans les bases de données et les registres de délinquants sexuels. La vie d'une personne se retrouve ainsi changée du jour au lendemain, car elle fait notamment l'objet d'une surveillance accrue et de limitations plus strictes.

  (1215)  

    Nous jugeons tout à fait aberrant et totalement inapproprié qu'une personne puisse s'exposer à de telles conséquences même si elle a fait le nécessaire pour connaître l'âge de la personne avec laquelle elle souhaitait avoir une relation sexuelle. Nous exhortons donc le comité à intégrer à ces dispositions une possibilité de défense basée sur la diligence raisonnable.
    Cette présomption s'apparente à la notion de relation abusive présumée, à laquelle nous sommes favorables. Tout contact sexuel avec une personne de moins de 16 ans devrait soulever la présomption qu'il y a relation d'abus, mais cette présomption doit pouvoir être réfutée au moyen d'éléments de preuve appropriés.
    Nous nous demandons également si la modification de l'âge pour le consentement sexuel ne va pas restreindre l'accès des jeunes à l'information sur la contraception et les soins de santé liés à la reproduction ainsi que sur les mesures de protection à prendre en cas de contact sexuel.
    Aux États-Unis, nous avons constaté avec regret une détermination moins sentie à fournir l'information dont les jeunes ont besoin, Si on veut effectivement passer à une législation visant la moralité, nous ne voudrions pas que ce changement s'applique également à la sensibilisation aux questions de santé liées à la sexualité.
    Enfin, nous sommes favorables à la suppression de toute différenciation touchant l'âge pour les relations anales par rapport aux autres contacts sexuels. Nous considérons que de telles dispositions sont discriminatoires et vont à l'encontre de la charte.
    C'étaient là les points de vue de notre association.
    Merci beaucoup.
    Nous écoutons maintenant Mme Kim Pate de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry.
    Merci de l'invitation à comparaître devant vous. Je vous prie d'excuser les membres de notre conseil d'administration qui n'ont pu m'accompagner.
    Je représente ici 25 sociétés membres qui oeuvrent auprès de femmes et de filles victimisées et criminalisées dans toutes les régions du pays. Je serai brève dans mes commentaires, mais j'espère bien pouvoir participer à vos discussions.
    Je suppose que la plupart d'entre nous préférerions que les jeunes et les enfants renoncent à toute activité sexuelle tant qu'ils n'ont pas atteint une maturité et un âge suffisants pour s'engager dans une relation fondée sur l'affection et le consentement mutuel. Ceci étant dit, personne ne veut voir des jeunes se faire exploiter et personne ne veut les voir être victimisés davantage. Nous croyons toutefois que les dispositions actuelles du Code criminel en matière de santé et d'aide à l'enfance leur assurent une protection suffisante à bien des égards.
    À notre point de vue, le problème réside davantage dans le manque de volonté politique ou administrative pour faire en sorte que les lois et les mesures de protection en vigueur soient appliquées de manière à atteindre les buts visés. Il y a également parfois une réticence à intenter des poursuites contre les personnes qui enfreignent ces dispositions.
    Nous avons également des préoccupations quant à la pertinence d'engager des poursuites dans certains cas. Supposons une jeune fille qui a des relations sexuelles avec un homme plus âgé et qui voit un médecin. Il arrive que celles qui se retrouvent dans cette situation refusent de fournir certains renseignements. Nous ne voudrions surtout pas voir ces jeunes filles être accusées d'outrage ou d'infractions de ce genre. Si ce risque est actuellement présent, je dirais que c'est en raison du manque de volonté de faire en sorte que les dispositions actuelles soient mises en oeuvre d'une manière équitable et tenant compte des différences entres les sexes.
    Nous voulons également assurer la protection des enfants à bien d'autres égards, mais nous ne constatons pas, par exemple, le même intérêt dans d'autres secteurs où de jeunes enfants peuvent être exploités, qu'il s'agisse ou non de pornographie infantile. Nous savons qu'il y a de l'intérêt à cet égard, mais les techniques utilisées pour la promotion de la pornographie n'ont pas été attaquées avec des moyens semblables.
    Si nous ne voulons pas favoriser la sexualisation des jeunes, je crois qu'il y a bien d'autres secteurs d'intervention que nous devons envisager, y compris les campagnes de sensibilisation à grande échelle et les moyens à prendre pour limiter l'exploitation des enfants qui sont de plus en plus sexualisés en très bas âge.
    Nous nous opposons également à l'application d'un âge différent pour les relations sexuelles anales. Si vous décidez effectivement d'aller de l'avant avec ce projet de loi, nous serions plutôt intéressés à discuter de la question de la présomption réfutable.
    Voilà qui termine notre exposé. Merci.

  (1220)  

    Merci.
    Nous accueillons maintenant Andrew Brett et Nicholas Dodds du Age of Consent Commitee. Qui présentera l'exposé?
    Tenez-vous en à un maximum de 10 minutes et je ne vous interromprai pas.
    Merci beaucoup de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui.
    Je m'appelle Nicholas Dodds et je viens d'Aurora en Ontario. Je travaille à la défense des droits des jeunes.
    Andrew, veux-tu te présenter?
    Je m'appelle Andrew Brett et je suis également un jeune membre de la région de Toronto.
    Le Age of Consent Commitee est une coalition de jeunes et de défenseurs des jeunes qui s'est formée au début de 2006 en réponse aux préoccupations relatives aux effets néfastes du projet de loi C-22, qui propose de hausser l'âge de consentement au Canada.
    Nous comptons parmi nos membres des étudiants, des travailleurs sociaux, des travailleurs en santé-sexualité, des intervenants des services à la jeunesse et, surtout, des jeunes.
    Au cours des derniers jours, vous avez entendu de nombreux arguments en faveur et à l'encontre de ce projet de loi et bien que nous soyons d'accord avec bon nombre des groupes qui vous ont présenté des exposés, on peut noter le manque de contribution par les jeunes eux-mêmes. Nous sommes donc ici aujourd'hui pour essayer de faire valoir leur point de vue à l'égard de ce projet de loi.
    En tant que porte-parole des jeunes, nous nous opposons sans équivoque au projet de loi C-22 pour de nombreux motifs que nous allons vous exposer en quatre points principaux.
    Premièrement, ce projet de loi tire sa motivation d'une hystérie et d'une crainte non fondée à l'égard de certaines situations qui sont déjà illégales ou exagérées.
    Deuxièmement, la hausse de l'âge de consentement fera en sorte que certains jeunes renonceront à obtenir des services ou des renseignements essentiels relativement à leur santé sexuelle.
    Troisièmement, l'augmentation de l'âge de consentement rendra les travailleurs sociaux et les enseignants plus hésitants à fournir aux jeunes les renseignements dont ils ont besoin en matière de santé-sexualité.
    Quatrièmement, ce projet de loi aura des —
    Je vous prie de m'excuser. Il faudrait que vous ralentissiez un peu pour que nos interprètes puissent vous suivre.
    Merci.
    D'accord.
    Quatrièmement, ce projet de loi aura des répercussions disproportionnées dans la vie des jeunes homosexuels, bisexuels et transgenres.
    À la lecture des articles publiés et des comptes rendus des comparutions des témoins précédents, il est frustrant de voir le genre d'arguments qui sont avancés pour justifier l'adoption du projet de loi C-22.
    Un journal a ainsi parlé d'un témoin qui s'est servi d'un cas d'exploitation sexuelle d'un enfant de deux ans pour faire valoir la nécessité de ce projet de loi, comme si les lois actuellement en vigueur étaient floues à ce sujet et devaient être renforcées. Les partisans de ce projet de loi soutiennent que l'âge de consentement doit être augmenté pour lutter contre la prostitution des enfants et la pornographie infantile.
    En réalité, ces deux activités sont déjà illégales, non seulement pour les jeunes de 14 et 15 ans, mais pour quiconque est âgé de moins de 18 ans. Les lois en vigueur sont tout à fait claires l'exploitation des enfants et les abus sexuels sont illégaux. Si ces lois ne sont pas appliquées comme il se doit, il ne : sert à rien de rendre ces actes encore plus illégaux. La criminalisation à outrance ne va pas créer instantanément un environnement qui permettra aux jeunes de déceler l'exploitation et de signaler les cas d'abus. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour sensibiliser les jeunes et leur donner les moyens d'agir, et le projet de loi C-22 va aller à l'encontre de ces objectifs pour des raisons que nous allons vous exposer tout à l'heure.
    Certains ont également soutenu que le Canada est un refuge pour les pédophiles qui souhaitent profiter de notre âge de consentement supposément trop bas. En fait, en tenant compte de la loi adoptée en 2005, via le projet de loi C-2, si je ne m'abuse, pour élargir la définition d'exploitation, le ministère de la Justice a déclaré que « le cadre de protection du droit pénal du Canada contre l'exploitation sexuelle et les mauvais traitements des enfants et des adolescents est l'un des plus complets qui existe. »
    En deuxième lieu, nous estimons que l'augmentation de l'âge de consentement aura pour effet d'accroître les risques pour les jeunes en limitant leur accès aux services et à l'information en matière de santé-sexualité. Au Royaume-Uni, où l'âge de consentement est actuellement de 16 ans, un sondage mené auprès des adolescentes a permis de constater que celles n'ayant pas atteint l'âge de consentement étaient six fois plus susceptibles de répondre que la crainte d'être trop jeune les avait incitées à ne pas demander de l'aide.
    En fait, le ministère de la Justice a lui-même déclaré il y a à peine deux ans que l'âge de consentement ne devrait pas être augmenté à 16 ans parce que « l'éducation des adolescents afin qu'ils puissent faire des choix éclairés bons pour eux est mieux abordée dans le cadre de la surveillance exercée par les parents et de l'éducation portant sur la santé sexuelle qu'en utilisant le Code criminel pour criminaliser les jeunes qui se livrent à cette activité ».

  (1225)  

    En troisième lieu, nous estimons que la hausse de l'âge de consentement incitera les travailleurs sociaux et les enseignants à hésiter à fournir aux jeunes les renseignements et les services dont ils ont besoin en matière de santé sexuelle.
    Dans une décision rendue en 1995, la Cour d'appel de l'Ontario notait que les lois relatives à l'âge de consentement, qui visent la protection des jeunes, peuvent en fait avoir l'effet contraire en les empêchant d'avoir accès à l'information nécessaire. Voici la traduction d'une partie de cette décision :
L'éducation en santé sexuelle qu'on devrait leur prodiguer pour les protéger contre des préjudices évitables pourrait être restreinte, car cela pourrait être interprété comme des conseils dispensés à des jeunes au sujet d'une forme de comportement sexuel que la loi interdit. Ainsi, la disposition du Code criminel conçue expressément pour mettre les adolescents à l'abri de tels préjudices pourrait, en empêchant de les sensibiliser aux risques pour la santé associés à ces comportements, contribuer à leur causer les torts qu'elle vise à réduire.
    L'application des lois fédérales et provinciales ainsi que des codes d'éthique des organismes de réglementation fait en sorte que le signalement obligatoire des cas présumés d'exploitation des enfants est répandu dans toutes les régions du Canada. En Ontario, la Loi sur les services à l'enfance et à la famille rend obligatoire le signalement si la jeune victime est âgée de moins de 16 ans. Cette règle s'applique aux enseignants, aux travailleurs sociaux, aux travailleurs auprès des jeunes, aux médecins, aux infirmières et à bien d'autres personnes.
    Si on criminalise les activités sexuelles consensuelles entre jeunes de 14 et 15 ans, des actes auparavant autorisés par la loi seront désormais considérés comme des gestes d'abus et le spectre de la divulgation obligatoire pourrait inciter certains professionnels à ne pas venir en aide à ces jeunes. Comme j'ai été moi-même conseiller auprès de mes pairs, j'ai été formé pour avertir les jeunes qu'ils risquaient de s'incriminer eux-mêmes ou d'incriminer leurs partenaires en parlant de leurs activités sexuelles. L'augmentation de l'âge de consentement ferait en sorte qu'un plus grand nombre de jeunes devraient être ainsi avisés et qu'ils seraient plus nombreux à se montrer réticents à s'adresser à un professionnel.
    En dernier lieu, nous estimons que les jeunes gais, lesbiennes, bisexuels et transgenres seront affectés de manière disproportionnée par ce projet de loi. Les choix faits par les jeunes homosexuels font déjà l'objet d'une attention plus poussée lorsqu'il s'agit de leur identité et de leurs activités sexuelles.
    Dans le cas de Marc Hall, un étudiant du secondaire âgé de 17 ans auquel on n'a pas permis de se faire accompagner par son copain de 21 ans au bal des finissants, le conseil scolaire a justifié cette discrimination homophobe en soutenant que le partenaire de Marc était trop âgé de toute façon. Dans les faits, de nombreux étudiants hétérosexuels se font accompagner à leur bal par des personnes dont la différence d'âge est semblable et il est plutôt rare que leur choix soit remis en question.
    Lorsqu'un jeune est gai, on présume souvent que ses choix sont mal éclairés, qu'il traverse simplement une phase, ou qu'il est exploité après avoir été recruté. En outre, étant donné que l'homophobie est très répandue chez les enseignants, les parents et dans la société en général, nous avons d'excellentes raisons de croire que le projet de loi C-22 sera utilisé de façon indue pour réglementer la vie sexuelle des jeunes gais.
    Il n'est pas rare que les jeunes homosexuels se tournent vers des partenaires plus âgés afin d'obtenir la reconnaissance et le soutien dont ils ont tant besoin dans un contexte où bon nombre de leurs pairs ne sont pas encore sortis du placard étant donné l'homophobie qui prévaut dans les écoles et dans les familles. Ces relations entre conjoints d'un âge différent ne sont pas toujours nocives ou fondées sur l'exploitation. De fait, elles peuvent être bénéfiques car une telle reconnaissance est importante aux yeux des jeunes homosexuels. La loi proposée va les isoler davantage et les exposer au danger.
    Les jeunes hommes homosexuels et bisexuels sont déjà ciblés explicitement par les dispositions actuelles en matière d'âge de consentement, soit l'article 159 du Code criminel qui fixe un âge de consentement discriminatoire pour les relations anales. Il est important de noter que lorsque cet article a été invalidé par la Cour d'appel de l'Ontario en mai 1995, l'opinion majoritaire voulait que cette discrimination soit inconstitutionnelle, non pas en fonction de l'orientation sexuelle, mais de l'âge. Cette décision établit un précédent qui nous amène à croire que le projet de loi C-22 peut être invalidé, car il contrevient à l'article 15 de la Charte des droits et libertés en créant une discrimination à l'encontre des jeunes sans qu'une justification ne puisse être démontrée.
    Les membres du Age of Consent Committee savent d'expérience que les jeunes sont marginalisés et que les institutions politiques traditionnelles tiennent rarement compte de leurs points de vue. C'est avec colère et ressentiment que nous constatons qu'examiner un tel projet de loi sans, à vrai dire, consulter vraiment les jeunes directement concernés, transmet un message politique cynique sur l'importance accordée par l'actuel gouvernement à la participation des jeunes.
    De plus, nous remarquons que, selon l'article 12 de la Déclaration des droits de l'enfant des Nations Unies, les enfants et les jeunes ont le droit d'exprimer leur opinion sur les questions les concernant et d'être consultés à l'égard des décisions qui exercent une influence sur leur vie. Nous sommes particulièrement frustrés parce que les jeunes directement concernés par ce projet de loi sont privés du droit de vote et sont à peine consultés.

  (1230)  

    Étant le seul comité dirigé par des jeunes à comparaître devant le comité de la justice à propos de ce projet de loi, nous vous exhortons à écouter nos doléances. Le projet de loi C-22 constitue un danger pour les intervenants des services à la jeunesse, les professionnels de la santé, les enseignants et les jeunes. Nous sommes bien déterminés à annihiler tous les efforts déployés afin d'augmenter l'âge du consentement au Canada.
    C'est notre point de vue.
    Merci, messieurs.
    Nous passons maintenant à M. David Quist d'Institut du mariage et de la famille Canada. Vous avez la parole.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je voudrais, au nom d'Institut du mariage et de la famille Canada, vous remercier de nous donner l'occasion de vous faire part de notre point de vue en faveur du projet de loi C-22, Loi modifiant le Code criminel sur l'âge du consentement à des relations sexuelles.
    L'Institut du mariage de la famille est un groupe de réflexion d'Ottawa. Notre mandat consiste à colliger les derniers travaux de recherche sur les enjeux auxquels font face les familles canadiennes et à les remettre aux décisionnaires comme vous.
    Je m'excuse de ne pas vous avoir remis notre mémoire dans les deux langues officielles. N'ayant malheureusement été informés de notre comparution que mardi dernier, nous avons manqué de temps pour la traduction. Vous ne disposez donc que de la version anglaise. La greffière vous distribuera la version française au cours des prochains jours.
    Nous sommes heureux que le projet de loi C-22 soit débattu à la Chambre des communes et qu'il soit mis aux voix au cours des prochaines semaines. Comme vous le savez peut-être mieux que moi, le principe de ce projet de loi est examiné depuis de nombreuses années, et les organismes favorables à la famille en font la promotion depuis encore plus longtemps.
    Le libellé du projet de loi m'indique clairement que cette mesure législative procurera aux tribunaux et aux autorités policières les outils nécessaires pour lutter avec ardeur contre les prédateurs sexuels, qui peuvent causer du tort à nos jeunes. D'après le libellé, le projet de loi ne porte pas sur le consentement aux relations sexuelles. Il vise plutôt à protéger davantage les enfants et les jeunes contre les prédateurs sexuels adultes. Il n'a pas pour objet les activités sexuelles de nature non exploitante entre les jeunes, mais plutôt les moyens dont il faut doter tous les organismes d'application de la loi pour lutter contre l'exploitation sexuelle.
    Les Canadiens ont clairement indiqué qu'ils voulaient et préconisaient majoritairement un tel changement. En mai 2002, nous avons commandé un sondage à Pollara, qui, comme vous le savez, est une maison de sondages internationale. Un total de 1 659 Canadiens ont été sondés. Provenant d'un peu partout au pays, ils étaient âgés de 18 ans et plus. La proportion d'hommes et de femmes était sensiblement la même. Trois questions ont été posées sur la pornographie juvénile et, ce qui est plus important, sur l'âge du consentement.
    Voici quelle était la première question :
Récemment, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a acquitté John Robin Sharpe, accusé de possession et de distribution de matériel de pornographie juvénile, au motif que son ouvrage de fiction montrant des scènes de violence et d'activités sexuelles entre adultes et enfants revêt un caractère artistique et ne peut être considéré comme de la pornographie juvénile.
     Dans une proportion de 86 p. 100, les répondants ont été en désaccord ou nettement en désaccord.
    La deuxième question était la suivante :
Estimez-vous que le gouvernement fédéral devrait accorder au renforcement des lois sur la pornographie juvénile une priorité absolue, une priorité modérée, une faible priorité ou une priorité nulle?
    Dans une proportion étonnante de 91 p. 100, on a répondu que la priorité était absolue ou modérée. La priorité était absolue pour 76 p. 100 d'entre eux.
    La troisième question se rapporte davantage à notre débat d'aujourd'hui :
Au Canada, l'âge du consentement aux activités sexuelles a fait l'objet d'un débat dernièrement. Actuellement, il est établi à 14 ans pour la plupart des activités sexuelles. Estimez-vous que le gouvernement fédéral devrait le porter de 14 à 16 ans?
    Une majorité écrasante de 80 p. 100 des répondants croyait qu'il devrait s'établir à 16 ans ou plus.
    Les résultats de ce sondage feront partie de la documentation que la greffière vous distribuera.
    Comme vous pouvez le constater d'après ces résultats étonnants, le projet de loi C-22 correspond de toute évidence aux conclusions du sondage de Pollara. D'après mon expérience auprès des médias au cours de l'année écoulée — notamment dans les émissions-débats à la télé et à la radio —, je crois que ces résultats sont encore pertinents aujourd'hui.
    Certains ont fait valoir qu'il n'y a pas lieu de modifier la loi à ce chapitre et qu'une telle modification pénaliserait inutilement les adolescents ayant une vie sexuelle active. Je ne saisis pas la logique de cet argument. Premièrement, le projet de loi autorise la plupart des activités sexuelles entre adolescents en fonction d'un âge établi.
    Deuxièmement, le libellé montre clairement que le projet de loi ne vise pas à promouvoir l'activité sexuelle ou l'abstinence sexuelle. Il protège plutôt nos jeunes des prédateurs sexuels.
    Troisièmement, et c'est particulièrement important, voici un extrait de l'article publié dans le numéro printemps-été 2001 de la revue The Canadian Journal of Human Sexuality par le Dr Eleanor Maticka-Tyndale de l'Université de Windsor. L'article s'intitule Sexual Health and Canadian Youth: How Do We Measure Up?
La moitié des jeunes ont leur première relation sexuelle après avoir atteint l'âge de 17 ans — pour environ les trois-quarts, c'est après avoir atteint l'âge de 16 ans.
    De toute évidence, porter l'âge du consentement à au moins 16 ans se situe dans la perspective de cette étude publiée dans une revue à comité de lecture.
    Les recherches menées par la Henry J. Kaiser Family Foundation de Californie en arrivent à la même conclusion que celles effectuées par le Dr Maticka-Tyndale. Dans le rapport de la fondation publié en octobre 2003 et intitulé Virginity and the First Time, les chercheurs ont établi ce qui suit :
Selon la plupart des adolescents sondés, les activités sexuelles sont plus indiquées lorsqu'on a 18 ans ou plus, lorsqu'on est mariés ou lorsqu'on est engagés dans une relation amoureuse.
    En juin 2006, j'ai participé à une émission-débat à la station de radio New 940 de Montréal. Le thème portait sur l'âge du consentement aux activités sexuelles. Avant mon intervention, trois adolescentes discutaient avec l'animateur. Fait intéressant selon moi, elles appuyaient unanimement la proposition portant l'âge du consentement à 16 ans. Toutes les trois menaient une vie sexuelle active depuis plusieurs années et, rétrospectivement, elles étaient d'avis que leur principal problème résidait dans le fait qu'auparavant elles n'étaient pas assez mûres sur le plan émotionnel pour composer avec tout ce que cette activité sexuelle impliquait.

  (1235)  

    Le 5 février 2001, le National Post citait l'ancienne ministre Anne McLellan :
    Les gens estiment à juste titre que les enfants sont différents, nous le pensons tous. Dans bien des cas, les jeunes n'ont pas la capacité de pondérer, de raisonner et de comprendre les conséquences et les incidences de leurs actes de la même façon que les adultes.
    Monsieur le président, en termes simples, il y a tout lieu de douter que la majorité des adolescents de moins de 16 ans comprennent parfaitement la sexualité et soient totalement prêts émotionnellement à la vivre. Du coup, la société a l'obligation de protéger ses enfants et ses adolescents des prédateurs et des personnes prêtes à exploiter les jeunes et leur immaturité émotionnelle. Dans la grande majorité des cas, les jeunes de 14 ans se trouvent dans une position de confiance et de dépendance dans leurs rapports avec des adolescents plus âgé des adultes.
    Prenons maintenant les incidences de ce projet de loi et ceux qu'il vise. J'aimerais porter d'autres recherches à votre attention. Selon les conclusions qu'on trouve sur le site Web d'Enough is Enough, dans 89 p. 100 des cas environ, la sollicitation sexuelle se fait dans les salons de clavardage ou par messagerie instantanée, et un jeune sur cinq de 10 à 17 ans a déjà été sollicité sexuellement en ligne. Cette étude a été réalisée par le Journal of the American Medical Association en 2001.
    On estime que plus de 25 p. 100 des jeunes clavardent en temps réel et qu'ils sont encore plus nombreux à utiliser la messagerie instantanée. L'exploitation par Internet est un problème très réel de nos jours.
    De plus, l'American Medical Association a remarqué en 2001 que les « jeunes sollicités déclarent ressentir une grande détresse après les incidents de sollicitation. Le risque de détresse est plus commun chez les plus jeunes, ceux qui sont victimes de sollicitation persistante [autrement dit, le solliciteur a essayé d'établir un contact hors ligne] et ceux qui sont sollicités sur un ordinateur loin de la maison. »
    Des chercheurs des États-Unis ont examiné 129 cas où des prédateurs visaient des jeunes de moins de 18 ans par Internet. Ils ont conclu qu'une grande majorité de 76 p. 100 des victimes avaient entre 13 et 15 ans. De plus, 75 p. 100 des jeunes ciblés étaient des filles. Malheureusement, plus de la moitié des victimes se disaient en amour avec leur abuseur ou ressentir de forts sentiments pour lui. Cette étude a permis de constater que la plupart des prédateurs disaient franchement à leurs jeunes victimes qu'ils étaient des adultes plus âgés souhaitant avoir des relations sexuelles avec des adolescents. Les prédateurs n'agissent pas dans l'ombre, ils manipulent ouvertement les adolescents afin qu'ils consentent à avoir des relations sexuelles avec eux.
    J'ai remarqué dans le budget fédéral qui vient d'être adopté que le ministre des Finances a prévu un investissement de six millions de dollars pour « combattre l'exploitation sexuelle et la traite des enfants ». Nos enfants sont notre ressource la plus précieuse, et cette mesure témoigne d'une triste réalité dans notre société. Pour bon nombre d'entre nous, le projet de loi C-22 contribuera beaucoup à la mise en oeuvre de ce plan. Selon Statistique Canada, l'exploitation sexuelle vise surtout les filles de 11 à 19 ans, et atteint son maximum chez les filles de 13 ans, ainsi que les garçons de 3 à 14 ans.
    Selon Statistique Canada :
    Les agressions contre les jeunes et les enfants ont augmenté de façon générale entre 1999 et 2002, mais ont ensuite diminué en 2003 pour chaque groupe d'âge.
    Je n'ai pas de statistiques sur la situation depuis 2003, mais je remarque qu'il y a encore deux fois plus d'agressions qu'il y a vingt ans.
    Monsieur le président, en conclusion, j'aimerais remercier d'abord tous les membres du comité de nous avoir permis de leur présenter cette déclaration. L'Institut de mariage et de la famille Canada appuie le fondement du projet de loi C-22, loi modifiant le Code criminel sur l'âge du consentement sexuel. En tant que législateurs, vous ne pouvez rien faire de mieux que de protéger nos jeunes et de donner à la magistrature les outils nécessaires pour lutter contre leur exploitation sexuelle.
    Je suis tout disposé à répondre à vos questions et à discuter avec vous de ce sujet important.
    Merci.
    Merci infiniment, monsieur Quist.
    Enfin, nous allons entendre Mme Daphne Gilbert.
    Je travaille à la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa, où j'enseigne, je fais de la recherche et je publie des articles tant sur le droit constitutionnel que pénal.
    Je vais aborder la question d'un angle légèrement différent de celui que j'ai pris lors d'autres comparutions. J'aimerais traiter de deux questions avec le comité. La première est le problème constitutionnel que je vois dans cette modification et la seconde, certaines questions politiques de droit pénal que le projet de loi C-22 soulève.
    Prenons d'abord la question de droit constitutionnel. Je peux donner au comité un bref aperçu de la façon dont cette modification entre en conflit avec les pouvoirs provinciaux sur la célébration du mariage. Il se pourrait que ce conflit soit ultimement résolu par la doctrine juridique de la suprématie, mais je pense que les membres du comité doivent être conscients des questions que pose une modification de l'âge du consentement à des activités sexuelles. Je pense qu'il est assez établi en droit que la détermination de l'âge minimal du mariage relève de la compétence constitutionnelle provinciale de la célébration du mariage. Les régimes varient d'une province et d'un territoire à l'autre, mais cette modification crée deux problèmes immédiats. Premièrement, au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut, l'âge minimal du mariage est fixé à 15 ans, sous réserve du consentement parental. Cette règle entre en conflit évident avec la disposition du Code criminel fédéral qui interdit toute activité sexuelle avant l'âge de 16 ans s'il y a un écart de plus de cinq ans entre les deux parties.
    L'autre problème immédiat, c'est qu'il y a des provinces où l'âge minimal du mariage est de 16 ans, mais où il est possible d'obtenir la permission de se marier plus jeune, soit des tribunaux, soit du ministre. Bien que j'aie des questions et des inquiétudes sur les effets que cette modification aura sur les politiques en droit pénal, et je vais vous en parler dans un instant, le gouvernement fédéral a probablement le pouvoir d'adopter ce changement selon le droit pénal.
    Comme ces deux scénarios sont permissibles selon les textes constitutionnels (que la limite d'âge pour le mariage relève de la compétence provinciale de la célébration du mariage et que la limite d'âge du consentement à des activités sexuelles relève du gouvernement fédéral selon le droit pénal) la grande question juridique reste à savoir comment résoudre ce conflit constitutionnel.
    Les conflits constitutionnels se résolvent habituellement par application de la doctrine juridique de la suprématie, et celle-ci prévoit qu'en cas de conflit entre les lois fédérales et provinciales, les lois fédérales ont prépondérance et la loi provinciale ne s'applique pas dans le contexte du conflit. La Cour suprême du Canada a cependant tendance à interpréter la suprématie de façon beaucoup plus étroite et à laisser beaucoup plus de place à l'application concurrente des lois fédérales et provinciales, sauf en cas de conflit immédiat ou direct. Comme la cour l'indique, quand la conformité aux deux lois est impossible, la loi fédérale a préséance.
    Il est peut-être vrai, comme on le dit souvent, que les gouvernements feraient mieux de ne pas se mêler de ce qui se passe dans les chambres à coucher et il se pourrait que les législateurs puissent envisager un mariage platonique, mais il semble évident, sur le plan constitutionnel, qu'il est impossible d'autoriser juridiquement le mariage entre un jeune de 15 ans et une personne de 21 ans si le Code criminel interdit tout rapport sexuel entre eux. D'un point de vue constitutionnel, par conséquent, les provinces doivent porter l'âge limite du mariage à 16 ans s'il y a un écart d'âge de plus de cinq ans entre les parties.
    J'ai lu et entendu les justifications politiques sur la modification proposée et si celle-ci est adoptée, j'appuie vivement l'exception reposant sur la proximité d'âge. Je pense qu'elle soulève des problèmes constitutionnels et sociaux dans le contexte du mariage. Il y a une pléiade de raisons pour lesquelles on peut permettre à des adolescents de se marier, des raisons culturelles, religieuses et sociales. Les raisons de préférer la compétence provinciale sur la célébration du mariage doivent au moins en partie répondre à des normes locales ou collectives sur le mariage au pays. Je crains qu'on crée des problèmes dans nos trois territoires, où l'âge limite du mariage est fixé, de façon vraisemblablement justifiable, à 15 ans avec le consentement des parents.
    Il faut toujours établir des limites claires quant aux limites d'âge et aux jugements généraux sur la maturité et l'état de préparation. Cependant, je pense que dans le cas du mariage nécessitant le consentement des parents, une ordonnance des tribunaux ou l'approbation du ministre, selon le cas, l'interdiction des activités sexuelles entre un jeune de 15 ans et un adulte de 21 ans, par exemple, selon le Code criminel, pourrait être un seuil absolu problématique et regrettable dans les rares cas où toutes les parties estiment que ce mariage est à l'avantage du conjoint le plus jeune. Bref, à cet égard, je pense que le comité doit se pencher sur la validité d'une loi qui permettrait à une personne de 15 ans de se marier à une personne de 20 ans, mais qui lui interdirait de se marier à une personne de 21 ans.
    Cela me mène à mon dernier point sur la question constitutionnelle. En effet, en cas de conflit constitutionnel, pourrait-il être justifié de prévoir une exception pour permettre l'activité sexuelle dans le contexte du mariage? J'ai deux arguments brefs mais très forts contre une exception dans le contexte du mariage. Premièrement, je suis d'avis qu'il n'est plus juridiquement permis de privilégier dans le contexte du mariage des activités sexuelles qui ne seraient pas légales autrement, compte tenu de notre reconnaissance juridique et sociale élargie des relations en common law, mais surtout compte tenu qu'en aucune circonstance, nous n'autoriserions la violence sexuelle dans le contexte du mariage. Si l'activité sexuelle est jugée illégale parce que l'une des parties est juridiquement inapte à y donner son consentement, il y a une infraction semblable à celles pour violence sexuelle, et je ne jugerais pas constitutionnellement admissible de créer des exceptions pour le mariage dans ce cas.

  (1240)  

    Deuxièmement, je pense qu'il est extrêmement problématique de créer des exceptions afin de permettre dans le contexte du mariage des activités sexuelles autrement illégales quand le mariage doit être autorisé par les parents, un tribunal ou un ministre. Cela met la réglementation de la sexualité conjugale des adolescents directement entre les mains des autres et place les parents, les tribunaux et les ministres dans la situation intenable de donner leur consentement à ce qu'un enfant participe à des activités sexuelles autrement illégales.
    Pour clore mon argumentaire sur la question constitutionnelle, je suis d'avis que le comité doit étudier la question constitutionnelle que pose cette modification et prendre des mesures positives afin de déterminer s'il convient que les provinces réévaluent leur limite d'âge pour le mariage ou réagissent à son inapplicabilité potentielle dans certaines circonstances.
    J'en arrive ainsi à ma seconde préoccupation sur ce projet de loi, soit aux grandes questions générales de droit pénal en jeu. Cette modification crée une nouvelle catégorie de criminels pour apaiser des craintes sociales concernant les relations sexuelles des adolescents. Même si personne ne peut être contre l'objectif de cibler les prédateurs sexuels, je ne suis pas convaincue que du point de vue du droit pénal, cette modification soit le meilleur moyen ou même un bon moyen de régir le comportement des prédateurs sexuels.
    Compte tenu des normes sociales sur les relations sexuelles et des réalités juridiques et politiques, même sans nous fonder sur toutes les statistiques possibles, il est évident que cette loi vise principalement les prédateurs sexuels masculins. Dans la plupart des relations sexuelles et à coup sûr dans la plupart des relations sexuelles avec un adolescent, le partenaire le plus âgé, le contrevenant, est un homme. C'est donc une modification au Code criminel qui régit surtout la vie sexuelle des adolescentes, et bien que l'on utilise la neutralité des genres dans le projet de loi, il sous-entend nécessairement des différences entre les sexes.
    Il y a déjà beaucoup de dispositions du Code criminel concernant la violence sexuelle, l'exploitation sexuelle et l'inceste, ainsi que de lois sur la pornographie et la prostitution que nous ne faisons pas pleinement appliquer. Ensemble, ces lois pourraient être très puissantes pour protéger les adolescentes contre les prédateurs sexuels sans limiter pour autant leur autonomie sexuelle, ni nuire à leur santé sexuelle, et elles pourraient envoyer un message social beaucoup plus fort sur le type de comportement que nous condamnons.
    Nous devrions faire appliquer sévèrement les lois sur la violence sexuelle. Nous devrions exiger une culture juridique qui envoie le message aux jeunes qu'ils sont maîtres de leur autonomie sexuelle et qu'ils sont tous, surtout les adolescentes, en droit de dire non à des activités sexuelles. Nous devrions condamner la patriarchie qui favorise le comportement prédateur ou qui porte les hommes à croire que leur lien avec les femmes doit être surtout sexuel. Pour cela, je pense que le mieux serait de faire appliquer les lois sur la violence sexuelle ou les abus de confiance, d'autorité et de pouvoir. Nous ne ferons rien pour changer la culture en créant une nouvelle catégorie de criminels, mais rendrons l'activité sexuelle adolescente encore plus clandestine.
    Je vous remercie de m'avoir permis de venir vous parler et je suis prête à répondre à toutes vos questions sur ces enjeux.

  (1245)  

    Je vous remercie, madame Gilbert.
    Je vais demander aux membres du comité d'être patients avec moi et de m'aider à résoudre un petit problème.
    M. Comartin est disparu.
    M. Comartin a été le premier à nous quitter; il avait un rendez-vous à une heure moins le quart, apparemment. Le deuxième sur la liste était M. Moore, et je ne sais pas s'il y a quelqu'un d'autre ici — M. Murphy aussi —
    M. Murphy doit partir.
    Je vais donc séparer les quinze minutes qu'il nous reste d'ici treize heures entre M. Murphy et M. Moore.
    Allez-y, monsieur Murphy. Vous avez des questions?
    Bien sûr. Merci, monsieur le président.
    Qui d'autre doit partir?
    Nous vous remercions tous de vos témoignages. Nous vous avons écoutés attentivement.
    Je pense qu'en toute honnêteté, il faut prendre conscience que dans le monde, on fixe des limites d'âge partout et que nous sommes dans un certain spectre. Chaque collectivité est différente. À certains endroits, aux États-Unis, il y a des limites d'âge de 18 ans, sans exception de proximité d'âge. Au Mexique, la limite est de 12 ans. Nous sommes donc dans ce spectre. Nous savons qu'en Europe, les limites varient surtout entre 14 et 16 ans et qu'à certains endroits, il y a des exceptions de proximité d'âge, mais pas partout. Cela fait donc partie du contexte.
    Il est aussi très important de ne pas oublier que notre comité a un aspect législatif et un aspect politique. Même si j'ai moi-même l'intention d'appuyer ce projet de loi, ce qui l'a rendu acceptable, malgré tout ce qu'on peut dire sur les efforts perpétuels pour faire adopter des lois de ce type, c'est que c'est la première fois qu'on propose une exception de proximité d'âge dans un projet de loi. C'est ce qui le rend acceptable.
    L'éloquence de M. Trudell et d'autres pourrait peut-être me persuader de la validité d'une présomption. Je pense que c'est une bonne proposition.
    C'est toutefois ce qui nous est présenté. Nous en sommes contents, dans une certaine mesure, mais nous devons souligner, en tant qu'opposition officielle, que ce n'est qu'un petit pas en avant, compte tenu de l'absence flagrante de toute référence aux relations anales. C'est un manque flagrant, qu'il aurait fallu combler.
    Si cette loi n'était pas purement politique, elle serait de portée plus générale, mais c'est ce qu'on nous propose en ce moment et en toute honnêteté, je suis pour.
    J'ai entendu des témoignages très intéressants. J'ai deux questions. La première s'adresse aux représentants de la B.C. Civil Liberties Association et la deuxième, aux témoins de l'Association des sociétés Elizabeth Fry. Elles découlent d'ailleurs de vos observations. Il s'agit de toute la question des mineurs, soit des personnes de moins de 18 ans dans des provinces comme l'Ontario et de moins de 19 ans au Nouveau-Brunswick. C'est confus. Pour citer nos voisins du Sud, on peut être assez vieux pour faire la guerre et perdre sa vie, mais pas assez pour boire dans l'État du Texas. Nous savons que sur le plan politique, ce qui vient du Texas n'a aucun sens. Dans notre pays, toutefois, si nous nous regardons dans le miroir, nous verrons que nous avons des problèmes de différence d'âge quant à certains droits. Je sais que ces anomalies intéressent beaucoup la Civil Liberties Association. Bien honnêtement, comme je ne la suis pas de si près, il me manque beaucoup d'information sur son travail en Colombie-Britannique ou ailleurs au Canada quant à ces anomalies.
    J'aimerais que vous m'en parliez un peu, même si nous n'avons pas beaucoup de temps, et que vous n'oubliiez pas que vous devez partager votre temps avec celle qui répondra à ma deuxième question, Mme Pate.
    Madame Pate, vous avez dit (et je vous cite à peu près) : « Il y a une récalcitrance politique et pratique à faire appliquer les lois existantes. » Vous nous avez donné un exemple. Cela m'intéresse beaucoup, parce que comme vous le savez, nous croyons que nos forces policières manquent de ressources et qu'elles doivent sélectionner les lois qu'elles font appliquer. Les juges font parfois la même chose. Les procureurs le font aussi. Plutôt que d'adopter n'importe quelle loi et de la laisser coller au mur — en général, elle est bien mal écrite, comme si elle avaient été rédigée à l'endos d'une serviette dans le bureau du secrétaire parlementaire —, nous avons besoin d'une politique d'application de la loi détaillée et de ressources pour la faire appliquer.
    Ce sont mes deux brèves questions. Je vous demanderais de respecter le temps qui nous est imparti dans votre réponse.

  (1250)  

    Très brièvement, la Civil Liberties Association est en train d'étudier les différentes limites d'âges pour le consentement au mariage, la conduite automobile, l'enrôlement, les relations sexuelles, la consommation d'alcool et le reste, ainsi que le droit de vote, bien sûr, qui est primordial. La situation semble effectivement confuse. On semble s'interroger peu sur l'aptitude. Il semble que beaucoup de ces activités ont des degrés de responsabilité qui se chevauchent, tout comme les conséquences émotionnelles qu'elles comportent.
    Pour ce qui est de l'étude de ce projet de loi, on semble porter peu attention aux preuves psychologiques et sociologiques qui décrivent directement les aptitudes. Mon ami M. Quist avance que les jeunes de 15 ans ne sont pas aptes à assumer les conséquences émotionnelles des relations sexuelles, mais ne nous présente aucune preuve, sauf des sondages d'opinion. Dans cette mesure, on semble aborder l'autonomie sexuelle des enfants ou des mineurs d'un point de vue plus populiste que selon les principes établis, ce qui nous semble dangereux.
    Madame Pate.
    Je ne laissais pas nécessairement entendre qu'il fallait plus de policiers. Je pense que vous avez raison, qu'ils ciblent des lois en particulier. Parfois, il est très difficile de mener enquête sur des accusations d'agression sexuelle et de les prouver, mais selon notre expérience ou du moins la mienne (je suis à la même école de droit que Mme Gilbert en ce moment, où je donne un cours sur ce thème), il est très clair que le pouvoir et la volonté de surveiller et de protéger les enfants et les femmes victimes d'abus est problématique, et c'est ce dont je parlais.
    En fait, si ce que nous voulons, tout comme vous, d'après ce que vous avez dit, c'est de protéger les jeunes et les enfants, je crois que nous devrions nous concentrer sur la mise en oeuvre de dispositions qui existent déjà plutôt que de consacrer plus de temps et d'argent à la création de nouvelles lois qui donnent l'impression qu'on accroît la protection, alors qu'en fait, si l'on ne l'applique pas sérieusement en première ligne, elle ne sera pas plus grande.
    En fait, comme je l'ai dit ensuite, il se pourrait que cette disposition finisse par inadvertance par faire augmenter le nombre de jeunes femmes, en particulier, qui se retrouvent en situation d'exploitation mais qui sont criminalisées si elles ne sont pas prêtes à témoigner, un problème qui s'observe déjà actuellement dans les relations de violence, quand les femmes ont peur, pour une raison ou une autre, ou les enfants ont peur de poursuivre leurs démarches après le premier signalement et qu'ils ou elles finissent par être accusés eux-mêmes. C'est le problème que j'essayais de soulever.
    Merci.
    Merci, monsieur Murphy.
    Monsieur Moore.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à rappeler une chose. Notre comité a déjà tenu plusieurs réunions sur le sujet, et nous avons entendu beaucoup de témoins aujourd'hui et dans le passé. Bien souvent, la conversation tourne autour des droits sexuels des enfants, des droits des jeunes d'avoir des relations sexuelles, surtout avec d'autres jeunes.
    Pour ceux qui soulèvent la question, je pense que ce projet de loi en tient pleinement compte. Le projet de loi que nous avons proposé contient une exception reposant sur la proximité d'âge qui prévient toute criminalisation des activités entre pairs, s'ils ont une proximité d'âge de cinq ans.
    Ce projet de loi vise à freiner ceux qui traitent le Canada comme un refuge. Nous en avons entendu parler par le dernier groupe de témoins, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Ces gens peuvent venir d'un endroit où l'âge du consentement est de 16 ans. Je vais prendre l'exemple d'un homme de 50 ans, mais je pourrais prendre celui d'un homme de 40 ou de 30 ans ou encore celui d'une femme du même âge.
    J'ai entendu ce matin parler d'une femme qui se trouve dans la situation inverse: elle est beaucoup plus âgée et veut avoir des relations sexuelles avec un jeune de 14 ou 15 ans. Chez elle, c'est totalement interdit, parce que l'âge du consentement est établi à 16 ans. Au Canada, l'âge du consentement est de 14 ans. Il y a toutefois des situations dans lesquelles un jeune de 14 ans serait protégé s'il se trouve dans une relation d'exploitation, mais ce doit être prouvé.
    Ici, ce que la société nous dit, ce que les parents nous disent, c'est que selon eux, c'est déjà illégal. C'est ce que nous entendons dans les témoignages. Nous avons entendu des témoins affirmer que lorsqu'ils disent à des parents qu'une personne de 40 ans peut avoir des relations sexuelles avec un jeune de 14 ans, ils sont estomaqués. Ils pensent que c'est déjà contraire à la loi.
    Ce projet de loi vise à envoyer le message aux personnes qui aimeraient venir au Canada ou qui sont au Canada et qui veulent avoir des relations sexuelles avec des personnes beaucoup plus jeunes, de 14 ou 15 ans, que ce ne sera pas possible, que c'est contre la loi.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez en général de notre solution sur la proximité d'âge. Il y a peut-être des témoins qui estiment que la proximité d'âge devrait être de plus de cinq ans, et le cas échéant, j'aimerais entendre vos arguments en ce sens.
    Ce projet de loi ne porte pas sur les relations sexuelles que les adolescents ont entre eux. J'aimerais savoir si vous croyez qu'il est approprié qu'un homme de 40 ou 45 ans, par exemple, ait des relations sexuelles avec un jeune de 14 ans. Peut-il être concevable dans notre société qu'une personne de 20 ou 30 ans plus âgée ait des relations sexuelles avec un jeune de 14 ans?

  (1255)  

    Qui voudrait répondre en premier?
    Monsieur Trudell.
    C'est —
    Je pose la question, parce que c'est ce dont nous parlons.
    Monsieur Trudell, vous avez la parole.
    C'est ce dont il s'agit ici.
    Si vous me réinvitez demain, je pourrai peut-être répondre à cette question. Je dois y réfléchir.
    C'est une question émotive. Je pense que c'est probablement...
    J'aimerais rajouter une petite chose, monsieur Trudell. C'est une question difficile, mais c'est un enjeu difficile. C'est l'objet de notre étude. Au Canada, un homme de 50 ans peut avoir des relations sexuelles avec une jeune de 14 ans, et il y en a qui en ont. Je vous demande donc si notre société devrait accepter cette situation? Est-elle jamais acceptable?
    Oui, elle serait être acceptable dans certaines circonstances, parce que nos lois ne prévoient jamais tous les cas. Il faut tenir compte de toutes sortes de facteurs.
    Récapitulons un instant. S'il y a des Américains qui traversent la frontière pour avoir des relations sexuelles avec des Canadiens, je pense qu'il y a des lois dans les États américains qui prévoient des infractions. Ce n'est pas simplement comme une saison de chasse. Je n'en ai pas apporté la liste avec moi, mais il y a des infractions aux États-Unis pour ce type de situation.
    Monsieur le président, j'aimerais dire une chose à ce sujet avant que nous ne passions à autre chose. Nous ne voulons pas nous fier aux Américains pour protéger les enfants au Canada.
    Non, mais vous parliez d'une saison de chasse.
    Vous savez quoi? Je pense qu'il est très important de mentionner l'exception de proximité d'âge. L'écart de cinq ans a été établi de façon arbitraire. C'est la raison pour laquelle l'idée de la présomption qui nous a été présentée me plaît beaucoup. Ce n'est pas notre idée; elle a été présentée par une personne qui était assise ici plus tôt ce matin. Elle permettrait véritablement d'offrir la protection que vous voulez dans cette loi, mais laisserait aussi le soin à un juge de trancher.
    Il est bon qu'il y ait une exception de proximité d'âge; c'est probablement la raison pour laquelle ce projet de loi reçoit tant d'appuis. Cependant, comme l'écart de cinq ans est assez arbitraire, je pense que vous pourriez aller un peu plus loin pour englober les circonstances dans lesquelles un juge serait être satisfait des explications données.

  (1300)  

    Merci.
    Monsieur Gratl, voulez-vous répondre à la question de M. Moore?
    Je dois dire que cet exemple en dit long, parce qu'il n'est pas évident qu'il y a une épidémie ou une saison de chasse pour ce qui est des relations entre des personnes de 14 ans et des personnes de 40 ans. On a même donné cet exemple qu'on qualifie d'inconvenant, parce que je pense que nous serions presque tous d'accord pour dire que c'est inconvenant. Ce ne l'est peut-être pas pour ceux qui vivent cette relation, mais pour tous ceux d'entre nous qui l'observons de l'extérieur, ce peut sembler inconvenant et inapproprié.
    Cela dit, il ne s'agit pas de déterminer si c'est inapproprié. À mon avis, la question est de déterminer si le droit pénal droit trancher sur cette question. Quand j'y pense, je me dis Mon Dieu! n'y a-t-il pas beaucoup d'autres enjeux sociaux plus troublants que nous connaissons qui font qu'il y a tant d'enfants exploités, notamment par des personnes en position de confiance, de pouvoir ou d'autorité? Nous savons que la majorité des abus sexuels d'enfants ont lieu au sein de la famille et sont commis par une personne en position de confiance.
    Si nous voulons nous pencher sur cette question, ne devrions-nous pas nous pencher sur les véritables épidémies plutôt que sur des situations marginales, c'est-à-dire sur toute la morale de la sexualité, le type de rapports sexuels qu'ont les enfants ainsi que le moment où ils en ont, plutôt que de nous pencher sur les relations de prédation qui existent et sur lesquelles nous avons des statistiques? C'est notre position.
    Madame Pate, voulez-vous répondre?
    Je suis tout à fait d'accord avec ce qui vient d'être dit.
    J'inviterais Mme Gilbert à nous parler un peu des incidences de tout cela sur le mariage, sur le plan constitutionnel, parce que comme un bon grand nombre d'entre vous le savez très bien, il n'est pas inhabituel qu'il y ait un écart de plus de cinq ans entre les époux, particulièrement dans les générations qui nous précèdent. Si je comprends bien, ce serait toujours possible actuellement selon beaucoup de lois sur le mariage. J'attendrai donc un peu et je laisserai Daphné vous en parler.
    Monsieur Dodds et monsieur Brett, ce sera à vous dans un instant.
    Monsieur le président, comme il s'agit de ma question, je ne voudrais pas qu'elle prenne la tangente du mariage. Nous avons entendu un peu plus tôt que selon les statistiques, ce cas s'appliquerait à 0,7 mariage sur 100 000, si je ne me trompe pas. Ce projet de loi vise les adultes qui veulent avoir des relations sexuelles avec des jeunes de 14 ans et qui bien souvent, viennent d'endroits où ils n'auraient pas l'autorisation d'en avoir. Pouvons-nous nous en tenir à la question de savoir si ce comportement est approprié?
    Je n'ai entendu personne dire qu'il ne devrait pas y avoir d'âge de consentement. S'il y a des arguments en ce sens, j'aimerais bien les entendre. Je n'ai entendu personne dire qu'il ne devrait pas y avoir d'âge de consentement du tout. Je présume donc que tous les témoins sont d'accord avec l'âge du consentement actuel, qui est de 14 ans, et qu'ils conviennent qu'il ne devrait pas être abaissé à 12 ans. En ce moment, il y a une loi qui interdit à un adulte d'avoir des relations sexuelles avec un jeune de 13 ans. Ce projet de loi fait passer l'âge du consentement à 16 ans.
    C'est donc ma principale question: est-ce convenable? Devrait-il être légal pour un homme de 45 ans d'avoir des relations sexuelles avec un jeune de 14 ans?
    Y a-t-il quelqu'un d'autre qui veut répondre à cette question précise?
    Monsieur Quist.
    J'aimerais ajouter mon grain de sel ici aussi. Dans la grande majorité des cas, ce devrait être illégal. Il y a peut-être de rares circonstances atténuantes, et l'observation de M. Trudell va sans doute en ce sens. Mais si nous voulons choisir un chiffre, un écart de cinq ans me semblerait raisonnable à tout le moins pour lancer le débat et enrichir la loi à cet égard.
    Mon collègue, M. Gratl, a également fait valoir l'argument de l'exploitation sexuelle dans la famille par rapport à celle à l'extérieur de la famille. Son argument est valide lui aussi. Il y a certainement des questions scientifiques à se poser sur ce qui se passe dans la famille. Il y a également des lois qui portent sur ce point précis et peut-être faudrait-il les renforcer. Le comité pourrait se pencher sur cette question dans l'avenir aussi.
    Cependant, nous savons que l'exploitation sexuelle a augmenté radicalement depuis vingt ou trente ans, entre les adultes prédateurs et les adolescents. Je pense que c'est l'objet même de ce projet de loi. Il ne concerne pas la moralité ni la question de savoir si les jeunes devraient ou non avoir des relations sexuelles. Il concerne la façon dont nous faisons appliquer la loi et la façon de rendre les lois plus strictes pour les prédateurs sexuels adultes qui exploitent nos enfants et nos adolescents.
    Si je peux dire une chose moi aussi, cela revient à ce que disait M. Gratl sur la différence entre ce que nous trouvons socialement reprochable et ce que nous trouvons juridiquement reprochable. Je pense qu'il est socialement reprochable qu'un homme de 40 ans ait un comportement prédateur à l'égard d'adolescents. Je pense qu'il est socialement inacceptable qu'un homme de 40 ans ait des relations sexuelles avec une jeune de 17 ans. Il y a beaucoup de choses sur les relations sexuelles non conventionnelles que je n'approuverais pas si mes propres enfants y participaient, mais je pense qu'il y a une différence entre ce que nous n'aimons pas socialement et ce que nous voulons rendre criminel.

  (1305)  

    S'agit-il toujours de « comportement prédateur » entre une personne de 40 ans et une autre de 14 ans? Vous avez utilisé l'expression « comportement prédateur » et c'est la perception que j'aurais aussi. Mais je m'interroge, parce que c'est la raison pour laquelle nous voulons que l'âge du consentement soit porté à 16 ans. Il y a peut-être des exemples. Nous reconnaissons dans le code qu'il pourrait y avoir une relation d'exploitation avec une personne de moins de 18 ans, mais nous devons tracer la limite quelque part. Donc encore une fois, s'agit-il toujours d'un comportement prédateur entre une personne de 40 ans et une autre de 14 ans?
    Je ne crois pas que ce soit toujours un comportement prédateur, mais je pense que ce n'est jamais conventionnel. C'est toujours une situation qu'un parent voudrait surveiller de près, mais je ne suis pas certaine qu'on veuille que le droit criminel s'applique deux ans de plus à la sexualité des adolescentes. Je reviens toujours au fait que cette loi va surtout régir la sexualité des adolescentes, parce que ce sont elles qui seront touchées par ces deux années supplémentaires avant d'atteindre l'âge du consentement.
    Vous nous avez demandé si nous devrions abaisser l'âge du consentement ou n'en avoir aucun. Non, de toute évidence, nous ne croyons pas qu'il ne devrait pas y avoir d'âge de consentement, mais le fait de le hausser de deux ans n'est pas qu'une simple question administrative. Je pense que cette mesure aura des effets très réels sur la politique sociale. Ce n'est pas qu'une simple question administrative que de faire augmenter cette limite de quelques années.
    Merci.
    Je vais devoir clore cette partie du débat.
    Je cède la parole à M. Ménard.

[Français]

    J'aimerais poser deux questions.
    D'abord, je suis très heureux de votre témoignage et je vous remercie d'avoir pris le temps de nous rencontrer.
    Toutefois, je dois avouer que je suis plutôt libéral en ce qui a trait à l'ouverture d'esprit. Selon moi, ceux qui s'opposent à ce projet de loi n'ont pas donné d'arguments très convaincants. Évidemment, je ne nie pas que des jeunes âgés de 13 ans ou 14 ans peuvent faire preuve d'une grande maturité. Cependant, lorsqu'on légifère, on le fait pour de grands ensembles.
    Je reviendrai sur l'aspect constitutionnel, car cela m'intéresse.
    J'ai de la difficulté à faire le lien avec l'argument qui dit que si on fixait l'âge de consentement à 16 ans dans un projet de loi, avec les clauses de proximité que vous connaissez, cela pourrait faire en sorte que des travailleurs sociaux, des professionnels de la santé ou des enseignants ne donnent pas de renseignements sur la santé sexuelle, les techniques d'hygiène et les modalités de protection.
    Ce n'est jamais facile, à 13 ans ou à 14 ans, de parler de sa sexualité. Je comprends qu'il puisse y avoir des tabous et une certaine pudeur. Plusieurs membres de ce comité ont parlé de l'éducation sexuelle, et je suis bien d'accord là-dessus. Cependant, cela ne m'apparaît pas déraisonnable qu'à 16 ans, on considère, sauf pour l'exploration de la sexualité entre adolescents, qu'il doit y avoir un certain mécanisme d'encadrement.
    J'aimerais que vous m'expliquiez davantage votre prémisse selon laquelle ce projet de loi pourrait faire en sorte que ceux qui ont besoin d'information et ceux qui doivent en donner seraient dans une position plus vulnérable.
    Soyez bref et percutant, comme lors d'un rendez-vous galant, parce que j'ai une deuxième question à poser à Mme la professeure de l'Université d'Ottawa.

[Traduction]

    J'aimerais seulement rappeler une statistique mentionnée dans notre mémoire, selon laquelle les jeunes femmes du Royaume-Uni qui n'ont pas encore atteint l'âge du consentement sont six fois plus susceptibles que leurs aînées de dire qu'elles ont trop peur d'être trop jeunes pour demander de l'aide en matière d'information et d'éducation sur la santé sexuelle. Je pense qu'il est prouvé que les jeunes qui n'ont pas encore l'âge du consentement sont moins susceptibles de demander de l'aide.

[Français]

    En tout respect, vous comprendrez que ce n'est pas un argument qui a une très grande force probante. Je peux concevoir qu'on puisse être timide, qu'il faut inciter les parents à apprendre aux jeunes à se sentir à l'aise face à leur sexualité, mais l'objectif de ce projet de loi, il me semble, s'inscrit dans un registre très différent de l'argument que vous nous présentez.
    Si vous me le permettez, je vais m'adresser à la professeure de l'Université d'Ottawa.
     Je suis étudiant à la Faculté de droit civil; je termine cette année et j'ai hâte. J'espère que vous n'êtes pas le genre de professeure à faire 100 p. 100 de la note à un examen. Mais c'est une autre question.
    Je suis préoccupé par l'incompatibilité. Contrairement à ce que disait M. Moore, je pense que cela nous concerne. Avant d'adopter un projet de loi, si nous avons des raisons de penser qu'il est possible qu'il y ait une immixtion dans des juridictions, particulièrement quant à la forme du mariage, donc quant aux conditions qui réfèrent à l'âge, j'aimerais que vous nous fassiez voir clairement le potentiel d'incompatibilité.
    Iriez-vous même jusqu'à nous conseiller de différer l'adoption du projet de loi jusqu'à ce que des constitutionnalistes se soient prononcés sur son caractère potentiellement incompatible avec les juridictions provinciales?

  (1310)  

[Traduction]

    Je promets que je ne vous noterai pas sur les nouveautés à l'article sur le droit civil.
    Je pense que la question constitutionnelle concerne le rapport avec la province et sa réaction si l'on soulève la question de l'âge du mariage. À mes yeux, il faudrait surtout nous pencher sur les endroits où le mariage est autorisé dès l'âge de 15 ans pour déterminer s'il est justifiable que les gouvernements territoriaux autorisent le mariage dès l'âge de 15 ans. Dans le reste du pays, selon les lois provinciales, l'âge du mariage est fixé à 16 ans, et les jeunes peuvent se marier plus tôt s'ils en obtiennent la permission, dans certaines circonstances. La clé quand on étudie la réglementation provinciale sur le mariage, c'est de savoir que les provinces légifèrent en fonction de leur réalité locale, et c'est la raison pour laquelle nous leur permettons d'exercer un contrôle sur les règles qui entourent la célébration du mariage. Le mariage est une valeur locale, collective et sociale qui peut changer d'un endroit à l'autre au pays et dans les collectivités du Nord. Il peut représenter quelque chose de très différent selon l'endroit où l'on vit.
    Je comprends l'argument de M. Moore qu'il n'y a peut-être qu'une très petite fraction des mariages qui ont lieu entre des adolescents, mais sur papier, à tout le moins, il y a un conflit. Pour ces adolescents, il peut s'agir d'un conflit très important, qui pourrait changer leur vie. En particulier, si la limite d'âge est fixée clairement à 15 ans, il y a lieu de s'interroger pourquoi, dans ces collectivités nordiques, par exemple, on juge cette limite pertinente.
    Monsieur Ménard, puis-je vous répondre moi aussi?
    Il peut y avoir toutes sortes d'enjeux culturels, mais je vois sans aucun doute un problème constitutionnel se profiler. C'est la raison pour laquelle quand j'ai essayé de faire valoir mon point de vue, j'ai parlé de la grande importance des droits de la personne. S'il y a une partie qui affirme que la province a raison et que l'autre dit le contraire, les procureurs fédéraux ont le droit de poursuivre; le juge au milieu va probablement décider de se prononcer en faveur des droits de la personne touchée. Je suis bien content d'entendre madame Gilbert nous en parler, parce que je pense qu'il y a tout lieu de nous interroger sur la maturité d'une personne de 14 ans et les droits dont elle jouit dans une province plutôt que dans une autre région.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Monsieur Bagnell.
    Merci.
    Je vous remercie tous d'être venus. J'étais plutôt positif à l'égard de ce projet de loi, mais vous soulevez des problèmes auxquels je n'avais pas pensé. Je suis content que vous soyez venus témoigner.
    Comme je suis le seul député des territoires, j'aimerais vous interroger sur la question constitutionnelle qui touche les territoires. Vous savez sans doute que le gouvernement du Yukon est d'accord avec le projet de loi, mais il y a lieu de mentionner que nous n'avons reçu aucun témoin des territoires, particulièrement des groupes qui pourraient nous expliquer si les plus sociaux sont différents là-bas, pourquoi les âges sont différents et ce qu'ils pensent de tout cela. Je devrai envisager d'inviter d'autres témoins.
    Nicholas et Andrew, je suis très content que vous soyez ici. Je suis un peu outré que vous ayez utilisé mon discours, parce que j'allais dire que ce sont des adultes qui vont adopter ce projet de loi. Nous n'avons pas invité les jeunes de 14 et 15 ans à venir nous donner leur opinion. Nous légiférons pour eux.
    D'un point de vue constitutionnel, si nous prévoyons une exception de dérogation en fonction de l'âge prescrit dans la province, elle ne s'appliquera que jusqu'à l'âge qui rend ces activités légales. Dans les trois territoires, par exemple, elle ne s'appliquerait pas aux jeunes de 15 ans parce qu'ils ont l'autorisation de se marier en toute légalité. Aurions-nous alors un autre problème constitutionnel parce que nous ne traiterions pas tous les Canadiens de la même façon?

  (1315)  

    Oui. Nous aurions un problème très grave, parce que quand les pouvoirs fédéraux en matière de droit criminel ont été établis, ils devaient s'appliquer uniformément dans tout le pays.
    Je pense que cette loi pourrait immédiatement être contestée sous prétexte qu'elle ne relève pas du droit pénal, mais de la moralité sociale. Si elle n'est pas appliquée uniformément, on pourrait se demander s'il s'agit vraiment d'une loi de droit pénal, conformément à l'article 91.27 de la Loi constitutionnelle.
    Je pense que la cour a indiqué très clairement que le droit criminel devait s'appliquer uniformément dans tout le pays, et je ne parle pas du fait que des Américains viennent trouver refuge au Canada. Je ne pense pas que vous voudriez que les gens du reste du pays se rendent dans le Nord pour y trouver refuge non plus.
    J'aimerais demander aux fonctionnaires du ministère de la Justice de nous répondre à cet égard. Ils ont toujours affirmé avoir vérifié encore et encore si telle ou telle chose était constitutionnelle. Je suis certain que vous pourriez obtenir pour nous une réponse à cette question.
    Nicholas et Andrew, vous n'avez pas eu la chance de répondre à la question que M. Moore a posée. Je ne suis pas certain que sa question soit très juste lorsqu'il donne l'exemple d'un écart entre 14 et 40 ans, parce que cette loi concerne les personnes de 15 ans et de 22 ans. Mais pour ce qui est de la question de M. Moore, est-ce que l'un d'entre vous voulait y répondre?
    Je pense qu'en réponse à une question très émotionnelle, j'aimerais donner une réponse très émotive.
    Nicholas a 18 ans. Je suis certain que beaucoup de gens seraient dégoûtés si une personne de 70 ans le frappait, mais cela ne veut pas dire que ce devrait être contre la loi. C'est tout ce que je vais dire en réponse à cette question.
    Dans un effort pour donner une voix plus importante aux jeunes, y a-t-il quelque chose que vous n'avez pas eu l'occasion de dire du point de vue des jeunes?
    Je n'ai pas encore entendu beaucoup de jeunes s'exprimer. J'ignore quelle est la taille de votre groupe. Est-ce que vos vues sont représentatives d'une grande proportion de la jeunesse? Il y a eu certaines allusions dans les témoignages donnés par des témoins adultes qu'il y avait un certain nombre de jeunes qui appuyaient ce projet de loi.
    C'est une question très difficile à répondre. Évidemment, je n'ai malheureusement pas fait de sondage auprès de l'ensemble des jeunes du Canada. J'aimerais le faire, mais c'est un peu impossible.
    Je pense qu'il y a certains jeunes qui appuieraient ce projet de loi. Je crois qu'il y en a d'autres qui ne l'appuieraient pas. Je sais qu'il y a une proportion considérable de jeunes qui croient être brimés tous les jours par le soi-disant processus démocratique et qu'il y a d'autres qui ont une confiance implicite dans ce processus. Je pense qu'il y a un nombre considérable de jeunes au Canada qui estiment que l'on adopte des lois les concernant sans qu'on daigne les consulter le moindrement.
    Je crois que nous sommes ici pour essayer de compenser le fait que nous n'avons pas entendu de jeunes de 14 ou 15 ans. Nous sommes ici pour essayer de compenser cela. Je pense que nous exprimons certaines opinions qu'ont ces jeunes bien que je ne puisse prétendre parler au nom de tous les jeunes.
    Merci.
    Monsieur Trudell.
    Une des choses que vous constatez lorsque vous pratiquez le droit pénal et que vous représentez des jeunes, c'est qu'ils vivent dans leur tête et qu'ils ne communiquent pas beaucoup. Il est probable que cela fait naturellement partie du fait d'être adolescent.
    Je suis vraiment enchanté d'entendre M. Dodds et M. Brett parce qu'ils expriment des préoccupations de faible niveau que nous avions de ne pas voir ce projet de loi être interprété par les jeunes comme ne visant pas à assurer leur protection; c'est, en quelque sorte, pour légiférer contre toutes les pressions qu'ils subissent et les choix qu'ils doivent faire.
    Il est tellement difficiles d'amener les jeunes à s'ouvrir devant nous, les personnes plus âgées — désolé, je ne voulais pas dire nous — alors, je pense que nous devrions vraiment garder cela à l'esprit. J'imagine que beaucoup de jeunes ne comprennent pas le système et ce que nous faisons ici. Ils interprètent cela de la manière suivante : « Un instant, je peux mettre le téléviseur en marche et le voir, mais vous me dites que je ne peux pas faire un choix ».
    Je pense que c'est une mise en garde intéressante que nous pourrions garder à l'esprit.

  (1320)  

    Christina.
    Je pense que nous devons garder à l'esprit le fait que nous ne parlons pas de l'âge d'autorisation; nous parlons de l'âge du consentement. Le consentement est un geste très fondamental et nous disons que nous ne voulons pas du tout que les jeunes âgés de 14 à 16 ans aient la capacité légale de consentir. Il s'ensuit qu'une personne de 15 ans qui dit en avoir 16 et qui présente de faux papiers agit de manière inconsciente. Ils ne comprennent absolument pas ce qui se passe.
    Peut-être que du point de vue d'un adulte, il y a la perception que les adolescents adoptent un comportement à risque. Nous avons entendu des adolescents dire qu'ils regrettent leur décision et nous pourrions vouloir les protéger de cela. Mais nous avons des données sociologiques et des études qui démontrent que les adolescents se comportent de la même manière que les adultes lorsqu'ils soupèsent les conséquences des comportements à risque. Je peux fournir les citations à quiconque s'y intéresse et nous avons une déclaration de principes qui sera bientôt en ligne. Une autre étude a examiné la perception répandue selon laquelle les adolescents s'estiment invulnérables face aux répercussions négatives d'un comportement à risque, et cette perception n'était pas étayée par les données.
    Alors, nous pensons que nous protégeons les jeunes contre eux-mêmes, mais la vérité, c'est que si nous voulons donner aux adolescents une forme d'autonomie et voulons qu'ils agissent comme des adultes autonomes, la façon de le faire, ce n'est pas de dire que toute personne âgée de moins de 16 ans ne peut prendre les décisions les plus fondamentales par elle-même, dans toute circonstance.
    Merci, Christina.
    Madame Freeman.

[Français]

    Décidément, le débat prend une autre tournure, cet après-midi. Je remercie M. Bagnell d'avoir formulé sa question.
    Je vous remercie, messieurs Brett et Dodds, d'être venus aujourd'hui.
    Il est vrai que le projet de loi s'adresse aux jeunes et qu'il n'y a aucun mécanisme nous permettant de les consulter, même si cela les concerne, et je m'en excuse.
    Quel processus auriez-vous privilégié pour rencontrer les jeunes à ce sujet? Il n'y a pas de regroupement qui représente des jeunes entre 14 et 16 ans.

[Traduction]

    Le simple fait que ce projet de loi a été présenté par des adultes et non pas par des jeunes qui cherchent de l'aide ou une protection indique qu'au départ il s'agissait d'un geste paternaliste. Si vous aviez voulu présenter ce projet de loi et obtenir l'approbation des jeunes, il existe de nombreux groupes de jeunes partout au pays. À Toronto seulement, on trouve le Toronto Youth Cabinet et des organisme de jeunes. Un grand nombre de ces groupes se sont déjà prononcés contre ce projet de loi. Si on les avait consultés, je crois que le comité de la justice l'aurait su.

[Français]

    Je vous remercie.
    Madame Pate, dans les différents témoignages qu'on a entendus sur ce projet de loi, on a mentionné à plusieurs reprises la difficulté que pourraient avoir les jeunes à consulter un médecin, ainsi que tout ce qui concerne la confidentialité. Pouvez-vous expliquer davantage? Je me suis aussi penchée sur cette question et je me demande si le fait d'augmenter l'âge de consentement fera en sorte que le jeune qui doit voir un médecin n'ira pas en consulter un. Cela me pose un peu un problème.
    Soit dit en passant, messieurs Brett et Dodds, je veux souligner que je suis la mère d'un enfant de 14 ans. Alors, je sais très bien que les jeunes sont fermés comme des huîtres: ils ne parlent pas. En outre, c'est vrai qu'on ne les a pas consultés. Je m'en excuse encore. Cependant, je me demande comment ils pourraient être soustraits sur le plan médical. Pourriez-vous développer ce sujet davantage?
     Je m'excuse, car mon français n'est pas —
    Vous pouvez me répondre en anglais, si vous préférez.
    Oui, merci.

[Traduction]

    Je suis mère d'un adolescent et lorsque je me suis préparé à la présente rencontre, j'ai eu certaines discussions avec les amis de mon fils et avec ma fille — d'âge pépubertaire — et certaines de ses amies et, de manière assez curieuse, les personnes les moins informées étaient celles qui appuyaient le plus le projet de loi. Laissez-moi exprimer cela de cette façon.
    J'avais réfléchi à la question et, en fait, Mme Gilbert et moi avions eu certaines discussions au sujet de toute la question du consentement à un traitement médical. Nous avons parlé précisément des jeunes femmes et nous nous sommes demandées si une jeune personne qui consulte son médecin, s'il y avait une maladie transmise sexuellement ou une autre question de santé sexuelle et qu'elle savait que son partenaire présentait un écart d'âge supérieur à cinq ans, signalerait cette situation, et quelles seraient les conséquences si elle refusait de le faire.
    Je pense qu'il y a d'autres personnes, et probablement que Mme Gilbert elle-même a plus d'information. Je pense qu'il y aurait des ramifications. Il y en a certainement maintenant si les jeunes femmes se rétractent et ne signalent pas la situation ou cachent de l'information dans les cas où le droit pénal présume qu'elles devraient divulguer cette information; alors, je pense qu'il y aurait très vraisemblablement des préoccupations à ce sujet.
    De plus, hier, dans une discussion avec des jeunes des deux sexes qui célébraient un anniversaire, un bon nombre de jeunes femmes ont dit que non seulement elles ne signaleraient par la situation, mais qu'elles pourraient même renoncer à consulter un médecin si elles avaient des craintes à ce sujet, et cela m'a beaucoup inquiétée. Des jeunes gens, y compris mon enfant... Mon fils ne me signale pas nécessairement tout ce qui arrive. Je ne prétends pas tout comprendre. Mais je me suis dit que si ces jeunes me disaient cela dans une discussion assez ouverte, il y a de quoi s'inquiéter quand on pense aux autres questions dont ils pourraient ne pas vouloir parler. Dire qu'ils pourraient ne pas signaler l'activité sexuelle, c'est une chose, mais dire qu'ils ne chercheraient pas à obtenir une aide médicale, c'est là une préoccupation beaucoup plus sérieuse.
    Si notre intérêt véritable, et je pense que c'est le cas pour tout le monde ici, est la protection des jeunes — et, dans mon cas, je suis d'accord pour dire qu'une partie est due à une attitude maternaliste —, j'aimerais croire que même si mon enfant participait à une relation qu'il préfère taire parce qu'il n'est pas assez à l'aise pour m'en parler, il est tout de même assez à l'aise pour consulter son médecin, pour avoir des discussions privées et pour divulguer la situation. Maintenant, je ne suis pas certaine que ce soit vrai.
    Je pourrais soulever d'autres préoccupations, à titre de parent, évidemment, dans un autre contexte, mais dans le cas de cette question particulière, j'ai été étonnée d'entendre cela. J'ai été étonnée d'entendre cela de la bouche d'une jeune femme que je ne connaissais pas particulièrement bien.

  (1325)  

    Merci, madame Freeman.
    Monsieur Trudell, voulez-vous répondre?
    J'allais simplement dire que cela créait évidemment des problèmes réels pour les médecins, le soin des patients par opposition à ses responsabilités, et il s'agit d'une autre question connexe que l'on doit garder à l'esprit dans ce domaine.
    Monsieur Petit.

[Français]

    Bonjour et merci d'être venus livrer votre témoignage aujourd'hui.
    J'ai une question pour Mme Daphne Gilbert. Plus tôt, vous avez attiré mon attention sur une question à laquelle M. Bagnell a aussi fait allusion. Vous avez parlé de l'âge de la célébration du mariage dans les provinces et les territoires. Par exemple, au Yukon, l'âge est fixé à 15 ans. Anciennement, dans la province de Québec, l'âge était fixé à 12 ans et à 14 ans. Toutefois, bien que le mariage soit de compétence fédérale, la célébration relève des provinces. Peut-être faudrait-il apporter cette nuance.
    Le Canada est un pays multiethnique, c'est-à-dire que beaucoup de coutumes s'y retrouvent, et on doit démontrer un grand respect envers elles. Je ne sais pas si vous demeurez en Ontario, mais si c'est le cas, vous êtes passée près de voir adopter la charia comme manière de régler les problèmes matrimoniaux. La charia reconnaît les mariages à un âge beaucoup plus jeune que nous. Imaginez quelle aurait été la situation si vous aviez obtenu la charia par une voix de majorité à l'Assemblée législative de l'Ontario. Si vous l'aviez obtenue, que ferait-on aujourd'hui de ce projet de loi? Le même problème se pose au Yukon, où une loi permet le mariage dès l'âge de 15 ans. L'hypothèse d'une pareille loi en Ontario est presque devenue réalité. Je comprends qu'il y ait un problème constitutionnel, mais on ne s'en sortira pas. C'est comme l'oeuf ou la poule : lequel est venu en premier?
    Le problème constitutionnel que vous soulevez n'a-t-il pas déjà été réglé antérieurement, surtout dans la province de Québec, où l'âge de mariage était fixé à 12 ans et à 14 ans dans le Code civil qui, soit dit en passant, datait de 1866? Essayez d'expliquer votre idée. J'essaie de vous suivre. Je comprends M. Bagnell d'avoir certaines interrogations, car j'en ai aussi. Les interrogations ne touchent pas seulement le Yukon. Vous avez presque eu le même problème en Ontario.

[Traduction]

    Premièrement, sur la question des compétences partagées entre le fédéral et les province sur le mariage, du moins jusqu'à présent, c'est un principe juridique assez bien établi — et il y a eu des décisions réelles rendues à ce sujet — qu'il relève des compétences provinciales, à titre de question de célébration, de fixer les limites d'âge du mariage. C'est un principe qui est certainement accepté uniformément partout au pays à l'heure actuelle. Encore une fois, je répète que c'est en partie parce que nous croyons vraiment que le mariage est une question locale ou liée à la communauté.
    La question concernant la charia est très intéressante et révélatrice : il y a des variations culturelles énormes concernant les attitudes face au mariage et il y a des normes communautaires concernant les attitudes face au mariage. C'est exactement la raison pour laquelle il s'agit d'une compétence provinciale et c'est exactement la raison pour laquelle nous avons de nombreuses façons différentes d'obtenir l'autorisation. Si vous êtes une jeune personne qui désire se marier, dans certaines administrations, il faut le consentement des parents; dans d'autres, vous pouvez vous adresser aux tribunaux pour obtenir une ordonnance et, dans certaines autres, un ministre peut donner l'autorisation. Alors, les provinces ont adopté des approches différentes, selon l'idée qu'elles se font de la collectivité qu'elles représentent.
    Il ne fait aucun doute que ce projet de loi exigera de toutes les provinces et de tous les territoires qu'ils revoient l'âge minimum du mariage en ce qui concerne les mariages qui surviendraient en infraction au Code criminel. Le problème, c'est que vous créez deux régimes, d'une certaine façon : vous allez avoir des mariages légaux entre des personnes âgées de 15 ans et une autre personne si l'écart d'âge est inférieur à cinq ans, mais un problème constitutionnel surviendra si une personne de 15 ans veut marier une personne de 21 ans. Si on laisse de côté les hommes âgés de 40 et 50 ans, je pense que c'est vraiment un problème qui survient principalement dans les cas où le conjoint est tout juste en dehors de l'écart d'âge permis, et c'est là que des petites collectivités, les collectivités nordiques, et les communautés religieuses ont des préoccupations particulières concernant la façon dont elles vont aborder la question du mariage.
    Je pense que ce que nous ne voudrions pas voir, c'est une forme quelconque d'exception pour l'activité sexuelle dans le cadre du mariage pour toutes les raisons entourant la question de favoriser la relation du mariage. C'est une question que les provinces seront appelées à répondre. Vous pourriez avoir une unanimité, elles pourraient toutes être d'accord pour augmenter l'âge absolu à 16 ans, mais vous serez toujours aux prises avec la question de savoir que faire de ces processus dans le cas des gens qui veulent aller devant les tribunaux pour obtenir une ordonnance spéciale leur permettant de se marier. Que fait un juge avec des lois contradictoires sur ce qui constitue une activité sexuelle légale? Voulez-vous que les tribunaux et les parents donnent leur consentement à quelque chose qui autrement constituerait une activité sexuelle illégale? Ce sont toutes des questions importantes.

  (1330)  

    Merci, monsieur Petit.
    Madame Jennings.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup de vos exposés. J'ai quelques questions qui font suite à des suggestions ou à des recommandations qui ont été faites par des témoins qui ont comparu plus tôt ce matin. Avant de poser ces questions, j'aimerais simplement parler de la question de l'absence de consultation auprès des adolescents et adolescentes.
    Normalement, un gouvernement qui envisage d'apporter des modifications substantielles à une loi ou à un cadre juridique particulier entreprend ce qu'on appelle des consultations préalables. Ces consultations informent le public que le gouvernement a l'intention de changer un loi particulière et demande aux gens et aux organismes de faire parvenir leur point de vue par écrit, par courriel ou autrement, et une date limite est fixée. Une fois que l'on a reçu toutes les réponses, elles sont rassemblées et les grands points de vues qui ont été présentés sont résumés.
    Le gouvernement organise ensuite des discussions de groupe, des tables rondes ou quoi que ce soit d'autre, faisant intervenir un nombre représentatif de groupes intéressés. Ce n'est qu'alors que le gouvernement va de l'avant avec le projet de loi lui-même, qui est alors déposé devant la Chambre, etc.
    Je ne suis pas au courant que le présent gouvernement ait fait cela. Je suis au courant que la plainte que nous entendons régulièrement concernant d'autres projets de loi, c'est qu'il n'y a pas eu de consultations préalables et que le processus traditionnel n'a pas été respecté. C'est une question que vous pourriez vouloir adresser directement au présent gouvernement.
    Mes questions font suite à des recommandations formulées par des témoins antérieurs et portent sur l'article discriminatoire, à savoir l'article 159, qui criminalise les relations sexuelles anales si vous avez moins de 18 ans. À l'heure actuelle, il s'agit d'un acte criminel, même avec l'âge de consentement fixé à 14 ans. Cela ne change rien pour les relations sexuelles anales, quel que soit l'âge de consentement; si vous avez moins de 18 ans, c'est un acte criminel.
    Premièrement, cela a été jugé inconstitutionnel par un certain nombre de tribunaux provinciaux, et au moins par la Cour d'appel de l'Ontario, mais la question ne s'est pas rendue jusqu'à la Cour suprême du Canada. L'article devrait être déclaré nul et sans effet. En fait, le gouvernement devrait abroger l'article au complet et il a eu l'occasion de le faire dans le cadre du projet de loi C-22. Si le gouvernement avait entrepris des consultations préalables, peut-être aurait-il entendu suffisamment de témoins et des spécialistes du droit pour décider d'inclure cette modification.
    En vertu des règles qui régissent le Parlement, parce que cet article n'est pas touché par le projet de loi C-22, si nous essayons d'apporter un amendement visant à abroger l'article 159, cet amendement serait jugé irrecevable. Certains témoins ont laissé entendre que nous devrions, en fait, modifier l'article 150.1 du Code criminel, dont il est question dans le projet de loi C-22, en ajoutant l'article 159. J'aimerais savoir si vous avez des observations à ce sujet. Il s'agirait d'une mesure provisoire jusqu'à ce que le gouvernement, dans sa sagesse, décide enfin d'abroger l'article 159 dans sa totalité.
    Il y a un deuxième point sur lequel j'aimerais connaître votre avis. On a également suggéré que plutôt que d'avoir une loi catégorique indiquant que si l'écart d'âge est de cinq ans ou plus, la relation est automatiquement réputée être une relation sexuellement exploitante et on ne peut présenter de défense, il faudrait présumer qu'il s'agit d'une relation sexuellement exploitante, auquel cas il serait possible de réfuter l'argument. Il serait alors possible que quelqu'un qui est âgé de 22 ans fréquente en personne âgée de 16 ans, et ces derniers seraient en mesure de réfuter l'argument. Voilà ma deuxième question.
    Si j'ai le temps —

  (1335)  

    Nous n'aurons pas le temps. Votre temps est presque déjà écoulé à l'heure actuelle.
    J'aime poser les questions de sorte que les témoins puissent toujours répondre par écrit, par l'intermédiaire de la présidence.
    Vous pouvez poser la question, mais la réponse pourrait être courte.
    L'autre point que j'aimerais faire valoir, c'est qu'il y a une préoccupation réelle que les jeunes, même aujourd'hui, ne discuteront pas avec les fournisseurs de soins de santé, avec des gens qui ont de l'information et qui peuvent leur fournir une bonne information sur les relations sexuelles et la santé sexuelle, etc. En fait, cela pourrait devenir un problème encore plus sérieux.
    Étant donné que c'est déjà un problème, je ne pense pas que le projet de loi C-22 soit à ce point substantiel à cet égard. Je pense que le problème, c'est qu'à titre de gouvernement, fédéral ou autre, nous n'avons pas rendu accessibles aux jeunes les mesures et les outils pour faire le genre d'éducation et donner le genre d'information de manière que, premièrement, ils savent ce qu'est la loi et, deuxièmement, ils se sentent à l'aise de se confier aux fournisseurs de soins de santé. J'aimerais avoir vos observations là-dessus.
    Merci.
    J'aimerais demander à ceux qui vont répondre de donner une réponse très courte.
    L'article 159 est en porte-à-faux. Je pense que vous devez trancher l'ambiguïté. Si vous n'y arrivez pas, il faut l'abroger.
    Il est dommage qu'il n'y ait pas de préambule ici. Si vous en aviez un, vous pourriez dire que même si nous respectons les droits des jeunes de prendre des décisions, le gouvernement doit les protéger. Vous pourriez également transmettre le message que vous voulez faire de l'éducation.
    Alors, peut-être qu'il pourrait y avoir un préambule dans ce projet de loi.
    L'une des grandes difficultés de légiférer l'âge du consentement à des activités sexuelles est que la loi en soi n'est pas très bien comprise.
    M. Quist de l'Institut du mariage et de la famille a indiqué que 90 p. 100 de la population est en faveur du projet de loi. Je crois que cet appui est fort probablement attribuable au fait que les dispositions existantes sont si mal comprises. Le grand public ne comprend pas qu'il existe des lois contre l'exploitation sexuelle des enfants et des lois interdisant aux personnes en situation de confiance, de pouvoir et d'autorité d'avoir des contacts sexuels avec des mineurs. On pourrait dissiper une grande partie des inquiétudes de la population à l'égard de l'exploitation sexuelle en informant le public des âges du consentement. C'est un projet exhaustif et complexe.
    Le seul message commun qui se dégagera du projet de loi C-22 n'est pas l'exception reposant sur la proximité d'âge; mais plutôt que l'âge du consentement est porté de 14 à 16 ans. Il enverra un message selon lequel la maturité sexuelle des enfants est absolument non souhaitable; il annoncera quelque peu une évolution culturelle vers les leçons de morale, vers un genre de démarche fondamentaliste à l'égard de la sexualité qui est hautement indésirable.
    C'est cette teneur générale, et non les détails de la réglementation, qui ressortira vraiment sur le plan culturel.

  (1340)  

    Merci, monsieur Gratl. Je suis désolé de devoir mettre fin à votre témoignage.
    Si j'ai bien compris, M. Quist soutient que les citoyens croyaient que leurs enfants étaient déjà protégés et ne savaient pas que les âges étaient si bas à cet égard. C'est ce que j'en déduis, mais M. Quist peut formuler des observations.
    Madame Pate.
    Je dirai très brièvement que j'appuie tout ce que Mme Jennings a dit. Plutôt que de nous répéter, je dirai seulement que nous sommes du même avis.
    Toutefois, nous pensons que plutôt que d'adopter une autre loi à cet égard, notre première priorité serait de cibler les véritables préoccupations et d'appliquer les lois en vigueur.
    J'admets que l'abrogation de l'article 159 est un problème. Cependant, si vous n'êtes pas d'accord et décidez d'aller de l'avant avec une version quelconque du projet de loi C-22, alors j'appuierais tout ce que vous avez dit, y compris les amendements.
    Monsieur Dodds ou monsieur Brett, vous pouvez prendre la parole.
    J'aimerais parler du renversement du fardeau de la preuve, surtout lorsqu'il s'agit de prouver qu'une relation n'est pas exploitante.
    En affirmant que vous pouvez prouver dans un tribunal qu'une relation n'est pas de nature exploitante, vous dites que ce n'est pas une question facile à trancher. Il y a beaucoup de zones grises. Il y a des situations où des particuliers peuvent être dans des relations non exploitantes.
    Par ailleurs, si cette disposition était adoptée, cela renverserait le fardeau de la preuve -- la présomption d'innocence jusqu'à preuve du contraire. Ce serait inconstitutionnel en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, et ce n'est pas une disposition réaliste, à mon avis.
    Monsieur Quist.
    Je précise que la question était « Croyez-vous que le gouvernement fédéral devrait majorer l'âge du consentement actuel de 14 à 16 ans? ». Quatre-vingt pour cent des répondants ont dit oui.
    Je crois que la sensibilisation est importante dans ce dossier, tout comme dans tous les dossiers d'ailleurs. Malheureusement, la loi est très vague et complexe de bien des façons... et je ne suis ni juriste ni avocat. Je crois que nous connaissons souvent, ou croyons connaître, seulement les parties de la loi auxquelles nous sommes confrontés sur des questions données, que ce soit dans les biens immobiliers ou d'autres sujets. La sensibilisation du public est une importante question à laquelle vous, en tant que législateurs, êtes confrontés quotidiennement.
    Merci, monsieur.
    Madame Gilbert.
    Je tiens à dire que j'espère que ces deux jeunes hommes poseront leur candidature à ma faculté de droit — je vais leur remettre ma carte — car je trouve qu'ils s'acquittent avec brio aujourd'hui.
    En ce qui concerne mon opinion sur une deuxième option si le projet de loi est adopté, je devrais me ranger de l'avis de Mme Pate et appuyer ce que vous soutenez.
    Pour ce qui est de la présomption réfutable, je crois que le problème est que vous véhiculez encore le message d'un comportement criminel. Vous diffusez encore le message que les jeunes filles ne contrôlent pas leur maturité sexuelle. Vous appréhendez encore des gens dans un système de justice pénale. La présomption réfutable serait seulement efficace s'il y a véritablement un procès, et nous savons que la majorité des causes de cette nature ne font pas l'objet d'un procès. Les gens font des négociations de plaidoyers pour éviter les coûts et les conséquences d'être pris dans l'engrenage du système.
    Alors, je trouve cette solution bien mauvaise, quoi que j'imagine que c'est préférable à une interdiction générale.
    Merci.
    Monsieur Brown.
    Nous poursuivrons avec M. Comartin tout de suite après.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vais répondre à certaines observations puis j'aurai une question à poser à M. Quist.
    L'un des commentaires que j'ai entendus au début de cette audience est qu'un grand nombre de jeunes sont contre le projet de loi. Je tiens à signaler que j'ai reçu deux pétitions dans ma circonscription de deux groupes de jeunes qui étaient vivement en faveur de la mesure législative, l'une de l'église St. John Vianney et l'autre de l'église St. Mary's. Elles étaient signées par des centaines de jeunes qui admirent énormément la vision de ce Parlement — et pas seulement du gouvernement, car un grand nombre de partis l'appuient — et croient que c'est la bonne chose à faire pour protéger les enfants.
    J'ai aussi entendu dire que c'est une érosion d'une maturité sexuelle des jeunes. J'aimerais signaler que ce n'est pas le cas. Si un jeune de 15 ans a des relations sexuelles avec un autre jeune de 17 ans, il n'y a pas érosion. Ils peuvent choisir de le faire. Mais ce que cela signifie, c'est une érosion de l'exploitation des enfants, dont il y a lieu d'être fiers. C'est une érosion au sens qu'une personne de 50 ans ne pourra pas avoir de relations sexuelles avec un jeune de 15 ans. C'est la seule érosion, et je crois que c'est quelque chose qu'un grand nombre de jeunes appuieront fermement et dont ils seraient fiers.
    J'ai également entendu dire que c'est un pas vers le fondamentalisme, ce qui m'a beaucoup étonné. Je crois que cela veut dire que la société canadienne évolue vers le fondamentalisme. Car c'est ce que cela insinue. Ce sont les valeurs de la majorité. Pour utiliser le terme juridique, si vous admettez d'office quelque chose, je crois qu'il serait juste d'affirmer que la majorité, la vaste majorité des Canadiens, croient qu'il est inacceptable qu'une personne de 50 ans ait des rapports sexuels avec un jeune de 15 ans. Cette mesure législative vise à protéger les enfants. C'est avant tout le but qu'elle vise. C'est pourquoi elle est si vivement appuyée par tous les partis politiques.
    Cette mesure législative est très utile à cet égard. C'est pourquoi nous voyons ces rubans blancs dans tout le pays, partout où nous sollicitons les encouragements et les appuis. Dans l'ensemble, les Canadiens de tous les groupes d'âge, de toutes les régions, appuient fermement la mesure législative.
    Je crois qu'il y a plusieurs raisons à cela mais, monsieur Quist, pourriez-vous nous parler des conséquences à long terme du projet de loi? J'aimerais notamment que vous parliez des enfants exploitées que cette mesure législative pourrait potentiellement protéger. Nous ne pourrons évidemment jamais protéger contre toutes les agressions, tous les crimes, toutes les exploitations, mais pour les enfants à qui le projet de loi peut venir en aide, le fait ce projet soit adopté et empêcher un crime à l'avenir, quels sont les avantages pour les gens qui n'ont peut-être pas cette érosion dans leur vie? Pour les enfants qui sont exploités, les taux de problèmes familiaux seront-ils plus élevés? Y aura-t-il des taux de divorce plus grands? Le taux de consommation de drogue sera-t-il plus élevé? Le taux de criminalité sera-t-il plus élevé? Votre groupe a-t-il des données probantes qui pourraient avancer que les perspectives d'avenir des enfants qui sont agressés ou exploités à un jeune âge seraient brisées?
    Si un enfant est exploité à un très jeune âge, je crois que bien des gens s'inquiéteront des préjudices causés à leur croissance. Il serait intéressant que des études mettent en évidence les répercussions de cette exploitation, pas seulement dans le moment tragique immédiat, mais 10 ou 20 ans plus tard, pour savoir ce qui arrive à ces victimes.

  (1345)  

    Un grand nombre de recherches en sciences sociales ont été menées dans ce domaine. Je ne les ai pas avec moi. Je serais ravi de les remettre au président et à la greffière du comité pour qu'elles soient distribuées aux autres membres.
    Il existe certes des données probantes qui montrent que ces enfants et ces jeunes exploités sexuellement ont souvent des taux élevés de formes d'abus diverses plus tard dans leur vie, notamment de toxicomanie, de violence psychologique, et le pire des scénarios étant évidemment le suicide. Ils ne poursuivent généralement pas leurs études aussi loin qu'ils le pourraient et ne réalisent pas leur plein potentiel. C'est souvent considéré un grand obstacle qui a changé leur vie.
    Je me ferai un plaisir de soumettre ces renseignements au comité, monsieur le président et madame la greffière, pour les mettre en évidence et les corroborer. Au Canada, aux États-Unis et partout dans le monde, les sciences sociales sont assez fiables.
    Allez-y, monsieur Brown.
    Mme Pate voulait répondre à votre question.
    Puisque je sais que mon temps de parole est restreint, j'ai une dernière question pour M. Brett et M. Dodds, pour qu'ils donnent au comité une idée de leur position.
    Cette mesure législative gouvernementale propose de fixer l'âge du consentement minimal à 16 ans, ce avec quoi nous sommes d'accord. Quelle est votre opinion, faire le contraire? Votre organisation croit-elle que 14 ans est l'âge convenable, ou croyez-vous que c'est approprié à 13 ou à 12 ans? D'après vos arguments, à supposer que nous minons l'autonomie et les droits des jeunes de 14 ans, dites-vous que ce serait aussi le cas avec un jeune de 13 ans? Dans la négative, pourquoi y a-t-il une différence entre un jeune de 13 ans et un autre de 14 ans? Quelle est, selon vous, la limite à ne pas dépasser pour protéger les enfants? Y en a-t-il effectivement une?

  (1350)  

    Notre comité a été formé pour s'opposer aux mesures législatives proposées par le gouvernement conservateur. Notre comité n'est pas établi pour déterminer quel devrait être l'âge du consentement au Canada, mais pour s'opposer aux mesures législatives proposées.
    Vous n'avez aucune opinion à savoir si l'âge de 13, 12, 11, 10 ou 9 ans serait inapproprié?
    Ce n'est pas vraiment le moment d'en discuter. Nous parlons d'un projet de loi proposé par le gouvernement.
    Nous devons nous élever contre ce projet de loi. Nous n'élaborons pas une mesure législative relative à l'âge du consentement. C'est déjà —
    C'est ce que nous étudions. Nous examinons la mesure législative relative à l'âge du consentement, et nous allons évidemment recueillir l'avis des gens. Nous voulons examiner ces avis sous tous leurs angles.
    Ce n'est pas très utile, mais c'est correct.
    Merci.
    J'aimerais émettre une autre observation. En réponse au commentaire « ce sont les valeurs de la majorité », j'aimerais préciser qu'un sondage mené récemment a révélé qu'un plus grand nombre de Canadiens estimaient que l'adultère était pire que des rapports sexuels avant l'âge de 16 ans. Je me demande si nous allons ensuite débattre de l'adultère au Comité de la justice.
    Qui sait? Nous débattons de toutes les questions qui viennent sur le tapis. Il se pourrait que certains citoyens désirent proposer le sujet. Pour l'instant, nous discutons de l'âge du consentement.
    Madame Pate.
    Pour répondre à la question que vous avez posée, monsieur Quist, je crois que c'est précisément l'argument que j'essayais de faire valoir.
    Vous présentez ce projet de loi comme s'il allait régler tous ces problèmes, mais il n'en sera rien dans les faits. Il traite d'une question très particulière. Si l'exploitation sexuelle et les agressions à l'endroit des enfants vous préoccupent, alors il y a de nombreuses autres questions qui doivent être ciblées également. Je reconnais que pour des raisons politiques, c'est probablement le genre de message que vous tentez de véhiculer. C'est pratiquement l'impression que vous avez donnée maintenant, une tentative de décrire ce projet de loi comme étant en fait un moyen de faire cesser les agressions sexuelles à l'endroit des enfants, et ce n'est clairement pas la raison d'être du projet de loi.
    Monsieur Comartin.
    J'aimerais juste apporter une précision, monsieur le président. J'ai fait référence à ce tableau. Il est difficile à copier, mais je vais le copier sous une forme ou une autre et le distribuerai à une séance subséquente.
    Monsieur Gratl, il y a peut-être quelque chose qui m'a échappé, mais vous avez soulevé la question d'une défense invoquant l'erreur sur l'âge, et toute la question générale s'y rattachant. Je croyais qu'il y avait une clause précise dans le projet de loi au premier article 150.1 qui traitait de la question. Enfin, c'est ce que je pensais. Ai-je manqué quelque chose?
    Peut-être pas.
    D'accord, car il semble que l'article stipule que si vous avez un motif, ou un argument fondé sur la diligence raisonnable — ce sont les termes qu'ils utilisent — c'est une défense dont l'accusé peut se prévaloir « que s'il a pris toutes les mesures raisonnables pour s'assurer de l'âge du plaignant ». Je crois que cela s'inscrit dans la diligence raisonnable.
    L'obligation de prendre « toutes les mesures raisonnables » est peut-être trop élevée. On devrait peut-être remplacer l'expression par « des mesures raisonnables ». Dans les circonstances, « toutes les mesures raisonnables » représentent peut-être un fardeau trop lourd.
    J'imagine qu'ils ont utilisé ces termes car ce sont les mêmes que pour les jeunes de 12 et de 13 ans et pour la défense fondée sur la différence d'âge de deux ans et sur la faible différence d'âge.
    C'est bien possible.
    J'ai terminé, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur Comartin.
    Une dernière question pour Mme Freeman.

[Français]

    C'est la dernière question; on va procéder rapidement. On a souvent parlé de l'écart de cinq ans. J'aimerais que M. Trudell revienne un peu sur cette période arbitraire de cinq ans. Les relations entre un jeune de 15 ans et un adulte de 21 ans sont devenues tout à fait illégales.
    Pouvez-vous nous en parler davantage?

[Traduction]

    Je viens juste de prendre connaissance d'une déclaration formulée par un témoin qui a comparu antérieurement ici qui est peut-être une présomption. Il a soulevé la question d'inverser le fardeau de la preuve. Je crois que cela mérite d'être considéré pour que nous puissions examiner les circonstances de chacun puisque nous discutons de lois criminelles et de sanctions à imposer selon les circonstances. Il peut arriver que l'on soit convaincu qu'il ne s'agit pas d'une situation d'exploitation.
    Ce qui sera très important est que toutes sortes d'autres comités et le gouvernement et le Comité de la justice qui mènent des travaux sur l'accès à la justice et les lacunes du système judiciaire songent à examiner d'abord les causes. Ces nouveaux articles exercent réellement des pressions sur les autorités policières et la Couronne pour qu'ils veillent avant tout à ce que ces causes ne soient pas juste remises aux mains du système mais qu'elles soient examinées efficacement. Je crois qu'il sera très important que ce message soit transmis.

  (1355)  

    Je vous remercie, monsieur Trudelle et madame Freeman.
    Je tiens à remercier les témoins d'être venus aujourd'hui. Vos témoignages ont été certes très utiles au comité, et nous délibérerons sur vos commentaires.
    La séance est levée.